Pas un mois, pas une semaine ne se passe sans l'annonce de nouvelles attaques qui viennent détériorer toujours un peu plus les conditions de vie de chaque prolétaire.
En France, l'année 2005 s'ouvre avec la poursuite du démantèlement de la protection sociale : hausse de la CSG sur les salaires et les pensions, augmentation du forfait hospitalier, racket d'un euro sur chaque consultation et sur chaque acte médical, contrôle renforcé des arrêts de maladie, déremboursement total ou partiel de certains frais médicaux. En même temps, les plans de licenciements et les chantages à la délocalisation se multiplient, la chute du pouvoir d'achat s'accélère, les conditions d'exploitation s'aggravent.
La classe dominante cherche à masquer par tous les moyens que, face à l'aggravation de la crise au niveau mondial, elle n'a pas d'autre choix que d'attaquer partout de plus en plus durement la classe ouvrière. C'est pour empêcher les prolétaires de prendre conscience de la faillite ouverte et irrémédiable du capitalisme et pour cacher les véritables enjeux de la situation que la bourgeoisie développe une série de campagnes idéologiques.
Ainsi, le gouvernement à travers le "contrat 2005" de Raffarin fait semblant de s’en prendre aux lois Aubry sur les 35 heures en mettant en avant la "liberté" d’un temps de travail "choisi" à la carte, avec la possibilité de "travailler plus pour gagner plus" (en réalité, la liberté pour le chef d’entreprise d’exploiter ses salariés à sa guise, autant d’heures qu’il le souhaite) avec la complicité de la gauche qui clame qu’il s’agit d’une remise en cause et d’un démantèlement du soi-disant "acquis social" qu’elle avait instituée. C’est un mensonge et de la pure hypocrisie ! Il ne s’agit en réalité que de pousser toujours plus loin la "flexibilité" à laquelle les lois Aubry avaient servi de rampe de lancement pour rendre les ouvriers corvéables à merci.
Tous les efforts déployés par la bourgeoisie visent à faire croire que des "solutions" existent à l'intérieur de ce système. Les ouvriers n'ont aucune illusion à se faire sur le "dialogue social", la "concertation démocratique" qui sont autant de pièges dressés par la bourgeoisie pour exiger d'eux toujours davantage de nouveaux "sacrifices". Le "plan de cohésion sociale" du ministre Borloo se résume à une mise en scène de nouvelles violentes attaques antiouvrières. Sous prétexte de ramener les RMIstes et les chômeurs de longue durée dans le monde du travail, il se prépare à leur donner le choix dans une nouvelle forme de contrat de travail, entre la misère sans travail et la misère en travaillant en fournissant aux associations et aux collectivités locales une main d’oeuvre à très bas coût. La majoration de rémunération du travail de nuit ne sera plus appliqué à partir de 21 heures mais repoussée à minuit ! Quant à la création de 500 000 logements sociaux d’ici 2009, annoncée à grands renfort de publicité, ce n’est que de la poudre aux yeux : ces fameux nouveaux "logements sociaux" seront loués à des prix inaccessibles pour une majeure partie des salariés.
Ces dernières semaines, en France, la campagne ultra-médiatisée pour le référendum sur la Constitution européenne au sein du PS et l’élection de Sarkozy à la tête de l’UMP ont polarisé l’attention des prolétaires. Un autre débat a récemment pris le relais : pour ou contre l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. Au-delà des enjeux bien réels des rivalités au sein de la gauche comme au sein de la droite de la bourgeoisie française sur ces questions, tout ce battage idéologique sert en priorité à brouiller les pistes, à polluer et à enrayer le développement de la conscience et de la réflexion au sein de la classe ouvrière face à la situation pour l’entraîner sur un terrain qui n'est pas le sien. En mettant sur le devant de la scène un débat pour ou contre la Constitution européenne, la classe dominante pousse les ouvriers sur le terrain de la démocratie, à se mobiliser sur le terrain électoral en vue du prochain référendum national programmé en 2005. En faisant une large publicité au camp du "non", la classe dominante tente de redonner un nouveau souffle aux thèmes altermondialistes, et à préparer pour l’avenir l'émergence d’un large pôle de contestation anti-libéral, protestataire, d'opposition, à laquelle participent déjà le PCF ou les organisations trotskistes. La classe ouvrière ne doit pas se laisser piéger par tout l'appareil de gauche et syndical de l'Etat capitaliste qui essaie de pourrir ainsi sa riposte aux attaques contre ses conditions de vie.
Contrairement à la propagande de la bourgeoisie, ces attaques ne sont pas limitées à tel ou tel type de gouvernement, à tel ou tel pays, à tel ou tel mode de constitution, de communauté monétaire ou de partenariat économique. Les mêmes attaques qui se déroulent en France sont non seulement appliquées simultanément dans le reste de l'Europe mais aussi aux Etats-Unis, au Brésil, sur tous les continents. En Allemagne, en Espagne, en Italie, les ouvriers ont commencé à y répondre en développant leurs luttes sur leur propre terrain de classe. La seule voie pour être en mesure de résister aux attaques pour la classe ouvrière, c’est l’union grandissante de ses forces en vue de renverser ce système. Il n'y en a pas d'autre possible.
Wim
Depuis le premier tour de l'élection présidentielle du 31 octobre, l'Ukraine vit à l'heure d'une crise politique qui met aux prises la fraction pro-russe de Leonid Koutchma et Viktor Ianoukovitch avec celle de l'opposant réformateur Viktor Ioutchenko, défenseur déclaré d'une "ouverture vers l'Ouest". Le tout sur fond de tensions diplomatiques et de déclarations menaçantes de la part de la Russie auxquelles répond un durcissement des pays européens et surtout des Etats-Unis. La contestation des élections archi-truquées des 31 octobre et 21 novembre a ainsi débouché sur le développement de manifestations massives dans la capitale ukrainienne, avec l'occupation du centre de Kiev et le blocage de l'accès au Parlement par les manifestants "jusqu'à la victoire de la démocratie". La "révolution orange" est en marche, a-t-on entendu de toutes parts, non seulement du côté des partisans de Ioutchenko mais aussi du côté des médias des grands pays démocratiques qui ont monté au pinacle cette "volonté" du peuple ukrainien de se "libérer" de la clique inféodée à Moscou. Photos et reportages à l'appui, les témoignages n'ont pas cessé d'abonder dans la presse : "Les gens n'ont plus peur", "nous pourrons parler librement", "les gens qui se croyaient intouchables ne le sont plus", etc. Bref, l'espoir d'une vie meilleure et plus libre s'ouvrirait pour la population et la classe ouvrière en Ukraine et, preuve que la démocratie avance, un troisième tour des élections a été imposé pour le 26 décembre, avec la perspective de victoire électorale quasi-assurée de Ioutchenko !
Derrière tout ce battage, l'enjeu réel n'est nullement dans la lutte pour la démocratie. Il se trouve en réalité dans l'affrontement de plus en plus aigu entre les grandes puissances, et particulièrement dans l'offensive actuelle menée par les Etats-Unis, dans le cadre de leur stratégie dite du "refoulement", contre la Russie avec la perspective de faire sortir l'Ukraine de la zone d'influence russe. Il est significatif que la grande colère de Poutine est dirigée essentiellement contre l'Amérique car c'est elle qui est derrière le candidat Ioutchenko et son mouvement "orange".
Lors d'un discours prononcé à New Dehli le 5 décembre, le chef du Kremlin accusait ainsi les Etats-Unis de vouloir "remodeler la diversité de la civilisation, en suivant les principes d'un monde unipolaire égal à une caserne" et de vouloir imposer "une dictature dans les affaires internationales agrémentée d'une belle phraséologie pseudo-démocratique". Il ne s'est par ailleurs pas gêné de renvoyer aux Etats-Unis la réalité de leur situation en Irak en précisant au premier ministre irakien à Moscou le 7 décembre qu'il n'imaginait pas "comment on peut organiser des élections dans les conditions d'une occupation totale par des troupes étrangères" ! C'est dans la même logique que le président russe s'est également opposé à la déclaration commune des 55 Etats de l'OSCE pour appuyer le processus de sortie de la crise en Ukraine et confirmer le rôle de l'organisation dans la surveillance de la tenue du troisième tour de l'élection présidentielle le 26 décembre. Au camouflet infligé à Poutine par la "communauté internationale" de refuser de reconnaître son "poulain" s'en ajoute un autre avec l'envoi annoncé de plusieurs centaines d'observateurs, non seulement des Etats-Unis, mais entre autres du Canada, de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne.
Depuis la dislocation de l'URSS, et la constitution en catastrophe de la Communauté des Etats Indépendants en 1991, destinée à sauver les débris de son ex-empire, la Russie n'a cessé d'être menacée sur ses frontières, du fait même de la tendance permanente à l'éclatement qui lui est inhérente, et sous la pression de l'Allemagne et des Etats-Unis. Le déclenchement de la première guerre tchétchène en 1992, puis de la deuxième en 1996, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, a exprimé la brutalité d'une puissance sur le déclin tentant de sauvegarder coûte que coûte sa mainmise sur la région du Caucase, stratégiquement vitale pour l'Etat russe. Il s'agissait pour Moscou de s'opposer par cette guerre aux menées impérialistes de Washington visant à déstabiliser la Russie et à celles de Berlin qui développait une agressivité impérialiste indéniable, comme on l'avait vu au printemps 1991 avec son rôle de premier ordre dans l'éclatement du conflit yougoslave.
La question du Caucase est pour autant loin d'être réglée car les Etats-Unis continuent résolument à y avancer leurs pions. C'est le sens qu'il faut donner à l'éviction de Chevarnadzé en 2003 avec la "révolution des roses" qui a porté une clique pro-américaine au pouvoir. Ce qui a permis à l'Amérique d'installer des troupes dans le pays, en plus de celles déjà présentes au Kirghizistan et en Ouzbékistan, au nord de l'Afghanistan, venant renforcer leur présence militaire au sud de la Russie et leur menace d'encerclement de celle-ci. Avec la question de l'Ukraine, qui a toujours été, que ce soit pour la Russie tsariste ou soviétique, une pièce maîtresse, le problème se pose de façon bien plus cruciale encore aujourd'hui pour l'Etat russe.
Au niveau économique, le "partenariat" entre l'Ukraine et la Russie est de première importance pour Moscou, mais c'est surtout au niveau stratégique et militaire que le contrôle de l'Ukraine lui est plus vital encore que le Caucase.
D'abord parce que, si Moscou a perdu toute possibilité d'avoir un accès direct à la Méditerranée, cette dernière est la seule et dernière voie qui lui reste vers l'Asie et la Turquie via la mer Noire où se trouvent en outre la base nucléaire russe de Sébastopol et la flotte russe. De plus, la perte de l'Ukraine reculerait de façon dramatique la position russe face aux pays européens, en premier lieu l'Allemagne, et affaiblirait tout autant sa capacité à jouer un rôle dans les destinées de l'Europe et des pays de l'Est, pour la plupart déjà largement pro-américains. Mais de plus, il est certain qu'une Ukraine tournée vers l'Ouest (donc contrôlée par celui-ci et en particulier par les Etats-Unis), mettant plus à nu que jamais l'inanité grandissante du pouvoir russe, provoquerait une accélération du phénomène d'éclatement de la CEI, avec son cortège d'horreurs. Sans compter qu'il est plus que probable qu'une telle situation ne pourrait que pousser des régions entières de la Russie elle-même (dont les petits potentats locaux ne demandent qu'à ruer dans les brancards) à déclarer leur indépendance, encouragées par les grandes puissances déjà à l'œuvre.
C'est donc une question de vie ou de mort qui se pose pour la Russie aux abois et cela dans un futur proche. Aussi, il est certain que Poutine fera tout pour maintenir l'Ukraine dans son giron, ou tout du moins ne laissera pas le gâteau partir sans en réclamer sa part, quitte à le réduire en miettes.
Ainsi, Moscou pousse des régions de l'Ukraine, en particulier de l'Est et du Sud à faire sécession, alimentant ainsi un chaos certain et la déstabilisation de la région.
Il ne ferait qu'en cela répondre à la même logique que ses rivaux américains de l'administration Bush dont la politique impérialiste aggrave chaque jour la barbarie la plus terrible.
Par cette tentative de prise en mains de l'Ukraine, les Etats-Unis ne font pas qu'accentuer leur pression sur la Russie pour la faire reculer sur ses frontières et étendre leur propre zone d'influence. Ils continuent en effet parallèlement leur politique d'encerclement de l'Europe, initiée avec le déclenchement de la guerre en Afghanistan et, plus spécifiquement, ils visent à bloquer l'extension de l'Allemagne vers l'Est.
L'est de l'Europe est en effet la zone "naturelle" de l'expansion impérialiste allemande. On l'a vu tout particulièrement à l'époque du troisième Reich dont l'attention était surtout tournée vers cette région du monde, mais aussi lors de la Première Guerre mondiale. Aussi, si la bourgeoisie allemande reprend à son compte le discours de sa rivale américaine pour "dénoncer" la Russie et sa politique "néo-colonialiste" en Ukraine, c'est pour mieux pouvoir en tirer les fruits pour son propre compte dans l'avenir.
Ce n'est donc pas seulement un jeu à deux qui se déroule en Ukraine, mais à trois et qui ne prépare pas des lendemains radieux pour la population ukrainienne, au contraire. Car, si jusqu'ici elle était prise dans les filets de la bourgeoisie russe, c'est à présent trois larrons qui vont s'entredéchirer et s'efforcer de semer le chaos dans ce pays, avec toutes les répercussions qu'une telle situation peut avoir au niveau régional et mondial.
Il est certain par exemple que cette avancée des Etats-Unis ne restera pas sans effet, non seulement sur l'Ukraine, la Russie et la CEI, mais aussi sur l'ensemble de la région de l'Asie centrale. Et si ce sont les grandes puissances qui sont les premières à semer le désordre, il ne faut surtout pas négliger la capacité de nuisance des puissances régionales comme la Turquie et l'Iran qui ne restent pas inactives et viennent alimenter elles aussi la dynamique vers le chaos. La tendance à l'éclatement et à la guerre civile permanente, qui prévaut dans cette gigantesque zone et qui s'est grandement aggravée avec la guerre en Irak, va donc trouver un levier indirect dans ce nouveau point de focalisation et d'aggravation des tensions impérialistes. Cette déstabilisation ne peut à son tour qu'avoir de graves conséquences dans une nouvelle fuite en avant dans la guerre de la part de nombreux pays (dont au premier chef l'Amérique elle-même dans sa course folle pour le contrôle de la planète) avec l'émergence de nouveaux foyers de tensions guerrières.
Le "choix" démocratique qui est présenté en Ukraine est un leurre et un piège. La population ukrainienne est réduite à l'état de pions, manipulés et baladés derrière l'une ou l'autre des fractions bourgeoises rivales agissant elles-mêmes pour le compte de telle ou telle puissance impérialiste. La "victoire de la démocratie" ne réglera en rien la situation de misère des ouvriers en Ukraine mais va au contraire les entraîner à se mobiliser pour la défense de la patrie "démocratique" (après les générations précédentes qui étaient conduites à défendre la patrie "socialiste") et à accepter les sacrifices "orange" que leur demanderont immanquablement les futurs dirigeants de l'Ukraine. Rappelons que le "démocrate" Ioutchenko n'a pas manqué d'imposer des sacrifices à la classe ouvrière lorsqu'il était premier ministre et banquier du gouvernement pro-russe qu'il dénonce aujourd'hui avec tant de zèle. La clique qui se prépare à saisir le pouvoir n'a rien à envier à la précédente et les clivages qui la traversent n'annoncent en rien une quelconque stabilité. Les perspectives de démocratie servent à entretenir des illusions sur la possibilité de réformer le système capitaliste, de le transformer graduellement vers un "mieux" toujours plus hypothétique. Elles vont exiger que le prolétariat courbe l'échine pour faire passer l'intérêt "supérieur" de l'Etat démocratique avant de "mesquines" revendications alimentaires.
La perspective de créer un monde de "citoyens" dans une démocratie oeuvrant à une humanité heureuse est une illusion qui vise à tuer la conscience de la nécessité de renverser le capitalisme, ce système qui engendre toujours plus de barbarie et de chaos.
Mulan (17 décembre)
Malgré la baisse du dollar, la hausse du pétrole, les spécialistes de la prévision économique se veulent rassurants puisque les taux de croissance sont positifs pour 2004 : 4,7% pour les USA, 3% pour le Japon, 1,6% pour la zone euro, 9,1 % pour les trois premiers trimestres de 2004 pour la Chine. Comment interpréter ces résultats ? L’économie mondiale irait-elle mieux ? Les Etats-Unis et surtout la Chine que la bourgeoisie présente comme un nouvel Eldorado peuvent–ils être les locomotives du monde pour relancer l’économie y compris en Europe ?
Pour répondre à ce questionnement, il est nécessaire, tout d’abord, d’analyser la situation de la première puissance mondiale, pour se rendre compte que la bourgeoisie utilise à nouveau la méthode Coué pour cacher au prolétariat la faillite croissante de son système.
S’il y a une chose sur laquelle l’ensemble des spécialistes de l’économie mondiale ne se trompe pas, c’est sur la gravité de l’endettement de la première puissance mondiale. Pour relancer la machine économique, l’administration américaine a laissé filer les déficits publics et commerciaux. Elle a financé de façon artificielle la consommation des ménages (cette consommation représente plus des deux tiers du PIB américain et a une influence déterminante sur l’activité économique), par le biais de la baisse massive des impôts en direction des ménages décidée après la récession de 2001 (en fait ce sont des baisses répétées en 2001, 2002, 2003, et 2004, pour un total de 1 900 milliards de dollars sur 10 ans) et les taux d’intérêts des emprunts bancaires ramenés au plus bas depuis 1945 (la FED a abaissé le taux d’emprunt à 1%). Malgré ces mesures, la croissance économique est retombée à 3,5% contre 5% il y a quelques mois. La confiance des consommateurs a encore baissé en octobre 2004, à son plus bas niveau depuis 7 mois, et les déficits ne cessent de se creuser. L’administration américaine parle même des "twin deficits" pour qualifier leur gravité. Le déficit budgétaire s’est élevé à 413 milliards de dollars, après les 377 milliards de dollars de 2003. Pour les experts, on s’attend à accumuler 3 000 milliards de dollars de dettes supplémentaires d’ici à 2011. "Le gouvernement doit emprunter aujourd’hui 1,1 milliard de dollars par jour et dépense plus à assurer le service des intérêts de la dette (159 milliards), ce qui correspond aux budgets cumulés de l’éducation, de la sécurité intérieure, de la justice, de la police, des anciens combattants, de l’exploration spatiale et de l’aide internationale." (Le Monde du 4 novembre). Quant au déficit commercial, il dépasse les 650 milliards de dollars, soit 5,7% du PIB. La situation n’est pas meilleure pour les autres Etats capitalistes. La flambée du pétrole et l’envolée de l’euro devraient ramener les taux de croissance en Europe, au maximum à 2%, dans un contexte où les dettes publiques ne cessent de croître et où aucun Etat européen n’est en mesure de respecter les 3% de déficit, fixés par le traité de Maastricht. Plus de 4,1% de déficit pour la France, 3,9 pour l’Allemagne, 3,2 pour l’Angleterre (le double de l’année précédente) plus de 4% pour l’Italie.
Les sommets du G7 se suivent et se ressemblent dans le fait que derrière les discours unitaires et volontaristes pour avoir des politiques communes, c’est l’inverse qui se produit dans la réalité. L’aggravation de la crise et notamment de l’endettement américain, avec des risques inflationnistes, tend à accroître l’aspect concurrentiel qui est à la base même du système capitaliste. Avec la baisse des taux d’intérêts, l’administration américaine a développé une politique de baisse du dollar vis-à-vis de l’euro, la principale monnaie concurrente pour pouvoir gagner des parts de marché à l’exportation et faire baisser le niveau de sa dette financière. Cette politique de "dévaluation compétitive" a déjà été utilisée par les Etats-Unis, dans les années 1980 et en 1995. Ce qui diffère aujourd’hui, c’est le contexte dans lequel le gouvernement américain utilise cette baisse du dollar ; à savoir l’accumulation sans précédant de l’endettement de son économie. Malgré la pression sur les puissances économiques rivales permise par la baisse du dollar, les exportations américaines ne représentent toujours que 75% des importations, venant rendre encore plus criante l’insolvabilité de la dette américaine. Dans cette guerre économique qui fait rage, alors que le dollar a perdu 25% de sa valeur, le déficit extérieur s’apprête à dépasser 5,5% du PIB américain. "Le ramener en dessous de 3,5 % du PIB, ce qui semble l’objectif, nécessite sans doute une dépréciation supplémentaire du dollar de 35% contre toute monnaie. La baisse du billet vert est la tentative pour tenter de conduire l’économie américaine vers de meilleurs équilibres. L’euro devrait monter à 1,70 pour 1 dollar, pénalisant fortement les exportations européennes." (Les Echos du 6 novembre) Face à cette perspective d’une baisse sans précédent du dollar, les principaux pays européens et le Japon (dont la petite reprise économique est basée sur la relance des exportations) menacent ouvertement les Etats-Unis d’une intervention sur les marchés financiers par le biais de leurs banques centrales pour faire remonter la devise américaine. La gravité de la situation actuelle ne réside pas tant dans la concurrence entre les pays industrialisés, ce qui est l’essence même du capitalisme, que dans la tendance à ce que cette concurrence dans le cœur même du capitalisme (Etats-Unis, Canada, Europe, Japon) tende à remettre en cause le minimum d’entente qui existait jusqu’alors entre les grandes puissances pour rejeter les effets de la crise sur le reste du monde.
Dans ce contexte d’endettement monstrueux des principaux pays développés et de baisse du dollar, l’envolée du prix des matières premières, et notamment du pétrole, est venu réactiver le spectre de l’inflation, qui avait fait des ravages sur l’économie mondiale au cours des années 1970. D’où cette mise en garde du FMI : "Attendre trop longtemps avant de réagir aux premiers signes de l’inflation pourrait s’avérer cher à réparer, et coûterait aux banques centrales une partie de la crédibilité qu’elles ont mis tant de temps à construire dans les années 1980 et 1990." (Le Monde du 1er octobre) Malgré cette mise en garde, les experts bourgeois focalisent l’attention sur les causes de cette hausse, qui serait dues à une forte demande de pétrole au niveau mondial, notamment de la Chine et des Etats-Unis et à une certaine instabilité qui ne serait que provisoire au niveau des approvisionnements, si certains pays producteurs pouvaient augmenter leur quota de production. A l’opposé, l’analyse marxiste situe ce phénomène dans un cadre d’analyse plus globale. Contrairement aux hausses précédentes de 1973, 1979 ou de 1997 et 2000, largement utilisées par les Etats-Unis dans la guerre commerciale contre les autres Etats capitalistes, l'Europe et le Japon notamment (voir notre article "La hausse du prix du pétrole : une conséquence et non la cause de la crise" dans la Revue Internationale n°19), cette hausse a fortement pénalisé l’économie en général et notamment la consommation des ménages américains, dans un contexte où les Etats-Unis sont obligés d’importer beaucoup plus de pétrole que par le passé. Le prix élevé du pétrole se répercute immédiatement dans une aggravation du déficit budgétaire américain, d’autant plus que le pétrole est payé en dollars et donc compte tenu du change, il coûte plus cher aux Américains qu’aux économies européennes (qui paient le baril avec une monnaie, le dollar, moins chère que leur propre monnaie, l’euro). Ainsi la hausse du pétrole montre la gravité de la crise économique et en même temps le lien qu’il peut y avoir avec les guerres actuelles. Malgré la dimension spéculative pour une partie de cette hausse du pétrole (les experts estiment celle-ci entre 4 à 8 dollars), celle-ci est aussi l’expression du poids croissant que prennent le chaos et la barbarie à l’échelle mondiale. L’incapacité des Etats-Unis à faire redémarrer la production irakienne du fait du bourbier militaire dans lequel ils s’enfoncent, les menaces d’attentats contre les installations du premier producteur mondial qu'est l’Arabie Saoudite, les troubles sociaux au Venezuela et au Nigeria en sont les premiers facteurs. Cet ensemble d’événements démontre qu’il n’y a pas d’un côté l’aspect économique et de l’autre l’aspect militaire ou impérialiste, mais au contraire une interpénétration de plus en plus grande de l’ensemble de ces facteurs qui se nourrissent les uns des autres pour donner une situation de plus en plus chaotique et de moins en moins contrôlable par la bourgeoisie. L’instabilité et le désordre croissants du monde capitaliste alimentent l’instabilité économique qui en retour ne peut produire que toujours plus d’instabilité militaire.
Dans ce contexte d’endettement astronomique de l’économie mondiale et notamment de la première puissance, il est nécessaire de dénoncer l’augmentation des dépenses militaires qui constitue un facteur supplémentaire de l’aggravation des déficits budgétaires et cela au détriment des budgets civils qui ne peuvent que se réduire comme peau de chagrin pour financer la barbarie innommable qui se répand.
Ainsi, depuis le déclenchement de la guerre en Irak jusqu’à l’occupation actuelle du pays, les Etats-Unis ont dépensé 140 milliards de dollars. Cet effort n’est pas suffisant puisque "le Pentagone vient de réclamer, début novembre une rallonge de 70 milliards de dollars pour financer les opérations militaires en 2005" (Le Monde du 9 novembre). Le budget du Pentagone devrait dépasser en 2005 les 400 milliards de dollars, hors coût des guerres en Irak et en Afghanistan, ce qui représente près de la moitié des dépenses militaires mondiales (45% exactement).
Si l’on compare avec des guerres précédentes, on se rend compte du coût exorbitant des dépenses actuelles. Alors que la Première Guerre mondiale a coûté 190,6 milliards de dollars à l'économie américaine, la Seconde, 2 896,3 milliards de dollars, la première guerre du Golfe en 1991 a absorbé 76,1 milliards de dollars en quelques mois (sources : "Problèmes économiques" du 1er septembre 2004)
Mais les autres Etats ne sont pas en reste et l’on peut citer à titre indicatif le cas de la France, en sachant que depuis la fin des années 1990, l’ensemble des budgets militaires est en hausse à l’échelle mondiale. Alors que le budget de l’armée française a augmenté de façon significative, le gouvernement a décidé l’octroi de "550 millions d’euros supplémentaires pour financer l’engagement militaire en cours en Côte d’Ivoire et 100 millions de plus pour d’autres opérations extérieures. Ces dépenses seront prises sur le dos des ministères civils." (Les Echos du 10 novembre)
Contrairement à ce que nous raconte la bourgeoisie, ce qui est injecté dans la sphère militaire n’est pas destiné à la reproduction de capital productif mais correspond à la destruction pure et simple du capital investi. Cela signifie que le développement du militarisme et l’augmentation des dépenses qui lui sont liées sont un poids supplémentaire ne pouvant qu’accentuer le marasme économique.
Derrière les chiffres de la soi-disant croissance capitaliste pour 2004, se cache en réalité une nouvelle étape dramatique de l’aggravation de la crise qui illustre la faillite du mode de production capitaliste.
Donald (12 décembre)
En Irak, les attentats succèdent aux attentats. La mort fauche les victimes par dizaines. L’armée américaine compte à l'heure actuelle 1276 morts (dont plus de 100 pour le mois dernier) et 9765 blessés. L’assaut sur Fallouja a fait au moins 2000 victimes parmi les rebelles. Aucun bilan n’a été publié concernant les dizaines de milliers d’habitants qui n’avaient pas pu fuir, pris au piège des affrontements. Le bilan de la guerre se situerait au minimum à 15 000 victimes. Une revue médicale anglaise avance un bilan réel d’au moins 100 000 morts !
Attentat après attentat, les médias nous égrènent le dénombrement des victimes, sinistre registre quotidien de la barbarie, tenu entre la rubrique des faits divers et des questions de société, à l’instar de n’importe quelle chronique d’actualité. Cette banalisation de l’horreur, présentée comme une fatalité, un phénomène "naturel" et assortie des mensonges et des campagnes idéologiques de la classe dominante sur ses causes, ne vise qu’à faire accepter au prolétariat la barbarie générée par le capitalisme en décomposition et à stériliser l’indignation qu’elle suscite. Cette accoutumance à la barbarie, véritable poison pour la conscience du prolétariat inoculé en permanence, doit être combattue en tant qu’elle forme l’un des moyens par lequel la bourgeoisie entretient la passivité de la classe ouvrière et donc assure sa domination de classe sur la société.
L’extension de la barbarie constitue l’une des manifestations les plus monstrueuses de la faillite du système capitaliste en putréfaction. Le capitalisme, qui soumet des parties de plus en plus importantes de la planète au fléau de la guerre, représente une menace pour la civilisation et la survie même de l’humanité.
La plus grande opération des troupes américaines depuis la chute de S. Hussein contre la ville de Fallouja, ainsi que la poursuite des offensives militaires "dans les semaines et les mois à venir" pouvant même "s’intensifier à l’approche des élections irakiennes"1, comme celle menée depuis novembre par 5000 soldats dans le "triangle de la mort" de la province de Babylone, n’offrent aucune stabilisation. Au contraire, la réaction des Etats-Unis à la perte de contrôle sur le pays livré à l’anarchie et le forcing censé créer les conditions pour la tenue d’élections générales destinées à crédibiliser leur présence en Irak ne font qu’impulser l’implosion de l’Etat irakien dans la guerre civile généralisée et les convulsions entre les différentes cliques en présence. Sur l’ensemble du territoire, dont aucune partie n’est épargnée, les attentats sanglants et les accrochages meurtriers ne font que se multiplier.
A Bagdad même, des attaques se produisent désormais directement contre la "zone verte", le secteur ultra-sécurisé du centre. La route de l’aéroport, fermé depuis le tir de missiles contre des avions américains, se trouve hors du contrôle américain. Des combats en plein jour dans la ville ont nécessité le déploiement de blindés et le bouclage de quartiers entiers. Ramadi est passée sous le contrôle de la guérilla. Des combats ont lieu, au Nord, à Balad, Baji et Baaquba. Mossoul, la capitale kurde, a été prise et conservée trois jours durant par les insurgés enfuis de Fallouja. Les peshmergas kurdes, formant le gros de la garde nationale irakienne engagée à Fallouja et dans la reprise de Mossoul sont de plus en plus impliqués dans les affrontements.
La prise de Fallouja (ville qui a "fourni bon nombre des officiers de l’armée et des services de sécurité de S. Hussein, qui ont participé à la répression des Chiites"2 et refuge de ces cadres de l’ancien régime après la première bataille de Fallouja) accomplie avec la tacite approbation des autorités chiites aiguise les tensions entre Chiites et Sunnites. Ainsi, "Hilla, ville chiite, et Latifiya, ville sunnite, ont commencé à se livrer une guerre larvée à coups d’assassinats, d’embuscades, et d’enlèvements."3 Une milice chiite antisunnite a d’ores et déjà été créée. De plus, la division des uns et des autres face au scrutin augure de sanglants règlements de comptes entre fractions rivales. Représentant 60% de la population en Irak, et longtemps écartés du pouvoir sous S. Hussein, les Chiites, emmenés par l’ayatollah Al-Sistani sont les plus chauds partisans de la tenue des élections dont ils espèrent tirer profit. Pour autant, la fraction chiite de Moktada Al-Sadr, qui a conduit deux insurrections anti-américaines cette année, refuse d’y participer en raison des poursuites engagées contre ses partisans.
Ennemies de toujours, les principales organisations kurdes de l’UPK et de l’UDK, s’unissent pour l’occasion. Parmi les Sunnites, le front du refus du scrutin s’est fissuré : si la principale organisation, le Comité des Oulémas, maintient le mot d’ordre de boycottage, plusieurs organisations sunnites ont décidé de jouer leur carte, notamment le Parti Islamique, issu des Frères musulmans. Déjà, assassinats politiques et meurtres de personnalités se multiplient au sein de ce panier de crabes.
La montée des attentats terroristes à l’approche des élections ne s’alimente pas uniquement d’elle-même : c’est l’arme de guerre qu’utilisent en sous-main les impérialismes rivaux des Etats-Unis afin de saper la position américaine.
En dépit de leur affaiblissement mondial et de leur position en Irak où de nouveaux retraits de troupes alliées sont annoncés (par la Hongrie fin décembre, les Pays-Bas en mars), les Etats-Unis rendent coup pour coup, comme le montre la tenue de la conférence sur l’Irak de Sharm-el-Sheikh du 25 novembre. D’abord, celle-ci consacre le retour des Etats-Unis dans le cadre de l’ONU, ce qui leur permet de couvrir leurs exactions impérialistes de la légitimité du "droit international" accordée par la résolution 1546 qui sert de base à la déclaration adoptée. Ce ralliement des Etats-Unis au multilatéralisme leur permet de s'imposer momentanément face à leurs rivaux, notamment la France. Les Etats-Unis sont parvenus à rabattre le caquet de l'impérialisme français et à faire passer ses tentatives d’accroître son influence en Irak pour de vaines gesticulations : la France, "qui avait été la première avec la Russie à réclamer la tenue d’une conférence internationale sur l’Irak, a dû revoir ses ambitions à la baisse. Alors qu’elle demandait un calendrier de retrait des troupes de la coalition, elle devra se contenter d’un vague rappel du caractère temporaire de leur présence en Irak."4 De même, a été rejetée sa proposition d’ouvrir la conférence non aux seuls protégés des Américains au pouvoir à Bagdad, mais à toutes les forces politiques irakiennes, "y compris à un certain nombre de groupes ou de gens qui actuellement ont choisi la voie de la résistance par les armes"5, prouvant aux yeux de tous ceux qui espèrent du soutien de la France, qu’elle ne dispose pas des moyens de mettre en œuvre ses prétentions.
Enfin, en faisant plier la France, qui, avec le soutien de Moscou et de Berlin, principaux créanciers de l’Irak, refusait d’aller au-delà des 50% d’allègement pour le profit d’une clique sous la coupe américaine, l’accord sur la réduction de 80% de la dette irakienne, constitue un succès américain supplémentaire.
L’Irak, constitue le point névralgique des affrontements entre puissances en compétition pour la défense de leur rang impérialiste dans le monde. La fuite en avant dans l’usage de la force militaire par les Etats-Unis (qui vont porter leur dispositif militaire de 142 000 à 150 000 hommes à la fin janvier), ainsi que la surenchère dans la riposte qu’elle entraîne, non seulement accélèrent la désintégration de l’Irak, mais étendent leur onde de choc sur tous les pays alentours et y renforcent les tendances centrifuges à l’éclatement. De la Palestine au Pakistan, de l’Arabie au Caucase, la déstabilisation de la zone stratégique la plus importante du monde capitaliste a et aura des conséquences majeures sur toute la situation mondiale. La plongée dans le chaos de toute la région illustre dramatiquement que dans la phase de décomposition du capitalisme, les rivalités impérialistes et l’usage répété de la force militaire (qui ne fait qu’étendre les conflits et les rendre plus incontrôlables), constituent le facteur essentiel du développement sans précédent de la barbarie.
Scott (15 décembre)
1)
D. Rumsfeld, cité par Libération du 26 novembre
2004
2)
Libération du 16 novembre 2004
3) Ibid.
4) Libération, du 22 novembre
5) M. Barnier, Ibid.
Le monde ne cesse de s’enfoncer dans le chaos : la misère se répand jusqu’au coeur des pays les plus développés, le chômage massif et de longue durée ne laisse plus personne à l’abri, la guerre entre Etats touche quasiment tous les continents. Pourtant, face à cette destruction permanente, la bourgeoisie n’arrête pas de parler de bien-être, de prospérité, de progrès : où est le progrès dans la guerre qui, presque partout, décime les populations et détruit les villes, les champs, les forêts ? Où est le bien-être quand des milliers d’êtres humains crèvent de faim tous les jours ? Où est la prospérité quand plus aucun ouvrier sur cette terre ne peut savoir de quoi son avenir sera fait ?
Face à ce paradoxe, on se pose forcément des questions : pourquoi une société censée progresser, apporter toujours plus de bien être et de sécurité, déverse tout le contraire sur l’humanité ? D’où cela vient-il ? Est-ce une fatalité ? La bourgeoisie a des réponses : elle nous assure qu’il s’agit là de la “méchanceté” humaine, du manque de démocratie, de difficultés économiques passagères dues à une mauvaise régulation des flux financiers, à la hausse du prix des matières premières sur les marchés, à l’appétit immoral des spéculateurs sur les mêmes marchés, etc.
Tout cela jure avec l’état de la situation. Et nous entendons depuis longtemps ces arguments sans que pour autant la situation ne se soit jamais améliorée, bien au contraire. Alors, pourquoi un tel désastre après tous les progrès que l’humanité a pu connaître ? Pourquoi tant de misère alors qu’il semble y avoir tant de richesses à exploiter ? En fait, ces explications passent à côté, évidemment volontairement, de la seule réalité à même de nous permettre de le comprendre. Cette réalité, c’est celle de la crise économique mondiale. Et quand nous, révolutionnaires marxistes, nous parlons de crise aujourd’hui, ce n’est pas sur les mêmes bases que la bourgeoisie. Nous parlons d’une crise insurmontable, qui signe la faillite du système capitaliste.
Pour dire cela, nous ne nous appuyons pas sur la simple observation “photographique” mais sur toute l’analyse marxiste du développement du capitalisme. Nous affirmons sur cette base que le capitalisme est entré depuis près d’un siècle dans sa phase de décadence, et que dans cette phase, contrairement à la phase d’ascendance, la crise capitaliste devient un élément insurmontable dont l’issue ne peut être que : soit la destruction de l’humanité et de toutes les réalisations de son développement à travers l’histoire, soit le dépassement des contradictions mortelles du capitalisme par la classe ouvrière dans son combat pour la construction d’une nouvelle société.
C’est en ce sens que la décadence est pour nous, marxistes, le cadre d’analyse fondamental de la situation et que, sans ce cadre, il est non seulement impossible de comprendre la réalité du monde actuel, mais il est aussi impossible de dégager une perspective réaliste. Car bien loin de nous amener à la démoralisation, au “no future”, la théorie marxiste de la décadence fonde la perspective communiste, qui n’est pas issue de la volonté des hommes, mais qui repose sur tout une analyse du développement des sociétés humaines : le matérialisme historique.
La décadence n’est pas une invention du CCI. C’est un concept, au contraire, qui est au centre de l’analyse marxiste du développement des sociétés humaines, au centre du matérialisme historique. Dès le début, Marx et Engels ont établi comme méthode de travail le fait d’analyser d’abord le développement social de l’humanité comme clé de compréhension du développement de la société contemporaine. Dans ces recherches, les deux fondateurs du marxisme ont découvert que la société humaine s’organisait autour de la production, activité première et centrale de l’homme. C’était donc dans l’organisation des moyens de production que se dessinaient les rapports sociaux.
En abordant immédiatement la question sur le plan historique, ils sont arrivés à analyser comment l’évolution des moyens de production et de leur organisation influait sur l’organisation sociale. Et, pour résumer au maximum, il est apparu que le développement des moyens de production, nécessaire face à la quantité de besoins à satisfaire, atteignait un tel niveau que l’organisation de ces moyens dans un but de production devenait inadapté, et finalement une entrave. Il fallait modifier en profondeur l’organisation de la production pour que les moyens actuels de production puissent être utilisés au maximum et continuer leur développement. 1
Cette modification ne s’est donc pas faite en douceur : autour de la production se dessine l’organisation sociale, nous l’avons dit, et jusqu’à aujourd’hui, l’humanité a eu à gérer la pénurie. De là est née nécessairement la possession, la propriété, l’exploitation... Autour de la production se sont donc cristallisés des intérêts et des pouvoirs. La remise en cause de l’organisation de la production revenait à remettre en cause des positions économiques, politiques et sociales des classes dominantes. Ce n’est que par une rupture plus ou moins violente que ce changement pouvait avoir lieu.
Voilà pourquoi l’évolution des moyens de production ne s’est pas faite de manière linéaire et sans rupture, dans une ascendance continuelle. Voilà pourquoi chaque système de production est passé par une phase de décadence, pendant laquelle l’évolution des moyens de production butte sans solution contre leur propre organisation, pendant que se dégagent dans la société des forces révolutionnaires face aux forces réactionnaires attachées à leurs privilèges.
Dans la société romaine, la production est organisée entre esclaves, qui travaillent, et maîtres, qui les font travailler. Ce mode de production a permis le développement de la production jusqu’à ce qu’elle atteigne un niveau qui a posé problème : pour continuer à produire, il fallait plus d’esclaves, qui étaient en fait les prisonniers faits pendant les guerres, et les limites géographiques de la guerre, avec les moyens de l’époque, commençaient à être atteintes. De plus, le développement des techniques de production demandait une main d’oeuvre plus perfectionnée, que l’esclavage ne pouvait fournir... On voit dans cet exemple que la façon dont la production était organisée devenait de moins en moins adaptée à la production, et que pour continuer à développer la production, cette organisation qui jusqu’alors avait permis ce développement, allait désormais l’empêcher : elle devenait une entrave.
C’est pour cela que les esclaves ont été émancipés et sont devenus des serfs. A son tour le système féodal a permis le développement de la production jusqu’à ce qu’elle atteigne un tel niveau qu’à nouveau on se trouvait face à un obstacle. Ce sont les rapports capitalistes, qui transforment le producteur du Moyen-Âge en homme libre vendant sa force de travail au capitaliste. A nouveau, la production trouvait une organisation capable de permettre son développement. Un développement très rapide, jamais vu auparavant, et qui a permis à l’humanité de sortir de la pénurie pour la première fois.
Si le passage d’un mode de production à l’autre ne s’est pas fait de façon linéaire et sans heurts, d’une ascendance à l’autre en quelque sorte, c’est parce que ce mode de production se traduit par des rapports sociaux et une organisation sociale particulière au sein de laquelle la classe dominante défend bec et ongles ses intérêts contre la perspective d’un renversement de l’ordre établi. Pendant ce temps, l’incompatibilité croissante entre le niveau atteint par la production et la façon dont elle est organisée se traduit par des convulsions toujours plus fortes. La décadence commence donc quand les rapports de production deviennent une entrave pour le développement de la production. Elle continue tant que de nouveaux rapports de production n’ont pas pu être établis. La décadence, c’est la période de faillite de la vieille société tant que la nouvelle n’a pu être fondée.
Le capitalisme, on l’a vu, ne faillit pas bien sûr à la règle. Mais la décadence du capitalisme se différencie des décadences du passé par le fait que dans les sociétés du passé, les germes de la nouvelle société existaient déjà et se développaient au sein même de l’ancienne société. Au sein de la société féodale, la bourgeoisie a conquis le pouvoir économique petit à petit et a transformé dans le même temps une bonne partie de la production avant même de parvenir au pouvoir politique. Dans le capitalisme, il n’y a rien de tout cela. La classe révolutionnaire, le prolétariat, ne peut instaurer de nouveaux rapports de production sans détruire ceux qui existent actuellement. C’est là toute la gravité de la décadence capitaliste.
Nous voyons donc bien que pour les marxistes, la décadence n’est pas un concept moral. Les marxistes développent le concept de décadence comme un concept scientifique, matérialiste, c’est-à-dire fondé sur le développement matériel des sociétés humaines. Que ces périodes se soient manifestées par la cupidité et par les moeurs dissolues des classes dominantes, nous ne le nions pas : nous savons pertinemment que le blocage historique du développement des forces productives trouve son reflet dans la société humaine à tous les niveaux. La décadence n’est pas une théorie économique, Marx n’a d’ailleurs jamais fait que la critique de l’économie. Mais il n’en reste pas moins que l’explication est clairement placée sur le terrain matérialiste.
Quand l’Internationale communiste (IC) parlait de “l’ère des guerres et de révolutions”, elle ne pouvait mieux résumer ce que le capitalisme décadent allait offrir à l’humanité. En effet, le capitalisme a créé au cours de son ascendance le cadre idéal de son développement, celui de la nation. C’est autour de ces nations que le capitalisme a assuré son développement, c’est à partir de ce cadre qu’il est parti à l’assaut des colonies, et c’est à partir de là, qu’aujourd’hui, il établit ses rapports de concurrence exacerbés par la crise. La seule solution pour la bourgeoisie à sa crise de surproduction devient la guerre. Laquelle débouche sur une période de reconstruction qui s’essouffle dans une nouvelle crise de surproduction.
Nous pouvons aisément situer l’entrée du capitalisme dans sa période de décadence au début du 20e siècle : la Première Guerre mondiale, première de toute l’histoire de l’humanité, manifeste clairement la nouvelle donne. La reconstruction qui l’a suivie déboucha rapidement sur une crise sans précédent, dans les années 1930, puis sur une deuxième guerre mondiale. Nous voyons se dessiner le cycle “crise-guerre-reconstruction-nouvelle crise”, mais ce n’est pas un cycle qui pourrait se répéter indéfiniment. Au contraire, c’est une spirale infernale qui entraîne tout sur son passage. Car si le capitalisme pouvait dépasser les crises de surproduction dans sa phase d’ascendance, à travers son expansion et la prolétarisation croissante des population, aujourd’hui, les limites sont atteintes et la crise est permanente. La seule “issue” est la guerre.
Il s’agit donc d’une ère de guerres. Mais comme l’a annoncé l’IC à sa fondation en 1919, il s’agit aussi d’une ère de révolution. En effet, le capitalisme en se développant a fait naître son fossoyeur : le prolétariat, seule force sociale capable de renverser le capitalisme et de construire une société future. En atteignant ses limites, le capitalisme ouvre la porte à son dépassement. L’ordre du jour pour la prolétariat est désormais cette tâche immense de fonder sur les ruines du capitalisme détruit par son combat, une nouvelle société capable de gérer l’abondance et d’offrir aux forces productives un cadre adapté à leur développement.
La perspective communiste n’est pas nouvelle. L’idée de constuire une société débarrassée de l’oppression et de l’injustice se retrouve dans l’Antiquité et au Moyen-Âge. Mais il ne suffit pas de vouloir une société meilleure pour pouvoir l’instaurer. Il faut que les conditions matérielles le permettent. De même, la révolte des opprimés n’est pas nouvelle : les esclaves ont écrit de grandes pages de l'histoire humaine par leur rejet de leur condition. Mais pour autant, ces révoltes étaient vouées à l’échec car la situation matérielle, le niveau de production, ne permettait pas à l’humanité de se sortir d’un schéma de société de classes et d’exploitation : tant que l’humanité aurait à gérer la pénurie, elle ne pourrait construire une société juste. C’est le capitalisme qui permet à l’humanité d’entrevoir cette perspective. Désormais, la production a atteint un niveau qui permet de dépasser la pénurie : la préhistoire peut se terminer. La perspective communiste n’est plus un idéal ou une utopie, elle est une possibilité matérielle et même plus : elle est une nécessité pour la survie de l’espèce humaine. Elle est une nécessité pour stopper le capitalisme dans sa spirale destructrice qui menace de ramener l’humanité à l’âge de pierre.
Voila ce qui fait de la décadence capitaliste une décadence particulière : elle signe la fin de la préhistoire, la fin de la longue marche de l’humanité de la pénurie vers l’abondance. Mais cette fin n’est pas écrite dans le marbre : la fin de la préhistoire pourrait bien être la fin de l’histoire tout court si rien ne vient arrêter la barbarie qui embrase la planète. Le communisme n’est pas une certitude : c’est par un dur combat que la classe ouvrière pourra l’instaurer, et l’issue de ce combat n’est pas connue. C’est pourquoi les révolutionnaires doivent être les plus armés possible pour pouvoir armer la classe ouvrière dans sa lutte contre la bourgeoisie et pour la constuction d’une nouvelle société.
La compréhension de l’analyse de la décadence fait partie de cet armement politique. Elle est un cadre fondamental développé par le marxisme dès son origine. On parle en effet de décadence dans L’Idéologie allemande de Marx et Engels, écrit avant même le Manifeste. La décadence imprègne toute l’analyse marxiste de l’évolution des sociétés humaines. En mettant en lumière la succession de périodes d’ascendance et de décadence dans l’histoire, le marxisme permet de comprendre comment l’humanité a pu s’organiser et progresser. Le marxisme permet de comprendre comment et pourquoi le monde est tel qu’il est aujourd’hui, et enfin, le marxisme permet de comprendre qu’il est possible de dépasser cette situation et de constuire un autre monde.
G. (17 décembre)
(1) C’est ce que Marx et Engels en parlant du capitalisme, résument dans les Principes d’une critique de l’économie politique par cette phrase : “Au delà d’un certain point, le développement des forces productives devient une barrière pour le capital ; en d’autres termes, le système capitaliste devient un obstacle pour l’expansion des forces productives du travail. Arrivé à ce point, le capital, ou plus exactement le travail salarié, entre dans le même rapport avec le développement de la richesse sociale et des forces productives que le système des corporations, le servage, l’esclavage, et il est nécessairement rejeté comme une entrave. La dernière forme de la servitude que prend l’activité humaine - travail salarié d’un côté et capital de l’autre - est alors dépouillée, et ce dépouillement lui-même est le résultat du mode de production qui correspond au capital. Eux-mêmes négation des formes antérieures de la production sociale asservie, le travail salarié et le capital sont à leur tour niés par les conditions matérielles et spirituelles issues de leur propre processus de production. C’est par des conflits aigus, des crises, des convulsions que se traduit l’incompatibilité croissante entre le développement créateur de la société et les rapports de production établis”
Le samedi 13 novembre s'est tenue à Paris une réunion publique du CCI sur le thème de la décadence du capitalisme à laquelle de nombreux sympathisants ont assisté.
Avant la présentation de l'exposé, le présidium a fait un point d'information sur les campagnes de calomnies dont le CCI a été l'objet, notamment depuis le début du mois d'octobre de la part de la prétendue "Fraction interne du CCI" et du "Circulo de Comunistas Internacionalistas" (voir nos articles sur Internet). A la demande de plusieurs de nos sympathisants, nous avons fait un point d'information afin de donner des nouvelles du NCI d'Argentine (voir notre article dans RI n°352). Lors du rapide tour de parole qui a suivi, un participant a salué la politique menée par le CCI qui a permis "d'éclaircir cette affaire". Plusieurs autres camarades sont intervenus pour apporter leur soutien au CCI et ont exprimé leur indignation face aux attaques portées aujourd'hui par la "FICCI" contre nos sympathisants qualifiés de "claque du CCI" (voir notre article sur Internet "Réponse aux calomnies honteuses d'une petite association de malfaiteurs").
L'exposé sur le thème de cette réunion publique a développé dans les grandes lignes notre analyse de la décadence du capitalisme, en rappelant que ce mode de production tout comme ceux qui l'ont précédé (l'esclavagisme et le féodalisme) a connu une période d'ascendance, de plein épanouissement des forces productives qui s'est achevée au début du 20e siècle lorsque le capitalisme, après avoir étendu son mode de production à toute la planète, s'est heurté à ses limites historiques. L'entrée dans sa période de décadence, de déclin historique a été marquée par l'éclatement de la Première Guerre mondiale (voir article page 4).
Au cours de la discussion, très vivante et animée, aucun des participants n'a émis de désaccord avec cette analyse élaborée par l'Internationale communiste. Le débat a porté surtout autour des questions suivantes :
- Comment explique-t-on que l'empire romain, qui était basé sur l'esclavagisme et qui a connu une période de décadence, n'ait pas été renversé par une classe sociale ?
- Pourquoi le capitalisme ne s'effondrera-t-il pas comme les autres modes de production antérieurs ?
- Quelle différence existe-t-il entre la révolution bourgeoise et la révolution prolétarienne ?
- Quelles seront les caractéristiques du nouveau mode de production qui surgira après la révolution prolétarienne ?
- Quelles sont les conditions historiques qui font que le capitalisme ne peut plus entrer dans le cycle "crise-guerre-reconstruction-nouvelle crise" ?
Les questions posées dans cette réunion ont révélé une volonté des participants d'approfondir et de comprendre les fondements du matérialisme historique permettant d'appréhender le concept de décadence d'un mode de production.
Face à plusieurs questions concernant la décadence de l'empire romain, les militants du CCI sont intervenus et ont mis en avant les arguments suivants :
- l'empire romain n'a pas été renversé par une nouvelle classe révolutionnaire. Il s'est effondré comme un château de cartes. Son mode de production est entré en décadence parce que l'esclavagisme n'était plus en mesure de développer les forces productives. Les conquêtes de l'empire romain avaient pour but de trouver des esclaves pour cultiver la terre ;
- plusieurs causes expliquent l'effondrement de ce vaste empire. Les distances très grandes avaient nécessité la construction de routes pour acheminer les armées contre les révoltes. A ces causes géographiques se sont encore ajoutées des causes techniques : pour augmenter la productivité de la culture de la terre, il fallait un soin plus grand dans les techniques agricoles. Il fallait libérer les esclaves qui travaillaient au fouet. Le coût d'entretien des esclaves étaient devenu un facteur d'affaiblissement de l'empire romain. C'est aussi pour cela qu'ils ont été remplacés par les serfs, des "hommes libres" qui pouvaient vivre de leur production en donnant une partie de leurs récoltes aux propriétaires des terres, les seigneurs féodaux ;
- l'empire romain s'est effondré car il était miné de l'intérieur. La décadence romaine a été un processus qui s'est développé sur plusieurs siècles. Ce sont les "barbares" qui ont introduit le mode de production féodal, et non pas une nouvelle classe révolutionnaire issu de l'empire romain. Ainsi, la nouvelle classe dominante venait de l'extérieur. Le mode de production féodal s'est imposé progressivement sans révolution sociale.
La discussion a également mis en évidence les différences entre la décadence capitaliste et celle des autres mode de production antérieurs :
- dans le système esclavagiste ou féodal, l'ancienne société avait disparu sans mettre en cause la survie de l'humanité (cela avait été aussi le cas par exemple de l'empire maya) ; par contre, la décadence du capitalisme porte en elle la menace de destruction de toute la planète si une révolution sociale n'intervient pas ;
- dans les modes de production antérieurs au capitalisme, la nouvelle classe dominante ne faisait pas partie intégrante de l'ancienne société. Ainsi, la bourgeoisie s'est développée et a coexisté aux côtés de la classe féodale. Dans le capitalisme, la classe révolutionnaire, le prolétariat, fait partie intégrante de ce mode de production. Le capitalisme ne peut pas vivre et ne pouvait pas se développer sans le prolétariat. C'est pour cela que Marx disait que le capitalisme, en se développant à l'échelle mondiale, a créé son propre fossoyeur car c'est du sein même de cette société bourgeoise que surgit la nouvelle classe révolutionnaire dont la mission sera de détruire ce système de fond en comble pour pouvoir édifier la société communiste ;
- la perspective du communisme signifie que l'humanité mettra fin à toute forme d'exploitation. Le prolétariat ne fera pas surgir une nouvelle classe exploiteuse. Comme le disait Marx, ce sera la fin de la préhistoire et le début de l'histoire de l'humanité.
Les interventions du CCI ont également rappelé la différence entre les révolutions du passé et la révolution prolétarienne avec les arguments suivants :
- la révolution bourgeoise n'était pas le point de départ de la nouvelle société qui a succédé au féodalisme. La bourgeoisie se développe en marge de la société féodale, d'abord sous sa forme commerciale. Elle devient la classe qui détient la richesse. Avec le développement des villes et du commerce, la noblesse est devenue une classe parasitaire qui, avec ses droits et ses privilèges, constituait une entrave à la liberté du commerce et au développement des nouvelles forces productives ;
- c'est parce que la bourgeoisie a d'abord étendu sa domination économique pour développer les forces productives avec la grande industrie, qu'elle a pu ensuite s'imposer comme classe dominante sur le plan politique ;
- la révolution française n'est pas le modèle sur lequel s'est calqué la prise du pouvoir de la bourgeoisie dans d'autres pays d'Europe. Par exemple en Angleterre, on a vu un retour de la monarchie après que la bourgeoisie ait pris le pouvoir politique. De nombreux aristocrates anglais faisaient du commerce et étaient intégrés à la bourgeoisie. De même en Allemagne, l'aristocratie détient le pouvoir pendant très longtemps. Face à la nouvelle expansion capitaliste en Allemagne en 1870, Bismarck représentait les propriétaires terriens. Ainsi, l'ancienne société décadente contenait les germes de la nouvelle société. Il y avait une possibilité de régénération à partir de l'ancienne société ;
- dans le capitalisme, le mécanisme est totalement différent. D'une certaine façon, la décadence du capitalisme est la forme la plus achevée et la plus complète de la décadence. La nouvelle société ne peut surgir que sur les décombres du capitalisme.
Nos interventions ont mis en évidence que la compréhension des lois qui conduisent le capitalisme à sa perte est très importante pour élaborer les règles de la future société communiste. En ce sens, le point de vue de Rosa Luxemburg aide à comprendre ces lois et cette perspective. Dans la vision de Rosa, c'est la saturation du marché mondial qui est à la base de la compréhension du phénomène de la décadence du capitalisme. Le capitalisme fonctionne un peu comme le poussin dans l'oeuf : pour se développer il mange d'abord le blanc, puis il est obligé de casser la coquille pour pouvoir survivre. C'est le même mécanisme pour le capitalisme : il s'est développé en conquérant les marchés extra-capitalistes et lorsqu'il a étendu son mode de production à toute la planète, quand il a atteint ses limites historiques, les principales puissances capitalistes ont été obligées de se repartager le monde à travers les guerres mondiales. Le capitalisme se heurte donc à ses propres contradictions : il ne peut plus trouver à l'intérieur même de son système des marchés suffisants pour écouler sa production. L'entrée dans sa période de décadence signifie l'entrée dans sa crise permanente de surproduction. Pour abolir cette contradiction, il faut abolir le salariat. C'est une nécessité pour la survie même de l'humanité. C'est pour cela que la Révolution prolétarienne apparaît comme une nécessité historique.
Au cours de cette discussion, une sympathisante a regretté que le BIPR ne soit pas venu à cette réunion publique du CCI pour défendre sa position suivant laquelle le cycle "crise-guerre-reconstruction" existe toujours. Elle a mis en avant que, pour le BIPR, il semble que ce soit le facteur subjectif (la classe ouvrière) qui doit casser ce cycle. Elle a affirmé que cette analyse du BIPR ne tient pas compte de la réalité : les bases mêmes de la reconstruction sont affaiblies par l'ampleur des destructions de la guerre.
Le CCI est intervenu en rappelant les positions du mouvement ouvrier au début du 20e siècle :
- lorsque Rosa Luxemburg a écrit son livre L'Accumulation du capital, cela avait soulevé un tollé chez les opportunistes de l'époque. Elle affirmait que le système capitaliste va à la catastrophe; il est condamné par des contradictions de plus en plus violentes ;
- nous avons rappelé que Rosa n'a fait que poursuivre le travail inachevé de Marx qui a passé sa vie à étudier l'économie mais avec comme objectif d'en faire la critique et de mettre en évidence les mécanismes conduisant le capitalisme à sa perte. Bien que la thèse de Rosa était déjà contenue dans le travail de Marx, elle est allée plus loin en répondant à la question : pourquoi le capitalisme est-il condamné historiquement ?
Nous avons également répondu à la question posée dans le débat : pourquoi aujourd'hui les bordiguistes et le BIPR ne reprennent-ils pas l'analyse de Rosa Luxemburg ? En fait, s'ils rejettent l'analyse de Rosa, c'est au nom de "l'orthodoxie" envers la vision de Lénine dont l'analyse de la décadence est basée essentiellement sur la "baisse tendancielle du taux de profit" (idée reprise par les conseillistes et par Paul Mattick).
Dans les années 1930, Mitchell a fait connaître les travaux de Rosa Luxemburg et la Gauche italienne, à la fin des années 1930, avait adopté cette analyse. Nous avons mis en évidence que l'un des grands mérites de la Gauche italienne avait été justement de prendre en compte les réflexions qui existaient dans le mouvement ouvrier.
Concernant la question posée sur le cycle "crise-guerre-reconstruction", nous sommes intervenus pour mettre en avant que cette spirale n'est pas un cycle éternel. La vision du BIPR laisse entendre que le capitalisme pourrait se survivre éternellement. Selon sa vision, qui ne prend en compte que la baisse tendancielle du taux de profit, il suffit de détruire le capital constant et le capital variable dans la guerre pour relancer les profits. La question de la saturation des marchés est ignorée. Avec une telle vision, on ne voit pas pourquoi la classe ouvrière devrait faire la révolution. En réalité, l'analyse du BIPR participe à sous-estimer la gravité des enjeux de la période historique actuelle et le fait que le capitalisme est devenu une menace pour la survie même de l'humanité.
L'analyse de Rosa Luxemburg met très clairement en évidence la gravité des enjeux et l'alternative historique : révolution prolétarienne ou destruction de l'humanité. Elle montre de façon très claire que l'histoire de l'humanité c'est l'histoire de la lutte de classe.
Nous avons également tenté de répondre, brièvement, faute de temps, à la question : quelles seront les caractéristiques du mode de production qui va succéder au capitalisme ? Nos interventions ont notamment mis en avant que le communisme apportera les réponses aux contradictions actuelles du capitalisme. Dans le communisme primitif, il y avait une égalisation par le bas du fait du faible développement des forces productives et de la pénurie. Le capitalisme a créé les conditions d'une égalisation par le haut. Nous avons rappelé que la base du communisme sera l'abondance. Le capitalisme a créé les conditions de cette abondance et de la satisfaction des besoins humains. Les règles de fonctionnement de la future société seront fondées sur l'idée "à chacun selon ses besoins" et "de chacun selon ses moyens". La discussion a aussi souligné la nécessité de ne pas tomber dans la spéculation, de ne pas faire des "recettes pour les marmites de l'avenir" (comme le disait Marx).
A la fin de cette réunion, l'une de nos sympathisantes, qui découvre depuis peu les positions de la Gauche communiste, nous a dit avoir été convaincue par nos arguments en affirmant : "J'ai beaucoup mieux compris pourquoi l'analyse de la décadence n'est pas une 'broutille'. Elle est au coeur du marxisme." Cette camarade a également affirmé avoir lu avec beaucoup d'intérêt notre brochure sur La Décadence du capitalisme qu'elle a qualifiée de "merveilleuse".
La discussion fut très riche et très animée. En particulier, les nouveaux éléments à la recherche d'une perpective de classe n'ont pas hésité à poser des questions, et à intervenir plusieurs fois pour demander davantage d'explications ou pour exprimer leurs incompréhensions. C'est avec beaucoup de sérieux et d'intérêt que tous les participants ont suivi la discussion et ont regretté le manque de temps pour poursuivre le débat.
Ainsi, la très grande richesse de la discussion, son caractère très vivant, de même que le nombre des participants, a apporté un démenti cinglant à nos calomniateurs de la "FICCI" qui colportent le mensonge suivant lequel les réunions publiques du CCI à Paris sont "désertées" et ne sont plus des "lieux de débat".
GL
Le vendredi 5 novembre 2004, grâce au soutien des militants du NCI d'Argentine, le CCI a tenu une réunion publique à Florencio Varela, banlieue de Buenos Aires. Le thème portait sur l’évolution de la lutte de classe au niveau mondial. Comme lors de la réunion publique précédente du mois d'août, l’introduction a voulu être limitée dans le temps afin de permettre au débat de se développer le plus possible.
L’introduction a d’abord mis en évidence non seulement les attaques féroces que subit la classe ouvrière contre ses conditions de vie partout dans le monde, y compris dans les pays les plus développés, mais également le développement de la barbarie guerrière. Elle a défendu que ces différents aspects de la situation internationale sont directement le produit du capitalisme dans sa phase de décadence et aujourd’hui de décomposition. Face à cette situation, la classe ouvrière reprend aujourd’hui le chemin de la lutte, même si c’est avec beaucoup de difficultés. Elle repart au combat après une longue période de recul ouverte avec l’effondrement du bloc de l’Est, recul dû à l’utilisation par la bourgeoisie de la faillite du stalinisme assimilée de façon mensongère au marxisme et au communisme. Ce redéploiement de la combativité ouvrière est une illustration du fait que les effets de ces campagnes s’estompent. Cette reprise des combats ouvriers se voit concrètement à travers les luttes du printemps 2003 en France et en Autriche contre la "réforme" des retraites, la mobilisation des conducteurs de tramways italiens, des postiers et des pompiers anglais durant l’hiver 2003, puis des ouvriers des usines Fiat à Melfi dans le sud de l’Italie, les luttes en Allemagne des ouvriers de Siemens, Porsche, Bosch, Alcatel mais aussi de Mercedes-Daimler-Chrysler ; les luttes des ouvriers des chantiers navals en Espagne (Ferrol en Galice, Puerto Real et San Fernando près de Cadix, Sestao près de Bilbao). Cette reprise internationale de la combativité ouvrière s'est encore illustrée à travers les manifestations massives comme celle de 45 000 personnes à Berlin le 2 octobre et, le même jour à Amsterdam, ou celle de 200 000 participants contre les projets du gouvernement. Par la suite, le 14 octobre dernier, 9 400 ouvriers de l’usine Opel à Bochum en Allemagne, se sont mis en grève contre l’annonce d’un plan de licenciements. La présentation a souligné que le besoin de solidarité a constitué une caractéristique très importante de ces mouvements : on a vu se développer, notamment dans la lutte de Daimler Benz, le début d’une solidarité ouvrière entre les travailleurs de deux usines alors que la bourgeoisie avait essayé de monter les ouvriers les uns contre les autres. Au sein de cet effort de la classe ouvrière pour développer ses luttes, il faut encore signaler le surgissement d’une réflexion politique en profondeur sur la base d’une perte d’illusion croissante sur l'avenir que nous réserve le capitalisme. Ces mouvements ont révélé que se développe, peu à peu, la conscience que ce sont tous les secteurs de la classe ouvrière qui sont attaqués, dans tous les pays, ainsi que la recherche, même si elle est encore confuse, de la perspective d’une autre société. Il se développe donc de nouveau au sein de la classe ouvrière, la conscience d’appartenir à une classe attaquée, et cette prise de conscience est la base de la recherche de la solidarité indispensable à la lutte de classe.
Les participants à cette réunion publique, les membres du NCI ainsi que d’autres éléments, ont salué les informations que la présentation du CCI a données sur les luttes en Europe. Cette dernière leur a permis de mieux comprendre que les luttes qui se développent aussi en Argentine (l’exemple a été donné d’une lutte dans une coopérative de viande, mais il y en a d’autres) prennent tout leur sens dans cette dynamique internationale. Ils ont souligné qu’il y a beaucoup de luttes dans le monde mais que les médias n’en donnent aucune information. Un des participants a souligné que depuis le milieu des années 1990, on voit se développer en Argentine, des luttes "populaires" contre des attaques très dures. Il a mis en évidence que les luttes récentes en Argentine étaient allées jusqu’à remettre l’Etat en question. Les camarades du NCI ont affirmé qu'ils ne partageaient pas cette vision. Le CCI est également intervenu pour souligner que seule la classe ouvrière peut remettre l’Etat en question par une lutte massive, unie et consciente des enjeux historiques de la situation. Il a souligné le danger des luttes inter-classistes dans lesquelles la classe ouvrière se trouve diluée dans les autres couches de la population et donc dans lesquelles elle perd sa force de classe. La seule perspective, pour développer un rapport de force contre la bourgeoisie et son Etat, c’est de développer sa lutte sur son propre terrain, une lutte autonome et unie de la classe ouvrière. En 2001, nous avons vu des révoltes inter-classistes dans lesquelles le prolétariat était noyé dans d’autres couches sociales. Ces révoltes n’ont nullement ébranlé l’Etat.
Le participant qui avait émis cette analyse a été très attentif à cette argumentation. C'est avec beaucoup de sincérité qu'il a manifesté sa volonté de comprendre comment la classe ouvrière peut développer un rapport de force en sa faveur face à l'Etat.
Un autre aspect important de la discussion a porté sur la question : comment lutter contre la dispersion des luttes, comment développer l’unité dans la classe ouvrière ? Sur cette question, tous les participants ont exprimé leur accord sur le fait que les ennemis de cette unité, ce sont les syndicats. Le CCI a ainsi pu donner l’exemple des luttes en Pologne de 1980 pour montrer que si cette lutte avait pu se développer à l’échelle de l’ensemble du pays, c’est parce que les syndicats officiels étaient clairement vus, par les ouvriers, comme les représentants de l’Etat. Il a fallu que les syndicats des pays d’Europe de l’Ouest, qui parviennent plus habilement à masquer leur nature anti-ouvrière, volent au secours de l’Etat polonais pour casser la dynamique du mouvement, en lui donnant comme perspective la construction de nouveaux syndicats, "démocratiques". Walesa aura été le champion de ce sabotage et la bourgeoisie lui en est très reconnaissante.
La discussion a souligné aussi que la perspective est de développer la solidarité de classe jusqu’au niveau international puisque c’est à l'échelle internationale qu’il faut détruire le capitalisme et que la base même de la lutte de classe, c’est l’internationalisme.
Un participant a demandé au CCI d’exposer comment, selon lui, les ouvriers doivent s’organiser dans les luttes. Le CCI a rappelé le débat sur la grève de masse du début du 20e siècle, suite au mouvement de 1905 en Russie, ainsi que les enseignements qui en ont été tirés. Il a rappelé que les syndicats de l’époque s’étaient opposés à ce débat. Une leçon centrale que les luttes de cette période (marquant l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence) avaient mise en évidence était que désormais, les luttes ne pouvaient plus rester enfermées dans la corporation mais devaient s’étendre et que c’est dans et par la lutte que la classe ouvrière fait surgir ses organes de lutte : assemblées générales élisant des comités élus et révocables. C’est cette organisation-là qui permet à la classe de garder la maîtrise de sa lutte. C’est aussi cette organisation-là qui permet son extension véritable.
C'est parce que la classe ouvrière ne peut plus se doter d'organisations unitaires permanentes que les syndicats ont trahi et ont été absorbés par l'Etat. Depuis lors, ce sont ces syndicats qui ont lutté contre cette organisation autonome de la classe, laquelle cesse avec la lutte quand celle-ci s’arrête.
En fin de débat, la question de la nature de classe du mouvement des "piqueteros" a été posée par ce même participant. Pour lui, il s’agit d’une lutte authentique de chômeurs, donc d’une lutte ouvrière puisque les chômeurs font partie de la classe ouvrière. Le CCI ainsi que les camarades du NCI, ont répondu que s’il est vrai que les chômeurs font bien partie de la classe ouvrière, et s’il y a bien des ouvriers au chômage dans le mouvement des "piqueteros", cela ne suffit pas à lui donner une nature prolétarienne. Dans les syndicats aussi il y a des ouvriers, ces derniers ne sont pas pour autant une organisation de la classe. Le mouvement des "piqueteros" divise la classe entre chômeurs et actifs, entre chômeurs entre eux puisqu’il y a plusieurs organisations de "piqueteros". De plus, les ouvriers pris dans ces mouvements n’ont aucune autonomie et ne décident de rien. Ils sont une simple masse de manœuvre totalement manipulée. Dans ces conditions, les 150 pesos qu’ils reçoivent, chaque mois, de l’Etat ne représentent en réalité pas le fruit d’un rapport de force qu’ils imposeraient, comme le pense le camarade, mais le prix pour service rendu, même s’ils en sont inconscients.
Le camarade s’est dit en désaccord tout en affirmant qu’il réfléchirait et qu’il est prêt à poursuivre le débat sur cette question, attitude que le CCI a saluée.
La conclusion du CCI a ainsi pu souligner des points d’accord sur l’aspect international de la lutte de classe, la nécessité de développer les luttes, le rejet des syndicats, la nécessité de lutter pour le développement de l’unité de la classe et le développement de la conscience des enjeux historiques. Elle a aussi mentionné le désaccord d’un participant sur le mouvement des "piqueteros" ainsi que sa volonté de poursuivre le débat sur cette question. Ce camarade a d’ailleurs apprécié que la conclusion mentionne les points d’accord et de désaccord. Il a également demandé si le CCI pouvait lui procurer les livres de Rosa Luxembourg Introduction à l’économie politique ainsi que L’Accumulation du capital. Le CCI va faire de son mieux pour répondre à cette demande.
Au cours du débat, les camarades du NCI sont intervenus à plusieurs reprises, notamment sur le mouvement des "piqueteros" ; leurs interventions se situaient dans la continuité de leurs prises de position précédentes (que nous avons publiées dans notre Revue Internationale). Ils ont dit aussi qu’ils appréciaient beaucoup l’éclairage historique que donne le CCI.
Il faut encore noter que les participants ont contribué à la location de la salle.
Cette réunion a été un vrai débat au sein de la classe ; un débat utile puisqu’il confronte les positions en vue de la nécessaire clarification politique pour la lutte.
CCI (11 novembre 2004)
Sur les marchés de Noël qui prolifèrent en ce moment, les contrefaçons occupent une place de plus en plus importante. Grâce aux vendeurs à la sauvette, c'est l'heure de gloire du sac Vuitton à l'espérance de vie inférieure à celle d'un sac poubelle et de la chemise Lacoste dont le crocodile proclame son indépendance au bout de deux lavages. Il faut dire que c'est bien pratique quand les convenances commandent de faire un cadeau à une belle-mère particulièrement envahissante et à un cousin détesté depuis l'enfance : ni l'un ni l'autre n'osera protester quand il découvrira la triste réalité de son prestigieux présent.
La prétendue "Fraction interne du CCI" (FICCI) a décidé de prendre sa place sur le marché de la contrefaçon en espérant elle aussi écouler en douce sa camelote frelatée. Depuis quelque temps, elle a mis en vente une brochure intitulée "La Ligue Communiste et la Fraction de Gauche (Treint-Marc) (1930-1932)" avec comme sous-titre "Tâches et fonctions d'une fraction communiste". Que la FICCI ait envie de se donner des airs "sérieux" en publiant des documents à vocation historique, on le comprend aisément : cela lui permet d'essayer de faire oublier ses exploits dans le domaine du vol et du mouchardage (1). Mais pour ce faire, une nouvelle fois, elle ne peut s'empêcher d'étaler sa malhonnêteté : la brochure en question se présente comme une contrefaçon de la brochure du CCI La Gauche communiste de France. Tout y est : les couleurs et le style de la couverture, le surtitre "Contribution à une histoire du mouvement révolutionnaire", la présence des positions de base du CCI au verso. D'ailleurs, la préface de cet ouvrage mémorable n'hésite pas à le présenter comme un complément à notre brochure. Ce n'est pas la première fois que la FICCI nous gratifie de ce genre d'exploit : n'avait-elle pas déjà publié une autre brochure intitulée "La dégénérescence de l'IC : le cas du Parti communiste français (1924-1927)" qui essayait de démontrer que le CCI avait repris à l'égard de la FICCI les mêmes méthodes que les staliniens contre les courants de gauche ? Cette brochure déjà avait les couleurs et les apparences de celle du CCI, mais sa couverture disait clairement qu'elle était publiée par la FICCI. Rien de tout cela dans la dernière brochure ,à tel point que le lecteur peu avisé pourrait croire que c'est effectivement un complément à la nôtre (2).
C'est pour cela que nous mettons en garde nos lecteurs contre cette brochure : ils risquent de se faire arnaquer de 6 euros (ce qui est un prix ahurissant au vu de son épaisseur et de la qualité minable de sa présentation). Même si c'est pour l'offrir au cousin détesté, ce n'est pas la peine de faire une telle dépense (3).
Carmen (18 décembre)
1 Voir notamment nos articles dans RI 323, 330 et 338.
2 La seule indication d'auteur est le nom bien célèbre de "Michel Olivier" qui vient signer un petit texte au verso, juste au dessus de nos positions de base. Il y avait à la télévision, dans le passé, le chef cuisinier Michel Oliver. Faut-il croire que pour sa sale petite cuisine la FICCI a aussi besoin des recettes d'un maître -queux ? En tout cas, même si Michel Olivier se prend pour un historien, ses recettes sont loin d'avoir leur place dans les marmites de l'avenir (suivant l'expression de Marx).
3 Cela dit, si le prix de 6 euros (plus 1,5 euro de frais de port) est exorbitant pour une brochure de ce type, il pourrait se justifier pour un livre de recettes à offrir à une belle-mère casse-pieds.
Le GARAS (Groupement d’Action et de Réflexion Anarcho-syndicaliste) est né des convulsions qui secouent la CNT-AIT et publie depuis 2002 une Lettre de liaison (LL) (voir notre article dans RI n°345). Il se propose de promouvoir l’auto-organisation des luttes et d’impulser un syndicalisme efficace "en rupture avec le capitalisme" en cherchant à "mettre en place une confédération anarcho-syndicaliste sur des bases claires." (LL n°4, p. 7) Dans ses publications, le GARAS fait le bilan de la défaite du mouvement du printemps 2003 contre la réforme des retraites. Il souligne le rôle diviseur des syndicats dans le mouvement pour isoler le secteur de l’Education nationale du reste de la classe ouvrière où ils "vont tout faire pour empêcher l’extension réelle du mouvement (…) Leur tactique est d’attendre l’essoufflement dans l’Education nationale, (…) sans appeler tous les secteurs où elles [les bureaucraties syndicales] sont implantées à entrer en grève en même temps", concluant qu’"il apparaît (…) que les syndicats ont une énorme responsabilité dans l’échec final. Il apparaît même qu’ils ont provoqué cet échec dès le début du mouvement." (LL n°7, p.6)
Pour l’essentiel, nous partageons les constats auxquels parvient le GARAS. Au printemps 2003 pour faire passer l’attaque générale sur les retraites, le gouvernement portait simultanément une attaque plus spécifique contre le secteur de l’Education nationale (la délocalisation des personnels ATOSS) dans le but d’empêcher le développement d’une lutte massive de tous les secteurs contre la réforme. Comme nous l’écrivions dans RI n°348 : "Rapidement les luttes des personnels de l’Education sont apparues comme le fer de lance de la mobilisation ouvrière. Mais, en leur sein, les syndicats n’ont cessé de mettre en avant les revendications spécifiques contre la délocalisation, dans lesquelles le reste de la classe ouvrière ne pouvait se reconnaître, qui ont pris le pas sur la question des retraites et fait passer celle-ci au second plan. Cette entreprise a non seulement permis au gouvernement de faire passer l’attaque sur les retraites mais d’entraîner le secteur enseignant, isolé et divisé, poussé par une partie de ces mêmes syndicats vers des actions radicales et impopulaires de boycott d’examens de fin d’année, dans une défaite la plus amère et cuisante possible." (voir aussi RI n° 337)
Tout en étant très critique vis-à-vis des syndicats, le GARAS lance son cri du coeur : "Comment ne pas se poser de questions quand on regarde le taux actuel de syndicalisation en France : 10 à 12% de travailleurs syndiqués dans le public et 2 à 3% dans le privé (…) Comment ne pas réagir, quand suite à de telles expériences [désignées dans le langage châtié du GARAS comme "des dérives du syndicalisme d’accompagnement des réforme"], des personnes en arrivent à trouver le syndicalisme, dans son ensemble, néfaste à l’organisation des travailleurs ? " (LL n°5, p.19)
Le travail de division de la classe ouvrière et d’enfermement du secteur de l’Education par les syndicats lors de la lutte du printemps 2003, n’a pas manqué, ici et là, de faire naître un doute sur les syndicats, de faire émerger un questionnement parmi les ouvriers sur leur nature et le rôle qu’ils jouent dans la lutte des classes.
Cette défiance et la désaffection des syndicats que le GARAS veut faire passer pour une preuve d’inconscience chez les ouvriers, manifestent au contraire une compréhension instinctive que les syndicats défendent la classe ennemie. Ce premier pas forme l’une des conditions pour que la classe ouvrière développe la lutte de façon autonome, en refusant d’en abandonner la direction à ces saboteurs professionnels.
C’est le rôle des groupes, des courants qui, comme le GARAS, s’alarment de la méfiance développée par les ouvriers à l’égard du syndicalisme lui-même de stériliser et dévoyer cette réflexion en y apportant de fausses réponses. L’une de celles-ci consiste à prôner un syndicalisme "différent" comme véritable et seule alternative à la lutte lorsque les tromperies des centrales syndicales deviennent par trop voyantes. Ce syndicalisme de "combat", "autonome", "d’assemblée", de "base", etc., n’est rien d’autre que ce syndicalisme de base qui a pour fonction de briser les reins de la classe ouvrière dans le développement de ses luttes. Celui-ci n’a rien de nouveau mais est une entrave constante que les forces de gauche et d’extrême gauche de la bourgeoisie n’ont eu de cesse de lui mettre dans les jambes depuis plus de trente ans. Extérieur aux centrales ou aux directions, ce syndicalisme de base est en réalité le complément indispensable au sabotage syndical des luttes. Il a pour fonction de rehausser la crédibilité du syndicalisme en proposant un syndicalisme régénéré. Telle est la tâche à laquelle s’emploie le GARAS en affirmant qu’"il est clair que les centrales ne font pas leur travail de syndicats". Pour lui, "les bureaucraties syndicales qui ne remettent pas en cause le capitalisme sont contre nous dans cette lutte, ou ne se donnent pas les moyens de tenir le rapport de forces." Il revendique, qu’avec la crise économique "le syndicalisme réformiste, de concertation sociale, de cogestion avec l’Etat et le patronat n’est plus aussi nécessaire qu’auparavant" (LL n°6, p.4) et que ce type de syndicalisme est révolu : il faut maintenant un syndicalisme plus efficace.
Toute la pratique du GARAS consiste à enfermer les ouvriers dans la logique syndicaliste. Ainsi, comme il le dit : "Mettre la pression sur les centrales par des appels répétés à l’extension de la grève par les AG peut jouer puisque de nombreux travailleurs veulent entrer en grève, mais à deux conditions qui ne sont pas toujours remplies : 1° faire un bilan des actions entreprises par les centrales, afin de les mettre dans l’embarras en montrant à leur base qu’elles sont inactives, ce qui les poussera à agir même timidement. 2° organiser par nous-mêmes l’extension de la grève en allant à la rencontre d’autres travailleurs, y compris des syndiqués de ces centrales." (LL n°4, p.5) Ne nous y trompons pas, cette proposition, sous des dehors radicaux, n’est que la version anarcho-syndicaliste du "mettre les Bernard Thibault, les François Chérèque, les Jean-Claude Mailly au pied du mur" des trotskistes de Lutte Ouvrière. C’est le moyen de subtile défense des syndicats utilisé depuis des années par les gauchistes de tout poil pour entretenir les illusions ouvrières sur leur nature véritable. Le GARAS assume le même rôle de rabatteur sur les centrales et le syndicalisme habituellement dévolu aux gauchistes dans leur tâche d’encadrement de la classe ouvrière. Pour ce faire, le GARAS n’hésite pas, dans sa critique des syndicats, à mettre de l’eau dans son vin en voyant "deux exceptions cependant, FO et SUD" [qui comprennent de nombreux éléments se revendiquant de l’anarcho-syndicalisme]. Il crédite ainsi le piège classique à double mâchoire tendu par la bourgeoisie aux ouvriers, et particulièrement les plus combatifs, insatisfaits de la modération des centrales : celui-ci consiste à leur présenter comme alternative des syndicats ou des structures analogues au langage plus radical, qui ont depuis longtemps fait la preuve de leur capacité à étouffer toute véritable lutte. Le GARAS a ainsi été le tenant jusqu’au boutiste de la grève générale défendue sur la fin du mouvement de 2003 par FO, chiffon rouge agité pour épuiser dans l’isolement les derniers carrés d’ouvriers combatifs de l’Education nationale. Adepte de "l’action directe", plongeant avec délectation dans les actions coup de poing, défouloirs sans perspective (occupations de gares, barrages routiers, etc.), il a ainsi lui-même apporté sa petite contribution à la réussite de la manoeuvre bourgeoise d’enfermement et d’épuisement des travailleurs de l’Education.
Dans sa quête d’un syndicalisme qui lave plus blanc, le GARAS nous explique que "le syndicalisme est une démarche pratique qui permet d’intervenir dans la sphère du travail : problèmes de salaire, de rapports avec la hiérarchie, de changements de contrats, de conditions de travail, de licenciements, de changement de statut…" (LL n°6, p.3) Il faudrait qu’il nous explique en quoi ce qu’il revendique se différencie de la pratique qu’il reproche aux grandes centrales "gestionnaires des structures de médiation du capitalisme dans le monde du travail (CE, commissions paritaires…)" ? Une fois débarrassés de leur emballage "radical", les actes et les prises de position du GARAS montrent qu’il se place exactement dans la même logique de défense et de gestion du capital.
Ainsi se propose-t-il de "bien étudier la situation économique des entreprises pour comprendre correctement les enjeux d’une lutte, et riposter de la façon appropriée." (Ibid.) Cette approche typiquement syndicale qui élève les limites sectorielles comme autant de divisions entre prolétaires et qui enferme chaque fraction du prolétariat dans "son" usine, "son" secteur, a, depuis des années, constamment été mise en avant pour entretenir le sentiment d’impuissance face aux attaques dans le but d'imposer les sacrifices à la classe ouvrière et la soumettre aux impératifs du capital national, ou bien pour semer des illusions sur une autre politique possible. Dans tous les cas, il s’agit de masquer aux yeux des prolétaires la faillite du capitalisme, comme système dans son ensemble, ainsi que la nécessité d’une lutte unie et globale de tout le prolétariat contre ce système.
C’est bien contre cette prise de conscience qu’est utilisé le "révolutionnarisme" à la GARAS voulant "…favoriser des projets allant à l’encontre de la logique marchande, (…) mettre en place des banques de semences non contaminées par les OGM, (…) créer des coopératives ayant entre autres buts de permettre à des travailleurs virés par leur patron de produire sans hiérarchie, sans logique de profit, en accord avec l’environnement…" (Ibid.) Cette version anarcho-syndicaliste "d’un autre monde possible" (sans détruire le capitalisme !) s’épanouit pleinement au sein du courant altermondialiste dont la bourgeoisie fait sans relâche la promotion. En répandant ses phrases creuses sur la construction d’une alternative au sein de la société capitaliste, le GARAS répand les illusions bourgeoises de la possibilité de son aménagement, alors que ce système et ses lois économiques, et l’Etat qui les incarne, doivent être détruits. Pas étonnant qu’il trouve sa place au sein de l’arsenal idéologique que déploie aujourd’hui la bourgeoisie. L’incapacité congénitale de l’anarcho-syndicalisme à s’attaquer aux racines de la domination de classe de la bourgeoisie en fait un bon moyen aux mains de celle-ci pour répandre un maximum de confusions dans les rangs du prolétariat pour le plus grand profit de la bourgeoisie et le maintien du système d’exploitation capitaliste : dans la période de décadence du capitalisme, réformer le système ne peut que signifier soumettre le prolétariat à sa barbarie.
Dans un prochain numéro, nous répondrons aux arguments du GARAS qui revendique un syndicalisme de "lutte des classes" en montrant que le syndicalisme n’est plus une arme pour la classe ouvrière.
Scott
L'année 2004 s'est terminée par une immense tragédie humaine en Asie du sud. Un séisme d’une violence exceptionnelle a provoqué un raz-de-marée dans l’océan Indien qui a dévasté pas moins de douze pays riverains. En quelques heures, les tsunamis ont fait plus de 160 000 morts, des dizaines de milliers de disparus, des centaines de milliers de blessés, cinq millions de déplacés. Ce bilan effroyable est malheureusement provisoire car de nombreuses zones, notamment en Indonésie, en Thaïlande ou au Sri Lanka ne sont pas accessibles puisque l’ensemble du réseau routier y a été détruit.
Dans ces régions côtières, des villages entiers ont été rasés, des centaines de bateaux de pêche sont fracassés et des eaux saumâtres ont ravagé les cultures, laissant plus de cinq millions de personnes sans abri, sans nourriture ni eau potable, ce qui ne peut qu’entraîner de nouvelles victimes. Ainsi, les organisations humanitaires redoutent des vagues d’épidémies mortelles pouvant faire des dizaines de milliers de morts. Une fois encore, ce sont les couches les plus pauvres de la population, dont les prolétaires, qui travaillent notamment dans l’industrie du tourisme, qui sont les principales victimes de cette tragédie.
Comme à chaque catastrophe de ce genre, on invoque l’impuissance des hommes face à la « mère nature », la malchance, la fatalité, ou bien encore la pauvreté des pays sinistrés qui ne peuvent acquérir les techniques pour prévenir de tels cataclysmes. Foutaises et mensonges !
Pourquoi et comment un phénomène naturel et bien connu tel que les tsunamis a-t-il pu en quelques heures se transformer en catastrophe sociale d'une telle ampleur ?
Évidemment, on ne peut accuser le capitalisme d’être à l’origine du séisme qui a provoqué ce gigantesque raz-de-marée. En revanche, on peut mettre à son passif la totale incurie et l'irresponsabilité des gouvernements de cette région du monde et de leurs homologues occidentaux qui ont conduit à cette immense catastrophe humaine.
Tous savaient en effet que cette région du globe est particulièrement exposée aux secousses sismiques.
« Les experts locaux, pourtant, savaient qu’un drame se préparait. Courant décembre, en marge d’une réunion de physiciens à Djakarta, des sismologues indonésiens avaient évoqué le sujet avec un expert français. Ils étaient parfaitement conscients du danger de tsunamis car il y a en permanence des séismes dans la région » (Libération du 31/12/04).
Non seulement les experts sont au courant, mais en plus l’ex-directeur du Centre international d’information sur les tsunamis à Hawaï, George Pararas-Carayannis, indique qu’un séisme majeur s’est même produit 2 jours avant la catastrophe du 26 décembre. « L’océan Indien dispose d’infrastructures de base pour les mesures sismiques et les communications. Et personne n’aurait dû être surpris, puisqu’un séisme de magnitude 8,1 s’était produit le 24 décembre. Il aurait dû alerter les autorités. Mais il manque d’abord la volonté politique des pays concernés, et une coordination internationale à l’échelle de ce qui s’est construit dans le Pacifique » (Libération du 28/12/04).
Personne n’aurait dû être surpris et pourtant le pire est arrivé. Mais l’incurie des classes dirigeantes ne s’arrête pas là !
Ainsi, lorsque le centre américain de météo d’Hawaï a annoncé rapidement à 26 pays, quinze minutes après le séisme, la possibilité de tsunamis près de l’épicentre, l’agence de météorologie du Japon n’a pas relayé l’information auprès de ses voisins, puisque le bulletin météo était rassurant pour le Japon.
En Inde, le QG de l’armée de l’air a reçu l’information, mais celle-ci se doit de suivre un parcours très hiérarchisé et bureaucratique. Le fax d’alerte s’est perdu en route car le département météo n’avait pas le nouveau fax du ministère de la recherche : celui-ci avait changé avec le nouveau gouvernement en place depuis le mois de mai 2004 ! « Même scénario en Thaïlande où le département météo n’a pas osé lancer d’alerte nationale de peur de provoquer une inutile panique générale. Il savait pourtant qu’un tremblement de terre de grande ampleur s’était produit dès 8h10, soit bien avant que le tsunami ne frappe les rivages de Phuket » (Libération du 31/12).
La simple prudence (sans compter le principe de précaution) commandait d’alerter les populations. Même sans les moyens techniques dont sont dotés les États-Unis et le Japon, il y avait suffisamment d’informations disponibles sur la catastrophe en préparation pour agir et éviter ce carnage.
Ce n’est pas de la négligence, c’est une politique criminelle et qui révèle le profond mépris de la classe dominante pour les populations et le prolétariat qui sont les principales victimes de la politique bourgeoise des gouvernements locaux !
En fait, il est clairement reconnu aujourd’hui, de façon officielle, que l’alerte n’a pas été lancée de crainte de… porter atteinte au secteur du tourisme ! Autrement dit, c’est pour défendre de sordides intérêts économiques et financiers que des dizaines de milliers d'êtres humains ont été sacrifiés.
Cette irresponsabilité des gouvernements est une nouvelle illustration du mode de vie de cette classe de requins qui gère la vie et l'activité productive de la société. Les États bourgeois sont prêts à sacrifier autant de vies humaines, si cela est nécessaire pour préserver l’exploitation et les profits capitalistes.
Ce sont toujours les intérêts capitalistes qui dictent la politique de la classe dominante, et dans le capitalisme, la prévention n’est pas une activité rentable comme le reconnaissent aujourd'hui tous les médias : « Des pays de la région auraient jusqu’ici fait la sourde oreille pour mettre sur pied un système d’alerte en raison des énormes coûts financiers. Selon les experts, un dispositif d’alerte coûterait des dizaines de millions de dollars, mais il permettrait de sauver des dizaines de milliers de vies humaines ». (Les Échos du 30/12)
Quand on voit, à longueur de reportages télévisés, ces dizaines de milliers de morts, de familles décimées, d’enfants orphelins, on ne peut qu’être profondément révoltés d'entendre les responsables de ces massacres annoncer, avec un cynisme abject, qu'ils vont tout faire maintenant pour doter le continent asiatique d’un système de détection des séismes et des tsunamis comme c'est le cas aux États-Unis et au Japon.
Le drame humain qui vient de se dérouler en Asie du sud est une nouvelle manifestation de la barbarie effroyable d'un système qui conduit l'humanité à sa perte. Car c'est bien ce système décadent qui est le vrai responsable des catastrophes à répétition. L’an dernier, c’est un séisme en Iran qui a fait des dizaines de milliers de morts, et juste avant c’était la Turquie, l’Arménie, etc. On entasse des populations sur des zones sismiques, dans des constructions précaires, alors que la technologie existe pour éviter que des phénomènes naturels ne provoquent de telles catastrophes sociales.
Si le tsunami dans l’océan Indien a fait également autant de victimes parmi les vacanciers, c'est parce que le capitalisme a développé des complexes touristiques de façon totalement anarchique notamment en détruisant les mangroves qui servaient de protection naturelle, capable d’atténuer la force des vagues et des projectiles charriés par les raz-de-marée.
C'est cette même réalité aberrante que l’on retrouve dans les pays industrialisés où l’on construit des habitations dans des zones potentiellement inondables et dangereuses pour la vie des populations.
Plus que jamais, le capitalisme, parce qu’il est basé sur la recherche effrénée du profit et de la rentabilité et non sur la satisfaction des besoins humains, ne peut qu’engendrer de nouvelles catastrophes. Alors que le développement du capitalisme avait permis l'épanouissement d'un formidable potentiel technologique et industriel et de tendre à une certaine maîtrise de la nature, ce système, dans sa phase décadente, n’est plus capable de faire avancer l’humanité, de la faire progresser. C'est au contraire la nature qui semble « reprendre ses droits », alors que le développement de la technologie pourrait permettre à l’humanité de vivre en harmonie avec elle.
Le capitalisme est aujourd'hui un système social en décomposition. Il est devenu une entrave et une menace pour la survie de l’espèce humaine. Aux explications partielles mais surtout crapuleuses et cyniques de la classe dominante, les révolutionnaires doivent opposer l’analyse du marxisme.
« A mesure que le capitalisme se développe puis pourrit sur pied, il prostitue de plus en plus cette technique qui pourrait être libératrice à ses besoins d’exploitation, de domination, et de pillage impérialiste, au point d’en arriver à lui transmettre sa propre pourriture et à la retourner contre l’espèce (…) C’est dans tous les domaines de la vie quotidienne des phases 'pacifiques' qu’il veut bien nous consentir, entre deux massacres impérialistes ou deux opérations de répression que le capital, aiguillonné sans trêve par la recherche d’un meilleur taux de profit, entasse, empoisonne, asphyxie, mutile, massacre les individus humains par l’intermédiaire de la technique prostituée (…) Le capitalisme n’est pas innocent non plus des catastrophes dites 'naturelles'. Sans ignorer l’existence de forces de la nature qui échappent à l’action humaine, le marxisme montre que bien des catastrophes ont été indirectement provoquées ou aggravées par des causes sociales (…) Non seulement la civilisation bourgeoise peut provoquer directement ces catastrophes par sa soif de profit et par l’influence prédominante de l’affairisme sur la machine administrative (…) mais elle se révèle incapable d’organiser une protection efficace dans la mesure où la prévention n’est pas une activité rentable ». (A. Bordiga, « Espèce humaine et croûte terrestre »)
Face à la gravité de la catastrophe, il a fallu plusieurs jours à la bourgeoisie internationale pour se mobiliser et envoyer des secours dans les pays frappés par la catastrophe. Et encore faut-il que ces secours puissent être acheminés sur le terrain : ainsi, un hôpital de campagne envoyé par le France en Indonésie attend depuis plus de deux semaines l’arrivée des hélicoptères censés transporter le matériel et les équipes médicales.
Lorsqu'il s'agit de défendre leurs intérêts impérialistes, dans les guerres prétendument « humanitaires », ces États ont toujours fait preuve d'une extrême rapidité pour envoyer des troupes, du matériel et des engins toujours plus sophistiqués pour bombarder les populations et semer la mort aux quatre coins de la planète. De même, tous ces gangsters capitalistes n'ont jamais hésité à investir des sommes pharamineuses dans la production d’armements et pour détruire des pays entiers.
Quant à l'aide financière consentie dans un premier temps par les gouvernements de tous les pays, et notamment les plus développés, elle était tellement dérisoire que le secrétaire adjoint de l’ONU, Jan Egeland a même traité de pingre, de radin la « communauté internationale ».
Face à l'ampleur du désastre, les différents États capitalistes se sont encore comportés comme de véritables charognards, faisant monter les enchères dans le seul objectif d'apparaître comme les plus « généreux » face à leurs rivaux.
Ainsi, les États-Unis ont proposé 350 millions de dollars au lieu des 35 initialement annoncés (alors qu'ils dépensent aujourd’hui 1 milliard de dollars par semaine pour la guerre en Irak et 1 milliard par mois pour celle en Afghanistan !), le Japon 500 millions, l’Union européenne 436 millions. La France a même crû un moment, avec ses 50 millions, se placer à la tête des pays donateurs (alors que ses interventions militaires lui coûtent un milliard d'euros par an !); puis ce fut le tour de l’Australie, de l’Angleterre, de l’Allemagne, etc.
A chaque fois, comme dans les ventes aux enchères, tel ou tel État proposait une offre d’aide financière supérieure à celle du voisin.
Cette surenchère verbale est d'autant plus écœurante qu'elle relève de la pure mascarade, car les promesses de dons sont souvent peu suivies d’effets. Ainsi, on peut rappeler que cette « communauté internationale » de brigands capitalistes avait promis 115 millions de dollars suite au séisme qui avait secoué l’Iran en décembre 2003 et Téhéran n’a reçu à ce jour que 17 millions de dollars. C’est la même chose qui s'est produite pour le Libéria : 1 milliard de dollars promis et 70 millions récoltés.
Les exemples ne manquent pas, sans compter tous ces conflits qui sombrent dans l’oubli et l’horreur et pour lesquels, il n’y a même pas de promesse, comme le Darfour ou le Congo, avec des drames humains de l’ampleur du tsunami asiatique.
Quant à la proposition de moratoire de remboursement des dettes des pays touchés par la catastrophe, c’est une baudruche qui se dégonflera rapidement, car il s'agit tout simplement d'un report d’échéances des intérêts de la dette et non pas un effacement des dettes. D’ailleurs, les cinq pays les plus endettés parmi ceux qui ont été frappés par le raz-de-marée devront rembourser 32 milliards de dollars l’an prochain, soit dix fois plus que ce qu’ils sont censés recevoir au titre de « l’aide humanitaire » (et qui est probablement gonflé par rapport à ce qu’ils recevront effectivement). Évidemment, ces pays n’ont pas le privilège d’être occupés par l’armée américaine comme c’est le cas de l’Irak : ils auraient pu alors bénéficier d’une annulation pure et simple de leur dette.
Non seulement, la bourgeoisie nous raconte des mensonges éhontés à propos de sa soi-disant « générosité », mais en plus, elle nous cache les véritables objectifs de cette surenchère « humanitaire ».
L'aide « humanitaire » des gouvernements n'est en réalité rien d'autre qu'un prétexte pour masquer leurs appétits impérialistes.
Derrière le rideau de fumée idéologique de la propagande humanitaire, il est frappant de voir l’empressement de chaque État à envoyer ses représentants sur les lieux de la catastrophe avant les autres, de façon concurrente, alors qu'un tel désastre nécessitait une coordination internationale des secours. En fait, chaque bourgeoisie nationale défend ses propres intérêts de puissance capitaliste et impérialiste dans une région qui représente un enjeu stratégique et militaire.
Les profondes divergences d’intérêts entre les différents États impérialistes qui s'étaient manifestées à propos de l’Afghanistan ou de l’Irak, on les voit réapparaître ici. Ainsi, la France envoie son ministre des Affaires étrangères avec un avion rempli de médicaments et Chirac, avec le soutien de l’Allemagne, propose de créer une force humanitaire de réaction rapide, force qui serait sous le contrôle des États européens, mais au service de l’ONU.
La réplique américaine ne s'est pas fait attendre : non seulement, les États-Unis envoient des bateaux, des avions et des troupes militaires dans l’océan Indien, mais ils annoncent également la création d’une coalition internationale humanitaire (avec l’Australie, le Japon, l’Inde) pour "coordonner les secours".
Comme pour la guerre en Irak, la politique américaine vise à montrer aux autres puissances que les États-Unis sont les patrons et que, dans ces circonstances, ils entendent bien encore défendre leur leadership. Le secrétaire d’État, Colin Powell, et le frère du président Bush sont envoyés sur place pour exalter « les valeurs américaines en action ». Colin Powell qui fut le commandant en chef des armées américaines lors de la 1ère guerre du Golfe et qui ordonna notamment d’ensevelir, encore vivants, les soldats des premières lignes irakiennes, a même eu le culot de verser des larmes de crocodile, lors d’un survol en hélicoptère de la région de Banda Aceh, en déclarant : « j’ai été en guerre, j’ai eu des ouragans et des tornades et d’autres opérations de secours. Je n’ai jamais rien vu de tel » (Libération du 6/01/04).
Toutes ces dissensions entre les grandes puissances où chaque État essaie de tirer la couverture à lui, en disent long sur la préoccupation « humanitaire » de ces vautours capitalistes. Comme le souligne, un responsable américain : « C’est une tragédie, mais aussi une opportunité à saisir. Une aide rapide et généreuse des États-Unis pourrait aider à améliorer les relations avec les pays asiatiques ».
Compte tenu de l’importance stratégique de l’Indonésie dans l’océan Indien, il est évident, que les États-Unis cherchent à profiter de la catastrophe pour pouvoir s’implanter militairement (ce que les militaires indonésiens avaient refusé à Washington, à qui ils reprochaient leurs ingérences dans les affaires indonésiennes, lorsqu’en 1999, les États-Unis avaient suspendu leur aide militaire à Djakarta en raison des exactions commises par l’armée indonésienne au Timor oriental). Par ailleurs, leur « aide humanitaire » au Sri Lanka a pris la forme d’un « débarquement » de chars amphibies évidemment « pacifiques » (et non armés aux dires d’un officier) et qui ont pour mission de « non de détruire » mais de « secourir la population ».
De leur côté, les États européens, eux aussi, souhaitent être présents militairement et diplomatiquement dans cette région. Quant à la Chine, elle cherche à faire valoir ses ambitions de gendarme du continent asiatique et se heurte à l'opposition du Japon. Et si l'État indien a refusé toute aide étrangère, quitte à laisser crever comme des rats une partie des sinistrés, c'est parce qu'il veut s'affirmer comme une puissance régionale avec laquelle il faudra compter.
Voilà ce que cache la cacophonie de l'aide « humanitaire » de la bourgeoisie mondiale : la défense de ses sordides intérêts impérialistes ! L'ignominie et l'hypocrisie sans borne de la classe bourgeoise qui dirige le monde est à vomir !
Encore une fois, c'est le capitalisme qui est une catastrophe pour l'humanité, avec sa loi du profit et sa classe dominante, tout juste capable de comptabiliser les morts et de déchaîner toujours plus de barbarie. Au même moment, où il laisse les vagues géantes emporter les populations, il exacerbe le chaos en Afghanistan, il multiplie les attentats terroristes et les représailles qui ensanglantent l’Irak, la Palestine, il laisse se développer la famine au Darfour et les massacres au Congo.
Cette spirale sanglante indique que le capitalisme ne peut offrir à l’humanité que sa destruction à travers des catastrophes toujours plus meurtrières, des guerres toujours plus barbares, la misère, la famine, les épidémies. C'est vers une destruction de la planète morceaux par morceaux que nous promet ce système qui pourrit sur pied.
Face à une telle tragédie humaine et sociale, les révolutionnaires et l’ensemble du prolétariat mondial doivent clamer, haut et fort, leur solidarité de classe envers les victimes.
Ils ne peuvent que saluer l’élan de solidarité humaine au niveau planétaire qui s’est manifesté immédiatement. Sans attendre les secours, les survivants se sont mutuellement entraidés, tant les populations asiatiques vis-à-vis des touristes, que les touristes vis-à-vis des populations locales. Spontanément, des millions de personnes, et notamment des prolétaires dans tous les pays, ont proposé d’offrir de la nourriture, des vêtements, des dons financiers.
Mais cette solidarité naturelle, qui est à la base même de l’existence sociale et de la préservation de l'espèce humaine, a été immédiatement récupérée par la classe dominante et ses ONG.
Le rouleau compresseur de l’information en boucle et des images choc a pour fonction d’empêcher la réflexion sur les causes de cette catastrophe sociale.
Puisque nous sommes « impuissants » devant de tels événements, la seule chose que l’on puisse faire, nous dit la bourgeoisie à travers ses médias et ses spécialistes de l’aide humanitaire, c’est d’effectuer des dons à telle ou telle ONG et on nous assure que cet argent ira bien aux populations sinistrées.
Ces organisations « non gouvernementales » ont fait la preuve, une nouvelle fois qu’elles étaient au service des gouvernements. Il suffit pour s'en convaincre de voir la pagaille sur le lieu même du drame : chaque télévision nationale nous fait la promotion de telle ou telle ONG qui, en fonction de son pays d’origine, est chargée de défendre les intérêts concurrents de tel ou tel gouvernement, au détriment et contre les autres ONG. Ainsi, la solidarité dans la bouche de la bourgeoisie se transforme en chauvinisme.
L’indignation de la classe ouvrière face à ce drame, sa solidarité spontanée avec les victimes a été manipulée et dévoyée par la classe dominante dans une ignoble campagne d’intoxication « humanitaire ». Grâce à ses ONG, la bourgeoisie s’est emparée de cet élan réel de générosité pour le dévoyer sur le strict terrain caritatif. A travers les demandes de soutien financier pour venir en aide aux populations sinistrées, les États bourgeois ont organisé une véritable opération de racket, distillant au sein de la population mondiale, et notamment de la classe ouvrière, le sentiment de se « donner bonne conscience » en apportant une contribution à l'aide « humanitaire » des gouvernements.
Cette campagne, alimentée par les émissions de télévision quotidiennes, est un véritable matraquage idéologique visant à brouiller les consciences, à empêcher les prolétaires de réfléchir aux causes réelles de la catastrophe.
En empêchant les prolétaires de comprendre que c'est le capitalisme qui est le seul responsable, elle vise à dénaturer leur solidarité de classe et à la dévoyer dans une voie de garage.
La solidarité de la classe ouvrière ne peut se limiter, comme veulent le faire croire la bourgeoisie et ses ONG, à une simple action caritative.
D'une part parce que les dons financiers ne peuvent être qu'une goutte d'eau dans l'océan compte tenu de l'ampleur du désastre.
D'autre part, les sommes récoltées ne peuvent permettre de soulager la détresse et le désespoir de tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont perdu leurs proches dont les corps ne seront jamais retrouvés ou ont été entassés dans l'urgence dans des fosses communes, sans sépulture.
L'argent ne peut réparer l'irréparable : il n'a jamais été un remède à la souffrance morale !
Enfin, ces gestes de solidarité financière ne peuvent résoudre le problème à la racine : ils ne peuvent empêcher la répétition de nouvelles catastrophes dans d'autres régions du monde.
C'est pour cela que la solidarité de classe du prolétariat ne peut être celle des curés du « Secours Catholique » et autres ONG.
La solidarité des prolétaires n'a pas comme objectif de leur donner « bonne conscience » ou de sauver leur âme en cédant au sentiment de culpabilité que cherche à instiller la classe dominante.
Les prolétaires du monde entier doivent comprendre que, en menant le combat contre la bourgeoisie, en renversant son système meurtrier, ils sont les seuls à pouvoir rendre un réel hommage aux morts, à toutes ces vies humaines sacrifiées sur l'autel du capitalisme, au nom de la loi du profit et de la rentabilité.
Ils doivent développer leurs luttes et leur propre solidarité de classe contre tous les États, tous les gouvernements qui non seulement les exploitent et attaquent toutes leurs conditions de vie, mais ont encore le culot de leur demander de « mettre la main à la poche » pour réparer les dégâts provoqués par le capitalisme.
Ce n'est que par la lutte quotidienne contre ce système, jusqu'à son renversement, que la classe ouvrière peut manifester sa véritable solidarité envers les prolétaires et les populations des pays dévastés par le tsunami.
Si cette solidarité ne peut évidemment avoir des effets immédiats, elle n'est pas un feu de paille, contrairement à celle préconisée par la bourgeoisie et les ONG.
Dans quelques mois, pour la classe dominante et ses organisations caritatives, cette catastrophe sera enfouie dans les oubliettes de l'histoire.
La classe ouvrière, elle, ne peut l'oublier comme elle ne peut oublier les massacres de la guerre du Golfe et de toutes les autres guerres et catastrophes dites « naturelles ».
Pour les ouvriers du monde entier, cette tragédie ne doit jamais être une « affaire classée ». Elle doit rester gravée dans leur mémoire et servir d'aiguillon pour renforcer leur détermination à développer leurs luttes et leur unité de classe contre la barbarie du capitalisme.
La classe ouvrière est la seule force de la société actuelle qui puisse effectuer un véritable don à toutes les victimes de la classe bourgeoise en renversant le capitalisme et en construisant une nouvelle société, basée non sur le profit mais sur la satisfaction des besoins humains. C'est la seule classe qui puisse, par sa perspective révolutionnaire, offrir un avenir à l'espèce humaine.
C'est pour cela que la solidarité du prolétariat doit aller bien au-delà de la simple solidarité émotionnelle. Elle ne doit pas être fondée sur des sentiments d'impuissance ou de culpabilité mais, avant tout, sur sa conscience.
Seul le développement de sa propre solidarité de classe, une solidarité basée sur la conscience de la faillite du capitalisme, sera en mesure de créer les bases d’une société dans laquelle les crimes que la bourgeoisie nous présente comme des catastrophes « naturelles » ne pourront plus jamais être commis, où cette barbarie abominable pourra être définitivement dépassée et abolie.
« Le capitalisme agonisant veut nous habituer à l’horreur, à considérer comme 'normale' la barbarie dont il est responsable. Les prolétaires doivent réagir en manifestant leur indignation devant ce cynisme et leur solidarité avec les victimes de ces conflits sans fin, des massacres perpétrés par toutes les bandes capitalistes [auxquelles s’ajoutent les victimes des catastrophes 'naturelles']. Le dégoût et le rejet de ce que le capitalisme dans sa décomposition fait vivre à la société, la solidarité entre membres d’une classe qui n’ont que des intérêts communs, sont des facteurs essentiels de la prise de conscience qu’une autre perspective est possible et qu’une classe ouvrière unie a la force de l’imposer ». (Revue internationale n°119).
Les ouvriers du monde entier ne peuvent témoigner leur solidarité envers les victimes de la catastrophe qu'en faisant vivre, par leurs luttes contre l'exploitation, la misère et la barbarie capitaliste, ces mots d'ordre :
"A bas tous les gouvernements ! A bas le capitalisme !"
"Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !"
DM (8 janvier 2005)
L'année 2005 aura commencé sous le signe d'une reprise des appels à la mobilisation de la part des syndicats en France comme le pays n'en avait plus connu depuis juin 2003. Coup sur coup, étaient organisées trois "journées d'actions" : le 18 janvier à la Poste, le 19 à la SNCF, le 20 dans l'ensemble du secteur public. Et six confédérations syndicales sur sept appellent le public et le privé à manifester conjointement le 5 février "pour la défense des 35 heures". A quoi correspond ce "réveil" syndical qui contraste avec la passivité extrême des syndicats depuis la défaite de la lutte ouvrière du printemps 2003 ?
Mais d'abord deux autres questions se posent : quels sont les besoins pour la classe ouvrière aujourd'hui ? Que proposent les syndicats ?
La remontée de la combativité ouvrière qui s'est exprimée au niveau international à travers les luttes en France et en Autriche en 2003, aux Pays-Bas, en Espagne, en Allemagne en 2004 (voir l'article sur les leçons sur la lutte à Opel en page 3) a déjà démontré que la classe ouvrière n'a pas disparu et que ses luttes n'appartiennent pas à un passé révolu. Face à l'aggravation de la crise économique et aux attaques de la bourgeoisie, elle est de plus en plus contrainte partout de se battre pour défendre ses conditions de vie. Les prolétaires n'ont pas d'autre choix que de lutter et, s'ils ne le font pas, la bourgeoisie continuera à cogner de plus en plus fort.
Ce n'est qu'en reprenant le chemin de la lutte que la classe ouvrière peut développer le sentiment et la conscience d'appartenir à une même classe aux intérêts politiques et économiques communs, prendre confiance en elle-même et développer son unité et sa solidarité face à des attaques qui touchent l'ensemble de prolétaires, secteur public comme secteur privé. Et ce n'est que par la lutte massive que la classe ouvrière peut s'opposer aux attaques de la bourgeoisie.
Aujourd'hui encore, les revendications et les besoins qui s'affirment pour les ouvriers sont partout les mêmes face attaques qu'ils subissent :
- augmentation des salaires pour faire face à la hausse durement ressentie du coût de la vie, avec la ponction toujours plus lourde des taxes (prélèvements sociaux, hausse de tarifs publics, des loyers, des impôts, des assurances),
- augmentation des effectifs pour faire face aux conditions de travail qui se dégradent, à une productivité, à une flexibilité accrues.
Ces revendications sont partout ressenties comme une nécessité vitale, alors qu'aujourd'hui, l'ensemble de la classe ouvrière est confrontée. simultanément à une attaque massive contre le salaire social : après les retraites, les prolétaires subissent les effets du cumul des mesures adoptées sur la sécurité sociale.
Une étude publiée dans Le Monde du 30 décembre 2004 montre que les conditions de travail se sont considérablement dégradées en dix ans, par exemple le nombre d'ouvriers travaillant la nuit (entre minuit et 5 h du matin) a doublé. La flexibilité des lois Aubry enchante les patrons : "cette ultra-réactivité au marché est louée par tous les patrons, qui avouent pour certains n'avoir jamais imaginé, 'même dans leurs rêves les plus fous, arriver à un tel degré de flexibilité" (Libération du 12 janvier). En privé, un syndicaliste cédétiste déclare "les entreprises ont tout ce qu'il faut en magasin pour la flexibilité. On s'interroge parfois quand on les entend demander encore plus de souplesse dans le travail " et un autre de la CGT constate que, grâce à la loi sur les 35 heures, "les salaires sont bloqués et les entreprises ont gagné en productivité et allègement de charges. Voilà pourquoi elles se taisent sur les 35 heures" (Idem). Les lois Aubry sur les 35 heures avaient permis d'atteindre un objectif majeur pour la bourgeoisie : généraliser l'introduction de la flexibilité dans les contrats de travail. En même temps, la réduction du temps de travail contenue dans cette législation a été largement compensée par l'augmentation de la productivité et par le blocage des salaires. Aujourd'hui, cette attaque peut être menée plus loin par le gouvernement actuel. Elle est poursuivie et intensifiée par un nouveau rallongement du temps de travail au milieu d'un chantage désormais permanent au licenciement ou à la délocalisation pour faire accepter de nouveaux sacrifices.
Alors, reposons la question : que proposent les syndicats ? Précisément de se mobiliser autour de la défense des 35 heures et sa soi-disant remise en cause par le gouvernement actuel. C'est sur ce thème qu'ils appellent à manifester le 5 février. Mais ils appellent aussi, comme ils l'ont fait au cours des journées d'action de janvier, à se mobiliser pour "la défense du service public, "contre la privatisation" de ces services en poussant les ouvriers à se placer sous l'aile protectrice de l'Etat bourgeois. C'est pourtant ce même Etat bourgeois qui dirige, oriente et démantèle la protection sociale et orchestre ces "réformes", qui taille des coupes claires dans les effectifs comme n'importe quelle autre entreprise par souci de compétitivité entre nations, avec les mêmes critères de rentabilité, qui bloque les salaires de ses fonctionnaires et qui est responsable de la hausse du coût de la vie.
La plupart de ces mesures ont été mises en place depuis que la gauche était au gouvernement : hausse de la CSG, du forfait hospitalier, déremboursement des frais médicaux . par exemple le forfait hospitalier institué par le "ministre du PC Ralite en 1982 a été depuis lors multiplié par cinq ;
La fonction des syndicats n'est pas de "défendre les ouvriers" contre les attaques de la bourgeoisie mais bien de servir les intérêts de l'ennemi de classe, de la bourgeoisie et de son Etat pour saboter et dévoyer les besoins réels de la classe ouvrière, pour les détourner sur un terrain exploitable par la bourgeoisie.
Comment ils s'y prennent ?
Par exemple, alors qu'au nom de la "modernisation", la Poste a entrepris de fermer 6 000 bureaux "non rentables" (soit la moitié de son parc) notamment dans les villages et les petites communes et de les remplacer par des "points Poste" confiés à des petits commerçants locaux quelques heures par semaines et de supprimer 20% de ses effectifs (60 000 emplois), les syndicats détournent l'attention de cette attaque pour la polariser sur la "privatisation" de ce secteur et la "détérioration du service public".
Suite au viol d'une contrôleuse dans un TER, les syndicats comme le gouvernement ont cherché à orienter et à cristalliser la grève spontanée de solidarité qui a perturbé le réseau pendant plusieurs jours sur le problème de la sécurité dans les trains alors qu'il s'agissait d'une réaction élémentaire d'indignation et d'exaspération des cheminots face à la dégradation de leurs conditions de travail et à la taille dans leurs effectifs. C'est pour la même raison que certains guichetiers parisiens de la SNCF se sont mis en grève pour protester contre la mise en place de "guichets automatisés", qui supprime leur emploi.
Ces mouvements sociaux interviennent d'ailleurs alors qu'un accord avait été signé en octobre dernier entre 4 syndicats sur 6 (dont la CGT) et la direction pour limiter le droit de grève et éviter les "grèves-surprise" au nom de la défense du "service public et de l'usager"
Dans le secteur hospitalier, alors que manque de moyens et d'effectifs est général, les syndicats cherchent à isoler les infirmiers du secteur psychiatrique sous prétexte d'insécurité plus grande et de "dangerosité particulière du métier" et ils font partir en lutte un hôpital comme celui de Villejuif en mettant en avant des revendications spécifiques.
Les syndicats effectuent toujours le même sale travail de sabotage de la lutte et de division des ouvriers. C'est ce qu'ils ont fait au cours des luttes du printemps 2003, de concert avec le gouvernement en embarquant les travailleurs de l'Education nationale dans des revendications spécifiques à ce secteur, semant l'illusion que la lutte d'un seul secteur pouvait faire reculer le gouvernement pour faire passer l'attaque la plus générale sur les retraites et épuiser la combativité du secteur enseignant dans une grève longue conduisant à la démoralisation la plus profonde (voir notamment RI n°336, juin 2003 et n°337, juillet-août 2003).
Leur stratégie actuelle s'inscrit dans la même lignée qui ne peut mener qu'à la défaite. Dans la manifestation parisienne du 20 janvier, hospitaliers et enseignants étaient mobilisés à part dès le matin et ont rejoint ensuite le cortège général de la fonction publique en début d'après-midi, dans lequel chacun était solidement encadré, défilant derrière la banderole d'un syndicat, chaque syndicat organisé par branche ou secteur, chaque secteur divisé à son tour par site. Pour le 5 février, la mobilisation annoncée comme "nationale" et "unissant" privé et public se retrouve organisée de fait à l'échelle régionale et éparpillée dans toutes les grandes villes.
Il s'agit donc pour les syndicats :
- d'une part, de prendre les devants par rapport à un mécontentement social grandissant pour le canaliser, l'encadrer face à des attaques générales tous azimuts qui se déchaînent sur les salaires, les effectifs, les conditions de vie et de travail qui sont un terrain favorable au développement d'une lutte unitaire et solidaire ;
- d'autre part, d'occuper le terrain pour pourrir et dévoyer le mûrissement de la réflexion à l'œuvre au sein de l'ensemble de la classe ouvrière sur le fait que partout, dans tous les secteurs, dans tous les pays elle est attaquée de la même manière. C'est le développement de cette réflexion, de cette prise de conscience qui ne peut déboucher que sur la remise en cause du système capitaliste et la nécessité de se battre contre lui pour assurer la défense de ses conditions de vie que les syndicats entreprennent de pourrir.
L'agitation syndicale actuelle ne sert qu'à chercher à entraver le développement de la réflexion en profondeur de la classe ouvrière sur les enjeux de la situation : comment se battre et s'organiser elle-même face aux attaques de la bourgeoisie ?
W (27 janvier)
Porte parole de LO, Arlette Laguiller a consacré 2 éditoriaux à la catastrophe asiatique1. Ces textes semblent, à première vue, plein de bonnes intentions. On y pleure les morts, la misère des populations est jugée intolérable, les aides gouvernementales sont dénoncées comme dérisoires en comparaison des budgets militaires. Mais sous ce vernis radical se cache en effet l’idéologie la plus nauséabonde. Grattons donc un peu.
Face à la souffrance des populations touchées par le raz-de-marée, des millions de prolétaires ont spontanément voulu faire quelque chose. Ce sentiment de solidarité internationale est une expression de l’être même du prolétariat ; elle lui est naturelle parce qu’elle est une classe associée sans patrie ni frontière.
Que fait LO de cet élan de solidarité élémentaire ? Lisons plutôt : «Alors une fois de plus, comme lors de chaque catastrophe, on nous rappelle l’adresse des différentes organisations caritatives, des ONG, auxquelles le public peut adresser ses dons. Et c’est bien que des millions de prolétaires se sentent concernés par ce drame, c’est bien que ces organisations existent, puisque ceux qui par leur puissance économique, ou leur pouvoir politique, gèrent le monde, se préoccupent si peu de ce genre de problèmes». Autrement dit, la raison pour laquelle LO salue ces gestes de solidarités de la classe ouvrière, c’est parce qu’ils viennent pallier aux défaillances de la classe dominante, de ses Etats et ses gouvernements ! D’autre part, LO salue les ONG dont la fonction consiste justement à dénaturer et récupérer la véritable solidarité de la classe ouvrière en la dévoyant sur le terrain strictement caritatif de l’aide «humanitaire» !
LO plébiscite ces organisations qui se sont ruées sur les régions sinistrées, dans une course effroyable, afin d’y défendre l’image et les intérêt de leurs nations respectives2. Après le tsunami, tel des charognards, chaque Etat a voulu saisir «la merveilleuse occasion pour montrer le cœur du gouvernement et du peuple» (Condoleeza Rice, porte parole du gouvernement américain), c’est à dire d’utiliser l’alibi humanitaire pour s’implanter dans la région. C’est à cette immense curée chauvine que LO apporte sa pleine contribution.
Comme toujours LO pratique pour cela le double langage. Ainsi, Arlette y va de son petit couplet pour regretter que ne soit pas mis en place un «SAMU international» par «les dirigeants d’Etat et les politiciens» qui «se contentent de belles paroles», même si ce recours est auparavant pourtant qualifié de «dérisoire». Il n’en est pas moins vrai que LO laisse entendre que ce serait tout de même «mieux» ainsi. LO qui prétend être une organisation révolutionnaire cherche en fait à masquer l’entière responsabilité du capitalisme dans les quelque 300 000 morts de la catastrophe. Pour évacuer cette dénonciation, Arlette réussit le tour de force de ne pas écrire une seule fois le mot ‘capitalisme’ dans ses deux articles ! Pas une seule phrase qui ne dénonce le capitalisme comme responsable de la catastrophe sociale ! Pas un seul appel à la lutte de classe du prolétariat pour renverser ce système moribond avant qu’il ne détruise l’humanité ! Bien au contraire, Arlette participe pleinement aux mensonges bourgeois lorsqu’elle affirme qu’il s’agit d’une catastrophe «naturelle» !
LO cherche, de plus, à faire passer l’idée dans la classe ouvrière qu’il y aurait des «solutions» à l’intérieur même des institutions existantes comme une coopération internationale des ONG ou des gouvernements pour améliorer le sort des populations sinistrées. On est à l’opposé d’une attitude «révolutionnaire» comme celle d’un Lénine qui, en 1919, quand la bourgeoisie a prétendu organiser une institution internationale pour la paix (la Société des Nations, à l’époque), l’a dénoncé comme un «repaire de brigands» !
LO joue ici parfaitement son rôle d’extrême gauche du capital. Tout est fait pour bercer d’illusions le prolétariat, pour lui faire croire qu’un capitalisme au visage plus humain est possible. Alors que le capitalisme est le seul responsable de l’horreur qui s’est abattue sur l’Asie du Sud, alors que ce drame est une nouvelle démonstration de la nature barbare et meurtrière de ce système d’exploitation, LO ajoute ici sa petite pierre au battage général de la bourgeoisie pour entretenir chez les ouvriers un sentiment d’impuissance. Le capitalisme n’y est pour rien. La classe ouvrière n’a plus qu’à mettre la main à la poche et soutenir ainsi son pire ennemi, l’Etat capitaliste et ses ONG.
Ride
1 Editoriaux du 31 décembre 2004 et du 7 janvier 2005.
2 Lire notre article ‘C’est le capitalisme qui est responsable de la catastrophe sociale’.
Samedi 18 décembre 2004, deux soignantes de l'hôpital psychiatrique de Pau étaient retrouvées atrocement assassinées sur leur lieu de travail. C'est à juste titre que cet événement a créé une grande émotion dans le milieu hospitalier comme dans l'ensemble de la population. Ce drame a en effet une fois de plus mis à nu la réalité catastrophique des conditions de travail et du manque d'effectif des hôpitaux psychiatriques et plus largement des hôpitaux généraux. Récemment, la découverte d'un probable assassinat de malade à l'hôpital Georges Pompidou de Paris où le meurtre d'un patient par un autre dans un hôpital psychiatrique du Nord de la France sont venus remettre en avant cette question de plus en plus récurrente de la violence et de l'insécurité dans les établissements hospitaliers.
Evidemment, le ministre de la santé, le "bon" Dr Douste-Blazy, s'est précipité à Pau pour assurer le personnel de sa peine en réclamant énergiquement un "moratoire immédiat sur la fermeture des lits en hôpital psychiatrique". Le tout étayé de la promesse du déblocage pour la mi-février 2005 de 200 millions d'euros pour le secteur de la santé mentale, ce "parent pauvre" de la santé publique.
Ces mesures ne semblent de prime abord n'être qu'un cautère sur une jambe de bois ; les 200 millions d'euros débloqués ne représentent en effet rien au regard des exigences en terme de personnel. Il ne s'agit en effet pas d'une augmentation du budget mais d'un fond momentané.
L'essentiel n'est cependant pas là. Car il est clair que, derrière leurs larmes de crocodile, le ministre de la santé et le gouvernement n'ont pas seulement proposé des mesures de poudre aux yeux mais se sont, en réalité, servis avec le pire cynisme du meurtre des deux soignantes de Pau pour avancer la mise en place d'une exploitation aggravée des soignants en psychiatrie. Le fameux "moratoire", c'est-à-dire le gel de la fermeture des lits en psychiatrie, sans personnel supplémentaire ce qui est certain, signifie clairement la continuation des mêmes conditions de travail, dans une situation sociale où le nombre de gens atteints de troubles psychologiques graves augmente à vitesse grand V.
Mais c'est aussi la proposition d'ouvrir les centres médico-psychologiques jusqu'à 20h et le week-end qui est une véritable crapulerie. Le personnel de ces centres qui accueille ou visite des patients, souvent en crise, est encore moins nombreux que celui du personnel des hôpitaux donc encore plus exposé, car de surcroît isolé dans les communes. Ce qui signifie le mettre potentiellement encore plus en danger sans aucunement régler le problème de la surveillance des personnes potentiellement dangereuses dans ou hors de l'hôpital.
Douste-Blazy, qui a fait le serment d'Hippocrate, a d'autres réponses, d'une efficacité redoutable. D'abord, embaucher, non pas des infirmières, mais… des vigiles "formés au milieu hospitalier", autrement dit des matons pour aliénés ! Il y a mieux encore : relier les lieux de soins en psychiatrie directement avec les commissariats. C'est pour cela que de Villepin l'a accompagné dans sa tournée des popotes. C'est sûr, les malades seront bien soignés ! Et le personnel sous surveillance.
Voilà ce que nous propose la bourgeoisie et ses représentants devant les expressions les plus criantes de la décomposition du système capitaliste, comme la montée de la violence des rapports humains ou l'augmentation des décès au travail : le renforcement de l'exploitation et la matraque.
Mulan (26 janvier)En réponse à la menace de réductions massives d’emplois et de fermetures d’usines par General Motors, une grève de six jours a eu lieu à Bochum chez Opel. Cette grève spontanée, non officielle, a été la plus longue et la plus significative en Allemagne depuis les grandes grèves sauvages de la fin des années 1960 et du début des années 1970.
Pendant presque toute une semaine, la population ouvrière, pas seulement en Allemagne, a suivi avec attention et une grande sympathie les événements à Bochum. Dans les autres usines de General Motors (GM) en Europe aussi, les ouvriers ont exprimé ouvertement qu’ils admiraient et s’identifiaient aux prolétaires de Bochum pour leur courage et leur combativité. Par exemple, pendant la "journée d’action" organisée par les syndicats le 19 octobre, de courts arrêts de travail ont eu lieu. L’importance des germes de solidarité, qui ont été activés par cette lutte ouvrière, peut se mesurer au fait que les employeurs, tant que la grève se développait, n’ont pas osé prendre des mesures légales contre les grévistes, bien que normalement – précisément en Allemagne démocratique – il y ait une répression particulièrement rigoureuse contre toute lutte ouvrière se déroulant en dehors du cadre syndical des négociations officielles. Les patrons ont bien sûr utilisé les menaces habituelles, dénigré les "meneurs", répandu des rumeurs à propos de voitures et de machines cassées et menacé d’appeler la police si la grève ne cessait pas immédiatement.
Bien que le syndicat IG Metal et le conseil d’usine (1) d’Opel-Bochum aient justifié la fin de la grève au moyen de l’argument selon lequel les ouvriers auraient obligé les employeurs à revenir à la table des négociations et à offrir des garanties de non-fermeture des usines, la principale revendication des grévistes – qu’il n’y ait pas de licenciements – n’a pas été satisfaite. L’aspect significatif de cette grève réside néanmoins avant tout dans le fait qu’elle a démontré la capacité de la classe ouvrière d’agir en tant que force indépendante de la société actuelle. Ce n’est pas par hasard que le conflit à Opel ait donné lieu à un débat dans les médias de la bourgeoisie entre d’un côté les sociologues, qui parlent d’un "retour de la lutte de classe, au sens marxiste du terme" et, de l’autre côté, les idéologues des mouvements de "mondialisation alternative" et de "lutte contre le travail", qui ont depuis longtemps déclaré la lutte ouvrière morte et enterrée. De telles discussions servent d’un côté à semer la confusion chez les ouvriers, quand des théoriciens petit-bourgeois comme Robert Kurz du groupe "Krisis" se voient donner l’occasion de déclarer à la Télévision que la lutte à Opel est supposée avoir été la confirmation du fait que la lutte ouvrière a été remplacée par un combat interclassiste pour le "droit à la paresse". Mais elles servent aussi à préparer la classe dominante dans son ensemble à réaliser que l’époque (surtout après 1989) où il était possible, de façon plus ou moins crédible, de nier la réalité de la lutte de classe, touche à sa fin. L’antagonisme qui s’approfondit entre les riches et les pauvres, entre le capital et le travail salarié mais, par-dessus tout, la résistance des travailleurs attaqués a mis en marche le processus de reconquête de son identité de classe par le prolétariat, laquelle, à son tour, constitue une des principales conditions d’une lutte défensive plus puissante et plus consciente de la classe ouvrière.
Comme toute grève ouvrière significative, la grève à Bochum n’a pas été un coup de tonnerre dans un ciel serein. De telles luttes sont toujours des moments d’une série de combats ouvriers à l’échelle internationale. Aujourd’hui, le prolétariat commence à lutter contre les attaques de ses conditions de vie résultant de l’approfondissement de la crise économique. Ce renouveau des luttes défensives a trouvé sa première expression au printemps 2003 avec les grèves et les manifestations dans le secteur public en France et en Autriche contre la "réforme de la retraite", qui ont vu leur prolongement en Italie dans les manifestations contre la baisse des retraites, contre les licenciements à Fiat ou dans les grèves dans les transports publics ; en Grande Bretagne chez les pompiers et les ouvriers de la poste pendant l’hiver 2003 ; aux Etats-Unis, contre les réductions massives au niveau de la santé et des retraites, etc. De plus en plus, les travailleurs de tous les pays sont confrontés à l’allongement du temps de travail, ce qui a pour conséquence une détérioration de la force de travail et de la santé des ouvriers en même temps qu’une diminution dramatique des salaires et le plongeon des chômeurs et des retraités dans la plus amère des pauvretés.
Ce qui caractérise la situation actuelle, c’est le rôle central joué par le chômage. Les licenciements massifs et les fermetures d’usine se multiplient alors que les attaques contre les chômeurs ne cessent pas pour autant. Le chantage ouvert, au travers de menace de fermetures ou de délocalisations, est utilisé sans vergogne pour obtenir des réductions de salaire, plus d’heures travaillées et une flexibilité toujours plus grande. Dans ce processus, dresser les uns contre les autres les employés de différentes usines est une politique qui s’impose à la bourgeoisie dans tous les pays.
La classe ouvrière répond déjà à ces menaces par des luttes. Le 2 octobre 2004, en Hollande et en Allemagne, des manifestations simultanées de 200 000 personnes à Amsterdam et de 45 000 à Berlin ont eu lieu contre les attaques de l’Etat lancées contre les chômeurs. En septembre 2004, des ouvriers des chantiers navals à Puerto Reale et à San Fernando en Andalousie (Espagne) ont fait grève et ont manifesté contre les licenciements massifs.
Ce qui est typique de ces luttes, c’est qu’elles sont préparées par d’autres luttes, moins significatives, dans le même secteur ou dans un autre, et qu’à leur tour elles en préparent de futures. Ainsi, il y avait déjà eu des arrêts de travail il y a quatre ans chez Opel à Bochum en réponse à la menace de réductions d’emplois suivis, au printemps 2004, d’un arrêt de travail sauvage à l’usine automobile Ford à Cologne. Il y a cependant un aspect commun à la grève actuelle à Bochum et aux luttes revendicatives qui se sont déroulées il y a trois mois à Mercedes. Les ouvriers y avaient mis en pratique la leçon selon laquelle on ne peut pas, et on ne doit pas, accepter le chantage de la bourgeoisie sans mener de combat. Grâce à un réveil de la solidarité de classe, les ouvriers ont ainsi contré les tentatives des patrons d’opposer les employés des différentes usines les uns contre les autres. En ce sens, les ouvriers d’Opel-Bochum ont repris la flamme de la courageuse lutte de leurs collègues de Mercedes.
Bien sûr, les syndicalistes radicaux ont essayé d’expliquer la reprise du travail à Bochum au bout de six jours (sans que les principales revendications des ouvriers aient été satisfaites), par la manœuvre de la direction de IG Metall et du conseil d’usine le 20 octobre. Celle-ci a constitué à faire voter les ouvriers sur l’ouverture de négociations conditionnée par la reprise du travail. Elle est aussi un exemple typique de manœuvre syndicale contre les ouvriers où la poursuite sans fin d’une grève déjà isolée est présentée comme la seule alternative à l’arrêt de la lutte. De fait, les questions décisives pour la lutte se sont trouvées passées à la trappe :
- Comment faire pour que les revendications ouvrières soient le plus efficace possible ?
- Qui négocie, les syndicats et le conseil d’usine ou les délégués choisis par une assemblée générale ?
Les syndicalistes radicaux, en prenant parti pour une grève longue et isolée, n’ont pas fait autre chose que de soutenir l’une des options de la fausse alternative de la direction. Quand l’annonce des réductions d’emplois programmées en Europe a été faite, les ouvriers de TOUTES les usines Opel ont réagi avec indignation par des arrêts de travail. Exactement comme chez Mercedes pendant l’été, quand des grèves ont eu lieu simultanément à Sindelfinden (Stuttgart) et à Brème, démontrant ainsi que les forces ouvrières des différentes usines étaient déterminées à ne pas se laisser monter les unes contre les autres. Ici aussi, les ouvriers des usines principalement ciblées, Bochum et Rüsselsheim (chacune menacée d’environ 5000 licenciements), ont réagi ensemble. L’IG Metall et le conseil d’usine à Bochum n’ont même pas essayé de casser cet élan de combativité initial. Mais tout a été fait pour imposer une reprise rapide du travail à Rüsselsheim. C’est un fait qui a été systématiquement ignoré par les médias capitalistes de gauche. Même s’ils le mentionnaient, c’était de façon à donner l’impression que les travailleurs de Rüsselsheim étaient la cause de cette division.
La reprise rapide du travail dans l’usine "mère" d’Opel près de Francfort (Rüsselsheim) a été vécue par les ouvriers de Bochum, qui restaient en grève, comme une désolidarisation. Aussi, dès le deuxième jour du mouvement à Opel, on sentait déjà s’enfoncer le coin de la division, ce contre quoi les ouvriers de Mercedes avaient été capables de se prémunir.
Comment l’expliquer ? Quelques semaines avant les annonces de suppression de 12 000 emplois en Europe, GM avait fait savoir qu’une seule usine subsisterai en Europe, soit à Rüsselsheim, soit à Trollhätan en Suède. Pendant les premiers jours de la grève, déjà, le conseil d’usine et l’IG Metall (IGM) à Rüsselsheim n’ont laissé planer aucun doute sur le fait qu’ils ne toléreraient pas d’autre action de solidarité avec les ouvriers de Bochum, parce que cela pouvait amener l’usine en Hesse à perdre face à son "rival suédois". Le syndicat, le conseil d’usine et le SPD ont appelé à des manifestations séparées des différentes usines le 19 octobre alors qu’ils auraient pu facilement organiser une action commune. Mais à l’inverse, les ouvriers de Bochum et de Rüsselsheim ont constamment été éloignés les uns des autres, de façon à ce que jamais l’occasion de se rencontrer et de discuter de leurs intérêts communs ne soit possible. Les saboteurs de la lutte n’ont même pas permis à une petite délégation d’aller de Rüsselsheim à Bochum, et inversement, pour porter leurs témoignages de solidarité. Au contraire, le conseil d’usine de Rüsselsheim a mis en garde contre "les têtes brûlées" de la Rhur, alors que leurs compères à Bochum faisaient sans arrêt des remarques sarcastiques sur la solidarité de leurs "chers collègues" de Rüsselsheim. Pour avoir une idée de toute l’ampleur de l’hypocrisie des syndicats pendant la "journée de solidarité dans toute l’Europe", il suffit de mentionner comment les syndicats suédois, dans une assemblée ouvrière, après le rapide et habituel blabla sur leur solidarité avec les ouvriers d’Opel, se sont empressés d’annoncer triomphalement que le Premier ministre suédois Persson avait promis de s’engager personnellement pour que la production reste en Suède, c’est à dire que le site de Rüsselsheim soit liquidé.
Qu’en était-il à Bochum où la grève continuait ? Là, les représentants officiels de l’IGM et le conseil d’usine avaient fait tellement profil bas au début de la grève qu’une partie des medias les accusaient d’avoir perdu le contrôle de la situation. D’autres critiquaient le fait que ces responsables aient laissé le champ libre aux syndicalistes radicaux. Juste quelques jours plus tard, les syndicats allaient démontrer comment en réalité ils avaient peu perdu le contrôle, en mettant fin relativement facilement à la grève. Mais il est vrai que, pendant les premiers jours, les leaders syndicaux avaient vraiment laissé le terrain aux "radicaux". Dès qu’il est apparu clairement que les gens de Bochum restaient isolés dans leur grève, ces pseudo-radicaux, en tant que représentants les plus conséquents de l’idéologie syndicale, ont commencé à faire campagne pour "une grève longue, qui résiste jusqu’au bout". Il y a un siècle, quand les travailleurs en lutte se battaient principalement contre des capitalistes individuels, ils pouvaient réellement imposer leurs intérêts en faisant leur propre grève. Mais, depuis que ces entreprises familiales sont devenues des consortiums géants, qui sont liés au niveau national à d’autres et entreprises et à l’Etat, les ouvriers doivent se battre en tant que classe, c’est-à-dire qu’ils doivent étendre et unifier leurs luttes de façon à être capables d’opposer une résistance efficace. Aujourd’hui, et déjà au 20e siècle, l’idéologie syndicale des luttes séparées, isolées, est devenue un point de vue bourgeois, une recette pour battre les ouvriers. Chez Opel à Bochum, cela s’est avéré encore une fois être un moyen de diviser les ouvriers. Alors qu’une majorité – pressentant déjà l’impasse dans laquelle les menait une grève isolée – allait voter la reprise du travail, une minorité combative, dans sa rage, voulait continuer quelles que soient les conséquences. Quelques-uns parmi eux accusaient même la majorité d’avoir trahi la cause commune. A ce moment là, la division s’installait, pas seulement entre Bochum et Rüsselsheim, mais aussi au sein des ouvriers de Bochum. Par la suite, les représentants de la "grève jusqu’au bout" - par exemple les tenants du MLPD stalinien – ont affirmé que si la grève avait duré quelques jours de plus, les capitalistes auraient été obligés de capituler. Mais, de plus, l’enjeu de la lutte va bien au-delà que le simple blocage de la production. Il s’agit avant tout de faire pencher le rapport de force entre les classes en faveur du prolétariat, grâce à l’extension et à l’unification des luttes ouvrières.
Il n’en est pas moins vrai qu’après une semaine, la bourgeoisie avait hâte de mettre fin à la grève à Bochum. Pas parce qu’il y aurait eu une menace quelconque d’effondrement de la production mondiale de GM. Nous touchons là le cœur du problème. La grève à Bochum a réellement eu un impact sur la bourgeoisie et a rendu nerveux les défenseurs du système. Mais cela pas à cause des conséquences éventuelles pour la production, mais bien pour les conséquences possibles de cette lutte sur les autres travailleurs, sur le développement de la conscience de classe dans son ensemble. Ce dont ils avaient peur, d’abord, ce n’était même pas de l’extension de la lutte immédiate à d’autres parties de la classe, la situation, la combativité générale et surtout le niveau de conscience n’étant pas encore assez mûrs pour cela. Ce qui leur causait le plus de souci, c’était les manifestations de combativité ouvrière dans le contexte d’une simultanéité de plus en plus grande des attaques contre tous les ouvriers. Ce que redoutait la classe dominante était que la classe, stimulée par la lutte d’Opel, reconnaisse lentement mais sûrement que les travailleurs des différentes entreprises, branches ou régions, ont des intérêts communs, et ont besoin d’une solidarité vivante.
La lutte à Opel a déjà mis les ouvriers devant un défi plus grand qu’à Mercedes. Ainsi, à Opel, la possibilité de chantage était beaucoup plus importante, y compris la possibilité de fermeture complète de l’usine. Les travailleurs ont relevé ce défi, au moins à Bochum, avec une combativité plus grande. Mais il n’y a pas encore eu de développement conséquent du niveau de la conscience de classe. Ce n’est pas surprenant. Ce à quoi la classe aujourd’hui est de plus en plus confrontée, c’est à la banqueroute de plus en plus visible de la société tout entière, celle du capitalisme. Il est évident que le prolétariat aura à faire tentatives sur tentatives, avant même de commencer à avoir un aperçu de toute l’ampleur du problème et qu’il reculera de façon répétitive devant l’immensité de la tâche. C’est le rôle des révolutionnaires aujourd’hui de soutenir les travailleurs dans cette lutte pour acquérir leur propre perspective de classe. C’est pourquoi le CCI a distribué un tract pendant la journée d’action à Bochum et Rüsselsheim, qui ne se contentait pas d’appeler les ouvriers à lutter mais essayait de stimuler la réflexion politique dans la classe.
D’après Weltrevolution 127 (19.11.2004)
(1) "Betriebsrat": structure légale de cogestion des entreprises qui englobe le patronat et le syndicat de branche.
L’élection de Mahmoud Abbas, début janvier, à la présidence de l’autorité palestinienne a été saluée par l’ensemble de la bourgeoisie, au niveau international, comme un nouvel espoir, comme une nouvelle chance pour relancer les négociations de paix avec Israël. George Bush a même présenté ces élections "largement libres et honnêtes" comme une "nouvelle preuve que les peuples du Moyen-orient veulent la démocratie". Pour cacher ses velléités guerrières, la classe bourgeoise est prête à n’importe quel mensonge d’un cynisme sans limites. Pour les besoins de sa propagande "pacifiste", le nouveau chef palestinien devient un interlocuteur privilégié car il aurait une politique modérée, alors que ce n’est qu’un vulgaire chef de guerre, fidèle lieutenant des basses œuvres de Arafat, connu aussi sous le nom de guerre de Abou Ammar. Quant à l’enthousiasme de la population pour le scrutin électoral et la démocratie, ce ne sont encore que des mensonges !
Malgré la coopération entre gouvernements palestinien et israélien, l’aide des Etats-Unis et d’observateurs de l’ONU pour ramener la population vers les urnes, le cirque électoral n’a pas connu un réel succès. Mahmoud Abbas a été élu avec 62% des voix, "soit 30% des palestiniens résidant dans les territoires et seulement 15% de l’ensemble des Palestiniens en âge de voter (y compris les réfugiés et les expatriés). Sa majorité "locale" de 62, 32% est donc toute relative !" (revue Jeune Afrique du 15/01/05).
Si l’appel au boycott de la consultation par les islamistes du Hamas et du Djihad a eu un certain impact, la faible participation illustre surtout le désespoir, le désarroi d’une population décimée, endeuillée, terrorisée par les bombardements, par les massacres, par le lourd tribut payé quotidiennement à l’Intifada et qui ne croit plus aux discours de paix et aux promesses de meilleures conditions de vie de ses dirigeants, tous aussi corrompus les uns que les autres. Pour le prolétariat et la population palestinienne, otages de l’OLP dans sa guerre nationaliste contre l’Etat d’Israël, la misère ne cesse de s’aggraver. Alors que 130 000 palestiniens travaillaient en 2000, en Israël, ils ne sont plus que 40 000 depuis 2002. La moitié de la population vit désormais avec moins de deux dollars par jour. Au sud de la bande de Gaza, la malnutrition a même fait son apparition. Voilà la réalité épouvantable de la défense chauvine de la "cause palestinienne" !
Quant aux déclarations optimistes et rassurantes sur la possibilité de nouvelles négociations, c’est du même acabit que les discours de paix que les différents protagonistes nous servent depuis plusieurs dizaines d’années. Certes, cela arrangerait bien la bourgeoisie américaine embourbée en Irak qu’une accalmie ait lieu, de même les Européens qui cherchent à reprendre de l’influence au Moyen-Orient, mais le fragile cessez-le-feu israëlo-palestinien n’est que le prélude à de nouveaux affrontements et massacres. La nouvelle équipe Sharon, alliée à la gauche travailliste maintient la même politique qui est d’accélérer le retrait des forces israéliennes de la bande de Gaza pour mieux encercler la Cisjordanie et l’isoler totalement à travers la poursuite de la construction du mur autour d’elle. Pour enlever toute légitimité à la demande de l’autorité palestinienne d’avoir Jérusalem-est pour capitale d’un Etat palestinien, Israël a réactivé discrètement un texte de loi de confiscation des biens palestiniens sans avoir à offrir le moindre dédommagement qui date de 1950. Ce texte pourrait permettre au gouvernement de s’accaparer la moitié des propriétés de Jérusalem-Est qui appartiennent aux palestiniens. Cette politique du pire ne peut que faire exploser à court terme, la fragile unité des gangsters palestiniens et engendrer une recrudescence d’attentats suicides toujours plus meurtriers pour la population israélienne et en retour une répression sanglante de la population palestinienne par le clan Sharon/Perés.
Alors que les attentats meurtriers succèdent à des attentats toujours plus sanglants, les médias et les grandes puissances présentent les élections du 30 janvier en Irak comme un événement historique car cela fait plus de 50 ans qu’un tel processus démocratique n’a pas eu lieu. Autrement dit, si on arrivait à empêcher les actes terroristes, notamment de la nébuleuse Al-Qaida, personnifiée en Irak, par le jordanien Al-Zarkaoui, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. La réalité est tout autre ! les attentats terroristes sont directement le produit de la 2e guerre du Golfe, de l’offensive américaine dans cette région du monde qui a conduit à l’implosion de l’Irak et à ouvrir la boîte de pandore des affrontements entre cliques Islamistes, Chiites, Sunnites et Kurdes. De façon plus générale, l’Irak constitue, aujourd’hui, le point névralgique des rivalités entre puissances capitalistes, en compétition pour la défense de leur rang impérialiste dans le monde. Alors que l’armée américaine s’enlise, et commet des massacres et des bombardements systématiques des villes contrôlées par les rebelles, le chaos n’a de cesse de se développer dans l’ensemble du pays, y compris dans les zones sécurisées par les américains et leurs alliés. De fait, l’inquiétude gagne et à plusieurs reprises la question du report des élections a été posée. Mais les Etats-Unis ne peuvent se permettre de reculer. Même dans un climat de guerre, il faut que la consultation électorale ait lieu car il y va de leur crédibilité politique, d’autant plus que la justification de leur intervention militaire, à savoir les armes de destruction massives vient d’être passablement écornée. Il est reconnu officiellement qu’elles n’existaient pas. C’est pour cela que ces élections vont avoir lieu sous haute surveillance. C’est une militarisation électorale qui s’organise. Des centaines de milliers de soldats américains et anglais vont surveiller les 7000 bureaux de vote, soutenus par 100 000 agents de l’ordre irakien, avec couvre-feu, routes barrées, frontières fermées et les noms des candidats, publiés seulement cinq jours avant l'échéance. Certes, les élections vont avoir lieu et après ? Le risque d’un chaos à l’échelle du pays, avec des répercussions sur les pays voisins est réel, notamment pour la Turquie et l’Iran. Alors que les sunnites appellent au boycott des élections, que les chiites sont divisés entre pro et anti-iraniens, il existe de "nouveaux problèmes en perspective : les kurdes veulent à tout prix inclure la région de Kirkouk et ses immenses richesses pétrolières dans leur zone autonome, ce que ni les sunnites ni les chiites ne semblent prêts à accepter. Il y aura des frictions, peut-être des affrontements. L’hypothèse d’un glissement vers une partition du pays- en principe rejetée par les Etats-Unis comme par tous les voisins de l’Irak, voire d’une guerre civile n’est plus exclue"(Le Monde du 5/01).
Alors que de nouveaux massacres sont en préparation derrière les pourparlers de paix en Palestine, et que les élections irakiennes vont "accoucher" d’un nouvel enfoncement dans la barbarie, les Etats-Unis viennent de mettre en tête de la liste des pays potentiellement dangereux, l’Iran, en raison de son programme nucléaire et de son soutien au terrorisme.
Cela signifie que de nouvelles interventions militaires sont à l’ordre du jour. "Quant à l’Iran, pour le moment, il y a incompatibilité entre les positions américaine et européenne. Pour Washington, il est inacceptable que l’Iran devienne une puissance nucléaire, même s’il faut, pour l’empêcher, recourir à la force. Pour les Européens, ce qui est inacceptable, c’est l’usage de la force militaire." (ibid)
Comme pour le conflit irakien et l’ensemble des conflits en cours sur la planète, ces divergences sur l’Iran entre les grandes puissances reflètent les intérêts différents de chacun. Ne nous laissons pas prendre par les discours qui voudraient nous faire croire que certains seraient plus pacifiques que d’autres ! Ce sont tous des brigands impérialistes, dont la préoccupation est la défense de leur nation, de leurs intérêts capitalistes. La stabilité et la paix ne sont pas possibles dans cette société. "Quel que soit le motif idéologique avancé par la bourgeoisie pour affirmer ses prétentions impérialistes, celui-ci n’est toujours qu’un prétexte, la seule explication à l’aggravation des tensions et à la multiplication des conflits étant l’enfoncement irrémédiable du capitalisme dans une crise sans fin. C’est pourquoi la solution à ceux-ci n’est ni l’instauration de la démocratie, ni la recherche de l’indépendance nationale, ni l’abandon par les Etats-Unis en propre de leur volonté hégémonique, ni aucune réforme du capitalisme quelle qu’elle soit, mais bien la destruction de celui-ci à l’échelle mondiale" ( extrait de la Revue Internationale n°120).
Donald (27 janvier)Célébrée en Ukraine et dans les puissances occidentales comme le triomphe de la légalité démocratique parachevant le processus de démocratisation ouvert en 1991 avec le détachement de ce pays de l’URSS, l’élection de Iouchtchenko à la présidence n’ouvre certainement pas la "nouvelle ère" promettant un "avenir radieux aux Ukrainiens et à l’Ukraine."
Dans le contexte désastreux de l’Ukraine qui, depuis l’indépendance en 1991, a perdu plus de 60% de son produit national brut et où le revenu par habitant a chuté de 42%, l’appel du nouveau président à tous les Ukrainiens "à retrousser leurs manches pour servir leur pays" va se répercuter par de nouveaux sacrifices et une plongée encore plus catastrophique dans la misère pour la population dont près de la moitié vit déjà en dessous du seuil de pauvreté. Rien ne différencie Iouchtchenko et Ianoukovitch : "la différence de programme entre les deux protagonistes est minime."1 Tous deux sont issus du sérail stalinien d’avant 1991, l’un et l’autre furent les Premiers Ministres du président Kouchma (Iouchtchenko de 1999 à 2001) et également responsables de nombreuses attaques contre la classe ouvrière.
Le prolétariat n’a rien à gagner à ce soi-disant avènement de la démocratie. Pour lui, et comme partout dans le monde, les élections capitalistes, "truquées" ou tenues selon les "standards occidentaux", ne sont toujours que tromperie. C’est toujours la bourgeoisie qui les gagne ; pour la classe ouvrière, elles ne peuvent que signifier soumission aux intérêts du capital, renforcement de son exploitation, paupérisation accrue et guerre impérialiste.
Le soutien apporté "au processus de démocratisation" en Ukraine n’est en réalité qu’une couverture à l’offensive américaine pour faire basculer l’Ukraine dans leur sphère d’influence et le masque de l’affrontement entre les grandes puissances occidentales pour les dépouilles de l’ex-bloc de l’Est effondré en 1989. Ce gigantesque bouleversement historique a relancé la lutte pour l’hégémonie mondiale et la redistribution des cartes en Europe. La montée en puissance de l’Allemagne qui se pose de plus en plus en rivale des Etats-Unis et la volonté de ces derniers de maintenir à tout prix leur suprématie sur le monde font de l’Europe un enjeu crucial dans les affrontements impérialistes.
"L’élection présidentielle en Ukraine n’a jamais été une affaire intérieure. On a beaucoup parlé de l’intervention des Russes. Mais en 2004, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) a consacré 55 millions de dollars au développement de la démocratie en Ukraine. Trente médias d’opposition ont reçu un soutien organisationnel et financier. Dans tout le pays, les Américains ont supervisé, avec l’aide d’associations locales, la formation d’assistants et d’observateurs électoraux. Le secrétariat d’Etat a versé 10 millions de dollars supplémentaires en tant qu’aide directe au processus électoral. Les deux grands partis américains se sont engagés et ont envoyé des consultants sur place. (…) Ce n’est pas par idéalisme que les Etats-Unis mènent ce combat. Washington veut voir dans les Ukrainiens de "nouveaux Européens", susceptibles de servir l’OTAN et d’affaiblir l’UE. Dans le cadre de la stratégie de sécurité nationale américaine, tout doit être fait pour empêcher l’émergence de rivaux régionaux."2
Il n’est pas surprenant de voir dénoncer en Allemagne le rôle des Etats-Unis qui viennent de lui souffler la proie qu’elle aussi convoite !
Par leur mainmise impérialiste sur l’Ukraine, les Etats-Unis concrétisent un objectif formulé dès les années 1990, lorsqu’ils ambitionnaient déjà qu’"entre 2005 et 2010, l’Ukraine [devait] être prête à des discussions sérieuses avec l’OTAN", affectant à ce pays un futur rôle clé au sein du "noyau principal de sécurité en Europe", après 2010, ceci dans le cadre de leur stratégie de renforcer "la tête de pont américaine sur le continent eurasien."3 Les Etats-Unis visent à "empêcher toute puissance potentiellement hostile de dominer l’Europe."4 Ils encerclent l’Allemagne réunifiée qui espère tirer avantage de la situation historique inaugurée en 1989 pour postuler à la direction d’un nouveau bloc dirigé contre eux en cherchant à "combler le vide stratégique de l’Europe centrale"5 et en bloquant les tentatives de l’Allemagne d’accroître son influence dans l’est européen.
Les Etats-Unis prennent un coup d’avance sur l’Allemagne en prépositionnant leurs hommes liges sur les terres qui constituent la zone d’expansion de l’impérialisme allemand. Cependant il est complètement impossible pour Berlin de s’accommoder de la présence américaine, obstacle au développement de son "espace vital" et d’accepter de se voir ceinturée sur ses frontières par un carcan de nations qui ne lui sont pas favorables : l’Allemagne ne peut que tout entreprendre pour faire sauter ce verrou que veulent lui imposer les Etats-Unis, comme elle l’a fait dans les années 1990 face au verrou serbe dans les Balkans, provoquant le retour de la guerre sur le continent européen pour la première fois depuis 1945.
D’autre part, en dérobant l’Ukraine à la Russie, les Etats-Unis la ravalent brutalement au rang de puissance secondaire.
Ayant subi un recul marqué de son influence depuis quinze ans avec l’adhésion de ses ex-satellites à l’OTAN et l’installation de troupes américaines dans plusieurs pays d’Asie centrale, la Russie avait misé gros sur les élections en Ukraine pour que ce pays ne soit pas le prochain à lui tourner le dos. Pour elle, perdre toute influence sur l’Ukraine, zone stratégique de première importance (à la fois accès maritime à la Méditerranée et lieu de stationnement de sa flotte), signifie la fin de ses rêves de grande puissance. Autant dire qu’il lui est impossible d’accepter de se laisser refouler dans les limites de la Russie du 18e siècle sans réagir de toutes ses forces.
Les déclarations du président russe appelant l’Ukraine "au pragmatisme dans ses relations avec la Russie" ainsi que celles du ministre des affaires étrangères Lavrov reconnaissant "le droit de chaque Etat – y compris nos voisins – à choisir eux-mêmes leurs partenaires, à décider à quelle organisation ils veulent adhérer" ne mènent pas à un apaisement. Bien au contraire. Encaissant un échec cuisant en première manche, la Russie, en se déclarant "prête à coopérer avec la nouvelle direction de l’Ukraine", ne fait que changer son fusil d’épaule dans cette partie de bras de fer. Par la politique de l’étreinte du serpent, elle exerce une pression maximale sur l’Ukraine afin de ne lui laisser aucune marge de manœuvre.
Ainsi, la "victoire orange" augure de sérieuses convulsions, tant sont vives les tensions entre les différents gangs mafieux qui forment la classe dominante ukrainienne, eux-mêmes divisés sur le choix de l’alignement impérialiste. D’abord, parce qu’en échange du troisième tour, Iouchtchenko a accepté une réforme constitutionnelle qui privera la présidence, d’ici à la fin 2005, de l’essentiel de ses prérogatives en ce qui concerne la nomination du gouvernement.
Le clan Ianoukovitch, qui truste les médias d’Etat et détient le pouvoir économique, refuse de se laisser évincer. Non seulement il multiplie les recours pour retarder l’investiture du nouveau président et tenter d’invalider les élections, mais promettant une "opposition dure", s’emploie à enclencher une dynamique "anti-orange" et menace de faire déferler les manifestations de ses partisans sur Kiev. Les tendances à la dislocation de l’Ukraine, incarnées par les menaces séparatistes de la part des responsables politiques des régions russophones, constituent un puissant moyen de chantage au service du Kremlin. Un référendum sur l’autonomie sonnerait en effet le glas de l’actuel Etat ukrainien.
D’autre part, Moscou prend appui sur les "capitaux russes qui se sont récemment emparés de pans importants de l’économie ukrainienne" pour tenter de s’imposer à nouveau.
Pour l’Ukraine, dépendante à 85% des importations pour son énergie, l’interruption, début janvier, par le Turkménistan prorusse des livraisons de gaz sous prétexte de désaccords sur les tarifs, constitue tout autant un rappel de Moscou que sur ce plan elle est soumise à son bon vouloir et un sérieux avertissement.
Pour bien signifier la fin du protectorat russe, Iouchtchenko invite à Kiev le président géorgien Saakachvili, héros de la "révolution des roses" détesté par Moscou pour avoir fait basculer son pays dans le giron de Washington. Néanmoins, la pression de la Russie l’oblige à la plus prudente circonspection dans l’affirmation de ses orientations impérialistes. Réaffirmant que "l’Ukraine a des intérêts stratégiques tant à l’Est qu’à l’Ouest. Ce n’est pas ou l’Est ou l’Ouest, mais et l’Est et l’Ouest, les deux options sont liées"6 Iouchtchenko a du donner des gages à Moscou en s’engageant à retirer les 1600 soldats ukrainiens d’Irak et à respecter l’accord quadripartite de coopération économique avec la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, qu’il disait vouloir remettre en cause.
La gifle magistrale administrée par les Etats-Unis à la Russie ne peut que conduire au développement de l’instabilité directement sur le territoire russe, instabilité qui à son tour, ne peut qu’aiguiser les appétits impérialistes des puissances voisines telles que l’Iran et la Turquie. La clique Poutine aux abois, fortement ébranlée par le fiasco ukrainien dans la légitimité qui fonde son pouvoir, (la reconquête de son "étranger proche"), prise sous la menace de voir se répéter le même scénario dans tous les pays de la CEI et en Russie même, ne peut qu’être conduite, si elle sent son influence sur l’Ukraine lui échapper complètement, à jouer son va-tout par tous les moyens à sa disposition.
Bloquées à l’Ouest par l'existence de puissances impossibles actuellement à soumettre, les tentatives de l’impérialisme allemand pour acquérir une stature mondiale passent par son affirmation hégémonique en Europe de l’est. Or, la "poussée vers l’est" de l’Allemagne ne peut que la conduire à contester aussi bien l’influence russe que la présence américaine en Ukraine.
L'affrontement entre les différents impérialismes, en Ukraine dont les protagonistes disposent de l’arme atomique, transforme cette région en véritable poudrière aux portes de l’Europe occidentale.
Scott
1 Le Nouvel Observateur, 02.12.04
2 Die Zeit, cité par Courrier International n°736
3 Z. Brzezinski, Le Grand échiquier, 1997
4 H. Kissinger, La Nouvelle Puissance américaine
5 idem
6 Libération du 3.12.04
Depuis l'été 2003 (voir Révolution Internationale n° 338, septembre 2003), nous interdisons l'accès de nos réunions publiques et de nos permanences aux membres de la prétendue "Fraction interne du CCI" (FICCI). Cette décision faisait suite au comportement de mouchard adopté par ce groupuscule, composé de quelques anciens membres du CCI que nous avons exclus de notre organisation lors de son 15e congrès (voir Révolution Internationale n° 335, mai 2003). Pour faire respecter cette décision, nous disposons devant le lieu de nos réunions publiques un "piquet anti-mouchards" auquel les éléments de la FICCI adressent insultes et quolibets. En même temps, ils essaient de dissuader nos contacts et sympathisants de participer à nos réunions en dénigrant systématiquement notre organisation dans des tracts truffés de calomnies et en leur disant "méfiez-vous, ce sont des staliniens". Cependant, lors de notre réunion publique du 22 janvier à Paris, un des membres de cette camarilla a franchi un pas de plus dans l'ignominie. En guise "d'argument", l'élément qui se fait appeler "Pédoncule" a dit à un de nos camarades qu'il allait lui "trancher la gorge". Notre camarade a alors interpellé les personnes présentes pour les prendre à témoin de la menace proférée par cet élément. Celui-ci a alors essayé de faire croire que c'est notre camarade qui avait fait une telle menace à son encontre mais d'autres personnes présentes sont intervenues pour lui signifier qu'elles l'avaient entendu et lui faire ravaler son mensonge. Comprenant que son coup avait raté, l'élément Pédoncule n’a pas insisté.
On pourrait évidemment minimiser l'incident en mettant sur le compte de l'excitation les menaces de mort proférées par cet individu. Mais ce serait une erreur :
En premier lieu, parce que c'est très froidement qu'il a proféré sa menace et non sous l'emprise de l'excitation.
En second lieu, parce que les gestes de violence sont coutumiers de cet individu que nous connaissons depuis de longues années. Ainsi, lorsqu'il était membre du CCI (qu'il a quitté au milieu des années 1990), il avait bousculé brutalement une de nos ex-camarades en la projetant contre un mur. Une autre fois, ayant bu plus que de raison, il avait agressé un autre membre de l'organisation et avait tenté de sortir un couteau à cran d'arrêt qu'il portait toujours sur lui. L'organisation avait d'ailleurs été obligée d'exiger de lui qu'il cesse de venir aux réunions avec ce couteau qu'il arborait avec ostentation et qu'il allait même jusqu'à sortir pendant les discussions (en s'en servant comme… cure-ongles).
Par ailleurs, les attitudes de voyou du sieur Pédoncule s'accompagnaient d'une fascination pour les loubards de banlieue qu'il considérait comme l'avant-garde de la révolution parce qu'ils "avaient la haine".
En fait, l'intégration de cet élément par le CCI au cours des années 1970, à une époque où nous étions bien moins rigoureux qu'aujourd'hui, était une véritable "erreur de casting" : non seulement il avait mal assimilé nos positions fondamentales mais il avait une mentalité qui n'a pas sa place dans une organisation communiste. C'est pour cela que lorsqu'il a démissionné du CCI, après que l'ensemble des militants aient découvert les magouilles qu'il avait faites dans leur dos, nous n'avons pas essayé de le retenir. Depuis cette date, il avait développé une véritable haine contre notre organisation et c'est tout naturellement qu'il est entré à la FICCI dont la seule raison d'exister est de tenter de discréditer le CCI, faute d'avoir échoué à le détruire.
A ce jour, ce triste sire est la seule recrue qu'ait réussi à faire la FICCI. C'est particulièrement significatif de la véritable nature de cette bande : si elle attire quelqu'un qui voue au CCI une haine mortelle, c'est que la haine du CCI est sa seule véritable passion (et sûrement pas la passion révolutionnaire prolétarienne). Si elle séduit et recrute un individu avec des comportements et une mentalité de loubard, c'est que ses membres, déjà au sein du CCI et par la suite, n'ont cessé de se comporter comme des voyous en pratiquant la calomnie, le mensonge éhonté, le chantage, le vol et, pour couronner le tout, le mouchardage.
Sur la base de l'expérience du mouvement ouvrier, nous avons déjà mis en évidence dans notre presse (voir notamment notre article "Réponse aux calomnies honteuses d'une petite association de malfaiteurs") que les campagnes actuelles de calomnies de la FICCI contre certains militants de notre organisation (qu'on traite de "flic" ou qu'on compare à Staline) étaient le premier pas d'une démarche qui conduira demain à l'assassinat de ces militants si les circonstances s'y prêtent. Pour une fois, nous prenons au sérieux les paroles du sieur Pédoncule : effectivement, cet individu est prêt, s'il est sûr de son impunité, à "trancher la gorge" de nos camarades, selon ses propres dires. Le lumpen auquel il s'identifie, aussi bien par son idéologie que par ses comportements, constitue la principale base de recrutement des corps-francs, ces troupes de choc de la contre-révolution qui ont massacré des milliers d'ouvriers lors de la révolution allemande de 1919 et qui ont assassiné à coups de crosse une des plus belles figures du communisme, Rosa Luxemburg (qui elle aussi avait fait l'objet de dénigrements infâmes au sein du parti social démocrate par ses "camarades" qui plus tard allaient commanditer son exécution).
Face au milieu prolétarien, nous dénonçons ce nouveau pas franchi dans l'infamie par les membres de la FICCI : après le chantage, les calomnies et le vol, voici maintenant les menaces de mort. Ces gens-là n'ont rien à voir avec la classe ouvrière. La classe dont ils se font les serviteurs de plus en plus clairement, est la classe exploiteuse. C'est très clairement qu'ils annoncent aujourd'hui qu'ils sont prêts à lui rendre le service d'assassiner des militants révolutionnaires.
CCI
Encore une fois, un phénomène naturel s’est transformé en une véritable catastrophe sociale.
Le 26 décembre 2004, un raz-de-marée a frappé l’Asie du Sud. Le nombre de morts directement imputables au phénomène dépasse aujourd’hui largement les 300 000. Et maintenant, ce sont les maladies, la malnutrition, l'insalubrité qui vont venir frapper les populations et continuer à semer la mort. Le raz-de-marée n'a pas fini de tuer tant la dévastation des régions touchées est immense et tant le manque de moyens pour enterrer les morts et reconstruire des abris est criant.
Toute cette horreur, les médias l’ont déjà étalée en long, en large et en travers. Mais au-delà du drame, nous devons faire entendre la voix des révolutionnaires au milieu de ce vacarme médiatique. Les révolutionnaires doivent crier haut et fort ce que démontre cette catastrophe :
1. Seule la classe ouvrière est à même d'apporter une véritable solidarité à toutes les victimes du capitalisme,
2. Le capitalisme est un système meurtrier et cynique.
Le capitalisme est le seul responsable de la catastrophe humaine
D’abord, la bourgeoisie tente de se dédouaner, de masquer sa responsabilité directe dans la catastrophe. Elle voudrait nous faire croire que tout ceci était inévitable. La fatalité, la revanche de la ‘mère-nature’, l’imprévisibilité du phénomène, la force des éléments : tout ceci est évoqué pêle-mêle pour nous le démontrer. Rien n’est plus faux !
La nature ne peut pas être condamnée. Car des moyens existent pour prévenir et détecter les raz-de-marée, et des moyens existent pour diminuer les effets de tels phénomènes. Dans la baie de Tokyo, il y a des capteurs qui permettent de détecter la naissance d'ondes de choc provoquant des vagues de 60 centimètres. Dès les premières manifestations de mouvements terrestres, la population est prévenue et les mesures de protection mises en oeuvre. La même chose existe en Californie. Des panneaux d'information sont disséminés sur les plages, des abris sont construits, des sirènes et des haut-parleurs sont maintenus en veille, des exercices d'alerte sont organisés une à deux fois par an dans tous les lieux publics et les écoles.
En Indonésie, à Sumatra, en Thaïlande, en Inde, sur les côtes africaines, rien de tout cela. Les populations et les touristes étaient tellement mal informés du risque que lorsque la mer s'est retirée brutalement quelques minutes avant l'arrivée de la première grande vague, ils se sont massés sur la plage pour observer ce qu'ils pensaient être une marée de coefficient exceptionnel... De même, des techniques existent pour construire des bâtiments résistants aux tremblements de terre et aux chocs latéraux comme ceux d'une vague, ou au moins des bâtiments qui ne s'écroulent pas comme des châteaux de carte. Mais dans les régions touchées par le dernier tsunami, seuls les hôtels les plus récents ont plus ou moins résisté. L'habitat local, lui, est plus souvent fait de murs étroits au béton rare et friable, et de cabanes en bois ou en tôle. Il n'en reste plus rien.
Pourquoi n’y a t-il aucun système d’alerte dans ces régions ? La raison invoquée est que cette zone n'est pas classée comme zone à haut risque. Les grands tremblements de terre y sont rares, les raz-de-marées encore plus. Installer un système sophistiqué comme celui mis en oeuvre au Japon et en Californie coûterait beaucoup trop cher par rapport au risque d'investissement encouru.
C'est la loi du capitalisme. Il n'est pas envisageable d'investir des capitaux de façon non rentable dans la prévention des catastrophes, de dépenser de l'argent là où il ne rapportera pas de profits.
Le capitalisme est aujourd'hui un système social en décomposition. Il est devenu une entrave et une menace pour la survie de l’espèce humaine. Aux explications partielles mais surtout crapuleuses et cyniques de la classe dominante, les révolutionnaires doivent opposer l’analyse du marxisme.
"A mesure que le capitalisme se développe puis pourrit sur pied, il prostitue de plus en plus cette technique qui pourrait être libératrice à ses besoins d’exploitation, de domination, et de pillage impérialiste, au point d’en arriver à lui transmettre sa propre pourriture et à la retourner contre l’espèce (…)Le capitalisme n’est pas innocent non plus des catastrophes dites 'naturelles'. Sans ignorer l’existence de forces de la nature qui échappent à l’action humaine, le marxisme montre que bien des catastrophes ont été indirectement provoquées ou aggravées par des causes sociales (…) Non seulement la civilisation bourgeoise peut provoquer directement ces catastrophes par sa soif de profit et par l’influence prédominante de l’affairisme sur la machine administrative (…) mais elle se révèle incapable d’organiser une protection efficace dans la mesure où la prévention n’est pas une activité rentable". (A. Bordiga, "Espèce humaine et croûte terrestre")
L'hypocrisie et le cynisme de la bourgeoisie mondiale
Et le mépris pour la vie humaine dont a témoigné la bourgeoisie va encore bien plus loin. L'Inde par exemple n'a été touchée que deux à trois heures après Sumatra. Aucune mesure n'avait été prise. Les côtes africaines comme la Somalie, à deux pas d'une base militaire moderne et équipée, celle de l'armée française à Djibouti, avait théoriquement six heures pour se préparer. Rien n'a été fait!
Mais, selon la logique capitaliste, pourquoi mettre autant de moyens pour protéger des côtes africaines et asiatiques principalement occupées par des petits pêcheurs miséreux et par une industrie touristique aux retombées principalement locales et somme toute limitées ?
Faut-il encore insister pour montrer que l'ampleur de la catastrophe n'est pas due à la seule nature ? Dès lors, ce qui est avant tout responsable, c'est la logique capitaliste. C'est le système capitaliste, celui-là même qui sème la mort directement sous les bombes de l'impérialisme, c'est le capitalisme qui ne permet pas que les moyens qui pourtant existent, soient mis en oeuvre pour prévenir de telles horreurs.
Et bien sûr, pour ‘réparer’, la bourgeoisie en appelle au bon cœur de la classe ouvrière, elle multiple les demandes de dons. Voici un nouveau mensonge encore plus écœurant. On nous fait cette promesse de lendemains meilleurs à chaque catastrophe et chaque nouvelle catastrophe est à son tour plus meurtrière.
D'une part, les sommes récoltées ne peuvent permettre, en aucune façon, de soulager la détresse et le désespoir de tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont perdu leurs proches dont les corps ne seront jamais retrouvés ou ont été entassés dans l'urgence dans des fosses communes, sans sépulture et qui ne pourront jamais faire le deuil de ces victimes.
L'argent ne peut réparer l'irréparable : il n'a jamais été un remède à la souffrance morale ! Et il n’excuse en rien le comportement meurtrier, que nous venons de décrire, de la bourgeoisie.
D’autre part, la contribution des grandes puissances ressemble plus à une aumône qu'à une véritable aide. Ces promesses atteignent pour l'ensemble des pays contributeurs la somme d’environ 10 milliards de dollars. Cela peut paraître beaucoup, mais ça ne tient pas la comparaison face à d'autres chiffres : par exemple, les Etats-Unis ont d'ores et déjà dépensé pour l'actuelle guerre en Irak 225 milliards de dollars. Le budget français de la défense en 2005 est de 33 milliards d'euros. Il est de 22 milliards en Allemagne, de 38 milliards au Royaume-Uni.
Il est clair que la bourgeoisie rechigne beaucoup moins à ouvrir le porte-monnaie quand il s'agit de défendre ses intérêts impérialistes dans la guerre que lorsqu’il s’agit de venir en aide à une population sinistrée. Elle est aussi plus rapide à intervenir quand la défense de ses intérêts impérialistes est immédiatement en jeu. Il a fallu une semaine pour que les bourgeoisies se décident à envoyer des moyens en Asie. Quand les affrontements ont commencé en Côte d'Ivoire, il n'a fallu que 24 heures à la France pour mettre en place un plan d'intervention. Lorsque le raz-de-marée a frappé en Asie et en Afrique, il n'y avait aucune raison de se précipiter, car il n'y avait rien à y gagner immédiatement à secourir les populations.
C'est pourquoi cette prétendue "aide humanitaire" des Etats, cette fameuse mobilisation mondiale reprise par tous les journaux à longueur de colonnes, tout cela pue l'hypocrisie la plus totale. Par la suite, c'est la course à la générosité qui s'est mise en place qui est devenue un enjeu dans les rivalités impérialistes entre nations. Dans cette course, aux montants dérisoires, chaque Etat profite de toutes les occasions pour mettre des bâtons dans les roues de ses adversaires. C'est à celui qui ira le plus vite. Ce cynisme est résumé dans l'aveu de la porte-parole de la Maison Blanche, C. Rice, qui a déclaré à la télévision: "le tsunami en Asie a été un grand bienfait pour les Etats-Unis car il a permis de démontrer la générosité et la capacité de mobilisation des USA".
Dans ce que nous pourrions appeler la guerre de la générosité, on trouve encore une fois les ONG en première ligne. Déjà, crier si fort que l'on est une organisation non gouvernementale est suspect : cela veut plutôt dire que l'on est le bras du gouvernement. Il suffit pour s'en convaincre de voir la pagaille sur le lieu même du drame : chaque télévision nationale nous fait la promotion de telle ou telle ONG qui, en fonction de son pays d’origine, est chargée de défendre les intérêts concurrents de tel ou tel gouvernement, au détriment et contre les autres ONG. Ainsi, la solidarité dans la bouche de la bourgeoisie se transforme en chauvinisme. Le résultat est éloquent : au lieu d'organiser des secours et des aides efficaces, les ONG se précipitent sur les lieux les plus médiatisés ou les plus stratégiquement importants : on a vu ainsi jusqu'à cinquante organisations présentes à un même endroit, et chacune défend sa chapelle : les catholiques, les bouddhistes, les musulmans, les Français, les Américains, les Anglais, etc. Chacun se bat pour ses intérêts plus que pour celui des populations. Au final, c'est la désorganisation totale, des convois inadaptés qui ne peuvent emprunter les routes boueuses, une gabegie lamentable.
La solidarité humaine et la solidarité prolétarienne
Au moment même du drame, sans attendre les secours, les survivants se sont mutuellement entraidés, tant les populations asiatiques vis-à-vis des touristes, que les touristes vis-à-vis des populations locales. Chacun a tenté de venir en aide aux autres, dégageant des cadavres avec un courage extraordinaire, soutenant les survivants blessés. La population locale malgré le profond dénuement dans lequel elle se trouvait, est venue en aide aux touristes perdus et démunis, en offrant de partager un modeste repas ou quelques vêtements.
Et dès les premières images à la télé, le premier réflexe de beaucoup, partout dans le monde, a été de chercher à faire quelque chose. Spontanément, des millions de personnes, et notamment des prolétaires dans tous les pays, ont proposé d’offrir de la nourriture, des vêtements, des dons financiers. En France par exemple, des employés de supermarchés, où travaillent des personnes venant des pays touchés par la catastrophe, ont spontanément offert leurs primes de fin d'année.
La solidarité qu’a exprimé le prolétariat peut et doit nous donner confiance en notre classe. Donner 10, 20 ou 30 euros quand on est au SMIC témoigne d’un dévouement remarquable. Aujourd’hui, dans ce monde pourrissant, le capitalisme ne cesse de prôner l’individualisme, le "chacun-pour-soi", la concurrence avec les autres, voir la haine de l’autre… et pourtant, on voit que dès qu’il y a un moyen d’exprimer sa solidarité, une solidarité désintéressée et profondément humaine, la classe ouvrière s’y engouffre.
Les révolutionnaires doivent saluer cet esprit de solidarité qui donne la confirmation qu'il existe bien une classe ouvrière qui développe ses réflexes de classe, dont l'un des plus essentiels est la solidarité. Bien sûr, il n'y a pas que la classe ouvrière qui développe la solidarité, c'est un élément de la conscience humaine en général. Mais dans un monde capitaliste où tout sentiment désintéressé est exclu puisqu’il ne permet pas de dégager du profit, dans un tel monde, il n'y a que la classe ouvrière qui peut développer une vraie solidarité. Elle peut la développer car seule la classe ouvrière n'a aucun intérêt dans le capitalisme.
Face à cette solidarité qui cherche à s’exprimer, l’attitude de la bourgeoisie est à vomir. Elle récupère cet immense élan de solidarité et le détourne pour ses propres petits intérêts mesquins avec le plus grand mépris non seulement envers les victimes du tsunami mais aussi envers cet effort de la classe ouvrière. La solidarité que nous propose la bourgeoisie, c’est l’orchestration et l'organisation d'un gigantesque racket à l’échelle planétaire pour rançonner davantage les populations (et la classe ouvrière en particulier), spectaculairement sollicitées pendant des semaines, en permanence et de façon lancinante, à verser de d'argent à des ONG, par tous les médias de chaque pays.
Comment exprimer la véritable solidarité prolétarienne ?
La solidarité ouvrière est désintéressée. Elle exprime une vraie générosité qui est l'espoir du développement futur de la société humaine. Mais aujourd'hui, il est bien difficile de donner à cette solidarité sa vraie ampleur : ce réflexe prolétarien est immédiatement récupéré et instrumentalisé par la bourgeoisie à travers ses campagnes humanitaires et citoyennes. Il est noyé dans des notions de civisme qui mettent dans le même sac la solidarité des ouvriers avec l'aumône intéressée de la bourgeoisie, et qui d'une solidarité de classe passe à la solidarité des français, ou des anglais, des allemands, etc. toutes classes confondues, mises en concurrence avec la solidarité des autres nations.
Cette solidarité ne peut se développer qu'à partir de la dénonciation du seul coupable de ce cataclysme : la classe bourgeoise qui dirige le système capitaliste !
Les prolétaires du monde entier doivent comprendre qu’en menant le combat contre la bourgeoisie, en renversant son système meurtrier, ils sont les seuls à pouvoir rendre un réel hommage aux morts, à toutes ces vies humaines sacrifiées sur l'autel du capitalisme, au nom de la loi du profit et de la rentabilité. Ils doivent développer leurs luttes et leur propre solidarité de classe contre tous les Etats, tous les gouvernements qui non seulement les exploitent et attaquent toutes leurs conditions de vie, mais ont encore le culot de leur demander de mettre la main à la poche pour réparer les dégâts provoqués par le capitalisme. Ce n'est que par la lutte quotidienne contre ce système, jusqu'à son renversement, que la classe ouvrière peut manifester sa véritable solidarité envers les prolétaires et les populations des pays dévastés par le tsunami.
Si cette solidarité ne peut évidemment avoir des effets immédiats, elle n'est pas un feu de paille, contrairement à celle préconisée par la bourgeoisie et les ONG. Dans quelques mois, pour la classe dominante et ses organisations caritatives, cette catastrophe sera enfouie dans les oubliettes de l'histoire. La classe ouvrière, elle, ne peut l'oublier comme elle ne peut oublier les massacres de la guerre du Golfe et de toutes les autres guerres et catastrophes dites naturelles. Pour les ouvriers du monde entier, cette tragédie ne doit jamais être une "affaire classée". Elle doit rester gravée dans leur mémoire et servir d'aiguillon pour renforcer leur détermination à développer leurs luttes et leur unité de classe contre la barbarie du capitalisme.
La solidarité du prolétariat doit aller bien au-delà de la simple solidarité émotionnelle. Elle ne doit pas être fondée sur des sentiments d'impuissance ou de culpabilité mais, avant tout, sur sa conscience. Seul, le développement de sa propre solidarité de classe, une solidarité basée sur la conscience de la faillite du capitalisme, sera en mesure de créer les bases d’une société dans laquelle les crimes que la bourgeoisie nous présente comme des catastrophes naturelles ne pourront plus jamais être commis, où cette barbarie abominable pourra être définitivement dépassée et abolie.
Maud
Nous ne pouvons que déplorer le fait que le BIPR, qui fait aussi partie de la Gauche communiste, n’en ait pas fait autant mais ait choisi de se mettre du côté des détracteurs du CCI et ait adopté leurs méthodes sordides et cyniques. C’est une grave trahison de tout ce que représente faire partie du milieu politique prolétarien. De plus, les autres groupes historiques de la Gauche communiste sontrestés spectateurs de la situation, indifférents à la menace de ces éléments dont le seul but est la destruction des organisations prolétariennes et, avec elles, de l’espérance d’une société sans classe.
Cependant, bien que les autres groupes historiques du milieu politique prolétarien révèlent leur incapacité à défendre les organisations révolutionnaires, il y a néanmoins des éléments, qui sont en contact avec le CCI et avec la Gauche communiste en général, qui ont vu l’importance de cette bataille et veulent prendre les armes pour défendre les principes et le futur du prolétariat révolutionnaire. Ils ont écrit au CCI pour exprimer leur solidarité et leur soutien, et/ou nous ont envoyé des copies des lettres qu’ils ont écrites au BIPR pour protester contre son comportement anti-prolétarien et essayer de l’appeler à ne pas tomber dans l’abîme.
Ces lettres traitent de questions qui sont vitales pour l’unité de la classe ouvrière et de ses éléments politisés, c’est pour cette raison que nous en publions des extraits pour encourager la réflexion chez d’autres visiteurs de notre site internet.
Nous ferons peu de commentaires sur le contenu parce que, essentiellement, les lettres parlent d’elles mêmes.
Le point de départ de ces lettres est une réflexion sur des événements qui viennent de l’expérience des auteurs, en tant qu’éléments en recherche d’un cadre qui leur permette de comprendre le monde dans lequel nous sommes obligés de vivre et de s’engager dans un processus pour le changer. Ils ont trouvé le pôle de référence dont ils ont besoin dans la Gauche communiste et ils ressentent très fortement que la campagne déchaînée par la FICCI et le Circulo contre le CCI les vise aussi ainsi que toute la classe ouvrière. Ils sont choqués et indignés par ces attaques.
« Dans les limites de nos possibilités, nous ne tolérerons pas des accusations de stalinisme contre le CCI ou contre tout groupe qui a combattu pendant des décennies contre la contre-révolution la plus sanglante dans l’histoire de l’Humanité.
Nous n’acceptons pas que de telles calomnies soient lancées gratuitement, sans preuve apparente, et encore moins quand elles proviennent d’un groupe peu clair avec une trajectoire vraiment douteuse comme la FICCI. » (Lettre signée par « un groupe d’ouvriers du Pays basque »).
Plusieurs lettres veulent mettre en avant l’expérience propre de leurs auteurs pour défendre le CCI contre les fausses accusations faites contre lui et défendre notre méthode de débat, tout autant que notre façon de traiter les questions organisationnelles.
« Les réunions publiques auxquelles nous avons assisté, les discussions que nous avons quelquefois eues avec vous, qui concernaient tant de questions importantes du mouvement ouvrier international, se sont toujours tenues dans une atmosphère d’ouverture et de respect mutuel. En particulier, les divergences politiques ont toujours été discutées avec une attitude autocritique de solidarité. Les nouveaux participants qui avaient hésité à prendre la parole, ou ceux qui avaient mis en avant des positions controversées sur les questions abordées, ont toujours été encouragés à participer pleinement à la discussion.
Tout cela révèle que les accusations qui ont été portées contre vous sur le site web du BIPR (Bureau International pour le Parti Révolutionnaire) à travers le « Cercle de Communistes Internationalistes » d’Argentine, selon lesquelles vous travailleriez et agiriez de manière « stalinienne » sont purement du dénigrement qui a pour but de discréditer une organisation révolutionnaire qui travaille dans beaucoup de pays du monde.
Nous avons de l’estime pour votre ouverture et saluons vos efforts pour faire, aux yeux de tous, la lumière sur l’orchestration d’une campagne dirigée contre vous et en dernière instance, contre nous aussi. » (Prise de position adoptée par les participants à une réunion publique du CCI en Allemagne , à l’initiative d’un sympathisant).
« Je crois que (le CCI) est une organisation honnête, qui a fait une contribution inestimable à la clarification au sein du milieu politique prolétarien, dont il se considère lui-même – et dont il peut être considéré – comme faisant partie.
C’est un groupe qui a toujours stimulé le débat de façon fraternelle, il a été respectueux quand il y a eu des désaccords qui ont surgi et, chose inconnue auparavant, il a fourni des publications des autres organisations du milieu politique prolétarien pour qu’elles soient lues. » (Lettre d’AN, Espagne).
« Le CCI a essayé de classer tout un ensemble de comportements politiques sous la définition de « parasitisme politique ». En tant que personne qui a eu beaucoup de ces comportements aberrants, je peux témoigner du fait que les « Thèses sur le parasitisme » du CCI ont été un outil politique irremplaçable pour comprendre les racines et les conséquences de ce comportement. Je peux aussi témoigner du fait que bien qu’ayant attaqué le CCI (à un degré bien moindre toutefois que les autres parasites), celui-ci n’a jamais donné le moindre signe de ‘stalinisme’ à mon égard. Au contraire, tout en ne renonçant pas à son droit de se défendre, il a fait de son mieux pour m’aider à identifier ce que je faisais et à travailler dans le sens d’un dépassement même s’il y a encore du chemin à faire. Ce n’est pas le comportement d’une organisation qui ne « peut pas tolérer les désaccords » ou qui serait « paranoïaque » ou « sujette à des hallucinations ». (JB, Grande Bretagne).
« Le CCI n’a jamais retiré ou censuré les textes qui me sont parvenus. On doit aussi remarquer que, aussi douloureux que cela puisse avoir été, cette organisation a eu le courage de parler publiquement de la crise. Cela veut dire que celle ci peut être abordée ouvertement dans la discussion, ce qui permet d’éviter toute tentative de la résoudre à huis clos avec des manœuvres bizarres, une méthode étrangère au prolétariat. » (RQ, Espagne).
« Quand ils ont eu des problèmes internes, ils en ont parlé ouvertement, les ont portés à la connaissance de tous. Il nous semble que cette attitude les honore en tant qu’organisation authentiquement communiste. Et si, aujourd’hui, il y a eu de sérieuses avancées au niveau politique et théorique, nous le devons à ces militants révolutionnaires qui ont résisté envers et contre tout aux efforts faits, aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur, pour dénaturer le programme communiste.
Ils ont aussi essayé de porter le débat sur l’arène internationale quand il y a eu des conflits extrêmement graves, comme les guerres qui assiègent la planète. Mais nous savons tous (ou du moins ceux d’entre nous qui ont suivi la situation) quelle a été la réponse des autres groupes face à des événements aussi criminels. Le CCI appelait à une action unie contre la guerre impérialiste, la réponse a toujours été un mépris complet de la part de ceux qui se proclament internationalistes et sont sûrs qu’ils sont le seul parti. » (Ouvriers basques).
Deux de ces lettres attirent l’attention sur le fait que les manœuvres insidieuses du « Circulo de Comunistas Internacionalistas » d’Argentine et de la FICCI ont pris de façon spécifique le NCI en ligne de mire. Derrière leurs préoccupations vis à vis des camarades du NCI, il y a le fait de réaliser que c’est un groupe – bien que sur un autre continent – qui fait le même pénible effort de clarification qu’eux, leur souci est une expression vivante du caractère international, unifié, du prolétariat et de sa lutte.
« Le CCI a été attaqué mais pas seulement le CCI. Tous ceux d’entre nous qui disent se référer politiquement à la Gauche communiste ont été attaqués au moyen de manœuvres qui ne sont en aucun cas nouvelles mais qui sont les méthodes criminelles que la bourgeoisie utilise pour détruire les nouveaux militants ou les groupes prolétariens. Nous en sommes sûrs parce qu’il est évident que la FICCI a utilisé les mêmes moyens qu’elle a utilisés pour essayer de détruire le CCI de l’intérieur : les manœuvres, l’intrigue, etc. pour tenter de détruire les camarades en Argentine. C’est à dire qu’elle a essayé de répandre toutes sortes de doutes et la suspicion pour semer la discorde entre ces camarades et le CCI. » (Ouvriers basques).
« J’exprime ma solidarité avec les camarades du NCI en Argentine qui, en dépit de ce qui est arrivé, ont pris une position sur la crise, dans plusieurs déclarations écrites qui sont tout à fait valables, la déclaration du 27/10/04 et celle du 7/11/04. » (RQ, Espagne).
« La vie au sein des organisations communistes doit être un reflet de ce que sera la future société communiste » (lettre d’AN, Espagne).
Les sympathisants saisissent une question qui a une importance énorme pour le prolétariat tout entier : agir avec des principes et correctement est une condition pour garantir la confiance, la solidarité et la dignité prolétarienne de la classe ouvrière. C’est à dire que ces aspects font partie de la nature d’une classe qui a tout intérêt à détruire les divisions qui lui sont imposées, et n’a aucune raison de rabaisser ses frères de classe pour mettre en avant ses intérêts personnels ou sectoriels. Au contraire, cette classe ne peut atteindre son but final qu’en réalisant son unité de classe internationale. De plus, ses organisations politiques ne peuvent faire autre chose qu'exprimer la nature de la classe qui les a sécrétées.
Dans sa lettre, JB (Grande Bretagne) aborde cette question dans le contexte des difficultés rencontrées pour construire une organisation révolutionnaire :
« La construction de l’organisation communiste est un projet rempli de difficultés et de contradictions – celle ci ne peut exister qu’en tant que corps étranger au sein de la société bourgeoise et est donc en conséquence attaquée en permanence à tous les niveaux de son existence.
Pour combattre cette agression continuelle des « anticorps » de l’ordre bourgeois, les révolutionnaires doivent avoir la compréhension collective la plus rigoureuse de comment doit fonctionner une organisation communiste. C’est pourquoi toutes les organisations adoptent des règles de fonctionnement et une méthode organisationnelle bien précise pour aborder les débats et les désaccords inévitables qui surgissent au sein des organisations.
Sans ces structures et sans ces principes révolutionnaires, les organisations n’existent pas. Il n’y a aucune honte à ce que des révolutionnaires ne soient pas d’accord entre eux. Pas plus qu’il n’y a de honte pour des militants, ou des groupes de militants, à quitter une organisation quand ils ne sont plus d’accord avec sa plate-forme ou ses positions :
Mais c’est une grande honte de :
De la même façon que les contacts se rendent compte que le cadre et les principes du mouvement ouvrier sont la clef de leur propre recherche de clarté et de cohérence, ils se rendent compte aussi de la responsabilité qui incombe à ces organisations qui viennent de la tradition de la Gauche communiste. C’est à dire le poids historique de ces groupes dont le rôle est de maintenir et faire connaître le programme historique et les principes sécrétés par la classe ouvrière. Les lettres des contacts adressées au BIPR critiquent fortement l’attitude de celui-ci par rapport aux attaques du Circulo et de la FICCI contre le CCI.
« Au cours des derniers mois, une campagne de calomnie a été montée contre le CCI par la FICCI et le Circulo. Malheureusement, l’attitude du BIPR vis à vis du CCI dans cette affaire est absolument scandaleuse. Cette attitude est incompatible avec tout ce que représente la classe prolétarienne.
Pour commencer, le BIPR a mis « la déclaration du Circulo » sur son site internet sans consulter le CCI.
Ensuite et en plus, le BIPR a délibérément menti sur le vol de la liste d’adresses des abonnés du CCI et a utilisé ces adresses pour ses intérêts propres. Comment se fait-il que les invitations du BIPR aient été envoyées aux abonnés du CCI qui n’avaient donné leur adresse qu’à ce dernier ?
Sur le premier point, nous nous demandons comment une organisation (le BIPR) dont les fondements se situent dans la tradition de la gauche communiste et des principes prolétariens, qui connaît le CCI depuis de nombreuses années et qui le considère comme étant une organisation prolétarienne, peut immédiatement prendre le parti du Circulo sans même contacter le CCI. Du point de vue des principes communistes, le BIPR aurait dû d’abord contacter le CCI pour lui demander son point de vue sur les accusations. (…)
Sur le deuxième point, comment peut-il se faire qu’une organisation communiste, qui est fondée sur des principes tels que la confiance, l’honnêteté, la solidarité, défende ce vol et cache la vérité à ses propres militants ?
Alors que le BIPR essaie de clouer le bec au CCI en disant « qu’alors que tant de choses se passent dans le monde, le CCI n’a rien de mieux à faire que d’écrire des ‘prises de position’ sur ses disputes », il s’engage pleinement dans un regroupement avec les parasites. C’est du pur opportunisme.
Ce que le BIPR a fait, concernant les deux points cités plus haut et les autres calomnies contre le CCI, c’est uniquement dans l’intérêt de la bourgeoisie et contre les intérêts du prolétariat international ». (Deux sympathisants d’Amsterdam).
« Nous condamnons de la façon la plus tranchante possible le fait que vous ayez mis votre site web à la disposition de telles campagnes ordurières et que vous ayez, sans aucun commentaire, sans aucun examen ou aucune vérification, permis que le CCI soit insulté par le cercle en Argentine (le Circulo de comunistas internacionalistas), comme étant une organisation stalinienne qui emploie des méthodes nauséabondes.
Nous le considérons comme politiquement hautement responsable et parfaitement en droit d’exclure de l’organisation et des réunions, des membres qui se sont rendus coupables d’avoir volé des listes d’adresses d’abonnés et qui, avec la plus révoltante des méthodes bourgeoises, sans aucune preuve, ont accusé un membre dirigeant de l’organisation d’être un ‘flic’ ». (les participants à une réunion publique en Allemagne).
Un camarade de France rappelle au BIPR que l’unité au sein du camp prolétarien et le débat fraternel sont indispensables pour les révolutionnaires :
« Eparpillées et faibles comme ils le sont, les quelques organisations révolutionnaires qui existent aujourd’hui doivent polémiquer, discuter systématiquement des questions historiques autant que de l’actualité, certes. Il me semble que depuis 30 ans, les contributions (régulières, argumentées, lucides) du CCI sont loin du « vide méthodologique et politique » que vous dénoncez. Certes, le débat pour la clarté doit être vivant, sans compromis, mais il doit, ce me semble, rester fraternel entre les organisations de la Gauche communiste. Si comme vous le dites, il y a tant ‘à travailler pour chercher à comprendre ce qui se passe dans le monde’, il y a aussi tant à faire pour AGIR ensemble (et quelle force, quelle portée cela aurait), distribuer ENSEMBLE, organiser des réunions COMMUNES sur l’essentiel, ce qui nous rassemble : l’internationalisme, la lutte contre la guerre… Car «l’expérience du passé montre qu’un lien de fraternité doit exister entre les travailleurs des différents pays et les inciter à tenir bon, coude à coude, (….) et que si on dédaigne de lien, le châtiment sera l’échec commun de ces efforts sans cohésion » (Marx, Adresse inaugurale) ».
Une lettre adressée au BIPR par « deux jeunes sympathisants de la Gauche communiste » traite aussi de la nécessité de rapports fraternels entre organisations prolétariennes. En outre, elle souligne que le soutien du BIPR au Circulo d’Argentine et à la FICCI contre le CCI ternit son image d’organisation communiste aux yeux de ceux qui, comme eux, considèrent la tradition de la Gauche communiste comme un guide :
« … nous sommes ouverts à toutes les organisations communistes révolutionnaires et très en faveur d’une discussion entre ces groupes, discussion qui est très importante pour notre clarification politique. C’est un chemin nécessaire et indispensable pour le développement de la conscience et l’unification du camp prolétarien sur la base d’accords véritables. (…)
… Nous remarquons que sur votre site internet, soutenus par la FICCI, vous avez publié un texte du Circulo de Comunistas Internacionalistas d’Argentine, qui accuse le CCI de refuser systématiquement toute discussion avec les groupes qui ont des opinions différentes des leurs. Nous pouvons supposer que vous êtes d’accord avec cette accusation puisque vous la publiez. Une telle accusation, faite sans argument approprié et sans aucune explication valable, nous semble plutôt non fondée vu les efforts du CCI pour développer la discussion et fournir des clarifications.(…)
Votre accusation est d’autant plus fausse que, à notre connaissance, le CCI a souvent fait référence au milieu politique prolétarien (…) et vous a cité comme une de ses composantes, vous demandant de nombreuses fois d’intervenir ensemble avec lui contre les guerres impérialistes. En plus, sur votre attitude , en particulier, à la réunion publique à Berlin le 15/05/04 sur les causes de la guerre impérialiste (…), dans la conclusion de la discussion, celui qui parlait au nom du BIPR a défendu la position selon laquelle la discussion montrait que le débat entre le BIPR et le CCI était « inutile ». (…).
Nous trouvons donc que votre attitude diverge notablement de l’image que nous avons d’une organisation communiste révolutionnaire, ce qui doit obligatoirement nous décevoir, et nous voulons souligner ceci pour vous dans cette lettre.
En outre, est-ce que la solidarité entre organisations communistes n’est pas le moteur du combat qui nous unit ? En espérant que nos critiques ne seront pas considérées comme animées par de mauvaises intentions vis à vis du BIPR et, qu’au contraire, elles aideront à faire de meilleures analyses d’un problème important qui n’a certainement pas fait l’objet d’une réflexion profonde. ».
Le groupe d’ouvriers du Pays basque critique aussi le refus du débat du BIPR :
« il y a une phrase qu’ils ont écrite qui montre toute la faiblesse du BIPR : "nous en avons assez de discuter avec le CCI". D’abord, nos prédécesseurs n’étaient jamais fatigués de discuter, au contraire, c’était un devoir de rechercher la plus grande clarté possible. Ce goût pour la théorie a été perdu et nous devons le redécouvrir. Mais le BIPR ne veut pas de débat ouvert avec qui que ce soit, il veut seulement des adhésions à ses positions sans aucune discussion ou questionnement. Une attitude typique du gauchisme : si on est d'accord, tant mieux, sinon tant pis, c'est comme ça. Il y a beaucoup à faire et une discussion doit être entreprise pour former le futur parti de la classe ouvrière ; ce ne sera pas le CCI tout seul, ou le BIPR tout seul, qui seront impliqués dans cette tâche mais beaucoup de groupes prolétariens qui vont surgir, du moins on l’espère.
En évitant le débat, le BIPR montre clairement sa faiblesse théorique, comme il le fait quand, dans sa colère incontrôlée, il nous dit « nous n’avons pas de comptes à rendre au CCI ou à qui que ce soit d’autre sur nos actions politiques ». Ici, nous trouvons le « droit divin » du LEADER, qui a le droit de faire ce qui lui plaît, parce que les leaders sont au dessus du BIEN et du MAL. En résumé, la référence pour la morale et l’Ethique est à trouver dans les œuvres complètes des JESUITES ».
Beaucoup de lettres envoyées au BIPR condamnent son opportunisme comme indigne d’une organisation prolétarienne. C’est-à-dire qu’elles stigmatisent une politique caractérisée par un abandon des principes en faveur de l’utilisation de moyens qui sont étrangers au prolétariat de façon à être « devant » dans ce que ce groupe semble concevoir comme une course pour gagner les cœurs et les esprits de la nouvelle génération. Les contacts sont aussi conscients du point auquel la promiscuité politique du Bureau avec la FICCI et le Circulo est autodestructrice. Ces messieurs ne visent pas seulement à la destruction du CCI grâce à des manœuvres sordides, mais aussi l’anéantissement politique du BIPR, quoique, dans ce cas, avec des flatteries et des chants de sirène.
Comme le dit GW d’Grande Bretagne au BIPR :
«… la création du BIPR à partir de la CWO et de BC était fortement marquée par un anti-CCIisme aussi bien que par un penchant opportuniste. Je crois cependant maintenant que les derniers développements montrent une chute qualitative de l’activité du BIPR qui menace son existence même en tant que force révolutionnaire. Apparaît clairement maintenant ce qui avait été implicite depuis quelque temps : le BIPR se considère, non pas comme des camarades du CCI mais en concurrence avec ce dernier.
Cette attitude de boutiquier, fondamentalement une attitude bourgeoise, ne peut, si elle ne change pas radicalement, que signifier la ruine du BIPR en tant qu’expression du prolétariat. (…) Elle va complètement à l’opposé de la solidarité de la classe ouvrière, de la confiance dans la classe ouvrière et les événements récents confirment que vous ne comprenez et ne partagez que très peu de ces attributs fondamentaux, essentiels, d’une classe révolutionnaire. (…) Avoir des liens avec n’importe quel élément anti-CCI, que ce soit un Tom, Dick ou Harry et lui faire de la publicité est, de votre part, l’expression d’une trahison fondamentale et éhontée des principes du mouvement ouvrier du passé. Vous excusez platement le vol d’une organisation révolutionnaire parce qu’il s’est fait au nom des « droits des dirigeants ». Vous pourriez dire que fait partie de l'activité normale du business pour écraser un rival. Au moins, cela serait plus honnête… »
Le groupe d’ouvriers du Pays basque dit aussi au BIPR, en des termes très clairs, que sa méthode est contre tout ce la classe ouvrière défend et que ce ne doit pas être toléré :
« Non, Messieurs du BIPR, pour notre classe, tout n’est pas acceptable. Notre morale prolétarienne est l’antithèse de la morale bourgeoise : chacunest responsable de ses actes. Cela vous concerne et c’est même plus applicable dans votre cas puisque vous vous êtes manifestés pour défendre la FICCI et ses méthodes maffieuses, ou essayez-vous peut-être de nous faire croire à cette lettre et aux choses horribles qu’elle raconte ?
Vous avez publié la lettre sur internet pour lui donner le maximum d’audience, vous devez quelque chose à ceux qui l’ont lue. Nous n’acceptons pas que vous justifiiez le vol de quelque chose d’aussi important qu’une liste d’adresses et de l’argent d’une organisation prolétarienne. Nous sommes stupéfaits devant des arguments aussi vulgaires que ceux selon lesquels ceux qui ont fait ce vol seraient des dirigeants de la vieille garde. Que dites-vous sur ce qu’ils voulaient faire ? Remettre le CCI dans le droit chemin ? Ca ne veut pas dire qu’ils ont le droit de voler.
Oui, Messieurs du BIPR, vous devez rendre des comptes et pas seulement au CCI mais à nous tous. Quelle est votre morale, quel code de conduite et quel comportement sont les vôtres ? Faites vous partie de la classe ouvrière ? Il y a aussi des frontières de classe sur cette question. »
Les contacts sont stupéfaits qu'une organisation de la Gauche communiste excuse le vol par la FICCI du fichier d'adresses des contacts. Ils trouvent outrageant que le BIPR défende cela sur la base du fait que les éléments qui ont formé la FICCI auraient été - supposent-ils- des "leaders" de notre organisation. (Voir "Réponse aux accusations stupides d'une organisation en dégénérescence" sur le site du BIPR)
Les "Deux jeunes sympathisants de la Gauche communiste" demandant au BIPR : "Croyez-vous vraiment que les "leaders" d'une organisation communiste ont plus de droits et de pouvoir que les militants qui la composent et, si oui, la propriété exclusive des documents communs ?"
C’est une question très pertinente. Nous espérons que le Bureau daignera répondre parce que, contrairement à son affirmation selon laquelle « nous n’avons pas de compte à rendre au CCI ou à qui que ce soit de nos actions politiques », ces éléments qui cherchent dans le mouvement de la Gauche communiste une direction politique, ont tous les droits et, pour dire plus, même le devoir, de demander que les organisations révolutionnaires rendent des comptes sur leurs actions. De la même manière, ces organisations ont la responsabilité de donner les raisons de leurs choix politiques à l’ensemble de la classe ouvrière qui les a sécrétées.
Le « groupe d’ouvriers basques » a aussi quelque chose à dire sur cette question :
« Les mots utilisés par le BIPR, tels que « la vieille garde, les dirigeants », provoquent chez nous un profond dégoût parce qu’ils sont le reflet d’une conception du parti qui est typiquement bourgeoise. Ce n’est pas hasard si les « dirigeants » s’unissent pour manipuler comme ils veulent tous les militants honnêtes qui se rapprochent de la Gauche communiste. Le meilleur exemple en est ce qui est arrivé en Argentine et il est impardonnable qu’une telle attitude soit tolérée et qu’elle ne soit pas dénoncée aux quatre coins du monde. Quelqu’un qui essaie de détruire un groupe prolétarien mérite notre mépris, pas notre respect. »
Un camarade en Suède fait référence à la vision du BIPR selon laquelle le vol de la liste d’adresses n’était pas un vol puisque ce que voulaient ces « dirigeants » du CCI était de remettre les militants du CCI dans le droit chemin :
« La logique de défendre le vol est pire que le vol lui même. Le BIPR met en avant une position gauchiste ou religieuse du rôle dirigeant du parti. Les militants dans le CCI ne sont pas des idolâtres religieux qui peuvent être conduits sur la bonne voie pas plus qu’ils ne sont des fantassins qui peuvent être dirigés par un commandant. Mon opinion, c’est que les militants au sein de la Gauche communiste (pas seulement dans le CCI), au contraire de ce qui se passe dans la gauche du capital, ont des capacités, sont bien informés, font des analyses, en bref, sont de réels révolutionnaires. »
Un autre camarade qui écrit d’Amérique demande : «A quel moment est-ce que l’opportunisme franchit les frontières de classe ? Est ce qu’adopter une tactique bourgeoise ne serait pas le premier pas en direction de l’adhésion à l’idéologie bourgeoise.» (IO)
Comme le dit GW : « les développements récents montrent une dérive qualitative dans l’activité du BIPR qui menace son existence même en tant que force révolutionnaire ». Conscients des eaux troubles dans lesquelles patauge le BIPR, les sympathisants ont la préoccupation de l’empêcher d’aller vers l’abîme dans lequel il semble déterminé à se précipiter, pour répondre à la gentille invitation de la FICCI.
Les deux camarades d’Amsterdam disent : « Nous condamnons cette attitude opportuniste du BIPR vis à vis du CCI. Nous espérons que dans l’intérêt de la lutte de classe et de l’unité prolétarienne, le BIPR fera une auto-critique de son attitude dans cette affaire ».
La prise de position des participants à la réunion publique du CCI à Berlin dit :
« Nous vous appelons à revenir sur le terrain des attitudes prolétariennes et des principes de débat, ce qui veut dire :
Vous devez assumer de façon durable la responsabilité collective que vous avez à l’égard du prolétariat international. Mettez-vous devant une table avec le CCI et les autres forces révolutionnaires et débattez publiquement des questions centrales qui concernent le mouvement ouvrier, le capitalisme et son renversement ».
JB, Grande Bretagne, déclare :
« La question du parasitisme est une question qui concerne l’ensemble de la Gauche communiste. Je soutiens l’appel du CCI aux autres organisations prolétariennes et à leurs contacts et sympathisants à prendre position sur les thèses du CCI sur cette question :
En bref, développer la discussion de la façon la plus large et la plus rigoureuse possible, comme il en incombe au mouvement ouvrier dans son ensemble. »
RQ, Espagne, souligne la responsabilité générale des éléments politiques du camp prolétarien:
« Le milieu politique prolétarien doit assumer ses responsabilités. L’évolution de la situation : le BIPR qui rentre en crise en insistant sur le fait qu’il maintient et continuera à maintenir sa collaboration avec la FICCI ; l’intervention de dernière minute de l’obscur Circulo de Comunistas Internacionalistas en Argentine et le silence des autres organisations, qui auraient dû prendre position contre le comportement des éléments de la FICCI, parce qu’aucune organisation prolétarienne vivante n’est à l’abri de ceux-ci. Cela me fait penser à une sorte de complot contre une organisation révolutionnaire comme le CCI, qui a été organisé avec certains qui y participent activement et d’autres par défaut. »
IO d’Amérique nous demande : « Je dois demander pourquoi vous accordez autant d’attention à la FICCI (…). J’imagine que parler d’elle est utile peut-être en tant que leçon du parasitisme en action, autrement ne devrait-on pas les ignorer en grande partie ? ». Si nous avons consacré tant de temps et d’efforts dans notre lutte publique contre la 'non-sainte' alliance du parasitisme et de l’opportunisme représenté par la FICCI et le BIPR, c’est parce que – si petits que soient les nombres impliqués – nous combattons pour défendre les principes mêmes de l’action et de l’organisation prolétarienne sur lesquels le parti mondial de la classe ouvrière devra un jour se fonder. Nous sommes fermement convaincus que si nous ne défendons pas ces principes maintenant, alors, à la fois nous manquerions à notre devoir et compromettrions le futur développement de toute organisation révolutionnaire.
La passion et la conviction avec lesquelles nos contacts sont rentrés dans le combat pour la défense des principes prolétariens suffisent à réchauffer le cœur de tout révolutionnaire. Elles montrent que l’insistance du CCI sur le fait que le comportement doit être basé sur des principes et que c’est une nécessité politique, n’est pas un cri perdu dans le monde sauvage des petits arrangements, du cynisme et de l’opportunisme. Cet acte simple de solidarité est d’autant plus important que le CCI a reçu récemment des menaces, par exemple de l’UHP-Arde (1), ou d’autres envoyées anonymement.
Conscient de la gravité des derniers événements, RQ (Espagne) les voyait au début comme un pas en arrière pour la classe ouvrière ? Après réflexion, il/elle dit : « Je ne pense pas que le CCI et le prolétariat soient confrontés à un recul mais que, au contraire, c’est un pas en avant au niveau de la méthode parce que ce qui s'est passé, devait être affronté. Comme c’était le cas dans la Première Internationale dans le combat contre les bakouninistes, la méthode marxiste, et donc celle des organisations révolutionnaires, consiste à porter à l’extérieur, de façon ouverte, devant les militants et le prolétariat tout entier, le problème ou la crise dans toute sa difficulté. Cela signifie en discuter pleinement et aller aux racines sans réticence. »
Ceci montre, comme les autres lettres, la détermination sans faille à comprendre et à avancer, aussi dur que puisse se révéler le combat, c’est la marque distinctive du prolétariat comme classe révolutionnaire. Les sympathisants reconnaissent que la lutte pour le communisme est beaucoup plus profonde et englobe tous les aspects et n’est pas que la simple recherche d’une liste de positions correctes. La méthode marxiste met en question chaque aspect de cette société pourrie et elle seule peut donner du souffle à la réflexion, au questionnement et à la recherche d’une vérité sans zone obscure. C’est le défi qu’ont relevé les auteurs de ces lettres.
Nous laissons le dernier mot aux participants de la réunion Publique du CCI en Allemagne, un sentiment qui englobe la solidarité précieuse que nos sympathisants ont manifesté :
« N’abandonnez pas, nous soutenons votre combat ».
(1) Dans un article sur internet intitulé "La ciencia y arte del zoquete", l'UHP accuse le CCI de défendre la politique de la bourgeoisie, nous traite d'imbéciles et conclut par ces mots : "Contre les campagnes bourgeoises de falsification et de répression de notre lutte, et mort aux imbéciles".
Fin janvier, une contrôleuse est agressée et violée dans un train express régional (TER) du réseau Sud-Ouest. La réaction est immédiate : le personnel de la SNCF se met spontanément en grève et le trafic ferroviaire français est totalement paralysé pendant 48 heures.
Quand il est évoqué dans la presse nationale, l'événement est minimisé, réduit à un entrefilet et relaté comme un simple fait divers.
Le 1er février, une hôtesse de l'air chute mortellement d'une passerelle d'accès à bord des avions à Orly. Aussitôt, le personnel d'Air France déclenche une "grève sauvage". Le black-out n'est rompu, deux semaines plus tard, que par les répercussions de cette grève qui perturbe toujours gravement le trafic des aéroports internationaux parisiens.
Le 23 février, le rapport de l'inspection du travail et les déclarations du ministre des transports, Gilles de Robien, qui mettent en avant "l'erreur humaine" et la responsabilité du personnel au sol, rallument la colère des salariés, vite jugulée cette fois par les syndicats qui parviennent à opposer les différentes catégories de personnel entre elles.
Ces réactions sporadiques d'indignation et de "ras-le-bol" tendent à émerger de plus en plus face à une détérioration grandissante des conditions de travail, souvent suite à des agressions ou à des accidents de travail. Elles constituent en même temps un début d'expression de solidarité ouvrière entre salariés. Des fractions de plus en plus larges de la classe ouvrière (notamment dans le secteur des transports en commun, sur les chantiers) sont quotidiennement exposées à une insécurité permanente dans leur travail, et à des risques multipliés par la diminution ou les suppressions d'effectifs, par le surcroît des charges de travail, par les exigences de la productivité, par les matériaux de travail au moindre coût, par le non-respect des règles de sécurité les plus élémentaires. La colère est d'autant plus forte chez les ouvriers que la bourgeoisie, ses institutions et ses médias mettent chaque fois en cause des comportements de tel ou tel salarié sur lequel ils font retomber la responsabilité de la faute individuelle.
En même temps, on assiste à une multiplication de petites grèves disséminées aux quatre coins de l'hexagone. De même, la mobilisation importante suscitée par les journées d'action syndicales et leurs manifestations, dès qu'elles ont une portée nationale et touchent aux questions les plus sensibles comme les salaires et la chute du pouvoir d'achat, les conditions de vie et de travail, témoignent d'un mécontentement profond et d'une remontée de la combativité ouvrière encore très diffuse, inégale et variable selon les secteurs.
La crise du capitalisme a atteint un stade marqué par la fin brutale de l’ère de " l’Etat-Providence" partout dans le monde (voir article page 5). Pour la classe ouvrière, le minimum vital qui lui permettait de reproduire sa force de travail : se loger, se nourrir, se soigner, n’est plus assuré. Derrière les "réformes ", ce qui est demandé aux prolétaires c'est toujours plus de "sacrifices", c'est toujours sur leur dos qu'il s'agit de faire des économies pour la défense de la compétitivité du capital national. Toute la classe ouvrière est sous la menace des fléaux permanents révélateurs de la crise : le chômage et la précarité. L'abandon de toute protection sociale est lui aussi un des signes le plus caractéristiques de la faillite du système capitaliste.
Partout, la classe ouvrière est prise à la gorge, confrontée à la même dégradation insupportable de ses conditions de vie et de travail, à la réduction dramatique de son pouvoir d'achat avec le cumul de la précarisation du travail, de la diminution des prestations sociales, de l'érosion des salaires et des pensions, de la hausse des tarifs des produits de première nécessité, des services publics, des taxes.
Les prolétaires et leurs enfants (voir l’article sur le mouvement des lycéens en page 2) connaissent l’angoisse d'un avenir qui s’assombrit de jour en jour… Ils sont de plus en plus poussés à développer une réflexion sur leur surexploitation dans un monde qui fonctionne exclusivement sur des critères de profit, de concurrence, de rentabilité, et un questionnement sur une planète de plus en plus insécure, barbare, démentielle et déshumanisée.
C'est parce qu'elle est consciente de la tension du climat social, de ce mécontentement général qui pousse les ouvriers à s'interroger sur le monde dans lequel ils vivent, que la bourgeoisie prend les devants en occupant massivement le terrain social. C'est le rôle que remplissent les syndicats qui assument leur fonction d'encadrement des ouvriers pour les diviser et les isoler en s'attachant aujourd'hui à bloquer et à dévoyer les efforts de prise de conscience qui se manifestent confusément au sein de la classe ouvrière. Les syndicats utilisent ainsi de plus en plus le besoin d'unification des luttes en organisant de prétendues manifestations unitaires, comme le 5 février et le 10 mars entre secteur privé et secteur public, pour empoisonner et pourrir la réflexion. En effet, ils polarisent l'attention sur une série de thèmes idéologiques qui permettent de fausser et de détourner sur un terrain bourgeois les questionnements en gestation au sein de la classe ouvrière :
- Face aux chantages du patronat qui menace de plus en plus d'ouvriers de licenciements et de délocalisations s'ils n'acceptent pas de travailler plus longtemps pour le même salaire, la gauche, les syndicats et les organisations gauchistes nous proposent ainsi de lutter pour "défendre les 35 heures" des lois Aubry. Leur battage cherche à masquer que les attaques d'aujourd'hui sur l'allongement du temps de travail ne sont que le prolongement de l'attaque du gouvernement de gauche précédent, que ce sont ces lois du "gouvernement socialiste" sur les 35 heures qui ont introduit la flexibilité dans l'entreprise, permis la chasse au "gaspillage" (suppression des temps de pause) et l’intensification de la productivité, l’annualisation du temps de travail, le blocage des salaires et qui permettent aujourd’hui à la bourgeoisie d'intensifier partout l'exploitation. Ils servent à fausser la compréhension de la nature de l'attaque du gouvernement, qui entreprend aujourd'hui de rallonger quasiment sans limite le temps de travail, en rendant la droite responsable de cette attaque alors qu'elle est en fait commandée par les besoins de la défense du capital national dont hier, la gauche était un gestionnaire aussi zélé que la droite.
- Face à la poursuite des attaques massives et à de nouvelles dizaines de milliers de suppressions d'emploi, notamment dans la fonction publique mais également à la SNCF, à la Poste, à EDF-GDF, à France Telecom, la gauche et les syndicats poussent aussi les prolétaires à se battre en même temps, non pour la défense de leurs intérêts communs de prolétaires mais pour la "défense du service public". Depuis des années, à longueur de journées d'action, de manifestations, on nous chante cette même rengaine alors que les réductions d'effectifs, le blocage des salaires, la perte du pouvoir d'achat, les restrictions budgétaires et la détérioration accélérée des conditions de travail ont lieu depuis des années, dans le secteur privé comme dans le secteur public, sous tous les gouvernements qui se sont succédé, de gauche comme de droite. Pour l'Education nationale, secteur particulièrement soumis aujourd'hui à une aggravation des conditions de travail avec les attaques contre les ATOS, les suppressions des auxiliaires d'enseignement, les suppressions de classes et d'effectifs, c'est le ministre socialiste Allegre qui avait annoncé "qu'il fallait dégraisser le mammouth". Fermetures de classe, fermetures d'hôpitaux, de lignes SNCF, de bureaux de poste sont de même nature et suivent la même logique capitaliste que les fermetures d'usines, les délocalisations, l'abandon de tel ou tel site, de tel ou tel secteur industriel : la "rentabilité", la concurrence, la loi du profit à tous les niveaux. Et partout, c'est une même classe, la classe ouvrière qui en fait les frais, qui subit une exploitation de plus en plus féroce avec l'Etat-patron comme avec un patron privé.
La gauche et les syndicats nous demandent de nous en remettre à l'Etat pour nous défendre. Ils voudraient en particulier faire croire que l'Etat au lieu de se mettre au service des patrons pourrait défendre les ouvriers, qu'il pourrait être un Etat-protecteur des salariés et non plus "au service du patronat"… Rien n'est plus faux ! C'est en fait l'Etat qui est le chef d'orchestre de toutes les attaques de la bourgeoisie, c'est lui qui mène les attaques les plus générales qui touchent l'ensemble de la classe ouvrière : sur les retraites, sur la Sécurité sociale, contre les chômeurs. C'est lui qui décide quels secteurs économiques doivent être "restructurés". C'est l'Etat-patron qui donne l'exemple de la brutalité des attaques en réduisant massivement le nombre des ses fonctionnaires et en bloquant leurs salaires depuis des années. L'Etat ne peut être que le défenseur par excellence des intérêts de la classe bourgeoise et assurer en toutes circonstances la défense des intérêts du capital national contre la classe ouvrière.
On voudrait nous faire croire qu'une autre façon de gérer le capitalisme serait meilleure pour les ouvriers. On voudrait nous faire croire que le responsable de tous ces maux, c'est le libéralisme économique, et qu'il y aurait d'autres voies possibles comme "l'altermondialisme", qu'il suffirait par exemple de taxer les revenus du capital pour répartir les richesses autrement. Ce n'est qu'une mystification : non seulement les rapports de concurrence et d'exploitation seraient les mêmes mais cela n'atténuerait en rien la crise de surproduction du capitalisme sur le marché mondial qui pousse chaque bourgeoisie nationale à pressurer toujours plus la classe ouvrière.
L'appareil politique de la bourgeoisie et les syndicats cherchent à nous persuader que l'Europe est un enjeu majeur. Pour les uns, elle permettrait d'imposer un cadre social plus large. Pour les autres, elle serait la grande responsable de l’aggravation de tous les maux et des attaques. La bataille entre défenseurs et pourfendeurs de la Constitution européenne qui divise partis et syndicats est un problème pour la bourgeoisie. L'enjeu n'est pas d'aller vers une Europe plus libérale ou vers une Europe plus sociale. Du point de vue de la classe ouvrière, les débats sur l'élargissement de l'Europe comme le référendum sur la Constitution européenne ne sont qu'une arme idéologique pour chercher à diviser les ouvriers et pour finalement mieux les ramener derrière le terrain bourgeois de la défense de l'Etat et du capital national. Tout ce cirque ne sert en effet qu'à amener les ouvriers à se prononcer sur un choix qui n'est pas le leur, mais celui de son ennemi de classe : qu'est ce qui sert le mieux l'intérêt national ? La bourgeoisie ne cesse ainsi de mettre en avant de fausses réponses à de vraies questions pour dévoyer la réflexion et la conscience des ouvriers.
La seule réponse possible des prolétaires, c'est le développement de leurs luttes sur un terrain de classe.
Les prolétaires n'ont pas d'autre choix que de se battre, sinon ils subiront toujours plus de sacrifices et d'attaques de la part de la bourgeoisie. Le développement de leurs luttes est la seule façon pour les prolétaires de résister aux attaques toujours plus fortes de la bourgeoisie qui en s’enfonçant dans une crise irréversible, n’a pas d’autre choix que d’exploiter toujours plus les prolétaires.
Cependant, la classe ouvrière est en même temps poussée à comprendre que son combat n'est pas celui que la gauche et les syndicats lui proposent : contre le libéralisme ou pour une autre gestion de l’exploitation mais contre le système capitaliste dans son ensemble qui révèle de plus en plus ouvertement sa faillite.
Elle est aussi amenée à prendre conscience comment elle doit se battre. Il n'est pas possible d'imposer un rapport de force susceptible de faire reculer la bourgeoisie tant qu'on reste divisés, isolés dans le cadre d'un site, d'une corporation, d'une entreprise, tant qu'on ne reconnaît pas que les ouvriers de telle ou telle usine ou de tel ou tel secteur ont les mêmes revendications et mènent le même combat et qu'il s'agit de lutter le plus nombreux possible de façon unitaire. Il existe déjà une volonté de se regrouper, de discuter ensemble de leurs conditions de travail, afin de sortir de leur isolement, de développer la question de comment se battre et résister aux attaques de la bourgeoisie. Les réactions actuelles de la classe ouvrière témoignent déjà de façon encore très embryonnaire mais réelle de la solidarité naturelle de classe qui est amenée à s'exprimer et à s'affirmer de plus en plus dans le développement des luttes. C'est une dimension indispensable, incontournable et déterminante de la lutte. La classe ouvrière est amenée à faire l'expérience que lorsqu'une partie d'entre elle subit une attaque, c'est la classe tout entière qui est visée et qui subira demain la même attaque si elle ne réagit pas. Le soutien à une lutte, ce n'est pas une question de solidarité financière à laquelle les syndicats la réduisent, mais c'est ne pas la laisser isolée, c'est d'en être partie prenante, d'y participer activement, d'entrer dans la lutte, de l'élargir et de se donner les moyens d'entraîner à son tour de nouveaux secteurs dans le combat au-delà des barrières corporatistes. C'est en renouant avec de telles expériences, c'est en participant le plus nombreux possible au combat de classe, que les prolétaires pourront renforcer leur confiance dans leur capacité d'imposer un rapport de force à la bourgeoisie et leur sentiment d'appartenir à une même classe qui est la seule force sociale porteuse d’une perspective d’un renversement de ce système et d’un futur pour l’humanité.
W (24 février)
Avec l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais, Rafic Hariri, un foyer d'affrontements impérialistes est réactivé au Moyen-Orient. Ce nouvel épisode de la barbarie capitaliste, qui se développe à l’échelle mondiale et particulièrement au Proche- et Moyen-Orient et s'illustre par des règlements de compte sanglants et une spirale sans fin d’attentats terroristes frappant aveuglément les populations, vient rappeler que tous les discours de paix de la bourgeoisie, des grands ou des petits pays, ne sont que mensonges éhontés et cynisme crapuleux. Ce sont ces fractions nationales de la bourgeoisie qui, non contentes de semer massivement la mort, à l'instar des Etats-Unis en Irak ou encore de la France en Afrique, manipulent les multiples cliques terroristes.
L'attentat contre Rafic Hariri constitue un clair démenti au battage qui avait salué, début janvier, l'élection de Mahmoud Abbas à la présidence de l'Autorité palestinienne comme un gage de paix pour la région.
Cet évènement permet à la France et aux États-Unis, qui avaient été à l'initiative du vote en septembre 2004 de la résolution 1559 exigeant le retrait de l'armée syrienne du Liban, de se positionner dans la vie politique libanaise, en désignant avec empressement la Syrie comme étant à l'origine de cet assassinat. Et ce n'est pas le souci de faire respecter la "liberté" de la population libanaise qui les anime. Loin s'en faut. Pour Chirac, l'occasion était trop belle, en faisant prévaloir son "amitié" avec Hariri, de profiter de l'occasion pour tenter le retour de la France dans ce pays d'où elle avait été mise à l'écart progressivement dans les années 1980 et définitivement éjectée en 1991, en particulier avec l'expulsion de son poulain libanais, le général Aoun. Quant aux Etats-Unis, il s'agit là d'une étape de leur stratégie militaire dans le Sud-Ouest asiatique, visant notamment à accroître leur pression sur la Syrie, désignée régulièrement depuis le printemps dernier par l'administration Bush comme abritant des terroristes d'Al-Qaida et des membres de l'ex-Etat irakien. Washington a ainsi clairement prévenu à plusieurs reprises, et encore récemment, que la Syrie risquait de ne pas échapper à des frappes militaires.
Aussi, l'entente qui existe aujourd'hui entre les larrons américains et français sur le dos du Liban et de la Syrie n'a pour raison d'être que de justifier la défense de leurs intérêts impérialistes respectifs. Elle n'a pas d'autre avenir que de constituer une nouvelle source de rivalités, par bandes terroristes interposées, et d'alimenter ainsi le chaos dans la région.
Ce ne sont d'ailleurs pas davantage les récents voyages diplomatiques de la camarilla de Washington qui permettent de rêver à des lendemains qui chantent. Ces dernières semaines, l’Europe a ainsi été courtisée de façon intense par la diplomatie américaine. Après la visite de la secrétaire d’état Condoleezza Rice, c’est Donald Rumsfeld qui a fait le déplacement pour la 41e conférence sur la sécurité à Munich, puis c’est le "boss" en personne, Bush qui est venu assister aux sommets de l’OTAN et de l’Union Européenne, qui a multiplié les rencontres avec les chefs d’Etats européens et en particulier avec ceux qui s’étaient opposés à l’intervention militaire en Irak, Chirac, Schröder, puis Poutine. Pourquoi une telle effervescence diplomatique ? Qu’est-ce qui se prépare en coulisses, derrière les hypocrites accolades entre parrains rivaux, entre l’oncle Sam et les Européens ? Que signifient ces discours sur le partenariat pour développer la liberté dans le monde ?
Le changement de discours de la puissance américaine n’indique pas que celle-ci ait renoncé à utiliser sa puissance militaire pour défendre ses intérêts économiques, politiques et militaires dans le monde, mais qu'elle cherche à adapter sa stratégie et son discours idéologique en tenant compte des difficultés qu’elle rencontre, notamment du fait de son enlisement dans le bourbier irakien. La politique menée en Irak ne fait qu’alimenter partout dans le monde l’hostilité à l’égard de la première puissance mondiale et tend à accroître son isolement sur la scène internationale. Ne pouvant faire marche arrière en Irak, sous peine d’un affaiblissement considérable de son autorité mondiale, l’oncle Sam s’enferre dans des contradictions difficilement gérables. En plus d’un gouffre financier, l’Irak constitue le point d’appui permanent aux critiques de ses principaux rivaux impérialistes. Par ailleurs, les récentes élections en Irak ont vu la victoire de la liste unifiée des partis chiites, plutôt proche du gouvernement iranien et la défaite de leur poulain, Iyad Allaoui, premier ministre par intérim. "Ce gouvernement aura d’excellentes relations avec l’Iran…En termes de géopolitique régionale, ce n’est pas le résultat qu’espéraient les Etats-Unis." (Courrier international n°746) A cet affaiblissement de leur influence sur le jeu des partis politiques irakiens, il faut rajouter le climat de terreur qui continue à régner dans tout le pays où les attentats toujours plus meurtriers et les tueries se succèdent. La prétendue victoire de la démocratie irakienne, du fait de l’organisation de ces élections, n’a en rien écarté le risque de partition du pays en fonction des divergences d’intérêts des diverses communautés religieuses et ethniques. D'ailleurs, chacun s‘accorde à dire que la résistance armée va continuer et probablement s’intensifier.
En ce sens, l’offensive diplomatique et cette volonté américaine d’apparaître à nouveau "sur la même longueur d’onde" que les Européens a surtout pour objectif de tenter de convaincre ceux-ci d’être à leur côté pour défendre et propager la démocratie dans le monde, en particulier au Proche- et Moyen-Orient. L’administration Bush maintient les mêmes objectifs militaires que lors de son premier mandat, dans l'après-11-Septembre, mais c’est l’emballage idéologique qui est relooké pour les besoins de la situation. Tout en laissant entendre aux puissances européennes que dorénavant, rien ne se fera sans qu’elles ne soient consultés, dans la mesure où toutes partagent les mêmes valeurs humaines, démocratiques et de liberté que l’Amérique. Il n'est pas du tout exclu que, derrière cette mascarade, certaines puissances comme le France se soient vu promettre un rôle privilégié dans le règlement du conflit en Irak, en échange bien sûr d'une plus grande implications, dès à présent, aux côtés des Américains.
Derrière les discours ostensiblement unitaires de l'offensive diplomatique américaine, les divergences sont néanmoins toujours présentes et ne cessent de se développer. Comme le souligne un haut responsable de l’OTAN "le vieux Rumsfeld nous a joué du violon, comme l’avait fait Condoleezza Rice la semaine dernière" ( Le Monde du 15 février). Alors que jusqu’à présent, l’équipe Bush avait mené une politique de "main de fer", maintenant c’est la politique "de la main de fer dans un gant de velours". Rumsfeld a affirmé que pour les Etats-Unis "la mission (au sens militaire) détermine la coalition". Autrement dit, l’Amérique ne fera appel à l’OTAN que si cela sert ses intérêts stratégiques. De leur côté, les Européens et notamment l’Allemagne avec le soutien de la France posent ouvertement la nécessité de réformer l’OTAN et de remplacer l’Alliance par un groupe d’experts, représentatif des intérêts américains et surtout européens. Dans la foulée, l’Allemagne affirme clairement que "dans le cadre européen, elle se sent coresponsable pour la stabilité et l’ordre international" et qu’à ce titre elle revendique un siège de membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU. Devant le refus immédiat des Etats-Unis de réformer l’OTAN, l’Allemagne se permet même de hausser le ton par l'intermédiaire de son ministre des affaires étrangères Joschka Fischer déclarant : "Il faut savoir si les Etats-Unis se situent dans ou à l’extérieur du système des Nations Unies."
Cette tension autour du rôle de l’OTAN s’est concrétisée par le refus des Européens de contribuer au programme de formation des forces militaires et policières en Irak ou par leur maigre contribution à celui-ci. Vis-à-vis de l’Afghanistan, les puissances européennes ont accepté de renforcer les effectifs de la Force Internationale (FIAS) sous commandement de l’OTAN, car celle-ci est sous les ordres d’un général français avec d’importantes unités de soldats français et allemands. Cependant, ils ne veulent pas que cette force militaire passe à terme sous le commandement de l’opération "Enduring Freedom", c’est-à-dire sous le contrôle de l’armée américaine. La question de l’OTAN est loin d’être le seul sujet de discorde. Après nous avoir joué la symphonie des Droits de l’Homme à propos de la répression du mouvement étudiant de la place Tien An Men, en Chine, en 1989, les Européens, en bons marchands de canon, sont prêts à lever l’embargo sur les ventes d'armes à ce pays. Les Américains ne sont pas d’accord, de même que le Japon, mais cela n’a rien à voir avec les Droits de l’Homme ; c’est tout simplement parce que cela relancerait la course aux armements sur le continent asiatique et menacerait leur influence dans cette région, déjà soumise à de fortes tensions militaires, aggravée ces jours-ci, par la Corée du Nord qui annonce officiellement détenir l’arme nucléaire. La visite du parrain américain en Europe n’est donc pas prête de déboucher sur une nouvelle ère d’unité, ni de renforcer les relations transatlantiques. Au contraire, les divergences s’accumulent et les positions sont de plus en plus irréconciliables. Les stratégies et les intérêts des uns et des autres sont différents car chacun défend sa nation, ses intérêts d’Etat capitaliste. Il n’y a pas les méchants Américains d’un côté et les bons Européens de l’autre. Ce sont tous des brigands impérialistes et la politique du "chacun pour soi" qui transparaît derrière les simulacres d’entente cordiale ne peut conduire à terme qu’à de nouvelles convulsions, déchirements et pour finir, dans de nouvelles boucheries militaires, dont l’Iran et la Syrie pourraient être les prochaines cibles. En effet, la divergence principale entre les grandes puissances - et la plus lourde de conséquences pour cette région du monde – est constituée par la politique à mener vis-à-vis de l’Iran. Les grandes puissances européennes, y compris l’Angleterre, sont en général en faveur de la poursuite des négociations avec ce pays, afin d’empêcher – disaient-elles - qu'il ne développe un programme nucléaire militaire. Moscou, de son côté, est le premier partenaire de Téhéran sur le plan nucléaire et n'a nullement l’intention de changer de politique. Quand aux Etats-Unis, compte tenu du poids que prend l’Iran comme puissance régionale, renforcé récemment par la victoire électorale des Chiites en Irak, ils ne peuvent que vouloir accentuer leur pression sur les Européens et Poutine pour faire prévaloir leur option. La clique Bush menace ainsi de saisir le conseil de sécurité de l'ONU, avec derrière et à moyen terme une nouvelle escalade militaire qui ne peut que répandre encore plus de chaos et de barbarie dans cette région.
Comme nous l’avons régulièrement développé dans notre presse, le chaos et les conflits militaires qui se développent à l’échelle planétaire depuis plusieurs années et qui n’épargnent aucun continent, sont directement le produit de la nouvelle période ouverte en 1989 avec l’effondrement du bloc de l’Est suivi par la désagrégation de celui de l'Ouest. Loin de signifier "un nouvel ordre de paix", comme le prétendait à l’époque Bush père, nous affirmions que nous allions vers un monde de désordre meurtrier, de chaos sanglant dans lequel le gendarme américain tenterait de faire régner un minimum d’ordre par l’emploi de plus en plus massif et brutal de sa puissance militaire (1 [28]).
De la guerre du Golfe en 1991 à la Yougoslavie, du Rwanda à la Tchétchénie, de la Somalie au Timor oriental, de l’attentat des Twin Towers aux attentats de Madrid, pour ne citer que quelques unes des convulsions violentes de la phase de décomposition (2 [29]) du capitalisme, à chaque fois, ce sont les affrontements impérialistes entre Etats, petits ou grands, qui sont responsables de ces massacres. Pour les Etats-Unis, dont les intérêts nationaux s’identifient avec le maintien d’un ordre mondial construit à leur propre avantage, cette aggravation du chaos dans les conflits impérialistes, rend leur position de leadership mondial de plus en plus difficile à tenir. La menace russe n’existant plus, leurs anciens alliés, notamment les Européens, la France et l’Allemagne en tête, n’ont de cesse de vouloir défendre leurs propres intérêts de nations capitalistes. L’avancée de la crise économique aiguise les appétits impérialistes de tous les Etats et ne laisse pas d’autre issue à la puissance américaine que de se lancer dans des mouvements de conquête, dans la déstabilisation de ses rivaux et surtout dans l’utilisation à répétition de sa force militaire, ce qui a pour résultat d’aggraver le chaos et la barbarie dans les régions où ces expéditions militaires ont lieu. Dans ce contexte, la stratégie mise en avant par l’administration Bush fils, après les attentats du 11 septembre 2001, de "guerre au terrorisme", est une tentative de réponse à l’affaiblissement de leur leadership. Face à la contestation croissante des autres puissances impérialistes, les Américains utilisent le prétexte des attentats et de la nécessité de lutter contre la nébuleuse Al Qaïda et Ben Laden pour mener une offensive militaire sans précédent à l’échelle du monde. Cette campagne militaire de longue durée désigne un certain nombre de pays comme appartenant à l’axe du mal qu’il faut éradiquer militairement. C’est le cas de l’Afghanistan, puis de l’Irak, de la Corée du Nord, de l’Iran. En fait, à chaque fois, les Etats-Unis ont des objectifs stratégiques plus globaux et plus vastes, qui incluent la nécessité d'une présence décisive en Asie Centrale, dans le but de s’assurer le contrôle de cette région, mais aussi sur le Moyen-Orient et le sous-continent indien. Le but stratégique à long terme, c’est l’encerclement de l’Europe et de la Russie. L'Amérique a en particulier la préoccupation de parvenir à un contrôle incontestable des principales sources d'approvisionnement en ressources énergétiques, afin d'en priver ses rivaux impérialistes, notamment les puissances européennes, la Russie, le Japon, la Chine, en vue de futures crises impérialistes les mettant face-à-face. Depuis 2001, c'est une telle politique que les États-Unis ont tenté de mettre en œuvre mais force est de constater qu’ils ont beaucoup de difficulté à maintenir le cap, face à la détermination de rivaux, qui, bien que moins puissants, sont bien décidés à défendre, coûte que coûte leurs intérêts impérialistes. De cela, il a déjà résulté, et cela ne peut que s'aggraver dans l'avenir, le plus grand chaos de l'histoire.
Donald ( 24 février)
1 [30] Voir l’article "Militarisme et décomposition", dans la Revue internationale n°64.
2 [31] Voir nos thèses sur "La décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme" dans la Revue internationale n°107.
Depuis la mi-janvier, les lycéens manifestent contre une nouvelle réforme de l’Education nationale, le plan Fillon. Chaque jour, un peu partout en France, des lycées se mettent en grève et forment des cortèges dans les centres villes. Et les journées nationales d’action démontrent une véritable montée en puissance du mouvement. D’abord quelques centaines, aux côtés des travailleurs lors des manifestations du 20 janvier et du 5 février, les lycéens étaient 100 000 dans les rues le 10 février dans toute la France et 40 000 uniquement à Paris 5 jours plus tard. Une nouvelle démonstration de force est prévue début mars.
Quelle est la signification de ce mouvement ? Les jeunes, lycéens ou étudiants, ne sont ni une classe ni une couche particulière de la société. Un mouvement étudiant ou lycéen est donc par nature interclassiste et s'y mêlent fils d'ouvriers, de bourgeois, futurs prolétaires et exploités de même que les cadres dirigeants de la nation de demain... La classe ouvrière tend à y être diluée et, avec elle, son combat, ses revendications, ses méthodes, on l'a déjà vu lors des manifestations contre les divers projets de réformes scolaires et universitaires. C’est pourquoi, depuis 1968, la bourgeoisie a régulièrement donné un écho maximum dans les médias à de tels mouvements dans le but de reléguer la lutte du prolétariat au second plan. Mais un mouvement lycéen ne saurait se réduire à cela. Il est aussi un moment durant lequel les jeunes générations expriment la façon dont elles perçoivent l’Etat et, surtout, l’évolution de la société. Quelle vie est devant nous ? Dans quel monde allons nous vivre ? Et ici, nul doute, il y a un véritable malaise. C’est particulièrement vrai concernant un mouvement de lycéens qui, bien plus qu’un mouvement étudiant, implique majoritairement les enfants de la classe ouvrière. Ainsi, les lycéens refusent l’avenir qui leur est promis : le chômage ou un travail aux conditions insupportables et de toute façon, de plus en plus, la misère. C’est ce qu’expriment, non seulement leurs revendications mais également le sentiment diffus qui sous-tend de nombreux témoignages. Certains lycéens ne savent pas précisément pourquoi ils sont là, dans le mouvement, mais tous partagent l’espoir et la générosité qu’inspire la lutte contre le système et ses institutions.
Dans les premiers temps, les revendications s’étaient focalisées sur deux points, somme toute secondaires, de la réforme : l’instauration du contrôle continu au bac et l’arrêt des TPE (Travaux Personnels Encadrés) en terminale. Il peut sembler des plus curieux que des élèves rejètent le contrôle continu alors que celui-ci permettrait de diminuer la charge de travail en fin d’année, le célèbre bachotage. Mais, l’argument des lycéens est des plus intéressants. Il s’agit de "la crainte d’une éducation à deux vitesses, riches d’un coté, pauvres de l’autre" (Libération du 15 février) où les élèves des "zones défavorisées" se retrouveraient ainsi avec ces diplômes ayant encore moins de valeur qu'actuellement. Au delà de l’illusion d'une possible égalité sous le capitalisme, cela révèle une profonde inquiétude sur la vie après le bac avec, en filigrane, ce sentiment que pour la majorité, ils ne s’en sortiront pas. De même, l'opposition à la suppression des TPE en terminale rejoint une préoccupation beaucoup plus générale. Ces travaux permettent une recherche autonome autour d'un thème faisant appel à la conjugaison de plusieurs champs disciplinaires ainsi qu'à une réflexion collective.
En les supprimant, afin de réduire le nombre d'enseignants, le gouvernement réduit aussi, de manière consciente, la possibilité, déjà extrêmement limitée et encadrée, qu'ont les lycéens de conduire un semblant de réflexion pour comprendre le monde alentour. Ce volet de la réforme est donc devenu, au yeux des lycéens, le symbole de la pression incessante du capital qui, au nom de la rentabilité, rend les conditions de vie de tous, chaque jour, moins humaines.
La bourgeoisie est totalement consciente de cette tendance au développement de la réflexion et de la combativité chez les futures générations d’ouvriers. D’abord, la presse fourmille de témoignages. Par exemple : "On se bat pour notre avenir", "Je suis fier de nous parce qu’on prouve qu’on veut décider de notre avenir. On n'est pas des moutons" (Libération du 8 février). Ensuite, la classe dirigeante sait que cela correspond à une maturation générale au sein de la classe : "jeunes et moins jeunes sont dans une attente réciproque. Les mouvements de lycéens manifestent le malaise diffus d’une génération […]. Et les adultes ont besoin de l’énergie de cette jeunesse qui témoigne d’un potentiel d’activisme et de contestation" (Libération du 8 février). C’est pourquoi le gouvernement a tenté, le dimanche 13 février, de désamorcer le mouvement en retirant de son projet le volet "contrôle continu". Et c’est justement parce que derrière le refus de ce volet particulier de l’attaque se cachaient des préoccupations beaucoup plus larges que le recul du gouvernement n’a absolument pas stoppé le mouvement. Pourtant, les gauchistes avaient, dans un premier temps, braqué tous leurs projecteurs sur le bac. Par exemple, la LCR, très présente dans les manifs grâce à sa branche jeunesse JCR, affirmait : "Le principal problème est la remise en cause du bac national et anonyme par la réforme Fillon, car il est transformé petit à petit en contrôle continu" (Rouge du 3 février).
Mais loin de faiblir, la mobilisation lycéenne s’est renforcée et a mis en avant des revendications beaucoup plus cruciales tant pour les lycéens que pour les enseignants : contre les réductions budgétaires, contre les réductions de postes. L’Education Nationale est un secteur de la classe ouvrière particulièrement attaqué depuis quelques années. En divisant par dix en 10 ans le nombre de surveillants, en faisant disparaître progressivement les infirmières et les assistantes sociales, en diminuant le nombre d’enseignants, en multipliant l’emploi précaire (vacataires, contractuels), l’Etat crée des conditions insupportables pour tous. Tout le monde trinque, le personnel comme les élèves !
Pour rester à la tête du mouvement, la LCR et les syndicats lycéens comme la Fidl ou l'UNL ont changé leur fusil d’épaule au lendemain de la manif du 15 février. Finie la focalisation sur la réforme du bac, désormais la LCR claironne : "En dénonçant la réduction de la dépense éducative, la suppression des moyens, de postes, d’options, […] les lycéens dans la rue mettent le doigt sur la structure même du projet de loi Fillon […]. Cette loi n’est donc pas amendable ; il faut exiger le retrait global, pas seulement sur la question du bac, mais aussi sur l’ensemble du projet" (Rouge du 18 février). Mais si les trotskistes, comme toute la gauche politique et syndicale, reprennent les préoccupations de fond des lycéens ce n’est évidemment que pour mieux les dévoyer. Il y a une tentative de rabattre ce questionnement de classe sur le terrain pourri de la défense du service public. La JCR titre ainsi "Non à l’école des patrons" ou encore, la LCR affirme que "le rejet par la jeunesse lycéenne, les enseignants et les parents d’élèves, des réformes Fillon sur l’éducation expriment bien le refus des réformes ou plutôt des contres réformes libérales impulsées par le gouvernement" (Red du 16 février et tract de la LCR du 14 février). Ici, il n’est pas question de crise du capitalisme mais d’un problème démocratique concernant la place et la conception de l’école ; de même la classe exploiteuse est réduite au seul patronat dans le but d'épargner l'Etat capitaliste. La LCR distille ainsi dans les rangs lycéens l’illusion de la possibilité d’une éducation nationale émancipatrice et humaniste au sein de ce système d’exploitation. Les enseignants sont priés de suivre leurs élèves pour défendre l’Etat Républicain, celui-là même qui dirige les attaques contre la classe ouvrière !
La défense de l’égalité, la lutte pour un capitalisme social opposé à un capitalisme libéral sont autant de pièges et d’impasses. Pressentant que le capitalisme ne peut offrir que toujours plus de misère, les nouvelles générations de la classe ouvrière cherchent le chemin d’un avenir meilleur. Et ici, il n’y a qu’une seule solution. Combattre la dégradation des conditions de vie, combattre pour son avenir et celui de l’humanité signifie rejoindre le combat du prolétariat pour la révolution communiste.
Pawel (23 février)
Depuis le début de l'année, plusieurs centaines de milliers de personnes ont manifesté en Russie contre les mesures gouvernementales qui visent à supprimer des "avantages" en nature dont bénéficiaient les retraités, les invalides ou certains fonctionnaires. L’Etat n’assurera plus la gratuité des médicaments de base, des transports en commun, de certains traitements médicaux ou encore des réductions sur le prix des communications téléphoniques ou sur les loyers. En Allemagne, la durée d’indemnisation des allocations chômage passe de 36 mois à 18 pour les plus de 55 ans et à 12 mois pour les autres alors que dans le même temps le nombre de chômeurs passe le cap des 5 millions ; de plus, dès la sixième semaine d’arrêt maladie par an, la sécurité sociale n’indemnisera plus et les assurés devront cotiser à une assurance privée pour prétendre à un remboursement ; d’autre part les remboursements des frais médicaux seront réduits. Il faut ajouter à ces exemples ceux du Pays-Bas ou de la Pologne où les gouvernements en place ont pris des mesures de même nature. Cette longue liste s’ajoute à celle des pays comme la France ou l’Autriche qui, au cours de l’année 2003, ont réformé le système des cotisations de retraites, allongeant les années de travail pour prétendre au paiement d’une pension vieillesse, tout en poursuivant aujourd’hui encore comme en France, leurs attaques sur le système de protection sociale. Aux Etats-Unis, l’administration Bush concocte une loi qui va transformer le système des retraites actuel car, comme cela a été déclaré, il est temps de tourner définitivement la page de l’Etat-providence. Déjà, des mesures sont prises : allongement de l'âge du départ en retraite, baisse des pensions et versement d’une partie des cotisations salariales sur un compte bloqué qui, géré par l’Etat, serait investi en bons du Trésor ou en actions, sommes qui pourraient partir en fumée vu le risque important de krachs boursiers ou de faillites d’entreprises.
Jamais le prolétariat n’a eu à faire face à des attaques d’une telle brutalité, massives et de grande ampleur, touchant des millions de prolétaires. Dans l’ensemble des nations industrialisées, tout l’édifice de l’Etat-providence est en train de s’écrouler. L’entretien de la force de travail ne peut plus être assuré. Il s’agit là d’une manifestation évidente de la faillite du système.
La crise économique dans laquelle se débat le capitalisme met à nu toutes ses contradictions, et plus encore son impossibilité de leur trouver une solution. Trop de marchandises sont produites, le marché mondial est saturé. L’obsession de la bourgeoisie, réaliser des profits pour éviter la banqueroute, exacerbe la rivalité entre les grandes nations industrialisées. Il s’ensuit une guerre économique ouverte, impitoyable où l’enjeu est d’arracher à ses concurrents des parts de marché. La bourgeoisie se lance alors dans une course poursuite désespérée pour faire baisser ses coûts de production. Une seule "solution" s’impose, produire au plus bas prix et pour cela s’attaquer à la classe ouvrière. Pour ce faire, la bourgeoisie doit d’une part accroître la productivité, ce qui implique l'augmentation des cadences de travail et la flexibilité de la main-d’œuvre afin de n'employer que le minimum nécessaire d’ouvriers et, d’autre part, la poursuite et le durcissement d'un vaste programme de "réformes", en fait des mesures qui visent à attaquer le salaire social des ouvriers, les retraites, les indemnités de chômage, le remboursement des frais médicaux, les journées de maladie ou les pensions d’invalidité. La bourgeoisie n’épargne aucune frange de la classe ouvrière, que ce soit la vieille ou la nouvelle génération, qu’elle soit en activité ou au chômage, qu’elle travaille dans le secteur public ou dans le secteur privé. Les conséquences concrètes de ces attaques sont une dégradation générale des conditions de vie et de travail de l’ensemble de la classe ouvrière mondiale. L’exploitation féroce que subissent les travailleurs se traduit par une détérioration accrue de leur santé alors que, dans le même temps, il leur devient plus difficile de se soigner ; d’autres, aspirant à un repos après des années de bagne salarial, voient leur mise à la retraite menacée par le recul de celle-ci et par une réduction de leurs pensions ; pour les jeunes, soumis à la précarisation, passant d’un travail à un autre avec des salaires tirant toujours plus vers le bas, le tout entrecoupé de périodes de chômage mal indemnisées, il leur sera plus difficile de se loger convenablement et de préparer une retraite décente. Or, les attaques ne vont pas s’arrêter là, au contraire elles vont redoubler d’intensité. C'est pourquoi la classe ouvrière doit prendre conscience que face à la faillite de ce système, une seule solution s’impose, sa destruction pour établir les bases d’une nouvelle société.
André
Ces derniers mois, des militants et des sections du CCI ont reçu des menaces ou fait l’objet d’appels au meurtre à peine dissimulés.
En décembre, UHP-ARDE (1 [34]) a publié sur son site Web un texte intitulé "Science et art de l’empoté" (2 [35]) qui contient un appel au meurtre de nos militants effectué au moyen d’un sinistre enchaînement de syllogismes : il commence par nous accuser ouvertement de racisme et de façon voilée de défendre la politique de la bourgeoisie ; il poursuit en établissant une hiérarchie de qualificatifs qui commence par "empotés", puis "crétins de la lune" et se termine par "imbéciles". Après avoir établi ces prémisses, il tire la conclusion suivante : "CONTRE LES CAMPAGNES BOURGEOISES DE FALSIFICATION ET DE RéPRESSION DE NOS LUTTES ! MORT AUX IMBéCILES !" (3 [36])
Le mois précédent, un courrier anonyme était arrivé à l’adresse e-mail de notre section en Espagne et qui se terminait par la menace suivante : "Vous êtes une bande de fils de putes et vous récolterez ce que vous êtes en train de semer, petits professeurs de merde. Signé : un du lumpen".
Récemment, en janvier 2005, un membre de la FICCI (4 [37]) avait menacé un de nos camarades de la section en France de lui "trancher la gorge". (5 [38])
Face à cette succession de menaces gangstéristes complètement étrangères au comportement prolétarien, quelle doit être l’attitude des révolutionnaires et des éléments du prolétariat ? Ne pas leur accorder d’importance en pensant que ce sont des fanfaronnades ou le résultat d’une excitation momentanée ? Tomber dans une telle appréciation serait une grave erreur.
En premier lieu, parce qu’une telle attitude signifierait jeter à la trappe l’expérience historique du mouvement ouvrier. Celle-ci démontre que l’assassinat de militants ouvriers a été précédé - et en grande partie préparé- par une succession d’actes iniques : accusations calomnieuses, menaces, intimidations, appels d’abord voilés puis directs à l’assassinat, c’est-à-dire une série de petits maillons qui mis bout à bout aboutissent à une grande chaîne. Ainsi l’assassinat de Rosa Luxemburg en janvier 1919, perpétré par des forces aux ordres des bourreaux sociaux-démocrates a connu un lent mûrissement : à partir de 1905 se succédèrent de graves dénigrements, des menaces et des provocations à l’encontre de cette militante prolétarienne. Aucun de ces faits ne paraissait inquiétant mais le crime de 1919 révéla la logique infernale qui les reliait les uns aux autres. De la même manière, l’assassinat de Trotsky, exécuté par l’infâme Mercader, fut le point culminant d’une série de pas orchestrés par la canaille stalinienne : d’abord Trotsky fut accusé d’être un agent de la Gestapo, puis commencèrent les campagnes qui réclamaient ouvertement sa tête. Ensuite vinrent les pressions sur un de ses fils (Lyova) qui débouchèrent sur ce qui ressemble à un assassinat "médical" (6 [39]) Plus tard commencèrent les menaces de mort directes proférées par les sicaires mexicains du stalinisme. Nous en connaissons tous le tragique dénouement. L’histoire démontre qu’il existe un lien plus ou moins direct entre les menaces et les appels d’aujourd’hui et les assassinats de demain. Ceux-ci sont le point culminant d’un faisceau de calomnies, menaces et campagnes de haine.
En second lieu, nous ne pouvons négliger le contexte dans lequel se situent les 3 menaces que nous avons reçues. Nous assistons ces derniers mois à la recrudescence et à la multiplication des campagnes de la FICCI. Comme le prouve le bulletin numéro 28 qui nous traite de "salauds" ; ce qui, rajouté à leurs innombrables insultes, menaces et calomnies ne fait qu’augurer un climat où toute attaque physique contre le CCI serait légitimée.
Ce n’est pas par hasard que ces menaces ont cours dans le contexte que nous venons de décrire. Leurs auteurs ont clairement choisi leur camp. Aux insultes, campagnes de haine, au tissu de mensonges et de calomnies, ils ont voulu additionner les paroles encore plus fortes de l’appel au meurtre.
Ce n’est pas la première fois que se produit ce type "d’intervention". En 1996, dans le contexte d’une campagne également répugnante contre le CCI, avec d’autres protagonistes (7 [40]), il est vrai, le GCI (Groupe Communiste Internationaliste) un groupe qui figure dans la page de liens de UHP/ARDE, a voulu apporter sa contribution contre le CCI en appelant au moyen de la méthode du "syllogisme" à l’assassinat de nos camarades au Mexique. Première prémisse : en dénonçant le groupe stalino-maoïste du "Sentier Lumineux" du Pérou, nous nous serions faits complices du massacre de prisonniers prolétaires. De là venait la seconde déduction logique : "pour le CCI comme pour l’État bourgeois, et en particulier la police péruvienne, se mettre du côté des opprimés, c’est soutenir le Sentier Lumineux." Le syllogisme suivant disait : "dans le camp ouvrier, on a toujours considéré comme flic ou indic celui qui se livre à ce type d’amalgame policier".
La suite apportait un nouveau sophisme : "ce sont les mêmes arguments démocrates qu’ont utilisés les Domingo Arango et les Abad de Santillan devant les actions violentes des militants révolutionnaires". Et quelle est la conclusion du raisonnement ? "Et pour ce type de calomnie, dont l’utilité pour l’État est bien réelle, Domingo Arango a reçu une balle dans la tête et nous ne pouvons que déplorer qu’Abad de Santillan n’ait pas subi le même sort." (extrait du n°43 de Communisme, organe du GCI) (8 [41])
Nous sommes conscients du processus dans lequel s’insèrent ces menaces. Nous n’allons pas nous laisser intimider et face à elles nous allons répondre ce que nous avions répondu en 1996 : "Rien de tout cela ne nous fera reculer. Nous allons renforcer notre combat et tout le CCI se mobilise pour défendre notre section au Mexique en employant une arme que le prolétariat est seul à posséder : l’internationalisme. L’unité internationale du CCI lui confère des particularités intolérables du point de vue de la bourgeoisie, dans la mesure où toute tentative de destruction d’une de ses parties se heurte immédiatement à la mobilisation et à la solidarité active de son ensemble". (9 [42])
Nous devons repousser avec la plus grande fermeté et combattre sans la moindre concession la mentalité de pogroms envers les révolutionnaires car c’est ainsi seulement que nous pourrons rompre la chaîne qui réunit, à travers une série de maillons, les troubles appels actuels "à la mort des imbéciles", à l’assassinat de militants communistes de demain.
Chaque classe sociale possède ses propres méthodes. Nous savons déjà quelles sont celles de la bourgeoisie : d’une part, les armes "politiques" de la calomnie, du chantage et, d’autre part, les armes plus expéditives de l’assassinat, de la terreur et du sadisme le plus répugnant. (10 [43])
Naturellement ces armes ne font pas partie de l’arsenal de combat du prolétariat et de ses groupes authentiquement révolutionnaires. Nous avons d’autres armes, beaucoup plus efficaces dans le combat contre le capitalisme. L'une d’elles, la plus importante, est la solidarité.
La force du prolétariat est la solidarité. La solidarité comme expression de son unité. La solidarité comme capacité à défendre toutes ses composantes. La solidarité pour montrer à ses ennemis que quiconque s’attaque à une de ses parties se retrouve immédiatement face à la riposte de son ensemble.
Ainsi le CCI, de façon unanime, manifeste sa solidarité avec les camarades et les sections menacés et prend toutes les mesures nécessaires pour leur défense. De la même manière, nous sollicitons nos sympathisants afin qu’ils expriment activement leur solidarité. Nous le demandons aussi à tous ceux qui partagent la lutte révolutionnaire contre le capitalisme, et qui tout en ayant des désaccords avec les positions du CCI, considèrent qu’il est nécessaire de faire front face à ces attaques immondes.
La solidarité avec les camarades menacés est non seulement leur meilleure défense mais aussi la meilleure défense pour tous les militants et camarades qui luttent contre le capitalisme. C’est aussi la meilleure contribution que nous puissions apporter à la défense des militants communistes de demain.
La pratique de la calomnie, du mensonge, des menaces et de l’intimidation sont radicalement incompatibles avec l’objectif de la communauté humaine mondiale que le prolétariat aspire à instaurer après la destruction de l’Etat capitaliste. Il est nécessaire d’éradiquer l’infiltration de tels comportements qui ne sont que l’expression et la reproduction de ceux de la société capitaliste putréfiée que nous voulons abolir.
La clarification des positions révolutionnaires, la lutte commune contre le capitalisme et sa barbarie, ne peuvent être perturbées par les troubles manœuvres de ces bandes d’imposteurs qui, se dissimulant derrière des "positions révolutionnaires" d’opérette, en profitent pour lancer toutes sortes d’attaques, en traître et par derrière, contre ceux qui luttent réellement pour la cause prolétarienne.
Solidarité avec nos militants et nos sections menacés !
CCI (15 février 2005)
1 [44] UHP : sigle du groupe espagnol Unios Hermanos Proletarios. ARDE est une publication qui semble être le porte-voix des différents noyaux qui s’appellent UHP.
2 [45] Voir la réponse de notre section en Espagne dans Accion Proletaria n°180 "Réponse à UHP-ARDE : mieux vaut un empoté honnête qu’un fripon tricheur".
3 [46] Il faut souligner la manière lâche et retorse dont ces individus appellent à l’assassinat de nos militants. Avec une écœurante hypocrisie, ils ne disent pas ouvertement les choses, ils les laissent venir : d’abord ils disent que le CCI est constitué "d’imbéciles", pour finir par "mort aux imbéciles".
4 [47] Groupuscule de parasites voyous qui se fait appeler "Fraction Interne du CCI" et dont la seule activité consiste à déverser des tombereaux de calomnies contre le CCI et proférer des appels haineux contre nous.
5 [48] Voir l’article de dénonciation de cet épisode dans Révolution Internationale n°354
6 [49] Voir les témoignages sur la mort étrange du fils de Trotsky pendant son hospitalisation dans une clinique russe de Paris : notamment dans Deutscher, Biographie de Trotsky et Vereeken : La Guépéou dans le mouvement trotskiste.
7 [50] A cette époque ce furent des groupes comme le "Communist Bulletin Group" britannique, ou "Hilo Rojo" espagnol qui avec d’autres "cercles", furent les auteurs de ces campagnes. On ne sut plus jamais rien d’eux par la suite.
8 [51] Nous voyons ainsi que les rédacteurs de UHP-ARDE n’ont rien inventé dans leurs appels lâches et retors à notre assassinat. Ils ont dû s’inspirer des méthodes des sieurs du GCI.
9 [52] Extrait de l’article "Les parasites du GCI appellent au meurtre de nos militants au Mexique", qui dénonce le GCI, en solidarité avec notre section au Mexique, publié dans toute notre presse territoriale ; voir Révolution Internationale n°262.
10 [53] Il faut signaler que le lumpen a beaucoup d’attirance pour ces méthodes de la bourgeoisie et c’est pour cela que, dans les périodes de révolution, il vient alimenter généralement les corps francs et autres milices de choc de la bourgeoisie comme cela s’est produit par exemple en Allemagne en 1919.
Nous avons reçu un courrier d’un lecteur qui, entre autres questions nous transmet la remarque suivante : "(…) Je suis en train de lire les brochures et livres que j’ai pris lors de la dernière réunion [publique du CCI] (Décadence, Gauche Italienne, RI…). Je le dis franchement, j’ai beaucoup de sympathie pour vos idées; par contre j’ai une petite critique (constructive) à faire. Même si je ne suis pas trotskiste, je crois que le ton qu’emploie RI envers les trotskistes est trop dur et que ça vous donne une image de "sectaire" et de "donneur de leçons". Mais je suis d’accord avec le fait que leur support de l’URSS soit une trahison, que leur défense des syndicats n’est pas vraiment mon idée préférée..."
Tout d’abord, nous voulons saluer le souci qu’exprime le camarade qui, au delà des sympathies qu’il a pour nos positions, n’hésite pas à poser ses questionnements ou ses critiques. Nous le saluons d’autant plus que la question qu’il pose ici est fondamentale, puisqu’elle soulève la problématique de ce que nous appelons les frontières de classe entre le camp bourgeois et le camp prolétarien.
Le camarade caractérise avec justesse le soutien des trotskistes à l’URSS, pendant la Seconde Guerre mondiale, de "trahison". Nous ne pouvons qu’être d’accord avec cette position, mais il faut en tirer les conséquences. En effet, Trotski lui-même avait émis l’hypothèse que l’URSS stalinienne comporterait encore en elle des résidus prolétariens de la révolution de 1917, en parlant d’un "Etat ouvrier dégénéré". Cette position avait été combattue par les courants de la Gauche communiste qui avaient mis en évidence que la révolution d’Octobre avait été battue par la bourgeoisie internationale. L’Etat soviétique était donc un Etat bourgeois. Cependant, en véritable marxiste, Troski avait laissé l’histoire trancher en étant explicitement prêt à réviser sa position si l’URSS devait participer à la guerre impérialiste mondiale qui s’annonçait. Sa mort ne lui permit pas de constater le jugement de l’histoire. Quant aux trotskistes qui continuèrent de se réclamer de sa pensée, ils ne s’embarrassèrent pas d’une telle démarche et continuèrent face aux évidences, à soutenir l’URSS jusque dans la guerre, c’est-à-dire à soutenir un camp impérialiste contre un autre (1). Cette trahison est fondamentale, car elle remet en cause une position qui sépare le camp du prolétariat de celui de la bourgeoisie : l’internationalisme.
Jamais les organisations trotskistes, telles LO ou la LCR, ne remirent en cause ce soutien, même si elles l’ont fait de façon "critique". On peut encore entendre Lutte Ouvrière, aujourd’hui, défendre les "acquis ouvriers" de la Russie contemporaine.
Dès lors qu’une organisation trahit l’internationalisme, elle franchit le Rubicon et passe définitivement dans le camp bourgeois. C’est pour cela que, étant devenues des organisations de l’extrême-gauche du capital, leur fonction consiste à s’appuyer sur leur passé ouvrier pour mystifier le prolétariat. Ainsi, les trotskistes mènent systématiquement campagne pour toutes les élections bourgeoises en se portant eux-mêmes candidats à des postes institutionnels ; ils prennent toujours position pour un camp contre un autre dans les conflits impérialistes (voir par exemple le soutien au camp palestinien) ; ils soutiennent en permanence les syndicats derrière une critique radicale des "appareils" ou des "directions", etc. (2)
C’est justement parce les trotskistes ont trahi la classe ouvrière, et sont devenus des ennemis du prolétariat que les révolutionnaires se doivent de les dénoncer avec la plus grande fermeté et sans la moindre concession. Leurs positions ne sont pas des "divergences", sur lesquelles nous pourrions mener un débat fraternel et polémiquer (comme c’est le cas au sein des organisations du camp prolétarien). Il doit être clair que les organisations trotskistes appartiennent à l’appareil politique de la bourgeoisie et c’est comme telles que les révolutionnaires doivent les traiter.
Nous ne nions pas pour autant qu’au sein même de ces organisations gauchistes, et qui plus est autour d’elles, il y ait des éléments sincères, persuadés de mener un combat juste pour l’émancipation du prolétariat. Notre lecteur peut être amené à penser qu’une attitude trop ferme par rapport à ces éléments risque de nous décrédibiliser et fermer la porte à la discussion avec nous. Mais nous savons aussi que pour ces éléments, toute évolution vers des positions prolétariennes doit toujours passer par une rupture radicale avec l’idéologie bourgeoise en général, et donc avec le trotskisme. Les révolutionnaires ont donc la responsabilité de pousser à la clarification au sein de l’ensemble de la classe ouvrière, et de ses minorités les plus combatives qui tombent facilement dans les pièges des trotskistes et se laisse berner par leurs discours "radicaux" et pseudo-"révolutionnaires". Toute concession à une quelconque idéologie étrangère au prolétariat, même dans un but qui pourrait sembler a priori louable d’adopter une attitude ouverte, serait une grave erreur. Les révolutionnaires doivent par l’intransigeance de leur dénonciation du trotskisme permettre aux éléments sincères de rompre définitivement avec le trotskisme en posant clairement les frontières de classe. Nous devons montrer à ces éléments comment les positions qu’ils défendent vont à l’encontre du but qu’ils poursuivent.
Quand nous dénonçons des positions bourgeoises, nous ne posons pas la question de la sincérité de celui qui les exprime. Nous dénonçons ces positions car, quelle que soit cette sincérité, elles font de celui qui les diffuse un ennemi, éventuellement malgré lui, de la classe ouvrière.
G
(1) Pour plus de détails sur cette question, nous renvoyons nos lecteurs à Révolution Internationale n° 351 et 352 : " Réponse à un groupe Trostkiste (CRI) : les prolétaires n’ont pas de patrie "
(2) Lire notre brochure Le Trotskisme contre la classe ouvrière.
Il y a 100 ans, le prolétariat engageait en Russie le premier mouvement révolutionnaire du 20e siècle, connu sous le nom de Révolution russe de 1905. Parce qu'il n'a pas été victorieux comme ce fut le cas douze ans plus tard de la révolution d'Octobre, ce mouvement est aujourd'hui quasiment tombé dans l'oubli. Cependant, la Révolution de 1905 a apporté toute une série de leçons, de clarifications et de réponses aux questions qui se posaient au mouvement ouvrier de l'époque sans lesquelles la Révolution de 1917 n'aurait certainement pas pu l'emporter. Et, bien que ces événements aient eu lieu il y a un siècle, 1905 est beaucoup plus proche de nous politiquement qu'on ne pourrait le croire et il est nécessaire, pour les générations de révolutionnaires d'aujourd'hui et de demain, de se réapproprier les enseignements fondamentaux de cette première révolution en Russie.
Les événements de 1905 se situent à l'aube de la phase de déclin du capitalisme, déclin qui leur imprime déjà sa marque, même si, à l'époque, seule une infime minorité de révolutionnaires est capable d'en entrevoir la signification au sein du profond changement qui est en train de s'opérer dans la société et dans les conditions de la lutte du prolétariat. Au cours de ces évènements, on voit la classe ouvrière développer des mouvements massifs, par-delà les usines, les secteurs, les professions, sans revendication unique, sans distinction claire entre l'économique et le politique comme c'était le cas auparavant entre lutte syndicale et lutte parlementaire, sans consigne précise de la part des partis ou des syndicats. La dynamique de ces mouvements aboutit, pour la première fois, à la création par le prolétariat d'organes, les soviets (ou conseils ouvriers), qui deviendront, dans la Russie de 1917 et dans toute la vague révolutionnaire qui a secoué l'Europe à sa suite, la forme d'organisation et de pouvoir du prolétariat révolutionnaire.
En 1905, le mouvement ouvrier considérait encore que la révolution bourgeoise était à l'ordre du jour en Russie puisque la bourgeoisie russe ne détenait pas le pouvoir politique mais subissait toujours le joug féodal du tsarisme. Pourtant, le rôle dirigeant assumé par la classe ouvrière dans les événements allait mettre à bas ce point de vue. L'orientation réactionnaire qu'avait commencé à prendre, avec le changement de période historique en train de s'opérer, la lutte parlementaire et syndicale, était loin d'être clarifiée et ne le sera que bien plus tard. Mais le rôle totalement secondaire ou nul que les syndicats et le Parlement vont jouer dans le mouvement en Russie, en constituait la première manifestation significative. La capacité de la classe ouvrière à prendre en main son avenir et à s'organiser par elle-même venait mettre en question la vision de la social-démocratie allemande et du mouvement ouvrier international sur les tâches du parti, sa fonction d'organisation et d'encadrement de la classe ouvrière, et jeter une lumière nouvelle sur les responsabilités de l'avant-garde politique de la classe ouvrière. Beaucoup d'éléments de ce qui allait constituer des positions décisives du mouvement ouvrier dans la phase de décadence du capitalisme étaient déjà présents en 1905.
Nous nous concentrerons, dans le cadre de cet article, sur certaines leçons qui nous paraissent centrales aujourd'hui pour le mouvement ouvrier et toujours d'actualité. Pour ce faire, nous reviendrons très brièvement sur les événements de 1905, en nous référant à ceux qui, comme Trotsky, Lénine, Rosa Luxemburg, en furent les témoins et les protagonistes de l’époque et qui ont été capables, dans leurs écrits, non seulement d'en tirer les grandes leçons politiques mais aussi de restituer l’intense émotion suscitée par la force de la lutte pendant tous ces mois ([1] [55]).
Le contexte international et historique de la révolution de 1905
La Révolution russe de 1905 constitue une illustration particulièrement claire de ce que le marxisme entend par la nature fondamentalement révolutionnaire de la classe ouvrière. La capacité du prolétariat russe à passer d'une situation où il est idéologiquement dominé par les valeurs de la société à une position où, à travers un mouvement massif de luttes, il prend confiance en lui-même, développe sa solidarité, découvre sa force historique jusqu'à créer les organes lui permettant de prendre en main son avenir, est l'exemple vivant de la force matérielle que constitue la conscience de classe du prolétariat quand il entre en mouvement.
Depuis la chute du mur de Berlin, la bourgeoisie n'a de cesse de proclamer que le communisme est mort et que la classe ouvrière a disparu ; et les difficultés rencontrées par celle-ci semblent lui donner raison. La bourgeoisie est toujours intéressée à enterrer son propre fossoyeur historique. Mais la classe ouvrière existe toujours - il n'y a pas de capitalisme sans classe ouvrière, et les événements de 1905 en Russie nous rappellent comment celle-ci peut passer d'une situation de soumission et de confusion idéologique sous le joug du capitalisme à une situation où elle devient le sujet de l'histoire, porteuse de tous les espoirs, parce qu'elle porte, dans son être même, l'avenir de l'humanité.
Avant de nous pencher sur la dynamique de la Révolution russe de 1905, il faut rappeler brièvement quel était le contexte international et historique dans lequel la révolution a pris son élan. Les dernières décennies du 19e siècle ont été caractérisées par un développement économique particulièrement prononcé dans toute l’Europe. Ce sont des années durant lesquelles le capitalisme se développait avec le plus de dynamisme ; les pays avancés du point de vue capitaliste étaient à la recherche d’une expansion dans les régions arriérées, soit pour trouver de la main-d’œuvre et des matières premières au moindre coût, soit pour créer des nouveaux marchés pour leurs marchandises. C’est dans ce contexte que la Russie tsariste, pays dont l’économie était encore marquée par une forte arriération, devient le lieu idéal pour l’exportation de capitaux importants visant à installer des industries de moyenne et grande dimensions. En l’espace de quelques décennies, il y eut une transformation profonde de l’économie, "les chemins de fer étant le puissant instrument de l’industrialisation du pays" ([2] [56]). Les données sur l’industrialisation de la Russie, dont Trotsky fait état, comparées à celles des autres pays à structure industrielle plus solide, comme l’Allemagne et la Belgique à l’époque, montrent que si le nombre d’ouvriers était encore relativement modeste par rapport à une population très importante (1,9 million contre 1,56 en Allemagne et 600 000 dans la petite Belgique), la Russie avait cependant une structure industrielle de type moderne qui n’avait rien à envier aux autres puissances du monde. Créée à partir de rien, grâce à des capitaux en majorité étrangers, l’industrie capitaliste en Russie ne s’est pas constituée sous l’effet d’une dynamique interne mais grâce à une véritable transplantation de technologies et de capitaux venant de l’extérieur. Les données de Trotsky montrent comment la main-d’œuvre en Russie était beaucoup plus concentrée que dans les autres pays, puisqu’elle se répartissait principalement entre les grandes et moyennes entreprises (38,5 % dans les entreprises à plus de 1000 ouvriers et 49,5 % dans des entreprises à effectifs compris entre 51 et 1000 ouvriers, alors qu’en Allemagne, ces chiffres étaient respectivement de 10 et 46 %). Ce sont ces données structurelles de l’économie qui expliquent la vitalité révolutionnaire d’un prolétariat par ailleurs noyé dans un pays profondément arriéré et dans lequel prévalait l’économie paysanne.
De plus, les événements de 1905 ne surgissent pas du néant, mais sont le produit d’une accumulation d’expériences successives qui ont ébranlé la Russie à partir de la fin du 19e siècle. Comme le rapporte Rosa Luxemburg, "…cette grève de janvier à Saint-Pétersbourg était la conséquence immédiate de la gigantesque grève générale qui avait éclaté peu auparavant, en décembre 1904, dans le Caucase, à Bakou, et tint longtemps toute la Russie en haleine. Or, les événements de décembre à Bakou n’étaient qu’un dernier et puissant écho des grandes grèves qui, en 1903 et 1904, tels des tremblements de terre périodiques, ébranlèrent tout le sud de la Russie, et dont le prologue fut la grève de Batoum dans le Caucase, en mars 1902. Au fond, cette première série de grèves, dans la chaîne continue des éruptions révolutionnaires actuelles, n’est elle-même distante que de cinq ou six ans de la grève générale des ouvriers du textile de Saint-Pétersbourg en 1896 et 1897".([3] [57])
Les événements de janvier 1905
Le 9 (22) janvier 2005, c'est l’anniversaire de ce qu’on a appelé "le dimanche sanglant", qui a marqué le début d’une série d’événements dans la vieille Russie tsariste qui se sont déroulés pendant toute l’année 1905 et se sont terminés par la répression sanglante de l'insurrection de Moscou en décembre. L’activité de la classe a été pratiquement incessante pendant toute une année, même si les formes de lutte n’ont pas toujours été les mêmes et si les luttes n’ont pas toujours eu la même intensité. Il y a eu trois moments significatifs durant cette année de révolution : janvier, octobre et décembre.
En janvier 1905, deux ouvriers des usines Poutilov à Pétersbourg sont licenciés. Un mouvement de grèves de solidarité se déclenche, une pétition pour les libertés politiques, le droit à l'éducation, la journée de 8 heures, contre les impôts, etc. est élaborée pour être apportée au tsar dans une manifestation massive. C'est la répression de cette manifestation qui va être le point de départ de l'embrasement révolutionnaire du pays pendant un an. Ainsi, le processus révolutionnaire en Russie a démarré de façon singulière. "Des milliers d’ouvriers non pas des social-démocrates, mais des croyants, de fidèles sujets du tsar, conduits par le pope Gapone, s'acheminent de tous les points de la ville vers le centre de la capitale, vers la place du Palais d’Hiver, pour remettre une pétition au tsar. Les ouvriers marchent avec des icônes et Gapone, leur chef du moment, avait écrit au tsar pour l'assurer qu’il se portait garant de sa sécurité personnelle et le prier de se présenter devant le peuple" ([4] [58]). Le pope Gapone avait été l’animateur, en avril 1904, d’une "Assemblée des ouvriers russes d’usine et de bureaux de la ville de Pétersbourg", autorisée par le gouvernement et de connivence avec le policier Zoubatov ([5] [59]). Comme le dit Lénine, cette organisation, de façon tout à fait semblable à ce qui se passe aujourd’hui avec d’autres moyens, avait le rôle de contenir et d’encadrer le mouvement ouvrier de l’époque. Mais, la pression qui s’exerçait au sein du prolétariat était déjà arrivée à un point critique. "Et voilà que le mouvement zoubatoviste franchit les limites imposées et que, suscité par la police dans son intérêt, dans le but de soutenir l’autocratie et de corrompre la conscience politique des ouvriers, il se retourne contre l’autocratie et aboutit à une explosion de la lutte de classe du prolétariat." ([6] [60]). Tout se noue lorsque, arrivés au Palais d’Hiver pour déposer leur requête au tsar, les ouvriers se font attaquer par la troupe qui "charge la foule à l'arme blanche ; ils tirent sur les ouvriers désarmés qui supplient à genoux les cosaques de leur permettre d'approcher le tsar. D'après les rapports de police, il y eut ce jour-là plus d'un millier de morts et de deux mille blessés. L’indignation des ouvriers fut indescriptible." ([7] [61]) C’est cette indignation profonde des ouvriers pétersbourgeois à l’égard de celui qu’ils appelaient "Petit Père" et qui avait répondu par les armes à leur supplique, outrageant ainsi violemment ceux qui s’en remettaient à lui, qui déchaîne les luttes révolutionnaires de janvier. La classe ouvrière qui avait commencé par adresser sa supplique, derrière le pope Gapone et les icônes de l’église, au "Petit Père des peuples", montre une force imprévue avec l’élan de la révolution. Un changement très rapide dans l’état d’esprit du prolétariat se produit dans cette période ; il est l’expression typique du processus révolutionnaire au cours duquel les prolétaires, malgré toutes leurs croyances et toutes leurs peurs, découvrent et prennent conscience que leur union fait leur force. "D’un bout à l’autre du pays passa un flot grandiose de grèves qui secouèrent le corps de la nation. D’après un calcul approximatif, la grève s’étendit à cent vingt-deux villes et localités, à plusieurs mines du Donetz et à dix compagnies de chemin de fer. Les masses prolétariennes furent remuées jusqu’en leurs profondeurs. Le mouvement entraînait environ un million d’âmes. Sans plan déterminé, fréquemment même sans formuler aucune exigence, s’interrompant et recommençant, guidée par le seul instinct de solidarité, la grève régna dans le pays environ deux mois" ([8] [62]). Ce fait d’entrer en grève sans revendication spécifique à mettre en avant, par solidarité, parce que, "une masse de millions de prolétaires découvre tout à coup, avec un sentiment d'acuité insupportable, le caractère intolérable de son existence sociale" ([9] [63]) est à la fois expression et facteur actif de la maturation, au sein du prolétariat russe de l’époque, de la conscience d’être une classe et de la nécessité de se confronter en tant que telle à son ennemi de classe.
La grève générale de janvier est suivie d'une période de luttes constantes, surgissant et disparaissant à travers le pays, pour des revendications économiques. Cette période est moins spectaculaire mais tout aussi importante. "Les divers courants souterrains du processus révolutionnaire s'entrecroisent, se font obstacle mutuellement, avivent les contradictions internes… le grand orage du printemps et de l'été suivant et les grèves économiques (…) jouèrent un rôle irremplaçable." Bien qu'il n'y ait "aucune nouvelle sensationnelle du front russe","en réalité la révolution poursuit sans trêve jour apès jour, heure après heure, son immense travail souterrain, minant les profondeurs de l'empire tout entier."(Ibid). Des affrontements sanglants ont lieu à Varsovie.
Des barricades sont dressées à Lodz. Les matelots du cuirassé Potemkine dans la Mer noire se révoltent. Toute cette période prépare le deuxième temps fort de la révolution.
Octobre et la constitution du soviet de Pétersbourg
"Cette seconde grande action révolutionnaire du prolétariat revêt un caractère sensiblement différent de la première grève de janvier. La conscience politique y joue un rôle beaucoup plus important. Certes, l'occasion qui déclencha la grève de masse fut ici encore accessoire et apparemment fortuite : il s'agit du conflit entre les cheminots et l’administration, à propos de la Caisse des Retraites. Mais le soulèvement général du prolétariat industriel qui suivit, est soutenu par une pensée politique claire. Le prologue de la grève de janvier avait été une supplique adressée au tsar afin d'obtenir la liberté politique ; le mot d’ordre de la grève d’octobre était : "Finissons en avec la comédie constitutionnelle du tsarisme !". Et grâce au succès immédiat de la grève générale qui se traduisit par le manifeste tsariste du 30 octobre, le mouvement ne reflue pas de lui même comme en janvier, pour revenir au début de la lutte économique mais déborde vers l'extérieur, exerçant avec ardeur la liberté politique nouvellement conquise. Des manifestations, des réunions, une presse toute jeune, des discussions publiques, des massacres sanglants pour terminer les réjouissances, suivis de nouvelles grèves de masse et de nouvelles manifestations."(ibid.)
Un changement qualitatif se produit en ce mois d’octobre exprimé par la constitution du soviet de Pétersbourg qui fera date dans l’histoire du mouvement ouvrier international. A l'issue de l'extension de la grève des typographes aux chemins de fer et aux télégraphes, les ouvriers prennent en assemblée générale la décision de former le soviet qui deviendra le centre névralgique de la révolution : "Le Conseil des députés ouvriers fut formé pour répondre à un besoin pratique, suscité par les conjonctures d’alors : il fallait avoir une organisation jouissant d’une autorité indiscutable, libre de toute tradition, qui grouperait du premier coup les multitudes disséminées et dépourvues de liaison ; cette organisation devait être un confluent de tous les courants révolutionnaires à l’intérieur du prolétariat ; elle devait être capable d’initiative et se contrôler elle-même d’une manière automatique." ([10] [64]). Dans beaucoup d'autres villes, à leur tour, se forment des soviets.
Le surgissement des premiers soviets passe inaperçu pour une grande partie du mouvement ouvrier international. Rosa Luxemburg qui a si magistralement analysé les nouvelles caractéristiques prises par la lutte du prolétariat à l'aube de la nouvelle période historique, la grève de masse, en s'appuyant sur la révolution de 1905, continue de considérer les syndicats comme les formes d'organisation de la classe ([11] [65]). Ce sont les Bolcheviks (et non de façon immédiate) et Trotsky qui comprennent le pas en avant que constitue pour le mouvement ouvrier la formation de ces organes en tant qu'organes de prise du pouvoir. Nous ne développerons pas cette question ici car nous y consacrerons un autre article ([12] [66]). Nous indiquerons seulement que c'est justement parce que le capitalisme entrait dans sa phase de déclin que la classe ouvrière se trouvait confrontée, dès lors, directement à la tâche de renversement du capitalisme ; ainsi, après 10 mois de luttes, d'agitation socialiste, de maturation de la conscience, de transformation du rapport de forces entre les classes, elle aboutissait "naturellement" à créer les organes de son pouvoir.
"Pour l'essentiel, les soviets étaient tout simplement des comités de grève, tels qu'il s'en constitue toujours pendant les grèves sauvages. En Russie, les grèves éclatant dans les grandes usines et gagnant très vite les villes et les provinces, les ouvriers devaient se tenir en contact de façon permanente. Ils se réunissaient et discutaient dans les ateliers, (…) ils envoyaient des délégués aux autres usines (…) Mais ces tâches revêtaient, en l'occurrence, une toute autre ampleur que dans les grèves courantes. Les ouvriers avaient en effet à s'affranchir de la lourde oppression tsariste et n'ignoraient pas que les fondements mêmes de la société russe se transformaient sous leur action. Il n'était pas seulement question de salaires, mais aussi de l'ensemble des problèmes liés à la société globale. Il leur fallait découvrir, eux-mêmes, leur voie sûre dans divers domaines et trancher des questions politiques. Lorsque la grève, s'intensifiant, se fut propagée au pays tout entier, qu'elle eut stoppé net l'industrie et les moyens de transport et paralysé les autorités, les soviets se trouvèrent devant des problèmes nouveaux. Ils devaient organiser la vie sociale, veiller tant au maintien de l'ordre qu'au bon fonctionnement des services publics indispensables, bref remplir des fonctions qui sont ordinairement celles des gouvernements. Ce qu'ils décidaient, les ouvriers l'exécutaient". ([13] [67])
Décembre et la répression
"Le rêve de la Constitution est suivi d'un réveil brutal. Et l'agitation sourde finit par déclencher en décembre la troisième grève générale de masse qui s'étend à l’Empire tout entier. Cette fois, le cours et l’issue en sont tout autres que dans les deux cas précédents. L’action politique ne cède pas la place à l'action économique comme en janvier, mais elle n’obtient pas non plus une victoire rapide, comme en octobre. La camarilla tsariste ne renouvelle pas ses essais d'instaurer une liberté politique véritable, et l’action révolutionnaire se heurte ainsi pour la première fois dans toute son étendue à ce mur inébranlable : la force matérielle de l’absolutisme."([14] [68]) La bourgeoisie capitaliste effrayée par le mouvement du prolétariat s'est rangée derrière le tsar. Le gouvernement n'a pas appliqué les lois libérales qu'il venait d'accorder. Les dirigeants du soviet de Petrograd sont arrêtés. Mais la lutte continue à Moscou : "La révolution de 1905 atteignit son point culminant lors de l'insurrection de décembre à Moscou. Un petit nombre d’insurgés, ouvriers organisés et armés – ils n'étaient guère plus de huit mille – résista pendant neuf jours au gouvernement du tsar. Celui-ci ne pouvait se fier à la garnison de Moscou, mais devait au contraire la tenir enfermée et ce n'est qu'avec l'arrivée du régiment de Sémionovski, appelé à Pétersbourg, qu'il put réprimer le soulèvement." ([15] [69])
Dans la deuxième partie de cet article qui paraîtra dans un prochain numéro de RI, nous reviendrons sur la nature prolétarienne de la révolution de 1905 et sur la dynamique de la grève de masse.
Ezechiele
(D'après la Revue Internationale n° 120)
[1] [70] Nous ne pouvons, dans le cadre de ces articles, restituer toute la richesse des événements ni l'ensemble des questions et nous renvoyons le lecteur aux documents historiques eux-mêmes.
[2] [71] L. Trotsky, 1905.
[3] [72] R. Luxemburg : Grève de masse, Parti et Syndicats, 1906.
[4] [73] Lénine : Rapport sur la révolution de 1905, 9 (22) janvier 1917.
[5] [74] Zoubatov était un policier qui avait fondé, en accord avec le gouvernement, des associations ouvrières qui avaient pour but de maintenir les conflits dans un cadre strictement économique et de les détourner ainsi de la mise en cause du gouvernement.
[6] [75] Lénine : "La grève de Pétersbourg", dans Grève économique et grève politique.
[7] [76] Lénine : "Rapport sur la révolution de 1905", idem..
[8] [77] L. Trotsky : 1905
[9] [78] R. Luxemburg : Grève de masse, Parti et syndicats.
[10] [79] L. Trotsky : 1905
[11] [80] Voir notre article "Notes sur la grève de masse" dans la Revue internationale n°27, 4e trimestre 1981.
[12] [81] Voir aussi notre article "Révolution de 1905 : enseignements fondamentaux pour le prolétariat" dans la Revue internationale n°43, 4e trimestre 1985.
[13] [82] Anton Pannekoek : Les conseils ouvriers (rédigé en 1941-42).
[14] [83] Rosa Luxemburg : Grève de masse, parti et syndicats.
[15] [84] Lénine : "Rapport sur la révolution de 1905".
La montée d’un "ras-le-bol" en France au cours des dernières semaines et des derniers mois est évidente.
Cela s'est exprimé à travers la mobilisation importante dans les journées d'action syndicales. Le 10 mars, les manifestations ont rassemblé près d'un million de salariés du secteur privé comme du secteur public en France. A Paris, entre 50 000 et 100 000 personnes ont participé à la manifestation malgré la quasi-paralysie des transports en communs (en particulier du métro) soigneusement organisée par les syndicats pour limiter l'ampleur de la mobilisation.
La remontée de la combativité ouvrière…D'autres indices permettent de cerner une lente mutation du climat social. Sont présents une exaspération, une volonté de ne plus se laisser faire, de réagir, de faire quelque chose. Cependant, les mots d'ordre clamés à tue-tête par les sonos des syndicats ne sont guère repris par les manifestants. L'apathie n'est qu'apparente. La mise en doute de l'efficacité des mobilisations syndicales et une réticence à suivre aveuglément leurs directives envers lesquelles les prolétaires ont de moins en moins d'illusions dénotent de fait un sentiment diffus de méfiance envers les syndicats.
Dans les entreprises ou les manifestations, des minorités de plus en plus significatives d'ouvriers expriment un besoin de se regrouper, recherchent la discussion et sont avides de comprendre. L'angoisse d'un futur incertain pousse un nombre croissant de prolétaires à réfléchir et à s’interroger sur l’évolution de leurs conditions de vie, sur les perspectives d'avenir de la société dans son ensemble avec la conviction que le monde ne tourne plus très rond. Et les mêmes préoccupations se retrouvent chez les jeunes générations, au coeur des manifestations lycéennes (voir article en page 3).
Dans certains secteurs, la combativité s'exprime ouvertement, de façon sporadique, à travers des luttes qui restent encore très isolées et dispersées. A l'usine Citroën-PSA-Gefco d'Aulnay, 400 ouvriers ont fait grève pendant 10 jours pour réclamer le paiement des jours de mise en chômage technique et des jours de grève, contraignant la direction à céder momentanément à ces revendications ; près de 400 employés de l'hypermarché Carrefour de Liévin dans le Pas-de-Calais ont arrêté le travail pendant trois jours pour exiger une hausse de leurs salaires ; les éboueurs de la région de Montpellier ont arrêté le travail depuis le 17 mars pour réclamer une augmentation salariale ; les chauffeurs de bus et de tram d'Orléans ont fait de même depuis le 8 mars; un tiers des postiers des Bouches-du-Rhône se sont mis en grève contre la précarisation et la détérioration de leurs conditions de travail ; les guichetiers de la gare Montparnasse sont en grève depuis le 10 mars face au projet de supprimer 2 330 postes dans les deux prochains mois ; les conducteurs de train des réseaux Ile-de-France de Paris-Est et Paris-Nord ont déclenché des arrêts de travail à répétition contre l'instauration d'un salaire au mérite.
Et dans ces luttes, s'ébauchent peu à peu les contours d'une solidarité ouvrière. Après la réaction spontanée à la SNCF fin janvier suite au viol d'une contrôleuse et après la grève du personnel des aéroports en février en réaction à la chute mortelle d'une hôtesse de l'air et à la mise en cause de la responsabilité du personnel au sol, d'autres expressions embryonnaires d'une solidarité de classe s'infiltrent et s'ancrent peu à peu dans le tissu social même à une échelle plus réduite et modeste : à Cergy en banlieue parisienne, dans une usine de sous-traitance spécialisée dans l'équipement de sécurité des piscines, une centaine d'ouvriers dont l'emploi est menacé par la délocalisation de la production ont été soutenus par d'autres ouvriers travaillant dans la même zone industrielle.
Ces expressions, encore très confuses, d'un besoin de riposte et de solidarité face aux attaques incessantes de la bourgeoisie sont autant d'expressions d'une lente mais profonde remontée de la combativité ouvrière, bien qu'encore complètement encadrée et contrôlée par les syndicats.
… freinée par les initiatives de la bourgeoisie et de ses syndicatsLa bourgeoisie ne s'y trompe pas. Elle a déjà pris les devants pour occuper et investir le terrain social. Et elle cherche aujourd'hui à gagner du temps et à freiner la montée de cette combativité. Dès le soir du 10 mars, alors que les médias en parlant du "succès" de la mobilisation syndicale, mettaient en avant que les hausses de salaire et le pouvoir d'achat étaient au cœur des revendications exprimées dans la rue, le gouvernement faisait mine de faire "un geste" envers les salariés. Un des objectifs de cette manœuvre était de redonner du crédit aux syndicats en cherchant à faire croire que c’est grâce à eux et à leurs journées d’action que le gouvernement aurait reculé. En réalité, il n’y a aucun recul de la bourgeoisie. Raffarin promettait derechef … la réouverture de négociations dans la fonction publique le 22 mars, reconduites le 29 mars. Cette carotte sur l’augmentation des salaires des fonctionnaires masque surtout une attaque encore plus forte dans les prochains mois. Elle s'accompagne en effet d'un chantage à la "modernisation de la fonction publique", ce qui signifie une poursuite et une accélération des suppressions de postes, une sélectivité plus grande des primes et un avancement de carrière au "mérite". Une éventuelle augmentation de 1% en termes de "masse salariale" équivaut à 0,5 % sur la fiche de paie car l'autre moitié est automatiquement liée à des changements d'échelons. Cela représenterait en moyenne, pour la plupart des fonctionnaires, une augmentation variant entre 5 et 20 euros par mois. Enfin, ce soi-disant "coup de pouce" est d'ores et déjà reporté sur la fin de l'année.
La "recette" utilisée pour le secteur privé est également une arnaque. L’autorisation donnée par le gouvernement d'utiliser à tout moment le compte d'épargne acquis par les salariés de certaines grandes entreprises au titre de la participation (compte jusqu'ici bloqué pendant 5 ans) ou l’incitation à une augmentation de l'intéressement aux bénéfices de l'entreprise (dont le montant est plafonné à 200 euros… par an et par salarié) non seulement ne coûte rien à l’Etat mais il est tout bénéfice pour lui. Ce qui est donné aux salariés d’une main est immédiatement repris de l’autre, puisque les fonds retirés se retrouvent fortement imposables. Ces ficelles sont un peu grosses mais cela permet à l'ensemble de la bourgeoisie de gagner du temps et de passer à la vitesse supérieure pour tenter de pourrir le mécontentement social et l'amener dans une impasse.
En effet, en même temps qu'elle lanterne les ouvriers sur le pouvoir d’achat, elle utilise l’échéance du référendum sur la Constitution européenne pour pousser les ouvriers à abandonner les luttes au profit du bulletin de vote, vers la mystification de "l'expression citoyenne". En polarisant l'attention des ouvriers sur le débat au sein de la bourgeoisie par rapport à la Constitution européenne, la classe dominante, ses partis et ses syndicats s'emploient à polluer et à saper l'effort de réflexion qui se mène au sein de la classe qu'elle exploite (voir article ci-dessous). La bourgeoisie cherche à faire croire aux ouvriers que les attaques qu'ils subissent seraient non pas le produit du système capitaliste en crise qui exerce les mêmes ravages sociaux partout dans le monde mais le résultat d'une orientation politique particulière, "ultra-libérale" de l'Europe. On les pousse à manifester contre cette pseudo-dérive libérale en orientant toutes les manifestations, tous les rassemblements, toutes les mobilisations sur cette question. Déjà très présente dans la manifestation du 10 mars, la question du refus de la Constitution européenne se retrouve désormais en première ligne dans toutes les journées d'action syndicales. Ainsi, la manifestation des enseignants du 15 a été orientée "contre la casse du service public". Il en a été de même pour les dernières manifestations lycéennes appelées par les syndicats de la FIDL et de l'UNL. Lors de la manifestation syndicale européenne à Bruxelles le 19 mars, les syndicats français comme la CGT ont donné le ton et ont lancé le coup d'envoi d'une campagne sur la Constitution et sur la directive Bolkestein, désormais orchestrée à l'échelle européenne.
Le référendum sur la Constitution européenne n’est nullement un enjeu pour la classe ouvrière, contrairement au matraquage idéologique que lui assène la bourgeoisie pour la persuader du contraire et pour l’amener à se laisser mystifier une fois encore sur le terrain électoral. Elle n’a pas de camp à choisir dans ce qui relève d’une querelle interne à la bourgeoisie pour assurer la meilleure défense de l’intérêt national. Les prolétaires ne doivent pas tomber dans ce piège qui ne peut représenter pour eux qu’une manœuvre de diversion et de division.
Quelles perspectives ?La classe ouvrière ne doit pas se laisser détourner de ses luttes et de la réflexion qu’elle a commencées à développer et qui constituent un encouragement pour ses prochains combats. Les attaques de la bourgeoisie qui vont s'intensifier, révélant de plus en plus crûment la faillite ouverte du capitalisme, sont aussi le ferment de prise de conscience de l'impasse totale dans laquelle le capitalisme plonge l'humanité. Le prolétariat ne peut que perdre de plus en plus ses illusions sur les possibilités de réformer ce système. Afin de défendre ses conditions de vie au quotidien, la classe ouvrière est poussée à se battre. Elle n'a pas d'autre choix que de développer ses luttes pour des revendications et des intérêts totalement antagoniques à ceux de la bourgeoisie Elle est amenée à se frayer laborieusement un chemin vers d'inévitables luttes massives en développant peu à peu le sentiment d'appartenir à une même classe, d'être confrontée aux mêmes attaques dans tous les secteurs, dans tous les pays. C'est dans ce sens et avec ce potentiel que ses luttes futures doivent aller. C’est la seule voie possible, le seul moyen de développer sa conscience des enjeux historiques réels et actuels, pour forger son unité, sa solidarité et prendre confiance en ses propres forces, en comprenant qu’elle est la seule force sociale, la seule classe capable de renverser ce système d'exploitation et d’ouvrir ainsi une perspective d’avenir à l’humanité.
W (25 mars)
Aujourd’hui, les médias occidentaux nous claironnent qu’un vent de changement démocratique souffle dans le monde. De l’Irak au Liban, en passant par les pays de l’ancien glacis «soviétique» jusqu’aux républiques du Caucase et d’Asie centrale, la poussée impérieuse vers un monde «libre» connaîtrait un essor inédit.
Des élections qui ont eu lieu ou vont avoir lieu, en Afghanistan, en Irak, en Arabie Saoudite, en Asie centrale ; les «révolutions» démocratiques de Géorgie, d’Ukraine et maintenant du Kirghizistan ; les manifestations du peuple libanais contre la présence syrienne ; la relance du processus de paix israélo-palestinien… Tout cela serait l’expression d’une volonté des peuples d’accéder au paradis démocratique. Les promoteurs de ce monde idyllique annoncé, ce sont les grandes puissances occidentales et, en particulier, les Etats-Unis qui affirment que «le dégel a commencé» dans les pays du «Grand Moyen-Orient» et que «l’espoir et la liberté gagnent l’ensemble de la planète». Cette vision d’un optimisme sans bornes du monde capitaliste à venir est une grossière illusion qui a pour but de cacher au prolétariat mondial que la situation que connaît aujourd’hui l’humanité n’a jamais été aussi grave. Car, derrière les effets de manche de la bourgeoisie mondiale, à commencer par celle des pays développés, c’est une aggravation très nette des tensions impérialistes qui est à l’œuvre. Et ce sont précisément les pays salués pour leurs efforts dans la «lutte pour la démocratie» qui se trouvent au centre des enjeux guerriers entre les grandes puissances et de l’offensive menée par les Etats-Unis depuis la réélection de Bush.
L’anniversaire de la deuxième année d’occupation de l’Irak par l’armée américaine se passe de tout commentaire : plus de 100 000 morts irakiens, dont une grande partie de civils innocents, 1520 soldats américains tués et 11 300 blessés, des dizaines de villes et de villages détruits, et avec eux les infrastructures qui acheminent l’eau, l’électricité et une partie des hydrocarbures. 200 milliards de dollars ont déjà été dépensés pour cette barbarie. Et c’est bien parce que l’administration Bush a conscience de son enlisement dans le bourbier irakien et des conséquences néfastes de cette situation pour sa position de première puissance mondiale qu’elle déploie une contre-offensive tous azimuts.
Le Liban, un foyer d’affrontements impérialistes réactivé au Moyen-OrientQuels que soient les responsables de l’attentat qui a fait 19 morts dont Hariri le leader de l’opposition, il faut se poser la question : à qui profite le crime ? Certainement pas à la Syrie. Non seulement elle est mise au ban des accusés par l’ensemble des pays développés, mais elle est aussi montrée du doigt par des pays de la Ligue arabe comme l’Arabie saoudite et l’Egypte. De plus, la pression internationale l’a contrainte à abandonner des positions militaires durement acquises au Liban dans les années 1980 et à lâcher du mou dans son emprise sur le contrôle de la vie politique libanaise, laissant ainsi la voie libre aux ingérences françaises et américaines.
Cet attentat apparaît donc plutôt une «opportunité» pour Bush et Chirac, ceux-là mêmes qui avaient été à l’initiative du vote, en septembre 2004, de la résolution 1559 exigeant le retrait de l’armée syrienne du Liban. L’objectif réel du soutien bruyant apporté par la France et les Etats-Unis aux gigantesques manifestations de l’opposition libanaise réclamant le changement du gouvernement à la solde de Damas et la tenue d’élections le plus rapidement possible, était en réalité d’investir le champ de la vie politique au Liban en y défendant leurs prérogatives propres.
La France, en ce qui la concerne, vise à retrouver l’influence qu’elle avait par le passé au Liban, à l’époque de la Guerre froide où elle œuvrait pour les intérêts du bloc occidental. Cette influence avait par la suite périclité progressivement jusqu’à être réduite à néant avec l’éviction du général chrétien Michel Aoun, homme de main de Paris. A la faveur de la nouvelle situation, Chirac envisage le retour de ce dernier au Liban. Cependant ce n’est pas gagné pour la France à qui fait encore plus défaut, depuis l’élimination de Hariri, l’existence de points d’appui. Et c’est bien pour évaluer la nouvelle situation que Chirac s’était empressé de courir à Beyrouth au lendemain de la mort de cet «ami» de la France. De plus, l’Etat français est contraint de se livrer à l’exercice périlleux consistant à manger à tous les râteliers. Ainsi, contrairement aux Etats-Unis, il évite soigneusement de condamner le Hezbollah en tant que groupe terroriste, de manière à ne pas se mettre à dos non seulement la Syrie à laquelle il apporte son soutien, mais également l’Iran. Parallèlement, il s’efforce de soutenir différentes composantes de l’opposition libanaise, comme les milices chrétiennes. Et pour finir, il est contraint de limiter ses critiques à la Maison Blanche alors qu’il affiche une certaine convergence avec elle concernant le problème libanais. Quant à l’administration Bush, il y a fort à parier qu’elle ne manquera pas de pointer ces grands écarts de la diplomatie française lorsque, le moment venu, il s’agira pour elle de limiter les prétentions de la France à un retour dans la région.
Aussi, c’est bien aux Etats-Unis et à leurs alliés israéliens que profitent avant tout la mort de Hariri. Celle-ci a ouvert une situation pouvant déboucher sur un avantage décisif de l’administration Bush face à «l’axe du mal» au Moyen-Orient, à savoir : la Syrie, le Hezbollah et l’Iran. Depuis le printemps dernier, la Syrie est menacée ouvertement par l’Oncle Sam sous le prétexte qu’elle abrite des terroristes d’Al-Quaida et sert de base arrière aux anciens fidèles de Saddam Hussein. Dans le même sens, les responsables israéliens ont lancé une campagne de diabolisation du Hezbollah pro-iranien soutenu par la Syrie. Pour Washington, la Syrie doit quitter le Liban. Mais l’objectif ultime est de déstabiliser le régime en place à Damas pour y imposer un gouvernement plutôt d’obédience sunnite en vue d’isoler le Hezbollah et l’Iran chiites. Ainsi, derrière la Syrie, c’est l’Iran qui est visé par les Etats-Unis, alors qu’il tend de plus en plus à devenir une puissance régionale prépondérante, notamment en s’opposant à la première puissance mondiale, et en passe de se doter de l’arme nucléaire.
Ainsi, la pression de l’administration Bush sur la Syrie fait partie du même plan d’ensemble que les discours musclés en direction de l’Iran. Et si l’offensive américaine contre l’Iran passe aujourd’hui par la Syrie, c’est à cause des difficultés énormes que représenterait une intervention militaire en Iran, autrement plus importantes qu’en Irak. Ainsi, malgré la divulgation de plans de guerre israéliens pour bombarder les installations iraniennes si Téhéran ne renonce pas à acquérir l’arme nucléaire, il est peu probable dans l’immédiat, du fait du bourbier irakien, que l’armée américaine soit en mesure d’ouvrir un nouveau front militaire. Néanmoins, cela n’est pas pour autant synonyme d’accalmie dans la région. Au Liban, des affrontements meurtriers entre les différentes communautés, excitées par les diverses cliques en présence elles-mêmes à la solde de puissances voisines ou majeures, vont probablement se développer. Les déclarations de Nasrallah, leader du Hezbollah, pour qui le retrait de Damas entraînera la guerre civile, ne sont pas du bluff comme le montrent déjà les attentats qui commencent à se succéder au Liban. Par ailleurs, la pression américaine sur la Syrie ne peut que conduire celle-ci à renforcer ses liens avec l’Iran et à soutenir encore plus activement la résistance contre la présence des Etats-Unis en Irak. En clair, on assiste à une nouvelle étape vers l’élargissement du chaos à d’autres zones géographiques et à de nouveaux bains de sang.
Les Etats-Unis poursuivent leur offensive militaire dans le Caucase et en Asie centraleLa diplomatie américaine est aussi à l’œuvre dans l’ex-empire soviétique, dans les républiques du Caucase et de l’Asie centrale. Au nom de la démocratie et de la liberté, la Maison Blanche finance et encourage les mouvements d’opposition aux gouvernements-liges de l’Etat russe. Après la «révolution des roses» en Géorgie en 2003, puis la «révolution orange» en Ukraine, la toute récente «révolution des tulipes» au Kirghizistan constitue un nouveau pavé des Etats-Unis dans le dispositif de défense impérialiste russe.
Washington s’en vante d’ailleurs ouvertement. L’ambassadeur américain à Bichkek, la capitale kirghize, déclarait ainsi à CNN, au lendemain de la fuite du président Akaïev : «Ce qui se passe concerne le peuple kirghize et ses décisions, et les Etats-Unis sont fiers d’avoir un rôle de soutien dans cela.» On ne peut être plus clair.
C’est par le biais d’organisations gouvernementales et d’associations spécialisées dans la promotion de la démocratie à travers le globe, comme la fondation Soros ou la NED que les Etats-Unis financent tous ces mouvements d’opposition. Soulignons qu’outre leur participation active aux «révolutions» anti-russes, ces derniers ont une influence réelle en Moldavie et que le sénat américain vient d’adopter une motion sur la démocratie comme objectif à mettre en œuvre en Biélorussie.
On assiste ainsi à un encerclement en règle de toute la Russie, qu’il s’agisse de ses frontières de l’Ouest, de l’Est et du Sud, encerclement qui fait suite à l’invasion militaire de l’Afghanistan.
Comme nous l’avons déjà développé dans notre presse (voir RI n°354), la Russie est confrontée depuis l’effondrement du bloc de l’Est, à la perte progressive de son influence en Europe centrale et orientale. Celle-ci se traduit par le fait que l’ensemble des pays qui étaient membres du pacte de Varsovie ont aujourd’hui adhéré à l’OTAN et à l’Europe. Et c’est l’ensemble des pays de la CEI, placée sous contrôle de la Russie en 1991, qui est aujourd’hui dans la tourmente et s’effiloche irrémédiablement.
Si l’ours russe voit disparaître à présent les uns après les autres les restes de son empire, c’est parce que les Etats-Unis tenaient à l’affaiblir, en particulier depuis qu’il a refusé de marcher avec eux lors de la dernière intervention en Irak. En effet, un tel positionnement de la Russie avait grandement contribué à la détermination de la France et de l’Allemagne à faire face aux Etats-Unis. A présent, la Russie récolte les dividendes de son non-alignement sur Washington.
Mais la principale motivation des Etats-Unis dans leur politique visant à soumettre à leur influence les pays de feu la CEI est d’éviter que ceux-ci ne tombent dans l’orbite de puissances européennes, au premier chef l’Allemagne dont un axe traditionnel de son extension impérialiste se situe à l’Est. En fait, cet objectif essentiel de l’offensive américaine participe de la poursuite d’une stratégie d’encerclement de cette même Europe et dont l’invasion de l’Afghanistan en 2003 avait constitué la première pierre.
Les enjeux sont tels que la tension entre toutes ces puissances ne peut que s’exacerber. Par ailleurs, la donne se complique et la situation devient encore plus instable du fait des intérêts marqués de puissances régionales de second ordre, comme la Turquie ou l’Iran, pour certains territoires de l’ex-URSS. Celles-ci estiment avoir une carte à jouer, à proximité de leurs propres frontières, en revendiquant tel ou tel territoire.
Par ailleurs, pour la Russie, il est hors de question de se laisser passivement réduire au statut de puissance régionale de deuxième ordre. A ce propos, il faut souligner que la perte par la Russie de certains ses ex-satellites de la CEI implique un affaiblissement considérable de son potentiel nucléaire. L’exemple de l’Ukraine, qui possède des bases russes importantes sur son territoire, est significatif de cette situation.
Ainsi, loin de stabiliser la région, le vent de «démocratisation» qui souffle sur les anciennes républiques soviétiques ne peut que pousser la Russie dans une fuite en avant dans la guerre. L’assassinat par les forces de sécurité russes du leader indépendantiste tchétchène Maskhadov, seule personne disposant de suffisamment de légitimité pour rendre possible un processus de règlement politique du conflit dans ce pays, va clairement dans ce sens. En effet, en éliminant Maskhadov, la Russie empêche les Etats-Unis d’utiliser celui-ci pour tenter un autre «processus démocratique» en Tchétchénie.
La pression grandissante des Etats-Unis, à la fois contre la Russie et certaines puissances d’Europe, ne peut qu’engendrer en retour une opposition croissante de la part de ces dernières aux plans américains. Ainsi loin de se «soumettre», la France, l’Allemagne et la Russie, auxquelles s’est adjointe l’Espagne de Zapatero, ont marqué lors de leur récent «sommet» un durcissement de leurs positions contre l’Amérique, en particulier à travers l’appel au retrait militaire de l’Irak.
Une telle dynamique n’est pas sans implication sur l’engagement militaire dans le monde de la première puissance mondiale qui, lui aussi, prend la forme d’une véritable fuite en avant.
Il y a quinze ans, suite à l’effondrement du bloc de l’Est, la bourgeoisie occidentale nous promettait une «ère de paix dans un nouvel ordre mondial». De l’Irak à l’ex-Yougoslavie en passant par le Rwanda, la Somalie, le Moyen- et Proche-Orient, l’Asie occidentale et centrale, la planète a été le théâtre d’un redoublement de violences et d’atrocités. Aujourd’hui, toute la propagande bourgeoise sur «le vent de la démocratie et de la liberté» n’a rien d’un air vivifiant. C’est un air plus que jamais vicié, tout comme le système capitaliste porte en lui l’odeur de la mort et de la barbarie.
Donald (25 mars)
C’est à un véritable travail au corps auquel se livrent les partisans du Oui et du Non pour persuader les prolétaires, à coups d’arguments les plus mensongers, que l’adoption de la Constitution européenne représente un enjeu pour leur avenir et pour les convaincre de prendre leurs responsabilités de citoyens dans ce "moment historique".
Pour les uns, il faut voter pour car "le texte consolide l’œuvre de paix, de liberté et de démocratie de cinquante ans de construction européenne. Il affirme un modèle de développement économique et social fondé sur la solidarité et encourage l’initiative et la croissance". En ce qui concerne les opposants au projet de Constitution, la bourgeoisie présente au prolétariat un front du Non allant d’une partie du PS à LO en passant par le PCF et la LCR, les syndicats, CGT en tête, les altermondialistes (ATTAC) essayant de persuader le prolétariat qu’il doit se mobiliser pour le Non afin de refuser que soient "scellées dans le marbre des orientations politiques ultra-libérales responsables de la dégradation sociale, de la casse des statuts."
Tous visent en fait le même objectif : rabattre, attirer un maximum d’ouvriers sur le terrain électoral tout en ravivant les illusions réformistes selon lesquelles la lutte pour la défense de ses conditions de vie passe par la lutte contre le libéralisme. Il s’agit en même temps d’une opération de division qui invite chaque prolétaire à se ranger derrière un camp : celui du Oui ou celui du Non au référendum.
La mystification de l’anti-libéralisme
A écouter ces pseudo-défenseurs de la condition ouvrière, c’est l’orientation "libérale" de la Constitution européenne et des gouvernements européens qui serait responsable de la politique "antisociale" et qui pousserait à déréglementer les législations sociales et à abandonner de soi-disant "acquis ouvriers". Leur point commun, c’est de rendre responsable de la dégradation des conditions de vie du prolétariat une politique, l’ultralibéralisme, qu’il y aurait urgence à combattre.
Partis de gauche et syndicats, dans toute l’Europe, multiplient les mobilisations contre la directive Bolkestein, qui envisage la libéralisation des services selon le "principe qui prévoit que les prestataires européens offrant leur services dans un autre pays de l’Union ne seraient soumis qu’aux lois de leur propre pays" (1 [89]). L’exemple d’une entreprise lettone, faisant travailler ses ouvriers lettons à des salaires lettons (les plus bas en Europe) pour construire une école en Suède est utilisé comme épouvantail destiné à effrayer la classe ouvrière face à l’afflux d’ouvriers venus de l’Europe de l’Est proposer leur force de travail à l’Ouest à des prix défiant toute concurrence. La bourgeoisie soumet le prolétariat au chantage de la concurrence venue de l'Est pour lui faire accepter les baisse des salaires. C'est un chantage identique à celui qu’elle exerce, dans le monde et sans avoir attendu la directive Bolkestein, à travers la menace des délocalisations.
En France, c’est le même haro de tous (les tenants du Oui comme ceux du Non, mais surtout ces derniers) contre la directive Bolkestein qui ferait planer la "destruction programmée du code du travail" et le risque de privatisation des services publics. Là aussi, est-ce qu’il a fallu attendre l’existence de cette directive pour voir se développer la remise en cause de l’Etat providence, et les attaques contre les différents statuts du public comme du privé ? Voici plus de trente ans que s’enchaînent remises en cause et précarisation des conditions d’embauche et de statut, y compris dans la fonction publique.
La crise économique n’a pas attendu le Traité de Maastricht en 1992, ni le projet de Constitution européenne pour faire sentir ses effets dans tous les pays du monde.
Quel but visent réellement les moyens de lutte proposés par les tenants de l’antilibéralisme ?
Les PS, PCF, LCR ainsi que les syndicats et les altermondialistes d’ATTAC se retrouvent aux avant-postes d'un battage pour promouvoir "un mouvement de résistance collectif contre le démantèlement des services publics contraire à l’intérêt général".
La gauche, PS et PC en tête, tente de gommer de nos mémoires qu’elle fut elle-même à l’origine de nombre de ces attaques lorsque elle se trouvait au gouvernement !
Il s’agit de faire passer des mesures de dégradation des conditions de vie et de travail passées ou encore à venir pour une affaire de détournement de l’Etat démocratique et de déficit de la démocratie locale. Il s’agit aussi d’appeler à la lutte contre "la remise en cause des droits de chaque citoyen et chaque citoyenne à avoir accès à la Poste, à l’énergie et peut-être demain à la santé et à l’école." (2 [90]) Tout cela ne sert qu’à pousser la classe ouvrière à chercher une protection et des garanties pour ses conditions de vie auprès de l’Etat alors qu'il est le garant des intérêts de la classe dominante et le promoteur de toutes les attaques antiouvrières !
Une campagne antiouvrière au service de la défense du capital nationalVoilà le grand rempart contre les mesures anti-sociales et les prétendues dérives de l’ultralibéralisme qu’on présente aux ouvriers : la défense de l’Etat et du service public ! Quand Besancenot de la LCR et ses amis d’ATTAC se proposent de "faire converger les luttes et pratiquer la désobéissance civile face aux attaques contre les services publics." (3 [91]), ils mettent en avant que "la défense des services publics, c’est un mouvement d’ensemble de la population qui associe les salariés des différents secteurs publics, les usagers et les élus." (4 [92]) Il est difficile de trouver une recette plus démagogique pour tenter d'éluder la nécessité de la lutte de classe et de dévoyer leurs luttes sur un terrain interclassiste où est propagée l’illusion que toute la population, exploiteurs et exploités confondus, pourrait se retrouver ensemble derrière la défense d’un Etat plus démocratique "au service des citoyens".
Tous ces bonimenteurs s’emploient à faire croire que les attaques gouvernementales proviennent du fait que le patronat privé ou des multinationales auraient la mainmise sur l’Etat (alors que c'est l'inverse qui est vrai). Ils ne visent qu’à détourner le mécontentement ouvrier engendré par les fermetures systématiques des postes, maternités, gares etc. dans l’impasse nationaliste "du refus pour la France d’une société à la Tony Blair".
La réalité met à nu le système capitaliste et le mensonge de la propagande entretenue pendant des décennies, depuis la Seconde Guerre mondiale, selon laquelle les minimums sociaux garantis, la Sécurité sociale, les services publics qui ont constitué les piliers de l’Etat-providence permettaient de concilier les intérêts respectifs des deux classes antagoniques au service de la défense du capital national.
Là, le PS révèle toute son efficacité anti-ouvrière. Ses divisions mêmes sont utilisées, pour le plus grand bénéfice de la bourgeoisie, tout à la fois pour défendre les intérêts globaux du capital français (en tant que parti "responsable" dont la majorité milite pour le Oui) et mystifier le prolétariat (à travers l’appel à voter Non par la fraction Emmanuelli et consorts).
Le dispositif de la bourgeoisie n’aurait pas été complet si LO n’était pas là pour faire entendre sa différence, soi-disant ouvrière et "lutte des classes" : "Nous voterons non" tout en dénonçant que "ce n’est pas le "oui" ou le "non" à ce référendum qui va améliorer le sort des travailleurs." (5 [93]) LO a le culot de tenter de faire oublier sous ses phrases ronflantes qu’en participant au référendum, elle apporte, elle aussi, sa contribution au maintien de l’illusion que la classe ouvrière peut changer sa situation grâce au bulletin de vote ! En affirmant que les "ennemis véritables, ici, à portée de main (…) Ce n’est pas Bruxelles, ce sont nos propres capitalistes, notre propre gouvernement qui nous attaquent !" (6 [94]), l’illusionniste LO escamote la véritable origine des attaques pour l’attribuer au SEUL gouvernement Raffarin et au SEUL patronat.
C’est parce que les attaques actuelles mettent à nu la réalité des antagonismes de classe et parce que l’aggravation permanente de la situation du prolétariat dans la société suscite une réflexion en son sein que les organisations prétendument "amies de la classe ouvrière", la gauche et les gauchistes, s’emploient sans relâche à étouffer dans l’œuf cet embryon de prise de conscience et à enfermer dans des impasses la volonté d’action des prolétaires.
Le recours par la classe dominante à l’épouvantail de "l’ultralibéralisme" constitue un puissant moyen pour brouiller les cartes et la conscience du prolétariat, aux yeux duquel il est indispensable de masquer l’état réel de l’économie capitaliste ainsi que la véritable cause de la situation qui lui est faite : la crise de surproduction permanente, expression de la faillite irrémédiable du système capitaliste comme un tout.
C’est l’impasse dans laquelle se trouve le capitalisme qui impose dans tous les pays le démantèlement accéléré de l’Etat-Providence, la réduction drastique du coût de la force de travail, aussi bien en baissant les salaires de ceux qui ont un emploi qu’en économisant la charge de l’entretien de la force de travail devenue excédentaire (les chômeurs) ou pas assez productifs (les vieux ouvriers). C’est la même logique imposée par la crise économique à laquelle sont soumis les secteurs de la santé, de l’éducation, etc. Prise dans les convulsions des contradictions de la crise mortelle de son système, la bourgeoisie n’a qu’une SEULE politique à offrir : celle de la surexploitation, de l’accroissement sans bornes de la misère et de l’extension de la barbarie guerrière. Dans le monde entier, gouvernements de droite et de gauche appliquent le même type de mesures. Mesures, qu’au gré de leurs passages successifs aux affaires, gouvernements de droite et de gauche ne font que pérenniser et aggraver.
Pour la bourgeoisie, cacher la réalité de son système lui sert à cacher qu’il n’est pas éternel, que la seule alternative véritable, c’est le soulèvement révolutionnaire du prolétariat. C’est pourquoi, face à l’aggravation de la crise, il lui est absolument nécessaire de faire croire, en utilisant le repoussoir de "l’ultra-libéralisme", qu’il existe d’autres options pour une meilleure gestion du système capitaliste, d’autres solutions possibles ou à "imaginer" pour le réformer, lui permettre de dépasser ses contradictions.
La classe ouvrière ne doit pas se laisser prendre avec l’illusion qu’il existe une alternative au sein du capitalisme, qu’elle pourrait remédier à sa situation par le bulletin de vote ou en faisant confiance à ceux qui lui promettent un avenir meilleur au sein du système. La classe ouvrière ne doit pas se laisser détourner de la nécessité d’engager la lutte contre toutes les attaques qu’elle subit de la manière la plus unie et solidaire possible.
La construction de l’Europe n’est pas un enjeu pour le prolétariat, c’en est un pour nos exploiteurs, pour la bourgeoisie. Ce qui se joue pour elle c’est la place que doivent occuper la France et le capital national français sur la scène de l’Europe, aussi bien sur le plan économique que sur le plan de son rang impérialiste face aux autres puissances du continent. Ses intérêts ne sont certainement pas ceux du prolétariat. C’est d’une affaire entre bourgeois dont il s’agit. Tout ce barouf ne sert qu’à diviser et, finalement, à ligoter la classe ouvrière à la défense de l’intérêt national et de l’Etat, c’est-à-dire sur le terrain de l’ordre bourgeois, là où ses propres intérêts sont et seront toujours sacrifiés.
Scott (24 mars)
1 [95] Libération du 15 mars.
2 [96] Déclaration de Marie-George Buffet, secrétaire générale du PCF
3 [97] Tous à Guéret !, appel de lcr-rouge.org, du 3 mars
4 [98] Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, cité par dépêche AFP le du 5 mars.
5 [99] Discours de Lille de A. Laguiller, cité sur le « forum des Amis de LO » sur Internet.
6 [100] Idem
Après deux mois de mobilisation dont l’ampleur ne cessait de croître, la protestation lycéenne a subi un coup d’arrêt brutal lors de la manifestation du 8 mars. Entachée de violences, cette journée a créé une crainte de se mobiliser chez les lycéens, déclenchant ainsi logiquement la perte de vitesse du mouvement. Pour ces jeunes qui pensaient obtenir le retrait du plan Fillon sous leur pression, la désillusion est amère. Mais cette expérience doit servir de leçon. Et pour cela, il faut se pencher avec lucidité sur la signification de ce mouvement.
Ces luttes lycéennes s’inscrivent dans un contexte particulier. Depuis l’année 2000 environ, il se développe lentement une réflexion de fond au sein de la classe ouvrière. Face aux déchaînements guerriers (Irak, Afghanistan…), aux attaques incessantes du capital (Sécurité sociale, retraite, allocations chômage et RMI, salaire…), la faillite de ce système d’exploitation devient à la fois de plus en plus criante et de moins en moins supportable. Partout sur la planète, le prolétariat retrouve petit à petit le chemin de sa lutte, de son unité et de sa conscience. C’est dans cette ambiance, dans cette dynamique qu’il faut comprendre le mouvement lycéen et les craintes de la bourgeoisie.
Un spectre hante les rues : le spectre de la classe ouvrièreAvec l’approfondissement de la crise, la plus grande partie de la jeunesse lycéenne voit s’assombrir son avenir. Eviter le chômage ou un boulot aux conditions inhumaines devient peu à peu mission impossible. Ici, la majorité des jeunes rejoignent donc les inquiétudes de l’ensemble de la classe ouvrière. Cette unité d’intérêt fut d’ailleurs maintes fois exprimée consciemment : "On ne peut pas se limiter à manifester seuls. On se bat aussi pour les profs, ils doivent être avec nous. Ils ne cassent pas seulement l’Education nationale : le gouvernement a attaqué les retraites, la Sécu. On est conscients qu’on ne se bat pas juste pour notre cause", "Le 10, nous serons avec les salariés, nous feront converger nos mobilisations et nos mots d’ordre contre le plan Fillon, contre la casse des retraites…" (Rouge du 10 mars 2005). Et l’un des slogans les plus répandus au sein des manifestations de ce début d’année était "Y’en a ras le bol de ces guignols qui ferment les usines, qui ferment les écoles" !
Dans ce contexte, la réforme Fillon ne fut qu’un détonateur. Comme l’affirme l’éditorial de Libération du 9 mars : "L’agitation lycéenne cristallise une inquiétude qui préexistait à la réforme". Ainsi, sans constituer l’avant-garde révolutionnaire et malgré toutes ses faiblesses interclassistes, le mouvement lycéen est révélateur du malaise ambiant. Beaucoup de jeunes liés, de par leur origine, à la classe ouvrière mettent en évidence à travers leurs slogans le fait que le capitalisme n’attaque pas tel ou tel secteur mais l’ensemble de la classe, sous tous les aspects de sa vie : à la retraite, au travail, à l’école. Ce qui alimente inévitablement la réflexion sur la nécessité d’unité et de solidarité dans la lutte. Ce n’est donc pas par hasard si l’Etat a choisi d’envoyer des casseurs le 8 mars, deux jours avant la manif des salariés ‘public-privé’ à laquelle les lycéens promettaient de venir nombreux.
L’Etat terrorise les lycéensIl ne fait aucun doute que l’Etat a délibérément instauré un climat de peur au sein des cortèges lycéens lors de la manifestation de 8 mars.
Ce jour-là, à Paris, mais aussi à Lyon, à Toulouse, et même à Rouen, des individus organisés en bandes sont venus "casser" du lycéen. Ces voyous sont clairement le produit de cette société nauséabonde. Sans perspective, ces jeunes désœuvrés sont aspirés dans une spirale de haine et de destruction ; leurs seuls liens sociaux sont des rapports de violence et d’affrontement. Cette couche de la société formant le lumpen est depuis toujours un vivier pour la bourgeoisie dans son combat contre la classe ouvrière. L’Etat a donc encore une fois utilisé et instrumentalisé ces bandes.
D’abord, dans les jours qui ont précédé la manifestation, la presse s’est répandue en faits divers, soulignant chaque agression, chaque vol, et pointant du doigt les ‘racailles’. Tout a été fait pour préparer le terrain, exciter les délinquants.
Ensuite, un véritable "permis d’agresser" a été délivré par les forces de l’ordre en laissant faire, sous leurs yeux, vols, rackets, tabassages… Les témoignages de cette passivité policière fourmillent : "Des bandes fondent sur les lycéens, les plaquent contre un mur et les dépouillent. Ou se glissent à l’intérieur du cortège et tabassent. Un agent des renseignements généraux voit tout : "c’est trop compliqué d’intervenir" (Libération du 9 mars) ; "c’était affreux, raconte une lycéenne (…). Deux copains se sont fait dépouiller à cinq mètres des CRS. J’ai couru les chercher. Ils m’ont répondu qu’ils n’avaient pas d’ordre du ministre pour intervenir" (Libération du 11 mars).
Enfin, pour "parfaire le travail", les rares interventions policières ont été des agressions brutales à l’encontre… des lycéens manifestants : "un lycéen remonte du métro choqué : "en bas, les CRS frappent sans distinction." (Libération du 9 mars).
Cette manœuvre a été particulièrement efficace puisque la manifestation lycéenne fut un véritable fiasco, se déroulant sous la marque de la démobilisation et du découragement.
Si la bourgeoisie a employé une telle méthode afin de briser la dynamique, ce n’est absolument pas qu’elle craignait en soi les lycéens. Pour elle, peu importe que dix, vingt ou cent milles élèves ne soient pas en cours mais dans la rue. Ce sont plutôt les préoccupations ouvrières d’une partie de ces lycéens, parce qu’elles correspondent au questionnement de l’ensemble de la classe, qui ont retenu toute l’attention de la bourgeoisie. Pour comprendre ainsi la signification profonde de ce mouvement et ne pas se laisser impressionner par sa seule apparence spectaculaire, il nous faut nous débarrasser de toutes les illusions et mystifications répandues par les forces de gauche.
Le mouvement lycéen, un mouvement interclassisteLes lycéens, comme les étudiants, ne constituent pas une classe dans la société. Une classe est définie par sa place au sein des rapports de production. Dans la mesure où la jeunesse scolarisée n’est pas encore insérée dans ces rapports, les seuls critères permettant d’établir la classe d’appartenance de ses éléments sont leur origine et leur devenir social (qui en général sont équivalents). Or, au même titre que d’autres catégories sociologiques telles que les femmes, les gens de couleur, les consommateurs, etc… on trouve dans la jeunesse scolarisée des éléments appartenant à toutes les classes et couches de la société. Ainsi, lors de ces manifestations lycéennes, on a retrouvé ‘unis’ des enfants de bourgeois, de petits-bourgeois de toutes sortes (professions libérales, cadres, petits commerçants, paysans) et d’ouvriers, autrement dit, des éléments qui sont en passe de s’insérer activement dans la classe exploiteuse et des éléments qui vont prendre place dans la masse des exploités et des chômeurs !
Alors que la classe ouvrière constitue ou tend vers une unité tant au plan de ses revendications et luttes dans la société capitaliste qu’au plan de ses objectifs historiques, la jeunesse ne peut avoir de revendications spécifiques et encore moins de perspective historique propre. C’est pourquoi, les explosions de mécontentement qui peuvent agiter ce milieu demeurent généralement impuissantes. Cette essence interclassiste de tout mouvement lycéen est donc déterminante pour comprendre ses limites et sa perméabilité à l’idéologie dominante.
Le mythe de mai 68 et son mouvement estudiantin radical"Cette nature interclassiste est totalement secondaire", nous répondrons les gauchistes de tout poil. Leur argument est bien connu : les lycéens et étudiants, de par leur jeunesse, sont impertinents et radicaux. Et la preuve apportée à cette fougue qui terroriserait la bourgeoisie est le mouvement étudiant de 68. Il nous faut ici rétablir la vérité.
Mai 68 est une expérience capitale de la classe ouvrière ; il constitue l’un des événements majeurs de la lutte de classe des cinquante dernières années. Et à ce titre, la bourgeoisie est particulièrement intéressée à le déformer, à le travestir. Ainsi, cette reprise du combat prolétarien après quarante ans de contre-révolution, est effectivement régulièrement présentée comme une révolte radicale des étudiants, faisant ainsi fi de la grève de millions d’ouvriers ou les présentant comme à la remorque de la jeunesse insurgée.
En réalité, même si les étudiants d’alors ont "tant aimé la révolution", ils ne pouvaient constituer comme tels ni des troupes pour celle-ci, et encore moins son avant-garde. D’ailleurs, les événements de 68 en ont constitué une illustration rapide : dès lors que la classe ouvrière s’est mise en marche, le mouvement des étudiants "radicalisés" n’a pu apparaître que comme la queue de celui de la classe et il n’a dû sa survie jusqu’aux vacances d’été qu’à l’ampleur et à la durée de la grève ouvrière qui constitue de très loin l’événement historique fondamental de cette période. Et, si une petite frange des étudiants "radicalisés" a pu parvenir à des positions réellement révolutionnaires, c’est avant tout parce qu’à partir de 68, justement, s’est développée la reprise historique des combats prolétariens qui est venue donner une perspective de classe à leur révolte contre la société. Mais pour la grande majorité d’entre eux, par contre, les préoccupations ont trouvé à s’employer dans la participation aux structures d’une université "rénovée", de même que dans des mouvements parfaitement étrangers à la classe ouvrière comme le féminisme, l’écologie ou le pacifisme.
En fin de compte, si les mouvements étudiants des années 1960 ont pu être présentés comme une "avant-garde" du mouvement de la classe, ou comme le détonateur de celui-ci, c’est uniquement dû à une illusion d’optique dans la lecture des faits historiques. La succession dans le temps de l’agitation étudiante et des grèves ouvrières ne traduit nullement l’existence d’un lien de cause à effet entre ces deux phénomènes. Elle s’explique par le fait que leur origine commune, la fin de la reconstruction de l’après-guerre et les premiers symptômes de la crise capitaliste, a d’abord affecté le milieu étudiant par une fermeture croissante de ses perspectives d’avenir avant que la classe ouvrière ne soit elle-même directement frappée par les effets de la crise (ralentissement des hausses salariales, croissance de l’inflation, développement du chômage).
Le travail de sape idéologique de la gauche et des syndicatsPuisque ce n’est pas l’ampleur de l’agitation ou le nombre de jeunes dans la rue qui a inquiété la classe dominante, mais la profondeur et la nature du questionnement, c’est surtout cet embryon de conscience ouvrière qu’elle tente de démolir. L’instrumentalisation des bandes de voyous pour effrayer les lycéens n’est ainsi qu’un aspect, et en réalité assez secondaire, de l’attaque de la bourgeoisie.
Après avoir favorisé l’éclatement de la violence le 8 mars, les forces de l’ordre ont tout fait pour que la manifestation lycéenne suivante se déroule sans incident. Cette fois-ci, dès qu’un individu suspect (c’est-à-dire au look de banlieusard) approchait du cortège, il était aussitôt interpellé. Pourquoi ? Il n’y a qu’à lire les comptes-rendus de la presse du lendemain vantant l’absence de toute agression grâce à la présence des syndicats : "Les gros bras de la CGT devant, de SUD à droite, de FO à gauche, ont fait œuvre de dissuasion, dans un rare mouvement d’unité syndicale" (Le Monde du 16 mars). La leçon est claire. La bourgeoisie veut mettre dans la tête de ces futures générations d’ouvriers qui réfléchissent trop à son goût qu’il n’y a pas de lutte constructive en dehors des syndicats. Cette manœuvre est une véritable publicité en faveur des chiens de garde du capital.
Les gauchistes, et particulièrement les trotskistes, ont aussi pesé de tout leur poids depuis les premiers jours du mouvement afin de polluer la tête des lycéens de foutaises démocratiques et républicaines. Agissant comme un véritable cheval de Troie au sein du mouvement, la LCR, par exemple, n’a cessé de pousser les revendications vers une illusoire éducation égalitaire, impossible dans le système d’exploitation capitaliste (lire l’article "La jeunesse refuse un avenir de misère", RI n° 355). Aujourd’hui, l’extrême gauche s’attaque aux lycéens les plus combatifs en les enfermant dans une impasse : l’occupation des lycées. A contre-courant, alors que le mouvement s’essouffle, les lycéens qui vont cadenasser leur bahut ne pourront que se mettre à dos leurs camarades non grévistes et les enseignants. Les gauchistes, en proposant de tels moyens de lutte, savent très bien ce qu’ils font ; ils isolent les lycéens encore combatifs et les conduisent tout droit au découragement et à l’épuisement.
Ce n’est pas le mouvement lycéen qui est, malgré son côté spectaculaire, le facteur déterminant dans la prise de conscience des jeunes, mais bien le mouvement de la classe ouvrière qui soude, autour de sa perspective historique l’ensemble de ces éléments. En ce sens, les jeunes qui s’inquiètent pour leur avenir ne doivent pas être découragés par la défaite immédiate. Ils doivent poursuivre leur réflexion, entretenir les discussions sur les questions de fond : pourquoi le capitalisme ne cesse d’entraîner l’humanité vers la misère ? Quels moyens de luttes et quelles revendications permettent à l’ensemble du prolétariat de combattre en tant que classe ? Ce processus ne peut pas aboutir immédiatement car, contrairement aux agitations lycéennes, le mouvement du prolétariat n’est pas un feu de paille. S’il ne s’enflamme que progressivement, c’est justement parce qu’il s’attaque à la tâche la plus considérable qu’il ait été donné à l’humanité de réaliser : abolir la société d’exploitation et instaurer le communisme.
Pawel (25 mars)
Depuis
une quinzaine d’années, l’Afrique, en permanence à
feu et à sang, paie un lourd tribu à l'impasse mondiale
du capitalisme. Destruction des vies et de l’environnement,
maladies terribles, misère absolue de la population et du
prolétariat sont la conséquence de guerres impliquant
directement les grandes puissances et dont elles sont responsables au
premier chef. Bien qu'il n'existe aucun havre de paix sur ce
continent, la situation est actuellement particulièrement
dramatique en RDC, au Soudan, en Côte d’Ivoire, au Togo.
Suite aux massacres en masse de l’été dernier à l’est de la RDC (ex-Zaïre) perpétrés par les bandes sanguinaires qui chassaient des populations d’origine tutsie, les tueries s’intensifient et impliquent même les forces de l’ONU. En effet, dans cette région, depuis août dernier, la guerre a déjà fait des milliers de morts venant s’ajouter aux 60 000 victimes et 500 000 déplacés de 2003.
Dans ce contexte, sous prétexte de "venger" leurs collègues tués par des bandes armées, les militaires de l’ONU, qui s'impliquent de plus en plus directement dans la guerre en RDC, ont mis à leur actif ce mois-ci la mort d'une centaine de miliciens congolais.
De leur côté, les autorités criminelles rwandaises et congolaises, qui encadrent les diverses bandes, s’apprêtent à en découdre en envoyant leurs troupes respectives dans les zones de combats. Une fois encore, le chaos sanglant de la RDC est sur le point d’embraser toute la région des Grands Lacs, alors que les grandes puissances et l’ONU tentent de dissimuler leurs propres responsabilités criminelles dans les massacres.
Dix ans de destruction massive du pays, de massacres et de mutilations par millions, n’ont pas suffi aux charognards impérialistes. Pourtant officiellement, ces gens-là ne sont présents sur le terrain que pour assurer la "paix", la "réconciliation", la "démocratie"…
Mais qu’en est-il en réalité ?
La vérité, c’est qu'au lendemain de l’accomplissement de l’abominable "génocide rwandais", la France et les Etats-Unis téléguidant les cliques rwandaises qui s’entredéchiraient alors, se sont retrouvés face à face sur le sol congolais pour poursuivre leurs sanglants règlements de comptes par alliés locaux interposés. Et on connaît la suite : des tueries incessantes et des millions de morts et de blessés. A ce sujet, deux organismes, une ONG basée à New York (IRC) et un centre de recherche médical australien, ont produit un rapport rendu public en décembre dernier qui montre que la guerre en RDC a fait en réalité 3,8 millions de morts depuis 1996. Soit l’équivalent de mille morts par jour, faisant ainsi du conflit en RDC le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale. Les grandes puissances démocratiques ont pour ainsi dire passé sous silence ce génocide de près de 4 millions de victimes, qui n'a pu être exécuté sans leur complicité active.
Aujourd’hui, alors que les tueries se poursuivent et face à la menace de la généralisation du chaos sanglant, l’ONU et les grandes puissances appellent à la "retenue", tout en envoyant leurs émissaires prodiguer des "conseils" aux divers chefs de guerre.
Ces manœuvres diplomatiques ne sont qu’un habillage des agissements criminels des grandes puissances impérialistes en vue de préserver leurs sordides intérêts capitalistes. En effet, rappelons-nous que depuis le début de la guerre, il y a déjà eu des dizaines de "plans de paix" et de résolutions de l’ONU suivis d’innombrables "cessez- le feu" qui n'ont jamais arrêté la boucherie.
Aujourd’hui, face à la nouvelle vague des tueries en masse, les grandes puissances restent de marbre, ou plutôt continuent à téléguider en coulisses les cliques sanguinaires sans même faire semblant d’arrêter les assassins.
Le rôle criminel de l’ONU dans le conflit en constitue une illustration. Pas plus qu'en mai 2003, où ils assistaient passivement à l’assassinat de plus de 60 000 personnes en Ituri, les Casques bleus de l’ONU présents en RDC n’empêchent les massacres. Mais en plus, leurs membres participent directement à des exactions, comme les violences sexuelles, en compagnie des autres criminels. C'est à un point tel que le secrétariat de Kofi Annan a dû admettre publiquement que des "Casques bleus déployés au Congo ont commis des abus sexuels" ( !). Ces crimes sont encore plus odieux au regard du nombre des victimes (40 000 depuis le début de la guerre) et du fait que ce sont des enfants, filles et garçons, qui sont victimes des violences sexuelles. En clair, l’ONU ne se contente pas de tromper son monde sur le fait qu'elle serait une "force de paix", mais elle est directement impliquée dans les opérations criminelles des puissances impérialistes.
Ce sont les mêmes grandes puissances qui ont plongé ce pays dans un chaos sans fin qui tentent de dissimuler leurs responsabilités à travers une propagande mensongère. En effet, pour masquer ses menées guerrières, la bourgeoisie des grands pays capitalistes brandit systématiquement aux yeux du monde des "plans de paix" et de "réconciliation" pour cette région. En 2003, les grands parrains impérialistes des cliques congolaises avaient réussi à imposer à celles-ci un compromis débouchant sur la formation d’un "gouvernement d’union nationale".
Cet épisode a été l’occasion pour la bourgeoisie de parler de l’arrivée d’une "nouvelle ère de paix" et de "réconciliation" en RDC. Mystification grossière ! Le simulacre de gouvernement mis en place n’a pas été long à vaciller quand, en juin dernier, un de ses membres a pris les armes pour occuper la ville de Bukavu en massacrant et faisant fuir par milliers les populations civiles.
Bras armé de pays qui cherchent à contrôler la région, chaque groupe aiguise ses armes contre les autres. Tous ces gangsters qui ne vivent que de la guerre précipitent le pays dans le massacre de tous contre tous.
Autrement dit, contrairement à la propagande mensongère de la bourgeoisie, la paix est impossible dans cette zone. La perspective pour la RDC, c’est la poursuite et la généralisation de la barbarie guerrière.
Soudan (Darfour) : les puissances impérialistes encouragent les massacresDepuis l’été 2003 les massacres se poursuivent au Darfour soudanais et le responsable onusien des "affaires humanitaires" vient d’annoncer, lui-même, le chiffre de 180 000 morts en 18 mois. Pendant toute cette période, les grandes puissances impérialistes de l’ONU se sont déclaré "préoccupées" par le "génocide" et les "crimes contre l’humanité" commis au Soudan, mais dans les faits, elles ont armé, soutenu et manipulé en sous-main les belligérants. En effet, le régime soudanais arme et protège les milices sanguinaires qui s’acharnent sur les populations accusées de soutenir les rebelles, tandis que ces derniers sont armés et financés par certains pays voisins comme le Tchad. Mais en réalité, derrière ces deux pays et les rebelles, il y a d'autres vautours impérialistes encore plus puissants, notamment français et américains qui, derrière des discussions sur des "résolutions de paix", se disputent le contrôle des cliques locales et de la région. Le masque tombe à l’ONU en révélant l’hypocrisie criminelle de ces messieurs :
"Les Américains ont intégré un deuxième volet de sanctions contre le régime de Khartoum, qui gêne les Russes, les Chinois et les Algériens. Les Européens, qui votent sans problème les sanctions, s’opposent en revanche aux Etats-Unis sur la partie du texte concernant la poursuite des responsables des exactions perpétrées au Darfour". (Le Monde du 19 mars 2005)
Voilà comment se déroulent les fameuses "négociations de paix" à l’ONU pour soi-disant arrêter le "génocide" au Darfour, le cynisme des grandes puissances impérialistes n’a d’égal que les degrés de barbarie dont ils portent la responsabilité. Non seulement ces brigands sont les complices des bandes sanguinaires qui massacrent, mais de surcroît ils ont le plus total mépris du sort des populations et des 200 000 morts de cette guerre.
Côte d’Ivoire : la guerre menace de se généraliserLa guerre entre cliques armées repart et menace de généraliser le chaos sanglant sous les yeux des 11 000 militaires de l’ONU et de l’impérialisme français. En effet une milice présidentielle de Gbagbo a attaqué ces jours–ci une position des rebelles du Nord et ceux-ci ont répliqué en décidant de mettre fin à la "médiation de paix" du président sud- africain pour mieux se préparer à une recrudescence de la guerre. Ce nouvel affrontement était prévisible car, depuis quelque temps, les soldats de l’ONU et de la France présents sur le terrain laissaient passer les conteneurs bourrés de munitions à destination des belligérants et ce alors même qu’un embargo avait été instauré officiellement, par le Conseil de sécurité, pour soi-disant empêcher l’exportation des armes. Quel cynisme !
Par ailleurs, sur fond d’affrontements militaires sur le terrain, les rivalités impérialistes s’intensifient sur le plan diplomatique. Ainsi, le président Chirac a été jusqu’à dénoncer publiquement son homologue sud-africain en l’accusant de saboter la politique française dans cette région. En coulisses, les Français soupçonnent les Sud-Africains de s’entendre avec le pouvoir ivoirien sur leur dos. Et cela révèle les appétits criminels de ces deux puissances impérialistes pour le contrôle du pouvoir ivoirien. Ce n'est pas pour autre chose que la France est toujours présente sur place avec 5000 hommes.
Togo : les menaces de chaosLa disparition subite (le 5 février dernier) du général président, Gnassingbé Eyadema risque de déboucher sur un chaos sanglant à cause des convoitises impérialistes dont le pays est l'objet. Les premiers affrontements entre les successeurs du défunt général et l’opposition ont déjà fait plusieurs morts et blessés. Là à nouveau, les diverses cliques locales qui s’affrontent deviennent, de fait, les instruments des Etats impérialistes qui les soutiennent. Ainsi, dès l’annonce du décès du président togolais, les diverses puissances locales (la Libye, le Burkina, le Ghana, etc.) en compagnie de la France se sont précipitées sur le fils, Faure (désigné par les militaires fidèles au père) pour tenter de le contrôler et de le soumettre à leurs intérêts impérialistes respectifs. L’impérialisme français est sur les dents et fait tout pour conserver son influence au Togo. En effet, les relations entre la France et le Togo ont toujours été marquées par la logique "gaullo-barbouzarde" (cette expression exprimant le fait que les réseaux du général de Gaulle en Afrique étaient constitués de barbouzes) de l’ancienne puissance coloniale. D’ailleurs, Eyadema en était l’exemple parfait, lui qui a été formé et téléguidé pendant 40 ans pour servir les intérêts de l’impérialisme français. C’est ainsi qu’il avait pu organiser des coups d’Etat militaires (en 1963, puis en 1967) contre des opposants d’alors à la politique française (l’ex-président Olimpio) grâce à la "couverture" de Foccart, ex- "grand chef" des "barbouzes gaullistes", le défunt "conseiller spécial en matière africaine" du général de Gaulle. Et ce n’est pas un hasard si, après la mort d’Eyadema, Chirac affirme publiquement "qu’avec lui disparaît un ami de la France qui était pour moi un ami personnel".
Ce propos du président français montre clairement que, pour préserver ses intérêts dans cet ancien bastion colonial, l’impérialisme français se prépare à la confrontation qui se dessine au Togo.
Ce qui se prépare dans ce pays, comme dans d'autres pays cités, c’est le processus à la congolaise. En clair, la perspective pour l’Afrique tout entière, c’est ce qui se déroule déjà en RDC, c'est-à-dire la généralisation de la barbarie sans fin.
Pour renverser une telle perspective, ce n'est évidemment pas sur une puissance de premier ou de troisième ordre qu'il faut compter, ni sur une institution internationale comme l'ONU qui n'est qu'un repaire de brigands, mais bien sur le renversement du capitalisme par la classe ouvrière.
Amina (24 mars)
Dans la première partie de cet article, (voir RI n°355), nous avions souligné le contexte international et rappelé le cadre général de la révolution de 1905 en Russie. Nous avions alors rappelé l’importance des leçons tirées pour la classe ouvrière.
Dans la deuxième partie de cet article, comme nous l’avions annoncé, nous allons revenir sur la nature prolétarienne de ces événements et sur la dynamique de la grève de masse qui a conduit le prolétariat à faire surgir de son combat de nouveaux organes d’organisation et de pouvoir : les soviets. Nous verrons que toute la créativité de la classe ouvrière, à l’aube du déclin du capitalisme, s’est effectuée sans aucun rôle majeur des syndicats et de la lutte parlementaire. La capacité de la classe ouvrière à prendre elle-même en main son avenir, sur la base de son expérience accumulée et de sa solidarité, préfigurait déjà de nouvelles responsabilités pour elle et son avant-garde. Ainsi, des positions décisives pour le mouvement ouvrier, dans la phase de décadence du capitalisme, étaient déjà inscrites et présentes en 1905.
Les éléments essentiels de l’histoire étant retracés, nous voulons ici souligner un premier point : la révolution de 1905 a un protagoniste fondamental, le prolétariat russe, et toute sa dynamique suit strictement la logique de cette classe.
Lénine lui même est assez clair sur cela quand il rappelle qu’à part son caractère "démocratique bourgeois" dû à son "contenu social", "La révolution russe était en même temps une révolution prolétarienne non seulement parce que le prolétariat y était la force dirigeante, l’avant-garde du mouvement, mais aussi parce que l’instrument spécifique du prolétariat, la grève, constituait le levier principal permettant de mettre en branle des masses et le fait le plus caractéristique de la vague montante des événements décisifs" (1 [103]). Mais quand Lénine parle de grève, nous ne devons pas y voir des actions de 4, 8 ou 24 heures du type de ce que nous proposent les syndicats aujourd’hui dans tous les pays du monde. En fait, avec 1905 se développe ce qu’on a appelé ensuite la grève de masse, cet "océan de phénomènes" – comme l’a caractérisé Rosa Luxemburg – c’est-à-dire l’extension et l’auto-organisation spontanées de la lutte du prolétariat qui vont caractériser tous les grands moments de lutte du 20e siècle (2 [104]). L’aile gauche dont les Bolcheviks, Rosa Luxemburg, Pannekoek, y verra la confirmation de ses positions (contre le révisionnisme à la Bernstein (3 [105]) et le crétinisme parlementaire) mais devra s’atteler à un travail théorique approfondi pour comprendre pleinement le changement des conditions de vie du capitalisme - la phase de l’impérialisme et de la décadence - qui déterminait le changement dans les buts et les moyens de la lutte de classe. Mais déjà, Luxemburg en dessinait les prémices : "La grève de masse apparaît ainsi non pas comme un produit spécifiquement russe de l’absolutisme, mais comme une forme universelle de la lutte de classe prolétarienne déterminée par le stade actuel du développement capitaliste et des rapports de classe (…) la révolution russe actuelle éclate à un point de l’évolution historique situé déjà sur l’autre versant de la montagne, au-delà de l’apogée de la société capitaliste." (4 [106])
La grève de masse n’est pas un simple mouvement des masses, un genre de révolte populaire englobant "tous les opprimés" et qui serait, par essence, positive comme les idéologies gauchistes et anarchistes aujourd’hui veulent nous le faire accroire. En 1905, Pannekoek écrivait : "Si l’on prend la masse dans son sens tout à fait général, l’ensemble du peuple, il apparaît que, dans la mesure où se neutralisent réciproquement les conceptions et volontés divergentes des uns et des autres, il ne reste apparemment rien d’autre qu’une masse sans volonté, fantasque, adonnée au désordre, versatile, passive, oscillant de ci de là entre diverses impulsions, entre des mouvements incontrôlés et une indifférence apathique - bref, comme on le sait, le tableau que les écrivains libéraux peignent le plus volontiers du peuple (…) Ils ne connaissent pas les classes. A l’opposé, c’est la force de la doctrine socialiste que d’avoir apporté un principe d’ordre et un système d’interprétation de l’infinie variété des individualités humaines, en introduisant le principe de la division de la société en classes." (5 [107])
Alors que la bourgeoisie et, avec elle, les opportunistes dans le mouvement ouvrier se détournaient avec dégoût du mouvement "incompréhensible" de 1905 en Russie, la gauche révolutionnaire allait tirer les leçons de la nouvelle situation : "…les actions de masse sont une conséquence naturelle du développement du capitalisme moderne en impérialisme, elles sont sans cesse davantage la forme de combat qui s’impose à lui." (6 [108])
La grève de masse n’est pas non plus une recette toute prête comme la "grève générale" prônée par les anarchistes (7 [109]), mais le mode d’expression de la classe ouvrière, une façon de regrouper ses forces pour développer sa lutte révolutionnaire. "En un mot : la grève de masse comme la révolution russe nous en offre le modèle, n’est pas un moyen ingénieux, inventé pour renforcer l’effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la forme de manifestation de la lutte prolétarienne dans la révolution" (8 [110]). La grève de masse est quelque chose dont aujourd’hui nous n’avons pas une idée directe et concrète sinon, pour ceux qui sont moins jeunes, à travers ce qu’a représenté la lutte des ouvriers polonais en 1980 (9 [111]). Référons-nous donc encore à Luxemburg qui en donne un cadre solide et lucide : "les grèves en masse - depuis la première grande grève revendicative des ouvriers du textile à Saint-Pétersbourg en 1896-1897 jusqu’à la dernière grande grève de décembre 1905 - sont passées insensiblement du domaine des revendications économiques à celui de la politique, si bien qu’il est presque impossible de tracer des frontières entre les unes et les autres. Mais chacune des grandes grèves de masse retrace pour ainsi dire en miniature, l’histoire générale des grèves en Russie, commençant par un conflit syndical, purement revendicatif ou du moins partiel, parcourant ensuite tous les degrés jusqu’à la manifestation politique. (…) La grève de masse de janvier 1905 a débuté par un conflit à l’intérieur des usines Poutilov, la grève d’octobre par les revendications des cheminots pour leur caisse de retraite, la grève de décembre enfin, par la lutte des employés des postes et du télégraphe pour le droit de coalition. Le progrès du mouvement ne se manifeste pas par le fait que l’élément économique disparaît, mais plutôt par la rapidité avec laquelle on parcourt toutes les étapes jusqu’à la manifestation politique, et par la position plus ou moins extrême du point final atteint par la grève en masse.(…) Le facteur économique et le facteur politique, bien loin de se distinguer complètement ou même de s’exclure réciproquement (…) constituent dans une période de grève de masse deux aspects complémentaires de la lutte de classe prolétarienne en Russie". (10 [112]) Rosa Luxemburg aborde ici un aspect central de la lutte révolutionnaire du prolétariat : l’unité inséparable de la lutte économique et de la lutte politique. A l’inverse de ceux qui, à l’époque, affirment que la lutte politique représente le dépassement, la partie noble pour ainsi dire, de la lutte du prolétariat dans ses confrontations avec la bourgeoisie, Luxemburg explique au contraire clairement comment la lutte économique se développe du terrain économique au terrain politique pour ensuite revenir avec une force accrue sur le terrain de la lutte revendicative. Tout cela est particulièrement clair quand on relit les textes sur la révolution de 1905 et concernant le printemps et l’été. De fait, on voit comment le prolétariat qui avait commencé avec une manifestation politique revendiquant des droits démocratiques lors du dimanche sanglant, à un niveau extrêmement humble, non seulement n’a pas reculé après la forte répression mais en est sorti avec une énergie renouvelée et renforcée et est monté à l’assaut pour la défense de ses conditions de vie et de travail. C’est ainsi que dans les mois qui ont suivi, il y a eu une multiplication des luttes. Cette période a été aussi d’une grande importance parce que, comme le souligne encore Rosa Luxemburg, elle a donné au prolétariat la possibilité d’intérioriser, a posteriori, tous les enseignements du prologue de janvier et de se clarifier les idées pour le futur.
Caractère spontané de la révolution et confiance dans la classe ouvrièreUn aspect qui est particulièrement important dans le processus révolutionnaire dans la Russie de 1905, c’est son caractère fortement spontané. Les luttes surgissent, se développent et se renforcent, donnant naissance à de nouveaux instruments de lutte tels que la grève de masse et les soviets, sans que les partis révolutionnaires de l’époque ne réussissent à être dans le coup ou même à comprendre complètement sur le moment les implications de ce qui se passe. La force du prolétariat dans le mouvement sur le terrain de ses propres intérêts de classe est formidable et contient en elle-même une créativité impensable. C’est Lénine lui même qui le reconnaît un an après en faisant le bilan de la révolution de 1905 : "De la grève et des manifestations, l’on passe à la construction de barricades isolées. Des barricades isolées, à la construction de barricades en masse et aux batailles de rue contre la troupe. Par dessus la tête des organisations, la lutte prolétarienne de masse est passée de la grève à l’insurrection. Là est la grande acquisition historique de la révolution russe, acquisition due aux événements de décembre 1905 et faite, comme les précédentes, au prix de sacrifices immenses. De la grève politique générale le mouvement s’est élevé à un degré supérieur. Il a forcé la réaction à aller jusqu’au bout dans sa résistance : c’est ainsi qu’il a formidablement rapproché le moment où la révolution elle aussi ira jusqu’au bout dans l’emploi de ses moyens d’offensive. La réaction ne peut aller au-delà du bombardement des barricades, des maisons et de la foule. La révolution, elle, peut aller au-delà des groupes de combat de Moscou, elle a du champ et quel champ en étendue et en profondeur ! (…) Le changement des conditions objectives de la lutte qui imposait la nécessité de passer de la grève à l’insurrection, fut ressenti par le prolétariat bien avant que par ses dirigeants. La pratique, comme toujours, a pris le pas sur la théorie." (11 [113])
Ce passage de Lénine est particulièrement important aujourd’hui dans la mesure où nombre de doutes présents chez les éléments politisés et jusqu’à un certain point, à l’intérieur des organisations prolétariennes, sont liés à l’idée que le prolétariat ne réussira jamais à émerger de l’apathie dans laquelle il semble parfois être tombé. Ce qui s’est passé en 1905 en est le démenti le plus éclatant et l’émerveillement que nous éprouvons lorsque nous voyons ce caractère spontané de la lutte de classe n’est que l’expression d’une sous-estimation des processus qui se déroulent en profondeur dans la classe, de cette maturation souterraine de la conscience dont parlait déjà Marx, quand il se référait à "la vieille taupe". La confiance dans la classe ouvrière, dans sa capacité à donner une réponse politique aux problèmes qui affectent la société, est une question primordiale à l’époque actuelle. Après l’écroulement du mur de Berlin et la campagne de la bourgeoisie qui s’en est suivi sur la faillite du communisme faussement identifié à l’infâme régime stalinien, la classe ouvrière éprouve des difficultés à se reconnaître en tant que classe et, par conséquent, à se reconnaître dans un projet, dans une perspective, dans un idéal pour lequel combattre. Le manque de perspective produit automatiquement une chute de la combativité, un affaiblissement de la conviction qu’il est nécessaire de se battre, parce qu’on ne lutte pas pour rien mais seulement si on a un objectif à atteindre. C’est pour cela qu’aujourd’hui, le manque de clarté sur la perspective et le manque de confiance en elle-même de la classe ouvrière sont fortement liés entre eux. Mais c’est fondamentalement dans la pratique qu’une telle situation peut être dépassée, à travers l’expérience directe par la classe ouvrière de ses possibilités et de la nécessité de lutter pour une perspective. C’est ce qui s’est produit justement en Russie en 1905 quand "en quelques mois, les choses changèrent du tout au tout. Les centaines de sociaux-démocrates révolutionnaires furent "subitement" des milliers, et ces milliers devinrent les chefs de deux à trois millions de prolétaires. La lutte prolétarienne suscita une grande effervescence, et même en partie un mouvement révolutionnaire, au plus profond de la masse des cinquante à cent millions de paysans ; le mouvement paysan eut une répercussion dans l’armée et entraîna des révoltes militaires, des engagements armés entre les troupes." (12 [114]) Cela ne constituait pas une nécessité seulement pour le prolétariat en Russie, mais pour le prolétariat mondial, y inclus le plus développé, le prolétariat allemand :
"Dans la révolution, où la masse elle même paraît sur la scène politique, la conscience de classe devient concrète et active. Aussi une année de révolution a-t-elle donné au prolétariat russe cette "éducation" que trente ans de luttes parlementaires et syndicales ne peuvent donner artificiellement au prolétariat allemand. (…) Mais, inversement, il est non moins certain qu’en Allemagne, dans une période d’actions politiques énergiques, un instinct de classe vivant révolutionnaire, avide d’agir, s’emparera des couches les plus larges et les plus profondes du prolétariat ; cela se fera d’autant plus rapidement et avec d’autant plus de force que l’influence éducatrice de la social-démocratie aura été plus puissante". (13 [115]) On peut dire aujourd’hui, en paraphrasant Rosa Luxemburg, qu’il est tout aussi vrai qu’actuellement, dans le monde, dans une période de crise économique profonde et devant l’incapacité patente de la bourgeoisie à faire face à la faillite de tout le système capitaliste, un sentiment révolutionnaire actif et vivant s’emparera des secteurs les plus mûrs du prolétariat mondial et il le fera en particulier dans les pays à capitalisme avancé dans lesquels l’expérience de la classe a été la plus riche et la plus enracinée et dans lesquels sont plus présentes les forces révolutionnaires encore faibles. Cette confiance que nous exprimons aujourd’hui dans la classe ouvrière, n’est pas un acte de foi, ni ne correspond à une attitude de confiance aveugle, mystique, mais elle est fondée justement sur l’histoire de cette classe et sur la capacité de reprise, parfois surprenante, dans une situation de torpeur apparente, parce que, comme nous avons essayé de le montrer, s’il est vrai que les dynamiques à travers lesquelles se produisent les processus de maturation de sa conscience sont souvent obscurs et difficiles à comprendre, il est tout à fait certain que cette classe est historiquement contrainte, de par sa place dans la société de classe exploitée et de classe révolutionnaire en même temps, de se dresser contre la classe qui l’opprime, la bourgeoisie et dans l’expérience de ce combat, elle retrouvera la confiance en elle-même qui lui fait défaut aujourd’hui : "Auparavant, nous avions une masse impuissante, docile, d’une inertie de cadavre face à la force dominante qui, elle, est bien organisée et sait ce qu’elle veut, qui manipule la masse à son gré ; et voilà que cette masse se transforme en humanité organisée, capable de déterminer son propre sort en exerçant sa volonté consciente, capable de faire face crânement à la vieille puissance dominante. Elle était passive ; elle devient une masse active, un organisme doté de sa vie propre, cimentée et structurée par elle-même, dotée de sa propre conscience, de ses propres organes" (14 [116]).
De pair avec le développement de la confiance de la classe ouvrière en elle-même, apparaît nécessairement un autre élément crucial de la lutte du prolétariat : la solidarité dans ses rangs. La classe ouvrière est la seule classe qui est vraiment solidaire par essence parce qu’il n’existe en son sein aucun intérêt économique divergent - contrairement à la bourgeoisie, classe de la concurrence et dont la solidarité ne s’exprime au plus haut degré que dans les limites nationales ou bien contre son ennemi historique, le prolétariat. La concurrence au sein du prolétariat lui est imposée par le capitalisme, mais la société qu’il porte dans ses flancs et dans son être est une société qui met fin à toutes les divisions, une véritable communauté humaine. La solidarité prolétarienne est une arme fondamentale de la lutte du prolétariat ; elle était à l’origine du grandiose bouleversement de l’année 1905 en Russie : "l’étincelle qui a provoqué l’incendie a été un conflit commun entre capital et travail : la grève dans une usine. Il est intéressant de noter cependant que la grève des 12 000 ouvriers de Poutilov, déclenchée le lundi 3 janvier, a été d’abord une grève proclamée au nom de la solidarité prolétarienne. La cause en a été le licenciement de 4 ouvriers. "Quand la demande de réintégration a été rejetée – écrit un camarade de Pétersbourg le 7 janvier – l’usine s’est arrêtée d’un seul coup, à l’unanimité totale"." (15 [117])
Ce n’est pas un hasard si, aujourd’hui, la bourgeoisie s’efforce de galvauder la notion de solidarité qu’elle présente sous une forme "humanitaire" ou encore à la sauce de "l’économie solidaire", un des gadgets du nouveau "mouvement" altermondialiste qui s’efforce de dévoyer la prise de conscience qui s’effectue peu à peu dans les profondeurs de la société sur l’impasse que représente le capitalisme pour l’humanité. Si la classe ouvrière dans son ensemble n’est pas encore consciente aujourd’hui de la puissance de sa solidarité, la bourgeoisie, elle, n’a pas oublié les leçons que le prolétariat lui a infligées dans l’histoire.
"Dans la tempête révolutionnaire, le prolétaire, le père de famille prudent, soucieux de s’assurer un subside, se transforme en "révolutionnaire romantique" pour qui le bien suprême lui-même - la vie - et à plus forte raison le bien-être matériel n’ont que peu de valeur en comparaison de l’idéal de la lutte. S’il est donc vrai que c’est à la période révolutionnaire que revient la direction de la grève au sens de l’initiative de son déclenchement et de la prise en charge des frais, il n’en est pas moins vrai qu’en un tout autre sens la direction dans les grèves de masse revient à la social-démocratie et à ses organismes directeurs. (…) La social-démocratie est appelée, dans une période révolutionnaire, à en prendre la direction politique. La tâche la plus importante de "direction" dans la période de grève de masse, consiste à donner le mot d’ordre de la lutte, à l’orienter, à régler la tactique de la lutte politique de telle manière qu’à chaque phase et à chaque instant du combat, soit réalisée et mise en activité la totalité de la puissance du prolétariat déjà engagée et lancée dans la bataille" (16 [118]). Pendant l’année 1905, bien souvent les révolutionnaires (appelés à l’époque les sociaux-démocrates) ont été surpris, devancés, dépassés par l’impétuosité du mouvement, sa nouveauté, son imagination créative et n’ont pas toujours su donner les mots d’ordre dont parle Luxemburg, "à chaque phase, à chaque instant" et ont même commis des erreurs importantes. Cependant, le travail révolutionnaire de fond qu’ils ont mené avant et pendant le mouvement, l’agitation socialiste, la participation active à la lutte de leur classe ont été des facteurs indispensables dans la révolution de 1905 ; leur capacité, ensuite, de tirer les leçons de ces événements a préparé le terrain de la victoire de 1917.
Ezechiele
(D’après la Revue Internationale n°120, 1er trimestre 2005)
1 [119]Lénine : "Rapport sur la révolution de 1905".
2 [120]Voir notre article "Les conditions historiques de la généralisation de la lutte de la classe ouvrière" dans la Revue internationale n°26, 3e trimestre 1981.
3 [121]Bernstein était, dans la social-démocratie allemande, le promoteur de l’idée d’une transition pacifique au socialisme. Son courant est connu sous le terme de révisionnisme. Rosa Luxemburg le combat comme l’expression d’une dangereuse déviation opportuniste qui affecte le parti, dans sa brochure Réforme sociale ou révolution.
4 [122]R. Luxemburg : Grève de masse, Parti et syndicats.
5 [123]"Marxisme et téléologie", publié dans la Neue Zeit en 1905, cité dans "Action de masse et révolution" (1912).
6 [124]Pannekoek : "Action de masse et révolution", Neue Zeit en 1912.
7 [125]D’ailleurs les anarchistes n’ont joué aucun rôle en 1905. L’article dans notre Revue Internationale n° 120 sur la CGT en France souligne que 1905 ne trouve aucun écho chez les anarcho-syndicalistes. Comme le met en lumière Rosa Luxemburg, dès l’entrée, dans sa brochure Grève de masse, parti et syndicats, "l’anarchisme est absolument inexistant dans la révolution russe comme tendance politique sérieuse". "La révolution russe, cette même révolution qui constitue la première expérience historique de la grève générale, non seulement ne réhabilite pas l’anarchisme, mais encore aboutit à une liquidation historique de l’anarchisme."
8 [126]Rosa Luxemburg : Grève de masse, parti et syndicats.
9 [127]Voir notre brochure sur la Pologne 80.
10 [128]Rosa Luxemburg : Grève de masse, parti et syndicats.
11 [129]Lénine : "Les enseignements de l’insurrection de Moscou", 1906
12 [130]Lénine : "Rapport sur la révolution de 1905."
13 [131]Rosa Luxemburg : Grève de masse, parti et syndicats.
14 [132]Pannekoek : "Action de masse et révolution", Neue Zeit en 1912
15 [133]Lénine : "Grève économique et grève politique"
16 [134]Rosa Luxemburg : Grève de masse, parti et syndicats.
Malgré la polarisation qu'entretient la bourgeoisie autour du
référendum sur la
Constitution européenne, le mécontentement social est
toujours présent.
Une confirmation de
la combativité ouvrière
Le ras-le-bol continue à s'accumuler et à se manifester à travers une multitude de luttes sporadiques, bien qu'encore très isolées les unes des autres. Au cœur du maintien de cette effervescence se retrouvent les mêmes revendications d'augmentation de salaires, les mêmes refus de détérioration des conditions de travail, de cadences infernales, de réductions d'effectifs, de suppressions de postes, de fermetures d'usines. Cela s'exprime au sein de secteurs aussi divers que chez les techniciens de Radio-France, dans le personnel hospitalier, chez les instituteurs, les chauffeurs de bus, les salariés de PME, les ouvriers de grands groupes industriels (Alcan, Citroën, Colgate-Palmolive…), les marins, les employés de grands magasins (Carrefour). Des départements ou des régions connaissent plusieurs foyers simultanés de lutte : en Rhône-Alpes (postiers de l'Isère, ST-Microelectronics, Cotelle-Rilleux, Sanofi-Pasteur, deux usines Danfoss, un grand garage, une fabrique de cercueils), la Touraine (ST- Microelectronics encore, Hutchinson-Chambray, hôpital Trousseau de Saint-Avertin), dans les Yvelines (Snecma-Services, chauffeurs de bus de la Connex aux Mureaux qui assurent le ramassage scolaire et le transport des ouvriers de Renault-Flins ou de PSA-Poissy) sans compter Aluminium- Dunkerque dans le Nord, Sanofi Aventis près de Bordeaux ou VPS France à Saint-Denis dans le département de Seine St Denis. Une vague de protestation grandit contre la suppression du lundi de Pentecôte férié dont le prétexte donné par le gouvernement (une "journée de solidarité au bénéfice des personnes âgées") est profondément mis en doute, donnant déjà lieu à des grèves préventives chez les salariés de Total ou les ouvriers de Hutchinson. Face à la pénurie de personnel et à l'amputation encore plus drastique de moyens financiers et d'effectifs annoncés, le personnel de l'institut de cancérologie IGR de Villejuif (présenté comme un modèle européen notamment lors du "plan anti-cancer " mis en avant par Chirac), prend le relais de la grogne des hospitaliers urgentistes. Les marins de la compagnie SNCM à Marseille (Société Nationale Corse-Méditerranée) ont été "lock-outés" par la direction le 20 avril, après neuf jours de grève, pour avoir occupé les navires et s'être quasiment mutinés contre leurs officiers face au recrutement massif de marins étrangers aux salaires les plus bas possible. Ils se sont durement affrontés aux forces de police qui cherchaient à les déloger et ont reçu dans cette lutte le soutien actifs des dockers et du personnel du port de Marseille, venus leur prêter main-forte.
Tout cela témoigne du fait que la combativité ouvrière n'est pas vraiment étouffée par le battage électoral. Après les embryons de manifestations de solidarité qui ont germé au cours de ces derniers mois (voir RI du mois précédent), les travailleurs des aéroports ont été momentanément réduits à une rage impuissante malgré une autre grève de soutien le 19 avril, suite au licenciement d'un des leurs rendu responsable, par la direction de l'aéroport, de la chute mortelle d'une hôtesse de l'air à Orly. Mais cette rage ravalée est un sentiment qui se nourrit de toutes les défaites et humiliations accumulées et mûrit dans les entrailles du prolétariat.
Les matraquages policiers systématiques des manifestations lycéennes de ces dernières semaines, et les manipulations dont elles ont été l'objet comme les agressions par de jeunes "casseurs" de banlieue lumpenisés lors de la grande manifestation lycéenne du 8 mars ont considérablement affaibli le mouvement lycéen. Mais ils n'ont pas calmé la colère d'une minorité de jeunes qui s'est "radicalisée" et qui gardera la trace de cette expérience dans le futur pour le développement ultérieur de leur conscience et de leur réflexion. Ceci est révélateur d'un questionnement sur le système et l'avenir qu'il réserve. Ce n’est d’ailleurs pas que dans la jeunesse que ce processus est à l’œuvre mais plus largement et plus profondément dans l’ensemble de la société.
Les ouvriers ne doivent pas tomber dans le piège électoral
De larges fractions de la bourgeoisie française chargées de l'encadrement de la classe ouvrière, partis de gauche et syndicats, en sont conscients et ne se privent pas d'utiliser aujourd'hui le référendum sur l'Europe pour gagner du temps et repousser momentanément les échéances d'une confrontation plus massive et globale avec le prolétariat. Ils profitent de cette échéance et de la querelle qu'elle suscite au sein de la bourgeoisie pour chercher à défouler la montée de la colère et du mécontentement social en la détournant sur le terrain électoral en prônant un Non de gauche comme désaveu du gouvernement. Ceci un piège.
La classe ouvrière n'a absolument rien à attendre du vote sur la Constitution européenne. Ce n'est pas le terrain ni le problème de la classe ouvrière, c'est le terrain et le problème de la bourgeoisie (voir article page 2).
Les intérêts de la classe ouvrière, eux, n'ont rien à voir avec ce référendum ni avec la Constitution européenne. Que le Oui ou le Non l'emporte ne changera rien aux conditions d'exploitation des prolétaires. Et ce n'est pas la victoire du Oui ou celle du Non qui changera quoi que ce soit à l'intensification des attaques antiouvrières menées par les différentes bourgeoisies nationales. Le résultat de ce vote ne changera rien à l'accélération de la dégradation des conditions de vie des prolétaires, aux licenciements, aux délocalisations, à la montée du chômage et de la précarité, à l'amputation de tous les budgets sociaux, au démantèlement accéléré de la protection sociale. Ce sont les produits de la crise et les manifestations de la faillite du système capitaliste au niveau mondial. De l'extrême droite aux organisations gauchistes en passant par tout l'appareil politique de la bourgeoisie, l'incessant battage idéologique depuis près de trois mois autour du référendum , dramatisé à souhait, ne vise qu'à attirer et à rabattre un maximum de prolétaires sur le terrain électoral. A travers ce battage, la bourgeoisie tente de raviver parmi les prolétaires les illusions réformistes selon lesquelles la défense de leurs conditions de vie, de plus en plus fortement attaquées par le capitalisme, passerait par l'Etat bourgeois. C'est un énorme mensonge, une mystification pure et simple. L'Etat bourgeois a toujours assuré dans le passé et assurera toujours à l'avenir la défense du capital national CONTRE la classe ouvrière et CONTRE la défense de ses intérêts de classe. Quel que soit le modèle qui en soit proposé ou qui nous soit promis, il n'offrira jamais le progrès des droits sociaux qu'on nous fait miroiter pour demain.
Pas plus dans ce référendum que dans une autre élection, la réponse des ouvriers ne passe par le bulletin de vote. Celui-ci ne sert qu'à désarmer la classe ouvrière et à l'atomiser dans l'isoloir. Il ne sert qu'à l'empêcher de prendre conscience que le responsable de la misère, de la dégradation constante de ses conditions de vie, ce n'est pas l'Europe, ni l'orientation trop libérale de celle-ci, ni encore la politique de tel ou tel gouvernement. Le responsable, c'est la perpétuation de ce système capitaliste de concurrence et d'exploitation dans le monde entier. Le problème n'est pas français ni européen, il est mondial.
Wim (22 avril)
L'année 2005 est riche en anniversaires macabres. La bourgeoisie vient de célébrer l'un d'entre eux, les 60 ans de la libération des camps de concentration nazis, avec un faste qui a surpassé les cérémonies de son cinquantenaire. On ne s'en étonnera pas dans la mesure où l'exhibition des crimes monstrueux du camp qui est sorti vaincu de la Seconde Guerre mondiale a, depuis soixante ans, constitué le plus sûr moyen d'absoudre les Alliés des crimes contre l'humanité qu'ils ont commis eux aussi, et de présenter les valeurs démocratiques comme garantes de la civilisation face à la barbarie.
La Seconde Guerre mondiale, tout comme la première, a été une guerre impérialiste, mettant aux prises des brigands impérialistes, et l'hécatombe dont elle est responsable (50 millions de morts) est venu dramatiquement confirmer la faillite du capitalisme. Pour la bourgeoisie, il est de la plus haute importance que persiste dans la conscience des générations nouvelles la mystification ayant permis l'embrigadement de leurs aînés qui pensaient que combattre le fascisme dans le camp démocratique c'était défendre la dignité humaine et la civilisation contre la barbarie. C'est pourquoi, il ne suffit pas à la classe dominante d'avoir utilisé comme chair à canon la classe ouvrière américaine, anglaise, allemande, russe ou française, ce sont encore les générations actuelles de prolétaires à qui elle destine de façon privilégiée sa propagande infecte. En effet, bien qu'aujourd'hui elle ne soit pas prête à se sacrifier pour les intérêts économiques et impérialistes de la bourgeoisie, la classe ouvrière continue néanmoins à être perméable à la mystification selon laquelle ce n'est pas le capitalisme qui est la cause de la barbarie dans le monde, mais bien certains pouvoirs totalitaires, ennemis jurés de la démocratie.
L'expérience de deux guerres mondiales montre qu'elles ont des caractéristiques communes expliquant les sommets alors atteints par la barbarie et dont sont responsables tous les camps en présence :
- l'armement incorpore le plus haut niveau de la technologie et, comme l'ensemble de l'effort de guerre, il draine toutes les ressources et forces de la société.
- un corset de fer enserre toute la société en vue de la plier aux exigences extrêmes du militarisme et de la production de guerre.
- tous les moyens sont utilisés, jusqu'aux plus extrêmes en vue de s'imposer militairement : les gaz asphyxiants durant la Première Guerre mondiale qui étaient pourtant considérés, jusqu'à leur première utilisation, comme l'arme absolue dont on disait qu'il n'en serait jamais fait usage ; la bombe atomique, l'arme suprême, contre le Japon en 1945. Moins connus, mais encore plus meurtriers, ont été les bombardements de la Seconde Guerre mondiale des villes et des populations civiles en vue de les terroriser et les décimer. Inaugurés par l'Allemagne sur les villes de Londres, Coventry et Rotterdam, ils ont été perfectionnés et systématisés par la Grande-Bretagne dont les bombardiers déchaîneront de véritables ouragans de feu au cœur des villes.
"Les crimes allemands ou soviétiques ne peuvent faire oublier que les Alliés eux-mêmes ont été saisis par l'esprit du mal et ont devancé l'Allemagne dans certains domaines, en particulier les bombardements de terreur. En décidant le 25 août 1940 de lancer les premiers raids sur Berlin, en réplique à une attaque accidentelle sur Londres, Churchill prend l'écrasante responsabilité d'une terrible régression morale. Pendant près de cinq ans, le Premier britannique, les commandants du Bomber Command, Harris, en particulier, s'acharnent sur les villes allemandes. " (Une guerre totale 1939-1945, stratégies, moyens, controverse de Ph. Masson) (1). Les bombardements anglais sur les villes allemandes allaient causer la mort de près d'un million de personnes.
Loin de conduire à une certaine modération de l'offensive sur l'ennemi, permettant d'en réduire le coût financier, la déroute dans l'année 1945 de l'Allemagne et du Japon a au contraire eu pour effet de faire redoubler d'intensité et de cruauté les attaques aériennes. La raison en est que l'enjeu véritable n'était désormais plus la victoire sur ces pays, déjà acquise. Il s'agissait en fait d'éviter que, face aux souffrances de la guerre, des fractions de la classe ouvrière en Allemagne ne se soulèvent contre le capitalisme, comme cela avait été le cas lors de la Première Guerre mondiale (2). Les attaques aériennes anglaises visent donc à poursuivre l'anéantissement des ouvriers qui n'ont pas déjà péri sur les fronts militaires et à plonger le prolétariat dans l'impuissance de l'effroi.
A cette considération, il s'en ajoute une autre. Il était devenu clair pour les Anglo-américains que la future partition du monde allait mettre face-à-face les principaux pays vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, d'une part les Etats-Unis (avec à leurs côtés une Angleterre sortant exsangue de la guerre) et d'autre part l'Union soviétique qui était alors en mesure de se renforcer considérablement à travers les conquêtes et l'occupation militaire que vont lui permettre sa victoire sur l'Allemagne. Il s'agit alors pour les Alliés occidentaux de marquer des limites à l'appétit impérialiste de Staline en Europe et en Asie à travers des démonstrations de force dissuasives. Ce sera l'autre fonction des bombardements anglais de 1945 sur l'Allemagne et l'objectif unique de l'emploi de l'arme atomique contre le Japon.
Le caractère de plus en plus limité des objectifs militaires et économiques qui deviennent nettement secondaires illustre, comme à Dresde, ce nouvel enjeu des bombardements :
"Jusqu'en 1943, en dépit des souffrances infligées à la population, les raids peuvent encore offrir une justification militaire ou économique en visant les grands ports du nord de l'Allemagne, le complexe de la Ruhr, les centres industriels majeurs ou même la capitale du Reich. Mais, à partir de l'automne 1944, il n'en est plus de même. Avec une technique parfaitement rodée, le Bomber Command qui dispose de 1 600 avions et qui se heurte à une défense allemande de plus en plus faible, entreprend l'attaque et la destruction systématique de villes moyennes ou même de petites agglomérations sans le moindre intérêt militaire ou économique.
L'histoire a retenu l'atroce destruction de Dresde en février 1945, avec l'excuse stratégique de neutraliser un centre ferroviaire important (…) Mais aucune justification ne concerne la destruction d'Ulm, de Bonn, de Wurtzbourg, d'Hidelsheim, de ces cités médiévales, de ces joyaux artistiques appartenant au patrimoine de l'Europe. Toutes ces vieilles villes disparaissent dans des typhons de feu où la température atteint 1 000 à 2 000 degrés et qui provoque la mort de dizaines de milliers de personnes dans des souffrances atroces." (Ibid.)
Quand la barbarie elle-même devient le principal mobile à la barbarie
Il est une autre caractéristique commune aux deux conflits mondiaux : tout comme les forces productives que la bourgeoisie est incapable de contrôler sous le capitalisme, les forces de destruction qu'elle met en mouvement dans une guerre totale tendent à échapper à son contrôle. De la même manière, les pires pulsions que la guerre a déchaînées s'autonomisent et s'autostimulent, donnant lieu à des actes de barbarie gratuite, sans plus aucun rapport avec les buts de guerre poursuivis, aussi abjects soient ces derniers.
Les camps de concentration nazis étaient devenus, au cours de la guerre, une gigantesque machine à tuer tous ceux qui sont soupçonnés de résistance en Allemagne ou dans les pays occupés ou vassalisés, le transfert des détenus en Allemagne constituant en effet un moyen d'imposer l'ordre par la terreur sur les zones d'occupation allemande. Mais le caractère de plus en plus expéditif et radical des moyens employés pour se débarrasser de la population concentrationnaire, en particulier des Juifs, relève de moins en moins de considérations résultant de la nécessité d'imposer la terreur ou le travail forcé. C'est la fuite en avant dans la barbarie avec pour seul mobile la barbarie elle-même. Parallèlement au meurtre de masse, les tortionnaires et médecins nazis procédaient à des "expérimentations" sur des prisonniers où le sadisme le disputait à l'intérêt scientifique. Ces derniers se verront d'ailleurs offrir l'immunité et une nouvelle identité en échange de leur collaboration à des projets classés "secret défense militaire" aux Etats-Unis.
La marche de l'impérialisme russe, à travers l'Europe de l'Est en direction de Berlin, s'accompagne d'exactions qui relèvent de la même logique :
"Des colonnes de réfugiés sont écrasées sous les chenilles des chars ou systématiquement mitraillées par l'aviation. La population d'agglomérations entières est massacrée avec des raffinements de cruauté. Des femmes nues sont crucifiées sur les portes des granges. Des enfants sont décapités ou ont la tête écrasée à coups de crosse, ou bien encore jetés vivants dans des auges à cochons. Tous ceux qui n'ont pas pu s'enfuir ou qui n'ont pu être évacués par la Kriegsmarine dans les ports de la Baltique sont purement et simplement exterminés. Le nombre des victimes peut être évalué à 3 ou 3,5 millions (…)
Sans atteindre un tel degré, cette folie meurtrière s'étend à toutes les minorités allemandes du Sud-Est européen, en Yougoslavie, en Roumanie et en Tchécoslovaquie, à des milliers de Sudètes. La population allemande de Prague, installée dans la ville depuis le Moyen Âge est massacrée avec un rare sadisme. Après avoir été violées, des femmes ont les tendons d'Achille coupés et sont condamnées à mourir d'hémorragie sur le sol dans d'atroces souffrances. Des enfants sont mitraillés à la sortie des écoles, jetés sur la chaussée depuis les étages les plus élevés des immeubles ou noyés dans des bassins ou des fontaines. Des malheureux sont emmurés vivants dans des caves. Au total, plus de 30 000 victimes (…)
Ces massacres procèdent, en réalité, d'une volonté politique, d'une intention d'élimination, à la faveur du réveil des pulsions les plus bestiales." (Ibid)
Le "nettoyage ethnique" des provinces allemandes de l’Est n'est pas de la responsabilité de la seule armée de Staline mais s'effectue avec le concours des forces armées britanniques et américaines. Bien qu'à cette époque se dessinent déjà les lignes du futur antagonisme entre l'URSS et les Etats-Unis, ces pays et l'Angleterre coopèrent cependant sans réserve dans la tâche d'élimination du danger prolétarien, à travers l'élimination en masse de la population. De plus, tous ont intérêt à ce que le joug de la future occupation de l'Allemagne puisse s'exercer sur une population inerte pour avoir trop souffert, et comportant le moins de réfugiés possible. Cet objectif, qui déjà en lui-même incarne la barbarie, sera le point de départ d'une escalade d'une bestialité incontrôlée au service du meurtre en masse.
Sur le front de guerre extrême-oriental, l'impérialisme américain agit avec la même bestialité : "Revenons à l’été 1945. Soixante-six des plus grandes villes du Japon ont déjà été détruites par le feu à la suite de bombardements au napalm. A Tokyo, un million de civils sont sans abri et 100 000 personnes ont trouvé la mort. Elles ont été, pour reprendre l’expression du général de division Curtis Lemay, responsable de ces opérations de bombardement par le feu, "grillées, bouillies et cuites à mort". Le fils du président Franklin Roosevelt, qui était aussi son confident, avait déclaré que les bombardements devaient se poursuivre" jusqu’à ce que nous ayons détruit à peu près la moitié de la population civile japonaise." ("De Hiroshima aux Twin Towers", Le Monde diplomatique de septembre 2002)
Brouillard idéologique et mensonges pour couvrir les crimes cyniques de la bourgeoisie
Il existe encore une autre caractéristique du comportement de la bourgeoisie, particulièrement présente dans les guerres, de surcroît quand elles sont totales : ceux de ses crimes qu'elle ne décide pas d’effacer de l'histoire (à la manière dont avaient déjà commencé à procéder les historiens staliniens dans les 1930), elle les travestit en leur contraire, en des actes courageux, vertueux, ayant permis de sauver plus de vie humaines qu'ils n'en ont supprimées.
Les bombardements britanniques en Allemagne
Avec la victoire des Alliés, c'est tout un pan de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale qui a disparu de la réalité : "Les bombardements de terreur ont sombré dans un oubli presque complet, au même titre que les massacres perpétrés par l'Armée rouge ou les affreux règlements de comptes de l'Europe de l'Est." (Ph. Masson). Ces évènements-là ne sont évidemment pas invités aux cérémonies de commémoration des anniversaires "macabres", ils en sont bannis. Seuls subsistent quelques témoignages de l'histoire qui, trop enracinés pour être ouvertement éradiqués, sont "médiatiquement traités" en vue de les rendre inoffensifs. C'est le cas en particulier du bombardement de Dresde : "(…) le plus beau raid de terreur de toute la guerre [qui] avait été l'œuvre des Alliés victorieux. Un record absolu avait été acquis les 13 et 14 février 1945 : 253 000 tués, des réfugiés, des civils, des prisonniers de guerre, des déportés du travail. Aucun objectif militaire." (Jacques de Launay, Introduction à l'édition française de 1987 du livre La destruction de Dresde (3) Il est de bon ton aujourd'hui, dans les médias commentant les cérémonies du 60e anniversaire du bombardement de Dresde, de retenir le chiffre de 35 000 victimes et, lorsque celui de 250 000 est évoqué, c'est immédiatement pour attribuer une telle estimation, pour les uns à la propagande nazie, pour les autres à la propagande stalinienne. Cette dernière "interprétation" est d'ailleurs peu cohérente avec une préoccupation majeure des autorités est-allemandes pour qui, à l'époque, "il n'était pas question de laisser répandre l'information vraie que la ville était envahie par des centaines de milliers de réfugiés fuyant devant l'Armée rouge" (Jacques de Launay). En effet, au moment des bombardements, elle comptait environ 1 million d'habitants dont 400 000 réfugiés. Vu la manière dont la ville a été ravagée, il est difficile de s'imaginer comment 3,5% de la population seulement ait péri !
A la campagne de banalisation par la bourgeoisie de l'horreur de Dresde, au moyen de la minimisation du nombre des victimes, s'en superpose une autre visant à faire apparaître l'indignation légitime que suscite cet acte de barbarie comme étant le propre des néo-nazis. Toute la publicité faite autour des manifestations regroupant en Allemagne les dégénérés nostalgiques du 3e Reich commémorant l'évènement ne peut en effet qu'inciter à se détourner d'une critique mettant en cause les Alliés, par crainte d'être amalgamé avec les nazis.
Le bombardement atomique sur le Japon
Au contraire des bombardements anglais en Allemagne dont tout est fait pour en dissimuler l'ampleur, l'emploi de l'arme atomique, pour la première et seule fois dans l'histoire, par la première démocratie du monde est un évènement qui n'a jamais été dissimulé ou minimisé. Tout au contraire, tout a été fait pour que cela se sache et que la puissance de destruction de cette nouvelle arme soit au mieux mise en évidence. Toutes les dispositions avaient été prises en ce sens avant même le bombardement de Hiroshima du 6 août 1945 : "Quatre villes furent désignées [pour être bombardées]: Hiroshima (grand port et ville industrielle et bases militaire), Kokura (principal arsenal), Nigata (port, aciéries et raffineries), et Kyoto (industries) (…) À partir de ce moment, aucune des villes mentionnées ci-dessus ne reçurent de bombes : il fallait qu’elles soient le moins touchées possible, afin que la puissance de destruction de la Bombe atomique ne pût être discutée." (Article "Bombe lancée sur Hiroshima" sur https://www.momes.net/dictionnaire/h/hiroshima.html [135]). Quant au largage de la seconde bombe sur Nagasaki, il correspond à la volonté de démonstration, de la part des Etats-Unis, qu'ils pouvaient, autant de fois que nécessaire, faire usage du feu nucléaire (ce qui en réalité n'était pas le cas puisque les bombes suivantes en construction n'étaient pas prêtes).
Selon la justification idéologique à ce massacre des populations japonaises, il s'agissait du seul moyen permettant d'obtenir la capitulation du Japon en sauvant la vie d'un million de soldats américains. C'est un mensonge énorme qui est encore propagé aujourd'hui : le Japon était exsangue et les Etats-Unis (ayant intercepté et déchiffré des communications de la diplomatie et de l'état-major nippons) savaient qu'il était prêt à capituler.
La leçon la plus importante à tirer de ces six années de carnage de la seconde boucherie mondiale est que les deux camps en présence et les pays qu’ils regroupaient, quelle que soit l’idéologie dont ces derniers se drapaient, stalinienne, démocrate ou nazie, tous étaient la légitime création de la bête immonde qu’est le capitalisme décadent.
(D'après la Revue Internationale n° 121, 2e trimestre 2005)
1) Philippe Masson est chef de la section historique du Service historique de la Marine et enseigne à l'Ecole supérieure de guerre navale.
2) Depuis fin 1943, des grèves ouvrières éclataient en Allemagne et les désertions au sein de l'armée allemande tendaient à s'amplifier. En Italie, fin 1942 et surtout en 1943, des grèves avaient éclaté un peu partout dans les principaux centres industriels du Nord.
3) L'auteur de ce livre est David Irving qui est accusé d'avoir, dans un passé récent, embrassé les thèses négationnistes. Bien qu'une telle évolution de sa part, si elle est réelle, ne soit pas de nature à donner un éclairage favorable sur l'objectivité de son livre La destruction de Dresde (Edition française de 1987), il convient de signaler que sa méthode, qui à notre connaissance n’a jamais été sérieusement remise en cause, ne porte pas la moindre marque de négationnisme. La préface à cette édition par le général de corps d'armée aérienne, Sir Robert Saundby, qui ne fait pas figure de furieux pronazi ni de négationniste dit entre autres ceci : "Ce livre raconte honnêtement et sans passion l'histoire d'un cas particulièrement tragique de la dernière guerre, l'histoire de la cruauté de l'homme pour l'homme. Souhaitons que les horreurs de Dresde et de Tokyo, d'Hiroshima et de Hambourg, puissent convaincre la race humaine tout entière de la futilité, de la sauvagerie et de l'inutilité profonde de la guerre moderne".
La frénésie médiatique qui se déchaîne depuis plusieurs semaines autour de la ratification ou non de la Constitution européenne a pour fonction de capter l’attention des ouvriers et de la population en général en vue de les persuader que la construction de l’Europe serait un enjeu pour l’avenir du prolétariat (voir notre article en première page). Ce ne sont que des mensonges qui nourrissent une gigantesque campagne d'intoxication idéologique à laquelle participe l’ensemble des forces bourgeoises (partis de gauche, de droite, d'extrême droite, syndicats, gauchistes). Cette échéance électorale est un enjeu, certes, mais seulement pour nos exploiteurs. Ce qui se joue pour la classe dominante, c’est la place de la France, du capital national sur la scène de l’Europe, aussi bien sur le plan économique, politique que sur le plan de son rang impérialiste, face aux autres puissances du continent.
Si les Etats européens ont besoin de réorganiser leurs institutions, c'est parce que sinon l’Europe, déjà profondément divisée par des intérêts impérialistes concurrents comme on l’a vu lors du conflit irakien, avec les pro- et les anti-coalition américaine, deviendrait totalement ingouvernable dans un contexte d’élargissement à 25 pays membres. L'Allemagne et la France, puissances de premier ordre en Europe, ne peuvent accepter d’être traités sur un pied d'égalité avec les petits pays de l’Union. Elles ont besoin de se donner un cadre constitutionnel qui correspond au plus près à la défense de leurs intérêts capitalistes respectifs. Ainsi, la France qui n'a actuellement que 9% de voix au Conseil européen passerait à 13% avec le nouveau traité et les six Etats fondateurs auraient 49% du pouvoir de décision (la Constitution a d'ailleurs été élaborée sous l’égide de Giscard d’Estaing, avec la participation active des socialistes Pierre Moscovici et Pascal Lamy). L’enjeu est de taille pour la bourgeoisie française et les incertitudes actuelles sur le résultat de ce référendum donnent d’autant plus d’importance à celui-ci. Comme le souligne la presse bourgeoise, en cas de victoire du non, "Notre crédit serait durablement atteint dans de nombreux Etats membres, à commencer par les cinq autres fondateurs, où le mal français commence à s’étendre, comme aux Pays-Bas"(…) "Aux difficultés inhérentes à cette situation s’ajouterait pour la France, la perte de son autorité morale " (Le Monde du 6 avril). Le président socialiste du parlement européen Josep Borrell parle même de "tremblement de terre", et le ministre allemand des Affaires étrangères, J. Fischer, n’hésite pas à affirmer "C’est la vie de l’Europe qui est en jeu". Face à de tels enjeux, l’intérêt de la bourgeoisie française est donc d’imposer un vote favorable à cette constitution, mais il n’est pas exclu, une nouvelle fois, qu’un manque de maîtrise de son propre jeu politique puisse faire capoter ses plans, surtout avec l’utilisation d’un référendum qui est en passe de virer au fiasco car il est perçu avant tout comme un plébiscite de la politique chiraquienne et de son gouvernement. Cela ne serait pas la première fois que la bourgeoisie française réalise qu’elle n’a pas toujours les moyens de sa politique, notamment lorsque ce sont ses fractions de droite, particulièrement archaïques, qui pilotent les affaires de l’Etat. Mais cela signifierait un affaiblissement considérable de la crédibilité de la bourgeoisie française et de son poids diplomatique en Europe comme dans l'arène impérialiste mondiale.
Les faiblesses historiques de la droite française
Les faiblesses congénitales de la droite en France plongent leurs racines dans l’histoire même du capitalisme français, marqué par le poids de la petite et moyenne entreprise, du secteur agricole et du petit commerce. Ces archaïsmes n’ont cessé de peser sur l’appareil politique qui n’a jamais réussi à donner naissance à un grand parti de droite directement lié à la grande industrie et à la finance, tel que le parti conservateur en Grande-Bretagne ou le parti chrétien-démocrate en Allemagne. Au contraire, la Seconde Guerre mondiale verra l’irruption du gaullisme qui va marquer profondément la vie de la bourgeoisie française et dont les scories de l’UMP sont les descendants. Si le gaullisme a permis à la bourgeoisie française d’effectuer la reconstruction de l’après-guerre et de régler le problème des colonies (voir RI n°271, septembre 1997, sur l’historique de la droite française), en même temps, à l'instar du fascisme, le gaullisme ne peut vivre que sous la forme d’un parti unique qui contrôle tous les secteurs de l’Etat, police, armée, services secrets avec des connexions jusque dans le grand banditisme. Avec la réapparition de la crise économique à la fin des années 1960, la bourgeoisie française est consciente qu’elle doit se débarrasser de l’héritage du gaullisme et de son fonctionnement " totalitaire ", incarné alors, après le RPF, par l’UNR sous de Gaulle, qui deviendra UDR, puis RPR en 1979, sous l'égide de Chirac. Celui-ci n’a pas la capacité comme les partis traditionnels de permettre une alternance électorale entre partis de gauche et de droite pour faire face aux luttes ouvrières qui se développent et vont s’amplifier au fur et à mesure du développement de la crise économique du capitalisme. De façon chronique, la droite gaulliste, au lieu d’être le levier d’une politique cohérente au service des besoins supérieurs du capital français, s’avère n’être qu’un panier de crabes, de clans qui s’entredéchirent, pire, un ramassis d’ambitions personnelles, où chaque chef de bande veut être calife à la place du calife. Face à cette difficulté, la bourgeoisie n’a eu de cesse, sous la présidence de Pompidou, puis celle de Giscard, d’essayer de créer un parti de droite, en l’occurrence l’UDF, capable de contrebalancer cette situation de monopole du gaullisme ou de tenter de " rénover " ce dernier de l’intérieur mais sans réel succès. Au contraire, le courant gaulliste va résister par tous les moyens à sa disparition et il n’aura de cesse en permanence, pour conserver ou reconquérir le pouvoir, de jouer sa propre politique, y compris contre les intérêts de sa propre classe, et de mettre régulièrement en échec la stratégie élaborée par la bourgeoisie française dans son ensemble pour défendre le capital national.
En 1981, la victoire de Mitterrand aux présidentielles est le produit direct de l’affrontement engagé par Chirac contre Giscard.
En 1995, c’est encore le clan autour de Chirac qui empêche la victoire de Balladur, alors que celui-ci représentait une possible transition permettant à la bourgeoisie française de se débarrasser des fractions gaullistes les plus rétrogrades et archaïques.
En 1997, sous la présidence de Chirac, la dissolution du parlement et l’organisation d’élections législatives anticipées avaient pour but de reconduire au pouvoir une majorité de droite moins décrédibilisée que le gouvernement Juppé, pour accélérer la brutalité des attaques anti-ouvrières et permettre au PS de se refaire une santé dans l’opposition. Cette stratégie échoue du fait de la bêtise avec laquelle la droite sabote sa propre stratégie et c’est le PS, contre toute attente, qui se retrouve aux commandes de l’Etat, avec une nouvelle cohabitation Chirac/Jospin qui ne pouvait qu'affaiblir une gauche discréditée par près de quinze ans d'attaques antiouvrières alors qu'elle était au pouvoir et qui avait besoin de se refaire une image de gauche en repassant de façon durable dans l'opposition (voir RI n° 270, juillet/août 1997).
En 2002, Chirac gagne la présidentielle, alors qu’il ne représente que 20% des voix au premier tour, ce qui ne lui donne guère de légitimité démocratique et il ne doit son élection qu'au report massif des voix de gauche au second tour face à la "menace" Le Pen. Ce n’est pas la création de l’UMP qui va changer quoi que ce soit à cet archaïsme d’une partie de la droite en France, bien au contraire !
Tels des animaux aux abois qui n’en deviennent que plus dangereux pour les intérêts généraux de la meute, Chirac et son clan s'agrippent hargneusement aux rênes du pouvoir. Les féroces affrontements avec son challenger Sarkozy au sein même de l'UMP, les rivalités avec le centriste Bayrou, expriment les rivalités et les divisions les plus évidentes qui existent au sein de la droite. La façon dont Chirac a mis en œuvre le référendum sur la constitution européenne traduit une fuite en avant dans cette politique, au risque de provoquer un nouvel affaiblissement pour l’ensemble de la bourgeoisie française en cas de victoire du non.
Le référendum, un pari dangereux pour la bourgeoisie française
En choisissant le référendum, Chirac prend le risque d’un vote sanction, alors qu’il aurait pu faire ratifier la constitution par voie parlementaire comme s’apprête à le faire la bourgeoisie en Allemagne. Il est vrai que ce référendum oblige l’UMP à s’aligner sur le "oui", alors que ce n’est pas la fraction la plus pro-européenne au sein de la droite. Lors du référendum sur le traité de Maastricht en 1992, une partie du RPR avait voté contre, notamment Séguin et Pasqua, de même en 1998, ce parti avait refusé d’entériner le passage à l’euro lors du vote à l’Assemblée et au Sénat. Avec ce nouveau coup de force vis-à-vis de l’UMP, ce qui guide le clan Chirac, c’est de tenter de garder le contrôle de l’appareil gaulliste pour jouer sa propre carte électorale. Il s'agit pour lui de prendre la tête du camp qui dira oui à la constitution, pour redorer son image, largement plombée par l’impopularité du gouvernement Raffarin et donc de se placer en vue des présidentielles de 2007. "En choisissant le référendum plutôt que le débat parlementaire, le président de la République a sacrifié à la doctrine gaulliste, il est apparu enfin comme un grand européen (…) Peut-être a-t-il aussi commis une erreur. Les référendums sont dangereux." (Le Monde du 1er avril). Comme le souligne un conseiller de Chirac : " L’enjeu est énorme pour lui. Si le référendum est perdu, toute sa carrière politique sera jugée à cette aune. Il le sait. S’il est gagné, en revanche, il entend bien être l’un des principaux bénéficiaires de cette victoire. Il ne veut pas la laisser ni à Hollande ni à Sarkozy." (Le Monde du 7 mars)
Non seulement le référendum apparaît comme un "coup de poker" mais, de plus, le moment choisi pour ce scrutin est particulièrement défavorable, du fait qu’il intervient dans une période de profond mécontentement de la classe ouvrière qui commence à réagir à une dégradation permanente de ses conditions de vie. Cette colère ouvrière menace de se cristalliser dans un vote protestataire et a obligé le gouvernement à accorder quelques miettes. Une pincée d’augmentation (0,8%) aux fonctionnaires par-ci, quelques postes "d'adjoints d'enseignement" face à la grogne dans les lycées ou le déblocage d'une mini-rallonge pour les urgentistes dans les hôpitaux par-là, sans compter quelques subsides versés aux agriculteurs (avantages fiscaux et "congés payés"), quitte à aggraver le déficit budgétaire, tentent ainsi d’enrayer ce mécontentement qui ne cesse de s’amplifier. Même s’il reprendra plus tard ce qu’il donne maintenant, sous la forme d’augmentation des impôts ou de taxes diverses, le gouvernement n’arrive pas à endiguer cette contestation. Non seulement, la classe ouvrière continue à mener des luttes dans de multiples secteurs, malgré les journées d’actions syndicales qui avaient pour but de casser cette dynamique, mais en plus, ce qu’elle retient, c’est qu’elle va subir de nouvelles attaques, un nouvel appauvrissement de ses conditions de vie et c’est ce refus de subir qui se traduit par une amplification du vote protestataire.
Les conséquences des problèmes de la droite sur l'avenir du PS
Face à une telle situation, la ratification par voie référendaire provoque aussi des difficultés pour la gauche et notamment au sein du PS. Il y a toujours eu au sein du PS reconstruit autour de Mitterrand, comme dans tous les principaux partis sociaux-démocrates européens, un partage des tâches entre une majorité à vocation plutôt gouvernementale et une minorité à vocation plutôt oppositionnelle. La majorité s'est avérée la fraction la plus cohérente de la bourgeoisie française et elle a largement démontré au cours des 25 dernières années son aptitude à exercer le pouvoir et à gérer efficacement la défense des intérêts du capital national. Quant à la minorité, elle a la charge d'un ancrage plus "à gauche" pour préserver au PS un crédit dans sa fonction traditionnelle d'encadrement et de contrôle idéologique sur la classe ouvrière. Si la gauche du PS s'oriente résolument aujourd'hui vers le "Non" au référendum, cela ne traduit nullement une différence d'orientation concernant la gestion du capital français, mais c'est précisément pour pouvoir conserver son rôle d'encadrement idéologique vis-à-vis de la classe ouvrière. Emmanuelli et Mélenchon, qui avaient voté pour le traité de Maastricht et les suivants, sont contraints de se positionner aujourd'hui aux côtés des autres fractions de gauche et d’extrême gauche. C’est d'ailleurs la même chose pour les syndicats qui sont traversés par cette nécessité d’être à la fois favorables à la constitution (tels les syndicats regroupés dans la confédération européenne des syndicats, dont la CFDT) et qui se doivent en même temps d’encadrer le mécontentement social comme on le voit avec la CGT profondément divisée dans cet exercice périlleux d’équilibriste.
La direction actuelle du PS avait pourtant pris la précaution d'organiser un référendum interne en décembre dernier pour renforcer la position du "Oui" au sein du parti. Le profond mécontentement social est venu déstabiliser le jeu électoral habituel et cette pression sociale met en difficulté le PS qui est obligé de faire le grand écart entre, d’une part, le fait de voter la constitution et, d’autre part, de participer à encadrer le mécontentement qui se développe dans la classe ouvrière. La montée du "Non", y compris parmi les militants (1) tend à éroder le crédit de l'équipe dirigeante actuelle soudée autour du "Oui" (Hollande, Aubry, Strauss-Kahn, Lang,.. ) et ne peut que l’affaiblir. C'est pourquoi la victoire du "Non" constituerait pour la direction actuelle un cinglant désaveu, compromettant ainsi ses chances de retour au pouvoir dans la perspective des prochaines élections de 2007, au point que certains dirigeants évoquent déjà avec crainte la perspective d'un nouveau " 21 avril 2002".
Il n’y a pas de doute, la bourgeoisie française est en difficulté pour ce référendum et malgré ses efforts pour diaboliser le "Non", celui-ci maintient son avance dans les sondages. Même le récent show médiatique de Chirac a été un fiasco et il a mis en lumière le fossé qui se creuse entre une jeunesse inquiète à juste titre pour son avenir et une classe politique désorientée, qui n’a plus rien à lui offrir. Devant une prestation aussi pitoyable, la classe politique envisage même un changement de gouvernement, comme dernier rempart au désaveu de son référendum.
Plus que jamais ce référendum est vraiment un enjeu pour l’ensemble de la bourgeoisie française et, quel que soit le résultat de celui-ci, l’archaïsme de sa droite demeure et continue à affaiblir l’ensemble de l’appareil politique français. Mais cet affaiblissement ne signifie nullement un renforcement pour la classe ouvrière. La bourgeoisie, malgré ses difficultés, sait trouver les forces nécessaires pour mystifier et tromper les ouvriers, comme ce référendum qu’elle tente de faire passer pour un enjeu dans le prolétariat. Malgré ses divisions et le poids de ses fractions archaïques, elle est encore capable, face aux prolétaires, de mobiliser l’ensemble de ses composantes contre le combat de son ennemi de classe.
Ce référendum est vraiment une affaire entre bourgeois et un traquenard pour les ouvriers.
Donald (19 avril)
(1) Une bonne partie de l'électorat de gauche est aujourd'hui prête à voter "Non" du seul fait d'une volonté affichée de "faire payer" leur ralliement forcé à Chirac le 29 mai 2002 où elle s'était sentie obligée de voter pour lui pour faire barrage à Le Pen au second tour des présidentielles et au prétendu "danger fasciste" qu'il aurait représenté.
L'organisation trotskiste Lutte Ouvrière (LO) qui s'était tenue à l'écart du référendum de 1992 sur Maastricht, s'est cette fois engagée résolument dans le camp du Non dans la campagne sur le référendum relatif à la Constitution européenne. Cette organisation qui se prétend "révolutionnaire" et qui proclame "défendre les travailleurs" se retrouve dans la cohorte des tenants d'un "Non de gauche" aux côtés du PCF, de la LCR, d'une partie du PS. Avec quelle argumentation ? Pourquoi ?
Derrière le double langage de LO…
LO commence toujours avec un discours extrêmement "radical". Ce qui distingue LO, c'est qu'alors que tous les autres pourfendent à tour de bras un projet de constitution "ultra-libéral", LO déclare clairement : "Ce n'est pas le libéralisme, c'est le capitalisme qu'il faut combattre." Ainsi, dans un article paru sous ce titre dans l'hebdomadaire Lutte Ouvrière n° 1914 du 8 avril dernier, LO fustige "cette manière de dénoncer le libéralisme (qui) consiste à déployer un écran de fumée pour masquer les vrais problèmes. Car les classes possédantes ne sont pour le libéralisme que quand cela les arrange. (…) Mais en réalité, ce n'est pas à cause de l'Europe, ni parce que ce serait inscrit dans la future Constitution européenne que les patrons, grands ou petits, licencient ou bien que l'Etat français supprime des bureaux de poste et démantèle les services publics (cela se fait dans tous les Etats capitalistes, et bien au-delà de l'Europe des 25). Mais c'est parce que l'Etat français est au service de sa bourgeoisie. Ce n'est pas parce que "Bruxelles" aurait imposé telle ou telle décision, mais parce que cela correspond aux intérêts bien compris des capitalistes. Fabius n'a d'ailleurs pas mené une politique différente de ceux qu'il accuse de défendre le "libéralisme" quand il était Premier ministre. Quand on ferme une entreprise parce qu'elle ne rapporte pas assez (…), ce n'est pas une politique libérale, c'est le jeu normal du capitalisme." Voilà un discours "radical" qui semble ranger LO dans le camp des révolutionnaires.
Mais dans le même numéro, l'éditorial nous chante pourtant une tout autre chanson sous le titre "Le vote Non pour rejeter une Constitution réactionnaire" comme dans le suivant du 15 avril où LO appelle à voter "Non à une Constitution qui ignore le droit des travailleurs !" Dans un meeting à Clermont-Ferrand le 11 avril, Arlette Laguiller renchérit : "Pour notre part, nous appelons à voter "non". Cette Constitution n’apporte rien de bon aux travailleurs ni aux peuples d’Europe. Elle ne leur apporte ni des libertés supplémentaires ni des possibilités plus grandes pour se défendre. Elle ne cherche pas à uniformiser par le haut la législation du travail ni à améliorer les protections sociales. Et il n’est évidemment pas question d’un salaire minimum à l’échelle de l’Union européenne.(…) Alors, nous voterons "non" à cette Constitution !" Nous en arrivons au cœur de la mystification : LO nous raconte que la vraie réponse et le véritable terrain de classe, "c'est la lutte, les grèves, les manifestations" mais nous présente également en même temps l'échéance électorale comme un moment de la lutte, comme une façon de lutter. Dans son meeting déjà cité, la médiatique figure de proue de LO ajoute : "Mais tout en votant "non", il ne faut pas attendre de la victoire du "non" plus qu’elle ne peut donner. L’offensive menée contre les travailleurs par le grand patronat dans tous les pays d’Europe, quel que soit le gouvernement en place, n’a rien à voir avec la Constitution ni avec Bruxelles. Contrairement à tous ceux qui disent que, pour améliorer le sort des travailleurs, il faut voter "non", nous disons : Votez "non" ! Mais pour stopper les attaques du patronat et du gouvernement, il faut la lutte, les grèves, les manifestations. Une éventuelle victoire du "non" ne remplacera pas la contre-offensive des travailleurs. Cette contre-offensive est indispensable si nous ne voulons pas que notre classe, la classe des travailleurs, continue à être poussée vers la pauvreté."
LO nous dit d'un côté que la Constitution de l'Europe ou le libéralisme ne sont pas le vrai problème des travailleurs, qu'il ne faut pas se faire d'illusions sur le Non. Mais de l'autre côté, la seule chose que fait cette organisation, c'est de s'empresser de pousser les "travailleuses, travailleurs" auxquels elle s'adresse à aller voter en leur faisant croire que voter Non a quelque chose d'ouvrier et de révolutionnaire. Cela constituerait, d'après elle, un pas en avant, un encouragement pour le développement ultérieur de leurs luttes et un tremplin pour le développement de leur conscience de classe.
C'est un énorme mensonge. C'est l'inverse qui est vrai : pousser les ouvriers vers le vote à travers le vote Non, c'est semer les pires illusions dans la tête des prolétaires alors que précisément ce vote ne sert que de "rideau de fumée" (selon la propre expression de LO) à la bourgeoisie pour détourner les ouvriers de la lutte, pour brouiller leur conscience de classe, en les poussant à s'atteler derrière une fraction de la bourgeoisie contre une autre. Tout ce bla-bla radical et ces grands couplets ronflants sur la nécessité de lutter ne cherchent qu'à attirer, comme le fait LO à chaque échéance électorale, les ouvriers qui sont tentés de s'en détourner sur le chemin des urnes de la bourgeoisie et c'est pourquoi cette organisation pratique en permanence le double langage : "Il faut voter Non pour rejeter cette constitution. Mais une victoire du Non ne changera rien à l'organisation économique et sociale, au capitalisme, à la course au profit, à la concurrence qui sont les causes des crises, du chômage et de la pauvreté. Le Non au référendum n'empêchera pas un seul patron de licencier, pas plus qu'il n'obligera aucun d'entre eux à payer des salaires corrects. Ce n'est certainement pas la Constitution européenne (…) qui est responsable des attaques contre les salaires, contre les retraites, contre les horaires de travail. Ces attaques, c'est le fait du grand patronat et des gouvernements qui appliquent la politique qu'il exige. Alors, il faut voter Non à cette Constitution, mais il faut surtout savoir que les travailleurs ne feront pas l'économie des luttes contre une société capitaliste qui se moque d'appauvrir toute la population et de ruiner la société, du moment que ses profits augmentent." (éditorial d'Arlette Laguiller du 8 avril)
… une politique électoraliste constante…
C'est exactement le même genre de discours et d'argument qu'utilisait déjà LO en 1981 quand cette organisation appelait à voter… pour Mitterrand "sans illusions mais sans réserve". C'est le même discours quand LO prétendait qu'il fallait se réjouir du succès le la gauche aux élections législatives parce qu'elle "barrait la route à la droite réactionnaire", que cela "faisait plaisir", tout en disant qu'il ne fallait se faire aucune illusion sur la gauche au gouvernement.
C'est toujours la même méthode, la même recette. A quoi sert ce double langage permanent ? Le poison idéologique diffusé par LO vise à rendre impuissants les ouvriers en les plongeant ou les replongeant à chaque occasion dans le marigot électoraliste de la bourgeoisie : "Nous souhaitons, bien sûr, la victoire du "non" pour que la Constitution européenne réactionnaire qu’on voudrait faire cautionner par l’électorat soit rejetée." Le reste n'est qu'enrobage, qui sert de leurre, d'appât autour : "Mais une victoire du "non" ne changera rien à l’Union européenne telle qu’elle est, qui continuera à fonctionner en s'appuyant sur les traités antérieurs. A infiniment plus forte raison, le résultat du référendum ne changera rien à l’organisation économique et sociale, au capitalisme, à la course au profit, à la concurrence, qui sont les causes des crises, du chômage et de la pauvreté. (…) Alors, c’est contre ces véritables ennemis que les travailleurs auront à lutter, et pas contre Bruxelles ou quelque bouc-émissaire que ce soit." (meeting d'Arlette Laguiller du 11 avril)
Comme quand elle joue les bateleurs de foire ou les marchands de frites rances lors de sa kermesse annuelle, LO ne cesse de vanter ses marchandises qui sont en définitive les mêmes que les autres politiciens bourgeois sous des tonnes de verbiage radical et sous d'épaisses couches de vernis révolutionnaire de pacotille. LO exerce sa pression électoraliste en faisant croire que le Non introduit un rapport de force entre les classes, qu'il serait un "vote de classe", un "Non ouvrier" susceptible de faire trembler la bourgeoisie : "Pour la faire reculer (la bourgeoisie), il faut lui donner de bonnes raisons de craindre de tout perdre en ne voulant rien lâcher ! Alors, il faut voter "non"." Mais le recours à cette argumentation on ne peut plus démagogique est sans cesse contrebalancé par un discours plus "critique" : "mais il faut surtout continuer à œuvrer pour que les travailleurs retrouvent confiance en leur force, dans la force que leur donnent leur nombre et leur place irremplaçable dans la production." (Idem)
… pour pousser les ouvriers de chaque Etat derrière leur bourgeoisie
Les prolétaires ne doivent pas se laisser abuser par le vernis "radical" de LO. La duplicité de cette organisation peut d'ailleurs être illustrée à travers un autre exemple dans cette campagne sur la Constitution européenne dans laquelle elle s'adapte pour défendre une position diamétralement opposée par rapport à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. LO s'abrite derrière une phraséologie sur la construction des "Etats-Unis d'Europe" : "L’unification européenne, nous sommes pour. Oui, nous sommes pour l’unification complète du continent, bien entendu Turquie comprise, et même bien au-delà." (meeting d'Arlette du 11 avril). Un long article sur "La Turquie et l'Union européenne" de sa "revue théorique" Lutte de Classe n° 87 daté de mars 2005 permet de découvrir que LO trouve des aspects positifs à la Constitution européenne et prône Oui à la Constitution… pour les travailleurs en Turquie alors qu'elle la rejette pour les travailleurs d'ici…au nom de "'unité prolétarienne" : "Pour qui veut défendre un point de vue révolutionnaire prolétarien, l'avenir appartient à l'unification complète de l'Europe et à la suppression de toutes les frontières, bien au-delà des limites actuelles de l'Union européenne. Il faut donc considérer comme positif tout ce qui, dans la construction européenne actuelle, et bien qu'elle soit faite en fonction des besoins capitalistes, facilite la circulation des personnes et contribue à tisser des liens plus étroits entre les peuples. De ce point de vue, il n'y a aucune raison de s'opposer à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, pas plus qu'il n'y aurait de raison de s'opposer à l'adhésion de quelque pays que ce soit." Selon LO, la Constitution, c'est mauvais et réactionnaire pour les ouvriers d'ici déjà membres de l'UE, mais c'est bon et progressiste pour les prolétaires de Turquie ; l'article ajoute : "(…) Et de même, pour des militants défendant un point de vue révolutionnaire prolétarien en Turquie, l'anti-impérialisme ne peut consister à s'opposer à l'adhésion : il doit s'exprimer par des revendications et des objectifs concrets, en se plaçant du point de vue des intérêts ouvriers. Aujourd'hui, la classe ouvrière de Turquie, comme le reste de la population, est sans doute dans sa grande majorité favorable à l'adhésion, avec l'idée que celle-ci ne pourra qu'amener une amélioration économique et un meilleur respect des droits de chacun." LO trouve ici de nouvelles vertus à ce qu'elle nomme pourtant si volontiers "l'Europe des capitalistes" qu'elle vilipende par ailleurs : (…) Mais, dans la classe ouvrière de Turquie, on a aussi l'idée qu'en Europe occidentale (…), il existe des droits sociaux que l'on peut faire valoir, des institutions qui les garantissent et dans lesquelles on est respecté." Au bout de ses méandres, la conclusion de la "haute stratégie révolutionnaire" de LO est alors : "Pour autant, les révolutionnaires n'ont aucune raison de s'opposer à ce sentiment dominant qui, au fond, exprime à sa façon les aspirations ouvrières. S'ils ont bien sûr à combattre les illusions, ce n'est pas pour leur opposer un quelconque repli sur soi nationaliste. C'est pour dire que, bien sûr, l'adhésion à l'Union européenne peut comporter des aspects positifs."
Quelles "aspirations expriment à sa façon" le double discours permanent de LO ? Ces grands écarts, ces prises de position à orientation géo-politique variable, LO les a parce que son but n'est nullement de défendre les intérêts de la classe ouvrière mais de noyer la conscience de la classe ouvrière pour mieux l'entraîner dans les chausse-trapes de la bourgeoisie et en particulier systématiquement sur le terrain électoral.
W (20 avril)
Alors que les médias aux ordres de la bourgeoisie nous rebattent les oreilles du référendum à propos de la Constitution européenne, faisant miroiter que de celle-ci dépend la paix et la stabilité, la barbarie capitaliste continue dramatiquement sa marche en avant. C’est plus particulièrement l’Asie qui est devenue au cours des dernières semaines le nouvel épicentre de l’accélération des tensions inter-impérialistes.
Depuis le 14 mars, l’inquiétude internationale s’est tournée vers le détroit de Formose. C’est à cette date que le parlement chinois a pour la première fois voté une loi anti-sécession qui autorise Pékin à faire usage de moyens militaires contre Taiwan dans le cas où les autorités de l’île opteraient pour l’indépendance. Le 13 mars, le président chinois Hu-Jinto, vêtu d’une vareuse militaire, avait même publiquement appelé les officiers à " se préparer à un conflit armé". Le message était clair : la bourgeoisie chinoise ne permettrait pas la séparation de Taiwan, elle ne reculerait devant aucun moyen, y compris la guerre.
L'Asie du Sud-Est, un nouveau foyer de tensions guerrières
Immédiatement, la tension est montée en flèche, non seulement en Asie du Sud-Est, mais aussi entre la Chine et le Japon. Ce dernier ne pouvait rester sans réaction aux déclarations belliqueuses de la Chine. Tokyo a donc fait savoir fermement que cette loi anti-sécession aurait immanquablement un effet négatif sur la paix et la stabilité de la région en annonçant simultanément que ses forces militaires avaient pris le contrôle d’un phare situé sur l’Archipel de Senkaku. Cet archipel est traditionnellement revendiqué par Pékin, qui l’appelle Diayou. La Chine répliquait en qualifiant cet acte militaire de "grave provocation totalement inacceptable".
L'engrenage des tensions grandissantes entre la Chine et le Japon a trouvé une expression évidente à travers les manifestations anti-japonaises montées de toutes pièces par l'Etat chinois ces dernières semaines, au prétexte de la publication par Tokyo de manuels d'histoire minimisant les atrocités commises par l'armée japonaise durant la colonisation d'une partie de la Chine dans les années 1930. En réponse, le Japon qualifiait alors pour la première fois la Chine de "menace potentielle", mettant clairement en avant l'aggravation de la situation dans cette région du monde. La situation s’est à ce point aggravée en Asie du Sud-Est que jamais, depuis 1945, le Japon n'avait abandonné officiellement sa neutralité à propos de la question sensible de Taiwan.
Cette poussée de fièvre belliqueuse de la part de la Chine n’a évidemment pas entraîné une réponse du seul Japon. Les Etats-Unis ont quant à eux fait savoir que, malgré le fait que Washington n’admet depuis 1972 qu’une seule Chine dont Taiwan fait partie, il ne serait pas question d’accepter passivement et sans réagir un coup de force militaire de la Chine sur Taiwan. "Cette loi anti-sécession est malheureuse", a déclaré Scott Mc Clellan, porte-parole de la Maison Blanche. " Nous nous opposons à toutes modifications unilatérale du statu quo" : ces propos clairs et nets ont été tenus par la secrétaire d’Etat américaine Condoleeza Rice au président Hu-Jintao, lors de sa visite à Pékin le 21 mars dernier. Il est clair maintenant que pour faire face à la montée accélérée des appétits impérialistes de la Chine, le Japon et les Etats-Unis font cause commune dans cette partie du monde.
Tel est le sens de l’accord signé par Washington et Tokyo qui se donne "comme objectif stratégique commun" d’œuvrer à la mise en place de la "résolution pacifique" des questions concernant le détroit de Formose.
La pression impérialiste de la Chine
L’effondrement de l'URSS en 1989, l’affirmation des Etats-Unis en tant que seule grande puissance mondiale, avaient déjà bouleversé la politique impérialiste de la Chine dès cette époque. Depuis la formation de la République populaire de Chine en 1949, en passant par 1972, date à laquelle la Chine et les Etats-Unis se sont retrouvés alliés contre l’Union soviétique, le développement des tensions inter-impérialistes restèrent enfermées dans un carcan qui en limita la dangerosité pour l’ensemble du monde. A partir de 1989, et avec l’enfoncement accéléré du capitalisme dans la décomposition, la situation a commencé à changer.
La base de l’alliance stratégique sino-américaine façonnée par l’existence d’un ennemi commun, l’URSS, avait alors disparu. C’est à partir du milieu des années 1990 que l’on a pu voir la première poussée spectaculaire des tensions dans la région entre la Chine et les Etats-Unis. Le bombardement par les Etats-Unis de l’ambassade de Chine à Belgrade, le 7 mai 1999, un mois après l’échec de la visite de la haute diplomatie chinoise à Washington, a été une expression évidente du fait que la Chine affichait clairement son ambition de faire cavalier seul dans l'arène impérialiste mondiale tandis que les Etats-Unis s'y opposaient.
Depuis, les appétits impérialistes de Pékin n'ont cependant pas cessé de s'aiguiser et avec eux une volonté d'apparaître comme une force militaire avec laquelle les autres grandes puissances devraient compter, en particulier les Etats-Unis. Il est particulièrement significatif que le budget militaire de la Chine ne cesse de croître ! Depuis quinze ans, les dépenses militaires de l'Empire du Milieu se sont accrues à un rythme annuel à deux chiffres : 11,6% en 2004 après les 17% de 2002, ce qui représente pas moins de 35% du budget national. Signe des temps et des besoins de l'impérialisme chinois, c’est la marine et surtout l’aviation qui profitent de ces dépenses dans la perspective d'une modernisation rapide.
L'Etat chinois profite d'ailleurs autant qu'il peut des difficultés de la première puissance mondiale à s'imposer sur la planète. Les interférences de la Chine dans le processus de discussion du dossier nucléaire de l'Iran en témoignent. Le ministre des Affaires étrangères chinois Li-Zhaoxing, lors d’un voyage à Téhéran, a déclaré que la Chine s’opposerait à toute tentative de sanctionner l’Iran sur ce sujet à l’ONU. C’est la même politique impérialiste qui pousse ce pays à soutenir le régime islamique soudanais. Dans le même sens, sa politique vis-à-vis de Pyongyang, capitale de la Corée du Nord, est des plus claires. Elle est un signe fort des prétentions impérialistes de la Chine pour avancer ses pions dans sa zone d'influence naturelle, fût-ce au détriment de la politique américaine. La bourgeoisie chinoise s'est également efforcée de consolider ces derniers temps son influence au Laos, au Cambodge, en Birmanie, voire en Thaïlande, en Malaisie et en Indonésie, et cela directement contre les Etats-Unis.
Si le développement des tensions impérialistes à propos de Taiwan fait peser une nouvelle grave menace sur le monde, celui-ci, et de loin, n’est pas le seul point chaud de l’affrontement larvé en Asie. L’Aksai-chin et l’Arunachal-Pradesh, situés à la frontière entre la Chine et l’Inde, sont également des régions de plus en plus revendiquées par les deux Etats et sont des sources potentielles d’affrontement entre ces deux puissances nucléaires. Si, pour le moment, l’apaisement des tensions est de mise entre l’Inde et le Pakistan d’un coté, l’Inde et la Chine de l’autre côté, cela ne préjuge en rien d'une stabilité de cette région pour les temps à venir. Le Premier ministre indien Mammhan Singh a bien pu ainsi déclarer : " l’Inde et la Chine partagent la même aspiration à bâtir un ordre politique et économique international juste, équitable et démocratique", c'est parce que les requins impérialistes en Asie que sont la Chine, l’Inde et le Pakistan sont pour le moment obligés de mettre en sourdine leur confrontations réciproques, afin de se ménager face à l’offensive actuelle des Etats-Unis dans cette partie du monde.
Dans une telle situation, il est bien évident que les autres puissances impérialistes mondiales, notamment la France, l’Allemagne et la Russie, ne peuvent pas rester sans tenter elles aussi de venir défendre leurs propres intérêts dans cette région du monde, portant ainsi de plus belle ombrage aux Etats-Unis confrontés à l’affaiblissement accéléré de leur leadership mondial. Les récents voyages de Chirac puis de Raffarin en Chine n’avaient ainsi pas pour seule raison le renforcement des liens économiques entre Paris et Pékin. Il s'agissait de réaffirmer le soutien de la France, relayée par l'Allemagne, à la levée de l'embargo sur les ventes d’armes chinoises en même temps que de vendre une technologie avancée à la Chine. Une Chine plus forte et plus agressive face aux Etats-Unis fait le jeu de l’Allemagne et la France. En effet, si la stratégie américaine d'implantation de bases militaires au Kirghizstan, au Tadjikistan, en Afghanistan et en Ouzbékistan vise à la fois l'encerclement de l'Europe et de la Russie, l'Oncle Sam cherche aussi par ce moyen à dresser un barrage contre l'influence expansionniste de la Chine vers l'Occident, contribuant ainsi à isoler entre eux ses principaux concurrents impérialistes.
La fuite en avant du capitalisme ne peut mener qu’à un chaos toujours plus profond.
Avec le développement des tensions impérialistes en Asie, il serait totalement erroné de croire que la barbarie capitaliste ne continue pas de s’accélérer dans les autres régions du monde. C’est tout le contraire qui est vrai.. Il est clair que la bourgeoisie américaine se retrouve enlisée dans le bourbier irakien, malgré ses intentions proclamées d'amorcer une retrait partiel de ses troupes d'ici 2006. Elle est également sur le qui-vive au Moyen-Orient vis-à-vis de la Syrie et de l'Iran mais aussi sur le front extrême-oriental par rapport à la Corée du Nord. Et pour continuer à jouer les gendarmes du monde, elle est poussée en permanence dans une fuite en avant sur le terrain militaire. La multiplication des points chauds en Extrême-Orient, où la poussée de l'impérialisme chinois devient un pôle de préoccupation prépondérant, conduit d'ores et déjà la Maison Blanche à renforcer ses bases militaires dans la région et ses liens avec des Etats comme l'Indonésie, les Philippines, la Malaisie, la Thaïlande ou encore le Sri Lanka. L’évolution de la situation en Asie du Sud-Est montre une fois de plus à la classe ouvrière que tous les discours de paix de la bourgeoisie ne font jamais que préparer de nouveaux moments d'affrontements guerriers et que ce système capitaliste n'a rien à offrir que la barbarie. La montée des menaces guerrières en Asie en est une nouvelle expression lourde de conséquences pour l’avenir. Les appétits et les prétentions des principaux rivaux de l’impérialisme américain, dont fait partie maintenant ouvertement la Chine, ne peuvent que s’aiguiser toujours plus. La crise du leadership américain, son offensive actuelle et les réactions qui en découlent, ne peuvent plonger le monde que dans un chaos grandissant.
Tino (22 avril)
Jamais dans l'histoire, la maladie et la mort d'un pape n'auront été aussi médiatisées. La population de la Terre entière a été gavée jusqu'à la nausée d'informations, de reportages et d'images télévisées sur l'évolution de la maladie et de l'agonie de Jean-Paul II. Toute sa vie durant et jusqu'après son trépas, ce pape aura su se mettre en scène et attirer la dévotion de ses ouailles avec un sens du culte de la personnalité acquis de longue date dans le sérail stalinien dont il était issu. Et le "Saint Père" est largement parvenu à rivaliser avec le "Petit père des peuples" dans ce domaine.
A travers les 200 chefs d'Etat ou leurs représentants qui ont assisté à ses funérailles, ce sont ses pairs de la bourgeoisie mondiale unanimement reconnaissante qui lui ont décerné un vibrant hommage et qui ont souligné l'ampleur de ses mérites, à la mesure des services qu'il aura rendus à l'exploitation capitaliste et aux grandes causes impérialistes qu'il aura défendues. Mais si toutes les télévisions du monde avaient planté leur caméra au Vatican, sur la place Saint-Pierre, c'est que la vie et la mort édifiantes de Jean-Paul II étaient aussi destinées à marquer les esprits pour redonner du crédit et une vigoureuse impulsion à l'idéologie religieuse dans les masses par ces temps troublés, où les populations sont de plus en plus à la merci de la misère, de la famine, des pandémies, ou bien happées par la guerre, le chaos, la barbarie.
En tant que porteuse de la religion, "l'opium du peuple", comme disait Marx, mais aussi en tant que détentrice d'un pouvoir séculier, l’Eglise catholique est une véritable puissance de ce monde. Depuis presque 2000 ans, elle s'est rangée aux côtés des têtes couronnées, des puissances et des empires, contre lesquels les premiers chrétiens s’étaient élevés. A ses origines, le christianisme est venu des pauvres et des exploités. Les premiers chrétiens, en fait des membres des sectes juives radicales esséniennes et zélotes, s'opposaient à la présence de Rome en Palestine et à l'exploitation qu'elle entraînait. Ils voulaient aussi mettre tous leurs biens en commun. Mais par la suite, l’Eglise catholique et la papauté ne vinrent pas aux premiers rangs du pouvoir pour présider à l'avènement espéré du paradis sur Terre dont rêvaient les premiers chrétiens, mais à celui d'une nouvelle société d’exploitation faisant suite à l'Antiquité, le système féodal.
A l’époque du féodalisme, l’Eglise de Rome était un bastion politique, militaire, économique et idéologique de premier ordre.
Le protestantisme, qui dès le 15e siècle commença à remettre en cause l'omnipotence de l'Eglise, fut en réalité l'expression de la rébellion de la bourgeoisie contre la féodalité. Lors de la Révolution française en 1789, certaines fractions radicales et anti-cléricales de la bourgeoisie cherchèrent même à se débarrasser des oripeaux de la religion. Mais au fur et à mesure que le prolétariat affirmait sa force de classe et se montrait comme le véritable danger pour l'ordre bourgeois, qu'il mettait à bas le mythe égalitaire bourgeois cherchant à masquer l'exploitation capitaliste, la classe dominante est revenue à de bien meilleurs sentiments à l'égard de la religion.
Aujourd'hui, le système capitaliste est en déclin depuis presque un siècle. Et une des preuves que nous sommes dans les dernières phases de ce déclin tient justement dans le renouveau de la religion, ressource clé de l'intoxication idéologique mais aussi produit de la pourriture idéologique capitaliste. Ainsi aux Etats-Unis, dans le pays le plus puissant et le plus développé du monde, la religion du Christ renaissant a une influence réelle non seulement dans de larges secteurs de la population mais aussi aux plus hauts niveaux de l'administration Bush.
Au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie, l'Islam fondamentaliste se présente comme la seule réponse à la misère des opprimés. En Israël, les partis religieux messianiques ont une parole majeure dans la vie politique du pays. En Europe et en Amérique, les délires néo-paganistes moyen-âgeux ont monté en force. La plupart de ces idéologies soutiennent que nous vivons les "derniers jours" ; en un sens, elles ont raison. Leur propre renouveau est une expression de l'irrationalité profonde et du désespoir qui accompagnent l'idéologie de cet ordre social en décomposition.
Pousser les pauvres à se résigner à leur sort : une grande "mission" de Jean-Paul II
Le rôle de l'Eglise catholique, à l'instar des autres, pour offrir une fausse perspective, le bonheur dans l'au-delà, et dévoyer les questionnements sur la société capitaliste est essentiel. Il existe un milliard de catholiques dans le monde et l'Eglise de Rome détient encore une énorme influence dans les régions les moins développées de l'Afrique, de l'Asie, et spécialement des pays d'Amérique latine. Elle reste une force majeure de contrôle social. Ce contrôle est partiellement exercé par des doctrines ouvertement réactionnaires qui se sont renforcées sous le règne de Jean-Paul II. Il en est ainsi de positions telles que l'opposition du Vatican aux méthodes de contraception et l'interdiction renouvelée en pleine épidémie de Sida d'utiliser des préservatifs. L'Eglise catholique a ainsi contribué de façon très conséquente à la mort de millions de personnes sur le continent africain en particulier, mais aussi en Amérique latine et en Asie. Tout cela au nom de la "pureté de l'âme" !
Mais le "charisme" de Jean-Paul II n'a pas servi qu'à aider les sidéens croyants à passer ad patres en conservant l'âme pure, grâce à une libido en harmonie avec les lois de Dieu ; il a aussi été d'une lumineuse utilité pour maintenir les exploités dans la croyance que l'Eglise pouvait leur venir en aide, c'est-à-dire pour les faire rester ou rentrer dans le rang de la "juste" exploitation capitaliste. Ce commis voyageur de l'idéologie capitaliste, version bon apôtre, n'a donc pas économisé ses forces pour apporter la bonne parole aux pauvres et aux miséreux de par le monde, contre les "excès" du capitalisme. C'est même dès son intronisation papale qu'il accourt en 1978 à la rescousse des exploiteurs d'Amérique latine devant le développement de luttes de plus en plus massives au sein des exploités des zones urbaines et agricoles. Et c'est justement surtout dans les pays les plus pauvres et où l'influence du catholicisme est la plus grande qu'on le verra donner toute sa mesure. A côté des discours à résonance "sociale", ses voyages répétés en Amérique du Sud seront aussi l'occasion d'affermir ses troupes des "Théologiens de la Libération", groupes travaillant main dans la main avec les partis de gauche et les syndicats afin de dévoyer les révoltes potentielles de masse dans les impasses de la démocratie et du nationalisme.
Rappelons encore son rôle dans le sabotage de la lutte des ouvriers de Pologne en 1980-1981, rôle assuré grâce à un soutien public à Solidarnosc et à un Walesa ultra-catholique dont l'action avait conduit à la défaite ouvrière et à la répression brutale de l'Etat polonais.
Un infatigable commis voyageur de l'impérialisme
Si, en Europe de l'Ouest, l'Eglise catholique n'a depuis longtemps plus de moyens d'influencer les luttes ouvrières, elle détient cependant une place d'importance dans les manœuvres sordides du système capitaliste. Durant les années 1930 et dans la Seconde Guerre mondiale, Hitler, Mussolini et Franco étaient de mèche avec la hiérarchie catholique, qui donna entre autres crapuleries son assentiment plus que tacite à l'Holocauste. A ce jour, alors que tous les éléments historiques ont été depuis belle lurette réunis et rendus publics, la papauté refuse de reconnaître sa responsabilité dans ses crimes ; elle est en l'occurrence un fois de plus au diapason de toutes les puissances impérialistes sorties victorieuses du deuxième conflit mondial.
Il faut dire que bien des liens se sont tissés entre elles. Ainsi, après la "Libération" et lors de la Guerre froide, le Vatican était devenu un pion de premier plan dans la lutte du bloc de l'Ouest contre le "communisme athée" de l'Est (en fait, la forme stalinienne du capitalisme d'Etat). D'ailleurs, c'est du fait de ses positions pro-occidentales avérées que Jean-Paul II avait été mis en place comme serviteur du bloc américain. Il a été le fer-de-lance de cette croisade au nom de "l'anti-communisme" aux quatre coins de la planète. Et c'est ainsi en tant que prêcheur des intérêts de l'impérialisme occidental qu'on avait pu le voir parcourir le monde jusqu'en 1989.
Suite à l'effondrement du bloc de l'Est, Jean-Paul II s'était trouvé une nouvelle mission, celle de l'anti-américanisme et de l'alignement avec l'Europe contre une première puissance mondiale qu'il avait servi durant vint ans. C'est en ce sens qu'il faut comprendre les prises de positions papales contre les interventions militaires américaines, en particulier contre celles en Irak, tout comme ses discours anti-mondialistes qui visaient en réalité l'hégémonie des Etats-Unis. Le tout n'a jamais rien eu à voir avec une quelconque défense des intérêts des populations.
Dans l'interminable procession des défenseurs de l'enfer capitaliste et des maux qu'il représente pour l'humanité, Jean-Paul II a tenu une place de choix. C'est pourquoi la bourgeoisie lui a rendu un si éclatant hommage.
Mulan (22 avril)
Que font les ONG ? A quoi servent-elles ? La question est légitime et ne manque pas de se poser depuis quelque temps.
Alors que plus de quatre mois viennent de s’écouler depuis le déferlement du tsunami sur les côtes d’Asie du Sud, et malgré l’élan de générosité qui a déversé de rondelettes sommes d’argent dans les caisses des ONG, la situation sur place est toujours aussi dramatique pour les victimes. Alors que l’île de Nias, au large de Sumatra, a essuyé le 28 mars une réplique sismique provoquant un véritable carnage, les ONG sont toujours à se demander comment utiliser les sommes récoltées qui pour le moment sont placées sur des SICAV monétaires à 2,5% d’intérêts annuels. Alors, à quoi peuvent bien servir les ONG, à part verser des salaires astronomiques à leurs dirigeants et leur offrir des virées dans les hôtels quatre étoiles de Bora Bora (Capital, avril 2005) ? Certes, les détournements de fonds et les mœurs d’escrocs sont une réalité directement reliée aux mœurs de la bourgeoisie mais ce n’est pas là l’essentiel et le fondement principal de l’action humanitaire.
Avant toute chose, les ONG sont un instrument, devenu aujourd’hui incontournable, de la défense des intérêts impérialistes de chaque nation.
Ces ONG qui n’ont de "non gouvernemental" que le nom, offrent depuis plus de 30 ans les moyens idéologiques pour justifier les actions armées des grandes puissances.
C’est ainsi que, dans les années 1970, la France, pour se débarrasser de celui qu’elle fit accéder au pouvoir en Centrafrique, Jean Bedel Bokassa, s’appuya sur Amnesty International pour déclencher une vaste campagne de dénonciation du règne sanglant de l’empereur "autoproclamé". Ce fut cette campagne qui justifia l’intervention de la France et l’envoi de ses parachutistes qui n’oublièrent pas d’emporter dans leur paquetage un nouveau président.
Mais le rôle des ONG ne se limite pas seulement à fournir un alibi humanitaire pour étayer et accompagner les raids sanglants du "droit d’ingérence" des grandes puissances dans les conflits armés. Leur présence et leur travail sur le terrain sont souvent plus que cela.
Ce n’est pas par hasard si l’Inde a refusé l’aide internationale après les ravages du tsunami du 26 décembre. Ce n’est toujours pas un hasard si l’Indonésie réclame depuis peu le départ des ONG de son territoire dans les deux prochains mois. C’est parce que ces Etats savent pertinemment que les ONG agissent, même sans escorte militaire, comme tête de pont impérialiste de leur nation respective. Ce qu’illustre de façon édifiante la série de "révolutions démocratiques" qui a eu lieu dans les républiques du sud de la Russie dont la dernière en date s'est développée au Kirghizistan. "On peut être fier d’avoir soutenu la révolution", a proclamé l’ambassadeur américain Stephen Young. Bien que l’Oncle Sam dispose depuis quatre ans d’une base militaire forte de 2000 soldats sur l’aéroport de Manas, ce n’est pas de ce type de soutien dont parle Mr Young. Pour aider au renversement du régime d’Akaïev, les Etats-Unis se sont servis d’une arme redoutable, un puissant réseau d’ONG, 7000 au total, quadrillant l’ensemble du territoire. Dans chaque village ont compte trois à quatre ONG locales, financées en grande partie par des organisations étatiques made in America telles Freedom House, dirigée par l’ancien patron de la CIA, James Woosley, ou encore le National Democratic Institute (NDI), présidé par l’ancienne secrétaire d’Etat de Clinton, Madeleine Albright. La "révolution jaune" n’avait donc rien de spontanée. Au contraire, elle a été soigneusement et patiemment préparée par ce réseau d’ONG pro-américaines comme cette imprimerie de Bichkek alimentée par Freedom House et chargée d’éditer pas moins d’une cinquantaine de journaux d’opposition. Et lorsque l’ancien pouvoir kirghize décide cinq jours avant les élections législatives de couper l’électricité de l’imprimerie, c’est l’ambassade américaine qui accourt pour fournir des groupes électrogènes afin que continue le travail d’agitation. C’est aussi à travers une coalition de 170 ONG kirghizes, animées par Edil Baisalov, financées quant à elles par le NDI, qu’un millier d’observateurs ont pu être envoyés dans les bureaux de vote pour témoigner de la fraude et déclencher la "fronde populaire". On peut retrouver le même schéma en Géorgie en 2003 ou en Ukraine en 2004 où la "révolution orange" a été là aussi portée par le travail de 280 ONG, abreuvées par le même NDI de 65 millions de dollars dans le but de renverser le duo pro-russe, Koutchma/Ianoukovitch, via l’agitation populaire.
Les ONG sont elles utiles ? Pour la bourgeoisie, la réponse ne fait aucun doute, c’est oui. Depuis les années 1970, elles sont très clairement un atout organiquement lié au dispositif militaire de la classe dominante. Pour reprendre l’expression du célèbre french doctor, Bernard Kouchner, fondateur de l’emblèmatique Médecin Sans Frontières, "la grande aventure du XXIe siècle (...) s’appelera mouvement humanitaire". Mais cette aventure ne peut être que celle de la guerre au service de l’impérialisme.
Azel (15 avril)
Raffarin avait promis qu'en 2005 le chômage allait baisser de
10 %. Dernièrement, il vient cependant de déclarer que "le choc
pétrolier (allait) décaler cette ambition de quelques mois",
alors que le chômage passait la barre symbolique des 10% de la population
active. Depuis plus de trente ans, ce genre de promesses remises aux calendes
grecques est monnaie courante de la part des gouvernements, toutes couleurs
politiques confondues. Il serait d'ailleurs difficile d'accorder le prix à la
meilleure déclaration du genre, où le cynisme et le mensonge se mêlent au plus
grand mépris des ouvriers massivement frappés non seulement par le chômage
massif mais par une précarité grandissante de toutes leurs conditions de vie,
qu'ils aient ou non du travail.
Les méthodes de la bourgeoisie pour abaisser le nombre de
chômeurs… indemnisés
Le chômage, avec tout ce que cela entraîne, est devenu une source d'angoisse majeure au sein des familles ouvrières. Tous les plans gouvernementaux depuis vingt ans se sont efforcés d'en masquer l'importance par des traficotages en tous genres, tout en s'acharnant à attaquer résolument les chômeurs. Plans emploi-jeunes par-ci, flexibilité et baisse ou blocage des salaires avec les 35 heures par là, contrats d'avenir, RMI, RMA, PARE, etc., ont fait travailler les spécialistes en fumisterie de la bourgeoisie. S'il n'y aura pas de baisse du chômage dans les années qui viennent, par contre, une politique qui va vers encore plus de contrôle et de répression se prépare. Pour ce faire, les services de l'Etat, l'ANPE et les Assedic (1) vont être rationalisés pour mettre en place les dispositifs des lois Borloo.
L’ANPE met ainsi en service, cette année, un nouveau système d’information appelé Géode qui devrait permettre un meilleur flicage des demandeurs d’emplois, qui devront s’adapter aux offres et aux conditions des entreprises sur le marché de l’emploi. L’objectif officiel d’une telle démarche est d’être plus efficace dans le placement des chômeurs, mais le but le plus important est la surveillance des chômeurs en vue de leur radiation et la suppression de leur indemnisation en lien avec les Assedic et l’Unedic (2) .
L’Unedic, aux déficits abyssaux, veut diminuer et rationaliser à outrance tous ses coûts. Sur le plan interne, les départs à la retraite ne seront pas tous remplacés et tout le fonctionnement des services va être restructuré de manière à faire plus avec moins de personnel. Le gouvernement fait passer ces mesures "internes" comme autant des mesures positives pour les chômeurs, appelés dorénavant "clients". Elles doivent en fait servir à mettre en place toute une panoplie de mesures de contrôle par le biais d'un fichier unique des entreprises en France. Les Assedic doivent tout faire pour qu'un chômeur reste le moins possible au chômage, non pas à travers l’embauche effective, mais surtout en les rayant des allocations. S'il est inscrit sur un poste de travail "porteur", c'est-à-dire pour lequel il y a de la demande (maçon, boucher...), il ne doit pas rester plus de quelques semaines au chômage. Et pas question qu'il fasse des formations. C'est gaspiller de l'argent ! Le calcul de l'Assedic est simple : un salarié qui cotise à l'Assedic rapporte en moyenne 1500 € par an ; un salarié au chômage coûte à l'Assedic en moyenne 14700 € par an. Il faut que le chômeur cesse de l'être, en acceptant n'importe quoi, n'importe où, à n'importe quelles conditions, sinon il sera rayé de la liste des demandeurs d’emploi. Jusqu'à présent, les chômeurs étaient convoqués pour un entretien tous les 6 mois, maintenant, il y aura d'autres entretiens périodiques, en coordination avec l'ANPE.
Pour faire passer les nouvelles normes, l'article le plus controversé de la loi Borloo stipulant qu'un chômeur perdrait ses indemnités s'il refusait plusieurs propositions d'emploi a été retiré à grands renforts de publicité. Mais cette disposition revient hypocritement par la fenêtre, puisque l'Assedic se réserve le droit de signaler pour sanction à la Direction Départementale du Travail tout chômeur ayant refusé de prendre un emploi qui lui a été proposé. Et l'Unedic demande que les Assedic puissent elles-mêmes sanctionner les chômeurs "récalcitrants". Une véritable pression va être mise sur ceux-ci pour qu'ils prennent l'emploi qui leur sera proposé, sous peine de sanctions. Comme le dit le directeur général de l'Unedic dans le quotidien économique La Tribune du 18 avril : "Quand on regarde comment les personnes privées d'emploi vivent les premiers mois de chômage, on constate une forte passivité. Il faut dégripper le marché du travail." Aussi, le remède appliqué contre cette grippe sociale sera plus fort que jamais et être administré à coups de contrôles toujours plus stricts, entraînant de nombreuses radiations à une échelle encore plus large.
Une aggravation sans fin
A côté du chômage, le sous-emploi est devenu la norme. Le travail à temps partiel ne cesse d'augmenter et les contrats à durée indéterminée (CDI) sont devenus une denrée rare. Aujourd'hui, 17,6 % des emplois sont à temps partiel, 4,7 % en CDD et 2,6 % en intérim, autant de chiffres qui ont doublé en vingt ans. Déjà, "sur les 90 000 emplois crées en 2004, plus de la moitié (50 000) est bien en dessous des 35 heures." (Insee). Depuis le début de l’année, la proportion des emplois à temps partiel et à très bas salaires est passé aux deux-tiers des emplois créés. 30 % du total national des embauches envisagées pour 2005 sont liés à des activités uniquement saisonnières.
Pourtant, les pouvoirs publics affichent cyniquement un prétendu "recul de la pauvreté" en France. Depuis trente ans, le taux de pauvreté aurait été divisé par deux et "seulement" 6,1 % de la population vivrait sous le seuil de pauvreté. Or, ce seuil a été ramené à 602 euros par mois contre 650 en 2003 (tandis que les prix à la consommation ont fortement augmenté depuis). En réalité, ce sont plus de 7 millions de gens qui constituent les "ménages pauvres", c'est-à-dire 12,4 % des familles.
Dans un tel contexte, la durée d'indemnisation du chômage, constamment réduite, s'est encore brutalement raccourcie depuis 2003. Conséquence : une véritable explosion des demandes du RMI, dont les "bénéficiaires" ont dépassé le million en 2004.
Les programmes de "lutte contre la pauvreté" n'ont pour but que d'essayer d'instaurer une situation de pauvreté "supportable" et d'y installer les "pauvres", qu'ils soient anciens, nouveaux ou futurs, tout en réduisant le coût financier de cette misère. Fin mars, Borloo lançait ainsi un nouveau gadget : le "contrat d'avenir" qui "offre" aux "bénéficiaires" des minima sociaux un travail, c'est-à-dire 26 heures par semaine payées au SMIC horaire afin, dit-il, de faire "retrouver le goût du travail". Dans la même veine, il fixe un "revenu de solidarité active" (RSA) pour "favoriser le retour à l'emploi", dans le cadre d'un combat contre la "notion de travailleur pauvre" et pour l'éradication de la pauvreté des enfants (un million en France !) d'ici 2020. En réalité, ces deux mesures visent à diminuer les aides sociales et à faire en sorte qu'une frange de plus en plus importante de la classe ouvrière s'englue définitivement dans le travail à temps partiel.
Tous ces saupoudrages sont présentés à grand renfort de propagande, dans laquelle "on institutionnalise le sous-emploi (…), une propagande agrémentée par un discours de culpabilisation, (…) comme la justification économique du travail ne fonctionne plus –on ne gagne pas sa vie à travailler à mi-temps- on la remplace par une justification morale et culpabilisante. "Il est obscène de ne pas travailler", assènent ces discours." (Robert Castel, sociologue, dans Libération du 4 avril)
La bourgeoisie veut anticiper la réaction de la classe ouvrière
Dans les mois à venir, il va y avoir des nouvelles vagues de licenciements dans un contexte social de plus en plus tendu. D'un coté, la bourgeoisie est obligée de rendre l'indemnisation du chômage moins chère et les conditions d'allocation plus dures. Ainsi, les organisations patronales et plusieurs syndicats, CFDT, CGC, CFTC ont signé un accord portant sur la "convention de reclassement personnalisée", la CGT et FO disant qu'elles réfléchissaient avant de le signer. Cette convention est une attaque supplémentaire qui prévoit d'indemniser les salariés licenciés pour motif économique à hauteur de 80% du salaire brut antérieur pendant 4 mois, et ensuite 65% pendant 2 mois. Le ministre Borloo lui-même, en prévision d'une situation de plus en plus catastrophique pour l'emploi dans les mois qui viennent, a demandé une étude sur les licenciements économiques en vue d'adoucir cette convention, en indemnisant les salariés licenciés pour motif économique à hauteur de 80% mais pendant 8 mois seulement ! Ceci signifie clairement deux choses : la bourgeoisie sait qu'il va y avoir une déferlante de licenciements dans les mois à venir. Elle sait aussi que dans le contexte actuel, elle doit se préparer à une réponse de la classe ouvrière, car quelque chose de profond est en train de mûrir au sein de celle-ci. Le chômage est l'expression la plus flagrante de la faillite du système capitaliste.
"En rejetant de la production des masses sans cesse croissantes de prolétaires, le capitalisme mondial dévoile son vrai visage : celui d'un système qui n'a plus rien à proposer à l'humanité qu'une misère et une barbarie toujours plus effroyables. Il fait la preuve de sa faillite historique.
Ce système ne peut donner un travail et un salaire aux ouvriers, se servir de leurs bras et de leur cerveau, que lorsqu'il a les moyens de surmonter ses crises. Aujourd'hui, s'il plonge des dizaines de millions de prolétaires dans le dénuement le plus total, s'il condamne les deux tiers de l'humanité à la famine, c'est justement parce qu'il n'est plus capable de résoudre les contradictions qui l'assaillent.
Les ouvriers doivent oser regarder la réalité en face : un système qui menace la survie de l'espèce humaine, non parce qu'il ne produit pas assez, mais parce qu'il produit trop, est une absurdité." (3)
Pinto (23 avril)
1) Les Assedic s'occupent des indemnisations aux chômeurs.
2) Caisse nationale qui contrôle les Assedic.
3) "Le capitalisme n'a pas de solution au chômage", manifeste du Courant Communiste International, janvier 2004.
"On a gagné!", scandait au soir du 29 mai le "peuple de gauche", sur la place de la Bastille. "Cette victoire est avant tout celle des ouvriers, des employés, des jeunes, des sans-emploi (qui ) se sont ainsi rassemblés jusque dans les urnes pour rejeter cette camisole libérale", déclarait Marie-George Buffet, secrétaire nationale de PCF , ajoutant : "Cette victoire s'est construite (…) dans une dynamique de rassemblement populaire qui évoque les grands moments du Front populaire ou de mai 1968" ; "C'est un triomphe de l'Europe des citoyens" proclamait David Assouline, député PS partisan du Non ; "C'est une victoire contre les élites politico-médiatiques", renchérissait Bernard Cassen d'Attac tandis que le trotskiste Besancenot de la LCR évoquait un "mouvement de revanche sociale" ; "C'est un Mai 68 dans les urnes", déclarait même un commentateur européen.
La gauche est en première ligne pour présenter la victoire du Non au référendum sur la Constitution européenne comme "une grande victoire de la classe ouvrière". Mensonge ! Pure escroquerie idéologique ! La classe ouvrière n'a rien gagné. Au contraire, elle a été piégée, poussée hors de son terrain de classe dans une impasse. La bourgeoisie a exploité ses échéances électorales afin de pourrir la conscience ouvrière en profitant des illusions encore très fortes dans les rangs des prolétaires envers la démocratie et le terrain électoral.
Les prolétaires doivent apprendre à tirer les leçons des expériences amères de leurs aînés. Ils doivent se souvenir que ce qui leur a toujours été présentée comme de "grandes victoires ouvrières", a toujours représenté les pires défaites et les plus dangereuses pour leur classe. Ainsi, en 1936, cet avènement du gouvernement de Front populaire encore aujourd'hui présenté comme une "grande victoire" pour les ouvriers, alors que ce gouvernement de Front populaire a permis à la bourgeoisie d'embrigader massivement derrière le drapeau de l’anti-fascisme les ouvriers dans les horreurs et les massacres de la Seconde Guerre mondiale. C'est au nom du grand mensonge du "triomphe de la dictature du prolétariat", "de la victoire du socialisme dans un seul pays"" et des "avancées dans la construction d'une société communiste" que des générations entières de prolétaires ont été entraînés et sacrifiés sur l'autel de la contre-révolution stalinienne pendant plus d'un demi-siècle derrière une idéologie de la "défense de la patrie socialiste", mais aussi exploités, massacrés, déportés, emprisonnés par " la patrie du socialisme". Plus près de nous, ils doivent garder en mémoire l'euphorie trompeuse qui a suivi l'élection de Mitterrand en 1981.
Les prolétaires sont tombés dans le piège qui lui présentait cette consultation électorale comme un enjeu pour elle. Rien n'est plus mensonger. La bourgeoisie exploite aujourd'hui cette situation pour accentuer son avantage et intoxiquer davantage la conscience des ouvriers, en lui faisant croire que le bulletin de vote serait plus efficace que la lutte de classe, même si les effets de cette propagande ne peuvent que s'effacer très rapidement face à la réalité.
L'énorme et incessant battage électoral sur le référendum, matraqué pendant plus de trois mois, n’avait qu’un seul but : faire avaler aux prolétaires le grossier mensonge selon lequel le moyen le plus efficace de faire reculer la bourgeoisie et de faire entendre leur voix, d'exprimer leur ras le bol, n’était pas le développement de la lutte de classe mais le bulletin de vote.
Une campagne idéologique mensongère
De l'extrême droite aux organisations gauchistes, l'incessant battage idéologique, dramatisé à souhait depuis plus de trois mois, ne visait qu'à attirer et à rabattre un maximum de prolétaires sur le terrain électoral.
En effet, la bourgeoisie aura réussi à polariser l'attention des ouvriers, à semer les pires confusions, à brouiller les pistes pour ramener un maximum d'ouvriers sur le terrain électoral. Le référendum était omniprésent dans tous les médias. Il n'était pas possible d'échapper aux virulents débats, aux polémiques enflammées sur les supposés enjeux de ce scrutin. Ce matraquage idéologique tentait de persuader chaque "citoyen", surtout chaque prolétaire, que cette consultation représentait un enjeu absolument crucial et déterminant. Toutes les fractions de la bourgeoisie se sont ainsi félicitées d'avoir pu lancer et animer "un grand débat démocratique" dont le seul résultat aura été de déboussoler, de semer un maximum de confusion et d'illusions dans la tête des ouvriers. Tous les médias et certains responsables politiques l'ont proclamé : "votez oui ou votez non mais votez ! ". Le principal poison idéologique distillé dans cette campagne a été de faire croire que "rien ne serait plus comme avant", que la montée du Non, dopée par le mécontentement social envers le gouvernement, avait contraint la bourgeoisie à mettre la préoccupation sociale au centre de sa campagne. Cela est en partie vrai, mais le seul but de cette manœuvre était de pousser les ouvriers dans le piège démocratique, dans le piège électoral, dans la mesure où, auparavant, cette campagne suscitait à juste titre l'ennui et le désintérêt le plus complet au sein de la classe ouvrière. C'est à partir du moment où la bourgeoisie est parvenue à canaliser le mécontentement social autour du référendum, à faire croire qu'elle pouvait reculer en retirant la directive Bolkestein (le gouvernement cédant même quelques miettes dans les conflits sociaux) qu'elle est parvenue à relancer et à redonner un nouveau souffle à la mystification démocratique et au terrain électoral. Mais, maintenant la bourgeoisie voudrait nous faire croire que dans l'après-référendum, désormais, la parole, la priorité, seront au social. C'est un mensonge. Plus que jamais, l'avenir que nous réserve le capitalisme, c'est l'intensification des attaques anti-ouvrières. Cette propagande idéologique cherche à faire prendre des vessies pour des lanternes, faire croire que la réaction "citoyenne" peut changer le cours du capitalisme, infléchir la bourgeoisie et barrer la route au libéralisme et aux délocalisations. La politique gouvernementale ne va pas changer d'un poil.
Le principal objectif de la bourgeoisie vis-à-vis des prolétaires dans n'importe quelle élection est de les pousser à abandonner le terrain collectif de la lutte de classe pour s'exprimer en tant que "citoyen", atomisés, sans appartenance de classe, dans le bien nommé "isoloir," sur un terrain pourri d'avance et qui n'est nullement le leur, mais celui de la bourgeoisie. Pour la classe ouvrière, le terrain électoral est un piège idéologique destiné à semer les pires confusions et à empêcher le développement de sa conscience de classe.
Les élections ne sont qu'une mystification
Il n'en a pas toujours été ainsi. Au 19e siècle, les ouvriers luttaient et se faisaient tuer pour obtenir le suffrage universel. Aujourd'hui, inversement, ce sont les gouvernements qui mobilisent tous les moyens dont ils disposent pour que le maximum de citoyens aillent voter. Pourquoi ?
Pendant la période d'ascendance du capitalisme, les parlements représentaient le lieu par excellence où les différentes fractions de la bourgeoisie s'affrontaient ou s'unissaient pour défendre leurs intérêts. Malgré les dangers et les illusions que cela pouvait entraîner, les travailleurs, dans une période où la révolution prolétarienne n'était pas encore à l'ordre du jour, avaient intérêt à intervenir dans ces affrontements entre fractions bourgeoises et, au besoin, soutenir certaines fractions bourgeoises contre d'autres, afin de tenter d'améliorer leur sort dans le système. C'est ainsi que les ouvriers en Angleterre ont obtenu la réduction à 10 heures de leur journée de travail en 1848, que le droit syndical a été reconnu en France en 1884, etc.
Mais la situation est devenue totalement différente depuis le début du 20e siècle. La société capitaliste est entrée dans sa période de crise permanente et de déclin irréversible. Le capitalisme a conquis la planète et le partage du monde entre les grandes puissances est terminé. Chaque puissance impérialiste ne peut s'approprier de nouveaux marchés qu'aux dépens des autres. Ce qui s'ouvre, c'est une nouvelle "ère des guerres et des révolutions", comme le déclarait l'Internationale Communiste en 1919, une ère marquée par les effondrements économiques comme la crise de 1929, les deux guerres mondiales et l'irruption révolutionnaire du prolétariat en 1905 en Russie, de 1917 à 1923 en Russie, Allemagne, Hongrie, Italie. Pour faire face à ses difficultés croissantes, le capital est contraint de renforcer constamment le pouvoir de son Etat. De plus en plus, l'Etat tend à se rendre maître de l'ensemble de la vie sociale et, en premier lieu, dans le domaine économique. Cette évolution du rôle de l'Etat s'accompagne d'un affaiblissement du rôle du législatif en faveur de l'exécutif. Comme le dit le deuxième Congrès de l'Internationale Communiste : "Le centre de gravité de la vie politique actuelle est complètement et définitivement sorti du Parlement."
Pour les travailleurs, il ne peut plus être question de s'aménager une place dans le capitalisme mais de le renverser dans la mesure où ce système n'est plus capable de leur octroyer ni réformes durables ni amélioration de leur sort.
Pour la bourgeoisie, le parlement est devenu tout au plus une chambre d'enregistrement de décisions qu’elle prend ailleurs.
Reste un rôle idéologique de l'électoralisme qui reste déterminant . La fonction mystificatrice de l'institution parlementaire existait déjà au 19e siècle mais elle se situait au second plan, derrière sa fonction politique. Aujourd'hui, la mystification est la seule fonction qui reste pour la bourgeoisie : elle a pour but de faire croire que la démocratie est le bien le plus précieux, que l'expression de la souveraineté du peuple, c'est la liberté de choisir ses exploiteurs. La démocratie parlementaire et surtout la mystification de l'idélologie démocratique reste le meilleur moyen d'empoisonner la conscience ouvrière et l'arme idéologique la plus efficace et dangereuse pour domestiquer le prolétariat.
Les attaques antiouvrières n'ont pas cessé au cours de ces derniers mois et dès le lendemain de cette échéance électorale, les prolétaires verront leurs conditions de vie et de travail se détériorer encore plus fortement et rapidement. La bourgeoisie cherche à gagner du temps pour repousser les échéances de confrontations plus massives avec le prolétariat. Elle est amenée de plus en plus à trouver des parades idéologiques et à déployer le maximum d'efforts pour freiner la prise de conscience de la faillite du système capitaliste au sein de la classe ouvrière. Comme nous l'écrivions le mois dernier, "le résultat de ce vote ne changera pas quoi que ce soit à l'intensification des attaques antiouvrières menées par les différentes bourgeoisies nationales, à l'accélération de la dégradation des conditions de vie des prolétaires, aux licenciements, aux délocalisations, à la montée du chômage et de la précarité, à l'amputation de tous les budgets sociaux, au démantèlement accéléré de la protection sociale. Ce sont les produits de la crise et les manifestations de la faillite du système capitaliste au niveau mondial".
Face à l'angoisse de l'avenir qui est au cœur des préoccupations ouvrières actuelles, la réponse n'est ni sur le terrain électoral ni de la démocratie, il est dans le développement de la lutte de classe, le seul terrain sur lequel les ouvriers peuvent répondre aux attaques de la bourgeoisie.
Wim (30 mai)
Il y a 60 ans, le 8 mai 1945, jour même de l'armistice qui signait la victoire pour les Alliés, la "victoire de la liberté et de la démocratie" sur le nazisme, l'Etat français déchaînait ses forces de répression en Algérie, dans le Constantinois, à l'est du pays. La perspective de retrouver un monde en paix était déjà devenue une pure illusion. La barbarie n'était pas morte, elle ne s'était pas éteinte avec la chute du nazisme mais était bel et bien le pain quotidien du monde capitaliste dont les Etats démocratiques, avec leurs appétits impérialistes insatiables, étaient les plus gros consommateurs. En mai 1945, comme dans tout l'empire colonial français, la manifestation pour célébrer "la victoire des forces démocratiques" était précisément d'abord une manifestation pour réclamer du pain, rationné deux fois plus pour les Algériens que pour les Français. Les partis nationalistes qui exploitaient ce mécontentement avaient appelé à cette manifestation, notamment les dirigeants "modérés" des AML (Amis du Manifeste et de la Liberté) de Ferhat Abbas et aussi les nationalistes plus radicaux du Parti Populaire Algérien (PPA) interdit dès 1939 et dont le leader Messali Hadj se trouvait déjà emprisonné. A Sétif, la manifestation rassemblait de 8 à 10 000 personnes. Un drapeau national algérien est brandi malgré l'interdiction d'arborer des banderoles ou des slogans anti-coloniaux, et son porteur est mitraillé sur-le-champ. Cet événement est le point de départ des émeutes. Les tueries s'engagent des deux côtés. Une atroce et sanglante répression s'ensuivit. En deux mois, 102 Européens étaient massacrés. Du côté algérien, le chiffre des morts -même approximatif- n'a jamais pu être établi, les chiffres des historiens variant généralement entre 15 et 45 000 victimes. Déjà, des incidents s'étaient produits à l'occasion des manifestations du 1er mai précédent à Bône, Oran, Alger faisant 4 morts et 13 blessés. Le débarquement anglo-américain et les encouragements des Américains, hostiles à la présence coloniale française, avaient dopé les revendications des leaders nationalistes algériens. Dès février 1943, Ferhat Abbas avait publié un Manifeste du peuple algérien qui réclamait une "Constitution égalitaire entre race et religion pour le peuple algérien". En juin 1943, un additif demandait la création d'un Etat algérien à la fin de la guerre avec participation des leaders nationalistes au gouvernement. Le gouvernement français d'union nationale présidé par de Gaulle envoie des renforts de blindés terrestres, la marine dépêche des croiseurs qui pilonnent les villes côtières (Bejaïa, Kherrata, Djidjelli), l'aviation est utilisée pour l'intérieur du pays : 28 avions effectuent des raids sans relâche et bombardent pendant deux mois les régions de Guelma, de Sétif et de Constantine, détruisant entièrement 44 villages. Dans les villes, plusieurs quartiers populaires particulièrement visés ont été réduits en cendres. A Constantine, à la fin de l'été, la fosse commune se remplit encore de cadavres. La terreur règne sur la région avec multiplication d'opérations et de représailles en tous genres : exécutions de masse, pillages, tortures, maisons incendiées … La police mais aussi des milices civiles de colons participent à activement à la répression. Voilà qui en dit long sur le caractère "libérateur" des alliés et le sens à donner à "la défense de la démocratie et de la civilisation" dont se sont parés ces défenseurs et les champions des libertés démocratiques contre la barbarie nazie.
Le 8 mai dernier, le ministre des Affaires étrangères français, Michel Barnier, évoquait au nom de l'amitié franco-algérienne la nécessité "d'examiner ensemble le passé afin d'en surmonter les pages les plus douloureuses pour les deux peuples", évoquant les massacres et la répression des émeutes dans l'Est de l'Algérie. Il faisait suite aux propos de l'ambassadeur de France il y a quelques mois qui, lors d'une visite à Sétif, avait parlé d'une "tragédie inexcusable" à propos de cet événement.
L'évocation de cette sorte de "repentance" est aussi hypocrite qu'intéressée. La France, dont les intérêts impérialistes sur le sol africain sont de plus en plus menacés (Côte d'Ivoire, Togo), entend aujourd'hui préserver et resserrer ses liens au Maghreb avec le président Bouteflika dont le régime paraît aujourd'hui un peu plus renforcé et stabilisé, alors que les positions des islamistes se retrouvent considérablement affaiblies dans le pays. Mais surtout, la bourgeoisie se garde bien aujourd'hui encore de rappeler le fait que cette sanglante répression a été assumée par l'ensemble des forces politiques françaises au sein d'un gouvernement d'union nationale et en particulier par les partis de gauche ; comme le "libérateur" de Gaulle, le parti socialiste (à l'époque SFIO) devait pleinement assumer, plus tard, la guerre d'Algérie. D'ailleurs, le gouverneur général de l'Algérie en 1947, Chataigneau qui commandait sur place l'armée de tueurs était présenté comme un socialiste. Mais c'est aussi le PCF qui a loué un rôle de premier plan dans les massacres. Dès le début, dans les colonnes de L'Humanité, le parti stalinien déclarait, au même titre que Chataigneau, que "les auteurs des troubles étaient d'inspiration et de méthodes hitlériennes." Il parlera aussi "de provocation fomentée par les grands trusts et par les fonctionnaires vichystes encore en place". Le porte-parole du PCF, Etienne Fajon, déclarait encore à la tribune de l'assemblée nationale le 11 juillet : "les tueries de Guelma et de Sétif sont la manifestation d'un complot fasciste qui a trouvé des agents dans les milieux nationalistes." Alors que de Gaulle avait demandé "de prendre toutes les mesures nécessaires pour réprimer les agissements d'une minorité d'agitateurs", le bureau politique du PCF publiait un communiqué le 12 mai déclarant : "il faut tout de suite châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l'émeute" au nom de la défense "de la république française, métropole et territoires d'outre-mer, une et indivisible." Dans un tract signé par cinq membres du comité central et distribué sur le sol algérien, il appelle à une chasse aux sorcières et lance de véritables appels au meurtre et aux pogroms en exigeant de "passer par les armes les instigateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l'émeute. Il ne s'agit pas de vengeance ni de représailles. Il s'agit de mesures de justice. Il s'agit de mesures de sécurité pour le pays". Ainsi une milice mise sur pied par le PC et la CGT servit d'auxiliaire à la police et à l'armée pour massacrer entre 500 et 700 "rebelles musulmans". Et pour couronner le tout, c'est le ministre stalinien de l'aviation Charles Tillon ("héros de la Résistance" en tant qu'ex-chef des FTP), qui a directement ordonné le bombardement des régions de Sétif et de Guelma.
Le PCF devait d'ailleurs continuer à jouer ce rôle au début de la guerre d'Algérie, notamment lorsqu'il vota le 12 mars 1956 les "pouvoirs spéciaux" au gouvernement du socialiste Guy Mollet qui allait donner les moyens à l'Etat français d'intensifier la guerre sur le sol algérien.
Mais les menées criminelles de l'Etat français "libre" et "démocratique" ne s'arrêtent pas là, elles auront encore l'occasion d'exercer d'autres massacres pour mater plusieurs rébellions nationalistes anti-coloniales dans la seule période de l'immédiate après-guerre à Haïphong en 1946, à Casablanca en 1947, en Côte d'Ivoire en 1949.
Le plus grand massacre, beaucoup moins connu que celui de Sétif eut lieu à partir du 30 mars 1947 à Madagascar, donnant lieu au pires atrocités. Le nombre de victimes de la répression a atteint le chiffre vertigineux de 89 000 morts en vingt et un mois, selon les comptes officiels de l'état-major français. Le 29 mars, près de 2000 insurgés malgaches attaquent un camp militaire de l'armée française, en grande partie composée de tirailleurs sénégalais, à proximité d'un réseau ferroviaire devant servir de relais pour les troupes expédiées en Indochine où la France faisait face à la guérilla du Vietminh. Les insurgés liquident des officiers et bénéficient du soutien d'une bonne partie de la population. En même temps dans le sud du pays, d'autres insurgés s'emparent du terminus côtier de la voie ferrée qui la relie à Fianarantsoa. Le lendemain, la riposte de l'armée est terrible : toute la population malgache du village de Moramanga est massacrée, des centaines de cadavres jonchent le sol, les maisons sont incendiées, le bourg est réduit en cendres. Il n'y a pas un seul survivant. Avec l'arrivée de renforts, c'est toute la région qui fait l'objet de représailles terribles, avec une cruauté effroyable. En trois jours, il y a des milliers de morts. Des prisonniers sont chargés à bord d'avions et lâchés vivants au dessus des villages dissidents comme "bombes démonstratives" pour terroriser les populations locales. A d'autres endroits, les rebelles enfermés dans des caves sont brûlés vifs. A Fianarantsoa, une fausse tentative d'évasion sert de prétexte pour fusiller les insurgés, tout juste faits prisonniers. D'autres sont froidement abattus par centaines dans les prisons ou dans des bâtiments publics. Le cabinet gouvernemental de Ramadier, incluant des ministres socialistes et communistes, vote sans rechigner les crédits permettant le renfort de troupes pour mater l'insurrection : un corps expéditionnaire de 18 000 hommes est levé dès avril, il sera porté ensuite jusqu'à 30 000 soldats. La répression avec tortures, exécutions sommaires, regroupements forcés, viols, pillage, villages incendiés avec femmes, vieillards, enfants brûlés vifs se prolonge pendant 21 mois. C'est d'ailleurs sur ordre du ministre "socialiste" des Colonies, Marius Moutet, que les troupes françaises agissent à Madagascar. Le PCF, quant à lui, se contente de protester contre l'arrestation de trois députés malgaches du MDRM (Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache) sans aller jusqu'à démissionner du gouvernement malgré l'ampleur de la répression.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Etat français couvrait ses crimes et la sordide réalité de la défense de son intérêt national sous le masque héroïque et le prestige de la France de la Libération, de la résistance à la barbarie nazie, tout en se faisant publiquement l'apôtre du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes à la tribune de l'ONU. Aujourd'hui, l'Etat français et ses dignes représentants de gauche comme de droite peuvent bien se confondre en "excuses" et en "regrets" diplomatiques. Dès que leurs intérêts impérialistes le réclament, les nations arrachent brutalement le masque sous lequel elles se présentent d'ordinaire comme les meilleurs défenseurs de la paix, des droits de l'homme, des libertés démocratiques et étalent cyniquement au grand jour toutes les abominations de la barbarie capitaliste qu'elles sont capables de mettre en œuvre.
W (25 mai)
Au lendemain du lundi de Pentecôte, une propagande nauséabonde a eu lieu à l’échelle internationale pour faire croire à la classe ouvrière qu’elle est constituée d’égoïstes irresponsables. Les ouvriers y sont présentés comme des individus pour qui seul le bonheur personnel et immédiat compte au détriment des autres. La lecture des différents quotidiens de la planète est tout simplement édifiante. "Deux ans après la catastrophe et la honte nationale qu’a connu la France durant l’été 2003, des centaines de Français, qui soutiennent, en paroles, la ‘solidarité avec les personnes âgées, refusent de céder un jour de vacances" (The Independent). "Les Français ignorent la condition malheureuse des personnes âgées pour prendre un jour de vacances" (Daily Telegraph). "La majorité des Français a préféré se distraire en ce jour traditionnellement férié plutôt qu’être solidaire" (Clarin, quotidien argentin). Et les journaux français ne sont pas en reste. Le Monde daté du 14 mai distille le même sentiment de culpabilité : "La grande journée de solidarité prévue lundi 16 mai est devenue un imbroglio politique et social assez caractéristique de l’exception culturelle française. Alors que tout, dans ce dossier, est parti de l’émotion considérable née du décès de 15 000 personnes, essentiellement des personnes âgées, lors de la canicule d’août 2003, tout converge aujourd’hui en une fronde ouverte contre la loi qui institue cette fameuse journée de travail offerte pour lever des fonds destinés aux personnes isolées et aux handicapés. Le grand élan de générosité initial a fait pschitt ."
Ce n’est pas un hasard si la bourgeoisie attaque ainsi idéologiquement la classe ouvrière. Elle tente de détruire ce qu’elle hait et craint le plus, la solidarité prolétarienne. Car justement, depuis quelques années, face aux attaques qui ne cessent de pleuvoir, les ouvriers retrouvent progressivement leur unité, tissent à nouveau peu à peu leurs liens de classe. Les luttes à Opel en Allemagne, la réaction des cheminots après l’agression d’une de leur camarade en France (lire RI n°354 et 355) constituent une petite partie des nombreux éléments qui démontrent cette tendance. Et la bourgeoisie saisira la moindre occasion pour briser cette dynamique, instiller la méfiance et la division dans la classe ouvrière.
La propagande culpabilisatrice menée par la bourgeoisie est un amoncellement de mensonges répugnants. Pourquoi le prolétariat n’a-t-il pas participé pleinement, comme un seul homme, à cette journée censée améliorer la prise en charge des personnes âgées et des handicapés ? Tout simplement parce que cette journée est apparue pour ce qu’elle est, une vaste fumisterie ! La classe ouvrière ressent dans sa chair la dégradation continuelle de ses conditions de vie. La profondeur de la crise économique pousse la bourgeoisie à attaquer sans répit le prolétariat, à intensifier toujours plus son exploitation. Ces dernières années, en diminuant de façon drastique les retraites, l’accès aux soins et les indemnités chômage, la classe dominante a d’ailleurs franchi un nouveau cap, celui de rendre précaire et incertaine la survie même de sa main d’œuvre. La classe ouvrière active, chômeuse ou à la retraite, subit une dramatique paupérisation. C’est tout le sens des 15 000 morts de l’été 2003 !
La suppression d’un jour férié n’a donc rien à voir avec une quelconque solidarité. Au contraire, elle fait partie de ce cortège d’attaques. Son but n’est absolument pas d’améliorer en quoi que ce soit les prises en charges médicalisées des personnes âgées. Aux yeux de la bourgeoisie, la vie d’un retraité n’a aucune valeur puisque celui-ci ne peut plus être exploité. Il est un travailleur hors d’usage, un poids pour le capital. Cette journée supplémentaire de travail ne créera pas un seul lit, pas une seule embauche d’infirmière, d’aide-soignante ou de gérontologue. On peut même être certain que les soins et leur remboursement vont continuer à se dégrader. Certes, ce lundi de Pentecôte non chômé a permis de verser 2 milliards d’euros environ pour cette année 2005 dans une nouvelle caisse tout spécialement constituée, la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie). Mais sur le terrain, cela n’induira en rien une augmentation des crédits. Il est en effet déjà prévu que la Sécurité Sociale diminue ce qu’elle consacre aux personnes âgées et aux handicapés selon le bon vieux principe des vases communicants. Ce qui est versé d’un côté est retiré de l’autre, tout simplement. Plus fort encore. Une partie de l’argent va carrément être placé au lieu de venir combler la pénurie médicale partout criante. Le Secrétaire d’Etat a même eu le culot de justifier cette immense arnaque sans le moindre état d’âme : "Nous avons de l’argent. Au lieu de tout dépenser à mauvais escient (sic !), nous le plaçons. Cela nous rapportera d’ailleurs des intérêts". Ainsi, quand les Chirac, Raffarin et consorts pleurent le cœur sur la main les 15 000 morts et instaurent une journée de ‘solidarité’, le cynisme atteint des profondeurs sans fond ! Et il ne faut pas croire que les partis de gauche, drapés de leurs valeurs humanistes, portent une autre perspective. L’arnaque de Raffarin n’est qu’une resucée de la vignette automobile instituée par le socialiste Guy Mollet en 1956, déjà elle aussi au nom de l’aide aux personnes âgées. Les protestations actuelles du PS ne portent en réalité que sur la forme de l’attaque. Ce que ce groupe déplore, c’est la maladresse du clan chiraquien contre la classe ouvrière. Il est vrai que le Parti Socialiste est passé maître dans l’art de l’esbroufe et de la duperie. Les déclarations de François Hollande en sont un parfait modèle. A grands cris, il juge cette "mesure injuste et imbécile", puis il promet que "si en 2007 nous devions revenir aux responsabilités, nous déciderions de revenir au jour férié", pour enfin proposer ‘sa’ solution "un financement juste […] par le biais de la fiscalité". En d’autres termes, augmenter les impôts, saigner encore un peu plus la classe ouvrière, mais de manière ‘équitable’ !
Finalement, ce qui pourrait apparaître surprenant, c’est le peu de réaction de la classe ouvrière contre cette énième attaque. Il est vrai que la suppression d’un jour férié est sans commune mesure avec l’ampleur de la dégradation des conditions de vie induite par les réformes sur les retraites ou la Sécurité Sociale. Néanmoins, c’est un coup supplémentaire asséné par la bourgeoisie ; cette loi aggrave encore un peu plus les conditions d’exploitation du prolétariat. Il n’y a pourtant eu aucune manifestation réelle, aucune grève significative. Au contraire, ce qui a régné en ce jour de Pentecôte, c’est la division et la cacophonie.
La bourgeoisie a effectivement tout mis en œuvre afin de créer un sentiment de dispersion et d’impuissance chez les ouvriers. Bien sûr, le gouvernement Raffarin avait un intérêt tout particulier à cette dispersion ouvrière. Il n’était pas question pour lui qu’ai lieu une importante manifestation à 15 jours du référendum. Mais il y a une raison bien plus profonde. Face au processus en cours au sein de la classe ouvrière, de la lente mais réelle maturation de sa conscience et de sa combativité, l’ensemble de l’appareil politique de la bourgeoisie s’est saisie de la confusion ponctuelle du prolétariat créée par l’énorme battage médiatique sur le référendum (voir l'article de première page) pour enfoncer un coin. Contre le développement de la solidarité et de la réflexion ouvrière, la classe dominante a exploité une brèche, un moment de déboussolement momentané pour diviser, déboussoler, rajouter un peu de confusion dans la tête des ouvriers. C’est donc main dans la main que le gouvernement, la gauche et les syndicats ont créé un « bordel organisé » en produisant autant de situations différentes qu’il y a de boîtes en France.
D’abord, l’Etat a permis à certains de ses secteurs de ne pas travailler ce jour ou alors en contrepartie de compensations particulières. La Pentecôte a finalement été férié pour la SNCF. Les salariés de la RATP présents ont touché une prime de près de 100 euros. Les conseils généraux d’Ile-de-France, de Champagne-Ardenne, de Picardie, les conseils généraux du Nord, du Pas-de-Calais, du Tarn, des Landes de Seine-et-Marne et des Hautes Pyrénées ont accordé une journée de congé exceptionnelle.
Le message étatique à l’ensemble de la bourgeoisie a donc été fort. Il fallait diviser la classe ouvrière, la diluer dans une multitude de situations particulières. Des grandes entreprises ont ainsi fait ‘cadeau’ de la journée à leur salariés, entre autres : TF1, Shell, Neuf Télécom. D’autres l’ont décomptée comme un jour de RTT : Basf, le siège de Renault, la Société Générale, le Crédit Lyonnais…
Mais le travail n’aurait pas été complet sans l’apport des syndicats. Ils ont effectivement été les premiers acteurs de la confusion sur le terrain. La bourgeoisie française peut encore une fois tirer son chapeau et dire un grand merci à ses chiens de garde. Chaque centrale a proposé des modes d’action différents. La CGT a appelé à des arrêts de travail, FO à des arrêts de travail et à des grèves suivant les situations, l’UNSA a soutenu toute initiative et la CFDT a déclaré la grève anti-constitutionnelle. Et pour finir d’atomiser les ouvriers, "les syndicats, soucieux de garder une dimension festive à leurs manifestations en ce lundi de Pentecôte d’un nouveau genre, avaient appelé à des pique-niques en famille, parties de pêche et autres repas champêtres ‘revendicatifs’" (Le Monde du 17/05/05). Un chef d’œuvre de division syndicale !
Cette journée de Pentecôte laisse un goût amer. Il en ressort un sentiment d’éclatement, une absence de réaction, l’impression de s’être fait avoir sans réagir. C’est le résultat de tout le travail de sape du gouvernement, de la Gauche et des syndicats. Néanmoins, les rancœurs s’accumulent et les attaques qui vont continuer à s’abattre sur une classe ouvrière redressant peu à peu la tête préparent d’importants lendemains de luttes qui porteront bien haut le drapeau de la solidarité prolétarienne.
Pawel (23 mai)
1000 morts ou plus, environ 2000 blessés, des milliers de réfugiés qui ont fui vers le Kirghizstan voisin, c’est l’horrible bilan, connu à ce jour, de la féroce répression menée par l’armée ouzbek contre les émeutes populaires (1), qui ont eu lieu le 13 mai dans plusieurs villes ouzbèkes de la vallée de Ferghana, notamment Andijan, Pakhtabad et Kara Su. L’armée n’a pas hésité à utiliser des blindés, des hélicoptères et à tirer à la mitrailleuse lourde sur une manifestation rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes dont beaucoup de femmes et d’enfants. L’armée a achevé les blessés d’une balle dans la tête et la police politique a procédé à des centaines d’arrestations et de détentions arbitraires. Fidèle aux méthodes staliniennes de sa Russie d’origine, le gouvernement du despote Karimov a tout fait pour falsifier les événements, imposant une véritable chape de plomb sur les médias dés le début des émeutes, puis présentant ce carnage comme la réponse à un soulèvement armé islamiste. C’est cette version que les gouvernements américain, russe, chinois et européens ont cautionnée dans un premier temps, puis de façon plus "critique" lorsque les témoignages de certains rescapés de cette tragédie ont commencé à circuler. C’est avec un cynisme des plus abjects que les grandes démocraties, pour défendre leurs intérêts de brigands impérialistes, soutiennent les exactions que Karimov a perpétrées au nom de la lutte contre le terrorisme, tout en lui demandant d’envisager d’entreprendre quelques réformes démocratiques (2). Feignant l’indignation, comme après chaque massacre engendré par la barbarie du capitalisme, les organisations internationales comme l’ONU, l’OSCE et les multiples ONG réclament une enquête. Face à de tels mensonges et à la propagande bourgeoise qui réduit de tels événements aux affres du terrorisme ou aux comportements sanguinaires du tyran Karimov, il est nécessaire de comprendre que cette sanglante répression s’explique comme étant à la fois le produit de l’héritage du stalinisme, de la tendance à la décomposition de la société capitaliste et du chaos que génère l’exacerbation des tensions militaires entre les différents Etats à l’échelle mondiale et notamment en Asie centrale, qui est une zone stratégique sur ce plan là.
Historiquement, les républiques d’Asie centrale ont été créées par Staline en 1924. Ce "charcutage" était, en fait, exactement semblable à celui auquel avait procédé la France dans ses possessions d’Afrique noire, au fur et à mesure de l’avancement de sa conquête coloniale du 19e siècle. Cette mosaïque artisanale a tenu du fait de la terreur stalinienne exercée sur les populations jusqu’à la dislocation de l’URSS et l’indépendance des républiques d’Asie centrale en 1991. Avec la disparition de ce corset de fer, c’est une véritable boîte de Pandore qui s’est ouverte. La géographie absurde issue de la désagrégation de l’URSS fait que la région la plus riche et la plus peuplée, la vallée du Ferghana, est un lieu de discorde : partagée entre l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan, découpée en d’innombrables enclaves propices aux conflits frontaliers, c’est un foyer permanent de tensions ethniques et religieuses. Cet enchevêtrement ne peut que déboucher sur des conflits comme dans le Caucase. C’est l’exemple en 1990, des violences dans le sud du Kirghizstan, entre Ouzbeks et Kirghizes, faisant des centaines de victimes ou de la guerre civile au Tadjikistan qui a fait 50 000 morts entre 1992 et 1997. A tout moment le risque d’affrontements ethniques est présent, d’autant plus qu’il existe des querelles entre ces trois républiques du Ferghana pour le partage des terres, de l’eau et pour le contrôle des trafics d’armes et de drogues en provenance de l’Afghanistan frontalier. Dans ce contexte chaotique, la guerre en Afghanistan qui a opposé l’alliance du Nord aux talibans a eu des répercussions importantes sur l’Asie centrale, notamment par le développement d’une multitude de groupes islamiques qui vont accentuer les rivalités et tensions entre les différentes républiques et entraîner une partie des populations dans de nouveaux massacres. Cette situation particulièrement dramatique pour les couches populaires est aggravée par la gestion autoritaire de ces Etats car la plupart des dirigeants sont d’anciens apparatchiks staliniens. En Ouzbékistan, c’est le clan familial de Karimov et de ses fidèles qui se sont accaparés les secteurs producteurs de richesses, essentiellement les matières premières, et la corruption y fait figure de loi. La population vit avec 10 à 20 dollars par mois, et le PIB par habitant a chuté de plus de 40% depuis 1998. La population se retrouve ainsi prise en étau, entre le choix de la peste ou du choléra, soutenir les anciens parrains staliniens ou suivre les multiples officines islamistes. Cette paupérisation de la population, sur fond de dislocation des républiques qui composent l’Asie centrale, produit de la décomposition du capitalisme, fait de cette région une véritable poudrière. L’intervention américaine en 2001 en Afghanistan au nom de la guerre contre le terrorisme va constituer un puissant accélérateur de cette déstabilisation, d’autant plus que la préoccupation de l’Oncle Sam n’est pas de ramener la paix dans cette région, mais de défendre son leadership.
"Les Etats-Unis s’installent en Asie centrale avec l’intention d’y rester, non seulement en Afghanistan mais aussi dans deux ex-républiques soviétiques voisines ( le Tadjikistan et l’Ouzbékistan). Ceci suppose une menace claire envers la Chine, la Russie, l’Inde et l’Iran. Mais la portée de l’événement est bien plus profonde : il est un pas dans la création d’un véritable encerclement des puissances européennes -un "remake" de la vieille politique "d’endiguement" déjà employée à l’encontre de l’URSS. Les hautes montagnes d’Asie Centrale permettent le contrôle stratégique du Moyen-orient et de l’approvisionnement en pétrole, élément central de l’économie et de l’action militaire des nations européennes" (Revue Internationale, n°108, novembre 2001).
Ainsi, l’Eurasie est ces dernières années au cœur de la concurrence entre brigands impérialistes. A coups de millions de dollars, les Américains ont installé des bases militaires pour leur intervention vers l’Afghanistan et le contrôle de cette région. ( Selon la presse américaine, la CIA utilise même le savoir-faire ouzbek en matière de torture car elle y transfère par avions spéciaux les "terroristes" arrêtés en Irak et Afghanistan pour les interroger). Face à cette offensive dans son pré-carré, la Russie a renforcé ses propres bases dans la région, notamment au Kirghizistan et au Tadjikistan et la Chine a payé de nouveaux équipements militaires à l’armée kirghize, espérant prochainement prendre pied militairement dans cette zone stratégique. Cette effervescence militaire est loin d’apporter une quelconque stabilité, comme on le voit avec le chaos actuel en Irak et en Afghanistan et la contestation anti-américaine qui ne cesse de croître. Loin de renoncer, les Etats-Unis ne peuvent qu’intensifier leur présence militaire. Cette fuite en avant ne peut qu’être alimentée par les puissances rivales. Pour les populations d’Asie centrale, ces diverses manifestations de la décomposition du capitalisme portent en germe encore plus de barbarie et de chaos, de nouveaux massacres, soit dans des conflits ethniques, militaires soit par la répression sanglante des émeutes sociales, comme on vient de le voir en Ouzbékistan.
Donald (24 mai)
(1) Il semble probable que le déclenchement de ces émeutes est à la fois le produit d’une attaque économique d’envergure du gouvernement (imposition en avril de nouvelles règles contraignantes pour les petits commerçants de rue, alors que le bazar [marché noir] reste le seul poumon économique, le seul lieu d’activité possible pour des millions d’Ouzbeks en quête de subsistance, compte tenu du chômage massif) et en même temps le procès de 23 petits entrepreneurs accusés d’islamisme. La population est descendue dans la rue pour réclamer "justice" et "liberté" avec la présence en son sein de groupes politiques d’opposition au gouvernement, dont certains groupes islamiques.
(2) Si pour l’instant l’administration américaine soutient Karimov, il n’est pas exclu qu’à l’avenir, en fonction de sa capacité à créer une opposition politique à celui-ci, comme elle l’a fait récemment (Georgie, Ukraine, Kirghizstan) elle se débarrasse de cette marionnette stalinienne, ce qui serait plus conforme à la justification de ses interventions militaires actuelles basées sur la liberté et la démocratie pour les peuples encore opprimés.
Nous
avons appris le décès à la suite d'une longue maladie de Mauro Stéfanini,
militant parmi les plus anciens et les plus dévoués de Battaglia Comunista,
lui-même fils d'un vieux militant de la Gauche italienne. Nous tenons à publier
ci-dessous quelques extraits du message de solidarité que le CCI a
immédiatement adressé aux militants du BIPR ainsi que des passages de la
réponse de remerciement que nous a faite un militant du BIPR au nom de son
organisation.
Courrier du CCI
Camarades,
C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès du camarade Mauro. (...) Sa vivacité et son contact chaleureux vont manquer aux militants de notre organisation qui le connaissaient personnellement.
Mais il existe deux autres raisons pour lesquelles son décès nous affecte particulièrement.
En premier lieu, nous ressentons la disparition de Mauro comme une perte pour la classe ouvrière. Évidemment, ses qualités personnelles, notamment ses capacités comme orateur et rédacteur y sont pour quelque chose. Mais ce qui pour nous est le plus important, c’est son engagement et son dévouement militant. Un engagement et un dévouement qu’il a maintenus alors que la maladie était en train de gagner le combat.
En second lieu, nous n’oublions pas que Mauro était le fils de Luciano, un membre de la Fraction italienne pour qui notre camarade MC avait une grande estime pour son dévouement, mais aussi pour sa lucidité puisqu’il fut un des premiers au sein de la Fraction à comprendre pleinement les implications de la période historique ouverte par la Première Guerre mondiale sur la question fondamentale de la nature des syndicats.
Une des conséquences de la terrible contre-révolution qui s’est abattue sur la classe ouvrière après l’échec de la révolution mondiale, c’est la presque disparition d’une tradition très vivace dans le mouvement ouvrier du passé : le fait que beaucoup d’enfants (comme les filles de Marx, le fils de Wilhem Liebknecht et beaucoup d'autres encore) reprenaient le flambeau de leurs parents concrétisant ainsi la continuité du combat prolétarien entre les générations. Mauro fut un des très rares à poursuivre cette tradition et c’est un élément supplémentaire de notre sympathie pour lui. (...)
C’est pour cela que vous pouvez croire, camarades du BIPR, en l’absolue sincérité de notre solidarité et de nos salutations communistes.
Réponse du BIPR
Camarades,
Au nom du BIPR, je voudrais vous remercier pour l'expression de votre solidarité à la suite de la perte gravissime du camarade Mauro. Effectivement, comme vous l'avez dit, c'est pour nous une disparition très douloureuse : par ses dons d'humanité, par sa passion et son dévouement envers la cause du prolétariat, Mauro était un camarade comme il est rare d'en trouver. Son être communiste était, si on peut dire,"inscrit" dans ses gènes : non seulement parce qu'il venait d'une famille qui a tant donné à la cause du communisme, mais surtout parce que son esprit se rebellait instinctivement à la moindre manifestation d'oppression et d'injustice. Il ne sera pas facile de combler le vide politique qu'il laisse, il sera impossible de combler le vide humain. (...)
En vous remerciant à nouveau, nous vous adressons nos salutations communistes.
La Chine serait devenue, selon la bourgeoisie, le nouvel atelier du monde. En effet, chaque jour les médias bourgeois nous abreuvent d’images et de reportages sur l’arrivée en masse en France, en Europe et même aux Etats-Unis, de chemises, pantalons et autres vêtements "made in China". Pour les bourgeoisies occidentales, il est sans aucun doute nécessaire de freiner, autant que possible, ce qui est appelé "la déferlante du textile chinois." Mais pour la classe ouvrière, la question est tout autre. Si aujourd’hui, les marchandises asiatiques envahissent les marchés occidentaux, c’est parce que, dans ces régions du monde, le coût dérisoire de la main d’œuvre permet de produire à très bas prix. Menant leur guerre économique, les différentes bourgeoisies nationales sont amenées à exploiter toujours plus férocement les prolétaires. Au nom des exigences de la concurrence, c’est donc dans une spirale de misère et d’exploitation accrues que le capitalisme tente d’entraîner toute la classe ouvrière, partout dans le monde.
La question du textile : une expression de la guerre commerciale
Depuis le début de l’année 2005, 17 000 emplois ont été supprimés dans ce secteur et 14 entreprises fermées aux Etats-Unis. Ceci correspond à une augmentation des importations dans ce pays de 1250% pour les chemises de coton et de 300% pour les sous-vêtements. Le gouvernement américain a alors immédiatement réagi : "En agissant aussi rapidement pour l’imposition de mesures de sauvegarde, le gouvernement américain a envoyé un message fort, pour signifier qu’il comprend la crise véritable que ces flux énormes représentent pour nos travailleurs." (C. Johnson, président de la fédération du textile). En fait, la bourgeoisie américaine, comme la bourgeoisie française d’ailleurs, se moque bien du sort des ouvriers. Ce qui l’inquiète dans la guerre économique qui fait rage actuellement, c’est l’affaiblissement de compétitivité de son capital national. C’est également pour cela que les pays de l’Union Européenne tentent, malgré leurs divisions, de se mettre en ordre de bataille. Le commissaire au commerce européen vient d’annoncer vouloir limiter d’urgence les importations chinoises de tee-shirt et de fils de lin. Il a également demandé à la Chine de prendre elle-même des mesures pour éviter d’avoir recours à l’imposition des clauses de sauvegarde prévues par l’accord sur l’adhésion de la Chine à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Quant à la France, qui reste un producteur important dans le secteur du textile, sa demande est encore plus claire. La bourgeoisie française exige dès aujourd’hui la mise en place de mesures protectionnistes. Il est évident que ce sont plusieurs milliers de licenciements qui sont d’ores et déjà programmés dans ce secteur. La bourgeoisie française voudrait nous faire croire qu’elle souhaite de telles mesures pour protéger les conditions de travail de "ses ouvriers". Elle va parfois même jusqu’à dénoncer la misère des ouvriers chinois, sacrifiés sur l’autel du profit. Ce n’est que pour mieux cacher ses propres attaques, son propre comportement de classe exploiteuse. Car, en réalité, la bourgeoisie mène partout la même politique. Afin de maintenir ses profits, en pleine situation de faillite économique, elle réduit les salaires sur son sol pour exporter et vendre au meilleur prix. Malgré ce que nous disent les altermondialistes ou autres gauchistes, il ne s’agit donc pas d’une politique particulière à tel ou tel Etat libéral. Au sein de ce capitalisme en crise, toutes les nations se livrent une guerre économique sans merci, toutes pressurent la classe ouvrière. Pour chaque pays, il est effectivement vital de se positionner le mieux possible sur le marché international, quelles que soient les conséquences pour les prolétaires.
C’est pour cela que la bourgeoisie chinoise a réagi immédiatement aux mesures protectionnistes préconisées par les Etats-Unis et l’Union Européenne. Le ministre chinois, Bo Xilai, cité par l’agence Nouvelle de Chine à aussitôt fait savoir que "la Chine était fermement opposée aux limitations imposées par d’autres pays." Ce même ministre déclarait le 18 mai dernier : "L’intégration du commerce du textile est un droit important dont jouit la Chine depuis son adhésion à l’OMC. La Chine n’imposera pas elle-même des limites à ses exportations de produits textiles." Le message ne peut pas être plus clairement exprimé. Avec la nouvelle récession dans laquelle nous sommes déjà entrés, aucun pays capitaliste ne fera le moindre cadeau aux autres.
Les délocalisations sont une attaque directe contre la classe ouvrière
Il en va de même par rapport à la question des délocalisations. Une étude commandée par la commission des finances du Sénat, réalisée par le groupe Katalyse, prévoit pour la période 2005-2006 en France "la délocalisation de 202 000 emplois de service". Et il faut ajouter les dizaines de milliers d’emplois liés à la production de marchandises ne nécessitant pas un investissement en capital trop gigantesque, comme les produits de consommation ou d’ameublement. Ce phénomène de délocalisation entamé dans les années 1990 connaît actuellement une accélération bien réelle. Là encore, le seul souci du capitalisme est la rentabilité maximum. Pour la France, comme pour les principaux pays industrialisés d’Europe, les destinations favorites sont, bien entendu, la Chine, l’Inde et maintenant l’Europe de l’Est. La dernière délocalisation d’importance en date est celle de l’ensemble de l’appareil gestionnaire de Philips, le géant de l’électronique, qui doit se transporter à Lodz en Pologne. La confédération de l’industrie britannique, vu le rythme des délocalisations, affirme que, d’ici 10 ans : "Il n’y aura plus d’emploi pour les personnes non qualifiées au Royaume-Uni". Quant au journal The Daily Telegraph, il écrit cyniquement : "Nous devons nous assurer que les gens acquièrent des qualifications. Si vous êtes qualifiés, vous n’avez rien à craindre." Mensonge ! Les licenciements pleuvent actuellement sur tous les secteurs, qu’ils soient de pointe ou non. Les listes de chômage fourmillent de chômeurs surdiplômés.
Non contente d’attaquer ainsi sans arrêt les salaires de la classe ouvrière, la bourgeoisie utilise encore en permanence la déferlante du textile chinois et la menace à la délocalisation pour effectuer un véritable chantage auprès de toute la classe ouvrière.
La bourgeoisie se sert avec le plus grand cynisme des conditions de vie effroyables que connaissent les ouvriers en Inde, en Chine ou en Europe de l’Est, afin de mettre en avant que, malgré la dégradation du niveau de vie, les ouvriers en France ne sont pas à plaindre. Cela lui permet d’exiger de nouveaux sacrifices sous peine de ne pas pouvoir concurrencer l’Asie ou l’Europe de l’Est. La bourgeoisie poursuit ainsi plusieurs objectifs.
Elle tente de culpabiliser les ouvriers en France qui lutteraient pour être moins attaqués, alors que tant d’autres prolétaires de par le monde vivent dans des conditions encore plus déplorables. Elle essaye également de mettre dans la tête de la classe ouvrière que, si elle n’accepte pas de travailler plus pour moins de salaire, il y aura alors beaucoup plus de délocalisations. Le chômage qui en découlerait ne serait donc plus de la faute de ce capitalisme en faillite, mais de "l’égoïsme" ouvrier.
Enfin, en montrant des ouvriers qui acceptent, dans certains pays, de travailler pratiquement pour rien, sous peine de mourir de faim, eux et leurs familles, elle diffuse de manière sournoise la concurrence et donc la division au sein de la classe ouvrière. Cette politique du bouc émissaire et du chantage est une constante dans la vie de la bourgeoisie. Aujourd’hui ce sont les ouvriers en Chine, en Inde, en Pologne ou en Hongrie qui sont montrés du doigt. Hier, c’était ceux d’Algérie, du Maroc, d’Espagne ou du Portugal qui étaient jetés en pâture à "l’opinion publique". Le prolétariat ne doit pas se faire prendre par ces mensonges idéologiques hideux et nauséabonds. Partout, la classe ouvrière est exploitée. Et elle l’est encore plus férocement dans les régions où elle peut le moins se défendre. C’est dans la reprise actuelle des luttes que la classe ouvrière doit s’affirmer progressivement unie et solidaire, partout dans le monde. La compétitivité des entreprises bourgeoises est le problème du seul capitalisme et en aucune façon du prolétariat.
Les bourgeoisies françaises, anglaises, américaines, allemandes,… veulent diviser le prolétariat, l’attacher à la nation afin de l’entraîner dans sa spirale concurrentielle. Comme l'affirmaient en 1848 Marx et Engels dans Le manifeste communiste, "les prolétaires n’ont pas de patrie", partout ils ont les mêmes intérêts, partout ils subissent la même oppression. Ainsi, ce que les ouvriers du monde entier ne doivent en aucune façon perdre de vue, c'est qu'ils appartiennent tous à la même classe, et que c'est de la solidarité croissante dans leurs rangs qu'ils pourront tirer la force permettant à leurs lutte de faire échec aux attaques de la bourgeoisie.
Tino (25 mai)
Le 29 mai, la classe ouvrière en France n'a rien gagné en participant au cirque électoral du référendum. Au contraire, c'est son ennemi de classe, la bourgeoisie, qui a réussi à détourner une majeure partie des ouvriers vers les isoloirs. Certes, ce vote ne peut parvenir à freiner durablement la colère et la combativité ouvrières face aux attaques redoublées de nos exploiteurs. Mais la mystification électorale et son regain d'illusions démocratiques dans les rangs ouvriers, permettent d'entraver le processus de réflexion et constituent un handicap pour le développement de la conscience de classe qui se fait jour au sein du prolétariat sur la véritable nature du capitalisme aujourd'hui.
La bourgeoisie a réussi à faire accréditer l’idée que la classe ouvrière pouvait utiliser le vote comme moyen d'expression de son mécontentement, de sa colère, de son "ras-le-bol". C'est tout le contraire qui est vrai. Une telle illusion ne peut qu'inhiber la classe ouvrière dans le développement de son combat alors que dominent encore en son sein les doutes, les hésitations, les craintes voire les angoisses envers l’avenir et qui sont liées à un manque de perspectives claires.
Le piège électoral et démocratique
A travers la victoire du Non, la bourgeoisie est parvenue à inoculer insidieusement l’illusion que les prolétaires peuvent retirer quelque chose de positif du bulletin de vote et utiliser les élections démocratiques pour se faire entendre. En particulier, les fractions politiques porteuses du Non de gauche (de la gauche du PS aux trotskistes en passant par les staliniens) ont toutes encouragé les prolétaires à croire qu’ils avaient obtenu une "revanche" et "fait payer la note" à Chirac et à son équipe. Besancenot se félicitait au soir du 29 mai de "la gifle donnée par le peuple à Chirac". Alors que Raffarin avait employé la formule "ce n’est pas la rue qui gouverne" lors des manifestations du printemps 2003 contre la "réforme" des retraites, aujourd’hui ces fractions de gauche flattent le sentiment que le "vote populaire" a réussi à mettre Raffarin dehors. Ainsi, c'est tel ou tel responsable ou telle ou telle fraction qui est commodément désignée à la "vindicte populaire" et qui va jouer le rôle d’un paratonnerre pour cristalliser l'exaspération et décharger la hargne des ouvriers. En répétant que "la droite ne respecte pas la volonté du peuple", la gauche ne va pas cesser de propager l’illusion que, grâce aux urnes, "le peuple peut gouverner". Les prolétaires sont invités à se rallier à une idéologie antilibérale et un maximum de publicité est assuré pour la promotion "d’une autre gauche, à l’écoute du peuple", altermondialiste, citoyenne. Cette pseudo-"troisième gauche" avance une fausse alternative où il s’agirait de "transformer dans les urnes en 2007 la victoire du Non au référendum ". Ce tremplin pour les prochaines campagnes électorales que prépare la bourgeoisie n'a qu'un seul but : mystifier la classe ouvrière, brouiller et obscurcir sa compréhension du monde pour tenter de la priver de toute vision d'ensemble de la société capitaliste, de lui boucher toute perspective et l'empêcher de prendre conscience non seulement d'un futur possible en dehors de cette société d'exploitation mais qu'elle est elle-même la seule force sociale porteuse de cet avenir.
Le même constat existe pour la classe ouvrière en Allemagne. Lors des élections dans la région industrielle la plus concentrée de Rhénanie du Nord- Westphalie, le parti démocrate-chrétien (CDU) a obtenu un triomphe aux dépens de l’équipe social-démocrate au gouvernement alors qu’il défendait ouvertement un programme d’austérité encore plus dur que celui du SPD. Les médias en ont profité pour avancer l’idée que "la population comprend que les sacrifices sont nécessaires". Un sondage est venu apporter un démenti catégorique à cette interprétation : les ouvriers savaient pertinemment que ça n’irait pas mieux pour eux avec la droite mais le vote ouvrier en faveur du CDU traduisait seulement un vote d’humeur, une volonté de porter un coup, de faire payer au SPD sa politique antiouvrière sans ouvrir ni porter aucune perspective d'avenir .
Tant que les prolétaires s'en remettront aux moyens que leur propose la bourgeoisie, ils resteront dans l'impasse et s'enfonceront davantage dans l'enfer d'une exploitation sans limites parce que le capitalisme n'a rien d'autre à leur offrir.
Le capitalisme est dans une impasse
Quelques semaines après la victoire du Non à la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas, qu'est-ce qui a changé pour les conditions d'exploitation de la classe ouvrière ? Rien. Aujourd'hui, les attaques anti-ouvrières se poursuivent sans relâche et s'intensifient tous azimuts exactement de la même façon pour ceux qui ont rejeté la Constitution comme en France et ceux dont les gouvernements l'ont adoptée comme en Allemagne. C'est la démonstration évidente que le référendum sur l'Europe était l'affaire de la bourgeoisie et nullement celle de la classe ouvrière. De plus, ces attaques sont portées aussi bien par des équipes de gauche (le gouvernement "rouge-vert" en Allemagne) que de droite. Le nouveau gouvernement Villepin-Sarkozy en France n’a pas tardé à démontrer que la classe ouvrière ne peut rien attendre d’un changement d’équipe gouvernementale. Alors qu’elle a bruyamment promis de s'attaquer en priorité au problème n° 1 du chômage et à la question sociale en "menant une bataille pour l'emploi", ses premières mesures sont une brutale attaque en règle contre toute la classe ouvrière accompagnée d’un discours "musclé" qui ne laisse aucun doute sur le sort réservé aux prolétaires. Pour les ouvriers réduits au chômage, Villepin déclare "il est inacceptable que des gens se permettent de refuser un emploi qui leur est proposé". Il impose aussitôt la mise en place d’une "réforme" (préparée depuis de longs mois) instaurant un lien étroit entre l’agence pour l’emploi et les caisses de versement de l’allocation chômage pour fliquer les chômeurs qui permettra de radier de leurs droits tous ceux qui refuseront une proposition d’emploi. C’est ainsi que le gouvernement pourra proclamer triomphalement dans quelques mois une baisse significative du nombre de chômeurs… Voilà ce que la bourgeoisie appelle le "traitement social du chômage". Il ne peut en être autrement parce qu'elle n'a aucune solution à proposer au problème du chômage qui est une manifestation de la faillite-même du capitalisme. Quant aux "contrats de nouvelle embauche" proposés, il s’agit d’un coup d’accélérateur considérable à la précarité de l’emploi puisqu’il allonge les périodes d’essai de trois mois à deux ans, ce qui va permettre d’abord aux petites et moyennes entreprises (c’est-à-dire à la majorité des employeurs) de mettre à la porte du jour au lendemain des dizaines de milliers de salariés sous contrat à durée indéterminée. Pour compléter la panoplie, d’autres mesures viennent d’être adoptées (notamment des ristournes fiscales incitatives pour les patrons) pour favoriser le licenciement des salariés de plus de 50 ans… La bourgeoisie jette à la rue et précipite dans la misère tous ceux qu'elle n'est plus en mesure d'exploiter au plus bas prix. Parallèlement, le gouvernement met clairement en avant la nécessité d'une « politique de l’immigration qui corresponde aux besoins du marché ». Le résultat de cette logique implacable du capitalisme, c'est que le filtrage des travailleurs immigrés avec des quotas destinés à doubler les reconduites aux frontières des travailleurs clandestins. Tandis qu'au nom de la "sécurité des citoyens", l'appareil répressif de l'Etat montre de plus en plus son vrai visage. Il se renforce et se blinde face à la menace que redoute la bourgeoisie d'explosions d'une véritable colère ouvrière qui ne se laisserait plus dévoyer, canaliser sur le terrain électoral et démocratique mais exprimerait une force de classe collective à travers la mobilisation et le développement de luttes massives sur un terrain de classe. C'est en ce sens que la promesse de Sarkozy de "nettoyer au Karcher" les cités et les banlieues n'est pas seulement la seule réponse que l'Etat peut apporter à des phénomènes liés à la décomposition sociale mais sonne aussi comme un avertissement lancé au prolétariat pour l'intimider et le dissuader d'entrer en lutte.
La classe ouvrière doit en tirer les véritables conclusions : il n'y a rien à attendre de l'Etat bourgeois.
La bourgeoisie cherche avant tout à masquer aux yeux de la classe ouvrière la faillite ouverte du capitalisme. C'est pourquoi elle entretient un épais rideau de fumée idéologique pour empêcher la classe ouvrière de comprendre que les attaques anti-ouvrières ne sont pas le résultat de telle ou telle politique de telle ou telle fraction de la bourgeoisie nationale mais de la survie d'un mode de production en pleine décadence depuis un siècle.
La classe ouvrière ne peut plus entretenir la moindre illusion sur la capacité du système à améliorer son sort. Tout ce que la bourgeoisie baptise du nom de "réforme " (santé, retraites, assurance chômage…) constitue au contraire le moyen pour des attaques plus frontales et massives entraînant la paupérisation absolue des prolétaires et l’incapacité grandissante de la bourgeoisie d’assurer les conditions de survie minimum de ses exploités.
Tout cela témoigne de la crise irréversible du capitalisme au niveau mondial dont les contradictions constituent non seulement une entrave décisive au développement des forces productives mais débouchent sur une impasse pour l'humanité toute entière.
Le véritable enjeu de la situation : révolution prolétarienne ou destruction de l'humanité
C'est le reflet de la décomposition d'un mode de production agonisant qui engendre l'auto-destruction, la mutilation permanente et qui précipite la planète entière dans un océan de misère, de chaos et de barbarie.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, on assiste à une fuite en avant dans la barbarie la plus effroyable révélatrice de la menace d'anéantissement que la survie de ce mode de production fait courir à l'humanité. C'est le même système décadent qui rejette sur le pavé du chômage des millions de prolétaires, qu'il est incapable d'intégrer à sa production que ce soit au cœur du système ou à sa périphérie. C'est encore lui qui, dans les Etats sous-développés, massacre les populations civiles dans des conflits sans fin, comme on le voit tous les jours, en Irak, au Moyen-Orient, sur tout le continent africain, au pourtour de l'Asie centrale anciennement sous domination de l'empire stalinien.
C'est en comprenant qu'elle doit mener le combat contre les racines du mal, l'exploitation capitaliste, face à une crise économique mondiale sans issue et à ses effets dévastateurs que la classe ouvrière pourra s'affirmer sur son propre terrain de classe et résister à la dégradation de ses conditions d'existence. Elle ne doit pas se laisser bercer d'illusions par les flots de propagande idéologique de la bourgeoisie dont les discours sur les bienfaits de la démocratie et de la citoyenneté ne sont que des boulets pour maintenir les prolétaires enchaînés à une exploitation capitaliste toujours plus insupportable. La classe ouvrière doit comprendre que l'enjeu réel posée par l'évolution du capitalisme, c'est : révolution prolétarienne ou enfoncement dans la barbarie.
Elle ne peut pas faire l'économie de la prise de conscience que le développement de ses combats de classe est la seule alternative à la misère et la guerre engendrées par le capitalisme et qu'elle détient le sort de l'humanité entre ses mains. A travers le développement de ses luttes, la classe ouvrière a les moyens de renverser le capitalisme avant qu'il ne détruise la planète. Inversement, la logique de la décadence de ce système ne peut conduire qu’à la destruction et à l’anéantissement de la planète si la classe ouvrière n’avait pas les forces suffisantes ni la conscience nécessaire pour s’y opposer.
Wim (24 juin)
Après l’amère défaite subie par le SPD aux élections provinciales du 21 mai en Rhénanie du Nord (NRW), "bastion de la social-démocratie", le chancelier allemand Schröder et le leader du parti Müntefering ont annoncé que les prochaines élections générales auraient lieu à l’automne 2005, c’est-à-dire avec un an d’avance. Les partis d‘opposition chrétiens-démocrates et libéraux ont été unanimes pour saluer la décision de Schröder, déclarant que "chaque jour en moins qui est régi par la coalition des rouges-verts est un bon jour pour le pays". Les fédérations de patrons et les syndicats ont exprimé leur "soulagement" que les "Allemands" aillent eux-mêmes exprimer, dans les urnes, leur soutien ou leur rejet des "douloureuses mais nécessaires réformes économiques". A la Bourse de Francfort, on a parlé d’un "nouvel optimisme" que les élections de l’automne pourraient faire revenir, indépendamment de leur issue politique.
Comment expliquer cet enthousiasme unanime de la classe dominante pour des élections anticipées ? La coalition du SPD avec le parti des Verts a-t-elle si mal géré les intérêts de la bourgeoisie que celle-ci ne peut pas attendre une année de plus pour s’en débarrasser ? Le remplacement du gouvernement actuel, qui semble probable, conduira-t-il à un changement, par exemple sur la politique économique et sociale, comme l’annonce bruyamment l’opposition actuelle ?
Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le chancelier veut de nouvelles élections. L'exercice du pouvoir ne se détermine pas uniquement à partir des grands scrutins nationaux mais aussi à travers certaines élections régionales et municipales.
Le SPD se voit écarté du pouvoir en NRW, dans une province qu’il a jusqu’ici gouvernée sans interruption depuis 39 ans. C’est sa neuvième défaite électorale consécutive. Face à un tel déclin électoral de la social-démocratie, sans équivalent dans l’histoire allemande récente, de nouvelles élections sont le dernier recours du chancelier pour éviter l’apparition de luttes ouvertes pour le pouvoir dans son propre parti. En fait, Schröder voit dans ces élections anticipées sa seule chance de rester en lice. Si les Chrétiens-Démocrates gagnent les prochaines élections provinciales de Rhénanie-Palatinat, ils pourront bloquer la plupart des initiatives législatives du gouvernement fédéral.
De plus, Schröder est assez réaliste pour savoir que ses chances d’être réélu cette fois encore sont faibles, et il est préoccupé de la façon dont il va partir. Ainsi, lorsqu’au début des années 1980, face à l’aggravation du chômage de masse et à la montée d’un fort mécontentement dans la classe ouvrière, le SPD a jugé nécessaire de retourner dans l’opposition, c'est l’aile gauche du parti qui a assumé la tâche de préparer le terrain pour faire passer les attaques anti-ouvrières. La façon dont le chancelier social-démocrate de l’époque, Helmut Schmidt, a été chassé du bureau politique par ses propres "camarades" est restée dans l’histoire avec la marque de la disgrâce. Schröder préférerait, comme son prédécesseur Kohl, être démocratiquement et "honorablement" désavoué par le vote.
Pour l’opposition, il n’est pas non plus difficile de voir pourquoi elle tient à des élections anticipées qui apparaissent particulièrement favorables pour les Chrétiens-Démocrates et les Libéraux. D’abord, l’impopularité du gouvernement de gauche - jusque dans l’électorat traditionnel social-démocrate - leur donne des raisons d’être optimistes. Mais cet optimisme est aussi fondé sur le constat que, ces derniers mois, de puissantes fractions de la bourgeoisie allemande ont poussé au départ du gouvernement de gauche. Ainsi, celles-ci se sont assurées que le parti écologiste, les Verts, et leur figure principale, le ministre des affaires étrangères Fischer, soient discrédités. Cela s’est fait grâce à "l’affaire des visas", attaquant le ministre des affaires étrangères à travers la question d’une remise trop "libérale" de visas, accordée surtout à des Ukrainiens, et qui aurait ouvert les frontières à un "flot de criminels".
Cependant, aujourd’hui, la politique impérialiste n’est pas le facteur déterminant de la décision d’avancer les élections générales, ni du gouvernement qui sortira des élections. Il est à présent clair que "l’affaire des visas" a surtout une dimension électorale. Par exemple, elle permet aux Chrétiens-Démocrates de se présenter comme les protecteurs "vigilants du pays contre les criminels étrangers" et de prendre ainsi des voix à l’extrême droite. Mais surtout, elle contribue grandement à sceller le destin de la coalition rouges-verts, donnant à Schröder la justification nécessaire pour appeler à des élections générales.
Le retour de la question sociale
Comme nous le disions au début de cet article, il est frappant aujourd’hui que non seulement les partis politiques directement concernés, mais toutes les forces principales de la bourgeoisie allemande aient chaudement salué ces élections. Et, alors que le comportement des politiciens s’explique aisément par leur intérêt d’aller au pouvoir, c’est moins évident pour les capitaines d’industrie, les patrons syndicaux, les chefs d’Eglise ou les boursicoteurs. Après tout, le pouvoir de ces élites au sein de l’Etat (sans parler des chefs militaires ou des services secrets qui ne donnent pas leur opinion en public) ne dépend pas de l’existence d’un gouvernement de gauche ou de droite à Berlin. Il est donc évident que l’organisation de nouvelles élections est devenue une affaire au cœur des fractions centrales de la bourgeoisie allemande dans son ensemble, et qu’on ne peut l’expliquer seulement par des calculs politiciens de partis.
La nouvelle situation politique est liée à la situation économique, à l’exacerbation de la crise capitaliste. Ce qui est partiellement en jeu, c'est le maintien ou la reprise de la confiance des investisseurs. La bourgeoisie allemande veut démontrer au monde que les "réformes économiques" (c’est-à-dire les attaques massives contre la classe ouvrière) vont continuer sans ralentir, et même vont s'accélérer. Il n’y aura pas "d’année perdue" ni de "blocage mutuel" des forces politiques jusqu’en 2006.
Mais le simple fait qu’aucun doute ne s’est manifesté sur le fait que le "cours des réformes" se poursuivra - indépendamment de l’issue électorale - nous montre que ce qui est en jeu n’est pas un changement de la politique en cours. Si les rouges-verts finissent par être chassés du pouvoir, ce n’est certainement pas parce que la bourgeoisie est mécontente de leur politique économique, ni parce que l’opposition aurait une alternative à offrir. Ce que les Chrétiens-Démocrates et le FDP ont à proposer n’est que la continuation de ce que le gouvernement Schröder-Fischer a fait pendant sept ans, à savoir ce que chaque gouvernement dans le monde fait aujourd’hui.
Alors, pourquoi toute cette agitation et cette soudaine précipitation ? La bourgeoisie allemande réagit aujourd’hui réellement à un facteur nouveau et significatif de la situation sociale. Ce facteur nouveau n’est pas la crise économique en tant que telle. Cette crise chronique mondiale, en développement incessant, qui est insolvable dans le capitalisme, s’étend et s’approfondit depuis des décennies. Ce qui est nouveau, c’est que la question sociale, le problème des conséquences de la crise pour les ouvriers, pour la classe productrice et exploitée, est revenue au centre de la vie de la société. Cette question sociale a été laissée de côté avec les évènements de 1989, lorsque la faillite du stalinisme servait à crédibiliser le mensonge selon lequel le capitalisme avait gagné une victoire finale, cherchant à enterrer définitivement la classe ouvrière. L’apparition des illusions des années 1990 – la nouvelle économie, le boom de la Bourse, la révolution informatique – a contribué à étendre cette écume d’illusions. Mais les souffrances grandissantes de la classe ouvrière, en particulier à travers le développement grandissant du chômage de masse, ont de plus en plus évacué ces illusions. Aujourd’hui, non seulement dans la périphérie du capitalisme, mais au cœur du système, dans les supposés bastions de l’Etat-providence comme l’Allemagne, la France ou l’Italie, de larges couches de la population ouvrière se sentent immédiatement menacées par le chômage et la paupérisation. En Allemagne, le chômage officiel a dépassé le cap des 5 millions. Cette multitude de chômeurs réveille dans les mémoires la crise économique de 1929. Dans ce processus, les couches de la population qui étaient jusqu’ici considérées comme bien payées et hautement qualifiées sont touchées par l’inquiétude. Ainsi, dans les semaines récentes, les médecins hospitaliers d’Allemagne ont défilé dans la rue et le personnel d’Agfa a découvert que la compagnie s’était retrouvée en banqueroute en une nuit. Aux yeux du monde, dans la conscience des prolétaires eux-mêmes, la question sociale est de retour. Cela oblige la classe dominante à réagir.
La signification du chômage de masse
Dans un pays comme l’Allemagne, où une augmentation particulièrement brutale du chômage de masse vient d’avoir lieu, la classe dominante doit essayer d’effacer jusqu’aux impressions naissantes qu’il n’y a pas de solution à ce problème dans le capitalisme. Elle doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour créer le sentiment contraire. Elle doit prétendre qu’il existe de meilleures recettes pour dépasser le problème.
Les nouvelles élections constituent une des réponses de la bourgeoisie au danger que la classe ouvrière reconnaisse, ou même suppose, la banqueroute du système capitaliste. Là se trouve l’essence du travail salarié –qui le distingue radicalement des formes précédentes d’exploitation : les exploités peuvent acquérir des biens pour vivre tant qu’ils peuvent être exploités avec profit. Les travailleurs salariés ne sont pas forcés à travailler par l’usage de la violence, mais sont au contraire obligés de rechercher eux-mêmes leurs exploiteurs pour pouvoir survivre. Il est vrai que la bourgeoisie a appris au cours du 20e siècle, face au chômage de masse de plus en plus permanent, à mettre en place des systèmes d’assurance dirigés par l’Etat, afin d’éviter le développement d'une prise de conscience naissante dans la classe ouvrière. Mais aujourd’hui, sous la pression de la crise, la bourgeoisie est contrainte de réduire radicalement ces systèmes d’assurance précisément au moment où le chômage est devenu plus massif et plus permanent. Le développement de la crise pousse ainsi les exploités à ouvrir les yeux sur les réalités de la société de classe.
Cependant, il ne faut pas négliger ce fait que, à travers les manœuvres électorales, les exploiteurs ont gagné du temps afin d’attaquer cette conscience naissante dans le prolétariat. Si, contre toute attente, la coalition rouges-verts était réélue, il lui serait au moins possible de revendiquer que la majorité de la population a elle-même "admis" la nécessité de "réformes". Si le gouvernement est désavoué, la bourgeoisie pourra donner une nouvelle chance à des réformes plus "conséquentes" du nouveau gouvernement. Et en même temps, la social-démocratie (le SPD et les syndicats) – de façon plus crédible qu’aujourd’hui en tant que force de gouvernement – pourra revenir au récent "débat sur le capitalisme" lancé par le chef actuel du parti Franz Müntefering, ravivant les illusions sur la possibilité de limiter le chômage grâce à la limitation par l’Etat de ce qui est appelé la "globalisation" (c’est-à-dire une politique autarcique comparable à la période de préparation à la Seconde Guerre mondiale). Et dans le même temps, on peut compter sur l’ex-patron du SPD, Oskar Lafontaine, qui a quitté le SPD afin de créer une nouvelle alliance électorale d’aile gauche avec le PDS (resucée de l’ancien parti stalinien qui avait gouverné l’Allemagne de l’Est) sur une position "anti-globalisation". Cette initiative semble en fait destinée à réduire encore les espoirs de réélection de Schröder.
La démocratie, arme principale du capital
Mais de nouvelles élections signifient, de plus, la mise en œuvre de l’idéologie démocratique contre le développement de la conscience, de la combativité et de la confiance en soi du prolétariat. La bourgeoisie sait que le mécontentement monte parmi les ouvriers, les employés et les chômeurs. Elle est aussi consciente que les ouvriers ont pour le moment des difficultés considérables à rentrer en lutte du fait du manque de sentiment clair d’appartenir à une seule classe, du manque de confiance en leurs propres forces, du sentiment de vulnérabilité face au chantage du chômage.
Ici, la bourgeoisie cherche à faire de ces élections un moyen apparemment plus efficace et plus facile pour que les exploités expriment leur indignation et leur insatisfaction. Au lieu de tenir des meetings de masse, d’aller dans la rue ou de se mettre en grève, on leur propose de voter pour "virer" le gouvernement. C’est ainsi que la démocratie travaille. Le gouvernement, ou un parti particulier, agit en paratonnerre qui déclenche la colère de la population. En permettant à celle-ci de le "punir" de cette façon, une lutte ouvrière indépendante est évitée. Pour ne pas laisser la maturation de l’indignation et la solidarité se développer dans la classe, la bourgeoisie cherche à transformer ces sentiments en une réaction de vengeance aveugle, satisfaite de "faire payer" un coupable. Pour éviter que le prolétariat ne sente sa propre force en tant que classe, la bourgeoisie pousse à atomiser les ouvriers dans les isoloirs, où ils sont réduits à un rôle de citoyens au service de l’Etat.
La bourgeoisie veut nous faire croire que cela servira les intérêts ouvriers de "punir" le SPD ou le gouvernement. Mais la règle de l’alternance démocratique des partis au pouvoir veille à ce que cette "punition" ne porte toutefois pas atteinte aux intérêts de l’Etat. Ainsi, la politique du gouvernement actuel sera continuée par ses successeurs. Pour la classe ouvrière, l’enjeu n’est pas de "punir" telle ou telle fraction ou homme politique, mais d’extirper les racines de sa propre exploitation, d’éradiquer la cause de ses souffrances et du manque de perspective pour l’humanité tout entière. Ce qui est nécessaire n’est pas la lutte contre des moulins à vent, contre de simples représentants ou symptômes du système, mais un combat conscient contre le capitalisme.
D’après Welt Revolution n°130, publication du CCI en Allemagne et en Suisse
Quelques jours avant le vote, chaque "électeur-citoyen" a reçu dans sa boîte à lettres le texte complet du Traité, un pavé tout simplement indigeste et illisible. C’est pourquoi, faisant œuvre de pédagogie et d’esprit démocratique, l’Etat y a joint sous forme de petite brochure le "Projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe"1. En une dizaine de pages, les axes du Traité y sont exposés simplement. Après cette lecture très instructive, tout électeur était censé pouvoir répondre objectivement, en toute connaissance de cause et donc en toute liberté, à la question référendaire : "Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ?". OUI ou NON !
L’Union européenne, royaume des tensions impérialistes
Seulement, en réalité, ce texte est un tissu de mensonges. De la première à la dernière ligne, l’Europe y est glorifiée, le poison nationaliste et réformiste distillé.
"Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, six nations marquées par l’horreur du conflit et l’expérience de la barbarie, ont décidé d’établir entre elles une union toujours plus étroite, pour rendre la guerre à jamais impossible sur notre continent…" ou encore "Pour une Europe qui soit davantage un pôle de paix et de stabilité dans le monde… " Mensonges ! Les différentes bourgeoisies européennes ne propagent pas la paix mais déchaînent au contraire la guerre partout sur la planète. Faut-il rappeler le déchirement de la Yougoslavie durant lequel la France, l’Allemagne et l’Angleterre ont soutenu et armé différentes fractions, jouant ainsi chacune leur propre carte ? Sous couvert d’humanitaire, c’est la barbarie et les pogromes qu’elles ont attisés sans remord ni retenue. Et que dire de l’implication meurtrière de la France dans le génocide rwandais d’hier ou dans les massacres ivoiriens d’aujourd’hui ? Ce sont ces champions de la guerre, ces dirigeants dont les mains sont couvertes de sang qui osent parler de paix !
La classe ouvrière ne doit pas se laisser berner, l’Union Européenne n’a jamais eu et n’aura jamais pour but la paix. Tout au contraire, elle est une association de malfaiteurs, un regroupement de requins impérialistes (lire page 3). Cette nature profondément belliciste transpire d’ailleurs par tous les pores de ce Traité : "…le traité donne les moyens d’une politique extérieure active pour défendre nos intérêts face aux autres grandes puissances […]. Il jette les bases d’une coopération plus étroite en matière de défense […]. Une agence européenne de défense coordonnera les efforts d’équipement des armées nationales." Telle était effectivement la véritable raison d’être de cette nouvelle constitution. Il s’agissait, pour la France et l’Allemagne, de mieux se coordonner face aux Etats-Unis dans l’arène impérialiste mondiale. Nous sommes loin, très loin, de la volonté de "créer un espace de paix".
A l’intérieur même de l’Union, les rapports entre nations sont fondés sur la concurrence et la rivalité. "Au sein d’une Union réformée, le traité nous [comprendre la bourgeoisie française] permettra d’agir plus fortement encore, en particulier grâce au renforcement de notre place au Conseil des ministres, qui permettra à la France de peser davantage, avec 12% des voix contre 8% aujourd’hui." L’enjeu de la nouvelle Constitution était effectivement pour la France d’accroître son pouvoir au sein de l’Union.
Toutes les nations d’Europe attaquent la classe ouvrière
La classe ouvrière ressent dans sa chair, surtout depuis le début de ce siècle, une terrible accélération de la dégradation de ses conditions de vie. Partout dans le monde, et notamment en Europe, les attaques économiques pleuvent sur le prolétariat.
Face à cette réalité, la grossièreté des mensonges de la propagande étatiste en est presque ridicule. A en croire la bourgeoisie, l’Union Européenne serait un nouvel El Dorado. "Pour la croissance et l’emploi, des politiques économiques plus actives permettront de tirer le meilleur parti de la monnaie unique, afin d’augmenter le pouvoir d’achat et de stimuler nos exportations." Le meilleur reste à venir : "toutes les politiques européennes prendront désormais en compte les impératifs sociaux, l’emploi, la protection sociale, la lutte contre l’exclusion, l’éducation, la formation, la santé." Et quand y’en a plus, y’en a encore : "l’Europe s’engage ainsi à assurer sur son territoire un haut niveau de protection sociale." Nous rappellerons simplement qu’au cours de ces dernières années le "pouvoir d’achat" s’est effondré, les prix de l’immobilier se sont envolés, les systèmes de sécurité sociale, d'assurance chômage, de retraite sont progressivement démantelés… Et la France fait partie des pays à la pointe de ces réformes anti-ouvrières. La bourgeoisie nous promet plus de santé… elle ne cesse de réduire le nombre de lits et de personnels hospitaliers ! La bourgeoisie nous promet plus d’éducation… les effectifs de surveillants, conseillers d’orientation, infirmiers scolaires, personnel enseignant etc. fondent comme neige au soleil. Pour être plus conforme à la réalité, la bourgeoisie devrait donc plutôt écrire dans sa Constitution : "l’Europe s’engage ainsi à assurer sur son territoire un haut niveau de précarité sociale ! "
Il est alors facile de comprendre que l’ensemble de ces attaques n’ont rien à voir avec telle ou telle politique de gauche ou de droite, ‘euro-sociale’ ou ‘euro-libérale’. Elles sont le fruit inévitable d’un système économique en faillite. Voter OUI ou NON n’avait donc aucun sens. C’était un faux choix, une fausse alternative proposée par la bourgeoisie et qui ne reposait que sur la tromperie.
Les nations européennes unies pour la répression ouvrière
Pour être juste, il y a au milieu de la fable que nous conte l’Etat une ou deux lignes sans contre-vérité. Les voici : "Une meilleure coopération entre les services de justice et de police… " et "Contre l’immigration clandestine, une politique commune renforcera les contrôles aux frontières… "
Alors que les nations européennes déchaînent la guerre dans les pays périphériques, elles s’organisent pour chasser l’ouvrier immigré hors de leurs frontières. Ceux qui préfèrent vivre dans la misère, et souvent l’exploitation clandestine, en Europe plutôt que de mourir de faim ou assassinés dans leur pays, ceux-là n'ont pas leur place dans cet "espace de paix, de démocratie et de prospérité (sic !). "
Et sous couvert de lutte anti-terroriste, les différentes nations européennes renforcent l’Etat policier. N’ayons aucun doute, la bourgeoisie n’aura aucune hésitation à employer l’ensemble de ces moyens répressifs contre la classe ouvrière quand le moment sera venu.
Le torchon qui fut distribué à chaque électeur est donc un amoncellement de mensonges grossiers et de manipulations idéologiques. Drapée des valeurs démocratiques, au nom du droit à l’information, la bourgeoisie a tenté de faire oublier à la classe ouvrière la réalité de son quotidien : une paupérisation croissante, une crise économique profonde et continue. Voilà le vrai visage de la démocratie !
Pawel (21 juin)
1 Toutes les citations sont extraites de cette brochure.
A travers le référendum, la bourgeoisie française, par son aile de gauche (gauche du PS et extrême gauche) a réussi à attirer une grande partie de la classe ouvrière sur le terrain électoral et démocratique. Elle ne peut que se réjouir de cette victoire momentanée sur le prolétariat. Pourtant tout a été fait par la bourgeoisie en France et dans les principaux pays européens pour faire accepter la constitution, qui se révélait être d’une très grande importance, notamment pour la bourgeoisie française et allemande.
Si celle-ci n’a pas été adoptée, la faute en revient dans sa totalité à la clique Chirac et au Président de la République lui-même. Le gaullisme, issu de la Seconde Guerre mondiale, est depuis longtemps inadapté à la défense optimale du capitalisme français. La décomposition de la société n’a fait qu’accentuer ce phénomène tout en poussant chaque fraction bourgeoise à défendre toujours plus ses propres intérêts au détriment de l’intérêt national. Face à l’ampleur du rejet de la politique d’austérité du gouvernement Raffarin, de la colère et du mécontentement et malgré tous les efforts des partis gouvernementaux en France, droite et direction du PS confondues, appuyés par les plus importants hommes politiques européens, le "Non" ne pouvait que l’emporter. Une crise sans précédent (au cours de la Ve République) était ainsi ouverte tant dans l’appareil politique français, que sur le terrain de la construction de la Communauté Européenne.
La crise de la bourgeoisie Française
Dès le lendemain du référendum, nous avons eu droit à la constitution d’un nouveau gouvernement concocté par M. Chirac en personne. Le prolétariat pouvait être content, il avait été entendu. Il a eu droit a deux premiers ministres pour le prix d’un seul. A peine formé le gouvernement apparaît pour ce qu’il est : un lieu où s’exprime pratiquement, ouvertement la guerre sans merci que se livrent les différents clans et leaders d’une droite en plein chaos. Mais ce qui est nouveau en France, c’est que le Parti Socialiste est à son tour rattrapé par les effets de la décomposition. Laurent Fabius jusqu’ici considéré comme étant un homme d’Etat, a tout simplement, à propos du référendum, fait passer son propre intérêt personnel au détriment de tout autre considération, sans aucun souci de la défense du capital français.
Pourtant, le Parti Socialiste et notamment sa direction, à l’exception notable de Fabius, a été le Parti le plus impliqué dans la défense du "Oui". De ce fait, la secousse du rejet de la Constitution ne pouvait qu’y être particulièrement marquée. En terme purement électoral, la minorité d’hier autour du "Non" est devenue aujourd’hui majoritaire, alors que la direction du Parti Socialiste se trouve dans une position exactement contraire. La politique de la direction du Parti Socialiste (Hollande, Strauss Khan, Lang) voulant donner une nouvelle impulsion en matière européenne, a tout simplement été rejetée. Fabius, aujourd’hui écarté de la Direction, mais légitimé électoralement en tant que défenseur du "Non", n’a pas manqué de se faire entendre, réclamant, par l’intermédiaire des fabiusiens : "Pourquoi pas un changement de stratégie, voire de direction, à deux ans de la Présidentielle de 2007 ?" Comme l’affirme Le Monde du 30 mai 2005 : "Année de son centenaire, le PS entre donc en crise….François Hollande affaibli et discrédité, Lionel Jospin retiré des affaires (jusqu’à quand ?) et Laurent Fabius renforcé mais mal aimé dans le Parti."
Strauss Khan, annonçait la couleur en affirmant publiquement : "Je ne suis pas sûr que Fabius souhaite continuer avec nous." Si la gauche du PS semble aujourd’hui ne pas vouloir jeter de l’huile sur le feu, cela n’a pas empêché Mélanchon de déclarer sur la chaîne LCI : "Le candidat du PS aux prochaines élections présidentielles en 2007 ne pourra pas être un homme ou une femme qui ait soutenu le "Oui" au référendum." La guerre des leaders ne pourra sans doute finalement pas être évitée au sein de ce parti. Mais la crise du PS ne s’arrête pas seulement à la guerre des chefs, elle prend aujourd’hui toute son ampleur, par le rapport existant entre les thèmes idéologiques et politiques défendus par la Direction du PS et le rejet massif de ceux-ci, venant non seulement des électeurs traditionnels du PS, mais aussi de la majorité de l’électorat.
La crise de la bourgeoisie française est telle aujourd’hui, qu’aucune fraction de droite ou de gauche n’est en mesure de représenter une réelle crédibilité gouvernementale, tant sur le plan national, qu’international. C’est l’Etat français, l’Etat de la classe dominante, garant et défenseur des intérêts de la bourgeoisie, qui se retrouve actuellement affaibli. Cependant, il serait faux et dangereux pour la classe ouvrière de se laisser endormir par la crise présente des forces politiques bourgeoises. Celles-ci vont nécessairement réagir, et notamment au sein du PS, afin de tenter de reconstruire une unité gouvernementale, autour d’un projet politique crédible : même difficile et compliqué, ceci est un impératif pour la bourgeoisie française. Enfin, la classe capitaliste vient de montrer, grâce au front uni de gauche pour le "Non", sa capacité à utiliser ses propres faiblesses contre le prolétariat (voir l'article page 2).
La crise de l’Union européenne, une montée des tensions impérialistes au cœur du capitalisme mondial
Courrier International du 16 juin 2005, commente en ces termes l’état actuel de l’Europe : "L’Union européenne est en crise, et le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement s’annonce particulièrement délicat." Le journal espagnol ABC renchérit : "Sous la double menace d’une crise politique et économique les dirigeants des 25 tentent à Bruxelles de sauver l’Union européenne, d’une des situations les plus complexes de ces dernières décennies." Enfin pour La Libre Belgique : "L’atmosphère est délétère entre les puissances européennes". Pour le prolétariat, il est important de comprendre ce qui alarme ainsi les médias et journalistes bourgeois, ce qui se passe actuellement, réellement sur le terrain européen.
Contrairement à ce que nous rabâche la bourgeoisie, l’Europe n’est pas un havre de paix, destiné à travailler pour la paix dans le monde. Il n’y a qu’à se plonger rapidement dans son histoire pour s’en convaincre. La Constitution de la Communauté Européenne trouve ses racines dans l’immédiat après Seconde Guerre mondiale. L’Europe sera alors financée et soutenue politiquement par les Etats-Unis pour faire face au danger représenté par le bloc soviétique nouvellement constitué. Cette première construction européenne s’est faite en premier lieu sur un terrain économique, avec différents organismes tels la CEE en 1957 (Communauté Européenne Economique). Mais c’est en tant qu’enjeu principal des rivalités impérialistes à l’échelle mondiale que les péripéties de la construction européenne prennent tout leur sens. La France rejettera à deux reprises la candidature de l’Angleterre à la CEE en 1963 et 1967, parce que ce pays est considéré comme le fer de lance de la politique américaine en Europe. Les rivalités impérialistes, qui concernent chaque Etat européen et de grandes puissances mondiales comme les Etats-Unis, ont fait que l’Europe ne pouvait être qu’un espace essentiellement économique, une zone de libre échange, qui se dotera ultérieurement d’une monnaie unique, l’Euro. Cette politique a permis ainsi aux pays d’Europe de développer une défense plus efficace de leurs économies, dans le cadre d’une concurrence mondiale acharnée. Cependant, la possibilité de construire les Etats-Unis d’Europe a toujours été un mythe. Le capitalisme n’a jamais été en mesure de défaire les nations d’Europe, pour construire une sorte de Super Nation Européenne (Voir l'article "L’élargissement de l ‘Europe"dans la Revue Internationale n°112.)
A partir de l’effondrement du Bloc de l’Est, la donne impérialiste va fondamentalement changer. L’éclatement du Bloc Américain, en pleine période de décomposition de la société capitaliste, va entraîner un développement des tensions où chaque Etat va jouer son propre intérêt, en dehors de toute alliance stable et durable, même l’alliance de l’Angleterre et des Etats-Unis n’échappera pas à cette réalité. L’élargissement de l’Europe vers l’Est qui, économiquement, n’a pas une grande importance, atteste par contre du renforcement des enjeux géostratégiques que représente ce continent pour les rivalités impérialistes, comme l'a déjà illustré la Guerre des Balkans. Créé en 1949, l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), alors organisation permettant de structurer la lutte du bloc américain contre le bloc soviétique, va connaître en 2002 un élargissement lourd de signification politique. De 19 membres, l’organisation passe à 26, avec l’entrée de 7 pays appartenant antérieurement au bloc soviétique : après la Hongrie et la Pologne en 1999, suivent la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Un élargissement qui n’a bien sûr aucun sens, si on le comprend comme le renforcement d’une organisation destinée initialement à combattre un bloc qui maintenant n’existe plus ! De fait le rôle de l’OTAN a évolué. Toujours contrôlé par les Etats-Unis, il fait partie maintenant de l’arsenal de la politique impérialiste des Etats-Unis, en Europe contre la France et l’Allemagne. L’entrée dans l'Union Européenne de ces pays d’Europe de l’Est, peu de temps après leur intégration dans l’OTAN, permet au Herald Tribune d’écrire : "Washington est le grand gagnant de l’élargissement de l’Union Européenne…Selon un officiel allemand l’entrée dans L’Union Européenne de ces pays fondamentalement pro-américain d’Europe centrale et orientale, signifie la fin de toutes tentatives de l’Union de se définir elle même, ainsi que sa politique étrangère et de sécurité, comme alignée contre les Etats-Unis." Pour les mêmes raisons l’Etat américain a tenté d’accélérer le processus d’intégration de la Turquie à l’Europe : ce pays étant pour le moment une base avancée des Etats-Unis au Proche Orient.
Pour sa part, l’impérialisme allemand ne pouvait pas rester sans réagir devant cette offensive en direction de pays considérés comme faisant partie de sa zone historique d’influence.
C’est depuis quelque temps déjà que l’Allemagne travaille à son rapprochement avec la Turquie et certains pays d’Europe Centrale. La Constitution européenne, défendue très fermement par l’Allemagne, la France et l’Espagne, tout en étant reliée à des préoccupations économiques, se voulait en premier lieu le moyen d’affermir le pouvoir du couple franco-allemand dans cette Europe élargie.
L’Allemagne cherchait ainsi à s’affirmer en Europe de l’est et orientale, ce qui ne pouvait qu'irriter Paris qui n'était pas en mesure de conquérir nulle part une influence équivalente et se trouvait condamnée à un affaiblissement relatif face à son puissant allié. Dans cette zone du monde où s'expriment de la façon la plus concentrée les tensions inter-impérialistes, l’échec de la Constitution ne pouvait que fortement favoriser une période de crise grave et d’accélération brutale de ces mêmes tensions.
L’échec du Sommet de Bruxelles : la crise de l’Union européenne s’amplifie
Pour le Financial Times : "L’heure est bien à la confrontation." Le président en exercice de l’Union Européenne le luxembourgeois M.Junker ne pouvait que déclarer amèrement le 18 juin dernier, suite à l’échec total du sommet européen : "L’Europe est dans une crise grave." Le budget européen est en panne. Comme le dit Courrier International du 16 juin : "Au final, le Royaume- Uni a estimé que la déclaration soumise par la présidence ne fournissait pas les garanties nécessaires." Puis, citant Tony Blair, qui a riposté aux attaques de la France et de l’Allemagne en matière budgétaire : "Nous devons changer de vitesse pour nous adapter au monde dans lequel nous vivons"…. "C’est un moment de renouveau."
De renouveau, il n’y en aura pas. Par contre, ce qui est vrai et nouveau, c’est que la bourgeoisie en Europe commence à défaire ce qu’elle a eu tant de mal à construire : l’espace économique européen, l’Union Européenne.
En fait de renouveau, nous assistons, en matière économique, à une montée irrationnelle des revendications nationales au détriment du niveau de cohérence atteint jusqu’ici. Comme l’affirme le Financial Times : "A l’instar de l’Allemagne qui ne veut plus être la vache à lait de l’UE, comme ce fut le cas lors du sommet de Berlin de 1999, cette fois ci, les pays qui ont le dessus dans le débat sur le budget européen ne sont pas les plus pauvres, mais ceux qui paient la note. Avec l’Allemagne, l’Autriche, le Royaume-Uni, la France, les Pays-bas et la Suède demandent une réduction du budget qui pourrait s’élever au moins à 800 milliards d’Euro pour la période 2007/2013…" (Cité par Courrier International le 16 juin 2005.) Chacune des principales puissances économique de l’Europe refuse dorénavant de payer pour ce qu’elles considèrent être l’intérêt des autres pays de l’UE. Malgré celle-ci, depuis 10 ans, la concurrence s’est accélérée entre ces divers pays. L’incapacité à se doter d’une gouvernance politique en Europe, sous les effets de la décomposition, du chacun pour soi et donc des antagonismes économiques et politiques entre chaque nation, détermine l’existence et l’ampleur de la crise actuelle dont l’échec du référendum a été un formidable accélérateur. Contrairement à ce que nous raconte la bourgeoisie, la crise actuelle n’est pas due à l’intransigeance de Tony Blair en matière budgétaire, pas plus qu’à la classe ouvrière qui a voté "Non" au référendum (Voir l'éditorial de ce numéro).
Cette crise en Europe correspond à l’incapacité pour la bourgeoisie de faire face à l’approfondissement de la décomposition, à la faillite historique de son propre système. En cédant devant les impératifs économiques immédiats et égoïstes, c’est l’espace économique européen qui est fortement affaibli, la capacité de se donner des règles communes de fonctionnement permettant de s’organiser face à la concurrence économique venant d’Amérique ou d’Asie. Sur un plan économique, tous les pays capitalistes européens, à des degrés divers, seront perdants. Sur le plan impérialiste, la crise en Europe et l’affaiblissement du couple Franco-Allemand ne peut que profiter directement aux Etats-Unis et à l’Angleterre. La classe ouvrière doit se préparer à se confronter à la perspective du développement des tensions impérialistes et à un rythme accéléré de développement de la crise économique. La crise en Europe n’est qu’un pas de plus dans le chaos et la décomposition, dans le développement de l’irrationalité croissante du capitalisme.
Tino
Au printemps dernier, le CCI a tenu son 16e congrès. "Le Congrès international est 1'organe souverain du CCI", comme il est écrit dans nos statuts. C'est pour cela que, comme toujours à la suite de ce type d’échéances, il est de notre responsabilité face à la classe ouvrière d’en rendre compte et d’en dégager les principales orientations.1
Les travaux de celui-ci ont placé au centre de leurs préoccupations l’examen de la reprise des combats de la classe ouvrière et des responsabilités que cette reprise implique pour notre organisation, notamment face au développement d’une nouvelle génération d’éléments qui se tournent vers une perspective politique révolutionnaire. évidemment, la barbarie guerrière continue de se déchaîner dans un monde capitaliste confronté à une crise économique insurmontable et des rapports spécifiques sur les conflits impérialistes et la crise ont été présentés, discutés et adoptés au congrès. L'essentiel de ces rapports est repris dans la résolution sur la situation internationale.
Comme il est rappelé dans cette résolution, le CCI analyse la période historique actuelle comme la phase ultime de la décadence du capitalisme, la phase de décomposition de la société bourgeoise, celle de son pourrissement sur pied. Comme nous l'avions mis en avant à de nombreuses reprises, cette décomposition provient du fait que, face à l'effondrement historique irrémédiable de l’économie capitaliste, aucune des deux classes antagoniques de la société, bourgeoisie et prolétariat, ne parvient à imposer sa propre réponse : la guerre mondiale pour la première, la révolution communiste pour la seconde. Ces conditions historiques déterminent les caractéristiques essentielles de la vie de la société bourgeoise actuelle. En particulier, c’est dans le cadre de cette analyse de la décomposition qu’on peut pleinement comprendre la permanence et l’aggravation de tout une série de calamités qui accablent aujourd’hui l’humanité, en premier lieu la barbarie guerrière, mais aussi des phénomènes comme la destruction inéluctable de l’environnement ou les terribles conséquences des "catastrophes naturelles" tel le tsunami de l’hiver dernier. Ces conditions historiques liées à la décomposition pèsent aussi lourdement sur le prolétariat ainsi que sur ses organisations révolutionnaires et sont une des causes majeures des difficultés rencontrées tant par notre classe que par notre organisation depuis le début des années 90, comme nous l’avons souvent mis en avant dans nos précédents articles. (Voir Revue Internationale n°62)
La reprise des combats de classe
Le 15e congrès avait constaté que le CCI avait surmonté sa crise de 2001, en particulier parce qu’il avait compris comment elle constituait une manifestation en notre sein des effets délétères de la décomposition. En même temps, il avait constaté les difficultés que continuait de rencontrer la classe ouvrière dans ses luttes contre les attaques capitalistes, en particulier son manque de confiance en elle-même.
Cependant, depuis ce congrès, tenu au début du printemps 2003, et comme l’avait souligné la réunion plénière de l’organe central du CCI à l’automne de cette même année : "Les mobilisations à grande échelle du printemps 2003 en France et en Autriche représentent un tournant dans la lutte de classe depuis 1989. Elles sont un premier pas significatif dans la récupération de la combativité ouvrière après la plus longue période de reflux depuis 1968." (Revue Internationale n°119)
Un tel tournant dans la lutte de classe n’avait pas été une surprise pour le CCI puisque son 15e congrès en annonçait la perspective. La résolution sur la situation internationale adoptée par le 16e congrès précise à son propos : "Les luttes de 2003-2005 ont présenté les caractéristiques suivantes :
- elles ont impliqué des secteurs significatifs de la classe ouvrière dans des pays du cœur du capitalisme mondial (comme en France en 2003) ;
- elles manifestaient un souci pour des questions plus explicitement politiques ;
- elles ont vu la réapparition de l’Allemagne comme point central pour les luttes ouvrières pour la première fois depuis la vague révolutionnaire ;
- la question de la solidarité de classe a été posée de manière plus ample et plus explicite qu'à n'importe quel moment des luttes des années 80, en particulier dans les derniers mouvements en Allemagne."
La résolution adoptée par le 16e congrès constate que les différentes manifestations du tournant dans le rapport de forces entre les classes "ont été accompagnées par le surgissement d'une nouvelle génération d'éléments en recherche de clarté politique. Cette nouvelle génération s'est manifestée à la fois dans le nouveau flux d'éléments ouvertement politisés et dans les nouvelles couches d'ouvriers qui entrent en lutte pour la première fois. Comme cela a pu être mis en évidence dans certaines importantes manifestations, il est en train de se forger le socle pour l'unité entre la nouvelle génération et la "génération de 68" – à la fois la minorité politique qui a reconstruit le mouvement communiste dans les années 60 et 70 et les couches plus larges d'ouvriers qui ont vécu la riche expérience des luttes de classe entre 68 et 89."
La responsabilité du CCI face au surgissement de nouvelles forces révolutionnaires
L’autre préoccupation essentielle du 16e congrès a donc été de hisser notre organisation à la hauteur de sa responsabilité face au surgissement de ces nouveaux éléments qui s’orientent vers les positions de classe de la Gauche communiste. C’est ce que manifeste notamment la Résolution d’activités adoptée par le congrès :
"Le combat pour gagner la nouvelle génération aux positions de classe et au militantisme est aujourd’hui au cœur de toutes nos activités. Cela ne s’applique pas seulement à notre intervention, mais à l’ensemble de notre réflexion politique, de nos discussions et de nos préoccupations militantes. (…)"
Ce travail de regroupement des nouvelles forces militantes passe notamment par leur défense contre toutes les tentatives pour les détruire ou les conduire dans des impasses. Et cette défense ne peut être menée à bien que si le CCI sait lui-même se défendre contre les attaques dont il est l’objet. Le précédent congrès avait déjà constaté que notre organisation avait été capable de repousser les attaques iniques de la FICCI (2), les empêchant d’aboutir au but déclaré de celle-ci : détruire le CCI, ou au moins le plus grand nombre possible de ses sections. En octobre 2004, la FICCI a mené une nouvelle offensive contre notre organisation en s’appuyant sur les prises de position calomnieuses d’un "Circulo de Comunistas Internacionalistas" basé en Argentine qui se présentait comme le continuateur du "Nucleo Comunista Internacional" (NCI) avec qui le CCI avait développé des discussions et des contacts depuis la fin 2003. Lamentablement, le BIPR a apporté sa contribution à cette manœuvre honteuse en publiant en plusieurs langues et en conservant plusieurs mois sur son site Internet une de ces déclarations parmi les plus mensongères et hystériques contre notre organisation. En réagissant rapidement par des documents publiés sur notre site Internet, nous avons repoussé cette attaque en réduisant au silence nos agresseurs. Le "Circulo" a été démasqué pour ce qu’il était : une fiction inventée par le citoyen B., un aventurier au petit pied de l’hémisphère austral. Car le combat contre cette offensive de la "triple alliance" de l’aventurisme (B.), du parasitisme (FICCI) et de l’opportunisme (BIPR) était aussi un combat pour le défense du NCI comme un effort d’un petit noyau de camarades pour développer une compréhension des positions de la Gauche communiste en lien avec le CCI. 3
(…) Face à ce travail en direction des éléments en recherche, le CCI se doit de mettre en œuvre une politique déterminée d’intervention. Mais il doit également apporter toute son attention à la profondeur de l’argumentation mise en avant dans les discussions et à la question du comportement politique. Par ailleurs, le surgissement des nouvelles forces communistes doit être un puissant aiguillon stimulant la réflexion et les énergies, non seulement des militants mais aussi des éléments qui avaient été affectés par le recul de la classe ouvrière à partir de 1989 : "Les effets des développements historiques contemporains vont repolitiser une partie de la génération de 1968, originellement dévoyés et empoisonnés par le gauchisme. Ils ont déjà commencé à réactiver d’anciens militants, non seulement du CCI, mais aussi d’autres organisations prolétariennes. Chacune de ces manifestations de cette fermentation représente un potentiel précieux de réappropriation de l’identité de classe, de l’expérience de lutte, et de la perspective historique du prolétariat. Mais ces différents potentiels ne peuvent se réaliser que s’ils sont rassemblés par une organisation représentant la conscience historique, la méthode marxiste et l’approche organisationnelle qu’aujourd’hui, seul le CCI peut offrir. Cela rend le développement constant et à long terme des capacités théoriques, la compréhension militante et la centralisation de l’organisation cruciaux pour la perspective historique."
Le congrès a souligné toute l’importance du travail théorique dans la situation présente : "L’organisation ne peut satisfaire ses responsabilités ni envers les minorités révolutionnaires, ni envers la classe comme un tout, que si elle est capable de comprendre le processus préparant le futur parti dans le contexte plus large de l’évolution générale de la lutte de classe. La capacité du CCI à analyser le rapport de forces changeant entre les classes, et à intervenir dans les luttes et envers la réflexion politique dans la classe, a une importance à long terme pour l’évolution de la lutte de classe. Mais déjà actuellement, à court terme, elle est cruciale pour la conquête de notre rôle dirigeant envers la nouvelle génération politisée. L’organisation doit continuer cette réflexion théorique, tirant un maximum de leçons concrètes de son intervention, dépassant les schémas du passé."
Enfin, le congrès a apporté une attention toute particulière à la question sur laquelle se conclut la plate-forme de notre organisation : "Les rapports qui se nouent entre les différentes parties et différents militants de l'organisation portent nécessairement les stigmates de la société capitaliste et, ne peuvent donc constituer un îlot de rapports communistes au sein de celle-ci. Néanmoins, ils ne peuvent être en contradiction flagrante avec le but poursuivi par les révolutionnaires et ils s'appuient nécessairement sur une solidarité et une confiance mutuelle qui sont une des marques de l'appartenance de l'organisation à la classe porteuse du communisme."
Et une telle exigence, comme toutes les autres auxquelles doit faire face une organisation marxiste, passe par une réflexion théorique :
"Dans la mesure où les questions d'organisation et de comportement sont aujourd'hui au cœur des débats à l'intérieur et à l'extérieur de l'organisation, un axe central de notre travail théorique dans les deux années à venir sera la discussion des différents textes d'orientation [abordant ces sujets]. Ces questions nous mènent aux racines des récentes crises organisationnelles, touchant aux bases fondamentales de notre engagement militant, et sont des questions centrales de la révolution à l'époque de la décomposition. Elles sont donc appelées à jouer un rôle central dans le renouveau de la conviction militante et dans le regain du goût pour la théorie et pour la méthode marxiste qui traite chaque question avec une approche historique et théorique."
Des perspectives enthousiasmantes
Les congrès du CCI sont toujours des moments d'enthousiasme pour l'ensemble de ses membres. Comment pourrait-il en être autrement lorsque des militants venus de trois continents et de treize pays, animés par les mêmes convictions, se retrouvent pour discuter ensemble des perspectives du mouvement historique du prolétariat. Mais le 16e congrès fut encore plus enthousiasmant que la plupart des précédents.
Pendant près de la moitié de ses trente années d'existence, le CCI a vécu alors que le prolétariat connaissait un recul de sa conscience, une asphyxie de ses luttes et un tarissement des nouvelles forces militantes. Pendant plus d'une décennie, un des mots d'ordre centraux de notre organisation a été "tenir". C'était une épreuve difficile et un certain nombre de ses "vieux" militants n'y ont pas résisté (notamment ceux qui ont constitué la FICCI et ceux qui ont abandonné le combat au moment des crises que nous avons connues au cours de cette période).
Aujourd'hui, alors que la perspective s'éclaircit, nous pouvons dire que le CCI, comme un tout, a surmonté cette épreuve. Et il en sort renforcé. Un renforcement politique, comme peuvent en juger les lecteurs de notre presse (dont nos recevons un nombre croissant de lettres d'encouragement). Mais aussi un renforcement numérique puisque, dès à présent, les nouvelles adhésions sont plus nombreuses que les défections que nous avons connues avec la crise de 2001. Et ce qui est remarquable, c'est qu'un nombre significatif de ces adhésions est le fait d'éléments jeunes, qui n'ont pas eu à subir et à surmonter les déformations provoquées par le militantisme dans les organisations gauchistes. Des éléments jeunes dont le dynamisme et l'enthousiasme remplace au centuple les "forces militantes" fatiguées et usées qui nous ont quittés.
Cet enthousiasme qui était présent lors du 16e congrès était lucide. Il n'avait rien à voir avec l'euphorie illusoire qui avait traversé d'autres congrès de notre organisation (euphorie qui souvent était plus particulièrement le fait de ceux qui nous ont quittés depuis). Le CCI, après 30 ans d'existence, a appris4, quelquefois dans la douleur, que le chemin qui conduit à la révolution n'est pas une autoroute, qu'il est sinueux, plein d'embûches, semé de pièges que la classe dominante tend à son ennemi mortel, la classe ouvrière, pour la détourner de son but historique. Les membres de notre organisation savent bien aujourd'hui que militer n'est pas une chose facile ; qu'il faut non seulement une solide conviction, mais beaucoup d'abnégation, de ténacité et de patience.
La conscience de la difficulté de notre tâche n'est pas pour nous décourager. Au contraire, c'est un facteur supplémentaire de notre enthousiasme.
A l'heure qu'il est, le nombre de participants à nos réunions publiques connaît une augmentation sensible alors que des courriers en nombre croissant nous parviennent de Grèce, de Russie, de Moldavie, du Brésil, d'Argentine, d'Algérie pour poser directement leur candidature à notre organisation, pour proposer d'engager des discussions ou simplement demander des publications, mais toujours avec une perspective militante. Tous ces éléments nous permettent d'espérer le développement de la présence des positions communistes dans les pays où le CCI n'a pas encore de section, voire la création de nouvelles sections dans ces pays. Nous saluons ces camarades qui se tournent vers les positions communistes et vers notre organisation. Nous leurs disons : "Vous avez fait le bon choix, le seul possible si vous avez la perspective de vous intégrer dans le combat pour la révolution prolétarienne. Mais ce n'est pas le choix de la facilité : vous ne connaîtrez pas des succès rapides, il faudra de la patience et de la ténacité et ne pas être rebutés lorsque les résultats obtenus ne seront pas à la hauteur de vos espérances. Mais vous ne serez pas seuls : les militants actuels du CCI seront à vos côtés et ils sont conscients de la responsabilité que votre démarche représente pour eux. Leur volonté, qui s'est exprimée au 16e congrès, est d'être à la hauteur de cette responsabilité."
CCI
1 Un compte-rendu plus exhaustif des travaux de ce congrès est publié dans la Revue Internationale n°122.
2 Prétendue "Fraction Interne du CCI" composée par des militants de longue date de notre organisation qui ont commencé à se comporter comme des fanatiques hystériques à la recherche de boucs émissaires, comme des voyous et finalement comme des mouchards.
3 Voir à ce sujet notre article "Le Núcleo Comunista Internacional : Un effort de prise de conscience du prolétariat en Argentine", Revue internationale n°120.
4 Ou plutôt réappris, car c'est un enseignement dont étaient bien conscientes les organisations communistes du passé, et particulièrement la Fraction italienne de la Gauche communiste dont se réclame le CCI.
Dans l’interminable liste des anniversaires macabres viennent de prendre place, le 11 juillet dernier, les 10 ans du massacre de Srebrenica, perpétrés au cours de la guerre dans les Balkans de 1991-1996.
Lors de ce conflit, les principales puissances impérialistes régleront leurs comptes par cliques slaves interposées afin de défendre leurs intérêts nationaux respectifs. Ainsi, l’Allemagne, pour s’ouvrir un accès aux ports dalmates de la côte adriatique, allumera la mèche de l’explosion yougoslave en soutenant les indépendantistes slovènes et croates. De leur côté, la France et la Grande-Bretagne appuieront le verrou serbe afin d’endiguer la percée allemande. Les Etats-Unis, quant à eux, dans ce contexte de remise en cause de leur statut de première puissance, s’inviteront dans cette foire d’empoigne par l’intermédiaire de la Bosnie puis de la Croatie (cf. RI n°248). Ainsi, les rivalités entre grands requins impérialistes feront à nouveau exploser la poudrière des Balkans qui conduira, entre autres, au massacre de Srebrenica dont le degré de barbarie donne à lui seul un aperçu des horreurs subies par les populations civiles tout au long de cette guerre.
Suite à la prise de l’enclave de Srebrenica par l’armée serbe du général Mladic, près de 8000 Bosniaques seront exécutés à la mitrailleuse en 5 jours, du 13 au 17 juillet 1995 !
Outre l’aspect massif de cette boucherie, reste le plus frappant. Ce concentré de barbarie s’est produit dans une "zone de sécurité" protégée par 450 casques bleus néerlandais, sous commandement franco-britannique, mandatés par le symbole même de la défense des droits de l’homme et de la civilisation, l’ONU et sa "communauté internationale".
Le malaise est à ce point perceptible que diverses missions d’enquête parlementaire, comme en Hollande ou en France, ont été constituées juste après le conflit afin de fournir les éléments d’explication nécessaire… à la déculpabilisation des grandes puissances, cela va sans dire.
Ainsi, le récent rapport du NIOD (institut hollandais de documentation militaire) rejette toute responsabilité des Pays-Bas et de leurs alliés. De même, pour les parlementaires français, la passivité manifeste de la Forpronu (force armée de l’ONU) n’est que le fruit "d’une chaîne de commandement et des procédures lourdes et complexes" ainsi que "des carences dans le renseignement". Bref, c’est l’éternelle rengaine des candides : "on ne pouvait pas savoir" ou "nous l’avons su mais trop tard".
Alors, tout en nous promettant de faire mieux la prochaine fois, les grandes nations démocratiques dans un élan de contrition hypocrite, lors des journées de commémorations organisées à Srebrenica au mois de juillet, ont versé leurs larmes de caïmans pour "rendre hommages aux victimes innocentes" (pour reprendre les termes du ministre britannique Jack Straw). Et pour compléter le concert cynique de la bourgeoisie, le ministre français des affaires étrangères, Douste-Blazy, a solennellement affirmé que le génocide bosniaque "est une plaie ouverte sur le flanc de l’Europe qui nous impose le devoir de mémoire et l’exigence du souvenir." Or, si l’on se souvient bien, le duo des bouchers serbes, Mladic-Karadzic, n’est certainement pas le seul coupable de l’élimination des poches de Srebrenica et Zepa.
Les grandes puissances en ouvrant les portes de Srebrenica aux troupes serbes du Drina Corps, ont pris une part de responsabilité incontestable dans les assassinats de masse qui vont suivre. C’est un véritable massacre sur ordonnance qui a été organisé. En effet, depuis 1993, Srebrenica est une zone de sécurité désarmée en échange de la protection de l’ONU. Cependant, lorsque sonne la charge serbe du 6/7 juillet, la Forpronu refuse de redonner leurs armes aux Bosniaques au nom de l’accord de démilitarisation. Quant aux casques bleus, ils n’opposeront aucune résistance à la progression serbe. D’ailleurs, Mladic avait pu être largement rassuré de ce côté par le général français Janvier lors de leur rencontre à Zvornik le 4 juin 1995. D’après Franck Westerman, un proche collaborateur de Janvier, deux militaires français dont Bertrand de La Presle aurait avalisé, sur ordre du président Chirac, ces négociations garantissant la non-agression aérienne des troupes serbes.
En conclusion, l’écrasement de Srebrenica n’a pas été le résultat d’une malheureuse indifférence. Les contorsions ridicules des parlementaires français dans leur rapport d’information sont ici pour le moins édifiantes : "Srebrenica n’est pas tombée contre la volonté des gouvernements occidentaux qui, pour autant, n’ont pas voulu la chute de Srebrenica".
Le fait est que tout au long des attaques menées par les serbes, les troupes de la Forpronu, dirigées par les français et les britanniques, ont fait preuve d’une "impuissance" plus que complice avec leur allié en coulisse, la Serbie. Ce n’est pas par fantaisie que Mitterrand disait "Moi vivant, on ne fera pas la guerre aux Serbes".
La prise de l’enclave bosniaque était bien une chute planifiée. Mais cela n’empêche pas la bourgeoisie, confite d’hypocrisie et les mains encore rouge des massacres, de nous soutenir que les conséquences atroces pour les civils bosniaques étaient imprévisibles. C’est là encore un mensonge éhonté. Dès 1993, l’ambassadeur de France en Bosnie-Herzégovine, dans l’ambiance de pogrom des nationalismes serbe et bosniaque, se souvient avoir intitulé une série de télégrammes adressés au Quai d’Orsay "chronique d’un nettoyage ethnique annoncé". Aussi, en juin 1995, les services secrets de plusieurs pays avaient notés la concentration du Drina Coprs au sud de Srebrenica et la présence des hommes d’Arkan, chef paramilitaire, connu comme spécialiste des opérations d’épuration ethnique.
Malgré ces éléments, aucun plan d’évacuation de la population en cas d’attaque serbe ne sera proposé par nos défenseurs patentés de la paix et des droits de l’homme.
Quant le génocide commence, il n’y a plus aucune sorte de "mystère" sur les intentions de Mladic. D’autant que les massacres ont lieu sous le nez des forces armées de l’ONU. Pourtant, là encore, aucune évacuation ne sera prévue pour la poche de Zepa nettoyée juste après celle de Srebrenica. Ainsi, d'après un télégramme envoyé le 12 juillet 1995 par une représentation diplomatique auprès des organisations humanitaires : "Le HCR et le CICR n’entendent pas participer ou organiser l’évacuation de la population qui s’inscrit dans la politique bosno-serbe de "nettoyage ethnique", sauf si le gouvernement bosniaque leur en fait expressément la demande et à la condition que les civils de Zepa souhaitent quitter les villages de l’enclave." (cf. le rapport d’information des députés français)
Finalement, ce sont bien les grandes puissances capitalistes,
à travers leurs sanglantes rivalités impérialistes qui ont encouragé les
opérations de "nettoyage" et de "purification ethnique"
pratiquées par les cliques nationalistes rivales sur le terrain.
La Shoah, les bombardements de Dresde et de Hambourg, ceux d’Hiroshima et de Nagasaki ont aussi été commémorés cette année avec le même cynisme (cf. Revue Internationale n°121). En chaque occasion, la bourgeoisie a jeté un voile idéologique hypocrite pour tenter de masquer les responsabilités directes des grandes démocraties dans ces crimes et ces horreurs ainsi que sur la barbarie de son système.
Ce ne sont nullement des reliques du passé mais l’expression même de l’avenir que le capitalisme nous réserve tant que la classe ouvrière n'aura pas entrepris de le renverser et de le détruire.
Azel (28 juillet)
Le 17 août dernier a commencé, à grands renforts de publicité, le retrait israélien de la bande de Gaza. Pour l'occasion, les médias bourgeois nous ont abreuvés de reportages. Aux Palestiniens en liesse étaient opposés des colons israéliens effondrés de devoir quitter leurs lieux d’habitation. Malgré des intérêts impérialistes et guerriers différents, le message que veut faire passer la bourgeoisie des grandes puissances est clair : "C’est un pas vers la paix."
Le plan de désengagement de la bande de Gaza est l’œuvre du premier ministre israélien, le général Ariel Sharon. Celui-ci ne cesse de recevoir des louanges et des félicitations de la part de toutes les grandes capitales du monde : de Bush à Schröder, de Chirac à Blair. Chacun cache ses propres intérêts impérialistes derrière des discours hypocrites sur la paix. De fait, rien ne pourrait freiner la politique israélienne en matière de retrait de la bande de Gaza. L’aile la plus radicale du Likoud, les extrémistes religieux et même Netanyahou qui vient de démissionner du gouvernement Sharon pour exprimer ses divergences, n’étaient en mesure de l’empêcher. Car contrairement à ce qu’affiche publiquement la bourgeoisie, le retrait de la bande de Gaza correspond au mieux aux intérêts guerriers de l’impérialisme israélien.
Le désengagement israélien sur cette minuscule bande de terre que représente Gaza, où vivent parqués plus d'un million et demi de Palestiniens, concerne le départ de 7000 colons. L’Etat israélien payait extrêmement cher jusqu’à présent, en termes économiques et militaires, sa présence sur un petit morceau de territoire qui ne possède pas d’intérêts stratégiques particuliers. De fait, le retrait va simplement transformer la bande de Gaza en une immense prison. Dans la plus grande des misères et dans un chaos généralisé, ce sont dorénavant les différentes fractions armées bourgeoises palestiniennes y compris, l’Autorité palestinienne en pleine crise, ainsi que le Hamas, qui vont y faire régner leur loi. Quant à l’armée israélienne, elle y interviendra si nécessaire, gardant ce territoire sous haute surveillance. La population de Gaza ne peut que se retrouver plongée dans des conditions de vie toujours plus effroyables. Instabilité, violences, révoltes et désespoir vont encore gagner du terrain, faisant le lit du radicalisme religieux et du terrorisme.
Ce pseudo-pas vers la paix du capitalisme, se traduit dans la
politique de la "terre brûlée" qui consiste à tout détruire avant de
se retirer : habitations, cultures, irrigations etc….
La fuite en avant impérialiste de l’Etat d’Israël
L’objectif essentiel du plan de retrait de Sharon a pour destinée, sous couvert de paix et de bonne volonté israélienne dont le retrait de la bande de Gaza serait une concrétisation historique, de masquer l’offensive que cet Etat mène en Cisjordanie. En vingt cinq ans, le rythme d’augmentation de la population israélienne dans les territoires occupés a plus que triplé, atteignant actuellement environ 250 000 personnes. Le nombre d’Israéliens qui se sont installés dans des quartiers construits sur le territoire municipal annexé de Jérusalem-Est, a été multiplié par cinq depuis la même époque, pour monter à plus de 200 000 aujourd’hui. Mais ce rythme s’est particulièrement accéléré au cours de la dernière période. Le Gouch Etzyon est ainsi le premier bloc que le gouvernement Sharon essaie de placer du bon côté de la clôture de séparation. Depuis, les villes de Kafr Abbouch et Naplouse au Nord, en passant par Jérusalem Ouest et Est, jusqu’à Hébron et Rihiya au sud, la Cisjordanie est aujourd’hui recouverte de murs censés protéger, en les séparant, les populations israélienne et palestinienne. Tout ceci, n’est qu’un mensonge, ayant pour objet de cacher la réalité de la politique expansionniste de l’Etat d’Israël. Tout en reconnaissant à la demande expresse de l’administration Bush l’existence de "centres israéliens de population" en Cisjordanie, cela permettait à Sharon d’affirmer ouvertement le réel sens de sa politique : "Le gouvernement fera tout pour renforcer le contrôle israélien sur tout le territoire destiné à être intégré à l’Etat d’Israël, dans le cas d’un accord diplomatique…". Encore aujourd’hui, derrière l’écran de fumée idéologique du retrait de Gaza, dans l’implantation de Bata-Illit, en Cisjordanie, ce sont quelques 640 unités de logements qui viennent d’obtenir un permis de construire, tandis qu’en Gival Tal, une petite colonie proche d’Alfei Menaske, ce ne sont pas moins de 1000 unités qui sont en chantier. (Courrier international, 28/07/05). La bourgeoisie israélienne, dans son offensive impérialiste, se doit nécessairement de contrôler la Cisjordanie, quelles que soient par ailleurs les conséquences en terme de développement du chaos et de la barbarie. La Cisjordanie s’avère être une plaque tournante géostratégique de première importance. Cette région est en effet frontalière avec la Jordanie, mais surtout avec le Liban et la Syrie. La confrontation impérialiste permanente entre la Syrie et Israël place donc la Cisjordanie au centre d’enjeux vitaux, que la montée des tensions entre l’Iran, Israël et les Etats-Unis ne fait qu’exacerber.
De son côté, la bourgeoisie palestinienne, même au sein d’une Autorité particulièrement affaiblie et plus divisée que jamais depuis la mort de son leader historique Arafat, ne peut que réagir de plus en plus violemment pour défendre ses propres intérêts. Les mouvements les plus radicaux de la bourgeoisie palestinienne, tels le Hamas, par delà les discours idéologiques apaisants de circonstance, vont être poussés eux-mêmes dans une fuite en avant guerrière. La Cisjordanie aujourd’hui est une véritable poudrière, où populations israélienne et palestinienne maintenant séparées par des murs et des barbelés, seront exposées au même développement de la misère, aux explosions de frustration et de colère, creusant le lit du radicalisme et du terrorisme le plus aveugle. La Cisjordanie, transformée en gigantesque ghetto abritant une population désespérée, encore beaucoup plus nombreuse et privée de tout que dans la bande de Gaza, est vouée à s'enfoncer dans un chaos sanglant.
Un pas de plus dans la décomposition
Au Moyen-Orient, la montée de la guerre et du chaos s’accélère, et les discours sur la paix tenus par les grandes métropoles capitalistes et les bourgeoisies israélienne comme palestinienne ne pourront rien y changer. L’hypocrisie de la politique des bourgeoisies locales ne peut que provoquer une accélération de la décomposition dans toute la région. Le prolétariat n’a rien à attendre des mensonges de la bourgeoisie sur la paix. Dans le capitalisme, il ne peut exister que la paix des tombes. Les poisons nationalistes et religieux qui prolifèrent tout particulièrement dans cette région, que ce soit du côté palestinien ou israélien ne peuvent conduire qu’à l’enfoncement dans une barbarie croissante.
Tino (24 août)
« Dirigeants du monde », « terroristes internationaux » :
Ils sont tous responsables du massacre des ouvriers.
Qui sont les premières victimes des attentats terroristes dans le centre de Londres le 7 juillet 2005 ? Comme à New York en 2001 et à Madrid en 2004, les bombes visaient délibérément les ouvriers, les gens qui s'entassent dans les métros et les bus pour aller au travail. Al Qaida qui revendique la responsabilité de ce meurtre de masse, dit qu'elle a voulu venger "les massacres perpétrés en Irak par l'armée britannique". Mais la boucherie sans fin que subit la population irakienne,n'est pas la faute de la classe laborieuse de Grande Bretagne ; ce sont les classes dominantes de Grande Bretagne, d'Amérique qui en sont responsables - sans parler des terroristes de la soi-disant 'Résistance' qui sont quotidiennement impliqués dans le massacre d'ouvriers et de civils innocents à Bagdad et dans les autres villes. Pendant ce temps, les architectes de la guerre en Irak, les Bush et les Blair, restent sains et saufs ; pire encore, les atrocités commises par les terroristes leur fournissent le prétexte idéal pour lancer de nouvelles aventures militaires, tout comme ils l'ont fait en Afghanistan et en Irak après le 11 septembre.
Tout cela est dans la logique de la guerre impérialiste : des guerres menées dans l'intérêt de la classe capitaliste, des guerres pour la domination de la planète. La grande majorité des victimes de ces guerres, ce sont les exploités, les opprimés, les esclaves salariés du capital. La logique de la guerre impérialiste excite la haine nationale et raciale, fait, de populations entières, "l'ennemi" à insulter, à attaquer et à abattre. Elle monte les ouvriers les uns contre les autres et les empêche de défendre leurs intérêts communs. Pire, elle appelle les ouvriers à rallier le drapeau national et l'Etat national, à marcher de plein gré à la guerre en défense d'intérêts qui ne sont pas les leurs, mais ceux de leurs exploiteurs.
Dans sa déclaration sur les attentats de Londres depuis la réunion des riches et des puissants au Sommet du G8, Blair a dit : "Il est important cependant que ceux qui sont engagés sur la voie du terrorisme sachent que notre détermination à défendre nos valeurs et notre mode de vie est plus grande que leur détermination à semer la mort et la destruction chez une population innocente".
La vérité, c'est que les valeurs de Blair et celles de Ben Laden sont exactement les mêmes. Ils sont aussi prêts l'un que l'autre à semer la mort et la destruction chez une population innocente pour défendre leurs intérêts sordides. La seule différence, c'est que Blair est un grand gangster impérialiste et Ben Laden un petit. Nous devons rejeter totalement tous ceux qui nous demandent de choisir un camp contre un autre.
Toutes les déclarations de solidarité avec les victimes des attentats de Londres proclamées par 'les dirigeants du monde' sont de la pure hypocrisie. Le système social qu'ils dirigent depuis le siècle dernier, a anéanti des dizaines de millions d'êtres humains dans deux guerres mondiales barbares et des conflits sans nombre, de la Corée au Golfe, du Vietnam à la Palestine. Et contrairement aux illusions que sèment Geldof, Bono et autres organisateurs de concerts humanitaires, ils dirigent un système qui, par sa nature même, ne peut pas "make poverty history", jeter la pauvreté aux poubelles de l'histoire, mais condamne au contraire les populations par centaines de millions à une misère croissante et empoisonne tous les jours la planète pour défendre ses profits. La solidarité que veulent les dirigeants du monde est une fausse solidarité, l'unité nationale entre les classes qui leur permettra de déchaîner de nouvelles guerres dans le futur.
La seule véritable solidarité est la solidarité internationale de la classe ouvrière, fondée sur les intérêts communs des exploités de tous les pays. Une solidarité qui dépasse toutes les divisions raciales et religieuses et qui est la seule force capable de s'opposer à la logique capitaliste du militarisme et de la guerre.
L'histoire a montré la puissance d'une telle solidarité : en 1917-18, quand les mutineries et les révolutions en Russie et en Allemagne ont mis fin au carnage de la Première Guerre mondiale. Et l'histoire a aussi montré le prix terrible que la classe ouvrière a dû payer quand cette solidarité a été à nouveau remplacée par la haine nationale et la loyauté à la classe dominante : l'holocauste de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, le capitalisme répand à nouveau la guerre sur la planète. Si nous voulons l'arrêter de nous engloutir dans le chaos et la destruction, nous devons rejeter tous les appels patriotiques de nos dirigeants, lutter pour défendre nos intérêts en tant qu'ouvriers et nous unir contre cette société mourante qui ne peut rien nous offrit que l'horreur et la mort à une échelle toujours grandissante.
(Courant communiste international, 7 juillet 2005)
Pendant trois semaines en juillet, le monde a tremblé face à une vague d'attentats meurtriers d'une fréquence sans précédent, de Londres à Charm El-Cheikh et en Turquie. A ceux-là s’ajoutent les bombes explosant quotidiennement en Irak, en Afghanistan, au Liban ou au Bengladesh. Les Etats et leurs gouvernements cherchent à nous faire croire qu'ils combattent le terrorisme et qu'ils sont capables de protéger les populations des attentats. Quels mensonges !
Le terrorisme est une expression de la barbarie guerrière du capitalisme
Les Etats ne combattent pas le terrorisme. Ce sont eux qui le sécrètent et le font prospérer. Ce sont de plus en plus clairement tous les Etats, grands ou petits, qui commanditent, infiltrent, manipulent, utilisent les fractions, groupes et nébuleuses terroristes partout dans le monde pour défendre ou faire valoir leurs sordides intérêts. Le terrorisme est aujourd'hui devenu une arme de plus en plus fréquemment utilisée dans la guerre ouverte ou larvée que se livrent les bourgeoisies du monde entier. Rappelons que Ben Laden et le groupe Al Qaida eux-mêmes ont été formés à l'école américaine de la CIA dans les années 1980 pour organiser la résistance à l'occupation des troupes russes en Afghanistan. Nombre de dirigeants politiques bourgeois aujourd'hui présentés comme respectables, de Begin à Arafat en passant par Gerry Adams, sont d'anciens chefs terroristes.
Ce phénomène constitue un pur produit du capitalisme pourrissant, une des manifestations les plus criantes de la barbarie de la société capitaliste. L'Etat bourgeois profite des sentiments d'insécurité permanente, de peur et d'impuissance suscités par de tels actes dans les populations pour se présenter comme le seul rempart possible contre la montée du terrorisme. Rien n'est plus faux ! La classe ouvrière ne peut que se sentir directement interpellée, indignée et révoltée par ces attentats parce que souvent, comme à New York en 2001, à Madrid en 2004 ou à Londres cette année, ce sont des prolétaires qui se rendent sur leur lieu de travail qui sont les principales victimes de ces actes barbares. Mais la solidarité envers les victimes de ces attentats de la part de leurs frères de classe face au terrorisme ne passe nullement par l'union nationale avec la bourgeoisie mais au contraire par le refus catégorique de cette union sacrée. L'Etat nous demande de resserrer les rangs autour de sa défense et de la démocratie dans un même élan d'union nationale. On ne peut lui faire aucune confiance pour protéger les populations du terrorisme. Ce sont les gouvernements, en tant que fauteurs de guerre, qui sont responsables de ce déchaînement d'horreurs qu'ils sont bien incapables d'enrayer. Plus la bourgeoisie déclare ouvertement la guerre au terrorisme, plus se multiplient les attentats, plus les grandes puissances se vautrent dans le sang et la boue et précipitent les populations dans un engrenage sans limites de violence, de guerre et de représailles. Les seules mesures concrètes que puissent adopter la bourgeoisie au nom de l'anti-terrorisme, c'est la mise en place des différents plans Vigipirate ou ses équivalents, destinés à faire accepter un brutal renforcement de l'appareil répressif et permettant surtout la multiplication des moyens de contrôle et de surveillance de la population.
A quoi servent les campagnes anti-terroristes de la bourgeoisie ?
Les campagnes anti-terroristes actuelles ont permis de justifier avant tout un renforcement sans précédent de l’appareil répressif. La situation en Grande-Bretagne en constitue une illustration édifiante. L’exemple le plus flagrant a été l’assassinat d’un jeune Brésilien dans le métro londonien avec l’autorisation donnée à la police de tirer à vue sur tout suspect (voir article page 4). La bourgeoisie anglaise a rapidement compris que la classe ouvrière n’était pas prête à se ranger derrière les intérêts de l'Etat bourgeois au nom de "l'anti-terrorisme". Elle s'est bien gardée d'appeler à des manifestations monstres comme celles organisées en avril 2004 contre le terrorisme dans les rues de Madrid et de toute l'Espagne après les attentats en gare d'Atocha. C’est d'ailleurs probablement elle-même qui a organisé une seconde série "ratée" d'attentats, qui avait tout d'un simulacre, précisément dans le but de relancer le message de la mobilisation nationale et pour mieux faire passer aux yeux des prolétaires les méthodes de quadrillage et de surveillance policière.
Malgré cela, la classe ouvrière a démontré qu'elle ne se laissait pas intimider. La grève d'un millier de salariés à l'aéroport d'Heathrow en Grande-Bretagne en solidarité avec 670 de leurs frères de classe brutalement attaqués et menacés de licenciement à côté d'eux en est une preuve irréfutable . En dépit de la pression policière existante, cette lutte a clairement démontré que ce qui est en jeu pour les prolétaires n'est pas le maintien de l'ordre bourgeois et sa terreur mais la défense de ses intérêts de classe face aux attaques qu'ils subissent. Et c'est justement le développement de ses luttes qui est à l'ordre du jour. Cette reprise des luttes ouvrières face à la mise en œuvre parallèle des moyens policiers montre justement quel est le véritable objectif de tout ce déploiement policier. La préoccupation essentielle de la bourgeoisie n’est nullement la chasse aux terroristes. Elle sait par contre qu'avec l'aggravation de la crise économique mondiale, elle va devoir imposer des attaques de plus en plus féroces au prolétariat et faire face à un développement à l'échelle internationale des luttes de résistance de la classe ouvrière à ces attaques.
La lutte de classe est le seul moyen de combattre la terreur capitaliste
Il n'existe pas de solution-miracle, immédiate, qui permette du jour au lendemain d'empêcher les attentats terroristes, pas plus que la guerre impérialiste de se déchaîner sur la planète. Une seule classe a la possibilité de s'opposer à terme à la montée en puissance du terrorisme, de la guerre et de la barbarie, c'est le prolétariat à travers le développement de ses luttes de résistance aux attaques de la bourgeoisie sur son terrain de classe. Le véritable enjeu qui menace l'ordre bourgeois, c'est qu'à travers le développement de la lutte de classe, la classe ouvrière est amenée à prendre conscience du lien existant entre les attaques qu'elle subit avec la guerre et le terrorisme qui débouche sur la remise en cause du système capitaliste dans son ensemble et sur la nécessité de sa destruction.
Et c'est seulement à travers le renversement du système capitaliste et de ses rapports d'exploitation que la classe ouvrière peut y parvenir. Les méthodes et les moyens d'action du prolétariat qui reposent sur la conscience et la solidarité de classe, sur le caractère collectif, unitaire, internationaliste de ses luttes sont radicalement opposées et antagoniques à ceux du terrorisme.
La classe ouvrière en Grande-Bretagne a démontré la capacité des prolétaires à affirmer leur réponse au chantage de la bourgeoisie à travers leur solidarité sur un terrain de classe face aux licenciements et aux attaques du capitalisme. C'est de cet exemple que les prolétaires de tous les pays doivent s'inspirer. C'est en menant leur combat de classe sur un terrain de résistance et de solidarité face aux attaques économiques qu'ils subissent, qu'ils pourront opposer une alternative et une perspective à l'impasse et à la barbarie guerrière du monde capitaliste qui menace la survie de l'humanité toute entière.
Non à l'union nationale, oui à la solidarité de classe !
Wim (24 août)
La multiplication des accidents d'avion (6 en 2 mois, 330 morts…) cet été ne sont nullement imputables à une quelconque loi des séries, à la fatalité comme le prétendent chaque fois les médias, pas plus qu'à des erreurs humaines comme le concluent la plupart des commissions d'enquête ordonnancées par la suite. Le véritable responsable de ces catastrophes, c'est le système capitaliste et sa loi du profit qui, au péril de la vie des passagers, pousse à faire voyager de plus en plus de monde à bord de véritables cercueils volants, pour faire baisser au maximum les coûts de revient. Alors que les aéroports comme les compagnies aériennes sont confrontés à un trafic aérien de plus en plus intense et embouteillé, deux seuls impératifs : économiser sur le personnel comme sur le matériel et rentabiliser à tout prix face aux concurrents. La fuite en avant dans une concurrence démentielle entre les compagnies aériennes, les tours-opérateurs, les aéroports s'est encore exacerbée avec le succès de la formule publicitaire du voyage à bas prix à bord de vols charters. Impossible de respecter les normes de sécurité les plus élémentaires ou d'effectuer des contrôles sérieux quand la majorité de la flotte aérienne est désormais composée de vieux coucous dont l'âge, l'état ou le nombre d'heures de vol exigerait une mise à la casse immédiate et provoquerait instantanément la faillite de pratiquement toutes les compagnies aériennes. D'ailleurs, les rapports alarmants sur l'état du parc des charters dans les aéroports sont systématiquement enterrés. Par exemple, le MD-82 de la West Caribbean qui s'est écrasé au Venezuela effectuait régulièrement jusqu'à douze vols quotidiens ([1] [150])...
Il ne faut pas se faire la moindre illusion. Tant que le capitalisme existera, de telles catastrophes meurtrières ne pourront qu'être de plus en plus fréquentes.
[1] [151] L'Etat français a par ailleurs dans ces circonstances illustré tout le cynisme de la bourgeoisie en allant jusqu'à faire payer le voyage et la prise en charge des familles des victimes martiniquaises de la catastrophe pour aller reconnaître les corps de leurs proches par les habitants des communes et les collectivités locales, sans débourser d'autre frais que le déplacement officiel de Chirac aux obsèques…
Nous publions ci-dessous le courrier d'une lectrice auquel nous apportons notre soutien et qu'il n'est pas nécessaire de commenter.
Chers camarades,
Voici une petite contribution concernant mes impressions quant au brevet des collèges.
En effet, en tant qu’enseignante, j’ai été de surveillance pour l’épreuve d’histoire – géographie – éducation-civique du brevet en juin. J’ai donc découvert en même temps que nos chères têtes blondes la cuvée 2005… et quelle cuvée ! 1 doigt de documents triés, 2 doigts de questions orientées, 3 doigts de réflexion dirigée, saupoudrez le tout de quelques graines de démocratisme… et vous obtiendrez la délicieuse liqueur de fleur de brevet !
Tout le sujet puait l’hypocrisie et la manipulation. L’Etat prétend développer à travers son école la réflexion, l’esprit critique et la compréhension du monde, mais c’est une belle mascarade. Voyez plutôt. ([1] [152])
Le sujet d’histoire concernait "les années De Gaulle". Ici, les élèves, des gamins de 14-15 ans, n’avaient pas le choix, ils devaient glorifier la France : "vous montrerez que les années De Gaulle sont une période d’affirmation de la puissance française au niveau national et international".
Tout d’abord, les documents balançaient des extraits de discours de De Gaulle pour mieux nous convaincre de la véracité de la thèse à défendre : "aujourd’hui, (le) poids et (le) rayonnement (de la France) sont reconnus partout dans l’univers", "nous sommes à présent en plein essor de prospérité et de progrès social".
Ensuite, l’une des principales preuves de la puissance retrouvée était la modernisation de l’armée française avec "la première bombe atomique française (qui) explose au Sahara" en 1960 et le "lancement du Redoutable, premier sous-marin nucléaire français lanceur d’engins" en 1967 !
Enfin, et surtout, la toute nouvelle émancipation de l’impérialisme français était pointée du doigt au travers "le retrait de la France du commandement militaire intégré de l’OTAN" (qui, comme chacun sait, est sous la domination américaine) en 1966 et la fermeture des "bases militaires américaines sur le territoire français" un an plus tard. Ici on ne fait qu’effleurer du bout de la plume l’anti-américanisme si présent aujourd’hui, mais cette allusion très lourde de sens ne vise qu’à enrôler un peu plus derrière le drapeau tricolore et à justifier la politique actuelle. Et ce d’autant plus que le dernier document présentait le rapprochement franco-germanique au travers la visite du général De Gaulle au chancelier Adenauer en 1962 parmi une foule brandissant des banderoles "vive l’Europe unie", "pour une Europe fédérée".
Comme nous sommes en démocratie, nos chérubins ont eu le choix : sujet d’histoire ou géographie. Donc s’ils ne voulaient pas crier "Vive la France", la bourgeoisie leur laissait l’alternative de chanter "A bas les Etats-Unis". Le titre du sujet de géographie donnait en effet le ton : "Les Etats-Unis, une super-puissance contestée".
Sans jamais critiquer ouvertement les Etats-Unis, les questions, les documents distillaient insidieusement un sentiment anti-américain, faisant ainsi écho à la propagande partout présente dans les journaux, à la télévision, etc. On demandait effectivement aux élèves de démontrer la suprématie militaire, économique et culturelle… mais les textes choisis étaient acerbes : "A l’exception de 2 ou 3 industries cinématographiques qui résistent encore (l’Inde et la France, par exemple), Hollywood exerce une domination absolue sur le cinéma mondial – donc "sur nos rêves et dans nos têtes", dit-on en Europe." Le but était clair : faire ressentir une aversion pour cet Etat.
Mais le plus écoeurant a été le cynisme avec lequel ont été abordés les évènements du 11 septembre : pas une seule fois n’ont été évoqués les 2000 morts, pas une seule fois n’a été critiquée l’atrocité du terrorisme. Au contraire, en demandant aux élèves "Comment la puissance américaine a-t-elle été contestée le 11 septembre 2001 ?", l’idée insinuée n’était autre que du type, vulgairement parlant, "bien fait pour leur gueule" ! Ce sentiment était renforcé par la caricature de Plantu illustrant la question qui montre l’Oncle Sam, dont les jambes sont le World Trade Center, attaqué par deux boeing.
Le choix des sujets était donc un faux choix :
chauvinisme français ou anti-américanisme. Le résultat est le même, c’est la
défense des intérêts impérialistes français.
Le troisième sujet, obligatoire pour tous celui-là, est venu enfoncer le clou encore un peu plus. A travers une discipline entièrement consacrée à l’idéologie bourgeoise, l’éducation-civique, la classe dominante endoctrine les enfants de la classe ouvrière. Elle leur a imposé de démontrer que "l’engagement du citoyen dans la vie politique, associative et syndicale permet une vie sociale plus solidaire" ! Les documents martelaient sans cesse le même message : "les associations donnent aux citoyens l’occasion d’entreprendre autrement pour d’autres motifs que la stricte recherche du profit", "les associations permettent de créer de telles solidarités", "la défense de l’esprit civique conduit à inciter au geste fondamental d’insérer un bulletin dans une urne", etc. Il fallait leur faire entrer dans le crâne que ce système, même s’il n’est pas parfait, permet de lutter pour une vie plus juste, sans "racisme", sans "misère", avec des vacances pour tous grâce au Secours Populaire !
Tout cet endoctrinement martelé à ces jeunes cerveaux pour être sûr qu’ils n’iront pas réfléchir plus loin est écoeurant. J’en avais la nausée. Je ne pouvais même pas leur expliquer que le nationalisme et le démocratisme ne mènent à rien. La manipulation était grossière mais maligne, aucune discussion ne faisant jamais suite à ces examens et la critique de toute façon difficile sous peine d’être accusé de prosélytisme.
La question à se poser reste : pourquoi un tel acharnement propagandiste ? La réponse est simple : les enfants du prolétariat, futurs ouvriers eux-mêmes, vivent dans un monde de plus en plus barbare où la guerre et la misère deviennent des horreurs quotidiennes. La noirceur et l’incertitude du futur promis pas le capitalisme ne peuvent qu’engendrer chez ces jeunes un questionnement (à l’image des manifestations lycéennes de l’hiver dernier). La bourgeoisie s’empresse donc d’apporter ses réponses, de dévoyer la réflexion vers ses impasses : le chauvinisme et la démocratie.
Fraternellement.
Lily.
[1] [153] Toutes les citations sont extraites de l’épreuve d’histoire – géographie (J1) et éducation civique du diplôme national du brevet, série collège, options LV2 et technologie, session 2005.
Après la victoire du Non au référendum, le gouvernement avait lancé la promesse de s'attaquer en priorité au problème de l'emploi et du chômage. Dans la bouche de la bourgeoisie, cela ne pouvait signifier qu’une chose : une nouvelle attaque en règle contre les chômeurs et contre l'ensemble de la classe ouvrière. Aujourd'hui, les "100 jours" que s'était donnés de Villepin pour régler la question arrivent à leur terme. Et la bourgeoisie aura largement profitée des vacances d’été pour faire passer en urgence (et par voie d’ordonnance) sa série de nouvelles mesures anti ouvrières.
Une attaque contre les chômeurs
Chirac avait déjà donné le sens de l'action du gouvernement lors de la Garden Party du 14 juillet à l'Elysée : "Il y a trop de Français qui ne sont pas incités ou encouragés par des procédures adaptées à prendre des emplois." Autrement dit, les ouvriers réduits au chômage seraient des fainéants et des tire-au-flanc qu'il faudrait inciter à travailler...
Donc, le gouvernement s'est engagé plus résolument encore que ses prédécesseurs, de droite comme de gauche, à les éliminer purement et simplement des listes de l'ANPE et à supprimer leurs allocations. Ainsi, l'accès aux indemnité-chômage va diminuer de façon drastique, sous prétexte de "pousser à la recherche d'emploi" : moins 20% de l'allocation après un premier refus de l'emploi "sans motif légitime", 50% au deuxième, puis suppression totale pour "absence d'actes positifs de recherche d'emploi". Par la mise en oeuvre de ces directives, le gouvernement prétend "abolir l'assistanat" qui ronge la société française, portant en réalité un coup violent sur les chômeurs, en faisant baisser à la fois le coût qu'ils représentent et les chiffres officiels du chômage.
Les trois millions d'ouvriers au chômage qui existent officiellement en France vont donc être mis en demeure de choisir entre le travail à n'importe quelles conditions et n'importe quel salaire ou la disparition dans le néant avec la pire misère. Et ils seront nombreux à subir inexorablement la seconde "solution". Ainsi, officiellement, seulement 215 000 emplois ne trouvent pas preneurs sur l'ensemble du marché du travail, ce qui ne représente qu'un emploi environ pour cinq chômeurs ; mais, de plus, l'ANPE estime elle-même qu'en réalité ce chiffre se réduirait à 97 000 du fait que les employeurs ne déclarent pas leurs embauches à celle-ci. On mesure là l'énormité de l'hypocrisie et des mensonges gouvernementaux.
Pour mettre en évidence l'efficacité d'une accélération de son action "pour défendre l'emploi", le gouvernement s'est vanté de la baisse du chômage de 1,4% fin juin. Et il s'avère en effet que cette diminution est la conséquence de la "mise à jour" des fichiers de l'ANPE, c'est-à-dire de la radiation de nombreux chômeurs.
Pour le premier ministre de Villepin, le contrat nouvelle embauche (CNE) repose sur un "équilibre fondamental", celui de "plus de souplesse pour l'employeur les deux premières années, plus de garanties pour le salarié en cas de rupture". Il est clair que c'est tout bénéfice pour les employeurs, pour lesquels la "ristourne" est évidente : virer à volonté le personnel, directement en fonction des besoins du marché, sans préavis, sans justification aucune, et faire peser en permanence sur la tête des ouvriers la menace du licenciement afin d'avoir une main d'oeuvre plus corvéable et docile. Comme le disait un chef d'entreprise : "Le CNE nous permet de minimiser les risques si le projet ne marche pas. Rompre un contrat en CDI est plus compliqué." (Le Monde du 10 août 2005)
La seule "garantie" pour les jeunes salariés embauchés dans le cadre d'un CNE sera à coup sûr d'être exploités sans merci.
Voilà donc une des armes de choc que le gouvernement a sorties de son chapeau et dont il s'est empressé de faire accélérer la mise en oeuvre avant même septembre, contrairement à ce qui était prévu initialement. Loin de régler la question de l'emploi et du chômage, elle va accentuer la précarité des conditions de vie et de travail d'une partie mais aussi de toute la classe ouvrière. Ainsi, pendant le dernier trimestre 2004, 3 recrutements sur 4 ont été effectués en CDD, ce qui est révélateur de cette tendance que le CNE va encore venir alourdir.
De plus, la création du CNE, liée aux mesures sur les chômeurs pour leur faire accepter n'importe quoi sous peine de radiation, vient ajouter à la pression grandissante qui existe dans tous les secteurs et pour tous les âges à la baisse des salaires.
Dans le contexte de concurrence internationale qui fait rage, il s'agit de faire payer la crise économique aux prolétaires et de leur imposer les exigences d'un capital national aux prises avec la guerre commerciale.
La "riposte" des syndicats : une mascarade pour mieux faire passer les attaques anti-ouvrières
Les syndicats nous parlent de journées d'action pour "fêter l'anniversaire des 100 jours" à la rentrée. Quelle foutaise ! Pendant l'été, les mesures gouvernementales sont allègrement passées, devant des syndicats sans réaction, et qui parlent à présent de "rentrée chaude" et de "riposte unitaire". Mais si, d'un côté, ils ont laissé se mettre en place les attaques de fond dans le silence le plus complet, ils ne sont pas restés inactifs sur le terrain, face à de nombreuses grèves qui se sont déroulées cet été et dans tous les secteurs.
Chez Bata, à La Poste, dans certains centres de tri, chez Michelin, chez Nestlé, Virgin, Pizza Hut, dans le transport aérien, chez les cheminots d'Effia (entreprise privée employant des cheminots pour la SNCF), à FR3, chez les saisonniers agricoles, etc., partout, face à la lutte, les syndicats se sont efforcés d'enfermer les ouvriers dans le cadre du corporatisme de boîte le plus étroit, pour mieux faire passer les multiples attaques dont les ouvriers sont l'objet. Licenciements, fermetures d'usines, baisses des salaires, ils n'ont eu de cesse de canaliser la colère dans le secteur et d'isoler les ouvriers pour mieux briser la lutte et surtout empêcher la prise de conscience que c'est partout que la classe ouvrière est attaquée.
Face à l'offensive que la bourgeoisie, en France comme ailleurs, est contrainte de mener avec violence et avec une force qui ne peut que s'accroître, les ouvriers ne peuvent nullement compter sur les syndicats pour se défendre et pour mettre en avant les besoins vitaux d’extension et d’unité de la lutte ; au contraire, leur boulot, c’est de la saboter, de l'éparpiller en divisant et en affaiblissant la classe ouvrière. Ce sont les ouvriers eux-mêmes qui peuvent développer cette riposte, en prenant conscience de leurs propres forces, en sortant de l'isolement que leur imposent les syndicats et en allant chercher la solidarité avec leurs frères de classe qui subissent les mêmes attaques. La classe ouvrière en a les moyens : les ouvriers de l'aéroport d'Heathrow qui se sont mis en grève en solidarité avec des ouvriers d'un autre secteur ont encore montré cette capacité et cette nécessité qui se fait de plus en plus jour dans les rangs des prolétaires. Mais pour cela, il ne faut pas faire confiance aux syndicats et les rejeter, car ce sont les premiers ennemis de la solidarité ouvrière et du développement de ses forces.
KW (25 août)
La bourgeoisie démocratique prépare ses escadrons de la mort.
Vendredi 22 juillet, à 10 heures du matin, des policiers ont abattu froidement, de 5 balles de révolver tirées à bout portant, Jean-Charles de Menezes, un électricien brésilien de 27 ans. Le crime de ce jeune ouvrier, qui lui a valu cette exécution sommaire : se trouver au mauvais endroit au mauvais moment et, peut être (car on peut toujours douter de la version officielle), d'avoir pris la fuite devant un groupe de policiers menaçants qui l'avaient pris pour quelqu'un d'autre. Cela ne s'est pas passé dans une favela de Rio de Janeiro et les policiers flingueurs n'appartiennent pas aux "escadrons de la mort" qui, au Brésil et dans beaucoup d'autres pays du tiers-monde, ont carte blanche des autorités pour "nettoyer" les "asociaux" (petits délinquants ou opposants politiques). Cela s'est passé à Londres, la capitale du "pays le plus démocratique du monde" et les flics en question sont des "bobbies", connus dans le monde entier pour leur bonhomie, fonctionnaires de la police la plus prestigieuse du monde, Scotland Yard.
Évidemment, ce crime a provoqué une certaine émotion parmi les porte-parole de la classe bourgeoise : le Financial Times parle du "virage potentiellement dangereux" pris par les forces de sécurité. Évidemment, le chef de la police de Londres, Sir Ian Blair, a "regretté" cette "bavure" et a présenté ses condoléances à la famille de la victime. Évidemment, une enquête est ouverte pour "établir la vérité". Il est même possible qu'un ou deux policiers soient sanctionnés pour ne pas avoir su faire la différence entre un brésilien catholique et un pakistanais musulman. Mais les véritables responsables du crime, ce ne sont pas les porte-flingue qui ont appuyé sur la gâchette. S'ils ont assassiné le jeune Jean-Charles, c'est qu'ils avaient reçu l'ordre de "tirer pour tuer".
Les explications ne manquent pas, marquées de toute la subtile hypocrisie qui caractérise la classe régnante britannique. D’après Sir Ian Blair, "Il n’y a là rien de gratuit, pas la moindre légèreté. Il n’y a pas de politique de ‘tirer pour tuer’, il y a une politique de ‘tirer pour tuer pour protéger’" ([1] [154]) Son prédécesseur, John Stevens, qui n’a plus besoin de pratiquer la langue de bois, avait annoncé la couleur il y a quelques mois : "Il n'y a qu'un seul moyen sûr de stopper un kamikaze déterminé à accomplir sa mission : lui brûler la cervelle sur le champ et totalement. Cela signifie viser la tête avec une puissance dévastatrice, le tuer immédiatement." ([2] [155]) Mais il n'y a pas que les flics pour tenir un tel discours ; c'est le très "gauchiste" maire de Londres, Ken Livingstone, qui justifie l'assassinat en ces termes : "Si vous avez affaire à un kamikaze potentiel, qui peut déclencher des explosifs, la politique qui s'applique est celle du 'tirer pour tuer'".([3] [156])
Il ne faut pas s'y tromper, l'argument du "kamikaze déterminé à accomplir sa mission" n'est qu'un prétexte fallacieux : quand les troupes britanniques flinguaient des irlandais innocents qu'elles avaient pris pour des terroristes, ce n'est pas parce que les vrais terroristes de l'IRA étaient des kamikazes (d'ailleurs, l'Église catholique réprouve le suicide). En réalité, pour l'État capitaliste, en Grande-Bretagne et dans tous les pays "démocratiques", les actes terroristes, comme ceux du 7 et du 21 juillet à Londres, sont toujours l'occasion de renforcer les mesures de répression, d'avancer dans la mise en oeuvre de méthodes qui sont celles des régimes "totalitaires" et surtout d'habituer la population à ces méthodes. C'est ce qui s'est passé par exemple après le 11 septembre 2001 aux États-Unis ou en France après les attentats de 1995 attribués aux "Groupes Islamistes Armés" algériens. Pour la propagande officielle de la classe dominante il faut choisir : soit accepter une présence de plus en plus étouffante de la police dans tous les moments et tous les lieux de notre vie, soit "faire le jeu du terrorisme".
Aujourd'hui, en Grande-Bretagne, cette toute puissance de la police atteint un de ses points extrêmes : les flics ont non seulement le droit mais l'ordre de tuer toute personne qui leur paraît "suspecte" pour peu que celle-ci n'obéisse pas immédiatement à leurs injonctions. Et cela au pays qui a inventé "l'Habeas Corpus", c'est-à-dire l'interdiction des arrestations arbitraires, dès 1679. Traditionnellement, en Grande-Bretagne, comme dans tous les pays "démocratiques", on ne pouvait pas mettre en prison une personne sans la présenter rapidement à un juge. Aujourd’hui, dans ce pays, il y a déjà des personnes enfermées à la prison de Belmarsh (près de Londres) et qui sont détenues sans procès. Maintenant, elles peuvent être tirées à vue dans la rue ! ([4] [157])
Pour l'heure, ceux qui sont officiellement visés, ce sont les "terroristes kamikazes". Mais ce serait une terrible erreur de croire que la bourgeoisie, la classe qui dirige la société, en restera là. L'histoire a démontré à de nombreuses reprises que lorsque cette classe se sent menacée, elle n'hésite pas à fouler au pieds ses grands principes "démocratiques". Dans le passé, ces principes avaient été un instrument de son combat contre l'arbitraire et la domination de l'aristocratie. Ensuite, lorsqu'elle dominait elle-même sans partage et sans menace la société, elle avait pu les conserver comme ornements, en particulier pour tromper les masses exploitées et leur faire accepter l'exploitation. Ainsi, au 19e siècle, la bourgeoise anglaise toute-puissante pouvait se payer le luxe de laisser entrer en Grande-Bretagne les réfugiés politiques des révolutions vaincues du Continent qui étaient chassés de tous les autres pays, comme les ouvriers français victimes de l'écrasement de la Commune de Paris de 1871.
Aujourd'hui, ce n'est pas le "terrorisme islamiste" qui menace la bourgeoise. Les principales victimes de ce terrorisme criminel, ce sont les ouvriers et les employés qui prennent le métro pour se rendre à leur travail où qui travaillaient dans les bureaux des Twin Towers. De plus, le "terrorisme", grâce à l'horreur légitime qu'il inspire dans la population, a constitué un excellent prétexte à tout une série d'États pour justifier leurs aventures impérialistes en Afghanistan et en Irak.
Non, la seule force dans la société qui puisse menacer la bourgeoisie est la classe ouvrière. Pour le moment, les combats ouvriers sont encore loin d'ébranler l'ordre bourgeois, mais la classe dominante sait parfaitement que la crise insurmontable de son système et les attaques toujours plus violentes qu'elle sera conduite à porter contre les prolétaires pousseront de plus en plus ces derniers à engager des combats de grande ampleur jusqu'à menacer le pouvoir des exploiteurs. Alors, ce ne sont pas les "terroristes" qui se feront tirer comme des lapins, mais les ouvriers les plus combatifs et les éléments révolutionnaires, les communistes (qui seront alors traités de terroristes). ([5] [158]) Et sans "Habeas Corpus".
Ce ne sont pas là des spéculations ou des prédictions tirées d'une boule de cristal. C'est ainsi qu'a toujours agi la bourgeoise lorsque ses intérêts vitaux étaient menacés. Le traitement habituellement réservé aux populations colonisées ou du tiers-monde par la bourgeoisie de TOUS les pays "démocratiques", elle l'applique aussi aux prolétaires de ces pays quand ils se révoltent contre leur exploitation. Ainsi, en 1919, dans une Allemagne gouvernée alors par le parti Social-Démocrate, c'est-à-dire le parti de Gerhard Schröder, cousin du Labour de Tony Blair, on a massacré par milliers les ouvriers qui, à la suite de la révolution de 1917 en Russie, s'étaient dressé contre l'ordre bourgeois. Quant aux révolutionnaires comme Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, ils ont été assassinés par les militaires qui les avaient arrêtés sous prétexte qu'ils avaient "tenté de fuir".
L'ignoble assassinat du 22 juillet à la station Stockwell ne doit pas seulement être dénoncé. Cela, les pleureuses habituelles qui geignent à chaque "atteinte aux droits démocratiques" sont capables de le faire aussi. Il doit surtout servir aux prolétaires de Grande-Bretagne et de tous les pays à comprendre la véritable nature et les véritables méthodes de leur ennemi de classe, la bourgeoisie. Ce sont des "escadrons de la mort" que la bourgeoisie prépare dès aujourd'hui, partout dans le monde, et que les prolétaires devront affronter demain.
Courant communiste international (24 juillet 2005)
[1] [159] Guardian.co.uk, 24 juillet
[2] [160] News of the World Sunday du 6 mars 2005 page 13, "Oubliez les droits de l’homme, chassez les fanatiques"
[3] [161] News24.com, 22 juillet
[4] [162] Grâce aux "lois spéciales" comme celles qui ont été utilisées pendant des années en Irlande du Nord.
[5] [163] En France, au moment des grandes grèves de l’automne 1995, le ministre de l’intérieur, Charles Pasqua, avait déjà comparé les ouvriers en grève aux "terroristes" qui avaient fait sauter une bombe dans le métro parisien quelques mois auparavant.
Nous publions ci-dessous un article sur le résultat des élections allemandes et sur leur signification, paru au lendemain des élections générales du 18 septembre dans le n°132 de Welt Revolution, notre organe de presse en Allemagne.
A l’issue des élections fédérales allemandes du 18 septembre 2005, il est clair qu’il n’y a pas de fraction gagnante. Si les chrétiens-démocrates (CDU-CSU) vont être la fraction la plus forte dans le nouveau Bundestag, ils ont néanmoins pris un sérieux revers électoral, avec seulement 35% des voix. Quant aux sociaux-démocrates, bien qu’ils aient nettement amélioré leur position au cours de la campagne, ils sont néanmoins arrivés avec leur troisième plus mauvais résultat depuis l’après-guerre (à peine plus de 34%). En ce qui concerne les libéraux (FDP), ils ont certes gagné des voix, regagnant ainsi leur statut de troisième fraction parlementaire, ils ont cependant raté leur but déclaré d’imposer le remplacement de la coalition gouvernementale "rouges-verts" (socialiste-écologiste) par une coalition "noirs-jaunes" (chrétiens-libéraux). Et bien que les verts aient pu relativement conserver leur part de voix, ils ont déclaré eux-mêmes la nuit des élections se trouver hors jeu. Seul le "Parti de Gauche-PDS" (un amalgame de l’ancien parti post-stalinien est-allemand –PDS- et de l’ex- fraction gauchiste du parti social-démocrate), concourant pour la première fois sous le nom de PDS peut être considéré comme ayant remporté un succès car, pour sa première apparition, il ramasse plus de voix que les verts.
Il faut cependant affirmer que le seul vainqueur de ces élections est l’ensemble de la classe bourgeoise, dans le combat qu’elle mène contre son principale ennemi, la classe ouvrière.
Lorsque le chancelier Schröder, suite à l’amère défaite de son parti, le SPD, aux élections provinciales du 21 mai dernier en Rhénanie-Wesphalie, appela prématurément à des élections générales pour cet automne, cette décision fut saluée par l’ensemble de la classe dominante comme une réponse nécessaire au sentiment grandissant de "fatigue face aux réformes" et au sentiment de "frustration par rapport à la politique" dans la population. A présent, ni la campagne électorale "courte mais intensive", ni le résultat produit (qualifié de "sensation" et "tremblement de terre politique") n’ont pu faire en sorte de dépasser cette impression d’aliénation envers "l’élite" dirigeante et son système politique. Mais ce que la bourgeoisie a réussi à faire, c’est de mobiliser la classe ouvrière vers les urnes en dépit de ces sentiments de frustration et d’aliénation. En réalité, le niveau de participation électorale, avec presque 78%, n’est que de un pour cent plus bas que celui des élections générales d’il y a trois ans. De plus, les différents débats télévisés entre politiciens ont réussi à attirer un nombre relativement élevé d’auditeurs. On ne peut non plus nier que, dans les semaines précédentes, les élections sont devenues le principal sujet de discussions dans les cafés et les lieux publics. D’autres thèmes, comme celui sur la façon dont laquelle la classe dominante, après les ravages de l’ouragan Katrina, a laissé livrés à eux-mêmes les plus pauvres de la population ouvrière, ont pu être traités de façon secondaire au bout de quelques jours. D’autres évènements, comme la grève de solidarité à British Airways à Londres, l’attaque énorme contre les ouvriers de Volkswagen à Wolfsburg, ou les licenciements massifs et les fermetures d’usines à Henschel dans la Ruhr, ou chez Siemens et Infineon, ont quasiment disparu. Comment la bourgeoisie a-t-elle réussi, en dépit de toute la frustration de la population envers sa politique, à mobiliser autant de gens pour ses élections, se drapant ainsi de la "légitimité" avec laquelle elle va ensuite essayer d’imposer des attaques encore plus brutales ? Comment a-t-elle réussi à donner à la classe ouvrière, qui est rappelée chaque jour aux réalités de la société de classe par la brutalité de la crise économique, insufflant pendant des mois l’idée que cette société après tout serait composée de "citoyens souverains", dont chacun, grâce au droit de vote, peut avoir une influence sur l’avenir de tous ?
Pour répondre à cette question, deux résultats notables des élections doivent être mis en avant. Le premier, c’est la performance du parti de gauche, le PDS. Depuis la "réunification" allemande, le PDS, successeur de l’ancien parti dirigeant de l’Allemagne de l’Est, a été réduit progressivement à un rôle mineur de parti régional d’opposition dans l’est de l’Allemagne. Aux dernières élections générales, pour la première fois, il réussissait à remplir le critère minimum pour former une fraction parlementaire. A présent, il apparaît comme un parti de taille nationale en doublant sa part de votes. Et bien que, à l’ouest, il ait manqué de justesse les 5% des voix –restant de ce fait un parti essentiellement de l’est- il a réussi à obtenir 18% des votes dans une région importante, la Sarre, grâce à son candidat, Oskar Lafontaine. Le score national de 8,7% réalisé par la coalition Parti de Gauche et PDS représente une grande partie d’électeurs qui, en l’absence d’une "alternative" de gauche, ne seraient probablement pas allés voter. Les chômeurs surtout ont voté pour la gauche. Lafontaine et le leader du PDS Gysi ont ainsi contribué au succès de la mobilisation électorale.
Deuxièmement, le retour du SPD au cours de la campagne électorale a lui aussi été significatif. La performance catastrophique de la social-démocratie aux élections de Rhénanie-Westphalie a été le déclencheur de la décision de dissoudre le Bundestag. Mais seulement quelques mois plus tard, le SPD a non seulement obtenu presqu’autant de voix que les chrétiens-démocrates, mais c’est aussi le parti qui a eu le plus de votes en Rhénanie-Westphalie. Cette province représente encore une des plus importantes concentrations de la classe ouvrière en Allemagne. En fait, la social-démocratie a réussi à mobiliser contre toute attente son électorat traditionnel. La bourgeoisie a accueilli ce score avec satisfaction, et pas seulement du point de vue de la mobilisation des ouvriers dans ces élections. Le SPD est le joyau de la couronne dans le système politique de la bourgeoisie allemande, peut-être même de l’Europe. En particulier, ce parti a joué un rôle décisif dans l’écrasement de la révolution en Allemagne - et donc de la révolution mondiale – à la fin de la Première Guerre mondiale. Une trop sévère défaite pour lui à ces élections aurait pu conduire à des luttes internes pour le pouvoir avec pour effet un affaiblissement à plus long terme de ce parti.
Au début de la campagne électorale, il était prévu une confortable majorité en faveur d’un gouvernement chrétiens-démocrates-libéraux, tandis que le SPD était crédité de moins de 30%. Même une majorité absolue pour les seuls chrétiens-démocrates était considéré comme possible. En lien avec cela, le résultat obtenu de fait par la CDU (plus de 35%) est quasiment un fiasco.
Comment cela est-il arrivé ? Après 7 ans durant lesquels le gouvernement Schröder-Fischer a imposé des attaques de plus en plus brutales, minimisant même les mesures prises sous le gouvernement d’Helmut Kohl, une tendance s’est développée dans la population de vouloir punir le SPD sous une sorte de protestation électorale. Cette attitude, loin de déplaire à la classe dominante, a été en fait favorisée et instrumentalisée par elle. Cette sorte de protestation électorale - malgré toute la colère contre les attaques et le gouvernement – incite précisément en réalité une partie de la population à participer au jeu de l’Etat démocratique. De plus, la bourgeoisie a voulu profiter de cette tendance afin de réussir un changement de gouvernement. Ceci, non pas tant à cause d’un mécontentement particulier avec celui qui existe, mais – face à son incapacité grandissante de régler le problème du chômage de masse – pour donner l’impression que c’est le gouvernement et non le système capitaliste qui est à blâmer. Au regard des prédictions électorales en sa faveur, le candidat chancelier de la CDU, Angela Merkel, a décidé d’une stratégie risquée. Elle a voulu contrer la méfiance grandissante envers la politique bourgeoisie en jouant la carte de "l’honnêteté" - en annonçant certaines attaques par avance (par exemple l’augmentation de la TVA). Le résultat s’est concrétisé dans le fait que la tendance existante de protestation, qui jusqu’alors était dirigée contre Schröder, s’est retournée aussi contre la CDU. Comme les chrétiens-démocrates avaient commencé, bien avant les élections, à se comporter comme s’ils étaient le nouveau gouvernement, la colère de la population a commencé à se diriger contre eux.
Bien que ce vote de protestation ait contribué à introduire dans le jeu politique de la République fédérale un facteur inconnu et imprévisible, il est par-dessus tout la preuve de la capacité d’élasticité de la démocratie comme arme la plus importante de la bourgeoisie contre la classe ouvrière. En conséquence, même si les ouvriers ne veulent plus avoir rien à faire avec la politique bourgeoise, la plupart d’entre eux sont encore amenés à y participer selon les règles du jeu démocratique.
La bourgeoisie allemande a déjà commencé à ajuster son appareil politique pour répondre aux nouveaux défis. Devant une situation politique de plus en plus imprévisible, devant des tendances à la dispersion dans ses rangs, mais surtout en réponse aux premiers signes de la maturation souterraine de la conscience au sein du prolétariat, l’appareil d’Etat politique est confronté aux mêmes exigences que les secteurs économiques et militaires. Elle doit devenir plus flexible, efficace, variable et "intelligente".
L’aspect le plus important de cette reconstruction est à présent la tentative de développer un cinquième parti comme force politique en Allemagne. Même la bourgeoisie la plus puissante ne peut produire une telle force en claquant des doigts. La plupart des nouveaux partis en Europe occidentale des dernières décennies ont émergé, soit en quelque sorte du "mouvement social" (comme les verts issus des mouvements écologistes et pacifistes en Allemagne et ailleurs) ou grâce à des leaders charismatiques comme Le Pen en France, Bossi en Italie ou Fortyn en Hollande. En Autriche, une personnalité similaire, Jorg Haider, a transformé un parti déjà existant en outil personnel. Le nouveau Parti de Gauche en Allemagne comprend la plupart de ces ingrédients. L’ex-parti stalinien du GDR forme son noyau. Les marches de protestation de chômeurs l’automne dernier ont été utilisées pour monter certaines structures de parti à l’ouest, avec l’aide active d’activistes trotskistes. Enfin, l’ex-leader charismatique et démagogique du SPD, Oskar Lafontaine a rejoint le nouveau parti de gauche pour le diriger.
Un des premiers succès de ce parti aux élections tient de ce qu’il a été capable d’absorber une part du potentiel de protestation qui aurait pu profiter aux néo-nazis. Si le NPD avait accédé au nouveau Bundestag (chose possible après leur succès aux élections provinciales en Saxe), cela aurait été d’un considérable embarras pour l’Allemagne, en particulier au niveau de sa politique étrangère, d’autant que l’impérialisme allemand aime se présenter de nos jours comme une puissance anti-fasciste.
Mais ce projet inclue des buts à plus long terme. La flexibilité et la stabilité du système politique d’après-guerre de la République fédérale était basé principalement sur un système de trois partis, dont deux principaux et le petit FDP entre les deux pour arbitrer. Cet arrangement a permis des changements de gouvernement quand c’était nécessaire, à travers un changement des alliances de la part du FDP, le parti qui contenait ainsi également la continuité du gouvernement, particulièrement sur les questions de politique étrangère. Cet équilibre dut se voir sacrifié quand cela devint nécessaire, à travers la création des verts comme quatrième force, absorbant le potentiel de la "génération 68" dans la course vers l’Etat. Si la bourgeoisie parvient à maintenir le Parti de Gauche à long terme comme cinquième force, la balance politique traditionnelle allemande peut être rétablie, même si elle s’avère plus complexe. Ainsi, à la fois les libéraux comme parti de centre-droit et les verts comme parti de centre-gauche assumeraient (ensemble ou chacun son tour) le rôle d’arbitrage vers un gouvernement de gauche ou de droite, cimentant la continuité gouvernementale.
Mais l’aspect historiquement le plus important de
l’apparition de la coalition Parti de Gauche-PDS est que, pour la première fois
depuis 1945, les principales fractions de la bourgeoisie allemande considèrent
sérieusement l’établissement d’un parti national à la gauche du SPD. C’est
l’indication d‘un changement fondamental qui apparaît dans la société, pas
seulement en Allemagne, mais au niveau mondial. Après 1989, on nous a dit bien
haut qu’il n’y avait pas d’alternative au capitalisme. Depuis lors, le fait que
tous les partis parlementaires appellent à la même chose apparaît moins comme
une faiblesse politique de la bourgeoisie que comme la confirmation vivante
qu’il ne peut rien y avoir en-dehors du capitalisme et de la démocratie. Mais à
présent la bourgeoisie prend conscience du danger que tous les partis exigent
les mêmes sacrifices, sans aucune force au parlement pour exprimer des
critiques fondamentales et apparaître comme une alternative. C’est en réponse à
ce danger que les démagogues les plus talentueux de l’aile gauche de la
bourgeoisie, l’ex-social-démocrate Lafontaine et l’ex-stalinien Gysi, ont fait
leur retour politique. Ce dont la classe dominante a peur, c’est que la classe
ouvrière puis commencer à prendre conscience qu’il n’y a pas de solution à la
crise dans le capitalisme et recommence à rechercher une alternative au
capitalisme, l’exploitation et à la société de classe.
(19 septembre 2005)
En l’espace de quelques mois et dans plusieurs arrondissements, Paris, a été le tragique théâtre de plusieurs incendies d'immeubles vétustes, habités en majorité par des familles ouvrières, d’origine africaine. Plus de cinquante personnes sont mortes, la plupart carbonisées ou asphyxiées, dont une majorité d’enfants. S'y ajoutent des dizaines de blessés et des familles meurtries à jamais. Pour prévenir de nouveaux drames et protéger les populations, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que d’envoyer ses flics, expulsés manu militari les familles vivant dans des squats et autres immeubles insalubres. Au passage, il en a profité pour faire la chasse aux sans-papiers et remplir plusieurs charters supplémentaires pour les ramener dans leur pays d'origine. Le meilleur hommage que l’on puisse rendre aux victimes de ces incendies et de la répression policière, c’est non seulement de faire entendre notre colère et notre indignation, mais aussi de dénoncer les responsables de telles tragédies.
Après l’incendie de l'immeuble du boulevard Vincent-Auriol, dans le 13e arrondissement, qui a fait 17 morts dont 14 enfants, fin août, les politiciens de tout bord se sont empressés de se montrer devant les caméras sur les lieux du drame, rivalisant de déclarations apitoyées et débordant de promesses de tout faire pour éviter d'autres tragédies. Deux jours plus tard, c’est un autre immeuble qui brûlait dans le 3e arrondissement faisant 7 nouvelles victimes. Ce dernier sinistre a relégué alors les larmes de crocodile de ces responsables au second plan, pour laisser place à une polémique entre élus parisiens de droite et de gauche, Ceux-ci ont cherché sans vergogne à se renvoyer la responsabilité de ne pas avoir fait le nécessaire pour résorber l’habitat insalubre, ou à prétendre que, contrairement à l’autre camp, ils ont toujours eu la politique du logement comme priorité quand ils géraient la municipalité. Non seulement cette guerre des bilans entre cliques politiciennes est révélatrice du cynisme de ces gens là, mais en plus c’est une bande de menteurs, car la dégradation des conditions de logement est le produit de l’accumulation des politiques anti-ouvrières menées depuis des années, de l’incurie des principaux responsables qui se sont succédés, des Mitterrand, Jospin, Chirac, Villepin, Borloo, Delanoë et tant d’autres. Le problème du logement n’est pas un phénomène nouveau pour la classe ouvrière, même s’il s’accroît du fait de l’augmentation de la pauvreté. La plupart des familles ouvrières africaines qui vivaient dans l’immeuble qui a flambé dans le 13e arrondissement faisait partie en 1992 du collectif des "Maliens de Vincennes". Pendant des mois, ce groupe de travailleurs africains avaient occupé sur l’esplanade de Vincennes, le chantier de la bibliothèque de France. Déjà à l’époque, ils protestaient contre leur expulsion d’immeubles vétustes et l’absence de proposition de relogement. Sur ordre du chef de l’Etat, Mitterrand en personne, le gouvernement "socialiste" expulsa sans ménagement les 682 malheureux sans-abri maliens de Vincennes qui trouveront refuge dans de nouveaux immeubles vétustes, ceux-là mêmes qui se sont transformés en brasiers ces dernières semaines. Plus de 14 ans se sont écoulés et rien n’a changé ! C’est avec le même cynisme que la droite voudrait nous faire croire, comme Mitterrand auparavant, que ces nouvelles expulsions ont pour but de "protéger les familles ouvrières". Quant aux protestations actuelles de la gauche radicale et associative, regroupée autour du PCF, il est bon de rappeler que ce même PCF, en juillet 1992 avançait les mêmes arguments pour expulser des ouvriers immigrés à Montreuil en Seine-Saint-Denis, alors qu’il participait comme tout parti bourgeois à faire raser les quartiers ouvriers pour réaliser en fait des profits dans la construction immobilière. La clique stalinienne n’en était pas à son coup d’essai, puisqu’en 1979, déjà, elle avait utilisé un bulldozer à Vitry-sur-Seine contre un foyer de Maliens qui refusaient de se laisser expulser. Effectivement, rien ne change du point de vue des méthodes brutales de la bourgeoisie envers les plus démunis ! Non seulement les familles ouvrières sont parquées comme du bétail et vivent dans des conditions inhumaines, mais en plus elles peuvent crever à tout moment. En effet, d’autres drames risquent de se produire car non seulement des centaines d’immeubles insalubres sont toujours occupés dans Paris et dans d’autres grandes villes, mais il y en aura de plus en plus. Contrairement à ce que les médias, sociologues et hommes politiques osent dire, ces conditions d’existence précaires ne sont pas réservées à certaines familles immigrés d’Afrique de l’Ouest, aux sans papiers ou aux bénéficiaires des minima sociaux qui s’entassent dans des hôtels-taudis. Si ces parties les plus pauvres de la classe ouvrière font la Une de l’actualité, c’est l’arbre qui cache la forêt.
Face à la crise économique, la survie du capitalisme passe par une exploitation toujours plus féroce de la classe ouvrière. Avec une brutalité inouïe, la bourgeoisie jette des masses grandissantes d’ouvriers dans la pauvreté et le dénuement le plus extrême. Parmi les conditions de misère qu’elle leur impose, la dégradation des conditions de logement tient une place de premier plan. Au cours des 20 dernières années, les loyers ont doublé dans le parc locatif privé et ont augmenté de 50% dans le parc locatif social/public. L’augmentation de la précarité professionnelle, du chômage et de la pauvreté salariale conjuguée à la hausse continue des loyers a entraîné une paupérisation grandissante pour une grande partie de la classe ouvrière. Ainsi en France, selon un rapport de la Fondation Abbé Pierre publié en mars 2002, trois millions de personnes sont mal logées, dont 86 000 sans domicile, 200 000 personnes sont hébergées "durablement" en hôtel, en habitat de fortune ou par des parents et amis, un demi-million de personnes vivent en habitat temporaire ou précaire et deux millions de gens ont des logements dépourvus du confort sanitaire de base. En 2004, plus de 100 000 jugements d’expulsions de logement ont été prononcés en France, majoritairement pour des impayés de loyer. L’extrême pauvreté touche, selon l’INSEE, un foyer parisien sur huit. Un tiers des sans domicile fixe de la capitale déclarent avoir un emploi. Ces "salariés pauvres" se retrouvent aussi dans l’administration parisienne, puisque plusieurs dizaines d’agents de la ville de Paris sont sans domicile fixe. Avec plus de 100 000 demandes de logements sociaux non satisfaites pour la seule ville de Paris et une pénurie chronique dans la construction de logements à loyers modérés, les familles ouvrières les plus démunies, n’ont pas d’autre choix que de s’entasser dans des hôtels-taudis, dans des immeubles vétustes, dans des squats où le saturnisme infantile fait des ravages, en étant à tout moment, à la merci du bon vouloir des marchands de sommeil et autres promoteurs véreux qui gèrent ce juteux commerce de la précarité. Ce sont ces conditions épouvantables et l’insalubrité de ces immeubles qui ont provoqué ces dramatiques incendies. C’est le capitalisme qui est responsable de cette tragédie et c’est toute la bourgeoisie qui organise cette paupérisation des conditions d’existence d’une partie toujours plus importante de la classe ouvrière. Face à la dégradation des conditions de logement, les ouvriers doivent rejeter les discours populistes qui tendent à établir des divisions au sein de la classe ouvrière, à montrer du doigt certaines minorités ethniques ou les sans-papiers comme des "fardeaux" pour la société. Quel que soit le niveau de sincérité et de dévouement de ceux qui les animent, les associations qui prétendent aider les plus mal logés ne servent qu'à semer des illusions sur la possibilité d’un capitalisme à visage plus humain, quand elles ne gèrent pas elles-mêmes des immeubles insalubres comme la Freha, émanation de Emmaüs qui s’occupait de l’immeuble du boulevard Vincent-Auriol.
La dégradation croissante des conditions de logement au sein de la classe ouvrière est une des expressions les plus criantes de la faillite ouverte du capitalisme. Elle fait partie d'une détérioration générale des conditions de vie et d'exploitation de l’ensemble des prolétaires et de leurs familles. Face à la crapulerie de la classe dirigeante, la lutte des ouvriers pour obtenir des conditions de logement et donc d’existence décente s’inscrit dans la lutte plus générale pour renverser le capitalisme. Les conditions de logement épouvantables, les incendies meurtriers et maintenant les expulsions, sont autant de coups portés à toute la classe ouvrière et c’est donc au prolétariat dans son ensemble d'y répondre en développant ses luttes sur son terrain de classe.
Donald (23 septembre)
De nouvelles attaques sont mises en œuvre ou en préparation dans le domaine de la santé en France :
- une nouvelle liste de 221 médicaments à dérembourser (90 % des produits testés ont ainsi été jugés d'un "niveau d'efficacité insuffisant") a été dressé par la Cour des comptes. La plupart de ces produits sont très courants. Depuis que la ministre PS de la Santé, Martine Aubry, a inauguré ces listes, des milliers de produits pharmaceutiques ont vu ainsi leur taux de remboursement fortement diminué ou ce remboursement a été carrément supprimé ;
- la proposition d'une taxe d'un euro sur chaque boîte de médicaments à la charge du malade est de plus en plus fréquemment évoquée pour préparer les mentalités au "caractère inéluctable" de cette attaque. Cette mesure viendrait se cumuler avec le forfait d'un euro par consultation médicale à la charge du patient (dont il est question de relever le seuil lui aussi).
- le ministère de la Santé a dévoilé le projet de fermer 150 blocs opératoires en province parce que ces derniers ne seraient pas "rentables"… Là encore, on pousse des dizaines ou des centaines de milliers de malades à s'inscrire sur d'interminables listes d'attente dans des hôpitaux "opérationnels" saturés et on condamne beaucoup d'entre eux à crever sur place faute de moyens pour se faire transporter ou par manque de place. En même temps, le budget alloué à chaque hôpital se retrouve en baisse constante d'année en année.
Les employeurs sont invités à renforcer et à multiplier les contrôles sur les arrêts maladie. Ce flicage et cette traque n'ont d'ailleurs permis que d'établir des "certificats de complaisance" que pour 0,05 % des contrôles mais l'essentiel n'est pas là : il s'agit avant tout d'un puissant moyen d'intimidation envers les salariés pour les dissuader de demander des arrêts maladie et pour les pousser à venir travailler même mal en point. Les médecins sont également tenus de "baisser" leurs quotas de jours d'arrêts accordés à leurs patients sous peine d'amendes ou de sanctions. Quant à l'effet d'annonce que ce "tour de vis" a permis de diminuer de 3 % les dépenses de frais médicaux depuis un an, cela ne représente pourtant qu'une goutte d'eau dans la mer du déficit de la sécurité sociale.
Cela démontre en fait que la "réforme de la Sécurité sociale" de 2003 n'était que le face visible de l'iceberg d'une énorme attaque en profondeur de la classe ouvrière qui se précise et s'intensifie aujourd'hui.
Parallèlement, l'attaque sur les chômeurs représente une attaque d'une extrême violence envers toute la classe ouvrière. Depuis la circulaire du ministère de l'Emploi du 3 septembre : 1 refus auprès de l'ANPE et c'est la diminution des allocations de 20 % pendant une période allant de 2 à 6 mois ; 2 refus d'offres d'emploi, c'est la perte de 50 % des droits ; 3 refus : plus rien. De plus, à partir du 6e mois, les propositions d'embauche pourront être sans rapport avec la formation ou la qualification du chômeur. Ce qui signifie que là encore l'ouvrier licencié ou mis au chômage devra accepter une "flexibilité" maximum : accepter n'importe quel travail, à n'importe quel salaire, à n'importe quelle distance de son domicile (prime de déménagement pour inciter les chercheurs d'emplois "à plus de mobilité"). Cela constitue également un instrument de chantage et un moyen de pression énorme pour abaisser les salaires. Les mêmes mesures et les mêmes attaques tendent à s'uniformiser à l'échelle mondiale. Partout la capitalisme enfonce la classe ouvrière dans la même précarité. C'est un puissant révélateur de la faillite irrémédiable du capitalisme. Cela ne peut que renforcer la conscience du prolétariat qu'il n'a aucune amélioration de son sort à attendre de ce système et qu'il n'a pas d'autre choix que de lutter pour son renversement et sa destruction.
Wim
Mercredi 31 août dernier, une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernement se sont réunis à Gdansk pour rendre un hommage vibrant au syndicat Solidarnosc, à l’occasion du 25e anniversaire de sa création. Tout ce joli monde s’est félicité de ce qu’il fut le premier "syndicat libre" créé au sein de l’ancien bloc de l'Est, et de son rôle considéré comme crucial dans le renversement du "communisme". La "fête" avait été bien préparée par les médias français en particulier, à coups d’émissions spéciales, de reportages et d’articles de presse commémoratifs. Et c’est avec un plaisir sans mélange qu’on nous a rappelé le rôle de la CFDT dans la constitution de Solidarnosc. Mais ce travail de la centrale cédétiste n’aurait pas été possible sans l’aval de toute la bourgeoisie occidentale. Qu’on se souvienne de l’empressement des pays européens à organiser l’aide humanitaire pour les grévistes de Gdansk, la facilité avec laquelle ils ouvraient leurs frontières pour son acheminement. Dès sa naissance, Solidarnosc a reçu les vertus dont la fée bourgeoisie lui a fait don, et la principale d’entre elles : celle de briseur de grève. Car c’est grâce à Solidarnosc que la classe ouvrière s’est vue dépossédée du contrôle de son mouvement pour la laisser aux mains des prétendus spécialistes de la lutte, Walesa et consorts en tête, et qu’en décembre 1981, 16 mois plus tard, des milliers d’entre eux se faisaient massacrer par les troupes de Jaruzelski, tandis que des tractations secrètes circulaient entre ce dernier et les dirigeants de Solidarnosc. Dans cette grande œuvre de sabotage d’une des plus grandes luttes ouvrières de l’après-Seconde Guerre mondiale, la bourgeoisie n’a pas lésiné sur son "aide" internationale. Elle qui n’a de cesse de chercher à casser la solidarité entre ouvriers a trouvé alors des accents inédits pour se faire elle-même la porteuse de l’aide et de la prétendue solidarité envers les ouvriers polonais qu’elle a soutenus comme la corde soutient le pendu.
La bourgeoisie a ainsi cherché à établir un véritable cordon sanitaire international visant à étouffer le mouvement de classe d’août 1980 dès son origine, empêchant les expressions de solidarité qui pouvaient éclater sur le terrain de la lutte de classe avec des ouvriers de l’Ouest ; et dans ce but, gauche, droite, syndicats et gauchistes confondus, se sont lancés sans hésiter dans une gigantesque manœuvre pour briser ce magnifique exemple du combat ouvrier que fut le mouvement de 1980 pour le prolétariat mondial. Solidarnosc a été le fer de lance de cette offensive bourgeoise.
Nos lecteurs peuvent lire l’article que le CCI a consacré à cette lutte exemplaire des ouvriers en Pologne sur notre site Web : internationalism.org
L'article ci-dessous s'appuie sur l'analyse de notre section
en Inde par rapport aux luttes qui se sont développées à Honda Motorcycles où
s’est exprimée, comme tout récemment à l'aéroport de Londres, la solidarité
active de classe. Les ouvriers de Honda à Gurgaon, dans la banlieue ouest de
Delhi, ont mené des luttes depuis le début de cette année face aux conditions
effroyables de travail qui leur sont imposées par la bourgeoisie indienne. Ils
s'étaient notamment mis en grève le 27 juin 2005 et avaient refusé de signer
les promesses de "bonne conduite" exigées par la direction.
Le matin du 25 juillet 2005, des salariés qui manifestaient sur une route proche de Kamala Nehru Park à Gurgaon ont été chargés par la police. Beaucoup de manifestants qui ont poursuivi leur marche jusqu’au bureau du "deputy commissioner" (équivalent du sous-préfet) ont alors été chargés par des centaines de policiers et frappés à coups de bâtons. Selon Amnesty International plusieurs centaines de personnes auraient été blessés. D’autre part, plus de 500 personnes ont été arrêtées. Parmi elles, à ce jour 60 resteraient détenues. La population locale refuserait de divulguer le nombre et l’identité de ces derniers. La semaine suivante, la police aurait lancé des grenades lacrymogènes et des balles en plastique pour empêcher les employés de l’usine et leurs familles de se rassembler devant l’hôpital civil où se trouvait certains des blessés.
La bourgeoisie indienne a malheureusement habitué les ouvriers dans ce pays à être confrontés à une répression brutale.
Cela a immédiatement rappelé octobre 1979 aux ouvriers les plus âgés de la région de Delhi. A cette époque, pour contrer une vague montante de grèves d’ouvriers radicaux, les forces de répression de l’Etat n’ont rien fait de moins qu’occuper Faridabad, banlieue industrielle du sud de New Delhi, avec une série de tirs à balles réelles dans différentes parties de la ville et en imposant un couvre-feu. La bourgeoisie avait ainsi été capable de mâter le mouvement en moins d'un mois. Quelques années avant cela, les ouvriers des Moulins de Coton de Swadeshi à Kanpur avaient été encerclés et s’étaient fait tirer dessus par les forces de l’Etat. La série de répressions a été quasiment ininterrompue depuis les grèves ouvrières de 1974. La bourgeoisie indienne venait de découvrir à son corps défendant que la classe ouvrière était toujours vivante et à nouveau combative, qu’elle avait la témérité à nouveau de relever la tête après 15 ans d’offensives sans relâche de la bourgeoisie. Dans la presse d’affaires de la bourgeoisie, la crainte que la contagion des luttes ne se propage à l’ensemble de la classe ouvrière s'est clairement exprimée.
Ainsi, l'Indian Express du 9 août 2005 redoutait que les incidents de Gurgaon puissent avoir un effet domino.
Le Business Standard du 6 août 2005 exprimait la peur que : "L’émeute qui a suivi le conflit direction/ouvriers à Gurgaon à l’usine Honda Motorcycles et India Scooters (HMSI) pourraient être le premier signe majeur des évènements à venir." Pour le Financial Express du 6 août 2005, "L’effervescence ouvrière de Gurgaon a soufflé le froid sur l’échine des managers". Cette inquiétude de la bourgeoisie était partagée par l’Etat aussi bien aussi bien au niveau provincial que central. La bourgeoisie après avoir été surprise de revoir une combativité de la classe ouvrière qui ne s'était plus manifesté ces dernières années a pris immédiatement l’option de la répression sanglante.
Dans l'après-midi du 25 juillet à Gurgaon, des milliers d’ouvriers de Honda Motorcycles s’étaient rassemblés. Ils ont été immédiatement rejoint par une masse d’ouvriers des usines voisines de la ville industrielle de l’Hariana. C’est cette manifestation concrète de solidarité de classe de la part de différents secteurs ouvriers qui a fait peur à la bourgeoisie indienne et a amené à la répression immédiate. Quelques semaines après en Angleterre, à Heathrow les ouvriers de British Airways dans la continuité de la pratique de classe de leurs frères indiens se sont mis à leur tour en grève de solidarité envers les 670 ouvriers licenciés de Gate Gourmet. Ainsi la classe ouvrière au niveau international est en train de faire l’expérience de la solidarité de classe. Si la bourgeoisie indienne, dans un pays sous-développé, a pu utiliser immédiatement l’arme de la répression, il n’en a évidemment pas été de même à Heathrow en Angleterre.
La classe ouvrière des pays centraux, au moment de la reprise des luttes, doit intégrer dans sa conscience et dans sa pratique de classe, que c’est le développement de ses propres luttes, la généralisation de ses combats et de la solidarité active entre tous les secteurs ouvriers qui pourra freiner le bras armé de la bourgeoisie des pays sous développés.
T (24 septembre)Il y a maintenant deux ans, l’armée américaine pénétrait dans les rues de Bagdad et son président, Georges Bush, poussait un cynique cri de victoire, "Mission accomplie" ! Des lendemains meilleurs nous étaient promis. Le monde devait devenir plus sûr, l’Irak se transformer en une démocratie stable. Aujourd’hui, la réalité est tout autre. Ce pays plonge chaque jour un peu plus dans le chaos et la barbarie.
Par leur intervention militaire, les Etats-Unis ont ouvert une véritable boîte de Pandore. La situation n’a de cesse de dégénérer, devenant de plus en plus incontrôlable et explosive. En effet, les sunnites, chiites et kurdes se livrent une guerre impitoyable et sans merci. Ce déchaînement de haine a abouti à des carnages sans fin dont la seule logique est de semer la terreur et la désolation dans les territoires ennemis. Les répressions armées, les attaques terroristes suicides, les pogroms, les exécutions sommaires se succèdent à un rythme infernal dans une espèce de folle spirale meurtrière.
Le samedi 10 septembre, l’armée américaine et les forces de sécurité irakiennes ont mené une vaste offensive contre le bastion rebelle de Tall-Afar, ville du nord de l’Irak, proche de la frontière syrienne. Le bilan officiel a fait état de cent soixante morts. Mais loin de mater l’insurrection sunnite, cette attaque des gouvernements américain et irakien n’a fait qu’alimenter encore un peu plus la haine et la guerre. Immédiatement, la branche irakienne d’Al-Qaeda a en effet exhorté à la vengeance. Et c’est un déchaînement d’attentats aveugles qui ravage l’Irak depuis lors. La seule journée du mercredi 14 septembre a ainsi été marquée par onze attentats et près de cent-cinquante morts. Le plus meurtrier d’entre eux fut perpétré sur une petite place où les ouvriers se rassemblaient dans le simple espoir de trouver un employeur à la journée. Ils ont été cent quatorze à périr. C’est un véritable climat de terreur que font régner les seigneurs de la guerre ! La classe ouvrière et les couches misérables de la population sont évidemment les premières victimes de toutes ces atrocités. Suite à cet attentat, une opération de représailles a été montée quelques heures plus tard. Des hommes armés ont ouvert le feu sur un groupe de sunnites rassemblés… au marché. Deux jours plus tard, une file d’ouvriers chiites attendant d’être embauchés était balayée à la mitraillette. Le lendemain, une bombe explosait sur le marché de Nahrawan, fauchant encore trente personnes. La liste est interminable. Ce règne de la vengeance aveugle est le symbole d’une société en pleine décomposition.
L’effroyable panique durant laquelle, le 31 août dernier, mille personnes sont mortes noyées, étouffées ou piétinées, démontre à quel point la population est totalement terrorisée. Ce jour là, un million et demi de chiites convergeaient vers la mosquée de Kadhimiya afin de commémorer le deuil d’un de leurs douze imams. Incapables d’assurer la sécurité, les forces militaires américaines et irakiennes avaient fermé tous les ponts du Tigre, sauf un, afin de concentrer la population sur un seul et même itinéraire. Les pèlerins étaient donc amassés par milliers dans ce véritable goulot d’étranglement quand une rumeur courut sur la présence de kamikazes parmi la foule. Il s’en suivit une véritable hystérie collective. Sous la poussée de la foule, des centaines de personnes, essentiellement des femmes et des enfants, basculèrent dans le fleuve ou furent écrasées.
Le 15 octobre prochain, les électeurs irakiens seront appelés à venir voter ‘pour ou contre’ la nouvelle constitution. Ce référendum est censé faire la démonstration de l’unité nationale. Les responsables et défenseurs de ce nouveau texte se sont donc fendus de quelques déclarations de façade. Georges Bush s’est ainsi réjoui de l’avènement d’une "période d’espoir" grâce à "un événement stupéfiant".
Mais la réalité apporte un cinglant démenti à cet optimisme affiché. Personne n’est dupe. Cette nouvelle constitution non seulement ne mettra pas un terme au chaos ambiant, mais elle exacerbe au contraire dès aujourd’hui les rivalités. Le président irakien Talabani a du lui-même reconnaître que "l’Irak n’est pas au bord de la guerre civile, mais en plein dedans".
Ce texte résulte essentiellement d’un compromis entre chiites et kurdes, qui dominent l’Assemblée et le gouvernement. Ainsi, la bourgeoisie sunnite ne peut que rejeter violemment cette proposition de constitution, symbole de sa perte de pouvoir.
Et les chiites eux-mêmes sont divisés sur l’adoption de ce texte. Les divergences d’intérêts entre les différentes cliques chiites se traduisent sur le terrain par de véritables heurts armés. Mercredi 25 août, des affrontements violents ont opposé les combattants de l’imam radical Moqtada Al-Sadr à la milice chiite rivale, les brigades Al-Badr, à Najaf. L’imam profite ici du débat sur la constitution pour refaire surface et tenter de redistribuer les cartes du pouvoir en sa faveur.
La véritable alternative proposée par le référendum du 15 octobre est donc en fait : plus de chaos ou plus de chaos ? Si la nouvelle constitution est adoptée, les seigneurs de la guerre sunnites et une partie des seigneurs chiites déchaîneront le feu et le sang dans des actes d’autant plus désespérés et barbares qu’ils sentiront le pouvoir leur filer entre les doigts. Si le Non l’emporte, comme c’est le plus probable, les kurdes et les chiites au pouvoir seront tentés de proclamer unilatéralement leur autonomie, ce qui morcellerait de fait la nation irakienne.
Cette guerre incontrôlable qui morcelle peu à peu l’Irak est en train d’irradier sur l’ensemble de la région environnante.
D’abord, la Turquie voit d’un très mauvais œil les poussées autonomistes des kurdes irakiens. Elle sait très bien que cette situation, grosse d’instabilité pour l’ensemble du Kurdistan, peut mettre en péril l’unité même de sa république. C’est pourquoi durant tout cet été, il y a eu de véritables tensions internes à la bourgeoisie turque, partagée entre la méthode ‘douce’, plus de démocratie, et la méthode ‘forte’, un nouveau durcissement législatif pour affronter ceux que l’Etat major nomme "les terroristes".
Ensuite, la situation chaotique de l’Irak révèle l’impuissance grandissante des Etats-Unis. Malgré ses démonstrations de forces à répétitions, la première puissance mondiale est incapable d’enrayer l’affaiblissement historique de son leadership. La situation catastrophique de l’armée américaine dans la région aiguise ainsi l’appétit impérialistes de tous les pays voisins. La Syrie, frontalière à la région sunnite, alimente secrètement la rébellion en hommes et en armes. Et c’est ouvertement que l’Iran prétend de plus en plus s’immiscer dans les affaires irakiennes.
Face à cette perte de contrôle, les Etats-Unis ne pourront réagir que de plus en plus brutalement. Déjà, on peut voir une multiplication des déclarations belliqueuses contre la Syrie, accusée de soutenir le terrorisme, et l’Iran. De même, la démonstration de force de l’armée américaine contre le bastion rebelle sunnite de Tall-Afar est le signe de la fuite en avant vers des moyens de destruction de plus en plus massifs.
C’est donc l’ensemble du Moyen-Orient qui est menacé de plonger dans la guerre et la barbarie. Mais le tableau de cette région du globe ne pourrait être complet sans une courte description de la situation effroyable de la bande de Gaza. La population y crève de faim. Et alors que l’Etat d’Israël est en train de construire un mur ‘high tech’ d’un côté, l’Egypte ferme sa frontière de l’autre par un rideau de barbelés et de mitraillettes. Entre ces murs, dans ce ghetto, la terreur règne sous le double joug de la police palestinienne et des milices du Hamas. Le déchaînement de haine et d’attentats suicides ne vont donc que se multiplier de ce coté aussi du Moyen-Orient.
Par conséquent, la perspective n’est absolument pas la paix mais bel et bien une barbarie et un chaos croissants. Ce qui se joue aujourd’hui, c’est l’unité même de l’Irak. Les forces centrifuges en action rendent inévitable le morcellement de cette région de la planète. Le Kurdistan, les régions sunnites et chiites vont poursuivre leur déchirement, semant derrière eux morts et désolation. Quelle que soit l’importance des moyens militaires mis en œuvre, les Etats-Unis ne pourront arrêter ce processus. A ce moment-là, c’est l’ensemble du Moyen-Orient qui sera menacé par l’embrasement.
Le capitalisme est un système moribond qui plonge des parties toujours plus importante de la planète dans la boue et le sang. Le prolétariat doit le mettre à bas avant qu’il ne plonge l’ensemble de l’humanité dans la barbarie.
Pawel (18 septembre)
Du 14 au 16 septembre, les dirigeants de 150 pays ont fêté les 60 ans de l’ONU. Partis avec de grandes et belles promesses dans leurs bagages, rivalisant pendant le sommet de beaux discours humanitaires et pacifistes, ils sont revenus les mains encore plus vides qu’à l’aller. Le plus grand sommet de l’histoire de cette institution a été une des plus belles expressions de son impuissance à traiter les problèmes du monde et des divergences qui l’habitent.
Voilà bientôt 60 ans, la bourgeoisie, par la voix de l’ambassadeur américain Henry Cabot Lodge, essayait de faire avaler au monde que la création de l’ONU était destinée, non pas "à nous emmener au paradis", mais "à nous sauver de l’enfer". La naissance de l’ONU, le 24 octobre 1945, était donc la "garantie", après la Seconde Guerre mondiale, d’un "plus jamais ça". C’est de la même manière que la classe dominante avait présenté la fondation de la Société des Nations (SDN) avec la promesse que la Première Guerre mondiale serait "la Der des ders". On sait ce qu’il en fut !
Pourquoi la SDN a-t-elle été totalement impuissante devant la marche inexorable à la guerre dans les années 1930 ? Pourquoi l’ONU, à sa suite, s’est trouvée tout aussi incapable de mettre un terme aux conflits armés en Asie, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud et en Afrique, qui se sont développés sans discontinuer à peine la Seconde Guerre mondiale terminée ? Pourquoi encore ses multiples résolutions et autres gesticulations n’arrivent-elles même pas à donner un coup de frein au chaos guerrier grandissant qui ravage aujourd’hui des continents et des régions de plus en plus grandes de la planète ?
Loin d’être la garante d’une quelconque volonté de paix de la part de la bourgeoisie, l’ONU, à une bien plus grande échelle que son ancêtre la SDN, que Lénine qualifiait de "repaire de brigands", n’est en réalité qu’un lieu d‘affrontements privilégié entre toutes les puissances, petites ou grandes. Il s’agit d’un panier de crabes où se nouent et se dénouent des alliances, où se pèsent et s’évaluent des rapports de force impérialistes et militaires, le tout enrobé de la terminologie humanitariste la plus hypocrite.
Ces deux institutions ont été accouchées respectivement par les deux conflits mondiaux qui ont ensanglanté la planète au 20e siècle, de purs produits de la période impérialiste et de la décadence capitaliste. L’objectif premier de la SDN de "conserver la paix en Europe", puis celui de l’ONU "d’assurer la sécurité collective" n’ont jamais eu d’autre signification que de pérenniser les accords, pris immédiatement après chaque guerre mondiale, pour régir le dépeçage du monde entre vautours impérialistes.
La SDN sera ainsi créée à partir du Traité de Versailles qui redéfinissait les frontières de l’Europe au profit des puissances victorieuses et donnait le feu vert au pillage en règle des forces productives allemandes comme à une exploitation forcenée de la classe ouvrière en Allemagne. Quant à la naissance de l’ONU, c’est au cours d'un autre repartage du monde, cette fois entre Staline, Churchill et Roosevelt à Yalta, pendant les massacres qui marquent la fin de la guerre au Japon ([1] [167]) et en Allemagne que la charte onusienne et le Conseil de sécurité seront créés afin d’institutionnaliser la prédominance planétaire des vainqueurs de 1945.
Et c’est au sein de l’ONU que vont s’affronter ouvertement dès 1947 les bourgeoisies russes et américaines qui prendront la tête des deux blocs impérialistes dont les rivalités pour imposer leur ordre respectif vont ensanglanter la planète jusqu’en 1989. Chacune des résolutions de l’ONU ne sera qu’un moment de légitimation des actions militaires des grandes puissances, accentuant dans l’arène onusienne la dynamique de foire d’empoigne entre diplomaties impérialistes rivales.
Avec la fin de la Guerre froide et l’effondrement du bloc de l’Est, la discipline qu’imposaient les Etats-Unis et l’URSS à leurs différents "alliés" au sein de l’ONU va voler en éclats. La période de "chacun pour soi" ainsi ouverte va se concrétiser par une contestation ouverte de la part des seconds couteaux. L’URSS elle-même explosera un an plus tard, et les Etats-Unis vont voir leurs anciens alliés, en particulier la France et l’Allemagne, remettre en cause de plus en plus fortement leur leadership. Et si l’Amérique pouvait encore avec peine mobiliser l’ONU derrière elle lors de la première Guerre du Golfe en 1990, toutes ses interventions ultérieures l’ont contrainte à utiliser l’OTAN, qu’elle contrôlait mieux.
La remise en cause ouverte de l’hégémonie des Etats-Unis n’a pas calmé les dissensions au Conseil de Sécurité et dans l’ONU. Bien au contraire, cette organisation bourgeoise est devenue plus que jamais un nid de vipères, et toutes les interventions qu’elle effectue ou fait engager au nom du "maintien de la paix" ne sont encore et toujours que de nouvelles expressions des rivalités qui s’exacerbent entre toutes les puissances, petites ou grandes.
L’ONU et son histoire sont à l’image du système capitaliste, dans lequel l’humanité n’est que chair à canon ou source de profit, dans lequel la solidarité, l’union, l’entente sont des mots dont la bourgeoisie se sert d’autant plus qu’elle n’a aucune intention de les mettre en pratique.
Il n’y a que deux moments où les nations capitalistes peuvent s’unir : soit pour faire la guerre à d’autres nations, soit pour écraser la classe ouvrière en lutte.
Azel (19 septembre)
[1] [168] Le 26 juin, l’ONU était créée, les 6 et 9 août, les Etats-Unis, après avoir arrosé de bombes incendiaires le Japon durant des semaines, larguaient deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki.
Comme nos lecteurs le savent, le CCI tient régulièrement des réunions publiques et des permanences. Les débats vivants qui s’y déroulent portent sur des thèmes divers et variés, en lien avec les questionnements d’actualité ou plus historiques qui touchent le combat de la classe ouvrière. Lors de notre permanence du 11 juin dernier à Nantes, l’un des participants a présenté un tract (co-rédigé avec de jeunes éléments critiques) et qu’il a diffusé à Rennes pour dénoncer la campagne idéologique et le référendum sur la constitution européenne. Cette démarche s’inscrit pleinement dans l’effort du prolétariat pour développer son combat de classe.
Voici quelques extraits de ce tract : "(…) L’histoire de l’Europe, ce n’est pas autre chose que l’histoire du capital et de ses répugnantes créatures, les Etats-Nations. Ce n’est que la réalisation, rendue nécessaire par la dynamique mondiale du capitalisme, d’un cartel d’Etats, pour la défense, commune jusqu’à un certain point, de leurs impérialismes respectifs, et pour la répression, trop divisée encore, de la frayeur partagée : le prolétariat et les quelques fractions encore remuantes de celui-ci, qu’il s’agirait de réduire au calme silence de la démocratie.
Cette unification fallacieuse sous la coupe réglée d’une poignée d’Etats dominants, cette mise en commun des moyens de nuire, on nous la présente comme la plus désirable réalisation de l’ère démocratique, et comme la justification toujours à venir de nos souffrances présentes.
Quant à nous, habitués à discerner, sous les traits charmants de la sage et heureuse démocratie, le visage hideux du capital et de sa sanglante dictature, nous affirmons : "de même que la France, cette vieille sorcière édentée, nous est de tout temps étrangère, de même la charogne Europe, trouvera toujours en nous des ennemis mortels, rêvant au jour de sa chute dans les basses-fosses de l’histoire. Contre les nations et les super nations, berceaux pourris du capital, contre l’idéologie démocratique moisie et rongée aux vers, notre patrie, c’est l’Internationale prolétarienne, c’est l’Internationale qui mettra à sac tous les palais, toutes les capitales du vieux monde (…) On nous propose un référendum sur une pompeuse Constitution européenne dont nous nous torchons le cul. Crachons d’abord sur ces pauvres nigauds et les parfaites ordures qui ont décidé, les uns, de respecter tout l’écoeurant "débat démocratique" orchestré par les autres" (…) Nous ne devons la très relative bonhomie de nos bons et loyaux Etats démocratiques qu’à l’absence temporaire du prolétariat révolutionnaire sur le champ de bataille de l’histoire (mais rassurez-vous, la vieille Taupe creuse toujours, et un jour paiera son travail de sape).
En démocratie, les décisions prises ne s’appliquent que si la réalité l’exige : c’est la nécessité du mouvement de l’histoire qui tranche, et non les pathétiques assemblées et les gentils référendums. Dites "oui" dites "non" : rien ne changera sinon que vous aurez participé une fois de plus au cirque électoral et consolidé ainsi la mascarade démocratique, que nous vomissons.
Pour que crèvent enfin toutes les sanglantes baudruches nationales et supranationales et leurs marionnettes étatiques ! A bas la France ! A bas l’Europe ! Vive le prolétariat ! Vive la révolution !". Et le tract est signé "Des communistes".
L’initiative et le contenu d’un tel tract ont été particulièrement salués par le CCI et les participants. Il s’agit en effet d’un effort réfléchi et conscient d’une minorité de la classe ouvrière pour dénoncer la démocratie bourgeoise et le battage médiatique de la classe dominante. Ceci est d’autant plus à souligner que la démocratie est le véritable cœur de l’idéologie de la classe dominante, un des piliers majeurs du système capitaliste. Le contexte de très forte intensité de la campagne de mystification démocratique – vantant les institutions, la "construction européenne", faisant croire que l’avenir de chaque prolétaire était conditionné par un simple bulletin de vote - rendait d’autant plus courageux le fait d’exprimer à la fois son indignation et le fruit d’une réflexion pour dénoncer cette propagande d’Etat. Plusieurs interventions ont aussi mis en exergue l’attaque de la bourgeoisie sur la conscience du prolétariat et les dangers que représente l’idéologie démocratique très justement dénoncée. La discussion a donc bien mis en évidence que la réflexion développée dans le tract représente une force politique pour sortir de la gangue du poison démocratique et nationaliste. Et il est clair que cette dynamique positive va dans le sens de la clarification, en permettant aux camarades qui en ont eu l’initiative, de tenter d’approcher les positions révolutionnaires de la Gauche communiste et de se les réapproprier.
L’effort du tract est aussi positivement significatif de la période actuelle, de la réalité du développement d’une maturation souterraine au sein de la classe ouvrière. Il est la traduction d’un autre phénomène corollaire, d’une qualité plus particulière : celui de l’apparition d’une réflexion dans la jeunesse sur la réalité barbare du capitalisme et la nécessité de trouver une perspective autre que le "no future" et les miasmes de la décomposition sociale.
Bien entendu, le désir inévitable que "cela bouge tout de suite", en dehors d’un cadre organisationnel et structuré, s’est manifestée dans le tract par une réaction de révolte devant "les pauvres nigauds" qui ont "respecté tout l’écoeurant débat démocratique". Ce rejet immédiatiste a été critiqué à des degrés divers par certains participants. Mais en fait, cette réaction de révolte envers "ceux qui gobent la propagande bourgeoise" peut apparaître légitime de la part d’éléments qui expriment une impatience et une révolte devant le fait que les ouvriers aillent voter pour une fraction ou une autre de la bourgeoisie. La discussion a également montré qu’une telle attitude traduit des concessions à l’idéologie anarchisante, ce qui tend bien plus à désarmer ces camarades face à l’anarchisme ambiant entretenu par la bourgeoisie et dont une des composantes idéologique classique est la culpabilisation (des "nigauds"). Il s’agit là aussi du poids idéologique de visions individualistes de la lutte de classe qui pousse à faire en sorte de rejeter certaines parties de la classe ouvrière, perçues comme "moins claires", voire à les mépriser. Mais ce produit idéologique a été en même temps rapidement combattu, puisqu’un des rédacteurs présent a précisé que ce tract avait été écrit "pour faire réagir". Dans le mouvement ouvrier, les révolutionnaires ont toujours œuvré dans le sens de faire réagir la classe ouvrière, mais jamais en l’insultant, ni en traitant les ouvriers mystifiés par l’idéologie bourgeoise d’imbéciles. Une des tâches principales des révolutionnaires est bien plus de dénoncer les pièges de l’idéologie bourgeoise et d’expliquer patiemment et inlassablement à la classe ouvrière les dangers qui la guettent si elle adhère aux mensonges électoraux de la classe dominante. L’attitude consistant à stigmatiser "les nigauds" qui vont voter ne peut que braquer des éléments en recherche ou qui ont des doutes. Elle entrave la réelle réflexion en les rejetant d’emblée dans le camp de ceux qui se "font avoir" mais sans donner de réponse claire et réellement critique.
La discussion, dans ce sens, a montré la nécessité de débattre fraternellement pour faire avancer la réflexion. Et c’est bien cette démarche qui a été engagée par le camarade qui est venu pour défendre un texte émanant d’éléments combatifs, en s’inscrivant très positivement dans la discussion.
Le camarade est ainsi intervenu dans le débat pour répondre, développer son point de vue et justement exposer ses désaccords: "Notre tract n’a pas pour but d’éclairer, mais il a été rédigé contre le consensus et pour faire réagir (…) j’ai une vision différente du CCI sur la question de l’organisation et du militantisme. Le CCI n’est certainement pas d’accord avec notre analyse sur ce plan, qu’il qualifierait de conseilliste. Nous ne sommes pas révolutionnaires sans les masses qui font la révolution. L’organisation est faite pour répondre à une tâche et des nécessités précises. En dehors de la période révolutionnaire, elle n’a pas son utilité et dans ce cadre est amenée à se bureaucratiser. Pourquoi avoir besoin d’une organisation ? Les meetings, les tracts etc. peuvent très bien se faire sans elle. (…). Marx et Engels ont été des théoriciens et des interprètes du mouvement social. Entre 1852 et 1864, il n’y avait pas d’organisation et les idées de Marx n’ont pas dégénéré. Ma critique porte sur le fait que les organisations dégénèrent quand leur rôle est terminé (…) Le CCI intervient dans la classe ouvrière, le CCI veut bien discuter. Bien ! Mais je ne suis pas sûr qu’en faisant des réunions publiques cela développe une influence. Il n’y a pas forcément des prolétaires qui viennent ou convaincus. J’ai l’impression que cela n’apporte rien de discuter par rapport à un texte (NDLR : le camarade fait allusion à nos textes introductifs lors des réunions publiques). On n’a pas besoin d’un cours ! (…) je ne nie pas la nécessité d’une organisation, mais seulement en période révolutionnaire"
Selon le point de vue développé ici par le camarade, l’organisation ne se réduirait qu’à un aspect immédiatement utilitaire et limité à la période révolutionnaire. Mais surtout, elle présenterait un danger après la révolution. On retrouve, comme le reconnaît d’ailleurs lui-même le camarade, la vieille antienne conseilliste qui, derrière une vague considération sur "l’utilité éventuelle" de l’organisation, la conçoit a priori comme une sorte de menace, une "machine à corrompre", un "instrument" aux mains de "leaders". En fin de compte, il apparaît bien de ce fait que le camarade n’est pas convaincu de l’utilité d’une organisation, y compris d’ailleurs pour la "période de la révolution". Pour lui, la classe ouvrière est parfaitement capable de s’organiser elle-même, et nous sommes d’accord là-dessus. Mais nous touchons ici au nœud de la problématique du camarade qui voit aussi dans le parti un danger potentiel permanent pour la classe ouvrière. Pour lui, le parti ne peut inévitablement que confisquer au prolétariat le contrôle de sa lutte et en conséquence est un ennemi à terme du développement de son combat et ne peut que s’identifier pleinement à la prise du pouvoir au sein de l’Etat.
D’où provient l’organisation ? Des masses elles-mêmes ? Quelle serait alors sa tâche et par rapport à quelles nécessités ?
Le camarade passe en réalité à côté de ces questions essentielles, ce qui renforce sa propension à assimiler confusément le parti à l’Etat et donc à ne voir avant tout dans le parti qu’un "danger". Comme un fatum, la dynamique de "bureaucratisation", selon la terminologie conseilliste, devient alors inévitable de ce point de vue. Or, il n’y a au contraire aucune fatalité et la vie d’une organisation n’est qu’un combat permanent dont l’issue n’est pas écrite à l’avance. Il doit être clair que le parti n’a pas pour rôle de prendre le pouvoir, même "au nom de la classe" et qu’il reste toujours un organe d’orientation politique qui, loin de s’identifier à l’Etat, lui est étranger. Cela avant, pendant et après la révolution, y compris donc dans une période post-insurrectionnelle. Il reste en cela une sécrétion de la classe ouvrière et de son combat historique. Seule une défaite du courant marxiste et une victoire de l’opportunisme, c'est-à-dire la pénétration de l’idéologie dominante en son sein, représente un danger potentiel qui peut être effectivement mortel. Mais cela n’infirme pas qu’à tous moments, il est vital pour les minorités les plus conscientes d’être organisées, pour être facteur actif dans le combat pour participer activement et efficacement à accélérer l’homogénéisation de la conscience dans la classe.
En réalité, ce qui peut paraître difficile à comprendre, c’est que le mouvement ouvrier doit accomplir des tâches organisationnelles en permanence, y compris lorsque les grandes masses paraissent totalement absentes de la scène de l’histoire ou lorsqu’elles sont défaites. S’il est vrai que les partis prolétariens surgissent en lien avec la montée des luttes de la classe ouvrière, se développent ensuite et disparaissent dans les phases contre-révolutionnaires, comme ce fût le cas formellement pour la Ligue en 1852, cela ne signifie pas pour autant une disparition totale de l’activité organisée.
De ce point de vue, entre 1852 et 1864, Marx n’était pas un "individu isolé" qui s’est "retiré pour ses études", un "penseur" ou "philosophe génial" comme se plait à le présenter la bourgeoisie, mais est resté au contraire un vrai militant communiste : "Marx n’a pas dissout autoritairement la Ligue en 1850, pas plus que l’AIT en 1872. Il a simplement expliqué que les révolutionnaires doivent se préparer à affronter la prochaine désagrégations de ces partis, en s’organisant pour maintenir même en leur absence le fil rouge de l’activité communiste" (Revue Internationale n°64 : "Le rapport fraction-Parti dans la théorie marxiste"). Les individus isolés, a contrario, ne peuvent avoir aucun champ réel d’action et le mouvement conscient de la classe ne peut jamais se réduire à la réflexion d’une somme d’individus éparpillés. Durant cette période de reflux de la lutte de classe, Marx et Engels ont au contraire toujours manifesté le souci de maintenir des liens organisés et de publier une presse révolutionnaire. Par l’expérience historique de la classe, Marx et Engels ont su préciser ainsi davantage à ce moment les contours de la notion de parti en faisant ce qu’on pourrait appeler un travail de "fraction" avant la lettre : "le processus de maturation et de définition du concept de fraction trouve donc son origine (mais pas sa conclusion) dans ce premier réseau de camarades qui avaient survécu à la dissolution de la Ligue des Communiste" (idem).
L’exemple de la Gauche italienne dans les années 1930, repris dans la discussion, constitue un démenti significatif à l’idée selon laquelle les organisations seraient inutiles en dehors de mouvements révolutionnaires. En effet, mené dans les conditions les plus terribles du stalinisme triomphant, les travaux de la Gauche italienne ont été des plus féconds sur différents plans théoriques, notamment organisationnels. Sans ce travail de fraction et donc d’organisation, notamment mené par Bilan, il n’y aurait pas aujourd’hui d’expression organisée aussi élaborée de la gauche communiste que le CCI ! Nous pouvons aussi ajouter plus simplement qu’avec le raisonnement du camarade appliqué à la phase ascendante du capitalisme, où la révolution n’est pas encore possible du fait de l’immaturité des conditions historiques, où le prolétariat se constitue en classe, on en viendrait rapidement à jeter aux orties les combats organisationnels de Marx et d’Engels, de Rosa Luxemburg et de Lénine ! Comme l’a affirmé justement un participant : "(…) L’organisation n’est pas seulement présente à des moments historiques particuliers. Il existe un rapport social qui fait que l’organisation est là pour lutter contre l’idéologie dominante. L’organisation est une nécessité pour pouvoir faire face à la pression de l’idéologie bourgeoise qui est permanente. Il s’agit d’un facteur fondamental qui s’exerce en profondeur et en étendue."
C'est justement à travers la discussion politique la plus large et la plus étendue et à travers la reconnaissance que les organisations révolutionnaires représentent son intérêt que le prolétariat sera le mieux à même de se renforcer politiquement et de se confronter à la bourgeoisie.
Le patient travail de regroupement international va de pair avec la construction de l’organisation du prolétariat. Le souci de la continuité pour transmettre un patrimoine politique à une nouvelle génération de militants est aujourd’hui indispensable pour préparer le futur parti et le prochain assaut révolutionnaire. Si les conditions du surgissement du parti sont liées à la lutte de classe, ce dernier n’en est pas un produit mécanique qui apparaît ex nihilo. Il doit surtout son existence à la clarté et la détermination, au combat de l’avant-garde révolutionnaire. Comme l’a montré la révolution russe, le parti bolchevik s’est construit bien avant la révolution, permettant une intervention féconde qui a préparé l’effervescence dans les meetings, les grèves et manifestations, dans les conseils ouvriers. Ceci, afin de remplir une fonction irremplaçable, celle de catalyser le processus de maturation de la conscience prolétarienne vers la victoire. Aujourd’hui, alors que l’impasse du capitalisme en crise pousse à nouveau le prolétariat à poursuivre et développer son combat, la tâche des révolutionnaires est d’œuvrer au travail de regroupement, à l’unité des énergies révolutionnaires en vue de la construction du futur parti mondial. De ce point de vue, nous ne pouvons partager la vision du camarade qui voit dans nos réunions et dans l’élaboration d’une démarche politique un "cours" qui ne lui "apporte rien". Contrairement à cette vision qui ferait du CCI une sorte de "professeur" et les participants des "élèves passifs" qui devraient ingurgiter des "leçons" formatées, nous affirmons que le prolétariat n’adopte pas ce type de démarches "pédagogiques" étrangères au marxisme. Tout au contraire, les réunions, encore une fois, sont des lieux de débats qui doivent permettre une confrontation politique en vue d’une clarification pour les besoins du combat. Elles participent du processus de prise de conscience nécessaire pour lutter contre la pression idéologique de la bourgeoisie, développer la lutte et préparer le futur.
WH (20 août)
Alors que les campagnes idéologiques de la bourgeoisie martelées depuis seize ans continuent à asséner le mensonge que la classe ouvrière est une classe moribonde, que sa lutte appartient à un passé révolu, la réalité se charge de montrer que le prolétariat est bien vivant et qu'il n'a pas d'autre choix que de développer son combat partout dans le monde.
La combativité ouvrière ainsi qu’un embryon de solidarité s'étaient déjà manifestés sur le sol européen avec la grève à l'aéroport londonien d'Heathrow cet été (voir l'article de notre section en Grande-Bretagne "Grèves à Heathrow : notre seul moyen de défense est notre solidarité de classe" [169]). La crainte d'une large mobilisation ouvrière vient de pousser le gouvernement Blair à retirer une partie de l'attaque sur les retraites dans le secteur public, destinée à amputer le paiement des pensions en faisant progressivement passer de 60 à 65 ans entre 2006 et 2013 l’âge de la retraite. Cependant, l'accord conclu avec les syndicats prévoit que dès 2006, les employés de la santé, de l'éducation et les personnels de l'administration centrale nouvellement recrutés seront soumis à cette attaque. Après la grève nationale du 4 octobre en France, qui a mis dans la rue plus d'un million de travailleurs à l'appel de tous les syndicats pour défouler le mécontentement social, c'est le syndicat "socialiste" FGTB qui obtenait une forte mobilisation le 7 octobre en Belgique, paralysant une large partie de l'activité économique du pays pour canaliser la protestation contre le gouvernement au moment où celui-ci entreprend de faire passer une nouvelle attaque sur le régime de Sécurité sociale et repoussant de 58 à 60 ans l’âge requis pour prétendre au reversement d’une pension de retraite. Et le 28 octobre, ce sont les deux grandes centrales syndicales du pays qui appellent ensemble à une nouvelle mobilisation générale pour la première fois depuis 12 ans.
Aux Etats-Unis, la grève de 18 500 mécaniciens de Boeing, votée à 86% à l'appel de l'IAM (International Association of Machinists and Aerospace Workers) aura duré du 2 au 29 septembre (la grève précédente des ouvriers de Boeing dans ce même secteur en 1995 avait lentement pourri pendant 69 jours avant de s’achever par une lourde défaite). Les ouvriers ont à nouveau refusé la convention collective proposée par la direction qui voulait notamment baisser le taux de revalorisation annuelle des retraites par rapport aux deux années précédentes, alors que les cotisations pour la couverture sociale ont plus que triplé depuis 1995 et que la direction s’était bien gardé de donner la moindre garantie sur la sécurité de l'emploi. La colère était d'autant plus forte que les bénéfices de l'entreprise ont triplé au cours des 3 dernières années. L'entreprise visait également à obtenir une diminution de remboursement des soins médicaux en imposant notamment la suppression de toute couverture médicale des retraités pour les nouveaux contrats d'embauche. Les ouvriers ont refusé tout net cette manœuvre de division entre "nouveaux" et "anciens", jeunes et vieux. Ils se sont également opposés à une autre tentative de la direction au cours de la négociation d'opposer les intérêts des ouvriers entre eux avec la proposition d'introduire des mesures différentes entre 3 grandes usines de production (celle de Wichita dans le Kansas se trouvant défavorisée par rapport à celles de Seattle, dans l'Etat de Washington, ou celle de Portland dans l'Oregon, exigeant que les propositions soient les mêmes pour tous les mécaniciens de la firme). Au bout du compte, la direction acceptait de verser des primes exceptionnelles aux salariés, de ne pas toucher dans l'immédiat aux remboursements et aux retraites mais en contrepartie les ouvriers voyaient les revalorisations de leur salaire réduites et ils ont dû accepter la poursuite des hausses de cotisations des prestations sociales. Cependant le fait le plus marquant est le black-out presque complet qui a entouré cette grève, notamment en Europe et en France en particulier. Le but poursuivi était d'empêcher la classe ouvrière ici de prendre conscience qu'il y a une classe ouvrière exploitée et qui se bat aussi aux Etats-Unis, pour défendre ses propres intérêts de classe.
De même, les grèves qui ont eu lieu entre juin et août en Argentine n’ont bénéficié d’aucune publicité, en Europe, contrairement au battage organisé autour de la révolte sociale de 2001 gangrenée par l'interclassisme (voir les articles que nous avons publiés sur ce mouvement notamment dans la Revue Internationale n° 109 en 2002, 117 et 119, en 2004). Les luttes de l'été dernier constituent la plus importante vague de grèves depuis 15 ans, notamment dans la région industrielle de Cordoba. Elles ont touché les hôpitaux, des entreprises de produits alimentaires, des chaînes de supermarché, les employés du métro de Buenos Aires, les travailleurs municipaux de plusieurs provinces. Au cours de ces luttes, les ouvriers ont clairement exprimé en plusieurs circonstances la volonté de rechercher une solidarité. Dans le métro de la capitale, tout le personnel a spontanément arrêté le travail après la mort accidentelle de deux ouvriers chargés de la maintenance. Dans la province de Santa Cruz, au Sud du pays, la grève des employés municipaux a entraîné une présence massive d’ouvriers d’autres secteurs comme d’une majorité de la population. A Caleta Olivia, les ouvriers du pétrole se sont même mis en grève à leurs côtés pour des revendications salariales similaires. A Neuquen, les ouvriers des services de santé se sont joints spontanément à une manifestation d’instituteurs et se sont confrontés à une forte répression policière. La réaction de la bourgeoisie a été extrêmement brutale. Quant aux ouvriers du centre hospitalier pédiatrique de Garrahan qui, au lieu de réclamer des hausses de salaire proportionnelles à chaque catégorie professionnelle, ont exigé une augmentation égale pour tous, ils ont été la cible d’une campagne de dénigrement d’une violence inouïe dans les médias. Ils ont été présentés comme des "terroristes" capables de faire mourir des enfants pour la défense de leurs intérêts particuliers et ont été délibérément exclus de toute négociation. De plus, les piqueteros gauchistes n’ont cessé de leur coller aux basques pour les compromettre dans leurs impopulaires actions de commandos. A travers cette répression, le succès de ces manœuvres et la mise en avant du prochain cirque électoral, cette vague de luttes a depuis nettement reflué. Mais elle aura confirmé que le prolétariat redresse partout la tête et s’affirme comme une classe en lutte. Nous avons déjà évoqué dans notre presse la grève des ouvriers de Honda en Inde (voir RI n° 361) ou celles dans les mines d’or en Afrique du Sud (RI n°360). Mais un autre exemple édifiant nous est donné par la Chine à propos de laquelle sévit encore le grand mensonge et la vaste escroquerie idéologique "d’un régime communiste". Une ONG de Hongkong a recensé pas moins de 57 000 conflits du travail en 2004 impliquant 3 millions de salariés, touchant désormais le secteur privé et plus seulement les usines d’Etat comme dans les années 1990.
Malgré toutes les limites qu'elles montrent encore et la multiplication des manœuvres syndicales pour les saboter, les luttes ouvrières n’appartiennent pas à un passé révolu.
Non, la classe ouvrière n’est pas morte ! Elle n’a pas d’autre choix que de se battre et, dans le développement de ses luttes, elle porte plus que jamais le seul futur possible de toute l’humanité.
W (22 octobre)
Début septembre, le gouvernement Villepin avait réaffirmé la priorité de son action envers l'emploi en annonçant des "réformes" destinées à "remettre d'aplomb" le "modèle social" français. Le premier ministre se disait plus tard, en octobre, encore prêt à engager "mille batailles" pour le "dynamisme économique" et pour la "solidarité". En effet, la bataille est engagée sur de nombreux fronts contre les chômeurs, contre les RMIstes, contre les salariés et contre toute la classe ouvrière. Les grands discours sur la "croissance sociale" qu'on nous sert sont destinés à justifier l'actuelle série d'attaques contre les conditions de vie et de travail des ouvriers.
Le projet de loi de finances du gouvernement pour 2006 prévoit que le déficit de l'Etat ne pourra pas dépasser 3%, alors que les moins mauvaises prévisions de croissance de la production économique française se situent (contrairement au discours du gouvernement qui annonce entre 2 et 2,5%) entre 1,5 et 1,8%. Or, l'endettement de l'Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales a déjà atteint cette année, malgré les mesures prises pour réduire le salaire social, le record de 66% du PIB. Ce qui signifie en clair que c'est la classe ouvrière qui va payer la différence, au prix fort.
Tout ce discours prétendument "social" essaie vainement de masquer que l'objectif du gouvernement est de faire pression sur tous les ouvriers, qu'ils soient au travail ou au chômage.
Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, la Sécurité sociale affiche un déficit "sans précédent dans l'histoire" de cette institution, avec 8,6 milliards de pertes prévues pour l'année 2005. On nous annonce aussi que 15% des prescriptions seraient "non justifiées" et que cet "excès" de dépenses représenterait la somme de 6 milliards d'euros.
Depuis les années 1980, ce discours de l'Etat sur les mécomptes de l'assurance maladie a toujours servi de tremplin pour justifier à grands renforts de chiffres les mesures pour diminuer les "avantages" de la Sécurité sociale. La loi de 1991 portant réforme de l'assurance maladie, créée par la gauche mais mise en œuvre par les ordonnances Juppé de 1995, avait été un premier grand pas pour donner un cadre de façon à réduire les dépenses et l'accès aux soins. Sous la houlette de Douste-Blazy et avec les lois de réforme sur l'assurance maladie de juillet 2004, ce cadre a été renforcé. Il s'agit en réalité de la mise en place de moyens permettant à la bourgeoisie d'accentuer et d'accélérer à volonté la pression sur le salaire social à travers la diminution des dépenses de santé. Ainsi, on nous serine aujourd'hui qu'après un an d'existence de cette loi et des mesures qu'elle impliquait, les résultats pour "boucher le trou" de la Sécurité sociale ne sont pas suffisants. Moralité, il faut taper encore plus fort car son déficit doit passer des 8,3 milliards d'euros actuels à 6,1 en 2006.
Les mesures d'austérité en matière de santé vont ainsi passer un nouveau cap. 156 médicaments ne seront donc plus remboursés, 221 vont être déréglementés. A présent, 18 euros seront à la charge des patients pour les actes médicaux dépassant 91 euros. Cela signifie la diminution de l'accès aux actes de dépistage pour toute une frange de la population qui était jusqu'ici prise en charge à 100% en cas de suspicion de maladie grave, tels certains cancers ou pathologies neurologiques (dont l'ESB). Il reviendra en effet aux mutuelles de régler la différence alors que 20% de la population n'ont déjà pas les moyens de s'en payer une et que ces dernières vont immanquablement augmenter à terme leurs tarifs.
Ceci implique qu'un nombre grandissant d'ouvriers au travail, mais encore plus de retraités et de chômeurs, n'aura même plus les moyens d'accéder à un système de soins qui les protègent réellement.
Du fait de la poursuite des licenciements dans de nombreux secteurs, de la réforme de l'assurance-chômage et de la réduction de 30 à 24 mois des durées d'indemnisation les plus longues, le nombre de RMIstes a augmenté de 3,8% de juin 2004 à juin 2005 et compte à présent 1,24 millions de "bénéficiaires" après avoir passé le cap du million au début de l'année. Cette frange de "profiteurs" des mannes capitalistes est ainsi dans le collimateur de la bourgeoisie et soumise à des contrôles draconiens de la part des conseils généraux avec le risque de radiations sous les prétextes les plus hypocrites. Ainsi, des fins de droit au RMI sont appliquées pour non signature de contrats d'insertion, alors que cette obligation est récente et que nombre de RMIstes ne sont pas au courant de cette nécessité. Ce sont aussi les changements d'adresse qui sont le prétexte à radier les RMIstes qui n'ont pas pris la précaution de le signaler aux conseils généraux. Or, le problème du logement, qui frappe déjà brutalement l'ensemble de la population et de la classe ouvrière, est encore plus aigu pour les RMIstes, au point qu'une grande partie d'entre eux n'ont même pas de domicile et sont le plus souvent en errance, au mieux de foyer en foyer.
Quant aux chômeurs, après la série de mesures depuis le printemps dernier pour les soumettre à la pire exploitation sous peine d'être virés de leurs droits aux allocations chômage, la circulaire gouvernementale du 5 septembre était venue repréciser les critères du "caractère actif de la recherche d'emploi", pour les employés de l'ANPE qui rechignent à appliquer la baisse ou la suppression des allocations contre cette autre catégorie de "profiteurs".
De plus, pour mieux renforcer leur flicage et diminuer le coût que représentent les salariés qui gèrent le chômage, un processus de fusion a été lancé par le gouvernement, dans le cadre de la "loi de cohésion sociale", entre l’ANPE (Agence Nationale pour l’Emploi) et l’UNEDIC (Union Nationale pour l’Emploi Dans l’Industrie et le Commerce). Le premier organisme (ANPE) est plus particulièrement chargé du placement des chômeurs, tandis que l'UNEDIC est chargé de collecter les cotisations payées par les entreprises et les salariés ainsi que du paiement des indemnités de chômage. Même si ce plan ne sera mis en place que lentement, il vise en particulier à faire des économies de personnel (14 000 salariés environ à l’ANPE et 17 000 à l’UNEDIC), et des mesures sont déjà en marche. Il est ainsi prévu que 500 salariés de l’UNEDIC aillent travailler dans les locaux de l’ANPE, et des formations sont prévues dans chacun des organismes pour mieux connaître le métier de l’autre organisme et, déjà, des salariés de l’un ou l’autre organisme ont été envoyés travailler respectivement dans les locaux de l’autre.
Voilà donc en quoi consiste quelques-uns des volets principaux de la "croissance sociale" que nous promet le gouvernement : accélération dans le démantèlement de la Sécurité sociale, aggravation de la paupérisation généralisée de la classe ouvrière et croissance des attaques anti-ouvrières.
Mulan (20 octobre)
Dans le n° 360 de Révolution Internationale, dans la deuxième partie de l’article "Plus de trente ans d’aggravation de la crise économique", nous avions mis en évidence que le capitalisme entrait dans une nouvelle phase de récession. En conclusion, nous écrivions : "Alors que la très courte reprise économique de ce début des années 2000 s’est traduite par une accélération massive du chômage et la paupérisation de la classe ouvrière, nous pouvons alors imaginer l’ampleur de l’attaque que le capitalisme tentera d’infliger au prolétariat".
Depuis quelques semaines, les chiffres tombent comme un couperet, la liste des entreprises qui licencient s’allonge. La bourgeoisie allemande aura profité de la polarisation autour du "suspense" électoral puis sur les choix de la future coalition gouvernementale pour faire passer les attaques et porter les coups les plus durs au prolétariat. Le 28 septembre, la direction de Mercedes-Daimler-Chrysler annonce 8500 suppressions de postes (ce qui représente près d’un emploi sur dix !), plus les 700 envisagés dans sa filiale Smart dès avril. Chez Opel, la direction se prépare à licencier 9100 personnes ; dans la foulée, la maison-mère General Motors annonçait la suppression de 25 000 emplois (sur 180 000) en Amérique du Nord d'ici à 2008 ainsi que la réduction drastique des prestations sociales (retraites et dépenses de santé) versées aux 750 000 salariés et retraités installés aux Etats-Unis, à la suite de la faillite de l'équipementier automobile Delphi qui alimentait un des principaux fonds de pension du pays. Quant à Volkswagen, le plus gros constructeur en Allemagne (345 000 personnes), la presse allemande évoque une fourchette de 10 000 à 14 000 postes menacés. D’autres secteurs sont aussi sur la sellette, par exemple, Siemens, qui emploie 164 000 personnes dans les télécommunications ou le matériel informatique, prévoit 7000 licenciements. L’entreprise américaine, Hewlett-Packard, a programmé 4500 suppressions de postes en Grande-Bretagne et en Allemagne (en plus des 1240 en France). D’autres entreprises risquent de rallonger la liste des licenciements. Que le capital allemand soit un des plus touchés par cette nouvelle récession, dans ce qui constitue son fleuron, l’industrie de l’automobile, est significatif de l’état dans lequel se trouve le capitalisme mondial. Malgré la modernité de son appareil productif, la qualification très élevée de sa main d’œuvre, le degré de concentration de ses entreprises, la troisième puissance économique mondiale commence à s’essouffler par rapport à ses concurrents. Alors que ses principaux rivaux comme les bourgeoisies française ou japonaise taillaient dans le vif en licenciant à tour de bras à la fin des années 1990, l’Allemagne a mis du temps à faire de même, tablant sur des produits de haute qualité pour tenter de résister. Mais la réalité l’a vite rattrapée. L’Allemagne et son secteur automobile ne sont pas les seuls touchés, des entreprises technologiques de pointe le sont aussi : Hewlett Packard prévoit le 12 septembre de se délester de 14 500 emplois dans le monde, alors que son rival, IBM, avait décidé en mai de licencier 13 000 personnes, le fabricant italo-français de puces électroniques, ST-Microelectronics, va mettre plus de 3000 salariés à la rue, et tout récemment au Japon, Sony annonce la suppression de 10 000 postes et la fermeture de 11 sites sur 65 ! Et dans l’aéronautique, la Compagnie américaine Delta Airlines prévoit d’ici 2007 de se séparer de 7000 à 9000 personnes. Tous ces chiffres donnent le vertige ! Et cela ne peut aller qu’en s’aggravant.
Face à un marché mondial saturé de marchandises de toutes sortes, la concurrence devient de plus en plus féroce. Pour la bourgeoisie il s’agit d’une guerre commerciale sans merci. Et pour être plus compétitif, il faut baisser les coûts de production, fermer des usines c'est-à-dire s’attaquer à la classe ouvrière. Voici ce que disait le PDG de Volkswagen à l’ouverture du salon automobile de Francfort le 11 septembre dernier : "La vérité, c’est que les coûts salariaux par voiture sont trop élevés. Il faut les réduire, soit en abaissant le salaire horaire, soit en augmentant la productivité ou en réduisant le nombre de salariés". Mais ce que ne dit pas ce grand représentant de la bourgeoisie allemande c’est qu’il a fait tout cela : il a baissé le salaire horaire, avec l’accord du syndicat IG- Metall, faisant passer le temps de travail de 35 à 40 heures, en novembre de l’année dernière, sans compensation salariale avec la promesse de ne pas licencier. On voit ce que valent les promesses de la bourgeoisie car des licenciements sont prévus, et pour ceux qui restent, le taux de productivité va augmenter ! Un exemple : la production d’un monospace, la Touran, est effectuée avec une organisation du travail qui fait tourner les machines jour et nuit. Dans la détermination des salaires n’est pas pris en compte le travail de nuit, l’expérience et la spécialité des ouvriers. Pour faire passer ces mesures auprès des ouvriers, toujours avec l’accord du syndicat, le PDG de Volkswagen a utilisé le chantage de la délocalisation. La direction veut maintenant étendre une telle expérience sur d’autres chaînes de montage. Le futur 4X4 Golf sera ainsi produit avec une économie de 850 euros par véhicule. Le même chantage est exercé envers les salariés de Thyssen/Krupp. Comme beaucoup d'entreprises, le groupe se prépare à exiger une baisse du temps de travail avec une amputation correspondante des salaires en contrepartie "d'un maintien des emplois". Toutes les expériences précédentes -à commencer par celle des salariés de Volkswagen il y quelques années- démontrent que ce "sacrifice" n'empêche nullement les licenciements de tomber quelques mois plus tard !
Ce n'est pas seulement l'ampleur et la gravité de la crise économique mondiale que révèle l'élimination massive et quasi-simultanée de centaines de milliers d'emplois industriels dans les pays qui constituent le cœur du capitalisme, plongeant de nouvelles centaines de milliers de prolétaires dans l'enfer du chômage et de la misère. C'est la faillite du système capitaliste qu'elle met à nu.
Antoine (19 octobre)
Le conflit à la SNCM (Société nationale Corse Méditerranée) aura duré 24 jours, s'achevant dans la défaite, l'isolement, l'amertume, la démoralisation les plus complets pour les ouvriers embarqués dans cette lutte. Le bilan de cette grève se solde par le maintien des 400 suppressions d'emplois annoncés au début par les repreneurs privés Butler et Connex. Comment cette lutte a-t-elle été conduite dans une impasse totale alors qu'elle s'inscrivait pourtant dans un contexte de montée d'exaspération accumulée et de ras-le-bol grandissant présents dans toute la classe ouvrière en France face à des attaques simultanées : annonce de licenciements touchant en même temps des dizaines de milliers d'ouvriers, dégradation accélérée du niveau de vie, des conditions de travail et du pouvoir d'achat, intensification du démantèlement de toute protection sociale sur les salariés, les retraités, les chômeurs ? (voir article page 2).
Rappelons les faits. A l'annonce du plan de privatisation de la SNCM et du soutien par le gouvernement de l'offre d'un repreneur, la société Butler, les ouvriers savaient que cela signifiait le licenciement pour une bonne partie d'entre eux et laissaient éclater leur colère et leur combativité. Mais d'emblée, ils se sont laissés embarquer sur un terrain corporatiste et nationaliste imposé d'avance par les syndicats. La bourgeoisie profitait ainsi du contrôle étroit des syndicats sur l'entreprise et des illusions corporatistes particulièrement fortes dans ce secteur. La CGT à Marseille et le STC (Syndicat des Travailleurs corses) sur le sol corse se partageaient en effet déjà un véritable racket mafieux, monopolisant le contrôle de l'embauche des salariés de la SNCM. Il y a dix ans, le STC, fort de 5000 adhérents en Corse, avait d'ailleurs lancé un mouvement pour réclamer de l'Etat français une "corsisation" des emplois dans l'île.
Dès lors, la bourgeoisie et ses syndicats disposaient d'un large champ de manœuvre pour saboter la riposte ouvrière, dévoyer la lutte sur un terrain étranger au prolétariat, tout en montant en épingle ce conflit et en le médiatisant au maximum.
Dès le 21 septembre, deux navires de la SNCM avaient été bloqués dans le port de Marseille. Un des deux à destination de la Corse avait pu finalement appareiller, l'autre qui devait ramener des travailleurs maghrébins en Algérie vers leur famille, était resté à quai. Des marins de la CGT ont même utilisé des lances à incendie pour empêcher ces travailleurs maghrébins de monter sur les bateaux. Ces quelques 1200 prolétaires ont ensuite été abandonnés à leur sort par la direction de la SNCM, par les autorités françaises et algériennes et se sont fait balader plusieurs jours entre Marseille et Toulon avant de pouvoir partir.
La CGT a organisé dès le départ des actions minoritaires, de commandos. Lors d'une de ces "actions", le PDG de l'entreprise a été séquestré mais une fois l'impact publicitaire obtenu, les syndicats le laissaient "s'enfuir" le lendemain.
La grève prenait une autre dimension le 26, dès l'annonce de l'acceptation par le gouvernement du plan du repreneur et l'entrée en scène du STC. Le même jour, les dockers et les employés du port autonome de Marseille, et des ports de Fos et de Port-Saint-Louis sont appelés à se mettre en grève. La grève sera effective le 29 provoquant une paralysie générale du trafic autour de Marseille et en Corse. Le secrétaire général de la CGT, Thibault, prend soin de préciser qu'il ne s'agit nullement d'un mouvement de solidarité mais là encore d'une lutte pour assurer le maintien du service public de chaque entreprise face au danger de privatisation. En réalité, la CGT qui encadre et contrôle étroitement ces mouvements se garde bien de mélanger les ouvriers de chaque pôle d'activité qui vont poursuivre la lutte chacun de leur côté. Elle veille précisément à empêcher toute expression de solidarité, tout en mettant en avant des revendications similaires : la sauvegarde de l'embauche au nom de la défense du "service public". Le mouvement paralysant le port et le blocage du trafic vers la Corse contribue à diviser les salariés de la SNCM avec ceux de la sous-traitance d'une part et ceux des compagnies concurrentes d'autre part.
Le spectacle médiatique prend le dessus. La CGT et le STC se partagent le travail, de même qu’au sein de la CGT, entre l’union départementale "radicale" et la direction de la confédération nettement plus "modérée". Tandis que la CGT locale lance des commandos encagoulés qui virent à plusieurs reprises en échauffourées avec les policiers et que de violents affrontements avec les forces de l'ordre se produisent plusieurs nuits de suite dans les rues de Bastia, le STC se livre à l'épisode le plus spectaculaire en détournant vers Bastia un cargo, le Pascal-Paoli, et justifie cet acte de rébellion en prétendant "rendre son outil de travail à la Corse". L'Etat répond en faisant prendre d'assaut le bateau avec ses super-gendarmes du GIGN. Quatre marins sont placés en garde à vue. La "libération" des "mutins" est présentée comme une "victoire" et contribue à populariser cette lutte sur laquelle tous les projecteurs de l'actualité sont braqués. Alors que localement des milliers de travailleurs sont pris en otage par la paralysie des transports qui débouche sur un véritable blocus de la Corse, les ouvriers de l’Hexagone dans leur ensemble sont invités à vivre par procuration ce conflit presque heure par heure alors qu'ils ne peuvent nullement se sentir concernés par les "revendications" nationalistes qui sont mises en avant par le STC qui sert de repoussoir (tout en cultivant le paradoxe du nationalisme corse dont toutes les variantes réclament bruyamment… le maintien de la SNCM dans le giron de l'Etat français !). Le déchaînement de la pire hystérie nationaliste, comme en Corse où elles ont rapidement dégénéré, ne pouvait déboucher que sur des attentats à la roquette ou sur des bastonnades totalement étrangères à la lutte ouvrière et à ses méthodes de lutte.
Tandis que la Corse est isolée et subit un véritable blocus, parallèlement, la police déloge les grévistes à Marseille et fait évacuer le port. Pendant toute la durée de la grève, les manifestations à Marseille (en dehors du 4 octobre), étroitement encadrées par la CGT, qui y fait chanter La Marseillaise, n'auront jamais rassemblé plus de 200 personnes. Les caméras des médias et les journalistes accrédités sont les seuls à être conviés à des parodies d'AG qui, sous le contrôle des syndicats, se tenaient pour la SNCM … dans la salle de cinéma d'un bateau Le Méditerranée, interdisant l'accès aux autres ouvriers, notamment ceux du port autonome, aux dockers et aux employés des transports publics. Il était d'autant plus impossible d'entrer dans le port que celui-ci s'est retrouvé rapidement investi par les forces de police. Pendant ce temps, la grève à la SNCM était applaudie, encensée, encouragée par toutes les forces de la gauche, y compris par le groupe trotskiste "Lutte Ouvrière" qui déclarait lors du "meeting de soutien" du 3 octobre aux grévistes de la SNCM auquel participait également Buffet, Besancenot et des élus du PS : "Marins et travailleurs de la SNCM, je vous remercie, vous avez montré l'exemple de la combativité à tous les travailleurs". Ce discours ne faisait qu'entretenir l'illusion de force d'une lutte qui se retrouvait totalement enfermée, étouffée et sabotée par les syndicats, dévoyée par eux sur le terrain de la défense du service public français et réclamant la "protection" de l'Etat et du gouvernement. Cloisonné et isolé dans la défense de son entreprise et de sa corporation, chaque mouvement était entraîné inexorablement vers la défaite. Les dockers puis les employés du port ont voté la reprise du travail en laissant ceux de la SNCM totalement isolés.
Quel est le message que la bourgeoisie a voulu faire passer ?
- D'une part, ce conflit a été présenté pendant un temps comme un modèle de combativité pour la lutte de classe dans les médias. C'est le type même d'une grève dure, radicale, violente dans laquelle un syndicat, la CGT, s'est donnée l'image d'un syndicat se battant, jusqu'à la limite du possible pour défendre jusqu'au bout les intérêts des travailleurs, pour tenter de faire reculer le gouvernement ;
- D'autre part, la principale leçon à tirer de la défaite serait qu'il ne sert à rien de lutter puisqu'une grève, même la plus dure et radicale, ne mène finalement à rien si elle n'est pas dirigée par des syndicats "responsables". Il s'agit de faire apparaître les "ouvriers de la base", manipulés et encouragés en sous-main par la CGT locale et par le syndicat nationaliste corse STC comme une poignée d'irresponsables. La menace et le chantage au dépôt de bilan signifiant la mise au chômage pour tous les ouvriers de l'entreprise, s'est avérée une arme d'autant plus efficace que l'Etat ne pouvait se permettre de laisser une entreprise publique en faillite pour la première fois de son histoire.
Quant au gouvernement, il aurait témoigné de sa " bonne volonté" en dépêchant à maintes reprises plusieurs ministres pour négocier.
Au bout du compte, ce n'est que derrière les "syndicats responsables", seuls interlocuteurs reconnus, qu'on pourrait lutter, limiter les dégâts contre les attaques et les licenciements et "faire pression pour freiner les dérives libérales" du gouvernement, à l'instar du patron de la CGT, Bernard Thibault qui, depuis une semaine martelait l'idée qu'il fallait faire marche arrière pour éviter le dépôt de bilan.
Cela n'est pas contradictoire car le seul objectif de la bourgeoisie est de désorienter, de diviser la classe ouvrière et de dissuader par tous les moyens les prolétaires d'entrer en lutte sur leur véritable terrain de classe, de les empêcher de reconnaître et d'affirmer les besoins de leur lutte.
Ce que la classe ouvrière doit retenir de cette lutte est tout différent.
Les méthodes mises en avant par les syndicats à Marseille et en Corse ont été en constante opposition avec les besoins réels de la lutte ouvrière.
Le besoin vital de la lutte et le seul moyen de mener une grève et d'imposer un rapport de forces à la bourgeoisie est de l'étendre, d'entraîner dans la lutte d'autres secteurs, d'aller chercher la solidarité d'autres entreprises voisines et de les entraîner dans le même combat. C’est seulement ainsi que peut s’affirmer une solidarité de classe dans la lutte. A la SNCM, les syndicats ont constamment empêché un lien réel avec les grévistes du port autonome de Marseille, les dockers, les employés des transports publics. Le dramatique isolement des salariés dans les transports publics marseillais en grève depuis trois semaines que les syndicats enferment dans un jusqu'au-boutisme épuisant et démoralisant l’illustre encore aujourd'hui. Il est nécessaire pour le combat de classe de dépasser le carcan de l'enfermement corporatiste qui est par excellence le terrain du sabotage syndical de la lutte. L'extension de la lutte aux entreprises voisines autour des mêmes revendications de classe est une question de vie ou de mort pour la lutte. Pour cela, il ne faut pas s'en remettre aux syndicats qui profitent de leur contrôle sur les AG pour en interdire l'accès aux travailleurs des autres entreprises considérés comme des "étrangers" ou des "intrus" alors que l'unité de la classe ouvrière et la participation de tous les ouvriers, aux AG, ceux au travail comme ceux réduits au chômage, est l'oxygène indispensable de la lutte, la circulation du sang d'une classe ouvrière vivante.
Alors que les syndicats de la SNCM prétendaient défendre les emplois, les ouvriers d’autres entreprises de la région dans le privé étaient confrontés à la même menace de licenciements comme les salariés de Nestlé à Marseille, de ST-Microelectronics près d'Aix-en-Provence. Rien n’a été fait pour aller dans leur direction et pour les rencontrer. Au contraire, le thème de la défense du service public ne pouvait que les isoler et leur procurer un sentiment d’exclusion vis-à-vis de la lutte à la SNCM. Il est clair que toute lutte enfermée sur elle-même et isolée dans le cadre de la corporation, de l'entreprise, du secteur ne peut aller que vers la défaite.
La défense du service public mise en avant d'un bout à l'autre de la lutte par les syndicats a été d'ailleurs le leitmotiv constant de la grève, non seulement à la SNCM, mais chez les employés du port, chez les dockers, chez les grévistes dans les transports publics. Ce n'est pas sur ce terrain-là que la classe ouvrière peut se battre. En désignant un objectif erroné à la lutte : contre la privatisation et pour réclamer le maintien majoritaire de l’entreprise dans les mains de l’Etat, ce dévoiement ne pouvait déboucher que sur un terrain nationaliste qui n'est nullement le terrain de lutte du prolétariat mais celui de la bourgeoisie. Ces ouvriers à qui on faisait chanter l'hymne national dans les manifestations, se sont laissés mettre la tête sur le billot par les syndicats en réclamant derrière eux la protection de l'Etat français qui était pourtant le maître-d'œuvre de l'attaque portée contre eux. Leurs revendications ont pu ainsi être dévoyées par les syndicats sur le terrain de la bourgeoisie, servant en fin de compte la même cause de la défense de l'entreprise au nom de "l'intérêt national" que le "patriotisme" économique ou social de Villepin.
Les syndicats ne peuvent entraîner les ouvriers que sur le terrain du corporatisme et derrière la défense de l'intérêt national et les mener chaque fois ainsi, pieds et poings liés, à la démoralisation et à la défaite.
Wim (20 octobre)
Les manœuvres de la bourgeoisie pour dévoyer la colère ouvrière dans des impasses
La bourgeoisie française sait qu'elle a face à elle une classe ouvrière au sein de laquelle se développe un questionnement de plus en plus profond, devant une situation inquiétante : guerres et attentats à répétition dans le monde, désastres écologiques, diminution drastique du niveau de vie, etc. En même temps, ce questionnement ne donne pas naissance à des expressions de combativité clairement exprimées de façon massive, comme ce fut le cas lors des grèves contre la réforme du système des retraites en mai et juin 2003. Il existe même un certain déboussolement et une difficulté à entrer en lutte qui traversent les rangs ouvriers.
Il est donc important pour la bourgeoisie d’exploiter au maximum ce déboussolement pour dévoyer le mécontentement de la classe ouvrière sur les terrains pourris du nationalisme, de la défense du secteur public ou de l'entreprise, derrière les syndicats et pour enfermer la réflexion dans les impasses "citoyennes".
Courant septembre, plusieurs milliers de suppressions d’emploi sont annoncés chez Hewlett-Packard (HP), dont 1460 en France. Toute la presse monte l'affaire en épingle tandis que les syndicats jouent à fond sur l’anti-américanisme ambiant pour dénoncer les vilains patrons d'outre-Atlantique. Parallèlement, les syndicats insistent sur la rentabilité de l'entreprise dans son ensemble et mettent en avant que le site de Grenoble, le plus touché par les menaces de licenciements, fait des profits.
La grève s'est donc ainsi trouvée enfermée sur la question de la viabilité de l'entreprise et sur le terrain de la défense du site de Grenoble, alors que des menaces de licenciements étaient annoncés chez ST-Microelectronics et dans d'autres usines de la région. Le sale travail des syndicats a donc été de poser d'emblée les questions en termes de gestion de l'entreprise de façon à tuer dans l'œuf toute réflexion sur le fait que les problèmes sont les mêmes partout et afin de miner toute possibilité de mise en œuvre d'actions solidaires et de rencontres entre les différents ouvriers des entreprises concernées dans une zone géographique durement frappée par les licenciements.
Pour mieux enfoncer le clou de la défense de l'entreprise, on a pu voir le maire de Grenoble se déplacer en Californie, à grands renforts de médias, pour aller "discuter" avec les dirigeants de HP. Ce "combat exemplaire" et "citoyen" du maire de Grenoble s'est soldé par une grande "victoire" : la direction américaine de HP a revu (momentanément) ses licenciements à la baisse – 1240 au lieu des 1640 initialement prévus -pour le site de Grenoble, mais avec la remise en cause des accords passés sur les 35 heures en contrepartie.
L'idée principale que devaient retenir les ouvriers de HP, mais surtout toute la classe ouvrière, en France et ailleurs, c'est que lutter derrière les syndicats et derrière les représentants de l’Etat paie, puisque le plan de licenciements prévu initialement a été modifié. Il s'agit en fait d'une véritable arnaque : d'une part, les conditions de travail et l'exploitation vont s'aggraver pour ceux qui ne seront pas licenciés à Grenoble et, d’autre part, les licenciements y sont quand même maintenus dans leur plus grande partie comme dans les autres usines du groupe en France.
Nous avons là encore un exemple caractéristique de ces défaites que la bourgeoisie et ses syndicats s'efforcent de faire passer pour des victoires ouvrières. Et parmi les aspects les plus nocifs de cette défaite, non seulement les ouvriers se sont fait avoir en s'en remettant à un représentant de l’Etat pour la défense de leurs intérêts, mais cela a eu pour résultat de provoquer une division au sein des ouvriers. Ainsi, certains à Grenoble vont "sauver leur place" au détriment d'autres ouvriers du même site et des autres sites du groupe !
Au lendemain de la journée d'action du 4 octobre, les syndicats et la gauche se sont félicités du "succès" de cette mobilisation nationale qui a vu défiler environ un million de personnes dans les rues des principales villes de l'Hexagone : 100 000 à Paris, 15 000 à Lyon, 30 000 à Marseille et Toulouse, 20 000 à Grenoble, et à Lille, etc.
Une telle présence de nombreux salariés dans les secteurs les plus divers et les plus importants est révélateur du questionnement et de l'inquiétude qui se développe dans l'ensemble de la classe ouvrière. Cependant, malgré le nombre de grévistes, peu de combativité s'est exprimée dans ces manifestations, où une certaine morosité et une certaine passivité prédominaient,.
Pour autant, les syndicats, avec à leur tête la présence massive de la CGT, se sont félicités d'avoir amené dans les rues autant de salariés pour dire "non" à la politique du gouvernement et défendre l'emploi et les salaires. Les organisations syndicales pouvaient en effet être satisfaites car cette journée d'action avait pour objectif essentiel d'être une opération de recrédibilisation de syndicats qui étaient restés particulièrement discrets depuis le printemps dernier, alors que les attaques ne cessaient de pleuvoir sur la classe ouvrière.
Le discours du premier ministre le soir même à l'Assemblée nationale, proclamant qu'il avait "écouté le message des Français", était une réponse en contrepoint venant donner de la "valeur ajoutée" au battage syndical. Autrement dit : suivez les syndicats, avec eux, vous serez écoutés car ce sont des interlocuteurs valables, responsables !
En plein développement de la grève jusqu'au-boutiste des marins de la SNCM (voir notre article ci-dessus), il fallait justement pour la bourgeoisie opposer ceux qui savent diriger des négociations et les mener à bien dans l'intérêt des salariés et de leur outil de travail, les centrales syndicales, alors que ceux de la SNCM prenaient le risque majeur de tout perdre.
Tout d'abord, il faut être clair sur le fait qu'une journée d'action comme celle du 4 octobre, encadrée et ficelée par les forces syndicales, à coups de flonflons et de fumigènes rendant toute discussion difficile sinon impossible, ne peut être un réel moment de solidarité ouvrière. Même si des ouvriers de HP étaient présents en tête de la manifestation grenobloise ou parisienne du 4 octobre, aucune solidarité concrète ne pouvait s'y manifester. La vraie solidarité, celle qui peut mener à une véritable unité dans la classe ouvrière, on l'a vu lors de la grève d'Heathrow (voir RI n°360 et notre site Internet sur la question). Défiler passivement, isolément derrière les banderoles syndicales ou celles de "son" entreprise, ne mène qu'à l'impuissance.
La lutte ouvrière ne peut être forte que si elle est solidaire au-delà de l'usine, au-delà de l'entreprise et du secteur, lorsqu'elle se développe sur le terrain de la défense des intérêts de toute la classe ouvrière, au-delà des fausses différences que veulent nous imposer les syndicats entre le privé et le public.
Suivre les syndicats et leurs discours mensongers, bien loin de renforcer l'identité de la classe ouvrière, sa solidarité et son unité, ne peut que réduire les prolétaires à une somme d'individus faibles et impuissants qui ne pourront que continuer à subir de plein fouet les attaques de la bourgeoisie.
Mu (21 octobre)
Loin d’être une spécificité hispano-marocaine, la répression
des émigrants à Ceuta et Melilla est le dernier épisode d’une longue liste
d’horreurs que le capitalisme fait subir à cette partie la plus pauvre de la population. Des
milliers d’émigrants se noient chaque année dans le détroit de Gibraltar.
Autant, sinon plus, sont violemment réprimés et parqués dans des camps de
transit pour avoir voulu, à bord d’embarcations de misère tenter de rejoindre
l’Europe, via la Sicile, les Canaries et plus récemment Chypre et Malte. Les
champions des "droits de l’homme", France et Angleterre ne sont pas
en reste, comme le montre la fermeture conjointe du centre de Sangatte dans le
Pas-de-Calais laissant des centaines de réfugiés dans le dénuement le plus total,
de même que la promesse de Sarkozy de renvoyer 24.000 sans papiers par
charter d’ici la fin 2005 ou les négociations en cours que mène la France pour
que la Libye ouvre des camps de transit, comme au Maroc, en Algérie ou encore
en Ukraine et Moldavie. Face à une crise économique qui ne cesse de
s’amplifier, où en 30 ans, le nombre de migrants dans le monde est passé de 75
à 200 millions de personnes, le capitalisme est aux abois et le sort qu’il
réserve à l’humanité, à l’avenir, est condensé dans ce qu’il fait subir à cette
masse d’immigrés. Car c’est bien la misère des
immigrés qui résume la misère du prolétariat en tant que classe ne
possédant rien d’autre que sa seule force de travail. Dans la condition
inhumaine qui est faite aujourd’hui aux émigrants, cette force de travail
apparaît clairement pour ce qu’elle est : une simple marchandise que les
négriers bourgeois ont toujours achetée au plus bas prix pour faire fructifier
leur capital et quand il y a trop de main d’œuvre sur le marché, c’est le
chômage pour une grande partie de la classe ouvrière, l’exode, la répression et
la mort pour les plus pauvres d’entre nous.
Au cours des deux dernières semaines nous avons assisté à une succession de scènes hallucinantes à la frontière Sud de l'Union Européenne. Il y a eu d’abord les assauts massifs des clôtures barbelées installées par le gouvernement espagnol que des milliers d'émigrants ont réussi à franchir, non sans y avoir laissé des lambeaux de vêtements et du sang. Puis il y a eu les rafales de balles qui ont fauché la vie de 5 émigrants, des rafales tirées, selon toute probabilité, et en dépit des contorsions des porte-parole officiels, par les forces du "très démocratique" et "très pacifiste" gouvernement de Monsieur Zapatero qui aime se donner l'image d'un Bambi, d’un faon inoffensif. Ensuite est arrivé le déploiement massif de troupes de la Légion et de la Garde Civile avec la consigne de repousser "de manière humaine" (sic) les émigrants. Le 6 octobre, après d'obscures négociations entre les gouvernements espagnol et marocain, les événements prennent un virage : 6 émigrants meurent mitraillés en territoire marocain. Ces meurtres sont le début du déchaînement d'une série d'actes de plus en plus brutaux : émigrants abandonnés dans le désert au Sud d'Oujda le 7 octobre, coups de filet massifs dans les villes marocaines où se concentrent les émigrants ; vols charter de rapatriement vers le Mali et le Sénégal avec des hommes et des femmes entassés, nouvelle déportation massive d'émigrants, dans des autobus de la mort, vers le désert du Sahara.
À partir du 6 octobre, le gouvernement Zapatero récupère son rôle de "champion du savoir faire". Il "proteste" bruyamment auprès du Maroc pour le traitement "inhumain" que ce dernier réserve aux émigrants et il présente, avec un grand déploiement médiatique, son projet d'une clôture "ultramoderne" (en réalité 3 clôtures juxtaposées) qui empêcherait toute pénétration des émigrants "sans leur causer la moindre égratignure". Ses collègues de l'Union Européenne s'unissent de façon pressante au chœur de la "protestation démocratique" face aux "excès" marocains, ils "exigent" "un traitement respectueux des émigrants" et nous assènent leurs bavardages habituels sur l'Union Européenne "terre d'accueil" et sur la nécessité du "développement" des pays africains. Le ministre espagnol des affaires extérieures, un expert en sourires béats, montre les crocs et annonce très sérieusement que "l'Espagne ne va tolérer aucune émigration illégale bien que cela soit compatible avec le respect aux émigrants" (sic). Dans cette crise nous pouvons voir les deux visages des États démocratiques. Depuis le 6 octobre, le Gouvernement Zapatero, après avoir habilement sous-traité au Maroc sa sale guerre contre les émigrants, exhibe son masque habituel de promoteur angélique de la "paix", des "droits de l'homme" et du "respect des personnes". C'est le visage du cynisme, du mensonge et de la manoeuvre, le manteau habituel avec lequel s'entourent les "grandes démocraties", celui de l'hypocrisie la plus répugnante.Cependant, dans les jours précédents, le gouvernement Zapatero est apparu avec l'autre visage : celui du mitraillage massif, celui du Garde civil brutalisant un émigrant, celui des barbelés et des hélicoptères survolant les émigrants, celui des déportations vers les pays africains... Un visage qui déchire le voile hypocrite des discours sur les "droits" et les "libertés" et laisse entrevoir la réalité pure et dure : le "socialiste" Zapatero se conduit envers les émigrants exactement de la même façon que le tellement décrié Sharon avec son mur en Cisjordanie et à Gaza ou que les staliniens Est allemands Ulbricht et Honecker qui avaient élevé le mur de Berlin. Les deux visages, celui de l'hypocrisie démocratique et celui du chien sanglant, ne sont pas en réalité opposés mais ils sont complémentaires. Ils forment une unité indispensable dans la méthode de domination du capitalisme, un système social qui soutient une classe minoritaire et exploiteuse, la bourgeoisie, dont la survie heurte chaque fois plus frontalement les intérêts et les nécessités du prolétariat et de la grande majorité de la population.
Dans le problème tragique de l'émigration nous voyons comment le capitalisme, confronté à une crise chaque fois plus aiguë - et qui prend la forme la plus extrême dans des continents comme l'Afrique - n'est plus capable d'assurer un minimum de survie à des masses chaque fois plus énormes d'êtres humains qui s'enfuient de l'enfer de la faim, des guerres, des épidémies les plus mortifères.
Dans leur fuite, ils sont matraqués et dévalisés par les policiers et les maffias des pays qu'ils traversent, qui disposent toujours de l'approbation intéressée de leurs États respectifs, et quand ils parviennent au but convoité, ils se heurtent à un nouveau mur de la honte, avec des barbelés, des balles, des déportations... Soumis à une crise toujours plus grave, les pays de l'Union Européenne sont toujours moins ce "refuge de paix et de prospérité" avec lequel ils veulent nous éblouir. Leurs économies peuvent absorber seulement quelques gouttes de cette immense marée humaine et dans des conditions d'exploitation toujours plus infamantes qui ressemblent de plus en plus à celles des pays dont s'enfuient les émigrants.
Cette situation est accompagnée d'un contexte croissant de tensions impérialistes entre les différents États chacun cherchant le moyen de frapper son rival ou de trouver des armes pour exercer un chantage sur lui. Cela fait des émigrants une masse de manœuvre alléchante utilisée par les différents gouvernements. Le Maroc essaie de faire chanter l'Espagne en donnant toutes sortes de facilités aux maffias spécialisées dans la traite des émigrants et qui leur permettent d'effectuer leurs "sauts" de l'autre côté. Mais de son côté, l'Espagne, par sa situation de porte d'entrée du Sud dans l'Union Européenne essaie de se faire rétribuer au meilleur prix ses services de cerbère sanglant.
Ce jeu sanglant de charlatans et d'escrocs se mène au détriment des vies de centaines de milliers d'êtres humains condamnés à une tragique odyssée. Les États les plus forts se présentent au monde comme "les plus humains et solidaires" simplement parce que, en coulisse, ils ont obtenu que leurs collègues plus faibles se chargent du sale boulot. Le Maroc apparaît comme le "méchant du film" (la tradition de brutalité la plus sauvage de ses forces policières et militaires lui permettant d'interpréter ce rôle à la perfection) tandis que l'Espagne et les "partenaires" de l'UE, ses commanditaires sans scrupule [1] [170], ont le culot de lui donner des leçons de "démocratie" et de "droits humains". Cependant, les contradictions croissantes du capitalisme, l'approfondissement de sa crise historique, le processus de décomposition qui le mine peu à peu, l'aiguisement progressif de la lutte de classes, font que ces grands États, spécialistes consommés du rôle du "vertueux" dans le théâtre démocratique, apparaissent chaque fois plus directement sous le visage de chiens sanglants. Il y a 3 mois, nous avons vu comment la police britannique, la "plus démocratique du monde", a assassiné de sang froid un jeune brésilien [2] [171] ; il y a moins d'un mois nous avons vu comment l'armée et la police américaines distribuaient des coups de matraque en lieu et place de nourriture et d’aides aux victimes de l'ouragan Katrina, nous voyons aujourd'hui le Gouvernement Zapatero assassiner des émigrants, déployer des troupes et élever un mur de la honte. Un capitalisme à visage humain n'est pas possible. Les intérêts de l'humanité sont incompatibles avec les nécessités de ce système. Pour que l'humanité puisse vivre le capitalisme doit mourir. Détruire l’État capitaliste dans tous les pays, abolir les frontières et l'exploitation de l'homme par l'homme, telle est l'orientation que le prolétariat doit donner à sa lutte pour que l'humanité puisse, tout simplement, commencer à vivre.
Courant Communiste International (11 octobre)[1] [172] Ces derniers jours, les dirigeants de l’Union Européenne ont rappelé ouvertement à leurs confrères marocains qu’ils leur avaient accordé des crédits pour qu’ils jouent leur rôle de gendarmes, ce qu’ils avaient éludé jusqu’à présent.
[2] [173] Voir sur notre site l’article "Exécution sommaire dans le métro de Londres [174] : La bourgeoisie démocratique prépare ses "escadrons de la mort".
Nous publions ici un article d'intervention que la section du CCI en Espagne (Acción Proletaria) a mis sur Internet dans un Forum sur l'autonomie du prolétariat [www.alasbarricadas.org [177], en langue espagnole].
A l'origine de ce Forum, il y a la reproduction de la part d'un camarade que nous ne connaissons pas, d'un article-bilan que nous avions écrit [1] [178] à propos d'une rencontre sur l'autonomie ouvrière et notre intervention au sein de celle-ci. Cette rencontre, qui a eu lieu à Barcelone, a provoqué un débat passionnant, profond et loyal. Tous les participants partageaient la même volonté d'en finir avec le système capitaliste qui entraîne tant de souffrances de toutes sortes (économique, psychique, morale, écologique) à la grande majorité de l'humanité. Mais c'est sur la question suivante: "qui peut être le moteur d'une si gigantesque transformation sociale ?" que le débat se situe. D'une façon synthétique, deux réponses sont apparues clairement : c'est la classe ouvrière, le prolétariat pour les uns. Pour les autres, dont un camarade qui se fait appeler Piti [2] [179] et d'autres camarades, c'est une communauté d'individus rebelles, qu'ils nomment prolétariat.
Nous défendons résolument, bien sûr, la première réponse. Et nous allons exposer ci-dessous les arguments qui la justifient.
À la suite de la dissolution graduelle du communisme primitif tribal, la société humaine s'est divisée en classes et le moteur de son évolution a été la lutte de classe.
Cette guerre sociale a eu lieu dans un contexte historique des modes de production successifs (esclavagisme, féodalisme, capitalisme). C'est aussi dans ce cadre général que le développement des forces productives a pu se réaliser d'une façon contradictoire.
Voilà l'explication la plus cohérente de l'histoire humaine. Voilà le moyen de compréhension que les générations actuelles pourront utiliser pour la faire progresser face aux dilemmes que la situation actuelle du capitalisme nous pose : ou la destruction de l'humanité ou sa libération et le commencement d'une nouvelle étape historique basée sur l'abolition des classes sociales, des Etats et des frontières nationales, l'unification des êtres humains dans une communauté humaine qui vit et agit pour et par elle-même.
Face à cette explication, dont le marxisme est le défenseur le plus cohérent, on a opposé une quantité de théories dont le dénominateur commun n'est pas tant le refus de l'existence des classes – une évidence que seuls les plus bornés osent nier -, mais le refus du fait que la lutte de classe soit le moteur de l'histoire.
Comme moteurs alternatifs, on nous a présenté Dieu, l'Esprit Universel, des princes et autres individus possédant des pouvoirs spéciaux, des groupements d'individus de bonne volonté, une minorité de conspirateurs, d'illuminés ou des prêcheurs de toutes sortes de systèmes sociaux et philosophiques, tous investis pour rendre compte des maux de ce bas monde…
La lutte de classe, tout au long de l'histoire, a mis face à face une classe révolutionnaire porteuse d'une nouvelle organisation de la vie sociale et une classe réactionnaire accrochée à la défense des privilèges et des intérêts attachés à l'ordre ancien. En général, ces conflits se dénouent par le triomphe de la nouvelle classe révolutionnaire et la disparition plus ou mois rapide de l'ancienne classe. Mais ce n'est jamais décidé à l'avance par on ne sait quel déterminisme irrévocable. Il y a eu des moments de l'histoire où se sont produites des situations de blocage dans l'évolution sociale, où les deux classes principales de la société se saignaient mutuellement dans des conflits stériles sans trouver d'issue. C'est pour cela que le Manifeste Communiste conçoit la lutte de classe comme une guerre sociale "qui finira toujours en transformation révolutionnaire de la société toute entière ou en destruction des deux classes en lutte".
Aucune classe sociale n'est le moyen aveugle d'un destin historique préétabli, ni l'exécutant forcé d'une nécessité déterminée par l'évolution de la société. Pour libérer la société des entraves imposées par l'ordre ancien, les classes révolutionnaires ont besoin d'un certain degré de conscience et de volonté. Si celles-ci manquent, la nécessité objective, qui n'existe qu'en tant que potentialité historique, ne pourra pas se réaliser et l'évolution sociale stagnera en pourrissant dans le chaos et la destruction.
Dans le passage de la vieille société esclavagiste à l'ordre féodal qui lui succéda, le facteur déterminant était l'évolution objective, alors que la conscience et l'action subjective ont joué un rôle très limité. Dans la destruction du féodalisme et l'avènement du capitalisme, les forces objectives ont été le facteur central, mais la conscience – une conscience surtout idéologique - a eu un rôle important, surtout lors de la dernière étape, celle de la prise du pouvoir politique par la bourgeoisie une fois que la domination économique de la société était assurée.
Par contre, lors de la révolution qui en finira avec le capitalisme, le rôle décisif appartiendra à la conscience, à l'enthousiasme, à la solidarité, à l'héroïsme et à la combativité des grandes masses prolétariennes. Sans cette force subjective, sans cet engagement d'un grand nombre d'individus conscients, la révolution ne sera pas possible. Piti insiste sur la nécessité de la conscience (il l'appelle, lui, nécessité "d'individus auto-conscients", de la solidarité et de la confiance mutuelle (qu'il appelle "communauté de rebelles")… Nous partageons cette préoccupation : pour nous, une des tâches cruciales d'aujourd'hui c'est que les générations actuelles de la classe ouvrière cultivent et développent, dans la lutte, pour la lutte et par la lutte, la conscience, la solidarité, leur critère propre. Sans un développement massif des forces mentales et morales, la révolution mondiale ne pourra pas avoir lieu.
Piti pense, par contre, que la classe ouvrière n'est plus la classe révolutionnaire. Il ne dit pas que la lutte de classe a disparu, il ne nie pas que cette lutte ait pu exister, dans d'autres étapes du capitalisme, le moteur du changement historique, mais sa prémisse est péremptoire: "Ce que j'appelle le "premier assaut à la société de classe", (je parle là du début du 20e siècle et de ses révolutions : Russie, Kronstadt, Allemagne, par exemple), et le "deuxième assaut à la société de classe", mai 68, révoltes autonomes en Allemagne, Autonomia Operaia en Italie, les grèves ouvrières en Pologne, le mouvement des assemblées en Espagne. Ces mouvements ont été défaits, l'autonomie ouvrière a été défaite."
Certes, la vague révolutionnaire mondiale fut défaite et cette défaite laissa la porte ouverte à la plus terrible contre-révolution de toute l'histoire humaine. Il est vrai aussi que l'impulsion initiale des luttes ouvertes en 1968 s'est diluée peu à peu jusqu'à ce qu'en 1989 se produise un fort recul de la conscience et de la combativité ouvrières.
Cependant, pourquoi Piti tire-t-il de ces échecs la conclusion que la classe ouvrière a perdu son caractère révolutionnaire ? Il l'explique en se basant sur deux éléments : d'un côté, le capitalisme a vécu un tel changement que nous nous trouverions face à un nouveau "modèle économique" et ce nouveau modèle économique apporterait une telle quantité de changements sociaux que ceux-ci auraient signé la fin de la classe ouvrière comme classe révolutionnaire. "C'est alors (dans les années 1980) que les changements commencent. Les syndicats, en tant qu'instruments d'intégration de la classe ouvrière agissent directement au service de leurs propres intérêts en négociant avec le patronat et l'État, en acceptant sans broncher les politiques de réductions sociales et du personnel. Ceci brise toute une génération rebelle, une communauté rebelle héritée de l'étape précédente, brise sa conscience. La classe ouvrière est jetée des usines, il y a des reconversions industrielles et une tertiairisation de l'économie (changement du modèle économique), et la délocalisation d'entreprises à la recherche d'une main-d'œuvre bon marché et esclave (...) La technologie joue un rôle fondamental, il y a une révolution technologique qui fait que beaucoup d'ouvriers sont obligés de faire des stages de formation. La technologie favorise la mondialisation de l'économie et l'automatisation. Cependant, ces nouvelles conditions permettent d'augmenter le bien-être d'une minorité de travailleurs. Des cadres techniciens apparaissent, des ouvriers-proprietaires, des petits entrepreneurs, etc. (...) L'époque actuelle est unique et il n'y aura pas de retour en arrière dans le système productif, on ne reviendra pas à "l'identité usine".
Tout au long de son histoire, le capitalisme a vécu de nombreux changements technologiques, d'organisation, sociologiques... Le capitalisme est un mode de production dynamique, toujours contraint à changer continuellement son organisation, les méthodes et les outils de production... Le Manifeste communiste reconnaît que "La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l'ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l'époque bourgeoise de toutes les précédentes."
Mais ce dynamisme, signifie-t-il un changement de nature du capitalisme, une modification des bases mêmes de ce système d'exploitation ?
Le capitalisme est passé par de nombreuses étapes : manufacture, machinisme, grande industrie, capital monopoliste, impérialisme, capitalisme d'Etat, etc. Le régime de propriété capitaliste s'est modifié constamment (marchands, propriété individuelle des patrons de l'industrie ; propriété collective par le biais des sociétés par actions ; propriété étatique totale – comme dans les soi-disant pays "socialistes"- ou mixte ; propriété multinationale...) ; les technologies ont vécu des changements spectaculaires (machinisme, chemins de fer, bateaux à vapeur, aviation, télécommunications, informatique, énergie pétrolière ou nucléaire etc.); l'organisation du travail est passée par des stades différents (extensif, intensif, organisation scientifique du travail et taylorisme, industries géantes, décentralisation, délocalisations, sous-traitance, etc.); le régime de travail prend plusieurs formes (travail à domicile, travail des femmes et des enfants, travail à durée indéterminé, fonctionnaires, travail forcé, journaliers, précaires, travail à la tâche, à la pièce, etc.). Cependant, un fil conducteur traverse comme un noyau inaltérable cette multiplicité toujours changeante :
1º) L'expropriation des producteurs, de telle sorte que les paysans et les artisans sont séparés de leurs moyens de production et de vie, devenus ouvriers et obligés de passer sous les fourches caudines du travail salarié pour subvenir à leurs besoins ;
2º) L'exploitation de la force de travail de l'ouvrier dont le salaire tend à couvrir sa reproduction individuelle et celle de sa famille, en produisant une plus-value servant à l'accumulation du capital;
3º) L'accumulation du capital. Le but de la production n'est pas tant de satisfaire les besoins de consommation de la classe dominante mais le réinvestissement de la plus-value reproduisant un nouveau capital.
Quand Piti évoque la mondialisation comme un grand changement fondamental qui se produit tout au long des années 80, il faut lui dire qu'il vient de découvrir quelque chose qui a eu lieu plus d'un siècle plus tôt : "Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. (…) A la place des anciens besoins, satisfaits par les produits nationaux, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les produits des contrées et des climats les plus lointains. A la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations. Et ce qui est vrai de la production matérielle ne l'est pas moins des productions de l'esprit. Les oeuvres intellectuelles d'une nation deviennent la propriété commune de toutes. L'étroitesse et l'exclusivisme nationaux deviennent de jour en jour plus impossibles et de la multiplicité des littératures nationales et locales naît une littérature universelle. Par le rapide perfectionnement des instruments de production et l'amélioration infinie des moyens de communication, la bourgeoisie entraîne dans le courant de la civilisation jusqu'aux nations les plus barbares. Le bon marché de ses produits est la grosse artillerie qui bat en brèche toutes les murailles de Chine et contraint à la capitulation les barbares les plus opiniâtrement hostiles aux étrangers. Sous peine de mort, elle force toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production ; elle les force à introduire chez elle la prétendue civilisation, c'est-à-dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle se façonne un monde à son image." Ce passage n'est pas tiré d'un texte pro- ou anti-mondialiste acharné, mais du Manifeste communiste, écrit en 1848 !
Révolution technologique ? Il est vrai que les télécommunications se sont développées ainsi que l'informatique et les réseaux télématiques ; on parle de biotechnologie et de cellules souches ; il est vrai que de larges étendues de terres agricoles tombent sous le charme d'une spéculation immobilière qui fait surgir des gratte-ciel imposants, des logements intelligents et des barres et des barres sans fin de logements…vides. Mais ces changements "fascinants" ne représentent pas de véritable développement ; ils ressemblent plutôt aux derniers soubresauts d'une société malade. Par ailleurs, aucun de ces changements ne peut se comparer aux transformations radicales qui se sont produites dans la phase ascendante du capitalisme : "La bourgeoisie, au cours de sa domination de classe à peine séculaire, a créé des forces productives plus nombreuses; et plus colossales que l'avaient fait toutes les générations passées prises ensemble. La domestication des forces de la nature, les machines, l'application de la chimie à l'industrie et à l'agriculture, la navigation à vapeur, les chemins de fer, les télégraphes électriques, le défrichement de continents entiers, la régularisation des fleuves, des populations entières jaillies du sol - quel siècle antérieur aurait soupçonné que de pareilles forces productives dorment au sein du travail social ?" (Manifeste Communiste).
Le mode de production capitaliste ne se définit pas essentiellement par les technologies, les formes d'organisation de l'entreprise ou du travail... Celles-ci peuvent tourner comme un manège parce qu'elles ne sont que la peau qui couvre un mécanisme : des rapports de production fondés sur le travail salarié et l'extraction de plus-value. Ces mécanismes centraux n'ont pas du tout changé. Ils constituent toujours les piliers qui tiennent tout l'édifice. Piti, qui critique tant la société du spectacle, est victime de l'effet d'optique typique du capitalisme : face à l'immobilisme rigide des sociétés précédentes, le capitalisme apparaît comme un spectacle incessant de changements, mais qui laissent toujours les fondements intacts.
Ces formes ne sont pas non plus déterminantes pour la dynamique réelle du capitalisme. Celui-ci cherche toujours désespérément une masse de plus en plus grande de plus-value et un marché toujours plus grand à la mesure de ses besoins d'accumulation. Quand le capitalisme se rend maître du marché mondial au début du 20e siècle, cette dynamique inexorable le fait entrer dans l'étape historique de décadence et de dégénérescence. Cette étape est toujours, bien sûr, celle de la société actuelle, avec ses guerres sans fin, sa barbarie sans limites, ses crises et ses convulsions économiques, son totalitarisme étatique et sa décomposition idéologique et morale, etc. Ces changements, dont on parle tant, sont superficiels (technologie, finances, services), mais on oublie totalement ce "changement" autrement significatif et déterminant pour la vie quotidienne d'énormes masses humaines. Ce changement entre la période ascendante du capitalisme et sa phase de décadence qui s'est déroulée tout le long du 20e siècle nous permet de comprendre la terrible souffrance, la profonde détresse que des milliers d'êtres humains subissent, nous aide à comprendre la réalité d'une société à l'agonie, nous donne des forces et de la conscience pour lutter vers la construction d'une nouvelle société. Par contre, l'autre vision nous aveugle avec une "modernité" et un "progrès" qui cachent le terrible enfer dans lequel vit la plus grande partie de l'humanité.
Acción Proletaria (16 mai 2005)
[1] [180] Acción Proletaria nº 181 "Ils parlent d'autonomie ouvrière pour mieux faire passer leur message sur la fin du prolétariat" (article en espagnol).
[2] [181] Piti est l'un des camarades qui est intervenu dans ce Forum pour défendre une position qu'il définit lui-même comme "néo-situationniste".
Contrairement aux élucubrations altermondialistes "contre la marchandisation du monde", voilà belle lurette que, sous l’égide du capitalisme, les rapports marchands régissent l’ensemble des rapports sociaux et humains de la société. Dans la société capitaliste, fournir et vendre une marchandise, constitue, sous peine de se trouver privé de tout moyen de subsistance, le seul moyen d’obtenir une part des biens produits. Pour ceux qui ne possèdent aucun moyen de production, les prolétaires, et se trouvent de ce fait dans l’impossibilité matérielle de produire des marchandises, il ne leur reste plus qu’à proposer sur le marché une marchandise particulière, leur force de travail.
Comme pour toute autre marchandise, la valeur de la force de travail se traduit sur le marché par un prix et en argent : le salaire. La marchandise force de travail ne se distingue en rien des autres marchandises sur le marché, si ce n’est qu’elle est inséparable de son vendeur, le travailleur, et qu’elle ne supporte pas d’attendre trop longtemps l’acheteur, parce qu’elle périra avec son porteur, le travailleur, par manque de vivres.
La force de travail constitue pour l’acheteur capitaliste, le bourgeois, qui la consomme, la source de son profit. Si le capitaliste industriel ne faisait travailler le salarié qu’il a engagé que pendant le temps suffisant à l’ouvrier pour créer la valeur du salaire qu’il touche, le patron ne réaliserait aucun bénéfice. Il faut que le salarié travaille en plus de ce temps. Le temps de travail de tout ouvrier se compose, sans qu’il ne s’en rende compte, de deux parties : une partie payée, où l’ouvrier ne fait que restituer la valeur de son salaire, et une partie non payée, où il accomplit du travail gratuit ou du surtravail pour le capitaliste qui s’approprie la totalité de la production.
La condition du prolétaire se résume à l’insécurité de son existence. "Le prolétaire est démuni de tout ; il ne peut pas vivre un seul jour pour soi. La bourgeoisie s’est arrogée le monopole de tous les moyens d’existence au sens le plus large du terme. Ce dont le prolétaire a besoin, il ne peut l’obtenir que de cette bourgeoisie dont le monopole est protégé par le pouvoir d’Etat. Le prolétaire est donc, en droit comme en fait, l’esclave de la bourgeoisie ; elle peut disposer de sa vie et de sa mort. Elle lui offre les moyens de vivre mais seulement en échange d’un "équivalent", en échange de son travail ; elle va jusqu’à lui concéder l’illusion qu’il agit de plein gré, qu’il passe contrat avec elle librement, sans contrainte, en être majeur. Belle liberté, qui ne laisse au prolétaire d’autre choix que de souscrire aux conditions que lui impose la bourgeoisie (…)" [1] [184]
Dans le système capitaliste, la soif d'exploitation du surtravail n’a pas de limites : plus le capitalisme tire du travail non payé des travailleurs, mieux c’est. Extorquer de la plus-value, et l’extorquer sans limites, tel est le but et le rôle de l’achat de la marchandise force de travail par le capitaliste. "Le capitaliste industriel n’en reste pas moins au fond un marchand. Son activité comme capitaliste (…) se réduit à celle qu’exerce un marchand sur le marché. Sa tâche consiste à acheter aussi judicieusement, à aussi bas prix que possible, les matières premières et accessoires, les forces de travail, etc., qui lui sont nécessaires, et à vendre aussi cher que possible les marchandises fabriquées dans sa maison. Dans le domaine de la production, un seul point doit le préoccuper : il lui faut faire en sorte que l’ouvrier fournisse, pour le salaire le plus petit possible, le plus de travail possible, rende le plus de plus-value possible." [2] [185]
Cette exploitation ne trouve sa limite que dans l’épuisement de l’exploité et dans la capacité de résistance que la classe ouvrière oppose à l’exploiteur. Pour augmenter la partie du temps de travail gratuit, où le prolétaire fournit au capitalisme sa plus-value, le capital dispose de différents moyens : l’allongement de la journée de travail, l’intensification des cadences pendant la durée du travail et l’abaissement des salaires, et même le minimum nécessaire au simple maintien en vie de l’ouvrier.
Comme toute marchandise, la force de travail est soumise à la concurrence et aux aléas du marché capitaliste. "…Quand il y a plus de travailleurs que la bourgeoisie ne juge bon d’en occuper, lorsque par conséquent au terme de la lutte des concurrents, il en reste encore un certain nombre sans travail, ceux-là précisément, devront mourir de faim ; car le bourgeois ne leur donnera probablement pas de travail, s’il ne peut vendre avec profit les produits de leur travail." [3] [186] La concurrence, "expression la plus parfaite de la guerre de tous contre tous qui fait rage dans la société bourgeoise moderne" où "les travailleurs se font concurrence tout comme les bourgeois se font concurrence" opposant actifs et chômeurs, autochtones et immigrés ou différentes fractions nationales du prolétariat constitue "l’arme la plus acérée de la bourgeoisie dans sa lutte contre le prolétariat." [4] [187]
La délocalisation de sites de production des pays industrialisés vers des pays à main-d’œuvre à bon marché constitue une évidente expression des lois capitalistes de la recherche d'un taux de profit maximum. Sous la pression de la concurrence à tout va entre grands pays industrialisés capitalistes pour des marchés de plus en plus limités, les salaires horaires moyens de 18 € en Espagne, 4 € en Pologne et en République Tchèque, 2 € au Brésil et au Mexique, 1 € en Roumanie, 0,7 € en Inde ou en Chine contre 23 € en Europe de l’Ouest ou aux Etats-Unis, constituent une immanquable aubaine pour le capitalisme, vampire de la force de travail.
Dès le 19e siècle, la bourgeoisie n’a jamais hésité, quand la technique de production le permettait, à démonter, par exemple, les métiers à tisser, pour aller chercher ailleurs, dans une autre région, une main d’œuvre moins chère ou plus docile à l’exploitation.
Même si les délocalisations, ne sont pas pour la classe ouvrière, une nouveauté, mais constituent un phénomène ancien et international, commun à tous les pays, depuis les années 1990, sous l’impulsion de la crise économique qui dure depuis plus de trois décennies, ce phénomène a connu une certaine accélération. Dans maints secteurs où le coût de la main-d’œuvre représente une part importante du coût de revient global de la production, ce transfert des pays industrialisés vers ceux où les coûts de production sont les plus faibles est même " déjà largement réalisé." [5] [188]
Dans le secteur automobile par exemple il y a longtemps que les grands constructeurs ont eu recours aux délocalisations. Renault produit la R12 depuis 1968 en Roumanie. "Dès les années 1970, Renault, comme d’ailleurs PSA, multiplie les partenariats locaux au Brésil, au Mexique, en Argentine, en Colombie et en Turquie. (…) Après les restructurations des années 80, Renault se lance dans le rachat de Samsung en Corée du Sud et de Dacia en Roumanie, en 1999 ." [6] [189] La bourgeoisie n'a d'ailleurs pas attendu l'effondrement des régimes staliniens et la fin d'une prétendue "économie socialiste" pour que les puissances occidentales investissent et délocalisent dans les pays de l'ex-bloc de l'Est.
Si tous les secteurs de la production capitaliste sont touchés par les délocalisations, toute la production n’est pas destinée à être délocalisée comme le laisse entendre la propagande de la bourgeoisie. "Les secteurs de l’industrie concernés par les délocalisations sont nombreux : cuir, textile, habillement, métallurgie, électroménager, automobile, électronique… Egalement touché le secteur tertiaire : centres téléphoniques, informatique, comptabilité… A vrai dire, toute production de masse et tout service répétitif sont susceptibles d’être délocalisés dans des territoires où le coût de la main d’œuvre est nettement moindre." [7] [190] La baisse drastique des prix des transports accomplie dans les années 1990 (baisse de 45% du coût du fret maritime et de 35% de celui du fret aérien entre 1985-93) a rendu encore plus infime l’inconvénient de l’éloignement des lieux de production de nombre de marchandises du marché où elles seront consommées.
L’exploitation à bas prix de la force de travail intellectuelle high-tech, trop chère dans les pays occidentaux, est frénétiquement recherchée, tout en s’épargnant les frais de sa formation, assurée sur place. En Chine, organismes publics occidentaux et entreprises privées sont de plus en plus nombreux "à créer sur place, telle France Télécom à Canton en juin 2004, des centres de recherche afin de bénéficier du fantastique vivier de scientifiques à bas prix qu’offrent les laboratoires chinois." [8] [191] L’Inde est aussi devenue en quelques années un pays de destination pour la conception de logiciels.
D’autre part, les délocalisations sont largement mises à profit pour réduire les coûts non productifs des grosses entreprises (gestion informatisée, exploitation de réseaux et maintenance, gestion des salaires, services financiers, service clientèle, gestion des commandes, centres d’appels téléphoniques), jusqu’à 40 à 60%. A tel point que "tout ce qui peut être fait à distance et transmis par téléphone ou satellite est bon à délocaliser." C’est ainsi que l’Inde "tend à devenir l’arrière-boutique des entreprises américaines et britanniques." (5)
Dans la compétition à mort que se livrent les nations, les Etats des pays développés mettent explicitement un coup de frein au départ à l’étranger de certaines activités. Posséder sur le territoire certaines industries garantes d’une puissance militaire capable de rivaliser avec les nations du même ordre constitue une nécessité stratégique et une question de survie dans l’arène impérialiste. Plus généralement, sur le plan économique, conserver sur son sol les productions centrales des différents secteurs-clés qui font la force de tel capital national face à la concurrence est tout aussi indispensable. Dans l’automobile, "Sous la pression de la concurrence qui oblige à produire à des coûts toujours plus bas se dessine un mouvement de délocalisation de la production des petites voitures destinées au marché français dans des pays à faible coût de main-d’œuvre, tandis que l’on garde dans l’Hexagone la production de véhicules haut de gamme dans des usines très automatisées. (…)" (6) Idem dans le textile où "aujourd’hui seuls les textiles incorporant technologie et savoir-faire sont encore fabriqués dans l’Hexagone." (6)
Le nombre des pays bénéficiaires des délocalisations est réduit : " l’Inde, le Maghreb, la Turquie, les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) et l’Asie (notamment la Chine)."(7) Si chaque capital national possède sa terre d’élection, chacune répond à une même série de critères impératifs. Ces pays doivent non seulement posséder une certaine stabilité intérieure, ce qui est le cas d’un nombre toujours plus réduit de pays, tant bourgeonnent à la surface de la planète les zones entières livrées aux ravages de la guerre. Mais ils doivent également avoir une infrastructure adaptée et disposer d’une force de travail, rompue à l’exploitation capitaliste, voire relativement formée. La plupart des pays-cibles, ont connu un passé industriel (pays de l’Est) ou un semblant d’industrialisation. A contrario, les pays de l’Afrique subsaharienne, candidats à recevoir des délocalisations, n’en ont pas vu la couleur.
La définition même des délocalisations comme "le déplacement vers l’étranger d’une activité économique existante [par exemple] en France dont la production est ensuite importée en France" (8) nous livre une partie du secret des chiffres mirifiques alignés par la bourgeoisie au sujet des prétendus miracles chinois ou hindou. A prendre la totalité de la production mondiale, les délocalisations forment une opération blanche. S’il y a bien création d’un pôle industriel qui n’existait pas avant, en aucun cas il n’y a développement ou nouvel essor de la production capitaliste puisque la création d’une activité inexistante auparavant dans tel pays d’accueil a au contraire pour corollaire direct la désindustrialisation et la stagnation des économies les plus avancées.
Pendant des décennies, ces pays ne sont pas parvenus à réaliser les investissements pour l’acquisition massive, d’une technologie moderne, condition indispensable pour soutenir la concurrence des pays plus développés et à accéder à une industrialisation digne de ce nom, même avec une main d’œuvre à très bas coût. Leur sous-développement, et le maintien dans cet état sont même actuellement une des conditions de l’intérêt que trouve le capitalisme à l’exploitation de la classe ouvrière sur place.
L’absence de perspective d’amélioration des conditions de vie du prolétariat des pays destinataires des délocalisations ainsi que le développement du chômage dans les pays occidentaux, vers lesquels se dirige le gros de la production délocalisée, ne peuvent pas contribuer à l’expansion du marché mondial, mais à l’aggravation de la crise de surproduction.
Les délocalisations ne constituent pas par elles-mêmes la cause du chômage et de la baisse du niveau de vie du prolétariat. Elles ne sont que l’une des formes que prennent les attaques qu’il subit, mais toutes possèdent la même racine : les lois économiques du système capitaliste qui s’imposent à chaque nation et à chaque bourgeois et qui plongent le monde capitaliste dans une crise de surproduction sans issue.
Pour engranger la plus-value produite par la classe ouvrière et enfermée dans les marchandises fabriquées, il faut encore que le capitaliste vende celles-ci sur le marché.
Les crises capitalistes de surproduction, fléau du système capitaliste, trouvent toujours leur origine dans la sous consommation des masses à laquelle est contrainte la classe ouvrière par le système capitaliste d’exploitation du travail salarié qui diminue constamment la part de la production sociale qui revient au prolétariat. Le capitalisme doit trouver une part de ses acheteurs solvables en dehors de ceux qui se trouvent soumis au rapport travail-capital.
Auparavant, l’existence sur le marché intérieur, de larges secteurs de production précapitalistes (artisanale et surtout agricole) relativement prospères, formaient le sol nourricier indispensable à la croissance capitaliste. Au plan mondial, le vaste marché extra-capitaliste des pays coloniaux en cours de conquête, permettait de déverser le trop plein des marchandises produites dans les pays industrialisés. Depuis qu’au début du 20e siècle, le capitalisme a soumis l’ensemble de la planète à ses rapports économiques, il ne dispose plus des conditions historiques qui lui avaient permis de faire face à ses contradictions.
Il entre dès lors dans sa phase de déclin irréversible qui condamne l’humanité aux guerres, aux convulsions des crises et à la misère généralisée, faisant peser la menace de sa destruction pure et simple.
Scott
[1] [192] Engels, La situation laborieuse en Angleterre, (1845) Editions sociales p.119.
[2] [193] K. Kautsky, Le programme socialiste, (1892), chapitre "Le prolétariat".
[3] [194] Engels, Ibidem p.121.
[4] [195] Engels, Ibid. p119.
[5] [196] Novethics.fr. 10 janvier 2001
[6] [197] L'Expansion 27 janvier 2004.
[7] [198] Vie publique.fr.12 janvier 2004.
[8] [199] Le Monde.fr. 27 juin 2004.
Le problème du chômage se retrouve au coeur des questions posées par les émeutes des banlieues qui viennent de se dérouler en France mais, contrairement à ce que nous présente la bourgeoisie et ses politiciens, ce n'est pas un problème limité aux jeunes issus de l'immigration. Tous leurs débats et leurs discours hyper-médiatisés pendant plusieurs semaines ont cherché à nous persuader que la question posée serait uniquement celle des jeunes d'origine africaine ou maghrébine entassés dans le ghetto des cités de banlieues, même si le chômage atteint parmi eux des taux de 30 à 40 %. En le faisant apparaître comme un problème spécifique, catégoriel de laissés-pour-compte, la classe dominante, en France comme dans tous les pays, a focalisé l'attention sur une catégorie particulière de la population, sur des jeunes sans perspective d'avenir afin de masquer et évacuer le problème de fond posé par cette situation. Le chômage est une question qui concerne et menace l'ensemble de la classe ouvrière (voir article page 8). Tous les jours, ce sont de nouvelles charrettes de licenciements massifs et des milliers d'ouvriers supplémentaires qui sont mis sur le pavé non seulement en France mais dans tous les pays les plus "développés", comme partout dans le monde. Ce que la bourgeoisie cherche à cacher, c'est la signification profonde de ce chômage de masse. Elle cherche à empêcher de faire le lien existant entre le phénomène des banlieues et les licenciements de prolétaires au quotidien. Cette polarisation sur la partie la plus défavorisée, la plus fragile, vulnérable et décomposée du prolétariat, n'est pas nouvelle : dans les années 1980, l'apparition d'un chômage de masse, le démantèlement du système de protection sociale et le brutal enfoncement dans la paupérisation de la classe ouvrière avaient été mis sur le compte de l'apparition d'une nouvelle catégorie sociologique baptisée les "nouveaux pauvres" que l'on marginalisait et qu'on isolait ainsi du reste de la population ouvrière.
La bourgeoisie a toujours cyniquement exploité la misère et le désespoir qu'engendre le capitalisme. Ceux qui sont présentés comme les laissés-pour-compte, qui ont perdu tout espoir en l'avenir, qui n'ont pas de perspective ni de repères, délibérément ignorés et méprisés depuis des décennies, sont projetés du jour au lendemain sur le devant de la scène comme s'ils étaient devenus le centre du monde. C'est l'arbre qui cache la forêt de la misère croissante qui frappe de plus en plus d'ouvriers. A travers cela, la classe dominante tente de nous livrer une panoplie d'explications sur l'origine et la nature du problème : crise identitaire des jeunes, insuffisance d'intégration des immigrés, inégalités des chances, problèmes de discrimination à l'embauche, manque d'éducation citoyenne, résultat d'une mise en échec scolaire, montée du racisme et de la xénophobie…
Toutes ces explications superficielles et partielles lui servent à mettre en avant la mystification qu'il y aurait des "solutions", des réformes possibles à l'intérieur du capitalisme pour améliorer le sort des jeunes des banlieues. Ce ne sont pourtant nullement toutes les propositions avancées et les mesures totalement illusoires du gouvernement qui pourront résoudre le problème du chômage : contrats d'apprentissage dès 14 ans, débloquer davantage d'argent et de moyens aux organismes associatifs, multiplication de stages de formation, service civil volontaire, etc. Ces mesures ne sont au contraire qu'une tentative vouée à l'échec d'un aménagement du poids croissant du chômage, de la précarité de l'emploi et de la misère dans la société. Tout cela est fondamentalement de la poudre aux yeux. Toutes les fractions de la bourgeoisie, de gauche comme de droite n'ont rien d'autre à proposer. Mais cela permet aussi de déverser à flots le poison d'une propagande idéologique qui sert fondamentalement à diviser les exploités, à opposer les intérêts des uns par rapport aux autres. La classe dominante justifie ainsi un clivage permanent entre générations, entre ouvriers autochtones et ouvriers immigrés, entre ouvriers en activité et ouvriers au chômage. D'un côté, elle pousse les chômeurs à considérer les ouvriers qui ont encore un emploi comme des privilégiés qui ne devraient pas se plaindre ni lutter pour la défense de leurs salaires, contre la diminution de leurs pensions de retraite ou la détérioration de leurs conditions de travail. De l'autre côté, elle incite les travailleurs à se représenter toute future lutte de chômeurs comme une émanation de la "racaille", seulement capable de déchaîner la rage aveugle, la haine, l'autodestruction.
Le profond malaise social qu'ont révélé les émeutes dans les banlieues est l'expression de la crise économique mondiale du capitalisme et une manifestation révélatrice de la faillite irréversible de ce système. C'est pour cela que les violences urbaines en France ont soulevé une réelle inquiétude parmi les autres bourgeoisies européennes qui sont confrontées au même problème. Si les émeutes des jeunes des banlieues, sous le signe du "no future", n'est porteuse d'aucun avenir, d'aucune perspective en elles-même car elles sont le simple reflet de l'enfer capitaliste, elles sont néanmoins révélatrices du malaise profond et de l'absence de perspective d'un système capitaliste en crise qui est désormais incapable d'intégrer les jeunes générations dans son appareil productif. Cette manifestation particulièrement éloquente de la faillite du capitalisme pose plus que jamais l'alternative : renversement de l'ordre bourgeois ou enfoncement de toute la société humaine dans le chaos, la misère et la barbarie.
La seule réponse nécessaire et possible au chômage qui menace de plus en plus les enfants d'ouvriers, c'est la mobilisation, le développement unitaire et massif des luttes de résistance de la classe ouvrière, face aux licenciements et à toutes les attaques qu'elle subit. Seule cette lutte de classe pourra permettre aux ouvriers réduits aux chômage comme aux éléments aujourd'hui impliqués dans les émeutes de trouver leur place dans l'affirmation d'une perspective révolutionnaire et internationaliste. Face au "no future" et au désespoir exprimés par les émeutes des banlieues, le prolétariat est la seule classe porteuse d'avenir parce qu'elle est la seule force sociale capable de renverser le système d'exploitation capitaliste, d'éradiquer la misère, le chômage, d'abolir le salariat, le profit et les rapports de concurrence. C'est la seule classe qui puisse permettre l'instauration et l'épanouissement d'autres rapports sociaux à travers lesquels l'humanité pourra enfin développer une activité déterminée par la réalisation de ses besoins.
W (18 novembre)
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Plus de 6000 véhicules brûlés : voitures particulières, autobus, camions de pompiers ; des dizaines de bâtiments incendiés : magasins, entrepôts, ateliers, gymnases, écoles, crèches ; plus d'un millier d'arrestations et déjà plus d'une centaine de peines de prison prononcées ; plusieurs centaines de blessés : des manifestants, mais aussi des policiers et plusieurs dizaines de pompiers ; des coups de feu tirés sur la police. Chaque nuit, depuis le 27 octobre, ce sont par centaines que sont touchées des communes dans toutes les régions du pays. Des communes et des quartiers parmi les plus pauvres, ou s'entassent, dans des tours sinistres, des millions d'ouvriers et leur famille, en grande majorité originaires du Maghreb ou d'Afrique noire.
Ce qui frappe, plus encore que l'ampleur des dégâts et des violences, c'est leur totale absurdité. On peut comprendre assez facilement que des jeunes des quartiers déshérités, notamment ceux issus de l'immigration, aient envie de s'affronter à la police. C'est de façon quotidienne qu'ils sont soumis, souvent sans égard et avec grossièreté, insultes racistes à l'appui, à des contrôles d'identité et à des fouilles au corps, et il est logique qu'ils ressentent les policiers comme des persécuteurs. Mais ici, les principales victimes des violences ce sont leur propre famille ou leurs proches : des petits frères ou sœurs qui ne pourront plus aller dans leur école habituelle, des parents qui ont perdu leur voiture qui leur sera remboursée à un prix dérisoire car ancienne et achetée d'occasion, qui seront obligés de faire leurs achats loin de leur domicile puisque le magasin de proximité à bas prix a volé en fumée. En outre, ce n'est nullement dans les quartiers riches habités par les exploiteurs que les jeunes déchaînent leurs actions violentes et les déprédations mais dans les quartiers qu'ils habitent et qui seront encore plus sinistrés et invivables qu'auparavant. De même, les blessures infligées aux pompiers, des personnes dont c'est la profession de secourir les autres, souvent au péril de leur vie, ne peuvent que choquer. Comme sont choquantes les blessures infligées aux passagers d'un bus auquel on a mis le feu et, également, la mort d'un homme de soixante ans frappé par un jeune qu'apparemment il voulait empêcher de commettre des violences.
En ce sens, les actes de violence et les déprédations qui se commettent, nuit après nuit, dans les quartiers pauvres n'ont rien à voir, ni de près ni de loin avec une lutte de la classe ouvrière.
Celle-ci, dans son combat contre le capitalisme, est contrainte d'employer la violence. Le renversement du capitalisme sera nécessairement une action violente puisque la classe dominante, avec tous les moyens de répression dont elle dispose, défendra bec et ongle son pouvoir et ses privilèges. L'histoire nous a appris, notamment depuis la Commune de Paris de 1871 parmi beaucoup d'autres exemples, à quel point la bourgeoisie est capable de fouler aux pieds ses grands principes de "démocratie" et de "liberté-égalité-fraternité" quand elle se sent menacée : en une semaine (la "semaine sanglante") ce sont 30.000 ouvriers parisiens qui ont été massacrés parce qu'ils avaient tenté de prendre le pouvoir entre leurs mains. Et même dans la défense de ses intérêts immédiats, dans des luttes qui ne menacent pas directement le règne de la bourgeoisie, la classe ouvrière est souvent confrontée à la répression de l'État bourgeois ou des milices patronales, répression à laquelle elle oppose sa propre violence de classe.
Mais ce qui se passe en ce moment en France n'a rien à voir avec la violence prolétarienne contre la classe exploiteuse : les principales victimes des violences actuelles, ce sont des ouvriers. Et au delà de ceux qui subissent directement les conséquences des dégâts provoqués, c'est l'ensemble de la classe ouvrière du pays qui est touchée : le battage médiatique autour des événements actuels vient occulter toutes les attaques que la bourgeoisie déchaîne en ce moment même contre les prolétaires, de même que les luttes qu'ils essaient de mener pour y faire face.
Quant aux capitalistes et aux dirigeants de l'État, tranquillement installés dans leurs quartiers huppés, ils mettent à profit les violences actuelles pour justifier un renforcement des moyens de répression. C'est ainsi que la principale mesure du gouvernement français, pour faire face à la situation, a été de décréter, le 8 novembre, l'état d'urgence, une mesure qui a été appliquée pour la dernière fois il y a 43 ans et qui s'appuie sur une loi adoptée il y a plus de cinquante ans pendant la guerre d'Algérie. Comme élément majeur de ce décret, il y a le couvre-feu, l'interdiction de circuler dans les rues à partir d'une certaine heure, comme au temps de l'occupation allemande entre 1940 et 1944 ou comme au moment de l'état de guerre en Pologne 1981. Mais ce décret permet beaucoup d'autres entorses à la "démocratie" classique (comme les perquisitions de jour et de nuit, le contrôle des médias ou le recours aux tribunaux militaires). Les politiciens qui ont décidé la mise en œuvre de l'état d'urgence ou qui le soutiennent (comme le parti socialiste) nous assurent qu'il ne sera pas fait d'abus de ces mesures d'exception, mais c'est un précédent qu'on a fait accepter à la population, et notamment aux ouvriers, et demain, face aux luttes ouvrières que les attaques capitalistes vont faire surgir, il sera plus facile de ressortir et de faire accepter cette arme de l'arsenal de répression de la bourgeoisie.
Les jeunes qui brûlent des voitures comme les ouvriers ne peuvent tirer rien de positif de la situation actuelle. Seule la bourgeoisie, peut, d'une certaine façon en tirer un avantage pour le futur.
Cela ne veut pas dire que ce soit la bourgeoisie qui ait délibérément provoqué les violences actuelles.
C'est vrai que certains de ses secteurs politiques, comme l'extrême droite du "Front national", pourra en tirer des gains électoraux. C'est vrai aussi qu'un Sarkozy, qui rêve de racoler les électeurs d'extrême droite pour remporter les prochaines présidentielles, a jeté de l'huile sur le feu en disant il y a quelques semaines qu'il fallait "nettoyer au karcher" les quartiers sensibles et en traitant de "racailles", au début des violences, les jeunes qui y participaient. Mais il est clair que les principaux secteurs de la classe dominante, à commencer par le gouvernement, mais aussi les partis de gauche qui, en général sont à la tête des communes les plus touchées, sont très embarrassés par la situation. C'est un embarras qui est motivé par le coût économique de ces violences. C'est ainsi que la patronne du patronat français, Laurence Parisot, a déclaré sur une chaîne de radio (Europe 1), le 7 novembre, que "la situation est grave, même très grave" et que "les conséquences [en] sont très sérieuses sur l'économie".
Mais c'est surtout sur le plan politique que la bourgeoisie est embarrassée et inquiète : la difficulté qu'elle éprouve à "rétablir l'ordre" porte un coup à la crédibilité des institutions grâce auxquelles elle gouverne. Même si la classe ouvrière ne peut tirer aucun bénéfice de la situation actuelle, son ennemie de classe, la bourgeoisie, fait la preuve de sa difficulté croissante à maintenir "l'ordre républicain" dont elle a besoin pour justifie sa place à la tête de la société.
Et c'est une inquiétude qui ne concerne pas seulement la bourgeoisie française. Dans les autres pays, en Europe mais aussi à l'autre bout du monde, comme en Chine, la situation en France fait la une des journaux. Même aux États-Unis, dans un pays où en général la presse fait peu de cas de ce qui se passe en France, c'est en boucle que reviennent sur les News de la télévision les images des voitures et des bâtiments en flammes.
Pour la bourgeoisie américaine, la mise en évidence de la crise qui frappe aujourd'hui les quartiers pauvres des villes françaises est l'occasion d'un petit règlement de comptes : les médias et les politiciens français avaient fait grand bruit sur la faillite de l'État américain lors de l'ouragan Katrina ; aujourd'hui, on trouve une certaine jubilation dans la presse ou chez certains dirigeants des États-Unis pour moquer "l'arrogance de la France" à cette occasion. Cet échange d'amabilités est de bonne guerre entre deux pays qui s'opposent de façon permanente sur le plan diplomatique, notamment sur la question de l'Irak. Cela dit, la tonalité de la presse européenne, même si elle peut contenir quelques piques contre le "modèle social français" vanté en permanence par Chirac contre le "modèle libéral anglo-saxon", exprime une réelle inquiétude. C'est ainsi que, le 5 novembre, on pouvait lire, dans le quotidien espagnol La Vanguardia "Que personne ne se frotte les mains, les bourrasques de l'automne français pourraient être le prélude à un hiver européen". Et il en est de même de la part des dirigeants politiques :
"Les images qui nous viennent de Paris sont pour toutes les démocraties un avertissement à faire en sorte que ces efforts d'intégration ne doivent jamais être considérés comme achevés, mais qu'on doit sans cesse leur donner un nouvel élan (…) La situation n'est pas comparable, mais ce qui est clair c'est que l'une des tâches du futur gouvernement sera d'accélérer l'intégration." (Thomas Steg, l'un des porte-parole du gouvernement allemand, lundi 7 novembre).
"Nous ne devons pas penser que nous sommes tellement différents de Paris, c'est seulement une question de temps" (Romano Prodi, leader du centre gauche en Italie et ancien président de la Commission européenne).
"Tout le monde est inquiet de ce qui se passe" (Tony Blair).
Cette inquiétude révèle que la classe dominante prend conscience de sa propre faillite. Même dans les pays où des "politiques sociales" ont traité de façon différente les problèmes liés à l'intégration des immigrés, elle est confrontée à des difficultés qu'elle ne peut pas résoudre parce qu'elles découlent de la crise économique insurmontable à laquelle elle est confrontée depuis plus de trente ans.
Aujourd'hui, les bonnes âmes de la bourgeoisie française, et même le gouvernement qui a surtout manié jusqu'à présent le bâton plutôt que la carotte, affirment qu'il faut "faire quelque chose" pour les quartiers défavorisés. On annonce une rénovation des citées lugubres dans lesquelles vivent les jeunes qui se révoltent. On préconise plus de travailleurs sociaux, plus de lieux de culture, de sport ou de loisir où les jeunes pourront s'occuper plutôt que d'aller brûler des voitures. Tous les politiciens sont d'accord pour reconnaître qu'une des causes du malaise actuel des jeunes provient du chômage considérable dont ils sont victimes (plus de 50% dans ces quartiers). Ceux de droite en appellent à de plus grandes facilités données aux entreprises pour s'installer dans ces secteurs (notamment une baisse de leurs impôts). Ceux de gauche réclament plus d'enseignants et d'éducateurs, de meilleures écoles. Mais ni l'une ni l'autre de ces politiques ne peut résoudre les problèmes qui se posent.
Le chômage ne baissera pas parce qu'on installe une usine à tel endroit plutôt qu'à tel autre. Les besoins en éducateurs et autres travailleurs sociaux pour s'occuper des centaines de milliers de jeunes désespérés sont tels que le budget de l'État ne peut y faire face, un budget qui, dans tous les pays, ne cesse de toute façon de réduire l'ensemble des prestations "sociales" (santé, éducation, pensions de retraite, etc.) afin de garantir la compétitivité des entreprises nationales sur un marché mondial de plus en plus saturé. Et même s'il y avait beaucoup plus de "travailleurs sociaux", cela ne pourrait résoudre les contradictions fondamentales qui pèsent sur la société capitaliste dans son ensemble et qui sont à l'origine du malaise croissant dont souffre la jeunesse.
Si les jeunes des banlieues se révoltent aujourd'hui avec des moyens totalement absurdes, c'est qu'ils sont plongés dans un profond désespoir. En avril 1981, les jeunes de Brixton, quartier déshérité de Londres à forte population immigrée, qui s'étaient révoltés de façon semblable, avaient placardé sur les murs ce cri : "no future". C'est ce "no future", "pas de futur", que ressentent des centaines de milliers de jeunes en France, comme dans tous les autres pays. C'est dans leur chair et au quotidien, du fait du chômage, du mépris et de la discrimination que les jeunes "casseurs" des quartiers populaires ressentent cette absence totale d'avenir. Mais ils sont loin d'être les seuls. Dans beaucoup de parties du monde, la situation est encore pire et l'attitude des jeunes prend des formes encore plus absurdes : dans les territoires de Palestine, le rêve de beaucoup d'enfants est de devenir "kamikazes" et un des jeux favoris des gamins de 10 ans est de s'entourer le corps d'une ceinture fictive d'explosifs.
Cependant, ces exemples les plus extrêmes ne sont que la partie visible de l'iceberg. Ce ne sont pas seulement les jeunes les plus défavorisés, les plus pauvres, qui sont envahis par le désespoir. Leur désespoir et leurs actes absurdes ne sont que les révélateurs d'une absence totale de perspective, non seulement pour eux-mêmes, mais pour l'ensemble de la société, dans tous les pays. Une société qui, de façon croissante, se débat dans une crise économique insurmontable du fait des contradictions insolubles du mode de production capitaliste. Une société qui, de plus en plus, subit les ravages de la guerre, des famines, des épidémies incontrôlables, d'une détérioration dramatique de l'environnement, de catastrophes naturelles qui se transforment en d'immenses drames humains, comme le tsunami de l'hiver dernier ou les inondations de la Nouvelle-Orléans à la fin de l'été.
Dans les années 1930, le capitalisme mondial avait subi une crise semblable à celle dans laquelle il s'enfonce aujourd'hui. La seule réponse que le capitalisme put lui apporter fut la guerre mondiale. C'était une réponse barbare mais elle avait permis à la bourgeoisie de mobiliser la société et les esprits autour de cet objectif.
Aujourd'hui, la seule réponse que peut apporter la classe dominante à l'impasse de son économie est encore la guerre : c'est pour cela que les conflits guerriers n'ont pas de fin et impliquent de façon croissante les pays les plus avancés ou qui avaient été épargnés pendant une longue période (tels les États-Unis ou certains pays d'Europe comme la Yougoslavie tout au long des années 1990). Cependant, la bourgeoisie ne peut aller jusqu'au bout de ce chemin vers la guerre mondiale. En premier lieu, parce que lorsque les premiers effets de la crise se sont fait sentir, à la fin des années 60, la classe ouvrière mondiale, et notamment dans les pays les plus industrialisés, a réagi avec une vigueur telle (grève générale de Mai 68 en France, "automne chaud" italien de 69, grève en Pologne de 70-71, etc.) qu'elle a fait la preuve qu'elle n'était pas prête comme auparavant à servir de chair à canon pour les visées impérialistes de la bourgeoise. En second lieu, parce qu'avec la disparition des deux grands blocs impérialistes, après l'effondrement du bloc de l'Est en 1989, les conditions militaires et diplomatiques n'existent pas à l'heure actuelle pour une nouvelle guerre mondiale, ce qui n'empêche pas les guerres plus locales de se perpétuer et de se multiplier.
Le capitalisme n'a aucune perspective à offrir à l'humanité, sinon celle de guerres toujours plus barbares, de catastrophes toujours plus tragiques, d'une misère toujours croissante pour la grande majorité de la population mondiale. La seule possibilité pour la société de sortir de la barbarie du monde actuel est le renversement du système capitaliste. Et la seule force capable de renverser le capitalisme, est la classe ouvrière mondiale. C'est parce que, jusqu'à présent, celle-ci n'a pas encore trouvé la force d'affirmer cette perspective, à travers un renforcement et une extension de ses luttes, que des centaines de milliers de ses enfants sont amenés à sombrer dans le désespoir, exprimant leur révolte de façon absurde ou se réfugiant dans les chimères de religions qui leur promettent le paradis après leur mort. La seule véritable solution à la "crise des quartiers déshérités" est le développement des luttes du prolétariat vers la révolution qui permettra de donner un sens et une perspective à toute la révolte des jeunes générations.
CCI (8/11/2005)
Voilà plus de deux ans que l’armée américaine a pris le contrôle de l’Irak. Voilà plus de deux ans que le chaos se développe implacablement sur tout le pays. Près de 120 000 morts dans la population, 2000 soldats américains tués et 18 000 blessés, sans compter les destructions d'habitations ou de bâtiments publics : l'Irak connaît une des pires situations que l’histoire ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale et la guerre contre l'Iran. Mais, en plus des dévastations qui s'abattent sur les Irakiens, cette guerre a pour effet d'attiser plus largement les tensions impérialistes des petits et des grands, et c'est l'ensemble du Moyen- et du Proche-Orient qui est entré irrémédiablement dans une période d'instabilité plus explosive que jamais. Le triple attentat d'Amman en Jordanie, jusqu'ici épargnée, a signé clairement la dynamique actuelle d'extension de cette instabilité.
L’intervention américaine a ainsi ouvert la voie à une phase d'accélération vers la barbarie militaire, vers une aggravation de tous les conflits ouverts ou latents dans une région de tous temps pleine de dangers.
La situation de l’Irak est celle d’un pays dévasté, en plein marasme économique et social et en situation de pré-guerre civile. Le "nouvel Irak" "prospère" et "démocratique" annoncé par l'administration Bush est une ruine. La guérilla permanente contre les forces d'occupation et la continuation de multiples attentats perpétrés ignoblement contre les civils irakiens rendent complètement illusoire toute idée de reconstruction. De surcroît, les divisions entre cliques sunnites, chiites et kurdes, qui prennent en otage des populations laminées et déboussolées, se sont violemment exacerbées. Ce qui laisse augurer du futur d'un Etat irakien traversé par les pires dissensions. Au Nord, les Sunnites et les anciens baasistes, soutenus activement par la Syrie, n’ont de cesse de faire pression à coups d'assassinats sur les Kurdes afin de les chasser aux confins de la Turquie et de l'Iran. A Bagdad et au Sud, ce sont les luttes entre fractions chiites et sunnites qui prédominent. Meurtres, attentats et menaces sont le lot quotidien des relations entre ces deux fractions qui s'entredéchirent pour le contrôle du pouvoir.
Une telle situation n'a pu qu'aiguiser les appétits impérialistes de l'Iran et de la Syrie. Cette dernière sert déjà de base arrière aux terroristes sunnites et autres ex-hommes de main de Saddam Hussein, marquant ainsi sa volonté d'intervenir de venir défendre ces intérêts dans la mêlée irakienne. Dans un tel contexte, où son éviction récente du plateau du Golan, une de ses revendications territoriales fondamentales, n'a pu qu'attiser encore ses velléités guerrières en direction de l'Irak.
Du côté de l'Iran, qui joue le bras de fer avec les Etats-Unis et les pays européens sur la question de la constitution d'un armement nucléaire, le marasme existant en Irak et la position de force des Chiites dans le gouvernement, en particulier dans les forces de sécurité, est une véritable aubaine. A terme, il s'agit d'une voie ouverte vers une influence déterminante et prépondérante dans tout le Proche-Orient et le renforcement d'une position stratégique sur le Golfe Persique et les zones pétrolifères pour l'Etat iranien. C'est cette perspective qui le pousse à bomber le torse face aux grandes puissances, de même que le retour en force de la fraction la plus rétrograde et des "durs" du régime annoncent une involution vers un état de guerre.
L'exode des populations kurdes qui s'amorce vers le Nord va quant à lui être facteur d'une nouvelle déstabilisation de cette région d'Irak qui avait connu, malgré la guerre, un calme relatif.
Enfin, l'attentat qui s'est produit au cœur d'Amman, et que toute la bourgeoisie internationale s'est empressée de "dénoncer", est venu en point d'orgue rappeler que pas un territoire, pas une région, ne seront épargnés par les forces destructrices mises en branle à l'heure actuelle. Cet attentat-suicide est d'autant plus significatif qu'il frappe, à travers la Jordanie, les intérêts américains et qu'il vient faire un lien direct entre la question de l'Irak et celle du conflit israélo-palestinien. Ce petit pays a en effet joué un rôle tampon déterminant entre Israël et les groupes palestiniens, l'OLP en particulier, qu'il a hébergés jusqu'aux détournements d'avions du début des années 1970, pour le compte de l'impérialisme américain. Il s'agit ainsi d'un indéfectible allié des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne qui est à présent sous le feu des terroristes, à l'instar de l'Arabie Saoudite qui connaît depuis la dernière guerre en Irak les attaques répétées des membres d'Al Qaida.
Ainsi, il suffit de regarder une carte pour prendre conscience de l'étendue du désastre qui se développe au Proche- et au Moyen-Orient.
Dans cette situation, il faut aussi prendre en compte l'escalade guerrière à l'initiative de Sharon et qui ne peut déboucher que sur une aggravation des tensions avec les Palestiniens et les différents groupes armés comme le Hamas, mais aussi entre ce dernier et le Fatah. De plus, la politique guerrière d'Israël, servie sous couvert de désengagement de la bande de Gaza qui va se transformer en un énorme ghetto, a pour objectif de mieux contrôler et d'investir le territoire de la Cisjordanie, région stratégique importante pour Tel-Aviv, mais aussi, derrière cela, de faire en sorte de déployer plus de moyens en direction du Liban.
Dans cette situation, il est clair que l'administration américaine éprouve les pires difficultés pour continuer à justifier son intervention et le maintien de sa présence militaire en Irak. Celle de la lutte contre le terrorisme a fait long feu, car jamais la vague d'attentats n'a reflué, ni en Irak même, au nez de la première puissance mondiale, ni sur la planète entière. Et en guise d'instauration de la "démocratie" et de la "paix", c'est le chaos qui règne en maître. C'est pourquoi l’administration Bush se trouve prise entre le feu des critiques qu'elle subit de la part de ses adversaires au sein de la "communauté internationale", France et Allemagne en tête, et de celles provenant de la bourgeoisie américaine elle-même. Et, aux côtés des démocrates, ce sont les électeurs de Bush, ceux du parti républicain, qui commencent à ruer dans les brancards, face à l'impopularité grandissante de la politique guerrière américaine. La baisse de popularité de Bush aux Etats-Unis, les débats qui se sont ouverts au Sénat, à majorité républicaine, autour de la nécessité pour l’Amérique de commencer à retirer ses troupes d’Irak dès 2006, autour de la question de la torture des prisonniers de Guantanamo, les manipulations aujourd'hui avérées autour des preuves fabriquées sur l'existence d'armes de destruction massive en Irak, montrent l'impasse dans laquelle se trouve actuellement la bourgeoisie d’outre-Atlantique.
La logique de l'occupation se trouve chaque jour un peu plus réduite à néant.
Et malgré certaines tentatives de démonstrations de force militaire, qu’on a pu voir encore à travers l’offensive de septembre contre les bastions rebelles du Nord de l’Irak, l’impuissance des Etats-Unis en Irak est de plus en plus manifeste.
Aussi, le Pentagone est pris entre deux feux :
- celui de la pression d’une opinion publique qui exprime son inquiétude devant l’inanité de l’opération militaire en Irak, pression qui la contraint à partir le plus rapidement possible ;
- celui d’une situation de catastrophe sociale existant en Irak qui contredit totalement les annonces de mise en place de la paix et de la stabilité "démocratiques" promises avant l’intervention militaire et dont elles étaient les justifications majeures.
Cette position difficile dans laquelle se trouvent les Etats-Unis ne peut que satisfaire les puissances qui se sont opposées à la guerre en Irak, car elle sert de tremplin à leurs critiques vis-à-vis de la première puissance mondiale et de moyen pour justifier leurs propres menées impérialistes, sous prétexte d'offrir leurs bons offices. C'est ce qu'on a vu par exemple à l'occasion de l'attentat d'Amman, où la France, par la voix de Villepin, s'est empressée de proposer ses bons offices à la Jordanie, en réalité de chercher à utiliser ces attentats pour venir marcher sur les plate-bandes américaines.
Le monde que prépare la bourgeoisie à l'humanité peut se mesurer à l'aune des horreurs qui se déroulent en Irak et dans la région, mais aussi sur le reste de la planète, et ses mensonges sont à l'avenant des coups tordus qu'elle prépare.
La fuite en avant irrationnelle du capitalisme dans le chaos et la barbarie guerrière entraîne le monde à sa perte. Seuls le renversement et la destruction de ce système pourra permettre de construire une autre société, le communisme.
Mulan (19 novembre)
Depuis la fin de la période de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, le monde capitaliste a continué à sombrer, lentement mais inexorablement, dans la crise économique.
Alors que cette crise est de nouveau sur le point de connaître une accélération brutale, nos gouvernants essaient d’embarquer la classe ouvrière vers les explications boiteuses du genre "c’est la faute aux excès de l’économie libérale", pour donner aux ouvriers un semblant de sens à la détérioration de leurs conditions de vie depuis la réapparition de la crise économique à la fin des années 1960 et spécialement depuis le début des années 2000.
La classe ouvrière, qui paie un lourd tribut à la banqueroute du capitalisme, sans parler des attaques massives contre les retraites et du démantèlement des services de santé doit aussi essuyer cet autre discours cynique de la bourgeoisie qui essaie, comme toujours, de la convaincre que tous ces sacrifices ne sont que le fruit de difficultés passagères, "tout ira mieux demain", que ses conditions de vie s’amélioreront et que le chômage diminuera. Les mensonges n’ont encore cette fois qu’un seul but : faire en sorte que la classe ouvrière accepte et paie par une misère et une exploitation accrues la plongée catastrophique du capitalisme dans sa propre crise économique.
En dépit de ce que nous raconte la bourgeoisie, l’évolution de l’économie est celle d’un déclin, lent mais inéluctable.
Le capitalisme a tiré un maximum de leçons à la suite de l’effondrement économique qui a frappé le monde à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Depuis lors, et surtout après la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme s’est organisé de façon à prévenir un effondrement soudain de son économie. Nous voyons ainsi un renforcement du rôle de l’Etat dans toutes les économies nationales. Par-dessus le marché, la bourgeoisie s’est adjointe des organismes internationaux tel le FMI qui ont la tâche de limiter tout à-coup violent dans l’économie. Ainsi, le capitalisme d’Etat peut certainement ralentir sa crise mais il ne peut empêcher son développement inexorable.
C’est pourquoi, depuis les années 1960, les reprises économiques ont été de plus en plus limitées et les récessions, celles de 1967, 1970-71, 1974-75, 1991-93 et 2001-2002, de plus en plus profondes.
Le monde capitaliste s’enfonce dans la crise. L’Afrique, l’Amérique Centrale, l’ancien bloc russe et la plus grande partie de l’Asie, chacun avec ses particularités, ont sombré dans un chaos économique grandissant. Depuis des années, les effets de la crise ont atteint directement les Etats-Unis, l’Europe et le Japon. Aux Etats-Unis, le taux de croissance par décennie entre 1950-1960 et 1990-1999 est passé de 4,11 à 3 % et pendant la même période, de 4,72 à 1,74 % en Europe (source : OCDE). Après la période de reconstruction qui a suivi le deuxième conflit mondial, l’économie a progressivement pris le chemin de la récession. Si cette période a été entrecoupée de périodes de reprise (de plus en plus courtes), ce n’est que parce que la bourgeoisie mondiale s’est endettée et s’est autorisée des déficits budgétaires sans cesse croissants. La principale puissance de la planète, les Etats-Unis, en donne l’exemple le plus criant. De surplus budgétaires de 2 % en 1950, elle en est aujourd’hui à un déficit budgétaire qui approche les 4%. Ainsi, la dette totale des Etats-Unis, qui s’est lentement accrue depuis les années 1950 jusqu’au début des années 1980, a connu une réelle explosion en une vingtaine d’années. Elle a doublé de quinze mille milliards à plus de trente mille milliards de dollars. Les Etats-Unis, qui étaient le principal financier de la planète, sont devenus le pays le plus endetté du monde. Cependant, il serait complètement faux de penser que c’est une situation spécifique de la principale puissance mondiale : cette tendance s’inscrit dans l’évolution globale de l’économie capitaliste. A la fin des années 1990, la dette de l’Afrique atteignait plus de 200 milliards de dollars, celle du Moyen-Orient aussi ; la dette de l’Europe de l’Est dépasse les 400 milliards de dollars ; celle de l’Asie et de la région Pacifique (y compris la Chine), plus de 600 milliards ; et c’est la même chose pour l’Amérique Latine (source : Etat du Monde, 1998).
Si on considère la production industrielle, la réalité du ralentissement de l’économie mondiale depuis la fin de la période de reconstruction est encore plus évidente. De 1938 à 1973, soit en 35 ans, la production des pays développés s’est accrue de 288 %. Pendant les vingt années qui ont suivi, cette croissance n’a été que de 30 % (source : OCDE).
Le ralentissement de la production industrielle mondiale est donc bien visible. Et c’est la classe ouvrière qui paie inévitablement le prix de cette réalité. On peut voir une évolution tout à fait frappante du chômage quand on considère les cinq pays les plus développés économiquement. Le chômage est passé d’une moyenne de 3,2 % en 1948-1952 à 4,9 % en 1979-1981, pour arriver finalement à 7,4 % en 1995 (source : OCDE). Ces chiffres sont ceux de la bourgeoisie et tendent consciemment à minimiser la réalité aux yeux de la classe ouvrière. Depuis 1995, le chômage n’a fait que continuer à se développer dans l’ensemble du monde.
Pour ralentir sa descente dans la crise, il n’a pas suffi que la bourgeoisie se dote de nouvelles institutions au niveau international, ou accumule une dette qui dépasse l’entendement pour maintenir artificiellement un peu de vie sur un marché mondial saturé. Il lui a aussi fallu essayer de freiner la chute progressive du taux de profit. Les capitalistes n’investissent que pour dégager un profit du capital investi. C’est ce qui détermine son fameux taux de profit. De 1960 à 1980, celui-ci a chuté de 20 à 14 % en Europe, pour s’élever comme par magie à 20 % aux Etats-Unis et à plus de 22 % en Europe à la fin des années 1990. Deux facteurs peuvent expliquer cette augmentation : l’élévation de la productivité sur les lieux de production ou l’austérité accrue imposée aux ouvriers. En fait, l’augmentation de la productivité du travail a été divisée par deux pendant cette période. C’est donc bien en attaquant les conditions de vie de la classe ouvrière que la bourgeoisie a été capable d’améliorer, momentanément, son taux de profit. L’évolution des salaires en pourcentage du PIB (Produit Intérieur Brut) en Europe illustre parfaitement cette réalité. Dans les années 1970-80, ce pourcentage s’élevait à plus de 76 % pour chuter à moins de 66 %. C’est bel et bien l’aggravation de l’exploitation et le développement de la misère ouvrière qui est la cause de cette amélioration temporaire du taux de profit dans les années 1990.
T.
Tout ce que raconte le gouvernement du président argentin Kirschner sur la "reprise fantastique" de l'économie argentine après la débâcle de 2001, n’est que bobards. La réalité que subissent au quotidien les travailleurs et l'immense majorité de la population est de plus en plus oppressante. Quelques chiffres peuvent l'illustrer : la population qui vit au-dessous du seuil de pauvreté est passée de 5% en 1976 à 50% en 2004. La famine, limitée jusque là aux provinces du Nord (Tucumán ou Salta, où 80% des enfants souffrent de malnutrition chronique) envahit désormais les zones pauvres de l'épouvantable ceinture de bidonvilles du sud de Buenos Aires.
C'est contre une telle situation, insupportable, que les ouvriers se sont révoltés. Entre juin et août, on a assisté à la plus grande vague de grèves depuis 15 ans ([1] [204]). Les luttes ont ainsi touché des hôpitaux comme ceux de Quilmes et Moreno, des entreprises telles que Supermercados Coto, Parmalat, Tango Meat ou Lapsa, le métro de Buenos Aires, les travailleurs communaux d'Avellaneda, Rosario et des villes les plus importantes de la province méridionale de Santa Cruz, les marins et les pêcheurs au niveau national, les employés de la justice partout dans le pays, les instituteurs de cinq provinces, les médecins de la commune de Buenos Aires, les enseignants des universités de Buenos Aires et Cordoba... Parmi ces luttes, la plus remarquable est celle de l'hôpital de pédiatrie Garrahan (Buenos Aires) pour la combativité et l'esprit de solidarité qui s'y sont exprimés.
Les luttes ont obtenu ici ou là quelques améliorations salariales éphémères, mais face à un capitalisme qui plonge de plus en plus dans une crise sans issue, la conquête principale des luttes ne se trouve pas sur le terrain économique, mais sur le terrain politique. Les leçons tirées de ces luttes serviront à la préparation de nouvelles qui seront inévitables. Il en va ainsi de l’importance de la solidarité, de l'esprit d'unité, qui mûrissent chez les ouvriers, la compréhension de qui sont leurs véritables ennemis, etc.
Le prolétariat s'affirme comme classe en lutte
En 2001, il y a eu en Argentine une révolte sociale spectaculaire, qui fut saluée par les milieux altermondialistes comme étant une situation "révolutionnaire". Mais cette mobilisation s'est placée clairement sur un terrain inter-classiste, avec des questionnements nationalistes et des "reformes" de la société argentine qui ne pouvaient entraîner que le renforcement du pouvoir capitaliste. Dans un article que nous avons publié dans la Revue Internationale nº 109, nous avons mis en relief le fait que "Le prolétariat en Argentine s'est trouvé submergé et dilué dans un mouvement de révolte inter-classiste. Ce mouvement de protestation populaire, dans lequel la classe ouvrière a été noyée, n'a pas exprimé la force du prolétariat mais sa faiblesse. Celui-ci n'a été en mesure d'affirmer ni son autonomie politique, ni son auto-organisation."([2] [205])
Nous affirmions ainsi que : "Le prolétariat n'a pas besoin de se consoler ni de s'accrocher à des chimères illusoires. Ce dont il a besoin, c'est de retrouver le chemin de sa propre perspective révolutionnaire, de s'affirmer sur la scène sociale comme seule et unique classe capable d'offrir un avenir à l'humanité, et partant, d'entraîner derrière lui les autres couches sociales non exploiteuses". Nous y disions que les capacités de lutte du prolétariat argentin ne se sont pas épuisées, loin de là, et que celles-ci devaient se déveopper à nouveau, mais qu'il était fondamental qu'"il soit tiré une leçon claire des événements de 2001 : la révolte inter-classiste n'affaiblit pas le pouvoir de la bourgeoisie, ce qu'elle affaiblit principalement, c'est le prolétariat lui-même." (2)
Aujourd'hui, quatre ans plus tard, la vague de grèves en Argentine a montré un prolétariat combatif qui apparaît sur son propre terrain de classe, qui commence à se reconnaître comme tel, même si c'est encore timidement. D’ailleurs, la gauche du capital elle-même ne cherche pas à nier l’évidence. Ainsi, la publication Lucha de Clases : Revista Marxista de Teoría y Política de juillet 2005, reconnaît que l'"un des faits le plus remarquable de cette année-ci, a été le retour agissant des travailleurs actifs au centre de la scène politique argentine, après des années de recul. Nous sommes devant un cycle long de luttes revendicatives, où les travailleurs luttent pour l'amélioration de leur salaire et contre les conditions dégradées du travail, cherchant à se réapproprier les conquêtes perdues dans les décennies passées", en ajoutant que "Au moment où les travailleurs de l'industrie et des services commençaient à faire entendre leur voix, d'autres voix gardaient le silence : celles qui avaient décrété la 'fin du prolétariat'".
Ce surgissement combatif du prolétariat n’est pas un phénomène local dû aux particularités argentines. Sans pour autant nier l'influence des facteurs spécifiques, en particulier la baisse rapide et violente du niveau de vie des grandes masses de la population, conséquence d'une dégradation économique qui s'est accélérée avec l'effondrement de 2001, cette vague des grèves fait partie du mouvement international de reprise de la lutte de classe que nous avons signalée depuis 2003. Elle en fait pleinement partie par ses caractéristiques et ses tendances de fond.
Dans un texte publié récemment ([3] [206]), nous avons mis en évidence les caractéristiques générales de cette reprise : lente et difficile, pas encore concrétisée dans des luttes spectaculaires, avançant non pas tant grâce à une succession de luttes victorieuses, mais de défaites dont les ouvriers tirent des leçons qui feront vivre des luttes futures bien plus fortes. Le fil conducteur qui les porte et qui contribue à leur lente maturation est "le sentiment, encore très confus mais qui ne demande qu’à se développer dans la période qui est devant nous, qu’il n’existe pas de solution aux contradictions qui assaillent le capitalisme aujourd’hui, que ce soit au plan de son économie ou des autres manifestations de sa crise historique, comme la permanence des affrontements guerriers, la montée du chaos et de la barbarie dont chaque jour qui passe démontre un peu plus clairement le caractère irrésistible". Lors de cette vague de grèves, il est apparu, comme dans d'autres luttes ailleurs dans le monde (Heathrow en Grande-Bretagne, Mercedes en Allemagne), une arme fondamentale pour faire avancer la lutte prolétarienne : l’expression de la solidarité prolétarienne.
Dans le Subte (métro de Buenos Aires), tout le personnel s'est arrêté spontanément après la mort de deux ouvriers de maintenance, causée par le manque total de mesures de protection contre les accidents du travail. Les travailleurs des hôpitaux de la capitale fédérale ont mené plusieurs actions de solidarité avec leurs camarades du Garrahan. Dans le Sud (province de Santa Cruz), la grève des employés municipaux dans les villes principales a suscité une forte sympathie de la part de larges couches de la population. A Caleta Olivia, des travailleurs du pétrole, des employés de la justice, des enseignants, des chômeurs, se sont joints aux manifestations de leurs camarades employés municipaux. A Neuquen, les ouvriers de la santé se sont joints spontanément à la manifestation des instituteurs en grève qui marchaient vers le siège du gouvernement provincial. Réprimés violemment par la police, les manifestants réussirent à se regrouper et ont pu voir comment des passants se joignaient à la manifestation en critiquant durement la police, qui se retira à une distance prudente.
Il est aussi à signaler la façon unitaire avec laquelle fut posée la revendication salariale chez les salariés de l'hôpital pédiatrique Garrahan : au lieu d'exiger des augmentations proportionnelles qui ne font qu'approfondir les différences entre les différentes catégories et poussent à la division et à la concurrence entre travailleurs, ils ont lutté pour une augmentation égale pour tous et favoriser les secteurs les moins bien rémunérés.
La riposte de la bourgeoisie
Il serait cependant stupide de croire que la classe dominante pourrait rester les bras croisés face aux efforts de son ennemi mortel pour se réapproprier son identité de classe et sa perspective révolutionnaire. Elle riposte, inévitablement, en déployant l'arme de la répression, mais une aussi en attaquant à tout va la conscience de classe des ouvriers.
Voilà ce que nous avons vu concrètement en Argentine. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont employé la force policière contre les grévistes : arrestations, tribunaux de justice, sanctions administratives sont tombés drus sur beaucoup de travailleurs. Mais le gros de la riposte de la bourgeoisie s'est concentré dans une manœuvre politique destinée à isoler les secteurs les plus combatifs, calomnier les ouvriers en lutte, mener les différents foyers de combat vers l'impasse et la démoralisation et bien inscrire dans les têtes que "la lutte ne paye pas", que la mobilisation n'apporte rien.
Pour cela, l'Etat a pris la lutte de l'hôpital Garrahan –qui, comme nous l'avons dit, a eu un rôle de premier plan dans la vague de grèves- comme cible pour ses manoeuvres.
En premier lieu, il a déclenché une campagne assourdissante traitant les ouvriers de "terroristes", en les présentant comme des scélérats qui mettraient en avant leurs "intérêts particuliers" contre la santé des enfants soignés à l'hôpital. Avec une hypocrisie à vomir, ces gouvernants, qui laissent mourir de faim des milliers d'enfants, affichent tout d'un coup une "préoccupation" pour les enfants "menacés" par ces "abominables" grévistes.
Tout cela a été une évidente provocation pour isoler les travailleurs de Garrahan, ce qui a été parachevé par l'accusation absurde selon laquelle ils seraient manipulés par une prétendue conspiration politique "anti-progressiste" inspirée par Menem et Duhalde ([4] [207]).
Mais ce qui a affaibli le plus la lutte des travailleurs de Garrahan a été "l'aide" prêtée par les organisations de piqueteros ([5] [208]). Celles-ci se sont collées comme des sangsues à la lutte à Garrahan (elles ont fait la même chose avec les ouvriers de Tango Meat) au nom de la "solidarité". C'est ainsi que les ouvriers de Garrahan se sont vus associés -et le gouvernement et ses médias n'ont pas raté l'occasion d'en faire la plus grande publicité- aux méthodes commandos des organisations de piqueteros qui, au lieu de frapper la classe dominante, ne visent qu’à diviser les ouvriers et enfoncer un coin dans le développement de leur solidarité. Les organisations de piqueteros, par exemple, ont coupé le pont Pueyrredón, point névralgique de la capitale, aux heures de pointe, en provoquant des embouteillages monstres qui ont surtout affecté des nombreux travailleurs de la banlieue sud de Buenos Aires. Ou ce qui est arrivé à Cañadón Seco (au Sud) où une quarantaine de personnes ont coupé les accès de la raffinerie de Repsol-YPF sans la moindre consultation préalable des travailleurs de l'usine.
La vraie solidarité ne peut se développer qu'en dehors et contre le carcan syndical, c'est une lutte commune où s'intègrent de nouveaux secteurs de travailleurs, où il y a des envois de délégations, des manifestations et des assemblées générales, où les ouvriers, directement, vivent, luttent, réfléchissent et comprennent ensemble, et c'est ainsi que d'autres opprimés et exploités pourront se joindre à eux. Dans un tel mouvement, les divisions qui émiettent les ouvriers commencent à disparaître parce qu'ils peuvent vérifier concrètement qu'ils appartiennent à la même classe, parce qu'ils prennent conscience de leur force et de leur unité.
Cette solidarité directe, active, de masse, la seule qui donne la force et fait avancer la lutte prolétarienne, a été remplacée par une "solidarité" d'intermédiaires (les organisations "sociales" avec leurs dirigeants en tête), passive et minoritaire, qui produit l'euphorie de croire qu'on "est soutenu par les masses qui sont derrière ces organisations". On finit par se rendre compte avec amertume qu'on est encore plus isolés et divisés qu'auparavant.
CCI (16 septembre)
[1] [209] "Le mois de juin dernier a connu le niveau le plus élevé des conflits de la dernière année : 127 mouvements, qui ont touché 80% du secteur public, 13 % dans les services et le 7 % restant dans les différentes branches de l'industrie. Ce mois a dépassé en conflits ceux enregistrés dans tous les autres mois de juin depuis 1980. L'analyse des conflits du travail des mois de juin des 26 dernières années, 1980 inclus, montre que le mois de juin de 2005 est le plus élevé." (Colectivo Nuevo Proyecto Histórico, groupe surgi en Argentine, dans son texte "Sindicato y necesidades radicales").
[2] [210] "Revoltes populaires en Argentine : seule l'affirmation du prolétariat sur son terrain peut faire reculer la bourgeoisie" (Revue Internationale nº 109).
[3] [211] Revue Internationale n° 119 : "Résolution sur la lutte de classes"
[4] [212] Anciens présidents argentins particulièrement impopulaires.
[5] [213] Sur les piqueteros, lire "Révoltes 'populaires en Amérique Latine: l'indispensable autonomie de classe du prolétariat", Revue Internationale nº 117 et "Argentine: la mystification des piqueteros", Revue Internationale nº 119.
Durant trois semaines, les émeutes dans les banlieues ont fait la Une de l’actualité. Des milliers de jeunes, issus pour une grande part des couches les plus pauvres de la population, ont crié leur colère et leur désespoir à coup de cocktails Molotov et de caillasses (voir article page 1).
Les premières victimes de ces destructions sont les ouvriers. Ce sont leurs voitures qui sont parties en fumée. Ce sont leurs lieux de travail qui ont été fermés, plaçant plusieurs centaines d'entre eux au chômage technique. Un ouvrier interviewé pour le journal de 20h a magistralement résumé la parfaite absurdité de ces actes en ces termes : "Ce matin, j’ai trouvé sur le pare-brise de ma voiture calcinée cette affiche. C’est marqué dessus ‘Nique Sarkozy’. Mais c’est pas Sarkozy qu’on a niqué, c’est moi !"
Même si l'explosion de colère des jeunes des banlieues est tout à fait légitime, la situation sociale qu'elle a créée représente un réel danger pour la classe ouvrière. Comment réagir ? Faut-il se ranger derrière les émeutiers ou derrière l'Etat "républicain" ? Pour la classe ouvrière, il s'agit là d'une fausse alternative car les deux pièges sont à éviter. Le premier serait de voir à travers la révolte désespérée de ces jeunes un exemple de lutte à suivre. Le prolétariat n’a pas à s’engouffrer sur ce chemin auto-destructeur. Mais la "solution" criée partout haut et fort par la bourgeoise est une impasse tout aussi grande.
En mettant à profit la peur que suscitent de tels événements, la classe dominante, avec son gouvernement, son Etat et son appareil répressif, se présente aujourd'hui comme le garant de la sécurité des populations et notamment des quartiers ouvriers.. Mais derrière ses beaux discours qui se veulent "sécurisants", le message qu’elle cherche à faire passer est lourd de menaces pour la classe ouvrière : "Lutter contre l'ordre républicain, c'est-à-dire l'Etat capitaliste, c’est ce comporter en voyou, en racaille".
Incapable de résoudre le problème de fond, la crise économique, la bourgeoisie préfère naturellement le cacher et exploiter à son profit le côté spectaculaire des émeutes : les destructions et les violences… Et là, on peut dire que les journalistes ont su mouiller leur chemise afin d’alimenter au mieux cette propagande de la peur.
Ils sont allés chercher l’information au cœur des cités, livrant par centaines des images de voitures en flammes ou calcinées, multipliant les témoignages de victimes, réalisant des enquêtes sur la haine de ces jeunes pour toute la société.
Les reportages ont fourmillé montrant, dans la nuit, ces bandes de jeunes, casquette vissée sur la tète et recouverte elle-même d’une capuche masquant le visage. C’est en gros plan qu‘on a eu droit aux jets de cocktails Molotov et de cailloux, aux affrontements avec les forces de l’ordre et, de temps en temps, à l’interview d’un des émeutiers exultant en direct sa colère : "On existe, la preuve : les voitures brûlent" (Le Monde du 6 novembre) et aussi "on parle enfin de nous".
La bourgeoisie a ici exploité à merveille la violence désespérée des jeunes banlieusards pour créer un climat de terreur. C’est pour elle une occasion idéale pour justifier le renforcement de son arsenal répressif. La police peut en effet s’octroyer le luxe d’apparaître comme la protectrice des ouvriers, la garante de leur bien-être et de leur sécurité. Le débat entre le PS et l’UMP sur ce point a donné d’ailleurs le "la". Pour la droite, la solution est évidemment de donner plus de moyens aux forces de l’ordre en renforçant les unités d’intervention type CRS. Et pour la gauche c'est la même chose avec un autre enrobage. Le PS a proposé le retour de la police de proximité. Autrement dit, plus de flics dans les quartiers ! C'est bien pour cela que ces deux grands partis bourgeois se sont prononcés en faveur de l’Etat d’urgence.
Toutes ces mesures de renforcement de l'appareil répressif ne pourront mettre fin aux violences dans les banlieues. Au contraire, si elles peuvent être efficaces de façon immédiate et temporaire, à terme, elles ne peuvent qu’alimenter la tension et la haine de ces jeunes envers les forces de l'ordre. Les hommes politiques le savent très bien. En réalité, ce que vise la bourgeoisie avec le renforcement du quadrillage policier des quartiers "sensibles", ce ne sont pas les bandes d'adolescents désœuvrés mais la classe ouvrière. En faisant croire que l'Etat républicain veut protéger les prolétaires contre les actes de vandalisme de leurs enfants ou ceux de leurs voisins, la bourgeoisie se prépare en fait à la répression des luttes ouvrières lorsque celles-ci constitueront une véritable menace pour l'ordre capitaliste. La mise en place de l’Etat d’urgence, par exemple, vise à habituer la société, à banaliser le contrôle permanent, le flicage permanent et les perquisitions légales dans les quartiers ouvriers.
La dimension la plus répugnante de la propagande actuelle est celle qui consiste à désigner les immigrés comme boucs émissaires.
Du fait que les émeutiers sont en partie des enfants issus de l’immigration, les ouvriers immigrés ont été insidieusement accusés de menacer "l'ordre public" et la sécurité des populations puisqu'ils sont incapables de tenir leurs enfants, de leur donner une "bonne éducation" en leur transmettant des valeurs morales. Ce sont ces parents "irresponsables" ou "démissionnaires" qui ont été montrés du doigt comme les vrais coupables. Et la palme du racisme affiché est revenue au ministre délégué à l’emploi, Gérard Larcher, pour qui la polygamie serait "l’une des causes des violences urbaines" (Libération du 17 novembre) !
Mais les forces de gauche ont apporté elles aussi leur petite pierre à l’édifice, mettant en avant, sous couvert d’humanisme, les difficultés de la société française à intégrer des populations de "divers horizons culturels" (pour reprendre leur terminologie). Les deux plus grands sociologues actuels sur la question des banlieues, Didier Lapeyronie et Laurent Mucchilie, qui se positionnent à la gauche radicale de l’échiquier politique, insistent ainsi sur le fait qu’aux yeux des jeunes issus de l’immigration "la promotion par l’école est réservée aux ‘blancs’, les services publics ne sont plus du tout des vecteurs d’intégration […] et les mots de la République […] sont perçus comme les masques d’une société ‘blanche’."(Libération du 15 novembre) Les prolétaires immigrés auraient donc un problème spécifique qui n’aurait rien à voir avec le reste de la classe ouvrière.
En désignant les travailleurs immigrés comme les vrais responsables des violences urbaines, la bourgeoisie cherche ainsi à monter les ouvriers les uns contre les autres, à créer une division entre français et immigrés. Elle exploite la révolte aveugle des jeunes des banlieues afin de masquer la réalité : la paupérisation croissante de l’ensemble de la classe ouvrière, quelle que soit sa nationalité, ses origines ou sa couleur. Le problème de la misère, du chômage, de l'absence de perspective ne serait pas la conséquence de la crise économique insurmontable du capitalisme mais se résumerait à un problème "d’intégration" ou de "culture" ! En diabolisant ainsi les parents des jeunes émeutiers, la classe dominante justifie par la même occasion des attaques prétendument ciblées sur les "fauteurs de troubles" d’aujourd’hui mais qui, en réalité, toucheront toute la classe ouvrière demain. C’est par exemple le cas de la suppression des allocations pour les familles de "délinquants". Et que dire des mesures d’expulsion immédiate des étrangers pris dans les émeutes ? Le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a demandé aux préfets d’expulser "sans délai de notre territoire national" les étrangers condamnés dans le cadre des violences urbaines des treize dernières nuits, "y compris ceux qui ont un titre de séjour" (Libération du 9 novembre). Mais la classe ouvrière ne doit pas se faire d'illusion. Cette mesure ne restera pas une exception réservée aux seuls "petits voyous". Ces expulsions territoriales pour ‘trouble de l’ordre public’, l'Etat républicain n'hésitera pas à les utiliser dans le futur contre l’ensemble de la classe ouvrière lorsque celle-ci développera ses luttes : pour briser une grève et son unité en obligeant les ouvriers qui justement "ont un titre de séjour" à reprendre le travail sous peine de "reconduction aux frontières".
Pawel (17 novembre)
Face à la multiplication des attaques qu'elle impose et à la dégradation très forte du niveau de vie des prolétaires, la bourgeoisie redoute un inévitable développement des luttes ouvrières et, dans celui-ci, la maturation d'une réflexion et d'une remise en cause de son système d'exploitation. C'est pourquoi les syndicats, qui sont sa première force d'encadrement social, se placent sur le devant de la scène pour court-circuiter et enrayer cette dynamique, dévoyer la combativité et saboter les luttes. Déjà, le mois dernier, face à la montée d'un ras-le-bol de plus en plus manifeste, ils avaient pris les devants en organisant la journée d'action nationale du 4 octobre destinée à défouler la colère et à les remettre en selle pour les faire apparaître comme les seuls capables de défendre les intérêts de la classe ouvrière. Mais surtout, avec la complicité de toutes les fractions de la bourgeoisie et des médias, ils avaient organisé une véritable provocation en manipulant un des secteurs les plus corporatistes et les plus rétrogrades du prolétariat, les marins de la SNCM, pour pousser l'ensemble de la classe ouvrière sur la voie de la défaite et de la démoralisation (voir nos articles dans RI n°362). Aujourd'hui, la bourgeoisie et ses syndicats continuent d'enfoncer le même clou. Non contente d'utiliser et d'exploiter le désespoir des jeunes des banlieues contre le prolétariat, c'est le terrain de la lutte de classe qu'investit la bourgeoisie pour pourrir la conscience des ouvriers.
Chez les conducteurs de bus et de métro de Marseille comme à la SNCM, la bourgeoisie s'est appuyée sur la lutte d'un secteur particulièrement gangrené par les illusions corporatistes et fortement encadré par les syndicats. Les prolétaires de ce secteur n'ont pas su tirer la moindre leçon de l'échec de la lutte de leurs camarades de l'entreprise voisine. A l'heure actuelle, la grève dure depuis 40 jours et n'est toujours pas terminée, mais son issue ne fait pas le moindre doute. Malgré le déploiement de toute leur combativité, les grévistes s'apprêtent à subir une défaite encore plus cuisante et amère.
C'est depuis le 3 octobre, à la veille de la grande manifestation syndicale où ils ont défilé aux côtés de la SNCM et autour du même slogan pour réclamer le "sauvetage du service public", que les traminots de la Régie des transports de Marseille (RTM) sont en grève. Ils se sont mobilisés autour d'une unique revendication : s'opposer à la gestion et à l'exploitation du futur tramway marseillais par une société privée, la Connex (qui est d'ailleurs appelée à "patronner" en partie la SNCM). Mais alors que le projet va se traduire par la fermeture de certaines lignes de bus et de nouvelles suppressions d'emploi, alors que les salaires sont "gelés" depuis des années, toutes leurs craintes réelles par rapport aux licenciements, aux conditions de travail et aux salaires ont été étouffées derrière la défense du service public. D'autres grèves chez les traminots ont été mises sous le boisseau à Bordeaux, à Nancy ou à Lille alors qu'elles portaient sur des revendications de hausse des salaires. Sous la houlette d'une intersyndicale "unie" dans laquelle la CGT est cependant encore une fois à la pointe "de l’action", ce conflit a été mis sous les projecteurs notamment à partir du moment où le maire de droite de la ville, Gaudin, a parlé de "réquisition". C'est l'image d'une grève extrêmement dure et jusqu’au-boutiste ; pour "radicaliser" et exacerber encore le conflit, la direction et la mairie se sont livrés à une véritable provocation en assignant la lutte devant les tribunaux pour faire déclarer la grève "illégale", avec à la clé une menace de réquisition, voire de sanctions à l’encontre des chauffeurs. Ainsi, au bout d’un mois de grève et après une reprise du travail provisoire de 5 jours, les syndicats ont pu faire repartir un mouvement qui s'essoufflait en posant un nouveau préavis de grève.
C’est avant tout une grève-repoussoir, extrêmement impopulaire auprès d’un million de personnes de l’agglomération marseillaise, notamment auprès des autres ouvriers qui doivent emprunter les transports en commun pour se rendre à leur travail, amener leurs enfants à la crèche ou à l'école. Il est bien difficile de se sentir solidaires d'une lutte dans ces conditions. Cela n'a pas empêché le leader de la LCR, Besancenot, de venir déclarer aux grévistes "Vous faites honneur au syndicalisme. Toute la France vous regarde !" Au contraire, cela ne peut que susciter la colère, la division, voire l’hostilité dans les rangs des autres secteurs du prolétariat.
Avec le durcissement de la grève, tandis que les syndicats ont mis des voitures en travers pour empêcher la sortie des bus des dépôts, l'encadrement policier a été renforcé sous prétexte de protéger les chauffeurs non grévistes mais aussi les grévistes contre d'éventuelles agressions d'usagers mécontents : 4 compagnies de CRS et de gardes mobiles ont ainsi été placées aux portes de 4 grands dépôts de bus. De même la quarantaine de bus réquisitionnés fin octobre, cible favorite de commandos cégétistes, ont été escortés de motards et truffés de flics en civil. La municipalité est restée inflexible, refusant pendant des semaines toute négociation, puis lors de chaque rencontre, toute concession. C'est dans ce climat délétère et d'intimidation que la grève s'est déroulée et pourrit lentement sur pied de jour en jour, même si un millier de travailleurs sont toujours en grève sur les 3200 que compte l'entreprise. Son isolement est total. Pour la plupart des traminots, la note sera salée avec la perte de plus d’un mois de salaire, voire bien davantage. Non seulement les traminots marseillais ne sont pas prêts à reprendre le combat de classe de sitôt, mais cela ne peut déboucher que sur un énorme écœurement, une très forte démoralisation dans toute la classe ouvrière vis-à-vis de la lutte.
Quelles sont les fausses leçons que la bourgeoisie voudrait que la classe ouvrière retire à travers cette lutte ?
La première est précisément celle-ci : il s'agit de dissuader les ouvriers d'entrer en lutte en montrant que lutter ne mène à rien sinon à la défaite. La RTM est donnée en exemple : voilà une lutte pourtant longue, déterminée, combative et "radicale" qui n'a servi à rien !
A travers l'image donnée par les médias, les grèves ne pourraient au contraire qu'empoisonner les conditions de vie et de travail des autres ouvriers. Toute lutte ouvrière ne pourrait que défendre de façon irresponsable des intérêts particuliers, égoïstes, corporatistes prenant les autres ouvriers en otage, les pénalisant de façon inadmissible, certains courent même le risque de se retrouver au chômage en paralysant l'activité d'autres entreprises.
L'autre son de cloche est celui qui est colporté par les syndicats. Il faut s'en remettre à l'Etat pour se défendre. Les seules luttes ou les seules grèves qui aient un sens et qui vaillent la peine de "se sacrifier" seraient d'une part celles pour assurer la défense du service public mais aussi d'autre part, la lutte pour défendre la démocratie et le "droit à la négociation". Ainsi, l'objectif assigné par les syndicats dans les luttes n'est même plus de faire aboutir des revendications ouvrières, mais le but de la lutte devient l'ouverture de négociations, présentée déjà comme une "victoire".
Dans la foulée, les syndicats poussent à se mobiliser contre la série de privatisations en cours de plusieurs services publics : EDF, la Poste, les sociétés d'autoroutes, etc. pour lesquels ils se préparent à organiser un feu roulant de nouvelles grèves ou journées d'action. Les principaux syndicats du secteur (CGT, FO, SUD, syndicat autonome des conducteurs) ont déposé un autre préavis de grève reconductible à partir du 21 novembre à la SNCF avec la même stratégie. Les syndicats martèlent l'idée que la privatisation amène des licenciements, alors qu'en réalité, la logique de l'exploitation capitaliste est inverse, c'est le besoin de licencier qui amène la privatisation. Ils alimentent ainsi une campagne forcenée sur la défense du service public où l'unique but de la lutte serait d'empêcher une dérive libérale et un démantèlement du service public. Ce qui signifie pousser les ouvriers à s'en remettre à l'Etat pour les protéger, se réfugier derrière l'Etat-patron pour se défendre. Pousser les ouvriers à rechercher la protection de l'État, en suscitant une fausse opposition entre "politique libérale" ou "plus d'État" est un leurre. C'est précisément l'Etat qui est l'organisateur et l'ordonnateur de toutes les attaques dirigées contre les prolétaires, c'est lui qui préconise, oriente et facilite les procédures de licenciements, qui planifie la rigueur budgétaire et l'austérité salariale. C'est lui qui assure la défense indéfectible des intérêts du capital national contre la classe ouvrière.
Toutes ces manœuvres cherchent à persuader les ouvriers qu'ils n'ont qu'une alternative : soit faire confiance à l'Etat et aux syndicats pour se défendre, soit renoncer à lutter. C'est une escroquerie.
La lutte de classe, ce n'est pas la lutte que nous proposent les syndicats. Elle est incompatible avec la défense d'intérêts corporatistes derrière lesquels les ouvriers sont divisés et montés les uns contre les autres Elle est incompatible avec la défense des intérêts de l'entreprise, du capital national et de l'Etat vers lesquels ceux-ci nous rabattent. Elle n'est possible que sur la base du refus des licenciements, de la défense des salaires et des conditions de travail. C'est sur cette base que peuvent se développer et s'affirmer les besoins vitaux de la lutte, son extension, sa prise en charge par les ouvriers eux-mêmes, la solidarité qui sont des expressions du caractère unitaire de la classe en lutte. L'affirmation de ces besoins sont diamétralement à l'opposé et antagoniques aux méthodes et aux moyens que mettent en œuvre et préconisent les syndicats : le repli sur l'entreprise ou le dépôt, les AG qui interdisent l'accès aux ouvriers d'autres entreprises ou réduits au chômage, les actions-commandos. C'est ce dévoiement, cette dénaturation, ce travail de sape et de sabotage permanents par les syndicats qui conduisent inévitablement les luttes vers une défaite démoralisante, l'épuisement et la démolition stérile de leur combativité et l'écoeurement. Le développement des luttes est plus que jamais nécessaire pour faire face aux attaques de la bourgeoisie. Les prolétaires n'ont pas d'autre choix que de se battre. Mais pour cela, ils ne doivent pas s'en remettre à ces auxiliaires les plus précieux de la bourgeoisie et de son Etat dans les rangs ouvriers que sont les syndicats.
Wim (19 novembre)
L’ensemble de la classe ouvrière, dans tous les pays, tous les secteurs, toutes les entreprises, vit aujourd’hui avec cette inquiétude obsédante: comment échapper à la menace du chômage? Quel avenir la société actuelle réserve-t-elle à nos enfants? Que peut-on faire pour sortir de cette situation ?
Jamais depuis la dernière guerre mondiale le monde capitaliste n’avait connu un degré de misère et de barbarie tel que celui d’aujourd’hui. Les guerres ne cessent de se développer et le chômage croît sans fin. Dans les pays sous-développés, les massacres, les épidémies, les famines sont le lot quotidien de centaines de millions d’êtres humains ; dans les pays les plus industrialisés, une masse croissante d’ouvriers est jetée sur le pavé à chaque nouvelle vague de licenciements. Ainsi des Etats, tels l’Allemagne, qui nous avaient été présentés pendant des décennies comme des modèles de prospérité, ne sont plus épargnés par le développement du chômage massif.
Ce ne sont pas seulement les jeunes, à l’issue de leur scolarité, qui se retrouvent sans emploi ou avec un travail de misère, mais l’ensemble des prolétaires intégrés dans le système productif qui se retrouvent chaque jour, par milliers, brutalement licenciés sans aucune perspective de pouvoir retrouver un emploi durable.
Cette aggravation de la misère et du chômage, ce sont tous les ouvriers qui la subissent de plein fouet, dans tous les secteurs, tous les pays. Toute la classe ouvrière est aujourd’hui directement concernée par cette attaque du capital. Non seulement les prolétaires exclus de la production, mais aussi ceux qui ont encore un emploi.
Dans toutes les usines, les ateliers, les bureaux, chacun redoute d’être inscrit sur la liste noire des prochaines charrettes de licenciements. Partout, règne la même atmosphère d’inquiétude et d’insécurité.
Mais le chômage n’est pas seulement une situation que les ouvriers "actifs" redoutent pour l’avenir. Cette attaque, ils la subissent déjà dans la réalité quotidienne de toutes leurs conditions de vie.
De plus, l’ensemble de la classe ouvrière voit après chaque vague de licenciements, chaque nouvelle suppression d’emplois, ses conditions de travail empirer, notamment à travers les augmentations de cadences dues aux baisses d’effectifs.
Enfin, l’Etat ne se contente pas seulement de faire peser ainsi le poids du chômage sur le dos des travailleurs. Il exerce encore un chantage crapuleux sur les ouvriers en semant l’illusion que s’ils acceptent les baisses de salaires sans broncher, ils pourront participer à améliorer la compétitivité de leur entreprise et donc s’éviter de nouvelles vagues de licenciements.
Voilà la situation intolérable que subissent les ouvriers au travail, auxquels l’Etat, le patronat, la maîtrise, cherchent en permanence à faire courber l’échine en leur répétant sans cesse: "Si tu n’es pas content, fous le camp. Il y en a cent, il y en a mille dehors qui attendent ta place."
Non seulement les ouvriers au travail sont contraints de faire les frais de la crise du système qui les exploite, mais c’est par centaines de milliers qu’ils sont amenés à subvenir, avec leurs revenus de plus en plus maigres, aux besoins élémentaires des membres de leurs familles déjà au chômage, en particulier de leurs enfants qui ne trouvent pas de travail à la fin de leurs études.
Le seul avenir que peut promettre le capitalisme aux nouvelles générations de prolétaires, c’est la misère absolue, une misère encore plus terrible que celle que subissent aujourd’hui les ouvriers au chômage, condamnés à vivre au jour le jour, à courir des journées entières après des offres d’emplois toujours plus rares et pour lesquelles 10, 100, 1000 personnes se déplacent en pure perte.
L’Etat et le patronat obligent ces ouvriers au chômage à accepter n’importe quel petit boulot précaire et sous-payé, amputent régulièrement leurs allocations, voire les suppriment tout simplement. De plus en plus d’ouvriers licenciés sont ainsi réduits au désespoir, parce qu’ils ne trouvent plus les moyens de se loger, se vêtir, se nourrir, eux et leur famille tandis que dans les cités ghettos, un nombre croissant de jeunes chômeurs sont menacés par la délinquance, la drogue, la criminalité.
Ces prolétaires que le capitalisme a définitivement rejetés de la production viennent chaque jour grossir les rangs des indigents que la classe dominante, ses médias aux ordres et ses curés baptisent "nouveaux pauvres" ou "exclus", leur enlevant ainsi toute leur identité de classe afin de les séparer du reste de la classe ouvrière, de les isoler, et d’empêcher une lutte commune entre chômeurs et ouvriers au travail.
De même, toute la bourgeoisie, à travers un matraquage médiatique permanent, cherche à culpabiliser les ouvriers au travail, à les opposer aux chômeurs en les présentant comme des "privilégiés", dont "l’égoïsme" serait responsable de cette situation alors que c’est elle, la classe exploiteuse et son système en crise, qui sont les seuls responsables de la misère et du chômage.
Ceux qui nous gouvernent, ceux qui exploitent la force de travail, ceux qui veulent nous faire payer toujours plus le prix de la faillite de leur système, répètent depuis des années que c’est un mauvais moment à passer, que les sacrifices d’aujourd’hui sont destinés à préparer des lendemains meilleurs. Ils mentent !
Aujourd’hui, comme hier, ils veulent nous faire croire que ce sont les travailleurs "immigrés" qui sont responsables de l’augmentation du chômage. Depuis des années, en France comme dans la plupart des pays industrialisés, on verrouille les frontières, on organise la chasse aux "clandestins", on expulse manu militari des familles entières vers leur "pays d’origine" qu’elles n’ont souvent même pas connu et où les conditions économiques et sociales sont encore plus catastrophiques qu’ici. Malgré ces mesures policières, le chômage n’a cessé de croître inexorablement, frappant aussi bien les travailleurs immigrés que les ouvriers autochtones. Et le langage ne cesse de s’adapter, mais les mensonges restent. Aujourd’hui par exemple, il faudrait croire que toutes les mesures prises – attaque contre les retraites, la santé, les réductions d’allocations aux chômeurs – seraient des réformes nécessaires qui ne pénaliseraient pas ou seulement ceux qui "abusent" !
Tous les gouvernements d’Europe et d’Amérique, de droite et de gauche, prétendent aujourd’hui faire de la lutte contre le chômage la priorité numéro 1. Tous nous racontent que la reprise économique, même si elle n’est pas encore à l’ordre du jour, ne saurait tarder. Ils mentent ! Mensonges aussi que ceux des "alter-mondialistes" qui cherchent à nous faire croire que le chômage ainsi que les autres fléaux pourraient trouver une solution dans un capitalisme bien géré et qui rejetterait le soi-disant libéralisme. Ces mystificateurs nous présentent un capitalisme sans contradictions dans lequel l’Etat, s’il le voulait bien, pourrait être le garant du bonheur de tous et de chacun ! Tous ces menteurs patentés veulent nous faire oublier que les fléaux de la société d’aujourd’hui ne sont que la dramatique illustration de la faillite du capitalisme.
La vérité, c’est que la crise de l’économie mondiale n’a pas d’issue. Quelles que soient les mesures que prendra la bourgeoisie, quels que soient les partis au gouvernement, le système capitaliste ne peut que continuer à s’effondrer. La classe ouvrière ne doit se faire aucune illusion: les sacrifices d’aujourd’hui ne font que préparer des sacrifices encore plus douloureux demain.
Les patrons, les Etats licencient, suppriment les emplois, réduisent les salaires parce qu’ils n’arrivent pas à vendre en quantité suffisante les marchandises produites par les ouvriers. Ils n’arrivent pas à écouler ces marchandises parce que le marché mondial est devenu trop étroit pour absorber l’ensemble de la production de tous les pays. Face à la guerre commerciale à laquelle se livrent tous les requins capitalistes qui se disputent les parts de plus en plus restreintes du marché mondial, toutes les bourgeoisies nationales sont obligées de "rationaliser" leur production.
Pour cela, elles doivent fermer des usines, augmenter la productivité du travail, diminuer les effectifs, accélérer les cadences, baisser les salaires.
Depuis ses origines, notamment au xixe siècle, le capitalisme a connu des crises qui, à chaque fois, se traduisaient par une poussée du chômage et une dégradation des conditions d’existence du prolétariat. Mais les crises qui accompagnaient régulièrement, de façon cyclique, l’expansion du capitalisme au siècle dernier ne sont nullement comparables à celle que nous vivons aujourd’hui.
En effet, au xixe siècle, à l’époque où le capitalisme était un système en plein développement qui n’avait pas encore conquis toute la planète, les crises de surproduction finissaient toujours par se résoudre grâce à la découverte de nouveaux débouchés dans les régions du monde où prédominaient des modes de productions plus archaïques. C’est par le feu et par le sang que la bourgeoisie naissante qui avait succédé aux seigneurs féodaux, partait à la conquête de nouveaux marchés. Elle a chassé sauvagement les paysans de leurs terres afin de les obliger à vendre leur force de travail au capital. Elle s’est lancée dans les conquêtes coloniales en exterminant des populations entières afin de piller les matières premières et s’ouvrir de nouveaux débouchés.
C’est au prix d’une barbarie inconnue jusque là dans l’histoire de l’humanité que cette nouvelle classe exploiteuse pouvait non seulement écouler le surplus de ses marchandises dans les zones pré-capitalistes, mais aussi étendre son mode de production à toute la planète. C’est au prix de souffrances effroyables que les anciens producteurs de la société féodale sont devenus des prolétaires contraints par la force à se soumettre à l’esclavage de l’exploitation capitaliste.
Mais la situation des premières générations de prolétaires, durant cette période ascendante du capitalisme, malgré son caractère particulièrement inhumain, n’avait pas une signification aussi tragique, une perspective aussi catastrophique que celles auxquelles sont confrontés les ouvriers en ce début du xxie siècle.
Dans la période ascendante du capitalisme, le chômage, même lorsqu’il explosait massivement dans les moments de crise aiguë, n’était jamais de très longue durée. Dès que la crise était résorbée avec l’ouverture de nouveaux marchés, il y avait pour les ouvriers une nouvelle perspective de retrouver rapidement un travail.
Par ailleurs, les chômeurs étaient d’une grande utilité pour la bourgeoisie. Ils constituaient une "armée industrielle de réserve" qu’elle exploitait également dans les périodes de ralentissement économique pour faire baisser les coûts de production et améliorer la compétitivité de ses marchandises. Grâce à cette réserve de main d’oeuvre qui crevait de faim, la classe dominante pouvait faire pression sur les salaires et entraver le développement des luttes ouvrières.
Ainsi, le chômage était à cette époque un phénomène que la classe exploiteuse entretenait et contrôlait parfaitement pour les besoins de l’accumulation du capital.
Pour les prolétaires, malgré la misère et la surexploitation qu’ils subissaient, les conditions de développement du capitalisme leur permettaient non seulement de vendre leur force de travail, mais encore de se constituer en classe, de s’organiser, de développer leur unité, et d’arracher aux exploiteurs des améliorations substantielles et durables de leurs conditions d’existence.
Les crises cycliques du 19ème siècle étaient donc des étapes par lesquelles le système capitaliste devait passer pour continuer sa marche en avant vers l’accroissement des forces productives de la société.
Lorsque le capitalisme atteint son apogée à la fin du xixe siècle, en ayant soumis toute la planète à ses lois économiques, il n’existe plus de zones extra-capitalistes capables d’absorber la surproduction des marchandises des pays industrialisés. La classe dominante se trouve alors confrontée à une saturation du marché mondial. C’est l’ouverture d’une nouvelle période dans l’histoire de l’humanité: celle de la décadence du capitalisme.
Désormais, ce système est gangrené par une crise de surproduction permanente qui, lorsqu’elle se manifeste de façon ouverte, ne peut aboutir qu’à un affrontement armé entre les grandes puissances pour le repartage du marché mondial. C’est ainsi que la Première Guerre mondiale a marqué l’entrée du mode de production bourgeois dans sa période de déclin historique.
Aujourd’hui avec le développement du chômage massif, de plus en plus d’ouvriers se retrouvent dans une situation de dénuement total, sans maison, n’ayant pas les moyens de se vêtir, se nourrir. Un nombre croissant d’entre eux, réduits à l’état d’indigents, lorsque l’Etat leur supprime jusqu’au minimum vital, ne peut survivre que grâce aux associations caritatives et à la mendicité. Si l’on se contentait d’une vision photographique, cette situation ne manquerait pas d’évoquer un retour aux conditions de la classe ouvrière à l’aube du capitalisme.
Cependant, il existe une différence fondamentale entre la situation présente et celle de la période ascendante du capitalisme.
Depuis 80 ans, ce système a atteint ses limites historiques. Il n’a pu se maintenir en vie, de façon artificielle depuis le début du xxe siècle, qu’au prix d’une destruction toujours plus massives des richesses de la société, à travers un cycle infernal de crise-guerre mondiale-reconstruction - nouvelle crise - nouvelle guerre mondiale... En ce sens, les conditions de vie misérables du prolétariat ne sont nullement comparables à celles des ouvriers au siècle dernier.
Alors que le capitalisme avait pour raison d’être essentielle de développer les forces productives en généralisant le salariat comme c’était le cas dans le passé, son incapacité évidente à donner aujourd’hui du travail à des dizaines de millions d’ouvriers signifie que ce système est arrivé au bout du rouleau. Il ne peut prolonger son agonie qu’en continuant à plonger toute la société humaine dans une paupérisation absolue et une barbarie sans nom.
De même, c’est encore l’incapacité du système à surmonter sa crise de surproduction qui est à l’origine des famines dans les pays du tiers-monde car le capitalisme ne produit pas pour satisfaire les besoins humains mais pour vendre ses marchandises. Et lorsqu’il ne peut pas écouler ses stocks, il les détruit. Il est hors de question pour le capitalisme de les distribuer gratuitement car une telle mesure provoquerait nécessairement un effondrement des cours sur le marché. En réalité, un capitalisme qui donnerait ce qu’il produit ne serait plus du capitalisme.
Ainsi, l’absurdité de ce système se traduit par une destruction massive de richesses à un pôle de la société tandis qu’à l’autre pôle, la misère, la pénurie, la faim laminent des millions d’êtres humains.
En rejetant de la production des masses sans cesse croissantes de prolétaires, le capitalisme mondial dévoile son vrai visage: celui d’un système qui n’a plus rien à proposer à l’humanité qu’une misère et une barbarie toujours plus effroyables. Il fait la preuve de sa faillite historique.
Ce système ne peut donner un travail et un salaire aux ouvriers, se servir de leurs bras et de leur cerveau, que lorsqu’il a les moyens de surmonter ses crises. Aujourd’hui, s’il plonge des dizaines de millions de prolétaires dans le dénuement le plus total, s’il condamne les deux tiers de l’humanité à la famine, c’est justement parce qu’il n’est plus capable de résoudre les contradictions qui l’assaillent.
Les ouvriers doivent oser regarder la réalité en face: un système qui menace la survie de l’espèce humaine, non parce qu’il ne produit pas assez, mais parce qu’il produit trop, est une absurdité.
Ce système moribond, la classe ouvrière mondiale a la responsabilité de le détruire avant qu’il n’entraîne dans son agonie toute la société. Ce n’est qu’en s’attaquant aux fondements mêmes du capitalisme, en développant et unifiant partout ses luttes contre la misère et l’exploitation, que le prolétariat pourra accomplir sa tâche historique. C’est pour cela que ses luttes immédiates pour la défense de ses conditions de vie portent avec elles une perspective plus globale, celle du renversement du capitalisme, pour la construction d’une autre société sans crise, sans exploitation, sans famines, sans guerres. Une société dont l’activité économique sera déterminée non par la recherche du profit, non par les contraintes du marché, mais par la satisfaction des besoins de toute l’humanité.
Seule cette transformation du monde par le prolétariat pourra mettre définitivement un terme au fléau du chômage car elle nécessitera le concours de tous à la production. L’activité productive, source de richesses pour l’ensemble de l’humanité, ne signifiera plus contrainte et abrutissement, mais au contraire travail propice à l’auto réalisation de tous et de chacun. Tels sont les véritables enjeux des combats de la classe ouvrière. En engageant et développant la lutte contre le chômage sous toutes ses formes, le prolétariat ne s’attaque pas seulement à un aspect de la barbarie capitaliste. Il attaque cette barbarie à sa racine.
A la différence des émeutes sans lendemain dans les pays du tiers-monde ou dans les banlieues des grandes métropoles industrielles, cette lutte est d’emblée un combat à l’échelle de toute la société. Un combat qui porte avec lui, non seulement la défense immédiate du niveau de salaire, mais l’abolition du salariat.
C’est à travers le développement de l’unité et de la solidarité de tous les ouvriers en lutte que le prolétariat prendra conscience de son être en tant que classe révolutionnaire. Cette unité et cette solidarité constituent une nécessité vitale pour le renversement du capitalisme. C’est bien cette unité et cette solidarité qui seront, demain, une des bases sur lesquelles la classe exploitée devra édifier une véritable communauté humaine mondiale. C’est uniquement dans la lutte que les ouvriers au travail pourront affirmer leur solidarité vis-à-vis des chômeurs en comprenant que ces derniers n’ont, s’ils restent isolés, aucune possibilité de s’en sortir.
Les ouvriers au travail doivent se situer aux avant-postes du combat. Participant à une vie collective avec leurs camarades de travail, ils sont, de ce fait, moins exposés que les chômeurs au danger de "lumpénisation" résultant de la décomposition de la société capitaliste (drogue, prostitution, trafic de toutes sortes, débrouille individuelle, délinquance...). Ils ont les moyens de bloquer la production, de paralyser toute l’activité économique capitaliste, et par conséquent d’exercer une pression sur la bourgeoisie, de montrer au grand jour la force du prolétariat.
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