En
France, alors que la plus forte récession depuis la Seconde Guerre
mondiale (comme en Allemagne, en Espagne, en Grande-Bretagne ou aux
Etats-Unis) est annoncée pour 2009, le gouvernement Sarkozy tente de
faire passer un certain nombre de « réformes » destinées
à frapper de nombreux secteurs, dans un contexte de mécontentement
social qui tend de plus en plus à se généraliser. Face à une
telle situation, la bourgeoisie déploie une série de manœuvres en
tous genres. En particulier, les syndicats, qui ne cessent
d’émietter et d’éparpiller toute riposte ouvrière depuis des
mois, ont été contraints d’appeler à une grève générale
interprofessionnelle, mais seulement… le 29 janvier, pour se donner
le temps de se concerter avec le reste de la bourgeoisie.
Dans
toutes les couches de la société, la paupérisation et la précarité
se font brutalement sentir, et en particulier chez les nouvelles
générations encore scolarisées. Face au mur du chômage et à
l’avenir bouché que leur réserve le capitalisme en crise, les
jeunes générations de prolétaires, surtout dans les lycées et les
collèges, où les trois-quarts sont des enfants d’ouvriers, se
mobilisent de plus en plus fortement. Ces lycéens et ces étudiants
se réfèrent en outre de plus en plus fréquemment à l’expérience
et aux méthodes de leurs aînés qui se sont mobilisés massivement
contre le CPE en 2006 et contre la LRU en 20071.
L’agitation n’a d’ailleurs pas cessé au cours de ces derniers
mois avec les luttes contre les suppressions massives de postes dans
l’Education nationale et la suppression programmée des RASED
(Réseaux d’aide pour les élèves en difficulté). L’aspect le
plus significatif de l’expression de ce ras-le-bol et de cette
combativité montante est que malgré le « recul » du
ministre Darcos reportant d’un an sa réforme sur les programmes
des lycées (classes de seconde), reniant ainsi piteusement sa
tonitruante déclaration 48 heures auparavant : « Je
ne serai pas le ministre de l’hésitation nationale »,
la mobilisation des lycéens n’a pas faibli. Au contraire, elle
s’est amplifiée, comme en témoigne la journée du 18 décembre où
150 000 lycéens se sont retrouvés dans les rues à travers
tout le pays, au lendemain même de la reculade du ministre, pour
réclamer l’abrogation pure et simple de la réforme. De nombreux
établissements scolaires étaient toujours bloqués à Bordeaux,
Lille, Brest, Toulouse ou Paris à la veille des vacances de fin
d’année. Ils promettent de faire repartir le mouvement dès la
rentrée : une grève massive est annoncée pour le 17 janvier
dans le secteur, provoquant un nouveau pas en arrière de Darcos,
désormais hanté par la crainte « d’une
agitation sociale allant bien au-delà de la réforme des lycées »2,
qui promet de « tout
reprendre à zéro »
et de convoquer des Etats généraux sur l’école début 2009. Il
faut dire que ce « recul » a été dicté par Sarkozy
proclamant partout qu’il redoutait le déclenchement d’une
« série
d’affrontements sociaux, voire des événements violents en
France »
et toute la presse s’est fait l’écho de cette « grande
peur » : « Climat
tendu dans les lycées, malaise et crise chez les salariés : la
classe politique s’inquiète d’une possible agitation sociale, à
l’image de la Grèce. » « Après la Grèce, la France
peut-elle s’enflammer ? »
(titres de 1ère
page de Libération
du 12 décembre), « Social,
jeunesse, banlieues : la France gagnée par l’inquiétude, la
droite comme la gauche scrutent attentivement les événements de
Grèce »
(manchette du Monde
du 13 décembre) ou, selon l’éditorial de Marianne
signé N. Domenach, « Le
feu, d’un bout à l’autre du monde ? » :
« ‘Il
suffirait d’une étincelle’,
s’alarment des élus inquiets, carrément angoissés à gauche,
mais pas non plus rassurés à droite… Beaucoup savent qu’un
mistral télévisuel est capable de propager n’importe quel feu
social. »
Au PS, Julien Dray3
a proclamé explicitement que « le
syndrome grec menace l’ensemble des pays parce qu’on est dans une
crise très grave, avec une explosion des inégalités sociales ».
Et en effet, les jeunes générations en lutte se reconnaissent dans
la révolte et la mobilisation actuelle des étudiants en Grèce
envers lesquels un profond sentiment de solidarité se dégage (comme
le démontre la participation nombreuse de lycéens aux
manifestations contre la répression en Grèce). Cette crainte de
la bourgeoisie explique l’attitude provocatrice des forces de
l’ordre pour inciter à l’affrontement comme à Lyon le 18
décembre (voir article page 3) visant à discréditer le mouvement
lycéen et à les faire passer pour des casseurs. De la même façon,
on a vu les médias mettre sans cesse en avant des faits divers avec
des histoires horribles sur les jeunes, depuis la montée de la
délinquance, de la consommation de drogue ou d’alcool dans leurs
rangs jusqu’à une campagne savamment orchestrée diffusant
insidieusement l’équation jeunes = révolte = violence aveugle =
casseurs en puissance, mettant en scène des affrontements
meurtriers entre bandes rivales notamment à Paris et dans les
banlieues. Il s’agit non seulement d’agiter le spectre imminent
de nouvelles émeutes dans les banlieues mais surtout de tenter de
couper ces jeunes générations du reste de la classe ouvrière, de
les isoler au moment même où leur mobilisation se traduit par une
solidarité de classe entre toutes les générations dans les
mouvements sociaux. Aujourd’hui, par exemple en province, ces
lycéens multiplient les initiatives pour préparer une mobilisation
plus large dans les semaines à venir, et sont en train de tisser des
liens avec d’autres salariés, comme ils cherchent à créer des
comités de solidarité avec les étudiants et les travailleurs grecs
victimes de la répression.
Mais ce sont aussi les plans sociaux et les annonces de licenciements qui «se multiplient à un rythme jamais vu »4 avec une hausse brutale du chômage et une baisse du pouvoir d’achat, sous l’effet de l’accélération brutale de la crise économique mondiale. Il faut dire que le reste des attaques dans les établissements scolaires est passé : suppression de 3000 RASED dont la disparition pure et simple est programmée à court terme, réforme de l’école primaire5, des IUT pour réduire l’afflux dans cette filière, tandis que les effets des 13 500 suppressions d’emplois dans l’enseignement commencent à se faire sentir chez les lycéens comme chez les enseignants. Dans le même temps, c’est l’ensemble de la fonction publique et des services publics où les réformes sont appliquées en douce qui est durement touchée. Quant au secteur privé, outre la nouvelle législation sur le travail le dimanche dans les grandes surfaces et les grands magasins, c’est la grande lessive des emplois : en France, près de 50 000 emplois ont été détruits en un semestre (entre début avril et fin septembre). Mais l’INSEE annonce d’ores et déjà une perte de 147 000 emplois (hors du secteur marchand agricole) au cours du second semestre 2008 et en prévoit 214 000 autres pour le semestre suivant. A elle seule, l’industrie enregistrerait la suppression de 71 000 emplois cette année et de 81 000 au 1er semestre 2009. Le PIB chuterait de 0,8 % au cours du 4e trimestre 2008. Comme ailleurs dans le monde, le secteur de l’automobile est le plus massivement touché : plusieurs semaines de mise au chômage technique chez Renault ou PSA. Par ailleurs, Renault a annoncé la suppression de 4000 emplois en 2009, PSA-Peugeot-Citroën va virer 3550 salariés (dont 850 sur son site de Rennes), chez les équipementiers Valeo a annoncé 5000 suppressions d’emploi dans le monde (dont 1600 en France), Faurecia, 1215 emplois en moins d’ici 2011 (dont 700 dès 2009), en particulier dans l’Essonne, l’Orne, en Loire-Atlantique et dans les Vosges, Tyco Electronics, 520 et d’innombrables sous-traitants du secteur sont menacés de faillite. Dans la sidérurgie, ArcelorMittal a annoncé pour sa part 9000 suppressions d’emplois dans le monde dont un plan de 1400 « départs volontaires » applicable début 2009 en France. 1000 postes de cadres seront supprimés chez Alcatel Lucent qui prévoit également de se passer des services de 5000 sous-traitants. Depuis la fusion de 2006 entre ces 2 groupes, 16 500 suppressions d’emplois dans le monde (dont 1800 en France) ont été décidées en 3 ans.
Dans l’industrie pharmaceutique et la chimie, 927 suppressions d’emploi sont annoncés chez Sanofi-Aventis, 740 chez MBO, 700 licenciements chez Pfizer France dont 500 visiteurs médicaux sur 1250 et 200 employés commerciaux au siège . Depuis début 2008, 17 plans sociaux ont été annoncés dans cette branche devant supprimer 4350 postes sur 3 ans. Dans le même temps, 5000 à 6000 visiteurs médicaux seront supprimés, soit plus de 20% des effectifs de cette filière. La liste de tous ces plans de licenciements dévoilés depuis deux mois serait trop longue à énumérer ici.
Les
320 milliards d’euros débloqués pour les banques passent d’autant
plus mal que, pendant ce temps là, il est demandé aux prolétaires
de se serrer la ceinture (70 % de salariés ont constaté une
brutale et forte dégradation de leur pouvoir d’achat au cours de
l’année).
Doté d’un cynisme sans borne, pendant que l’Etat français met en œuvre ces attaques en règle, son gouvernement prétend faire en sorte de travailler à améliorer le sort des salariés.
Dans
le fameux plan de relance pour l’économie de 26 milliards d’euros
de Sarkozy, qui va entraîner un quasi-doublement du déficit
budgétaire qu’il faudra payer au prix de « sacrifices »
encore plus lourds, la seule mesure présentée comme
« sociale » est une « prime de solidarité active
» de fin d’année de 200 euros ne servant que de dérisoire
cache-misère pour 3,7 millions de travailleurs pauvres ou
d’allocataires du RMI. Le reste est dévolu au « sauvetage »
des grandes entreprises de l’automobile ou de travaux publics. Et
encore, la plupart des mesures ne sont que de la poudre aux yeux :
ainsi l’augmentation du nombre de prêts à taux zéro ne peut
qu’inciter de nouveaux ménages à revenus modestes ou victimes de
licenciements à s’endetter jusqu’au cou et à se retrouver dans
la situation de millions d’Américains jetés à la rue et sans
ressources du jour au lendemain. Quant à la prime à la casse dans
le secteur automobile : seuls ceux qui ont les moyens d’acheter
une voiture neuve vont toucher cette prime. Ceux qui veulent acheter
une voiture d’occasion pas chère, n’en trouveront maintenant
plus à moins de 1000 euros ! Une fois de plus, ce ne sont pas
ceux qui en ont le plus besoin qui en profiteront !
Comme en Grèce, avec la précarité, les licenciements, le chômage, les salaires de misère qu’impose sa crise mondiale, l’Etat capitaliste ne peut apporter partout que davantage de police et de répression. Seul, le développement international de la lutte et de la solidarité de classe entre ouvriers, employés, lycéens, étudiants, chômeurs, travailleurs précaires, retraités, toutes générations confondues, peut ouvrir la voie à une perspective d’avenir pour abolir ce système d’exploitation.
W. (20 décembre)
1 Comme le montre par exemple des extraits de cet appel des étudiants grévistes de l’Université de Clermont-Ferrand datée du 19 décembre : « Les étudiants de Clermont Gergovia-Carnot, réunis en Assemblée Générale (…) appellent l’ensemble des Universités du pays à se battre contre le démantèlement de l’Éducation que le gouvernement cherche à nous imposer par la force, de la maternelle au doctorat.(…) Nous sommes en grève avec blocage, ni spectateurs, ni résignés, mais déterminés pour dire que tous ensemble nous pouvons gagner ! Le CPE nous l’a montré. En revanche, nous perdrons si nous nous battons isolément. La LRU nous l’a malheureusement enseigné aussi. Alors maintenant, le temps des lamentations est terminé ! On ne courbe plus l’échine ! (…)
Etudiants en France, les Italiens mobilisés contre la casse de l’Éducation depuis plusieurs mois nous montrent la voie. Les Grecs confirment cette voie ! C’est celle que nous avons ouverte par notre résistance historique contre le CPE ! Leur mot d’ordre « L’Éducation ne paiera pas leur crise ! » doit être le notre.
Tous en bataille, donc, en grève coordonnée dès janvier pour faire plier ce gouvernement et son projet de société !
Nous, ici, on ne « lâchera pas le steack ! »
2 Déclaration sur Europe 1 le 16 décembre 2008
3 Par ailleurs, ce dirigeant socialiste « pur et dur » fait actuellement l’objet d’une enquête pour d’importants détournements de fonds à titre personnel provenant du syndicat lycéen FIDL et de l’association SOS-Racisme.
4 Le Monde du 16 décembre
5 Son arrogance provocatrice pour justifier les suppressions de postes en maternelle où il réduisait le rôle des enseignants à « changer les couches » est restée en travers de la gorge des enseignants.
A la veille de la trêve des confiseurs, la jeunesse lycéenne est descendue massivement dans la rue. Face à l’avenir bouché que le capitalisme leur réserve, ces enfants d’ouvriers ont clairement démontré toute leur combativité. Surtout, leur mouvement a été animé d’un fort sentiment de solidarité et d’unité, mettant en avant la nécessité de relier leur lutte à l’ensemble des mouvements sociaux (1).
Face à cela, les syndicats ont dressé un véritable cordon sanitaire pour empêcher par tous les moyens le mouvement lycéen de réussir à réaliser cette jonction avec leurs aînés. Ils ont saboté ouvertement le mouvement !1
Les syndicats lycéens, la FIDL et l’UNL, ont tout fait pour empêcher les autres prolétaires de se joindre aux lycéens et de discuter avec eux. Ils ont caché délibérément les lieux et heures des manifestations ! Impossible de trouver ces informations dans la presse ou sur leurs sites Web ! Il fallait aller fouiller sur les forums ou les blogs lycéens qui, eux, appelaient les travailleurs à les rejoindre. Les assemblées générales organisées par ces mêmes syndicats, ces “spécialistes de la lutte” (sic), étaient des huis-clos fermés aux “éléments extérieurs”, rendant impossible pour un ouvrier solidaire de leur lutte d’y participer !
Et en matière de sabotage de l’unité, les syndicats des enseignants ne furent pas en reste. Chaque fois, ils ont pris soin de séparer enseignants et lycéens, en choisissant des jours de manifestation tout simplement différents ou en convoquant des assemblés générales dans des lieux et à des moments bien distincts. Tout a été fait pour que les enfants d’ouvriers et les travailleurs ne puissent même pas se croiser !
Ce faisant, les syndicats confirment une nouvelle fois leur véritable nature de chiens de garde du capital :
Quand la bourgeoisie cogne, les syndicats sabotent la solidarité ouvrière !
1) Lire notre article : “Lycéens, étudiants, chômeurs, travailleurs… C’est tous unis qu’il faut lutter [4] ”.
Comme chaque année au moment des premiers froids, des personnes parmi celles qui sont les plus vulnérables, les plus dépourvues de tout, meurent dans des conditions insupportables. Comme chaque année, les raisons de leur mort font l’objet de campagnes hypocrites et ignobles relayées par l’ensemble des médias. Mais ils ont beau faire, alors que chacun perçoit très bien que les drames humains liés au développement de la crise économique vont se multiplier dans les années à venir, les morts de froid de cette année marquent profondément chaque membre de la classe ouvrière.
Non, ce n’est pas le froid qui tue mais cette société qui jette impitoyablement à la rue une partie de plus en plus grande de ses travailleurs comme s’ils n’étaient que des mouchoirs jetables. Et cette année, comme déjà en 2003, alors que l’on a retrouvé plusieurs morts dans le bois de Vincennes, un autre dans sa voiture ou encore un mort dans la cité de Carcassonne, une polémique totalement indécente s’est développée autour de ces “découvertes” macabres. Faut-il les obliger à rejoindre les centres d’hébergements à partir d’une température négative ou respecter leur dignité en les laissant mourir dans la rue ? C. Boutin et N. Sarkozy proposent… une réflexion sur l’opportunité de rendre obligatoire l’hébergement des SDF pendant les grands froids !
Mais à qui peut-on faire croire que c’est un choix de mourir de froid en 2008 ? Si des hommes ou des femmes qui se retrouvent dans un tel état d’abandon et de délabrement physique et psychique préfèrent une mort solitaire et combien douloureuse, ne peut-on s’interroger sur le niveau d’humanité de cette société ? Ils refuseraient même les petits nids douillets et chauffés que seraient les foyers d’hébergement pour s’enfoncer dans des bois à la périphérie de Paris, une des plus belles villes du monde paraît-il. Broyés, vidés de toutes leurs forces par cette société inhumaine, il ne leur reste plus que l’errance et le désespoir.
Ce que sont réellement ces foyers d’hébergement n’échappe plus d’ailleurs à grand monde, avec une promiscuité extrême, des vols, des bagarres, des lieux insalubres. Aucune dignité, aucune reconnaissance en tant qu’être humain, ce n’est pas pour rien que, malgré leur terrible situation, beaucoup de SDF refusent de s’y entasser. Nous sommes loin du lieu d’accueil chaleureux et humain que l’on aimerait nous décrire. D’autant plus que même ces lieux de misère ne sont pas en quantité suffisante : le “SAMU social” refuserait
environ 200 personnes par jour en raison du manque de place. Nous sommes loin du “choix” que nous présente la bourgeoisie qui, de toute façon, n’est pas à un mensonge près.
Un SDF sur trois a un travail, le plus souvent comme ouvrier ou employé sans qualification, nous dit une des dernières enquêtes de l’INSEE. Mais même le plus petit loyer est trop important pour leur salaire de misère. Même une exploitation de la force de travail à plein temps ne permet pas aux plus pauvres de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, comme celui de se loger.
Dans les restos du cœur, chaque année, les personnes accueillies sont de plus en plus nombreuses, dont 14 % de “travailleurs pauvres” et 14 % de retraités. De nombreux jeunes, qu’ils soient étudiants ou non, vivent et dorment dans leur voiture, des retraités dont les maigres ressources servent à payer un logement de misère n’ont déjà plus qu’un seul recours : aller à la soupe populaire.
La crise économique a fait un bond historique au cours de ces derniers mois et certaines images nous reviennent. En effet, nous avons tous inscrits dans nos mémoires, même si c’est par générations interposées, les files d’attente de gens qui cherchent de quoi manger après la crise de 1929, ou pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Le souvenir des tickets d’alimentation n’est pas si loin dans la mémoire collective. Comme d’ailleurs le souvenir des bidonvilles de Nanterre ! Et effectivement, des abris de fortune faits de planches ou de toiles qui prolifèrent à nouveau un peu partout, que ce soit le long du périphérique à Paris ou ailleurs.
En France, d’après les sondages, la moitié de la population pense qu’elle peut devenir SDF un jour, et beaucoup pensent que la situation des SDF ne peut que continuer à s’aggraver. Il y a pourtant déjà entre 86 000 à 100 000 personnes sans abri.
Cette année, d’après l’association Emmaüs, il y a eu 265 décès de SDF et l’espérance de vie de ceux qui sont contraints de vivre dans la rue ne dépasse pas 43 ans.
Il faut se rappeler le grand nombre de victimes lors de la canicule de l’été 2003 en France, plus de 15 000. Ce n’est pas le froid ou le chaud qui tuent mais c’est le capitalisme. Ce sont les conditions de vie de cette société qui ne correspondent pas aux besoins humains.
Map (17 déembre)
Nous publions ci-dessous un compte-rendu à chaud qui nous a été transmis par des militants du CCI qui, lors de la diffusion de leur presse dans une manifestation lycéenne à Lyon, ont pu constater à la fois l'inquiétude de ces jeunes pour leur avenir, leur combativité et les provocations policières qui tentent ainsi de pourrir le mouvement.
Le 18 décembre 2008, s'est déroulée à Lyon, comme dans beaucoup d'autres villes en France, une manifestation de lycéens et de collégiens, rassemblant largement plus de 9000 personnes. Tous ces jeunes exprimaient ainsi leur rejet des réformes du gouvernement et du Ministre de l'éducation, le tristement célèbre Darcos. Mais comme au moment de la lutte contre le CPE en 2006, les jeunes générations manifestaient surtout ici, par leur lutte, leur angoisse pour un avenir qu'ils ressentent à juste titre comme de plus en plus bouché, incertain et précaire. Cette manifestation se déroulait de manière résolue, mais sans aucune violence d'aucune sorte. Et contrairement à ce que disent déjà certains journaux bourgeois comme Libération (qui, sous le titre « Lycéens et policiers blessés en marge de la manif à Lyon », publie une photo d'une voiture en flamme avec, en arrière fond, une poignée de jeunes casseurs... photo censée résumer cette journée), la manifestation n'a pas dégénéré parce que les jeunes auraient incendié une voiture ou jeté des pierres sur les forces de l'ordre. Tout cela est faux ! Tout se passait calmement quand, sans aucun avertissement, sans aucune provocation de la part des lycéens, les forces de répression, CRS en tête, ont commencé brutalement à bombarder la manifestation de bombes lacrymogènes, provoquant une fuite panique chez la plupart de ces jeunes manifestants dont la moyenne d'âge ne devait pas dépasser 15 ou 16 ans ! Pratiquement toutes les rues étaient barrées par des rangs de CRS, bouclier en avant et matraque au poing. Seules quelques rues étaient laissées libres.
Quant à la voiture incendiée, c'est l'acte d'une petite poignée de jeunes ''casseurs", largement en marge du cortège. La véritable violence est venue clairement d'ailleurs, des forces de répression de la bourgeoisie. Et la question à se poser est la suivante : pourquoi cette violente attaque de la part des CRS ? Le premier effet des différentes charges policières a été visible immédiatement : panique, fuite et éparpillement de la majorité des lycéens. La manifestation s'est donc arrêtée là. Toute possibilité de se rassembler sur une grande place pour parler tous ensemble de la suite à donner au mouvement, comme par exemple de prendre la décision d'aller discuter avec les étudiants des facultés de Lyon et de chercher leur solidarité, était ainsi réduite à néant.
Mais plus encore, ces méthodes policières de répression ne sont en fait que de la provocation et de l'intimidation : si les lycéens, ulcérés par cette attaque, s'étaient eux-mêmes réellement battus contre les CRS, ou avaient REELLEMENT participé à des dégradations ou destructions importantes de voitures ou de biens publics, que n'aurait-on pas lu ou entendu ce soir dans les journaux, sur les radios et autres chaînes de télévision ! Il aurait été alors encore plus facile de présenter les manifestants comme des bandes de délinquants violentes organisée et autres casseurs. Pour tous ces lycéens (manifestant d'ailleurs pour certains pour la première fois), pour leurs parents, pour les travailleurs solidaires comme les enseignants, le message et clair : « Si vous manifestez, c'est à vos risques et périls, c'est dangereux ». Voilà l'objectif de fond d'une telle violence : distiller la peur pour qu'une grande partie de ces futurs chômeurs restent prudemment chez eux, malgré leur colère et leur frustration. Voilà le message qui leur est directement destiné. Heureusement, contrairement aux mensonges des journalistes, ces lycéens ne sont pas tombés dans la provocation. Une mère de famille participant à cette manifestation n'en croyait pas ses yeux, devant l'ampleur de la violence policière. Elle se proposait même d'aller, inquiète de la tournure prise par les événements, parler aux CRS afin de tenter de les raisonner et pour qu'ils cessent leurs provocations.
Une première leçon doit être tirée immédiatement de tout cela, car ce genre de manœuvre va se reproduire à l'avenir : en cas de provocation policière et si l'on ne peut pas rester tous ensemble dans la rue ou sur une place en fin de manifestation, il est nécessaire de prévoir à l'avance des lieux où l'on puisse se retrouver le plus massivement possible pour discuter. Cette information peut tout à fait être diffusée au départ de la manifestation ou même pendant son déroulement.
L'autre
enseignement majeur de cette expérience concerne l'ensemble des
luttes futures. Comme lors de la manifestation du 18 décembre à
Lyon, il ne faut absolument pas tomber dans la provocation de la
violence policière recherchée par l'Etat pour discréditer le
mouvement lycéen et étudiant qui se développe, pour l'isoler de
l'ensemble des prolétaires. Ce que le pouvoir et le gouvernement
craignent en définitive le plus, c'est notre force de classe
collective, notre capacité de réflexion pour agir de manière
solidaire et massive.
Lyon (18 décembre)
Cet article est une traduction d’Acción proletaria, organe du CCI en Espagne.
Chez Ford à Valence, chez Renault en Castille, chez Citroën en Galice..., on renvoie des milliers de travailleurs chez eux avec la promesse qu’après les vacances de Noël ils pourront “reprendre leurs postes de travail” (aura-t-on vendu d’ici là les milliers d’hectares de véhicules stockés sur d’immenses parkings ?). Dans certains cas, comme chez Iveco à Madrid, on fait du chantage aux ouvriers pour qu’ils acceptent de baisser leur salaire ou de perdre des jours d’allocation de chômage partiel, pour ainsi éviter, momentanément évidemment, le maudit ERE (1). Il va sans dire, en plus, qu’il ne s’agit pas d’une crise limitée au secteur de l’automobile. Elle touche aussi les communications (licenciements de la moitié des effectifs de l’opérateur par câble ONO et maintenant l’ERE de 500 travailleurs de l’opérateur historique espagnol, Telefónica) ou des entreprises comme CASA (aéronautique). Les prévisions officielles affirment qu’en Espagne près de 120 000 travailleurs seront affectés cette année par ce genre d’ERE, qui viennent s’ajouter (malgré l’entêtement du ministre du Travail à démentir les chiffres) aux… trois millions de chômeurs, selon les prévisions pour l’année 2008.
La propagation de cette plaie de suppressions d’emploi temporaires ou définitives (les premières étant, comme on l’a vu, le simple prélude des secondes), fait se répandre dans les rangs ouvriers une sombre inquiétude commune :
– aux camarades “anciens” sur lesquels plane la menace d’une retraite de plus en plus dégradée ou l’impossible retour à l’emploi après avoir été licenciés à 40 ou 50 ans ;
– aux plus jeunes qui, tant bien que mal, essayaient de survivre avec une succession de contrats précaires, dans des conditions draconiennes en terme de temps de travail et de salaire, et qui se voient maintenant jetés au chômage avec une allocation misérable ou contraints d’accepter des conditions de travail encore pires ;
– aux ouvriers “natifs”, formés, génération après génération, au sein d’un prolétariat qualifié, travaillant dans des usines de haute technologie, comme celle de Nissan ;
– aux ouvriers des entreprises sous-traitantes, comme celles de nettoyage (on l’a vu avec les licenciements chez Acciona à l’intérieur même des usines Nissan) et qui souvent sont composées de camarades immigrés récemment arrivés.
Cette inquiétude qui se généralise à tout le prolétariat contient aussi un grand potentiel pour le développement de la solidarité de classe. Il y a trois ans, les camarades de chez SEAT ont affronté un plan de 600 licenciements (Révolution internationale no 365 et 306, février et mars 2006), mais c’était à un moment où le climat social était encore très marqué par la rengaine de la “période la plus longue de croissance économique en Espagne”. Ce n’est pas ici le lieu pour démontrer que c’était plus de la propagande qu’autre chose, mais dans une telle “ambiance” sociale, on pouvait faire passer les problèmes des ouvriers de chez SEAT comme étant dus à la voracité particulière de Volkswagen, ou à des circonstances spécifiques à l’entreprise.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui, parce que, comme nous l’avons vu et comme quiconque peut le voir, tous les secteurs de notre classe sont attaqués par la crise capitaliste !
Mais cette solidarité, qui surgit des attaques et des souffrances qui nous sont communes à tous, a besoin d’être cultivée et développée par les travailleurs eux-mêmes, en l’imposant contre les tentatives de division et de fragmentation de la riposte ouvrière de la part des gardiens de l’exploitation capitaliste que sont les syndicats. Dans ce sens, il y a deux leçons essentielles à tirer des luttes les plus récentes.
Justement parce que les entreprises touchées par la crise sont nombreuses, la rue devient un lieu privilégié pour additionner la combativité des camarades venant d’endroits différents. C’est ainsi qu’on l’a compris au début de la lutte chez Nissan, quand d’autres ouvriers qui, à cause des effectifs moindres ou de l’éloignement géographique de leur centre de travail, ont compris qu’ils se sentiraient plus forts, plus soutenus, à la chaleur des mobilisations de la Zona franca (2). Par exemple, les travailleurs de Tyco Electronics sont allés à la manifestation du 23 octobre, mais aussi les chauffeurs de la compagnie municipale de transports, les employés d’Acciona, etc. On a pu voir cette même tendance, encore plus forte, lors de la manifestation du 5 novembre, où il y a eu plus de 20 000 travailleurs de nombreuses entreprises, ce qui a représenté la plus grande concentration ouvrière à Barcelone depuis de nombreuses années.
Mais, peu à peu, cette tendance a commencé à faiblir, conduisant, au contraire, à manifester “chacun dans son coin”. Ainsi, les syndicats convoquent ceux de La Frigo un jour et ceux de chez Nissan un autre jour. On organise des actions à Manresa pour ceux de Pirelli, et à Sarriá de Ter pour ceux de Torras Papel (3)... Cette dispersion des appels renforce, qu’on le veuille ou non, une vision locale du conflit de classe, alors que la réalité montre d’une façon criante qu’il s’agit d’un conflit social qui touche tous les secteurs.
Mais il ne suffit pas de se rassembler de façon passive. Nous, ouvriers, n’arriverons pas à avoir la force nécessaire pour affronter l’avalanche des attaques qui nous tombe dessus, en faisant simplement grossir le nombre des manifestants. La force de la classe réside aussi dans sa capacité à s’unir au-delà de toutes les divisions crées par l’exploitation capitaliste (l’entreprise, le secteur, la nation,...) en défense d’intérêts communs, et surtout dans sa capacité à prendre conscience que la défense de ses intérêts la poussent à un affrontement radical contre les lois du système. C’est pour cela qu’il est vital de faire des manifestations un lieu où se développent cette solidarité et cette conscience.
En cela, on ne peut que se heurter, évidemment, à la “mise en scène” syndicale des manifestations. Quand les syndicats ne morcellent pas la combativité en plusieurs mobilisations, ils la fragmentent au sein d’une même manifestation, faisant marcher les travailleurs derrière la banderole de “leur” entreprise. Avec en plus, le son et lumière habituel de ces manifestations (l’insupportable bande sonore avec coups de sifflets et pétards) fait exprès pour empêcher la moindre conversation entre les travailleurs présents. L’excuse de cette habituelle mise en scène est de dire, comme on nous l’a dit dans une des manifestations où nous sommes intervenus, que les ouvriers doivent aller dans ces mobilisations pour “se faire entendre”. Il est vrai qu’il est important de transmettre à toute la société notre indignation face au futur de chômage et de misère auquel on nous condamne. Mais bien plus nécessaire que “d’attirer l’attention de l’opinion publique” ou de “rendre visible le conflit” aux médias bourgeois grâce à des “actions” plus ou moins spectaculaires, il faut faire de ces manifestations des moments et des lieux où l’on écoute ses camarades qui viennent des autres lieux de lutte, où l’on peut faire ressentir notre solidarité mutuelle, mais aussi s’informer, échanger des expériences, tirer les leçons des pièges que nos frères ont dû éviter, les leçons que nous tous avons pu tirer des différentes luttes, etc.
Les assemblées, le vrai cœur de la lutte, subissent un détournement syndical du même genre. Au lieu d’y fomenter la participation et le débat entre travailleurs, elles se transforment en une espèce d’insupportable “journal télévisé” où se succèdent les interventions syndicales sur les mille méandres de telle ou telle négociation avec tel ou tel représentant de l’administration ou du patronat. Il s’agit là de remplacer ce qui constitue la véritable force des travailleurs (la confiance dans leurs propres forces collectives construite sur le terrain du débat collectif) par, en définitive, tout ce qui les affaiblit (la soumission et la dépendance à des chefs syndicaux). C’est ainsi que nous avons pu voir le 12 novembre comment la manifestation des ouvriers de chez Nissan s’est terminée en “assemblée” publique devant le siège du Parlement de Catalogne, où les travailleurs ont été invités à écouter ce que les différents capos (chefs) syndicaux leur ont raconté sur la session parlementaire où l’on avait abordé la situation chez Nissan. Si l’on veut savoir quel genre d’intentions a le gouvernement “tripartite” de Catalogne (PS +IU+ERC) (4) face aux plans de licenciements des multinationales, ce n’est pas la peine de perdre son temps dans le vent du Parc de la Ciudadela : il suffit d’aller le demander aux camarades licenciés chez SEAT en 2006 !
Face à ce détournement des assemblées, on doit développer les initiatives ouvrières pour qu’elles deviennent des moments où la classe dans son ensemble s’implique dans la lutte. C’est cette tendance qu’on a pu observer en filigrane lors de la lutte des étudiants en France au printemps 2006 qui s’est concrétisée par la suite avec toute sa force lors de la grève des métallurgistes de Vigo. L’assemblée générale dans la rue montra qu’elle n’était pas seulement un moyen pour unifier dans la lutte les travailleurs d’une multitude de petits ateliers et d’entreprises, et le moyen pour ressentir la force collective face aux provocations du patronat (licenciements) ou de l’État (brutalité policière), mais aussi la forme pour incorporer dans la lutte des camarades d’autres secteurs (chômeurs, licenciés...) qui, isolés, se sentent trop faibles pour affronter le capitalisme.
Dans ce même sens vont les initiatives qu’on a pu voir se développer lors des mobilisations récentes d’étudiants en Espagne. Parfois, lors de ces mobilisations, les assemblées sont devenues un lieu ouvert où l’on reçoit fraternellement les travailleurs (5) et d’autres camarades qui s’opposent solidairement aux plans de réductions sociales et de “précarisation” de la main d’œuvre. Elles sont aussi conçues comme un lieu d’impulsion du débat et d’éclaircissement sur la situation sociale actuelle et sur les expériences précédentes de résistance aux plans scélérats du capitalisme.
La classe capitaliste sait parfaitement que les mesures qu’elle va adopter pour essayer de contrer la récession la plus brutale de l’histoire ne vont pas avoir l’assentiment résigné de la classe ouvrière. Pour la classe exploiteuse, il ne s’agit donc pas “d’éviter” le mécontentement ouvrier, mais de faire en sorte que celui-ci s’exprime de la manière la plus fragmentée et faible possible. C’est en ce sens qu’elle concentre toutes ses énergies et tous ses moyens.
Quand elle pense pouvoir endormir les travailleurs avec des rêves d’un futur “prometteur”, elle n’hésite pas à les alimenter. Il y a peu de temps, l’UGT de chez Ford à Valence réunissait une assemblée d’adhérents. Devant la porte on montrait les futurs modèles rutilants qui seront fabriqués dans les usines d’Almusafes, après la bien connue mais “inévitable” compression d’effectifs pour rendre ce site plus compétitif... Combien de fois ont-ils dû entendre ces balivernes les camarades de chez Nissan ou de Seat à Barcelone, de chez Ford, bien sûr, ou de General Motors en Aragon,... : derrière la réduction d’effectifs, derrière les sacrifices salariaux, on nous parlait toujours de l’avenir des emplois, du futur des prochaines générations ouvrières...
Ces mensonges servent aussi à faire croire aux ouvriers qu’il y a des solutions partielles dans le cadre de leur entreprise, de leur secteur, ce qui finit par les éloigner de leurs camarades de travail d’autres entreprises. Ainsi, par exemple, avec la tromperie de la “viabilité industrielle” de l’usine Nissan, non seulement on essaye d’enfermer ces camarades dans la défense des intérêts de leurs exploiteurs (en justifiant les sacrifices “nécessaires” pour que l’entreprise produise avec plus de “rentabilité” tel qu’elle l’a déjà fait lors de précédentes réductions d’effectifs ou de limitations des salaires dans cette même année 2008), mais surtout dans l’affrontement avec leurs camarades des autres entreprises.
Si la bourgeoisie arrive à disperser la combativité ouvrière en faisant en sorte, par exemple, que les ouvriers de Seat restent endormis en croyant que l’ERE temporaire qui les menace est purement conjoncturelle, alors qu’elle frappe avec des licenciements définitifs des travailleurs de Nissan, capables de mener des mobilisations radicales mais isolées à cause de cette progressive fragmentation des luttes, elle aura réussi à obtenir un triomphe momentané mais important. D’un côté, elle aura réussi à faire passer des attaques significatives dans les concentrations les plus puissantes du prolétariat espagnol (6) et, de plus, elle aura contrecarré momentanément la tendance à la solidarité qu’on voit poindre chez les ouvriers, en forçant une réponse dans la dispersion.
Cet enjeu est très important pour la classe ouvrière. Voilà la raison de notre appel à tous les travailleurs, aux camarades qui veulent s’impliquer dans le renforcement des différentes luttes ouvrières, pour lutter contre cette fragmentation, pour développer la solidarité et la conscience unitaire du prolétariat.
Etsoem (21 novembre)
1) “Expediente de regulación de empleo”, nom donné en Espagne aux plans de réduction des effectifs et autres plans de restructuration, tous ces euphémismes typiquement bureaucratiques pour nommer les licenciements massifs. En 2008, il y a eu en Espagne plus de 3000 ERE. Selon le site “kaos en la red”, plus de 2700 ERE, qui ont affecté plus de 42 000 ouvriers, ont été acceptés par les syndicats.
2) Territoire au sud de Barcelone, grande concentration industrielle et de services.
3)
On a pu même voir comment la CNT convoquait les travailleurs de la
Jardinière de San Just d’Esvern à manifester sur les ramblas
de “leur” village.
4) Gouvernement de gauche : socialistes, ex-staliniens, verts et indépendantistes catalans.
5)
Lire l’article sur la lutte
à Alicante [6].
6) Après le démantèlement de la sidérurgie, des chantiers navals, des mines…, les usines du secteur de l’automobile sont restées, à côté du secteur public, les plus grandes concentrations prolétariennes d’un prolétariat industriel espagnol passablement affaibli.
Nous présentons d’abord quelques traductions de documents issus directement de cette lutte et votés par l’Assemblée générale (AG) des travailleurs d’AFEMA.
Nous, travailleurs d’AFEMA, sommes entrés en lutte pour défendre nos conditions de vie et pour des services gratuits et de qualité.
Nous savons que cette situation est un problème général de toute la classe ouvrière qui voit tous les jours ses conditions de vie attaquées. Nous pensons que la seule solution se trouve dans l’union et l’extension de nos luttes pour n’en faire qu’un combat. C’est pourquoi nous convoquons une assemblée générale de travailleurs.
Nous proposons l’ordre du jour suivant, tout en restant ouverts à vos propositions :
– présentation et mise en commun des situations particulières de chaque entreprise ou de chaque camarade ;
– analyse de la situation générale ;
– propositions d’actions conjointes et solidaires ;
– permanence de l’assemblée en tant qu’espace de rencontre entre travailleurs ;
– etc.
Nous vous attendons tous
le jeudi 27 novembre à 18 h 30
au Centre Loyola
Cette assemblée est ouverte, nous vous invitons à l’étendre à tous les travailleurs et camarades.
Plate-forme des travailleurs
des services socio-sanitaires
Les administrations attaquent les droits
des usagers et des travailleurs de la santé mentale
Les usagers (des personnes malades mentales et leurs familles) et les travailleurs d’AFEMA vivent aussi la crise. A cause de la désastreuse gestion de la santé mentale par les pouvoirs publics pendant des années, notre situation est aujourd’hui franchement difficile.
Comme d’autres associations, AFEMA est une ONG qui gère des services et des centres subventionnés publiquement. Il s’agit de services destinés à des personnes handicapées. Les administrations n’ont jamais beaucoup payé, elles l’ont fait tard et mal, mais aujourd’hui la situation est devenue scandaleuse.
Les retards de paiement et l’absence de subventions mettent en danger de disparition les ressources, qui étaient déjà rares, allouées à ces personnes, comme ils mettent les travailleurs en danger de perdre leur emploi, nous sommes déjà souvent en difficulté pour toucher régulièrement nos salaires, avec tous les problèmes que cela entraîne.
Nous avons donc décidé de nous mobiliser. Nous ne pensons pas que cette lutte soit exclusivement la nôtre. Notre situation est le produit de la situation de crise et de faillite générale au niveau international, ainsi que de la mauvaise gestion des administrations publiques en particulier, faisant partie de l’attaque générale contre les conditions de vie des travailleurs et de la population en général.
C’est pour cela que nous pensons que notre lutte est celle de tous :
– à cause du danger de disparition des services sociaux-sanitaires nécessaires à la population ;
– à cause des attaques à répétition contre les conditions de vie des travailleurs.
Les usagers sans ressources, les travailleurs sans salaires !
Les usagers et les travailleurs d’AFEMA
en lutte pour un service gratuit de qualité !
Les Administrations ne paient plus et négligent les services de santé.
Les usagers et leurs familles sont en danger de se retrouver sans ressources.
Nous, les travailleurs, ne touchons plus de salaire
et risquons de perdre nos emplois.
Pour un service gratuit de qualité pour les personnes malades mentales.
Pour les droits des travailleurs et des usagers de la santé mentale.
Soutenez les mobilisations !
Mercredi 19 à 19 heures :
Réunion d’information ouverte aux membres, aux familles, aux amis, aux travailleurs, aux professionnels… salle du Centre Loyola.
Vendredi 21 à 11 heures :
Manifestation de protestation face à l’immeuble du PROP de la Rambla (Alicante).
Vendredi 28
Manifestation à Valence (à confirmer)
Association des familles et des malades mentaux d’Alicante
Plate-forme des travailleurs des services sociaux-sanitaires
Nous sommes tous conscients de ce qui est en train de nous “tomber dessus” : la crise s’accélère et les licenciements, le chômage, les baisses de salaire, etc., se multiplient, démontrant que le capitalisme et ses divers gouvernements, quelle que soit leur couleur, n’ont qu’une réponse face à la crise : le déchaînement d’attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière et de toute la population laborieuse.
L’inquiétude se répand, l’envie de se battre, la prise de conscience se développent dans des secteurs croissants de la classe ouvrière. Cela ne se concrétise pas encore dans une lutte massive ou des mouvements généralisés. En partie parce que les travailleurs n’ont pas encore atteint un niveau suffisant de puissance, en partie parce que la bourgeoisie, à travers ses appareils syndicaux et politiques, occupe tout le terrain et parvient à dévoyer, diviser et désorganiser la moindre possibilité de riposte des travailleurs.
C’est dans ce contexte qu’a surgi la lutte des travailleurs sociaux-sanitaires de AFEMA (Alicante) qui, quelle que soit l’évolution de sa dynamique, constitue d’ores et déjà un exemple pour la lutte des autres travailleurs.
Les camarades se sont unis solidairement avec les familles affectées par les impayés et autres manœuvres douteuses du gouvernement autonome. Ils n’ont pas lutté chacun dans leur coin, enfermés dans le cadre étroit du corporatisme, mais ont su reconnaître leur intérêt commun et se rassembler dans une même lutte.
Les camarades ne conçoivent pas leur lutte comme une affaire particulière et spécifique à “leur secteur”, mais la considèrent comme faisant partie de la lutte générale de tous les travailleurs. La crise s’abat sur nous tous sans distinction. Aucun travailleur ne se sent à l’abri. La crise est générale, aussi la lutte des ouvriers doit être générale.
Les camarades se sont organisés en assemblées générales ouvertes à qui veut y contribuer et apporter ses propres problèmes. Ils ont ainsi renoué avec la pratique des luttes ouvrières du passé mais aussi de luttes plus récentes comme celles de Vigo en 2006, lorsque les travailleurs du métal en lutte la prirent en mains et organisèrent immédiatement des assemblées générales ouvertes aux autres travailleurs et à toute la population (1).
Plus important même, ils ont décidé d’organiser une assemblée générale ouverte à tous pour discuter des problèmes de tous et voir comment pouvoir agir ensemble. Cet exemple peut inspirer les travailleurs de Barcelone victimes en ce moment de 400 plans de restructuration (et qui ont appelé à une manifestation le 29 novembre). Il faudra lutter pour une assemblée générale commune, même si cette proposition s’opposera à une réaction générale de ces faux amis des travailleurs que sont tous les syndicats.
1) Lire notre article “Grève de la métallurgie à Vigo en Espagne : Une avancée dans la lutte prolétarienne [8]”.
Les horribles attentats de Bombay, dans un hôpital, dans un café et des hôtels pour touristes, dans un centre juif, dans la salle d’attente de la gare principale, ont déjà été désignés comme le “11 septembre indien”.
Alors que les Etats-Unis se sont servis des atrocités du 11 septembre 2001 pour justifier le déchaînement de leur barbarie militaire en Afghanistan et en Irak, cette comparaison a un sens précis : elle contient la menace implicite que le statut de “victime” de l’Inde sera utilisé pour justifier un renforcement de sa militarisation, voire une reprise du conflit, contre le Pakistan. Non seulement les Etats-Unis avaient déjà averti l’Inde de la possibilité d’attentats, mais les services secrets indiens avaient, à de nombreuses occasions, été informés de la possibilité même d’attaques sur Bombay. De là, on peut déduire l’hypothèse vraisemblable que l’Etat indien ait laissé se perpétrer ces attentats afin de justifier une politique plus agressive envers le Pakistan – ce qui est aussi comparable à la politique de l’Etat américain en septembre 2001.
D’un autre côté, s’il cherche des prétextes pour faire la guerre, l’Etat indien peut déjà mettre en avant nombre d‘attentats contre d’autres villes indiennes au cours de ces six derniers mois, notamment à New-Delhi, Jaipur, Bangalore, Ahmedabad et Guwahati, et, rien que pour cette année, on dénombre plus de 400 morts dans de tels attentats. Le terrorisme à Bombay n’est donc pas la seule expression, même si elle est la plus dramatique, du conflit permanent entre l’Inde et le Pakistan qui perdure, sous une forme ou une autre, depuis l’indépendance de l’Inde.
En particulier, l’Inde et le Pakistan se sont battus pour le contrôle du Cachemire en 1947, 1965, 1971 et, à nouveau, à travers les attaques aériennes indiennes contre les combattants musulmans en mai 1999. Après ce dernier conflit, des incidents continuels ont émaillé ces dernières années, comme l’attaque sur le parlement indien en décembre 2001 dans lequel 14 personnes ont trouvé la mort. Cet attentat avait conduit en 2002 ces deux puissances nucléaires au bord de la guerre totale avec la mobilisation aux frontières des forces armées qui se faisaient face.
Le conflit n’a pas seulement impliqué les forces armées “officielles” des deux pays mais aussi les groupes terroristes, le plus souvent mis sur pied en sous-main par leurs services secrets respectifs. En particulier, l’ISI (services secrets pakistanais) contrôle et dirige les groupes Lashkar-e-Taiba et Jaish-e-Mohammed et leurs interventions au Cachemire. Bien que l’Etat pakistanais ait formellement mis hors-la-loi ces groupes en 2002 , ils agissent toujours avec le consentement et l’appui d’importantes fractions de la classe dominante pakistanaise. Il n’est pas surprenant que l’Etat indien (comme les médias du monde entier) ait accusé ces groupes d’être responsables des attentats de Bombay. Quels qu’ils soient, ils ont agi dans la même tradition de brutalité et de barbarie qui caractérise et jalonne la longue histoire de ce conflit.
Les Etats-Unis ne se sont pas désintéressés des événements. Une des priorités en politique étrangère de Barack Obama (en continuité avec Bush, et le secrétaire d’Etat à la défense Gates, qu’a conservé Obama) est l’offensive contre les forces combattantes en Afghanistan qui sont basées au Pakistan. Ayant besoin de l’aide du Pakistan dans la “guerre contre le terrorisme”, Washington ne veut pas que les forces pakistanaises abandonnent leurs positions actuelles pour se déplacer aux frontières du Cachemire, ce qui aurait pour conséquence d’empirer les relations entre l’Inde et le Pakistan et de miner la stratégie américaine dans la région. Il est également difficile pour les Etats-Unis de retenir l’Inde, car la bourgeoisie indienne peut s’empresser de souligner que les Etats-Unis eux-mêmes sont en train de s’enfoncer dans un bourbier par rapport à leurs offensives contre Al-Qaida ou les talibans.
La bourgeoisie indienne elle-même semble divisée. Certains commentateurs ont suggéré que l’Inde ne devrait pas attaquer le Pakistan car la priorité serait de renforcer la position de l’armée au sein d’un Etat pakistanais très fragile, et qu’il y a au moins des possibilités de dialogue avec les dirigeants pakistanais dans la configuration actuelle. Certains autres ont insisté sur le fait que le conflit total était, tôt ou tard, inévitable et que la situation actuelle se trouvait déjà hors du contrôle des politiciens indiens et pakistanais.
Une chose est certaine, c’est le danger inhérent à la situation présente. Les deux Etats possèdent l’arme nucléaire. Les deux ont des forces armées qui sont déjà mobilisées, et pas seulement au Cachemire : l’armée pakistanaise livre déjà des combats au nord-ouest du pays et au Baloutchistan, et l’Inde au Nagaland et dans certains Etats contre l’insurrection naxalite (1). Plus important, les deux pays ont des liens avec des impérialistes plus puissants : l’Inde développe une alliance avec les Etats-Unis et le Pakistan une entente anti-indienne de longue date avec la Chine.
Peut-être qu’au stade actuel, l’Inde et le Pakistan, avec les efforts intéressés des Etats-Unis embusqués en arrière-plan pour brider le chaos, seront encore capables de contenir leur impulsion vers le conflit armé ouvert, mais l’orientation vers la guerre des rivalités inter-impérialistes reste fondamentale dans le capitalisme et, en ce sens, menace potentiellement de convulsions une des régions les plus peuplées du monde. Si les attentats de Bombay ont été effroyablement meurtriers, les massacres que le capitalisme nous réserve lorsqu’il lâche la bonde de son arsenal de destruction planétaire confirme qu’il est un système d’organisation sociale qui n’a plus que l’anéantissement à offrir à l’humanité.
Car (5 décembre)
1) Le naxalisme est le nom donné à un mouvement composé de plusieurs groupes armés en activité dans quinze États de l’Inde. Les naxalites, influencés par le maoïsme, cherchent à “organiser les paysans pour provoquer une réforme agraire par des moyens radicaux y compris la violence”. Le terme “naxal” dérive de Naxalbari, un village situé dans le district de Darjeeling au nord du Bengale occidental d’où le mouvement est issu (source : Wikipedia).
A l’occasion de l’anniversaire de l’assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht le 15 janvier 1919, commandité par le Parti socialiste d’Allemagne (SPD), nous republions ci-dessous un article publié pour la première fois en 1946 dans l’Etincelle, journal de la Gauche communiste de France, qui est l’organisation à laquelle le CCI se rattache politiquement. En 1989, au moment de l’effondrement des régimes staliniens, les partis de droite et mêmes “socialistes” ont célébré la “mort du communisme” et la “victoire définitive” du capitalisme libéral et démocratique : il s’agissait de démoraliser la classe ouvrière, de la détourner de toute aspiration vers une autre société, de paralyser sa combativité. Aujourd’hui, alors que le “grand vainqueur” du prétendu “communisme” révèle toujours plus l’ampleur de sa faillite économique, que le prolétariat retrouve un peu partout le chemin de sa perspective historique, les partis de gauche, “socialistes”, “communistes” et gauchistes, s’apprêtent une nouvelle fois à utiliser les noms des “trois L” (Lénine, Liebknecht, Luxemburg) pour détourner les prolétaires du combat auquel ces grandes figures du mouvement ouvrier ont consacré et donné leur vie (et notamment contre la boucherie impérialiste de 1914-1918). A l’époque, la vérité sur les “trois L” était un moyen de résister à la terrible contre-révolution qui pesait sur le prolétariat. Aujourd’hui, c’est un instrument du combat de cette classe pour déjouer les pièges que la bourgeoisie ne se privera pas de semer sur le chemin de sa perspective révolutionnaire. C’est pour cela que cet article garde aujourd’hui toute son actualité.
« Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de ‘consoler’ les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire” (Lénine, l’État et le Révolution).
Évoquer ces trois figures, leur vie, leur œuvre, leur lutte, c’est évoquer l’histoire et l’expérience de la lutte internationale du prolétariat durant le premier quart du xxe siècle. Jamais vies d’hommes furent moins privées, moins personnelles, plus entièrement liées à la cause de l’émancipation révolutionnaire de la classe des opprimés, que les vies de ces trois figures des plus nobles du mouvement ouvrier.
Plus que toute autre classe dans l’histoire, le prolétariat est riche en belles figures révolutionnaires, en militants dévoués, en lutteurs infatigables, en martyrs, en penseurs et hommes d’action. Cela est dû au fait que, contrairement aux autres classes révolutionnaires dans l’histoire, qui ne luttaient contre les classes réactionnaires que pour substituer leur propre domination et l’asservissement de la société à leurs propres intérêts égoïstes de classe privilégiée, le prolétariat, lui, n’a pas de privilèges à conquérir. Son émancipation est l’émancipation de tous les opprimés et de toutes les oppressions, sa mission est celle de la libération de l’humanité entière, de toutes les inégalités et injustices sociales, de toute exploitation de l’homme par l’homme, de toutes les servitudes : économique, politique et sociale.
C’est en détruisant révolutionnairement la société capitaliste et son État, en construisant la société socialiste sans classes, que le prolétariat, remplissant sa mission historique, ouvrira une nouvelle ère de l’histoire humaine, l’ère de la véritable liberté et de l’épanouissement de toutes les facultés de l’homme. Aussi, dans la période de déclin du capitalisme, seul le prolétariat et sa lutte émancipatrice offrent un terrain historique où s’exprime tout ce qu’il y a de progressif dans la pensée, dans les aspirations, dans l’idéal et dans tous les domaines de l’activité humaine. C’est dans cette lutte libératrice du prolétariat que l’histoire a placé la source vivifiante des plus hautes qualités morales humaines : désintéressement, abnégation, dévouement absolu à la cause collective, courage. Mais on peut affirmer, sans crainte de tomber dans l’idolâtrie, qu’à ce jour, hormis peut-être les fondateurs du socialisme scientifique, le prolétariat n’a pas trouvé de meilleurs représentants, de guides plus grands, de figures plus nobles, pour symboliser son idéal et sa lutte, que ceux de Lénine, Luxembourg et Liebknecht.
Le prolétariat n’a ni dieux, ni idoles. L’idolâtrie est le propre d’un état arriéré et primitif des hommes. C’est aussi une arme pour la conservation des classes réactionnaires, pour l’abrutissement des masses. Rien n’est plus funeste à la lutte révolutionnaire du prolétariat que la tendance qu’on essaie de lui imprimer au fétichisme et à l’idolâtrie.
Le prolétariat, pour vaincre, a besoin d’une conscience toujours plus grande, plus aiguë, de la réalité et de son devenir. Ce n’est pas dans une mystique, aussi noble que soit la cause, qu’il peut puiser la force de marcher en avant et accomplir sa mission révolutionnaire, mais uniquement dans une conscience critique extraite de l’étude scientifique et de l’expérience vivante de ses luttes passées. La commémoration de la mort de Lénine, Luxemburg et Liebknecht, ne peut jamais être pour les révolutionnaires un acte religieux.
Le prolétariat, pour poursuivre sa lutte, a sans cesse besoin d’étudier son propre passé afin d’assimiler l’expérience, d’en prendre conscience, de s’appuyer sur l’acquis historique et aussi pour dépasser les erreurs inévitables, corriger par la critique les fautes commises, renforcer ses positions politiques par la prise de conscience des insuffisances et lacunes en complétant son programme, et enfin pour résoudre les problèmes dont la solution est restée inachevée hier.
Pour les marxistes révolutionnaires qui répugnent à l’idolâtrie et au dogmatisme religieux, commémorer les “trois L”, c’est puiser dans leur œuvre et dans leur vie, leur expérience, les éléments pour la continuité de la lutte et l’enrichissement du programme de la révolution socialiste. Cette tâche est à la base de l’existence et de l’activité des fractions de la Gauche communiste internationale.
Il n’y a pas d’exemple plus révoltant de déformation, de falsification plus éhontée d’une œuvre d’un révolutionnaire, que celui que la bourgeoisie a fait de l'œuvre de Lénine. Après l’avoir pourchassé, calomnié, poursuivi d’une haine implacable durant toute sa vie, la bourgeoisie mondiale, pour mieux duper le prolétariat, a fabriqué un faux Lénine à son usage.
On se sert de son cadavre pour rendre inoffensifs son enseignement et son œuvre. On se sert de Lénine mort pour tuer le Lénine vivant.
Le stalinisme, meilleur agent du capitalisme mondial, s’est servi du nom de ce chef de la Révolution d’Octobre pour accomplir la contre-révolution capitaliste en Russie. C’est en citant Lénine qu’ils ont massacré tous ses compagnons de lutte. Pour entraîner les ouvriers russes et du monde dans le massacre impérialiste, ils présentent un Lénine, “héros national russe”, partisan de la “défense nationale”.
L’action de Lénine, qui fut un ennemi acharné de chaque instant du capitalisme russe et mondial et de tous les renégats passés au service du capitalisme, ne peut être retracée dans le cadre d’un article. Son œuvre trouve sa plus haute expression dans les trois points suivants qui se situent à l’aube, à la maturité et à la fin de sa vie.
C’est d’abord la notion du parti qu’il donne en 1902 dans Que faire ?.
Sans parti politique révolutionnaire, enseigne-t-il, le prolétariat ne peut ni faire la révolution, ni prendre conscience de la nécessité de la révolution. Le parti, c’est le laboratoire où se fait la fermentation idéologique de la classe. “Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire”. Construire, cimenter le Parti de la révolution sera le fond de toute son œuvre. Octobre 1917 apportera la confirmation historique de la justesse de ce principe. C’est grâce à l’existence de ce parti révolutionnaire que fut le Parti bolchevik de Lénine que le prolétariat russe a pu sortir victorieux en Octobre.
C’est ensuite la position de classe contre la guerre impérialiste en 1914. Non seulement le prolétariat repousse toute défense nationale en régime capitaliste, mais il doit œuvrer, par ses luttes de classe, à la défaite de sa propre bourgeoisie, pour le défaitisme révolutionnaire, oeuvrer par la lutte de classe révolutionnaire, par la fraternisation des soldats des deux côtés des frontières impérialistes, à la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, pour la révolution socialiste.
Lénine dénoncera tous les faux socialistes qui ont trahi le prolétariat pour se mettre au service de leur bourgeoisie ; il dénoncera violemment les gens qui, tout en se disant du bout des lèvres contre la guerre, hésitent à rompre avec les traîtres et les renégats. Il proclamera la nécessité de la formation d’une nouvelle Internationale et des nouveaux partis, où les traîtres et les opportunistes n’auront pas droit de cité. Enfin, il démontrera que l’époque impérialiste est la dernière période du capitalisme, la période des guerres impérialistes, et que seul le prolétariat, par la révolution, peut y mettre fin. Cette thèse de Lénine a été confirmée par l’éclatement de la révolution en Russie et ensuite en Allemagne, qui a mis fin à la Première Guerre mondiale. Elle s’est à nouveau confirmée d’une façon tragique, quand les défaites de la révolution et l’écrasement physique et idéologique du prolétariat ont posé la condition de la reprise de la guerre impérialiste mondiale que fut la guerre de 1939-45. Enfin, Lénine a démontré en 1917, dans la pratique, que la transformation de la société ne peut se faire par la voie pacifique de réformes, mais nécessite la destruction violente, et de fond en comble, de l'État capitaliste et l’instauration de la dictature du prolétariat contre la classe capitaliste.
La victoire de la Révolution d’Octobre, la construction de l’Internationale communiste, parti de la révolution mondiale, les thèses fondamentales de l’Internationale communiste sont le couronnement de l'œuvre de Lénine et le point culminant, la position la plus avancée atteinte par le prolétariat dans la période précédente.
La mort de Lénine coïncide avec le reflux de la révolution et les défaites du prolétariat. Dans cette période de recul, l’absence de Lénine a pesé lourdement sur le mouvement révolutionnaire. L'œuvre si riche de Lénine n’est pas exempte d’erreurs et de lacunes. C’est aux révolutionnaires aujourd’hui qu’il appartient de corriger et de dépasser les erreurs historiques du prolétariat. Mais Lénine, par son œuvre et son action, a fait faire un pas de géant et décisif sur le chemin de la révolution et restera, à ce titre, un guide immortel du prolétariat.
L’œuvre de Rosa Luxemburg est encore, aujourd’hui, profondément ignorée, non seulement des larges masses, mais même des militants avertis.
L’apport de Rosa dans la théorie marxiste fait d’elle l’élève et la continuatrice la plus brillante et la plus profonde de Karl Marx.
Son analyse de l’évolution de l’économie capitaliste donne la seule explication scientifique de la crise ultime et permanente du capitalisme. Il est impossible d’aborder sérieusement l’étude de notre époque de l’impérialisme, de l’inéluctabilité de la crise économique et des guerres impérialistes, sans se baser sur l’analyse pénétrante de Rosa. En donnant une solution scientifique aux problèmes de la reproduction élargie et de l’accumulation du capital qui se trouvaient inachevés chez Marx, Rosa a dégagé le socialisme d’une impasse pour le placer dans sa nécessité objective.
Mais Rosa Luxemburg ne fut pas seulement une grande théoricienne et une économiste érudite, elle fut avant tout une combattante révolutionnaire.
Chef de file incontestée de la gauche de la social-démocratie allemande, elle a, de bonne heure, dénoncé l’enlisement opportuniste de la IIe Internationale. A la tête de la gauche, avec son compagnon d’armes Karl Liebknecht, elle romp, durant la guerre de 1914-18, avec la social-démocratie de trahison au service de la bourgeoisie et de Guillaume II.
Des années de prison pour son action contre la guerre n’ont pas calmé son ardeur. Sortie de prison, elle organise le Spartakusbund et engage la lutte pour la révolution socialiste en Allemagne. Sur bien des points, l’histoire a confirmé la justesse des positions de Rosa en opposition avec Lénine, et notamment sur la question nationale et coloniale, où Rosa dénonçait l’erreur de la position de la libération nationale et du “droit des peuples à disposer d’eux-mêmes” qui, étant d’essence bourgeoise et historiquement réactionnaires, ne peuvent que détourner le prolétariat des petits pays opprimés de son terrain de classe et renforcer de ce fait le capitalisme international.
Les événements dans les pays baltes, la révolution nationale turque, comme toute une série de révolutions “nationales”, et la Chine en 1927, devaient expérimentalement donner une confirmation tragique aux avertissements de Rosa.
Les nouveaux partis que le prolétariat doit construire aujourd’hui ne peuvent présenter un pas en avant qu’en reprenant la thèse fondamentale de Rosa sur la question nationale, et en l’approfondissant. Certaines autres critiques, et certains avertissements de Rosa à la Révolution russe, concernant la liberté et la violence dans la révolution, doivent servir de matériaux, conjointement avec l’expérience ultérieure de la Russie, à l’établissement du nouveau programme des partis de classe.
Karl Liebknecht est l’autre grande figure de la révolution allemande de 1919. Député au Reichstag, il rompt la discipline du groupe parlementaire et prononce du haut de la tribune du Parlement le réquisitoire contre la guerre impérialiste.
“L’ennemi est dans notre propre pays”, proclamera sans cesse Liebknecht, et il appellera les ouvriers et les soldats à la fraternisation et à la révolte. Son souffle ardent galvanisera les énergies révolutionnaires, et la révolution en 1918 le trouvera avec Rosa Luxemburg à la tête des masses prolétariennes, à l’extrême pointe de la bataille.
En assassinant Karl et Rosa, en momifiant Lénine, la bourgeoisie n’a pu que retarder son propre anéantissement.
La social-démocratie allemande, pour sauver le capitalisme de la menace de la révolution, déchaînera la plus sanglante répression contre le prolétariat. Mais le massacre de dizaines de milliers de prolétaires ne lui suffira pas. Tant que Rosa et Liebknecht sont en vie, elle ne se sentira pas rassurée. Aussi c’est eux qu’elle cherche, qu’elle vise et qu’elle finit par atteindre, en les faisant assassiner par sa police, lors d’un transfert de prison. Hitler n’avait rien inventé ; Noske, ministre socialiste et chien sanglant de la bourgeoisie, lui a donné la première leçon et lui a ouvert la voie, tout comme Staline lui a appris la manière de transformer des millions d’ouvriers et paysans en prisonniers politiques, ainsi que le massacre en masse des révolutionnaires.
L’assassinat de Rosa et de Karl devait décapiter la révolution allemande et la révolution mondiale pour des années. L’absence de ces chefs fut un handicap terrible pour le mouvement ouvrier international et l’Internationale communiste.
Mais le capitalisme peut assassiner les dirigeants de la révolution, il peut momentanément fêter sa victoire sur le prolétariat en le jetant dans des guerres impérialistes nouvelles. Il ne peut toutefois résoudre les contradictions de son régime qui le précipitent dans les gouffres de la destruction généralisée.
Lénine, Karl et Rosa sont morts, mais leur enseignement reste vivant. Ils restent le symbole de la lutte à mort contre le capitalisme et la guerre, par la seule voie qui s’offre à l’humanité, par la révolution prolétarienne.
C’est en suivant leur trace, en continuant leur œuvre, en s’inspirant de leur exemple et de leur enseignement, que le prolétariat international fera triompher la cause pour laquelle ils sont tombés : la cause du prolétariat et du socialisme.
L'Étincelle
(janvier-février 1946)
“Ce sont les plus grandes manifestations de salariés depuis une vingtaine d’années”, a déclaré triomphalement le secrétaire général de la CFDT, Chérèque, en évoquant les quelque 200 cortèges organisés le 29 janvier dernier en France, à l’appel de huit centrales syndicales. De fait, cette journée de grève (avec un taux de grévistes allant souvent de 35 à 60 % dans certains secteurs, notamment, dans l’éducation nationale) et de manifestations ont mis dans la rue en France entre 1 million (selon la préfecture de police) et 2,5 millions de personnes (selon le syndicat CGT). Une fois de plus, la réalité se situe vraisemblablement entre les deux.
Cette mobilisation importante a démontré clairement l’accumulation d’un ras-le-bol, d’une exaspération, d’une colère face à la détérioration générale des conditions de vie et de travail. Elle est le révélateur d’une inquiétude profonde face à la crise et à l’avenir que réserve le capitalisme. Elle démontrait aussi une réelle combativité. Cela faisait très longtemps que salariés du secteur public et du secteur privé ne s’étaient pas retrouvés ensemble sur le pavé ; de plus, toutes les générations ouvrières étaient présentes : lycéens, étudiants, salariés, retraités. Dans le secteur privé surtout, beaucoup déclaraient participer à une manifestation pour la première fois. Y compris dans des professions jusqu’ici qualifiées de “représentantes des classes moyennes” par les médias telles que des ingénieurs, des informaticiens, des cadres commerciaux, des employés de banque… Tous se sentent attaqués de la même façon au niveau de la baisse du pouvoir d’achat, de la précarité de l’emploi, des conditions de travail de plus en plus insupportables, de l’inquiétude par rapport à l’avenir de leurs enfants ; tous sont en train de ressentir dans leur chair la faillite ouverte du capitalisme. On pourrait s’étonner que l’ensemble des syndicats, professionnels du sabotage et de la division des luttes depuis des lustres aient appelé ensemble à un tel rassemblement unitaire. Cela n’a pourtant rien de mystérieux : ils ne pouvaient pas faire autrement que de prendre les devants de la montée grandissante de la colère sociale pour occuper le terrain sous peine de se discréditer et de se déconsidérer totalement aux yeux des salariés. Cela fait des mois que la crise s’aggrave, que la grogne sociale s’exprime et qu’elle s’accentue de jour en jour sans que la gauche et les syndicats ne lèvent le petit doigt. S’ils le font aujourd’hui, c’est qu’ils sont poussés par la nécessité. Comme l’exprimait un article du Monde daté du 25 novembre , “Hôpitaux, universités, école, justice : les foyers de tension sont nombreux. Attisés à la fois par la crise économique qui bouche l’horizon et par la montée d’un anti-sarkozysme qui se nourrit de toutes sortes d’ingrédients (…) Les syndicats en sont conscients. Ils vont tenter de canaliser le mécontentement au cours d’une journée d’action le 29 janvier.” Un article de Marianne du 24 janvier, intitulé “Ca sent la poudre”, allait dans le même sens en rapportant les propos d’un conseiller de l’Elysée constatant que “les centrales syndicales ont bordé l’événement : “c’est une seule journée, n’est ce pas ? Une vraie grève, c’est quand on ne sait pas comment ça s’arrête”. Mais le chroniqueur de Marianne, plus lucide ajoutait : “Le matin du 30 janvier, veut-on se persuader, les trains et les métros circuleront de nouveau, les salariés reprendront le chemin du boulot, les lycéens celui de leurs cours, et la vie reprendra son chemin, comme si de rien n’était. Mais en matière sociale, il est difficile de déterminer d’où vient le coup de grisou…” “Canaliser le mécontentement”, “border le terrain social”, c’est précisément le boulot pour lequel la bourgeoisie finance les syndicats, et c’est ce qu’ils ont fait pour pouvoir poursuivre leur sabotage des luttes dans le futur. Alors qu’il y avait déjà une multitude de grèves avant cette journée de manifestation, elles ont continué dans certaines entreprises “comme si de rien n’était”, revenant à leur cloisonnement et à leur isolement initiaux entretenus par les syndicats (Faurecia, Renault Sandouville, et toutes les usines où ont été annoncés des plans de licenciements ou des fermetures de sites).
Ainsi, cette journée a permis aux syndicats de tenter de redorer leur blason à peu de frais, son succès étant présenté par les médias comme le produit de l’unité syndicale. Sachant que leur journée d’action était populaire auprès de plus de 70 % des sondés, ils se sont gardés de paralyser totalement les transports notamment en région parisienne (même si le RER ne circulait pratiquement pas et si dans certaines villes comme Marseille, le métro ne fonctionnait pas) pour ne pas la rendre impopulaire tout en saucissonnant comme d’habitude les cortèges par syndicats, par entreprises et par corporations.
Cette journée d’action n’a permis qu’une chose : laisser échapper un peu de vapeur pour empêcher la cocotte-minute sociale d’exploser de façon incontrôlée. Et pour cela, les syndicats avaient un défouloir tout trouvé faisant l’unanimité : l’anti-sarkozysme. Le slogan le plus populaire dans les manifs étant cette invective : “casse-toi, pauv’con !” Et cela a permis aussi aux ténors du PS, de reprendre place dans les cortèges de manifestants.
Le succès syndical du 29 janvier n’est pourtant qu’un gigantesque trompe-l’œil. L’ampleur de cette mobilisation dans une période où il est devenu plus difficile et plus coûteux de se mobiliser est non seulement révélateur d’un malaise profond mais d’une maturation réelle. A la télévision, un manifestant à Clermont-Ferrand déclarait “Le système a atteint ses limites”, et les nombreuses discussions au cours de ces manifestations qu’ont pu avoir les militants du CCI ont démontré l’existence d’une soif de discussion et qu’une réflexion en profondeur sur l’impasse du capitalisme est à l’œuvre au sein de la classe ouvrière.
Wim (30 janvier)
Après
le fragile cessez-le-feu décrété le 18 janvier, le bilan, qui ne
cesse de s’alourdir, de trois semaines de combats entre l’armée
israélienne et le Hamas (1),
de bombardements et de raids aériens est terrible. Environ
1300 Palestiniens sont morts, dont les deux tiers sont des
civils, et près de 4400 blessés sont pour la plupart
handicapés à vie. Les femmes et les enfants forment 43 % des
victimes. Les infrastructures, les terres cultivées, les maisons et
les bâtiments collectifs ont été entièrement détruits, laissant
la population survivante dans un état de dénuement bien pire encore
que celui déjà catastrophique qui existait avant ce nouvel épisode
sanglant du conflit israélo-palestinien. Pour donner une idée du
déluge de fer et de feu qui s’est abattu, plus d’un million de
tonnes de bombes et d’explosifs (2)
a été déversé sur les 360 km² de la bande de Gaza, soit environ
5 kg de bombes au m².
Dans cette opération “Plomb durci”
contre le Hamas, 2400 maisons d’habitation ont été rasées et,
dans leur rage destructrice, les Forces d’occupation israéliennes
ont attaqué quasi-systématiquement les ambulances et les véhicules
des services de secours. Des centaines d’ateliers et de commerces
ont été détruits, ainsi que deux immeubles abritant les misérables
soins médicaux auxquels peuvent avoir accès les habitants de Gaza.
Bien sûr, toutes les grandes puissances, qu’elles soutiennent Israël de façon inconditionnelle comme les États-Unis, ou en faisant des ronds de jambe comme la France, n’ont cessé et ne cessent “d’espérer” une issue “pacifique” au conflit et accourent aujourd’hui pour “venir en aide” à la population. George Mitchell. Le “monsieur Moyen-Orient” désigné par Obama affirmait à Jérusalem après avoir rencontré la veille en Cisjordanie le président palestinien Mahmoud Abbas, l’engagement de la nouvelle administration américaine “à rechercher activement et résolument une paix durable entre Israël et les Palestiniens ainsi qu’entre Israël et ses autres voisins arabes”. Et, pour montrer toute sa bonne volonté, Washington débloquait 20 millions de dollars pour financer l’aide humanitaire d’urgence dans la bande de Gaza, tandis qu’Obama exprimait tout récemment “sa profonde préoccupation sur les récentes pertes de vies humaines et souffrances substantielles à Gaza”. Belle hypocrisie de la part de ce nouveau président qui, malgré ses multiples critiques et contre-propositions sur la politique économique et guerrière de Bush et en Irak, avait gardé jusque-là une neutralité bienveillante vis-à-vis du soutien américain à l’attaque israélienne, parce qu’il n’y avait comme par hasard sur ce dossier qu’un “seul président” qui devait s’exprimer.
De son côté, l’ONU, qui s’est avérée d’une impuissance toujours drapée de sa dignité “diplomatique”, a “lancé un appel” le 29 janvier visant à collecter 613 millions de dollars pour aider les habitants de Gaza “à se remettre” de trois semaines de bombardements israéliens.
Quant à l’Union européenne, qui avait suspendu son aide lors de l’élection du Hamas en 2007 mais dorénavant plus divisée que jamais sur les questions palestinienne et du Hamas, elle s’est contentée d’appeler Israël à faciliter l’accès des convois humanitaires vers la bande de Gaza et demandé que le délai d’accès au territoire pour les travailleurs humanitaires soit réduit de 5 à 2 jours.
Carrefour de l’Orient et de l’Occident, le Moyen-Orient n’a cessé depuis des siècles d’être l’enjeu de puissances dominantes. Ce n’est pas dans le cadre d’un tel article que nous pourrons résumer cette histoire d’une région tiraillée en tous sens par les appétits des unes et des autres. Cependant, c’est avec l’effondrement de l’Empire ottoman durant et suite à la Première Guerre mondiale que cette région devient le théâtre d’affrontements sans cesse plus violents, sans cesse plus meurtriers. Et tout “l’honneur” en revient aux grandes puissances victorieuses de ce premier holocauste et en particulier à la Grande-Bretagne qui, avec la déclaration du ministre Balfour de 1916, déclarait ouverte la possibilité de création d’un État juif en Palestine, pour s’assurer le soutien des Juifs d’une Amérique qui devait entrer en guerre, tout en soutenant en sous-main les agitateurs et nationalistes palestiniens de tous bords. La politique hypocrite de la Grande-Bretagne a en l’occurrence fait de nombreux émules car, depuis l’entre-deux guerres et bien plus encore depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale puis avec l’apparition des blocs de l’Est et de l’Ouest, toutes les grandes puissances se sont servies des différentes fractions juives, arabes ou palestiniennes pour tenter de placer leurs propres pions dans la région.
La situation d’horreur permanente que connaît les habitants de Gaza, pris entre les feux des deux cliques du Hamas ou du Fatah, comme aussi ceux de Cisjordanie, même si c’est dans une moindre mesure pour le moment, est le résultat de cette politique des grandes puissances. Celles-ci, prenant en otage de leurs dissensions permanentes et grandissantes les populations palestiniennes et israéliennes, n’ont pas cessé de s’en servir comme d’une masse avec laquelle elles manœuvrent avec le pire cynisme, les contenant soigneusement dans la haine de “l’ennemi” juif ou arabe, exacerbant comme seuls les médias bourgeois savent le faire le fanatisme pro-palestinien mais aussi celui du nationalisme juif, et de faire de ces “fous de Dieu” d’un côté ou de l’autre des robots façonnés pour tuer.
Les derniers évènements sont une monstrueuse redite de la guerre que se livrent depuis plus de cinquante ans Israéliens et Palestiniens, mais aussi et surtout de la guerre sans fin que se mènent les bourgeoisies les plus puissantes du monde pour le contrôle de la région, avec en tête les États-Unis contre leurs nombreux rivaux, car les enjeux dépassent même ceux de Gaza et de la Cisjordanie. Washington a donc soutenu sans réserve l’attaque israélienne, d’abord parce que Tel-Aviv est son principal allié dans la région, l’un ayant besoin de l’autre. Mais aussi parce que les derniers évènements lui ont permis de revenir en force en tant que médiateur principal du problème israélo-palestinien. Il s’agit aussi d’évincer de la région les puissances européennes qui tentent de s’y immiscer, comme en particulier la France.
Mais ce ne sont pas que les ronds de jambe d’un Sarkozy, pourtant prêt à se prosterner pour la “bonne cause” devant le grand manitou américain, posant en grand faiseur de paix auprès de l’Egypte, qui ont été ridiculisés par la politique américaine, mais aussi l’ensemble des pays européens et arabes. L’Egypte elle-même, de façon générale interlocuteur privilégié des relations israélo-palestiniennes, a été totalement mise de côté et c’est entre Tsipi Livni et Obama que l’accord de cessez-le-feu a été gagné, sur l’engagement des États-Unis de sécuriser la frontière entre Israël et la bande de Gaza et du contrôle de la frontière entre le sud de la province et l'Égypte.
Exit l’Union européenne, exit l’ONU, exit le fameux et débile “quartet” qui prétend régir et intervenir dans la crise israélo-palestinienne, car il reviendra désormais à l’OTAN, et donc à l’Amérique, de revenir en tant que chef d’orchestre de la partition mortelle qui se joue dans les territoires palestiniens.
Avec ce cessez-le-feu, les États-Unis d’Obama n’ont nullement de soudaines intentions pacifistes et encore moins un intérêt quelconque pour la population palestinienne ; ils cherchent simplement à préserver un minimum de calme dans la région dans la perspective du retrait partiel de l’armée américaine en Irak. Il ne fait aucun doute qu’Obama n’aura aucun état d’âme à conclure des accords avec Nétanyahou, “l’extrémiste” raciste, pour faire valoir les intérêt américains quand cela sera nécessaire.
Quelle que soit leur couleur, les dirigeants capitalistes n’œuvrent jamais que pour les intérêts de leur classe, la bourgeoisie. Derrière les paroles hypocrites de paix et de prospérité à venir, la barbarie guerrière impérialiste et l’exploitation du prolétariat sont leurs seuls mode d’existence.
Mulan (30 janvier 2009)
1) Le Hamas est un peu pour Israël le Ben Laden des États-Unis ; car malgré l’opposition radicale à la reconnaissance de l’État d’Israël par le Hamas, on sait que ce dernier a été financé par le Mossad dans les années 1970 et 1980 afin d’affaiblir le Fatah de Yassez Arafat, alors que le mouvement s’appelait “Les Frères musulmans”, et qu’au moment de sa radicalisation anti-Israël à la fin des années 1980 et surtout dès 1993, il servait les intérêts de la clique Nétanyahou opposée aux accords d’Oslo et au Fatah ainsi qu’à la constitution d’un État palestinien.
2) On sait de plus par le témoignage de médecins norvégiens que les bombardements ont été l’occasion de tester des armes chimiques au phosphore, aux séquelles irréversibles, notamment sur les enfants.
Après l’agitation des lycéens et des étudiants de novembre-décembre 2008 en Italie, en Espagne, en Allemagne ou en France, après surtout le formidable mouvement social animé par des jeunes étudiants prolétarisés en Grèce (1), la Belgique, l’Islande, les pays baltes et la Bulgarie ont connu à leur tour, en janvier 2009, des mouvements sociaux. La bourgeoisie exprime d’ailleurs ouvertement la crainte que de tels mouvements, à mesure que la crise s’approfondit, ne gagnent l’Europe toute entière, tel le socialiste Laurent Fabius pour qui “ce que l’on voit en Grèce n’est pas du tout malheureusement hors du champ de ce qui peut arriver en France. Quand vous avez une telle dépression économique, une telle désespérance sociale, il suffit qu’il y ait une allumette qui se mette là-dedans et tout part.” Et de plus en plus, ces explosions sociales sporadiques ne se limitent pas aux jeunes générations mais gagnent peu à peu le cœur de la classe ouvrière.
Dans ce pays, tout au long du mois de janvier, de multiples grèves ont frappé le secteur des transports. En France, si la classe ouvrière n’en a pas entendu parlé c’est que le black-out médiatique a été presque total.
Pour protester contre un nouveau règlement sur les permutations de service, une grève sauvage a éclaté le 20 janvier à Bruxelles chez les chauffeurs de bus de la STIB. Lors de l’assemblée générale, les chauffeurs de bus ont exigé “une augmentation de salaire et une amélioration des conditions de travail”. Aucune organisation syndicale n’a reconnu le mouvement et la direction n’a donc pas voulu engager de négociations avec les grévistes. Ceux-ci ont quant à eux refusé dans un premier temps le dialogue avec les permanents syndicaux, permanents syndicaux qui ont discrètement organisé de soi-disant “assemblées générales” entre eux et les “délégués du personnel”. Par ces négociations secrètes, ils ont réussi à éteindre le mouvement en promettant une table ronde sur les salaires avec la direction… d’ici quelques semaines. Parallèlement, le 21, les chauffeurs de bus d’une autre compagnie ont arrêté le travail pendant 24 heures dans les dépôts de Jemeppe (Seraing) et de Robermont (Liège), après une agression au cocktail Molotov contre un chauffeur. Le 22 janvier, à la suite de deux autres agressions, une large majorité des chauffeurs du dépôt TEC de Mons-Bassin ont décidé de se mettre à leur tour en grève.
Depuis le début de l’hiver, c’est l’Islande (313 000 habitants) déclarée “en faillite” qui paie le plus durement la crise économique (2). Chaque jour, 200 personnes en moyenne perdent leur emploi et de plus en plus de gens sont confrontés à la menace de perdre aussi leur logement. Depuis plus de 2 mois, les mouvements de colère se manifestent avec des rassemblements hebdomadaires dans un parc de Reykjavík. Les premières protestations exigeaient que le gouvernement “brise le silence” concernant la situation économique réelle puis ont réclamé la démission du gouvernement et la tenue d’élections anticipées, sous la houlette de l’opposition parlementaire. Toutefois, cet encadrement et ces revendications purement “démocratiques” ont tendu à se fissurer et ont surgi des expressions plus “radicales”, mettant en cause la responsabilité du système capitaliste, notamment chez des éléments anarchistes. Jusque-là, le capitalisme semblait être un mot tabou parmi les manifestants. Fin octobre, les drapeaux de deux banques islandaises ont été brûlés. Le 8 novembre, lors d’une grande manifestation dans le centre de la capitale, exigeant une fois de plus la démission du gouvernement, un élément anarchiste est monté sur le toit du parlement, où il a accroché le drapeau de Bónus, le supermarché le moins cher de l’Islande. Ce drapeau jaune avec un cochon rose dessus a fait scander par les manifestants “Le gouvernement est un sale porc bon marché !” mais surtout une centaine de manifestants ont réussi en solidarité à aider l’homme-au-drapeau à descendre du toit et à éviter son arrestation par la police. Toutefois, cet élément a été reconnu et arrêté une semaine après. Le lendemain, au cours de la manifestation qui a réuni 10 000 personnes, 500 personnes se sont massées en face du commissariat de police, pour exiger que l’homme soit libéré. Après quelques échauffourées avec la police anti-émeutes qui a fait usage de gaz lacrymogènes, l’homme a été finalement libéré et a été acclamé à sa sortie de prison. Aux discours nationalistes des dirigeants politiques et syndicaux, le 1er décembre (jour de la fête nationale), des éléments ont opposé le slogan : “Non au nationalisme ! Solidarité internationale !” Malgré la proclamation d’élections anticipées au printemps prochain, la démission du ministre du Commerce puis du gouvernement tout entier le 26 janvier, tension et colère ne semblent toutefois pas devoir s’apaiser de sitôt.
D’autres émeutes ont eu lieu en Lettonie, en Lituanie et en Bulgarie, où la population a manifesté contre les difficultés économiques, les réformes de leur gouvernement et la corruption. Après avoir enregistré une croissance soutenue ces dernières années, les pays baltes plongent désormais dans la récession. La Lettonie et la Lituanie viennent de connaître les plus importantes manifestations de rue depuis 1991. Thorbjorn Becker, le directeur de l’Institut de Stockholm pour la transition économique (SITE), observe que “Les gens se retrouvent sans emploi et voient leurs revenus chuter cette année. On va régulièrement assister à des incidents de ce genre.” À Riga, quelque 10 000 personnes se sont rassemblées le 17 janvier aux abords du Parlement letton. Le 20 janvier, plus de 100 personnes ont été arrêtées et quelque 40 autres blessées au cours de nouvelles manifestations. Ce pays balte a les plus mauvais résultats économiques de toute l’Union européenne, son taux de chômage ayant grimpé de 1 % au cours du seul mois de décembre. Là encore, la pression ne paraît pas devoir retomber. «Nous ne sommes qu’au début des protestations», a prédit Nils Muiznieks, politologue de l’université de Lettonie. De violents affrontements se sont produits, notamment en Lituanie où la police est intervenue sans ménagement le 17 janvier à Vilnius devant le Parlement suite à la décision du gouvernement d’augmenter les impôts. Une quinzaine de personnes ont été blessées et plus de 80 autres arrêtées. Le 15 janvier, de violents affrontements avaient fait des dizaines de blessés en Bulgarie. Dans les trois pays, des rassemblements pacifiques se sont terminés dans la violence pendant plusieurs heures. La crise économique fait des ravages dans d’autres pays d’Europe de l’Est, particulièrement en Hongrie, en Ukraine et en Roumanie. La monnaie roumaine a ainsi perdu 17% de sa valeur en un an. La réduction des dépenses sociales en Estonie pourrait aussi provoquer des protestations dans cet autre pays balte. Les experts parlent d’une contagion possible à toute l’Europe, en particulier aux anciens pays de bloc de l’Est.
L’Europe n’est pas le seul continent touché. Depuis le 20 janvier, le département français de la Guadeloupe vit au rythme de la grève générale initiée par un collectif d’une cinquantaine d’organisations syndicales, politiques et culturelles qui, au nom de la lutte “contre la vie chère”, a établi un programme de 120 revendications. Les 115 stations-service de l’île, des écoles, des magasins et centres commerciaux sont fermés. Des services publics ne sont plus assurés, du ramassage des ordures aux transports routiers de voyageurs. Le cahier de revendications du “Collectif contre l’exploitation outrancière “ réclame notamment “un relèvement immédiat et conséquent d’au moins 200 euros des bas salaires, des retraites et des minima sociaux”, celui du SMIC et “des salaires du secteur privé, des traitements de la fonction publique, du minimum vieillesse, des minima sociaux”, “un salaire minimum guadeloupéen calculé sur le coût réel de la vie en Guadeloupe”, une “baisse significative de toutes les taxes et marges sur les produits de première nécessité et les transports” et “des taux de la taxe sur les carburants”, la “suppression de la taxation des produits locaux”, le “gel des loyers pour une période indéterminée”, “l’arrêt des saisies immobilières des propriétés des guadeloupéens et la restitution des biens”… Tous les syndicats encadrent ce mouvement de colère ainsi que le PC guadeloupéen, les Verts, et les associations de “carnavaliers” identitaires. Les uns et les autres utilisent la chute vertigineuse du pouvoir d’achat, la poussée du chômage qui touche plus de 20% de la population locale et l’angoisse de l’avenir face à la crise économique mondiale, pour noyer la colère et la dévoyer vers des revendications corporatistes et insulaires. Toutefois, ce mouvement menace de faire tâche d’huile dans les Antilles et une grève générale similaire est d’ores et déjà programmée par les syndicats de Martinique pour le 4 février (3).
L’avenir de la lutte de classe dépend de la prise en charge consciente de ses luttes par la classe ouvrière elle-même.
1) Voir Revue internationale no 136 “Les révoltes de la jeunesse en Grèce confirment le développement de la lutte de classe [16]”.
2) De très nombreux articles et commentaires sur la situation des ouvriers en Islande sont disponibles sur le forum de discussion de la CNT-AIT Caen dans la rubrique “Foutoir mondial”, sous le titre “Révoltes en Islande”.
3) La bourgeoisie n’hésite pas à utiliser la misère et la colère croissante pour les manipuler à ses propres fins ou dans ses luttes pour le pouvoir entre ses fractions. Les massacres récents de Madagascar en est un exemple tragique. Le maire d’Antananarivo Andry Rajoelina a appelé à une grève générale pour renverser son rival, accusé de corruption et d’autoritarisme, le président malgache Marc Ravalomanana. Ces manifestations rassemblant jusqu’à 10 000 personnes ont rapidement dégénéré en sanglantes émeutes, faisant plus de 80 morts ou davantage en 36 heures (un journaliste de l’Express a avancé le bilan de 102 tués) dans des conditions particulièrement atroces : la plupart sont mortes écrasées sous des sacs de riz ou brûlées vives dans les magasins saccagés ; des corps mutilés et souvent calcinés, ont été apportés dans les morgues de la capitale.
Pendant la trêve des confiseurs, plusieurs faits divers ont marqué l’actualité en France. Le 24 décembre, un enfant de 3 ans est décédé à l’hôpital Saint-Vincent de Paul à Paris, victime de l’erreur d’une infirmière qui a administré du chlorure de magnésium dans sa perfusion. L’infirmière est immédiatement mise en examen et inculpée pour homicide involontaire. Quelques jours plus tard, c’est un homme de 57 ans qui, après plusieurs heures d’attente, est décédé d’un arrêt cardiaque, faute de pouvoir trouver un lit dans un service d’urgence de la région parisienne.
Pour la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, ces incidents ne sont bien sûr nullement le résultat de l’incurie croissante des hôpitaux publics confrontés à la baisse des effectifs, à la fermeture des lits et à la dégradation croissante des conditions de travail du personnel hospitalier. Ces décès ont été immédiatement attribués par les pouvoirs publics à un problème de “désorganisation” dans le fonctionnement administratif des hôpitaux. S’il y a eu un problème d’effectifs, c’est parce que les infirmières veulent toutes prendre leurs congés pendant les fêtes de Noël, au détriment de l’intérêt des patients (alors qu’on sait que cette période est propice aux épidémies hivernales).
Ce n’est pas tout à fait le même son de cloche qu’on a entendu de la bouche de l’urgentiste Patrice Pelloux qui dénonce ainsi le manque de moyens : “Avec les restrictions budgétaires, les établissements ferment les lits les jours fériés pour maintenir tant bien que mal leur budget. Ce qui fait qu’à Noël, alors qu’on est en pleine épidémie de gastro-entérite et de grippe, on n’arrive plus à hospitaliser les malades” (cité par Libération du 30 décembre).
La mauvaise foi de Madame Bachelot est d’autant plus évidente que chacun sait que le “plan hôpital 2012” de dix milliards d’euros et programmé sur 5 ans ne vise nullement à donner des moyens supplémentaires à l’hôpital public : il s’agit essentiellement de financer les opérations immobilières permettant la fermeture de services et d’établissements hospitaliers afin d’en améliorer la “compétitivité”. On sait aussi que des dizaines d’hôpitaux publics qui ont refusé de fermer leur maternité et leur service de chirurgie ont vu leurs projets de modernisation refusés. On sait enfin que ce plan prévoit la fermeture de lits avec des suppressions massives d’emplois d’infirmières, d’ouvriers, de personnels administratifs et de médecins. Les départs en retraites ne seront pas remplacés et face à la pénurie d’infirmières, l’État français avait déjà été obligé d’embaucher des infirmières espagnoles sous-payées et des intérimaires pour pallier aux situations les plus critiques.
Ce n’est d’ailleurs un secret pour personne que la profession d’infirmière est elle-même en pleine crise. Suite au décès de cet enfant de 3 ans à la veille de Noël, une infirmière des urgences pédiatriques de l’hôpital Robert-Debré à Paris exprimait ainsi son ras-le-bol : “J’en ai marre. J’ai trois enfants. Je rentre toujours hyper-fatiguée. Avant, on avait des grosses journées les week-ends. Maintenant, c’est toute la semaine. On passe la journée à courir dans tous les sens. On est moins disponible pour les gens. On va plus vite. Quand il y a beaucoup de monde, on passe et on jette un œil à la file, pour vérifier qu’un bébé n’est pas en train de s’étouffer dans son maxi-cosy”. Et un médecin affirmait également : “On manque de temps. Les infirmières démissionnent les unes après les autres. Celles qui restent sont épuisées. Cet hiver, on a une trentaine de lits de moins que l’hiver dernier. Il y a des enfants plein les couloirs (…) J’accepte encore de travailler pour dix euros de l’heure. Mais je vais me lasser. On n’a plus de vie personnelle. Ici, il y a un taux de divorce inimaginable” (cité par Libération du 2 janvier).
La faillite de l’hôpital public, les coupes claires dans les budgets de la santé ne sont qu’un révélateur supplémentaire de la fin de l’État providence. Elles signent la faillite de l’économie capitaliste. L’incapacité croissante de la bourgeoisie à subvenir aux besoins de santé de ceux qu’elle exploite, de même que l’aggravation catastrophique des conditions de travail du personnel hospitalier, ne peut qu’accroître la colère dans ce secteur comme dans tous les secteurs de la classe ouvrière. Ce n’est pas la mauvaise “organisation” des services hospitaliers qui tuent les malades. C’est le capitalisme en crise qui est le seul responsable des “erreurs humaines” !
Sofiane
Un rectificatif doit être apporté à l’article ci-dessous. Celui-ci s’appuyait sur des sources erronées d’information recueillies sur Internet sans vérification préalable. L’article se référait à un article de Charlie Hebdo. Or, cet article ne datait pas de 2008 mais du 27 octobre 2004 et le ministre de la Fonction publique dont les propos tenus à la même époque étaient rapportés n’était pas l’actuel ministre de la Fonction publique Eric Woerth, mais un de ses prédécesseurs, Renaud Dutreil. Cette précision apportée, le cynisme et le mépris affichés par l’Etat-patron vis-à-vis de ses salariés ont été pleinement confirmés par les actes et plus seulement en paroles par les suppressions d’emploi pleuvant toujours plus dru chaque année dans la fonction publique et par toutes les attaques dégradant à toute vitesse les conditions de vie et de travail des prolétaires dans les services administratifs. Dutreil en a rêvé, le gouvernement actuel l’a fait.
Les propos du ministre de la Fonction publique, Woerth, tenus lors d’une réunion de la Fondation Concorde le mercredi 20 octobre et rapportés par Charlie-Hebdo, indiquent quelles attaques nous attendent encore dans les mois à venir et révèlent au passage tout le mépris des grands bourgeois pour les travailleurs :
• “Les retraités de la fonction publique ne rendent plus de services à la nation. Ces gens-là sont inutiles, mais continuent de peser très lourdement. La pension d’un retraité, c’est presque 75 % du coût d’un fonctionnaire présent. Il faudra résoudre ce problème.”
• “Il y a 1400 corps. 900 corps vivants, 500 corps morts [rires], comme par exemple l’administration des télécoms. Je vais les remplacer par cinq filières professionnelles (…) Parce que les corps abritent des emplois inutiles.”
• “C’est sur l’Éducation nationale que doit peser l’effort principal de réduction des effectifs de la fonction publique. Sur le 1,2 million de fonctionnaires de l’Éducation nationale, 800 000 sont des enseignants. (…) Il faudra faire un grand audit.”
• “Le problème que nous avons en France, c’est que les gens sont contents des services publics. L’hôpital fonctionne bien (sic !) , l’école fonctionne bien (re-sic !), la police fonctionne bien. Alors il faut tenir un discours, expliquer que nous sommes à deux doigts d’une crise majeure.”
Et Charlie-Hebdo de finir par ce commentaire : "Il admet dans ses propos que les Français sont satisfaits de la qualité du service public rendu par les fonctionnaires, quels qu’ils soient. C’est bien en les fragilisant de l’intérieur (sous-effectifs, baisse d’investissements, etc.) qu’il compte rendre les services publics impopulaires auprès des populations. Une impopularité qui lui servira de prétexte pour les privatisations à venir. Alors que ce sont bien les attaques à l’œuvre depuis de nombreuses années qui dégradent la qualité des services publics”.
Seul le refus de nous laisser diviser en secteur privé ou public, en corporations, en col bleu et en col blanc… pourra nous permettre de résister unis et solidaires contre toutes ces attaques !
En décembre, l’occupation d’une usine durant six jours par les employés de l’entreprise “Republic Window and Door” de Chicago, dans l’Illinois, a représenté l’épisode le plus fort de ces dernières années de la lutte de la classe ouvrière américaine. Même l’euphorie de l’élection d’Obama avec ses promesses de “changement” n’a pu éviter que la colère ouvrière ne se transforme en lutte de résistance des ouvriers contre l’aggravation de la crise économique et contre les attaques sur leur niveau de vie.
A la lumière des campagnes des médias qui ont célébré et glorifié l’occupation de cette entreprise, il est important d’être clairs sur la signification réelle de ces événements. Le New York Times a amplifié la médiatisation avec un éditorial qui déclarait “la victoire du travail vient au milieu de signes de mécontentement grandissant alors que les licenciements s’étendent”. Le Times soutenait plus loin que les ouvriers de l’usine “étaient devenus les symboles nationaux du mécontentement ouvrier en plein dans les plans de licenciements qui affectent le pays” (1). Mais le Times n’avait raison qu’à moitié. Oui, la lutte a démontré que la combativité ouvrière grandit pour résister à la vague de licenciements actuelle. Mais il n’y a pas eu de “victoire des ouvriers” comme le présentent les politiciens, les gauchistes et les médias. La combativité des ouvriers est évidente. Selon les articles de presse, l’idée de l’occupation de l’usine est venue de la méfiance des ouvriers envers le risque que l’entreprise ne déménage les machines et son équipement (sans savoir à ce moment-là que la compagnie avait pris la décision de fermer l’usine et de la sacrifier au profit de Echo Windows LLC à Red Oak, en Iowa, où les salaires et les coûts de production sont beaucoup plus bas). Le 2 décembre, la direction annonçait que tous les ouvriers seraient mis à la porte dans les trois jours sans aucune indemnité de licenciement et aucun paiement des jours de congés. Ensuite, elle déclarait que leur assurance médicale ne serait plus prise en charge par l’entreprise. Les ouvriers ont riposté par une décision unanime d’occuper l’usine, risquant des arrestations potentielles. Les ouvriers organisèrent leur occupation par roulement d’équipes, maintenant des conditions sanitaires et d’ordre, bannissant l’alcool et les drogues, et commencèrent à attirer immédiatement l’intérêt des médias. Lorsque les ouvriers de base parlèrent aux médias, il fut tout de suite évident que leur lutte était un combat contre les licenciements et pour sauvegarder leur boulot et leurs moyens de faire vivre leurs familles. Un ouvrier disait : “Je travaille ici depuis trente ans et je dois me battre pour nourrir ma famille.” Un autre déclarait que sa femme allait donner naissance à leur troisième enfant, mais qu’il n’avait plus à présent de couverture sociale-maladie.
Comme en 2005 lorsqu’une grande partie de la classe ouvrière avait soutenu la lutte des travailleurs du transport à New York (2), les ouvriers de Chicago et dans le pays ont répondu en manifestant une forte solidarité. Des gens sont venus à l’usine pour apporter de la nourriture et de l’argent ; tout le monde a compris qu’il s’agissait d’un combat exemplaire pour lutter contre l’ensemble des licenciements. Ceux d’United Electrical, du syndicat des ouvriers des machines et des radios (Radio and Machine Workers Union), un petit syndicat indépendant (35 000 membres au niveau du pays) et non-affilié à l’AFL-CIO (qui en avait été exclu au plus fort de la guerre froide à cause de ses liens avec le parti communiste stalinien), est rapidement venu pour tenter de dévoyer la lutte contre les licenciements sur le terrain de la légalité bourgeoise. Au lieu de s’opposer à la fermeture de l’usine et aux licenciements, ce syndicat demandait l’accord de l’entreprise avec une loi nationale qui exige que les ouvriers reçoivent une indemnité de licenciement et le paiement des jours de congés cumulés en cas de fermeture d’entreprise – environ 3500 dollars par personne. La gauche et des célébrités politiques comme le révérend Jesse Jackson et des élus du congrès comme de la ville, sont à leur tour rapidement montés au créneau, rendant visite aux ouvriers de l’usine et appelant aussi au paiement de ces indemnités. Les leaders politiques se sont empressés d’intervenir localement de peur que le mouvement ne s’étende. Même le futur nouveau président Obama a “soutenu la lutte des ouvriers de l’usine” en insistant pour que l’argent qui leur était “dû” leur soit donné.
Au bout de six jours, c’est précisément la “victoire” qui a été célébrée par la gauche et les médias : les banques à l’origine de la réorganisation de l’entreprise ont été d’accord pour que les ouvriers touchent leurs 3500 dollars. Évidemment, c’est mieux que rien d’avoir cet argent, mais il aura vite disparu des poches des ouvriers qui resteront sans emploi et sans couverture médicale. Les ouvriers qui ont occupé l’usine étaient clairs sur leur volonté de garder leur travail. En revanche, faire dérailler les luttes a été le rôle principal qu’ont joué les syndicats pour le compte du capitalisme d’État. Le principal boulot des syndicats est de court-circuiter toute possibilité de politisation et de généralisation de la lutte ouvrière, de bloquer la dynamique des ouvriers vers une compréhension consciente que le capitalisme n’a aucun futur à offrir. Ce qui s’est passé à Chicago est à mettre en parallèle avec ce qui s’est passé lors des grèves dans les usines automobiles dans les années 1930. Lors de ces grèves, les ouvriers se sont battus pour des augmentations de salaire et pour améliorer leurs conditions de travail, mais le syndicat United Auto Workers avait dévoyé la lutte dans un combat pour la reconnaissance du syndicat. Dans les années 1970, de jeunes ouvriers employés par la division Western Electric de Bell System ont cherché à résister à des licenciements massifs, pour s’entendre dire que le syndicat ne s’était préparé à se battre que pour leur permettre de toucher leurs indemnités en plusieurs chèques afin de diminuer le coût des impôts. Il est facile pour les syndicats de “gagner” de telles victoires illusoires, qui au bout du compte laissent toujours les ouvriers sans travail et face à un avenir dévasté. Ce n’est pas un phénomène propre aux États-Unis. Par exemple, des luttes récentes avec occupations d’usine pour des paiements d’indemnités de licenciements ont eu lieu en Chine, avec l’aggravation de la crise économique.
La glorification par les médias et les gauchistes des occupations d’usine est encore un autre aspect de la défaite. Il est vrai que les occupations d’usine expriment la combativité : une volonté des ouvriers de résister et de recourir à des actions “illégales”. Cependant, l’expérience historique de la classe ouvrière, depuis le mouvement des occupations d’usine des années 1920 en Italie et 1968 en France, démontre que ces occupations quand elles engendrent l’enfermement et l’isolement sont un piège. L’arme la plus vitale pour la classe ouvrière est d’étendre ses luttes à d’autres lieux de travail et d’autres usines, de généraliser les luttes autant que possible, en envoyant des délégations ailleurs, en organisant des meetings de masse et des manifestations pour tirer tous les ouvriers dans la lutte. D’un “soutien” passif avec des expressions de sympathie et des contributions financières, la solidarité se transforme alors en solidarité active avec des luttes qui se rejoignent. Les occupations d’usine permettent au contraire aux syndicats, ces agents de la classe dominante, d’enfermer les ouvriers combatifs dans l’usine et de les isoler des autres ouvriers. Il est clair qu’il y a eu une solidarité immense envers les ouvriers de Chicago. Plutôt que de rester enfermés dans les usines, les ouvriers de Republic auraient dû aller d’usine en usine dans la région de Chicago, envoyer des délégations sur d’autres lieux de travail en appelant à rejoindre la lutte et exiger l’arrêt des licenciements et des fermetures d’usine. Une telle lutte ne sera jamais saluée ou célébrée par les médias, les syndicats, les politiciens de gauche, ou le président élu. Elle sera au contraire dénoncée car elle représente une menace envers l’ordre capitaliste.
La terrible situation dans laquelle se trouve aujourd’hui la classe ouvrière doit faire rejeter toute idée d’état de grâce pour le régime d’Obama, toute illusion que “quelque chose de bon” pourrait venir de la nouvelle administration. Il nécessite le développement de la lutte de classe.
J. Grevin (15 décembre 2008)
Traduit d’Internationalism, organe du CCI aux États-Unis
1) http ://www.nytimes.com/2008/12/13/us/13factory.html [18]
2) NDT : Il s’agit de la lutte des ouvriers du métro de New York relatée dans notre presse dans l’article : “Grèves dans les transports à New York : Aux Etats-Unis aussi, la lutte de classe se développe [19]”.
“L’ensemble de la classe ouvrière, dans tous les pays, tous les secteurs, toutes les entreprises, vit aujourd’hui avec cette inquiétude obsédante : comment échapper à la menace du chômage ? Quel avenir la société actuelle réserve-t-elle à nos enfants ? Que peut-on faire pour sortir de cette situation ?” Telles étaient en 2004 les questions introductives à notre manifeste « Le capitalisme n’a pas de solution au chômage ». Aujourd’hui, alors que la crise du capitalisme connaît une aggravation sans précédent depuis les années 1930, un chômage d’une massivité inédite depuis lors commence à se propager au sein du prolétariat mondial tel une sombre pandémie. Un rapide état des lieux permet de se faire une idée de l’ampleur du phénomène (1).
• États-Unis : début 2008, le taux officiel de chômage était de 5 %, alors que le taux réel atteignait 13,1 %. L’économie américaine ayant perdu 2,6 millions d’emplois en 2008, le taux officiel a atteint 7,2 % en décembre, soit plus de 11 millions de chômeurs recensés.
• Japon : on comptait fin septembre 2,71 millions de chômeurs, soit 0,7 % de plus en un an.
• Zone Euro : le taux de chômage devrait augmenter de près de trois points, passant de 7,5 % en 2008 à 9,3 % en 2009 et à 10,2 % en 2010.
• Allemagne : le taux de chômage a progressé au mois de décembre, à 7,4 %, et pourrait atteindre 8,1 % en 2010. La première économie européenne comptait 3,1 millions de chômeurs en décembre, et pourrait en compter de 200 000 à 400 000 de plus dans un an.
• Royaume-Uni : le nombre de chômeurs atteignait 1,8 million de personnes à la fin 2008. 600 000 personnes pourraient perdre leur emploi cette année ; la barre des 3 millions de chômeurs devrait être franchie d’ici à 2010 ! Le taux de chômage (au sens du BIT) atteint désormais 6 % ; une montée à 8,5 % est prévue pour 2009.
• France : fin 2007, le nombre officiel de chômeurs était inférieur à 2 millions soit moins de 7 % de la population active. Mais le nombre réel dépassait alors les 5,4 millions soit plus de 19 % de la population active (l’Expansion no 726, janvier 2008). En novembre 2008, on dénombrait officiellement 2 068 500 chômeurs, soit un taux de chômage de 7,3 %, en hausse de 8,5 % sur un an. Il devrait atteindre 9,8 % en 2009, 10,6 % en 2010.
• Italie : le taux de chômage était de 6,7 % fin 2008, il devrait atteindre 8,7 % en 2010. Le nombre de chômeurs était de 1,679 million fin septembre.
• Espagne : le taux de chômage a fortement augmenté au quatrième trimestre 2008, s’établissant à 13,9 %, et atteindrait 15,9 % en 2009 et 18,7 % en 2010. L’Espagne compte désormais plus de 3,2 millions de chômeurs, un chiffre qui a pratiquement doublé en moins de deux ans !
• A l’échelle mondiale : “Les estimations préliminaires du BIT sont que le chômage mondial pourrait augmenter de 20 millions atteignant plus de 210 millions de chômeurs en 2009” (Juan Somavia, directeur général du BIT, devant le conseil des chefs de secrétariat de l’ONU à New York en octobre 2008).
Pourquoi une telle hausse du chômage ? Comme le soulignait notre Manifeste, “Face à la guerre commerciale à laquelle se livrent tous les requins capitalistes qui se disputent les parts de plus en plus restreintes du marché mondial, toutes les bourgeoisies nationales sont obligées de “rationaliser” leur production. Pour cela, elles doivent fermer des usines, augmenter la productivité du travail, diminuer les effectifs, accélérer les cadences, baisser les salaires. […] la crise mondiale et le chômage massif qu’elle engendre ne sont ni cycliques, ni conjoncturels, comme le prétendent les économistes bourgeois. Ils sont la manifestation la plus évidente de l’impasse, de la faillite historique du mode de production capitaliste.”
Le capitalisme n’a pas de solution au chômage !
Une seule issue : la lutte unie de tous les ouvriers !
DM
1) Sauf mention contraire, tous les chiffres présentés sont les chiffres officiels (donc très largement sous-estimés, surtout en ce qui concerne la montée du chômage à venir en 2009 et 2010). et issus du journal économique les Echos.
Voici une déclaration nationaliste et va-t-en-guerre de la pire espèce qui appelle à la “Résistance palestinienne”, à la “coordination” des “différents bras armés”, salue les valeurs de “sacrifices” des “enfants” et crie “Gloire aux martyres” :
“Nous saluons notre peuple, nous saluons notre peuple aguerris. Aujourd’hui le peuple palestinien écrit une page de gloire. Ses sacrifices exigent la loyauté et la responsabilité, et une réponse a la nécessité urgente de consolider la Résistance (…) La résistance palestinienne continue (…) avec la participation de toutes les organisations et bras armés. Dans ces temps de sang et de sacrifices, il n’est pas suffisant de répéter des mots, il faut des faits concrets (…) Aux enfants de notre peuple aguerri, aujourd’hui que vous écrivez les pages les plus valeureuses de résistance et de sacrifice, nous appelons à : Mener à bien la coordination, sur le terrain, au moyen d’un poste de commandement unique entre les différents bras armés sans exception, (…). Salut à notre peuple aguerris ! Gloire aux martyrs ! Victoire à la résistance !”
Qui peut-il bien publier un tel appel à la haine ? Le Hamas ? Une association pro-palestinienne ? Non ! La Ligue communiste révolutionnaire (LCR) (1) relookée depuis peu en NPA (Nouveau parti anticapitaliste) !
Naturellement, les hécatombes d’hommes, de femmes et d’enfants innocents sont purement insupportables. Et il est indéniable que la bourgeoisie israélienne a les mains couvertes de sang. Mais il ne faut pas s’y tromper, derrière les protestations des officines trotskistes contre les massacres à Gaza se cache en réalité la même idéologie nationaliste que celle de l’Etat israélien, cette idéologie qui partout engendre et justifie les guerres. En effet, pour Lutte ouvrière (LO) par exemple, “on ne peut pas renvoyer dos à dos les Palestiniens et le gouvernement israélien. On ne peut pas tirer un trait d’égalité entre un peuple opprimé, privé d’existence nationale depuis des dizaines d’années, et ses oppresseurs, qui imposent un blocus criminel, insupportable, à toute une population enfermée dans la bande de Gaza. Le gouvernement israélien dit répondre aux menaces du Hamas. Mais outre le fait que ce n’est pas le Hamas qui a rompu la trêve, outre le fait que ses armes sont infiniment moins destructrices que celles de l’armée israélienne, la guerre se fait ici plus contre les civils que contre cette organisation (…) La guerre, elle se mène contre le peuple palestinien plus que contre une organisation, nationaliste et religieuse, dont il n’a rien de bon à attendre. Elle se mène pour le briser, pour l’empêcher d’avoir un pays au lieu d’une prison. C’est pour cela que, quels que soient les dirigeants qu’ils se sont choisis pour le moment - et encore dans quelle mesure ? - il faut soutenir le droit des Palestiniens à disposer d’eux-mêmes (2)”. Tout est là ! Par un tour de passe-passe terminologique, la guerre ne se déroule plus entre deux nations capitalistes qui utilisent leur population comme chair à canon, mais entre “le gouvernement israélien” et “le peuple palestinien”. Certes LO avoue que “le peuple palestinien” “n’a rien de bon à attendre” du Hamas, mais elle souligne surtout que “ce n’est pas le Hamas qui a rompu la trêve” et que “ses armes sont infiniment moins destructrices que celles de l’armée israélienne”. Et que signifient concrètement ces derniers mots “quels que soient les dirigeants qu’ils se sont choisis pour le moment, (…) il faut soutenir le droit des Palestiniens à disposer d’eux-mêmes” si ce n’est le “droit” pour les ouvriers vivant en Palestine d’être exploités et terrorisés par des oppresseurs locaux, tels que ces chiens sanglants du Hamas ?
Lors de chaque conflit, LO et la LCR distinguent deux camps, celui des nations impérialistes et celui des nations victimes et opprimées. C’est au nom de cette théorie que dans les guerres qui ensanglantent la planète depuis plus d’un demi-siècle, ces organisations ont successivement pris parti pour l’Indochine, l’Algérie, le Vietnam, l’Irak, la Serbie, la Tchétchénie, le Liban (et son Hezbollah) et aujourd’hui la Palestine (3) ! Peu importe aux yeux de ces va-t-en-guerre trotskistes si la bourgeoisie palestinienne via le Hamas, et autres chapelles nationalistes comme le Fatah, prend en otage la population pour en faire des boucliers humains. Au nom de la “libération nationale”, le petit gangster a toujours raison face au gros ! Aujourd’hui, du fait que l’Etat d’Israël se comporte comme une brute sanguinaire, parquant militairement les populations palestiniennes dans un véritable camp de la mort pour les bombarder, tout cela autoriserait, selon ces gauchistes, à soutenir la bourgeoisie palestinienne dans ses velléités guerrières et à bénir ses roquettes ! LO et la LCR n’ont d’ailleurs pas hésité à participer aux manifestations pro-palestinienne de fin décembre et début janvier (4) et à reprendre en chœur le slogan nationaliste et belliqueux : “Palestine vivra ! Palestine vaincra !” (5).
Contrairement à cette idéologie trotskiste qui ne peut s’empêcher de lier un prolétaire à un territoire, nous devons dénoncer toute idée de soutien à une nation. Petits ou grands, quel que soit leur degré d’armement, tous les Etats sont impérialistes. Toute l’histoire nous montre que les petites nations sont autant capables que les grandes puissances, non seulement d’exploiter sauvagement et brutalement les prolétaires, mais aussi de les envoyer se faire massacrer sur les fronts pour en faire de “glorieux martyrs”. Les prolétaires de Palestine ou d’Israël n’ont rien à gagner dans cette boucherie, dans la confrontation entre gangsters bourgeois. C’est dans la lutte avec leurs frères de classe dans le monde qu’ils pourront mettre fin à la barbarie. “Cette folie, cet enfer sanglant cesseront du jour où les ouvriers (...) se tendront une main fraternelle, couvrant à la fois le chœur bestial des fauteurs de guerre impérialistes et le rauque hurlement des hyènes capitalistes en poussant le vieil et puissant cri de guerre du travail : prolétaires de tous les pays, unissez-vous !” (R. Luxemburg, Brochure de Junius). A bas la guerre ! A bas le capitalisme !
WH (17 janvier)
1) Déclaration publiée sans le moindre commentaire par la LCR sous le titre “Déclaration des forces politiques de la gauche palestinienne” le 1er janvier.
2) LO no 2111 du 16 janvier 2009.
3) LO va même jusqu’à soutenir le droit, pour des nations jugées “opprimées” comme l’Iran ou la Corée du Nord face aux Etats Unis, de posséder la bombe atomique ! Lire notre article et l’article de LO “Contre les essais nucléaires français... et contre le pacifisme !” de Lutte de classe no 15, septembre-octobre 1995.
4) Pour ceux qui n’ont pu assister à ce sinistre spectacle, une vidéo de la manifestation du 3 janvier à Paris est disponible sur le site de la LCR.
5) Le NPA a d’ailleurs fait officiellement sien ce slogan en en faisant même un intertitre de l’un de ses tracts lors de la manifestation du 29 janvier. Bref, au NPA, rien de nouveau !
Cet article a été publié sur le site Internet israélien d’Indymedia et sur Libcom.org. Il a été écrit par un camarade en Israël qui, bien qu’il fasse partie d’une extrême minorité, a senti le besoin de répondre à la fièvre guerrière patriotique répandue en Israël et en Palestine avec la vague d’assaut israélienne sur Gaza. La décision de publier cette prise de position a été en partie le résultat de l’encouragement d’un certain nombre de correspondants sur Libcom (y compris des membres du collectif Libcom, le CCI et le groupe de la gauche communiste turque, EKS). C’est une contribution modeste mais significative de l’émergence d’une opposition réelle au nationalisme le plus pernicieux qui domine actuellement le Moyen-Orient.
World Revolution – organe du CCI en Grande-Bretagne (10 janvier 2009)
La plupart des gens en Israël se rappelleront d’une chose à propos de la manifestation du samedi 3 janvier 2009 1 : que les organisateurs se sont rendus à la Cour Suprême afin de s’assurer qu’ils pouvaient montrer un drapeau palestinien.
Maintenant, je ne suis pas contre celui qui peut arborer n’importe quel drapeau ou n’importe quand. Mais il faut se demander quel objectif a servi ce drapeau palestinien (de l’ex-OLP).
Cette manifestation était censée arrêter l’attaque sur Gaza. Que vient faire le drapeau palestinien avec cela ? On répondra : « Eh bien, il représente le soutien à la résistance palestinienne. » Après se pose la question suivante : quelle résistance palestinienne ? Les Palestiniens les plus sensibles de Gaza aimeraient mieux quitter l’enfer des bombardements, et non pas "résister" en étant bombardés. Qu’est-ce que cela signifie d’ailleurs de "résister" en étant bombardés ? Lever la main contre les envahisseurs ?
Ce drapeau représente le nationalisme palestinien, de la même façon que le drapeau israélien représente le nationalisme israélien. Maintenant, la plupart des lecteurs de ce site web associeraient probablement le nationalisme israélien avec la violence, l’oppression, qui recouvre la domination des capitalistes sur notre pays. Pourquoi la même chose ne s’appliquerait-elle pas au nationalisme palestinien ?
Au moment où nous parlons, les Palestiniens de Cisjordanie sont brutalement opprimés et bâillonnés, des Palestiniens qui veulent protester contre cette même guerre. Pourquoi ? Parce que l’Autorité Palestinienne n’entend pas les critiques, et ne bougera pas de sa seule raison d’être, en tant que sous-traitant du contrôle d’Israël sur les territoires occupés.
Ce sont ces mêmes dirigeants du Hamas, qui aujourd’hui enregistrent des messages de résistance à “leur” peuple, cachés dans des bunkers et des maisons sécurisées, qui refusaient il y a quelques mois de payer les enseignants, brisant les syndicats 2, tuant des Palestiniens innocents dans leurs combats de rue contre leurs concurrents du Fatah, et tirant des roquettes sur des cibles civiles au hasard, au lieu des prétendues tentatives d’améliorer les conditions de vie des Palestiniens au travail et au chômage.
Pendant que nous protestons contre le bombardement brutal de Gaza par le nationalisme israélien, nous devons nous souvenir que le nationalisme palestinien est simplement moins puissant, pas moins brutal. Hélas, cet épisode du drapeau aux mains du nationalisme sert d’objectif idéologique, rendant plus facile le dévoiement de l’opposition au gouvernement en un soutien automatique pour « l’ennemi ».
Bien sûr, cyniquement, il y aurait une bonne raison pour expliquer ce fiasco. Cette manifestation du 3 janvier, organisée par le front Hadash 3 du Parti Communiste Israélien, a été programmée à la veille du lancement officiel de la campagne électorale de ce parti. Et le Hadash a besoin de flatter sa base nationaliste palestinienne au sein de la Ligne Verte 4 pour maintenir son poids électoral dans les prochaines élections contre les Nationalistes Séculaires (Al-Tajmua) et le Mouvement Islamiste. Et cela, à nouveau, joue au profit du nationalisme, et en définitive, au profit des capitalistes.
Tout cela ne peut avoir pour résultat que l’enfermement dans un cycle répétitif de violence, qui ne prendra fin que lorsque nous prendrons conscience que ces nationalismes sont là pour obscurcir notre jugement et nous empêcher de voir le vrai problème, c’est-à-dire que nous sommes envoyés pour tuer et nous faire tuer, et nous faire concurrence au service de gens qui ne servent pas nos intérêts, mais les leurs. Et cela vaut à la fois pour les Israéliens et les Palestiniens. Tranchons le nœud gordien du nationalisme, et nous serons sur la voie d’avoir des vies meilleures pour tous.
(La version Indymedia de cet article possède à la fin un lien avec l’article du CCI sur Gaza )
1 Le 3 janvier, une manifestation contre l’offensive sur Gaza a eu lieu à Tel-Aviv en Israël à l’appel de Gush Shalom, principale organisation pacifiste israélienne, et vingt autres organisations gauchistes ainsi que des anarchistes et le Parti Communiste Israélien. 10 000 personnes étaient présentes, ce qui semble très significatif d’une montée importante d’un refus de la guerre dans la population israélienne. Afin de mieux détourner les préoccupations anti-guerre des manifestants vers l’exaltation du nationalisme, les organisateurs avaient demandé à la Haute Cour de Justice de rendre légal le drapeau palestinien et donc sa présence dans la manifestation (NDT).
2 Sans ôter toute sa valeur à la défense de l’internationalisme du camarade, il faut préciser que, pour nous, les syndicats sont devenus partout des organes de la bourgeoisie, et que leur répression dans le micro-État palestinien est liée à des luttes sanglantes entre fractions bourgeoises. Le Hamas est d’ailleurs une fraction bourgeoise particulièrement obscurantiste et bornée, incapable d’utiliser les armes les plus sophistiquées et efficaces de la classe dominante contre le prolétariat, à savoir : la démocratie, le parlementarisme, la pseudo-liberté de la presse et… les syndicats. C’est pourquoi, effectivement, le Hamas a brisé et écrasé les syndicats.
3 Le Hadash, Front Démocratique pour la Paix et l'Egalité, anciennement Rakah, est un avatar du Parti Communiste Israélien dont l’action est principalement dirigée vers la population arabe israélienne, à forte proportion ouvrière, qu’il pousse à l’embrigadement dans le nationalisme pro-palestinien et à la défense d’un Etat palestinien.
4 Le terme de « Ligne Verte » se réfère à la délimitation du tracé des frontières d’Israël vis-à-vis de certains de ses États voisins (Syrie, Jordanie, et Égypte) datant de l'armistice de 1949, à la fin de la guerre israélo-arabe de 1948 (NDT, source Wikipedia).
Ces prises de position proviennent des camarades du groupe Démocratie communiste luxemburgiste, du camarade Marcos (États-Unis – République dominicaine) ainsi que de deux autres camarades 1.
Face à la barbarie guerrière qui se déchaîne contre les travailleurs et la population de Gaza, ces contributions sont un défi aux clameurs dominantes qui veulent nous faire choisir notre camp parmi les divers représentants de la barbarie capitaliste : ceux qui se disent « de gauche » nous appellent à soutenir le Hamas et cette fausse entité qu’ils appellent « peuple palestinien » 2, pendant que les gouvernements de l’UE appellent au soutien d’Israël et dénoncent le Hamas pour avoir « rompu la trêve » et autres fariboles.
On ne peut comprendre les événements en limitant l’analyse aux seuls protagonistes, mais il est nécessaire de les situer dans l’engrenage infernal qui les entraîne et en fait des agents de barbarie et de destruction. Cet engrenage est le capitalisme mondial auquel ils participent tous, tant l'État israélien et ses terrifiantes armes de destruction que la fraction bourgeoise réunie autour du Hamas et ses missiles « maison ».
Il s’agit d’une guerre à mort qui prend en otage tant la population du pays rival que celle du pays lui-même. C’est avec le cynisme le plus abject qu’Israël proclame qu’il ne veut frapper que le Hamas, mais cela ne l’empêche pas de commettre un génocide horrible sur les travailleurs et la population de Gaza. Tout en faisant de ses « citoyens » les prisonniers et les otages de son affrontement sanguinaire avec l'État israélien, le Hamas prend pour cible de ses missiles la population civile de ce pays.
Nous ne pouvons soutenir aucun des protagonistes de cet engrenage, que ce soit le « plus faible », le « plus gentil », celui qui a le plus grand « soutien populaire » ou qui prétend avoir l’idéologie la « plus progressiste ». Ces critères nous entraîneraient dans l’engrenage de mort propre au capitalisme mondial et nous ne pourrions jamais en sortir. On ne peut prendre parti que pour la lutte internationaliste, pour le mouvement indépendant du prolétariat qui s’oppose à tous les États, tous les gouvernements et toutes les fractions de la bourgeoisie.
Contre le génocide du peuple palestinien à Gaza, une seule solution : l’unité des travailleurs par-dessus les frontières !
Unité des travailleurs palestiniens et israéliens. Même si certains pensent que les intérêts de ces derniers sont irréversiblement liés aux intérêts de leur « État », ils n’en sont pas moins des prolétaires. Il leur est difficile de parvenir à un niveau internationaliste de conscience de classe, nous le savons, mais depuis quand la révolution prolétarienne est-elle facile ? Pense-t-on qu’il n’existe pas de fausses illusions parmi les travailleurs européens, américains ou du tiers-monde quant à « leur » État ou « leurs » dirigeants ?
L'État sioniste est particulièrement criminel et couvert de sang, il est l’expression des contradictions du système impérialiste. Il faut soutenir toutes les initiatives qui peuvent surgir en Israël contre la barbarie de l'État (même si elles sont embryonnaires et fragiles), telles que le mouvement d’objection de conscience au sein de l’armée israélienne. Soyons clairs : en dernière instance, les révolutionnaires ne soutiennent aucun État capitaliste, que ce soit Israël ou n’importe quel autre.
Les « dirigeants » du peuple palestinien se sont montrés incapables d’apporter une solution à « leur » peuple. Le terrorisme aveugle ne sert que de prétexte à Israël pour enfermer les Palestiniens dans un ghetto. Les attentats et la répression étatiques font partie d’une dialectique absurde qui s’autoalimente. Ils ne sont qu’une fraction de la bourgeoisie armée de sinistres armes idéologiques et diplomatiques. Souvenons-nous du Fatah, qui perdit le soutien d’une grande partie de « son » peuple à cause de sa corruption éhontée, son despotisme et son incapacité à créer une alternative crédible. Rappelons qu’il fut aussi l’instrument de l’impérialisme russe à l’époque des blocs et des gouvernements arabes corrompus.
Par ailleurs, les intégristes tels que le Hamas ou le Hezbollah n’hésitent pas à envoyer à une mort certaine les jeunes opprimés au nom d’une nauséabonde cause « islamiste », répressive et oppressive en particulier pour les travailleurs et les femmes, les homosexuels et les minorités ethniques, comme en Iran.
A bas le sionisme !
A bas l’intégrisme « islamiste » !
A bas l’impérialisme complice !
Si tu veux lutter pour la paix, lutte pour le socialisme !
Démocratie communiste (Réseau luxemburgiste international)
luxemburgism.forumr.net/forum.htm
Prolétaires de tous les pays, unissons-nous !
Il s’agit de l’affrontement entre deux bourgeoisies rivales et non pas entre travailleurs en Palestine et travailleurs en Israël. La véritable unité devrait être entre travailleurs. Il ne s’agit pas de les appeler à participer à la guerre, il ne faut pas se focaliser contre l'État d’Israël ou contre le Hamas ou le Hezbollah, aucun d’entre eux ne représente les intérêts des travailleurs. Exalter le nationalisme bourgeois est une grossière erreur, le mot d’ordre classique des gauchistes toujours en recherche d’une cause à soutenir, et il est aussi faux et mensonger de se cacher derrière l’anti-impérialisme et la soi-disant libération nationale. Tout aussi criminels sont le Hamas, le Hezbollah, l'État d’Israël et les sionistes.
Y a-t-il des gouvernements populaires et révolutionnaires ? Quel gouvernement ou quel État projette une société nouvelle et l’élimination de celle-ci ? Aucun État n’est révolutionnaire ni populaire, ils sont au contraire tous contre-révolutionnaires. Qu’est donc le peuple palestinien ? Les travailleurs, le Hamas et le Hezbollah unis dans un même conglomérat, ou les démunis de cette région du monde ? Les Nations unies ne sont qu’un centre de gouvernements bourgeois et de conspirateurs, les travailleurs du monde ne peuvent compter sur leurs ennemis et oppresseurs, pas plus que sur les organismes de la classe dominante, ils ne peuvent compter que sur l’unité des travailleurs partout dans le monde. L’impérialisme, ce ne sont pas que les États-Unis, c’est le conglomérat de tous les pays du monde. L’impérialisme n’est pas un pays particulier, c’est une loi inhérente à un système économique, le capitalisme. Le sionisme n’est que du nationalisme bourgeois, une de ses facettes, similaire en tous points avec ce que défendent tous les patriotismes et les luttes de libération nationale. Ces appels de la gauche ne précisent pas qu’ils sont aussi destinés aux gouvernements bourgeois dans le monde. Il semble que l’histoire n’a rien appris à la gauche du capital.
La partie de la classe ouvrière qui se trouve des deux côtés de la Bande de Gaza est la seule victime du terrorisme capitaliste déchaîné ces derniers jours dans la région par le sionisme. Les familles ouvrières victimes de ce conflit ne doivent pas se laisser entraîner à prendre position pour un des belligérants, mais au contraire doivent hisser la bannière prolétarienne du défaitisme révolutionnaire contre leur propre bourgeoisie des deux côtés du front guerrier pour combattre l’ennemi commun, le capitalisme décadent et le lourd fardeau de l’islamisme et du judaïsme millénaires. C’est la seule issue à la barbarie capitaliste au Moyen-Orient.
Ces gauchistes ne comprennent rien, ils ne font que soutenir le Hamas et le Hezbollah. Je n’ai pas vu le moindre appel à l’unité entre ouvriers israéliens et palestiniens. Messieurs, la question n’est pas de soutenir le Hezbollah ou Israël, les ouvriers du monde entier doivent s’unir contre leur ennemi de classe. L’ouvrier en Palestine a les mêmes intérêts que l’ouvrier en Israël. On assiste à une guerre entre deux fractions nationales du capital.
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
1 Des documents intéressants pour une réflexion sur ce que sont tant le sionisme que l’islamisme peuvent se trouver dans les textes que nous avons publié dans la Revue internationale no 117, « Conflits impérialistes au Moyen-Orient : l’utilisation du sionisme pour diviser la classe ouvrière [22]» et no 109, « Le renouveau de l’islamisme, un symptôme de la décomposition des rapports capitalistes [23] ».
2 Son représentant actuel, le gouvernement du Fatah en Cisjordanie, collabore sans vergogne avec l’Etat d’Israël quant au massacre qu’il est en train de perpétrer.
Ce texte est la traduction d’un article publié sur notre site en langue espagnole par Acción proletaria, section du CCI en Espagne.
un camarade a posté deux commentaires sur notre site à propos de l’article paru en français et en espagnol “Sabotage des lignes SNCF : des actes stériles instrumentalisés par la bourgeoisie contre la classe ouvrière” (1).
Ce camarade appelle à la solidarité pour les personnes arrêtées par l’État français, en affirmant : “Le plus étonnant c’est que le CCI, qui d’habitude condamne avec force l’appareil de gauche du capital, dans le cas présent a dit exactement la même chose que le leader principal de la gauche capitaliste française, Besancenot, qui, de suite, de même que le CCI, a déclaré que le sabotage n’est pas une méthode de la lutte ouvrière et a condamné ces militants prolétariens qui combattent si sincèrement le capitalisme. Enfin… Quelle coïncidence, le CCI et Besancenot sont du même avis ! J’espère que vous réfléchirez à votre position ! Salutations.” Et “J’espère que vous ne le prendrez pas mal, c’est un appel dans de bons termes pour que vous réfléchissiez sur la grande similitude de votre condamnation de ces actes (publiée en français) avec les mots prononcés par Besancenot et par les syndicats, qui pour être bien vus par leurs chefs bourgeois ont déclaré juste ce que ceux-ci voulaient, c’est-à-dire qu’on criminalise ceux qui (indépendamment du fait que nous soyons d’accord avec leurs tactiques ou pas) méprisent et combattent sincèrement cette société d’exploitation”. Ces deux commentaires ont provoqué un débat très animé.
Nous sommes d’accord avec le camarade (2) concernant la dénonciation claire qu’il fait du terrorisme d’Etat : la bourgeoisie “tend à élargir sa définition du “terrorisme” à la moindre action qui rompt avec l’ordre démocratique” et il dénonce le fait qu’en faisant cela, elle prétend “occulter la nature fondamentalement terroriste de sa domination, en assimilant exclusivement le terrorisme aux réactions violentes du prolétariat, en faisant l’amalgame délibéré entre les actions qui se placent sur le terrain de classe et celles qui appartiennent à des terrains a-classistes, réformistes, religieux, de libération nationale, etc.”.
En réalité, l’inculpation des jeunes mêlés à cette histoire est un montage de l’État avec l’objectif de développer une campagne idéologique contre tout ce qu’en France on appelle “l’ultra-gauche”. Ce n’est pas la première fois qu’on monte ce genre de campagnes dirigées contre “tous ceux qui ne s’insèrent pas dans le jeu démocratique”. Il y a quelques années, on a monté des campagnes “anti-révisionnistes” avec lesquelles on a essayé de décrédibiliser spécifiquement la Gauche communiste, en assimilant les révisionnistes (ces fractions d’extrême-droite de la bourgeoisie qui nient l’existence des chambres à gaz durant la Seconde Guerre mondiale) avec les internationalistes qui dénonçaient les deux factions – la démocratique et la fasciste- pour ce qu’elles étaient : capitalistes et impérialistes.
Il faut dénoncer la répression qui s’abat sur les jeunes inculpés, qui n’ont peut-être rien à voir avec les actes dont ils sont accusés, des actes, il faudrait ajouter, qu’on ne doit pas confondre avec le terrorisme, puisqu’ils ne mettent nullement en danger la vie des passagers. Tout cela sent le montage de l’Etat, bien mal bricolé par ailleurs. Ne pas dénoncer est une chose, accepter et soutenir en est une autre bien différente ! Il peut arriver que des prolétaires exaspérés et désespérés s’impliquent dans des actes individuels ou minoritaires de sabotage. En aucune manière, nous ne les condamnerons.
Mais il convient de ne pas mélanger les choses : ne pas les condamner ne veut absolument pas dire accepter les méthodes qu’ils préconisent. Ces méthodes basées sur des actes individuels ou minoritaires de sabotage ne servent ni à développer la conscience de la classe ouvrière, ni à contribuer au développement de sa lutte. Bien au contraire, elles les affaiblissent toutes les deux. C’est pour cela que nous devons mettre en garde la classe ouvrière sur de telles méthodes qui, non seulement ne participent en rien en son combat mais qui, en plus, peuvent conduire des ouvriers à s’exposer de manière inutile à la répression (3). Quand, d’une façon anonyme, se produit un sabotage ou un acte de violence contre une institution du capital (une bombe jetée sur un édifice public, attentat contre un représentant du système, etc.), on se demande toujours qui peut en être l’auteur : s’agit-il d’un groupe qui se revendique sincèrement de la lutte pour la destruction du capitalisme, ou bien ne s’agit-il pas d’un provocateur de la police ou même d’un groupe d’extrême-droite ? (4) Ces interrogations viennent du fait que ce genre de méthodes peut être indifféremment utilisé par des classes très différentes – prolétariat, bourgeoisie, petite-bourgeoisie – et par les tendances politiques les plus dissemblables.
Par contre, ce genre de question ne se pose pas quand on se trouve face à des actions telles que des grèves pour des revendications de classe, des assemblées générales, des tentatives d’extension et d’unification des mouvements de lutte etc. Devant de telles actions, pas de doute : il s’agit bien d’actions du prolétariat qui vont dans le sens de la défense de ses intérêts de classe. Ce type d’actions – quelles que soient leurs faiblesses et limites – favorisent le développement de la conscience de la classe ouvrière, sa confiance en elle-même, ses sentiments de solidarité et ne peuvent servir les intérêts de la bourgeoisie. Par contre, les actions du premier type ne favorisent en rien la confiance en lui-même du prolétariat. Et comment pourraient-elles la favoriser si ces actions présupposent qu’une minorité clandestine remplace la classe dans la tâche de lutter contre le capital ?
Un autre argument du camarade réside dans le fait que les termes de notre critique à ces méthodes de sabotage pourraient ressembler à ceux employés par Besancenot. Cet argument amène à une série de considérations qui sont en lien avec l’origine des partis de gauche et d’extrême-gauche et au rôle qui est le leur aujourd’hui face à la classe ouvrière. La capacité de ces partis à tromper et à avoir de l’influence dans la classe ouvrière et le fait qu’ils soient sur ce plan bien plus efficaces que leurs congénères de droite, vient du fait que leurs lointaines origines se trouvent dans le mouvement ouvrier et qu’à un moment donné de leur existence ils constituèrent une véritable avant-garde de la classe ouvrière. Mais par la suite, ils ont fini par dégénérer, trahir et enfin devenir des rouages de l’État capitaliste. Appuyés sur ces lointaines origines, ils conservent dans leurs discours une série de thèmes et de références qui font partie du patrimoine de la classe ouvrière. Est-ce que nous devons renoncer à ce patrimoine parce que ces organisations bourgeoises se le sont appropriés et que leur intérêt est de l’utiliser bassement pour semer la confusion dans les rangs des prolétaires ? Ce serait une erreur totale. Il est évident que nous ne pouvons pas renoncer à la perspective du socialisme parce que l’extrême-gauche parle aussi de “socialisme”. Si ces partis n’arrêtent pas de parler “d’unité de la classe ouvrière”, ce n’est pas une raison pour renoncer à une lutte sincère et concrète pour cette unité. Et aussi le prolétariat a une longue expérience sur les provocations policières contre sa lutte, une expérience qui fait partie du patrimoine de son combat historique et que ses mouvements actuels doivent impérativement se réapproprier pour le futur. Le fait que les partis de gauche ou d’extrême gauche parlent de “provocation policière” ne peut pas empêcher les révolutionnaires actuels de dire qu’elle existe et de défendre contre elle les positions classiques du mouvement ouvrier.
Pour le camarade “étant donné que la classe ouvrière n’est pas encore capable de comprendre ces actions et que, grâce aux média bourgeois, elle perçoit ses propres frères de classe qui affrontent l’État-capital comme des “délinquants”, des “vandales”, des “terroristes”, parce qu’elle est contaminée jusqu’à la moelle de l’idéologie citoyenne, alors on condamne ceux qui osent agir pour que les “ouvriers-citoyens” ne prennent pas peur et puissent ainsi rejoindre nos mobilisations si bien cadrées”.
Si on a bien compris une telle allégation, notre interlocuteur croit que pour pouvoir organiser des “grands mouvements de masse”, nous proposerions de ne pas “effrayer” les ouvriers les plus arriérés, contaminés par l’idéologie citoyenne et, par conséquent, nous rejetterions les actions violentes de ceux qui “s’affrontent au capital”. Les mouvements de masse du prolétariat ne sont pas le résultat de la convocation d’une poignée de révolutionnaires (5). Les mouvements de masse du prolétariat sont le produit d’un processus historique dans lequel interviennent à la fois le développement des conditions objectives (en particulier, la crise économique) et la maturation subjective du prolétariat (la conscience de classe). Et justement, dans cette contribution que nous pouvons et devons faire en vue de cette maturation subjective, il y a un élément crucial : le rejet des méthodes qui prônent des actions violentes minoritaires. Parce que de telles méthodes ne font que fomenter la passivité et la délégation de la lutte collective entre les mains d’un groupe de “héros anonymes”, de “sauveurs bien-intentionnés” qui vont en faire voir de toutes les couleurs au capital. Et en même temps, elles génèrent un sentiment d’impuissance et de frustration, parce que n’importe qui ayant un peu de jugeote peut parfaitement comprendre que de telles “audaces” ne “représentent pas plus qu’une piqûre de moustique sur une peau d’éléphant” (6).
Nous sommes pleinement conscients que la lutte de classe et l’affrontement avec l’État ne sont en rien pacifiques et qu’elles exposent la classe ouvrière et ses minorités révolutionnaires aux coups de la répression. Cette violence fait inévitablement partie du processus révolutionnaire. Dans leur développement, les luttes de la classe ouvrière prennent des mesures de riposte à la violence de l’État bourgeois, répliquent à sa terreur et sa répression avec la violence de classe du prolétariat (7).
La violence ne se limite pas aux affrontements avec la police, aux actions d’attaque contre la circulation de marchandises, aux blocages de la production, à l’attaque contre les institutions de la propriété privée (banques, automobiles de luxe, etc.). Ce serait là une vision très restrictive et totalement superficielle. Rosa Luxemburg met en avant dans Grève de masse, parti et syndicats (partie IV) que “A la différence de la police qui par révolution entend simplement la bataille de rue et la bagarre, c’est-à-dire le “désordre”, le socialisme scientifique voit d’abord dans la révolution un bouleversement interne profond des rapports de classe”. Pour le prolétariat, la question de la violence est une question politique : elle consiste à savoir comment établir un rapport de forces favorable contre la bourgeoisie et son État de telle sorte qu’il lui permette de résister à ses attaques et ainsi passer à l’offensive vers sa destruction définitive. La violence du capital et de son État se concrétise dans les mitraillages, l’usage des gaz lacrymogènes, les prisons, les procès et les chambres de torture, mais il existe une violence bien plus nuisible et pernicieuse qui est bien plus efficace pour la défense des intérêts du capital : c’est l’attentat permanent que la société capitaliste exécute et exerce contre l’unité et la solidarité de la classe ouvrière, le bombardement sans répit qu’elle lance de partout où elle peut alimenter les divisions, l’atomisation, la concurrence, la passivité et le sentiment de culpabilité. L’État démocratique, sans pour autant renoncer, loin s’en faut, à la violence physique et à la terreur la plus cynique, est un expert dans le développement de cette violence insidieuse et profondément destructrice.
Le premier pas pour affronter ces deux types de violence, ce sont les tentatives conscientes pour briser l’atomisation, sortir de la passivité, du “chacun pour sa pomme”, pour dépasser l’isolement et la division, développer la solidarité ouvrière en brisant les prisons de l’entreprise, du secteur, de la nationalité, de la race etc., de débattre largement et sans barrières sur les nécessités et les problèmes de la lutte générale.
Tout cela peut paraître trop “pacifique”, très “ordonné” et “contrôlé” à ceux qui identifient unilatéralement la “lutte” avec le désordre et la bagarre physique et ne sont pas capables de comprendre le potentiel contenu dans les mouvements authentiques du prolétariat. Ses mouvements collectifs, le développement de sa capacité pour les organiser en affrontant le contrôle des syndicats et autres institutions de l’État, sont la violence la plus efficace contre la domination capitaliste.
CCI (18 décembre 2008)
1) Cet article publié en français et en espagnol sur notre site a provoqué toute une discussion très animée dans les deux langues. Les messages auxquels cet article fait référence sont en espagnol, mais ils recoupent beaucoup de questions en discussion sur notre site en français.
Voir : "Sabotage des lignes SNCF : des actes stériles instrumentalisés par la bourgeoisie contre la classe ouvrière [24]".
2) Il s’agit ici de la version courte de notre réponse, la suite [25] est disponible sur notre site web en français et en espagnol.
3) Il est important de comprendre que les actes de sabotage, de violence minoritaire etc., prêtent facilement le flanc à l’infiltration des services de l’État, qui peuvent même les fomenter avec le but de les utiliser contre la classe ouvrière ou ses minorités révolutionnaires. Mettre en évidence ce problème ne signifie pas dénoncer ou culpabiliser des personnes qui s’impliquent honnêtement dans ce genre de pratique. Nous dénonçons le coupable, l’État bourgeois et ses officines, et non pas la victime.
4) Citons parmi de nombreux exemples, ce qui est arrivé en Italie durant les années 70. Il y a eu beaucoup d’attentats qui ont été immédiatement attribués par l’État, sa police et sa justice, mais aussi par la presse, aux anarchistes, alors qu’en fait, plus tard, il a été démontré qu’ils avaient été commis par des éléments d’extrême-droite souvent en connivence avec des officines de l‘État.
5) De la même façon que la tâche des éléments les plus avancés de la classe ouvrière n’est pas du tout de la réveiller à coup d’actes d’héroïsme individuel, leur tâche n’est pas non plus de s’autoproclamer ses organisateurs et dirigeants.
6) Ce camarade dit : “je n’arrive pas à comprendre que vous [CCI] affirmiez à plusieurs reprises que ces actions sont célébrées par l’appareil de gauche du capital, alors que [les partis de gauche] sont les premiers non seulement à condamner mais encore à montrer du doigt et à livrer leurs propres camarades qui rejettent les processions moutonnières et pacifistes convoquées par les syndicats et les partis de gauche”. En fait, ces deux attitudes ne sont pas contradictoires. En prenant l’exemple des syndicats : ceux-ci organisent parfois des manif-processions, mais il leur arrive, selon les besoins du sabotage de la lutte ouvrière, d’organiser des manifestations violentes d’affrontement avec la police, de destruction de vitrines etc. La manifestation – procession pacifiste est utilisée pour enterrer une lutte, tandis que la manifestation – affrontement est utilisée pour dévoyer la lutte, par le biais du dit affrontement, dans l’isolement. Par ailleurs, les chefaillons syndicaux sont souvent passablement cyniques : d’un coté ils poussent les ouvriers vers des actions désespérées et de l’autre ce sont eux les premiers à les dénoncer à la police, même quand ils appartiennent à leur syndicat. Il y a là-dessus beaucoup d’exemples.
Comme résultat du surgissement, au niveau international, de minorités révolutionnaires, un noyau de discussion s’est formé en république Dominicaine qui, parmi ses activités, a organisé une réunion publique à laquelle le CCI a été invité afin de présenter ses positions qu’il défend de même que ses analyses et ses analyses la crise actuelle du capitalisme.
La réunion s’est caractérisée par une confrontation des idées dans une ambiance de confiance, de respect et d’attention envers tous ceux qui se sont exprimés.
Un des points qui a été soulevé par différents participants était en relation avec le gouvernement de Chavez. Il a été demandé comment le CCI caractérisait le “processus révolutionnaire en Amérique du Sud”, particulièrement au Venezuela considéré par certains comme “la pointe de la révolution en Amérique latine et de la révolution mondiale” et jusqu’où débouchait ce processus. Avant la réponse du CCI, un participant a affirmé que ce gouvernement n’était ni marxiste, ni socialiste, ni révolutionnaire parce qu’il continue à exploiter les travailleurs et était un gouvernement qui ne provenait pas d’une révolution mais du conflit électoral bourgeois. Il a été dit qu’effectivement, le gouvernement de Chavez, de même que tous ceux qui accompagnent le prétendu “socialisme du xxie siècle” comme celui d’Evo Morales, de Correa, etc., représentait les intérêts d’une fraction de la bourgeoisie et qu’ils se disent “socialistes” pour maintenir les travailleurs derrière la défense des intérêts de cette fraction de la classe exploiteuse. Et que, y compris au Venezuela, les travailleurs commençaient à se rendre compte que ce régime était contre le prolétariat puisqu’il a réprimé des grèves et n’a pas rempli les promesses d’améliorer leur situation.
De plus, il a été précisé que les expropriations n’étaient pas un indicateur du socialisme, contrairement à ce qu’a affirmé un participant, mais que celles-ci ont été réalisées suivant les nécessités de la bourgeoisie pour augmenter ou tenter de maintenir ses bénéfices (1).
La défense du régime chaviste s’est aussi exprimée sur la base du fait que c’était “un exemple de lutte opposée à l’impérialisme yankee et comme partie du processus bolivarien”. Il a été rappelé que, depuis le début du xxe siècle, tous les pays, qu’ils soient petits ou faibles, étaient impérialistes. Le combat contre Bush n’est que l’expression de luttes inter-impérialistes dans lesquelles chaque bourgeoisie défend ses intérêts régionaux ou nationaux. De cette manière, les alliances momentanées entre les gouvernements impérialistes du Venezuela, de la Bolivie, de l'Équateur, du Nicaragua, de Cuba, etc., sont des formes d’intérêts capitalistes et en aucune manière ne bénéficient aux exploités, mais au contraire, les enrôlent dans la défense des intérêts de leurs propres exploiteurs.
Un autre camarade a insisté sur le fait qu’au Venezuela il n’y avait pas de période de transition vers le communisme, mais que c’était un régime totalement capitaliste qui s’est couvert d’une phraséologie radicale et prolétarienne pour attirer les ouvriers parce que la classe ouvrière reconnaît le socialisme comme lui appartenant et est à la recherche d’une réelle perspective prolétarienne.
Un des participants est intervenu en réaffirmant la position du CCI sur les prétendus pays socialistes, face à la défense de l’Union soviétique, de Cuba et de ses “conquêtes sociales” exprimée par d’autres participants. La défense de ces pays comme socialistes était basée sur l’argument suivant lequel le socialisme ne pouvait se développer du fait de la pression des États-Unis et le caractère révolutionnaire de l’Union soviétique par le fait que, dans la Seconde Guerre mondiale, elle était contre le fascisme. Le camarade a signalé que le socialisme dans un seul pays n’est pas possible, ni dans un groupe de pays, mais que pour que la révolution triomphe, celle-ci doit être mondiale. C’est pour cela que du fait de la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-23, en Union soviétique ou en Chine, il n’y a pas eu de socialisme mais un capitalisme d’État et à Cuba il n’y a jamais eu de révolution prolétarienne mais un changement de fraction bourgeoise au pouvoir. Dans ces pays, n’ont pas été abolis la loi de la valeur, le capital, ni le travail salarié et l’exploitation. Un jeune participant a donné des chiffres qui montraient clairement le terrible degré d’exploitation auquel sont soumis les travailleurs en Chine remettant en question le prétendu caractère socialiste de ce pays. D’autre part, la participation de l’URSS à la guerre montre non pas son caractère socialiste mais impérialiste, puisque la défense de la “patrie socialiste” ou de la démocratie étaient de fausses alternatives face au fascisme qui attachaient le prolétariat aux intérêts de sa bourgeoisie dans la boucherie impérialiste. Un autre camarade a rappelé comment des milliers de travailleurs ont été massacrés dans les deux camps, y compris parmi les Allemands, en montrant comment dans les guerres impérialistes, on appelle les ouvriers à se massacrer entre eux pour défendre des intérêts qui ne sont pas les leurs.
Sur ce thème également, il y a eu beaucoup d’inquiétude. Bien que pour certains, il était clair que la participation parlementaire n’était plus une forme de lutte de la classe ouvrière, d’autres ont mis en avant des doutes sur ce point, avec comme argument que Lénine, dans ses œuvres, appelait à participer au parlement. Un participant a répondu que si pendant l’ascendance du capitalisme, on pouvait utiliser cette tribune pour lutter pour des réformes, l’entrée du capitalisme dans sa période de décadence rendait impossible des améliorations durables et pour cela tant le parlement que les syndicats ont perdu leur fonction et se sont convertis en appendices du capital lui-même comme l’a montré, par exemple, le fait que les syndicats se sont mis à la queue du mouvement révolutionnaire en 1917 et que, peu de temps après, ce sont les syndicats qui se sont chargés d’enrôler les ouvriers dans la préparation de la guerre impérialiste.
Plusieurs camarades ont manifesté leur intérêt à connaître comment se développe l’unité de la classe ouvrière, “comment l’organiser”, comment faire pour que les travailleurs identifient les syndicats comme leurs ennemis ?…Il a été rappelé comme difficultés l’absence de lutte dans cette région et la peur des licenciements. Il y avait des participants qui ont parlé du caractère conscient de la révolution, qu’il ne s’agissait pas d’organiser la classe mais de contribuer à étendre la conscience du prolétariat, que le développement de l’unité et de la conscience est un processus difficile, d’affrontements aux forces et à l’idéologie de la bourgeoisie qui se développe d’abord à travers des luttes pour des augmentations de salaire, contre les licenciements, etc., au sein desquelles les révolutionnaires ont un rôle important à jouer en tirant les leçons aussi bien des victoires que des défaites.
A partir de là, a été mise en avant une interrogation sur le parti. Un assistant a demandé : “Pourquoi former un autre parti de gauche s’il y a déjà plusieurs partis communistes ?” Il a été affirmé qu’il ne faut pas confondre les partis de la bourgeoisie qui s’autoproclament socialistes et communistes avec le véritable parti du prolétariat qui devra être formé dans le futur quand les luttes des travailleurs seront en plein essor et auront atteint un certain degré de développement.
Un participant a exprimé sa satisfaction d’entendre parler de la prise du pouvoir par le prolétariat, de la dictature du prolétariat, de la révolution communiste, de socialisme et de communisme avec une connotation réellement marxiste, différente de ce qui est diffusé par la bourgeoisie et qui prétend effacer la véritable signification de ces concepts ; et il s’est prononcé en faveur de la reconstruction de l’Internationale communiste.
Le caractère prolétarien de la réunion s’est confirmé quand un jeune a proposé de signer un communiqué dénonçant la guerre Israël-Palestine qui dans ces moments avait déjà fait des ravages dans la bande de Gaza. C’est une proposition que nous avons saluée fortement. Cette proposition a ouvert un tour de table dans lequel a été rappelée la position prolétarienne face aux guerres impérialistes. On ne pouvait dénoncer la guerre en condamnant seulement un camp, dans ce cas l’impérialisme israélien, contre le “peuple de Palestine”, parce qu’il est l’allié de l’impérialisme américain, mais il s’agissait de condamner la guerre comme guerre impérialiste, où la bourgeoisie palestinienne aussi a la responsabilité du massacre de centaines de personnes parmi les couches exploitées. Il a été affirmé que seule la lutte du prolétariat pourra mettre fin à la barbarie guerrière comme cela avait été démontré quand la vague révolutionnaire avait mis fin à la Première Guerre mondiale. Bien que la lutte du prolétariat soit pour un monde sans guerres, elle n’est pas pacifiste au sens où elle n’est pas une lutte qui cherche la paix dans le capitalisme, ce qui est impossible, puisque dans la phase de décadence du capitalisme, c’est le mode de vie du capitalisme, la paix se conçoit seulement à travers la destruction du capitalisme.
Plusieurs des participants ont exprimé l’importance qu’a eue pour eux cette réunion et la nécessité de continuer à compter sur ces espaces de réflexion. Nous saluons l’effort des camarades qui ont organisé cet événement, mais surtout l’esprit militant qui les a poussés à offrir les conditions pour la réalisation d’une réunion qui a été un exemple vivant d’une des armes dont dispose la classe ouvrière pour développer sa conscience, son unité et sa lutte : des débats les plus larges possibles où se manifeste la culture du débat, la sincérité, l’esprit de réflexion, la confiance, le respect et la solidarité.
Nous répétons aux camarades de république Dominicaine ce que nous avons dit aux camarades du Pérou : “Les camarades qui ont pris cette grande initiative ne sont pas seuls. Dans d’autres pays se développent des initiatives similaires. Progressivement, est en train de se forger un milieu internationaliste qui s’oriente vers une discussion et une collaboration internationale qui contribue à la meilleure arme du prolétariat : son unité et sa conscience a l’échelle mondiale” (2).
CCI, janvier 2009
1) Comme l’expropriation pétrolière qui a été réalisée au Mexique pour bénéficier aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale.
2) Voir sur notre site en espagnol “Reunión pública en Perú de la CCI: un debate proletario apasionado y apasionante [28]”,
La grève qui se déroule depuis le 20 janvier en Guadeloupe, a fait tâche d'huile en Martinique à partir du 5 février et menace de s'étendre prochainement à la Réunion et à la Guyane, les autres DOM (Départements d'outre-mer). Elle n'a rien d'un conflit identitaire ou exotique. Il s'agit bien là d'une authentique expression de la remontée internationale de la lutte de classe qui témoigne de la colère et de la combativité des ouvriers face à la vie chère.
Aux Antilles, les prix sont en moyenne de 35 à 50% plus chers qu'en métropole, le chômage touche officiellement plus de 24% de la population (56% parmi les jeunes de moins de 25 ans) et l'on compte plus de 52.000 RMIstes. Malgré le poids du caractère nationaliste de l'encadrement syndical (autonomiste ou indépendantiste), les 146 revendications mises en avant par les grévistes sont toutes liées à la question des attaques du niveau de vie : baisse immédiate du prix des carburants, baisse des prix de tous les produits de première nécessité, des impôts et taxes, gel des loyers, augmentation des salaires de 200 euros net pour tous les travailleurs, ainsi que pour les pensions de retraites et les minima sociaux, baisse du prix de l'eau et des transports publics, titularisation des contrats pour tous les emplois précaires aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public... La popularité de ces revendications comme l'obstination de la lutte à faire reculer le gouvernement témoignent aussi de l'ampleur de la mobilisation et de la combativité des ouvriers, au même titre que les manifestations du 29 janvier dernier en France, que les récentes émeutes de la jeunesse prolétarisée en Grèce, que les manifestations en Islande, que les récentes grèves ouvrières en Grande-Bretagne...
Malgré la propagande diffusée par les médias mettant en avant le folklore local animé par les associations culturelles (manifestations et chants rythmés par le tambour traditionnel), et surtout avec leur battage autour de la revendication de la "créolité" face aux "békés" blancs et une tonalité nationaliste "anti-coloniale", ces caractéristiques traditionnelles du mouvement aux Antilles ont été constamment reléguées au second plan. Le collectif LKP (Lyannaj kont profitasyon, Union contre la surexploitation) regroupant 49 organisations syndicales, politiques, culturelles et associatives, et son charismatique leader Elie Domota ont cherché à canaliser une lutte remettant clairement en cause les conditions d'exploitation des ouvriers.
Nous devons saluer le caractère massif, unitaire et solidaire de cette grève qui montre la voie dans laquelle l'ensemble de la classe ouvrière doit aujourd'hui s'engager face à la dégradation générale de ses conditions de vie. Depuis le début de la grève, les bus ne circulent plus, les établissements scolaires, l'université, les hypermarchés, les administrations et la plupart des entreprises et commerces sont fermés. Là encore, face à la pénurie alimentaire ou d'essence, une véritable solidarité de classe s'y est exprimée, s'exerçant à tous les niveaux entre parents, amis ou voisins. En Guadeloupe, la manifestation du 30 janvier à Pointe-à-Pitre, partie à quelques milliers de personnes, a rapidement rallié 65.000 manifestants en atteignant le centre ville ; c'était la plus grande manifestation jamais réalisée dans l'archipel (en rapport à la population de l'île). Une telle mobilisation équivaut à près de 10 millions de personnes sur les pavés de Paris. Un millier de lycéens et d'étudiants se sont joints aux ouvriers en grève. Le Palais de la Mutualité de Pointe-à-Pitre est devenu un lieu de ralliement, d'expression, de débats où de nombreux travailleurs et en particulier des ouvrières ont pu prendre la parole pour parler de leur colère ou de leur désarroi face à leurs conditions d'existence. Dans une des premières séances de négociations, le 26 janvier, des journalistes et techniciens grévistes de Radio-France outre-mer (RFO) avaient placé des caméras à l'intérieur de la salle de réunion et des haut-parleurs à l'extérieur du bâtiment pour permettre à tout le monde de connaître et de suivre en direct toutes les négociations. Il y a également eu plus de 20 000 manifestants dans les rues de Fort-de-France le 9 février autour des mêmes revendications et des mêmes mots d'ordre qu'en Guadeloupe.
La venue d'Yves Jégo, secrétaire d'État à l'outre-mer sur l'île a permis de faire redémarrer la plupart des 115 stations de carburant (dont les petits patrons étaient également en grève) en promettant la limitation de création de nouvelles stations-service automatiques par les grands groupes pétroliers. Le sous-ministre a multiplié d'autres promesses pour tenter de désamorcer le conflit (baisse des taxes sur les produits pétroliers, sur les produits laitiers, réduction des taux de la taxe d'habitation et la taxe foncière), s'engageant même à favoriser la négociation auprès du patronat d'exonérations diverses équivalant à 130 euros par salarié. Alors que la négociation sur les 200 euros d'augmentation salariale mensuelle était elle-même en cours entre patrons et syndicats, sous l'égide du préfet, Jégo se faisait rappeler à l'ordre par le premier ministre Fillon et rappeler tout court à Paris. Son départ précipité, ses déclarations contradictoires (il a ensuite affirmé qu'il n'avait jamais rien promis en matière d'augmentation salariale : "C'est au patronat et aux syndicats seuls de négocier en ce domaine"), son retour-éclair dans l'île, cette fois quasiment dessaisi du dossier, flanqué de deux "médiateurs" pour l'encadrer, sa nouvelle dérobade, n'ont fait qu'attiser de plus belle la colère de la population, choquée par un tel mépris et par de tels "mensonges".
Sous la pression de la colère des grévistes excédés et de la population en général, les syndicats et le LKP ont été contraints de radicaliser leurs positions. L'appel était lancé à des AG dans toutes les entreprises, les "délégations marchantes" d'une entreprise à l'autre se sont multipliées, le renforcement des piquets de grève était décidé. La proposition (soutenue par le PS local) pour désamorcer le conflit du versement d'une prime mensuelle de 100 euros pendant 3 mois par le Conseil régional a été refusée par les grévistes.
Pendant des semaines, les innombrables manœuvres et les ficelles utilisées pour pourrir et diviser la grève et désamorcer le mouvement, en le dévoyant sur un terrain purement nationaliste, n'ont pas abouti. Le 16 février, alors que le LKP faisait dresser à nouveau des barrages sur les routes pour "dénoncer le blocage des négociations", le gouvernement français haussait le ton, déclarant "intolérable la poursuite de la situation" et la police a commencé à charger les manifestants (alors que jusque là, il n'y avait pas eu le moindre heurt), blessant deux d'entre eux et procédant à une cinquantaine d'arrestations même si tous étaient relâchés 3 heures plus tard, alors que les manifestants menaçaient d'assiéger le commissariat. La bourgeoisie a clairement joué la carte du pourrissement de la situation et de l'enlisement de la lutte, misant sur le poids de l'isolement et de l'insularité du mouvement. Un véritable "cordon sanitaire" a été dressé autour de la Guadeloupe pour empêcher le conflit de s'étendre davantage et d'enflammer les autres DOM : en Martinique, le gouvernement a discrètement lâché du lest, en décidant une baisse significative sur plusieurs produits de première nécessité tandis que tous les syndicats réunionnais tombaient d'accord pour décréter unilatéralement l'appel à une journée d'action... pour le 5 mars, autrement dit aux calendes grecques, pour éloigner l'échéance d'une mobilisation similaire et laisser le temps de régler le conflit ou de l'affaiblir significativement en Guadeloupe. Dans ce contexte, l'exaspération ne pouvait qu'éclater. Des jeunes des cités, désespérés, minés par le chômage et la précarité endémique sont passés à l'action, menant une guérilla urbaine, sommairement armés, dressant des barrages sur les routes, cassant et pillant des magasins, brûlant des voitures et cherchant la confrontation avec les forces de répression. Dès le 17 février, une voiture est mitraillée sur un barrage près d'une cité de banlieue et le conducteur, un syndicaliste connu, est tué sur le coup. Mais à qui le crime profite ? La provocation ne fait guère de doute et ce meurtre est soit l'œuvre d'un policier infiltré, soit aurait été commandité et exécuté par des membres de milices patronales recrutées pour quelques centaines d'euros. Quant au gouvernement, il répond seulement par l'envoi de 4 escadrons de police supplémentaires (200 hommes). Sarkozy s'est obstiné à vouloir traiter à part le problème de la Guadeloupe qui est délibérément mis à l'écart des pseudo-négociations salariales lors de la réunion du 18 février avec les syndicats. Le lendemain, il reçoit en grandes pompes les élus des DOM et leur annonce ses "propositions". En fait, il se borne à le saupoudrer de quelques promesses peu coûteuses avec l'annonce de primes exceptionnelles temporaires sur les bas salaires évaluées entre 70 et 130 euros par salarié au lieu de la hausse salariale de 200 euros réclamée par tous et l'avancée d'un an pour la mise en place du RSA limitée à quelques milliers de foyers concernés dans les DOM. La reprise des négociations s'effectue dans un climat de tension sociale très vive. Les travailleurs antillais revendiquent d'être traités avec dignité ; ils accusent le patronat de perpétuer une mentalité esclavagiste et colonialiste et le gouvernement de les mépriser ouvertement ; alors que la quasi-totalité des grévistes n'a pas touché le moindre centime en un mois, leur détermination et leur colère ne faiblissent pas mais au contraire se renforcent, la "débrouille" s'accompagne d'une solidarité ouvrière qui attire d'autres couches non-exploiteuses dans le même élan d'entraide généralisée. Et malgré la pression pour isoler la colère en Guadeloupe, émerge un "collectif du 5 février contre la vie chère" en Martinique qui regroupe là encore la totalité des organisations de gauche, des syndicats et des mouvements culturels ou associatifs pour contrôler le mouvement. Ce "collectif" est contraint de prendre les devants d'une mobilisation massive et de faire de la surenchère en réclamant 370 euros d'augmentation salariale pour tous, tandis que, parmi les jeunes déshérités des banlieues, éclatent là aussi des scènes de violences. A la Réunion, le NPA de Besancenot et Lutte ouvrière se sont même associés au PS, au PC et aux autres organisations de gauche, au sein du même collectif.
En métropole, le mouvement de lutte suscite la sympathie, un sondage lui accorde près de 80 % de popularité. Même les médias le traitent avec une certaine complaisance et une partie de la bourgeoisie remet en cause ouvertement "la méthode du gouvernement Sarkozy" dans la gestion de ce conflit.
L'influence de la crise est palpable : le mouvement autonomiste, voire indépendantiste, en Guadeloupe naguère très influent, surtout chez les leaders syndicaux est en nette perte de vitesse, il n'est quasiment plus revendiqué et pour cause, ce serait quasiment suicidaire de prétendre à l'autonomie pour une région déjà si fortement touchée par le marasme économique et qui sombrerait très rapidement comme à Haïti dans une misère terrible et un chaos irrémédiables. Il est plus intéressant pour toutes les fractions locales de la bourgeoisie ou leurs appendices de réclamer des subsides du gouvernement français. Par contre, cela n'enlève rien aux dangers des relents nationalistes qui revendiquent désormais une "citoyenneté française".
Le 25 février au soir, le gouvernement a proposé d'ajouter 80 euros aux contributions accordées par le patronat. L'augmentation de salaires atteindrait ainsi 180 euros par mois. Des grévistes maintenaient la pression, rassemblés devant la capitainerie du port autonome de la Guadeloupe, où se déroulaient les discussions. Simultanément dans la capitale martiniquaise, la police patrouillait dans les rues, au lendemain d'une nuit agitée, où une trentaine de personnes avaient été arrêtées alors que des dizaines de manifestants s'étaient rassemblées près de l'Hôtel de Ville, exigeant les résultats des négociations en cours.
La classe ouvrière ne pourra faire reculer la bourgeoisie et obtenir gain de cause que si la lutte s'élargit au-delà des limites géographiques des DOM. Le seul moyen d'obliger la bourgeoisie à satisfaire les revendications des grévistes, c'est l'extension du mouvement à la métropole. Seule la solidarité active de toute la classe ouvrière, dans et par la lutte massive, peut empêcher le pourrissement et la répression des travailleurs aux Antilles. Pour cela, les prolétaires ne doivent pas faire confiance aux spécialistes de la négociation, les syndicats. Ils ne doivent compter que sur leurs propres forces en prenant eux-mêmes leur lutte en main.
Partout, à travers la dure expérience de sa confrontation à l'aggravation de la crise économique, malgré tous les pièges et les obstacles que lui dressent ses ennemis irréductibles, la classe ouvrière est en train de se réapproprier son identité de classe et de s'éveiller à la lente prise de conscience de la force que représente l'unité et la solidarité dans ses rangs. Elle se prépare à entrer dans une période historique où rien ne peut plus être comme avant, "où ceux d'en haut ne peuvent plus et ceux d'en bas ne veulent plus", comme l'affirmait déjà Lénine il y a près d'un siècle.
W (26 février)
Pour Obama, confirmer son engagement dans les bases militaires de l'impérialisme américain au début de son règne est un avertissement pour le reste du monde. Bien qu'il ait parlé de changement dans sa campagne, il est clairement dans la continuité guerrière du régime de Bush. L'Amérique continuera à user de son pouvoir militaire pour défendre ses intérêts.
A cet égard, la seule chose, qui rend les Etats-Unis exceptionnels, c'est l'ampleur avec laquelle ils peuvent agir. Chaque Etat capitaliste a recourt à la force pour défendre les intérêts de sa classe dirigeante. Qu'il s'agisse de l'Iran ou de la Corée du Nord qui développent des missiles, de la Chine qui construit un porte-avions, de l'armée sri-lankaise qui balaye le nord du pays ou de l'une des nombreuses factions en lutte contre la République démocratique du Congo, comme le Soudan ou la Somalie, le capitalisme, c'est la guerre.
Car (6 février)Partout dans le monde, les luttes ouvrières se multiplient. En Grèce, en Italie, en Allemagne, en Espagne, en Islande, en Grande-Bretagne, en Irlande ([1])..., les travailleurs et les retraités, les chômeurs et les étudiants, précarisés, tentent de résister. Subissant de plein fouet les bourrasques de la crise économique, ils se battent pour leur dignité en refusant de voir encore leurs conditions de vie se dégrader.
Cette volonté de se battre et de ne pas se laisser faire est particulièrement prégnante en France. Le mouvement de grève générale qui frappe la Guadeloupe depuis plusieurs semaines en est la plus forte expression. Et en métropole aussi la colère gronde. Hier, les lycéens étaient dans la rue contre la loi Pécresse. Aujourd'hui, ce sont les enseignants-chercheurs et les étudiants qui refusent les coupes claires dans les budgets et les effectifs universitaires. Il y a encore eu 10 000 manifestants à Paris le jeudi 26 février. Le "climat social" - comme disent les experts et les journalistes - est particulièrement tendu. La bourgeoisie française en a parfaitement conscience et c'est pourquoi elle tente de désamorcer les conflits à chaque fois qu'elle le peut. Elle a ainsi reporté la réforme des lycées d'une année et promis qu'il n'y aura pas de suppression de postes dans les universités en 2010. Ces reculs montrent que la bourgeoisie a peur de voir une lutte faire tâche d'huile, qu'elle s'étende, que la solidarité se développe entre les différents secteurs de la classe ouvrière et entre les générations ([2]). La mobilisation des étudiants et des travailleurs au printemps 2006 contre le CPE est un souvenir bien trop frais à son goût.
Oui, il y a un véritable ras-le-bol. Oui, la combativité ouvrière est en train de se développer. Oui, il y a une potentialité de convergence des luttes dans l'avenir. Aux quatre coins de l'hexagone éclatent des petites grèves localisées. Ainsi, entre autres exemples, les employés de Caterpillar France sont actuellement mobilisés contre 733 licenciements ([3]). Cinq cents employés ont manifesté à Grenoble le jeudi 26 février et ont commencé à organiser l'occupation des deux usines situées à Grenoble et à Echirolles (en chômage partiel depuis le 17 décembre dernier !). Ce type de réaction, ce refus d'être considérés comme des kleenex que l'on utilise puis que l'on jette quand on n'en a plus besoin, se multiplient un peu partout. Mais bien plus significative encore fut la participation record à la journée de mobilisation du 29 janvier. La présence dans les rues d'environ 2 millions de manifestants avait alors montré que les ouvriers ne veulent pas lutter chacun dans leur coin, dans "leurs" usines ou "leurs" bureaux, mais au contraire se retrouver ensemble, qu'ils soient du public ou du privé, du secteur automobile ou de la fonction publique hospitalière, retraités, chômeurs ou étudiants.
Et ce sentiment d'être "tous dans la même galère" ne va probablement que s'amplifier. La crise économique fait des ravages. La pandémie du chômage n'épargne aucune famille ouvrière : pour le seul mois de janvier, le nombre de chômeurs a augmenté de 90 300, du jamais vu depuis 1991, date de la création de ce type de statistiques. Invité de France 3 le 26 février au soir, le secrétaire d'Etat Laurent Wauquiez a avoué qu'"on va avoir des chiffres comme ça sur plusieurs mois". Des "chiffres comme ça" signifient concrètement pour la classe ouvrière 1 million de chômeurs supplémentaires en 2009 ! Et les annonces de plans sociaux qui se succèdent (le Monde daté du 27 février titrait "Pourquoi le chômage va encore augmenter : de nombreux plans sociaux annoncés ne sont pas encore mis en œuvre") laissent présager d'un avenir bien plus sombre encore.
Consciemment ou inconsciemment, la même question trotte donc dans toutes les têtes : comment développer les luttes ? Comment faire pour ne pas rester seul et impuissant dans son coin ? Comment tisser des liens avec les autres travailleurs ?
Les syndicats ont parfaitement perçu ce questionnement et ils se sont empressés d'y apporter leur réponse : les journées d'actions syndicales. Après celle du 29 janvier, les syndicats se sont donnés officiellement pour but de "mobiliser plus fortement" encore le 19 mars ([4]). Et surtout, ils crient haut et fort leur unité retrouvée : "Nous sommes tous unis et nous allons tous dans le même sens" a ainsi clamé, le 23 février, Gabrielle Simon (CFTC) au nom de l'intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC, FSU, UNSA et Solidaires) ([5]).
Mais à y regarder de plus près, cette belle unité syndicale ne signifie absolument pas l'unité des ouvriers dans la rue et dans la lutte. Au contraire ! Ce que propose concrètement cette intersyndicale, ce sont des journées de "manifestation-balade" où tout est fait pour que les travailleurs des différents secteurs ne puissent pas discuter entre eux. Officiellement, il s'agit de journées d'action "public-privé" mais dans les administrations, tous les tracts syndicaux insistent pour la défense du "service public". Les syndicats soulignent l'aspect "interprofessionnel" de leur journée, mais les ouvriers défilent boîte par boîte, sous "leur" banderole ("hôpitaux du 78", "lycée Montaigne du 92", "cheminots de Saint-Etienne", etc.). Chacun est parqué, étiqueté, sans possibilité de discuter avec ceux de la banderole de derrière ou de devant, prié de marcher sans s'arrêter et de reprendre en chœur les slogans crachés par le mégaphone. Et à la fin de la manifestation, là où il pourrait y avoir éventuellement un temps pour débattre, discuter collectivement des perspectives à donner à la mobilisation, tout le monde est prié de se disperser et de ne pas faire attendre les cars syndicaux. D'ailleurs, cette soudaine unité n'est-elle pas suspecte de la part de ceux qui, depuis des années, freinent des quatre fers pour éviter tout rassemblement trop important dans les rues, de la part de ceux qui n'ont cessé de jouer la carte de la division en signant des "accords" branche par branche, entreprise par entreprise, la plupart du temps dans le dos de la classe ouvrière ? Sous les apparences donc, dès qu'on creuse un peu, on s'aperçoit que ces "journées d'action unitaire" distillent encore et toujours le poison syndical de la division.
Pour développer réellement notre unité, nous devons prendre en main nos luttes, ne pas nous en laisser déposséder. C'est à nous de décider, en discutant collectivement, de comment organiser les grèves et les manifestations. Sur les lieux de travail, cela signifie (quand il y en a la possibilité et qu'une grève se déclenche) se rassembler en AG souveraine (comme l'ont fait les étudiants en 2006) et essayer d'aller voir les travailleurs des administrations ou des entreprises les plus proches pour les entraîner dans la lutte et tisser des liens de solidarité. Et surtout, lors de ces journées d'actions syndicales, il faut aller discuter avec les autres manifestants, échanger ce que l'on vit sur les lieux de travail, en restant à la fin, quand le cortège se disperse, pour réfléchir ensemble sur comment poursuivre et développer la lutte, quels mots d'ordre communs mettre en avant. Il faut aussi discuter de comment on perçoit l'avenir, pourquoi il y a une crise économique si violente, et réfléchir à la question : comment peut-on édifier ensemble un autre monde pour mettre fin radicalement à la misère et à l'exploitation capitalistes.
Pawel (27 février)
[1]) 120 000 fonctionnaires ont manifesté à Dublin, le 21 février, contre le plan d'austérité annoncé par le gouvernement irlandais.
[2]) Un article du Monde, publié sur son site web le 26 février, avait pour titre "Après la crise financière, la guerre civile ?". On pouvait y lire : "La crise économique va-t-elle dégénérer en violentes explosions sociales ? En Europe, aux Etats-Unis ou au Japon, la guerre civile est-elle pour demain ?". Ce ton excessif et dramatique révèle surtout à quel point la bourgeoisie a aujourd'hui de nouveau peur de la lutte des classes, à quel point elle est de nouveau hantée par le spectre du communisme.
[3]) Cette entreprise a annoncé, pour 2009, 24 000 suppressions d'emplois à travers le monde, soit près du quart de ses effectifs.
[4]) Yahoo ! Actualités, le 23 février.
[5]) Les Echos Web, le 25 février.
La vague de grèves non-officielles initiée par la lutte des ouvriers de la construction et de l'entretien à la raffinerie du groupe Total de Lindsey a été une des luttes les plus importantes de ces vingt dernières années.
Des milliers d'ouvriers du bâtiment d'autres raffineries et de centrales électriques ont cessé le travail en solidarité. Des meetings de masse ont été organisés et tenus de façon régulière. D'autres ouvriers du bâtiment, de l'acier, des docks ou au chômage, ont rejoint les piquets de grève et les manifestations qui ont eu lieu devant différents sites. Les ouvriers n'étaient pas le moins du monde troublés par la nature illégale de leurs actions car ils exprimaient leur solidarité envers leurs camarades en lutte, leur colère devant la vague grandissante de licenciements et l'incapacité du gouvernement à y remédier. Lorsque 200 ouvriers polonais du bâtiment ont rejoint la lutte, celle-ci a atteint son plus haut point par la remise en cause du nationalisme qui avait marqué le mouvement depuis le début.
Le licenciement de 300 ouvriers sous-traités à la raffinerie de Lindsey, le projet d'engager un autre sous-traitant employant 300 ouvriers italiens et portugais (dont le salaire est inférieur car indexé sur le salaire de leur pays d'origine), et l'annonce qu'aucun ouvrier britannique ne serait inclus dans ce nouveau contrat a propagé la colère comme un traînée de poudre parmi les ouvriers du bâtiment. Depuis des années, on assiste à un recours croissant à l’exploitation d'ouvriers étrangers sous contrat, généralement avec des salaires beaucoup plus bas et des conditions de travail bien pires, avec pour résultat direct l'accentuation de la concurrence entre ouvriers pour avoir du travail, et une pression exercée sur tous les ouvriers vers des baisses de salaires et une détérioration plus forte des conditions de travail. Tout cela, combiné avec la vague de licenciements dans l'industrie du bâtiment et ailleurs du fait de la récession, a généré la profonde combativité qui a trouvé son expression dans ces luttes récentes.
Depuis le début, le mouvement s'est trouvé face à une question fondamentale, non seulement pour les grévistes impliqués aujourd'hui mais pour toute la classe ouvrière maintenant et pour demain : est-il possible de se battre contre le chômage et toutes les autres attaques en s'identifiant comme "ouvriers britanniques" et s’en prendre aux "ouvriers étrangers", ou devons-nous nous considérer comme des ouvriers, avec des intérêts communs avec tous les autres ouvriers, d'où qu'ils viennent ? C'est une question profondément politique, que ce mouvement devait prendre à bras-le-corps.
Dès le début, la lutte est apparue dominée par le nationalisme. On pouvait voir aux actualités des images d'ouvriers avec des pancartes faites-maison réclamant "des emplois britanniques pour les ouvriers britanniques" ("British job for British workers") et les bannières syndicales de chaque corporation déployaient le même slogan. Les syndicats officiels défendaient et reprenaient plus ou moins le mot d'ordre ; les médias parlaient d'une lutte contre les ouvriers étrangers et ont trouvé des ouvriers qui partageaient cette opinion.. Ce mouvement de grèves sauvages aurait potentiellement pu s’engluer dans le poison du nationalisme et s’orienter en défaite cuisante pour la classe ouvrière, les ouvriers s'opposant les uns aux autres, avec des ouvriers défendant en masse les cris de ralliement nationalistes et appelant à ce que le travail soit donné aux ouvriers "britanniques", tandis que les ouvriers portugais et italiens perdaient le leur. La capacité de toute la classe ouvrière à se battre aurait alors été affaiblie et la capacité de la classe dominante d'attaquer et diviser les ouvriers aurait été renforcée.
La couverture médiatique (et ce que certains ouvriers pouvaient dire) a permis de faire croire que les revendications des ouvriers de Lindsey étaient "Des boulots britanniques pour les ouvriers britanniques". Mais ce n'était pas le cas. Ainsi, la BBC a trafiqué et tronqué sans vergogne par exemple l’interview d’un gréviste, ensuite largement diffusée en boucle à l’appui de la thèse de la « xénophobie du mouvement » en lui faisant dire : « On ne peut pas travailler avec des Portugais et des Italiens » alors que sur une autre chaîne de moindre audience, l’interview réelle prenait un tout autre sens : « On ne peut pas travailler avec des Portugais et des Italiens ; on est complètement séparés d’eux, ils viennent avec leur propre compagnie », ce qui signifie qu’il était impossible de les côtoyer parce qu’ils étaient tenus volontairement à l’écart de la main-d’oeuvre locale. En l’occurrence, la BBC a servi de porte-parole servile à un gouvernement et à une bourgeoisie effayés face au renouveau de la combativité et de la solidarité ouvrières et face au danger d’extension de la lutte. Les revendications discutées et votées dans les meetings de masse n'ont pas repris le mot d'ordre ni manifesté d'hostilité envers les ouvriers étrangers, contrairement aux images de propagande largement diffusées et relayées dans les médias à l’échelle internationale..! Ces revendications ont plutôt exprimé des illusions sur la capacité des syndicats à empêcher les patrons de monter les ouvriers les uns contre les autres, mais sans nationalisme manifeste.
Le nationalisme fait partie intégrante de l'idéologie capitaliste. Chaque bourgeoisie nationale ne peut survivre qu'en entrant en compétition avec ses rivales économiquement et militairement. La culture, les médias, l'éducation, l'industrie du sport, toute cette idéologie bourgeoise répand son poison sans cesse de façon à lier la classe ouvrière à la nation. Les ouvriers ne peuvent échapper à l'infestation de cette idéologie. Mais ce qui est crucial dans ce mouvement est que ce poids du nationalisme s'est trouvé remis en question alors que les ouvriers s'attaquaient dans la lutte à la question de de la défense élémentaire de leurs conditions de vie et de travail, de leurs intérêts matériels de classe.
Le mot d'ordre nationaliste " Du boulot britannique pour les ouvriers britanniques", volé au Parti National Britannique (British National Party, équivalent du FN en France) par le « travailliste » Gordon Brown, a au contraire suscité beaucoup de malaise et de réflexion chez les ouvriers et dans la classe ouvrière. De nombreux grévistes ont déclaré qu'ils n'étaient pas racistes, que leur lutte n’avait rien à voir avec la question de l’immigration ou qu'ils ne soutenaient pas le BNP, qui a même été chassé par les ouvriers, alors qu’il tentait de s’infiltrer dans leur grève.
Tout en rejetant le BNP, beaucoup d'ouvriers interviewés à la télé essayaient de toute évidence de réfléchir à la signification de leur combat. Ils n'étaient pas contre les ouvriers étrangers, ils devaient travailler à l'étranger eux aussi, mais ils se trouvaient au chômage ou voulaient que leurs enfants puissent travailler aussi et donc ressentaient la nécessité que le boulot aille d'abord aux ouvriers "britanniques". Ces mots empoisonnés ont été relancés au visage de Gordon Brown en voulant souligner ironiquement et dénoncer le caractère purement démagogique et mensonger de ses promesses. Mais de telles visions finissent toujours par se retourner contre les ouvriers eux-mêmes en les enfermant dans une division en tant que "britanniques" ou "étrangers", niant leur intérêt commun de classe, et les ligotent dans le piège du nationalisme.
Cependant, des ouvriers ont clairement souligné à cette occasion les intérêts communs à tous les prolétaires, signe qu'un processus de réflexion est en train de naître et ils ont dit qu'ils voulaient que tous les ouvriers, de quelque origine qu’ils soient aient du travail. "J'ai été licencié de mon emploi de docker il y a deux semaines. J'ai travaillé à Cardiff and Barry Docks pendant 11 ans et je suis venu aujourd'hui ici dans l'espoir de secouer le gouvernement. Je pense que tout le pays devrait être en grève alors que nous perdons toute l'industrie britannique. Mais je n'ai rien contre les ouvriers étrangers. Je ne peux les blâmer de venir chercher du travail ici." (Guardian On-line du 20 janvier 2009) Il y a également eu des ouvriers qui défendaient le fait que le nationalisme constituait un réel danger. Un ouvrier travaillant à l'étranger est intervenu sur un forum Internet des ouvriers du bâtiment sur les divisions nationales utilisées par les patrons : "Les médias qui ont attisé les éléments nationalistes se retournent à présent sur vous, montrant les manifestants sous la pire lumière possible. Le jeu est fini. La dernière chose que les patrons et le gouvernement veulent, c'est que les ouvriers britanniques s'unissent avec les ouvriers d'au-delà des mers. Ils pensent qu'ils peuvent nous rendre idiots et nous pousser à nous battre les uns contre les autres. Cela leur donnera froid dans le dos que nous ne le fassions pas." Dans un autre mail, il reliait la lutte avec celles de France et de Grèce et la nécessité de liens internationaux : "Les manifestations massives en France et en Grèce ne sont que des signes précurseurs de ce qui va venir. A-t-on jamais pensé à contacter et construire des liens avec ces ouvriers et renforcer un large mouvement de protestation en Europe contre le fait que des ouvriers se font entuber ? Cela résonne comme une meilleure option que d'avoir les parties réellement coupables, cette cabale de patrons, de vendus de leaders syndicaux, et du New Labour, qui profitent de la classe ouvrière." (Thebearfacts.org). D'autres ouvriers d'autres secteurs sont aussi intervenus sur ce forum pour s'opposer aux mots d'ordre nationalistes.
La discussion parmi les ouvriers engagés dans la grève, et dans la classe en général, sur la question des mots d’ordre nationalistes atteignit une nouvelle phase le 3 février lorsque 200 ouvriers polonais rejoignirent 400 autres ouvriers dans une grève sauvage en soutien aux ouvriers de Lindsey, à la centrale en construction de Langage à Plymouth. Les médias firent leur possible pour cacher cet acte de solidarité internationale : la station télévisée locale de la BBC n'en faisait aucune mention et au niveau national encore moins. Le black-out a été total.
La solidarité des ouvriers polonais a été particulièrement importante car l'année dernière, ils avaient été impliqués dans une grève similaire. 18 ouvriers avaient été licenciés et d'autres ouvriers avaient cessé le travail en solidarité, y compris les ouvriers polonais. Le syndicat avait essayé d'en faire une grève contre la présence de travailleurs étrangers, mais la détermination des ouvriers polonais avait complètement fait avorter cette tentative. Les ouvriers de Langage ont ainsi lancé cette nouvelle lutte en étant avertis de comment les syndicats s'étaient servis du nationalisme pour essayer de diviser la classe ouvrière. Le lendemain du jour où ils avaient participé à un meeting de masse à Lindsey avec une banderole proclamant : "Centrale électrique de Langage – Les ouvriers polonais ont rejoint la grève : Solidarité", ce qui impliquait que quelques ouvriers polonais avaient fait le voyage de 7 heures pour être là, ou qu'au moins un ouvrier de Lindsey voulait mettre en lumière leur action.
Dans le même temps, on put voir une banderole du piquet de grève de Lindsey appelant les ouvriers italiens à se joindre au mouvement de grève – elle était écrite en anglais et en italien – et on sait que certains ouvriers portaient des pancartes où était inscrit : "Ouvriers du monde entier, unissez-vous !" (The Guardian du 5 février 2009). En bref, on a pu voir les débuts d'un effort conscient de certains ouvriers, à l’opposé des réactions nationalistes, racistes et xénophobes qu’on leur prêtait, pour développer et mettre en avant un véritable internationalisme ouvrier, un pas qui ne peut conduire qu'à plus de réflexion et de discussion dans la classe ouvrière.
Tout ceci a posé la question de porter la lutte à un autre niveau, qui devait remettre directement en cause la campagne pour la présenter comme une réaction nationaliste. L'exemple des ouvriers polonais a fait apparaître la perspective de milliers d'autres ouvriers étrangers rejoignant la lutte sur les plus grands sites en construction de Grande-Bretagne, tels ceux de l'Est de Londres pour les Jeux olympiques. Il y avait aussi le danger que les médias ne puissent cacher les slogans internationalistes. Ce qui aurait brisé la barrière nationaliste que la bourgeoisie s'est efforcée de dresser entre les ouvriers en grève et le reste de la classe. Il n'est pas surprenant que la lutte ait été aussi rapidement résolue. En 24 heures, les syndicats, les patrons et le gouvernement se sont mis d’accord alors qu’ils avaient annoncé précédemment que la résolution de ce conflit prendrait des jours, voire des semaines et ont promis non seulement l’embauche de 102 « ouvriers britanniques » mais l’annulation de leur décision précédente du renvoi des travailleurs portugais et italiens vers leur pays d’origine. Comme un gréviste le rapportait, "pourquoi devrions-nous nous battre seulement pour avoir du travail ?".
En une semaine, nous avons vu les grèves sauvages les plus importantes depuis des décennies, les ouvriers tenant des meetings de masse et engageant des actions de solidarité illégales sans un moment d'hésitation. Une lutte qui aurait pu plonger dans le nationalisme a commencé à remettre en question ce poison. Cela ne veut pas dire que le danger soit écarté : c'est un danger permanent, mais ce mouvement a donné aux luttes futures la possibilité de tirer d'importantes leçons. Le fait de voir des banderoles proclamant "Ouvriers de tous les pays, unissez-vous!" devant un piquet de grève supposé nationaliste ne peut qu'inquiéter la classe dominante sur ce qui l’attend dans l’avenir.
Phil (7 février 2009)
D’après World Revolution, organe du CCI en Grande-Bretagne.
Madagascar fut intégré en 1896 à l'empire colonial français. Cette prise en main de l'île par l'impérialisme français n'eut rien de pacifique. Elle se fit à la force des baïonnettes. Mais l'horreur fut portée à son comble quand, pour garder Madagascar dans son empire, la France, en 1947, confrontée à une révolte nationaliste qui durait depuis 21 mois, donna l'ordre à son armée de réprimer les velléités indépendantistes de la bourgeoisie malgache. Le gouvernement français de l'époque enverra un corps expéditionnaire de 30 000 hommes. Le bilan fut terrible, effrayant : il y eut officiellement 89 000 morts, selon l'état-major de l'armée française. Voilà une page glorieuse de l'histoire du capitalisme français, qui ne fait pas partie de nos manuels scolaires. C'est en 1960 que Madagascar va devenir indépendante, et la population de cette île aura alors le droit d'être gouvernée pendant 25 ans par Didier Rastsiraka, président aux ordres de Paris. Aujourd'hui, cet ex-président vit tout naturellement et tranquillement en France. C'est ainsi que depuis plus d'un siècle, l'histoire de cette île et de ses massacres retombent sur les épaules des différentes fractions de la bourgeoisie nationale de Madagascar, manipulées et dirigées par l'impérialisme français.
Au cours des années 1990, les Etats-Unis viennent progressivement contester la domination impérialiste de la France à Madagascar. Le départ du pouvoir de Didier Rastsiraka en 2002 et l'arrivée du président actuel Marc Ravalomanana n'est pas étranger au soutien que lui ont prodigué les Etats-Unis. Surfant déjà à l'époque sur le désespoir de la population, celui-ci incarnait, à ce moment-là, l'espoir d'une vie meilleure. Malgré la présence d'un important contingent de l'armée française sur l'île, Marc Ravalomanana, pour rester au pouvoir, jouait ainsi de l'intérêt antagonique de la France et des Etats-Unis, ouvrant même tout récemment les portes de l'île à l'impérialisme chinois. Cette politique visait progressivement à se débarrasser du poids de l'influence française à Madagascar. En décembre 2007, un nouveau venu, Andry Rajoelina, allait se faire élire maire de la capitale de la grande île, Antananarivo, capitale qui avait justement servi précédemment de tremplin politique à Ravalomanana. Cette accession au pouvoir dans la capitale était d'autant plus facilitée que l'enrichissement du président en place et de sa clique s'étalait toujours plus au grand jour pendant que la population sombrait dans une pauvreté croissante. Depuis lors, Rajoelina (que l'on nomme le "TGV" pour son côté fonceur) a progressivement et de plus en plus ouvertement contesté le pouvoir du président actuel, s'appuyant à son tour sur le développement du mécontentement et de la colère de la population. Mais la montée en puissance de ce nouveau carnassier n'est pas, à son tour, que le produit de la réalité interne de l'île. En pleine période de bras de fer entre lui même et le président Ravalomanana, Andry Rajoelina, au mois de janvier dernier, est venu en visite à Paris et ce ne fut pas seulement pour y rencontrer l'ancien président à la solde de la France, Didier Ratsiraka, et l'ancien vice-premier ministre Pierrot Rajaonarivelo. A partir de ce moment-là, tous les yeux se sont tournés vers Paris, pour savoir ce qui se tramait dans les coulisses de l'Etat français. Cela a même obligé le maire d'Antananarivo à déclarer sur TV5 : "ne pas avoir de soutien ni des Etats-Unis, ni de l'Allemagne, ni de la France, ni de la Communauté européenne", avant d'ajouter : "Ceci dit, j'ai quand même pas mal de soutien au niveau international mais se sont des accords que je ne peux dévoiler." A partir de cette date, le massacre du 7 février à Antananarivo était comme programmé et la population était, une nouvelle fois, prise en otage entre ces différentes cliques bourgeoises locales et l'appétit des grands impérialistes, dont la France.
L'hypocrisie de la bourgeoisie n'a pas de limite. Après le massacre, le maire de la capitale qui avait jeté la population dans la rue le 7 février est venu se recueillir sous les caméras devant les cercueils exposés dans le gymnase Kianja Mitafo. Andry Rajoelina et sa clique ont alors immédiatement nommé cyniquement tous ces morts "martyrs de la transition". Il s'est auto-proclamé président de la haute-autorité pour la transition vers la IVe République. Quelques jours après le massacre et utilisant la colère contre le président en place, Rajoelina a commencé à nommer, en présence de 5000 personnes, quatre ministres de cette haute-autorité. Le face-à-face entre les deux hommes qui se disputent le pouvoir à Madagascar ne peut donc que continuer à se renforcer, et les grandes puissances comme la France et les Etats-Unis poursuivront d'autant leur politique consistant à attiser le feu entre ces deux chefs de gangs locaux, cherchant chacune à affaiblir le représentant de l'autre. Cette situation ne peut qu'apporter encore plus de souffrance et de massacres pour la population prise en otage par tous ces requins impérialistes.
Tino (26 février)C'est une nouvelle défaite des ouvriers qui se sont unis pour combattre et défier les lois capitalistes, pour défendre leur travail en pleine crise de surproduction. Pire, le paiement des arriérés de salaires promis va même dépendre de la capacité de l'entreprise de "surmonter" cette crise ([3]).
Après la grève, le syndicat les a conduit à leur première défaite, en leur faisant accepter une rotation des équipes de travail en 3 x 8, mais c'était un piège de la part des capitalistes parce que le véritable objectif de ces derniers est de les chasser, de les mettre à la porte de l'entreprise.
Les leçons de cette défaite
1. Pour résister de façon effective et puissante aux attaques capitalistes - licenciements, intensification de l'exploitation sur les chaînes de travail, mise en chômage partiel - les ouvriers unis doivent refuser les lois du capitalisme qui les empêchent de se lancer dans des grèves et de paralyser la production de l'entreprise. Pendant ces deux journées de grève, les ouvriers de Giardini ont défié les lois capitalistes, en menant une vraie lutte. Les ouvriers combatifs des Philippines dans les années 1970 et 1980 ont fait de nombreuses expériences de défi à la loi dictatoriale et militaire de l'Etat en se lançant dans des grèves.
2. Une grève isolée, comme celle organisée par les syndicats pour les ouvriers de Giardini, les a conduit à la défaite et à se soumettre à ce que voulaient les patrons et le gouvernement. Les ouvriers de Giardini se sont battus en s'opposant aux lois capitalistes. Mais ils ont combattu isolés... et c'est pourquoi ils ont été défaits.
Les seules luttes véritables aujourd'hui sont les luttes qui s'étendent dans le plus grand nombre possible d'entreprises, comme cela s'est passé dans la grève des ouvriers du textile au Bengladesh en 2006 ou dans la grève massive des ouvriers du textile en Egypte en 2006-2007. Ce n'est qu'avec l'extension de la lutte à de nombreuses usines et entreprises, qu'on peut se protéger des lois anti-ouvrières et de la répression de l'appareil d'Etat.
3. Les ouvriers doivent décider et mener eux-mêmes leur propre lutte, à travers leurs assemblées et comités de grève d'usine ou comités inter-grèves, au moins au niveau d'une ville. Ils doivent lutter en dehors du contrôle syndical ou de tout parti électoral de droite ou de gauche de la bourgeoisie. Les syndicats et les partis électoraux aux Philippines ne sont intéressés que par l'accroissement du nombre de membres de leur syndicat ou par des gains électoraux. Etant donné que la crise économique et politique s'aggrave comme jamais, la concurrence entre eux s'aiguise elle aussi. Une concurrence intense au sein des syndicats de gauche et de droite et des partis électoraux, s'aiguise de plus en plus. Les syndicats et les partis empêchent l'extension et le développement de l'unité des ouvriers parce que cela signifie l'auto-organisation de ces derniers en dehors des syndicats et des partis réformistes. Plus important que tout, les syndicats sont déjà devenus comme ailleurs des appendices de l'Etat pour protéger les intérêts du capital national.
4. Les ouvriers doivent coordonner leur lutte au niveau international et tirer les enseignements des expériences de leurs frères et sœurs de classe des autres pays, notamment dans les pays où les ouvriers ont plus d'expérience de lutte - en Europe de l'Ouest. La solidarité internationale ouvrière est la meilleure arme pour gagner le combat contre l'attaque mondiale des patrons. Le prolétariat des Philippines peut apprendre beaucoup de l'expérience des ouvriers combatifs du monde entier du déclenchement des grèves "illégales" (c'est-à-dire des grèves sauvages), qui se développent de plus en plus aujourd'hui, des réunions massives et des assemblées générales qui sont la principale forme d'organisation dans la lutte.
5. La défaite des ouvriers de Giardini a toutefois apporté des leçons profitables au prolétariat combatif des Philippines pour leurs luttes futures contre le capital national et face aux attaques de la part de leurs patrons. En cela, la lutte des ouvriers de Giardini n'a pas été vaine. Plus que jamais, le mot d'ordre : "l'émancipation de la classe ouvrière doit être l'œuvre des ouvriers eux-mêmes" reste valable et nécessaire, spécialement à l'époque de la décadence du capitalisme dans laquelle la révolution communiste est déjà à l'ordre du jour de l'histoire.
Internasyonalismo[1]) Giardini del Sole est une entreprise italienne d'exportation de meubles basée à Cebu, Philippines. Elle emploie 485 ouvriers. A cause de la crise mondiale, elle a sacrifié 245 ouvriers en les jetant à la rue et en les laissant mourir de faim.
[2]) Ils sont dirigés par le Parti ng Manggagawa (parti travailliste), parti électoral gauchiste.
[3]) "Le directeur Edmundo Mirasol a exprimé l'espoir que les troubles sociaux seraient bientôt réglés. Mirasol a dit que ce n'est qu'une fois que la compagnie pourrait payer les indemnités de licenciement, que les paiements seraient assurés par l'attribution d'une allocation de chômage" (Source URL : http//www.sunstar.com.ph.cebu/jonas-steps-row-strikers-management-come-deal [33]).
L'affaire fait grand bruit dans la presse et les couloirs du pouvoir depuis quelques semaines : Bernard Kouchner, icône a priori intouchable de l'engagement humanitaire serait un magouilleur sans morale, avide de popularité et de profit. Pierre Péan, journaliste habitué des révélations « choc » sur les mœurs des grands de ce monde, s'est attaqué, en publiant son livre Le monde selon K. , à un personnage hautement médiatique qui ne manque jamais une occasion de faire parler de lui ou de se montrer et qui s'est depuis plus de trente ans construit une image d'homme dont l'engagement n'a d'égal que l'indignation face à la misère du monde.
Pour autant, aussi spectaculaires que puissent être les résultats les plus mis en avant par les médias de l'enquête de Pierre Péan, ce ne sont pas ce qui nous semble le plus scandaleux dans le CV du « french doctor ». Le livre lui-même aborde d'autres aspects autrement plus significatifs mais qui n'ont pas été repris avec autant d'exposition médiatique.
Monsieur Kouchner aurait donc toute sa vie confondu ses engagements humanitaires et politiques avec ses intérêts personnels. Il aurait notamment monnayé des missions de conseil à bon prix en échange de subventions publiques dont il assurait la gestion, avec plusieurs pays africains. Il aurait usé de sa position ministérielle pour obtenir le paiement de son dû. Il aurait fait usage de son pouvoir pour intégrer la fonction publique. Il aurait cédé sans efforts aux sirènes de l'argent pour produire un rapport bienveillant pour une société pétrolière Total peu regardante sur le droit du travail. Il aurait offert des places de choix au sein de son cabinet ou en ambassade à ses collaborateurs, mandataires et associés dans le domaine professionnel. Il aurait même favorisé la nomination de sa femme à la tête de l'audiovisuel extérieur français. Bref, comme le résume Marianne en introduction aux « bonnes feuilles » du livre1, Bernard Kouchner aurait « peu à peu troqué sa générosité contre un cynisme calculateur ».
Sans vouloir faire un concours de cynisme, nous ne voyons pas en quoi ce serait une révélation. Le cynisme et le calcul sont deux caractéristiques minimales de tout membre de base de la bourgeoisie. C'est dire si, pour fréquenter les hautes sphères du pouvoir, il faut être particulièrement prodigue en la matière. Bernard Kouchner, de par sa carrière politique qui l'emmène du PCF au gouvernement Fillon en passant par le PS, le PRG et de nouveau le PS, montre à quel point il a toujours su sentir le sens du vent et profiter de sa force pour faire avancer son navire. Avide de pouvoir et d'argent, et c'est bien un minimum pour les gens de sa classe, il a aussi et surtout su faire preuve d'un grand talent pour servir les intérêts de son pays, tout particulièrement sur le terrain impérialiste.
A la sortie du livre, plusieurs membres du gouvernement se sont empressés de soutenir leur collègue, jusqu'au président Sarkozy qui, dans son show multi-télévisé, a balayé les accusations d'une seule phrase : « Sa vie parle pour lui ».
On ne peut mieux dire. Le jeune Bernard a même montré des aptitudes précoces qui le prédestinaient très tôt à la grande carrière qu'il fit ensuite. Et c'est même sur ce plan-là que résident les aspects les plus indignes de son parcours, bien plus en tout cas que quelques magouilles et abus de pouvoir.
Alors que tout frais sorti des ses études de gastro-entérologie, Bernard Kouchner se rend au Biafra à la fin des années 1960, c'est déjà pour participer à la politique impérialiste de la France, menée à l'époque par Jacques Foccart, le Monsieur Françafrique de l'Elysée. En dénonçant le « génocide » perpétré par le pouvoir nigérian, le futur fondateur de Médecins Sans Frontières apporte son soutien aux sécessionnistes alors appuyés par la France dans une guerre civile qui allait provoquer plus d'un million de morts.
Par la suite, il ne cessera de promouvoir le concept de « droit d'ingérence », inventé par le philosophe Jean-François Revel pendant la guerre du Biafra justement, et qui fut institutionnalisé par le président de la République François Mitterrand. Au nom de ce « droit » selon lequel « on ne laisse pas les gens mourir », les grandes puissances ont pu monter des opérations militaires hors de tout cadre dans de nombreux pays en proie à la guerre, sous couvert d'intervention humanitaire. Véritable paravent aux forces armées, le droit d'ingérence avait trouvé en Bernard Kouchner son plus talentueux VRP, qui poussa même l'inventivité jusqu'à compromettre les écoliers français dont les sacs de riz serviront de voie d'entrée de l'armée française en Somalie en 1992.
Au Rwanda, il fera le même usage de "l'ingérence humanitaire" pour propulser l'armée qui, avec force moyens humains et matériels, encadrera un des pires massacres jamais perpétrés.2
A son arrivée au ministère qu'il occupe encore aujourd'hui, il tenta de refaire le même coup au Darfour.
Et ce ne sont que quelques exemples dans une vie qui, Nicolas Sarkozy a raison sur ce point, parle suffisamment pour qu'on ne puisse émettre le moindre doute sur le dévouement absolu de son ministre au service de l'impérialisme français. Que ce soit un sac de riz sur le dos ou un enfant décharné dans les bras, c'est toujours en faisant vibrer la corde humanitaire qu'il fera accepter à l'opinion choquée la complicité de la France (comme celle des autres grandes puissances) dans la misère et les horreurs de la guerre. Comme un assassin qui pleure sur le corps de sa victime, Bernard Kouchner s'indigne des massacres qu'il a contribué à perpétrer. Bien au-dessus de son mélange des genres à vocation lucrative qui aujourd'hui défraie la chronique, c'est cette posture méprisable, adoptée depuis 40 ans, partout où l'impérialisme français a fait couler le sang, qui soulève notre indignation.
La bourgeoisie est une classe de profiteurs et de cyniques. Ce qui distingue les plus grands, c'est cette capacité, que Bernard Kouchner possède à l'évidence, de repousser toujours les limites du cynisme et de l'abjection, de se débarrasser de tout sens moral dès lors que les intérêts de sa classe, la bourgeoisie, sont en jeu.
GD (18 février)
1Marianne du 31 janvier 2009.
2Lire par exemple notre article [35] paru dans RI n° 345.
Nous invitons tous nos lecteurs à venir participer au débat afin que les générations d’aujourd’hui puissent se réapproprier les leçons de cette expérience du mouvement ouvrier.CAEN
le samedi 28 mars à 17 h,
Rendez-vous à 16 h 45
devant le Grand Théâtre
de Caen, esplanade Jo-Tréhard,
afin de se rendre ensuite
sur les lieux de la réunion publique.
LILLE
le samedi 11 avril à 14 h 30,
MRES, 23, rue Gosselet
LYON
le samedi 7 mars à 17 h, CCO,
39, rue Georges-Courteline,
à Villeurbanne
(bus 27, 37, 38, arrêts Antonins)
MARSEILLE
le samedi 25 avril à 17 h,
association Mille Bâbords,
61, rue Consolât (métro Réformé)
NANTES
le samedi 21 mars à 16 h,
3, rue de l’Amiral-Duchaffault
(quartier Mellinet)
PARIS
le samedi 14 mars à 15 h,
CICP, 21 ter rue Voltaire,
métro Rue-des-Boulets (11e)
toulouse
le samedi 21 mars à 15 h,
restaurant On’Nador,
5, rue de l’Université-du-Mirail,
métro Mirail-Université
Le journal Révolution internationale, devenu mensuel depuis octobre 1975, sort aujourd’hui son numéro 400. Depuis quasiment trente-quatre ans, Révolution internationale, section du CCI en France, a publié son organe de presse de façon régulière et sans discontinuité, faisant ainsi la preuve du sérieux de notre organisation. En effet, la presse a toujours été le principal outil d’intervention des révolutionnaires au sein de la classe ouvrière. C’est à travers cette presse qu’ils peuvent faire entendre leur voix, transmettre aux nouvelles générations de prolétaires les acquis de l’histoire du mouvement ouvrier, donner une orientation aux luttes actuelles en s’appuyant sur les enseignements des combats du passé, dénoncer les mensonges, les mystifications et les pièges de toutes les fractions de la bourgeoisie, offrir un cadre cohérent d’analyse de l’évolution du monde capitaliste, affirmer la perspective historique du prolétariat en mettant constamment en avant la nécessité et la possibilité de la révolution communiste mondiale.
La presse révolutionnaire est donc une arme fondamentale du combat de la classe ouvrière. C’est forte de cette conviction que notre organisation, avec ses faibles forces, s’est efforcée pendant plus d’un tiers de siècle de publier et diffuser le plus largement possible le journal RI. Et c’est avec cette même volonté de diffuser le plus largement possible les positions révolutionnaires que RI, ainsi que l’ensemble de la presse du CCI, est depuis plusieurs années régulièrement accessible sur Internet, outil informatique qui nous a permis de développer de nombreuses discussions avec les personnes intéressées par nos positions comme avec d’autres manifestant des désaccords.
Nous tenons ici à remercier tous nos sympathisants et contacts proches qui se sont impliqués et s’impliquent à nos côtés en participant à la diffusion de notre presse dans les librairies, sur leur lieu de travail, dans les manifestations, sur les marchés et autres points de vente réguliers.
RI
Lutter, oui, mais comment ? Dans toutes les têtes, cette même question se pose face à la multiplication des attaques contre nos conditions de vie. Que faire pour se battre sans se heurter toujours aux mêmes impasses avec au bout du compte le goût amer de la défaite et du découragement ?
Il est clair que pour être capable de faire reculer la bourgeoisie et freiner ses attaques, toute lutte ouvrière doit construire et imposer un réel rapport de forces. Et quand la classe ouvrière est-elle forte ?
- Lorsqu’elle est capable d’exister comme classe unie autour d’une même lutte, autour des mêmes revendications unificatrices.
- Quand l’appartenance à un secteur particulier du prolétariat est dépassée par la conscience d’une appartenance à la même classe des exploités embarqués dans la même galère capitaliste, subissant les mêmes attaques et ayant à défendre les mêmes intérêts généraux.
Si on lutte seulement en tant qu’enseignant, postier, cheminot, infirmier, ouvrier de telle ou telle entreprise, en tant que salarié de telle ou telle entreprise, de tel ou tel secteur, défendant tel ou tel intérêt spécifique à sa boîte ou à son usine, on s’expose à se laisser enfermer et à s’isoler de tous les autres exploités dans des luttes fatalement très limitées, et la bourgeoisie peut nous conduire à la défaite et au découragement paquet par paquet.
Si au contraire, nous allons trouver les ouvriers de l’usine d’à côté, les infirmières de l'hôpital d'à côté etc., là, nous sommes au cœur d’une réelle dynamique de développement de la lutte. Quand une lutte démarre dans telle usine ou tel secteur, au lieu de rester isolés dans cette usine, dans ce secteur, la première préoccupation doit être d’étendre la lutte, d’envoyer des délégations massives vers les autres entreprises les plus proches pour les entraîner à leur tour dans la lutte, d’organiser des AG souveraines communes ouvertes à tous, sans exclusive, afin d’y faire participer des travailleurs d’autres secteurs. La véritable solidarité ouvrière lors d’une grève se forge de proche en proche sur la base d’une extension géographique de la lutte.
Propager et étendre la lutte d’un secteur à l’autre, d'une usine à l'autre, est la manifestation d’un besoin vital pour la lutte elle-même : celui de développer la solidarité active en appelant à faire des assemblées générales communes, en désignant des délégués élus et révocables à tout moment, en participant aux manifestations les plus unitaires possible. Dans les manifestations, il s’agit de permettre le rassemblement des ouvriers d’une même ville, en un même lieu, avec le soutien le plus large possible et la solidarité au sein de toute la population.
Mais comment construire un tel rapport de forces ? Est-ce possible ? Les expériences ne manquent pas. Lors de la grève de masse d’août 1980 en Pologne, de façon spontanée, avant que le syndicat Solidarnosc ne fasse main basse sur le mouvement, ce sont les ouvriers de telle ou telle ville qui envoyaient des délégations ou des représentants au Comité de grève central inter-entreprises (MKS) pour mener les négociations avec l’Etat. Ce qui fait peur à la bourgeoisie par-dessus tout, c’est de voir surgir des mobilisations massives et unitaires à travers lesquelles tous les exploités peuvent se reconnaître. C’est en tant que futurs prolétaires que ceux qui ont participé au mouvement de la jeunesse scolarisée se sont dressés au printemps 2006 contre le projet du CPE (Contrat première embauche), et qu’ils ont à certains endroits, comme dans certaines facultés parisiennes, organisé des assemblées générales ouvertes non seulement à tout le personnel de l’université (enseignant, technique ou administratif) mais à tous, parents ou grands-parents d’élèves, travailleurs comme retraités. C’est cela qui a non seulement contraint le gouvernement à abroger le CPE mais le retrait précipité d’un projet similaire en Allemagne démontre le degré de frayeur de la contagion éprouvé par la classe dominante. C’est aussi parce qu’elle tremblait de voir la révolte des étudiants précarisés en Grèce en décembre 2008 s’étendre simultanément en France que le ministre de l’éducation Darcos a suspendu sa réforme des lycées. C’est parce qu’en février dernier, les ouvriers britanniques ont commencé à remettre en cause avec colère le nationalisme dont ils étaient accusés lors de la grève dans les raffineries et les centrales électriques de Lindsey, que le gouvernement britannique a hâtivement cédé en seulement 48 heures à leurs revendications et accepté de créer de nouveaux emplois alors que ces négociations salariales promettaient de traîner pendant des semaines (voir RI no 399). C’est la massivité de la lutte en Guadeloupe autour de la revendication unitaire de 200 euros de hausse sur les salaires (et la crainte de voir cet élan revendicatif s’ériger en modèle non seulement dans les DOM mais jusqu’en métropole) qui a contraint le gouvernement à reculer (voir article dans ce numéro).
C’est précisément cette dynamique vers l’unité dans la lutte que les syndicats n’ont de cesse de saboter et de chercher à pourrir. C’est ce qu’ils font au quotidien en isolant et en encadrant chaque grève, en l’enfermant dans des revendications particulières, en mettant en avant la défense de tel ou tel intérêt spécifique propre à telle ou telle entreprise, à tel ou tel site, dirigée contre tel ou tel patron. Les syndicats appuient leur emprise et leur contrôle sur les luttes à travers l’enfermement des salariés dans le cadre de la défense d’une catégorie, d’une corporation, d’une entreprise ou d’un secteur particulier, et sabotent ainsi le développement des luttes en opposant ou en cloisonnant les ouvriers entre eux. C’est ainsi par exemple qu’ils ont pu faire passer l’attaque contre les régimes spéciaux de la SNCF en 2007, même si, à cette occasion, se sont tissés des liens de solidarité entre cheminots et étudiants en lutte contre la LRU (voir RI ? )
C’est également dans le même but qu’il organisent leurs “journées d’action interprofessionnelles” comme celles du 29 janvier ou du 19 mars qui sont entièrement destinées à canaliser, défouler, stériliser la colère et la combativité, à les priver ou amputer de toute perspective et finalement à alimenter la division dans les rangs des salariés. Ils détournent et dénaturent l’aspiration véritable à l’unité ouvrière en y substituant leur unité syndicale affichée. Mais cette façade en trompe-l’œil masque en fait un gigantesque entretien de la division au sein de la classe ouvrière. Ainsi la manifestation du 19 mars à Paris, sous prétexte de cortège trop massif, a permis aux syndicats, de façon concertée avec la préfecture de police, de scinder la manifestation en deux cortèges distincts et radicalement séparés de façon à empêcher secteur privé et secteur public de défiler ensemble. Ils ont pu ainsi fortifier un saucissonnage systématique des cortèges où chacun défile dans un cloisonnement étanche derrière les banderoles de “son” syndicat, de “son” entreprise, de “son” site, de “son” secteur, avec chacun ses propres mots d’ordre ou ses propres revendications. Les manifestations du 19 mars n’ont ainsi représenté en rien un pas en avant pour la lutte ouvrière mais, au contraire, elles ont constitué un succès de l’encadrement syndical et de ses manœuvres de division.
C’est à cet obstacle syndical que se heurtent toutes les luttes actuelles. L’exemple de la lutte des 1120 salariés de l’usine de pneumatiques Continental à Clairoix dans l’Oise, menacés de licenciement comme des dizaines de milliers d’ouvriers aujourd’hui, vient illustrer ce sabotage permanent. Avec des dizaines d’entreprises sous-traitantes et la suppression de 200 intérimaires déjà licenciés, c’est 3000 salariés qui se retrouveront bientôt privés d’emploi. Deux ans après avoir avalisé un accord signé par les syndicats avec la direction pour le retour aux 40 heures au lieu de 35 avec perte de salaire “pour éviter les licenciements”, les travailleurs ont le sentiment de s’être faits “escroquer”. L’entreprise se trouve dans une zone industrielle qui s’étend jusqu’à Compiègne et regroupe plusieurs usines importantes de la région dont les ouvriers sont promis au même sort ; leur grève avec occupation depuis le 11 mars a bénéficié d’une forte solidarité (visite de salariés d’autres entreprises, approvisionnement en paniers-repas) et a poussé les syndicats à organiser une manifestation à Compiègne lors de la journée d’action du 19 mars qui, sur les 5 kilomètres du parcours, a fait grossir le cortège parti à 3000 jusqu’à 15 000 personnes dans le centre ville (soit le quart de la population de l’agglomération !). De plus, les grévistes ont reçu le soutien des ouvriers d’Inergy (entreprise sous-traitante de l’automobile où un plan de licenciements touchant une cinquantaine de salariés avait été également mis en œuvre) qui ont spontanément mis des bus à leur disposition (leur permettant notamment de se rendre au siège de Continental à Reims puis à Paris le 25 mars où ils ont été reçus – sans aucun résultat – par un sous-fifre de l’Elysée).
Cependant, si ces manifestations de solidarité apportées de l’extérieur ont été accueillies avec sympathie, elles sont restées à sens unique et, à aucun moment, les ouvriers de Continental, étroitement contrôlés par les syndicats, n’ont remis en cause cet encadrement. En abandonnant leur lutte aux mains des syndicats, ils ne se sont pas posés la question d’aller eux-mêmes et massivement vers les autres entreprises voisines pour les appeler à leur tour à entrer en lutte alors qu’ils sont entourés d’entreprises comme Saint-Gobain, Colgate, Cadum, Aventis, Allard, CIE Automotive (entreprise où les ouvriers son réduits au chômage technique pratiquement pendant une semaine par mois). De même, les syndicats ont soigneusement confiné leurs AG à l’intérieur de l’entreprise, sapant ainsi toute initiative d’aller à la rencontre des autres secteurs en lutte. Par contre, ils ont largement encouragé des “actions” consistant à bombarder d’œufs leurs dirigeants, de même qu’ailleurs, ils ont poussé les salariés excédés à les séquestrer (tel le PDG de Sony France dans les Landes ou celui de 3M dans le Loiret ou, en bien d’autres endroits, en leur faisant occuper l’entreprise comme chez GSK – GlaxoSmithKline – à Evreux en Normandie).
Ce n’est pas de cette façon que les salariés pourront se défendre et faire aboutir leurs revendications mais, au contraire, en suivant les exemples, restés embryonnaires, de la lutte des métallurgistes de Vigo au printemps 2006 : ces derniers avaient organisé leur AG, non pas dans l’usine mais en pleine rue, permettant ainsi aux autres ouvriers d’y participer et d’aller manifester massivement ensemble (voir RI no 369). C’est la même méthode de lutte qui a été utilisée dans la grève de solidarité à l’aéroport londonien d’Heathrow en 2005, en riposte aux licenciements d’immigrés asiatiques d’une entreprise en charge des plateaux-repas dans les avions (voir RI no 360). Ce n’est pas la violence, les actions radicales ou le jusqu’au-boutisme de minorités agissantes, qui peuvent faire reculer l’ennemi de classe ; c’est la prise en charge par les travailleurs eux-mêmes de l’extension de la lutte parce que cette extension porte en elle une dynamique d’unification de toute la classe ouvrière.
C’est pourquoi, pour construire un rapport de forces en leur faveur face à la bourgeoisie, en prenant eux-même leur lutte en main, les travailleurs, dans tous les secteurs, ne peuvent faire l’économie d’une confrontation aux syndicats, à leurs pièges, à leurs manœuvres de sabotage et de division.
Eva (28 mars)
19 avril 2007, le candidat Sarkozy promet aux électeurs, la main sur le cœur : “Si je suis élu président de la République, je ferai voter dès l’été 2007 une loi qui interdira la pratique détestable des golden parachutes (1), parce que c’est contraire aux valeurs qui sont les miennes”.
24 mars 2009, le président Sarkozy, toujours aussi menteur, lance à la tribune, sans rougir : “Je le dis comme je le pense : percevoir une grosse rémunération en cas d’échec, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête. Distribuer des bonus dans une entreprise qui met en œuvre un plan social ou qui reçoit des aides de l’Etat, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête. Qu’un dirigeant qui a mis son entreprise en difficulté puisse partir avec un parachute doré, en récompense des difficultés qu’il a créées, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête. Si aucun progrès significatif n’est accompli d’ici au mois de juin, je prendrai mes responsabilités”. Le lendemain, “Si le Medef n’y va pas, on ira par la loi”. Et finalement, Sarkozy fait pondre un décret qualifié par le journal Libération de “bidon” et “d’effet d’annonce” qui ne va concerner que les dirigeants de six banques et de deux constructeurs automobiles…
Plus hypocrite et cynique, tu meurs !
Ces dernières semaines, les annonces successives de parachutes dorés, de stock-options, de primes ou de salaires versés aux grands patrons ont fait scandale. Il n’y a ici rien de nouveau sous le soleil. Le capitalisme est un système où une minorité exploite la majorité. Le mépris pour les travailleurs coule pour ainsi dire dans les veines de la bourgeoisie.
Mais il est vrai que, par ces temps de crise, voir d’un côté les ouvriers se serrer la ceinture, être licenciés et jetés comme des kleenex et, de l’autre, des grands patrons se remplir les poches est encore plus révoltant qu’à l’accoutumée. Ces annonces de millions d’euros attribués aux grands patrons ont provoqué, légitimement, un profond sentiment de dégoût.
Une situation aussi révoltante et provocatrice peut très bien pousser les travailleurs à la lutte. La bourgeoisie ne pouvait donc rester sans réagir. Son plus haut représentant, Nicolas Sarkozy, s’est immédiatement drapé de sa plus belle hypocrisie pour (une nouvelle fois) taper du poing sur la table, dénoncer ces “patrons-voyous” et promettre que l’Etat ne restera pas sans réagir devant une telle injustice.
Bref, l’Etat vient au secours de la classe ouvrière !
Cette ritournelle est d’ailleurs aujourd’hui reprise en chœur par tous les hauts dirigeants de la planète. D’Obama à Merkel, de Zapatero à Brown, tous promettent que les Etats vont intervenir pour “moraliser” l’économie. C’est même l’un des principaux buts affichés par le G20 qui se tiendra le 2 avril.
Il est donc nécessaire de rappeler une vérité toute simple : pour les prolétaires, l’Etat est depuis toujours le pire des patrons ! Qui mène sans cesse des attaques générales contre les conditions de vie de la classe ouvrière ? Qui a, ces dix dernières années, réduit l’accès aux soins, augmenté l’âge de départ à la retraite et diminué les pensions ? Qui a rendu impossible la vie aux chômeurs en les culpabilisant, en les radiant massivement des statistiques officielles et en restreignant drastiquement leurs droits ? Qui a, en 2006, voulu instaurer un contrat “poubelle” pour les jeunes (le fameux CPE) ? L’Etat, toujours l’Etat et encore l’Etat !
Pourtant, il existe encore aujourd’hui dans les rangs ouvriers beaucoup d’illusions sur la nature de cet organe bourgeois. La raison en est la croyance, inculquée et entretenue par tous les gauchistes, qu’après la Seconde Guerre mondiale, l’Etat aurait pris des mesures pour le bien-être de la classe ouvrière (la création de la Sécurité sociale par exemple). C’est le mythe de l’Etat-providence. Ainsi s’entretient l’illusion que des nationalisations massives pourraient permettre une amélioration des conditions ouvrières, et c’est d’ailleurs le programme actuel de toute l’extrême-gauche.
Contrairement à ces mensonges traditionnels de la gauche et de l’extrême-gauche, les nationalisations n’ont jamais été une bonne mesure économique pour le prolétariat. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’importante vague de nationalisations avait pour objectif de remettre sur pied l’appareil productif détruit en augmentant les cadences de travail. Il ne faut pas oublier les paroles de Thorez, secrétaire général du Parti “communiste” français et alors vice-président du gouvernement dirigé par De Gaulle, qui lança à la face de la classe ouvrière, et tout particulièrement à celle des travailleurs des entreprises publiques : “Si des mineurs doivent mourir à la tâche, leurs femmes les remplaceront”, ou : “Retroussez vos manches pour la reconstruction nationale !” ou encore : “La grève est l’arme des trusts”. Bienvenue dans le monde merveilleux des entreprises nationalisées !
Il n’y a ici rien d’étonnant. Les révolutionnaires communistes ont toujours mis en évidence, depuis l’expérience de la Commune de Paris de 1871, le rôle viscéralement anti-prolétarien de l’État : “L’État moderne, quelle qu’en soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste : l’État des capitalistes, le capitaliste collectif idéal. Plus il fait passer de forces productives dans sa propriété, et plus il devient capitaliste collectif en fait, plus il exploite de citoyens. Les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. Le rapport capitaliste n’est pas supprimé, il est au contraire poussé à son comble” (F. Engels en 1878) (2).
La nouvelle vague de nationalisations, qui a effectivement commencé dans le secteur bancaire et dans l’automobile aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, n’apportera donc rien de bon à la classe ouvrière. Elle ne permettra pas non plus à la bourgeoisie de renouer avec une véritable croissance durable. Au contraire ! Ces nationalisations annoncent des bourrasques économiques à venir encore plus violentes.
En effet, en 1929, les banques américaines qui ont fait faillite ont sombré avec les dépôts d’une grande partie de la population américaine, plongeant dans la misère des millions d’ouvriers. Dès lors, pour éviter qu’une telle débâcle ne se reproduise, le système bancaire avait été séparé en deux : d’un côté, les banques d’affaires qui financent les entreprises et qui travaillent sur les opérations financières en tout genre, de l’autre, les banques de dépôt qui reçoivent l’argent des déposants et qui s’en servent pour des placements relativement sécurisés. Or, emportées par la vague de faillites de l’année 2008, ces banques d’affaires américaines n’existent plus. Le système financier américain s’est recomposé tel qu’il était avant le 24 octobre 1929 ! A la prochaine bourrasque, toutes les banques “rescapées” grâce aux nationalisations partielles ou totales risquent à leur tour de disparaître mais en emportant cette fois-ci les maigres économies et les salaires des familles ouvrières. Aujourd’hui, si la bourgeoise nationalise, ce n’est pas pour suivre un quelconque nouveau plan de relance économique mais pour éviter l’insolvabilité immédiate des mastodontes de la finance ou de l’industrie. Il s’agit d’éviter le pire, de sauver les meubles (3).
Mais, si ce n’est à travers ses plans de relance, l’État peut-il tout de même être LE sauveur en relançant l’économie à coup de milliards de dollars ? Eh bien, non ! Cette espérance se base sur l’idée qu’un Etat ne peut pas faire faillite, qu’il peut donc sortir indéfiniment de l’argent de sa poche (ou plutôt de ses planches à billets). Ben Bernanke, l’actuel président de la Fed (la Banque centrale américaine), avait ainsi prononcé un discours le 21 novembre 2002 qui est resté célèbre : il affirmait qu’en cas de crise aux Etats-Unis, il suffisait d’“imprimer de l’argent à l’infini et le déverser par hélicoptère” (4).
Quand un particulier fait faillite, il perd tout et il est jeté à la rue. L’entreprise, elle, met la clef sous la porte. Mais un État ? Un État peut-il faire faillite ? Après tout, nous n’avons jamais vu d’État “fermer boutique”. Pas exactement, en effet. Mais être en cessation de paiement, oui ! En 1982, quatorze pays africains sur-endettés ont été contraints de se déclarer officiellement en cessation de paiement. Dans les années 1990, des pays d’Amérique du Sud et la Russie ont fait eux aussi défaut. Plus récemment, en 2001, l’Argentine s’est à son tour écroulée. Concrètement, ces États n’ont pas cessé d’exister, l’économie nationale ne s’est pas arrêtée non plus. Par contre, chaque fois, il y eu une sorte de séisme économique : la valeur de la monnaie nationale a chuté, les prêteurs (en général d’autres États) ont perdu tout ou partie de leur investissement et, surtout, l’État a réduit drastiquement ses dépenses en licenciant une bonne partie des fonctionnaires et en cessant de payer pour un temps ceux qui restaient.
Aujourd’hui, de nombreux pays sont au bord d’un tel gouffre : l’Equateur, l’Islande, l’Ukraine, la Serbie, l’Estonie, etc. Mais qu’en est-il des grandes puissances ? Le gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, a déclaré fin décembre que son État se trouvait en “état d’urgence fiscale”. Ainsi, le plus riche des Etats américains, le “Golden State”, s’apprête à licencier une bonne partie de ses 235 000 fonctionnaires (ceux qui resteront vont devoir prendre deux jours de congés non payés par mois à partir du 1er février 2009) ! En présentant ce nouveau budget, l’ex-star d’Hollywood a averti que “chacun devra consentir des sacrifices”. C’est ici un symbole éloquent des difficultés économiques profondes de la première puissance mondiale. Nous sommes encore loin d’une cessation de paiement de l’État américain, mais cet exemple montre clairement que les marges de manœuvre financières sont actuellement très limitées pour l’ensemble des grandes puissances. L’endettement mondial semble arriver à saturation (il était de 60 000 milliards de dollars en 2007 et a encore gonflé de plusieurs milliers de milliards depuis) ; contrainte de poursuivre dans cette voie, la bourgeoisie va donc provoquer des secousses économiques dévastatrices. La FED a abaissé ses taux directeurs pour l’année 2009 à 0,25 % pour la première fois depuis sa création en 1913 ! L’État américain prête donc de l’argent presque gratuitement (et même en y perdant si l’on prend en compte l’inflation). Tous les économistes de la planète en appellent à un new New Deal, rêvant de voir en Obama le nouveau Roosevelt, capable de relancer l’économie, comme en 1933, par un immense plan de grands travaux publics financé… à crédit. Mais le plan d’Obama annoncé début 2009 est, aux dires mêmes des économistes, “bien décevant” : 775 milliards vont être débloqués pour à la fois permettre un “cadeau fiscal” de 1000 dollars aux foyers américains (95 % de ces foyers sont concernés), afin de les inciter à “se remettre à dépenser” et lancer un programme de grands travaux dans le domaine de l’énergie, des infrastructures et de l’école. Ce plan devrait, promet Obama, créer trois millions d’emplois “au cours des prochaines années”. L’économie américaine détruisant en ce moment plus de 500 000 emplois par mois, ce nouveau New Deal (même s’il fonctionne au mieux des prévisions, ce qui est très peu probable) est donc encore vraiment loin du compte.
Des plans d’endettement étatique équivalents au New Deal, la bourgeoisie en lance régulièrement depuis 1967, sans véritable succès. L’endettement des ménages, des entreprises ou des États, n’est qu’un palliatif, il ne guérit pas le capitalisme de la maladie de la surproduction (5) ; il permet tout au plus de sortir momentanément l’économie de l’ornière mais toujours en préparant des crises à venir plus violentes. Et pourtant, la bourgeoisie va poursuivre cette politique désespérée car elle n’a pas d’autre alternative, comme le montre, une énième fois, la déclaration du 8 novembre 2008 d’Angela Merkel à la Conférence internationale de Paris : “Il n’existe aucune autre possibilité de lutter contre la crise que d’accumuler des montagnes de dettes” ; ou encore la dernière intervention du chef économiste du FMI, Olivier Blanchard : “Nous sommes en présence d’une crise d’une amplitude exceptionnelle, dont la principale composante est un effondrement de la demande […] Il est impératif de relancer […] la demande privée, si l’on veut éviter que la récession ne se transforme en Grande dépression”. Comment ? “par l’augmentation des dépenses publiques”.
La montagne de dettes accumulées durant quatre décennies s’est transformée en véritable Everest et rien ne peut aujourd’hui empêcher le capital d’en dévaler la pente. L’état de l’économie est réellement désastreux. Cela dit, il ne faut pas croire que le capitalisme va s’effondrer d’un coup. La bourgeoisie ne laissera pas SON système disparaître de cette façon et sans réagir ; elle tentera désespérément, et par tous les moyens, de prolonger l’agonie de son système, sans se soucier des maux infligés à l’humanité. Sa folle fuite en avant vers toujours plus d’endettement va donc se poursuivre et il y aura, probablement, à l’avenir, de-ci de-là, de courts moments de retour à la croissance. Mais ce qui est certain, c’est que la crise historique du capitalisme vient de changer de rythme. Après quarante années d’une lente descente aux enfers, l’avenir est aux soubresauts violents, aux spasmes économiques récurrents frappant non plus les seuls pays du tiers-monde mais aussi les États-Unis, l’Europe, l’Asie…
Alors, la bourgeoisie peut bien aujourd’hui tenter de nous bercer de douces illusions en nous faisant croire que les Etats ont l’économie bien en main et qu’ils vont dorénavant s’attacher à “moraliser” le capitalisme. La réalité, c’est que dans tous les pays, les Etats, de droite comme de gauche, seront les fers de lance des attaques anti-ouvrières à venir !
Jennifer (27 mars )
1) Parachutes dorés.
2)
In l’Anti-Duhring, Ed. Sociales 1963, p.318.
3) Ce faisant, elle crée un terrain plus propice au développement des luttes. En effet, en devenant leur patron officiel, les ouvriers auront tous face à eux dans leur lutte directement l’Etat. Dans les années 1980, la vague importante de privatisation des grandes entreprises (sous Thatcher en Angleterre, par exemple) avait constitué une difficulté supplémentaire pour dévoyer la lutte de classe. Non seulement les ouvriers étaient appelés par les syndicats à se battre pour sauver les entreprises publiques ou, autrement dit, pour être exploités par un patron (l’Etat) plutôt qu’un autre (privé), mais en plus ils se confrontaient non plus au même patron (l’Etat) mais à une série de patrons privés différents. Leurs luttes étaient souvent éparpillées et donc impuissantes. A l’avenir, au contraire, le terreau sera plus fertile aux luttes d’ouvriers unis contre l’Etat.
4) Depuis, on le surnomme “helicopter Ben”.
5) Pour comprendre plus en profondeur la crise économique, lire notre article “La plus grave crise économique de l’histoire du capitalisme [40]”.
Face aux mouvements de grève qui ont secoué la Guadeloupe, la Martinique et, dans une moindre mesure, La Réunion, l’Etat français a finalement reculé et cédé à presque toutes les revendications ouvrières.
En Guadeloupe, l’accord “Jacques Bino” (du nom du syndicaliste assassiné lors des émeutes de la fin février), signé le 26 février, et le texte général paraphé le 5 mars prévoient une augmentation de 200 euros pour les bas salaires (moins de 1,4 fois le SMIC) et intègrent les 146 revendications du LKP (1) sur le pouvoir d’achat (prix de la baguette, embauche d’enseignants…). En Martinique, un accord similaire a été trouvé le 10 mars, entérinant là aussi une hausse des bas salaires et les 62 revendications du “Collectif du 5 février” (2). A la Réunion, la situation est plus floue. Au moment où nous rédigeons cet article, l’accord proposé par l’Etat (150 euros pour les bas salaires et peu de précisions sur les 62 revendications du mouvement) n’a pas encore été signé par le COSPAR (3). Les discussions sont toujours en cours. Quoi qu’il en soit, même si ces négociations n’ont pas encore abouti, elles indiquent tout de même un certain recul de la bourgeoisie française.
Pourquoi la bourgeoisie a-t-elle ainsi cédé ? De quoi a-t-elle eu peur ? Comment les ouvriers de ces îles sont-ils parvenus à arracher ces mesures ? Quelle fut la force de ce mouvement ? Répondre à toutes ces questions, c’est mieux nous préparer pour les luttes futures.
De façon évidente, la première ligne de force de la lutte aux Antilles fut l’ampleur de la combativité. Durant 44 jours en Guadeloupe et 38 jours en Martinique, la classe ouvrière s’est mobilisée massivement, paralysant l’ensemble de l’économie. Les entreprises, les ports, les commerces…, tout a été bloqué (4).
Si une lutte si longue et intense a été possible, c’est non seulement parce qu’elle a été portée par une grande colère face à la paupérisation croissante mais aussi par un profond sentiment de solidarité. La première manifestation en Guadeloupe, le 20 janvier, avait rassemblé 15 000 personnes. Trois semaines plus tard, le nombre des manifestants dépassait les 100 000 (soit près du quart de la population !). Cette montée en puissance s’explique notamment par la recherche permanente de la solidarité ouvrière. Les grévistes ont ainsi tout fait pour étendre le plus rapidement possible la lutte : dès le 29 janvier, des “groupes de débrayage” ont parcouru régulièrement Pointe-à-Pitre et sa périphérie, de rues en rues, d’entreprises en entreprises, afin d’entraîner derrière eux une partie de plus en plus large de la classe ouvrière et de la population.
La seconde ligne de force est la prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes. Il est vrai que le LKP a joué un rôle important, qu’il a rédigé la plate-forme des revendications et qu’il a mené toutes les négociations. Cela dit, dans les médias, tout s’est passé comme si la classe ouvrière obéissait aveuglément au LKP et qu’elle ne faisait que suivre Elie Domota, le leader charismatique. Rien n’est plus faux ! Ce sont les ouvriers, et non les leaders syndicaux, qui ont mené la lutte ! Le LKP ne s’est constitué que pour mieux encadrer, canaliser ce mécontentement et éviter que cette prise en main des luttes par les ouvriers eux-mêmes n’aille trop loin au goût de la bourgeoisie. Ainsi, l’un des éléments cruciaux de ce mouvement en Guadeloupe fut la diffusion publique, à la radio et à la télévision, des négociations entre le LKP et l’Etat. En effet, dans la chronologie des événements établie par le LKP (5), on peut lire “Le samedi 24 janvier : Grand déboulé dans les rues de Pointe-à-Pitre – 25 000 manifestants. Invitation à des négociations avec toutes les parties à 16 h 30 au World Trade Center. […] Discussion ouverte sur l’accord de méthode. Présence exceptionnelle de Canal 10 qui retransmet en léger différé” (souligné par nous). Le lendemain, un nouveau “grand déboulé” rassemble 40 000 personnes ! Cette diffusion des négociations a galvanisé les troupes parce qu’elle montrait que cette lutte leur appartenait et qu’elle n’était pas aux seules mains de quelques “experts syndicaux” négociant dans l’ombre et le secret des bureaux étatiques. Cette diffusion publique et en direct des négociations (sur Canal 10, RFO ou Radyo Tambou) va être systématisée durant toute la semaine suivante, jusqu’au 5 février. Ce jour-là, le secrétaire d’Etat Yves Jégo qui, en voyant de ses propres yeux comment se déroule cette lutte, a compris avant tous les autres le réel danger potentiel pour sa classe, demande à ce que ces diffusions cessent immédiatement. Le LKP ne protestera que très mollement car ce “collectif” est en fait lui aussi beaucoup plus à l’aise, de par sa nature syndicale, dans le secret des négociations entre “experts” (ce qui prouve qu’il n’avait accepté dans un premier temps cette retransmission publique que sous la pression ouvrière).
Ce mouvement avait donc une grande force intrinsèque mais cela ne peut suffire à expliquer que l’Etat français ait reculé à ce point et “lâché” une augmentation de 200 euros pour les bas salaires. De plus, la bourgeoisie a aussi cédé à La Réunion alors que le mouvement y était beaucoup plus faible. En effet, les syndicats, à travers le collectif COSPAR, étaient parvenus à saboter en partie le mouvement en appelant à manifester le 5 mars, jour de la fin de la grève générale en Guadeloupe, en insistant bien sur le fait qu’il ne suivait pas le modèle “du mouvement antillais” (le Point du 4 mars). Ce collectif s’était ainsi assuré de l’isolement de cette grève. Et effectivement, sans la locomotive de la lutte en Guadeloupe, les manifestations des 5 et 10 mars auraient été des semi-échecs, avec une mobilisation bien en deçà des attentes (respectivement 20 000 et 10 000 personnes environ). Et pourtant, là aussi, l’Etat français a cédé. Pourquoi ?
En fait, la mobilisation aux Antilles et à La Réunion s’inscrit dans un contexte international de montée de la combativité ouvrière.
En Grande-Bretagne, par exemple, une grève a éclaté fin janvier à la raffinerie du groupe Total de Lindsey. Après avoir tenté en vain de diviser les ouvriers entre “anglais” et “étrangers” et face, au contraire, à l’unité des grévistes (on pouvait lire lors des manifestations des slogans tels que “Centrale électrique de Langage – Les ouvriers polonais ont rejoint la grève : Solidarité” ou “Prolétaires du monde entier, unissez-vous !”), la bourgeoise avait dû, là aussi, reculer en annulant les suppressions de postes prévus et en annonçant la création de 102 nouveaux emplois (6).
La bourgeoisie, au niveau international, n’a donc aucune envie de voir une lutte prendre de l’ampleur et donner des idées aux ouvriers des autres pays, qui plus est quand cette lutte se dote de méthodes telles que l’extension par des cortèges allant d’entreprise en entreprise, la prise en main des luttes et le contrôle des négociations par leur radio-diffusion…
Et c’est encore plus vrai en France. L’Etat français a cédé aussi rapidement à La Réunion car une grande manifestation allait avoir lieu en métropole le 19 mars. Il fallait impérativement, pour la classe dominante, que toute cette histoire de grève générale dans les DOM soit finie pour éviter qu’elle n’inspire trop les ouvriers de l’hexagone. Le journal Libération a exprimé clairement cette peur de la bourgeoisie française dans un article du 6 mars : “Contagion. A Paris, cette “révolte” qui a saisi les départements d’outre-mer a été mal comprise par le pouvoir. Sauf par Yves Jégo qui a très vite su mettre des mots dessus. Mais, par crainte de la contagion, Nicolas Sarkozy et François Fillon ont, eux, tergiversé en jouant le pourrissement… pour finir par délier la bourse de l’Etat” (7).
Certes, la lutte dans les DOM est sortie victorieuse. La hausse de 200 euros pour les bas salaires est un gain non négligeable. Cela dit, il ne faut pas se faire d’illusions, les conditions de vie de la classe ouvrière dans les îles, comme partout ailleurs, vont continuer inexorablement de se détériorer.
Déjà, la bourgeoisie tente de revenir en partie sur les accords signés. Sur les 200 euros d’augmentation, 100 doivent être versés par l’Etat, 50 par les collectivités territoriales et 50 par le patronat. Or, le Medef a déjà annoncé qu’il ne versera pas ou seulement une partie des augmentations (et encore, selon les branches et les secteurs) tout comme les collectivités. Quant à l’Etat, son engagement ne vaut finalement que pour deux ans ! Comme l’avait dit Charles Pasqua, “les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent” ; le cynisme et l’hypocrisie de la classe dominante ne sont plus à démontrer en ce domaine.
Sous les coups de boutoir de la crise, la paupérisation va continuer de se développer. Les hausses de salaires, si elles sont un jour effectives, seront rapidement annulées par la hausse des prix. Et déjà, 10 000 destructions d’emplois sont prévues pour 2009 en Martinique.
La véritable victoire de ce mouvement, c’est la lutte elle-même ! Ces expériences sont autant de leçons pour préparer les luttes futures et renforcer le ciment de la force des exploités : leur unité, leur solidarité et la confiance en leur capacité à prendre leurs luttes en main.
Pawel (26 mars)
1) Le LKP (Lyannaj kont profitasyon – Union contre la surexploitation) est le collectif regroupant 49 organisations syndicales, politiques, culturelles et associatives qui a établit dès le 20 janvier la plate-forme revendicative.
2) Collectif bâti sur le modèle du LKP dès le début du mouvement en Martinique, le 5 février donc. Il regroupe 25 organisations syndicales, politiques et culturelles.
3) COSPAR : Collectif d’organisations syndicales, politiques et associatives de La Réunion (regroupe 46 organisations).
4) Lire notre article rédigé pendant la lutte “Antilles : La lutte massive nous montre le chemin ! [41]”
5) Source : www.lkp-gwa.org/chronologie.htm [42]
6) Lire notre article “Grèves en Grande Bretagne : les ouvriers commencent à remettre en cause le nationalisme [43] ”.
En principe, les Guignols de Canal + sont une caricature de nos hommes politiques. Mais on a souvent le sentiment que ce sont les politiciens eux-mêmes qui sont les caricatures de leur marionnette.
Sur Canal, Sarkozy apparaît comme un excité mégalomane et caractériel et, lorsqu’il n’est pas sous l’œil de la caméra, c’est bien comme cela qu’il se présente à ses proches. On en trouve régulièrement des illustrations dans le Canard enchaîné qui a la réputation d’être bien informé. Ainsi, dans le numéro du 4 mars du palmipède, on peut lire la tirade suivante du Président de la République française : “Je ne veux plus voir les enseignants, les chercheurs et les étudiants dans la rue ! Fini les projets de décret (sur les enseignants-chercheurs). Fini aussi les suppressions des IUFM. Vous me réglez ça. Vous vous couchez. Je m’en fous de ce que racontent les cons (1) du ministère ! S’il le faut, vous n’avez qu’à faire rédiger les textes par les syndicats, mais qu’on passe à autre chose ! On a bien assez de problèmes comme ça. De toute façon, ce n’étaient que des projets de merde”.
Les “cons” que fustige à longueur de semaines le Président sont les “experts” qu’il a lui-même mis en place. Quant aux “projets de merde”, ils font partie des “réformes” qu’il a promises pendant sa campagne électorale et qu’il répète vouloir maintenir, vaille que vaille. Mais comme tout petit garnement capricieux et tyrannique, le “Premier des Français” essaie de faire porter le chapeau de ses propres bêtises à ses camarades de la cour de récré (2).
Dans ce même numéro du Canard, on peut lire cet autre échantillon de la profondeur de vues du Président de la République : “Copé n’arrête pas de m’emmerder, de prendre des initiatives à l’Assemblée et des déclarations qui me font chier. Alors, s’il continue à me casser les couilles, il faudra lui couper les siennes, et vite.”
La pensée officielle essaie de nous vendre que “ceux qui nous gouvernent sont des hommes comme les autres”. C’est vrai en partie : ils se comportent comme n’importe quel petit chefaillon d’un chantier de BTP et n’ont rien à lui envier dans le domaine du machisme. Mais ce sont ces hommes qui assument, pour le compte de la classe exploiteuse, les attaques permanentes contre les exploités, et cela fait une petite différence avec les “gens ordinaires”. Entre eux, ils se détestent et c’est normal : ils veulent tous être “calife à la place du calife”. Il ne faut cependant pas se faire d’illusions : face à la classe ouvrière, ils se serrent les coudes.
La solidarité que celle-ci développe lorsqu’elle engage la lutte contre ses exploiteurs n’est pas circonstancielle comme celle de la bourgeoisie. Elle exprime au contraire son être profond de classe appelée à renverser ce système pourrissant et à instaurer une société libérée de l’exploitation de même que de toutes les bassesses dont le capitalisme se repaît.
Corentin (28 mars)
1)
Il est probable que ce sont les “cons” que Sarkozy humilie à
longueur d’années qui informent régulièrement le Canard.
2) Au passage, on peut constater que même s’il est caractériel, Sarkozy n’est pas idiot : il est parfaitement conscient que les syndicats peuvent être des gestionnaires avisés des intérêts du capital français.
Nous présentons ici un tract rédigé par un collectif de travailleurs d’Alicante dénonçant la convention collective qui a été un piège signé par la Sainte Trinité des syndicats, du patronat et du gouvernement autonome.
Ces camarades dénoncent fermement la division semée par ladite convention. La bourgeoisie fait tout pour nous diviser et pour que nous nous affrontions les uns aux autres. La société actuelle pousse à l’atomisation et à la fragmentation. Elle génère la destruction des liens sociaux. Et l’action des syndicats, du gouvernement et du patronat ne fait qu’en rajouter dans cette division.
Et s’il est si difficile de lutter et se mobiliser c’est parce que le capital et ses rapports sociaux agissent quotidiennement pour qu’il y ait de plus en plus d’entraves vers l’unité, vers la solidarité, pour arriver à prendre des décisions ensemble.
Voilà pourquoi les initiatives du genre de celle de ces camarades, qui peuvent paraître modestes et minimes, sont, en réalité, un effort conscient supplémentaire qui, ajouté à bien d’autres, finiront par briser les chaînes de l’atomisation, de la division et de la concurrence.
La dénonciation que ces camarades font des syndicats nous paraît tout aussi claire. Les syndicats se présentent comme les professionnels de la négociation et de l’organisation de la lutte. Au nom de ces prétendus attributs, ils nous demandent de nous en remettre à eux ; et que finit-il par arriver ? À chaque fois, ils se placent du côté du patronat, du gouvernement, du côté des puissants. Ils ont beau se draper d’un habit “radical”, se jeter dans la rue et organiser des simulacres de lutte : leur seul objectif est de faire en sorte qu’on se défoule un peu et qu’on rentre tranquille s’enfermer chacun chez soi avec l’illusion que “nous avons fait quelque chose”.
Nous devons briser cette deuxième chaîne faite par les syndicats : pour cela, il ne faut pas en rester à la simple dénonciation, nous devons impulser des assemblées générales ouvertes à tous les travailleurs, dans lesquelles nous discutons et décidons ensemble des actions à mener, assemblées contrôlées collectivement.
Il faut que dans ces assemblées participent aussi “des travailleurs qui avec leur meilleure foi militent dans les syndicats, des travailleurs qui peuvent même être des délégués syndicaux”, comme le disent si justement nos camarades. L’expérience concrète de la lutte ouvrière et des assemblées ouvrières nous montre deux choses :
1) Les syndicats nous vendent, nous donnent des coups de poignard dans le dos, ils sont toujours au service du patronat.
2) Il y a des camarades très honnêtes qui sont prisonniers de l’activité des syndicats et, tout en pestant contre eux, gardent toujours leur carte syndicale.
Nous pensons qu’il existe une organisation où nous pouvons travailler tous ensemble EN TANT QUE TRAVAILLEURS, sans divisions entre nous dues à une carte ou une couleur syndicale : c’est l’assemblée générale liée à la lutte, ouverte aux travailleurs des autres secteurs, d’où qu’ils viennent. L’assemblée générale née de et dans la lutte, en lien avec elle, voilà le cadre de notre unité.
C’est pour tout cela que l’initiative de nos camarades doit s’étendre, doit être prise en main par d’autres travailleurs. Nous encourageons à répondre à leurs appels et à prendre des initiatives similaires.
CCI (20 février 2009)
Nous, travailleurs des centres et des services pour les handicapés dépendants de la “Convention collective du travail régionale des centres et des services de soin aux personnes handicapées de la région de Valence”, avons été bernés et manipulés par le patronat, le service régional et les syndicats.
Ces trois “agents sociaux” ont signé cette année un accord avec une nouvelle échelle de salaires : une pour les travailleurs des centres (services généraux) accordant des augmentations et une autre pour d’autres services spécifiques sans augmentation salariale.
Ceci veut dire, en pratique, que des camarades qui travaillent dans la même entreprise, avec la même convention et le même poste de travail, peuvent avoir des salaires très différents.
Dans ce sens, les agissements des syndicats sont très éclairants. Rares sont d’entre nous qui voyons les délégués syndicaux “en décharge horaire” se présenter sur les lieux de travail pour savoir quels sont nos problèmes réels et quotidiens. Ils n’y viennent que lors des élections syndicales, à la pêche aux voix, et lorsqu’il faut nous “convaincre” de quelque chose.
On signe des augmentations de salaire qui divisent les travailleurs dans notre convention collective et, en même temps, le même syndicat signe 20 plans sociaux, autrement dit le licenciement de beaucoup de travailleurs.
On est tous touchés par de tels agissements, parce qu’un jour l’entreprise où nous travaillons peut être “touchée” ou parce que des gens de notre famille ou des amis y travaillent.
Pour faire face à cette situation, il faut réaliser des actions qui favorisent l’unité des travailleurs pour nous défendre. Notre appel ne s’adresse pas seulement à notre secteur, parce que nous sommes nombreux à être les victimes des syndicats. Il s’adresse à toute la classe ouvrière.
Mais il s’adresse aussi à tous ces travailleurs qui, avec toute leur bonne foi, militent au sein des syndicats ; des travailleurs qui sont peut-être même des délégués syndicaux. Nous savons qu’il y a beaucoup de camarades honnêtes qui pensent faire de leur mieux ou la seule chose possible, qui militent dans ces organisations et qui veulent vraiment défendre les intérêts de la classe ouvrière. Avec ces camarades, nous serons toujours ouverts autant à la discussion qu’aux actions communes.
1. Une lettre de dénonciation de la signature de la convention de travail avec les handicapés, qui fait la part belle aux syndicats. Nous vous demandons de faire la plus grande diffusion de cette lettre.
2. Des e-mails de protestation contre les syndicats, le patronat et le service régional de notre secteur. Nous vous demandons aussi d’en faire la plus grande publicité.
3. Une assemblée des travailleurs de notre secteur où l’on s’informera de la situation et des actions entreprises et où l’on pourra engager d’autres actions. Nous considérons que cette assemblée doit être ouverte à n’importe quel camarade intéressé. Elle aura lieu le 26 mars à 19 heures à Alicante. Le lieu est à déterminer en fonction de la quantité de personnes qui voudront y assister. Cela sera communiqué au moins une semaine à l’avance. Il faudrait confirmer sa présence à l’e-mail de la Plate-forme.
4. Une assemblée ouverte de travailleurs début mai à Alicante. Nous attendrons jusqu’à la mi-avril pour recueillir des propositions en vue d’établir la date la plus appropriée pour cette assemblée. La date et le lieu seront communiqués au moins 15 jours à l’avance. Il faudrait confirmer sa présence à l’adresse e-mail de la Plate-forme.
Voici les questions que nous proposons pour cette assemblée :
Nous, travailleurs, sommes dans une situation extrêmement vulnérable, nos conditions de vie et de travail ne font qu’empirer de jour en jour : qui les rend encore pires et pourquoi ? Comment pouvons-nous nous défendre ? Comment pouvons-nous nous unir et nous organiser ? Pourquoi sommes-nous si désunis et comment pouvons-nous régler ce problème ? Quel est le rôle joué par les syndicats ?
Face
aux attaques continuelles
dont
souffrent les
travailleurs,
organisons-nous par nous-mêmes
pour nous
défendre !
Plate-forme
des travailleurs
des services socio-sanitaires d’Alicante
Assemblée ouverte des travailleurs
[email protected] [45]
Mercredi 4 mars, la Cour pénale internationale (CPI) a ordonné un mandat d’arrêt contre Omar Al-Bachir, le président du Soudan. Formellement, le président soudanais est accusé de “crimes de guerre et crimes contre l’humanité”.
Qui est donc justement cet Omar Al-Bachir que prétend juger la CPI, ce jouet des gangs impérialistes qui siègent au Conseil de sécurité de l’ONU, donc au service de ceux-là mêmes qui gouvernent le monde et qui ont laissé ouvertement le président soudanais détruire, réduire à la misère et violenter toute une population durant bientôt vingt ans ?
Ils ont beau jeu aujourd’hui d’épingler Al-Bachir qui, depuis son arrivée au pouvoir, n’a jamais cessé d’orchestrer guerres et exactions des plus barbares, avec un bilan de centaines de milliers de morts.
“En avril 1990, dix mois après son arrivée aux affaires, il fait exécuter vingt-huit officiers pour ‘complot’. A partir de 2003, il lance ses milices Djandjawids sur des centaines de villages du Darfour avec mission de tuer, violer, piller. On connaît le résultat : trois cent mille morts, selon l’ONU” (1).
Voila, officiellement, le morbide “bilan” des victimes d’Omar Al- Bachir au Darfour, mais pour qu’il soit complet, rappelons qu’avant de commettre ses odieuses “œuvres” dans la région du Darfour, ce même tueur (dès sa prise du pouvoir) avait relancé et amplifié le sinistre conflit du Sud-Soudan qui s’est conclu par plus de 2 millions de morts.
Omar Al-Bachir est bien le principal massacreur des populations soudanaises, mais la question est : ce barbare a-t-il pu accomplir ces horreurs tout seul, ou a-t-il bénéficié du soutien d’autres criminels qui se cachent derrière lui ?
Pour nous et pour tous ceux qui observent l’attitude des grandes puissances au Soudan, il est clair que ce sont bien ces mêmes brigands capitalistes concurrents qui se disputent le contrôle de cette région, et qui ont armé, soutenu et fermé à dessein les yeux sur les agissements du “dictateur de Khartoum”. En effet, ce dernier a servi successivement les intérêts des uns et des autres. Par exemple, dans les années 1990-2000, il fut l’instrument de l’impérialisme français dans la lutte d’influence que ce dernier livrait contre les Etats-Unis pour le contrôle de la région soudano-tchadienne. Ainsi, c’est avec l’appui militaire du régime soudanais que l’impérialisme français a pu aider l’actuel président Idriss Déby à s’emparer du pouvoir tchadien en chassant l’ex-président Hissène Habré qui, de pion de la France, fut ensuite le pion de Washington. Par ailleurs, comme le signalait le Monde du 6 mars, Sarkozy aura été le dernier chef d’Etat occidental à rencontrer Omar Al-Bachir en novembre 2008 au Qatar. Car “la France souhaitait aussi préserver le Tchad, régime ami, de nouveaux soubresauts liés à la crise du Darfour”. Voilà pourquoi Paris reste si attaché au régime criminel d’Al-Bachir.
Pour ce qui concerne les Etats-Unis, on se souvient que c’est en “ami” que le président soudanais a été sollicité par l’administration Bush en vue de signer un “accord de sécurité” pour la “guerre antiterroriste”, ouvrant grand le territoire soudanais aux agissements de la CIA et plus généralement aux intérêts américains. Mais surtout, Omar Al-Bachir venait de commettre les abjects crimes “contre l’humanité” au Darfour quand il a été invité par Washington à négocier et à signer le fameux “plan de paix américain” ayant débouché en 2005 sur un “gouvernement d’union” entre le pouvoir de Khartoum et les anciens sécessionnistes du SPLM (Mouvement de libération du peuple du Soudan du Sud). Et le représentant américain à cette “table de négociation” a bien sûr évité de remarquer que les mains d’Al-Bachir suintaient encore du sang de ses victimes.
Quant à la Chine, depuis les années 1990-2000, elle a intensifié ses relations avec Khartoum et est devenue aujourd’hui son meilleur soutien politico-diplomatique (notamment à l’ONU), tout en lui achetant près de 70 % de son pétrole et en étant, par ailleurs, son premier fournisseur en armements. En clair, le Soudan d’Al-Bachir constitue aujourd’hui le principal pion et le bras armé de l’impérialisme chinois dans l’extension de l’influence de ce dernier en Afrique.
On voit donc que le “monstre” soudanais tant vilipendé aujourd’hui par des médias occidentaux, qui retrouvent une voix “horrifiée” pour l’occasion, continue à vivre et survivre, comme il l’a toujours fait, à l’ombre d’un protecteur impérialiste, dont les “ex”, ou autres prétendants au mariage, font tout leur possible pour lui offrir une porte de sortie. Comme le dit Jeune Afrique déjà citée :
“Si le président Al-Bachir pense que l’accusation de la CIP est infondée, il peut la contester (Etats-Unis) ; il ne saurait y avoir d’autre solution que politique à la crise du Darfour (France) ; Omar Al-Bachir bénéficie d’une immunité de chef d’Etat en vertu du droit international (Russie) ; la Chine s’oppose à tout acte qui pourrait perturber la situation pacifique globale du Darfour et du Soudan (Chine)”.
Pour résumer, Français, Américains, Russes, Chinois et tous les autres vautours impérialistes se fichent totalement du sort des populations du Darfour qui, aujourd’hui comme hier, sont littéralement livrées au bourreau de Khartoum. Parce que cette région est un des hauts-lieux géo-stratégiques d’Afrique, véritable plaque tournante du continent, toutes les grandes puissances impérialistes vont continuer à se disputer leur influence en semant la guerre et la mort. Avec ou sans condamnation d’Omar Al-Bachir par le CPI, l’enfer ne pourra donc que se poursuivre pour les habitants du Darfour.
Amina (23 mars)
1) Jeune Afrique, 14 mars 09.
À l’occasion du bicentenaire de la naissance de Charles Darwin et des 150 ans de la publication de son ouvrage l’Origine des espèces, une multitude de livres, aux titres plus alléchants les uns que les autres, couvre les étals des librairies. De nombreux auteurs plus ou moins savants se sont découvert subitement un engouement pour Darwin, chacun espérant remporter la palme du best-seller de l’année, après le score du livre à sensation de Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu (qui s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires dans le monde). Pour le “grand public”, il est donc bien difficile de s’y retrouver et de faire le tri dans cette foire aux livres scientifiques. Pour notre part, nous avons choisi sans hésitation celui de Patrick Tort (1), l’Effet Darwin. Sélection naturelle et naissance de la civilisation (Éditions du Seuil), qui fournit une explication particulièrement éclairante de la conception matérialiste de la morale et de la civilisation chez Darwin.
Patrick Tort est, à notre connaissance, le seul auteur qui, dépassant la polarisation médiatique sur l’Origine des espèces, présente et explique la deuxième grande œuvre (méconnue ou souvent mal interprétée) de Darwin, la Filiation de l’homme, publiée en 1871.
Le livre de Patrick Tort met très clairement en évidence la façon dont les épigones de Darwin se sont emparés de la théorie de la descendance modifiée par le moyen de la sélection naturelle, développée dans l’Origine des espèces, et ont mis à profit le long silence de Darwin sur les origines de l’homme pour justifier l’eugénisme (théorisé par Galton) et le “darwinisme social” (dont l’initiateur fut Herbert Spencer).
Contrairement à une idée longtemps dominante, Darwin n’a jamais adhéré idéologiquement à la théorie malthusienne de l’élimination du plus faible dans la lutte sociale impliquée par la croissance démographique. Dans l’Origine des espèces, il n’a fait qu’utiliser cette théorie comme modèle pour expliquer les mécanismes de l’évolution organique. Il est donc totalement faux d’attribuer à Darwin la paternité de toutes les idéologies hyper-libérales soutenant l’individualisme, la concurrence capitaliste et la “loi du plus fort”.
Dans son ouvrage fondamental, la Filiation de l’homme, Darwin s’oppose au contraire très catégoriquement à toute application mécanique et schématique de la sélection naturelle éliminatoire à l’espèce humaine engagée dans la voie de la “civilisation”. Patrick Tort nous explique d’une façon remarquablement argumentée et convaincante, citations à l’appui, la manière dont Darwin concevait l’application de sa loi d’évolution à l’homme et aux sociétés humaines.
En premier lieu, Darwin rattache l’Homme phylogénétiquement à la série animale, et plus particulièrement à un ancêtre commun qu’il doit avoir avec les singes catarhiniens de l’Ancien Monde. Il étend donc naturellement le transformisme à l’espèce humaine, montrant que la sélection naturelle a également façonné son histoire biologique. Néanmoins, selon Darwin, la sélection naturelle n’a pas seulement sélectionné des variations organiques avantageuses, mais aussi des instincts, et particulièrement des instincts sociaux, tout au long de la série animale. Ces instincts sociaux ont culminé dans l’espèce humaine et ont fusionné avec le développement de l’intelligence rationnelle (et donc de la conscience réfléchie).
Cette évolution conjointe des instincts sociaux et de l’intelligence s’est accompagnée chez l’Homme de “l’extension indéfinie” des sentiments moraux et de la sympathie altruiste. Ce sont les individus et les groupes les plus altruistes et les plus solidaires qui disposent d’un avantage évolutif sur les autres groupes.
Quant au prétendu “racisme” dont Darwin est encore taxé aujourd’hui, on peut en réfuter la réalité par cette seule citation : “À mesure que l’homme avance en, civilisation, et que les petites tribus se réunissent en communautés plus larges, la plus simple raison devrait aviser chaque individu qu’il doit étendre ses instincts sociaux et ses sympathies à tous les membres d’une même nation, même s’ils lui sont personnellement inconnus. Une fois ce point atteint, il n’y a plus qu’une barrière artificielle pour empêcher ses sympathies de s’étendre aux hommes de toutes les nations et de toutes les races. Il est vrai que si ces hommes sont séparés de lui par de grandes différences d’apparences extérieures ou d’habitudes, l’expérience malheureusement nous montre combien le temps est long avant que nous les regardions comme nos semblables” (la Filiation de l’Homme) (2).
Selon Patrick Tort, Darwin nous donne une explication naturaliste, et donc matérialiste, de l’origine de la morale et de la civilisation.
Concernant plus particulièrement l’origine de la morale, c’est dans les chapitres de la Filiation de l’Homme relatifs à la sélection sexuelle que l’on trouve les aperçus les plus frappants. Patrick Tort nous explique que, d’après Darwin, le premier vecteur de l’altruisme chez de nombreuses espèces animales (principalement les mammifères et les oiseaux), réside dans l’instinct (indissociablement naturel et social) de la reproduction. Ainsi, le développement et l’étalage ostentatoire de leurs caractères sexuels secondaires (cornes, plumages nuptiaux et autres excroissances ornementales), destinés à attirer les femelles à la saison des amours, comportent un “risque de mort” : “Couvert de sa splendide et pesante parure de noces, l’Oiseau de Paradis est certes irrésistible, mais ne peut presque plus voler, et se trouve ainsi en grand danger face aux prédateurs. Les femelles, quant à elles, prodigueront leurs soins à la progéniture, et pourront, afin de la défendre, se mettre elles aussi en danger. L’instinct social a donc une histoire évolutive, et comporte comme éventualité le sacrifice de soi, qui culmine dans la morale humaine. Darwin produit ainsi une généalogie de la morale sans référence à la moindre instance extra-naturelle” (Patrick Tort, Darwin et la science de l’évolution).
Enfin, contrairement aux idées reçues suivant lesquelles Darwin aurait été un fervent promoteur de l’inégalité des sexes en donnant l’avantage au sexe “fort”, c’est tout le contraire qui est vrai si l’on se place dans la perspective des tendances évolutives. Pour Darwin (et c’est en cela qu’il rejoint la vision d’Engels dans l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, de même que celle d’August Bebel dans son livre la Femme et le socialisme), ce sont les femelles (et par extension les femmes) qui sont les premières porteuses de l’instinct altruiste : dans le règne animal, ce sont les femelles qui choisissent le mâle reproducteur et qui, de ce fait, font un “choix d’objet” (première forme de reconnaissance de l’altérité), de même que ce sont elles qui s’exposent le plus souvent aux prédateurs pour protéger les petits.
Grâce à sa maîtrise remarquable de l’œuvre de Darwin et de la dialectique, Patrick Tort en arrive à développer une théorie (qu’il avait déjà élaborée en 1983 dans son livre la Pensée hiérarchique et l’Évolution) de “l’effet réversif de l’évolution”.
En quoi consiste cette théorie ? Elle se résume en une phrase très simple : “par la voie des instincts sociaux, la sélection naturelle sélectionne la civilisation, qui s’oppose à la sélection naturelle”.
Pour nous éviter des paraphrases, citons ici ce passage du livre de Patrick Tort : “Par le biais des instincts sociaux, la sélection naturelle, sans ‘saut’ ni rupture, a ainsi sélectionné son contraire, soit : un ensemble normé, et en extension, de comportements sociaux anti-éliminatoires – donc anti-sélectifs au sens que revêt le terme de sélection dans la théorie développée par l’Origine des espèces –, ainsi corrélativement, qu’une éthique anti-sélectionniste (= anti-éliminatoire) traduite en principes, en règles de conduite et en lois. L’émergence progressive de la morale apparaît donc comme un phénomène indissociable de l’évolution, et c’est là une suite normale du matérialisme de Darwin et de l’inévitable extension de la théorie de la sélection naturelle à l’explication du devenir des sociétés humaines. Mais cette extension, que trop de théoriciens, abusés par l’écran tissé autour de Darwin par la philosophie évolutionniste de Spencer, ont interprétée hâtivement sur le modèle simpliste et faux du ‘darwinisme social’ libéral (application aux sociétés humaines du principe de l’élimination des moins aptes au sein d’une concurrence vitale généralisée), ne peut en toute rigueur s’effectuer que sous la modalité de l’effet réversif, qui oblige à concevoir le renversement même de l’opération sélective comme base et condition de l’accession à la ‘civilisation’ (…) L’opération réversive est ainsi ce qui fonde la justesse finale de la distinction entre nature et culture, en évitant le piège d’une ‘rupture’ magiquement installée entre ces deux termes : la continuité évolutive, à travers cette opération de renversement progressif lié au développement (lui-même sélectionné) des instincts sociaux, produit de cette manière non pas une rupture effective, mais un effet de rupture qui provient de ce que la sélection naturelle s’est trouvée, dans le cours de sa propre évolution, soumise elle-même à sa propre loi – sa forme nouvellement sélectionnée, qui favorise la protection des ‘faibles’, l’emportant, parce qu’avantageuse, sur sa forme ancienne, qui privilégiait leur élimination. L’avantage nouveau n’est plus alors d’ordre biologique : il est devenu social.”
“L’effet réversif de l’évolution” est donc ce mouvement de retournement progressif qui produit un “effet de rupture” sans pour autant provoquer de rupture effective dans le processus de la sélection naturelle (3). Comme l’explique très justement Patrick Tort, l’avantage obtenu par la sélection naturelle des instincts sociaux n’est plus alors, pour l’espèce humaine, d’ordre biologique, mais il devenu d’ordre social.
Dans la pensée de Darwin, il y a donc bien une continuité matérialiste du lien entre l’instinct social, assorti de gains cognitifs et rationnels, la morale et la civilisation. Cette théorie de “l’effet réversif de l’évolution”, en donnant une explication scientifique des origines de la morale et de la civilisation, a ainsi le mérite de mettre un terme au faux dilemme entre nature et culture, continuité et discontinuité, biologie et société, inné et acquis, etc.
Dans l’article publié sur notre site Web (de même que dans notre presse papier), Darwin et le mouvement ouvrier, nous avons rappelé comment les marxistes ont salué les travaux de Darwin, notamment son principal ouvrage, l’Origine des espèces. Marx et Engels, dès la sortie du livre de Darwin, avaient immédiatement reconnu dans sa théorie une démarche analogue à celle du matérialisme historique. Le 11 décembre 1859, Engels écrit une lettre à Marx dans laquelle il affirme : “Ce Darwin, que je suis en train d’étudier, est tout à fait sensationnel. On n’avait jamais fait une tentative d’une telle envergure pour démontrer qu’il y a un développement historique dans la nature”.
Un an plus tard, le 19 décembre 1860, Marx, après avoir lu l’Origine des espèces, écrit à Engels : “Voilà le livre qui contient la base, en histoire naturelle, pour nos idées”.
Néanmoins, quelque temps après, dans une autre lettre à Engels datée du 18 juin 1862, Marx reviendra sur son jugement en faisant cette critique non fondée à Darwin : “Il est remarquable de voir comment Darwin reconnaît chez les animaux et les plantes sa propre société anglaise, avec sa division du travail, sa concurrence, ses ouvertures de nouveaux marchés, ses ‘inventions’ et sa ‘malthusienne’ ‘lutte pour la vie’. C’est le bellum omnium contra omnes (la guerre de tous contre tous) de Hobbes, et cela rappelle Hegel dans la Phénoménologie, où la société civile intervient en tant que ‘règne animal’ de l’esprit, tandis que chez Darwin, c’est le règne animal qui intervient en tant que société civile” (Marx-Engels, Correspondance).
Engels reprendra, en partie, à son compte cette critique de Marx dans l’Anti-Dühring (Engels fera allusion à la “bévue malthusienne” de Darwin) et dans la Dialectique de la nature.
Du fait du long silence de Darwin sur la question de l’origine de l’homme (il ne publiera la Filiation de l’homme qu’en 1871, plus de onze ans après l’Origine des espèces (4), ses épigones, notamment Galton et Spencer, ont exploité la théorie de la sélection naturelle pour l’appliquer schématiquement à la socialité contemporaine. L’Origine des espèces était donc facilement assimilée à la défense de la théorie malthusienne de la “loi du plus fort” dans la lutte pour l’existence.
Malheureusement, ce long silence de Darwin sur l’origine de l’Homme a contribué à semer la confusion chez Marx et Engels qui, n’ayant pas pu prendre connaissance de l’anthropologie darwinienne (qui ne sera développée qu’en 1871 (5)), ont confondu la pensée de Darwin avec l’intégrisme libéral ou l’obsession épuratrice de deux de ses épigones.
L’histoire des relations entre Marx et Darwin, entre le marxisme et le darwinisme, était donc celle d’un “rendez-vous manqué” (selon l’expression utilisée par Patrick Tort dans certaines de ses conférences publiques). Pas tout à fait cependant puisque, malgré sa critiques de 1862, Marx continuera à garder une très profonde estime pour le matérialisme de Darwin. Bien qu’il n’ait pas pris connaissance de la Filiation de l’homme, Marx, en 1873, offrira à Darwin un exemplaire de l’édition allemande de son œuvre majeure, le Capital, avec cette dédicace : “À Charles Darwin, de la part d’un admirateur sincère”. Quand on ouvre aujourd’hui ce livre (qui se trouve dans la bibliothèque de la demeure de Darwin), on constate que seules les premières pages ont été coupées. Darwin ne fut guère attentif à la théorie de Marx, car l’économie lui semblait trop éloignée de sa compétence. Cependant, quelques mois plus tard, le 1er octobre 1873, il tient à lui témoigner sa sympathie dans une lettre de remerciements : “Cher Monsieur, Je vous remercie de l’honneur que vous me faites avec l’envoi de votre grand ouvrage sur le Capital; je désirerais sincèrement être plus digne d’en être le destinataire et pouvoir mieux m’orienter dans cette question profonde et importante de l’économie politique. Bien que nos intérêts scientifiques soient très différents, je suis convaincu que tous deux nous souhaitons sincèrement l’épanouissement de la connaissance et que celle-ci, finalement, servira à l’agrandissement du bonheur de l’humanité”.
Voilà comment les deux fleuves, malgré le “rendez-vous manqué”, ont pu, partiellement, mêler leurs eaux.
Par ailleurs, le mouvement ouvrier, après Marx, n’a pas repris à son compte la critique formulée par ce dernier à Darwin en 1862. Et cela même si la grande majorité des théoriciens marxistes (y compris Anton Pannekoek, dans sa brochure Darwinisme et marxisme) est passée un peu à côté de la Filiation de l’homme.
Bien sûr, Pannekoek, tout comme Kautsky (dans son livre Éthique et conception matérialiste de l’histoire) et Plekhanov (dans la Conception moniste de l’histoire), ont salué chez Darwin sa théorie des instincts sociaux. Mais ils n’ont pas pleinement compris que Darwin avait développé une théorie de la généalogie de la morale et de la civilisation et une vision matérialiste de leurs origines. Une théorie qui, sur bien des aspects, rejoint la conception moniste de l’histoire et débouche, finalement, sur la perspective du communisme, c’est-à-dire l’aspiration à l’unification de l’humanité en une communauté humaine mondiale. Telle était l’éthique de Darwin, même s’il n’était pas marxiste et n’avait aucune conception révolutionnaire de la lutte de classe.
D’une certaine façon, on pourrait affirmer aujourd’hui que s’il n’y avait pas eu ce “rendez-vous manqué” entre Marx et Darwin à la fin du xixe siècle, il est fort probable que Marx et Engels auraient accordé à la Filiation de l’homme la même importance qu’à l’étude de L.H. Morgan sur le communisme primitif, la Société archaïque (sur laquelle s’est appuyé en grande partie Engels dans l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État).
Ni Morgan ni Darwin n’étaient marxistes. Néanmoins, leur contribution (le premier dans le domaine de l’ethnologie, le second dans celui des sciences de la nature) restera un apport considérable pour le mouvement ouvrier. Aujourd’hui, l’espèce humaine est confrontée à un déchaînement sans précédent du “chacun pour soi”, de la “guerre de tous contre tous”, de la concurrence exacerbée par la faillite historique du capitalisme.
Face à la décomposition de ce système décadent, la classe ouvrière mondiale, celle des producteurs associés, doit plus que jamais favoriser, à travers son combat contre la barbarie capitaliste, l’extension des sentiments sociaux de l’espèce humaine afin de développer en son sein sa conscience de classe révolutionnaire. C’est le seul moyen pour que l’humanité puisse accéder à l’étape suivante de la civilisation : la société communiste, c’est-à-dire une véritable communauté humaine mondiale, solidaire et unifiée (6).
Sofiane (23 mars 2009)
1) Patrick Tort est attaché au Muséum national d’histoire naturelle. Responsable de la publication du monumental Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, il a créé et dirige l’Institut Charles Darwin International (www.charlesdarwin.fr [46]). Il a consacré trente ans de sa vie à l’étude de l’œuvre de Darwin dont il se propose, dans le cadre de son Institut, de publier l’intégralité en langue française (35 volumes prévus aux éditions Slatkine, dont deux déjà parus).
2) Il faut également souligner que Darwin était farouchement opposé à l’esclavage et a dénoncé a plusieurs reprises la barbarie de la colonisation.
3) Pour illustrer sa théorie, Patrick Tort utilise une métaphore topologique, celle du ruban de Möbius, qui permet de comprendre comment, grâce au phénomène du passage progressif au revers, on passe “de l’autre côté” du ruban sans discontinuité (voir la démonstration de cet “effet de rupture” sans rupture ponctuelle dans l’Effet Darwin. Sélection naturelle et naissance de la civilisation).
4) Darwin ne voulait pas provoquer trop rapidement un nouveau “choc” dans la société bien pensante de son époque. C’est pourquoi il a préféré attendre que le premier “choc” de l’Origine des espèces se fût estompé avant d’aller plus loin. Il n’était pas évident de faire accepter, même parmi ses pairs au sein de la communauté scientifique, l’idée que l’homme pût avoir un ancêtre commun avec les grands singes.
5) Lorsque Darwin se décida à publier en 1871 la Filiation de l’homme, Marx et Engels n’y prêtèrent pas attention, trop préoccupés qu’ils étaient par les événements de la Commune de Paris et les difficultés organisationnelles de l’Association internationale des travailleurs, alors en proie aux manœuvres de Bakounine.
6) Bien évidemment, cette société “communiste” n’a rien à voir avec le stalinisme, avec les régimes capitalistes d’État qui ont dominé l’URSS et les pays de l’Est jusqu’en 1989. Ses contours véritables ont été présentés par le Manifeste communiste de 1848 ou la Critique du programme de Gotha (Marx, 1875) notamment dans le passage suivant : “Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l’horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux ‘De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins !’”.
Nous publions ci-dessous de larges extraits d’un courrier signé “Des instits solidaires” qui exprime une véritable colère et un profond sentiment de solidarité face à la répression qui s’est abattue lundi 9 mars à Lyon sur des étudiants qui manifestaient (1).
Charge de CRS à Lyon contre des étudiants et des enseignants
Il n’y a pas qu’en Guadeloupe que l’Etat fait donner ses chiens de garde contre tous ceux qui osent remettre en cause, par leurs luttes et leurs manifestations, sa sale politique anti-ouvrière au service du capitalisme.1En effet, hier, lundi 9 mars, plusieurs centaines de manifestants avaient décidé de montrer dans la rue leur colère et leur mécontentement à propos de la venue à Lyon, pour une rencontre concernant les biotechnologies, de la ministre de Sarkozy, Valérie Pécresse, tristement célèbre dans le monde universitaire. A ces manifestants excédés par la mise à la casse de l’université et l’avenir de précarité qui leur est promis, le gouvernement a une nouvelle fois choisi de répondre par la violence. Charges de CRS, de forces spéciales et de répression, telle la BAC (2), matraquages, bombes lacrymogènes et tir de flash-balls, voilà à quoi furent soumis les manifestants. Cette répression ouverte et violente est directement dans le prolongement de celle qui s’était abattue il y a quelques mois contre les grévistes en lutte contre la LRU (3). Là encore, les CRS et autres gardes mobiles avaient notamment encerclé l’université de Bron dans la banlieue de Lyon puis tabassé systématiquement les étudiants qui ne voulaient pas céder devant ce coup de force de l’Etat. Mais aujourd’hui, l’intimidation est encore montée d’un cran puisque, en plus des blessés amenés à l’hôpital, trois manifestants ont été arrêtés. Ils doivent être jugés ce mardi 10 mars en comparution immédiate sous le motif fumeux de rébellion. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas ce que la justice bourgeoise aura décidé à leur propos. Mais dans tous les cas, c’est l’ensemble de la classe ouvrière au travail, au chômage ou dans les facultés qui se doit d’être solidaire de tous ceux qui, luttant pour défendre leurs conditions de vie et leur avenir, se retrouvent pris sous les coups de la répression, que ce soit sous forme de matraquages systématiques ou de condamnations judiciaires arbitraires. Certes, nous pensons qu’il n’est pas nécessairement judicieux d’aller à quelques centaines dans la rue, s’exposer à la férocité des forces de répression bourgeoises. […] Cependant, par delà les discussions collectives qui doivent avoir lieu dans la classe ouvrière pour savoir comment développer nos luttes, il est évident que nous ne pouvons que comprendre la colère et le refus de se laisser faire sans réagir, de la part de tous ces jeunes qui subissent directement des attaques sans précédent sur leurs conditions d’étude et leurs conditions de vie. Plus que jamais, la lutte est nécessaire. Afin que celle-ci puisse se développer de manière consciente, massive et organisée, il est sans doute important de se rassembler en formant des comités de discussion et de luttes qui pourront aborder toutes ces questions vitales. Il ne faut pas se faire d’illusions, la répression qui s’est abattue sur les manifestants à Lyon ne fait que traduire la façon dont la bourgeoisie s’apprête à répondre aux luttes à venir. Cette violence ne doit pas nous intimider, nous démoraliser ni nous démobiliser, mais elle doit amener la classe ouvrière, et tout particulièrement les jeunes en son sein, à réfléchir aux moyens de développer le combat.
Face à la répression et à la violence de l’Etat bourgeois, vive la solidarité active de toute la classe ouvrière en lutte !
Des instits solidaires
1) Ces camarades nous ont indiqué qu’ils ont aussi transmis ce courrier au site Rebellyon et qu’il y a été publié le jour même (http ://rebellyon.info/article6118.html). La version complète de ce courrier est disponible sur notre site internet.
2) NDLR : Brigade anti-criminelle.
3) Lire notre article : “Manifestation des lycéens à Lyon : des provocations policières pour tenter de pourrir le mouvement”.
Le 6 février 2009, on assistait à la naissance officielle du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) en même temps qu’à l’auto-dissolution de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Cet événement avait été annoncé et préparé de longue date. Ce nouveau parti suscite un réel engouement : alors que la LCR déclarait 3000 militants, le NPA revendique plus de 9000 membres encartés au jour de sa naissance !
A l’issue de son congrès de fondation, le NPA a nommé un Conseil politique national dont 45 % des membres viennent de l’ex-LCR. Après deux années de gestation et de montée en puissance de sa figure de proue, Olivier Besancenot, cette naissance a bénéficié d’une large publicité dans les médias (notamment à travers l’émission populaire Vivement dimanche ! animée par Michel Drucker en mai 2008). Mais elle est également accueillie avec intérêt et sympathie en milieu ouvrier, notamment parmi les jeunes générations de prolétaires séduits par son “ouverture” apparente à tous les thèmes sociaux et surtout à leurs préoccupations quotidiennes : la lutte contre les inégalités sociales et la dégradation de leurs conditions de vie et de travail, le combat contre la précarité, la dégradation de l’environnement, l’encouragement à la mobilisation dans toutes sortes de luttes… Plusieurs interrogations sautent aux yeux d’emblée :
Quels sont le programme réel et les objectifs du NPA ? Pourquoi l’apparition aujourd’hui de ce nouveau parti dans le paysage politique national ? A quoi et à qui peut-il servir ? Qu’est-ce qui le distingue et a contrario quels sont ses points communs avec l’ex-organisation trotskiste de la LCR dont il est l’excroissance ?
Les réponses à ces questions nous conduiront à revenir aux origines et à l’histoire de la LCR que nous analyserons à travers une série d’articles pour appréhender la nature de cette organisation-mère et du NPA lui-même.
Mais d’abord, il faut noter que le changement de nom est significatif. Il est clair que la LCR faisait apparaître deux termes : “communiste” et “révolutionnaire” qui renvoient à une tradition précise et historique du mouvement ouvrier que le NPA fait disparaître. La LCR prétendait se rattacher à cette tradition en se revendiquant clairement comme organisation “trotskiste” et même représentante en France de la “Quatrième Internationale” fondée par Trotski en 1938. La LCR voulait ainsi se placer dans la continuité historique des trois précédentes Internationales du mouvement ouvrier, et se réclamait de Trotski, l’un des plus fameux révolutionnaires de l’histoire, comme de Lénine et des principaux protagonistes de la Révolution d’octobre 1917 en Russie. Le NPA est résolument en rupture avec de telles attaches. Ainsi, Besancenot a déclaré à cor et à cri en fondant le NPA : “on ne peut pas faire du neuf avec du vieux”, et aussi : “il est temps de tourner la page du vieux mouvement ouvrier pour écrire une nouvelle page vierge”. En fait, cherchant à ratisser plus large, Besancenot se garde non seulement de nier cet héritage mais il dit aussi accepter plusieurs autres influences, y compris celle de Rosa Luxemburg. Cependant, il a déclaré publiquement à plusieurs reprises que Trotski se rattachait à un passé révolu, de même que son combat d’opposant à Staline et au stalinisme. Selon lui, une nouvelle période se serait ouverte avec l’effondrement du “modèle soviétique” en 1989, dépassant les schémas du passé. Dans une interview à Rue89 le 20 février, Besancenot déclarait : “Trotski n’est pas mon sponsor officiel.” Certes. Mais de sponsors, Besancenot n’en manque pas, il est l’invité régulier d’émissions et de débats à la télévision, il ne manque jamais l’occasion de faire la une des magazines et de la presse people ! Il a d’ailleurs précisé que son organisation préférait prendre “Che” Guevara pour modèle. Ces déclarations sont pour le moins curieuses quand on sait qu’en fait, “Che” Guevara se rattache lui aussi étroitement à “une période historique révolue”, celle de la Guerre froide et qu’au nom d’un “anti-impérialisme” hostile aux Etats-Unis, le “Che” a été partie prenante dans l’affrontement entre les deux blocs impérialistes russe et américain (voir notre article “Che Guevara : mythe et réalité”, RI n° 384, novembre 2007).
Quant à “l’anticapitalisme” revendiqué par le NPA, on ne saurait être plus vague et flou ; car qui aujourd’hui se déclare “pro-capitaliste” alors que tout un chacun jusque dans la classe dominante reconnaît que le capitalisme est en crise ? Même un Sarkozy ose proclamer qu’il faut “refonder le capitalisme” (même si, comme tous les dirigeants du monde entier, il n’a aucune clé pour sortir le capitalisme de l’impasse).
Ce flou est au cœur du programme du NPA qui se présente comme un champion de la démocratie et de la “citoyenneté”, comme un parti “ouvert”. Le livre tout récemment paru en librairie d’un ancien membre de la LCR adhérent au NPA, François Coustal, l’Incroyable histoire du Nouveau parti anticapitaliste, donne quelques clés pour comprendre comment s’est formé le NPA et comment la LCR a agrégé et aspiré un incroyable ramassis venu des quatre coins du paysage politique, mêlant vieux routiers plus ou moins issus du gauchisme et jeunes éléments lycéens sans la moindre formation politique : mouvance altermondialiste, ex-membres d’ATTAC, animateurs de réseaux ou de mouvement associatifs dans les quartiers, écolos alternatifs, anciens Verts, partisans de José Bové, oppositionnels au traité de Maastricht, fractions ou éléments dissidents de LO, anciens mao-staliniens repentis, libertaires en rupture de ban, syndicalistes de SUD-Solidaires, minoritaires de la CGT ou de la FSU et même de FO, ex-membres du PC, rénovateurs comme refondateurs. Tous les vieux routards ont amené leur propre expérience “politique”, c’est-à-dire un passé de grenouillage et d’alliances magouilleuses dans la “gauche plurielle” avec telle ou telle “sensibilité” particulière à tel ou tel problème “de société”, souvent contradictoires. Il est savoureux de rapporter certains débats préparatoires à la formation du NPA : “J’ai assisté à un débat de fous sur les vertus des toilettes sèches. Des copains de sensibilité fortement écologiste insistaient sur le fait que l’on pouvait les installer sur les balcons. A quoi des habitants des cités populaires répliquaient vertement que, dans leur cité, il n’y avait pas de balcons. Même incompréhension lorsque certains prônaient les thèses de la décroissance : d’autres qui étaient dans la galère, leur répondaient que eux, dans la décroissance, ils y étaient depuis longtemps, voire depuis toujours !” (in F. Coustal, op.cit., p. 74).
Le NPA se présente néanmoins comme porteur d’une “nouvelle perspective” et affiche plusieurs ambitions :
– créer un nouveau pôle “rassembleur”, une véritable gauche d’opposition sur le plan électoral, à visage résolument “antilibéral”, brandissant l’étendard de “l’anti-sarkozysme” comme en s’opposant au pouvoir de la droite et des patrons ; les médias le désignent volontiers comme le meilleur adversaire de Sarkozy ;
– concurrencer le PS et se démarquer nettement d’une social–démocratie “convertie au libéralisme” et surtout trop compromise dans les attaques anti-ouvrières. Le NPA déclare ne plus vouloir lui servir d’éternel rabatteur lors des élections, comme l’était la LCR : “Nous sommes dans l’indépendance vis-à-vis du PS” qui “par son programme et sa pratique (…) a renoncé à toute transformation sociale.”
En effet, le PS a perdu de plus en plus sa crédibilité de force d’opposition et d’encadrement, en s’affirmant avant tout comme parti de gouvernement prenant ou prônant pendant une quinzaine d’années les mêmes mesures que la droite et menant de féroces attaques contre la classe ouvrière.
Dans le même temps, le PCF, lui aussi décrédibilisé par la participation de ministres communistes au pouvoir au sein d’un gouvernement de gauche d’abord entre 1981 et 1984, puis entre 1997 et 2002 au sein de la “gauche plurielle”, se retrouve trop affaibli et complètement discrédité depuis l’effondrement des régimes staliniens après 1989. Depuis près de 20 ans, régulièrement, à chaque élection, le PCF rassemble moins de voix que la LCR et à un degré moindre, LO, chacun séparément. Il ne doit sa survie surtout sur le plan électoral et dans l’appareil d’Etat comme groupe parlementaire et à la gestion des municipalités qu’à la place que veut bien lui accorder le PS dans ses listes d’union de la gauche.
Au cours des années précédentes, la LCR s’attachait, en concurrence avec LO, à combler ce vide et l’affaiblissement dangereux pour la classe dominante des forces politiques d’encadrement traditionnelles de la classe ouvrière mais face à la situation actuelle et au renouveau de la combativité et de développement de la lutte de classe, cette adaptation était insuffisante. D’ailleurs, il est patent que LO marque le pas et que son crédit s’effrite. Même avec la radicalité de son discours et son caractère plus ouvriériste, LO comme son égérie Arlette Laguiller (qui vient de passer la main à une plus jeune “copie conforme”, Nathalie Arthaud), apparaissent surannés et leur rabâchage de propos trop connus a suscité une lassitude dans les médias.
Au contraire, la LCR a déniché l’oiseau rare en trouvant dès les présidentielles de 2002 le jeune petit facteur, Besancenot, comme porte-parole gouailleur et rubicond, à la bouille sympathique, brillant orateur, habile tacticien et doué d’un sens de la communication exceptionnel. Tous les médias bourgeois l’ont alors propulsé sur le devant de la scène politique.
Mais il serait erroné d’y voir un simple engouement en vogue passagère. Tout nouveau, tout beau, bien sûr ! Mais l’entreprise de la bourgeoisie est autrement plus sérieuse et dangereuse. La création de ce “nouveau parti” est en fait un véritable contre-feu favorisé par l’éclectisme démagogique et opportuniste de la LCR au nom de la défense de la citoyenneté et de la démocratie. Cela correspond bien à un besoin de la bourgeoisie et de son adaptation à non seulement canaliser mais surtout noyer et dévoyer la montée de la colère ouvrière derrière une contestation tous azimuts. La pression de la crise et la montée des mécontentements pousse le NPA à radicaliser ses postures, à s’orienter davantage en milieu ouvrier, en particulier en direction des jeunes générations de prolétaires baignés dans la question du chômage et de la précarité. L’implantation et l’orientation plus “sociale” et ouvrière sont nettement plus affirmées au NPA qu’au sein de la LCR, dont le programme était jusque-là marqué par des préoccupations avant tout interclassistes (droit des peuples, des minorités, féminisme…) ; c’est un autre paradoxe apparent : le NPA actuel, en perdant ses références directes au communisme et à la révolution, révèle une tendance à être beaucoup plus ancré dans le prolétariat que la LCR dont les éléments venaient essentiellement du milieu étudiant et de la petite-bourgeoisie. C’est en fait dans l’ensemble du prolétariat et non plus sur des minorités qu’il a l’ambition de mener un travail de sape idéologique.
C’est pourquoi le modèle du postier Besancenot, qui change de casquette en sautant d’un endroit à l’autre en surfant sur l’actualité, fait recette. Présent lors de la manifestation du 29 janvier sous la bannière de SUD et des postiers du 92, puis s’affichant au forum social altermondialiste de Sao Paulo, baladant encore son image porteuse de lutte en lutte, que ce soit en Guadeloupe ou dans les usines en grève, faisant le va-et-vient entre une réunion NPA et deux plateaux télés, il est aussi en constante campagne électorale.
Il est maintenant concurrencé par le Parti de gauche créé le week-end précédent par l’ex-membre de la direction du PS Jean-Luc Mélanchon qui, lui, est sorti de l’appareil social-démocrate pour préconiser un vaste front électoral de gauche, incluant une alliance directe avec le PCF et plus proche du PS. Et aux offres de service duquel Besancenot a répliqué : “Nous ne sommes pas une boutique électorale, pas un parti institutionnel, mais un parti de militants”, bien qu’un quart des délégués du NPA souhaite que ce dernier rejoigne directement le front de gauche de Mélanchon et du PCF.
En fait, le NPA a pour vocation de stériliser et de figer les interrogations de plus en plus nombreuses qui surgissent au sein de différents secteurs et de différentes couches sociales sur l’impasse de la société capitaliste. Il court-circuite la réflexion collective pour la ramener sur un terrain électoral, nationaliste et syndical, avec des “solutions” qui ne sont que de vieilles recettes idéologiques réformistes faisant croire à une autre gestion du capitalisme possible : faire payer les riches, relancer la consommation populaire, mieux répartir les richesses, autogestion. Ou encore à base de vieilles recettes capitalistes d’Etat : nationalisations des entreprises et des banques, ou à base d’illusions altermondialistes d’aménagement de la misère. Aujourd’hui, c’est un piège pour ramener sur le terrain bourgeois beaucoup de jeunes prolétaires précarisés, inquiets de l’avenir bouché que leur réserve le capitalisme en crise, étudiants ou lycéens, qui s’interrogent et veulent sincèrement faire quelque chose pour s’opposer au système qui les broie. Il exploite et flatte l’impatience de beaucoup, la fascination pour l’activisme et l’immédiatisme. Pour cela, il anime et multiplie la création de “collectifs” comme l’Appel et la Pioche qui lancent des actions comme les pique-niques “sauvages, festifs et gratuits” dans les rayons des supermarchés, après avoir médiatisé l’événement en rameutant les journalistes de presse comme dans le 20e, à Montreuil ou à Bagnolet. Il prétend agir tout de suite, tous azimuts, ici et maintenant, en infiltrant les réseaux déjà existants associatifs, syndicaux ou “citoyens”. Il s’agit en même temps d’occuper les cerveaux des “militants” en tissant de multiples réseaux de collectifs corporatistes, géographiques ou sectoriels au niveau du quartier, de l’entreprise, de la ville, de la région, comme une toile d’araignée tentaculaire pour les organiser sur base d’activités sectorielles de façon à les encadrer, les organiser en les enfermant comme dans des ghettos sur des problèmes ou dans des catégories spécifiques. Féminisme ou immigration, antiracisme, revendications parcellaires, droit des minorités sexuelles, ethniques ou régionalistes sont autant de thèmes servant à diluer la prise de conscience et à faire obstacle à l’affirmation et à la prise en mains de l’unité et de la solidarité de classe. Ce que propose en réalité le NPA avec sa façade plus “radicale” par rapport au projet d’origine, c’est d’organiser chacun dans son coin les jeunes, les femmes, les sans-papiers, les intérimaires, les précaires…, ne se retrouvant ensemble qu’autour d’un seul projet “politique” unitaire : former et élire des représentants du NPA.
Ce que défend en réalité ce parti attrape-tout et activiste, c’est un programme parfaitement bourgeois, aux antipodes des besoins réels d’unité et de solidarité dans les luttes de la classe ouvrière, qui est la continuation du programme de la LCR. Il perpétue les entraves au développement de la conscience de classe en mettant en avant la défense de toutes les principales mystifications idéologiques bourgeoises : parlementarisme et démocratie, vieilles recettes gestionnaires capitalistes d’Etat, défense des syndicats, défense d’un camp impérialiste contre un autre dans les conflits armés, frontisme inter-classiste au nom de l’anti-fascisme hier, de l’anti-sarkozysme aujourd’hui qu’on retrouve tout au long de l’histoire de la LCR et de ses ancêtres. Le NPA n’a rien de nouveau et rien d’anticapitaliste, pas plus que la LCR auparavant n’avait quoi que ce soit de communiste ou de révolutionnaire. C’est ce que nous verrons de plus près dans un prochain article retraçant les origines et l’histoire de la LCR.
W
L’enfoncement de l’économie mondiale dans une récession qui n’a d’égale que celle des années 1930, signe la faillite irrémédiable du capitalisme. Face à l’aggravation de la crise, la classe dominante, en France comme dans tous les pays, n’a pas d’autre alternative que de poursuivre et renforcer ses attaques contre toutes les conditions de vie de la classe ouvrière.
Licenciements massifs dans les entreprises privées, suppressions de postes dans la fonction publique, baisse des salaires et du pouvoir d’achat, diminutions des prestations sociales, etc., aucun secteur, aucune catégorie socio-professionnelle n’est aujourd’hui épargnée par les coups de boutoir de cette crise économique.
La bourgeoisie veut nous faire croire que ce n’est qu’un mauvais moment à passer, qu’il suffit de “moraliser” le capitalisme, de lutter contre les abus des patrons et de mettre en place une meilleure gestion du système pour sortir du tunnel. A condition bien sûr que chacun y mette un peu du sien et que les travailleurs acceptent quelques sacrifices pour aider les gouvernements à sortir de l’impasse.
Tous ces discours ne sont que des mensonges ! Toutes les fractions de la classe dominante, son gouvernement, son patronat, ses partis politiques de gauche comme de droite et ses “experts” savent pertinemment que ce système est gangréné jusqu’à la moelle et que les sacrifices d’aujourd’hui ne peuvent qu’appeler d’autres sacrifices demain.
Les jeunes générations de prolétaires ne se font d’ailleurs aucune illusion : elles savent très bien que la seule perspective que leur offre le capitalisme, c’est le chômage, la précarité des petits boulots et la misère.
C’est justement face à cet avenir totalement bouché que partout, dans les entreprises du public et du privé, de même que parmi les étudiants et lycéens, la colère continue à monter.
Depuis le début de l’année, il ne se passe pas un jour sans qu’une grève n’éclate dans telle ou telle entreprise pour des augmentations de salaire, contre les licenciements et la dégradation générale des conditions de travail. Et cette situation ne concerne pas seulement la France, mais tous les pays et tous les continents.
Face aux attaques tous azimuts, face au chômage et à l’aggravation de la misère, les travailleurs n’ont pas d’autre choix que de se battre pour la défense de leurs conditions de vie et pour l’avenir de leurs enfants.
Mais comment peut-on lutter efficacement, construire un rapport de force en notre faveur face aux attaques du capital, de son patronat et de son gouvernement ?
Le seul moyen d’obliger la bourgeoisie à reculer et à freiner ses attaques, c’est de lutter massivement, tous unis, en brisant toutes les divisions corporatistes, par secteur et par entreprise. Si nous nous battons chacun dans notre coin en mettant en avant nos propres revendications spécifiques, nous allons inévitablement à la défaite, paquet par paquet.
Pour se battre tous unis, il faut mettre en avant des revendications communes à tous, et dans lesquelles tous les travailleurs de toutes les entreprises peuvent se reconnaître et se retrouver. Si nous restons enfermés derrière les revendications qui ne concernent que les salariés de notre entreprise, nous ne parviendrons jamais à développer une lutte massive et à obtenir la solidarité active des autres entreprises.
Si nous nous battons tous seuls à l’intérieur de nos “boîtes” en menant des actions radicales comme celles de la séquestration des patrons, le gouvernement et le patronat ne reculeront pas. Nous irons inévitablement à la défaite et à la démoralisation.
C’est la solidarité de tous les travailleurs qui doit être le ciment de notre combat. Pour cela, il faut sortir de nos “boîtes”, étendre la lutte en allant massivement dans les entreprises les plus proches afin de pousser les autres travailleurs à s’engager eux aussi dans un seul et même mouvement.
Il faut aussi aller dans tous les lieux publics où peuvent se tenir des meetings et des assemblées générales auxquelles doivent pouvoir participer tous les travailleurs, les chômeurs, les étudiants. Il faut discuter collectivement de la situation à laquelle nous sommes tous confrontés afin de décider des actions à mener.
Dans les manifestations organisées à l’appel des syndicats, nous devons mettre en avant des mots d’ordre unitaires et unificateurs (et non pas défiler derrière les banderoles de “sa” boîte ou de “son” syndicat).
Souvenons-nous que si les travailleurs de la Guadeloupe ont réussi à obtenir gain de cause et ont pu faire reculer la bourgeoisie sur les 200 euros d’augmentation de salaires, c’est grâce à leur détermination à aller jusqu’au bout, en développant une lutte massive où tous les secteurs étaient mobilisés et unis.
La grève des travailleurs de la Guadeloupe nous a montré le chemin à suivre.
Ne nous laissons pas diviser par tous les simulacres de lutte ! Refusons toute “négociation” par entreprise, par secteur, par région !
Seule la lutte massive, solidaire et unie paie !
RI
Sur le site Web de la “Cité des Sciences et de l’Industrie”, a été placé le commentaire suivant, émanant d’une certaine Delphine Gardey, historienne au CNRS : “C’est de la faute aux mouvements ouvriers ! Là-dessus, le mouvement ouvrier n’a pas été formidable, parce qu’il a été aussi extrêmement anti-féminin et antiféministe à ses débuts, notamment sous l’inspiration de Proudhon, et la revendication “A travail égal, salaire égal” a mis du temps à être acceptée par les syndicats révolutionnaires, qui pouvaient voir dans le travail féminin une forme de concurrence ; de plus les hommes ne souhaitaient pas démissionner du pouvoir domestique dont ils étaient finalement les détenteurs au sein de l’espace domestique ouvrier. Il y a eu une lutte au sein des foyers avec des répercutions importantes sur la vie des femmes et leur possibilité d’avoir des salaires dignes de ce nom.”
Ce commentaire appelle une brève réponse de notre part.
Il est vrai que le mouvement ouvrier en France a été marqué par la misogynie de Proudhon. Mais, même s’il a eu du mal à se dégager progressivement des préjugés de l’époque, le mouvement ouvrier n’est pas responsable d’une vision inégalitaire de sexes, comme le prétend Madame Gardey !
Ces préjugés, dont Proudhon s’était fait le porte-parole, ont eu, certes, une certaine influence en France, en Espagne, en Italie et en Belgique (en Grande-Bretagne, la classe ouvrière était surtout influencée par Owen).
Le mouvement ouvrier ne se développe pas d’emblée avec une pleine clarté et est forcément marqué par les préjugés ambiants et l’idéologie de la classe dominante. Néanmoins, dès ses origines, il n’a pas été marqué seulement par les préjugés sexistes de Proudhon, mais aussi par Fourier qui faisait également partie des socialistes utopistes. Or, contrairement à Proudhon, Fourier était, quant à lui, pour l’égalité des sexes.
D’après Delphine Gardey, le mouvement ouvrier serait responsable du sexisme, ce qui est totalement faux ! Dès le début, le mouvement ouvrier a mené un combat pour éliminer les préjugés bourgeois. Le syndicalisme révolutionnaire en France, en Espagne, en Italie a été inspiré en partie par le proudhonisme, car l’idéologie patriarcale était beaucoup plus puissante dans les pays latins que dans ceux d’Europe du nord.
En réalité, il semble que Delphine Garrey s’évertue surtout à séparer la lutte des femmes du mouvement ouvrier. Les “féministes” n’ont jamais compris que les femmes ne pourront se libérer de l’oppression sexiste que par la lutte contre l’exploitation capitaliste, en se situant d’un point de vue de classe en tant que prolétaires.
Marx et Engels (notamment dans l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État) avaient déjà démontré que l’oppression des femmes n’est qu’une reproduction de l’exploitation de la classe ouvrière. C’est ce qu’avaient compris également Charles Fourier et Auguste Bebel.
Et c’est justement parce que la lutte des femmes fait partie intégrante de la lutte de la classe exploitée que les partis socialistes au xixe siècle (notamment le parti allemand) comportaient des sections féminines regroupées dans l’Internationale des femmes.
Sur cette question, nous renvoyons nos lecteurs à notre article de mars 2008, “Journée Internationale des femmes : seule la société communiste peut mettre fin à l’oppression des femmes [49]” (RI, no 388).
Sofiane
Nous poursuivons ici notre série d’articles commencée dans le n° 400 de RI sur cette “nouvelle” organisation au sein du paysage politique en France qui se présente comme “Nouveau parti anticapitaliste”. Avant même d’entreprendre un retour vers la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et d’analyser ce qu’a représenté le “mouvement trotskiste”, où la LCR elle-même plonge ses racines, il nous paraît indispensable d’examiner quels sont les liens et les différences entre le NPA et la LCR qui lui a donné naissance.
La crise du capitalisme révèle aujourd’hui de façon criante sa faillite. Face à l’explosion des inégalités sociales, des plans de licenciements, de la précarité, se développent non seulement une colère, une exaspération et une combativité mais aussi une réflexion consciente, notamment parmi les jeunes générations de prolétaires, qui les poussent vers le refus d’un système d’exploitation qui mène l’humanité à sa perte. C’est dans ce contexte qu’émerge ce nouveau parti, le NPA, qui suscite un élan de sympathie et connaît un certain succès dans la mesure où il se présente, surtout auprès des jeunes, comme un “parti de luttes” et délivre un message mettant en accusation le système capitaliste.
Effectivement, le NPA dresse d’abord dans l’exposé de ses “Principes fondateurs” un état des lieux des méfaits du capitalisme où il met en évidence que “le capitalisme met l’humanité et la planète en danger” et déclare que “les ravages de la domination capitaliste donnent toute son actualité à l’alternative ’socialisme ou barbarie’” en reprenant à son compte l’expression d’Engels et de Rosa Luxemburg. Mais est-ce que ce nouveau parti permet de faire fructifier réellement le développement actuel de la lutte des classes et apporte une véritable perspective révolutionnaire capable de sortir la société de l’impasse où la condamne le capitalisme ? Que dit son “programme” ?
Dans les “Principes fondateurs du NPA”, on trouve en préambule cette déclaration : “La seule réponse à la crise globalisée du capitalisme, le combat dont dépend l’avenir de l’humanité, c’est le combat pour un socialisme du xxie siècle démocratique, écologique et féministe.”
Et la suite est un long catalogue de recettes maintes fois avancées (notamment par la LCR) pour réformer le système, mieux le gérer, alignant une longue série de droits démocratiques à défendre et de revendications pour une meilleure gestion économique, sociale et environnementale du capitalisme : nationalisation des services publics et des ressources naturelles, promulgation de décrets pour interdire les licenciements, “appropriation sociale du produit du travail” (c’est à-dire autogestion des entreprises), expropriation sans indemnisation des grands groupes capitalistes sous le contrôle des salariés et de la population, redistribution des richesses sous contrôle de l’Etat mais aussi respect des droits démocratiques des minorités, “lutte contre toute forme de sexisme, de racisme, de discrimination (sexuelle, religieuse ou ethnique) et d’oppression”. Il s’agirait donc, dans son Programme (présenté comme “provisoire”), d’instaurer “plus de démocratie” pour déboucher sur une “meilleure répartition”, “plus équitable”, des richesses. L’urgence ? Ce serait, selon lui, de mettre en avant un... “Programme d’urgences sociales, démocratiques et écologiques”... qui n’a rien de nouveau ni de révolutionnaire mais qui est un “copié-collé” du programme de la LCR, lui-même largement inspiré par les méthodes du “Programme de transition” trotskiste de la IVe Internationale en 1938) (1). Ce programme, conduit à une séparation “tactique” entre d’un côté un “programme minimum” réformiste, à mettre en place immédiatement, et de l’autre un lointain “programme maximum” révolutionnaire. Mais cette séparation, en fait, isole la lutte économique des prolétaires (pour la défense de leurs conditions de vie) de la lutte politique dont ils sont porteurs comme seule force capable de renverser le capitalisme ! Et finalement, la boutique à l’enseigne du NPA nous propose, à la place de faire la révolution, ce cocktail fait de revendications hétéroclites. Bien entendu, le NPA ne déclare jamais renoncer à la révolution, mais il n’évoque cette perspective que dans un seul passage dans ses “Principes”, au milieu de ses recettes pour “lutter efficacement” contre le capitalisme. On trouve ainsi cette affirmation : “Une domination de classe ne peut pas être éliminée par voie de réformes. Les luttes peuvent permettre de la contenir, de lui arracher des mesures progressistes pour les classes populaires, pas la supprimer. En 1789, la domination de classe privilégiée de l’Ancien Régime n’a pas été abolie par des réformes. Il a fallu une révolution pour l’éliminer. Il faudra une révolution sociale pour abattre le capitalisme.”
Non seulement la prétendue “révolution sociale” que le NPA évoque pour un lointain avenir est repoussée aux calendes grecques mais, de plus, elle est calquée sur le modèle de la révolution bourgeoise, permettant ainsi de masquer la différence fondamentale de nature de classe entre bourgeoisie et prolétariat.
Alors que la bourgeoisie a déjà conquis le pouvoir économique sous l’Ancien Régime, le prolétariat n’a aucun pouvoir économique dans la société capitaliste où il reste toujours une classe exploitée. Comme nous l’avons maintes fois affirmé : “Alors que la révolution bourgeoise constituait, fondamentalement, le couronnement politique de la domination économique bourgeoise sur la société qui s’était étendue progressivement et fermement sur les vestiges de la société féodale décadente, le prolétariat ne détient aucun pouvoir économique au sein du capitalisme (...) Les seules armes qu’il puisse utiliser sont sa conscience de classe et sa capacité à organiser sa propre activité révolutionnaire.” (Revue internationale no 1, 2e trimestre 1975).
Dans les faits, le NPA ne s’adresse aux éléments en recherche “d’un parti révolutionnaire” que pour les attirer à lui, notamment les plus jeunes, sur le même modèle que la LCR (2) qui ciblait à ses débuts un milieu plus spécifiquement étudiant, nettement moins prolétarisé à l’époque. Le NPA “cherche à organiser massivement des jeunes dans le nouveau parti”. Pour cela, il organise des campagnes intensives de recrutement dans les lycées et à l’université. Cela ne sert qu’à appâter ces jeunes pour obscurcir leur conscience, saper et pourrir la réflexion de ces jeunes générations ouvrières qui veulent changer le monde, en les entraînant dans l’impasse du réformisme. Dans ce cadre, le changement de nom opéré de “LCR” au “NPA” apparaît significatif. Pourquoi ? Il est clair que, même si ce changement d’appellation n’a été approuvé qu’à une courte majorité lors du vote des délégués, l’abandon des termes “communiste” et “révolutionnaire” n’est pas fortuit. Ce quasi-abandon de toute référence au communisme et à la révolution traduit en fait ses objectifs essentiels.
Si le NPA a doublé le nombre de ses adhérents par rapport à la LCR, c’est en raison d’une “ouverture”, et il faut se poser la question : dans quelle direction ? Le NPA cherche à ratisser plus large et, pour cela, il se veut “rassembleur”. Il tend ainsi ouvertement la main à tous ceux qui sont effarouchés ou rebutés par les termes de “communisme” et surtout de “révolution”, à tous ceux qui ne “croient pas à la révolution”. Il cherche par conséquent à intégrer en son sein ceux qui pensent qu’il faut seulement et avant tout lutter pour de “vraies réformes”, qu’il faut “faire quelque chose” et apporter des “propositions concrètes” pour s’opposer aux effets les plus ravageurs du “libéralisme économique”.
L’argument le plus courant qui nous est opposé dans les discussions avec des sympathisants du NPA se résume à ce discours : “Vous critiquez ce qu’ils proposent mais eux font au moins quelque chose. Se regrouper pour agir dans le sens d’améliorer le sort des exploités et des opprimés, c’est toujours mieux que rien. Au lieu de se diviser dans des querelles dogmatiques de chapelles ou d’organisations, il faut unir les efforts de tous les ouvriers de bonne volonté. De toutes façons, tout le monde se retrouvera pour lutter ensemble, même au moment de la révolution, parce que, quel que soit le parti auquel on adhère, il faut se rassembler dans la mesure où une même volonté et une même sincérité existent chez chacun pour lutter contre le capitalisme”.
Il faut être clair. Il ne s’agit nullement de mettre en cause la sincérité ou la volonté de lutte des adhérents ou des sympathisants du NPA. Mais la nature de classe d’une organisation n’est pas liée à une adhésion sincère d’une majorité des ouvriers à celle-ci. Les expériences traversées et accumulées par la classe ouvrière ont également démontré la fausseté d’une vision d’union des bonnes volontés qui est chaque fois cruellement démentie par l’histoire du mouvement ouvrier tout au long du xxe siècle.
• Ainsi en 1914, le courant réformiste et le courant révolutionnaire coexistaient certes encore dans le mouvement ouvrier et c’est le courant réformiste qui était largement majoritaire, alors que des millions de travailleurs adhéraient au parti social-démocrate. C’est le réformisme de la social-démocratie qui a ouvert la voie à la trahison des intérêts du prolétariat et à son ralliement à la “défense de la patrie”, qui a permis l’embrigadement de millions d’ouvriers et leur massacre dans la Première Guerre impérialiste mondiale.
• En 1919, c’est cette même majorité de la social-démocratie qui a servi de rempart au maintien de l’ordre capitaliste face à la vague révolutionnaire, et c’est parce qu’elle était auréolée de son étiquette de “parti ouvrier et progressiste” qu’à la tête de l’Etat bourgeois, elle a pu noyer dans le sang l’insurrection ouvrière à Berlin et faire assassiner des centaines de militants révolutionnaires, dont Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht.
• Dans les années 1930, ce sont les partis staliniens qui, au nom de la IIIe Internationale, ont mené une politique systématique d’extermination des anciens bolcheviks et des ouvriers révolutionnaires. Les militants les plus combatifs, les plus sincères et les plus dévoués au sein de ces partis se sont retrouvés dans le camp des victimes ; mais dans cette tragédie, beaucoup de militants sincères, trompés par leur parti, ont également marché derrière les crapules staliniennes, dans le camp des massacreurs et des bourreaux et se sont retrouvés parmi les exécutants involontaires de la contre-révolution.
Le PS et le PC ont été composés d’ouvriers dévoués et combatifs dont l’engagement était totalement sincère alors que ces ex-partis ouvriers perpétraient les pires crimes et étaient à travers leur programme devenus des partis à la solde de la bourgeoisie. Cela démontre du même coup qu’il ne faut pas juger une organisation sur ce qu’elle prétend être mais voir à quels intérêts de classe répond le programme qu’elle défend et la politique qu’elle mène.
Nous pouvons affirmer que le NPA est une simple “excroissance” de la LCR parce que la seule cohérence de son programme n’est pas celle d’organisations qui défendraient les intérêts de classe du prolétariat et qui ne pourraient s’affirmer comme révolutionnaires qu’en combattant fermement les illusions réformistes, mais obéit à la logique des partis bourgeois.
En fait, la création du NPA correspond à un besoin pour la bourgeoisie de sécréter des partis qui se présentent comme des amis ou des défenseurs des ouvriers pour contrôler, enrayer, dévoyer le développement de ses combats de classe et obscurcir sa conscience de la nécessité du renversement révolutionnaire du capitalisme. Ce besoin est d’autant plus nécessaire que les partis sociaux-démocrates et les partis staliniens sont de plus en plus discrédités et sont incapables aujourd’hui de tenir ce rôle, comme le met en évidence le NPA lui-même qui postule à en prendre la relève.
W (20 avril)
1)
Nous reviendrons de manière plus détaillée sur ce sujet dans un
article ultérieur, quand nous aborderons la partie historique
consacrée à la LCR.
2) C’est la JCR (Jeunesse communiste révolutionnaire) fondée au printemps 1966 par des étudiants après leur exclusion de l’Union des étudiants communistes (téléguidée et noyautée par le PCF stalinien) qui est même à l’origine de la LCR.
Depuis des mois, alors que les attaques brutales pleuvent et que la colère des ouvriers monte, les syndicats n’ont cessé de diviser, d’organiser des rassemblements dispersés dans le temps et l’espace, d’abuser de manœuvres dilatoires pour espacer les manifestations, saucissonner les luttes.
Un tel sabotage, de plus en plus évident aux yeux des prolétaires conscients, suscite réflexion et questionnement. Face à cela, les syndicats et les gauchistes, dont le NPA fraîchement moulu, soulignent qu’il ne faut “pas attendre pour lutter”. Evidemment, chacun dans son coin ! Les luttes qui se multiplient malgré tout se retrouvent isolées et cadenassées par les syndicats et leurs complices gauchistes. Parmi de nombreux exemples, nous voulons souligner celui hautement symbolique de la grève des postiers des Hauts-de-Seine.
A plus d’un titre, ce conflit est révélateur d’un véritable travail de sape. Plusieurs salariés de La Poste, dont le célèbre leader du NPA Besancenot, se sont mis en grève contre une réforme de la distribution du courrier. On apprend cependant que cela fait deux mois que les postiers “marinent dans leur jus” contre un projet de réorganisation des tournées. La grève, initiée par SUD-PTT, soutenue également par la CGT et CFTC, est restée complètement isolée. Sur cette longue période, le mouvement limité d’abord à la ville de Boulogne-Billancourt est resté confiné à quelques communes du département. Qu’ont fait les syndicats ? Qu’a fait le très charismatique Besancenot et son NPA ?
Ont-ils appelé à étendre le mouvement aux autres secteurs en lutte ou à chercher la solidarité des autres salariés ? Aucunement. Pour s’en convaincre, il suffit de laisser la parole à un syndicaliste qui décrit ce qui ne peut que traduire un verrouillage syndical complet : “Nous sommes environ 150 postiers dont Olivier Besancenot, lui-même facteur dans les Hauts-de-Seine, à occuper le hall de La Poste. Nous allons pique-niquer sur place avec des merguez jusqu’à ce que la direction nous reçoive” (1). Une intervention de Besancenot sur le lieu de travail confirme cette même stratégie d’enfermement. Son radicalisme ne tolère qu’une extension… celle du secteur !
Qu’on en juge par les quelques extraits significatifs de ses propos reportés d’une vidéo amateur (2) : “On voudrait s’adresser aux collègues du centre de tri (…) on est parti pour rester un bout de temps ici (…) on a une revendication qui nous est commune, vous les centres de tri et nous la distribution : c’est l’oseille (…) Nous ce qu’on veut c’est qu’un moment donné il y ait des négociations quotidiennes (…) nous on est là, on va pas bouger (…) nous on va pas reprendre le boulot tant que la boîte n’aura pas lâché quelque chose (…) les bénéfices de la boîte on n’en voit pas la couleur (…) comme la boîte ne veut rien entendre, nous on monte d’un cran aussi…”. La boîte, et rien que la boîte !
Alors que le NPA nous ressasse à volonté dans les manifestations et au travers des discours de son beau parleur Besancenot que ce qu’il faut pour se défendre, “c’est la grève générale”, voilà sur le terrain de la lutte ce que ce “radicalisme” miraculeux produit en réalité : l’enfermement dans son entreprise et dans le pire isolement, le tout assaisonné de la chanson syndicale la plus traditionnelle !
Tout ceci confirme ce que nous disions dans un article récent à propos du NPA et de son leader télévisuel : “En fait, le NPA a pour vocation de stériliser et de figer les interrogations de plus en plus nombreuses qui surgissent au sein des différents secteurs et de différentes couches sociales sur l’impasse de la société capitaliste. Il court-circuite la réflexion collective pour la ramener sur un terrain électoral, nationaliste et syndical, avec des “solutions” qui ne sont que de vieilles recettes idéologiques réformistes faisant croire à une autre gestion du capitalisme possible” (3). Pour développer et étendre leurs luttes, les ouvriers ne peuvent donc que compter sur leurs propres forces. En aucun cas ils ne doivent se laisser endormir sur place par les “vieilles recettes” syndicales, même “relookées”, qui s’avèrent toujours être un piège mortel.
WH ( 3 avril)
1) Déclaration de Yvon Melo, représentant de Sud-PTT, Source : AFP Libération du 13 mars 2009.
2) Nos lecteurs peuvent vérifier par eux-mêmes ces propos sur la vidéo du site : http ://bellaciao.org/fr/spip.php ?article82239#forum308849.
3) Voir notre série d’articles en cours sur l’histoire du NPA sur notre site et dans notre presse.
Suite à une loi promulguée par le gouvernement le 14 décembre 2006, le corps des infirmières et infirmiers libéraux et hospitaliers est placé sous la houlette d’un “Ordre national infirmier”, créé de toutes pièces par l’Etat et les syndicats représentant les infirmières libérales, dont en particulier le Syndicat national des professions infirmières et la fameuse Coordination infirmière née lors des luttes de la santé en 1988.
Cet Ordre se veut être une sorte de pendant de l’Ordre des médecins et a pour justification de modifier le “statut” des infirmières en leur ouvrant l’accès à des masters ou doctorats en soins infirmiers, à l’instar de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons ou au Canada. Cet Ordre, nouvelle maffia professionnelle comme l’Ordre des médecins, a été mis en place sans aucune consultation des personnels concernés, sinon de leur adresser des bulletins de vote pour des candidat(e)s sortis du néant et parfaitement inconnus. Plus de 80 % d’entre eux n’ont pas répondu à cette demande qui ne correspond à aucun besoin, sinon celui de mettre en carte ce corps de métier sous prétexte de “valorisation” ! De façon générale, il a été donc totalement et clairement rejeté par les infirmières, avec une “représentation” de membres “élus” à moins de 20 % de la profession, mais qui imposeront on ne sait quelles nouvelles règles, au nom de la “déontologie” soignante infirmière. Au sein de cette catégorie de personnel de plus en plus soumise à des contraintes légales où “la qualité des soins accordés au patient” est devenue la tasse de thé du discours officiel, et tandis que les moyens qui lui sont accordés sont de plus en plus maigres et lamentablement exsangues, il est clair que le but est d’encadrer cette catégorie de personnel afin de la “responsabiliser” au maximum et lui faire porter à terme le chapeau des “erreurs” éventuelles de soins. L’éthique soignante, l’obligation de moyens par les soignants, c’est comme la confiture, moins on en a les possibilités matérielles, plus on en parle.
Le gouvernement, par la voix de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, qui réduit avec une virulence sans faille au strict minimum les personnels hospitaliers, n’a d’ailleurs de cesse de répéter que, dans les hôpitaux et autres cliniques, ce n’est pas une question de “moyens” mais “d’organisation” si rien ne va plus. Il suffit d’ailleurs de se rendre aux urgences de n’importe quel hôpital pour évaluer in vivo combien infirmières, infirmiers, aides-soignantes et médecins se prélassent mollement au rythme exaltant des pin-pons des ambulances.
L’Ordre infirmier existe donc bel et bien aujourd’hui, en-dehors de et contre la volonté même de la profession. Et, arnaque ultime, on demande dès à présent à cette catégorie de personnel de cotiser obligatoirement à hauteur de 75 euros par an et par tête de pipe pour faire exister cet Ordre infirmier !
C’est se moquer du monde ; d’autant que les hospitaliers, qui connaissent des conditions de travail profondément dégradées, n’ont connu aucune valorisation de salaire depuis 2005, et encore à l’époque, de 0,3 % de leur salaire. Mais le gouvernement, soutenant à pleine voix cet Ordre nouveau, va exiger à travers ses instances comme les DDASS (Directions départementales des affaires sociales et sanitaires), que l’ensemble des personnels concernés fassent leur chèque.
Fort heureusement, les syndicats, défenseurs patentés et attitrés de l’intérêt des salariés, donnent dès à présent de la voix. Alors qu’ils n’ont parlé que du bout des lèvres de l’annonce de constitution de cet Ordre infirmier, pourtant déjà en gestation depuis 2005, SUD, FO, CFDT et CGT ne cessent de produire au sein des hôpitaux des tracts “dénonçant” cette sale affaire. Pour la CFDT, on peut lire : “L’Ordre infirmier : chronique d’un racket annoncé” (annoncé, en effet, de longue date) ; pour FO : “Payer pour travailler, hors de question” ; et pour SUD : “Les IDE taxées à 75 euros”. Enfin, pour la CGT, il s’agit d’une “escroquerie à la profession”.
Le radicalisme du verbe est à l’encan. Ainsi, la CFDT calcule que le budget de fonctionnement de l’Ordre infirmier correspond approximativement à 1000 postes infirmiers par an, postes dramatiquement absents pour assurer des soins à la population, sans se positionner plus que cela, tandis que FO lance un courageux mot d’ordre de “grève de la cotisation”. Comment ? Mystère et boule de gomme. Quant à SUD-Santé, qui s’insurge que la cotisation représente “75x480 000 IDE = 36 000 000 euros”, “les IDE (Infirmières diplômées d’Etat) n’ont pas à payer les frais de bouche, d’hébergement, ni les locaux (luxueux), ni les voyages en première classe. Ces soi-disant élus de l’ordre (20 % de votants) ne nous représentent pas. C’est un ordre inutile et réactionnaire, à la solde du gouvernement et des futures ARS (Agences régionales de santé)”. On ne peut que souscrire à tous ces cris de révolte de Sud-Santé et de ses petits copains d’autres syndicats. Cet Ordre infirmier est en effet réactionnaire et surtout l’émanation d’une idéologie profondément corporatiste. Mais, sans jeu de mot, c’est l’hôpital qui se fout de la charité !
La France compte le taux de syndicalisés le plus bas des pays développés d’Europe : 8 %, c’est-à-dire une minorité très faible des salariés. Pourtant, c’est à hauteur de 190 millions d’euros que les syndicats en France sont soutenus par l’Etat (chiffres de 2003), sur la part des dépenses publiques, à savoir des impôts des salariés, dont 92 % estiment ne pas ressentir le besoin de se syndiquer. De plus, il faut ajouter à ces sommes non négligeables le fait que la France est en revanche le pays d’Europe qui compte le plus de permanents syndicaux comparativement au nombre de syndiqués. Tout cela sans compter que ces “salariés” syndiqués comptent moult heures de formation, ou “syndicales”, destinées prétendument à “défendre” leurs collègues. Et puis, il y a aussi les congrès.
Ce que déplore probablement Sud-Santé dans son tract, c’est que les hôtels et autres buffets pantagruéliques auxquels ils sont invités très régulièrement aux frais de la princesse, c’est-à-dire des ouvriers, durant ces congrès, en plus des subventions écœurantes qui les tiennent à bout de bras, ne sont pas assez bien pour eux, et que les “frais de bouche”, “les hébergements” et “les voyages” ne sont pas du niveau de confort mérité par ces dignes représentants des intérêts de la bourgeoisie.
Enfin, il faut rappeler que ces mêmes syndicats sont les meilleurs acteurs du corporatisme le plus crasse qu’ils exhalent dans les rangs ouvriers, infirmiers, ou autres. Aussi, en définitive, si l’Ordre infirmier était géré par les syndicats, il n’y aurait plus de problème.
Wilma (22 avril)
Depuis quelques mois, ce genre de petites phrases foisonne dans la presse :
• “Lorsque les suppressions d’emplois se multiplient, la crise est un défi pour les syndicats européens : comment contenir la colère sociale qui commence à monter dans certains pays comme la France ?”(“Les syndicats européens malmenés par la crise”, le Monde du 7 avril).
• “Les syndicats essaient de canaliser tant bien que mal le mécontentementet donc de préserver l’ordre social”(“Lettre ouverte à mes amis de la classe dirigeante”, AlainMinc (1),le Figaro du 23 mars).
• “Quant aux syndicats, ils font le job en mettant en valeur leur responsabilité, c’est-à-dire leur capacité à canaliser la révolte...”(“Manifs : l’impuissance face à la colère”, Marianne,le 20 mars).
Les syndicats sont censés être des “professionnels de la lutte”. Officiellement, c’est à eux que revient la tâche de défendre la classe ouvrière, en organisant la grève quand cela est nécessaire. Or, si une chose est bien claire dans ces citations, c’est que la classe dominante compte sur eux pour faire tout le contraire :“Contenir la colère”, “canaliser le mécontentement”,“canaliser la révolte”, “préserver l’ordre social”…
De quel côté les syndicats sont-ils vraiment ? Si certains ouvriers se le demandent encore, la bourgeoisie semble, elle, le savoir parfaitement : du sien ! (2)
Pawel(24 avril)
1)Conseiller politique, entre autres, de Sarkozy.
2)Nous avons consacré de multiples articles pour montrer que la division et l’isolement des luttes ouvrières menées par les syndicats n’étaient pas le fruit d’“erreurs” de la part de ces officines mais bel et bien une stratégie volontaire et orchestrée par leurs soins. Pour comprendre pourquoi, quand et comment les syndicats ont changé de camp, nous encourageons nos lecteurs à lire notamment notre article “Dans quel camp sont les syndicats [50] ”.
Les étudiants sont de plus en plus préoccupés par leur propre situation et de plus en plus déconcertés et indignés à cause de l’avenir que la classe dominante leur réserve. Cela n’est pas du tout étonnant : ce sentiment s’accroît de jour en jour et partout dans le monde (voir les mobilisations des étudiants et des travailleurs en France et en Grèce (1)) surtout parmi les prolétaires et dans les couches les plus pauvres de la société. Beaucoup de ces prolétaires sont des parents ou des proches de ces mêmes étudiants, tous touchés par l’avancée implacable de la crise qui les condamne avec de plus en plus de dureté à des conditions de vie vraiment insupportables. Mais cette crise les pousse aussi à la réflexion, à se demander quelle issue il y a, si le capitalisme est capable d’assurer autre chose que toujours plus de misère, de chaos et de barbarie.
Chaque jour qui passe, ces étudiants sont de plus en plus “chauds”, même si pour le moment ils gardent la tête froide, c’est-à-dire qu’ils réfléchissent. Leur méfiance vis-à-vis des “solutions” qu’on leur propose s’accroît et, surtout, ils ne paraissent pas disposés à tout accepter : un futur incertain quant à la possibilité de trouver un travail, des crédits qui les “hypothéqueraient” en les ligotant à vie...
Il y a aussi cette énorme indignation contre la brutale répression commise par les Mossos d’Escuadra de la Généralité (2) de Catalogne dirigée par la “coalition tripartite” (3), à laquelle participe la version catalane de la prétendue “radicale” et “amie des ouvriers” Izquierda unida (Gauche unie). La férocité de la répression contre les jeunes (tabassages, arrestations musclées, expulsions…) montre clairement ce qu’on peut attendre de n’importe quel gouvernement, qu’il soit de droite ou qu’il se présente comme “progressiste” et “social”.
Si les étudiants restent enfermés dans le carcan d’une “lutte universitaire”, s’ils restent seuls, l’État bourgeois pourra les isoler et les forces de répression du gouvernement régional tripartite pourront leur taper dessus en toute impunité avec la complicité des autorités administratives, de la presse et de tout le “monde officiel”.
Mais si les étudiants, comme ils ont commencé à le faire, étendent leur lutte aux enseignants, aux travailleurs d’autres secteurs, aux lycéens, leur force, comme celle de tous les exploités, sera énorme et les gouvernants devront reculer. Le fait que les étudiants aient été présents à la grande manifestation de l’enseignement qui a eu lieu à Barcelone le 18 mars (plus de 30 000 manifestants), même s’ils n’auraient pas dû rester séparés de la manifestation mais y être pleinement intégrés, fut un grand pas en avant.
La situation est difficile, cela va être encore plus dur pour les uns et les autres, mais peu à peu la confiance en soi va s’accroître ainsi que la détermination pour affronter les attaques de la crise et de l’État qui essaye de la gérer, que ce soit à travers le “Plan Bologne” ou n’importe quel autre.
A la suite de l’expulsion musclée de l’Université occupée et de la charge violente de la police dans la soirée du 18 mars qui s’est soldée par de nombreuses arrestations et une soixantaine de blessés parmi les quelques cinq mille manifestants présents, les étudiants réagirent rapidement en organisant une manifestation en solidarité. Le Gouvernement catalan a été obligé de présenter des excuses et de pousser à quelques démissions dans son ministère de l’Intérieur. Depuis lors, les étudiants continuent à aller de l’avant, en faisant des assemblées, des grèves et des occupations, des réunions avec des groupes sociaux qui les soutiennent, en débattant, en échangeant des informations avec d’autres universités, dont certaines ont répondu en manifestant en solidarité avec eux (à Madrid, Valence, Gérone...).
Les étudiants, qui ont affirmé haut et clair “qu’ils ne sont pas des délinquants, pas des révoltés sans perspective et pas non plus de la chair à canon pour les bureaucrates et les mossos”, sont toujours déterminés à parvenir “grâce à un large mouvement étudiant, car l’union fait la force”, à “non seulement faire reculer les attaques du capital – Plan Bologne ou Tartempio –” mais aussi à “une société juste, tolérante, solidaire et libre”, car “nous nous sentons capables de changer la réalité dans laquelle nous vivons” (extraits de Quelles réflexions... sur les événements du 18 mars à Barcelone, un tract distribué dans la manifestation du 26).
Les étudiants ont donc convoqué une manifestation pour le 26 mars. Ils comptaient sur la solidarité de ceux qui, comme eux, affrontent la réalité du “c’est pire chaque jour qui passe” et sans la moindre perspective d’amélioration : de leurs propres camarades, des enseignants, de tous ceux qui partagent leurs préoccupations et leurs efforts, de tous ceux qui sont à leur côté et qui savent qu’ils seront, demain, aux côtés de toute la classe ouvrière. Face à eux il y avait bien plus que quelques dizaines de mossos qui les attendaient l’arme au poing, prêts à parer “à toute éventualité”. Le tout préparé par une intense propagande lancée par la Généralité dans tous les médias, selon laquelle “de tels actes” était illégaux et qu’elle allait prendre des mesures appropriées pour y faire face, “comme il se doit”.
Place de l’Université, nous attendions, inquiets, mais de pied ferme ; on a pu voir que les étudiants étaient sûrs d’eux, qu’ils tenaient la situation en main. Les mossos nous fermaient l’accès de l’itinéraire prévu et les organisateurs ont eu le courage de décider un itinéraire alternatif vers un lieu plus tranquille.
Ce fut une manifestation bien différente des processions folkloriques des syndicats : pas de sifflets assourdissants, pas de gueulantes par haut-parleur ni de slogans à l’emporte-pièce : les manifestants pouvaient se parler, choisir des slogans et des réponses appropriées et inventives contre le gouvernement et ses exécutants du ministère de l’Intérieur, c’est-à-dire les mossos qui s’étaient défoulés à coups de matraque les jours précédents sur tout ce qui bougeait. Depuis les balcons fusaient des encouragements de solidarité avec les manifestants, des applaudissements. Les locaux des partis du gouvernement ont été couverts de graffitis dénonciateurs contre ses responsables.
D’autres personnes se sont peu à peu jointes à la manifestation, de sorte qu’à la fin plus de 10 000 personnes étaient rassemblées et, comme en Grèce, toutes générations confondues : des étudiants, des parents, et aussi des travailleurs d’âges différents... Le Plan Bologne ne va certainement pas être retiré de sitôt, les souhaits des jeunes manifestants ne vont sans doute pas se réaliser facilement, mais cette manifestation était une victoire importante : tout le monde est reparti avec la nette impression que le combat va se poursuivre et que le débat doit continuer, pour échanger aussi les expériences, pour ainsi continuer un combat qu’ils ne considèrent surtout pas comme terminé. Les étudiants mobilisés insistent sur le fait qu’ils vont continuer à se rencontrer jusqu’aux vacances dans quelques “Campus-assemblée”, dans les quartiers.
Est-ce que cette lutte s’intègre dans une perspective de luttes massives dans d’autres secteurs (enseignants, industries, fonctionnaires, services, actifs et chômeurs…) ? Oui, nous en sommes convaincus. Beaucoup de ceux qui étaient présents en étaient aussi convaincus (même si nous n’avons pas entendu des appels et des slogans explicites dans ce sens). Les conditions pour développer cela se consolident, toute la dynamique du mouvement va dans ce sens. L’intervention de la classe ouvrière, son expérience, sa solidarité, sont très importantes pour nourrir ce processus. Les étudiants doivent compter là-dessus. En fin de compte, ils savent qu’ils feront partie de la classe ouvrière. Beaucoup d’entre eux savent qu’ils en font déjà partie.
Traduit de Acción proletaria, publication du CCI en Espagne (28 mars)
1) Cf. Revue internationale nº 136 : “Les révoltes de la jeunesse en Grèce confirment le développement de la lutte de classe [16]”.
2) La police régionale du gouvernement catalan.
3) Ce gouvernement est dirigé par une coalition de gauche : socialistes, catalanistes républicains et anciens staliniens (avec “Verts” inclus), auxquels appartient d’ailleurs le conseiller (ministre) de l’Intérieur, Joan Saura, qui dirige la police et qui déclare aujourd’hui (01/04), face à l’indignation provoquée par la répression, que la “réponse des policiers était “disproportionnée”... [ndt].
Depuis la signature des accords de paix entre le FMLN (1) et le gouvernement du Salvador en janvier 1992 qui certifia la reconversion de ce mouvement de guérilla, autrefois très connu, en parti politique légal d’opposition, avec à la clé une large participation au sein de la police nationale, cette fraction de la bourgeoisie s’est employée à fond dans la construction d’une démocratie “plurielle” si nécessaire pour contrôler la classe ouvrière, et qui était inexistante au Salvador, à l’instar d’une grande partie de l’Amérique latine. Maintenant, les ex-guérilleros, avec leur candidat Mauricio Funes (2), viennent d’être élus à la tête du gouvernement après s’être présentés aux élections présidentielles du 15 mars 2009 face au candidat Rodrigo Ávila, du parti de droite Alianza republicana nacionalista (ARENA). Un marketing coloré, des discours pleins d’espoir, des actes massifs de prosélytisme, avec des milliards à la clé, voilà le cadre qui a servi à cette gauche électorale à entraîner le plus grand nombre de travailleurs vers les urnes avec l’illusion que “leur voix” réussisse le miracle d’améliorer leurs conditions de vie et de travail. Le contexte économique et social du pays (avec une population d’un peu plus de 7 millions d’habitants) (3) est similaire à celui des autres pays de cette région du monde ; la dégradation des conditions de vie des travailleurs n’est pas seulement insupportable à cause de la misère matérielle et de la réduction alarmante des ressources et l’augmentation imparable du chômage, mais aussi à cause d’une décomposition sociale qui dépasse l’entendement, qui affecte la société tout entière : une violence quotidienne entre bandes, des assauts et des kidnappings, des abus de la part de la police et de l’armée, etc. (4) Devant un tel panorama, la bourgeoisie a prétendu que, grâce au vote de tous les secteurs du pays, un engagement national va naître pour travailler coude à coude vers une solution.
Après s’être occupé des tâches de pacification et de réorganisation de l’économie, de la politique et de l’appareil répressif, les ex-guérilleros se sont lancés avec succès à la conquête du fauteuil présidentiel pour boucler l’engagement qu’ils ont signé il y a dix-sept ans au château de Chapultepec (5) dans la ville de Mexico ; selon les mots de Schafik Handal, le rôle du FMLN était de : “... moderniser l’État et l’économie, construire un pays pluraliste... qui permette aux Salvadoriens d’utiliser à fond leur proverbial goût du travail et leur créativité pour ainsi faire décoller le développement...” (16 janvier 1992). Autrement dit, le FMLN voudrait nous faire croire que quand il se met à la tête de l’économie bourgeoise nationale, l’exploitation devient comme par magie “créative” (sic).
Le FMLN “n’a pas trahi ses origines et ses objectifs révolutionnaires”. Son action actuelle est en effet en continuité avec celle de ses origines, son idéologie et sa pratique de guérilla durant près de douze ans. Son origine et son idéologie sont celles des Forces populaires de libération nationale, et d’autres organisations qui, avec le Parti communiste salvadorien, stalinien pur sucre, construisirent un cocktail d’organisations paysannes et urbaines très influencées et inspirées par la prétendue “révolution cubaine” ; leurs étendards étaient celles de la “récupération” de la terre ou la démocratisation du gouvernement contre la fraude électorale ou la dictature militaire. Déçues par la légalité et réprimées par l’État, elles décidèrent d’assumer la lutte de guérilla. En fin de compte, leur action est celle de la petite bourgeoisie qui, en Amérique latine, a essayé de “remettre en place un projet de développement national contre les fractions nationales apatrides et l’impérialisme américain”. Leur naissance se trouve complètement en dehors du terrain du mouvement ouvrier : leur programme est la lutte pour le “renversement de la dictature néo-fasciste”. Même s’ils veulent établir un “gouvernement de type socialiste-révolutionnaire”, ce n’est, concrètement dans la réalité des faits, que le même scénario que celui écrit par le sandinisme au Nicaragua : la défense pure et simple du régime bourgeois et de l’économie nationale.
La pratique politique du FMLN est pleinement celle de la bourgeoisie : la guérilla exprimait l’action typique des couches et des classes sans avenir, des actions armées minoritaires qui prétendent, souvent en désespoir de cause mais aussi aux ordres d’un camp impérialiste qui veut affaiblir le camp dominant dans la région, remplacer l’action des travailleurs, une action consciente et massive. Le rôle actuel du FMLN, en tant que parti de gauche au sein de l’appareil d’État, est parfaitement cohérent avec son passé. Il n’existe ni “trahison” ni “dévoiement” de son “essence” ; le FMLN n’a fait que s’adapter aux temps nouveaux pour continuer à servir le capital. Le FMLN, comme les sandinistes au Nicaragua, a négocié son futur politique pour ne pas disparaître de la scène.
La chute du bloc impérialiste de l’URSS laissa dans un état d’abandon une multitude de mouvements de guérilla en Amérique latine, ainsi qu’ailleurs dans le monde et même des pays entiers comme Cuba. Voilà le contexte qui explique les négociations de paix entre le FMLN et le gouvernement du Salvador avec la médiation des pays comme le Mexique qui essayent aussi de jouer un rôle de premier plan dans la nouvelle configuration du monde et dans l’arrière cour de l’Oncle Sam (6). Avec la disparition du sponsor économique, militaire et idéologique du bloc russe, les farabundos décidèrent de négocier pour ainsi s’assurer leur survie dans la recherche de la prise du pouvoir, même si, alors, cela devait se faire dans un cadre d’une participation au jeu parlementaire. En fait, à quelques différences près, c’est le même schéma qui s’est produit avec les sandinistes au Nicaragua : ceux-ci ont instauré un gouvernement de gauche à la suite d’un putsch militaire (1979), mais ils décident de s’entendre avec leurs rivaux à travers la négociation d’un processus électoral, à la suite d’une décennie de “guerre de basse intensité” (1980-1990) et d’être passés dans l’opposition (7).
(ou “l’affrontement entre les grandes puissances par groupes interposés pendant la Guerre froide.”)
L’auréole romantique des guérillas en Amérique latine, surgies en particulier pendant la période de la guerre froide après la Seconde Guerre mondiale, pâlit face à l’évidence historique : elles n’ont été que de simples pions sous la coupe du bloc stalinien. L’ancienne URSS, tête de bloc, avait toujours voulu planter quelques lances dans l’arrière-cour des États-Unis, pour renforcer le rôle de Cuba qui était sa tête de pont. Même s’il était impossible pour l’URSS de disputer sérieusement le leadership à la puissance américaine, il lui était toujours avantageux de maintenir une certaine instabilité dans sa chasse gardée, pour ainsi l’obliger à prélever des ressources, des efforts militaires, etc., des zones stratégiques du monde où se jouaient véritablement les intérêts géopolitiques des blocs impérialistes. La politique extérieure des États-Unis pendant toute cette période leur a été pleinement favorable en faisant échouer toutes les tentatives et en réduisant le risque à la seule île “mythique” de Castro.
Pour la classe ouvrière, ces affrontements ne furent qu’une suite de sacrifices monstrueux, enfermée qu’elle était entre deux factions de la bourgeoisie, utilisée systématiquement comme chair à canon pour la défense des intérêts de ses propres exploiteurs. Et lorsque certaines de ces forces de libération nationale ont réussi à atteindre le pouvoir d’État, l’expérience fut tout aussi tragique. Ces champions du nationalisme organisèrent les institutions de l’État derrière un masque socialiste et populiste pour convaincre les ouvriers d’accepter encore plus de sacrifices sur l’autel de l’économie nationale. Et quand les travailleurs ont pu se mettre en lutte contre ces conditions de surexploitation, ces régimes se sont chargés de l’en empêcher et de la briser avec la pire violence.
C’est une longue histoire que celle de ce genre d’organisations prétendument “amies” des travailleurs. Ce que nous voyons aujourd’hui au Salvador est l’énième démonstration du caractère bourgeois non seulement de l’idéologie de ces organisations, mais aussi de leur programme et de leur pratique “guérillériste”. Pendant des années cette pratique a stérilisé les énergies ouvrières, de tant de jeunes paysans et prolétaires qui se sont enrôlés dans leurs rangs, sur un terrain complètement pourri. Et aujourd’hui, ils jouent toujours le même rôle de promoteurs de la démocratie électorale bourgeoise, et redorent le blason du vote grâce à leur “passé glorieux” d’héritiers de la vieille “voie armée”, devant l’épuisement accéléré des vieux partis qui fait que la bourgeoisie connaît le plus grand mal à entraîner les travailleurs vers les urnes.
Les masses exploitées d’Amérique centrale ont été prises pendant toutes les années 1980 dans l’étau économique, militaire et idéologique formé par des gouvernements de droite et la guérilla. Les générations qui ont subi ce joug contre-révolutionnaire, ainsi que les ouvriers des générations plus jeunes, doivent tirer les leçons de ce passé, en reconnaissant le caractère bourgeois du FMLN, avec tout son masque et ses discours radicaux, hier en tant que parti d’opposition et aujourd’hui de gouvernement.
Traduit de Revolución mundial, publication du CCI au Mexique
1) Le FMLN (Frente Farabundo Marti de liberación nacional) fut fondé à la fin de 1980, prenant le nom d’Agustín Farabundo Martí, un des organisateurs du soulèvement paysan et indigène de 1932 dans lequel participa aussi le stalinisé Parti communiste du Salvador.
2) C’est un journaliste “indépendant” très populaire qui n’appartient pas au FMNL. C’est un fait très répandu et pratiqué par tous les partis, de droite, de centre ou de gauche, qui mettent en avant des comiques, des vedettes en tout genre, des très respectables leaders d’opinion, etc., pour essayer de convaincre de leurs meilleures intentions.
3) En fait, près de 3 millions de Salvadoriens vivent aux USA. Les envois de ces émigrants représentent la deuxième ressource dans le PIB d’un des pays les plus pauvres de l’Amérique latine. Dans le contexte actuel, cette ressource va se contracter.
4) C’est bien simple : le Salvador est le pays latino-américains avec le taux le plus élevé de morts violentes.
5) Les
Accords de paix de Chapultepec furent signés le 16 janvier 1992
entre le Gouvernement pro-américain du Salvador et le FMLN, ils ont
mis fin à douze années d’une guerre civile particulièrement
sanglante (100 000 morts).
6) On peut rappeler le groupe “Contadora” né en 1983, au sein duquel il n’y avait pas que les intérêts impérialistes des grandes puissances qui comptaient, mais aussi ceux des petits requins de la région comme le Mexique, la Colombie, le Venezuela et même le Panama.
7) À la suite des élections en 2006, ces mêmes sandinistes sont revenus au pouvoir. Voir Revolución mundial nº 96 (2007), “Nicaragua: regresan los sandinistas al gobierno para dar continuidad a la explotación y opresión”.
Le premier week-end d’avril s’est tenu, de chaque côté du Rhin, le dernier sommet de l’Otan. Les dirigeants de cette organisation, véritables brigands impérialistes, Obama, Merckel et Sarkosy en tête, ont pu ainsi traverser sous l’œil des caméras complaisantes la passerelle qui relie Baden-Baden en Allemagne à la ville de Strasbourg en France. Une nouvelle fois, nous étions tous conviés à admirer la très grande cordialité et entente supposée régner entre tous ces requins. Ce sommet s’est en fait tenu soixante ans après la création de cet organisme international. Dans quel but et par qui a-t-il été créé ? A quoi a-t-il servi dans la réalité pendant toute cette période ? Depuis cette époque, le monde a bien évolué et les rapports impérialistes mondiaux se sont profondément modifiés. Cependant, l’Otan est toujours là. Mieux encore, un nombre croissant de pays demandent à y entrer. A quoi sert donc dans la période actuelle cet organisme vieux maintenant de plusieurs dizaines d’années ? Pour répondre à ces questions, il nous faut aller au-delà des apparences et des discours officiels relayés par l’ensemble des médias bourgeois.
Le nouveau président américain, le très démocrate Obama, a déclaré à ce sommet que la priorité des Etats-Unis en matière de politique étrangère ou anti-terroriste était de renforcer l’intervention militaire en Afghanistan. Il a donc décidé d’y envoyer 21 000 nouveaux soldats et, dans cette optique, l’Otan recherche quatre nouvelles brigades. Le jour de l’ouverture du sommet, le président américain avait donné le ton de la nouvelle tactique impérialiste américaine, ce qu’il appelle la “politique de la main tendue” ! Il y a ainsi affirmé haut et fort que l’Amérique n’entendait pas faire seule la guerre aux talibans et à la nébuleuse Al-Qaeda, demandant aux Européens notamment de faire un effort tout particulier. Mais à l’évidence, ceux-ci sont restés particulièrement discrets sur l’envoi de nouvelles troupes, préférant parler hypocritement d’aide à la reconstruction, à la police et à l’armée afghanes. Il y a bien que le seul Sarkozy pour y avoir manifesté sa décision d’y envoyer de nouvelles troupes françaises en échange d’un retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan., commandement qu’elle avait quitté en 1966 sous la présidence du général de Gaulle afin d’affirmer le désir de la France de ne pas subir passivement la tutelle américaine. En fait, ce retour de la France dans le commandement intégré se fait au moment même où les Etats-Unis se trouvent en pleine continuation du processus d’affaiblissement de leur leadership mondial. Ce sommet a d’ailleurs été une manifestation claire de cette perte d’influence, même pour cette organisation essentiellement militaire qui a toujours été un instrument de leur domination impérialiste.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, les bourgeoisies de tous les pays les plus développés ont voulu faire croire à l’ensemble de la classe ouvrière, meurtrie par cinq années de conflits généralisés, que le monde allait rentrer dans une période de paix et de prospérité. Il suffisait de se retrousser les manches et de se mettre tous avec ardeur au travail. Seulement voilà, le monde rentrait au contraire dans une nouvelle période de développement des tensions impérialistes. Une fois achevé l’écrasement militaire de l’Allemagne et du Japon, l’opposition guerrière entre les puissances impérialistes fascistes et celles se réclamant de l’anti-fascisme et de la démocratie étaient closes. Mais instantanément en apparaissait une nouvelle qui allait constituer le cadre de vie du capitalisme mondial et des guerres incessantes qui ont émaillé toute la période jusqu’en 1989 avec l’effondrement du bloc soviétique. De fait, le monde allait se diviser en deux blocs impérialistes. D’un côté, se mettait en place le bloc occidental avec à sa tête la superpuissance américaine, secondée notamment par l’ensemble des pays d’Europe occidentale, de l’autre se construisait le bloc soviétique. Celui-ci était lui-même dirigé par l’URSS de Staline et la bourgeoisie russe, qui tenait sous sa coupe l’ensemble de l’Europe centrale et de l’Est. Pendant plus de quarante ans, ces deux blocs impérialistes allaient s’affronter par pays interposés ou fractions armées bourgeoises locales se disputant elles-même la direction de leur propre pays. Faire ici la liste des conflits qui ont pendant toute cette période ensanglantés toute une partie de la planète serait sans fin. Citons pour mémoire les guerres de Corée et du Vietnam mais aussi celles qui ont frappées de façon permanente des régions entières comme le Moyen-Orient ou l’Afrique, guerres et génocides utilisés, orchestrés et même parfois organisés directement par ces deux blocs. Tous ces conflits allaient faire en réalité plus de morts que la Seconde Guerre mondiale.
Mais le maintien d’une cohésion au niveau de chaque bloc nécessitait d’imposer la discipline en leur sein et donc l’alignement de chaque pays appartenant à l’un ou l’autre bloc derrière leur leader respectif. D’un côté, l’URSS imposa le Pacte de Varsovie dans tous les pays sur lesquels elle avait la main mise. De l’autre, les Etats-Unis, sortis victorieux et tout puissant de la guerre mondiale, en firent autant grâce à l’Otan. Cette dernière était une organisation politico-militaire qui se constitua officiellement en 1949 et compte actuellement 28 pays membres. Dans un premier temps, l’objectif affiché de cette organisation est exprimé clairement dans son article 3. Celui-ci permet aux Etats-Unis d’aider au développement militaire de l’Europe, comme il le fait par ailleurs au plan économique. Il s’agissait pour l’Amérique de dresser une barrière en Europe occidentale face au bloc soviétique. Mais le rôle de l’Otan va rapidement évoluer et, le 4 avril 1949, est signé le Traité de l’Atlantique Nord à Washington. Ce pacte militaire stipule que toute attaque contre un des membres de cette organisation entraînerait automatiquement une réaction de tous les Etats membres. Ce traité doit souder ces derniers derrière les Etats-Unis. L’URSS ne s’y trompe pas et va immédiatement affirmer “que le traité est un instrument de l’impérialisme américain”. Les principaux pays occidentaux sont signataires de ce traité qui fonde l’Alliance, y compris par l’Allemagne de l’Ouest en 1955. Pour faire face au bloc soviétique, des forces militaires massives vont être stationnées dans de très nombreuses régions du monde, forces terrestres, navales et aériennes, sans compter l’armement nucléaire massif pointé sur l’URSS. Tel est le sens exact de la présence très nombreuse de troupes militaires membres de l’Otan en Europe et surtout en Allemagne de l’Ouest. C’est donc en tant que bras armé du bloc occidental et sous commandement effectif américain que cette alliance a été formée et a existé jusqu’en 1989, date de l’effondrement de l’URSS et de tout le bloc soviétique.
Face à la perte d’un ennemi commun, le bloc de l’Ouest allait lui-même éclater ; il n’avait en effet plus de raison d’exister. Comme son corollaire le Pacte de Varsovie, on pouvait donc s’attendre à la disparition pure et simple de l’Otan, son rôle étant révolu. Or, cette organisation s’est au contraire maintenue et plus encore, elle s’est renforcée d’anciens pays du bloc soviétique tels que la Pologne, la Hongrie ou la République Tchèque, ou de régions comme celle de l’ex-Allemagne de l’Est. En 2004, sept autres pays intègrent l’Otan : l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Et aujourd’hui ce sont des pays comme la Géorgie, l’Ukraine, l’Albanie et la Croatie qui posent leur candidature. Bon nombre de ceux-ci sont, de fait, d’anciens vassaux de l’URSS disparue. Pour eux, il s’agit ainsi de tenter de se prémunir de la menace toujours pesante de l’ours russe, après l’expérience de plus de quarante ans de domination soviétique féroce. Mais l’évolution du rôle politico-militaire de l’Otan n’en a pas moins été spectaculaire et irréversible.
A partir de la deuxième guerre en Irak en 2003, l’affaiblissement du leadership des Etats-Unis s’étale au grand jour. La conséquence en sera que chaque puissance impérialiste va alors de plus en plus ouvertement contester les Etats-Unis et leur domination. Ce sera notamment le cas de la France et de l’Allemagne. Pour les Etats-Unis, maintenir leur contrôle sur l’Otan devient alors une nécessité, d’autant que leur autorité est clairement défiée régulièrement à l’ONU. Et ceci d’autant plus que la Chine, rivale potentielle, s’est considérablement renforcée ces dernières années au niveau impérialiste et que la Russie, tout en ne pouvant pas retrouver la puissance qui était la sienne du temps de l’URSS, n’en reste pas moins une puissance impérialiste non négligeable. Les Etats-Unis sont donc contraints de continuer de faire vivre l’Otan car c’est dans cette organisation qu’ils peuvent continuer à faire pression, notamment, sur les pays européens afin de les entraîner avec eux dans la guerre comme actuellement en Afghanistan.
Et pourtant, preuve de l’affaiblissement de leur leadership impérialiste, même le contrôle qu’ils effectuent sur cette organisation, créée pour eux et par eux (le “machin” américain comme l’appelait de Gaulle), est en train de s’affaiblir irrémédiablement ; de plus en plus, chaque puissance tente d’exploiter l’Otan à ses propres fin quitte à aller à l’encontre des intérêts américains. L’exemple le plus spectaculairement dramatique dans ce domaine, avant la guerre actuelle en Afghanistan, a été en 1999 l’intervention militaire de l’Otan dans les Balkans permettant ainsi à des pays comme les Etats-Unis, la France, l’Allemagne ou l’Angleterre d’y envoyer ces forces militaires pour y défendre chacun leur propre intérêt impérialiste.
Chacun de ces pays, y compris la puissance américaine, est allé ainsi s’enfoncer dans le bourbier des Balkans, sans aucune capacité réelle de stabilisation ou de reconstruction de cette région. Cette guerre, comme celle actuellement en Afghanistan, concrétise encore l’affaiblissement de l’Otan et du leadership américain. C’est ce processus qui s’est encore étalé au grand jour dans le sommet qui vient de se tenir par la difficulté de nommer le très pro-américain Ramussen, ancien président danois, en tant que secrétaire de l’Otan face à l’opposition de la Turquie. Cette dynamique générale ne peut que s’accélérer et s’approfondir dans l’avenir, conduisant cette organisation à devenir de plus en plus le théâtre de l’affrontement de tous les grands requins impérialistes et de la montée de la contestation de la domination impérialiste américaine.
Tino (23 avril)
“La bourgeoisie sait que la crise va s’approfondir, que le chômage va exploser et que cela ne va pas durer des mois mais des années. En conséquence, avec le temps, la faillite du système apparaîtra chaque jour davantage. Ceci non seulement renforcera la conscience de classe, mais minera aussi les soutiens de la bourgeoisie. (...) L’efficacité du dispositif répressif du maintien de l’ordre ne peut donc que diminuer alors que, dans le même temps, la classe ouvrière va se renforcer. C’est ce qui explique fondamentalement que la bourgeoisie souhaite l’affronter avant qu’elle ne soit trop affaiblie politiquement et matériellement. Il est donc vital pour elle d’enrayer ce processus de prise de conscience. (...) C’est pourquoi nous voyons monter systématiquement les provocations en fin de manifestations, les interpellations, les gardes à vue, les délits pour outrage etc. Elle essaie d’exaspérer toute la population et pas seulement les ouvriers, les employés. Elle veut que se déroulent des mouvements violents mais isolés. Au contraire, elle ne veut pas se trouver avec des mouvements sociaux qui s’exprimeraient dans un contexte de forte solidarité et de compréhension même imparfaite de la faillite du système capitaliste. (...) Ainsi à Strasbourg, c’est volontairement que la police française a encerclé les fameux casseurs des “blacks blocks” dans un quartier populaire où ils ont fait des dégâts conséquents. Les CRS auraient pu intervenir, mais ils ne l’ont pas fait. Pourquoi ? Pour préparer le terrain politique à la prise de mesures de répression en vue d’une situation sociale tendue, il faut rendre impopulaires les manifestations “violentes” et placer la population dans l’attente de l’intervention des policiers. Voilà pourquoi on a choisi un quartier ouvrier, pourquoi on a laissé les vandales agir sans intervenir, sans faire aucune interpellation. Il faut que ce soit les ouvriers eux-mêmes qui appellent à plus de répression. Cela il faut le dénoncer car ce ne sont pas les casseurs qui intéressent la bourgeoisie, ils sont sous son contrôle, totalement manipulés. Ce qu’ils font empêche la prise de conscience du côté totalitaire de l’État bourgeois.”
Nous tenons d’abord à saluer la préoccupation que le camarade exprime. Nous voyons, en effet, se développer ces dernières années de plus en plus d’épisodes de violence en marge des manifestations. Ce fut par exemple le cas en France dans les luttes contre le CPE au printemps 2006 et dans les manifestations des lycéens et étudiants en 2007. Ces derniers mois surtout, à travers l’Europe, les provocations policières se sont multipliées et la répression s’est durcie, comme à Lyon, à Barcelone, mais aussi évidemment en Grèce et en Italie1.
Pour le camarade “la bourgeoisie souhaite affronter” la classe ouvrière. En réalité, la répression brutale et systématique de toute lutte ouvrière ne semble pas encore à l’ordre du jour. Depuis 2003, le prolétariat a retrouvé le chemin de son combat. Les grèves se multiplient à travers le monde. La bourgeoisie le sait et fait tout pour éviter tout mouvement massif. Or, justement, une bavure policière peut être le genre d’événement qui suscite l’indignation généralisée et la solidarité, en particulier s’il s’agit d’un jeune. Il faut se souvenir à quel point Sarkozy avait peur de la “bavure” en 2005, lors des émeutes de banlieues ou en 2006 pendant le mouvement des étudiants.
Mais alors pourquoi ces “provocations en fin de manifestations, [ces] interpellations, [ces] gardes à vue, [ces] délits pour outrage etc.”, sont-ils effectivement systématiques ? Et surtout, pourquoi ce sont justement les jeunes qui en sont la cible privilégiée ?
Partout, la jeunesse subit de plein fouet la crise économique. Or, une grande partie d’entre elle refuse les sacrifices qui lui sont demandés et l’avenir sombre qui lui est promis. En France, depuis les premières manifestations lycéennes de février 2005, il ne se passe pas une année sans qu’il n’y ait un mouvement de la jeunesse. C’est toute une génération qui s’éduque ainsi à la lutte, qui apprend à s’organiser, à débattre dans des assemblées générales… La bourgeoisie sait que cette génération représente un véritable danger pour elle, que cette jeunesse peut être un élément moteur dans le développement de la lutte de classe à venir. C’est pourquoi elle lui consacre toute son “attention” : la bourgeoisie essaye de pourrir la réflexion de cette jeunesse combative par, entre autres, la répression policière et l’exacerbation de la violence.
En effet, elle exploite au maximum un défaut de la jeunesse que l’accélération de la crise vient amplifier : l’immédiatisme. Les jeunes sont souvent séduits par l’apparente radicalité, par l’affrontement aux symboles de la puissance bourgeoise que sont les forces de l’ordre. En utilisant les casseurs, forme extrême de cette fausse radicalité, la bourgeoisie cherche tout simplement à décourager cette génération de tout combat politique. Elle cogne là où l’expérience manque encore, là où la fraîcheur de la rébellion s’accompagne parfois d’une relative immaturité politique, en justifiant cette répression par la violence des casseurs (alors qu’elle participe souvent à la provoquer, quand elle n’y envoie tout simplement pas des flics déguisés en incendiaires ou en briseurs de vitres).
De plus, en stigmatisant la jeunesse comme une génération d’émeutiers, la bourgeoisie contribue à diviser la classe ouvrière entre ceux qui veulent lutter efficacement et intelligemment, et ceux qui apparaissent dès lors comme des destructeurs de cette démarche. En gonflant médiatiquement chaque épisode de violence (en réalité très minoritaire et à la marge des mouvements de ces dernières années malgré toutes les provocations), elle contribue à décourager les luttes et à instiller la peur au sein de la classe. Ici, notre lecteur a parfaitement raison : “Cela il faut le dénoncer car ce ne sont pas les casseurs qui intéressent la bourgeoisie, ils sont sous son contrôle, totalement manipulés. Ce qu’ils font empêche la prise de conscience du côté totalitaire de l’État bourgeois.”
Les événements de Strasbourg, lors du sommet de l’OTAN, sont une caricature de cette instrumentalisation par la bourgeoisie, contre l’ensemble de la classe ouvrière, d’une minorité de la jeunesse qui veut détruire le capitalisme “tout de suite” et en “découdre” avec les forces de l’ordre.
A Strasbourg, nous étions en présence d’une manifestation pacifiste, rassemblant une population globalement jeune, aux profils politiques hétéroclites, naviguant de l’altermondialisme à l’anarchisme, en passant par le pacifisme. Il s’agissait de lutter contre un symbole de la domination capitaliste : l’OTAN. La manifestation prévue était préparée et encadrée par un collectif fortement marqué par le NPA et l’anarchisme. Bien que les témoignages ne soient pas tous concordants, ce qui doit nous conduire à une certaine prudence, il semblerait que l’imposant dispositif policier franco-allemand mis en place ait tout fait pour empêcher la manifestation de se dérouler normalement et dans le calme. Le lieu prévu, isolé et excentré (la zone portuaire), les ambiguïtés étonnantes sur le sens du parcours, les chicanes construites avec les cars de CRS, le blocage de certains manifestants, ont contribué à provoquer la colère. Par ailleurs, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues quand les “black-blocks” (2) se sont mis à casser et même à brûler des bâtiments alors que le reste des manifestants était encerclés par les tirs de flash-balls, de bombes lacrymogènes et assourdissantes, et par le vol au ras des hélicoptères de la police.
Il est clair que la bourgeoisie a pu exploiter cette pagaille contre son ennemi de classe. Face aux manifestants, en exploitants la réputation violente des “black-blocks”, elle a pu déchaîner un certain niveau de violence sans pour autant générer une dynamique de solidarité dans la classe. Et en exploitant médiatiquement ce genre de scènes, elle a voulu décourager les ouvriers en général et les jeunes en particulier à se mobiliser. Enfin et surtout, c’est effectivement “volontairement que la police française a encerclé les fameux casseurs des “black blocks” dans un quartier populaire où ils ont fait des dégâts conséquents” pour, comme le souligne notre lecteur, créer ainsi une situation dans laquelle les ouvriers ont été réduits à demander le secours de la police et à en réclamer la protection.
La violence ultra-minoritaire, surtout quand ce sont les ouvriers eux-mêmes qui en sont les premières victimes, comme à Strasbourg, est toujours un jouet entre les mains de la bourgeoisie. Elle divise notre classe, pourrit la réflexion et pousse les ouvriers à se réfugier derrière l’Etat “protecteur et garant de l’ordre”.
C’est dans ce piège que la classe dominante tente de faire tomber la jeunesse qui lutte et réfléchit, en la provoquant. En 2006, les étudiants avaient su majoritairement éviter ce piège en refusant les affrontements stériles et en recherchant toujours en premier lieu l’extension de la lutte et la solidarité des travailleurs.
Ceux qui sont indignés par la barbarie de ce monde doivent toujours garder en tête qu’“être radical, c’est prendre les choses à la racine” (3), c’est-à-dire détruire ce système d’exploitation. Et cela, ce n’est pas à une petite minorité de l’accomplir, aussi décidée soit-elle, mais à TOUTE la classe ouvrière !
GD (22 avril).
1)
Notre
presse traite de ces différents moments de lutte. Consulter notre
site.
2) Il s’agit de bandes influencées par l’anarchisme qui profitent des mobilisations, altermondialistes en général, pour mener une action violente, plus ou moins symbolique, mais toujours inutilement destructrice. Leur nom provient de leur tenue vestimentaire, noire de la tête aux pieds.
3) Marx, Contribution à la critique de la Philosophie du droit de Hegel, 1843.
Nous publions ci-dessous le courrier d’un lecteur qui décrit le déroulement, depuis plusieurs mois, de la lutte dans les universités de Caen et notre très brève réponse.
En
dépit de ce qui semble désormais compter parmi nos défaites,
nonobstant les éternelles agitations de quelques jusqu’au-boutistes
et des inutiles négociations syndicales, le mouvement débuté
autour de l’université de Caen en réaction au projet de réforme
de l’enseignement supérieur est riche d’expériences à méditer.
C’est d’abord une volonté d’agir de manière efficace qui
s’est exprimée dès le début de la mobilisation. Outre le nombre
important de manifestants dans les rues, tirant sans doute les leçons
de la lutte contre le CPE, l’assemblée générale de l’université,
où se réunissaient les enseignants, le personnel d’entretien et
les étudiants, s’est immédiatement prononcée en faveur de
l’ouverture de ses portes à tous, malgré la vive opposition des
syndicats d’étudiants. C’est dans cet esprit d’unité et
d’extension, que beaucoup ont participé, le 29 janvier, à la
journée de manifestation-balade interprofessionnelle organisée par
les centrales syndicales nationales. Le soir, une assemblée
regroupant officiellement l’ensemble des travailleurs en lutte de
l’éducation se tenait dans les locaux de l’université. Cet
événement devait finalement marquer l’apogée du mouvement à
Caen et les prémices de son essoufflement.
Alors que les
mandarins du syndicalisme local comptaient redorer leur triste blason
après l’échec de leur précédente campagne, lors de la lutte
contre la loi LRU et la grève des cheminots, leur petit jeu
d’auto-congratulation devait rapidement prendre fin. Les délégués
syndicaux, en rangs d’oignons à la tribune, s’échangeaient la
parole en se félicitant pour leur “immense victoire”, le tout
saupoudré d’interminables exposés où chaque catégorie
demandait, au nom de la “solidarité”, la prise en compte de son
problème particulier. Comme le panégyrique corporatiste
s’éternisait, de nombreuses interventions sauvages ont obligé un
syndicaliste à révéler la date de la prochaine “journée
d’action interprofessionnelle” : le 19 mars ! Un déluge
d’interventions particulièrement hostiles s’est alors abattu sur
la tribune déconfite, alimenté également par les étudiants et les
quelques ouvriers du secteur privé, parfois à la retraite, qui
s’étaient, malgré tout, invités à la fête.
Dans ce
contexte, face au risque de débordement, le travail de division des
syndicats s’est malheureusement accéléré, pour finalement
atteindre un degré d’absurdité rarement égalé. Quelques jours
ont suffit pour qu’une myriade d’assemblées générales se
constitue, séparant les enseignants, le personnel d’entretien et
les étudiants, jusque-là unis dans une même assemblée. Chaque UFR
organisait sa petite assemblée, souvent le même jour que d’autres.
La triste “assemblée générale des étudiants en art du
spectacle” aurait pu, à elle seule, incarner le ridicule de la
situation, si la véritable assemblée générale n’avait pas été
rebaptisée pour l’occasion : “assemblée générale
générale” dans laquelle, pour faire bonne mesure, certains
individus des AG d’UFR dénonçaient l’inactivité des
professeurs de latin ou le “bougisme” des étudiants en
biologie.
Démoralisés et dégoûtés par ce spectacle
consternant, ne sachant plus qui décide quoi, beaucoup d’étudiants
et de travailleurs ont cessé de participer au mouvement. Les
assemblées se vidaient à vu d’œil, tout comme les rues, les
jours de manifestation. D’autres, sous l’impulsion des syndicats
ou des partis gauchistes, sont tombés dans le piège des croisades
perdues d’avance, avec leurs cortèges d’assauts du périphérique
à trente personnes, du parvis de la mairie, de la préfecture ou
autres institutions bourgeoises, le tout agrémenté d’assemblées
générales sauvages de douze individus pour statuer sur des
questions grotesques, ou de bagarres pour savoir s’il est légitime
de retirer la batterie des téléphones afin d’éviter “les
espions et les écoutes” lors des réunions d’une commission...
dans la salle principale d’un bar très fréquenté.
Parce qu’un
sabotage de lutte n’est complet qu’en compagnie d’un
authentique sabordage des débats, parce que les multiples prises de
parole des militants du PCF ou de l’UNEF, rabâchant
systématiquement les mêmes slogans, ne suffisaient plus à éclipser
les interventions visant à élargir la discussion au-delà du
corporatisme, les syndicats d’étudiants ont brandi, alors que la
lutte finissait dans l’ensemble des universités, l’arme ultime
pour évacuer les discussions sur les leçons à tirer : le
blocage. Si la paralysie d’une université peut auréoler le sommet
d’une mobilisation et favoriser les rencontres, elle devient un
véritable poison lorsque les “pro-blocages” sont trop peu
nombreux et illégitimes car, dans de telles circonstances, les
questions qu’impliquent une telle action sont particulièrement
sensibles, divisent et cristallisent l’attention de tous, au
détriment d’objectifs plus fondamentaux.
Néanmoins, malgré
l’activité néfaste des syndicats, des signes très prometteurs de
ré-appropriation des armes du prolétariat se sont manifestés dans
les rangs étudiants. Par exemple, quelques AG d’UFR, refusant la
division, ont fini par se dissoudre en rappelant la souveraineté de
l’assemblée générale et le besoin d’unité. De même, les
étudiants ont plusieurs fois tenté de rencontrer les ouvriers en
grève de l’usine Valéo victime de chômage partiel… en vain,
malheureusement, dans la mesure où les contacts se sont limités à
une délégation syndicale qui, finalement, s’est interposée entre
les étudiants et les ouvriers. Un groupe de discussion, fondé en
réaction au contexte bougiste et corporatiste de l’assemblée
générale, a mis en avant la nécessité d’appuyer l’action sur
une rigoureuse réflexion et sur la clarification des enjeux plus
généraux dans lesquels s’inscrivent les réformes de
l’enseignement supérieur. Traduisant une réelle volonté
d’échapper aux assemblées-kermesses, les réunions de ce cercle
ont rassemblé un nombre relativement important d’étudiants,
compte tenu de la modeste diffusion du tract d’invitation. Ainsi,
le travail de sape des syndicats n’a pas réussi à noyer
complètement les travailleurs et les étudiants dans le corporatisme
et la division. Beaucoup d’entre nous ont essayé de fuir les
manœuvres d’émiettement. Si ces actions furent minoritaires,
seule la multiplication des luttes est en mesure de développer ces
réflexes embryonnaires en arme de la classe ouvrière.V.
Nous tenons tout d’abord à saluer ce courrier. Ce témoignage apporte non seulement des éléments concrets sur le déroulement de la lutte dans les universités de Caen mais aussi et surtout des éléments de réflexion valables pour la lutte de classe en général, à Caen, en France comme partout dans le monde. Le camarade met en effet très bien en lumière :
• La nécessité pour toute lutte ouvrière de s’ouvrir aux autres secteurs (aux autres universités, aux entreprises voisines, aux retraités, aux chômeurs…), de s’étendre, de développer un sentiment de solidarité pour se serrer les coudes dans le combat…
• Le rôle des assemblées générales, véritables poumons de la lutte quand elles sont ouvertes et souveraines. Les AG peuvent et doivent permettre aux grévistes de prendre en main leur lutte, de décider eux-mêmes des revendications et des moyens d’action à la suite de discussions vraiment collectives.
• Le rôle réel des syndicats. Il est ici très clair que les syndicats ont tout fait pour étouffer la lutte, diviser, pousser aux actions stériles et, surtout, déposséder les grévistes de LEUR lutte en noyautant les AG. Depuis plusieurs mois maintenant, partout en France, les syndicats étudiants et enseignants sont effectivement à la manœuvre pour épuiser ce secteur très combatif en lui faisant mener un très long mouvement tout en l’isolant du reste de la classe !
• Enfin, la conclusion du camarade nous semble des plus intéressantes. En effet, face au noyautage syndical de la lutte, un petit groupe sur Caen, dont notre lecteur fait partie, semble avoir su éviter le piège des actions “coup de poing”, minoritaires et stériles et a préféré se réunir pour discuter, réfléchir collectivement.
Ce type de cercle de discussion est un élément très important pour le développement de la conscience de classe. Récemment d’ailleurs, un autre cercle de discussion s’est créé à Toulouse (1).
Au cours de chaque lutte, des liens se créent au fil des manifestations, des discussions dans les AG… Il y a alors souvent une certaine effervescence de la réflexion sur les questions “comment lutter ?”, “de quoi l’avenir sera-t-il fait ?”… Mais quand la lutte s’éteint, le plus souvent, l’atomisation reprend le dessus. Chaque gréviste, manifestant, repart dans son coin, seul face à ses questions. Les cercles de discussion sont justement un moyen d’éviter ce repli et de poursuivre les débats. Constitués d’un noyau dur d’éléments, ils doivent être ouverts à toutes personnes sincèrement intéressées par la réflexion. Et, comme cela semble être le cas avec ce cercle de discussion de Caen, les questions abordées ne doivent pas porter seulement sur les leçons à tirer de la lutte qui vient de se mener (même si c’est souvent la première question posée et qu’elle est très importante afin de préparer les luttes futures), mais aussi traiter des sujets plus larges sur le système d’exploitation, d’ordre théorique, historique… selon les préoccupations des participants.
Nous saluons donc vivement cette initiative et la naissance de ce nouveau cercle.
Isabelle (23 avril)
1) Lire notre article “Salut au “Comité Communiste de Réflexion” de Toulouse [52] ”.
Dans le milieu anarchiste actuel, en France et en Russie notamment, des débats se développent entre deux conceptions opposées où une certaine frange cherche à se démarquer de l’approche nationaliste contenue dans la défense du régionalisme, de “l’ethno-identité” et des luttes de libération nationale, questions qui sont le plus souvent des caractéristiques et des faiblesses de l’ensemble de ce milieu. Tout particulièrement, Le cours catastrophique de la société capitaliste pousse nécessairement tous ceux qui désirent ardemment la révolution sociale à examiner sérieusement la question des perspectives pour le prolétariat. Celles-ci s’ouvrent en terme de développement de la lutte de la classe ouvrière mais aussi, parce que c’est une donnée de plus en plus lourde et destructrice de la situation dans laquelle le capitalisme décadent évolue, en terme de nécessité de faire face au développement de la guerre impérialiste qui fait rage quasiment sur tous les continents.
Pour le prolétariat, face aux guerres impérialistes, l’attitude qui est la seule conforme à ses intérêts est celle qui consiste en premier lieu à rejeter toute participation à l’un ou l’autre des camps en présence et ensuite à dénoncer toutes les forces bourgeoises qui appellent les prolétaires, sous quelque prétexte que ce soit, à donner leur vie pour un de ces camps capitalistes. Dans ce contexte de la guerre impérialiste, la classe ouvrière doit mettre en avant la seule perspective possible : le développement de sa lutte la plus consciente et la plus intransigeante en vue du renversement du capitalisme. En ce sens, la question de l’internationalisme est et constitue le critère décisif de l’appartenance d’une organisation ou d’un courant, etc., au camp du prolétariat.
Il se fonde sur les conditions universelles qui lui sont imposées par le capitalisme au niveau mondial c’est-à-dire l’exploitation la pire possible de sa force de travail, dans tous les pays et sur tous les continents. Et c’est au nom de cet internationalisme qu’est née, du mouvement ouvrier lui-même, la Première Internationale. L’internationalisme a pour point de référence que les conditions de l’émancipation du prolétariat sont internationales : par-delà les frontières et les fronts militaires, les “races” et les cultures, le prolétariat trouve son unité dans la lutte commune contre ses conditions d’exploitation et dans la communauté d’intérêt pour l’abolition du salariat et pour le communisme. C’est ce qui fonde sa nature de classe
Pour l’anarchisme, l’internationalisme, fait plus partie de ces “principes” abstraits dans lesquels il recueille son inspiration générale et éternelle, comme l’anti-autoritarisme, la liberté, le rejet de tout pouvoir, l’anti-étatisme, etc., plutôt que d’une conception claire et établie que cet internationalisme constitue une frontière de classe inaltérable qui délimite le camp du capital et du prolétariat. Cette difficulté intrinsèque de méthode a fait que l’histoire de l’anarchisme a été traversée par des oscillations permanentes, tout particulièrement face à la question de la guerre, entre des prises de positions internationalistes décisives et des positions pacifistes humanistes stériles ou carrément ouvertement bellicistes.
Dans cette série d’articles, nous examinerons comment, à l’époque où est posé à l’humanité l’alternative “socialisme ou destruction de l’humanité’, l’anarchisme a pris position face au test décisif de la confrontation à la guerre impérialiste au cours de l’enfoncement du capitalisme dans sa barbarie autodestructrice de sa décadence, notamment dans le paroxysme des guerres mondiales.
La trahison de l’internationalisme par la social-démocratie et l’anarchisme en 1914
L’éclatement de la Première Guerre mondiale voit l’effondrement honteux de l’Internationale Socialiste, dont la grande majorité de ses partis se soumet au capital, déclare l’Union sacrée avec chaque bourgeoisie nationale respective et pourvoit à la mobilisation du prolétariat dans la guerre impérialiste. De même, les principales composantes du mouvement anarchiste se muent en va-t’en-guerre pour le profit de l’Etat bourgeois. Kropotkine, Tcherkesoff et Jean Grave se font les défenseurs les plus acharnés de la France : “Ne laissez pas ces atroces conquérants de nouveau écraser la civilisation latine et le peuple français… Ne les laissez pas imposer à l’Europe un siècle de militarisme” (1).
C’est au nom de la défense de la démocratie contre le militarisme prussien qu’ils soutiennent l’Union sacrée : “L’agression allemande était une menace – mise à exécution – non seulement contre nos espoirs d’émancipation mais contre toute l’évolution humaine. C’est pourquoi nous, anarchistes, nous, antimilitaristes, nous ennemis de la guerre, nous partisans passionnés de la paix et de la fraternité entre les peuples, nous nous sommes rangés du côté de la résistance et nous n’avons pas cru devoir séparer notre sort de celui du reste de la population” (2). En France, la CGT anarcho-syndicaliste jette aux orties ses propres résolutions qui lui fixaient le devoir, en cas de guerre, de faire triompher la grève générale, et se transforme en pourvoyeur hystérique de chair à canon pour la boucherie impérialiste : “contre le droit du poing, contre le militarisme germanique, il faut sauver la tradition démocratique et révolutionnaire de la France.” “Partez sans regret, camarades ouvriers qu’on appelle aux frontières pour défendre la terre française” (3). En Italie, des groupes anarchistes et anarcho-syndicalistes lancent des “fasci’ “contre la barbarie, le militarisme allemand et la perfide Autriche catholique et romaine”.
Pourtant, cette convergence de la majorité de la social-démocratie et de l’anarchisme en faveur du soutien à la guerre impérialiste et de l’Etat bourgeois relève de dynamiques fondamentalement différentes.
La position de la Social-démocratie en 1914 face à la guerre constitue une trahison du marxisme, la théorie du prolétariat international et révolutionnaire et de son principe fondamental que les prolétaires n’ont pas de patrie. Par contre, le ralliement à la guerre impérialiste et à la bourgeoisie de la plupart des dirigeants anarchistes internationaux lors de la Première Guerre mondiale ne constitue pas un faux pas mais l’aboutissement logique de leur anarchisme, conformément à leurs positions politiques essentielles.
Ainsi, en 1914, c’est au nom de l’antiautoritarisme, parce qu’il est inadmissible “qu’un pays soit violenté par un autre” (4) que Kropotkine justifie sa position chauvine en faveur de la France. En fondant leur internationalisme sur “l’autodétermination” et “le droit absolu à tout individu, toute association, toute commune, toute province, toute région, toute nation de disposer d’eux mêmes, de s’associer ou de ne point s’associer, de s’allier avec qui ils voudront et de rompre leurs alliances” (5) les anarchistes épousent les divisions que le capitalisme impose au prolétariat. Au fond, cette position chauvine prend racine dans le fédéralisme qui se trouve à la base même de toute la conception anarchiste. En admettant la nation comme un “phénomène naturel”, “le droit de toute nation à l’existence et au libre développement”, l’anarchisme, jugeant que le seul danger dans “l’existence des nations c’est leur propension à céder au “nationalisme” instillé par la classe dominante pour séparer les peuples les uns des autres”, est naturellement amené, dans toute guerre impérialiste, à opérer une distinction entre “agresseurs/agressés” ou “oppresseurs/opprimés”, etc., et donc à opter pour la défense du plus faible, du droit bafoué, etc. Cette tentative de baser le refus de la guerre sur autre chose que les positions de classe du prolétariat laisse toute latitude pour justifier le soutien en faveur de l’un ou de l’autre belligérant, c’est-à-dire, concrètement, à choisir un camp impérialiste contre un autre.
La fidélité aux principes internationalistes affermie par le mouvement de Zimmerwald et le développement de la lutte des classes
Pourtant, certains anarchistes parviennent à affirmer une position réellement internationaliste. Une minorité de 35 militants libertaires (dont A. Berkman, E. Goldmann, E. Malatesta, D. Nieuwenhuis) publie un Manifeste contre la guerre (février 1915). “Aussi est-il naïf et puéril, après avoir multiplié les causes et les occasions de conflits, de chercher à établir les responsabilités de tel ou tel gouvernement. Il n’y a pas de distinction possible entre les guerres offensives et les guerres défensives. (…) Aucun des belligérants n’a le droit de se réclamer de la civilisation, comme aucun n’a le droit de se déclarer en état de légitime défense. (…) Quelle que soit la forme qu’il revête, l’Etat n’est que l’oppression organisée au profit d’une minorité de privilégiés. Le conflit actuel illustre cela de façon frappante : toutes les formes de l’Etat se trouvent engagées dans la guerre présente : l’absolutisme avec la Russie, l’absolutisme mitigé de parlementarisme avec l’Allemagne, l’Etat régnant sur des peuples de races bien différentes avec l’Autriche, le régime démocratique constitutionnel avec l’Angleterre, et le régime démocratique républicain avec la France. (…) Le rôle des anarchistes, quels que soient l’endroit ou la situation dans lesquels ils se trouvent, dans la tragédie actuelle, est de continuer à proclamer qu’il n’y a qu’une seule guerre de libération : celle qui, dans tous les pays, est menée par les opprimés contre les oppresseurs, par les exploités contre les exploiteurs” (6). La capacité à se maintenir sur des positions de classe est plus nette parmi les organisations prolétariennes de masse qui, en réaction à l’abandon progressif de toute perspective révolutionnaire par la social-démocratie avant-guerre, s’étaient tournées vers le syndicalisme révolutionnaire. En Espagne, A. Lorenzo, ancien militant de la Première Internationale et fondateur de la CNT, dénonce immédiatement la trahison de la social-démocratie allemande, de la CGT française et des Trade Unions anglais pour “avoir sacrifié leurs idéaux sur l’autel de leurs patries respectives, en niant le caractère fondamentalement international du problème social”. En novembre 1914, un autre Manifeste signé par des groupes anarchistes, des syndicats et des sociétés ouvrières de toute l’Espagne développe les mêmes idées : dénonciation de la guerre, dénonciation des deux gangs rivaux, nécessité d’une paix qui “ne pourra être garantie que par la révolution sociale” (7). La réaction est plus faible parmi les anarcho-syndicalistes plus lourdement handicapés par le poids plus important de l’idéologie anarchiste. Dès la trahison de la CGT, une minorité opposée à la guerre se rassemble dans le petit groupe de la Vie ouvrière de Monatte et Rosmer (8).
Ecartelée, la nébuleuse anarchiste se scinde entre anarcho-patriotes et internationalistes. Après 1915, la reprise des luttes par le prolétariat et le retentissement du mot d’ordre de transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, lancé par les conférences des socialistes opposés à la guerre à Zimmerwald et Kienthal, va permettre aux anarchistes d’ancrer leur opposition à la guerre dans la lutte des classes.
En Hongrie après 1914, ce sont des militants anarchistes qui prennent la tête du mouvement contre la guerre impérialiste. Parmi eux, Ilona Duczynska et Tivadar Lukacs introduisent et font connaître en Hongrie le Manifeste de Zimmerwald. Sous l’impulsion de la conférence internationaliste, le Cercle Galilée, fondé en 1908, et composé d’un mélange d’anarchistes, de socialistes exclus de la social-démocratie, de pacifistes, par un phénomène de décantation, se radicalise. Il passe de l’antimilitarisme et de l’anticléricalisme au socialisme, d’une activité de cercle de discussion à une activité de propagande plus déterminée contre la guerre et d’intervention active dans les luttes ouvrières en pleine fermentation. Ses tracts défaitistes sont signés “Groupe des socialistes hongrois affiliés à Zimmerwald”.
En Espagne, la lutte contre la guerre liée au soutien enthousiaste aux luttes revendicatives qui se multiplient depuis fin 1915 forme l’activité centrale de la CNT. Elle manifeste une claire volonté de discussion et une grande ouverture face aux positions des Conférences de Zimmerwald et de Kienthal qui sont saluées avec enthousiasme. Elle discute et collabore avec les groupes socialistes minoritaires qui, en Espagne, s’opposent à la guerre. Il y a un grand effort de réflexion pour comprendre les causes de la guerre et les moyens de lutter contre celle-ci. Elle soutient les positions de la Gauche de Zimmerwald et signale vouloir avec “tous les travailleurs, que la fin de la guerre soit imposée par le soulèvement du prolétariat des pays en guerre” (9).
Octobre 1917, fanal de la Révolution
L’éclatement de la Révolution en Russie soulève un énorme enthousiasme. Le mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière et l’insurrection victorieuse d’Octobre 1917 entraînent les courants prolétariens de l’anarchisme à se placer explicitement dans leur sillage. L’apport le plus fructueux des anarchistes au processus révolutionnaire s’est concrétisé par leur collaboration avec les bolcheviks. Internationalement, la proximité politique et la convergence de vues des milieux anarchistes internationalistes avec le communisme et les bolcheviks se renforcent encore.
Au sein de la CNT, Octobre est vu comme un véritable triomphe du prolétariat. Tierra y Libertad considère que “les idées anarchistes ont triomphé” (10) et que le régime bolchevique est “guidé par l’esprit anarchiste du maximalisme” (11). Solidaridad obrera affirme que “les Russes nous montrent le chemin à suivre.” Le Manifeste de la CNT lance : “Regardons la Russie, regardons l’Allemagne. Imitons ces champions de la Révolution prolétarienne.”
Parmi les militants anarchistes hongrois, Octobre 1917 détermine une action contre la guerre encore plus nettement orientée vers la révolution. Afin de soutenir le mouvement prolétarien en pleine ébullition, est fondée en octobre 1918 à partir du Cercle Galilée l’Union socialiste révolutionnaire, essentiellement composée de libertaires, qui regroupe des courants se revendiquant aussi bien du marxisme que de l’anarchisme.
Dans cette phase, la trajectoire de Tibor Szamuely est exemplaire de leur contribution à la révolution d’une bonne partie du milieu anarchiste la plus attachée à la cause du prolétariat. Szamuely s’est, sa vie durant, constamment déclaré anarchiste. Mobilisé sur le front russe, prisonnier en 1915, il entre en relation avec les bolcheviks après février 1917. Il contribue à organiser un groupe communiste des prolétaires prisonniers de guerre et participe durant l’été 1918 aux combats de l’Armée rouge contre les blancs dans l’Oural.
Face au développement d’une situation pré-révolutionnaire, il revient en Hongrie en novembre 1918 et se fait l’ardent défenseur de la création d’un parti communiste apte à donner une direction à l’action des masses et regroupant l’ensemble des éléments révolutionnaires. La reconnaissance des besoins impérieux de la lutte des classes et de la révolution amène les militants anarchistes à surmonter leur aversion de toute organisation politique et leur préjugé concernant l’exercice du pouvoir politique par le prolétariat. Le Congrès constitutif du Parti communiste a lieu fin novembre 1918 et les anarchistes, parmi lesquels O. Korvin, K. Krausz, éditeur du quotidien anarchiste Tarsadalmi Forrdalom y participent. Le Congrès adopte un programme défendant la dictature du prolétariat.
Le PCH “dès l’origine s’emploiera à mettre en place le pouvoir des Conseils” (12). Dans le mouvement révolutionnaire, à partir de mars 1919 Szamuely occupe de nombreuses responsabilités dont celle de Commissaire aux affaires militaires qui organise la lutte contre les activités contre-révolutionnaires. Des anarchistes, anciens mutins de Cattaro (février 1918), forment sous la direction de Cserny, au sein de l’Armée rouge, sa brigade de choc. Celle-ci va s’illustrer dans la défense de Budapest pour mettre en échec le coup de main franco-serbe contre la capitale et dans le soutien apporté à l’éphémère République des Conseils de Slovaquie en mai 1919. C’est en raison de leur ferme engagement pour la révolution prolétarienne qu’on les surnomme les “gars de Lénine”.
En Russie, lors de l’offensive blanche contre Pétrograd (octobre 1919), les anarchistes témoignent de leur loyauté envers la révolution en dépit de leurs désaccords avec les bolcheviks. “La Fédération anarchiste de Pétrograd, pauvre en militants pour avoir donné le meilleur de ses forces aux multiples fronts et au Parti communiste bolcheviks, s’est trouvée en ces heures graves (…) tout entière à côté du Parti” (13).
La remise en cause des dogmes de l’anarchisme
L’expérience de la guerre mondiale puis de la révolution imposait à tous les révolutionnaires une révision complète des idées et des modes d’action de l’avant-guerre. Mais cette adaptation ne s’imposait pas dans les mêmes termes pour tous. Face à la guerre mondiale, la gauche de la Social-démocratie, les communistes (bolcheviks et spartakistes en tête), a maintenu un internationalisme intransigeant. Elle a été ainsi en mesure de jouer un rôle décisif pour développer et incarner la volonté des masses ouvrières. Leurs militants ont su assumer les tâches de l’heure en se situant fondamentalement dans la continuité de leur programme, et reconnaître que cette guerre inaugurait la phase de décadence du capitalisme impliquant que le but final du mouvement prolétarien, le communisme, le “programme maximum” de la social-démocratie, constituait désormais l’objectif immédiat à atteindre.
Il en allait tout autrement pour les anarchistes. Eux qui ne voient que des “peuples”, il leur a fallu d’abord établir leur rejet de la guerre et leur internationalisme sur autre chose que la rhétorique idéaliste de l’anarchisme et adopter la position de classe du prolétariat afin de rester fidèles à la cause de la révolution sociale. C’est en s’ouvrant aux positions développées par les communistes (à travers les conférences internationalistes contre la guerre) qu’ils sont parvenus à renforcer leur combat contre le capitalisme, et notamment à surmonter l’apolitisme et le refus de toute lutte politique typiques des conceptions inspirées de l’anarchisme. Ainsi au sein de la CNT, la réception du livre de Lénine l’État et la Révolution a-t-elle suscité une étude très attentive concluant que cette brochure “établissait un pont intégrateur entre le marxisme et l’anarchisme”.
En laissant de côté le prisme du mépris pour la politique ou de l’antiautoritarisme, leur capacité d’apprendre de la pratique de la classe ouvrière elle-même dans son opposition à la guerre et dans le processus révolutionnaire en Russie et en Allemagne leur a permis d’adopter une attitude internationaliste conséquente. Dans son Congrès de 1919, la CNT exprime son soutien à la Révolution russe et reconnaît la nécessité de la dictature du prolétariat. Elle souligne l’identité existant entre les principes et les idéaux de la CNT et ceux incarnés par cette révolution, et discute de son adhésion à l’Internationale communiste.
Egalement, en conclusion de sa participation à la République des Conseils de Münich (1919), l’anarchiste allemand E. Mühsam déclare que “les thèses théoriques et pratiques de Lénine sur l’accomplissement de la révolution et des tâches communistes du prolétariat ont donné à notre action une nouvelle base (…) Plus d’obstacles insurmontables à une unification du prolétariat révolutionnaire tout entier. Les anarchistes communistes ont dû, il est vrai, céder sur le point le plus important de désaccord entre les deux grandes tendances du socialisme ; ils ont dû renoncer à l’attitude négative de Bakounine devant la dictature du prolétariat et se rendre sur ce point à l’opinion de Marx. L’unité du prolétariat révolutionnaire est nécessaire et ne doit pas être retardée. La seule organisation capable de la réaliser c’est le Parti communiste allemand” (14).
Au sein du milieu anarchiste de nombreux éléments sincèrement attachés à la révolution sociale sont effectivement voués à rejoindre le combat de la classe ouvrière. L’expérience historique montre que chaque fois qu’ils ont adopté des positions révolutionnaires valables, c’est en se basant sur les positions prolétariennes issues de l’expérience et du mouvement réel de la classe ouvrière et en se rapprochant des communistes pour les faire fructifier et les faire vivre réellement.
Scott
1) Lettre de Kropotkine à J. Grave, 2 septembre 1914.
2) Manifeste des Seize (ainsi dénommé de par le nombre de ses signataires), 28 février 1916.
3) La Bataille syndicaliste, organe de la CGT, en août 1914.
4) Lettre à J. Grave.
5) D. Guérin, l’Anarchisme, Idées Gallimard, p.80.
6) L’internationale anarchiste et la guerre, février 1915.
7) Lire La CNT face à la guerre et à la révolution (1914-19) [53] Revue Internationale n°129 et notre série sur l’histoire de la CNT dans les numéros 128 [54] à 133 [55].
8) Lire L’anarcho-syndicalisme face à un changement d’époque : la CGT jusqu’en 1914 [56], Revue Internationale n°120.
9) “Sobre la paz dos criterios” (“Deux critères sur la paix”), Solidaridad obrera, juin 1917).
10) 7 novembre 1917.
11) 21 novembre 1917.
12) R. Bardy : 1919, la Commune de Budapest, Ed. La Tête de Feuilles, 1972, p. 60.
13) V. Serge, l’An I de la Révolution russe, Ed. la Découverte, p.509.
14) Lettre de E. Mühsam à l’Internationale communiste (septembre 1919), Bulletin communiste, 22 juillet 1920.
Le déferlement de la crise économique mondiale est aujourd’hui révélateur de l’impasse dans laquelle le système capitaliste enfonce l’humanité. Il est clair que dans tous les pays, la classe dirigeante n’a plus de modèles à proposer. Vingt ans après l’effondrement du modèle stalinien de l’Est et de son contrôle étatique sur la société, fini à son tour le rêve américain, brisé le modèle démocratique et occidental de développement de la richesse et de la prospérité que nous promettait à l’époque le “Nouvel ordre mondial” annoncé par Georges Bush senior en mars 1991. Et les gouvernements sociaux-démocrates n’ont pas seulement mieux fait face à la crise que ceux de droite, axés sur le “libéralisme sauvage”, mais ils ont aussi violemment attaqué les conditions de vie de la classe ouvrière partout dans le monde.
La situation ne va pas s’améliorer, contrairement à ce que prétend la bourgeoisie. Cette société, basée sur le profit et l’exploitation, ne peut même plus assurer l’avenir de ses enfants et des générations futures. La bourgeoisie n’a plus rien à proposer que davantage de misère. Le système ne peut plus être réformé, il doit être détruit de fond en comble par la seule force sociale capable de le remplacer par des rapports sociaux fondés non plus sur le profit et l’exploitation, mais sur la satisfaction et l’épanouissement des besoins humains : la classe ouvrière.
Face à la crise, la lutte de classe
Pour tous les prolétaires se pose aujourd’hui une question brûlante : comment résister aux coups de boutoirs de cette crise économique ? Comment lutter contre les licenciements et la paupérisation ?
Immédiatement et concrètement se pose alors une autre question à tous les ouvriers qui veulent lutter : pouvons-nous continuer à faire confiance aux syndicats et aux types d’actions qu’ils nous proposent ? Vont-ils vraiment dans le sens de la construction d’un rapport de forces favorable à la classe exploitée ?
Ainsi, que faut-il attendre des mobilisations que nous promettent les syndicats ? Rien ! En France, par exemple, après les mobilisations “dans l’unité syndicale” du 29 janvier et du 19 mars, puis celle de leur “Premier Mai unitaire et historique”, l’intersyndicale nationale avait appelé à faire du 26 mai ce qu’ils ont nommé une “journée de mobilisations décentralisées”, “en fonction des réalités locales”, la plupart du temps sans grève ni manifestation… Résultat : sauf des perturbations touchant les usagers de la SNCF ou des RER, ces “initiatives”, sans la moindre publicité de la part des syndicats dans la plupart des entreprises comme dans les autres services publics, sont passées quasiment inaperçues. Et maintenant, ils nous promettent une grande mobilisation d’ampleur le 13 juin… à la veille des vacances d’été ! Où nous conduit ce type de “lutte” ? Nulle part !
La bourgeoisie profite ici des difficultés de la classe ouvrière à lutter, notamment contre le déluge de licenciements qui s’abat dans le secteur privé où se pose d’emblée la question : à quoi sert-il de faire grève quand une usine ferme alors que cela permet au patron de se livrer au chantage de fermer l’usine encore plus tôt et de réduire les ouvriers de l’entreprise au chômage encore plus vite ? C’est d’ailleurs pour cela que les ouvriers n’ont pas d’autre alternative, derrière les syndicats, tant qu’ils restent isolés, site par site, entreprise par entreprise, paquet par paquet, que de se mettre en grève, quitte à perdre de suite leur emploi, pour défendre “leur” propre boîte, et de se résigner souvent, finalement, à arracher des indemnités de licenciements les “moins pires” possible (1). Evidemment, l’effet démoralisant et le sentiment d’impuissance qui en résulte fait le jeu de la bourgeoisie qui a les mains plus libres pour nous attaquer davantage. C’est ainsi que les syndicats ont réussi à saboter, en l’épuisant ou en l’étouffant momentanément, la dynamique de colère qui s’était développée au sein de la classe vers la fin de l’année 2008 et début 2009. D’ailleurs, le journal le Monde, après les manifestations syndicales du 1er mai, ne disait pas autre chose : “Le gouvernement semble en effet estimer que la mobilisation demeure pour l’instant très encadrée et donc contrôlée par les syndicats. Il s’attend à de nouveaux rendez-vous de confrontation en juin mais juge que d’ici l’été, il y a peu de risque de débordements sérieux. Les inquiétudes se portent plutôt sur la rentrée où les ministres redoutent une colère sociale plus vive, au fur et à mesure que les conséquences de la crise se feront plus fortes” (le Monde daté des 3 et 4 mai 2009). Cette inquiétude de la bourgeoisie est réelle et c’est pourquoi, dès maintenant, elle prépare ses nouveaux pièges et ses nouvelles manœuvres idéologiques.
Malgré et contre l’emprise actuelle des syndicats, comme le montre un de nos articles (2), l’avenir est par nécessité au développement, à l’expression grandissante de la solidarité ouvrière et à l’extension de la lutte de classe. Cette extension de la lutte ne pourra être réalisée réellement que si la classe ouvrière prend elle-même ses luttes en mains.
Wim (29 mai)
1) La proposition de Besancenot d’une “Marche nationale des ouvriers licenciés” sur Paris (Molex, Continental, Caterpillar…) pour promouvoir l’agitation en faveur d’une loi “interdisant les licenciements” ne permet nullement d’échapper aux mâchoires du même piège alors que nous savons déjà que les licenciements vont continuer de plus belle demain qu’ils ne concernent pas que les ouvriers licenciés aujourd’hui mais concernent bien toute la classe ouvrière. Le NPA joue ici le même rôle que l’ensemble des syndicats : il agit comme force d’encadrement d’une “catégorie particulière” de prolétaires, les ouvriers licenciés, en isolant ceux-ci du reste de leur classe.
2) Lire “Pourquoi les "contis" ne font-ils pas trembler l'Etat ? [61]”.
Sur les sites Internet, de nombreux “arguments” farfelus, mythiques et exagérés ont été mis en avant pour expliquer la pandémie de grippe porcine. Ces arguments et hypothèses ne font qu’exprimer la méfiance et le mécontentement de la population à l’égard des explications officielles affirmant qu’il s’agit d’un “risque naturel” lié aux cycles de vie des virus et au hasard…, ce qui, évidemment n’aide en rien à comprendre ce qui est arrivé. Il n’est pas étonnant non plus que l’appareil de gauche du capital et ses syndicats fassent tout pour cacher le vrai problème de fond en recherchant l’origine de l’épidémie dans les actions perverses d’un individu ou d’un pays, et en affirmant que l’épidémie au Mexique a été créée de façon préméditée par les Etats-Unis, ou encore en laissant entendre qu’il s’agit d’un montage publicitaire destiné à masquer les agissements secrets menés par le gouvernement en vue d’accords commerciaux et financiers...
Ce type d’explications, qui peuvent paraître très radicales, ne font que défendre l’idée qu’il pourrait y avoir un capitalisme national “à visage humain” : il suffirait de mettre des limites aux agissements de certains “États prédateurs”, de mettre en place des politiques appropriées ou de se laisser gouverner par des “gens honnêtes” et des “hommes de bonne volonté”...
Mais l’origine de cette épidémie ne réside pas dans un “complot”. C’est le résultat du développement même du capitalisme qui est devenu aujourd’hui un système destructeur.
La recherche effrénée du profit et une concurrence capitaliste de plus en plus exacerbée, ne conduisent qu’à une exploitation de plus en plus asphyxiante où les conditions de travail et de santé des salariés sont sévèrement affectées ; de plus, avec cette course effrénée à la réduction des coûts de production, la classe dominante utilise des méthodes de plus en plus polluantes et nocives. Et cela se passe aussi bien dans le domaine de la production industrielle que dans celui de l’agriculture et de l’élevage, tant dans les pays hautement industrialisés que dans ceux qui le sont peu (même si dans ces derniers la situation est bien plus dramatique).
Par exemple, si l’on examine les conditions d’élevage des animaux de basse-cour et du bétail, on constate une utilisation abusive d’anabolisants et d’antibiotiques (pour accélérer la croissance), un entassement des animaux avec un niveau très élevé de déchets qui sont ensuite jetés sans la moindre prévention, créant ainsi des foyers de haute contamination et de dangerosité. C’est cette forme de production qui a provoqué des pandémies comme celle de la “vache folle” et les différentes variantes de grippes mortelles. Ni le réchauffement de la planète, ni ces épidémies ne sont des “accidents de la nature”. Leur répétition et leur aggravation nous indiquent qu’ils sont le résultat d’un mode de production, celle du capitalisme décadent.
A cela, il faut encore ajouter les attaques contre le système de santé et le manque de prévention qui favorisent la propagation des virus. On le voit bien au Mexique quand on constate le démantèlement incessant de l’ISSSTE, de l’IMSS (1) et de leurs centres de santé qui sont pratiquement les seuls auxquels les travailleurs ont accès. Aucune prévention n’existe par ailleurs, ce qui fait que le danger prend des proportions encore plus grandes. Certains rapports font état, depuis 2006, d’études réalisées par le gouvernement mexicain sur le danger d’une épidémie dans le pays. Avait même été évoqué le fait que le virus connu de la “grippe type A” pouvait infecter des oiseaux de basse-cour et des mammifères, muter et attaquer les humains, en aggravant le problème. Des rapports ont été réalisés, des projets ont été dessinés, mais tout est resté lettre morte, sans recevoir le moindre budget.
L’apparition de cette épidémie de grippe au Mexique a mis encore plus à nu les conditions précaires dans lesquelles vit la classe ouvrière : les niveaux exacerbés d’exploitation et une misère insupportable sont un terrain favorisant le développement des maladies et la mort prématurée.
Le capitalisme propage l’épidémie et les travailleurs en subissent les conséquences
Des informations journalistiques ont révélé que l’on avait connaissance des effets du virus depuis le 16 avril et que le gouvernement a attendu sept jours pour donner l’alerte. Malgré les chiffres confus et maquillés donnés par le ministre de la Santé sur les malades et les morts, on peut aisément faire le compte : les seules victimes de cette épidémie, ce sont les travailleurs et leurs familles. Ce sont les salariés et leurs familles qui ont été mortellement touchés par ce mal. Ce sont eux qui sont obligés de se traîner d’un hôpital à un autre pour essayer d’être pris en charge médicalement dans des couloirs bondés, sans trouver d’antiviraux et en perdant un temps précieux qui aurait pu les sauver. Tandis que les discours officiels présentaient l’épidémie comme une affaire “sous contrôle”, la population ouvrière subissait cruellement le manque de services médicaux, de médicaments et de mesures de prévention. Ce sont aussi les travailleurs de la santé (médecins et infirmières) qui ont dû affronter des journées exténuantes dans des conditions extrêmement difficiles et dangereuses. C’est la raison pour laquelle des médecins internes de l’INER (Institut national des maladies respiratoires.) ont manifesté le 27 avril pour dénoncer cette situation.
La manière dont a été vécue cette épidémie au cours des premières semaines est très significative : le discours de la classe dominante et de son Etat affirmait qu’il s’agissait d’une affaire de “sécurité” exigeant “l’union nationale”.
La campagne de panique : un autre virus contre les travailleurs
Il ne fait aucun doute que la classe dominante, à la mi-avril, a été surprise et paniquée par l’apparition d’un virus mutant contre lequel il n’y a pas de vaccin disponible, ce qui l’a amenée à prendre des décisions précipitées, propageant ainsi la panique au sein de toute la population. Au début, la classe dominante a donc été débordée par la panique, mais assez vite, elle a commencé à utiliser cette même panique contre les travailleurs. Elle a utilisé d’un côté cette campagne comme un moyen pour donner une image d’efficacité et de force protectrice à son gouvernement, en gagnant ainsi de la crédibilité ; d’un autre coté, en propageant la peur, elle a encouragé les attitudes de repli individualiste, en encourageant la population à ne plus sortir, à se calfeutrer chacun confiné dans son logis, elle a créé une atmosphère de suspicion généralisée, où chacun voit chez l’autre un agent possible de contamination, ce qui va à l’encontre de la solidarité qui doit se développer au sein de la classe exploitée. On comprend alors pourquoi le secrétaire d’Etat à la Santé, Córdoba Villalobos, justifie (et par conséquent encourage) les agressions dont des habitants de Mexico (accusés d’être “infectés”) ont été victimes dans d’autres régions du pays. Ce haut fonctionnaire a affirmé que ces agressions ne sont que des expressions naturelles propres à la “condition humaine.”
La bourgeoisie redoute le développement de la solidarité entre les travailleurs et elle a été capable d’utiliser cet événement pour l’entraver, en encourageant le chauvinisme et le localisme. C’est cette même idéologie nationaliste et xénophobe que le capital utilise partout (aussi bien en Chine, en Argentine ou à Cuba) pour justifier les contrôles d’entrée et de sortie des frontières.
La classe au pouvoir, en déclenchant sa campagne de propagation de la peur, cherche à inoculer à la classe ouvrière un sentiment d’impuissance; elle veut lui faire passer le message selon lequel il faut s’en remettre à ce “grand sauveur” qu’est l’Etat.
La seule antidote contre ces campagnes de propagation de la peur, se trouve dans la clarification de la conscience des travailleurs, dans un travail de réflexion qui puisse leur permette, à terme, de comprendre que la seule chose que l’on puisse attendre du capitalisme, c’est toujours plus d’exploitation, de misère, d’épidémies et de morts prématurés.
Aujourd’hui, plus que jamais, il nous faut comprendre que le capitalisme est devenu une catastrophe sociale pour l’humanité et qu’il faut en finir avec ce système décadent.
D’après Revolución mundial, organe de presse du CCI au Mexique
1) Régimes de Sécurité sociale mexicaine, celle des fonctionnaires et celle pour le reste de la population.
Dans cette troisième partie de cette série d’articles consacrés au NPA, nous reviendrons sur un aspect majeur de leur propagande actuelle qui permet d’illustrer et comprendre le rôle et la fonction de ce nouveau parti dans la situation actuelle, notamment auprès des jeunes générations combatives du prolétariat.
Le NPA et la question électorale : une position révolutionnaire ?
Le NPA s’est lancé tardivement dans la campagne électorale sur les élections européennes mais il s’y est engagé à fond : “Le NPA va jeter toutes ses forces dans cette campagne”, déclare tout de go l’éditorial de sa presse hebdomadaire (Tout est à nous ! no 9 (1) daté du 21 mai 2009). En effet, Besancenot désormais durablement investi d’un rôle vedette dans les médias délaisse momentanément sa tournée des boîtes en lutte pour multiplier les interviews dans les télévisions, les radios, sur Internet et sillonner le pays pour venir appuyer dans leurs meetings telle ou telle liste NPA régionale. Il prend soin de présenter chaque fois la présence du NPA sur le terrain des élections européennes comme n’étant pas une priorité, mais comme une “expression politique du mécontentement économique et social”, complémentaire, voire secondaire, mais néanmoins comme une sorte de prolongement naturel de la “lutte anticapitaliste” qu’il prétend mener. Pourquoi cette modestie apparente ? La réponse, c’est que le NPA sait très bien qu’il existe un réel fossé entre les préoccupations quotidiennes des exploités par rapport à la crise (chômage, licenciements, amputation brutale du pouvoir d’achat, des prestations sociales, attaques continues des conditions de vie et de travail,…) et ces élections dont la plupart des prolétaires se désintéressent complètement. D’ailleurs, cette organisation l’évoque elle-même : “Tous les observateurs notent le désintérêt pour ce scrutin traditionnellement peu mobilisateur. Ce qui est en cause, c’est une construction européenne opaque, obsédée par le fric, n’envoyant au peuple que de mauvaises nouvelles, ne protégeant de la crise que les capitalistes” (2). Et pourtant le NPA fait tout pour mobiliser les prolétaires sur ce terrain électoral et les attirer vers les urnes. Nous ne développerons pas ici tous les arguments qui reposent sur l’illusion qu’il est possible de changer la société au moyen du bulletin de vote. Nous renvoyons seulement nos lecteurs sur la brochure récemment publiée par le CCI : les élections : un piège pour la classe ouvrière. Nous voulons simplement souligner un aspect majeur de cette mystification électorale dans laquelle tente d’entraîner précisément le NPA (comme d’ailleurs sa consœur “d’extrême gauche”, Lutte ouvrière). Le NPA nous raconte qu’il “rejette la séparation artificielle qui voudrait que le social se résume à la rue, et la politique aux institutions. La campagne des (élections) européennes se situe dans le prolongement du combat que ses militants mènent au quotidien” (3).C’est parfaitement faux et mensonger ! Cette séparation n’est nullement artificielle mais fondamentale. Dans les urnes, dans la démocratie parlementaire bourgeoise, chaque prolétaire se retrouve atomisé, réduit à un prétendu choix individuel en tant que “citoyen” et à son appartenance à une classe sociale aux intérêts antagoniques à celle qui exerce sa domination sur l’ensemble de la société est complètement niée. C’est seulement sur le terrain social de la lutte de classe contre l’exploitation capitaliste que la classe ouvrière peut collectivement et solidairement s’exprimer en tant que classe dans la défense de ses intérêts communs et donc capable de remettre en question l’hégémonie de la bourgeoisie et de combattre son système d’exploitation. C’est pourquoi tous les partis qui briguent les suffrages des exploités en prétendant défendre leurs intérêts participent d’entretenir cette illusion. Quel est alors le rôle joué par le NPA quand il met en avant “Face à la vie chère et aux licenciements, des millions de jeunes et de prolétaires sont tentés par l’abstention. Ce n’est pas le bon choix. Pour protester utile, il faut protester fort, clair et net. Il faut voter pour les listes du NPA !” ? (4) Sous de faux airs de radicalité, le NPA cherche à entraîner un maximum de prolétaires sur un terrain pourri qui, de plus, par expérience, éveille la méfiance des ouvriers et dont un nombre croissant a tendance à se détourner : la participation au grand cirque électoral.
Quel est le rôle et l’utilité du NPA dans les élections ?
Sur le terrain électoral, le NPA se sait clairement “concurrencé” par les listes du Front de Gauche. Ce “pôle”, cherchant à rassembler autour de l’“antisarkozysme”, est un amalgame politicien hétéroclite purement électoraliste qui va du Parti de Gauche animé par le transfuge du PS Melanchon, aux restes du PCF autour de Marie-George Buffet en passant par… la “minorité du NPA” autour de Christian Picquet qui prône la tactique d’une candidature unitaire. D’ailleurs, la poussée de ce Front de Gauche est directement liée au discrédit du PS, non seulement affaibli par des années d’exercice du pouvoir, mais aussi par le ralliement individuel d’une partie de son appareil à la table du gouvernement Sarkozy, de même que par la “mollesse” de son opposition et par ses combats de chefs. Le NPA se vante, lui, d’avoir son propre créneau. De fait, les déclarations et les propos de Besancenot trahissent sans ambiguïté quel est le véritable objectif du NPA. Dans une interview à I-télé le 11 mai, Besancenot déclarait “notre problème (…), c’est des jeunes souvent des précaires mais aussi des ouvriers, ceux qui sont susceptibles de ne pas aller voter aux élections, parce qu’ils s’en sentent éloignés, pas représentés, parce qu’ils savent aussi que le parlement européen a peu de pouvoirs. Donc, à nous de les convaincre concrètement de donner un débouché politique à tout ce qui s’exprime au niveau social et qui va aussi continuer à s’exprimer au niveau social dans les élections.” Ces jeunes, ces précaires, ces ouvriers tentés de déserter un terrain électoral clairement sans intérêt pour eux, voilà quelle est la cible spécifique du NPA et dont Besancenot se vante publiquement auprès des médias bourgeois de pouvoir ramener vers les urnes : “Dans les milieux où nous avons le plus d’écho, les précaires, les prolos, les jeunes nous disent qu’ils n’ont pas forcément envie de voter. A nous de les convaincre qu’avoir des élus anticapitalistes pendant cinq ans au Parlement européen permettrait de relayer les combats sociaux dans les institutions européennes et de prévenir la population, la jeunesse, des mauvais coups qui se trament. Et on aurait un point d’appui pour construire un parti anticapitaliste européen”. C’est bien parce que son message est : “A nous de convaincre les abstentionnistes !” que le NPA entend démontrer, en faisant feu de tout bois à travers les leurres déployés pour sa propagande (5), qu’il y a un “enjeu politique” dans cette élection et qu’il proclame que ces élections sont un moyen de “donner à la colère sociale une expression politique”. Besancenot l’a d’ailleurs proclamé crûment : “Si concurrence il y a, c’est avec l’abstentionnisme et pas avec d’autres listes de gauche”. Oui, le NPA a son utilité ! Mais pour qui ? Il remplit pleinement aujourd’hui une mission qui est de tenter de combler un dangereux vide politique au profit de la bourgeoisie, c’est celui de rabatteur des abstentionnistes vers les urnes, de ramener les ouvriers en lutte dans le piège idéologique du terrain électoral. Il contribue ainsi à entraver et obscurcir la prise de conscience des exploités qu’il n’existe pas d’autre moyen de sortir la société de l’impasse et de la misère où la plonge le capitalisme que le renversement révolutionnaire de ce système mettant en œuvre les seuls moyens et les seules forces collectives, solidaires et unificatrices dont disposent les prolétaires mobilisés sur leur terrain de classe : le développement, l’extension et la prise en mains de leurs luttes.
W (28 mai)
1) Il faut noter au passage que le nom même de l’organe de presse hebdomadaire du NPA qui est le même de celui de sa revue mensuelle lancée en mai 2009 suggère exactement le contraire de la vision marxiste de la nature révolutionnaire de la classe ouvrière qui s’appuie sur le fait que le prolétariat est une classe totalement dépossédée de ce qu’elle produit dans le capitalisme.
2) Tout est à nous !, du 21 mai 2009.
3) Idem.
4) Id.
5) Comme celle de souligner devant les caméras de France 3 que pour la première fois, il y avait une campagne anticapitaliste simultanément dans une quinzaine de pays européens, avec, comme objectif, de créer un parti anticapitaliste au niveau européen en cherchant à faire gober ce mensonge énorme : la participation électorale deviendrait une “expression de l’internationalisme” des exploités et bien sûr du NPA !
Début mai, les gardiens de prison ont engagé un mouvement de grève pour exiger l’embauche de personnels, devant les conditions aggravées de travail qu’ils connaissent. 4000 des 24 300 surveillants de prison ont donc bloqué 120 des 194 prisons françaises, empêchant les transferts de détenus dans un premier temps puis les visites des parloirs. Au bout d’une semaine de blocage, agrémentée d’interventions musclées de la police, ils n’ont obtenu de leur ministre de tutelle Rachida Dati que des coups de matraque et la promesse d’embauche de 351 gardiens supplémentaires... pour 2010. Les grèves et les manifestations de matons sont de plus en plus récurrentes. Elles expriment le malaise d’une profession de gardiens de l’Etat bourgeois – qui explique, à l’instar de la police, leur corporatisme le plus étroit – soumise à des conditions de travail particulièrement dégradées, où la dangerosité est chaque jour accentuée par le remplissage délirant des cellules de prisonniers. Plus de 63 000 d’entre eux s’entassent dans les geôles de la République pour environ 52 000 lits. A la prison de Fleury-Mérogis, la plus importante d’Europe, 3700 “taulards” sont détenus dans des cellules prévues pour 2855 personnes, le “trop-plein” dormant le plus souvent sur des matelas par terre ! La politique sécuritaire à tout crin que mène Sarkozy ne pourra que faire empirer une telle situation ; et c’est d’ailleurs prévu : ainsi, dans la toute nouvelle prison de Lyon, prévue pour héberger 600 personnes, on a mis mille lits. Qui dira que la bourgeoisie ne pense pas à l’avenir ?
En attendant, détenus et gardiens de prison survivent dans de véritables cocottes-minutes. La situation s’aggrave ? Allons donc ! On compte 10 suicides de “porte-clés” sur leur lieu de travail depuis le début de l’année, pour 6 sur l’ensemble de l’année 2008. Quant aux prisonniers, 52 ont déjà mis fin à leurs jours depuis janvier 2009, pour 115 l’année passée. Et il faut savoir que ces chiffres n’englobent surtout pas les tentatives de suicide – on en dénombrait 950 graves en 2007, puis 1600 en 2008 –, pas plus que les décès à l’hôpital suite à ces tentatives de suicide !
Si le mal-être gagne les gardiens, celui-ci ne frappe pas moins les détenus. Le taux de pathologie psychiatrique grave et avérée dans la population carcérale est vingt fois plus élevé que dans la population générale. Par exemple, 38 % des prisonniers sont atteints de syndrome dépressif, sans compter les 10 % de gens qui déclenchent des symptômes de psychoses graves. Ce pourcentage ne fait état que de ceux qui bénéficient de soins, donc manifestant des symptômes suffisamment explosifs pour être susceptibles d’être observés et retenus par des gardiens de prisons débordés par la massivité du phénomène. Et nous ne parlerons pas des nombreux autres troubles de santé mentale qui atteignent les détenus ou que la vie en prison renforce. Le phénomène a pris une telle ampleur depuis les années 1990 que le Comité national consultatif d’éthique de décembre 2006 parle de “déplacement de l’hôpital psychiatrique vers la prison”. En d’autres termes, la prison rend fou, tout comme cette société capitaliste décomposée qui pousse dans la misère ou au suicide des masses grandissantes d’êtres humains. Mais c’est la loi de la justice pour tous. Pour tous ? Oui, pour tous les malheureux que ramasse cette société de misère et ses flics. Plus de 60 % n’ont pas un niveau d’instruction dépassant le niveau de l’école primaire et plus de 12 % sont illettrés. 57,7 % des détenus en maison d’arrêt sont dans des situations où ils vivent en-dessous du seuil de pauvreté et presque 20 % étaient SDF. Le rapport 2001 de l’Inspection générale de l’Assurance sociale (IGAS) notait : “Toutes les statistiques le prouvent, les plus démunis constituent la grande majorité de la population carcérale : en 1982, 35 % des personnes incarcérées étaient sans emploi contre 48,6 % en 1996.” Avec l’aggravation de la crise, on peut être certain que ces statistiques ne se sont pas améliorées.
Les bourgeois nous diront : “Evidemment, ces fainéants profitent du système et viennent s’engraisser aux frais de la princesse”, c’est-à-dire de l’Etat, et de nos impôts. Ce discours sera renforcé d’ailleurs encore par la présence de 20 % de “taulards” appartenant à des nationalités étrangères, principalement africaines (au sens large du continent). Pourquoi ne pas ajouter qu’on passe finalement de quasi-vacances plutôt sympathiques dans ces prisons surpeuplées, surchauffées, avec la menace permanente du mitard, c’est-à-dire de l’isolement le plus strict plusieurs semaines, ce qui rendrait fou n’importe qui. D’ailleurs, les médias n’ont de cesse de nous asséner que, dans les prisons, il y a la télé, qu’on peut faire de la musculation, s’instruire et passer des licences et autres diplômes, etc. Une vie de rêve, en somme.
Au xixe siècle, l’écrivain Dostoïevski disait : “On ne peut juger du degré d’une civilisation qu’en visitant ses prisons.” Au-delà des illusions qu’avait ce grand homme sur les possibilités de construire une société humanitaire sur les bases d’une société de classe, on peut en effet juger à l’aune de ses prisons ce qu’est l’Etat capitaliste “moderne”.
Wilma (27 mai)
Depuis des mois, les 1120 salariés de l’usine Continental de Clairoix font preuve d’une colère et d’une détermination sans faille. Les “‘Contis’ ne lâcheront rien”, comme ils disent.
Ces ouvriers sont traités comme des chiens, méprisés et baladés par leur patron. En janvier 2008, ils ont été contraints de travailler cinq heures de plus par semaine, en passant de 35 h à 40 h. Ce sacrifice devait prétendument permettre de sauver leurs emplois. Mais comme l’exploitation capitaliste ne connaît qu’une seule limite, celle de la résistance des travailleurs, le 11 mars 2009, la direction annonce sans vergogne la fermeture de l’usine en… octobre ! Immédiatement, la colère et l’indignation explosent.
Les ouvriers bloquent la rue devant l’usine et occupent l’entrée. Cette petite place improvisée devient un lieu d’échange ; les ouvriers s’y regroupent et y discutent en permanence. C’est aussi là qu’ils tiennent leurs assemblées générales. Rapidement, cette mobilisation provoque la sympathie chez les ouvriers de la région.
Les cheminots expriment leur soutien en faisant siffler systématiquement leur train qui passe à quelques mètres du site. Des paniers-repas sont apportés spontanément. Une caisse de solidarité est organisée. Les ouvriers de l’usine Inergy – entreprise sous-traitante de l’automobile elle aussi touchée par des licenciements – mettent des bus à disposition (permettant notamment aux grévistes de se rendre au siège de Continental à Reims puis à Paris le 25 mars).
Point d’orgue de cet élan de solidarité, le 19 mars, journée de mobilisation nationale, les ouvriers de Continental partent à pied de leur usine de Clairoix pour rejoindre le centre ville de Compiègne situé à 5 km de là. Ce faisant, ils traversent un bassin industriel important. Devant chaque usine, des centaines d’ouvriers les attendent pour, à leur passage, se joindre au cortège. Devant Saint-Gobain, Colgate, Cadum, Aventis, Allard, CIE Automobile, chaque fois le même scénario se répète si bien que, partis à 1000, ils arrivent à 15 000 dans les rues de Compiègne ! (1)
Depuis lors, les journées d’actions se sont multipliées :
• Jeudi 23 avril, les travailleurs de Clairoix rejoignent à Hanovre leurs camarades de l’usine de Sarreguemines (en Moselle) et ceux des usines allemandes du groupe.
• Pour le 1er mai, 7000 personnes se retrouvent dans les rues de Compiègne : les ouvriers de la Sodimatex, d’Inergy, de CIE Automobile et, surtout, Lear – usine sous-traitante du groupe PSA, elle-aussi en grève et située à quelques kilomètres de Compiègne – se rallient tous aux grévistes de l’usine de pneus.
• Mercredi 6 mai, 300 ouvriers de Clairoix occupent de force l’usine Continentale de Sarreguemines.
• Lundi 18 mai, manifestation des travailleurs de Continental, de Lear et d’UTI (sous-traitant de Continental) devant la Bourse du travail, à Paris.
Bref, non seulement les travailleurs de cette usine sont bien décidés à ne pas se laisser faire mais ils rencontrent aussi un certain soutien des ouvriers de la région ou du même groupe (en Moselle comme en Allemagne), tous également touchés par la vague actuelle de licenciements.
Et pourtant, la bourgeoisie ne semble pas vraiment trembler devant cette lutte. Il est vrai qu’il est très difficile de se battre contre la fermeture d’une usine. Que faire quand un patron annonce la fermeture prochaine d’un site et lui permet d’exercer un chantage en mettant en avant le fait que la grève ne fera qu’accélérer la mise en oeuvre de cette fermeture ? (2) Se battre ici seul contre “son” patron est évidemment un piège. Le bras de fer entre un patron et “ses” ouvriers, coupés de leurs frères de classe, est toujours un combat déséquilibré qui mène à la défaite des exploités. C’est pourquoi les ouvriers de Continental ont essayé de créer des liens avec les autres travailleurs, pour créer un rapport de force plus large et plus favorable. En apparence, ils y sont parvenus. En apparence seulement, puisque manifestement la bourgeoisie n’a pas à un seul moment semblé inquiétée par cette grève. Pour preuve, au lieu d’orchestrer le traditionnel black-out médiatique quand une lutte lui semble gênante pour “l’ordre public” et qu’il faut éviter qu’elle ne donne des idées aux autres travailleurs, la classe dominante en a fait au contraire une très large publicité Pourquoi ? Que se cache-t-il derrière ces “apparences” ?
Sur l’extension de cette lutte : simulacres et réalités
L’entreprise Continental de Clairoix est située au milieu d’un bassin industriel. Les usines se touchent les unes les autres ; plusieurs milliers d’ouvriers se concentrent sur une bande de trois kilomètres. Et toutes, depuis des années, sont frappées par des plans successifs de “restructuration”. Ainsi, les ouvriers de Continental ont bien conscience qu’ils ne sont pas un cas isolé. Il suffit de discuter avec eux pour voir à quel point ils savent que, pour les familles ouvrières, le licenciement et le chômage sont une lourde menace planant au-dessus de toutes les têtes.
C’est pourquoi aussi le soutien de la population ouvrière locale s’est fait tout naturellement. La manifestation du 19 mars fut historique pour la région ; elle a révélé une nouvelle fois que la solidarité est un sentiment qui circule naturellement dans la vie sociale des prolétaires entre eux. Cela dit, ce soutien eut un aspect limité : il fut essentiellement passif (il y a une différence entre défiler aux côtés des grévistes et lutter ensemble) et éphémère (une journée ponctuelle). Un tel événement n’a pas de quoi inquiéter la bourgeoisie s’il en reste là. Et effectivement, cet élan de solidarité n’a pas été le début de quelque chose, il n’a pas constitué le point de départ pour la création d’une dynamique d’extension de la grève. Au contraire, toutes les autres actions, même celles qui en apparence faisaient converger d’autres ouvriers d’autres usines, ont renforcé en réalité l’isolement des “Contis”.
Les actions en Moselle ou en Allemagne se sont placées d’emblée sur un terrain restreint : celui de l’entreprise Continental. L’extension de la lutte s’est fait ici en direction des ouvriers de la même boîte et seulement de la même boîte. Le sentiment qui se développe à travers une telle sorte d’“extension” n’est pas “nous les ouvriers devons lutter ensemble” mais “nous les ouvriers de Continental…”. Face à la bourgeoisie ne se dresse pas “la classe ouvrière” mais “les ouvriers de Continental”… ce qui crée un rapport de force nettement moins favorable aux exploités. A ce propos d’ailleurs, la manifestation d’Hanovre n’avait d’“internationale” qu’un vernis peu épais. Des ouvriers de France et d’Allemagne se sont bien retrouvés dans la rue côté à côte, et la chaude fraternité exprimée mutuellement par ces ouvriers était sans aucun doute sincère, mais le ciment de cette journée n’était fondamentalement pas la conscience d’appartenir à la même classe au-delà des frontières, mais celui d’appartenir à la même multinationale. Sous “l’unité internationale des travailleurs” s’est caché ici en fait le poison de la division de la classe ouvrière par secteur, par corporation et par boîte !
Reste tout de même quelques journées où des ouvriers d’usines différentes se sont retrouvés ensemble dans la grève. En particulier, le lien avec les grévistes de Lear est très intéressant. Mais là aussi, cette unité est somme toute relativement limitée et superficielle. Les ouvriers de Lear et de Continental ont réalisé des manifestations communes mais pour se retrouver finalement à défiler les uns à côtés des autres, chacun pour “sa” boîte contre “son” patron. Ainsi, le 18 mai, devant la Bourse du travail à Paris, les “Contis” brandissaient des banderoles parlant des “Contis” quand ceux de Lear affichaient “Lear sous-traitant de PSA, non à la fermeture”.
Pour étendre la lutte, il faut la prendre en main
Il s’agit ici de simulacres d’extension. Pourtant, tous ces ouvriers menacés d’être mis à la rue sont réellement en colère et veulent sincèrement lutter ensemble. Alors, pourquoi cette lutte n’a-t-elle pas pris corps ? Pourquoi ceux de Continental n’ont-ils pas tenté d’étendre la lutte aux usines voisines, à Colgate, par exemple, qui est juste à côté et qui va subir elle aussi prochainement une vague de licenciements ?
En fait, depuis le début du mouvement, les grévistes n’ont pas la destinée de leur lutte entre leurs mains. Ce sont les syndicats – CGT en tête – qui orchestrent tout, qui décident de tout, les mots d’ordre, les modalités d’action… Ces chiens de garde du capital ont fait mine d’organiser l’extension de la lutte pour mieux dévoyer la combativité de ces travailleurs et les entraîner dans l’impasse de l’isolement corporatiste.
Ils ont collé à leurs actions les étiquettes “unité”, “solidarité internationale”… en vidant ces mots de leur substance.
Quand les ouvriers osent prendre en main leur lutte, qu’ils ont suffisamment confiance en eux-mêmes pour se passer de tous ces soi-disant “professionnels de la lutte” (en fait, professionnels du sabotage), l’extension qu’ils mettent naturellement en place est d’une toute autre nature. Pour ne pas rester isolés dans “leur” usine, les ouvriers doivent aller chercher la solidarité de leurs frères de classe en allant physiquement et massivement à l’usine, à l’hôpital, dans les administrations les plus proches. Ce chemin n’est pas facile à emprunter. C’est prendre le risque d’essuyer un échec, de ne pas réussir à entraîner les autres ouvriers des autres secteurs, mais c’est le seul chemin qui permet de lutter en tant que classe unie et solidaire.
Parfois les syndicats proposent de telles actions, quand ils sentent que cela trotte dans la tête des ouvriers. Ils se proposent alors d’aller voir, au nom de tous, les travailleurs d’à côté et, dans les faits, ils discutent avec leurs confrères syndicaux ! Il faut donc se confronter à ce type de sabotage, refuser de se laisser déposséder de la lutte. L’extension doit être décidée, organisée et réalisée par tous les ouvriers. Pour cela, il faut débattre dans des AG souveraines, communes et ouvertes à tous, sans exclusive et décider d’aller massivement à la rencontre des frères de classe ! La véritable solidarité ouvrière lors d’une grève se forge de proche en proche sur la base d’une extension géographique de la lutte.
Mais est-il possible de construire une telle dynamique, un tel rapport de forces ? Les expériences qui le prouvent ne manquent pas. C’est par exemple ainsi qu’ont agi les ouvriers de Pologne en 1980 ; en parvenant à prendre en main leur lutte et son extension, ils ont engendré un mouvement massif encore gravé dans la mémoire ouvrière. Pour prendre un exemple plus méconnu et d’une moins grande ampleur : en Belgique, en mai 1986, 300 mineurs du Limbourg sont venus aux AG des services publics à Bruxelles pour proposer l’unification des combats ce qui a donné un souffle à toute la lutte de cette région du monde (en Belgique, en Finlande, au Danemark). Plus proche de nous dans le temps, en 2006, les métallurgistes de Vigo (en Espagne) ont organisé leurs AG, non pas dans l’usine mais en pleine rue, permettant ainsi aux autres ouvriers d’y participer et d’aller manifester massivement ensemble.
Tous ces événements ont pour point commun la confrontation à l’encadrement syndical. Il ne peut y avoir un réel développement de la lutte, une réelle extension géographique, sans que la bourgeoisie ne se sente en danger et donc sans qu’elle n’envoie ses bataillons syndicaux enrayer la dynamique. Les ouvriers de Clairoix ne se sont pas heurtés à leur encadrement, il ont au contraire fait confiance aux syndicats et n’ont pas vu, cette fois-ci, comment “leurs” représentants ont orchestré l’isolement. Mais la crise économique va continuer de frapper tous les ouvriers, de tous les secteurs. Il va devenir de plus en plus évident que pour résister, il faut se battre ensemble, en tant que classe. La réflexion sur comment unifier nos luttes se heurtera alors inévitablement de façon croissante au carcan syndical !
Pawel (29 mai)
NDLR : Au moment de mettre sous presse nous apprenons qu’au cours des négociations, la direction de Continental vient de « lâcher » une prime de départ de 50 000 euros net pour chaque ouvrier. Ces primes de licenciements, qui sont tout de même le minimum par rapport au fait d’être mis à la porte (les ouvriers demandaient l’annulation de la fermeture ou au moins son report pour fin 2011), sont évidemment le fruit de la combativité ouvrière. Mais la publicité tapageuse faite autour de ces miettes vise à faire passer le même message trompeur que lors de la lutte en Guadeloupe : c’est seulement en s’en remettant aux syndicats que les ouvriers peuvent espérer arracher quelque chose.
1) Soit près d’un quart de la population de l’agglomération !
2) D’où les séquestrations très médiatiques de ces dernières semaines, les ouvriers tentant ici de façon désespérée d’empêcher le patron de fermer l’usine, sans savoir quel type de lute mener pour modifier le rapport de force en leur faveur. Ces actions coup de poing sont d’ailleurs souvent fortement encouragées, voire initiées, par les représentants syndicaux locaux, en particulier les gros bras de la CGT.
Les informations publiées ces derniers mois sur le site Internet de l’Observatoire des inégalités (1) montrent quelle réalité effroyable et quelle souffrance se cachent derrière les mots “crise économique” :
“Un tiers de la population des pays pauvres vit dans des bidonvilles ou des taudis, ce qui représente plus de 800 millions de personnes au total […] Il s’agit ici de la population urbaine vivant dans les conditions les plus désastreuses, des bidonvilles aux baraques insalubres, sans eau courante notamment.”
Dans les mois à venir, “46 millions d’individus supplémentaires dans le monde pourraient vivre avec moins de 1,25 dollar par jour, c’est-à-dire sous le seuil d’extrême pauvreté fixé par la Banque mondiale […] Cette augmentation du nombre de pauvres pourrait conduire à une recrudescence conséquente du taux de mortalité infantile : si la crise persiste, entre 1,4 et 2,8 millions d’enfants pourraient décéder des suites de maladies dues à leurs mauvaises conditions de vie.”
Pas un seul coin du globe n’est épargné par cette explosion de la misère : “L’association américaine des maires, qui réalise annuellement une enquête nationale sur les sans-abri, a fait état fin 2008 d’une aggravation des problèmes des familles. […] Louisville, par exemple, signale une amplification de 58 % pour ce qui concerne les familles sans-abri en un an. Des informations les plus récentes, il ressort une augmentation entre 2007 et 2008 de 40 % du nombre de familles entrant dans les centres d’accueil new-yorkais. […] Cet accroissement important pourrait se poursuivre avec la progression du chômage. Les prévisions établies par Goldman Sachs sont d’un taux de chômage à 9 % fin 2009 (contre 5 % fin 2007 et près de 7 % en 2008). Les experts du Center on Budget and Policy Priorities, s’appuyant sur les trois dernières récessions américaines, tablent dans ce contexte sur une fourchette de 8 à 10 millions de pauvres supplémentaires. Toujours sous ces hypothèses, le nombre de personnes en grande pauvreté (avec un revenu inférieur de moitié au seuil de pauvreté) pourrait augmenter de 5 à 6 millions. Au total, c’est environ un million de nouvelles familles avec enfants qui pourraient connaître la grande pauvreté et se trouver face à un risque élevé de “ sans-abrisme »”.
Seule la classe ouvrière, en développant ses luttes à l’échelle internationale, en reprenant confiance en elle-même et en ses forces, est en mesure d’apporter l’alternative à cet immonde système d’exploitation : la société communiste.
DM
Nous publions ci-dessous un courrier d’une lectrice qui réagit à un débat sur la radio France Info, début mai, à propos du rôle des syndicats. Cette discussion entre “grands journalistes”, responsables de journaux ou revues à grands tirages, révèle en effet parfaitement à quel point la bourgeoisie a compté ces derniers mois sur les syndicats pour maintenir la “paix sociale”, autrement dit pour saboter le développement des luttes.
Le courrier
Le lundi 4 mai au matin, en allant travailler, j’ai entendu sur France Info un débat édifiant et très instructif entre Monsieur Joffrin (de Libération – donc, plutôt de gauche) et Madame Brossolette (du Point – donc, plutôt de droite). N’en croyant pas mes oreilles, en rentrant chez moi le soir, j’ai ré-écouté sur Internet cet échange entre bourgeois se félicitant ouvertement de l’appui des syndicats contre la lutte ouvrière ! Ci-dessous, j’ai essayé de vous en retranscrire quelques morceaux choisis.
Suite aux manifestations du premier mai, la journaliste de France Info a lancé la discussion par cette question : “le gouvernement a-t-il la pression ?”. Habituée à entendre des tissus de mensonges régulièrement dès qu’il s’agit de politique, je fus très surprise d’entendre enfin la vérité : ces penseurs bourgeois nous expliquaient très clairement comment les syndicats et le gouvernement travaillent main dans la main pour manipuler la classe ouvrière.
Pour commencer, Madame Brosselette nous explique tranquillement, pour qui veut bien lire entre les lignes, comment l’unité syndicale affichée actuellement n’est qu’une mascarade pour mieux préparer la division de demain (tous les gras à venir sont de moi) :
“C’est devenu un rituel, c’est évident qu’il y avait du monde dans la rue… C’était plus que pour un premier mai classique. Et paradoxalement je pense que les syndicats sont un peu victimes de leur succès. D’abord le fait qu’ils soient unis est important. Cela les rend populaires et ils doivent le rester. Donc comment organiser la suite de l’action. Ce n’est sans doute pas par une grande manifestation type grève générale puisqu’ils ne sont pas d’accord là-dessus. Ils ne pourront pas se mettre vraiment d’accord sur une nouvelle action type manif pour garder la pression sur le gouvernement.”.
Et de poursuivre sur la collaboration, qui est de toutes façons un secret de polichinelle, entre les syndicats et l’Etat :
“[…] il y a quand même un jeu sous-jacent entre les syndicats et le gouvernement, surtout entre la CGT et Nicolas Sarkozy qui tient énormément à ses bonnes relations avec la CGT qui peut […] tenir les actions syndicales dans quelque chose de correct qui ne déborde pas. […]”.
Quant à Joffrin, il en rajoute une couche :
“Moi, je trouve que les deux principaux leaders syndicaux Bernard Thibault et François Chérèque font preuve d’un esprit de responsabilité remarquable […] ils s’emploient constamment avec une certaine habileté à canaliser le mouvement et à le laisser sur des rails syndicaux, à éviter la politisation excessive de la contestation.”
Ce grand homme de “gauche” se met alors à nous expliquer comment le gouvernement Sarkozy doit œuvrer pour renforcer la crédibilité des syndicats et donc leur contrôle sur les rangs ouvriers par “une dialectique entre les manifs […] et la politique gouvernementale qui doit s’infléchir de manière à justifier la démarche de Chérèque et Thibault.” !
Les choses sont au moins claires : l’affrontement gouvernement-syndicats est une mascarade, un jeu dont les cartes sont en plus truquées d’avance !
Après quelques digressions sur les européennes et la crise, la journaliste de France Info tente de revenir au cœur du sujet, la lutte de classe, en demandant s’il y a un risque d’explosion sociale. Ce risque est totalement écarté par Mme Brosselette mais absolument pas par Monsieur Joffrin qui semble, malgré tout, plus conscient de la situation et surtout de ce qu’il faut dire. Il explique alors :
“Ce genre de chose est imprévisible ; personne ne l’organise. Ça s’est toujours passé comme ça que ce soit en 68 ou à d’autres moments. Ce n’est jamais un mot d’ordre qui fait ce genre de choses. C’est parce qu’il y a un incident ; il y a un catalyseur, soit un problème politique, soit un problème social, soit une violence éventuellement, tout ça et je ne le souhaite pas du tout. Ça peut se produire et donc les syndicats le savent. C’est pour ça que Thibault et Chérèque ont cette attitude qui est une attitude réformiste responsable. Le gouvernement doit le comprendre, autrement il prendrait des risques considérables”.
Au passage, on peut admirer la vision “socialiste” de la lutte ouvrière massive, spontanée et autonome. Joffrin est ici à deux doigts de s’écrier en chœur, avec De Gaulle, “Mai 68 ? La chienlit !”. Par contre, contrairement à cet ex-président, Joffrin a bien compris que face à la lutte ouvrière, les syndicats sont bien plus efficaces que les chars1. En effet, ils sont d’une aide précieuse et irremplaçable pour la bourgeoisie car ils sabotent la lutte de l’intérieur.
Une chose est sûre, si l’intérêt de la bourgeoisie est de maintenir les ouvriers derrière les bannières syndicales, l’intérêt du prolétariat est au contraire de prendre en mains ses luttes en se passant de ces “professionnels du sabotage”.
N, (20 mai)
1) En mai 68, De Gaulle avait hésité à envoyer les chars contre les étudiants dans le quartier Latin, à Paris. Evidemment, une telle répression n’aurait fait qu’attiser la combativité ouvrière.
Début mai, des affrontements sanglants ont lieu à l’est du Tchad opposant l’armée tchadienne aux forces rebelles (une coalition de 10 groupes) téléguidées par le Soudan, provoquant en 3 jours des centaines de morts et poussant à l’exode des milliers de réfugiés. Voilà une énième attaque (ou contre-attaque) s’inscrivant dans la longue chaîne des affrontements que se livrent le Tchad et le Soudan par rebelles interposés, alors que les protagonistes venaient à peine de signer un nouvel “accord de paix”, le 3 mai, à Doha (Qatar) sous l’égide de leurs grands parrains impérialistes. En effet, depuis 2005, on ne compte pas moins d’une vingtaine d’attaques et contre-attaques entre cliques sanguinaires causant des centaines de milliers de morts et des millions de populations déplacées (les victimes du Darfour comprises). Il faut réaffirmer qu’il n’y a aucune différence entre les régimes en place et les bandes rebelles, car ce sont tous des criminels assoiffés de sang et de pouvoir et n’ont tous que faire des populations qu’ils massacrent continuellement. Ainsi, avant de devenir “Chef d’Etat”, Monsieur Déby fut, lui aussi, un grand rebelle, comme le souligne d’ailleurs le Monde du 10 mai 2009 : “Idriss Déby, le président tchadien, est arrivé au pouvoir en décembre 1990 à la tête d’une rébellion qui, déjà, partait du Soudan et bénéficiait de l’appui de Khartoum, mais aussi de celui de la Libye et de la France. Au Soudan, un coup d’Etat venait de porter au pouvoir une junte dirigée par le général Al Bachir, dont les islamistes du Front national islamique tiraient les ficelles dans l’ombre. Des années durant, Idriss Déby a dû composer avec des agents soudanais dans son entourage, avant de s’en affranchir progressivement. (…) Certains rebelles du Darfour bénéficient de complicité au sein du pouvoir tchadien, en raison de solidarités ethniques, familiales ou claniques transfrontalières. Le Soudan, par mesure de rétorsion, a accueilli les rebelles professionnels tchadiens et les mécontents du système Déby pour leur donner les moyens de se lancer à l’assaut du pouvoir à N’Djamena et mettre fin, par le vide, à l’appui aux Darfouriens”.
Derrière ces affrontements guerriers entre les rebelles et les régimes de cette région, il y a la main des puissances impérialistes qui les soutiennent sur tous les plans (notamment financier et militaire), celles qui se disputent le contrôle des bandes armées dans le but d’accéder à une certaine influence ou de préserver des intérêts stratégiques et économiques dans cette vaste zone. Et cela s’est particulièrement illustré dans cette nouvelle tuerie.
Certes, avec le soutien décisif de ses alliés, notamment français, le grand criminel Déby a pu repousser fermement l’attaque des rebelles armés par le Soudan et son fournisseur chinois. Mais les “assaillants” ne vont pas tarder à reprendre leur offensive comme l’admet d’ailleurs l’armée française sur place. Cela veut dire clairement qu’il n’y aura pas de répit dans les massacres. Au contraire, ces deux régimes arriérés, mais dont la force réside dans le fait qu’ils sont producteurs de pétrole, vont continuer d’engloutir les ressources de leurs pays respectifs dans les dépenses d’armements dont la Chine et la France sont au premier rang des pays bénéficiaires. Tout cela pendant que les populations de cette zone sont parmi les plus misérables du monde, surtout les plus affectées par les atrocités dues aux conflits permanents dans cette partie du continent. Pourtant, à entendre les autorités françaises (Sarkozy et Kouchner) la France “cherche à trouver une solution politique et humanitaire” au conflit du Darfour et aux troubles de la région (Soudan, Tchad et Centrafrique).
Que de mensonges qui cachent mal la réalité, comme le démontre l’hebdomadaire Marianne du 16 mai 2009 : “Une fois de plus, Bernard Kouchner a volé au secours de Déby, mobilisant le Conseil de sécurité de l’ONU et en recevant en urgence le ministre des affaires étrangères tchadien. (…) La fin de la mission de l’Eufor en mars (une force européenne de stabilisation) dans l’est du Tchad a au moins permis que des bouches s’ouvrent. ‘Les civils manquent toujours autant de protection qu’il y a un an, lors du déploiement de l’Eufor’, se plaint l’organisation Oxfam. Il y a quelques semaines, l’ONU reconnaissait que tout allait de mal en pis, pointant une insécurité croissante et des crimes sexuels de plus en plus nombreux. Cet Eufor fut pourtant présenté par Bernard Kouchner comme un immense succès de la France. Sans mandat politique clair parce qu’Idriss Déby n’en voulait pas, le bilan est atterrant. ‘Grâce à l’Eufor, la France a donc activement contribué à renforcer Déby sans aider les Tchadiens à trouver une solution durable à la crise’ , estime l’organisation International Crisis Group”.
La responsabilité criminelle de premier plan de l’impérialisme français est clairement établie dans la perpétuation de la barbarie guerrière et la misère. C’est d’abord et avant tout la France et ses gouvernements successifs (de gauche comme de droite), l’ancienne puissance coloniale, qui a toujours fait et défait les régimes sanguinaires qui se sont succédés au Tchad depuis bientôt cinquante ans, en les armant ou en les désarmant le cas échéant. Et, comme on vient de l’évoquer, c’est l’impérialisme français qui protège le régime sanguinaire de N’Djamena et ce dernier se doit, à son tour, de veiller à la préservation des intérêts de Paris dans la région et au Tchad en particulier. D’ailleurs, c’est bien cela que la France voulait rappeler en organisant du 22 au 28 avril dernier (tout juste avant l’attaque des rebelles) des grandes manœuvres aériennes et terrestres dans le Moyen-Chari (au sud du Tchad) pour ses 1100 hommes de son dispositif sur place.
Amina (20 mai)
Depuis octobre 2007, une vague de réformes, notamment liée à la loi LRU, dite “loi sur l’autonomie des universités,” s’abat sur les travailleurs de l’éducation et les étudiants : précarisation généralisée des futurs enseignants, fermeture des IUFM, réforme des CROUS, mise en concurrence des travailleurs dans leur avancement, fermeture des filières les moins rentables, diminution drastique des postes pour le personnel d‘entretien, les bibliothécaires, les secrétaires, etc. Rien n’est épargné à “l’université publique”, eldorado illusoire des enfants du prolétariat qui s’entassent chaque année dans des amphithéâtres en ruines pour, n’espèrent-ils plus, trouver un emploi, souvent dans le corps enseignant - qui n’en finit d’ailleurs pas de payer ses prétendus privilèges. A mesure que le capitalisme sombre, tous sont conscients de l’avenir misérable que leur réserve la classe dominante, que derrière les diplômes des universités-poubelles se cachent les files grandissantes de chômeurs devant les portes de l’ANPE. Car, en dépit du mensonge présentant l’étudiant comme un fils à papa fainéant, la vérité de l’enseignement supérieur est simple : une large part de l’élite économique a fui l’université pour les grandes écoles hors de prix, dotées de moyens gigantesques, faisant ainsi place au futur de la classe ouvrière. En plus d’un horizon bouché, beaucoup d’étudiants sont contraints de travailler dans des conditions abominables pour financer leurs études ; le triste exemple de leur présence grandissante dans la restauration rapide suffit à s’en faire une idée.
Face à ces attaques, de longues mobilisations se sont multipliées, particulièrement à l’automne 2007 et au début de l’année 2009, émaillées de nombreuses manifestations rassemblant des dizaines de milliers de personnes, de blocages des locaux d’universités et d’actions coup-de-poing. Mais la colère des étudiants et du personnel des universités françaises n’est qu’un aspect d’une dynamique plus large de montée en puissance de l’ensemble de la classe ouvrière, et particulièrement, depuis plusieurs années, de la jeunesse : on se souvient encore de la lutte des lycéens entre décembre 2004 et avril 2005 contre la loi Fillon, alors ministre de l’éducation, qui rassembla jusqu’à 165 000 personnes dans les rues (selon la police) ; la lutte contre le CPE/CNE et ses millions de manifestants frappe sans doute encore les esprits ; et comment qualifier le formidable mouvement de la jeunesse d’Europe en 2008 en Grèce, en Espagne, en Italie, en France (notamment les lycéens), en Allemagne, etc. qui fit trembler plus d’un gouvernement, apeurés qu’ils étaient par l’exemple grec et sa “contagion” ? Pourtant, malgré la durée du mouvement qui se termine peu à peu, malgré les blocages, comme à l’occasion du conflit contre le CPE, malgré une certaine radicalité, la lutte actuelle dans les universités n’a pas effrayé le gouvernement qui s’est même payé le luxe de provoquer les étudiants comme en témoigne les propos désinvoltes de Xavier Darcos, ministre de l’éducation : “Il n’y aura pas de licence ès grève, de master en pétition et de doctorat en blocage,” (1) ou ceux du premier ministre François Fillon rappelant nonchalamment sa disposition à envoyer les forces de l’ordre pour mater les étudiants (2). Comment expliquer, au regard du succès de la précédente lutte des lycées, de celle contre le CPE, etc. l’échec de ce mouvement ?
L’histoire de la lutte des classes nous apprend qu’en la matière la seule règle est qu’il n’y en a pas. Il n’existe pas de recette miracle de la grève victorieuse car les modalités de lutte efficace dépendent du contexte, du degré de mobilisation, du rapport de force possible, etc. Par exemple, si le blocage fut une arme précieuse lors du conflit contre le CPE, il a montré ses limites dans celui-ci. En revanche, il existe un principe que le prolétariat doit absolument se réapproprier pour assurer ses victoires, un principe qui découle d’une de ses forces, son nombre, sur laquelle la classe ouvrière, privée des pouvoirs économique et politique, peut compter : son unité ! Autrement dit, lorsque les travailleurs de l’éducation et les étudiants se mobilisent, leur principal objectif doit être de chercher à étendre le plus possible le mouvement, au-delà de leur université, dans tous les secteurs. Ce qui a fait le succès de la lutte contre le CPE, occasion d’une authentique solidarité, c’est très précisément qu’il ne s’agissait pas d’un conflit universitaire mais d’une lutte dans laquelle toutes les catégories pouvaient se reconnaître. Les étudiants, qui avaient pourtant commencé seuls le conflit, avaient immédiatement su montrer en quoi ce projet de loi nous concernait tous et qu’il entrait dans le cadre d’attaques généralisés de la classe capitaliste contre la classe ouvrière. De même, une partie des lycéens en lutte en 2007 ont tenté de faire converger leur mouvement avec celui des cheminots en grève au même moment contre la réforme des régimes spéciaux. Enfin, en Grèce, fin 2008, un immense élan de solidarité s’est développé autour de la “génération 200 euros” ; les salariés, les retraités les chômeurs se sont retrouvés dans la rue au-côté de cette jeune génération pour qui l’avenir semble totalement bouché.
Or, la capacité à étendre le conflit, c’est très précisément ce qui a manqué au mouvement dans les universités du début de l‘année, isolé et donc impuissant. Il est certes manifeste que les leçons de la lutte contre le CPE ont été retenu. C’est pour cette raison qu’au commencement beaucoup d’assemblées générales ont clairement posé la question de l’élargissement comme une nécessité. Dans cet esprit, de nombreuses actions furent initiées comme, entre autres choses, la motion votée par l’AG de l‘université de Caen ouvrant ses portes à tous, les quelques AG rassemblant l’ensemble des universités toulousaines au début du mouvement, les multiples tentatives de discussion avec les ouvriers sur leur lieu de travail, l‘existence, contre l‘avis des syndicats, de nombreuses AG réunissant le personnel des universités et les étudiants, comme à Nancy par exemple.
Cependant, malgré une volonté affirmée dans plusieurs assemblées générales d’élargir la lutte, les syndicats ont immédiatement œuvré à affaiblir le mouvement, notamment en semant la confusion autour des attaques, les enrobant dans un verbiage corporatiste qu’il a ensuite été difficile d’abandonner pour expliquer la nature réelle de ce coup de boutoir contre un secteur de la classe ouvrière. Et ce qui devait logiquement se passer se passa : personne ne put se reconnaître dans ce combat qui, semblait-il de l’extérieur, ne concernait que les étudiants et les chercheurs. Le corporatisme fut parfois poussé jusqu’au ridicule puisque plusieurs universités ont vu se créer, en parallèle des véritables assemblées générales, une myriade de petites assemblées divisant une même université par disciplines, comme si les intérêts des enseignants d’histoire étaient différents de ceux des enseignants de psychologie.
Une autre manigance syndicale fut de détourner les débats dans les assemblées générales vers la seule question du blocage des locaux. Lors du conflit contre le CPE, les blocages avaient été l’occasion, parce que la solidarité se développait, de mobiliser les boursiers (contraint d’aller en cours sous peine de sanctions financières), de faire des universités des lieux de discussions, etc. Or, en 2009, très rapidement, l’objectif de beaucoup d’AG, de facto isolées, fut exclusivement de reconduire le blocage, posé par les syndicats, comme l’unique modalité de combat et l’essence même de la lutte. Les discussions ainsi cristallisées autour de ce faux débat, les comités de luttes, noyautés par les syndicats, pouvaient mettre en avant, dans l’indifférence général, des revendications corporatistes et organiser des actions pseudo-radicales, stériles et minoritaires, c’est-à-dire en complète opposition avec l’authentique activité de la classe ouvrière qui tend, le plus possible, vers son unité. On peut citer, à titre d’exemple, la “ronde des obstinés” manifestation aussi ridicule qu’inutile dans laquelle quelques dizaines d’étudiants se relayaient sur la place de l’hôtel de ville de Paris, au musée, à la bibliothèque, à la campagne, etc., pour faire… la ronde, afin “d’inscrire [leur] obstination au cœur des élections européennes” (3). Tout est dit !
La bourgeoisie sait que l’unité de la classe ouvrière est une force contre laquelle elle ne peut rien, elle sait qu’en divisant les prolétaires, elle est en mesure de les écraser. C’est pour cette raison qu’elle met tout en œuvre, avec ses syndicats et ses partis gauchistes, pour faire oublier les leçons du CPE et semer la confusion, qu’elle tente de pourrir la situation en sanctionnant les étudiants à travers leurs examens afin que chacun puisse se convaincre que la lutte est inutile. Mais le monde capitaliste s’enfonce toujours plus dans une impasse historique que seule la classe ouvrière est en mesure de dépasser. Il faudra bien plus que des petites manœuvres et d’éphémères victoires pour empêcher la classe ouvrière de renverser un monde qui l‘enfonce dans la misère. “Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner” (4).
1) RTL, 11 mai 2009.
2) Le Figaro, 13 mai 2009.
3) rondeinfinie.canalblog.com
4) Engels, Marx : le Manifeste du parti communiste.
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A l’approche de la Seconde Guerre mondiale, suite à la défaite de la vague révolutionnaire des années 1920, la révolution russe mourant de son isolement puis assassinée par la bourgeoisie mondiale et le stalinisme, la contre-révolution et l’écrasement du prolétariat mondial triomphent. Dans ce contexte, l’anarchisme va connaître un pas fatidique dans son évolution.
Dans tous les pays, poussée inexorablement dans la voie du militarisme par les lois aveugles du capitalisme, la bourgeoisie se prépare à la guerre, qu’il s’agisse des Etats fascistes ou démocratiques, comme dans l’URSS stalinienne. L’impasse que constitue la crise économique ne lui laisse aucune autre alternative que cette fuite en avant dans un deuxième holocauste mondial. C’est la marche accélérée vers la guerre, véritable mode de vie du capitalisme en décadence, qui a engendré le fascisme. Il a pu s’imposer dans les pays où la classe ouvrière ayant subi une défaite profonde, il n’était plus nécessaire de maintenir les institutions démocratiques qui ont justement pour fonction de mystifier le prolétariat, afin de la soumettre et de la battre. Il se révèle comme la forme la plus adaptée du capitalisme pour accomplir les préparatifs requis par la marche accélérée vers la guerre.
L’embrigadement idéologique pour la guerre impérialiste derrière le fascisme ou le nazisme, ou derrière le mythe de la ‘patrie du socialisme’ pour le stalinisme, a été obtenu au moyen de la terreur la plus effroyable. Mais dans les pays restés ‘démocratiques’, pour embrigader les ouvriers n’ayant pas subi l’écrasement de mouvements révolutionnaires, il fallait que la bourgeoisie utilise une mystification particulière : l’antifascisme. En offrant aux ouvriers un prétendu terrain de mobilisation pour se protéger des horreurs du fascisme, il a été le moyen utilisé pour les enrôler comme chair à canon dans la guerre, au service d’un camp impérialiste contre un autre pour la défense de l’Etat démocratique. Pour parvenir à ce but, la bourgeoisie, notamment en France et en Espagne, s’est servie des ‘fronts populaires’ et de la venue des partis de gauche au gouvernement.
A l’opposé de l’internationalisme prolétarien qui a constitué le cri de ralliement de la classe ouvrière pour mettre un terme à la barbarie de la première boucherie mondiale par la révolution prolétarienne, l’antifascisme ne constitue en rien un moyen pour le prolétariat de défendre ses intérêts de classe, mais le moyen de la livrer pieds et poings liés à la bourgeoisie démocratique. La situation de contre-révolution, résultant de la défaite du prolétariat qui interdisait toute possibilité de surgissement révolutionnaire, ne devait absolument pas conduire à remettre en cause les principes fondamentaux de l’internationalisme prolétarien face à la Seconde Guerre mondiale. Il n’y avait aucun camp à choisir. Il s’agissait de combattre tout autant la bourgeoisie du camp fasciste que celle du camp démocratique.
Prisonnier de sa propension à défendre “la liberté” contre “l’autoritarisme”, l’anarchisme capitule complètement face à l’antifascisme. Avant-guerre, les différents courants de l’anarchisme comptent parmi les principaux animateurs de l’antifascisme. Celui-ci va amener la grande majorité des anarchistes à prendre fermement parti pour les Alliés dans la Seconde Guerre mondiale. Privé de tout critère de classe basé sur les rapports sociaux réels qui régissent la société capitaliste, l’anarchisme est conduit à se soumettre complètement à la défense de la démocratie, cette forme particulièrement pernicieuse de la dictature du capital. Certains internationalistes en 1914, comme Rudolf Rocker, défendent la participation à la guerre impérialiste en 1940, arguant qu’à la différence de 1914, il existe maintenant deux systèmes radicalement différents et que la lutte contre le fascisme justifie le soutien aux Etats démocratiques. Cette approche détermine le plus grand nombre des anarchistes à participer physiquement à la guerre, en premier lieu dans les armées impérialistes sans uniforme des maquis de la résistance (1).
En France, “dès le début de la guerre [le groupe CNT-réseau Vidal dans les Pyrénées] se met au service de la Résistance et travaille activement avec l’Intelligence Service et le Bureau Central de Renseignement et d’Action (BCRA) de de Gaulle, mais aussi avec le réseau Sabot et le groupe Combat. (...) Faute d’organisation nationale de résistance, les anarchistes apparaissent peu, bien qu’ils soient très présents. Citons tout de même le maquis du Barrage de l’Aigle (...) haut-lieu de la reconstruction de la CNT en exil et un des maquis les plus actifs de la résistance. Ce maquis est pratiquement 100 % confédéral, tout comme le maquis de Bort-les-Orgues. D’une manière générale, les maquis du Massif Central sont en forte proportion composés d’anarchistes espagnols (...)” (2) “Présents dans les maquis du sud de la France, dans les groupes FFI, FTP, MUR ou dans des groupes autonomes (le bataillon Libertad dans le Cantal, le maquis Bidon 5 en Ariège, dans le Languedoc-Roussillon) (...) [les anarchistes], par centaines, poursuivirent sur le sol de France la lutte qu’ils avaient menées contre le fascisme espagnol” (3). Le bataillon “Libertad” “libère le Lot et Cahors. (...) A Foix, ce sont les maquis anarcho-syndicalistes CNT-FAI qui libèrent la ville le 19 août” (4).
Même tableau en Italie. Lorsqu’elles se rendent aux Alliés le 8 septembre 1943, les régions du centre et du nord demeurent aux mains des Allemands et de la république fasciste de Salo. “Les anarchistes se jettent immédiatement dans la lutte armée, établissent quand ils en ont la possibilité (Carrare, Gênes, Milan) des formations autonomes, ou, dans la plupart des cas, rejoignent d’autres formations telles les brigades socialistes “Matteotti”, les brigades “Garibaldi” communistes ou les unités “Giustizia e Liberta” du Parti d’action” (5). En de nombreux lieux, les libertaires adhèrent au Comité de libération nationale qui rassemble un large spectre de partis antifascistes ou organisent des Groupes d’action patriotique (sic). Les anarchistes sont nombreux au sein de la 28e Brigade Garibaldi qui libère Ravenne. “A Gênes, les groupes de combat anarchistes opèrent sous les noms de Brigade “Pisacane”, la formation “Malatesta”, la SAP-FCL, la SAP-FCL Sestri Ponente et les Escadrons d’action anarchistes d’Arenzano. (...) Ces activités sont favorisées par la Fédération communiste libertaire (FCL) et par le syndicat anarcho-syndicaliste de l’USI qui vient juste de refaire surface dans les usines. (...) Les anarchistes fondent les brigades “Malatesta” et “Bruzzi”, qui comprennent jusqu’à 1300 partisans : ceux-ci opèrent sous l’égide de la formation “Matteotti” et jouent un rôle de premier plan dans la libération de Milan” (6).
Les exemples de la Bulgarie, où après l’invasion de l’URSS en 1941, le PC bulgare organise “des maquis auxquels de nombreux anarchistes participèrent” (7) ou bien encore la guérilla anarchiste anti-japonaise en Corée dans les années 1920-30, attestent du caractère général de la participation des anarchistes à la guerre impérialiste.
Et beaucoup ne seront pas même rebutés par l’uniforme des armées impérialistes démocratiques : “Les Libertaires espagnols (...), par milliers, participèrent à la résistance au nazisme et, pour certains d’entre eux poussèrent dans les bataillons de la France Libre, la lutte jusqu’en Allemagne” (8) “Des compagnons s’enrôlèrent dans les régiments de marche de la Légion Etrangère et se retrouvèrent en première ligne dans tous les combats” (9). “Ils seront affectés tantôt en Afrique du Nord, tantôt en Afrique Noire (Tchad, Cameroun). Les seconds rallieront les Forces françaises libres dés l’année 1940. Ils rejoindront les colonnes du général Leclerc.” (...) A plus de 60 % espagnole, la fameuse 2e D.B. compte bon nombre d’anarcho-syndicalistes tant et si bien qu’une de ses compagnies “est entièrement composée d’anarchistes espagnols.” A bord des blindés “Ascaso”, “Durruti”, “Casas Viejas” ceux-ci “seront les premiers à entrer dans la capitale le 24 août 1944” lors de la libération de Paris (10) et à hisser le chiffon tricolore sur l’hôtel de ville !
L’attitude des anarchistes pendant la Seconde Guerre mondiale procède directement de celle qui fut la leur dans “la répétition générale” de la guerre d’Espagne. Celle-ci éclaire crûment le rôle réel joué par l’anarchisme dans ce qui n’était ni une “guerre de classes”, ni une “révolution” mais une guerre entre deux fractions de la bourgeoisie espagnole qui a débouché sur un conflit impérialiste mondial.
En juillet 1936, la CNT, en vertu du pacte antifasciste scellé avec les partis de Front populaire, apporte son soutien au gouvernement républicain pour détourner vers l’antifascisme (11) la réaction du prolétariat espagnol au coup d’Etat de Franco. La CNT déplace le combat d’une lutte sociale, économique et politique du prolétariat contre l’ensemble des forces de la bourgeoisie vers la confrontation militaire uniquement contre Franco, en envoyant les ouvriers se faire massacrer sur les fronts militaires dans les milices antifascistes pour des intérêts qui ne sont pas les leurs.
La participation des libertaires au gouvernement républicain bourgeois en Catalogne et à Madrid, illustre l’évolution de l’anarchisme vers le soutien à l’Etat bourgeois. “Après la première victoire sur les généraux factieux, en voyant surgir une guerre de longue durée et d’une importance énorme, nous avons compris que l’heure n’est pas venue de considérer comme terminée la fonction du gouvernement, de l’appareil gouvernemental. De même que la guerre nécessite l’appareil adéquat pour être menée à bonne fin – l’armée –, il faut aussi un organe de coordination, de centralisation de toutes les ressources et énergies du pays, c’est à dire le mécanisme d’un Etat. (...) Tant que dure la guerre, nous devons agir dans la lutte sanglante et nous devons intervenir dans le gouvernement. En effet, celui-ci doit être un gouvernement de guerre, pour faire et gagner la guerre. (...) Nous pensons que la guerre est la première des choses, que la guerre, il faut la gagner comme condition préalable de n’importe quelle condition nouvelle...” (12). Lorsque les ouvriers de Barcelone se soulèvent en mai 1937, les anarchistes se font complices de la répression par le Front populaire et le gouvernement de Catalogne (auquel ils participent), tandis que les franquistes suspendent momentanément les hostilités pour permettre aux partis de gauche d’écraser le soulèvement.
Par son soutien à la guerre totale, par la militarisation du prolétariat à l’aide des collectivités anarchistes et des milices antifascistes, par la proclamation de l’Union Sacrée avec la bourgeoisie républicaine et l’interdiction des grèves, la CNT participe à l’embrigadement du prolétariat dans une guerre qui prend nettement un caractère impérialiste avec l’engagement des démocraties et de l’URSS, côté républicain et de l’Allemagne et de l’Italie, côté franquiste. “A présent, ce n’est pas une guerre civile que nous faisons, mais une guerre contre les envahisseurs : Maures, Allemands, Italiens. Ce n’est pas un parti, une organisation, une théorie qui sont en danger. C’est l’existence de l’Espagne elle-même, d’un pays qui veut être maître de ses propres destins, qui court le risque de disparaître” (13). Le nationalisme de la CNT l’amène à appeler explicitement à la guerre mondiale pour sauver la “nation espagnole” : “L’Espagne libre fera son devoir. Face à cette attitude héroïque, que vont faire les démocraties ? Il y a lieu d’espérer que l’inévitable ne tardera pas longtemps à se produire. L’attitude provocatrice et grossière de l’Allemagne devient déjà insupportable. (...) Les uns et les autres savent que, finalement, les démocraties devront intervenir avec leurs escadres et avec leurs armées pour barrer le passage à ces hordes d’insensés...” (14).
L’abandon des intérêts du prolétariat et l’attitude de la CNT envers la guerre impérialiste produisent de vives oppositions dans le camp anarchiste (Berneri, Durruti). Mais l’incapacité de ces derniers à rompre avec la position selon laquelle il s’agissait d’une guerre allant de pair avec la révolution, en a fait des victimes de la politique de défaite et d’embrigadement du prolétariat. Ainsi, ceux qui cherchaient à lutter contre la guerre et pour la révolution, furent-ils incapables de trouver le point de départ pour une lutte réellement révolutionnaire : l’appel aux ouvriers et paysans (embrigadés par les deux camps, républicain et franquiste) à déserter, à retourner leurs fusils contre leurs officiers, à revenir à l’arrière et à lutter par les grèves, par les manifestations, sur un terrain de classe contre le capitalisme dans son ensemble.
Pourtant, lorsqu’éclate la guerre mondiale, à contre-courant de la déferlante belliciste antifasciste, quelques voix en provenance de l’anarchisme s’élèvent pour refuser le terrain de l’antifascisme et affirmer la seule position vraiment révolutionnaire, celle de l’internationalisme. Ainsi en 1939, en Grande-Bretagne, la Glasgow Anarchist-Communist Federation déclare que “la lutte présente oppose des impérialismes rivaux pour la protection d’intérêts séculaires. Les ouvriers de tous les pays appartiennent à la classe opprimée, n’ont rien de commun avec ces intérêts et les aspirations politiques de la classe dominante. Leur ligne de front n’est pas la ligne Maginot où ils seront démoralisés et tués, pendant que leurs maîtres amassent des gains frauduleux” (15). Dans le sud de la France, le minuscule groupe autour de Voline (16) développe une intervention contre la guerre sur une base nettement internationaliste : “Le conflit actuel est l’œuvre des puissances d’argent de chaque nation, puissances qui vivent exclusivement et internationalement de l’exploitation de l’homme par l’homme. (...) Les chefs d’Etat, les chefs militaires de toutes couleurs et de toutes nuances, passent d’un camp dans l’autre, déchirent des traités, en signent d’autres, servent tantôt la République, tantôt la Dictature, collaborent avec ceux à qui ils faisaient hier la guerre, et vice-versa et revice-versa. (...) le peuple, lui, paie les pots cassés : on le mobilise pour les démocraties, contre les démocraties, pour les fascistes, contre les fascistes. Mais que ce soit en Afrique, en Asie, en Europe, c’est le bon peuple qui fait les frais de ces ‘expériences contradictoires’ et se fait casser la gueule. (...) Il ne s’agit pas de lutter seulement contre le fascisme hitlérien, mais contre tous les fascismes, contre toutes les tyrannies, qu’elles soient de droite, du centre ou de gauche, qu’elles soient royales, démocratiques ou sociales, car aucune tyrannie n’émancipera le travail, ne libérera le monde, n’organisera l’humanité sur des bases vraiment nouvelles” (17). Cette position fait clairement de ces anarchistes une expression de la classe ouvrière. Là encore, lorsque ceux-ci parviennent à une telle clarté c’est en faisant leurs les positions de classe du prolétariat.
Mais, la rude épreuve de l’isolement par rapport aux autres groupes restés internationalistes et par rapport à la classe dans les conditions du triomphe de la contre-révolution sur les masses, comme l’énorme pression antifasciste (“nous nous confrontions quotidiennement aux autres antifascistes. Fallait-il s’associer à eux ou rester à contre-courant ? La question était souvent angoissante sur le terrain”) (18) éteignent bientôt cette étincelle. La mort de Voline (septembre 1945), l’incapacité des anarchistes de tirer des leçons de leurs expériences conduisent les éléments de son groupe au retour au bercail de la CNT, à l’adhésion momentanée à ses comités antifascistes, puis enfin à la participation de la reconstruction de la FA sur des bases politiques complètement bourgeoises.
De l’examen de l’histoire de l’anarchisme face aux deux guerres mondiales, on peut souligner une double série de conclusions :
• Non seulement l’anarchisme a démontré son incapacité à offrir une alternative viable et une perspective révolutionnaire au prolétariat mais il a constitué un moyen direct de mobilisation de la classe ouvrière dans la guerre impérialiste. En 1936-37, la capitulation de l’anarchisme face à la mystification antifasciste et à la démocratie bourgeoise vue comme un “moindre mal” par rapport au fascisme, a été un moyen pour le capitalisme d’élargir le front des forces politiques qui agissent pour la guerre en y incorporant les anarchistes. La guerre d’Espagne constitue, après la Première Guerre mondiale, le second acte décisif pour l’anarchisme scellant son évolution vers le soutien à l’Etat capitaliste. Cette soumission à la démocratie bourgeoise se traduit par l’intégration des courants officiels de l’anarchisme au sein des forces politiques de l’Etat capitaliste. C’est ainsi que, selon un processus en deux temps, de 1914 à la guerre d’Espagne en 1936-37, l’anarchisme est devenu une idéologie de défense de l’ordre et de l’Etat capitalistes.
• En second lieu, il importe de considérer que la mouvance anarchiste ne se réduit pas à ses courants officiels et reste un milieu très hétérogène. A toutes les époques, une partie de ce milieu aspire sincèrement à la révolution et au socialisme, exprime une réelle volonté d’en finir avec le capitalisme et s’engage pour l’abolition de l’exploitation. Ces militants se placent effectivement sur le terrain de la classe ouvrière quand ils s’affirment internationalistes et sont voués à rejoindre son combat révolutionnaire. Mais leur devenir va fondamentalement dépendre d’un processus de décantation dont le sens et l’ampleur sont fonction du rapport de forces entre les classes fondamentales, la bourgeoisie et le prolétariat.
Cette décantation sera plutôt orientée vers le néant ou même vers la bourgeoisie comme dans les années noires de la contre-révolution des années 1940. En effet, privés de la boussole de la lutte de classe du prolétariat et de l’oxygène de la discussion et du débat avec les minorités révolutionnaires qu’il produit, ils se trouvent pris au piège des contradictions intrinsèques à l’anarchisme qui les désarme et les enferme sur le terrain de l’ordre bourgeois.
Elle sera plutôt orientée vers la classe ouvrière quand celle-ci s’affirme comme force révolutionnaire. Ainsi, c’est bien le mouvement révolutionnaire même de la classe ouvrière, l’essor de la révolution mondiale et l’insurrection prolétarienne en Russie (avec la destruction de l’appareil d’Etat de la bourgeoisie par les Soviets et l’arrêt unilatéral de l’engagement dans la guerre impérialiste par le prolétariat russe et les bolcheviks), qui vont permettre en 1914-18 à ceux des anarchistes restés internationalistes d’adopter une attitude internationaliste conséquente. Ils rejoignent alors le mouvement historique de la classe ouvrière en se rapprochant du mouvement communiste issu de la gauche de la social-démocratie et opposé à la guerre : les bolcheviks et les spartakistes, seuls capables de mettre en avant l’unique alternative réaliste viable, la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile et la révolution prolétarienne mondiale.
Scott
1) L’allégeance de l’anarchisme peut s’éparpiller en direction des différentes fractions de la classe dominante : certains militants, séduits par la Charte du Travail, pacifistes rassérénés par l’armistice, collaborèrent au programme de la Révolution nationale de Pétain et du gouvernement de Vichy, comme Louis Loréal, ou se retrouvent dans des instances officielles de l’Etat français comme P. Besnard.
2) Les Anarchistes espagnols et la Résistance, in l’Affranchi no 14, printemps-été 1997, sur CNT-AIT.info.
3) E. Sarboni, 1944 : les Dossiers noirs d’une certaine Résistance, Perpignan, Ed. du CES, 1984.
4) Les Anarchistes espagnols et la Résistance, in l’Affranchi no 14, printemps-été 1997, sur CNT-AIT.info.
5) 1943-1945 : Anarchist partisans in the Italian Resistance, sur libcom.com, (notre traduction).
6) 1943-1945: Anarchist partisans in the Italian Resistance, sur libcom.com (notre traduction).
7) Postface à Max Nettlau, Histoire de l’Anarchie, p.281.
8) E. Sarboni, 1944 : les Dossiers noirs d’une certaine Résistance, Perpignan, Ed. du CES, 1984.
9) Pépito Rossell, Dans la Résistance, l’apport du mouvement libertaire.
10) Le Monde diplomatique, août 2004.
11) Sur la trajectoire de la CNT, lire notre série dans la Revue internationale, notamment les articles : “L’échec de l’anarchisme pour empêcher l’intégration de la CNT dans l’Etat bourgeois (1931-34) ; L’antifascisme, la voie de la trahison de la CNT (1934-36)”.
12) D.A. de Santillan, in Solidaridad obrera, 16 avril 1937.
13) D.A. de Santillan, in Solidaridad obrera, 21 avril 1937.
14) Solidaridad obrera, 6 janvier 1937, cité par la Révolution prolétarienne no 238, janvier 1937.
15) Cité par P. Hempel, A bas la guerre, p.210.
16) Vsevolod Mikhaïlovitch Eichenbaum dit Voline (1882-1945) pendant la Révolution de 1905, membre du Parti socialiste révolutionnaire, participe à la fondation du soviet de Saint-Pétersbourg. Emprisonné, il s’évade et gagne la France en 1907 où il devient anarchiste. En 1915, menacé d’emprisonnement par le gouvernement français pour son opposition à la guerre, il s’enfuit aux Etats-Unis. En 1917, il retourne en Russie où il milite parmi les anarcho-syndicalistes. Par la suite, Voline entre en contact avec le mouvement makhnoviste et prend la tête de la section de culture et d’éducation de l’armée insurrectionnelle, et devient président de son Conseil militaire insurrectionnel en 1919. Plusieurs fois arrêté, il quitte la Russie après 1920 et se réfugie en Allemagne. Revenu en France, il rédige, à la demande de la CNT espagnole, son journal en langue française. Il dénonce la politique de collaboration de classe de la CNT-FAI en Espagne. En 1940, il est à Marseille où il termine la Révolution inconnue. Les privations et les terribles conditions matérielles de la clandestinité ont raison de sa santé. Il meurt de la tuberculose à Paris en 1945.
17) Extrait du tract : A tous les travailleurs de la pensée et des bras, 1943.
18) Les Anarchistes et la résistance, CIRA.
Ces derniers temps, la bourgeoisie a tenté d’inoculer un fort sentiment d’impuissance dans les rangs ouvriers. L’abstention record des dernières élections européennes, la déroute de la gauche, la faiblesse de la mobilisation lors de la dernière journée d’action syndicale du 13 juin, sont autant d’événements que la classe dominante a exploités à plein pour marteler son message propagandiste : “Vous, les ouvriers, vous êtes incapables de peser sur les choix politiques actuels et à venir. Vous êtes impuissants face aux attaques qui aujourd’hui pleuvent sur vos têtes”. Cette stratégie a, à court terme, fonctionné en partie. Il y a très ponctuellement, en ce début d’été, un certain déboussolement du prolétariat. Mais en réalité, il s’agit là d’une victoire de la bourgeoisie à la Pyrrhus.
Contrairement à ce qu’elle laisse transparaître dans ses discours, le peu d’intérêt qu’a suscité le cirque électoral des européennes inquiète la bourgeoisie. En effet, les élections sont toujours un moment privilégié pour faire croire aux ouvriers qu’ils ont la possibilité de choisir leur avenir, qu’ils ont le pouvoir de défendre leurs intérêts en glissant leur bulletin dans l’urne (1).
Or, justement, le niveau record d’abstention de ces dernières élections (près de 60 %) révèle que la mystification électorale a du plomb dans l’aile. Depuis des générations, les ouvriers sont baladés d’une alternance à l’autre, d’un gouvernement de droite à un gouvernement de gauche, et pourtant ils sont toujours confrontés à la même politique anti-ouvrière, à la même inexorable et continuelle dégradation de leurs conditions de vie.
C’est pourquoi aussi le recul prononcé de la gauche n’est pas une défaite de la classe ouvrière, bien au contraire ! Dans toute l’Europe, les partis sociaux-démocrates ont obtenu des scores extrêmement faibles. Pourquoi ? Une partie grandissante de la classe ouvrière ne croit plus en ces partis pour la défendre. Les travailleurs ont expérimenté la gauche au pouvoir et ils savent qu’elle orchestre aussi bien que la droite, voire mieux, les attaques contre leurs conditions de vie.
Cette perte croissante d’illusions pose un problème à la classe dominante. Les partis de gauche ont pour mission principale d'encadrer idéologiquement la classe ouvrière et de la pousser, soumise et atomisée, dans l’isoloir (2). C’est pour cette raison qu’au lendemain de cette élection, une véritable entreprise de culpabilisation des ouvriers a été mise en œuvre dans les médias. On a ainsi pu lire et relire dans la presse, et même sur le site officiel de l’Union européenne, que l’abstention avait profité à la montée des partis “populistes” et d’extrême-droite dans le parlement européen. Et de façon générale que, si la droite est à présent ultra-majoritaire, c’est la faute aux “couches populaires” qui ne se sont pas mobilisées sur le terrain électoral. En effet, on a vu en France une abstention de plus de 70 % dans les quartiers ouvriers, alors que l’électorat de droite s’est montré globalement beaucoup plus “citoyen”. “La droite a la main au moment même où sévit une crise historique du capitalisme”, s’est écrié le Parti de gauche (3).
Et c’est pourtant justement bien là que le bât blesse pour la classe dominante. Car les ravages que provoque la crise économique dans les rangs ouvriers les amènent non pas à se mobiliser dans les urnes mais dans la rue, sur un terrain de classe, ce qui ouvre une toute autre perspective.
Il en va exactement de même des journées d’action syndicales comme celle du 13 juin. Les journaux se sont tous répandus sur “la faiblesse de la participation”, insistant lourdement sur l’incapacité des travailleurs à se mobiliser. Tout avait été fait pour cela. Il s’agissait de la cinquième journée d'action à répétition en quelques mois. En janvier, le mécontentement social était énorme, la situation était explosive. Au niveau international, après les luttes en Grèce, les ouvriers des Antilles prenaient le relais. Les syndicats ont alors temporisé pour maîtriser la situation, ils ont égrené les journées de lutte en les espaçant de plusieurs semaines chaque fois. Alors que le nombre de participants était “historique” au cœur de l’hiver, la mobilisation a décliné progressivement. La journée du 13 juin devait venir parachever ce travail de sabotage en étant une véritable “mobilisation enterrement”. D’ailleurs, les syndicats ont fait très peu de pub pour cette journée dans les entreprises ou les administrations, très peu d’appels et de tracts ont circulé. Et la bourgeoisie a réussi son coup : il n’y avait effectivement personne, ou presque, dans les rues ce jour-là. Ponctuellement donc, elle a pu dire aux ouvriers qu’ils étaient incapables de lutter. Mais que se cache-t-il vraiment derrière cette absence de mobilisation ? Un manque de combativité ? Des illusions sur l’avenir ? Pas vraiment. Les ouvriers sont surtout très circonspects envers l’efficacité des méthodes syndicales. Même s’il n’y a pas aujourd’hui une véritable méfiance en direction des syndicats, ceux-ci sont loin d’entraîner l’adhésion massive des travailleurs.
La bourgeoisie tente de nous présenter l’abstentionnisme, le recul de la gauche et la faiblesse de la mobilisation derrière les syndicats comme des preuves de l’impuissance de la classe ouvrière. Il n’en est rien ! Il s’agit au contraire d’éléments encourageants et nécessaires qui témoignent de l’usure relative de ces armes de la bourgeoisie contre le prolétariat. Même si la classe dominante tente de profiter du déboussolement momentané de la classe ouvrière, le piège qu’elle tend ainsi aux prolétaires n’est qu’un rideau de fumée. Car, avec la faillite du capitalisme qui saute aux yeux de tous et alors que la classe ouvrière tend à développer partout son combat, l'Etat bourgeois va devoir s’appuyer de façon croissante sur ses défenseurs “sociaux” patentés, partis de gauche, d'extrême gauche et syndicats pour œuvrer à stériliser la réflexion et la prise de conscience.
Mulan (4 juillet)
1) Lire notre brochure Les élections : un piège pour la classe ouvrière [68].
2) C’est d’ailleurs pour cela qu’en France, où le PS accuse particulièrement le coup depuis plusieurs années et laisse une brèche “sociale” très importante, se sont créés le Parti de gauche et le Nouveau parti anticapitaliste, afin d’encadrer et de tromper de façon “crédible” les ouvriers.
3) Déclaration nationale du Parti de gauche du 14 juin 2009.
Nous publions ci-dessous la traduction d’une courte prise de position sur les événements qui frappent actuellement l’Iran, prise de position réalisée par Dünya Devrimi (1), organe de presse du CCI en Turquie, et publiée en langue anglaise dès le 16 juin sur notre site.
Al-Jazeera a bruyamment proclamé que les protestations en Iran constituent le “le plus grand trouble depuis la révolution de 1979”.1 Ces “protestations”, qui ont débuté dans Téhéran le samedi 13 juin, sont, au fur et à mesure des annonces de résultats, devenues de plus en plus violentes. Dans trois universités de Téhéran, les manifestations ont rapidement été confrontées à la répression, et les protestataires ont attaqué la police et des gardiens de la révolution. La police a isolé les emplacements importants et, à leur tour, les protestataires ont attaqué des magasins, des bureaux du gouvernement, des commissariats de police, des véhicules de police, des stations-service et des banques. Des rumeurs sortant de Téhéran suggéraient que quatre personnes ou plus étaient déjà mortes. L’Etat a également réagi en arrêtant quatre éminentes “figures anti-gouvernementales” et, plus important, en interrompant le réseau Internet qui avait été utilisé, par l’intermédiaire des messageries SMS et des sites Web, pour organiser les manifestations. Les journalistes occidentaux ont dit que “Téhéran ressemblait déjà presque à une zone de guerre”.
Que les gens ne soient pas satisfaits avec ce que la société a à leur offrir et qu’il y ait une volonté croissante de lutter est une chose très claire, non seulement au vu de ces événements, mais également à celui des luttes récentes en Grèce, en Egypte ou en France. Le simple fait de tourner les pages des journaux nous montre que la classe ouvrière est en train de retrouver sa volonté de lutter malgré les craintes provoquées par la brutalité de la crise économique.
Cependant, les communistes ne doivent pas se contenter de simplement encourager de loin les luttes. Il est nécessaire d’analyser, d’expliquer et de proposer une perspective. Jusqu’à présent, ce mouvement est d’un caractère très différent de celui de 1979. Dans les luttes qui ont conduit à la “révolution islamique”, la classe ouvrière a joué un rôle énorme. D’après tous les discours des gens dans les rues qui renversaient le régime, ce qui était clair en 1979 était que les grèves des ouvriers iraniens étaient l’élément politique majeur qui conduisait au renversement du régime du Shah. En dépit des mobilisations massives, quand le mouvement “populaire”, regroupant presque toutes les couches opprimées en Iran, a commencé à s’épuiser, l’entrée en lutte du prolétariat iranien au début d’octobre 1978, particulièrement dans le secteur pétrolier, a non seulement ravivé l’agitation, mais a posé un problème pratiquement insoluble pour le capital national, en l’absence d’un remplacement possible de la vieille équipe gouvernementale. La répression a été suffisante pour provoquer le retrait des petits négociants, des étudiants et des sans travail, mais elle a prouvé qu’elle était une arme inefficace de la bourgeoisie lorsqu’elle est confrontée à la paralysie économique provoquée par les grèves des ouvriers.
Ce n’est pas pour dire que le mouvement en cours ne peut pas se développer et ne peut pas entraîner la classe ouvrière en tant que classe dans la lutte. La classe ouvrière en Iran a été particulièrement combative ces dernières années, particulièrement avec la grève non officielle forte de 100 000 enseignants qui a eu lieu en mars 2007, à laquelle se sont joints des milliers d’ouvriers d’usines en signe de solidarité. Un millier d’entre eux ont été arrêtés pendant cette grève. Ça a été la plus grande lutte ouvrière enregistrée en Iran depuis 1979. Cette grève a été suivie durant quelques mois de luttes faisant participer des milliers d’ouvriers dans les industries de canne à sucre, de pneus, des véhicules à moteur et de textiles. Aujourd’hui, bien entendu, il y a des ouvriers dans les rues, mais ils sont maintenant engagés dans la lutte en tant qu’individus et non comme force collective. Il est cependant important de souligner que le mouvement ne peut pas progresser sans cela, sans cette force collective de la classe ouvrière. Une grève nationale d’un jour a été réclamée pour mardi 16 juin. Ceci peut donner une indication sur le niveau de soutien dans la classe ouvrière (2).
Récemment, les discours des médias bourgeois nous ont abreuvé de prétendues “révolutions” baptisées du nom de diverses couleurs ou plantes. Il y a eu la révolution “orange”, la révolution des “roses”, la révolution des “tulipes” et la révolution des “cèdres”, etc, pendant tout ce temps, les médias ont bêlé comme des moutons au sujet de la “lutte” pour la démocratie.
Ce mouvement a commencé en tant que protestation au sujet de la fraude dans les élections et les protestataires se sont à l’origine mobilisés en soutien à Mousavi. Cependant, les slogans se sont rapidement radicalisés. Il y a une différence énorme entre les faibles protestations de Mousavi auprès du chef suprême au sujet de l’injustice des élections et les chants de la foule qui criait : “Mort au dictateur et au régime !” Naturellement, la clique de Mousavi est maintenant prise de panique et a décommandé une manifestation prévue pour lundi 15 juin. Il reste à voir si les gens respecteront cette décision. Par ailleurs, les appels au calme de Mousavi ont jusqu’ici suscité des slogans contre lui.
Contrairement à ce type de “révolutions” colorées, le communisme pose la possibilité d’un type complètement différent de révolution, et d’un type complètement différent de système. Ce que nous préconisons n’est pas simplement un changement de gestion de la société avec de nouveaux patrons “démocratiques”, jouant exactement le même rôle que les vieux patrons “dictatoriaux”, mais une société de producteurs libres et égaux créée par la classe ouvrière elle-même et basée non sur les besoins du profit mais sur les besoins de l’humanité, une société dans laquelle les classes, l’exploitation et l’oppression politique seront éliminées.
Sabri, le 15 juin
1) Lire notre article “Salut aux nouvelles sections du CCI aux Philippines et en Turquie !”.
2) Note de la rédaction : au moment de mettre sous presse, en ce début juillet, le mouvement de contestation en Iran semble avoir été étouffé. L’éventualité, envisagée par nos camarades de Turquie, de l’entrée en lutte dans ce mouvement de la classe ouvrière ne s’est pas réalisée. Il est aujourd’hui encore très difficile pour notre classe d’avoir assez de force pour entraîner derrière elle la majeure partie de la population dans son combat. Mais il s’agit bien là d’une réelle possibilité pour l’avenir. Au fur et à mesure que le prolétariat va développer sa combativité, sa conscience et son organisation en tant que classe dans la lutte, il sera de plus en plus capable d’ouvrir une perspective et d’offrir un espoir à l’ensemble des couches non-exploiteuses de l’humanité.
Début juin, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, publiait le rapport Réduction des risques de catastrophes : bilan mondial 2009. Ce document met en évidence l’accroissement des risques face à la dégradation continue de l’environnement, du réchauffement climatique et de l’urbanisation anarchique dans certaines régions du globe.
Entre 1975 et 2008, 8866 catastrophes naturelles ont tué 2 284 000 personnes dans le monde. Le nombre de victimes d’inondations ou de tempêtes est passé, depuis 30 ans, de 740 millions à 2,5 milliards de personnes.
En 2008, plus de 300 catastrophes naturelles ont fait 236 000 morts et touché directement plus de 200 millions de personnes, selon les chiffres de l’ONU qui appelle, dans un grand élan de “solidarité” internationale, tous les gouvernements à “lutter” plus efficacement contre les risques “sous-jacents” de ces évènements. “Nous savons tous que les pauvres et les pays en développement sont ceux qui souffrent le plus des catastrophes, et les trois-quarts de ceux qui périssent à la suite d’inondations se trouvent dans trois pays asiatiques : Bangladesh, Chine et Inde”, analyse Ban Ki-moon.
De plus, si les pays arabes subissent moins le contre-coup de ces catastrophes naturelles parce qu’ils y sont moins exposés actuellement, la montée des eaux des océans menace directement, et à brève échéance, Bahreïn, l’Egypte et Djibouti. Et les autres pays arabes, qui ne sont pas menacés par la mer, le sont par la sécheresse.
L’impact écologique et économique du réchauffement climatique tue d’ores et déjà. Et même beaucoup. Un rapport rendu public par le “Forum humanitaire mondial”, fondation présidée par l’ancien secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan, resitue la problématique du réchauffement climatique mondial. Car il ne s’agit pas seulement d’une menace future très sérieuse annonçant 250 millions de “réfugiés climatiques” à l’horizon 2050, mais d’une crise contemporaine majeure tuant actuellement 300 000 personnes par an dans le monde !
Plus de la moitié des 300 000 décès recensés sont provoqués par la malnutrition. Ensuite viennent les problèmes de santé, car le réchauffement climatique favorise la propagation de nombreuses maladies. Ainsi, dix millions de nouveaux cas de paludisme entraînant 55 000 morts ont été identifiés. Ces victimes vont s’ajouter aux 3 millions de personnes qui meurent chaque année de cette maladie. Bien entendu, la population des pays pauvres est là encore la plus touchée, car c’est aussi pour elle que l’accès aux médicaments est forcément le plus réduit.
L’élévation de la température, telle qu’elle est constatée par tous les scientifiques sérieux, a un impact direct sur les rendements agricoles et l’accès à l’eau, et en conséquence sur la pauvreté. La dégradation sévère de l’environnement, ainsi que les dérèglements climatiques qui en découlent (inondations, tempêtes, cyclones…) affectent directement au moins 325 millions de personnes par an, soit un vingtième de la population mondiale, et tout particulièrement celles qui vivent dans les pays les plus pauvres.
Les experts s’attendent à ce que ces chiffres soient encore multipliés par deux au cours des vingt prochaines années, annonçant la plus grave crise humanitaire de l’histoire de l’humanité.
Face à cette catastrophe annoncée, que fait réellement la bourgeoise ? L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), organisme pourtant coutumière de l’optimisme forcené et du mensonge propagandiste du “ça ira mieux demain”, doit pourtant avouer elle même qu’un-tiers au moins des programmes financés dans le cadre de l’aide publique au développement n’aboutiront pas, alors que le “Forum humanitaire mondial” estime dans le même temps qu’il faudrait multiplier par cent l’argent consacré au développement pour contrer les prévisions les plus sombres !
Résultats : les nouvelles projections, en cours d’édition dans le Journal of Climate de l’American Meteorological Society Journal, font état d’une augmentation de la moyenne des températures à l’échelle du globe de 5,2 °C pour l’an 2100, avec un taux de probabilité de 90 %, ce qui contribuerait à élever le niveau de la mer de près d’un mètre !
En 2003, la même étude, mais basée sur des moyens moins développés, ne prévoyait qu’une hausse moyenne des températures de 2,4 °C. Cette différence d’estimation montre à quel point la classe dominante, tout en s’efforçant de “modéliser” l’avenir de son navire en perdition, navigue totalement à vue. Elle a beau appeler les Etats à la mise en place de plans d’action, sa logique irrationnelle ne peut que pousser à toujours plus de destruction.
Ainsi, alors que de nouvelles négociations se sont ouvertes à l’ONU pour l’après-Kyoto, un rapport de “Christian Aid” estimait que 182 millions d’êtres humains allaient mourir en Afrique d’ici 2100 des causes directes du changement climatique.
Face à de telles perspectives, et devant son impuissance à régler le problème, la bourgeoisie a recours à la culpabilisation de la population et à celle des travailleurs. On nous ressort donc à qui mieux mieux que le réchauffement global a été majoritairement provoqué par le train de vie des pays développés. En effet, les calculs effectués par les scientifiques appointés du capitalisme nous démontrent qu’un Occidental consomme onze fois plus d’énergie qu’un habitant de pays du Sud, et que la moitié des rejets de CO2 sont produits par les pays du Nord (24 % du total mondial pour les Etats-Unis, 10 % pour la zone euro). Donc, les ouvriers des pays développés devraient rester ou devenir pauvres afin de préserver la planète et, au lieu de penser à se battre contre leurs exploiteurs, se laver les dents avec l’eau qui a fait cuire les pâtes ou encore se laver à dix dans le même bain. Nous savons que même une telle situation est un luxe incroyable par rapport à celle que connaissent des milliards d’êtres humains de par le monde. Mais c’est justement ce qui est parfaitement écœurant dans la propagande capitaliste, une propagande qui voudrait que l’état de misère et d’horreur que vit une grande majorité des individus de la planète soit le lot de tous.
La classe exploitée n’a pas d’autre choix que de développer ses luttes pour sauver la planète et mettre fin à l’incurie d’un système qui est devenu une véritable catastrophe sociale pour l’humanité.
Il faut détruire le capitalisme avant qu’il ne détruise la planète !
Damien (27 juin)
La bourgeoisie ne peut faire autrement que de faire payer à la classe ouvrière le prix fort de la crise économique de son système. Mais aujourd’hui, la situation est telle qu’elle ne peut même plus s’en cacher : ainsi se multiplient les déclarations de grandes sociétés qui annoncent à leurs employés ou à une partie d’entre eux, comme les cadres, qu’ils vont devoir accepter de diminuer leurs salaires (c’est le cas du fabricant d’ampoules Osram en Alsace ou du loueur Hertz qui “propose” une diminution de 5 à 7,5 % selon le statut pendant trois mois, ou de HP qui fixe le barème à 2,5 % pour les non-cadres et 5 % pour les cadres, cette fois-ci sans limite dans le temps). Pire, se multiplient les propositions de travailler quelque temps gratuitement, comme chez British Airways, ou encore d’offrir des jours de “RTT” pour financer le chômage partiel des ouvriers (Renault). Tous ces sacrifices sont demandés au nom d’un odieux chantage : ils permettraient, selon leurs dirigeants, de sauver les emplois, voire de sauver ces entreprises de la faillite.
Les juristes se succèdent dans les colonnes des grands quotidiens pour confirmer que la pratique est parfaitement légale tant qu’elle repose sur l’accord du salarié. Un accord qui ne doit pas être trop difficile à obtenir quand on le fait reposer sur la déchirante alternative “c’est ça ou la porte”.
En général, ces annonces s’accompagnent de celles de grands “plans sociaux” dont la remise en cause est totalement exclue, que les employés acceptent ou non de travailler sans être payés : Hertz va renvoyer 4000 ouvriers chez eux, HP envisage 15 000 suppressions de postes sur deux ans, rien qu’en Europe.
à quoi va donc alors servir ce “sacrifice” ? à limiter les dégâts ou surmonter les difficultés de l’entreprise ? Certainement pas ! Il suffit de se replonger quelques années en arrière pour se rendre compte qu’il n’en sera rien : pour ne citer qu’un seul exemple parmi les plus récents, les 1200 ouvriers de Continental à Clairoix, les fameux “Conti”, viennent d’en faire l’amère expérience, eux qui, fin 2007, acceptaient de repasser à 40 heures et de travailler les jours fériés sans augmentation de salaire pour “sauver l’entreprise” ont été mis, dix-huit mois plus tard, devant le fait accompli de la fermeture programmée de l’usine. Bref, la vraie alternative proposée par la bourgeoisie est : “être viré tout de suite ou travailler gratuitement aujourd’hui… pour être viré demain” !
Ces mesures sont déjà en elle-mêmes totalement intolérables et inacceptables : subir des conditions d’exploitation pires que du temps de l’esclavage, qui au moins garantissait à l’esclave le gîte et le couvert. Aujourd’hui, le capitalisme en crise tente de forcer de plus en plus de prolétaires à trimer gratuitement pour un patron qui leur impose déjà des salaires de misère pour faire vivre leur famille tout en les plaçant sous la menace constante du licenciement du jour au lendemain, Et pour couronner le tout, la bourgeoisie saupoudre ce sommet de l’exploitation de son incomparable cynisme en n’hésitant pas à “donner l’exemple”, à l’instar du PDG de British Airways et de son directeur financier, qui travailleront gratuitement pendant un mois ou du PDG d’HP, qui réduit son salaire de 20 %. Comme si exploiteurs et exploités étaient dans le même bateau avec les mêmes intérêts à défendre, et comme si le salaire d’un ouvrier qui survit au jour le jour, quand bien même il est payé tous les mois, était comparable à celui d’un patron, qui par ailleurs touche stock-options et autres bonus. Tout cela est absolument répugnant et révoltant.
GD (3 juillet)
Le jeudi 25 juin, une centaine de familles de sans-papiers ont été expulsées de force de la Bourse du travail, à Paris, gazées et jetées à la rue comme des chiens par des hommes cagoulés, armés de barres de fer et de bombes lacrymogènes. Qui étaient ces hommes ? Des CRS ? Des commandos lepénistes ? Non. Des nervis de la CGT !
Cette centrale syndicale qui, à en croire ses discours, ne vit que pour défendre l’ouvrier, la veuve et l’orphelin, n’a en effet pas hésité à envoyer ses hommes de main déloger manu militari ces ouvriers sur-exploités, sans logement, exécutant des petits boulots de misère et réduits à survivre depuis des mois, eux et leurs familles, dans les couloirs des locaux de la Bourse du travail.
En fait, ces travailleurs et leurs familles occupaient ce bâtiment depuis le 2 mai 2008, habituellement lieu de réunion de la CGT appartenant à la Mairie de Paris. Ils n’y étaient pas venus par hasard mais par pure nécessité de survie après la magouille entreprise conjointement, en avril 2008, par le gouvernement, la gauche et les syndicats pour ficher et expulser un maximum de travailleurs clandestins (1). A cette époque, la CGT avait poussé des milliers de travailleurs clandestins à se mettre en grève, non pas comme proclamé officiellement pour défendre des conditions de travail intolérables, mais afin de pouvoir les faire repérer et ficher plus facilement. Tout avait été organisé à l’avance et négocié en secret avec le gouvernement. En tout et pour tout, 800 dossiers ont été régularisés, dossiers concernant presque tous des encartés cégétistes. Pour les milliers d’autres, leur identité maintenant connue en préfecture, ils étaient tout simplement destinés à être expulsés et à remplir les charters des 23 000 expulsions annuelles des lois Hortefeux. Parmi eux, un certain nombre se sentant particulièrement humiliés et trompés par la CGT, sans ressources et sans perspectives, sont alors venus avec leur famille occuper les locaux de ce syndicat. Attitude bien évidemment inadmissible pour ce syndicat.
Le communiqué lapidaire de la CGT, tombé le jour de l’expulsion en milieu d’après midi, révèle le peu de cas qu’elle fait de ces quelques familles ouvrières : “Les syndicats CGT de Paris ont contribué à mettre un terme à l’occupation”. Point barre. Autrement dit, pour la CGT, il n’y avait aucune raison de parler de cet “épisode”, il valait mieux le passer sous silence. Et pour cause ! Mais devant le battage et l’émotion suscités par cette ignoble politique, la CGT a finalement été contrainte de s’expliquer en tentant de justifier l’injustifiable. Anne Leloarer, membre du bureau départemental de la CGT, y est alors allée de son petit couplet empoisonné : “Franchement, on s’est démené pour eux (sic !), mais c’était de plus en plus inacceptable. Ces gens-là (re-sic !) n’ont jamais rien voulu comprendre. Ils avaient décidé qu’ils resteraient là, hébergés à la Bourse du travail”. Voilà bien des propos aussi méprisants que nauséabonds.
Il n’est pas nécessaire que Sarkozy fasse appel à ses forces de répression, la CGT réagit plus vite et tape plus fort. Et il n’y a ici rien d’étonnant, c’est la simple continuité de la pratique anti-ouvrière et répressive de la CGT depuis des décennies (2). Ce syndicat n’en est en effet pas à son coup d’essai. Déjà, en 2007, la CGT avait procédé exactement de la même manière en expulsant là-aussi des immigrés qui occupaient “ses” locaux (3). Et les jeunes générations d’aujourd’hui ne savent peut-être pas qu’en 1981, le PCF, à l’époque sous la direction de Marchais, et son syndicat la CGT, faisaient donner du bulldozer contre des ouvriers de nationalité malienne réfugiés dans un foyer Sonacotra à Vitry-sur-Seine !
Les familles ouvrières jetées de force sur les trottoirs ont bien compris le sens de ce qui leur arrivait puisque immédiatement après ils criaient tous ensemble : “CGT, Hortefeux, même patron, même combat !”. Ces familles expulsées, balancées à la rue, ce sont nos familles, ce sont celles de toute la classe ouvrière. Nous sommes tous des ouvriers susceptibles de nous retrouver jetés à la rue, sans travail et sans logement. Et comme à la Bourse du travail aujourd’hui, et à Vitry hier, “français” ou immigrés, tous les ouvriers auront à faire face aux méthodes musclées de la CGT et des autres syndicats.
Rossi (2 juillet)
1) Lire notre article “Mouvement des travailleurs sans papiers : pour expulser, le gouvernement peut compter sur les syndicats et la gauche”, Révolution internationale no 391, juin 2008.
2) Il
n’est pas davantage surprenant qu’une organisation qui prétend
elle aussi agir au nom “des travailleurs”, comme “Lutte
ouvrière” vole au secours de la CGT pour justifier son action
“coup de poing”. Dans son édition du 3 juillet, l’article
“Certains oublient que les adversaires sont Besson et Sarkozy”
s’en prend à tous ceux qui dénoncent haineusement la CGT comme
auxiliaire armé de Hortefeux. L’article met notamment en avant
que “Ces insultes sont inacceptables alors que des centaines de
militants de la CGT ont souvent été en première ligne pour
défendre le droit des travailleurs immigrés avec ou sans
papiers”.
Il faudra se souvenir, dans le développement des
prochaines luttes, que dans l’opposition irrémédiable entre les
flics syndicaux et la lutte des prolétaires contre leurs conditions
d’exploitation, LO a démontré ouvertement quel camp elle
défendait.
3) Voir “Quand les syndicats expulsent les sans-papiers [71]”, Révolution internationale no 379, mai 2007.
Nous publions ci-dessous la traduction d’un article réalisé par World Revolution, organe de presse du CCI en Grande-Bretagne.
On nous dit tous les jours que nous devons nous serrer la ceinture, accepter les suppressions de poste, les diminutions de salaire et de pension de retraite, pour le bien de l’économie nationale, pour l’aider à faire face à la récession qui s’approfondit. L’idée de lutter contre ces attaques incessantes se heurte à la peur terrible du chômage et à la campagne médiatique sans fin qui nous dit que la lutte ne peut empêcher nos conditions de vie et de travail d’empirer.
Mais, dans les premières semaines de juin, un événement est venu clairement démontrer que le poids de la passivité et de la peur n’était pas une fatalité. Les travailleurs du métro londonien ont fait grève pour défendre 1000 emplois menacés. Les ouvriers de la Poste à Londres et en Ecosse ont lancé des luttes contre les licenciements, les contrats rompus et les suppressions de postes. Et surtout, au même moment, 900 travailleurs du bâtiment de la raffinerie de Lindsey arrêtaient le travail par solidarité avec 51 de leurs camarades qui étaient licenciés. Cette lutte a explosé dans une série de grèves sauvages par solidarité dans les plus grands sites de construction du secteur énergétique en Grande-Bretagne, quand Total a jeté 640 grévistes le 19 juin. Ces luttes montrent que nous ne devons pas accepter notre “destin”.
Au début de l’année, les ouvriers de la raffinerie de Lindsey avaient été au cœur d’une vague semblable de grèves sauvages, à propos de licenciements d’ouvriers sur le site. Cette lutte, à ses débuts, était freinée par le poids du nationalisme, symbolisé par le slogan : “Des jobs anglais pour les ouvriers anglais !” et par l’apparition de drapeaux de l’Union Jack dans les piquets de grève. Quelques-uns des ouvriers en grève disaient qu’on ne devait pas employer d’ouvriers étrangers alors que les ouvriers anglais étaient licenciés. La classe dominante a utilisé ces idées nationalistes à plein, exagérant leur impact et en présentant cette grève comme étant dirigée contre les ouvriers italiens et polonais employés sur le site. Cependant, soudainement et de façon imprévisible, il a été mis fin à cette grève quand ont commencé à apparaître des banderoles appelant les ouvriers portugais et italiens à rejoindre la lutte, affirmant : “Ouvriers du monde entier, unissez-vous !” et que les ouvriers polonais du bâtiment ont rejoint les grèves sauvages à Plymouth. Au lieu d’une défaite ouvrière longuement préparée, avec des tensions croissantes entre ouvriers de différents pays, les ouvriers de Lindsey ont obtenu 101 emplois de plus, les ouvriers portugais et italiens gardant leur emploi, gagné l’assurance qu’aucun ouvrier ne serait licencié et sont rentrés unis au travail.
La nouvelle vague de luttes, s’appuyant sur cette bonne dynamique, a pu éclater sur une base d’emblée beaucoup plus claire : solidarité avec les 51 ouvriers licenciés. Au même moment, un autre employeur embauchait des ouvriers. Les ouvriers licenciés ont été avertis qu’on n’avait plus besoin d’eux par des post-it sur leur carte de pointage ! Cela a suscité une réponse immédiate de la part de centaines d’ouvriers, arrêtant le travail par solidarité. Il y avait le sentiment que ces ouvriers étaient attaqués à cause du rôle qu’ils avaient joué dans la grève précédente. Le 19 juin, Total, le propriétaire du site, prenait la mesure inattendue de licencier 640 grévistes. Il y avait déjà eu des grèves de solidarité dans d’autres usines, mais avec ces annonces de nouveaux licenciements, des grèves ont éclaté dans tout le pays. “Environ 1200 ouvriers en colère se rassemblaient aux principales entrées hier, agitant des panneaux qui fustigeaient... les patrons cupides. Des ouvriers des centrales électriques, des raffineries, des usines dans le Cheshire, le Yorkshire, le Nottinghamshire, l’Oxfordshire, en Galles du Sud et Teesside arrêtaient le travail pour montrer leur solidarité” (The Independent du 20 juin). Le Times rapportait “qu’il y avait aussi des signes que la grève s’étendait à l’industrie nucléaire, puisque EDF Energy disait que les ouvriers contractuels du réacteur de Hickley Point dans le Somerset avaient arrêté le travail”.
Les journaux de droite tels que le Times et le Daily Telegraph qui, d’habitude, utilisent à plein ce genre de sentiments, n’en faisaient aucune mention et se concentraient plutôt sur l’action engagée par Total et le danger que ces luttes ne s’étendent. La classe dominante est extrêmement préoccupée par cette lutte, justement parce qu’elle ne peut pas la dévoyer si facilement dans une campagne nationaliste. Elle a peur qu’elle puisse s’étendre à tout le secteur de la construction en général et peut-être même au-delà. Les ouvriers peuvent voir que si Total arrive à licencier des ouvriers en grève, d’autres patrons prendront la suite. La question de la grève est clairement posée comme une question de classe, qui concerne tous les travailleurs.
La vision de la solidarité avec les travailleurs étrangers confirme la nature de classe évidente de cette lutte. Comme le dit clairement un ouvrier licencié : “Total réalisera bientôt qu’ils ont libéré un monstre. C’est honteux que cela soit arrivé sans aucune consultation. C’est aussi illégal et ça me rend malade. S’ils (Total) s’en tirent, le reste de l’industrie s’écroulera et fera du dégraissage. Les travailleurs seront décimés et les ouvriers non qualifiés étrangers seront embauchés au moindre coût, traités comme de la merde et renvoyés quand le travail sera fini. Il y a une sérieuse possibilité que l’électricité soit coupée à cause de cela. Nous ne pouvons pas rester passifs et voir des ouvriers jetés comme des habits sales” (The Independent du 20 juin).
Cette indignation des ouvriers est celle de toute la classe ouvrière. Pas seulement à cause de ce que fait Total, mais de toutes les autres attaques qu’ils subissent ou voient. Des millions d’ouvriers sont en train d’être jetés comme des déchets par la classe dominante. Les patrons s’attendent à ce que les ouvriers acceptent des réductions de salaire ou même travaillent gratis et qu’ils en soient contents ! Le mépris de Total est celui de toute la bourgeoisie.
Quoiqu’il arrive dans les prochains jours, cette lutte a démontré que les ouvriers n’ont pas à accepter les attaques, qu’ils peuvent résister. Plus que cela, ils ont vu que la seule façon de nous défendre nous-mêmes est de nous défendre les uns les autres. Pour la deuxième fois cette année, nous avons vu des grèves sauvages de solidarité. Il y a des rapports qui disent que les grèves de Lindsey ont envoyé des piquets volants au Pays de Galles et en Ecosse. Il y a des sites de construction dans tout le pays, en particulier dans la capitale, où les sites olympiques regroupent un grand nombre d’ouvriers de plusieurs nationalités. Envoyer des délégations sur ces sites, appelant à l’action solidaire, serait le message le plus clair que c’est une question qui concerne le futur de tous les travailleurs, quelles que soient leurs origines. Les ouvriers de la poste et du métro de Londres essaient aussi de se défendre contre des attaques similaires et ont tout intérêt à former un front commun.
Le vieux slogan du mouvement ouvrier – travailleurs du monde entier, unissez-vous ! –, est souvent tourné en ridicule par les patrons qui ne peuvent pas voir plus loin que leurs intérêts nationaux. Mais la crise mondiale de leur système rend de plus en plus évident le fait que les ouvriers ont les mêmes intérêts partout : chercher à s’unir pour défendre leurs conditions de vie et mettre en avant la perspective d’une autre forme de société, basée sur la solidarité à l’échelle mondiale et la coopération.
Phil. (21 juin)
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Alors que les médias nous serinent que “des signes de reprise économique sont déjà là” en France et que “le bout du tunnel” dans la conjoncture internationale nous est promis à l’horizon 2010, les ouvriers font au contraire l’amère expérience d’une nouvelle accélération de la vague de licenciements, de fermetures de sites ou d’entreprises (alors qu’au printemps dernier, le rythme des “plans sociaux” avoisinait déjà les 200 chaque mois). Le nouveau “Pôle emploi” (né de la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC) est débordé. Alors que l’hexagone connaît sa pire période de récession depuis 1949, il est prévu que près de 600 000 emplois (source Mediapart) seront détruits dans le secteur privé pour l’année 2009. Le chiffre officiel du chômage est reparti à la hausse en juillet et son taux devrait repasser la barre au-dessus des 10 % en France d’ici la fin de l’année. 650 000 jeunes arrivent sur le marché du travail et bien peu d’entre eux, même parmi les surdiplômés, ont l’espoir de décrocher un emploi. Cet été, les ixes Rencontres d’Aix-en-Provence, organisées par “le Cercle des économistes”, ont souligné avec gravité les “chiffres, terrifiants de l’OCDE. D’avril 2008 à avril 2009, le chômage a crû de 40 % dans les pays les plus riches. De 2007 à 2010, il devrait même y avoir 26 millions de chômeurs en plus, un bond de 80 %, sans précédent en si peu de temps. “Le plus gros de la détérioration reste à venir”, a mis en garde Martine Durand, responsable de l’emploi (…)” (1).
Aux Etats-Unis, après une forte saignée en 2008 et le choc brutal dans le secteur clé de l’automobile, “les annonces de suppressions de postes augmentent de 31 % (…) Les chiffres de juillet portent à 994 048 le nombre de postes dont la suppression a été annoncée depuis le début de l’année, ce qui correspond à un bond de 72 % sur un an” (2). La population active diminue, et rien que pour le mois de juillet, on compte 422 000 actifs de moins aux Etats-Unis, un rythme bien plus rapide qu’en juin (155 000) (3). Dans ces conditions, il devient quasiment impossible de retrouver du travail. C’est pour cela que les chômeurs de longue durée, dont le nombre ne cesse de croître de façon vertigineuse, mais aussi maintenant les travailleurs fraîchement licenciés, renoncent à rechercher un emploi. Par ailleurs, la campagne présidentielle du médiatique Obama annonçait qu’une des priorités de sa réforme était de garantir une couverture sociale digne de ce nom, une réelle protection de la santé. Ce à quoi on assiste, comme partout, c’est au contraire à une dégradation très forte puisque les salariés jetés à la rue ne peuvent tout simplement plus se soigner. En effet, selon l’institut Gallup, plus de cinq millions de personnes ont perdu leur contrat d’assurance faute d’argent. Et d’ici la fin de l’année, on pourrait compter 50 millions d’exclus ! (4)
L’Allemagne, qu’on nous présentait il y a quelques décennies comme un “modèle”, est également frappée de plein fouet par la crise. Le numéro un allemand de l’énergie, EON, dans son groupe basé à Düsseldorf, prévoit par exemple la suppression de 10 000 postes en Europe. En plus d’un véritable chantage à l’emploi sur place, et qui partout se généralise, il est précisé que “les mesures de (gestion du) personnel inévitables seront mises en œuvre (…) avec des temps partiels, des retraites anticipées, des non-renouvellements de contrats à durée déterminée ou des départs volontaires” (5).
Partout, pour tous les prolétaires qui ont encore la chance d’avoir un travail, la précarité est devenue la règle avec une pression devenue insoutenable. Le chantage à l’emploi pour baisser les salaires tend à s’étendre pour faire face à une concurrence exacerbée. Certaines entreprises commencent à exiger des baisses de salaires allant de 20 à 40 % ! Dans certains cas, comme à British Airways, on en est même arrivé à demander aux salariés du travail gratuit ! Partout encore, il est prévu de faire reculer l’âge de la retraite, d’augmenter la pression fiscale, de réduire drastiquement les budgets sociaux et les salaires des fonctionnaires ! Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que le nombre de suicides liés aux conditions de travail se mette à grimper, notamment en France, où on note “une organisation du travail qui produit 300 à 400 suicides par an et une montée des pathologies mentales” (6). Ceux qui résistent au rythme de la concurrence y laissent leur santé, prennent de plus en plus de risques qui conduisent à des accidents du travail. Désormais, il y a 1,2 million d’accidents du travail par an et 3000 par jour dans le monde. Ces accidents du travail font désormais plus de morts que les guerres !
Face à cette dégradation violente de ses conditions de vie, le prolétariat démontre qu’il trouve la force et le courage de se battre, même dans un contexte difficile.
Durant l’été, la question des licenciements a tenu la vedette à travers l’hypermédiatisation de certaines luttes et à cause du caractère illégal de ces actions, présentées comme modèle d’une “radicalisation” des luttes ouvrières. Il n’en est rien ! Même si ces luttes restent significatives d’une volonté de se battre, elles restent l’expression d’un manque de perspective.
Par exemple, le 31 juillet, la mort dans l’âme et la rage au ventre, les 366 ouvriers de l’usine New Fabris de Châtellerault, licenciés suite à la liquidation de leur entreprise, ont voté (vote à bulletins secrets, organisé par les syndicats) l’acceptation de la dérisoire indemnité de 12 000 euros, imposée par le ministre Estrosi. Pire, l’indemnité de licenciement se limite à 9000 euros (le versement du complément est conditionné par l’hypothétique revente, via la direction, du matériel et des machines de l’usine). La veille, le 30 juillet, une ultime manifestation dans la ville avait rassemblé entre 2000 et 3000 personnes et obtenu la participation d’autres entreprises des environs (ouvriers de Magnati Marelli, des hospitaliers du CHU, des postiers, des journalistes licenciés de la Nouvelle République ainsi que des délégations syndicales de Continental, de Molex, d’Aubade, de l’usine Ford de Bordeaux, ou de plusieurs sites comme Renault, Valeo, Thales, TDF, Freescale…) mais, contrairement à ce que cette mobilisation d’autres secteurs ouvriers pouvait faire espérer, leur sort était déjà scellé. En effet, depuis un mois et demi, ils avaient été isolés et placés sous les projecteurs des médias en menaçant de faire sauter l’usine et en plaçant devant celle-ci des bonbonnes de gaz… vides, contre une modeste revendication de prime de départ de 30 000 euros7. Dans la foulée de cas similaires, comme celui des 480 employés de l’usine Nortel de Châteaufort dans les Yvelines (qui avaient renoncé 15 jours auparavant à ce “moyen de pression” ou ceux de JLG à Tonneins dans le Sud-Ouest), l’accent a été mis sur une série de séquestrations de patrons ou de cadres (Caterpillar à Grenoble, Molex près de Toulouse…).
Toutes ces actions ou ces “menaces” sont avant tout l’expression d’un sentiment d’impuissance. Alors que les médias ont mis en avant que l’utilisation de ces moyens de lutte était l’expression d’une “radicalité” débordant les appareils syndicaux, qui s’exprimait ainsi à cause de la faiblesse des syndicats, la réalité est exactement à l’opposé. Ce sont en fait les cadres syndicaux locaux de l’entreprise qui n’ont cessé d’encourager en sous-main le recours à ce type d’actions (même si elles sont hautement désapprouvées par les centrales nationales syndicales elles-mêmes).
Xavier Mathieu, un de ces délégués CGT “radicaux” de l’usine Continental à Clairoix, a déclaré au micro de France Info le 17 août en s’en prenant aux dirigeants des grandes centrales syndicales : “Les Thibault et compagnie, c’est juste bon qu’à frayer avec le gouvernement, à calmer les bases. Ils servent juste qu’à ça, toute cette racaille”. C’est tout à fait vrai. Ce “coup de gueule” contre les dirigeants syndicaux nationaux est partagé par beaucoup d’ouvriers, syndicalistes “à la base”, qui cherchent à mettre en avant une aspiration illusoire de “faire du vrai syndicalisme”. Mais il arrange également bien les syndicats comme l’ensemble de la bourgeoisie, car il traduit une tentative nécessaire pour redorer l’image du syndicalisme, singulièrement terni depuis le sabotage des luttes de ces dernières années qui ont permis aux différents gouvernements de faire passer la liquidation des régimes spéciaux de retraite, puis toutes ses autres attaques.
Les syndicats comme l’ensemble de la bourgeoisie profitent du fait que la pression actuelle du chômage et des licenciements massifs ne favorisent pas le développement de luttes massives mais, au contraire, la dispersion des réactions ouvrières comme la tendance à provoquer une certaine paralysie momentanée de l’ensemble de la classe ouvrière qui voit ces réactions avec une sympathie réelle. Face aux fermetures d’entreprises, l’arme de la grève tend à perdre son efficacité, accentuant le sentiment d’impuissance des travailleurs. Les ouvriers se retrouvent souvent dos au mur, poussés à réagir chacun dans leur coin, à cause de ce désarroi, de ce sentiment d’impuissance qu’elles génèrent, avec le traumatisme lié à la perte d’emploi. Mais la bourgeoise pourra de moins en moins utiliser cette situation pour susciter une division, voire une opposition entre ceux qui perdent leur travail et ceux qui ont le “privilège” de le conserver. S’il est difficile pour la classe ouvrière de riposter par une réponse d’envergure face aux attaques, celle-ci n’a pas pour autant renoncée à lutter pour la défense de ses intérêts alors que le manque actuel de perspective immédiate pousse la plupart d’entre elles, notamment dans les pays développés, à rester encore fortement sous l’emprise des syndicats.
L’expérience montre à la classe ouvrière qu’elle est capable de développer une réflexion collective animée par le besoin de développer ses luttes. Ce n’est qu’en tirant la leçon de la situation présente que seule la lutte unie et solidaire peut freiner la brutalité des attaques et de l’exploitation, et qu’elle sera en mesure de résister aux chantages de la bourgeoisie. Et c’est à travers la reconquête de sa capacité à prendre en mains ses luttes qu’elle pourra franchir une nouvelle étape dans son combat contre le capitalisme. Cette perspective est toujours présente.
W (28 août)
1) come4news.com [73]
2) www.latribune.fr [74].
3) www.lepoint.fr [75]
4) www.humanite.fr [76]
5) romandie.com
6) www.lemonde.fr [77]
7) Le Nouvel observateur du 23 juillet va jusqu’à reconnaître que les 30 000 euros réclamés par les salariés de New Fabris ne pèsent plus que 22 fois le SMIC alors qu’en 1988, les ouvriers licenciés des chantiers navals de La Ciotat avaient reçu de l’Etat une prime de départ de 30 500 euros en 1988, équivalant à 40 SMIC de l’époque, soit une baise de 45 % en 20 ans !
La direction de Freescale (ex Motorola), à Toulouse, a annoncé le 22 avril la fin de la production à Toulouse, ce qui représente plus de 800 licenciements, auxquels se rajoutent ceux du secteur de la téléphonie, 250 personnes et ceux de l’importante sous-traitance sur la région. En tout, cela va concerner plus de 3000 salariés. Cela intervient quasi en même temps que la fermeture de l’usine de Crolles, près de Grenoble, celle d’East Kilbride en Ecosse ainsi que celle de Sendai au Japon. Cette “restructuration” doit être réglée avant fin 2011.
Il s’agit là d’une des nombreuses attaques aux conditions de vie de la classe ouvrière que le capitalisme en faillite lui réserve. Pour les familles frappées par les licenciements, ici comme ailleurs, c’est l’angoisse d’une perspective de misère car chacun sait que s’il parvient à retrouver un travail, il y a de grandes chances pour que ce soit un emploi de survie sous payé. Pas étonnant que ces ouvriers, eux aussi, aient ressenti ces annonces comme un grand coup sur la tête. Lancer immédiatement un appel à la solidarité des autres ouvriers de la région, cela n’est même pas évoqué par les syndicats, ce qui n’est pas fait pour nous étonner, mais qui est à souligner. Les ouvriers, eux, sous l’impulsion d’une minorité d’entre eux, vont développer des efforts pour organiser leur lutte.
Leur première réaction est qu’il ne faut pas se faire d’illusions sur le discours de la direction concernant les reclassements. D’ailleurs, début mai, lorsque le directeur réunit l’équipe de nuit (l’usine fonctionne en 6 équipes) pour lui présenter le cabinet conseil qui allait s’occuper des reconversions, il est pris à partie par les ouvriers qui lui demandent s’il ne se moque pas d’eux, le traitant de menteur. La quasi-totalité des 120 ouvriers présents ce soir-là se sont levés et ont quitté la salle. Face à la colère qui se développe, la direction et les syndicats orientent vers des AG par équipe. Parmi les ouvriers, les plus combatifs proposent qu’une fois par semaine il y ait une AG commune afin que les décisions soient prises collectivement. Cette proposition recueille l’accord des ouvriers et les syndicats sont obligés de suivre. Face aux divisions syndicales bien connus, les ouvriers demandent aux syndicats de laisser de côté leurs querelles et de s’unir en intersyndicale, pensant par là qu’ils seraient mieux défendus. FO, UNSA, CFE-CGC, CGT, CFDT et CFTC annoncent alors comme une grande réussite qu’ils sont d’accord pour créer une intersyndicale. Cette intersyndicale propose que chaque équipe élise 4 délégués chacune afin d’assister, comme observateurs, aux négociations avec la direction. Il deviendra clair pour beaucoup d’ouvriers qu’il s’agissait là d’une ruse des syndicats ayant pour but de faire semblant d’accepter que les ouvriers participent, tout en les transformant en simples observateurs. Cela leur permettait de garder le contrôle total sur les événements. Face à cette ruse, une minorité d’ouvriers interviendra dans l’AG pour défendre la souveraineté de celle-ci, dire que c’est elle qui doit décider et non l’intersyndicale. Cela recueillera l’approbation d’une partie des ouvriers.
La direction propose alors une série de négociations qui ont lieu chaque jeudi. Évidemment, les négociations n’avancent pas. Direction et syndicats les font traîner pour démoraliser les ouvriers. Les querelles entre les syndicats se réveillent bien opportunément afin de commencer à organiser la division. La majorité des ouvriers est exaspérée. A la mi-mai, l’AG de l’équipe de nuit décide de ne plus laisser les syndicats mener les discussions et décident qu’il revient aux ouvriers de porter eux-mêmes leurs revendications à la direction. Cela est discuté à l’AG commune qui suit, celle du lundi. C’est alors que la majorité des syndicats déclare qu’elle ne reconnaît plus la souveraineté de l’AG et appelle ses adhérents à des AG parallèles dans le but de faire des “propositions constructives à la direction !” (cela permettra en effet à la direction de trouver les propositions de FO très constructives !). La CGT et la CFDT, quant à elles, déclarent qu’elles continuent à reconnaître la souveraineté de l’AG (mais nous le verrons, pour mieux reprendre les choses en main). Du coup, à cette AG, ce sont les ouvriers délégués par chacune des équipes qui mènent les débats. On y parle d’interpeller la direction sur la lenteur des négociations et de menacer d’organiser l’AG devant l’usine pour faire connaître le mouvement.
A l’AG commune suivante, il est discuté d’un communiqué-tract à distribuer autour de soi ainsi qu’à la manif du 13 juin, occasion pour essayer de rencontrer d’autres ouvriers. L’idée du tract est acceptée mais les syndicats, en fait, vont essayer de ne pas le porter à la connaissance des médias pour y substituer leur propre communiqué. C’est sous la pression des ouvriers qu’ils le feront.
Face à l’impasse des négociations qui perdure, la colère des ouvriers les pousse à des débrayages pendant lesquels ils vont distribuer leur tract aux automobilistes qui passent devant l’usine. Au cours de ces distributions, de nombreux ouvriers manifestent leur solidarité. Mais la conscience de la nécessité d’une recherche active de solidarité avec les autres ouvriers n’est encore qu’embryonnaire et les syndicats l’étoufferont rapidement. De fait, pour la manif du 13 juin, les syndicats avaient préparé leur coup, et il a marché. Ils distribuent des sifflets aux ouvriers lesquels, au lieu d’aller parler avec ceux de Molex par exemple, se défoulent avec leurs sifflets, toute discussion étant ainsi impossible. Les ouvriers n’ont pas réussi à dépasser ce barrage syndical.
Le 18 juin, la colère domine encore. Une grève éclate, elle durera 72 heures. Une fois terminée, les syndicats vont essayer de la faire redémarrer, alors qu’on est à la veille des vacances, dans le but évident d’épuiser les plus combatifs. Une minorité rappelle alors que la dernière AG avait dit que ce n’était plus, à la veille des vacances, le moment de lutter dans l’isolement total. Des syndicalistes les accusent alors d’être contre la lutte. L’un d’eux tentera même d’en découdre physiquement. Mais devant le vote de l’AG qui se prononce contre la grève maintenant, ce dernier se sentira obligé de s’excuser, ce qui sera l’occasion de faire une déclaration bien accueillie par l’AG sur le fait qu’entre ouvriers, on essaie de se convaincre, mais on n’en vient pas aux mains.
Quelle pourra être la suite à la rentrée ? CGT et CFDT ont repris les choses en main. Il n’y a pas encore une conscience suffisamment claire de ce que représentent les syndicats et du fait qu’ils sont des rouages de l’Etat au sein de la classe ouvrière. Mais une réflexion commence.
Pendant les 72 heures de grève un ancien ouvrier de cette usine est venu apporter sa solidarité et a raconté la grève de 1973 en disant notamment : “nous, on n’avait pas fait confiance aux syndicats et on s’était organisé entre nous” et cela a frappé les ouvriers.
Oui, il faut garder le contrôle des AG et réaliser que ce qui constitue une force : la solidarité ouvrière. La distribution du tract aux automobilistes et l’accueil chaleureux reçu montrent que cette solidarité existe potentiellement et qu’il nous faut la développer (1). Il ne s’agit plus alors de la lutte des Freescale, des Molex ou des Conti, mais d’une lutte de la classe ouvrière. Et cela seul fait peur aux entreprises et à l’Etat, et donc aux syndicats. Cela nous permet de renforcer la confiance en nous.
G (5 juillet)
1) Non comme le proposaient les syndicats en allant se montrer au Tour de France cycliste !
Mi-août 2009, 200 000 hectares de forêts ont déjà brûlé sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Telles sont les estimations du très sérieux “Système européen d’information sur les feux de forêt” (EFFIS) qui souligne que ce chiffre dépasse de 20 000 hectares ceux de 2008 (hors incendies égaux ou de moins de 40 hectares, dont le nombre est au final loin d’être négligeable). Grèce, Espagne, Italie, Turquie, France, mais aussi Portugal au printemps, Suède et Norvège en juin, ont connu une année particulièrement catastrophique, alors que les pouvoirs publics européens se vantaient d’avoir pu réduire drastiquement les plus de 480 000 hectares brûlés annuellement depuis 1980. En Californie, des dizaines de milliers de citadins ont dû être précipitamment évacués d’urgence à plusieurs reprises ces derniers mois. En Italie du Sud, 4000 touristes ont dû être évacués in extremis face à l’avancé des flammes, etc.
Evidemment, sont incriminées au premier chef les conditions météorologiques particulièrement défavorables de cette année, au regard de 2008, où “le niveau de risque d’incendie était faible sur le pourtour méditerranéen” en raison de l’été pluvieux. Mais en Grèce, malgré ce risque diminué d’incendies, 15 000 ha avaient brûlé près de la ville de Rhodes et alors que l’année précédente, en 2007, un incendie avait tué 77 personnes et brûlé 250 000 ha de forêts au nord d’Athènes... Le gouvernement grec n’avait pris aucune mesure pour garantir à la population un minimum de sécurité. Résultat, cette année, avec la sécheresse de l’été, c’est aux portes mêmes de la capitale que le feu a une nouvelle fois sévi, avec une virulence accrue. Durant trois jours, l’incendie a fait rage, le gouvernement ne laissant à la population que le choix d’être évacuée ou de mourir dans les flammes. Un même gouvernement qui constate encore que les feux de cette année ne dépassent guère la moyenne observée depuis 1980 ! Cette incurie des dirigeants grecs a une fois de plus provoqué la colère de la population et a été largement soulignée. Les médias français n’ont d’ailleurs eu de cesse d’enfoncer le clou. Ils ont été bien moins loquaces pour dénoncer les incendies qui ont ravagé 1300 hectares près de Marseille, de même que les 7000 ha détruites en Corse, comme par hasard aux sorties de trois zones urbaines. Bien sûr, des conditions de sécheresse peuvent rendre incontrôlables des départs de feu, bien sûr, on ne peut pas tout prévoir ; mais ce qui est sûr et certain, c’est l’implication des promoteurs immobiliers ou des exploitants de l’agriculture intensive, purs produits d’un capitalisme en folie qui sont prêts à tout pour leurs profits en accord et avec l’appui mafieux des notables locaux et des grands commis d’Etat délivrant des permis de construire dans les zones à haut risque. C’est ensuite en toute hypocrisie que ces derniers font semblant de se mobiliser pour persuader “l’opinion” qu’ils cherchent à résoudre le problème. Ainsi, l’hebdomadaire satirique le Canard enchaîné a-t-il dénoncé dans son édition du 5 août la triste mascarade à laquelle se livrent les pouvoirs publics français afin de faire croire à une intense activité contre les incendiaires. On arrête deux boucs-émissaires pyromanes ici ou un autre lampiste là, et le tour est joué !
Le feu, l’eau, la terre et l’air : le capitalisme contamine ou rend dangereux, voire meurtrier pour l’homme, tous les éléments naturels.
Wilma (27 août)
Les camarades de “l’Alliance des révolutionnaires socialistes” ont écrit à propos d’une lutte qui a éclaté dans l’usine de machines agricoles de la ville de Kherson en Ukraine, en février de cette année. La lutte est partie sur des revendications ouvrières (notamment d’obtenir 4,5 millions de grivnas de salaires impayés depuis des mois) mais aussi sur la demande de la nationalisation de l’usine. D’un côté, la clique “orange” représentée par le responsable de l’administration locale (un parachuté “orange”) et par le nouveau syndicat “indépendant”, de l’autre la majorité “bleu-blanc” de l’administration de Kherson et le propriétaire de l’usine.
En fin de compte, les ouvriers ont été dupés sur toute la ligne. L’administration régionale a gracieusement octroyée 2 millions de grivnas... non pas aux ouvriers, mais au propriétaire qui devait soi-disant payer les salaires avec ! Et cette somme de surcroît devait être prélevée sur l’argent destiné aux salariés de la fonction publique ! Tout cela étant présenté comme un “compromis” par les délégués syndicaux. Les camarades de l’ARS tirent une conclusion claire : “Les masses ouvrières ne doivent avoir confiance en aucune des cliques bourgeoises, en aucun groupe de pouvoir, en aucun syndicat officiel, parti, Etat ou capitaliste, ils ne doivent pas se transformer en instrument d’un quelconque regroupement bourgeois ; ils doivent préserver leur propre indépendance de classe, ils doivent combattre pour leur propre émancipation. Notre tâche, la tâche des protagonistes de la révolution sociale, est de populariser une telle conscience”.
(voir l’article complet ici [78].)
Depuis l’effondrement des régimes staliniens et du bloc de l’Est, les organisations de l’anarchisme officiel se targuent d’avoir les mains propres dans l’affrontement qui a opposé de 1945 à 1989 les blocs de l’Est et de l’Ouest et entretiennent la légende d’une opposition irréductible aux blocs militaires : “Les anarchistes se divisèrent sur le problème des blocs. La majorité décida de s’opposer à l’Est et l’Ouest…” 1.
En réalité, après 1945, pendant la Guerre froide, une partie des organisations anarchistes prend officiellement position en faveur de la défense du “monde libre”, comme la SAC (Sveriges Arbetares Centralorganisation) en Suède. Lors de la confrontation directe entre les forces armées du bloc de l’Est et les forces américaines et de l’ONU en Corée en 1950-53, certains, à l’instar des membres du groupe de la Révolution Prolétarienne, au nom de la logique du choix du “moindre mal” et en vertu de la défense de la démocratie, prennent ouvertement une position pro-américaine. C’est le cas de A. Prudhommeaux, N. Lazarevitch, G. Leval mais aussi de militants espagnols et bulgares : “Il y a deux impérialismes mais j’en connais un particulièrement dangereux et totalitaire avec esclavage à la clé. L’autre porte en son sein un moindre danger… Je ne suis pas pour le retrait des troupes américaines de Corée… En Corée, je ne vois qu’un criminel de guerre et c’est Staline. Il est responsable directement des bombardements stratégiques qui déciment la population coréenne…” (2). Inversement, d’autres stigmatisent l’impérialisme américain comme le principal fauteur de guerre.
Ceux des anarchistes qui, telle la FA, disent refuser tous les camps en présence en s’affirmant “contre Staline, sans être pour Truman, contre Truman sans être pour Staline” n’agissent pas pour autant en internationalistes et n’échappent pas à la logique de choisir un camp impérialiste contre un autre. Ainsi, lorsque l’URSS se lance dans la course aux armements pour rivaliser avec les Etats-Unis, le “combat pour le 3e front” “entraîne la FA à dénoncer le réarmement allemand en soutenant les pacifistes de ce pays, à participer à la campagne “Ridgway (3) go home’” (4) animée par le PCF. Par la caution critique qu’elle apporte à cette campagne, la FA se situe complètement dans le sillage du PCF ; elle remplit la fonction de rabatteur des ouvriers sur celui-ci et... sur sa défense inconditionnelle du bloc impérialiste russe !
D’autre part, les actions provocatrices contestataires jouent le même rôle de rabatteur sur les institutions étatiques bourgeoises : la lutte “réellement anti-impérialiste” du “3e front révolutionnaire” de la FA se concrétise par la propagande lors des élections législatives de 1951 “en faveur de bulletins ainsi rédigés : “Ni dictature orientale, ni dictature occidentale, je veux la paix” (5) ou bien par la mise en spectacle d’actions, telles l’intrusion en février 1952 “dans la grande salle du Palais de Chaillot où se tient une réunion plénière de l’ONU. Une profusion de tracts intitulés : “3e front : A bas la guerre !” est lancée dans la salle et les délégués américains et soviétiques reçoivent des projectiles inoffensifs” (6).
Loin de constituer un moyen permettant à la classe ouvrière de se renforcer politiquement, ce type d’actions sur le terrain des institutions de l’Etat bourgeois, outre son innocuité, entretient dans la classe exploitée l’illusion qu’elle aurait une quelconque utilité pour l’issue finale de son combat révolutionnaire. Cela ne fait au contraire que renforcer la soumission de la classe ouvrière à la mystification démocratique et aux organes de la domination capitaliste en obscurcissant la nécessité de les détruire. D’ailleurs, la Fédération communiste-libertaire (FCL) présentera des candidats aux élections législatives de 1956 ! Au moment de la liquidation de la IVe République et l’appel au pouvoir du général De Gaulle en 1958 pour régler le problème colonial, “dans toute la presse libertaire, les appels concordent pour sauver la République menacée. (...) Les anarchistes dans leur grande majorité, choisissent la République et la politique du moindre mal...” (7). En avril 1961, face au putsch des généraux à Alger, qui refusent l’indépendance de l’Algérie, “la FA participe aux différents comités regroupant plusieurs organisations de gauche (...) les anarchistes sont parmi les premiers à défendre les libertés démocratiques, et ce en dépit des réfutations ultérieures” (8).
Surtout, le soutien constant aux prétendues luttes de libération nationale va concrétiser le choix d’un camp impérialiste contre un autre. En érigeant en principe, comme le fait la FA, le fait que “Les anarchistes réclament pour la population d’Outre-mer le droit à la liberté, au travail dans l’indépendance, le droit de disposer de leur propre destinée en dehors des rivalités de clans qui déchirent le monde actuel. Ils les assurent de leur solidarité dans la lutte qu’ils doivent mener contre l’oppression de tous les impérialismes...” (9). Les courants anarchistes s’installent parmi les meilleurs serviteurs de la mystification du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ils se retrouvent ainsi à l’unisson de l’idéologie officielle de chacun des blocs (aussi bien de la doctrine Jdanov du bloc de l’Est qui s’affirme comme “le vrai défenseur de la liberté et de l’indépendance de toutes les nations, un adversaire de l’oppression nationale et de l’exploitation coloniale sous toutes ses formes” (10) que de la doctrine américaine qui stipule que “dans ces zones-clé tout doit être fait pour y encourager les formes démocratiques et l’accès à leur indépendance”). Chaque épisode de la guerre impérialiste à laquelle se livrent les blocs soviétique et occidental par nations interposées trouvera sa justification dans ces “théories”, chacune reprise à différentes sauces mais avec le même résultat désastreux pour le prolétariat.
Les anarchistes français travestissent la guerre d’Indochine en “un épisode révolutionnaire” (FA en 1952) ou y voient une “guerre de classe” (FCL en 1954) et proclament la légitimité de “la lutte du prolétariat indochinois” et la nécessité de la “solidarité ouvrière avec le Viêt-minh”.
Ce soutien politique aux luttes de libération nationale ira même jusqu’à l’implication physique. Pendant la Guerre d’Algérie, de nombreux libertaires rejoignent les “porteurs de valise”, les réseaux de soutien au FLN (11). “La position de soutien critique en faveur d’une Algérie socialiste et autogestionnaire” de la FCL au nom de la solidarité “avec les peuples soumis, contre les impérialismes” se concrétise par un soutien matériel actif aux partis nationalistes algériens du MNA, puis du FLN quand ce dernier devient hégémonique après 1956. “Les maquis de l’ALN (Armée de libération nationale) se partagent entre les deux obédiences. Nous le savons d’autant mieux que nous avons parmi nous, à la FCL, des camarades algériens de tendance FLN mais que nous avons rendu des services aux maquis MNA en jouant le rôle d’intermédiaire pour obtenir des “fournitures” (lire : des armes) pour leurs combattants” (12).
Ces prises de position par certains anarchistes, même critiques, en faveur des luttes de libération nationale, ont directement concouru à la soumission des masses à l’impérialisme. Ces courants anarchistes portent une part de responsabilité dans la soumission du prolétariat et des classes exploitées à la barbarie des conflits militaires qui ensanglantent la planète. Prisonniers de la logique d’établir une distinction entre les différents gangsters impérialistes (au nom des droits du plus faible), ils ne font que servir directement de sergent-recruteur au sein du prolétariat, ou de caution au profit de l’un ou de l’autre des camps impérialistes en présence. Le martèlement pendant des décennies de ces mystifications, auxquelles ils ont prêté main-forte, a contribué à retarder la sortie de la contre-révolution et la reprise par le prolétariat de la lutte autonome sur son propre terrain de classe et pour ses propres objectifs.
En effet, les courants officiels de l’anarchisme, qui ont exercé leur influence hégémonique sur la majorité des anarchistes après la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin de la contre-révolution en 1968 et même encore après cette date, n’ont servi qu’à cristalliser et stériliser une réflexion grandissante sur la réalité “communiste” des pays stalinisés. Ces courants ont ainsi utilisé un sentiment de révolte par rapport à ce monstrueux mensonge du communisme dans les pays de l’Est pour répandre des idées comme l’antimilitarisme, le pacifisme, etc., qui, bien que participant d’un véritable questionnement sur la guerre, ne pouvaient que saper la réflexion de beaucoup d’éléments en les canalisant vers l’immédiatisme, l’activisme ou l’individualisme, au détriment de repères et d’une conscience historique des rapports de classes. Ce faisant, ils ont notamment contribué à pousser ceux qui cherchaient à rejeter le “modèle” imposé du stalinisme à se réfugier dans “la défense de la démocratie”, c’est–à-dire dans l’autre camp impérialiste, dont ils se présentaient également comme les pourfendeurs les plus radicaux.
Cependant, après 1968, avec la fin de la contre-révolution et le retour du prolétariat sur la scène de l’histoire, est réapparu ce phénomène déjà constaté à d’autres moment de l’histoire : des éléments politisés ont réellement tenté de trouver la voie révolutionnaire à travers ou à partir de l’anarchisme.
Le développement aux Etats-Unis et dans les pays occidentaux des révoltes étudiantes des années 1960, qui font de l’opposition à la guerre menée par les Etats-Unis au Vietnam leur thème le plus mobilisateur, indique que la chape de plomb de l’idéologie stalinienne commence à se fissurer. En effet, les partis staliniens n’y ont aucune influence alors qu’ils dénoncent l’intervention américaine au Vietnam contre des forces militaires soutenues par un bloc soviétique prétendument anticapitaliste. Surtout, le mensonge du stalinisme “communiste et révolutionnaire” se disloque avec l’entrée en lutte d’une nouvelle génération de jeunes ouvriers lors de la grève générale de 1968 en France et des différents mouvements massifs de la classe ouvrière partout dans le monde ensuite. C’est la fin de la contre-révolution et l’idée de la révolution communiste est remise à l’ordre du jour.
Par leur anti-stalinisme, les organisations anarchistes exercent, dès après la répression du mouvement en Hongrie en 1956, une certaine attraction, auprès d’étudiants essentiellement. Si elles se renforcent numériquement, cependant, les vieilles organisations existantes ne satisfont pas les jeunes qui les jugent sclérosées. L’ensemble du milieu se recompose (13).
Dans ce bouillonnement de la reprise de la lutte des classes internationale, il se trouve à nouveau au sein du milieu anarchiste des minorités et des éléments qui se mettent en recherche des positions de classe du prolétariat et qui tentent de se donner une cohérence révolutionnaire à partir de l’anarchisme. Ainsi, une partie du nouveau milieu libertaire s’ouvre-t-elle à des organisations qui développent certaines positions de classe (Socialisme ou barbarie), ou même au milieu politique prolétarien, en particulier son pôle conseilliste organisé, incarné par “Informations et correspondances ouvrières”. C’est ainsi que le groupe “Noir & rouge”, par exemple, se démarque de la FA et, reconnaissant “la primauté de la lutte des classes”, propose une “actualisation et une adaptation des principes de l’anarchisme.” Le groupe affirme la nécessité du débat et défend “le contact avec d’autres camarades ne se réclamant pas forcément de l’anarchisme”. Il dénonce la sacralisation de la “révolution espagnole” qui “interdit toute critique” (14). Dans sa quête des formes de luttes propres aux travailleurs, le groupe se tourne vers les apports politiques de la Gauche communiste germano-hollandaise et de Pannekoek. Il participe à la rencontre internationale organisée par ICO à Bruxelles en 1969 aux côtés de Paul Mattick, ancien militant de la Gauche communiste allemande émigré aux Etats-Unis, et Cajo Brendel animateur du groupe conseilliste hollandais “Daad & Gedachte”.
L’importance politique de cette réflexion au sein du milieu anarchiste autour des questions du renforcement et des moyens de la lutte des classes du prolétariat a été masquée par son caractère limité. En effet, comme ce questionnement s’est enclenché autour du pôle du milieu prolétarien du conseillisme organisé qui fera faillite et disparaîtra dans le milieu des années 1970, le groupe “Noir & rouge” sera entraîné dans ce naufrage et disparaîtra dans la foulée, occasionnant un important gâchis d’énergies militantes. Le contexte général des illusions du prolétariat sur la possibilité pour le système capitaliste de trouver une issue à sa crise économique, ainsi que les difficultés du prolétariat dans la politisation de son combat pour affirmer la perspective de la révolution, vont être exploités à fond par les gauchistes de toute obédience pour briser tout effort de conscience orienté vers la révolution.
Toutefois, une partie de ces nouveaux éléments issus de l’anarchisme va malgré tout parvenir à se frayer une voie vers le nouveau milieu politique prolétarien renaissant avec le retour du prolétariat sur la scène de l’histoire.
Scott
1) Postface de M. Zemliak au livre de Max Nettlau, Histoire de l’Anarchie, Artefact, p. 279.
2) Lettre de S. Nin, 24.08.50, citée par G. Fontenis, l’Autre communisme, Acratie, p. 134.
3) A l’occasion de la venue en France en mai 1952 du commandant en chef des forces de l’OTAN, Ridgway, le PCF livre ses troupes à de véritables combats de rue face à d’imposantes forces de police qui feront un mort et 17 blessés dans les rangs ouvriers.
4) G. Fontenis, op. cit., p. 149.
5) Idem, p. 134.
6) Idem, p. 149.
7) Sylvain Boulouque, les Anarchistes français face aux guerres coloniales (1945-1962), Atelier de création libertaire, p. 61.
8) Idem, p.65.
9) Résolution du congrès de la Fédération anarchiste d’octobre 1945, sur increvablesanarchistes.org.
10) Joukov, Crise du système colonial, Moscou, 1949.
11) Comme le revendique Alternative libertaire : “On oublie trop souvent que les réseaux “porteurs de valise” qui ont soutenu les indépendantistes algériens pendant la guerre n’ont pas débuté leur existence en 1957 avec l’action de P. Jeanson puis H. Curiel. Au lendemain de la l’insurrection de la Toussaint 1954 en effet, les seules organisations à soutenir l’indépendance algérienne se situaient à l’extrême-gauche. Il s’agissait du Parti communiste internationaliste (PCI-trotskiste) et la FCL. En Algérie même, le Mouvement libertaire nord-africain (MLNA), lié à la FCL, entre en lutte contre l’Etat français, pour l’indépendance du pays, dés la Toussaient 1954. La police française liquidera le MLNA puis la FCL entre 1956 et 1957. Les libertaires poursuivront néanmoins la lutte contre le colonialisme, au sein des Groupes anarchistes d’action révolutionnaires (GAAR) ou, pour les rescapés de la FCL, au sein de Voie communiste.”
12) G. Fontenis, op. cit., p. 209.
13) Par exemple, en 1965, en Italie, divers groupes, les Groupes d’initiative anarchiste, quittent la FAI ; les jeunes du nord de l’Italie se détachent de la FAGI pour constituer les Groupes anarchistes fédérés. En France, l’Organisation révolutionnaire anarchiste se sépare de la FA en 1970 pour se rapprocher des autres organisations d’extrême-gauche non libertaires, et deviendra par la suite l’Organisation communiste libertaire.
14) Citations extraites de Cédric Guérin, Pensée et action des anarchistes en France : 1950-1970, raforum.apinc.org.
La confirmation de la validité du marxisme ne concerne pas seulement la question de la vie économique de la société. Au cœur des mystifications qui s’étaient répandues au début des années 1990 résidait celle de l’ouverture d’une période de paix pour le monde entier. La fin de la Guerre froide, la disparition du bloc de l’Est, présenté en son temps par Reagan comme “l’Empire du mal”, étaient censé mettre un terme aux différents conflits militaires à travers lesquels s’était mené l’affrontement entre les deux blocs impérialistes depuis 1947. Face à ce type de mystifications sur la possibilité de paix au sein du capitalisme, le marxisme a toujours souligné l’impossibilité pour les Etats bourgeois de dépasser leurs rivalités économiques et militaires, particulièrement dans la période de décadence. C’est pour cela que, dès janvier 1990, nous pouvions écrire :
“La disparition du gendarme impérialiste russe, et celle qui va en découler pour le gendarme américain vis-à-vis de ses principaux “partenaires” d’hier, ouvrent la porte au déchaînement de toute une série de rivalités plus locales. Ces rivalités et affrontements ne peuvent pas, à l’heure actuelle, dégénérer en un conflit mondial (...). En revanche, du fait de la disparition de la discipline imposée par la présence des blocs, ces conflits risquent d’être plus violents et plus nombreux, en particulier, évidemment, dans les zones où le prolétariat est le plus faible” (Revue internationale no 61, “Après l’effondrement du bloc de l’Est, stabilisation et chaos”).
La scène mondiale n’allait pas tarder à confirmer cette analyse, notamment avec la première guerre du Golfe en janvier 1991 et la guerre dans l’ex-Yougoslavie à partir de l’automne de la même année. Depuis, les affrontements sanglants et barbares n’ont pas cessé. On ne peut tous les énumérer mais on peut souligner notamment :
– la poursuite de la guerre dans l’ex-Yougoslavie qui a vu un engagement direct, sous l’égide de l’OTAN, des Etats-Unis et des principales puissances européennes en 1999 ;
– les deux guerres en Tchétchénie ;
– les nombreuses guerres qui n’ont cessé de ravager le continent africain (Rwanda, Somalie, Congo, Soudan, etc.) ;
– les opérations militaires d’Israël contre le Liban et, tout récemment, contre la bande de Gaza ;
– la guerre en Afghanistan de 2001 qui se poursuit encore ;
– la guerre en Irak de 2003 dont les conséquences continuent de peser de façon dramatique sur ce pays, mais aussi sur l’initiateur de cette guerre, la puissance américaine.
Le sens et les implications de la politique de cette puissance ont depuis longtemps été analysés par le CCI :
“le spectre de la guerre mondiale a cessé de menacer la planète mais, en même temps, on a assisté à un déchaînement des antagonismes impérialistes et des guerres locales avec une implication directe des grandes puissances, à commencer par la première d’entre elles, les Etats-Unis. Il revenait à ce pays, qui s’est investi depuis des décennies du rôle de “gendarme du monde”, de poursuivre et renforcer ce rôle face au nouveau “désordre mondial” issu de la fin de la Guerre froide. En réalité, s’il a pris à cœur ce rôle, ce n’est nullement pour contribuer à la stabilité de la planète mais fondamentalement pour tenter de rétablir son leadership sur celle-ci, un leadership sans cesse remis en cause, y compris et notamment par ses anciens alliés, du fait qu’il n’existe plus le ciment fondamental de chacun des blocs impérialistes, la menace d’un bloc adverse. En l’absence définitive de la “menace soviétique”, le seul moyen pour la puissance américaine d’imposer sa discipline est de faire étalage de ce qui constitue sa force principale, l’énorme supériorité de sa puissance militaire. Ce faisant, la politique impérialiste des Etats-Unis est devenue un des principaux facteurs de l’instabilité du monde” (Résolution sur la situation internationale, 17e congrès du CCI, point 7).
L’arrivée du démocrate Barak Obama à la tête de la première puissance mondiale a suscité beaucoup d’illusions sur un possible changement d’orientation de la stratégie de celle-ci, un changement permettant l’ouverture d’une “ère de paix”. Une des bases de ces illusions provient du fait qu’Obama fut l’un des rares sénateurs américains à voter contre l’intervention militaire en Irak en 2003 et qui, contrairement à son concurrent républicain McCain, s’est engagé pour un retrait de ce pays des forces armées américaines. Cependant, ces illusions ont été rapidement confrontées à la réalité des faits. En particulier, si Obama a prévu de retirer les forces américaines d’Irak, c’est pour pouvoir renforcer leur engagement en Afghanistan et au Pakistan. D’ailleurs, la continuité de la politique militaire des Etats-Unis est bien illustrée par le fait que la nouvelle administration a reconduit dans ses fonctions le secrétaire à la Défense, Gates, nommé par Bush.
En réalité, la nouvelle orientation de la diplomatie américaine ne remet nullement en question le cadre rappelé plus haut. Elle continue d’avoir pour objectif la reconquête du leadership des Etats-Unis sur la planète au moyen de leur supériorité militaire. Ainsi, l’orientation d’Obama en faveur de l’accroissement du rôle de la diplomatie a en grande partie pour but de gagner du temps et donc de reculer le moment d’inévitables interventions impérialistes des forces militaires américaines qui sont, actuellement, trop dispersées et trop épuisées pour mener simultanément des guerres en Irak et en Afghanistan
Cependant, comme le CCI l’a souvent souligné, il existe au sein de la bourgeoisie américaine deux options pour parvenir à ces fins :
– l’option représentée par le Parti démocrate qui essaie d’associer autant que possible d’autres puissances à cette entreprise ;
– l’option majoritaire parmi les républicains consistant à prendre l’initiative des offensives militaires et à l’imposer coûte que coûte aux autres puissances.
La première option fut notamment mise en œuvre à la fin des années 1990 par l’administration Clinton dans l’ex Yougoslavie où cette administration avait réussi à obtenir des principales puissances d’Europe occidentale, notamment l’Allemagne et la France de coopérer et participer aux bombardements de l’OTAN en Serbie pour contraindre ce pays à abandonner le Kosovo.
La seconde option est typiquement celle du déclenchement de la guerre contre l’Irak en 2003 qui s’est faite contre l’opposition très déterminée de l’Allemagne et de la France associées en cette circonstance à la Russie au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU.
Cependant, aucune de ces deux options n’a été en mesure, jusqu’à présent, de renverser le cours de la perte du leadership américain. La politique du “passage en force”, qui s’est particulièrement illustrée durant les deux mandats de George Bush fils, a conduit non seulement au chaos irakien, un chaos qui n’est pas près d’être surmonté, mais aussi à un isolement croissant de la diplomatie américaine illustré notamment par le fait que certains pays qui l’avaient soutenue en 2003, tels l’Espagne et l’Italie, ont quitté le navire de l’aventure irakienne en cours de route (sans compter la prise de distance plus discrète du gouvernement de Gordon Brown par rapport au soutien inconditionnel apporté par Tony Blair à cette aventure). De son côté, la politique de “coopération”, qui a la faveur des démocrates, ne permet pas réellement de s’assurer une “fidélité” des puissances qu’on essaie d’associer aux entreprises militaires, notamment du fait qu’elle laisse une marge de manœuvre plus importante à ces puissances pour faire valoir leurs propres intérêts.
Aujourd’hui, par exemple, l’administration Obama a décidé d’adopter une politique plus conciliante à l’égard de l’Iran et plus ferme à l’égard d’Israël, deux orientations qui vont dans le sens de la plupart des Etats de l’Union Européenne, notamment l’Allemagne et la France, deux pays qui souhaitent récupérer une partie de l’influence qu’ils ont eue par le passé en Iran et en Irak. Cela dit, cette orientation ne permettra pas d’empêcher que se maintiennent des conflits d’intérêt majeurs entre ces deux pays et les Etats-Unis notamment dans la sphère Est-européenne (où l’Allemagne essaie de préserver des rapports “privilégiés” avec la Russie) ou africaine (où les deux factions qui mettent à feu et à sang le Congo ont le soutien respectif de la France et des Etats-Unis).
Plus généralement, la disparition de la division du monde en deux grands blocs impérialistes rivaux a ouvert la porte à l’émergence des ambitions d’impérialismes de second plan qui constituent de nouveaux protagonistes de la déstabilisation de la situation internationale. Il en est ainsi, par exemple de l’Iran qui vise à conquérir une position dominante au Moyen-Orient sous le drapeau de la “résistance” au “Grand Satan” américain et du combat contre Israël. Avec des moyens bien plus considérables, la Chine vise à étendre son influence sur d’autres continents, particulièrement en Afrique où sa présence économique croissante vise à asseoir dans cette région du monde une présence diplomatique et militaire comme c’est déjà le cas dans la guerre au Soudan.
Ainsi, la perspective qui se présente à la planète après l’élection d’Obama à la tête de la première puissance mondiale n’est pas fondamentalement différente de la situation qui a prévalu jusqu’à présent : poursuite des affrontements entre puissances de premier ou second plan, continuation de la barbarie guerrière avec des conséquences toujours plus tragiques (famines, épidémies, déplacements massifs) pour les populations habitant dans les zones en dispute. Il faut même s’attendre à ce que l’instabilité que va provoquer l’aggravation considérable de la crise dans toute une série de pays de la périphérie ne vienne alimenter une intensification des affrontements entre cliques militaires au sein de ces pays avec, comme toujours, une participation des différentes puissances impérialistes. Face à cette situation, Obama et son administration ne pourront pas faire autre chose que poursuivre la politique belliciste de leurs prédécesseurs, comme on le voit par exemple en Afghanistan, une politique synonyme de barbarie guerrière croissante.
De même que les “bonnes dispositions” affichées par Obama sur le plan diplomatique n’empêcheront pas le chaos militaire de se poursuivre et de s’aggraver dans le monde ni la nation qu’il dirige d’être un facteur actif dans ce chaos, la réorientation américaine qu’il annonce aujourd’hui dans le domaine de la protection de l’environnement ne pourra empêcher la dégradation de celui-ci de se poursuivre. Cette dégradation n’est pas une question de bonne ou mauvaise volonté des gouvernements, aussi puissants soient-ils. Chaque jour qui passe met un peu plus en évidence la véritable catastrophe environnementale qui menace la planète : tempêtes de plus en plus violentes dans des pays qui en étaient épargnés jusqu’à présent, sécheresse, canicules, inondations, fonte de la banquise, pays menacés d’être recouverts par la mer… les perspectives sont de plus en plus sombres. Cette dégradation de l’environnement porte avec elle également une menace d’aggravation des affrontements militaires, particulièrement avec l’épuisement des réserves d’eau potable qui vont constituer un enjeu pour de nouveaux conflits.
Comme le soulignait la résolution adoptée par le précédent congrès international :
“Ainsi, comme le CCI l’avait mis en évidence il y a plus de 15 ans, le capitalisme en décomposition porte avec lui des menaces considérables pour la survie de l’espèce humaine. L’alternative annoncée par Engels à la fin du xixe siècle, socialisme ou barbarie, est devenue tout au long du xxe siècle une sinistre réalité. Ce que le xxie siècle nous offre comme perspective, c’est tout simplement socialisme ou destruction de l’humanité. Voilà l’enjeu véritable auquel se confronte la seule force de la société en mesure de renverser le capitalisme, la classe ouvrière mondiale” (Point 10).
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C’est au nom de la “protection de l’environnement” que le gouvernement français impose sa dernière trouvaille : la taxe carbone qui va coûter plusieurs centaines d’euros supplémentaires à tous ceux contraints de prendre leur voiture pour se rendre à leur travail et aux familles qui se chauffent au gaz ou au fioul domestique. Cette “écotaxe” va toucher d’une manière ou d’une autre l’immense majorité de la population alors que pour les entreprises, elle s’inscrit dans un simple octroi déjà rodé en Europe d’autorisation à polluer (d’ailleurs en partie compensé par la suppression parallèle de la taxe professionnelle). Ce “geste”, que la France ambitionne d’étendre à l’échelle européenne, bien loin de “sauver la planète” avec l’aide de chacun, masque l’incapacité du système capitaliste d’empêcher la propagation croissante des gaz à effet de serre.
On nous dit aussi que c’est pour “sauver la protection sociale” que la nouvelle augmentation du forfait hospitalier à la charge de chaque patient a été décidée. Elle passera ainsi au premier janvier prochain de 16 à 18 euros. Il faut se rappeler que cette mesure a été introduite début 1983 sous l’ère Mitterrand par le ministre de la Santé de l’époque, le ministre “communiste” Jack Ralite. Dans la foulée, le déremboursement des dépenses de santé (entrepris par Martine Aubry sous le gouvernement Jospin) se poursuit : il passera de 35 à 15% sur une série de médicaments de base comme les vasodilatateurs, les anti-hémorroïdaires, les traitements contre les brûlures ou les compléments en magnésium. Pour les millions d’assurés sociaux, travailleurs ou chômeurs sans mutuelle complémentaire, cela deviendra de plus en plus impossible de se soigner. Ces laissés pour compte n’ont qu’à crever ! Et pour les autres, ce sera une nouvelle augmentation de leurs cotisations.
C’est soi-disant par souci de “justice sociale”, comme l’a répété avec culot lors de son interview le président Sarkozy à la veille du sommet du G20 à Pittsburgh, qu’est introduite la scandaleuse imposition sur les indemnités journalières des accidents du travail (environ 20 000 cas par an en France, en particulier dans le secteur le plus exposé du bâtiment et des travaux publics). Cette mesure est particulièrement cynique : on demande aux prolétaires victimes dans leur chair de leurs conditions de travail de payer eux-mêmes le défaut de protection de leur entreprise, alors que les cadences s’accélèrent en lien avec les pertes d’emploi non remplacées et alors que l’exposition aux risques d’accidents de travail ne cesse corrélativement d’augmenter. De plus, cette pénalisation vient aggraver une perte de revenus puisque les accidentés du travail ne perçoivent plus qu’entre 60 et 70 % de leur salaire.
Les fables qui cherchent à faire passer la pilule et à rendre présentable cette série de nouvelles attaques édifiantes dans l’hexagone s’accompagnent de nouvelles hausses de tarifs adoptées cet été : de 2 % à EDF (pour la troisième fois en deux ans) depuis le 15 août, de 2 à 3 % à la RATP comme chaque année au 1er juillet comme dans la plupart des transports publics. Le “pouvoir d’achat” des prolétaires se réduit chaque mois comme une peau de chagrin.
En même temps, ce sont plus de 18 000 chômeurs supplémentaires qui ont été enregistrés officiellement au mois d’août en France, ou plutôt 32 200 en incluant les demandeurs d’emploi ayant une activité réduite ; ce qui porte à plus de 2 millions et demi le nombre d’inscriptions au Pôle emploi. Les jeunes sont particulièrement touchés (près de 25 % de la tranche 16-24 ans sont désormais sans emploi) et les ouvriers de plus de 50 ans (ce qui signifie des retraites à venir encore plus misérables).
Après la SNCF, France-Télécom où le “dégraissage” continue (voir notre article sur les vagues de suicides dans de nombreuses entreprises en page 3), la “rationalisation” des dépenses dans les “services publics” s’accélère. Ainsi, à la Poste, prétendument pour “s’adapter à la concurrence internationale”, cette entreprise a fait fermer 140 bureaux de poste supplémentaires et supprimé 7600 emplois au cours des six derniers mois. Ce qui s’ajoute aux 20 000 emplois perdus entre 2002 et 2008 et aux 56 000 employés qui ont perdu leur statut de fonctionnaires.
Dans le privé, les effets de l’accélération de la crise se traduisent par des plans de licenciements massifs qui, après avoir touché les PME, s’étendent de plus en plus aux grandes entreprises dans tous les secteurs, comme l’automobile ou l’aéronautique. Partout, la même logique inhumaine des lois du capitalisme frappe les ouvriers, qu’ils travaillent ou pas, depuis les cadres jusqu’aux immigrés clandestins en quête de survie et de travail (voir notre article en page 3). Il n’y a plus de limites à l’exploitation et à la misère… L’impasse dans laquelle le capitalisme condamne l’humanité se révèle partout de manière criante.
Quant aux syndicats vers lesquels on incite les ouvriers à se tourner pour se défendre, la parodie spectaculaire de manifestation qu’ils ont organisée le 8 septembre devant la Bourse de Paris, réservée aux seuls ouvriers de l’automobile, comme leur appel à une journée de mobilisation pour le 7 octobre, démontrent qu’ils entendent simplement se préparer à continuer à défouler la colère des prolétaires à l’image des rituelles “journées d’action” ponctuelles et stérilisantes dont les ouvriers ont largement fait l’expérience en début d’année (voir RI nos 399 et 400).
Pour sauver la planète comme pour sortir de cet enfoncement inexorable dans la misère et la surexploitation, il est nécessaire d’abattre le capitalisme. Pour prendre conscience qu’ils sont la seule force sociale capable de briser les chaînes inhumaines de ce système, les ouvriers ne peuvent compter que sur le développement de leurs propres moyens de lutte.
W (26 septembre)
A Pittsburgh, les 24 et 25 septembre, s’est tenu le troisième sommet du G20 1, nouveau “forum international” tout spécialement créé pour endiguer la crise qui frappe de plein fouet l’économie mondiale depuis l’été 2007. A en croire le communiqué final, cette mission est d’ailleurs d’ores et déjà accomplie. Dressant le bilan des engagements pris en avril lors du sommet de Londres, les membres du G20 affirment en effet, très satisfaits d’eux-mêmes : “Cela a marché” ! “Notre réponse énergique a contribué à stopper la chute dangereuse de l’activité mondiale et à stabiliser les marchés financiers” 2. Il s’agirait donc maintenant de booster “la reprise”. Le Premier ministre britannique Gordon Brown s’est ainsi félicité : “Ici à Pittsburgh, les dirigeants représentant les deux tiers de la population mondiale ont adopté un plan international pour l’emploi, la croissance et une reprise économique durable” 3. Comment ? La réponse est dans le texte : “Nous nous réunissons en ce moment crucial de transition entre la crise et la reprise pour tourner la page d’une ère d’irresponsabilité et adopter un ensemble de mesures, de règles et de réformes nécessaires pour répondre aux besoins de l’économie mondiale du xxie siècle.”
Plus concrètement :
• “Nous avons décidé (...) de veiller à ce que nos systèmes de régulation des banques et des autres établissements financiers contiennent les excès qui ont conduit à la crise. Là où l’inconscience et l’absence de responsabilité ont entraîné la crise, nous n’autoriserons pas un retour aux pratiques bancaires antérieures.”
• “Nous nous sommes engagés à agir ensemble pour élever les normes en matière de capitaux, pour mettre en oeuvre des normes internationales strictes en matière de rémunérations afin de mettre un terme aux pratiques qui entraînent une prise de risques excessive, pour améliorer le marché de gré à gré des produits dérivés et pour créer des instruments plus puissants pour assurer que les grandes sociétés multinationales assument la responsabilité des risques qu’elles prennent” 4.
A la suite de ces décisions, le président français Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à parler d’un changement “historique” et “complet” sur la réglementation financière : “Pour la première fois, les banques centrales disposeront du pouvoir de limiter le montant global des bonus” et “Le secret bancaire, les paradis fiscaux c’est fini” s’est-il réjoui5.
Résumons : la crise économique “la plus profonde (…) de mémoire d’homme”6, les licenciements par millions, la hausse spectaculaire du chômage et l’aggravation de la pauvreté sur toute la planète… tout cela aurait pour seule cause la folie des financiers et l’absence de scrupules des traders. Et les “grands de ce monde” de conclure logiquement : réglementons les secteurs bancaires et boursiers, encadrons plus efficacement les “bonus” et, demain, tout ira en s’améliorant, dans le meilleur des mondes. D’ailleurs, poursuivent-ils, les médias font sonner depuis quelques semaines déjà les trompettes de la “reprise économique”, les analystes annoncent “le bout du tunnel” et les bourses s’envolent !
Quand les vingt plus grands bonimenteurs de la planète s’écrient ainsi en chœur “faites nous confiance et ça ira mieux demain !”, il est sage de se méfier et d’y regarder à deux fois. Alors, qu’en est-il vraiment de cette “croissance durable” à venir ?
La bourgeoisie répète inlassablement que nous sommes confrontés à la pire crise économique depuis 1929. Ce qui est vrai. Mais par une telle insistance, elle aimerait nous faire croire qu’entre les deux “grandes dépressions”, le capitalisme s’est plutôt bien porté. Il s’agirait donc de deux “accidents”, forcément ponctuels. En 2008, il y aurait eu une sortie de route en quelque sorte mais le véhicule “économie mondiale” serait en passe de repartir.
La réalité est évidemment toute autre. Depuis plus d’un siècle, le capitalisme est un système décadent 7, malade, à l’agonie, qui régulièrement convulse dans des crises violentes et dévastatrices :
• En 1914, avec la Première Guerre mondiale, le capitalisme est entré de manière fracassante dans sa période de décadence. Dix millions de morts. Par cette abominable boucherie, ce système d’exploitation apporte la preuve qu’il n’a dorénavant plus rien de bon à apporter à l’humanité.
• En 1929, un krach sans précédent plonge les principales économies du globe dans un profond marasme économique. Pendant plus d’une décennie, des millions de chômeurs et de sans-abris survivent en allant à la soupe populaire8.
• En 1939, une horreur en chasse une autre ; la Seconde Guerre mondiale ravage la planète. Soixante millions de morts.
• En 1950, une sorte d’accalmie se dessine. Tout en plongeant l’humanité dans la terreur de la guerre froide et sa crainte permanente d’un conflit nucléaire, sur le plan économique, la croissance va s’installer pendant près de 17 ans. Naturellement, cette “prospérité” se fera sur le dos de la classe ouvrière à qui l’on va imposer des cadences et une productivité en constante augmentation. L’apparition de “l’Etat providence”, la sécurité sociale, les congés payés n’auront d’ailleurs pour seul but que d’avoir une main d’œuvre en bonne santé, capable d’intensifier ses efforts, de produire plus et plus vite.
• En 1967, cette relative parenthèse prend fin. La crise fait sa réapparition à travers la dévaluation brutale de la livre sterling. Le chômage, fléau qui avait presque disparu, vient à nouveau hanter les rangs ouvriers et, depuis lors, il n’a cessé de croître ! Les différents mouvements de grève qui éclatent un peu partout dans le monde – dont Mai 68 en France – constituent d’ailleurs une réaction de la classe ouvrière face à ce retour de la crise.
• Les années 1970 et 1980 sont marquées par une série de convulsions économiques. En 1971, le dollar plonge. 1973 connaît le premier “choc pétrolier”. Suivent deux années de récession. Puis l’inflation devient galopante aux Etats-Unis et en Europe (les prix s’envolent et les salaires ne suivent pas). En 1982, éclate la “crise de la dette”. En 1986, la bourse de Wall Street s’effondre. Et, enfin, les années 1980 s’achèvent par… une récession.
• En 1992-93, nouvelle récession, plus brutale encore. Le chômage explose.
• En 1997, la crise des "Tigres" et des "Dragons" asiatiques fait trembler la bourgeoisie mondiale. La classe dominante craint qu’elle ne contamine toutes les régions du monde, craintes justifiées puisque la Russie et l’Argentine finissent effectivement par plonger à leur tour. Il faut dire que la croissance de tous ces pays avait été soutenue artificiellement par la création d’une montagne de dettes que personne ne pouvait rembourser. La faillite était forcément au bout du chemin. La bourgeoisie va néanmoins réussir à éviter le pire – la dépression mondiale – en injectant massivement de l’argent via ses instances internationales (autrement dit, en contractant de nouvelles dettes !) et en faisant croire qu’une ère de prospérité s’annonce grâce à la “nouvelle économie” : et la percée d’Internet.
• En 2000-2001, patatras ! les promesses de la “nouvelle économie” s’évanouissent, la bulle spéculative sur les entreprises du net (les fameuses “Start up”) éclatent. Mais une fois encore, l’économie mondiale redémarre pour un temps. Comment ? Par un nouvel amoncellement de dettes. Cette fois-ci, ce sont en particulier les ménages américains (mais aussi espagnols, anglais, finlandais…) qui sont priés de s’endetter pour soutenir la croissance ; les prêts sont dès lors “facilités”, il n’y a plus ni contrôle, ni conditions de ressources. Et nous savons aujourd’hui où cette politique a mené.
Bref, depuis plus d’un siècle, le capitalisme frappe l’humanité de ses fléaux. En particulier, depuis 40 ans et la fin des “Trente glorieuses” 9, l’économie est en plein marasme ; les récessions se succèdent et les “relances” n’ont pour seul ressort que l’accumulation de nouvelles dettes. Et logiquement, chaque fois que sonne l’heure de rembourser, c’est la faillite, le krach.
Ce petit rappel historique, qui replace la récession actuelle comme le dernier maillon d’une chaîne ininterrompue de convulsions économiques, suffit à montrer à quel point les espoirs de “sortie de crise” de ces dernières semaines sont en fait une énième fumisterie, de la poudre aux yeux, des mensonges ! Pour la classe ouvrière comme pour toute l’humanité, l’avenir est en réalité à une paupérisation croissante.
Dans son dernier numéro, Global Europe Anticipation Bulletin, un groupe d’experts économiques, utilise une image parfaitement appropriée pour décrire ce “rebond” momentané : “Pour représenter la crise aujourd’hui, notre équipe a tenté de trouver une image simple. Voici l’analogie qui s’est imposée à nos chercheurs : une balle en caoutchouc rebondissant de marche en marche dans un escalier : si elle semble remonter à chaque marche par effet rebond (donnant un moment l’impression que sa chute s’est arrêtée), c’est pour tomber encore plus bas à la marche suivante, pour effectuer une “reprise” de sa chute”. (GEAB no 37, 15 septembre 2009) 10. Cela fait quarante que cette “balle de caoutchouc” chute dans les escaliers, mais ce faisant elle prend de la vitesse et, après être descendue marche après marche, elle les dévale aujourd’hui quatre à quatre !
Evidemment, nul ne sait encore précisément quelle forme et quelle ampleur va prendre cette nouvelle chute. Dans quelques semaines, le bilan annuel des banques révélera-t-il des déficits vertigineux, précipitant dans la faillite de nouveaux établissements internationaux ? Ou est-ce, dans quelques mois, le dollar qui finira par flancher en entraînant derrière lui un dérèglement monétaire mondial ? N’est-ce pas plutôt l’inflation qui va, dans les années à venir, faire son grand retour et ronger l’économie ? Une seule chose est certaine : la bourgeoisie est incapable d’endiguer cette spirale infernale et d’impulser une croissance réelle et durable. Si ponctuellement, en cette fin d’année 2009, elle est parvenue à éviter le pire en injectant des milliards de dollars par le biais de ses banques centrales (environ 1600 milliards à ce jour), elle a surtout creusé encore un peu plus les déficits et préparé ainsi de nouveaux cataclysmes plus dévastateurs. Concrètement, pour la classe ouvrière, cela signifie qu’elle n’a rien d’autre à attendre de ce système moribond que plus de chômage et plus de misère. Seule la révolution prolétarienne internationale pourra mettre un terme à ces souffrances !
Pawel (26 septembre)
1) États-Unis, Canada, Japon, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni (G7) + Russie (G8) + Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Turquie et Union européenne (G20).
2) Point 5 du communiqué final.
3) Le Monde du 26 septembre.
4) Idem.
5) Le Figaro du 26 septembre.
6) Rapport intermédiaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques, mars 2009.
7) Lire notre article : “Qu’est-ce que la décadence ? [82]”.
8)
Cette période noire, en particulier pour la population américaine,
a été immortalisée par un roman, les Raisins de la colère,
de Steinbeck, et par un film, On achève bien les chevaux, de
Pollack.
9) Cette appellation est abusive et mensongère puisque cette période de croissance, l‘après-guerre, n’a en fait duré que 17 années.
10) Source : http ://www.leap2020.eu/GEAB-N-37-est-disponible [83] !-Crise-systemique-globale-A-la-poursuite-de-l-impossible-reprise_a3791.html
Le 22 septembre, suivi par une cohorte de journalistes armés de leurs caméras, un grand spectacle médiatique était organisé par le gouvernement à Calais pour l’évacuation programmée de “la jungle”, refuge de milliers de migrants entassés misérablement sous des planches et des toiles de tentes, survivant péniblement grâce à quelques bénévoles.
On a pu voir l’évacuation musclée d’un camp d’êtres humains, traqués et pourchassés comme des animaux nuisibles, désignés avec mépris sous le terme de “clandestins” comme s’ils s’agissaient de délinquants. Leur crime ? Avoir voulu fuir la misère ou la guerre, souvent les deux, de leur pays d’origine, en ayant tout quitté au péril de leur vie, pour échouer dans ces bidonvilles. Tous poursuivent le même rêve : ils cherchent obstinément à gagner l’Angleterre où ils espèrent trouver du travail et, pour cela, tentent de s’embarquer à bord de camions lors des contrôles de passage au port malgré les dissuasives fouilles minutieuses. Ce sont donc ceux-là qui étaient attendus par tous ces charognards de journaleux en quête de scoop grâce à l’intervention massive des forces de l’ordre. Spectacle ignoble, digne de celui que nous avons connu récemment lors de l’expulsion violente de ces émigrés, femmes et enfants compris, qui s’étaient réfugiés dans les locaux de la CGT et qui ont été jetés de force sur le pavé par les gros bras de ce syndicat, sous l’œil compatissant de la bourgeoise de droite comme de gauche.
A l’issue de ce cirque médiatique, la plupart de ces déshérités ont été capturés pour se retrouver parqués ailleurs dans des centres de rétention, dans l’attente de leur expulsion définitive. Ceux qui n’ont pas été pris continueront à se cacher dans les dunes de sable qui entourent Calais ou à errer aux abords de la ville, quitte à crever sur le trottoir.
Comme toujours, l’hypocrisie de la bourgeoisie est sans limite. On a ainsi pu entendre et lire Eric Besson, transfuge du Parti “socialiste” et ministre de l’immigration en exercice, répétant que toute cette opération avait pour but, non pas de lutter contre les émigrants mais contre les passeurs. Sortez vos mouchoirs !
Faire donner 500 CRS contre moins de 300 personnes (la plupart Afghans) dont plus de la moitié sont mineures, des enfants, est sans aucun doute un super-coup porté aux trafiquants de vie humaine, trafiquants protégés par les mafieux des pouvoirs publics, ceux-là même qui vendent d’autres enfants et des adolescentes, filles et garçons, aux réseaux de prostitution de toute l’Europe ! A qui cet hypocrite veut-il faire avaler une telle ineptie ? La destruction au bulldozer de cette “jungle”, comme après la fermeture du camp de Sangatte en 2004, n’empêchera pas ces malheureux, qui n’ont de toute façon aucun autre choix, de revenir dans les parages, avec bien d’autres.
En réalité, cette expulsion spectaculaire et militarisée à l’extrême traduit en premier lieu la volonté de la bourgeoisie française de ne plus accepter sur son sol de candidats à l’immigration. Cette intervention et cette mise en scène ont pour objectif de signifier que la politique de répression et d’expulsion va être rigoureusement et fortement renforcée. Avec la montée en masse du chômage et de la misère, la bourgeoisie française veut autant que possible se débarrasser d’un maximum de ces gens totalement indésirables. Le message est clair, il se résume en quelques mots : “Allez crever ailleurs !” De plus, cette politique de fermeté vient rappeler à tous que le gouvernement s’occupe de manière décidée de la sécurité du territoire.
Cette écœurante et déplorable mise en scène est révélatrice une fois de plus du degré d’inhumanité des gouvernements et des serviteurs zélés du capitalisme.
Tino (25 septembre)
Mardi 1er septembre. Devant le tribunal correctionnel de Compiègne, attendant le jugement, un des sept ouvriers de l’usine Continental de Clairoix poursuivis pour le “saccage” de la sous-préfecture de Compiègne le 21 avril dernier exprime son inquiétude : “Si en plus nous on prend de la prison avec sursis, on va faire quoi ? Ça peut jouer sur tout, nous, si on veut reprendre un commerce tout ça, si on se retrouve avec un casier judiciaire, ben on va être mis de côté aussi ; déjà on va avoir du mal à retrouver un emploi, alors… si en plus on a un casier sur la tête, à mon avis ça va être dur dur” 1. Pour l’instant, effectivement, seule une quinzaine d’ouvriers, parmi les 1120 licenciés de l’usine de Clairoix, ont retrouvé du travail !
Et le verdict tombe : six d’entre eux sont condamnés à des peines allant de trois à cinq mois de prison avec sursis. De plus, ils devront à nouveau comparaître le 4 novembre avec la possibilité de se voir infliger des dommages et intérêts conséquents, estimés entre 48 000 et 120 000 € 2 !
Ce qui frappe ici d’emblée, c’est la sévérité extrême de l’Etat et de sa justice. Comme l’a justement souligné un ouvrier à la sortie du tribunal, il y a bien deux poids, deux mesures : quand des dégradations bien plus importantes sont commises lors de manifestations d’agriculteurs, de routiers, de pêcheurs…, la clémence est au contraire de mise. Pourquoi ? En frappant fort, la bourgeoisie a voulu lancer un message clair à toute la classe ouvrière : “Si vous luttez, préparez-vous à être broyés par tous les moyens, y compris par la machine judiciaire.” Elle a réprimé une poignée de travailleurs pour distiller dans les rangs ouvriers un profond sentiment de découragement.
Mais si la bourgeoisie a affiché la couleur en mettant en œuvre tous les moyens dont elle dispose pour imposer par la force son pouvoir de classe dominante, les syndicats, bien sûr à travers les meneurs locaux, ces radicaux jusqu’au-boutistes, sont au contraire sortis de cette affaire avec une image plutôt combative et valorisée aux yeux des travailleurs. Xavier Mathieu (responsable CGT très médiatisé et qui a dernièrement fait la Une pour avoir “osé” dénoncer les trahisons du responsable national de son syndicat, Bernard Thibault) fait partie de la liste des six condamnés. Et, évidemment, le soutien judiciaire apporté par la CGT (avec laquelle Mathieu est réconciliée) aux sept inculpés – avec sa logistique, ses avocats experts en droit du travail et en droit social – permet au fond d’estampiller encore mieux les syndicats du label : “défenseurs officiels de la cause des travailleurs” 3.
Mais si on y regarde de plus près, on peut s’apercevoir que ce joli tableau est en fait un trompe-l’œil.
Le saccage de la préfecture est à la fois l’expression d’une grande colère, d’une réelle combativité, mais aussi le produit d’un sentiment d’impuissance et de désespoir. En effet, malgré une lutte acharnée de plusieurs mois, les 1120 ouvriers de Continental ne sont pas parvenus à sauver leurs emplois. En fait, alors que leur combat a reçu de nombreux témoignages de solidarité, leurs actions n’ont pas eu pour objectif premier de faire “fructifier” cet élan en tentant d’étendre la lutte aux autres usines voisines. Ils sont au contraire restés isolés, ne voyant l’extension qu’à travers la lunette déformante de “leur” boîte : la CGT qui menait la barque a en effet limité l’envoi de délégations massives aux usines voisines ainsi qu’aux autres usines de Continental, en Moselle et en Allemagne. Le résultat fut l’isolement, l’impuissance et donc le désespoir. Le saccage de la préfecture, acte stérile ne pouvant rien apporter au développement de la lutte, est le résultat de ce processus, de cette entrave. Et c’est bien les syndicats, CGT en tête, qui en sont les premiers responsables 4 ! Cette volonté d’enfermer et isoler les ouvriers de Clairoix est d’ailleurs parfaitement résumée par cette phrase tonitruante et révélatrice de Xavier Mathieu : “Quand on était dans notre lutte, on avait d’autres choses à faire que d’aller organiser des coordinations avec d’autres boîtes 5.”
Les syndicats ont donc aujourd’hui beau-jeu de se présenter comme des “radicaux” et des défenseurs des travailleurs. Ils voudraient se faire passer pour des sauveteurs en posant hypocritement quelques compresses sur les plaies qu’ils ont en partie eux-mêmes infligées aux ouvriers.
Face aux ouvriers en lutte, il y aura toujours la bourgeoisie, ses flics, ses juges et… ses syndicats !
DM (18 septembre)
1) www.france-info.com [84].
3) Les condamnés ayant fait appel, il est d’ailleurs tout à fait possible que la bourgeoisie choisisse finalement de faire un coup de pub aux syndicats en les présentant comme les infatigables et efficaces défenseurs des ouvriers, sur le lieu de travail comme au tribunal, en optant dans un second temps pour un jugement plus “clément”.
4) Lire notre article sur notre site web : “Pourquoi les “Contis” ne font-ils pas trembler l’Etat ?”
Vingt-trois suicides (plus treize autres tentatives) en dix-huit mois à France Télécom ! Voilà un nouveau tragique témoignage du fait que les prolétaires sont de plus en plus confrontés à un climat de terreur au travail et à des pressions insupportables. Pour le PDG de l’entreprise Didier Lombard, rejetant la faute sur les victimes d’une exploitation forcenée, il ne s’agirait là que d’un simple effet de “mode” qui ne toucherait que des “personnes fragiles” 1. Quel cynisme !
Pour ce dirigeant capitaliste sans scrupule, dont le mea culpa à contretemps n’est qu’un simple impératif de communication, la tragédie ne réside pas dans le fait que des êtres humains se trouvent broyés par la logique implacable de rentabilité du capital, mais dans le discrédit qui écorne l’image de marque de son entreprise !
Face à un comportement dicté obligatoirement par les lois du “tiroir-caisse”, nombre de politiciens, notamment à gauche, font mine de s’émouvoir. Ce sont pourtant ces hypocrites qui ont favorisé les licenciements massifs dans cette entreprise comme dans toutes les autres depuis plus de vingt ans, contribuant ainsi à accélérer les cadences infernales menant aux drames d’aujourd’hui. Ce sont ces mêmes socialistes qui ont décuplé le stress par l’introduction des 35 heures, ajoutant une flexibilisation rendant l’ouvrier corvéable à merci ! Ce sont eux qui, par exemple, ont introduit France Télécom en Bourse en 1997 avec les méthodes de “management” que l’on connaît ! Ce n’est autre que Jospin qui a proclamé à l’époque, avec fierté, que “la mutation de l’entreprise était une belle réussite !”. Un manager de France Télécom nous donne d’ailleurs une idée de cette “belle réussite” : “Moi, mon boulot, c’est de faire – 5 % de semestre en semestre. Autant vous dire qu’on a déjà atteint l’os et que maintenant la question est de savoir si on se coupe un bras ou une jambe !” 2. Pour faire accepter ce type d’objectifs après cette vague de suicides, il n’est pas étonnant qu’on soit obligé de trouver des chemins plus “subtils” pour permettre aux salariés de “tenir le coup” : c’est le sens de la mise a disposition d’un “numéro vert” pour un contrôle supplémentaire des salariés et la remise à plat du management de cette entreprise. Mais le fond du problème ne changera pas : il est bien clair que l’objectif du capital sera toujours de rentabiliser et de pressurer toujours plus le prolétaire, jusqu’au-delà de ses limites physiologiques et au bout de sa tension nerveuse ! Car livré à sa dynamique propre, le système capitaliste ne peut aboutir qu’à l’épuisement de la force de travail. Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les ouvriers qui sont pressés comme des citrons et qui trinquent mais aussi les ingénieurs, les cadres administratifs et commerciaux, que la crise et la concurrence extrême ont prolétarisés et dont les conditions de travail se sont dégradés à toute allure. Déjà à l’aube de son développement, pour assurer son profit, “la production capitaliste, qui est essentiellement production de plus-value, absorption de travail extra (…) impose la détérioration de la force de travail de l’homme en la privant de ses conditions normales de fonctionnement et de développement, soi au physique, soi au moral-elle produit l’épuisement et la mort précoce de cette force” 3. Aujourd’hui, c’est l’intensification et les conditions du travail qui poussent à cet épuisement.
Le phénomène des suicides n’est malheureusement pas nouveau, ni limité à la France. La vague de suicides au travail fait suite à une augmentation croissante et continue, même si non réellement quantifié4. Depuis les années 1990, le nombre de suicides se trouve aggravé par la violence et la brutalité de la crise économique. Il traduit le fait que le monde capitaliste est sans avenir, sans perspective autre que de générer la misère sociale, la barbarie et la mort. Partout en Europe et dans le monde, le stress au travail ne cesse de faire des ravages. Aux Etats-Unis, le ministère du Travail a annoncé que “le nombre de suicides commis sur le lieu de travail était en hausse de 28 % pour l’année 2008. En tout, 251 suicides ont été recensés, le nombre le plus élevé depuis 1992” 5. En Chine, les suicides se sont multipliés dernièrement suite aux faillites d’entreprises. Souvenons-nous qu’en 2007, nous étions déjà amenés à déplorer des vagues de suicides en France, au Technicentre de Renault Guyancourt, à PSA, EDF-GDF (Chinon), dans les banques, dans la restauration (Sodexho) 6...
Rien n’a changé, si ce n’est en pire ! La pression et le harcèlement des chefs, la peur du chômage et le chantage au licenciement systématisé, la surcharge de travail grandissante sont toujours invoqués. Le phénomène d’épuisement au travail ou “burn out” tend à se développer à une échelle sans précédent7. Ce qu’on appelle le “harcèlement moral” devient la règle, comme donnée “stratégique” destinée à adapter aux forceps ou à se débarrasser dans l’urgence de salariés devenus indésirables ou insuffisamment productifs au moindre coût. Il existe d’ailleurs pour cela des “spécialistes” du harcèlement qu’on appelle dans ce milieu pourri des “nettoyeurs” ou “manager de transition”. Ils sont rémunérés pour faire ce sale boulot : c’est-à-dire détruire la personnalité de ceux qui forment le contingent des “sureffectifs” ou des “inadaptés”, isoler les ouvriers combatifs, pousser à la faute et à la porte ceux qui ont le plus d’ancienneté et qui coûtent trop cher ! L’objectif est double :
– faire en sorte que ceux qu’on veut virer partent d’eux-mêmes sans toucher la moindre indemnité,
– démoraliser et intimider les autres salariés qui restent pour les rendre plus dociles et corvéables.
Cependant, les conditions de l’exploitation et la poursuite des attaques liées à une crise économique sans issue ne peuvent que pousser à terme a exprimer la colère, à des luttes collectives, à une solidarité et une prise de conscience en profondeur. L’avenir n’est pas à la concurrence entre prolétaires, mais à leur union grandissante dans la lutte contre l’exploitation. C’est cet avenir qui peut redonner espoir, préparer des luttes massives et solidaires, et ouvrir, à terme, la voie d’une perspective révolutionnaire.
WH (18 septembre)
1) http ://info.france2.fr.
2) http ://www.marianne2.fr [87].
3) Marx, le Capital, Edition du progrès, Livre I, chap. X. p.258.
4) Certains journalistes s’offusquent du manque de statistiques en la matière. A n’en pas douter, ces informations existent. Mais pour la bourgeoisie, elles doivent, pour des raisons évidentes, rester confidentielles.
5) Source : courrierinternational.com
6) Voir RI no 379 (mai 2007) [88], disponible sur notre site web.
7) Phénomène dépressif grave défini comme syndrome d’épuisement professionnel qui “fait partie des risques psychosociaux professionnels, consécutif à l’exposition à un stress permanent et prolongé” et défini ainsi par par le psychanalyste Herbert Freudenberger en 1979. “Un état de fatigue chronique, de dépression et de frustration apporté par la dévotion à une cause, un mode de vie, ou une relation, qui échoue à produire les récompenses attendues et conduit en fin de compte à diminuer l’implication et l’accomplissement du travail.”
Nous publions ci-dessous la traduction d’un article paru dans World Revolution n°327 daté de septembre 2009. Alors que les attentats meurtriers se succèdent quasi-quotidiennement en Afghanistan, nous voulons souligner l’implication particulière de l’impérialisme français dans ce bourbier qui s’est tragiquement illustrée il y a peu de temps encore par la mort de jeunes engagés tombés dans une nouvelle embuscade. Ces jeunes gens à la fleur de l’âge (la plupart ont à peine une vingtaine d’années) sont depuis des mois envoyés par milliers au casse-pipe par leurs Etats respectifs. L’impérialisme français qui a rallié récemment les forces de l’OTAN en échange de quelques miettes de son haut-commandement commence à faire payer lui aussi dans la population un tribut de plus en plus lourd pour cette fuite en avant dans des aventures militaires sans fin et sans issue, révélatrices au plus haut point de l’impasse et de la barbarie guerrière du système capitaliste tout entier.
“La
guerre [en
Afghanistan] se
passe
mal. La majeure partie du sud du pays échappe au contrôle du
gouvernement. Une rébellion sporadique et disséminée a repris du
poil de la bête et risque de se transformer en une vaste mouvement
insurrectionnel contre les forces occidentales et le gouvernement élu
qu’elle rejette. En Grande-Bretagne, l’opinion publique sceptique
s’étonne que ses soldats meurent pour cette cause. Et, comme le
coût de cette guerre et le nombre de ses victimes ne cessent
d’augmenter, les Américains se poseront aussi cette question de
plus en plus fortement.”
(The Economist
du 22 août 2009)
Le fait qu’une publication telle que The Economist soulève de tels problèmes sur la guerre en Afghanistan montre à l’évidence que les prétextes officiels avancés pour justifier cette aventure militaire sont de moins en moins crédibles.
Plusieurs arguments sont donnés à cette entreprise guerrière. La première et principale raison, au lendemain des attaques du 11 septembre 2001 sur New York et Washington, consistait dans le fait que le gouvernement taliban d’Afghanistan était considéré comme complice dans ces attentats, ou qu’au moins il “abritait des terroristes” comme Oussama Ben Laden et le groupe Al-Qaida, directement impliqués.
La “guerre au terrorisme” – dont les fers de lance furent les invasions de l’Afghanistan en 2001 puis celle de l’Irak en 2003 – était supposée éradiquer ou au moins combattre le terrorisme. Quelle a été la réalité ? Son exact contraire : une exacerbation massive du terrorisme à travers toute la planète. Il n’y a pas eu de coup d’arrêt à la mobilisation des forces islamistes “radicales” dans la région. Au contraire, l’Afghanistan et l’Irak sont devenus le centre, le pôle d’attraction pour Al-Qaida et les gangs terroristes de son acabit.
Le choc en retour s’est fait ressentir partout dans le monde – comme les attentats de Madrid en 2004 (en Espagne, alors que Jose Luiz Aznar était engagé en Irak à l’époque) et de Londres en 2005.
Les taliban ne sont plus au pouvoir, mais, ils se sont renforcés de différentes manières : par exemple, ils ont servi à rassembler et fédérer les forces rebelles dispersées au Pakistan. Ils ont toujours le contrôle du commerce de l’opium et dominent de larges parties du pays . Les taliban usent de la terreur et du meurtre pour imposer leur autorité dans ces régions, mais il ne fait aucun doute que l’impopularité grandissante du gouvernement et des forces d’occupation de l’OTAN poussent de plus en plus de recrues dans leurs rangs. L’utilisation des morts de civils victimes des attaques aériennes comme celle de Kunduz début septembre ne peut qu’augmenter ce recrutement...
Un autre objectif était celui d’établir la démocratie en Afghanistan, en Irak et au Moyen-Orient. Eh bien, on n’a vu que peu de changements en Afghanistan. Tout d’abord, le gouvernement Karzaï s’est avéré incapable de contrôler la situation hors de Kaboul ; en fait, étant donné le nombre croissant d’attaques et d’attentats à l’intérieur de Kaboul, il démontre qu’il n’a pas davantage le contrôle de la capitale elle-même. Des seigneurs de guerre comme Abdul Rashid Dostum n’ont pas concédé une once de pouvoir au gouvernement de Kaboul – en fait, ils ont renforcé leur mainmise sur leurs régions, malgré les tentatives de les amener vers le “processus démocratique”.
Deuxièmement, le gouvernement Karzaï a été marqué par une corruption et une brutalité incontestables. Pour de nombreux Afghans, il n’y a pas de différence avec ceux qui étaient auparavant au pouvoir, les taliban : “Durant sa campagne, le président Hamid Karzaï a appelé ses ennemis à faire la paix. Mais ce gouvernement – incompétent, corrompu et destructeur – n’a rien d’un partenaire fiable. Dans les parties de l’Afghanistan où les insurgés ont été éjectés et l’autorité du gouvernement a été restaurée, les habitants ont souvent regretté les seigneurs de guerre, moins vénaux et moins brutaux que la plupart des hommes de Karzaï.” (The Economist, article déjà cité)
Cette année est déjà devenue l’année la plus meurtrière en Afghanistan depuis 2001. A la date du 25 août 2009, 295 soldats étrangers y ont été tués. Cela a été partiellement le résultat de l’opposition à la mini-”offensive” des troupes étrangères destinée à assurer un semblant de “stabilité” pour permettre les élections nationales. Mais cela s’est soldé par un fiasco retentissant. Non seulement cette offensive n’a pas fait reculer les taliban, mais les élections se sont tenues dans une atmosphère de peur et d’intimidation. Avant les élections, 10 soldats britanniques avaient été tués dans le district de Babaji dans une opération lancée contre des taliban, alors qu’ils préparaient le terrain à des élections “pleines et libres”. Résultat ? “Les rapports précisant que 150 personnes ont pris part au vote en cet endroit, sur une population éligible de 55 000, n’ont pas été contestés par les officiels en Afghanistan.” (BBC, le 27 août 2009) Et depuis que les élections ont eu lieu, la réalité d’une vaste fraude électorale a éclaté au grand jour.
En lien avec la tentative d’introduire les délices de la démocratie, la propagande des médias nous a joué la comédie autour de la protection du droit des femmes dans ces sociétés patriarcales arriérées. Une fois de plus, la réalité a été bien différente. La nouvelle constitution afghane a adopté il y a cinq ans une loi sur l’égalité des droits pour les femmes. Depuis lors, les taliban ont fait fermer les écoles pour filles. Pour sa part, loin de protéger les droits des femmes, Karzaï a établi des contrats avec des groupes religieux qui ont eu pour conséquences de mettre en œuvre la législation qui légalise dans les faits le viol dans le mariage.
Pendant ce temps, la guerre en Afghanistan s’est étendue de plus en plus vers le Pakistan. L’administration Obama a mis en avant qu’elle considérait l’Afghanistan et le Pakistan comme des zones plus importantes stratégiquement que l’Irak. Il y a eu quelques tentatives des médias pour présenter la guerre en Irak comme plus ou moins achevée afin de justifier cet objectif, en dépit du fait que la dernière vague d’attaques-suicide en Irak nous rappelle à quel point la situation reste en réalité instable et précaire. Mais en tous cas, avec l’influence grandissante des taliban dans les zones du Pakistan où le gouvernement n’a aucune autorité, la guerre connaît déjà une escalade, avec l’utilisation grandissante des drones bombardiers de la part des Etats-Unis et dans les nouvelles offensives du gouvernement pakistanais. La dernière en date a provoqué des combats meurtriers (l’armée prétendant avoir tué plus de 1600 islamistes radicaux) et l’évacuation forcée de plus de 2 millions de gens.
Comme les justifications officielles à la guerre deviennent de moins en moins crédibles en termes de menace universelle, sa réalité en tant que guerre impérialiste devient toujours plus évidente pour la plupart des populations.
Depuis l’effondrement des anciens blocs impérialistes à la fin des années 1980, les Etats-Unis ont dû faire face à des remises en cause toujours grandissantes de leur position de “gendarme du monde”. Personne ne conteste leur force militaire, et aucune autre puissance – ou même la coalition d’une demi-douzaine d’Etats– ne peut rivaliser avec eux. Cependant, cela n’a pas empêché les autres pays de contester la domination américaine dans différentes régions du monde. Et de façon notable aujourd’hui, on a vu la montée de la Chine comme entité économique gigantesque qui a délibérément utilisé l’argent gagné du commerce pour acheter son accès à des régions vers lesquelles elle n’avait pas de prime abord d’intérêt majeur. Il faut aussi noter la réémergence de la Russie ; et les Etats-Unis ne sont pas parvenus à écarter le danger de devoir se battre pour défendre leur autorité au cœur même du capitalisme – en Europe, autour de la France et surtout de l’Allemagne.
Pour maintenir ce “leadership” devant toutes ces difficultés, les Etats-Unis doivent contrôler les zones stratégiquement vitales du Moyen-Orient et de l’Asie Centrale – vitales à la fois pour les raisons géopolitiques traditionnelles qui sont les héritières du “Grand Partage” impérialiste du 19e siècle, et à cause des sources d’énergie clés et les voies de contrôle qu’elles impliquent (pétrole et gaz). l’enjeu ici est impérialiste au sens le plus large du terme : les guerres en Irak et en Afghanistan ne reçoivent pas le soutien des compagnies américaines pour leur seul appétit d’acquérir des profits rapides, mais à cause du besoin à long terme de l’Etat américain de maintenir sa domination globale.
Et la Grande-Bretagne ? A la fin de la période des blocs, la Grande-Bretagne a commencé elle aussi à prendre un chemin plus “indépendant”, comme on l’a vu à travers sa volonté de sabotage des efforts américains lors de la guerre des Balkans dans les années 1990. Mais en tant que puissance de second rang, “l’indépendance” est un mirage toujours remis aux calendes grecques et, depuis 2001 et en particulier avec la “guerre au terrorisme”, la bourgeoisie britannique s’est trouvée de plus en plus empêtrée dans les projets militaires américains au Moyen-Orient et en Asie centrale. En Afghanistan, elle se trouve dans la position inconfortable de servir de ligne de front des forces de l’OTAN, avec ses troupes souvent pauvrement équipées exposées à une insurrection de taliban toujours plus enhardis.
Comme de plus en plus de personnes, y compris les familles des soldats servant en Afghanistan, commencent à s’interroger sur les vraies raisons de cette guerre, la classe dominante n’abandonnera pas ses justifications : Brown, par exemple, continue à nous vendre la guerre comme un moyen d’éviter les atrocités terroristes à Londres ou à Glasgow. En même temps, pour faire diversion, on nous soumet des débats comme celui sur quelle somme faut-il ou pas dépenser pour équiper les troupes, alors que la vraie question est celle-ci : pourquoi cette société est-elle en permanent état de guerre ; et comment pouvons-nous nous battre contre la guerre et ce système qui l’engendre ?
Graham (4 septembre)
L’élection présidentielle organisée au Gabon le 30 août dernier pour désigner le successeur d’Omar Bongo (décédé le 8 juin) opposait son propre fils Ali Bongo à d’autres candidats. Et comme naguère son père, Ali, “Monsieur fils”, s’est aussitôt proclamé vainqueur dès la fermeture des bureaux de vote et a fait massacrer avec la complicité de l’armée française sur place les manifestants qui contestaient cette “victoire”. En effet, dès l’annonce de la victoire d’Ali Bongo, des émeutes ont éclaté, notamment à Port-Gentil, au cours desquelles le consulat de France a été incendié. C’est là où l’armée gabonaise, sous l’œil concupiscent des militaires français, a tiré sur la foule des faisant entre trois et quinze morts, selon les sources. Par ailleurs, des témoignages font état de la disparition de plusieurs corps emmenés par les forces de répression du régime.
Voilà une énième élection à la “françafricaine”. Une de ces élections dont le vainqueur est désigné d’avance avec la bénédiction de l’ancienne puissance coloniale. Ainsi, le défunt “papa Bongo” a toujours pu sortir systématiquement vainqueur de toutes les présidentielles, notamment, celle de 1979 (sous Giscard D’Estaing) avec un score de 99,8 %, ou celles de 1986 (sous Mitterrand) avec 99,9 %.
Certes, cette fois-ci, les parrains du fils ont voulu afficher un score “présentable” en n’accordant au vainqueur que 41 % des suffrages, mais cela n’a trompé personne et tout le monde a senti que les résultats ont été “cuisinés” d’avance avec une lourdeur débordante. D’ailleurs, les manifestants n’ont pas manqué de le faire savoir au président français en scandant : “Pourquoi Sarkozy proteste-t-il contre les fraudes en Iran et ne dit rien sur le voleur de chez nous ?”.
En effet, c’est là toute l’hypocrisie abjecte des responsables français qui n’ont cessé d’employer le double langage dans cette affaire. Ainsi, à la veille du scrutin gabonais, Sarkozy et Kouchner faisaient répéter dans tous les médias que “la France n’a pas de candidat” alors qu’en coulisse les “services français” téléguidaient tout le processus électoral devant conduire à l’élection d’Ali Bongo. Ainsi, Jeune Afrique (du 13 septembre 2009), sous le titre sans équivoque de “Sarkozy vote Ali”, révèle :
“Le 29 août, Paris fait son “coming out”. C’est Me Robert Bourgi, l’ami et le conseiller de Nicolas Sarkozy, qui dévoile les vraies intensions élyséennes. A la veille du scrutin, il confie au journal le Monde : “Au Gabon, la France n’a pas de candidat, mais le candidat de Robert Bourgi, c’est Ali Bongo. Or je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy. De façon subliminale, l’électeur le comprendra.” (…) Qu’elle semble loin cette année 2005 où Nicolas Sarkozy qualifiait de ‘mascarades’ l’élection au Togo du fils du défunt Gnassingbé Eyadema. ‘Aujourd’hui, Sarkozy fait du Chirac. Il adoube un fils de président’, commente un diplomate sur un ton désabusé.”
Qui aurait pu douter du contraire, avec un Etat français qui fait des pieds et des mains depuis la “décolonisation” pour défendre ses intérêts sur le continent africain, en prenant tout juste la peine de faire semblant, qu’il s’agisse de la droite ou de la gauche. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une de ces énièmes magouilles de l’Elysée sur le continent africain. D’ailleurs, Robert Bourgi ne s’en cache même pas en ajoutant : “Ali privilégiera les entreprises françaises”. Le “monsieur Afrique” de Sarkozy fait allusion aux nombreux groupes français qui règnent dans ce pays, à l’instar de Total (ex-Elf), véritable pompe à fric entre les mains des réseaux politico-mafieux dont Bourgi est l’héritier. Et Omar Bongo était l’instrument idéal fabriqué de toutes pièces par ces barbouzes et autres charognards pour garantir leurs intérêts au Gabon ; c’est ce que rappelle Jeune Afrique :
“Choisi par Jacques Foccart avec la bénédiction du général de Gaulle, Omar Bongo Ondimba aura été l’allié successif des six présidents de la Ve République. Le plus petit et beaucoup moins peuplé - un demi -million d’habitants - des territoires de la fédération d’Afrique- Equatoriale française retenait l’attention par la richesse exceptionnelle de son sol : pétrole, manganèse, fer, uranium… sans parler de sa forêt. Faut-il chercher ailleurs l’intérêt qu’afficha la puissance coloniale au déroulement de la colonisation ? Toujours est-il que le Monsieur Afrique des présidents Charles de Gaulle et Georges Pompidou, Jacques Foccart, y veilla avec une singulière attention.”
En effet, c’est bien là le fond de l’enjeu, il s’agit pour la bourgeoisie française de préserver à tous prix ses divers intérêts au Gabon face aux puissances concurrentes, notamment la Chine qui se montre de plus en plus agressive dans cette zone. De fait, Omar Bongo resta jusqu’au bout comme le gardien fidèle des intérêts de ses maîtres, tant économiques que stratégiques et militaires. Sur ce dernier plan, il participa à toutes les interventions militaires que la France a pu mener sur le continent, depuis la guerre du Biafra (en 1967) jusqu’à la dernière au Tchad (en 2008). De même, sur le plan intérieur, les ressources du pays restent entre les mains de la famille Bongo et ses parrains de la métropole, comme le note Courrier international du 17 juin 2009) :
“Régnant sans partage sur un véritable émirat pétrolier, Bongo a été un allié fidèle de la France et s’est révélé particulièrement généreux avec les hommes politiques de ce pays, de droite comme de gauche. Pour ses bons et loyaux services, la France a fermé pudiquement les yeux sur des aspects bien contestables de son règne : la dilapidation outrancière des ressources publiques érigée en système de gouvernance, un système clientéliste, des élections truquées, etc. Sans compter que le Gabon a toujours été géré comme une petite entreprise familiale, avec la fille du président, Pascaline, comme directeur de cabiner, son fils Ali comme ministre de la Défense et une ribambelle d’autres rejetons nommés à la tête des entreprises les plus juteuses du pays. Un partage du gâteau dont a été exclue l’écrasante majorité des Gabonais, qui vivent dans un pays censé être la ‘Suisse de l’Afrique’. “
Voilà comment les criminels gabonais ont pillé les biens du pays en compagnie des brigands français de tous bords. Bref, pendant que la majorité de la population patauge dans la misère, les Bongo roulent dans le plus grand luxe en vidant les caisses de l’Etat pour s’acheter hôtels de luxe (en France) tout en remplissant leurs propres comptes (en Europe) avec le reste. Pire encore, l’impérialisme français fait tout pour protéger son pion gabonais à chaque fois que celui-ci est menacé. Par exemple, lorsque Port-Gentil fut le théâtre d’insurrection en 1990, le gouvernement Mitterrand-Rocard envoie ses paras pour rétablir l’exploitation pétrolière et surtout “ramener l’ordre”.
Aujourd’hui, avec l’élection du fils, il s’agit de renforcer le même “ordre” de la Françafrique. En ce sens, l’organisation de l’élection présidentielle n’était qu’une façade visant à légitimer un élu mafieux longtemps désigné par ses grands parrains. Comme le précise le Nouvel observateur du 10 septembre 2009 :
“Après quarante-deux ans de règne ininterrompu du père, c’est donc le fils qui lui succède. Un héritage improbable : ex-rappeur, fêtard repenti, passionné de Ferrari et de jet -ski, formé au collège Sainte- Croix de Neuilly puis à la Sorbonne. Son père avait beau répéter qu’il n’avait pas de “dauphin”, sous son aile, l’ex-ministre de la défense, âgé aujourd’hui de 40 ans, prépare depuis longtemps son accession au pouvoir.”
Tout compte fait, le seul souci pour la bourgeoisie française est de savoir si “Monsieur fils” saura assumer efficacement le sale “héritage” du père.
Amina (21 septembre)
Dans la partie précédente de cet article, nous avons montré que le bouillonnement de la lutte des classes du prolétariat à la fin des années 1960, la recherche d’une perspective véritablement révolutionnaire avaient impulsé la réapparition au sein du milieu anarchistes de courants prolétariens. En tant qu’expression de cet effort de prise de conscience du prolétariat, ceux-ci avaient été conduits à remettre en cause certaines des positions politiques des organisations de l’anarchisme officiel inféodé à l’état bourgeois qui avaient dominé l’ensemble du milieu anarchiste après 1945, à prendre leur distance avec celles-ci pour se rapprocher des groupes politiques de la Gauche communiste, notamment conseillistes.
Trois décennies plus tard, le système capitaliste en faillite révèle l’impasse barbare dans laquelle il enferme l’humanité et où le prolétariat reprend progressivement le chemin de la lutte et tente de faire émerger une perspective révolutionnaire. Dans cette situation historique, au sein du milieu qui se revendique de l’anarchisme, tendent à s’exprimer de plus en plus clairement, dans les débats, deux positions bien distinctes.
L’importance de ces débats s’illustre dans le fait qu’il touche à la question de l’attitude à adopter face à la guerre impérialiste et aux principes fondamentaux du prolétariat, comme celui de l’internationalisme, qui détermine l’appartenance au camp ouvrier face à la bourgeoisie.
Abordons les positions qui s’expriment dans le milieu anarchiste à travers deux exemples :
Nous avons la position du KRAS, qui se place d'un point de vue authentiquement internationaliste, affirmant à propos de la guerre en Géorgie en 2008 que : “L’ennemi principal des gens simples n’est pas le frère ou la sœur de l’autre côté de la frontière ou d’une autre nationalité. L’ennemi, c’est les dirigeants, les patrons de tout poil, les présidents et ministres, les hommes d’affaire et les généraux, tous ceux qui provoquent les guerres pour sauvegarder leur pouvoir et leurs richesses. Nous appelons les travailleurs en Russie, Ossétie, Abkhazie et Géorgie à rejeter le joug du nationalisme et du patriotisme pour retourner leur colère contre les dirigeants et les riches, de quelque côté de la frontière qu’ils se trouvent” 1.
D'un autre côté, nous trouvons celle de l’Organisation communiste libertaire à propos de l’Irak qui appelle à : “soutenir matériellement et financièrement (…) les forces progressistes opposées à l’occupation” dont les “moyens militaires limités leur permettent tout de même d’organiser quelques ‘zones libérées’ dans les quartiers populaires où l’armée américaine ne s’aventure pas” tandis que “dans les pays qui maintiennent des troupes en Irak, outre les Etats-Unis, incluent notamment plusieurs pays de l’Union européenne (…), la tâche principale est d’affronter le gouvernement pour obtenir le retrait, bloquer les transports de troupes ou de matériel militaire” 2. Il n’y a donc pas là une simple divergence tactique pour atteindre un même but, comme se plaisent à nous le raconter certains libertaires.
La prise de position du KRAS exprime les intérêts du prolétariat à combattre en tant que classe universelle par delà les divisions de couleurs, de nationalités, de culture ou de religions que lui impose le capitalisme pour l’opprimer. L’autre position apporte son soutien à la “résistance” des peuples irakiens, libanais, etc., c’est-à-dire à certains secteurs de la bourgeoisie. Cette position constitue une trahison de l’internationalisme à un double point de vue : non seulement vis-à-vis des prolétaires des grandes puissances auxquels on masque la réalité des antagonismes entre grands requins impérialistes et leur enjeu réel ; mais aussi à l’égard des prolétaires appelés sur place à se soumettre à la guerre impérialiste et à se faire tuer pour la défense des intérêts impérialistes de leur bourgeoisie. La disparition des blocs depuis 1989 n’a fait disparaître ni l’impérialisme, ni la position belliciste de la plupart des représentants de l’anarchisme “officiel” de la FA à Alternative Libertaire !
Ces deux positions n’ont rien en commun : elles expriment des positions de classe diamétralement opposées et complètement antagoniques. Elles sont séparées par une frontière de classe.
Il apparaît clairement que l’anarchisme constitue un lieu où s’affrontent des positions ouvertement bourgeoises et nationalistes et des positions prolétariennes internationalistes. Dans cette confrontation entre deux tendances opposées, la question de la guerre au Moyen-Orient occupe une place importante. Après des décennies d’un règne sans partage dans le milieu libertaire de la défense inconditionnelle de la cause palestinienne, cette idée ne va désormais plus de soi. Une partie de ceux qui se réclament de l’anarchisme commence à remettre en cause les positions classiquement adoptées jusqu’alors, et à s’en détacher. Ainsi, dans un article abordant la question : : ‘pourquoi nous ne les soutiendrons jamais, le Hezbollah, le Hamas ou tout groupe armé dit de “résistance anti-impérialiste”’, Non Fides affirme : “Comment la majorité de l’extrême-gauche et une partie du mouvement libertaire peut-elle se solidariser avec ces partis totalitaires et ultra-religieux ? Cette solidarité, c’est “l’anti-impérialisme des imbéciles”. (...) La politique déplorable du commandement israélien les poussent à soutenir toute forme de contestation de cette politique belliqueuse, et ce quitte à opérer des alliances avec l’Islam politique, les ultra-religieux, les nationalistes et l’extrême-droite parfois néo-nazie” 3. Certains parviennent à affirmer nettement la position internationaliste du prolétariat vis-à-vis du Moyen-Orient. Ainsi a-t-on pu lire une campagne d’affiches anarchistes en Belgique affirmant que “De Gaza en Palestine à Nasiriya en Irak, du Kivu au Congo à Grozny en Tchétchénie, les massacres de milliers d’êtres humains sont quotidiens. Sous les différentes formes qu’il prend aux quatre coins du monde, ce système capitaliste et autoritaire dévaste des zones entières par la famine, la privation, la pollution, la guerre. (...) Opposer une logique de guerre contre tout un “peuple” à la terreur de l’Etat israélien ne sert qu’à faire oublier aux rejetés de Gaza comme aux exploités de Tel Aviv qu’il ne leur reste qu’une possibilité pour s’en sortir : se battre contre toute autorité, que ce soit celle de l’uniforme du soldat israélien ou du policier palestinien, de la camisole religieuse (...), du costume des capitalistes démocratiques et des usuriers (...) Il est urgent d’opposer à la guerre entre Etats, entre religions, entre ethnies, la guerre sociale contre toute exploitation et toute domination” 4.
Quand des conceptions aussi étrangères que l’internationalisme et les concessions au nationalisme se retrouvent face à face au sein d’un même courant ou d’une même organisation, leur caractère complètement inconciliable interdit toute cohabitation et rend toute unité impossible. C’est pourquoi nous soutenons sans réserve le KRAS-AIT de Moscou dans son combat mené pour rejeter les conceptions “culturalistes et ethno-identitaires” (qui ne sont rien d’autre qu’une expression du nationalisme) incompatibles avec les objectifs de la révolution sociale.
A l’image des événements survenus à l’échelle de cette organisation, c’est à l’ensemble du milieu libertaire que ce processus de clarification et de décantation s’impose pour séparer les éléments voués à rejoindre le combat révolutionnaire et les défenseurs de l’ordre bourgeois. Ceux des militants anarchistes attachés à l’internationalisme ont bien plus en commun avec les groupes de la Gauche communiste, l’appartenance au même camp du prolétariat et de la révolution, qu’avec le reste de leur “famille libertaire”. Aujourd’hui, le caractère crucial des enjeux, où la survie de l’humanité est menacée par la persistance du système capitaliste, exige que tous ceux qui se réclament de l’internationalisme et de la lutte de classe mondiale du prolétariat, indépendamment de leur horizon politique d’origine, se rapprochent, entrent en collaboration pour travailler ensemble à la cause qui leur est commune.
Ainsi est-il utile de clarifier ce que recouvre l’utilisation au sein du milieu anarchiste d’un même lexique à propos de positions diamétralement opposées. C’est le cas concernant l’appel à la défense dans les conflits impérialistes d’un “troisième front” ou d’un “troisième camp”. Cette position quand elle est formulée par le KRAS, par exemple, correspond incontestablement à la position internationaliste prônant la nécessité de développer la lutte commune du prolétariat, par-delà toutes les divisions nationales, contre tous les camps bourgeois en présence. Il s’agit là de la seule position véritablement révolutionnaire et prolétarienne possible à adopter.
Inversement, pour les organisations de l’anarchisme officiel, la “défense du troisième camp” n’est rien d’autre qu’une formule destinée à rabattre les classes exploitées vers l’un des protagonistes dans la logique du choix d’un camp impérialiste. Un tel exemple nous est fourni par leur position concernant l’intervention israélienne au Liban dans l’été 2006. Lorsque la FA affirme que “dans cette escalade militaire sanglante, entre d’un côté les forces impérialistes des Etats-Unis et d’Israël et de l’autre les milices réactionnaires de l’Islam politique, les travailleuses et travailleurs, et plus largement les peuples de la région, n’ont rien à gagner mais tout à perdre (…), [et qu’]en tant que travailleuses et travailleurs internationalistes, une de [ses] tâches urgentes est de soutenir le développement d’un troisième camp, le camp des travailleurs, au Moyen-Orient à la fois contre la domination impérialiste et l’oppression islamiste.”5, de quoi s’agit-il en réalité ? La FA deviendrait-elle internationaliste ? Absolument pas ! Elle ne fait que continuer à pousser à faire le choix de la résistance arabe contre Israël, mais sous une autre forme que celle des protagonistes directement aux prises ! Tout comme dans le conflit israélo-palestinien, complètement dépitée que “le Hamas et le Djihad islamique, arrivés au pouvoir par les urnes en profitant de la corruption et du discrédit du Fatah de Yasser Arafat et de la déliquescence de l’OLP, tirent profit de la colère, de la frustration de la majorité palestinienne en transformant ainsi le combat antisioniste en combat religieux”, le pseudo-internationalisme dont elle s’affuble ne lui sert qu’à faire de la publicité à une hypothétique direction politique laïque à la ‘résistance’. La lutte antisioniste, oui, mais pas avec les islamistes du Hezbollah ou du Hamas ! Pour la FA, “le troisième camp”, c’est celui des partis de la gauche bourgeoise ‘laïque et démocratique’ sur lesquels elle cherche à rabattre les travailleurs.
Dans la même veine, Alternative libertaire (AL) affirme sans détours que “le peuple libanais saura trouver la voie d’une résistance à l’impérialisme israélien, tout en se dégageant de l’ingérence de l’État syrien et de la réaction religieuse incarnés en partie par le Hezbollah. Il est dramatique que cette organisation rétrograde ait été hégémonique dans la résistance libanaise face à l’agression israélienne” 6. Ainsi les homologues d’AL au Liban, se retrouvent-ils du côté des “partis politiques ‘traditionnels’ et confessionnels” du ‘courant du 14 mars’, qualifié de “mouvement relativement novateur et pouvant ouvrir des perspectives pour un autre futur au Liban” opposé à celui des “corrupteurs de la tutelle syrienne et des nostalgiques du passé noir du Liban.”7 L’anarcho-chauvinisme n’a vraiment rien à envier au patriotisme de ses amis bourgeois et leur sert de pourvoyeur en chair à canon dans les luttes qui fragmentent la classe dominante !
Dans la dernière partie de cette série, nous aborderons une question méconnue mais néanmoins importante, celle de “l’anationalisme” que revendiquent et défendent plusieurs éléments anarchistes, en l’opposant souvent à “l’internationalisme”.
Scott
1) Fédération pour l’éducation, la science et les ouvriers techniques, KRAS-AIT.
2) Courant alternatif, n°154.
3) Non Fides, n° 2, septembre 2008.
4)
Affiche “A Gaza comme
ailleurs...”, signée “Des anarchistes” diffusée début 2009
en Belgique.
5) Union locale CNT de Besançon, Syndicat CNT interco 39, FAU-IAA Boers (Allemagne), Fédération anarchiste francophone, 28 juillet 2006.
6) Alternative libertaire, 18 août 2006.
7) Alternative Libertaire, n°154.
Nous publions ci-dessous la troisième partie de la résolution sur la situation internationale adoptée lors du XVIIIe congrès du CCI qui s’est récemment tenu. Dans la première partie, nous montrions que le capitalisme n’a aucune solution réelle à apporter à la crise économique, qu’il s’agit d’un système décadent et moribond. La deuxième partie traitant des conflits impérialistes qui ravagent la planète introduisait la question de la lutte de classe qui est traitée à partir du point 9 1 :
“Comme le soulignait la résolution adoptée par le précédent congrès international :
“Ainsi, comme le CCI l’avait mis en évidence il y a plus de 15 ans, le capitalisme en décomposition porte avec lui des menaces considérables pour la survie de l’espèce humaine. L’alternative annoncée par Engels à la fin du xixe siècle, socialisme ou barbarie, est devenue tout au long du xxe siècle une sinistre réalité. Ce que le xxie siècle nous offre comme perspective, c’est tout simplement socialisme ou destruction de l’humanité. Voila l’enjeu véritable auquel se confronte la seule force de la société en mesure de renverser le capitalisme, la classe ouvrière mondiale.” (Point 10)”.
9 Cette capacité de la classe ouvrière à mettre fin à la barbarie engendrée par le capitalisme en décomposition, à sortir l’humanité de sa préhistoire pour lui ouvrir les portes du “règne de la liberté”, suivant l’expression d’Engels, c’est dès à présent, dans les combats quotidiens contre l’exploitation capitaliste, qu’elle se forge. Après l’effondrement du bloc de l’Est et des régimes soi-disant “socialistes”, les campagnes assourdissantes sur la “fin du communisme”, voire sur la “fin de la lutte de classe”, ont porté un coup sévère à la conscience au sein de la classe ouvrière de même qu’à sa combativité. Le prolétariat a subi alors un profond recul sur ces deux plans, un recul qui s’est prolongé pendant plus de dix ans. Ce n’est qu’à partir de 2003, comme le CCI l’a mis en évidence en de nombreuses reprises, que la classe ouvrière mondiale a fait la preuve qu’elle avait surmonté ce recul, qu’elle avait repris le chemin des luttes contre les attaques capitalistes. Depuis, cette tendance ne s’est pas démentie et les deux années qui nous séparent du précédent congrès ont vu la poursuite de luttes significatives dans toutes les parties du monde. On a pu voir même, à certaines périodes, une simultanéité remarquable des combats ouvriers à l’échelle mondiale. C’est ainsi qu’au début de l’année 2008, ce sont les pays suivants qui ont été affectés en même temps par des luttes ouvrières : la Russie, l’Irlande, la Belgique, la Suisse, l’Italie, la Grèce, la Roumanie, la Turquie, Israël, l’Iran, l’Émirat de Bahrein, la Tunisie, l’Algérie, le Cameroun, le Swaziland, le Venezuela, le Mexique, les États-Unis, le Canada et la Chine. 1
De même, on a pu assister à des luttes ouvrières très significatives au cours des deux années passées. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer les exemples suivants :
– en Égypte, durant l’été 2007, où des grèves massives dans l’industrie textiles rencontrent la solidarité active de la part de nombreux autres secteurs (dockers, transports, hôpitaux…) ;
– à Dubaï, en novembre 2007, où les ouvriers du bâtiment (essentiellement des immigrés) se mobilisent massivement ;
– en France, en novembre 2007, où les attaques contre les régimes de retraite provoquent un grève très combative dans les chemins de fer, avec des exemples d’établissement de liens de solidarité avec les étudiants mobilisés au même moment contre les tentatives du gouvernement d’accentuer la ségrégation sociale à l’Université, une grève qui a dévoilé ouvertement le rôle de saboteurs des grandes centrales syndicales, notamment la CGT et la CFDT, obligeant la bourgeoisie de redorer le blason de son appareil d’encadrement des luttes ouvrières ;
– en Turquie, fin 2007, où la grève de plus d’un mois des 26 000 travailleurs de Türk Telecom constitue la mobilisation la plus importante du prolétariat dans ce pays depuis 1991, et cela au moment même où le gouvernement de celui-ci est engagé dans une opération militaire dans le Nord de l’Irak ;
– en Russie, en novembre 2008, où des grèves importantes à Saint-Pétersbourg (notamment à l’usine Ford) témoignent de la capacité des travailleurs à surmonter une intimidation policière très présente, notamment de la part du FSB (ancien KGB) ;
– en Grèce, à la fin de l’année 2008 où, dans un climat d’un énorme mécontentement qui s’était déjà exprimé auparavant, la mobilisation des étudiants contre la répression bénéficie d’une profonde solidarité de la part de la classe ouvrière dont certains secteurs débordent le syndicalisme officiel ; une solidarité qui ne reste pas à l’intérieur des frontières du pays puisque ce mouvement rencontre un écho de sympathie très significatif dans de nombreux pays européens ;
– en Grande-Bretagne, où la grève sauvage dans la raffinerie Linsay, au début de 2009, a constitué un des mouvements les plus significatifs de la classe ouvrière de ce pays depuis deux décennies, une classe ouvrière qui avait subi de cruelles défaites au cours des années 1980 ; ce mouvement a fait la preuve de la capacité de la classe ouvrière d’étendre les luttes et, en particulier, a vu le début d’une confrontation contre le poids du nationalisme avec des manifestations de solidarité entre ouvriers britanniques et ouvriers immigrés, polonais et italiens.
10 L’aggravation considérable que connaît actuellement la crise du capitalisme constitue évidemment un élément de premier ordre dans le développement des luttes ouvrières. Dès à présent, dans tous les pays du monde, les ouvriers sont confrontés à des licenciements massifs, à une montée irrésistible du chômage. De façon extrêmement concrète, dans sa chair, le prolétariat fait l’expérience de l’incapacité du système capitaliste à assurer un minimum de vie décente aux travailleurs qu’il exploite. Plus encore, il est de plus en plus incapable d’offrir le moindre avenir aux nouvelles générations de la classe ouvrière, ce qui constitue un facteur d’angoisse et de désespoir non seulement pour celles-ci mais aussi pour celles de leurs parents. Ainsi les conditions mûrissent pour que l’idée de la nécessité de renverser ce système puisse se développer de façon significative au sein du prolétariat. Cependant, il ne suffit pas à la classe ouvrière de percevoir que le système capitaliste est dans une impasse, qu’il devrait céder la place à une autre société, pour qu’elle soit en mesure de se tourner vers une perspective révolutionnaire. Il faut encore qu’elle ait la conviction qu’une telle perspective est possible et aussi qu’elle a la force de la réaliser. Et c’est justement sur ce terrain que la bourgeoisie a réussi à marquer des points très importants contre la classe ouvrière à la suite de l’effondrement du prétendu “socialisme réel”. D’une part, il a réussi à enfoncer l’idée que la perspective du communisme est un songe creux : “le communisme, ça ne marche pas ; la preuve, c’est qu’il a été abandonné au bénéfice du capitalisme par les populations qui vivaient dans un tel système”. D’autre part, il a réussi à créer au sein de la classe ouvrière un fort sentiment d’impuissance du fait de l’incapacité de celle-ci à mener des luttes massives. En ce sens, la situation d’aujourd’hui est très différente de celle qui prévalait lors du surgissement historique de la classe à la fin des années 1960. A cette époque, le caractère massif des combats ouvriers, notamment avec l’immense grève de mai 1968 en France et l’automne chaud italien de 1969, avait mis en évidence que la classe ouvrière peut constituer une force de premier plan dans la vie de la société et que l’idée qu’elle pourrait un jour renverser le capitalisme n’appartenait pas au domaine des rêves irréalisables. Cependant, dans la mesure où la crise du capitalisme n’en était qu’à ses tous débuts, la conscience de la nécessité impérieuse de renverser ce système ne disposait pas encore des bases matérielles pour pouvoir s’étendre parmi les ouvriers. On peut résumer cette situation de la façon suivante : à la fin des années 1960, l’idée que la révolution était possible pouvait être relativement répandue mais celle qu’elle était indispensable ne pouvait pas s’imposer. Aujourd’hui, au contraire, l’idée que la révolution soit nécessaire peut trouver un écho non négligeable mais celle qu’elle soit possible est extrêmement peu répandue.
11 Pour que la conscience de la possibilité de la révolution communiste puisse gagner un terrain significatif au sein de la classe ouvrière, il est nécessaire que celle-ci puisse prendre confiance en ses propres forces et cela passe par le développement de ses luttes massives. L’énorme attaque qu’elle subit dès à présent à l’échelle internationale devrait constituer la base objective pour de telles luttes. Cependant, la forme principale que prend aujourd’hui cette attaque, celle des licenciements massifs, ne favorise pas, dans un premier temps, l’émergence de tels mouvements. En général, et cela s’est vérifié fréquemment au cours des quarante dernières années, les moments de forte montée du chômage ne sont pas le théâtre des luttes les plus importantes. Le chômage, les licenciements massifs, ont tendance à provoquer une certaine paralysie momentanée de la classe. Celle-ci est soumise à un chantage de la part des patrons : “si vous n’êtes pas contents, beaucoup d’autres ouvriers sont prêts à vous remplacer”. La bourgeoise peut utiliser cette situation pour provoquer une division, voire une opposition entre ceux qui perdent leur travail et ceux qui ont le “privilège” de le conserver. De plus, les patrons et les gouvernements se replient derrière un argument “décisif” : “Nous n’y sommes pour rien si le chômage augmente ou si vous êtes licenciés : c’est la faute de la crise”. Enfin, face aux fermetures d’entreprises, l’arme de la grève devient inopérante accentuant le sentiment d’impuissance des travailleurs. Dans une situation historique où le prolétariat n’a pas subi de défaite décisive, contrairement aux années 1930, les licenciements massifs, qui ont d’ores et déjà commencé, pourront provoquer des combats très durs, voire des explosions de violence. Mais ce seront probablement, dans un premier temps, des combats désespérés et relativement isolés, même s’ils bénéficient d’une sympathie réelle des autres secteurs de la classe ouvrière. C’est pour cela que si, dans la période qui vient, on n’assiste pas à une réponse d’envergure de la classe ouvrière face aux attaques, il ne faudra pas considérer que celle-ci a renoncé à lutter pour la défense de ses intérêts. C’est dans un second temps, lorsqu’elle sera en mesure de résister aux chantages de la bourgeoisie, lorsque s’imposera l’idée que seule la lutte unie et solidaire peut freiner la brutalité des attaques de la classe régnante, notamment lorsque celle-ci va tenter de faire payer à tous les travailleurs les énormes déficits budgétaires qui s’accumulent à l’heure actuelle avec les plans de sauvetage des banques et de “relance” de l’économie, que des combats ouvriers de grande ampleur pourront se développer beaucoup plus. Cela ne veut pas dire que les révolutionnaires doivent rester absents des luttes actuelles. Celles-ci font partie des expériences que doit traverser le prolétariat pour être en mesure de franchir une nouvelle étape dans son combat contre le capitalisme. Et il appartient aux organisations communistes de mettre en avant, au sein de ces luttes, la perspective générale du combat prolétarien et des pas supplémentaires qu’il doit accomplir dans cette direction.
12 Le chemin est encore long et difficile qui conduit aux combats révolutionnaires et au renversement du capitalisme. Ce renversement fait tous les jours plus la preuve de sa nécessité mais la classe ouvrière devra encore franchir des étapes essentielles avant qu’elle ne soit en mesure d’accomplir cette tache :
– la reconquête de sa capacité à prendre en main ses luttes puisque, à l’heure actuelle, la plupart d’entre elles, notamment dans les pays développés, sont encore fortement sous l’emprise des syndicats (contrairement à ce qu’on avait pu constater aux cours des années 1980) ;
– le développement de son aptitude à déjouer les mystifications et les pièges bourgeois qui obstruent le chemin vers les luttes massives et le rétablissement de sa confiance en soi puisque, si le caractère massif des luttes de la fin des années 1960 peut s’expliquer en bonne partie par le fait que la bourgeoisie avait été surprise après des décennies de contre-révolution, ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui ;
– la politisation de ses combats, c’est-à-dire sa capacité à les inscrire dans leur dimension historique, à les concevoir comme un moment du long combat historique du prolétariat contre l’exploitation et pour l’abolition de celle-ci.
Cette étape est évidemment la plus difficile à franchir, notamment du fait :
– de la rupture provoquée au sein de l’ensemble la classe par la contre-révolution entre ses combats du passé et ses combats actuels ;
– de la rupture organique au sein des organisations révolutionnaires résultant de cette situation ;
– du recul de la conscience dans l’ensemble de la classe à la suite de l’effondrement du stalinisme ;
– du poids délétère de la décomposition du capitalisme sur la conscience du prolétariat ;
– de l’aptitude de la classe dominante à faire surgir des organisations (tel le Nouveau parti anticapitaliste en France et Die Linke en Allemagne) qui ont pour vocation de prendre la place des partis staliniens aujourd’hui disparus ou moribonds ou de la social-démocratie déconsidérée par plusieurs décennies de gestion de la crise capitaliste mais qui, du fait de leur nouveauté, sont en mesure d’entretenir des mystifications importantes au sein de la classe ouvrière.
En fait, la politisation des combats du prolétariat est en lien avec le développement de la présence en leur sein de la minorité communiste. Le constat des faibles forces actuelles du milieu internationaliste est un des indices de la longueur du chemin qui reste encore à parcourir avant que la classe ouvrière puisse s’engager dans ses combats révolutionnaires et qu’elle fasse surgir son parti de classe mondial, organe essentiel sans lequel la victoire de la révolution est impossible.
Le chemin est long et difficile, mais cela ne saurait en aucune façon être un facteur de découragement pour les révolutionnaires, de paralysie de leur engagement dans le combat prolétarien. Bien au contraire !
CCI
Il y a vingt ans, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin était abattu et démonté morceau par morceau par une foule en délire. Ce fut là, au cœur de l’Europe, au sein d’une Allemagne enivrée par l’abolition du “rideau de fer” et le mirage de la réunification, le symbole le plus fort de la fin de la division du monde en deux blocs rivaux : l’Est et l’Ouest. En cette fin d’année 1989, en quelques mois, l’humanité assista à la dislocation de l’URSS et à la disparition des régimes staliniens d’Europe de l’Est.
A l’époque, cet événement permit à la bourgeoisie d’utiliser une arme idéologique de destruction massive : la mort du stalinisme prouvait définitivement que le communisme était un rêve dangereux qui menait forcément au totalitarisme et à la faillite ! En identifiant ainsi frauduleusement le stalinisme au communisme, en faisant de la débandade économique et de la barbarie des régimes staliniens la conséquence inévitable de la révolution prolétarienne, la bourgeoisie visait à détourner les ouvriers de toute perspective révolutionnaire.
Dans la foulée, la bourgeoisie en profita aussi pour faire passer un second gros mensonge dont elle a le secret : avec la disparition du stalinisme, le capitalisme allait enfin pouvoir s’épanouir vraiment. L’avenir, promettait-elle, s’annonçait radieux. C’est ainsi que le 16 mars 1991, George Bush père, président des Etats-Unis d’Amérique, fort de sa toute récente victoire sur l’armée irakienne de Saddam Hussein, annonça la venue d’un “nouvel ordre mondial” et l’achèvement d’un “monde où les Nations unies, libérées de l’impasse de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la vision historique de leurs fondateurs. Un monde dans lequel la liberté et les droits de l’homme sont respectés par toutes les nations”. Cette seconde fumisterie ne fit pas long feu. Les années 1990 et 2000 ont été marquées par une succession de guerres (de la Yougoslavie à l’Afghanistan en passant, une seconde fois, par l’Irak) et par une paupérisation croissante. D’ailleurs, aujourd’hui, en plein cœur d’une débâcle économique sans précédent, les célébrations de la chute du mur se sont faite discrètes, modestes, tant les promesses de “liberté”, de “paix” et de “prospérité” apparaissent aux yeux de tous, pour ce qu’elles sont : une escroquerie.
La classe ouvrière n’a plus guère d’illusion sur ce système d’exploitation. Elle sait aujourd’hui que l’avenir promis par le capitalisme ne peut être fait que de chômage, de misère, de guerre et de souffrances. Par contre, ce qui lui manque pour avoir le courage de rentrer en lutte, c’est un espoir, une perspective, un autre monde possible pour lequel combattre. Les mensonges assimilant communisme et stalinisme, cette immense propagande qui s’est déchaînée à l’occasion de la chute du mur et de l’effondrement du bloc de l’Est, pèsent encore aujourd’hui dans les têtes ouvrières, y compris les plus combatives.
C’est pourquoi nous publions ci-dessous de larges extraits d’un document que nous avions diffusé en janvier 1990 comme supplément à notre presse territoriale et qui visait justement à combattre cette campagne nauséabonde.
En crevant, le stalinisme rend aujourd’hui un dernier service au capitalisme. (…)
La mort du stalinisme constitue aujourd’hui une victoire idéologique pour la bourgeoisie occidentale. A l’heure actuelle, le prolétariat doit encaisser le coup. Mais il devra comprendre que le stalinisme n’a jamais été autre chose que la forme la plus caricaturale de la domination capitaliste. (…) Il devra comprendre qu’à l’Ouest, comme à l’Est, le capitalisme ne peut offrir aux masses exploitées qu’une misère et une barbarie croissantes avec, au bout, la destruction de la planète. Il devra comprendre, enfin, qu’il n’y a pas de salut pour l’humanité en dehors de la lutte de classe du prolétariat international, une lutte à mort qui, en renversant le capitalisme, permettra l’édification d’une véritable société communiste mondiale, une société débarrassée des crises, des guerres, de la barbarie et de l’oppression sous toutes ses formes. (…)
En clamant haut et fort que la barbarie stalinienne est l'héritière légitime de la révolution d'Octobre 1917, en affirmant que Staline n'a fait que pousser jusqu'à ses ultimes conséquences un système élaboré par Lénine, toute la bourgeoisie MENT. Tous les journalistes, tous les historiens et autres idéologues à la solde du capitalisme savent pertinemment qu’il n’y a aucune continuité entre l’Octobre prolétarien et le stalinisme. Ils savent tous que l’instauration de ce régime de terreur n’a été rien d’autre que la contre-révolution qui s’est installée sur les ruines de la révolution russe, avec la défaite de la première vague révolutionnaire internationale de 1917-1923. Car c’est bien l’isolement du prolétariat russe, après l’écrasement sanglant de la révolution en Allemagne, qui a porté un coup mortel au pouvoir des soviets ouvriers en Russie.
L’Histoire n’a fait que confirmer de façon tragique ce que, dès l’aube du mouvement ouvrier, le marxisme a toujours affirmé : la révolution communiste ne peut prendre qu’un caractère international. “La révolution communiste (...) ne sera pas une révolution purement nationale ; elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés (...) Elle exercera également sur tous les autres pays du globe une répercussion considérable et elle transformera complètement et accélérera le cours de leur développement. Elle est une révolution universelle ; elle aura, par conséquent, un terrain universel” (F. Engels, Principes du communisme, 1847). Et c’est cette fidélité aux principes du communisme et de l’internationalisme prolétarien que Lénine, dans l’attente d’un relais de la révolution en Europe, exprimait lui-même en ces termes : “La révolution russe n’est qu’un détachement de l’armée socialiste mondiale, et le succès et le triomphe de la révolution que nous avons accomplie dépendent de l’action de cette armée. C’est un fait que personne parmi nous n’oublie (...). Le prolétariat russe a conscience de son isolement révolutionnaire, et il voit clairement que sa victoire a pour condition indispensable et prémisse fondamentale, l’intervention unie des ouvriers du monde entier” (Lénine, “Rapport à la Conférence des comités d’usines de la province de Moscou”, 23 juillet 1918).
Ainsi, de tous temps, l’internationalisme a été la pierre angulaire des combats de la classe ouvrière et du programme de ses organisations révolutionnaires. C’est ce programme que Lénine et les bolcheviks ont constamment défendu. C’est armé de ce programme que le prolétariat a pu, en prenant le pouvoir en Russie, contraindre la bourgeoisie à mettre fin à la première guerre mondiale et affirmer ainsi sa propre alternative : contre la barbarie généralisée du capitalisme, transformation de la guerre impérialiste en guerre de classe.
Toute remise en cause de ce principe essentiel de l’internationalisme prolétarien a toujours été synonyme de rupture avec le camp prolétarien, d’adhésion au camp du capital. Avec l’effondrement de l’intérieur de la révolution russe, le stalinisme a justement constitué cette rupture, lorsque, dès 1925, Staline met en avant sa thèse de la “construction du socialisme en un seul pays” grâce à laquelle va s’installer dans toute son horreur la contre-révolution la plus effroyable de toute l’histoire humaine. Dès lors, l’URSS n’aura plus de “soviétique” que le nom : la dictature du prolétariat à travers le pouvoir des “conseils ouvriers” (soviets) va se transformer en une implacable dictature du Parti-Etat sur le prolétariat.
L’abandon de l’internationalisme par Staline, digne représentant de la bureaucratie d’Etat, signera définitivement l’arrêt de mort de la révolution. La politique de la 3ème Internationale dégénérescente sera, partout, sous la houlette de Staline, une politique contre-révolutionnaire de défense des intérêts capitalistes. C’est ainsi qu’en 1927, en Chine, le PC, suivant les directives de Staline, se diluera dans le Kuomintang (parti nationaliste chinois) et désarmera le prolétariat insurgé à Shanghaï, et ses militants révolutionnaires, pour les livrer pieds et poings liés à la répression sanglante de Tchang Kaï Tchek, proclamé “membre d’honneur” de l’Internationale stalinisée.
Et face à l’Opposition de gauche qui se développe alors contre cette politique nationaliste, la contre-révolution stalinienne va déchaîner toute sa hargne sanguinaire : tous les bolcheviks qui tentaient encore de défendre contre vents et marées les principes d’Octobre seront exclus du Parti en URSS, déportés par milliers, pourchassés, traqués par le Guépéou, puis sauvagement exécutés lors des grands procès de Moscou (et cela avec le soutien et la bénédiction de l’ensemble des pays “démocratiques” !).
Voilà comment ce régime de terreur a pu s’instaurer : c’est sur les décombres de la révolution d’Octobre 1917 que le stalinisme a pu asseoir sa domination. C’est grâce à cette négation du communisme constituée par la théorie du “socialisme en un seul pays” que l’URSS est redevenue un Etat capitaliste à part entière. Un Etat où le prolétariat sera soumis, le fusil dans le dos, aux intérêts du capital national, au nom de la défense de la “patrie socialiste”.
Ainsi, autant l’Octobre prolétarien, grâce au pouvoir des conseils ouvriers, avait donné le coup d’arrêt à la guerre impérialiste, autant la contre-révolution stalinienne, en détruisant toute pensée révolutionnaire, en muselant toute velléité de lutte de classe, en instaurant la terreur et la militarisation de toute la vie sociale, annonçait la participation de l’URSS à la deuxième boucherie mondiale.
Toute l’évolution du stalinisme sur la scène internationale dans les années 30 a, en effet, été marquée par ses marchandages impérialistes avec les principales puissances capitalistes qui, de nouveau, se préparaient à mettre l’Europe à feu et à sang. Après avoir misé sur une alliance avec l’impérialisme allemand afin de contrecarrer toute tentative d’expansion de l’Allemagne vers l’Est, Staline tournera casaque au milieu des années 30 pour s’allier avec le bloc “démocratique” (adhésion de l’URSS en 1934 à ce “repère de brigands” qu’était la SDN, pacte Laval-Staline en 1935, participation des PC aux “fronts populaires” et à la guerre d’Espagne au cours de laquelle les staliniens n’hésiteront pas à user des mêmes méthodes sanguinaires en massacrant les ouvriers et les révolutionnaires qui contestaient leur politique). A la veille de la guerre, Staline retournera de nouveau sa veste et vendra la neutralité de l’URSS à Hitler en échange d’un certain nombre de territoires, avant de rejoindre enfin le camp des “Alliés” en s’engageant à son tour dans la boucherie impérialiste où l’Etat stalinien sacrifiera, à lui seul, 20 millions de vies humaines. Tel fut le résultat des tractations sordides du stalinisme avec les différents requins impérialistes d’Europe occidentale. C’est sur ces monceaux de cadavres que l’URSS stalinienne a pu se constituer son empire, imposer sa terreur dans tous les Etats qui vont tomber, avec le traité de Yalta, sous sa domination exclusive. C’est grâce à sa participation à l’holocauste généralisé aux côtés des puissances impérialistes victorieuses que, pour le prix du sang de ses 20 millions de victimes, l’URSS a pu accéder au rang de superpuissance mondiale.
Mais si Staline fut “l’homme providentiel” grâce auquel le capitalisme mondial a pu venir à bout du bolchevisme, ce n’est pas la tyrannie d’un seul individu, aussi paranoïaque fut-il, qui a été le maître d’œuvre de cette effroyable contre-révolution. L’Etat stalinien, comme tout Etat capitaliste, est dirigé par la même classe dominante que partout ailleurs, la bourgeoisie nationale. Une bourgeoisie qui s’est reconstituée, avec la dégénérescence interne de la révolution, non pas à partir de l’ancienne bourgeoisie tsariste éliminée par le prolétariat en 1917, mais à partir de la bureaucratie parasitaire de l’appareil d’Etat avec lequel s’est confondu de plus en plus, sous la direction de Staline, le Parti bolchevik. C’est cette bureaucratie du Parti-Etat qui, en éliminant à la fin des années 20 tous les secteurs susceptibles de reconstituer une bourgeoisie privée, et auxquels elle s’était alliée pour assurer la gestion de l’économie nationale (propriétaires terriens et spéculateurs de la NEP), a pris le contrôle de cette économie. Telles sont les conditions historiques qui expliquent que, contrairement aux autres pays, le capitalisme d’Etat en URSS ait pris cette forme totalitaire, caricaturale. Le capitalisme d’Etat est le mode de domination universel du capitalisme dans sa période de décadence où l’Etat assure sa mainmise sur toute la vie sociale, et engendre partout des couches parasitaires. Mais dans les autres pays du monde capitaliste, ce contrôle étatique sur l’ensemble de la société n’est pas antagonique avec l’existence de secteurs privés et concurrentiels qui empêchent une hégémonie totale de ces secteurs parasitaires. En URSS, par contre, la forme particulière que prend le capitalisme d’Etat se caractérise par un développement extrême de ces couches parasitaires issues de la bureaucratie étatique et dont la seule préoccupation n’était pas de faire fructifier le capital en tenant compte des lois du marché, mais de se remplir les poches individuellement au détriment des intérêts de l’économie nationale. Du point de vue du fonctionnement du capitalisme, cette forme de capitalisme d’Etat était donc une aberration qui devait nécessairement s’effondrer avec l’accélération de la crise économique mondiale. Et c’est bien cet effondrement du capitalisme d’Etat russe issu de la contre-révolution qui a signé la faillite irrémédiable de toute l’idéologie bestiale qui, pendant plus d’un demi-siècle, avait cimenté le régime stalinien et fait peser sa chape de plomb sur des millions d’êtres humains.
Voilà comment est né et de quoi est mort le stalinisme. C’est dans la boue et dans le sang de la contre-révolution qu’il s’est imposé sur la scène de l’histoire, c’est dans la boue et le sang qu’il est en train de crever tel que le révèlent dans toute leur horreur les récents événements de Roumanie et qui ne font qu’annoncer des massacres bien plus sanguinaires encore au cœur même de ce régime, en URSS.
En aucune façon, et quoi qu’en disent la bourgeoisie et ses médias aux ordres, cette hydre monstrueuse ne s’apparente ni au contenu ni à la forme de la révolution d’Octobre 17. Il fallait que celle-ci s’effondre pour que celle-là puisse s’imposer. Cette rupture radicale, cette antinomie entre Octobre et le stalinisme, le prolétariat doit en prendre pleinement conscience (…).
CCI (8 janvier 1990).
2) Cet intertitre a été ajouté à la version initiale pour faciliter la lecture.
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Dernièrement, les syndicats, la gauche et l’extrême-gauche ont lancé, ensemble et unis, une grande opération médiatique pour lutter contre la privatisation de La Poste en organisant un référendum intitulé “votation citoyenne”. Olivier Besancenot, porte-parole du NPA, s’est même réjoui de mener cette action “révolutionnaire” aux côtés du PS. Et face à l’horrible vague de suicides chez France Telecom, tous les syndicats et toutes les organisations de gauche ont dénoncé avec virulence la privatisation de l’entreprise qui induit d’après eux ces “méthodes de management” insoutenables et cette “pression pour atteindre des résultats”.
Indéniablement, aujourd’hui, chaque processus de privatisation est accompagné d’un cortège d’attaques : flexibilité, intensification des cadences, harcèlements, licenciements... Mais est-ce sur le terrain de la “défense du service public”, comme ils nous le proposent, que l’on peut combattre cette forte dégradation des conditions de vie et de travail ?
Tout d’abord, une mise au point s’impose. Les différents partis de gauche ont beau jeu aujourd’hui de pousser des cris d’orfraie face aux horreurs induites par la privatisation de France Telecom ou pour dénoncer le changement de statut de La Poste. Ce sont eux qui hier, quand ils étaient au pouvoir (1), ont préparé la privatisation de France Télécom et d’Air France entre 1997 et 1998, ce sont eux qui ont décidé de l’“ouverture à la concurrence du marché de La Poste” en 2000, ce sont eux qui ont programmé les privatisations (ou l’ouverture du capital) de Thomson, du Gan, du CIC, du CNP, d’Eramet, du Crédit Lyonnais, d’Aerospatiale, d’Autoroutes du Sud de la France… Quant aux syndicats, durant ces différentes périodes, aucun d’eux n’a mené campagne ni appelé à des manifestations. Quand la droite a modifié le statut d’EDF en 2004, les syndicats étaient vent-debout. Mais quand les mêmes mesures sont prises par la gauche, ils sont alors ventre à terre.
Toutes les gesticulations actuelles de la gauche et des syndicats ne sont donc que pure hypocrisie.
Les ouvriers de La Poste et de France Telecom sont légitimement inquiets et en colère. Mais aller chercher la protection de l’État, est-ce vraiment la solution ? Car en luttant “contre la privatisation et pour la défense des services publics” c’est bien de cela qu’il s’agit. En formulant ainsi les revendications de la lutte, les syndicats, la gauche et l’extrême-gauche veulent faire croire à la classe ouvrière que l’Etat peut être de leur côté, qu’il peut les protéger contre les méfaits du capitalisme et de l’exploitation. Cette idéologie s’appuie sur plusieurs idées répandues :
– les fonctionnaires ont des conditions de travail privilégiées, ou en tout cas moins dures que dans le privé ;
– les entreprises d’Etat sont là non pour faire du bénéfice mais pour rendre service à la collectivité ;
– la vague de nationalisation des années 1945-1950 a permis une amélioration substantielle des conditions de vie et de travail.
Vérifions tout cela point par point : il est vrai que certains postes de bureau, dans les administrations, sont souvent moins pénibles. Cela dit, même cette idée très répandue est à relativiser car aujourd’hui dans les bureaux comme ailleurs, les conditions de travail se détériorent. Les collègues partant à la retraite n’étant pas remplacés (ou même parfois ceux qui mutent), la charge de travail pour ceux qui restent augmente considérablement. Ensuite, de nombreux fonctionnaires ont des boulots épuisants physiquement ou nerveusement. Il ne faut pas oublier que c’est à l’Education nationale, chez les enseignants, que le taux de suicide est le plus élevé. Les charges horaires d’une infirmière des Hôpitaux de Paris ou d’un interne, par exemple, sont insoutenables.
Enfin, l’Etat est le champion des emplois précaires. Il paye certains “emplois aidés” (comme les assistants d’éducation) sous le SMIC horaire. Il multiplie ainsi les CDD de 2 mois par-ci, 3 mois par-là. Certains sont ainsi embauchés durant des années en vivant en permanence dans le stress de ne pas être renouvelés ! Un récent fait d’actualité résume à lui seul toute l’inhumanité dont est capable l’Etat : des travailleurs africains sans papiers se sont filmés en train de charrier des seaux fumants remplis de goudrons à 300 °C, sans gants ni bottes, et ce durant toutes les heures de la nuit dans les tunnels du métro parisien. Qui était leur patron ? L’Etat ! Enfin, pour être précis, car l’Etat n’est pas avare d’hypocrisie, le patron était un sous-traitant d’un autre sous-traitant embauché par la RATP, entreprise semi-publique ! (2)
Les entreprises d’Etat, comme toutes les entreprises, sont là pour faire du bénéfice. L’exploitation n’y disparaît pas comme par enchantement. Ainsi, les grèves très combatives des employés de La Poste dans les années 1970, 1980, 1990 démontrent à l’évidence que ce “service public” n’était pas aussi social et humain que le prétendent la gauche et les gauchistes. Ce n’est pas pour rien que l’Etat, comme toute entreprise capitaliste aujourd’hui, supprime des postes chaque année, et par dizaines de milliers ! Nos détracteurs souligneront que certaines branches (comme la Sécurité sociale ou l’Education nationale) ne font pas de profits, qu’elles sont juste là pour le bien de la collectivité. Cela rejoint la question des nationalisations des années 1945-1950.
Les privatisations actuelles et les nationalisations de l’après-Seconde Guerre mondiale sont en fait le fruit d’une seule et même logique : la volonté de chaque Etat de s’appuyer sur des entreprises compétitives pour défendre ou accroître ses parts sur le marché mondial. Seul le contexte a changé. En 1945, chaque bourgeoisie nationale tentait de “reconstruire” son économie. Pour ce faire, il fallait absolument que l’Etat prenne directement en main les secteurs clefs de l’économie nationale : les transports, l’énergie, l’éducation, la santé. Pour ces deux derniers, il s’agissait d’avoir une main-d’œuvre qualifiée et en bonne santé, autrement dit des travailleurs très productifs, prêts à travailler pleinement et sans limite, à se “sacrifier” sur l’autel de la défense du capital national. Les déclarations du secrétaire général du PCF, M. Thorez, devenu ministre d’Etat de la Fonction publique entre 1945 et 1947 et vice-président du Conseil, qui appelaient les ouvriers français à “Produire, [car] c’est aujourd’hui la forme la plus élevée du devoir de classe” et à “retrousser les manches” sont tout à fait explicites.
Si les services publics rendent donc effectivement “service” à une communauté, il ne s’agit pas de la communauté en général mais de cette communauté particulière nommée “bourgeoisie nationale”.
La politique de défense des services publics et de lutte contre la privatisation est donc un piège tendu à la classe ouvrière. Le but est de lui faire oublier que l’Etat est son pire ennemi. Ce n’est rien d’autre qu’une tentative de jeter les ouvriers dans la gueule du loup.
En diminuant par dizaines de milliers le nombre de fonctionnaires, en créant de nouveaux impôts et taxes, en diminuant les remboursements des frais médicaux, en allongeant l’âge de la retraite, en orchestrant en sous main les restructurations dans les grandes entreprises… l’Etat mène des attaques féroces contre toute la classe ouvrière. Le comprendre, c’est permettre une lutte unie de tous les ouvriers contre le représentant principal du capital.
Privé-public : une même exploitation, une même lutte ! Ce n’est qu’en empruntant ce chemin que l’on pourra réellement honorer la mémoire de ceux qui n’ont pas supporté cette pression, notamment ce travailleur de France Telecom qui disait : “j’espère que mon geste servira à quelque chose.”
Dam (22 octobre)
1) En particulier le gouvernement Jospin et sa “majorité plurielle” : PS, PCF et Verts.
Nous publions ci-dessous la traduction d’un article réalisé par World Revolution, organe de presse du CCI en Grande-Bretagne.
L’une des manifestations de lutte de classe les plus significatives en Corée du Sud, depuis de nombreuses années, a été l’occupation de l’usine de construction de voiture Ssangyong, à Pyeongtaek près de Séoul, qui s’est terminée début août (1).
Après avoir occupé l’usine pendant 77 jours dans des conditions de siège où la nourriture, l’eau, le gaz et l’électricité leurs étaient refusés, et avoir résisté à des assauts répété de la police soutenue par une unité de rangers, de nervis et de briseurs de grève, les ouvriers ont été obligés d’abandonner leur occupation avec beaucoup de leurs revendications principales non satisfaites, et ils ont été immédiatement soumis à une vague de répression sous forme d’arrestations, d’interrogatoires et dans certains cas d’amendes exorbitantes.
L’économie sud-coréenne ne s’est jamais vraiment remise de l’atterrissage en catastrophe des “Tigres et Dragons”, en 1997 – un précurseur de l’actuel krach du crédit. Depuis lors, l’ensemble de l’industrie automobile est en crise profonde. La Ssangyong Motor Company, qui est maintenant sous le contrôle d’un conglomérat de véhicules automobiles chinois, a graduellement réduit sa main-d’œuvre et a proposé un plan pour offrir l’usine en garantie afin de s’assurer les prêts dont elle avait besoin pour échapper à la faillite. Ce plan impliquait beaucoup plus de licenciements – 1700 ouvriers contraints à une retraite anticipée et la mise à la porte de 300 travailleurs occasionnels – ainsi qu’un transfert de technologie vers la Chine avec l’objectif éventuel de s’approvisionner sur le marché de gros du puissant voisin de la Corée où la main-d’œuvre est disponible à prix réduit.
La grève et l’occupation d’usine, qui ont commencé au matin du 22 mai, étaient accompagnées de la demande de ne licencier personne, de ne précariser personne et de ne pas s’approvisionner à l’extérieur. Pendant l’occupation, le millier d’ouvriers qui occupait l’usine a fait preuve d’un courage et d’une ingéniosité exemplaires pour se défendre contre des forces de police équipées d’hélicoptères, de gaz lacrymogènes, de pistolets paralysants et autres matériels militaires. Cette résistance a exigé non seulement la fabrication d’armes improvisées (tubes en métal, cocktails Molotov, frondes) mais également le sens de la stratégie et de la tactique de défense – par exemple, ils ont répliqué à la supériorité écrasante des forces de répression par un repli vers le département de la peinture, calculant (correctement) que les matériaux inflammables qui y étaient entreposés dissuaderaient la police d’utiliser les gaz lacrymogènes, particulièrement à la suite d’une tragédie récente à Séoul où cinq personnes sont mortes dans un incendie allumé au cours d’une confrontation avec la police.
Ces actions réclament un sens aigu de l’initiative et de l’auto-organisation. Il semble que les ouvriers s’étaient organisés en 50 ou 60 groupes de dix membres chacun, chacun de ces groupes choisissant un délégué pour coordonner l’action.
L’occupation a également inspiré des actes de solidarité de la part d’autres ouvriers, beaucoup d’entre eux se trouvant face au même avenir incertain. Les ouvriers de l’usine voisine d’automobiles de Kia-Hyundai ont été particulièrement actifs, avec des centaines d’ouvriers venant à l’usine pour la défendre contre l’attaque concertée de la police. Des tentatives pour atteindre les grilles de l’usine, et apporter de la nourriture et diverses provisions aux occupants, se sont heurtées à une violence aussi brutale que celle exercée contre les ouvriers à l’intérieur. Il n’y a aucun doute que l’occupation a été considérablement soutenue par toute la classe ouvrière coréenne – un fait qui s’est reflété dans la position de la fédération syndicale nationale, le KCTU, qui a appelé à une grève générale de deux jours et à un rassemblement de solidarité nationale fin juillet.
Mais bien que certaines des mesures proposées à l’origine par les patrons aient été annulées à la fin de la grève, l’occupation s’est achevée dans la défaite. Les ouvriers sont sortis de l’occupation vaincus et meurtris, certains sérieusement blessés, et avec une certaine recrudescence des suicides parmi les salariés ou leurs familles.
“Dans les négociations finales, le secrétaire du syndicat local était d’accord avec la retraite anticipée proposée (c’est-à-dire licenciement avec concession d’une indemnité de licenciement) pour 52 % des travailleurs, et avec un congé pour 48 % d’entre eux pendant une année sans salaire, après quoi ils seraient réembauchés si les conditions économiques le permettaient. La société paierait également une indemnité mensuelle de 550 000 wons pendant une année à quelques ouvriers transférés sur des postes commerciaux.
“Les jours suivants aux insultes se sont ajoutés les coups au cours de la période de détention, à l’encontre de nombreux d’ouvriers emprisonnés, en attendant le dressage des actes d’accusation et un procès intenté par la société contre le syndicat KMWU pour lui réclamer 500 000 000 de wons (45 000 000 $ US). Comme on l’a indiqué, la législation du travail coréenne autorise en ce cas des procès individualisés et des poursuites qui ont déjà par le passé laissé certains ouvriers sans aucune ressource. La société réclame en la circonstance un dédommagement de 316 milliards de wons (258,6 millions de $) équivalant à une perte de production estimée à 14 600 véhicules, à cause de la grève” (2).
Ce que cette défaite démontre surtout, c’est que même si on organise au mieux la défense et l’occupation d’une usine, si la lutte ne s’étend pas, celle-ci échouera dans la grande majorité des cas. Le besoin central de tout groupe d’ouvriers confronté aux licenciements est d’aller à la rencontre d’autres ouvriers, de se rendre dans d’autres usines et bureaux, et d’expliquer la nécessité d’une action commune, afin d’établir un rapport de forces qui peut contraindre les patrons et l’Etat à reculer. La solidarité active montrée par les ouvriers de Kia-Hyundai et d’autres à l’extérieur des grilles de l’usine prouve que ce n’est pas utopique, mais que le mouvement doit aller prioritairement vers l’extension plutôt que d’opposer une simple résistance aux attaques de la police contre une usine occupée, quelle que soit la nécessité de cette dernière. Les ouvriers qui réfléchissent à propos de cette défaite doivent poser la question : pourquoi ces authentiques expressions de solidarité ne se sont-elles pas traduites par une extension directe de la lutte, à Kia et dans d’autres lieux de travail ? Plus que cela : ces minorités militantes qui se trouvent en train de remettre en cause la stratégie des syndicats doivent se réunir dans des groupes ou des comités afin de pousser à l’extension et à l’organisation indépendante de la lutte.
Pour nous, la clef du problème est que la question de l’extension a été laissée aux mains des syndicats, pour lesquels le déclenchement de la grève fait partie d’un rituel bien rodé, avec des actions symboliques qui n’avaient absolument pas pour objectif de mobiliser un grand nombre d’ouvriers, y compris à travers leur soutien à l’occupation de Ssangyong, laissant de côté l’extension de la lutte pour mettre en avant leurs propres revendications. A l’intérieur de l’usine, le syndicat (le KMWU) semble avoir maintenu un contrôle global de la situation. Loren Goldner, qui était en Corée quand la lutte a commencé et a pu se rendre dans l’usine, raconte sa discussion avec un ouvrier qui a participé à l’occupation : “J’ai parlé à un ouvrier qui participait activement à l’occupation et qui critiquait le rôle du syndicat. D’après lui, le KMWU gardait le contrôle de la grève. Cependant, contrairement au rôle des syndicats dans la lutte de Visteon au Royaume Uni et dans le démantèlement de l’industrie automobile aux Etats-Unis, le KMWU a soutenu les actions illégales d’occupation de l’usine et de préparation à sa défense armée. D’un autre côté, dans les négociations avec la société, il s’est concentré sur la demande de ne licencier personne et il a mis la pédale douce par rapport aux demandes de sécurité d’emploi pour tous et contre l’externalisation.”
L’extension de la lutte ne peut pas être laissée entre les mains des syndicats. Elle ne peut être prise en charge effectivement que par les ouvriers eux-mêmes. Quand les syndicats soutiennent des actions illégales et quand leurs représentants locaux participent à une lutte, cela ne prouve pas que les syndicats puissent parfois être du côté de la lutte. Cela montre au mieux que les dirigeants syndicaux subalternes, comme dans le cas du secrétaire local de KMWU, sont souvent aussi des ouvriers et peuvent encore agir en tant qu’ouvriers ; mais au mieux cela sert à maintenir l’illusion que les syndicats, au moins au niveau local, sont encore des organes de lutte du prolétariat.
Goldner tire les conclusions suivantes de la défaite : “La défaite de Ssangyong ne peut pas être seulement attribuée au rôle bancal de l’organisation nationale du KMWU, qui, dès le début, a permis aux négociations d’être canalisées vers l’objectif étroit du “aucun licenciement”. La défaite ne peut non plus être entièrement expliquée par l’ambiance de la crise économique. Ces deux facteurs ont assurément joué un rôle majeur. Mais au-dessus et au-delà de leur impact indéniable, c’est le recul, année après année de la classe ouvrière coréenne, surtout à travers la précarisation, qui affecte maintenant plus de 50 % de la main-d’œuvre. Des milliers d’ouvriers des usines voisines ont à plusieurs reprises apporté leur aide à la grève de Ssangyong, mais cela n’a pas été suffisant. La défaite des grévistes de Ssangyong, en dépit de leur héroïsme et de leur ténacité, ne fera qu’approfondir la démoralisation régnante jusqu’à ce qu’une stratégie se développe qui puisse mobiliser un plus large soutien, non pour livrer simplement des batailles défensives mais pour pouvoir passer à l’offensive”.
Nous sommes assurément d’accord sur le fait que l’atmosphère de crise économique a certainement un effet paralysant sur de nombreux ouvriers, qui peuvent voir que l’arme de la grève est souvent inefficace quand l’usine ferme de toutes façons, et qui ont vu tellement d’occupations contre les fermetures étranglées après un siège prolongé. Le processus de précarisation joue également un rôle en atomisant la main-d’œuvre, bien que nous ne pensions pas que ce soit le facteur décisif et qu’il ne s’applique certainement pas seulement à la Corée. En tous cas, c’est en lui-même un aspect de la crise, une des nombreuses mesures que les patrons utilisent pour réduire le coût de la main-d’œuvre et pour disperser la résistance.
Finalement, Goldner a raison de dire que les ouvriers devront passer à l’offensive, c’est-à-dire se lancer dans la grève de masse qui a pour objectif, à terme, de renverser le capitalisme. Mais c’est précisément la prise de conscience naissante de l’ampleur de la tâche qui, dans un premier temps, peut également inciter les ouvriers à hésiter à s’engager dans la lutte.
Une chose est certaine : la question du passage des luttes défensives aux luttes offensives ne peut pas être posée seulement en Corée. Cela ne peut qu’être le résultat d’une maturation internationale de la lutte de classe, et dans ce sens, la défaite chez Ssangyong et les leçons à en tirer peuvent apporter une véritable contribution à ce processus.
Amos (1er septembre).
1) Une vidéo de cet événement est consultable sur notre site internet : https://fr.internationalism.org/icconline/20009/la_defaite_a_ssangyong_coree_du_sud_montre_la_necessite_de_l_extension_de_la_lutte.html [95]
2) Cette citation est de Loren Goldner qui est un intellectuel engagé d’origine américaine ayant longuement résidé en Corée du Sud. Il est l’auteur de nombreux articles traitant souvent de manière très pertinente la crise économique du capitalisme et la lutte de classe, en particulier en Corée du Sud. Il a notamment dressé ce bilan détaillé de la lutte à l’usine de Ssangyong consultable sur libcom.org. dont est extraite cette citation et les suivantes.
Nous publions ci-dessous un tract émanant du collectif “Unité à la base de Tours” (1). Ces camarades, pour la plupart de jeunes étudiants, ont su se réunir pour animer des assemblées générales ouvertes à tous, refusant l’enfermement corporatif dans lequel les syndicats cherchaient à enfermer la lutte. Ils ont mené une activité intense au cours de laquelle ils ont tenté de rejoindre les salariés sur leur lieu de travail, afin de discuter et d’appeler à étendre la lutte. Ce tract a le grand mérite de poser la question de la perspective révolutionnaire en mettant en avant la nécessité de remettre en cause la société capitaliste. Il essaye en même temps de tirer des leçons et de faire un bilan des derniers combats. Il s’agit là, selon notre point de vue, d’une démarche politique importante et nécessaire pour préparer les luttes futures.
La crise économique se développe. Partie du secteur financier, elle s’est étendue à tous les secteurs de l’économie. Les délocalisations et les fermetures d’usines en sont les manifestations les plus flagrantes. Le bâtiment, par exemple, connaît aussi de graves problèmes. Mais les entreprises de ce secteur sont de taille plus réduite. Elles attirent moins l’attention des médias.
Cherchant essentiellement des événements spectaculaires, conduisant à des surenchères médiatiques.
Cette crise dont la bourgeoisie (les propriétaires des moyens de production et du capital) est responsable, ce sont les travailleurs et les futurs travailleurs de tous les pays qui la payent. Les fermetures d’usines, les délocalisations, les licenciements, les cas de chômage technique et partiel..., dont souffrent les travailleurs ne se comptent plus. La crise a pour conséquence une augmentation de la violence dans les rapports sociaux entre les classes. Dans les faits, cela se traduit d’un côté, par des attaques répétées contre les acquis sociaux, bientôt réduits à néant : volonté d’augmenter la durée du travail (“travailler plus pour gagner plus”...), repousser l’âge du départ à la retraite (67, voire 70 ans…), attaques contre le code du travail (travail dominical...), etc. Tout ceci n’a qu’un but : renforcer l’exploitation ! De l’autre côté, cela se traduit par une volonté des travailleurs de résister à ces attaques, de manière de plus en plus combative : séquestrations de cadres dirigeants (3M...), grèves dures avec occupation du lieu de travail (Continental...), développement des liens nationaux et internationaux : rencontres des salariés de plusieurs usines au siège de leur groupe (Michelin, Caterpillar...) et liaisons avec les travailleurs d’autres pays (Continental avec l’Allemagne...), certains allant même jusqu’à menacer de faire sauter leur usine pour obtenir des indemnités de licenciement décentes (New Fabris...).
Mais ces luttes semblent prendre une nouvelle tournure. Beaucoup de travailleurs mobilisés n’ont plus l’espoir de pouvoir conserver leur emploi et donc de maintenir leur site industriel. Ce qu’ils veulent c’est de faire en sorte que les “plans sociaux” (langage technocratique pour dire licenciements massifs) leur donnent un maximum d’argent. Ainsi, d’une part, les actionnaires seront dans l’obligation de débourser un peu plus que ce qu’ils avaient prévu ; d’autre part, ces travailleurs pourront tenir un peu plus longtemps malgré la faiblesse des allocations liées au chômage. C’est donc les questions de dignité et de conditions de vie qu’ils posent. Mais il n’en reste pas moins vrai qu’ils – nous sommes) – sont dans une impasse.
C’est à une véritable crise de perspectives auxquelles nous sommes confrontés. Les confédérations syndicales, de par leur stratégie d’accompagnement de la crise, n’offrent aucun moyen pour sortir de cette voie sans issue. Cela montre que la nécessité de s’organiser autrement, en essayant de reconstruire de nouvelles perspectives en rupture avec le capitalisme devient à la fois urgente et vitale. Comment parvenir à un partage égalitaire des richesses ? Comment sortir de la domination des actionnaires et autres petits chefs qui ruinent notre quotidien ? C’est bien de notre vie de tous les jours, mais aussi du devenir de l’humanité, de l’avenir de la planète dont il est question : un choix de société ! Est-ce que les confédérations syndicales sont capables de construire des espaces où nous pourrions réfléchir sur notre quotidien, commencer à le transformer ? Peut-on envisager que les bureaucraties syndicales puissent favoriser l’imagination et la lutte pour un devenir dans lequel les rapports sociaux deviennent la préoccupation centrale de l’organisation sociale et non plus la recherche de profits pour une minorité toujours plus avide ?
Les succès des grandes mobilisations des 29 janvier et 19 mars ont été porteurs d’espoir. Force est de constater que les suites données par les directions syndicales n’ont pas été à la hauteur de nos espérances. La plupart des directions des grandes centrales se sont contentées de discuter avec le gouvernement, d’organiser “des journées coup de poing”. Rien de réellement positif ne s’est concrétisé pour renforcer le camp des travailleurs et de tous les dominés : pour construire la solidarité de classe. Cela a conduit logiquement aux débandades des 26 mai et 13 juin.
Beaucoup d’entre nous (travailleurs, précaires, chômeurs, retraités, syndiqués...) espérions, chuchotions, gueulions, agissions pour la grève générale reconductible. Mais rien n’y a fait. L’étau des bureaucraties syndicales est encore efficace ! Il est maintenant vital de se donner des perspectives révolutionnaires pour en finir radicalement avec la société capitaliste. Nous devons nous organiser à la base, développer la solidarité de classe, construire des outils de lutte pour prendre nos affaires en main et construire dès à présent un autre futur !
Dans les usines, dans les quartiers, dans les facs..., construisons nos comités, nos collectifs et toutes formes d’outils de lutte que nous jugerons opportuns !
Sortons des logiques corporatistes qui nous affaiblissent !
Solidarité entre tous les exploités et les dominés, syndiqués ou non !
Bâtissons
l’unité de notre classe
en reconnaissant nos camarades de nos
ennemis !
Marre des miettes, prenons le four a pain !
Collectif Unité à la Base de Tours
Ce tract illustre bien le fait que la classe ouvrière, par le biais de certaines de ses minorités, ne se résout pas à la passivité. Elle n’accepte pas les conditions d’exploitation auxquelles la bourgeoisie, le gouvernement et les syndicats, veulent la contraindre.
Ce qui nous semble très intéressant dans ce tract, même si nous n’en partageons pas tous les points de vue ni toutes les formulations, c’est qu’il pose centralement la question de la perspective révolutionnaire : “Il est maintenant vital de se donner des perspectives révolutionnaires pour en finir radicalement avec la société capitaliste”. Cette question est effectivement le principal problème auquel se heurte le prolétariat aujourd’hui : “C’est à une véritable crise de perspectives auxquelles nous sommes confrontés”. Et pourtant, comme le dit le tract, conscient de la gravité des enjeux : “c’est bien de notre vie de tous les jours, mais aussi du devenir de l’humanité, de l’avenir de la planète dont il est question .» Cela pose effectivement le problème d’“un choix de société” et nous partageons pleinement cette préoccupation du tract, une préoccupation qui montre que cette question de la perspective révolutionnaire est en émergence. Il s’agit donc d’une contribution du tract à cet effort de conscience de la classe ouvrière.
Dans ce cadre, ce texte se place d’emblée du point de vue des intérêts de la lutte de classe en réaction à la crise et aux attaques brutales menées par la bourgeoisie. C’est pour ces raisons qu’il en arrive rapidement à dénoncer le sabotage des luttes ouvrières par les syndicats : “Les succès des grandes mobilisations des 29 janvier et 19 mars ont été porteurs d’espoir. Force est de constater que les suites données par les directions syndicales n’ont pas été à la hauteur de nos espérances. La plupart des directions des grandes centrales se sont contentées de discuter avec le gouvernement, d’organiser “des journées coup de poing”. Rien de réellement positif ne s’est concrétisé pour renforcer le camp des travailleurs et de tous les dominés : pour construire la solidarité de classe. Cela a conduit logiquement aux débandades des 26 mai et 13 juin.”
Les ouvriers se sont donc trouvés dans des “impasses”. Et comme le souligne le tract, “l’étau des bureaucraties syndicales est encore efficace.” Chaque lutte est restée et reste encore bien enfermée sur elle-même, les ouvriers ne pouvant créer un véritable rapport de force débouchant sur un mouvement de plus large ampleur. A travers leurs réactions et dans ce contexte, “les questions de dignité et de conditions de vie qu’ils posent” témoignent davantage d’un potentiel pour les luttes futures que d’une réponse à la hauteur des attaques portées.
Afin d’effectuer un pas en avant pour développer la lutte de façon plus efficace, le tract donne un certain nombre d’orientations politiques très importantes qui se résument un peu dans la phrase suivante : “nous devons nous organiser à la base, développer la solidarité de classe, construire des outils de lutte pour prendre nos affaires en mains et construire dès à présent un autre futur !”.
La question de “s’organiser” pour le prolétariat est essentielle. Mais que doit-on entendre par cette expression du tract “nous devons nous organiser” ? Quelles formes de luttes développer ?
Nous pensons que ce sont ces questions centrales qui doivent effectivement être débattues dans la classe ouvrière et qu’il est nécessaire de préciser, afin de les confronter pour nourrir la réflexion.
Nous
pensons, pour notre part, dans un contexte où le prolétariat est
frappé de plein fouet par la crise, que les porteurs de la défense
d’une perspective cherchant à remettre en cause le capitalisme
doivent assumer un rôle forcément minoritaire pour la préparation
politique à l’action et à l’intervention dans les futures
luttes.
Après les premiers coups de massues d’une crise
économique amenée à se prolonger, lorsque la classe ouvrière
reprendra le chemin du combat, il lui faudra alors reprendre
elle-même ses luttes en main, ses initiatives et sa créativité,
selon les modalités d’un combat réellement collectif, où les
décisions émaneront de véritables AG, ouvertes et souveraines. Les
AG futures, réellement vivantes, constituerons le seul et unique
moyen de mener le combat de façon efficace et autonome. Ce
seront aux participants eux-mêmes et non aux syndicats, qui
paralysent et sabotent les luttes, de décider ce qu’il convient de
faire. Ce sont les ouvriers eux-mêmes qui doivent exprimer leur
solidarité, dans et par la lutte, collectivement, en envoyant par
exemple des délégations massives dans les autres usines ou sur
d’autres lieux de travail, afin de rejoindre les salariés pour une
lutte commune. Ce sont les initiatives d’AG communes,
interprofessionnelles, ouvertes, qui doivent constituer le poumon du
combat ! C’est à la condition de cette prise en main par les
ouvriers eux-mêmes qu’une solidarité active, réelle, en
direction de leurs frères de classe en lutte sera possible. A ces
objectifs, se dresseront évidemment de nombreux obstacles. Ce sera
encore aux ouvriers eux-mêmes, dans ces mêmes AG d’en discuter et
d’étudier la façon de les surmonter collectivement. Les AG, à
n’en pas douter, restent le mode d’organisation authentiquement
prolétarien permettant de contrôler collectivement la lutte. Elles
constituent en quelque sorte les embryons des futurs conseils
ouvriers. Ces organes, rassemblant les masses ouvrières, par
lesquels elles s’unifient, s’érigent comme force révolutionnaire
en vue du renversement du capitalisme. Ils permettront un dépassement
des rapports sociaux d’exploitation en vue de la création d’une
nouvelle société.
Pour conclure, soulignons que c’est avec le souci de contribuer à la réflexion engagée que nous nous sommes permis ces quelques commentaires.
CCI
1) Il s’agit d’un collectif qui s’est constitué, regroupant des éléments jeunes et combatifs, dont le noyau dur était très impliqué dans le mouvement étudiant (notamment contre la LRU).
Mardi 6 octobre, Cobo Center (1), ville de Détroit. Des bénévoles attendent la venue des plus démunis pour leur distribuer 5000 formulaires de demande d’aide financière temporaire (pour le paiement des loyers et des factures de services publics) et d’aide au logement (pour les sans-abri ou ceux qui le seraient en l’absence de ces aides) (2). La veille déjà, près de 25 000 de ces documents ont été retirés auprès des différents services de la mairie. Mais en ouvrant les portes ce jour là, les bénévoles n’en croient pas leurs yeux : ce n’est pas quelques centaines de personnes, les plus pauvres des quartiers, qui attendent là dès l’aube, mais plusieurs milliers ! Entre 15 000 et 50 000 selon les estimations ! En fait, à l’annonce de cette nouvelle distribution, des sans-abris, des chômeurs de longue date, mais aussi des ouvriers récemment licenciés, des travailleurs précaires ou menacés par d’éventuels dégraissages et des membres de la “classe moyenne” (des professeurs ou des fonctionnaires par exemple) qui sont en train de plonger à leur tour dans la pauvreté… bref, la majorité de la classe ouvrière de la région s’est amassée dans la froideur du petit matin dans l’espoir d’obtenir quelques miettes d’aides pour ne pas perdre son logement ou pour manger ou simplement pour “tenir” encore un peu. De longues queues serpentent donc devant l’entrée du bâtiment et cheminent jusque dans la rue. Personne ne s’attendait à une telle foule. Les bénévoles, éberlués, sont littéralement pris d’assaut. Les personnes ayant la chance d’obtenir un formulaire s’empressent de le remplir sur place sous peine de se le faire voler. Des photocopies (non reconnues et donc non valides) circulent pour 20 dollars pièce. Pour limiter cette escroquerie et éviter les heurts, les bénévoles finissent par distribuer eux-mêmes des photocopies sans pour autant savoir si celles-ci seront prises en compte par l’administration.
Aux Etats-Unis, la crise économique frappe avec une brutalité extrême et aucun secteur de la classe ouvrière n’est épargné. Comme l’exprime le pompier Dan McNamara, la ruée de cette foule en détresse “est tout à fait représentative des difficultés de la classe moyenne en Amérique” (3). Tony Johnson, sans emploi depuis trois ans, présent dès 5 heures du matin, exprime ainsi sa colère : “il n’y a pas de tranquillité parce qu’il n’y a pas d’emplois. Tout le monde est à la recherche d’un extra, d’un coup de main. Ils ne me comptabilisent pas comme chômeur parce que je n’ai pas d’allocation. C’est comme si je n’existais même pas. Mais j’existe. Regardez autour de vous. Il y a des milliers... des millions dans ce cas” (4).
Malgré tous ses trucages et autres “artifices statistiques”, la bourgeoisie américaine ne peut plus masquer la paupérisation criante de toute la population. Le taux de chômage est passé de 4,7 % en septembre 2007 à 9,8 % en septembre dernier, chiffre record depuis 1983. Il a donc doublé en seulement deux ans ! (5)
En Europe, il est de coutume de dire que les Etats-Unis ont toujours quelques années d’avance, qu’ils montrent le chemin en quelque sorte, qu’ils indiquent l’avenir. La classe ouvrière du monde entier sait donc à quoi s’attendre !
Cela dit, il faut croire que la crise et la misère traversent les frontières plus vite que la mode. En Espagne, le taux de chômage s’élevait à 13,9 % au quatrième trimestre 2008 avec plus de 3,3 millions de chômeurs. C’est le record dans l’Union européenne et la plupart des analystes considèrent que ce chiffre pourrait atteindre 19 % en 2010 (soit plus de 4 millions de chômeurs) (6) ! Quant à l’Irlande, surnommée le “Tigre celtique” suite à ses “exploits économiques” du début des années 2000 (il y a deux ans encore, cette île battait des records avec 5,1 % de croissance et “seulement” 4,4 % de chômeurs), son taux de chômage devrait prochainement atteindre 15 % ! (7)
La bourgeoisie peut donc bien nous servir à toutes les sauces ses grossiers mensonges sur la “reprise”, “la fin de la crise”, le “bout du tunnel”… La réalité, c’est ce que ressentent dans leur chair les travailleurs, les précaires et les chômeurs du monde entier : la dégradation terrible des conditions de vie. Le capitalisme ne peut engendrer que toujours plus de misère, il est devenu un système définitivement décadent qu’il faut abattre.
Lisa, le 22 octobre
1) Centre d’exposition et de conférence de la ville.
2) La ville de Détroit a en effet entrepris de répartir l’aide fédérale perçue au titre des programmes de Prévention des Sans-abris et du Relogement Rapide, soit 15,2 millions de dollars.
3) Par classe moyenne, il faut entendre cette partie de la classe ouvrière qui avait un emploi stable.
4) Toutes ces citations et tous ces faits sont issus d’un article diffusé sur le site Contreinfo (www.contreinfo.info [97]). Une vidéo y est d’ailleurs accessible.
5) Source : www.romandie.com/infos/news/200910221854040AWP.asp [98]
Vendredi 9 octobre. Quelques heures avant la cinquième réunion en deux semaines de son conseil de sécurité nationale, consacré cette fois à l’Afghanistan, le président américain Barack Obama se voyait attribuer le prix Nobel de la Paix, “pour ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationales entre les peuples” selon l’annonce du jury d’Oslo. En recevant ce prix, Obama rappela qu’il était “le commandant en chef d’un pays qui a une guerre à terminer”. Et quelques jours plus tard, le Washington Post annonçait que le même Obama avait décidé d’envoyer un renfort de quinze mille soldats supplémentaires en Afghanistan !
Loin d’être une exception, il est de coutume que le prix Nobel de la Paix soit régulièrement attribué aux plus féroces va-t-en-guerre de la bourgeoisie mondiale, comme le rappelle l’historien américain Howard Zinn dans The Guardian du 10 octobre 2009 :
“[...] Thomas Woodrow Wilson, Theodore Roosevelt et Henry Kissinger avaient également reçu le Nobel de la Paix. [...] Oui, Wilson est crédité de la création de la Société des Nations – cet organisme inefficace qui n’a rien fait pour empêcher la guerre. Mais il a également ordonné le bombardement de la côte mexicaine, envoyé des troupes occuper Haïti et la République dominicaine, et impliqué les Etats-Unis dans le massacre à grande échelle qui se déroulait en Europe durant la Première Guerre mondiale – laquelle peut aisément prétendre à la première place dans la liste des guerres stupides et sanglantes. Certes, Theodore Roosevelt a joué les intermédiaires pour conclure la paix entre le Japon et la Russie. Mais c’était aussi un amoureux de la guerre qui a pris part à la conquête de Cuba par les Etats-Unis, qui prétendait libérer cette petite île du joug espagnol tout en l’emprisonnant dans des chaînes américaines. Et une fois président, il mena une guerre sanglante pour soumettre les Philippins, allant jusqu’à féliciter un général américain qui venait de massacrer six cents villageois sans défense. [...] »
Plus tard enfin, le comité estima qu’il était juste de décerner un prix de la paix à Henry Kissinger, qui avait signé l’accord final mettant un terme à la guerre du Vietnam, dont il avait pourtant été l’un des instigateurs. Kissinger, qui avait servilement approuvé Nixon dans sa volonté d’étendre la guerre en procédant au bombardement de villages au Vietnam, au Laos et au Cambodge. Kissinger, qui correspond très exactement à la définition du criminel de guerre, s’est vu attribuer un prix de la paix ! [...] Obama poursuit une action militaire sanglante et inhumaine en Irak, en Afghanistan et au Pakistan.” 1
Parmi les sanguinaires pacifistes nobélisés, n’oublions pas l’égyptien Anouar el-Sadate, les Israéliens Menahem Begin, Shimon Peres et Yitzhak Rabin, et le Palestinien Yasser Arafat, qui ensanglantèrent le Proche-Orient pendant des décennies. Ni l’Américain Jimmy Carter ni le Russe Mikhaïl Gorbatchev, protagonistes de la guerre froide.
Le prix Nobel de la Paix n’est rien d’autre qu’un comble d’hypocrisie et de cynisme, dont l’unique objectif est d’attribuer un gage de respectabilité aux fidèles serviteurs de l’impérialisme, exemplaire du mode vie capitaliste décadent.
DM
Le samedi 10 octobre, les médias français étaient sous le choc : le centre-ville de Poitiers était “attaqué” par une horde d’environ 200 militants dits “d’ultra-gauche”.
Ce qui était annoncé comme un “Rassemblement festif” par le “Collectif contre la prison de Vivonne”, initialement prévu pour protester contre un transfert de détenus, prévu le lendemain, entre l’ancienne et la nouvelle prison de la ville, c’est-à-dire avec une tonalité plutôt bon enfant, rassemblement autorisé par la préfecture de la Vienne, se transformait brutalement en saccage ciblé de quelques vitrines de banques, d’assurances et d’une boutique Bouygues, et de plusieurs abribus, avec deux blessés très légers (dont un policier). Saccage certes, mais bien loin des descriptions apocalyptiques que nous ont faites à l’unisson les médias.
Selon ces derniers, qui nous ont quasiment présenté Poitiers à feu et à sang, il s’agissait de hordes de “jeunes, grands, qui portaient des masques argentés en forme de flamme avec des grands bambous, des bâtons qu’ils ont balancés dans les vitrines. C’était de la violence pour la violence. (…) Ceux qui n’étaient pas masqués portaient des écharpes, des bonnets, on ne pouvait pas voir leurs visages (…) Le plus impressionnant, c’est la peur qui se lisait sur le visage des gens et des enfants qui sont rentrés se réfugier dans la pharmacie”, dit Sabrina. “Et ces bombes rouges, la fumée qu’il y avait, on a senti les gens très apeurés, c’était la panique” (la Nouvelle république du 11 octobre). Une cache d’armes avec des marteaux, des masses et des explosifs était même découverte par la police dans la ville, tandis que le maire PS de Poitiers, se prenant pour Charles Martel, renchérissait sur France 3 : “Nous avons évité une catastrophe.” Bagdad, Kaboul Beyrouth, de la gnognote à côté des ces événements, hypergonflés par la presse aux ordres, la police et le gouvernement !
Le collectif organisateur s’est immédiatement démarqué des ces “casseurs” tout en dénonçant l’exagération manifeste de ces événements, tendant forcément à le discréditer. Mais là n’est pas l’essentiel car ces prétendues émeutes ont toutes les caractéristiques de la manipulation policière. Ainsi, malgré l’autorisation de manifester, il est étrangement “interdit de prendre des photos”, précise une journaliste de une Coccinelle à Poitiers du 10 octobre, tout en ajoutant : “maintenant je comprends mieux pourquoi. Je ne suis pas extra lucide mais m’étant faite serrer pour que je ne prenne pas de photos, je comprends que des choses se préparent. J’ai déjà connu cela par le passé en région parisienne.”
Un membre du collectif raconte sur le site Le Post.fr : “Ça se passait bien jusqu’au départ du cortège. A 17 h 15, plein de gens qui n’étaient pas au départ de la manif’ sont arrivés en masse des rues adjacentes. Ils étaient cagoulés, équipés, très bien organisés. 10 minutes après, ça dégénérait et ça commençait à casser, les fumigènes sont sortis, etc. J’ai vite quitté la manif, la violence ne m’intéresse pas. Surtout en plein festival de théâtre de rue, avec des familles, des enfants...”
Un témoin qui a vu passer la vague de “casseurs” près de son domicile racontait sur Europe 1: “C’étaient des gens entraînés, cagoulés, avec des talkies-walkies… comme des militaires.” Eléments qui permettent au député-maire de Poitiers, aux côtés de Brice Hortefeux, de s’inquiéter encore de ce “groupe anarchiste très organisé qui a utilisé la prison comme prétexte à ses actions”.
La police réussissait au bout du compte un beau coup de filet : 18 personnes interpellées dont une gamine de 14 ans et bon nombre de SDF, tous probablement issus de cette “mouvance anarchiste insurrectionnelle” qui prône “la destruction du pouvoir par l’insurrection”. Tous les médias ont massivement diffusé le même message : les autorités et la police auraient été “surpris” par le caractère soudain et imprévisible de cette violence. Tu parles...
Tout cela n’est pas sans nous rappeler de récents coups bas de la police française en matière de provocation. Le 1er mai dernier par exemple, à la fin du défilé, un employé de la Protection judiciaire à la jeunesse et sa compagne “remarquent un curieux manège : une dizaine d’hommes en civil sort d’un car de CRS. Crânes rasés, foulards, capuches, autocollants CGT ou “Rêve générale” – la panoplie complète du manifestant (…) les hommes se dispersent par groupe de deux ou trois et déboulent place de la Bastille” puis provoquent des gardes mobiles, en train de déloger de jeunes “punks”, à coups de “Police partout, justice nulle part”, “Casse-toi pauv’ con”. Certains des jeunes seront arrêtés, pas les flics, bien sûr ; et surtout le témoin gênant sera lui aussi arrêté. (https://www.liberation.fr/societe/0101577634-1er-mai-un-proces-pour-avoir-denonce-des-policiers-deguises [103]).
Ces policiers n’agissent pas en free-lance. Ils font partie d’une “compagnie de sécurisation” officiellement créée en 2005 par Sarkozy au moment des manifestations lycéennes contre la loi Fillon au nom du “provoquer plus pour coffrer plus” (le Canard enchaîné du 6 mai 2009) et sous prétexte de “protéger les manifestants” contre les provocateurs, les casseurs, les voleurs, etc. On verrait cela dans un film, on aurait du mal à y croire.
De tous temps, les classes dirigeantes ont utilisé des agents provocateurs pour attirer les masses en révolte dans des guets-apens et finalement les réduire à leur merci. La bourgeoisie est passée maîtresse dans cet art de la provocation policière destinée à justifier le renforcement de sa surveillance policière en poussant des éléments confus à la baston stérile avec ses flics, à entraîner les manifestations dans des violences inutiles, à faire passer les expressions de la lutte de la classe ouvrière pour de la violence gratuite et salir les groupes politiques prolétariens en les amalgamant à des sortes de débiles primaires à l’assaut de la méchante flicaille : en résumé pour détruire la réflexion et la prise de conscience au sein du prolétariat que la violence nécessaire contre la bourgeoisie et le capitalisme ne se résume pas et n’est pas un affrontement physique mais essentiellement d’abord politique. Et que, dans cet affrontement, les organisations politiques ont une place prépondérante qu’il s’agit pour la bourgeoisie de dénigrer autant que faire se peut.
Elément significatif : alors que tout le monde avait oublié l’épisode poitevin, le journal le Monde du 21 octobre publiait la revendication des violences du 10 octobre, intitulée “Coucou, c’est nous” d’un groupe “insurrectionnaliste” signant “quelques casseurs”, et dont un mot d’ordre est : “La destruction est source de joie”. Tout aussi significatif est le fait que cet article paraît au moment même où commence le procès de Julien Coupat et de ses amis, qualifiés eux aussi d’éléments de “la mouvance ultra-gauche”, éléments probablement sincères mais tout aussi probablement manipulés, pour des sabotages de caténaires du TGV l’an dernier (1).
Et la bourgeoisie, quant à elle, n’aura jamais de cesse tant qu’elle survivra d’attaquer la conscience de son fossoyeur potentiel, le prolétariat, et de tenter de l’effrayer ou de l’intimider en faisant l’amalgame entre les organisations politiques prolétariennes et toute une frange désespérée de la classe ouvrière, se réclamant de façon erronée et confuse du prolétariat et de sa lutte, par là même offerte aux crapuleries et autres manipulations policières. D’ailleurs, quelques jours plus tard, le ministre de l’Intérieur Hortefeux profitait de ces “événements” pour justifier la proposition d’une nouvelle mouture du très controversé fichier Edvige, nettement orienté contre les “agitateurs” d’extrême-gauche qui “fomentent des troubles à l’ordre public” et qui, lors des futures luttes ouvrières, pourra être utilisé contre les éléments prolétariens les plus combatifs et les organisations révolutionnaires.
Wilma (23 octobre)
1) A moins qu’ils ne soient innocents et faussement accusés, ce qui est tout à fait possible, et que les véritables auteurs de ces sabotages soient là aussi des flics.
Nous publions ci-dessous un article que nous venons de recevoir de la part de camarades en Australie sur la récente grève de conducteurs de bus à Sydney.
Le lundi 24 août, 130 chauffeurs de bus de Sydney ont mis en place une grève sauvage défiant les patrons, les bureaucrates d’Etat et également les syndicats, grève dénoncée par tous. Les ouvriers de Busways au dépôt de Blacktown à l’est de Sydney ont arrêté le travail à 3 h 30 du matin, provoquant l’annulation des services de période de pointe dans les zones de Blacktown, Mount Druitt et Rouse Hills.
La décision des ouvriers de se mettre en grève a été prise après la rupture de la négociation entre les syndicats et l’administration de Busways sur la réforme des horaires qui devait être mise en application en octobre. Face à une économie en ruines et à un système de transports en commun à la dérive, les dirigeants des autobus privés, de concert avec le gouvernement, essayent de réduire radicalement les coûts et d’imposer des accélérations de cadence. Les conducteurs ont protesté contre les nouveaux horaires, invoquant le fait que ces derniers représentent une attaque contre les conditions de travail des conducteurs et qu’il sera impossible de les mettre en application car elles sont un empiétement sur les périodes de repos et font pression sur les conducteurs pour qu’ils dépassent des limites de vitesse, mettant en danger la vie des passagers et des autres automobilistes. “Le nouvel horaire signifie moins de temps pour accomplir nos itinéraires. Nous courrons après le retard et serons blâmés par le public. Puisque nous courrons après le retard, il y aura aussi moins de temps de repos”, expliquait un travailleur (1).
Depuis des mois, le TWU (le syndicat des travailleurs du transport) et la compagnie font traîner en longueur les négociations sur ces nouveaux horaires qui ne peuvent déboucher sur le moindre résultat positif pour les conducteurs. Pire encore, le TWU a également été complice des attaques contre les conditions de vie et de travail de ces dernières années, notamment à travers les divers accords pour accroître la “flexibilité”. Après la rupture complète des négociations, les ouvriers, irrités par le manque de soutien et par la trahison pure et simple du syndicat, ont pris la décision d’arrêter le travail sans consulter le TWU et la direction de Busways tout en se défiant d’eux. Un ouvrier déclare : “Nous n’en pouvons plus. Nous avons essayé, à travers le système, d’obtenir des changements et rien ne s’est jamais produit. Nous ne pouvons strictement rien obtenir avec le syndicat Le but des syndicats était censé être d’améliorer les conditions, pas de les aggraver” (2) et un autre que “le syndicat a dénoncé les ouvriers pour ce qu’ils ont fait. Nous avons décidé que nous ne pouvions plus rien attendre du syndicat. Le syndicat ne s’inquiète que des 60 $ mensuels que nous devons lui verser”.
La réponse des patrons et du syndicat devant cette grève était de faire en sorte qu’elle se termine le plus rapidement possible. Concernant la gestion des horaires de Busways, la direction et le TWU ont fait volte-face, se déclarant d’accord dans les négociations sur les horaires proposés par les chauffeurs, les conducteurs ayant pris la décision au bout de 6 heures de discussions de retourner au travail à 9 h 30 du matin, après avoir attendu la fin des services de pointe du matin. Malgré cette décision, les conducteurs ont exprimé leur intention de déclencher de nouvelles actions de grève si la compagnie refusait de revoir à la baisse son programme de réformes. Cependant, l’évocation de cette perspective a provoqué la décision d’interdire d’autres actions de grève ainsi que des menaces de répression, de la part de la Commission des relations industrielles.
La réaction rapide du syndicat pour contenir et arrêter la grève confirme que c’est seulement si les ouvriers prennent leur lutte dans leurs propres mains, comme l’ont fait les conducteurs, que la défense des conditions de vie et de travail peut être efficace. Cependant, le résultat de la grève n’a pas encore été une victoire pour les conducteurs. Le nouveau round de négociations entre le TWU et la direction de Busways s’est conclu sur un accord pour procéder à la réforme des horaires, ce qui était déjà cyniquement prévu dès le début, c’est-à-dire de suivre les décisions de la direction de la compagnie.
Nous apportons notre entière solidarité aux ouvriers de Busways et nous considérons cette grève comme un moment important du développement de la lutte de classe en Australie. En réponse à la faillite du système capitaliste et aux attaques contre des ouvriers par le capital, la classe ouvrière doit prendre confiance en sa propre force et en celle de sa lutte, à la fois pour se défendre au quotidien et finalement, pour affirmer ouvertement ses propres intérêts de classe. Pour cet objectif, il est absolument essentiel que les ouvriers prennent la lutte dans leurs propres mains, et plus encore, qu’ils se battent pour étendre et généraliser cette lutte. L’isolement dans lequel les conducteurs se sont trouvés, combiné au spectacle hystérique de la dénonciation des conducteurs qualifiés dans cette ignoble campagne de “bolchos”, de “brutes”, par tous les médias aux ordres de la classe dirigeante, est une cause fondamentale de l’étouffement de la lutte. C’est seulement en prenant directement leur lutte en mains, en dehors du cadre syndical, et en la généralisant, contre toutes les divisions sociales, sectorielles et géographiques, que la classe ouvrière peut trouver la force nécessaire pour développer son combat.
NIC (9 septembre)
1) WSWS, Australie : grève des chauffeurs de bus au mépris du syndicat [104], 26 août 200.
2) Idem.
Chaque année, les médias égrènent des accidents d’avion en tous genres et des crashs aériens qui tuent en quelques minutes des centaines de personnes. Généralement, la responsabilité de ces catastrophes est rejetée sur le dos des pilotes ou bien du personnel de maintenance. Concernant le crash de l’airbus A330 d’Air France entre Paris et Rio le 1er juin, on aura là encore tout entendu, de la possibilité d’une attaque par missile à celle d’un orage inattendu par sa taille (démenti par Météo-France) en passant par l’incurie des pilotes. Dans le même registre de l’hypocrisie et du mensonge, le crash aux Comores le 30 juin d’un avion affrété par la compagnie Yemenia, qui se trouve sur la liste noire des compagnies indésirables dans certains pays du fait du mauvais entretien de leur flotte, avait fait l’objet de toute une campagne de l’Etat français, afin de détourner l’attention de l’opinion sur ces “compagnies-voyous”, et faire passer Air France-KLM pour une compagnie des plus sérieuses.
Ce qui s’est passé le 1er juin est en réalité une illustration de ce mépris total que toutes les compagnies aériennes, quelles qu’elles soient, et avec elles, des Etats qui les parrainent et les protègent, cultivent à l’égard de la vie humaine. Car cette merveille de la technologie qu’est l’avion serait en effet bien plus sûr pour le transport des êtres humains si les lois du profit, de la rentabilité et de la concurrence capitaliste n’ouvraient sur toutes sortes de malversations et d’économies… mortelles.
L’équipage et les 228 morts du vol entre Paris et Rio ne sont plus là pour raconter ce qui s’est passé. Les 10 millions d’euros dépensés pour retrouver les fameuses boîtes noires qui nous auraient dit toute la vérité l’ont été en pure perte. Comme le disait le 22 août un des correspondants du site www.eurocokpit.com [105] (1), et alors que le BEA (2) affirmait au lendemain de la catastrophe que l’Airbus gisait “en un seul morceau” : “A l’heure où l’on sait repérer une molécule d’eau (vieille de plusieurs centaines de millions d’années) dans la zone polaire de Mars, on nous “informe” qu’il est impossible de localiser 200 tonnes de ferraille à 4 km sous les quilles de nos plus beaux fleurons nucléaires et électronico-subaquatiques.” En réalité, la vérité sur ce qui s’est passé, que tous les pilotes dénoncent de longue date, et que savaient tout aussi bien les dirigeants d’Air France et d’Airbus, c’est la défaillance des sondes Pitot de marque française Thalès (d’EADS). Ces dernières ont été choisies préférentiellement à celles de marque américaine Goodrich et avaient été certifiées à l’origine par Airbus pour ce type d’avion, pour de pures raisons de concurrence économique et sans essais préalables réellement probants. Le rôle de ces sondes est primordial, car elles permettent de mesurer la vitesse de l’avion mais aussi divers paramètres conduisant à apprécier les conditions atmosphériques, l’altitude, etc. En résumé, où se trouve l’appareil, où il va et quels risques il encourt. Depuis 15 ans (!), les difficultés provoquées par les sondes Pitot de maque Thalès étaient connues. En 1994, un prototype d’A330 s’était écrasé à Toulouse, dont la faute avait été évidemment attribuée à une “erreur de pilotage”. Jusqu’en 2008, de nombreux Air Safety Reports (ASR, rapports d’incidents signalant les défaillances des sondes) avaient été émis, mais jamais la compagnie Air France, soutenue par le BEA et l’EASA, n’avait pris la moindre mesure (3). Pire, alors que ces sondes ont de plus en plus clairement été incriminées dans l’accident de l’AF 447, le BEA et la direction d’Air France ont fait disparaître purement et simplement les comptes-rendus circonstanciés d’incidents répertoriés durant le vol de l’AF447 et tous ceux identiques à celui ayant conduit au crash du 1er juin. Les enjeux à l’origine d’un tel comportement sont considérables pour l’Etat français et pour l’aéronautique européenne :
– la mise à nu de pratiques scandaleuses exposant volontairement des vies humaines (scandaleuses d’ailleurs même du point de vue du capital, quand on sait l’effort énorme consenti pour le développement des équipements et leur intégration dans l’avion afin de prendre en compte les contraintes de sécurité) ;
– le risque d’astreinte d’Air France au paiement de dédommagements astronomiques aux familles des victimes si la responsabilité de la compagnie venait à être établie (4) ;
– les retombées commerciales des plus négatives pour Airbus.
Hélas pour Air France, une nouvelle preuve du type de celles effacées refaisait son apparition avec l’incident, identique aux autres de la série, se produisait de nouveau le 13 juillet sur un vol Paris-Rome, et remettant à nouveau en question sur le devant de la scène la fiabilité des sondes Thalès. Air France décidait donc dans l’urgence de changer un certain nombre des sondes Thalès de ses A320 et A330 par des Goodrich… le 30 juillet. C’est-à-dire deux mois après le crash du 1er juin, deux mois durant lesquels c’est sciemment que des milliers de vol, transportant des centaines de milliers de personnes ont été effectués avec le risque permanent de se crasher !
Mais Airbus comme Air France n’en sont plus à cela près. Plusieurs accidents aériens impliquant l’A320 et son système de navigation avaient eu lieu au mont Saint-Odile et à Bangalore, et là aussi les pilotes avaient été mis en cause. Or, pour gagner du temps, Airbus avait validé ce système expérimenté sur Boeing sans faire des essais suffisants pour le certifier de façon fiable sur l’A320 dont le système d’exploitation informatique est configuré différemment. Résultat, le système fournissait de fausses informations au pilote sur l’altitude et la direction de l’avion au décollage, informations mortelles de nuit ou par temps nuageux !
Rappelons la catastrophe du 25 juillet 2000 à Gonesse, où 113 personnes trouvaient la mort au décollage d’un Concorde affrété par la Continental Airlines. On nous a assuré que c’était la faute à un bout de ferraille qui traînait sur la piste, résultat “évident” de la négligence des employés de l’aéroport. Cependant, huit ans après, cinq personnes, ainsi que la compagnie américaine, se retrouvaient au tribunal pour “homicides et blessures involontaires”. Car une des causes principales du crash résidait dans un “défaut important” du Concorde, au niveau de l’aile de l’avion. “Or ce défaut était connu du constructeur (Aerospatiale puis Airbus et enfin EADS), comme de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) dès 1979, après l’accident d’un Concorde à Washington (Etats-Unis) précurseur de celui de Gonesse. Le ministre des Transports de l’époque Joël Le Theule en avait été informé. On ne trouve pas la trace de ce “défaut important” dans le rapport du BEA sur l’accident de Washington. Tous les noms des enquêteurs et celui du coordinateur de l’enquête sont masqués” (5). Et malgré 16 incidents graves et 6 accidents précurseurs rapportés sur 24 années d’exploitation d’une flotte de 13 avions, le BEA écrivait que “cet accident n’était pas prévisible” !
Le Manuel de gestion de la sécurité aérienne (OACI) précise :
“Parmi les principaux facteurs qui déterminent un contexte favorable aux accidents et aux incidents, on peut citer la conception du matériel, les infrastructures d’appui, les facteurs humains et culturels, la culture de sécurité de l’entreprise et les facteurs de coûts.”
En mars 2004, la Mission d’information de l’Assemblée nationale sur la sécurité du transport aérien de voyageurs relevait dans son rapport que “ le problème des pièces détachées dont la traçabilité n’est pas établie et qui font l’objet de copies ou de trafics illicites (contrefaçon, pièces d’occasion recyclées...)”.
Le rapport faisait donc la pieuse et stérile recommandation “d’assurer une meilleure traçabilité des pièces détachées et de lutter contre le trafic de pièces non conformes, de contrefaçon ou d’occasion”.
Lorsqu’on sait que “le prix d’une pièce est multiplié environ par dix par rapport à son coût de fabrication, en raison des frais induits par la certification et les tests” (6), on ne peut assurément que s’en remettre aveuglément au sens moral de ces compagnies aériennes, dont l’objectif final et essentiel est de faire du profit, pour s’assurer de la fiabilité de ces pièces de rechange !
Avant chaque vol, un membre de l’équipage technique fait “le tour de l’avion” ainsi que l’équipe de maintenance. Il s’agit d’effectuer un certain nombre d’opérations de contrôle : intégrité de la cellule, des ailes, des réacteurs, absence de fuites de carburant, huile, hydraulique, état des pneus, etc. “Cette “visite prévol” est une phase très importante du vol. La négliger peut conduire à un accident. Jusqu’où va-t-on aller pour améliorer la productivité, car c’est bien de cela dont il s’agit : diminuer au maximum la durée des escales et donc l’immobilisation au sol de l’avion !” (7)
Ces visites sont de plus en plus réduites et les pilotes soumis à des pressions grandissantes pour en diminuer le temps, comme ils sont par ailleurs soumis à des conditions de travail draconiennes.“Dans une étude réalisée en décembre 2006, la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) notait que le niveau de fatigue des pilotes augmentait avec le nombre d’étapes réalisées par jour... et que le nombre d’étapes était un élément à prendre en compte. Une nouvelle réglementation est pourtant appliquée en Europe depuis juillet 2008. Un pilote peut désormais effectuer un nombre d’étapes illimité en 11 heures de temps de service car le nombre d’étapes n’est pas réglementé.
“La DGAC ne tient pas compte des études scientifiques sur la fatigue afin de ne pas porter atteinte à la “procuctivité” des équipages et donc aux intérêts économiques du transport aérien” (8).
Pourtant, dans une étude sur la fatigue en aéronautique remise à la DGAC en novembre 1998, le Laboratoire d’anthropologie appliquée (LAA) affirmait que pour la prévention efficace de la fatigue des équipages, “dans le contexte de forte concurrence que connaissent actuellement les compagnies aériennes françaises et étrangères les conduisant à se placer aux limites maximales autorisées, il apparaît indispensable que cette réglementation évolue de manière à réduire les risques sur le plan de la sécurité des vols.”
Depuis, rien n’a changé... ! De nombreux pilotes et personnels aériens ne cessent de plus en plus de les dénoncer des conditions de travail tellement éreintantes qu’ils ne sont plus fiables aux commandes d’un appareil.
Nous n’avons fait qu’effleurer différents aspects de cette incurie calculée des compagnies aériennes pour faire du fric. La bourgeoisie des pays développés peut toujours établir des listes “noires” ou “grises” des compagnies aériennes à éviter dans certains pays, elle n’a rien de mieux à proposer. Mais elle sait mieux mentir et camoufler la monstrueuse réalité.
Mulan (22 octobre)
1) Nombre des informations de cet article proviennent de ce site animé par des pilotes professionnels.
2) Bureau d’enquêtes et d’analyses, organisme officiel chargé d’enquêter sur les accidents et incidents de l’aviation civile. Cet organisme gouvernemental est spécialisé dans la falsification la plus honteuse d’évènements divers aériens et maritimes pour mentir sur les véritables raisons de certaines tragédies. Ainsi, le BEA-Mer s’était lancé en septembre 2009 dans des explications “les plus fumeuses pour expliquer le naufrage du Bugaled Breizh, ce chalutier de 24 mètres ayant – selon la version officielle – été happé vers le fond par un banc de sable disparu aussitôt après avoir commis son forfait, alors qu’il a été établi qu’un sous-marin avait accroché ses chaluts.” www.eurocokpit.com [105]
3) Signalons au passage que le Syndicat national des pilotes de ligne a fait le jeu de la direction et de la DGAC, ne demandant que des “aménagements” ridicules en termes d’efficacité.
4) Deux familles américaines viennent ainsi récemment de porter plainte contre Air France, mettant en avant le caractère “défectueux et déraisonnablement dangereux” de l’A330.
5) Les dossiers noirs du transport aérien. Henri Marnet-Cornus.
6) Idem.
7) Idem.
8) Idem.
Un lecteur signant JM a posté sur notre site Internet un commentaire très intéressant qui pose la question de la nécessaire collaboration entre les différents groupes révolutionnaires. Dans son message intitulé “Conditions des alliances et des rapprochements des organisations” (1), ce camarade demande sur quels critères se base le CCI pour essayer de travailler, ou non, avec une autre organisation.
Notre réponse publiée ci-dessous s’appuie en grande partie sur les différents commentaires postés par le CCI au cours de cette discussion. Nous profitons d’ailleurs de cet article pour encourager tous nos lecteurs à venir débattre sur notre site pour commenter, critiquer, compléter ou questionner nos articles.
Par vos articles, vous essayez parfois de vous rapprocher d’autres groupes politiques. Par exemple avec les anarchistes.
Avez-vous un document officiel qui traite des conditions des alliances et des rapprochements ? Ou bien, vous faites toujours au cas par cas ?
Par exemple, le CIQI, une organisation trotskiste, a récemment abandonné le soutien aux syndicats qu’il défendait depuis très longtemps. Il s’est donc, sur ce point, rapproché de la Gauche communiste (https://wsws.org/francais/News/2009/sep2009/opel-s19.shtml [107])
On a parfois l’impression que les rapprochements et les éloignements des organisations entre elles se règlent d’après des principes bureaucratiques pour ne pas dire opportunistes. Dans un cas, une organisation ne voudra pas discuter avec une autre parce que la première pourrait se faire absorber par la deuxième. Cela dénote une faiblesse organisationnelle. Dans un autre cas, c’est parce que les militants de la première organisation ne sont pas sûrs et pourraient “mal” être influencés par la deuxième. Cela dénote une faiblesse théorique.
On peut aussi admettre que toute discussion n’est pas souhaitable si elle n’apporte pas un éclairage théorique ou bien une collaboration sur quelque chose de concret. Mais mon sentiment est qu’on ne mutualise pas suffisamment les tâches techniques, qui sont habituellement neutres politiquement (transport, hébergement, renseignements...), et que la collaboration politique sur des points précis (interventions en AG...) se fait un peu au petit-bonheur, sans suite après le mouvement.
A mon avis, il faudrait un document résumant à quelles conditions et pourquoi il pourrait y avoir une collaboration entre militants. Il faudrait que ce document ne soit pas excessivement restrictif ni permissif pour ne pas paralyser ou pourrir l’organisation. Ce serait un document très utile. Qu’en pensez-vous ?
“Seuls peuvent redouter des alliances temporaires, même avec des éléments incertains, ceux qui n’ont pas confiance en eux-mêmes. Aucun parti politique ne pourrait exister sans ces alliances” (Que faire ?, Lénine).
Dans ces quelques lignes, JM pose une question cruciale. Depuis quelques années, la classe ouvrière a ré-amorcé un processus lent mais profond de réflexion. Il y a une conscience de plus en plus grande de l’état désastreux du capitalisme et de son incapacité à offrir un quelconque avenir à l’humanité. Concrètement, au-delà des luttes encore trop rares, cette dynamique s’incarne surtout à travers une vie plus riche au sein du milieu révolutionnaire. Des groupes relativement anciens (comme OPOP au Brésil) et d’autres plus jeunes ou même naissants, ainsi que des individus, essayent de construire un tissu international au sein duquel se développe un débat franc et fraternel (2). Les révolutionnaires sont aujourd’hui encore peu nombreux à travers le monde ; et il n’y a rien de plus néfaste que l’isolement. Créer des liens et débattre à l’échelle internationale est donc vital. Les divergences, les désaccords, quand ils sont discutés ouvertement et sincèrement, sont une source d’enrichissement pour la conscience de toute la classe ouvrière.
Mais ces évidences ne vont pas de soi pour tout le monde. Il règne aujourd’hui encore, au sein du camp révolutionnaire, une certaine dispersion, peu de travail en commun voire, pire, du sectarisme ! Les différents points de vue et analyses, au lieu d’engendrer de sains débats, sont trop souvent un prétexte au repli sur soi. Il y a une tendance à la défense de “sa chapelle”, une sorte d’esprit de boutiquier qui n’a rien à faire dans le camp de la classe ouvrière (c’est d’ailleurs pour illustrer cela qu’au terme “alliances” utilisé par JM, le CCI lui préfère ceux de “collaboration”, “travail en commun”, “prise de position commune”…). Les révolutionnaires ne sont pas des concurrents les uns des autres ! Nous sommes donc parfaitement d’accord avec JM quand il dit : “On a parfois l’impression que les rapprochements et les éloignements des organisations entre elles se règlent d’après des principes bureaucratiques pour ne pas dire opportunistes. Dans un cas, une organisation ne voudra pas discuter avec une autre parce que la première pourrait se faire absorber par la deuxième. Cela dénote une faiblesse organisationnelle. Dans un autre cas, c’est parce que les militants de la première organisation ne sont pas sûrs et pourraient “mal” être influencées par la deuxième. Cela dénote une faiblesse théorique.”
JM a aussi raison de demander à ce que de telles collaborations s’appuient sur des critères clairs et non suivant des choix tactiques intéressés.
La société capitaliste, et c’est là la base du marxisme, est divisée en deux camps irréconciliables aux intérêts antagoniques : la bourgeoisie et le prolétariat. Toute la politique de notre organisation est basée sur cette approche. Pour le CCI, il faut en effet à la fois la plus grande collaboration entre les organisations appartenant au camp prolétarien et la plus grande fermeté face au camp bourgeois. Cela implique forcément de déterminer ce qui distingue fondamentalement ces deux camps. A première vue, on pourrait croire cette distinction évidente. Après tout, chaque organisation se réclame officiellement d’un courant, soit en soutenant ouvertement le système actuel (généralement la droite), soit en affirmant défendre les intérêts de travailleurs (la gauche et l’extrême-gauche). Nombreux sont les groupes se proclamant révolutionnaires : il y a les communistes, les trotskistes, les maoïstes (un peu moins aujourd’hui), les anarchistes officiels… Mais en réalité, ce que dit une organisation d’elle-même ne peut suffire. L’histoire fourmille d’exemples d’organisations jurant la main sur le cœur défendre la cause du prolétariat pour mieux le poignarder dans le dos. La social-démocratie allemande se disait prolétarienne en 1919 en même temps qu’elle assassinait Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht et des milliers d’ouvriers. Les partis staliniens ont écrasé dans le sang les insurrections ouvrières de Berlin en 1953 et de Hongrie en 1956 au nom du “communisme” (en fait dans l’intérêt de l’URSS).
Si “l’emballage” ne suffit pas pour définir la nature d’une organisation, comment alors en évaluer le “contenu” (le programme, la plate-forme présentant les positions politiques) ?
JM souligne qu’un groupe trotskiste, le CIQI, vient d’abandonner le soutien aux syndicats, affirmant ainsi que “sur ce point” le CIQI s’est “rapproché de la Gauche communiste” (courant dont est issu le CCI). Mais ce seul critère n’est pas suffisant ou déterminant d’un tel rapprochement. N’a-t-on pas vu dans les années 1970, en France, des organisations maoïstes comme la Gauche prolétarienne (qui publiait la Cause du peuple) qui considéraient eux aussi les syndicats comme des organes bourgeois, ce qui ne les empêchait pas de se réclamer de Staline et de Mao, deux ennemis jurés et assassins de la classe ouvrière ! Toute position politique ne peut donc pas déterminer, à elle seule, la nature d’une organisation. Pour le CCI, il existe des critères fondamentaux. Soutenir le combat de la classe ouvrière contre le capitalisme signifie à la fois lutter de façon immédiate contre l’exploitation (lors des grèves, par exemple) et ne jamais perdre de vue l’enjeu historique de ce combat : le renversement de ce système d’exploitation par la révolution. Pour ce faire, une telle organisation ne doit jamais apporter son soutien, de quelque manière que ce soit (même de façon “critique”, par “tactique”, au nom du “moindre mal”…), à un secteur de la bourgeoisie : ni à la bourgeoisie “démocratique” contre la bourgeoisie “fasciste” ; ni à la gauche contre la droite ; ni à la bourgeoisie palestinienne contre la bourgeoisie israélienne ; etc. Une telle politique a deux implications concrètes :
1) il s’agit aussi de refuser tout soutien électoral, toute collaboration, avec des partis gérants du système capitaliste ou défenseurs de telle ou telle forme de celui-ci (social-démocratie, stalinisme, “chavisme”, etc.) ;
2) surtout, lors de chaque guerre, il s’agit de maintenir un internationalisme intransigeant, en refusant de choisir entre tel ou tel camp impérialiste. Au cours de la Première Guerre mondiale comme au cours de toutes les guerres du xxe siècle, toutes les organisations qui n’ont pas fait ce choix, qui ont abandonné le terrain de l’internationalisme en défendant l’une des forces impérialistes en présence, ont en fait trahi la classe ouvrière et ont été définitivement emportés dans le camp de la bourgeoisie.
Le court message de JM soulève en fait la double question : dans quel camp, pour le CCI, se situent les anarchistes et les trotskistes ?
Les anarchistes, pour la plupart, ne se réclament pas du marxisme et ont sur de nombreux points de grandes divergences avec le CCI. Pourtant, comme l’a remarqué JM, “Par vos articles, vous essayez parfois de vous rapprocher d’autres groupes politiques. Par exemple avec les anarchistes”. En effet, depuis quelques années, il existe des discussions entre certains groupes ou individus anarchistes et le CCI. Par exemple, nous collaborons avec le KRAS en Russie (section de l’AIT anarcho-syndicaliste), en publiant et en saluant ses prises de positions internationalistes face à la guerre en Tchétchénie, par exemple. Le CCI considère ces anarchistes avec qui il discute, malgré les divergences, comme faisant partie du camp du prolétariat. Pourquoi ? Parce qu’ils se démarquent de tous ces autres anarchistes (comme ceux de la Fédération anarchiste) et de tous ces “communistes” (comme ceux du PCF) qui défendent en théorie l’internationalisme mais qui s’y opposent en pratique, en défendant lors de chaque guerre un camp belligérant contre un autre. Il ne faut pas oublier qu’en 1914, lors de l’éclatement de la guerre mondiale, et en 1917, lors de la Révolution russe, les “marxistes” de la social-démocratie étaient du côté de la bourgeoisie contre le prolétariat alors que la CNT espagnole dénonçait la guerre impérialiste et soutenait la révolution ! C’est d’ailleurs pour cela qu’elle avait été invitée au IIe congrès de l’Internationale communiste.
Quant au trotskisme, la majorité sympathisant avec ce courant pense sincèrement se battre pour l’abolition du capitalisme (comme au sein de la mouvance anarchiste d’ailleurs). Les jeunes attirés par le NPA sont souvent authentiquement révoltés par l’inhumanité de ce système d’exploitation. Mais notre lecteur devrait s’interroger si, au regard des “critères fondamentaux” que nous venons de décrire, le trotskisme, comme courant (avec les organisations qui s’en réclament), n’est pas passé dans le camp de la bourgeoisie : participation à la Seconde Guerre mondiale dans les rangs de la Résistance ; défense de l’URSS (en fait du camp impérialiste russe) ; soutien à Hô Chi Minh pendant la guerre du Vietnam ; soutien à Chavez aujourd’hui ; appel au vote pour la gauche au second tour des élections (voire pour Chirac en 2002) ; alliances électorales avec le PC ou le PS (notamment aux municipales) ; campagne commune avec ces partis pour le NON au référendum de mai 2005 sur la Constitution européenne, etc.
Mais justement, face à cette politique faussement prolétarienne et clairement bourgeoise dans les faits, il est tout à fait possible que des ouvriers, même s’ils militent dans ces organisations, se posent des questions, soient poussés par leurs réflexions à s’en détacher et se rapprochent des positions prolétariennes. Si une organisation, en tant que telle, ne peut pas passer du camp bourgeois au camp prolétarien (comment imaginer LO renier d’un seul coup toute son histoire ?), il est toujours possible que de petites minorités ou, plus probablement, que des éléments s’éloignent individuellement du nationalisme du trotskisme pour se rapprocher de l’internationalisme prolétarien. C’est d’ailleurs ce qui se produit actuellement en partie en Amérique latine où l’extrême-gauche au pouvoir (Chavez, Lula…) révèle chaque jour un peu plus sa véritable nature anti-ouvrière aux yeux de certaines minorités.
Avec tous ceux là, le CCI est toujours prêt à discuter ouvertement… et avec enthousiasme !
Tibo, le 16 octobre
1) Ce commentaire [108] a été posté à la suite de notre article sur les luttes à Freescale qui ont eu lieu entre avril et juin (“Freescale : comment les syndicats sabotent les efforts des ouvriers pour lutter”, Révolution internationale no 404, septembre 2009).
2) Notre presse de ces dernières années témoigne de ce processus embryonnaire. Voici deux exemples parmi tant d’autres : “Déclaration internationaliste depuis la Corée contre la menace de guerre [109]” et “Une rencontre de communistes internationalistes en Amérique latine [110]”.
Ces derniers mois, ont fleuri sur les rayons des librairies des couvertures aux titres tapageurs sur lesquelles s’étalaient de grands portraits de Marx. Il y en a eu pour tous les goûts. Le biblique : “Marx est toujours vivant”. Le classique : “Marx, le retour” . L’emphatique : “Marx, les raisons d’une renaissance”. Le répétitif en manque d’imagination : “Le grand retour de Marx”. Ou le sobre mais en lettre majuscule : “MARX”1. Tous ces magazines, à leur façon et en pimentant le tout de quelques critiques, ont encensé le génie de ce “grand penseur” !
Cet amour soudain peut surprendre. Il y a quelques années encore, Marx était présenté comme le diable ! Françoise Giroud a d’ailleurs même écrit une biographie de Jenny Marx, la femme de Karl, en titrant tout bonnement : Jenny Marx ou la femme du diable ! C’est à lui qu’on devait les horreurs du stalinisme, les camps de travail en Sibérie et en Chine, les dictatures sanguinaires de Ceausescu ou de Pol Pot.
Alors pourquoi ce revirement ? C’est que la crise économique est passée par-là. La situation actuelle inquiète profondément la classe ouvrière. Et une partie d’entre elle, une petite partie, essaye de comprendre pourquoi le capitalisme est moribond, comment résister à la dégradation des conditions de vie, comment lutter et surtout – ce qui est le plus difficile aujourd’hui – savoir si oui ou non un autre monde est possible… Et tout naturellement, quelques-uns se tournent vers Marx. Les ventes du Capital ont d’ailleurs dernièrement connu un certain regain. Il ne s’agit pas d’un phénomène massif concernant toute la classe ouvrière mais quand même, ce début de réflexion minoritaire, et parfois souterrain, inquiète la bourgeoisie. La classe dominante a horreur que les ouvriers se mettent à penser par eux-mêmes ! Elle s’empresse toujours de les gaver de sa propagande, de ses mensonges et, aujourd’hui, de sa vision de Marx, de sa vision du marxisme.
Présenter Marx comme le diable ne suffisant plus aujourd’hui à repousser de son œuvre les plus curieux, la bourgeoisie a été contrainte de changer de tactique. Elle s’est faite doucereuse, aimable et révérencieuse, voire louangeuse avec le vieux barbu… pour mieux le dénaturer et le réduire à une icône inoffensive comme la momie de Lénine !
A en croire tous ces magazines, Marx était un génie de l’économie (n’avait-il pas dénoncé, bien avant Benoît XVI, le rôle funeste de l’argent, principal vecteur de l’injustice ?), un grand philosophe, un grand sociologue et même un précurseur de l’écologie ! La bourgeoisie est aujourd’hui prête à reconnaître tous les talents à Marx, tous sauf un, qu’il était un grand révolutionnaire, un combattant de la classe ouvrière ! Et le marxisme est une arme théorique forgée par la classe ouvrière pour renverser le capitalisme ! Ou, pour reprendre une expression de Lénine “Le marxisme est la théorie du mouvement libérateur du prolétariat.”2.
Marx n’est pas né communiste. Il l’est devenu. Et c’est la classe ouvrière qui l’y a “converti”. Jeune, Marx était même très critique envers les théories communistes. Voici ce qu’il en disait :
On “ne saurait accorder aux idées communistes sous leur forme actuelle ne fût-ce qu’une réalité théorique, donc moins encore souhaiter leur réalisation pratique, ou simplement les tenir pour possibles” (3). Ou encore, le communisme est “une abstraction dogmatique” (4). Au début, Marx jugeait donc les “idées communistes” idéalistes et dogmatiques. Pourquoi ?
Depuis qu’il y a des opprimés sur terre, les hommes rêvent d’un monde meilleur, d’une sorte de paradis sur terre, d’une communauté où tous les hommes seraient égaux et où régnerait la justice sociale. C’était vrai pour les esclaves. C’était vrai pour les serfs (les paysans). Dans la grande révolte de Spartacus contre l’Empire romain, les esclaves révoltés ont tenté d’établir des communautés. Les premières communautés chrétiennes prêchaient la fraternité humaine universelle et ont tenté d’instituer un communisme des biens. John Ball, l’un des leaders de la grande révolte des paysans en Angleterre en 1381 (et il y a eu de nombreuses révoltes paysannes contre le féodalisme) disait : “Rien ne pourra aller bien en Angleterre tant que tout ne sera pas géré en commun ; quand il n’y aura plus ni lords, ni vassaux ”. Seulement, il ne pouvait s’agir chaque fois que d’un beau rêve. Sous la Grèce ou la Rome antiques, au Moyen Age, bâtir un monde communiste était impossible. Tout d’abord, la société ne produisait pas suffisamment pour satisfaire l’ensemble des besoins. Il ne pouvait y avoir qu’une minorité, qui en exploitant la majorité, pouvait vivre “confortablement”. Ensuite, il n’existait pas de force sociale suffisamment puissante pour bâtir un monde égalitaire : les esclaves ou les paysans ne pouvaient que se faire massacrer à chaque révolte. Bref, les “idées communistes” ne pouvaient être qu’utopiques.
Et la classe ouvrière, en tant que classe elle-aussi exploitée, a repris à son compte ces vieux rêves. Au xviiie et au début du xixe siècle, elle a, en Angleterre, et surtout en France, tenté d’instaurer de-ci de-là des communautés. Des penseurs ont essayé d’élaborer, à partir de leur imagination, un monde parfait. C’est d’ailleurs pour ça qu’à “utopique”, Marx ajoutait l’adjectif “dogmatique”. Ces “idées communistes” étaient “dogmatiques” parce qu’inventées de toute pièce à partir d’idéaux intemporels et immuables comme la Justice, le Bien, l’Egalité… elles ne se construisaient pas peu à peu, avec un aller-retour permanent entre la réalité matérielle et le cerveau des hommes mais la réalité était priée de se plier aux exigences de la pensée et à ses désirs de Justice, d’Egalité…
Mais alors, pourquoi Marx va-t-il finalement vouer sa vie au combat pour le communisme ? En fait, voir ce qu’est la classe ouvrière et vivre ses grèves, vont totalement le bouleverser. A travers les luttes des tisserands de Silésie de 1844 ou de celles du prolétariat, un peu plus tard, en France en 1848, Marx va découvrir ce qu’est la classe ouvrière, ce qu’est son combat. Et il va voir dans la réalité de ce combat le moteur indispensable à la transformation du monde, une promesse vivante pour l’avenir, une possibilité pour la première fois réelle d’aller vers le communisme. Voici quelques lignes qui montrent à quel point Marx fut frappé par ce qu’il vécut : “Lorsque les ouvriers communistes se réunissent, leur intention vise d’abord la théorie, la propagande, etc. Mais en même temps ils s’approprient par-là un besoin nouveau, le besoin de la société toute entière. (...) La compagnie, l’association, la conversation qui vise l’ensemble de la société les comblent ; pour eux la fraternité humaine n’est pas une phrase, mais une vérité, et, de leurs figures endurcies par le travail, la noblesse de l’humanité rayonne vers nous” (5).
C’est un peu lyrique mais ce que voit Marx ici c’est que, contrairement aux classes exploitées du passé, le prolétariat est une classe qui travaille de manière associée. Cela veut dire, pour commencer, qu’elle ne peut défendre ses intérêts immédiats que par le moyen d’une lutte associée, en unissant ses forces. Mais cela veut dire aussi que la réponse finale à sa condition de classe exploitée ne peut résider que dans la création d’une réelle association humaine, d’une société fondée sur la libre coopération. Et surtout, cette “association” a pour la première fois “les moyens de ses ambitions” car elle peut s’appuyer sur les énormes progrès apporté par l’industrie capitaliste. Techniquement, l’abondance est possible. Avec les progrès apportés par le capitalisme, il est possible de satisfaire les besoins de toute l’humanité. C’est tout cela que Marx a vu grâce à la classe ouvrière.
Pour résumer, Marx, mais aussi évidemment Engels, en se plaçant du point de vu de la classe ouvrière et en faisant leur son combat révolutionnaire, en comparant d’un côté le potentiel du prolétariat et de l’autre les crises et les contradictions qui frappent le capitalisme, sont peu à peu parvenus à comprendre que le communisme devenait à la fois possible et nécessaire. Possible et nécessaire grâce :
– au développement des forces productives, à l’échelle mondiale, sans lequel il ne peut y avoir d’abondance ni de pleine satisfaction des besoins humains ;
– à la naissance du prolétariat, première classe exploitée qui, en affrontant ce capital mondial, sera conduit à être le fossoyeur du vieux monde ;
– à la nature forcément éphémère du capitalisme.
Marx et Engels n’auraient jamais compris tout cela s’il n’avait pas été, avant tout, des combattants de la classe ouvrière ! En effet, seule une classe dont l’émancipation s’accompagne nécessairement de l’émancipation de toute l’humanité, dont la domination sur la société n’implique pas une nouvelle forme d’exploitation mais l’abolition de toute exploitation, pouvait avoir une approche marxiste de l’histoire humaine et des relations sociales. Toutes les autres classes en étaient, et en sont encore, forcément incapables. On l’a déjà dit, pour les esclaves ou les serfs, un autre monde ne pouvait être qu’imaginaire. Leur démarche, leur pensée, ne pouvait donc être a fortiori qu’utopiste, idéaliste. Quant aux classes dominantes, les maîtres, les nobles ou les bourgeois, il leur était et il leur est toujours impossible de regarder en face la réalité, d’étudier objectivement l’évolution de l’histoire humaine et leur propre monde car sinon ils seraient irrémédiablement contraints de voir que leur classe, leur monde, leurs privilèges étaient ou sont condamnés à disparaître.
La noblesse se croyait investie d’un devoir divin et donc éternel. Comment pouvait-elle comprendre quoi que ce soit à l’évolution des sociétés humaines ?
Un autre exemple, plus concret et d’actualité celui là. Marx est aujourd’hui salué par tous les économistes qui cherchent dans son célèbre Capital des solutions pour faire face à la crise actuelle. Cela ressemble fort à la quête du Graal, vaine et irrationnelle. Ces économistes pourront lire, et relire encore, toutes les pages du Capital, les tordre dans tous les sens, il n’en sortira pas une seule goutte d’eau de jouvence permettant au capitalisme de rester éternellement jeune. Au contraire ! Si Marx s’est plongé dans l’économie, c’est justement pour comprendre par quels mécanismes le capitalisme est rongé de l’intérieur et donc condamné à périr. Il ne s’agissait pas pour lui de trouver des remèdes aux maladies du capitalisme mais de le combattre et de préparer son renversement. Tous nos docteurs es sciences, et autres spécialistes de l’enfumage idéologique, ne pourront jamais rien comprendre aux ouvrages économiques de Marx car ses conclusions leur sont forcément inacceptables et même insoutenables !
Adopter une démarche scientifique et objective sur la question de l’histoire des sociétés humaines, sur la question sociale, signifie percevoir qu’il y a eu le communisme primitif, puis l’esclavagisme, puis le féodalisme, puis le capitalisme (et peut être ensuite le communisme) parce que nos capacités productives évoluaient, parce que donc la façon dont la société devait s’organiser pour produire – nos rapports de production – devaient évoluer de pair et qu’enfin tout cela s’est incarné à travers l’histoire de la lutte des classes. On comprend pourquoi le marxisme – cette “démarche scientifique et objective sur la question de l’histoire des sociétés humaines et sur la question sociale” – est forcément inaccessible à la bourgeoisie… Tout simplement parce que la conclusion logique de cette approche est que le capitalisme doit disparaître et les privilèges de la bourgeoisie avec !
En nous parlant aujourd’hui, à tort et travers, de Marx et du marxisme, c’est tout cela que la bourgeoisie tente de cacher derrières ses mensonges et ses falsifications. Comme disait Lénine, “Les grands révolutionnaires ont toujours été persécutés durant leur vie : leur doctrine a toujours été en butte à la haine la plus féroce, aux campagnes de mensonge et de diffamation les plus ineptes de la part des classes oppresseuses. Après leur mort on tente de les convertir en icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une auréole de gloire pour la consolation des classes opprimées et pour leur duperie, en même temps qu’on émascule la substance de leur enseignement révolutionnaire, qu’on en émousse le tranchant, qu’on l’avilit” (6). Cette fin de phrase est particulièrement appropriée à la propagande actuelle : “… on émascule la substance de leur enseignement révolutionnaire, on en émousse le tranchant, on l’avilit”.
Nous devons donc, nous, au contraire affirmer que Marx était un combattant révolutionnaire. Et même plus : seul un militant révolutionnaire peut être marxiste. Cette unité entre la pensée et l’action est justement un des fondements du marxisme. C’est aussi ce que disait Marx : “Jusqu’ici les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières; il s’agit maintenant de le transformer !” (7) ou encore “Les conceptions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde. Elles ne sont que l’expression générale des conditions réelles d’une lutte de classe existante, d’un mouvement historique qui s’opère sous nos yeux” (8).
Le marxisme n’est ni une discipline universitaire ni une énième théorie sage et bien inoffensive, ni une utopie, ni une idéologie, ni un dogme. Au contraire ! Nous reprendrons ici le style flamboyant de Rosa Luxemburg en finissant par cette dernière citation : “Le marxisme n’est pas une chapelle où l’on se délivre des brevets d’“expertise” et devant laquelle la masse de croyants doit manifester sa confiance aveugle. Le marxisme est une conception révolutionnaire du monde, appelée à lutter sans cesse pour acquérir des résultats nouveaux, une conception qui n’abhorre rien tant que les formules figées et définitives et qui n’éprouve sa force vivante que dans le cliquetis d’armes de l’autocritique et sous les coups de tonnerre de l’histoire” (9).
Pawel (8 octobre 2009)
1) Respectivement : Challenges (décembre 2007), Courrier International (juillet 2008), le Magazine Littéraire (octobre 2008), Le Nouvel Observateur (août 2009), Le Point (spécial hors-série de juin/juillet 2009).
2) La faillite de la IIe Internationale, 1915.
3) Le communisme et la Allgemeine Zeitung d’Augsbourg.
4) Lettre à Ruge.
5) Manuscrits philosophiques et économiques de 1844.
6) Lénine, l’Etat et la révolution.
7) Thèses sur Feuerbach.
8) Le Manifeste communiste.
9) Rosa Luxemburg, l’Accumulation du capital.
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Les attaques pleuvent sur nos têtes. Tous nous avons peur, pour nous-mêmes ou pour nos proches, de l’annonce d’une fermeture d’usine ou d’un “plan de restructuration” synonyme de vague de licenciements. Les jeunes en âge d’accéder au “marché du travail” sont confrontés à un mur. Les entreprises n’embauchent plus. Les concours de la Fonction publique sont saturés avec, dans le meilleur des cas, 100 candidats surqualifiés pour… un poste. Seuls sont encore proposés, par les boîtes d’intérim ou les pôles emplois, les petits boulots précaires, sous-payés et aux conditions d’exploitation infernales. Et tous, nous savons que cela sera encore pire demain !
Et pourtant, nous, chômeurs, précaires, travailleurs du public et du privé, hésitons à rentrer en lutte. La crise économique frappe sans distinction toute la classe ouvrière, avec une brutalité et une férocité inconnues depuis des décennies. Face à cette situation insoutenable, depuis plusieurs mois, il n’y a presque aucune réaction, très peu de grèves et de luttes (1). Pourquoi ?
C’est à cette question cruciale que répond en très grande partie le courrier publié ci-dessous que nous a adressé Al, un lecteur de notre presse (2).
Sans entrer dans les détails, le capitalisme traverse une énième crise économique […]. Dans tous les pays, les entreprises et les Etats ont procédé à des licenciements massifs. Au niveau mondial, le chômage a tout simplement explosé. Les taxes et impôts en tous genres ont fortement augmenté et les aides sociales ont, de leur côté, drastiquement diminué. Toutes ces actions engendrent bien évidemment une dégradation importante mais également très rapide des conditions de vie des ouvriers, et ce, au niveau mondial. […]
Aujourd’hui, moi-même et certainement bon nombre d’ouvriers se demandent pourquoi n’y a-t-il pas une réponse massive de la part du prolétariat mondial face à l’importance et la profondeur de la crise actuelle et de ses conséquences sur leur vie sociale. Qu’est-ce qui empêche les ouvriers d’entrer en lutte aujourd’hui ? Exceptée la révolte de décembre 2008 et janvier 2009 en Grèce, la classe ouvrière n’a paradoxalement pas répondu à la hauteur du déluge des coups portés.
Il faut dire que les Etats, relayés par les journalistes et analystes financiers de tous bords, mettent tous les moyens en œuvre pour faire croire depuis mars 2009 à une reprise de l’économie. Notamment au dernier G20, tous les représentants de tous les pays se sont félicités de la réussite de leurs plans respectifs sur l’économie mondiale et les marchés financiers. Embellie qui, soit dit en passant, n’est que temporaire et concerne uniquement les marchés boursiers et qui est menée par les grandes banques, américaines notamment, comme Goldman Sachs, contribuant à la formation d’une nouvelle “bulle” boursière et à son éclatement à très court terme. L’économie “réelle”, elle, continue a contrario de se dégrader fortement. Cette euphorie, couplée à un battage médiatique, entretient certainement la confusion dans la tête des ouvriers et contribue également au manque de perspectives. La deuxième raison remonte à une vingtaine d’années, à savoir, la chute du mur de Berlin, du stalinisme, du “bloc de l’Est” et de la fameuse “mort du communisme”. En effet, aujourd’hui, simplement en discutant avec un bon nombre de personnes, on s’aperçoit que pour eux le système qui fut en place en Russie, dans les pays de l’Est et en Allemagne de l’Est, était le communisme, alors qu’il n’en était rien. Je pense et me rends compte que la désinformation et les mensonges sur le communisme proférés par la classe exploiteuse ont laissé des traces et sont encore malheureusement présents dans l’esprit des prolétaires. Aujourd’hui, beaucoup d’ouvriers pensent objectivement que ce système économique est en fin de vie et à l’agonie, mais ne savent tout simplement pas par quoi le remplacer, car on leur a martelé pendant des années, à travers les médias, la presse écrite, ses livres mais aussi et surtout par l’éducation, que le communisme était un système économique qui ne marchait pas et qui menait à des régimes dictatoriaux ou, au mieux, que c’était une utopie. Ce qui est faux bien entendu, il s’agit là d’un des plus grands mensonges de l’humanité. La troisième et dernière raison est que la crise ne frappe pas tous les salariés avec la même intensité et au même moment. Ce qui peut expliquer pourquoi un nombre limité d’ouvriers entrent dans des luttes désespérées, car isolées, et que d’autres sont encore en phase de réflexion et de mûrissement de leur conscience.
Voilà peut-être un début de réponse, qui n’engage bien évidemment que moi et qui, je l’espère, apportera quelques éléments à la réflexion collective..
Nous sommes d’accord avec chaque point de ce courrier. En fait, la violence avec laquelle frappe aujourd’hui la crise économique a, momentanément, un effet effrayant et paralysant.
Comme le souligne le camarade Al, les dernières luttes d’ampleur ont eu lieu en Grèce et aux Antilles fin 2008, début 2009. Ce n’est pas un hasard si la situation sociale s’est calmée précisément à ce moment-là, juste quand la crise a commencé à nous frapper plus fort. En général, et cela s’est vérifié fréquemment au cours des quarante dernières années, les moments de forte montée du chômage ne sont pas le théâtre des luttes les plus importantes. La classe ouvrière est en effet alors soumise à un chantage odieux mais efficace : “si vous n’êtes pas contents, beaucoup d’autres ouvriers sont prêts à vous remplacer”. De plus, les patrons et les gouvernements se replient derrière un argument “décisif” : “Nous n’y sommes pour rien si le chômage augmente ou si vous êtes licenciés : c’est la faute de la crise”. Se développe donc un certain sentiment d’impuissance. Les ouvriers n’ont pas face à eux simplement un méchant patron mais un capitalisme international en déliquescence. Toute lutte est une remise en cause de l’ensemble du système. Toute lutte pose, fondamentalement, la question d’un autre monde. Pour entrer aujourd’hui en grève, il faut non seulement avoir le courage de braver les menaces de licenciements et le chantage patronal, mais il faut aussi et surtout croire que la classe ouvrière est une force capable de proposer autre chose. Il ne lui suffit pas de percevoir que le capitalisme est dans une impasse pour que la classe ouvrière soit en mesure de se tourner vers une perspective révolutionnaire. Il faut encore qu’elle ait la conviction qu’une telle perspective est possible. Et c’est justement sur ce terrain que la bourgeoisie a réussi à marquer des points à la suite de l’effondrement de l’URSS, prétendument “patrie du socialisme”. La classe dominante est parvenue à enfoncer dans la tête des ouvriers l’idée que la révolution prolétarienne est un songe creux, que le vieux rêve du communisme est mort avec l’URSS (3). Les années 1990 ont été fortement marquées par l’impact de cette propagande. Pendant une décennie, les luttes ont été en fort repli. Même si cet effet “mort du communisme” a commencé à légèrement s’estomper au début des années 2000 et que notre classe est parvenue lentement à reprendre le chemin du combat, il en reste encore de nombreuses traces aujourd’hui. L’assimilation du stalinisme et du communisme, le manque de confiance de la classe ouvrière à bâtir de ses mains un autre monde, agissent comme des verrous.
Sommes-nous donc dans une impasse ? Certainement pas. La perspective est sans aucun doute vers des luttes de plus en plus nombreuses et importantes. Momentanément, notre classe a pris un coup sur la tête, elle est comme anesthésiée. Mais la crise reste le terreau le plus fertile au développement des luttes. Dans les mois et années à venir, la classe régnante va tenter de faire payer à tous les travailleurs les énormes déficits budgétaires qui s’accumulent, les plans de sauvetage des banques et de “relance” de l’économie. A ce moment-là, les fonctionnaires, en particulier, seront touchés à leur tour de plein fouet, et simultanément. La menace de licenciement planant moins lourdement sur leurs épaules, ils auront alors la responsabilité de mener en premier l’offensive et d’entraîner à leurs côtés les travailleurs du privé, les précaires, les chômeurs, les retraités… S’imposera alors l’idée que seule la lutte unie, massive et solidaire, tous secteurs confondus, peut freiner la brutalité des attaques. C’est par ce combat que la classe ouvrière forgera sa confiance en ses propres forces et en sa capacité de mener un jour à terme la révolution communiste mondiale, condition du renversement de l’exploitation.
Pawel, 21 novembre.
1) Au niveau international, néanmoins, le prolétariat mène quelques grèves passées sous-silence par un black-out presque total de tous les médias. Dans ce numéro, nous nous faisons ainsi l’écho de luttes récentes au Mexique et en Grande-Bretagne (voir pages 4 et 5).
2 ) N’hésitez pas à réagir vous aussi en nous écrivant sur notre boîte mail ou par courrier.
3) Lire l’article dans ce numéro en page 2 qui, à propos de la chute du mur de Berlin, traite justement de cette propagande nauséabonde assimilant le stalinisme et le communisme.
Depuis huit ans, la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), mise sur pied par les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 pour faire rendre gorge au “terrorisme international”, sévit en Afghanistan. Depuis huit ans, après la “grande victoire” de la démocratie des premiers mois, on n’a vu qu’un enfer chaque jour plus brûlant s’instaurer dans ce pays et alentour. Sous le titre ronflant d’Operation Enduring Freedom, les 100 000 soldats de cette coalition impérialiste (plus les 200 000 soldats et policiers afghans) ont déjà subi des pertes s’élevant à plus de 1200 morts, sans compter les blessés et estropiés à vie dont les gouvernements se font fort de ne rien dire. Cela sans compter les plus de 2100 morts au sein de la population civile, prise en étau entre le feu des talibans, les attentats des membres d’Al-Qaïda et les bombardements des forces occidentales et afghanes (ces dernières étant responsables selon l’ONU de près de 40 % de ces victimes civiles !). Ainsi, à Kunduz, dans le Nord du pays, 90 civils sont morts sous les bombardements de citernes de carburant par la coalition début septembre dernier. Et c’est sans dénombrer encore les populations du Pakistan, dont on dénombre régulièrement les morts par dizaines, voire par centaines, sous la menace de mourir à tout moment dans un attentat terroriste. Car la première “victoire” de cette offensive guerrière est d’avoir réussi à creuser les sillons d’un désordre grandissant qui ne frappe plus seulement l’Afghanistan mais aussi de plein fouet son voisin le Pakistan. Une fois encore, à l’instar de ce qu’on a vu au Proche-Orient, en Irak, en ex-Yougoslavie et partout ailleurs, il est nécessaire de réaffirmer que les velléités impérialistes, quels que soient leurs oripeaux “pacifistes”, “démocratiques” ou “anti-terroristes”, derrière lesquels elles se drapent, ne font jamais que sonner la charge d’une aggravation des tensions guerrières avec leurs cohortes de morts et de populations plongées dans la terreur et une misère sans nom. Pour donner une idée de l’intérêt porté ne serait-ce que par la France à la population civile afghane qu’elle est venue contribuer à “libérer” du terrorisme, il faut savoir que 200 millions d’euros sont alloués pour l’armée contre 11 millions pour l’aide à la population civile. Et ce sont globalement 3,6 milliards de dollars par mois que coûte militairement ce “sauvetage” du peuple afghan qui crève à petit feu. A Kaboul par exemple, tandis que les parrains de la drogue paradent en 4x4 aux côtés des dignes représentants de la démocratie occidentale, environ 50 000 enfants travaillent dans les rues à laver des voitures, cirer des chaussures, ramasser des papiers, des enfants qui souffrent de faim, de maladies, de maltraitances, de violences et d’esclavagisme. Les conditions de vie s’aggravent dans tout le pays. Au Nord-Est du pays, au Badakhshan, une des régions au centre du trafic de l’opium, une étude de l’OMS considère qu’il y a 6500 décès maternels pour 100 000 naissances, ce qui constitue le chiffre le plus élevé jamais enregistré. Soixante-quinze pour cent des nouveaux-nés survivants meurent à leur tour à cause du manque d’alimentation, de chaleur et de soins. De plus, en moyenne, une femme enceinte a une chance sur huit de mourir, et il est vraisemblable que plus de la moitié d’entre elles n’aura pas atteint l’âge de seize ans. De cela, la bourgeoisie nous parle moins, contrairement au battage sur le cirque pour l’élection présidentielle afghane. Le président Karzaï, poulain de la coalition, élu à coups de grossières magouilles critiquées du bout des lèvres par les dirigeants occidentaux, et parrain notoire de la drogue, symbolise à lui seul le cynisme de ces derniers : comme l’a dit Kouchner, il est en effet totalement corrompu, mais c’est notre homme !
Malgré le ratage total que représente l’engagement militaire des Etats-Unis et de leurs alliés en Afghanistan, ceux-ci persistent et signent. Le Pentagone demande d’ailleurs 40 000 hommes supplémentaires, tout en se posant la question de “se rapprocher de la population civile et de lui démontrer que les forces étrangères sont venues pour elle, pour lui bâtir un avenir sécuritaire”. En attendant que se réalise cette illusoire perspective de plus en plus lointaine, Obama poursuit la même politique guerrière que son prédécesseur, avec exactement la même justification : réduire Al-Qaïda. Or, selon l’aveu du conseiller en sécurité nationale d’Obama au Congrès, James Jones, “La présence d’Al Qaïda est très réduite. L’évaluation maximale est inférieure à 100 exécutants dans le pays, aucune base, aucune capacité à lancer des attaques contre nous ou nos alliés.” Même au Pakistan voisin, les restes d’Al Qaïda ne sont presque plus décelables. Le Wall Street Journal signale : “Chassés par les drones étasuniens, en proie à des problèmes d’argent, et trouvant plus de difficultés à attirer les jeunes Arabes dans les montagnes sombres du Pakistan, Al Qaïda voit son rôle rapetisser là-bas et en Afghanistan, selon des rapports du Renseignement et des responsables pakistanais et étasunien.”
Alors pourquoi un tel acharnement puisque la menace justifiant cette guerre ne présente aucune réalité ? D’autant que les alliés de l’Amérique commencent à ruer de plus en plus dans les brancards (même Sarkozy, pourtant si va-t-en-guerre il y a peu, ne veut pas envoyer un soldat de plus) et déclarer ouvertement pour certains que c’est une guerre perdue d’avance. Ainsi, le Premier ministre canadien, Stephen Harper, disait récemment sur CNN : “Nous ne remporterons pas cette guerre simplement en restant là. Jamais nous ne battrons les insurgés.” La raison principale à la continuation de cette offensive, c’est le contrôle stratégique de cette région voisine de la Chine, de l’Iran et de la Russie, et de zones de circulation essentielle de matières premières, d’une région qui regarde aussi directement vers l’Afrique. C’est donc un enjeu majeur pour la première puissance mondiale, ses alliées et ses rivales qui se moquent tous bien du sort de la population et de son bien-être, mais desquelles on peut attendre qu’elles projettent de rester encore longtemps, semant toujours plus la désolation et les massacres.
Wilma, 21 novembre
Ces dernières semaines, tous les médias ont traité en long, en large et surtout de travers, des vingt ans de la chute du mur de Berlin. Des émissions spéciales et des documentaires historiques, des débats télévisés, des séries d’articles dans les journaux et les magazines, aucun de nous n’a pu échapper à cet immense battage. Pourquoi ?
Le but était de faire entrer dans la tête de chaque ouvrier et de leurs enfants, de gré ou de force, rien de moins que le plus gros mensonge de l’histoire. A en croire tous ces plumitifs et journalistes aux ordres, le 9 novembre 1989 est tombé un régime… communiste. Presque à chaque phrase ou à chaque ligne, au milieu des descriptions de l’horreur bien réelle des régimes staliniens (l’absence totale de liberté, la violence du pouvoir et les assassinats de sa police politique – en l’occurrence la Stasi – la pauvreté, la férocité de l’exploitation…), a été répété, martelé, le mot “communisme”. Dans un article du 2 novembre au titre sans équivoque “Communisme : les plaies derrière le mur”, le journal le Monde écrit ainsi : “Des hommes et des femmes transportés d’émotion, qui rient et qui pleurent ; des coups de pelle et de marteau, des mains qui en arrachent les fragments. La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, figure parmi les plus grandes dates de l’histoire européenne. Deux ans avant la disparition de l’URSS, un premier coup fatal était donné à l’empire communiste.” Nous pourrions citer par centaines des passages de la même eau dans tous les grands journaux. Par exemple, le Figaro daté du 9 novembre étalait ce titre en première page : “La mort du communisme”. Et voici un dernier exemple : “les événements de la fin 1989 étaient le signal de la fin de la période ouverte par la révolution russe et la grande vague révolutionnaire qui avait ébranlé le monde capitaliste après la Première Guerre mondiale.” Et cette fois ce n’est pas le Monde, Libération ou le Figaro mais le NPA de Besancenot qui apporte là sa petite contribution à ce grand mensonge (1).
Cela dit, les plus attentifs auront remarqué une nuance, une petite voix apparemment divergente au milieu de toute cette propagande. Les médias, toujours à cœur d’éclairer la vitrine démocratique, ont laissé un droit de parole aux “ostalgiques”. Ce sont ces personnes de l’Est (ost en allemand) qui sont nostalgiques, qui regrettent le temps de la RDA. Mais à y regarder de plus près, c’est en fait la même camelote frelatée qui nous est refourguée ici. Certes, il y a un autre point de vue sur comment les ouvriers vivaient sous le stalinisme, mais le plus important demeure : ce régime est toujours et encore assimilé au communisme !
Les choses doivent être claires : le stalinisme a été un régime inhumain et sanguinaire, sans aucun doute, mais il n’a rien à voir avec le communisme. Il en est même l’antithèse ! Le stalinisme a été le fossoyeur de la Révolution russe. Dans les années 1920 et 1930, il a écrasé physiquement et idéologiquement le prolétariat. L’avènement du stalinisme marque le triomphe de la contre-révolution et de la bourgeoisie. En URSS et donc en RDA, il n’y a pas eu une ombre de communisme. Ce qui s’est donc effondré ce 9 novembre 1989, ce n’est pas la société sans classe rêvée depuis toujours par les opprimés mais au contraire une forme particulièrement brutale de capitalisme d’Etat (2).
La bourgeoise est pourtant parvenue jusqu’à maintenant à convaincre le prolétariat mondial du contraire. Comment ? En utilisant cette méthode de propagande décrite par Joseph Goebbels (le ministre de la propagande sous Hitler) : “Un mensonge répété mille fois reste un mensonge, un mensonge répété un million de fois devient une vérité.” C’est donc un million de fois que la bourgeoisie a répété et répété encore que le stalinisme était du communisme, que ce régime barbare était le régime de la classe ouvrière et qu’enfin, la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS était l’issue inexorable de la révolution ouvrière de 1917.
Ce faisant, la classe dominante est réellement parvenue à empoisonner la conscience ouvrière. Dans les années 1990, et dans le monde entier, la combativité de notre classe a très fortement diminué. Pourquoi lutter, en effet, si aucun autre monde que le capitalisme n’est possible ? Pourquoi lutter si la lutte ouvrière mène forcément à l’horreur du stalinisme ? Cette absence de perspective a fortement pesé sur la classe ouvrière durant les années 1990 et cela continue d’être un frein important aux luttes aujourd’hui. Par son intense propagande pour célébrer les vingt ans de la chute du mur de Berlin, la bourgeoisie frappe où cela fait mal ; elle remue avec un plaisir sadique le couteau dans la plaie.
Néanmoins, la propagande actuelle n’est pas l’exacte copie de celle des années 1990. L’assimilation frauduleuse du stalinisme et du communisme est identique, nous venons de le voir. Mais il y a vingt ans, ce message était complété par un “Le communisme est mort. Vive le capitalisme !”. Deux ans après la chute du mur, le 6 mars 1991, George Bush père, président des États-Unis d’Amérique, osait même annoncer l’avènement d’un “monde où les Nations unies, libérées de l’impasse de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la vision historique de leurs fondateurs. Un monde dans lequel la liberté et les droits de l’homme sont respectés par toutes les nations”. Une nouvelle ère de paix et de prospérité devait s’ouvrir.
Aujourd’hui, évidemment, le discours officiel a dû, pour le moins, s’adapter. La guerre décime des populations entières. La planète est peu à peu détruite. La crise économique plonge dans le dénuement le plus total, dans la famine, des centaines de millions de personnes… Exit donc la fameuse victoire historique du capitalisme ! A la poubelle, toutes les belles promesses d’un avenir qui chante ! Ce qui reste, c’est la victoire de la “liberté d’expression” ou, pour reprendre une formule de Coluche, le “Ferme ta gueule” de la dictature a été remplacé triomphalement par le “Cause toujours” de la démocratie.
Il y a vingt ans, un pan entier du capitalisme à bout de souffle s’est effondré avec le mur de Berlin. Aujourd’hui, le reste suit peu à peu, lambeaux après lambeaux. Qu’il agisse sous le masque d’un régime totalitaire ou d’un Etat démocratique, le capitalisme va continuer d’infliger à l’humanité toujours plus de misère et de guerre. Mais le prolétariat est capable de construire de ses mains un autre monde, une société sans classes et sans exploitation, une société basée non sur le profit mais pour l’épanouissement de tous. Pour cela, il faut rejeter l’assimilation du communisme et du stalinisme ; il faut que notre classe reprenne confiance en elle et dans ce monde qu’elle seule est capable de bâtir !
Tibo, 13 novembre
1 ) Source : “Chute du mur : le début d’une nouvelle période…”.
2 ) Nous ne pouvons dans le cadre de cet article développer notre argumentation sur les raisons de la victoire de la contre-révolution stalinienne. Nous renvoyons nos lecteurs aux multiples articles de notre presse sur ce sujet, notamment le plus récent : “Il y a 20 ans : la chute du mur de Berlin [112]”.
“Je connais des gens inquiets du fait que l’immigration fragilise leurs salaires et les perspectives d’emplois de leurs enfants” (1). Quel est l’auteur de ces propos aussi révoltants que nauséabonds ? Un militant d’extrême-droite ? Non ! Il s’agit du Premier ministre britannique, homme de gauche, Gordon Brown ! Les immigrés indésirables sont, ce n’est pas nouveau, des boucs émissaires “responsables du chômage et de la misère” ! Les dirigeants de ce monde, que ce soient les Brown, Besson ou autres, exploitent toujours la bassesse des instincts populistes et savent joindre le geste à la parole : ratissages policiers, rafles, tracasseries administratives, expulsions...
Dans bon nombre de pays, comme par exemple en Grande-Bretagne, les nouveaux arrivants sont presque systématiquement confrontés à la prison (2), au travail au noir sous-payé, au racisme et à la terreur. Bon nombre d’Etats encouragent désormais, au nom de la sécurité, des sortes de rondes de nuit (comme en Italie ou en Grande-Bretagne) où les citoyens sont appelés à participer pour dénoncer à la police tous ceux qui peuvent paraître “suspects”, notamment les immigrés. Dans la plupart des pays européens, louer un logement à un immigré clandestin ou l’héberger est passible d’emprisonnement. En Italie, une loi prévoyait même, dans sa première mouture, d’obliger les médecins, les directeurs d’école et les facteurs, à dénoncer les immigrants en situation irrégulière !
Dans ce contexte, l’opération conjointe des autorités françaises et britanniques, le 22 octobre dernier, contre des réfugiés afghans, n’est qu’un épisode supplémentaire des drames humains qui se succèdent et que vivent les étrangers en situation irrégulière. Sur vol charter franco-britannique, des jeunes étaient alors expulsés vers leur pays en guerre. Le comble du cynisme, c’est que le ministre Besson, le gouvernement et les médias en France nous ont présenté le sort de ces malheureux comme l’application d’une politique humaine presque charitable. Ces réfugiés ne seront t-ils pas “logés à l’hôtel” ? Dans une zone “sécurisée” de Kaboul ? Aux “frais de la princesse” (puisqu’ils vont soi-disant toucher 2000 euros) ? A les écouter, il s’agirait presque de vacances au club Méditerranée !
De qui se moque-t-on ? En réalité, comme dans la plupart des cas, il s’agit de se débarrasser des bouches inutiles pour le capital en se souciant comme d’une guigne des conséquences souvent meurtrières des expulsions. Ce que pense la bourgeoisie, réellement, se résume en peu de mots : “qu’ils aillent crever chez eux !”. Par une législation durcie et une intervention musclée, la bourgeoisie a fait de l’Europe une véritable “forteresse”.
Bien sûr, pour faire bonne figure, la gauche en France, championne de l’hypocrisie, fait mine de s’offusquer d’une politique attribuée à dessein à la seule et unique “méchante droite”. De la bouche de Martine Aubry, on entend ainsi parler de “charters de la honte”, quant au docteur Kouchner, la main sur le cœur, il nous dit qu’il “n’aurait surtout pas fait cela” ! Mais leur duplicité donne envie de vomir. Rappelons-nous en effet que toute cette clique de gauche applaudissait, du temps d’Edith Cresson, quand elle conduisait brutalement par charters entiers les déshérités aux frontières. Michel Rocard affirmait alors : “on ne peut pas accueillir toute la misère du monde” ! En matière de répression contre les immigrés et les clandestins, le PC n’a rien à envier lui non plus aux “socialistes”, quand par exemple, dans les années 1980, il expulsait les immigrés à Vitry-sur-Seine à coups de bulldozers. Et que dire de la CGT qui, il n’y a pas si longtemps de cela, manu militari, expulsait les sans-papiers (femmes et enfants) de ses propres locaux !
Aujourd’hui, les pays européens ont renforcé leur politique de contrôles, de façon coordonnée, notamment sous l’impulsion de l’Allemagne (3). Les pays de l’espace Schengen rejettent désormais jusqu’à 90 % des demandes d’asile, au motif que le but des candidats est d’abord “économique”. C’est au nom de ces “abus” qu’un ministre comme Besson demande maintenant la mise en place de “vols conjoints sous bannière européenne”. C’est pour cela qu’un centre franco-britannique de renseignements opérationnels a déjà vu le jour à Folkestone (depuis le 2 septembre de cette année) comprenant des agents des deux pays pour traquer les “indésirables”.
Si ces initiatives encouragées par le ministre français Besson (4) ne peuvent que se développer et contribuer à atteindre l’objectif de la France, qui est d’expulser 27 000 migrants sans-papiers pour l’année 2009, elles témoignent surtout d’une paranoïa sécuritaire grandissante qui gangrène l’ensemble de la bourgeoisie mondiale. Et c’est principalement la classe ouvrière qui en fait les frais ! Alors que la crise économique signe la faillite du système capitaliste, que le chômage de masse atteint des sommets, les grandes démocraties, celles qui viennent de fêter en grandes pompes les 20 ans de la chute du mur de Berlin, n’ont aucune perspective d’avenir à proposer aux immigrés ni à l’ensemble des autres prolétaires : sauf la division, la répression et la misère. La bourgeoisie utilise les matraques, les camps de rétentions et les charters pour chasser les prolétaires en survie hors des pays dits “riches”. Le “modèle démocratique européen”, tant vanté par la bourgeoisie, n’est que celui d’un bunker capitaliste supplémentaire, lui aussi sans avenir.
WH, 12 novembre
1) Source : Lepoint.fr (extrait d’une interview au Daily Mail).
2) 200 demandeurs d’asile sont en prison en GB.
3) Au point que certains parlent de “germanisation de la politique européenne en matière d’immigration” . Voir le site de la Deutsche Welle : "Immigration : l'empreinte de Berlin [114]".
4) N’oublions pas que cet individu a été le directeur de campagne de Ségolène Royal lors des dernières présidentielles...
Nous avons reçu de la part de la CNT-AIT de Toulouse la communication que nous publions ci-dessous.
Nous sommes entièrement d’accord avec les camarades qu’il s’agit là d’une tentative d’intimidation par l’Etat contre des militants et contre la classe ouvrière en général. Le contraste entre la sévérité des peines demandées et le silence bienveillant et complice qui a couvert des criminels de guerre comme Karadzic et Mladic pendant tant d’années depuis la guerre en ex-Yougoslavie est on ne peut plus parlant quant à l’hypocrisie de l’accusation de “terrorisme”.
Nous exprimons toute notre solidarité envers les militants emprisonnés et leurs familles, et nous encourageons nos lecteurs de faire diffuser le plus largement possible la déclaration de la CNT-AIT.
CCI, 27 octobre
Vous êtes certainement au courant que des militants anarcho-syndicalistes serbes, dont l’actuel secrétaire de l’AIT, sont détenus dans la prison de Belgrade. La procédure engagée à leur encontre est celle de “terrorisme”. A l’heure actuelle nous ne savons pas jusqu’où elle ira. L’accusation repose sur des allégations de dégâts matériels minimes qui auraient été commis par un groupe anarchiste à l’encontre de l’ambassade grecque de Belgrade en solidarité avec un compagnon grec toujours emprisonné. Les accusés nient les faits, ils encourent de 3 à 15 ans de réclusion. Cette disproportion entre les faits reprochés et l’accusation nous fait penser que la volonté du pouvoir serbe est de museler nos compagnons dont l’activité militante gêne visiblement.
Nous vous demandons par la présente de diffuser le plus largement possible le communiqué de l’ASI suivant :
Le 4 septembre 2009, le tribunal local de Belgrade a décidé que les militants de l’ASI seront incarcérés durant 30 jours. Nos compagnons sont accusés d’un acte de “terrorisme international”.
La Confédération de syndicats “Initiative anarcho-syndicaliste” a été informée par les médias de l’attaque contre l’ambassade grecque et de l’organisation qui l’a revendiquée. Nous en profitons pour rappeler encore une fois à l’opinion publique que ces moyens de lutte politique individualiste ne sont pas ceux de l’anarcho-syndicalisme, au contraire : nous affirmons publiquement nos positions politiques et cherchons à attirer les masses vers le mouvement syndicaliste et les organisations libertaires et progressistes à travers notre action.
L’État veut faire taire nos critiques avec ses moyens de répression, il le fait avec sa logique absurde, en déclarant suspects ceux qui expriment publiquement leur point de vue libertaire et conclue l’affaire en les enfermant pour donner une fausse image à l’opinion publique. On peut remarquer les formes peu scrupuleuses d’action des institutions du régime et ce dès les premiers moments de la détention, la perquisition illégale des appartements, l’intimidation des familles et les accusations disproportionnées de terrorisme international.
Bien que nous ne soutenions pas les actions du maintenant célèbre groupe anarchiste “Crni Ilija”, nous ne pouvons pas les caractériser comme du “terrorisme international” puisque le terrorisme, par définition, est une menace contre la vie de civils, alors que dans ce cas personne n’a été blessé et que les dégâts matériels furent symboliques. Il est clair que cette farce de l’État est un moyen d’intimider ceux qui dénoncent l’injustice et le désespoir de cette société.
En ces temps d’endormissement social il y a des individus qui font le choix d’actions incroyables, quelquefois auto-destructives, pour rompre le blocage médiatique et attirer l’attention sur leurs demandes (souvenons-nous des travailleurs qui se sont coupés les doigts et se les ont mangés, ou par exemple, de cet homme désespéré qui a menacé de faire exploser une grenade dans l’édifice de la présidence serbe), cela pour que leurs problèmes soient connus plus largement.
Nous ne laisserons pas convaincre qu’un tel acte symbolique de solidarité, bien qu’exprimé de façon erronée, puisse être considéré comme un acte antisocial ou terroriste, cela comme n’importe quel acte de rébellion de ceux qui ont été dépossédés de leurs droits. Nous exprimons notre solidarité avec les compagnons incarcérés et leurs familles et demandons qu’on établisse la vérité sur cette affaire.
Liberté pour les anarcho-syndicalistes !
Initiative anarcho-syndicaliste
5 septembre 2009
(Ces deux textes sont tirés d'un seul et même article réalisé par World Revolution (WR), organe de presse du CCI en Grande-Bretagne.)
La grève à Tower Hamlet College a été remarquable à plusieurs titres. Le simple fait qu’une grande proportion de l’équipe enseignante de tout le collège (1) se soit mise en grève illimitée contre la menace de supprimer des postes a été en lui-même un signe de leur détermination et de leur combativité, quand on sait que tant de grèves sont réduites à une protestation d’un à deux jours. Et peut-être plus importantes encore ont été les claires expressions de solidarité de classe qui ont accompagné cette grève. Cet aspect implique à la fois les grévistes eux-mêmes et un nombre significatif d’autres travailleurs.
Les enseignants du collège en grève étaient membres de l’UCU (University and College Union), mais, dès le début de la grève, ils ont laissé les assemblées générales ouvertes à tous les employés du collège ; et lorsque, pendant la grève, il est devenu difficile pour les non-enseignants qui n’avaient pas rejoint la grève d’assister aux assemblées générales pendant leurs heures de travail, les enseignants en grève décidèrent de faire des AG durant l’heure des repas pour permettre à cette catégorie de personnel de venir discuter avec les grévistes. Il y a eu un sentiment fort de la part du personnel non-enseignant, dont la plupart est membre de l’Unison (2), qu’ils devaient se joindre à la grève, bien que cela ait été contrecarré par le légalisme syndical. Les grévistes ont aussi fait un effort considérable pour envoyer des délégations vers d’autres collèges locaux et sur d’autres lieux de travail pour expliquer leur situation aux autres ouvriers. Ceci s’est traduit par la participation de nombreux ouvriers aux piquets de grève – non seulement avec des enseignants d’autres collèges mais aussi de pompiers par exemple – et par des rassemblements appelés en soutien à la grève.
Depuis le début, il était évident que la lutte au THC n’était pas une simple réaction contre un administrateur au cœur particulièrement dur et son plan personnel pour rendre THC plus rentable, mais que les réductions de personnel étaient un test en préparation à de plus amples attaques dans le secteur de l’éducation. C’est cette compréhension qui explique, par-dessus tout, cette naissance d’une large sympathie pour cette grève au. THC.
La volonté des travailleurs du THC de se mobiliser pour les boulots de leurs collègues (qui ont une fonction sociale importante dans une communauté locale où obtenir une qualification ESOL est essentiel pour trouver du travail plus tard) a été un signe indéniable de ce que les salariés ne baissent pas les bras face aux attaques et il est révélateur de leur conscience que cela peut faire réfléchir d’autres patrons dans le secteur de l’éducation avant de ressortir de nouvelles suppressions de postes. Ceci explique certainement pourquoi la direction du THC a été contrainte de faire des concessions après quatre semaines de grève, en particulier en retirant quelques licenciements annoncés.
Cependant, bien que l’UCU (University and College Union) se soit déclarée satisfaite des résultats de la grève, et bien que les gauchistes du SWP aient crié à la “victoire”, le bilan réel est plus que mitigé comme on peut le voir à partir des réflexions d’une des grévistes qui a écrit régulièrement sur le forum de discussion internet de Libcom. Tout en reconnaissant que d’importantes concessions avaient été acquises, c’est-à-dire la sauvegarde de 7 postes et l’amélioration des accords de licenciements, elle a mis en avant d’importantes critiques sur la façon dont la fin du conflit a été organisée par les syndicats :
“La prétendue victoire tient dans ce qu’il n’y a pas eu de licenciements forcés. A la place, les 13 postes menacés ont été redéployés, des licenciements ont été reportés après être passés devant le tribunal ou certains ont accepté de soi-disant départs volontaires. Il n’y a pas eu de retrait de la menace de licenciements forcés. Il n’y a eu aucun accord pour garantir le maintien de nos contrats actuels. Grâce à des menaces et à des pots-de-vin, certains des licenciements secs ont été présentés comme volontaires. La pression est venue à la fois de la direction et des syndicats. Les responsables nationaux aussi bien que locaux ont téléphoné à des gens menacés de licenciement en leur disant qu’ils devaient accepter le licenciement dit volontaire. Deux jours avant la “découverte” de l’Acas (3), notre assemblée générale avait affirmé que, bien qu’il fût clair que les gens souhaitaient arrêter la grève, nous étions préparés à la mener jusqu’au bout afin de protéger ces derniers, et ceux-ci n’étaient pas encore sous la pression d’accepter un accord. L’accord proclame que les licenciements forcés ont été évités et c’est la “victoire” à laquelle crient l’UCU, le SWP, etc. En fait, il y a eu des licenciements forcés “volontaires” – des salariés ont subi des pressions pour accepter leur licenciement “volontaire”. Cette salade nous a été vendue au milieu du sabotage éhonté de l’assemblée générale où la discussion avant et pendant l’assemblée avait été rendue impossible à cause des cris des membres officiels du syndicat. Il y a eu un court débat, la plupart des gens intervenant contre l’acceptation de l’accord mais à la fin, il y a eu 24 votes contre, beaucoup d’abstentions et la claire majorité votant l’accord et le retour au travail (bien que par ailleurs l’assemblée ait été bien sûr moins nombreuse que nos habituelles assemblées hebdomadaires). Nous sommes retournés au travail le vendredi matin. Là où je travaille, il y a eu un soulagement de ne pas être restés en grève plus longtemps mais aussi beaucoup de malaise sur la façon dont la lutte s’est achevée et sur la réalité à laquelle nous sommes à présent confrontés.”
Des discussions avec les grévistes, il ressort clairement que la plupart, sinon tous, ont cru que le renforcement de leur lutte était identique au renforcement et à la montée en puissance de l’UCU. Et pourtant, les citations ci-dessus montrent clairement tout le contraire : l’UCU a oeuvré contre les ouvriers et la grève.
Un moment crucial dans le développement de la grève, et qui a permis que cette position ambiguë soit mise en avant, a été le vote des ouvriers membres d’Unison de se joindre à la grève. Selon de nombreux enseignants en grève, que ce soit avant ou après le vote, les ouvriers membres d’Unison avaient montré clairement au cours des assemblées générales qu’une majorité d’entre eux était favorables à la grève – un pas qui aurait forcé la direction à fermer le collège plutôt que de le laisser ouvert avec une équipe squelettique. Mais le vote, qui avait été reporté presque jusqu’à la fin de la grève, a eu pour résultat une très étroite défaite de la proposition de se mettre en grève. Comme un des membres du collectif Libcom l’a dit :
“C’est une bonne illustration de la nature de classe anti-ouvrière des votes individuels et privés (les seuls qui soient légaux). Il est facile de se sentir démoralisés et isolés en votant chez soi ou à bulletins secrets, ce qui est tout le contraire d’une assemblée générale où l’on peut gagner la confiance collective et quelque influence.”
Le problème ici a été que, malgré le fait que les ouvriers membres de l’UCU étaient prêts à ouvrir leurs assemblées générales à ceux de l’Unison, et que ces derniers étaient généralement prêts à démontrer leur solidarité, il n’y a pas eu suffisamment de compréhension du besoin de mettre le contrôle de la lutte dans les mains des assemblées, d’insister sur le fait que la décision de se mettre en grève aurait dû être faite non pas dans des votes syndicaux isolés et atomisés, mais dans les assemblées générales elles-mêmes. Cela aurait signifié une remise en cause du contrôle des appareils syndicaux. C’était un pas que n’a pu franchir cette lutte-ci, mais il faut en tirer les leçons pour les luttes futures.
Alors que les ouvriers des postes attendaient le résultat de leur récent vote national pour se mettre en grève (ce vote a été reculé de trois semaines par le syndicat CWU - Communication Workers Union), leur situation se présentait de plus en plus mal. Depuis la fin de la grève nationale de 2007, et particulièrement au cours des 18 derniers mois, les ouvriers des postes de tout le pays sont confrontés à une attaque massive de la direction de Royal Mail (RM) pour imposer des coupes claires dans le personnel, à des attaques sur les conditions de travail et à des baisses de salaires. Ces dernières années, RM a supprimé 40 000 emplois et cherche activement à en supprimer 30 000 de plus. Les postiers ont aussi vu la disparition de leurs fonds de pension et l’imposition par un décret de la direction recul de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans. La direction de RM a ressorti les tactiques les plus brutales d’intimidation et de harcèlement pour imposer son plan de “modernisation”. Dans tout le pays, RM a nommé des directeurs venant d’autres entreprises pour imposer les nouvelles conditions de travail dans les bureaux locaux en désaccord.
“‘Habituellement, j’aime mon travail mais à présent l’intimidation et le harcèlement sont en dehors de tout contrôle’, dit Pete qui a travaillé à la poste pendant 30 ans et se trouvait parmi les 12 solides membres du piquet de grève au centre de distribution d’East London à Essex Thorrock” (Socialist Worker-online du 29 août 2009).
“Il y a toujours un chef derrière vous. Franchement, je trouve très gênant de devoir lever la main pour demander à quelqu’un qui a la moitié de mon âge si je peux aller aux toilettes” (Ibid.).
On dit aux employés chargés de la distribution du courrier que maintenant ils doivent “optimiser” leur tournée et qu’ils doivent pour cela faire des heures supplémentaires. Tout refus entraînerait une sanction disciplinaire et ce point était l’un des termes des “accords de modernisation” conclus entre RM et le CWU à la fin de la grève de 2007.
Le CWU a en effet proclamé son accord avec cette pression pour “moderniser”. Il dit que les patrons de RM sont contraints à cette modernisation des services, y compris les baisses de salaires et les pertes d’emploi, sans consultation préalable. “Le secrétaire général du CWU, Dade Ward, pense qu’il ne peut y avoir de changement réussi de Royal Mail sans accord syndical… ‘La modernisation est cruciale pour le succès futur de RM, mais l’amélioration du changement doit être acceptée et être amenée avec des salaires et des conditions de travail modernes. Nous voulons voir un nouvel accord de sécurité du travail qui aidera les gens à s’adapter à ce changement bénéfique pour l’entreprise’” (BBC News du 16 septembre 2009). Déjà, à l’issue de la grève de 2007, Billy Hayes et lui avaient démontré le même souci quand ils signèrent l’accord pourri qui donna 6,9 % et une prime de 400 livres comme provision sur “la productivité et la flexibilité à mettre en phase 2 du processus de modernisation”.
En 2007, la grève a été défaite par l’utilisation de la tactique syndicale de la “grève tournante” qui a vu l’usure du mouvement grâce à des actions partielles et limitées dans le temps et géographiquement. Cependant, au cours de la lutte, il y a eu d’importantes expressions de solidarité de classe, notamment avec le refus des ouvriers au travail de franchir les piquets de grève, qui ont été significatives non seulement pour les ouvriers en Grande-Bretagne mais internationalement car elles constituaient un défi pour la capacité du CWU de contrôler la grève au niveau national.
Aujourd’hui, le CWU a essayé de faire usage de ces mêmes tactiques. Bien avant le vote pour une grève nationale (les résultats étaient annoncés pour le 8 octobre), il a tenté de d’enfermer et d’épuiser le mouvement dans le localisme. Ainsi des grèves de deux jours ont eu lieu dans des régions spécifiques, principalement à Londres, dans les Midlands, à Bristol et dans le Yorkshire. Une fois de plus, la colère et la frustration des ouvriers des postes a éclaté en grèves sauvages comme dans l’Ouest de l’Ecosse en septembre, où les postiers se sont mis en grève illégalement pour protester contre la suspension de chauffeurs après leur refus de forcer les piquets de grève. De même, le bureau de Liscard à Wallasey, dans le Merseyside, a connu un arrêt de travail spontané pendant 5 jours pour protester contre la suppression arbitraire d’équipes dans les tournées. D’autres bureaux ont aussi participé à des actions sauvages mais il y a eu un black-out lorsqu’elles se sont produites. Cependant, contrairement à 2007, ces actions non-officielles ont été le travail d’une petite minorité du mouvement.
Un autre aspect du sabotage syndical se voit dans la tentative du CWU de faire de cette grève une lutte pour que le syndicat soit en mesure de négocier avec la direction. RM, avec le plein soutien du gouvernement, essaye de supprimer des emplois et de mettre en œuvre des conditions de travail aggravées pour les ouvriers de la poste. La défense contre ces attaques est un combat pour de véritables revendications de classe. Défendre la capacité des syndicats de négocier des accords accords revient en fait à aider les patrons à vaincre la grève et à faire passer leurs attaques.
SM&G, 3 octobre
1) En Grande-Bretagne, un “college” est un établissement d’enseignement supérieur. Pour des raisons de commodité, nous le traduirons par le mot français “collège”.
2) Un des principaux syndicats de Grande-Bretagne.
3) L’Acas (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) est un organisme qui a été chargé de “mener” les négociations entre la direction et les syndicats après plusieurs semaines de grève.
Nous publions ci-dessous une lettre que nous a adressé un militant syndicaliste, JM, sur la question du rôle des syndicats dans les luttes et de la réelle volonté de combattre des syndiqués, ainsi que de larges extraits de notre réponse.
Chers camarades,
Je suis infirmier de secteur psychiatrique dans un hôpital (de province) où travaillent près de 2000 agents. J’ai 47 ans et suis à la tête du syndicat CGT local (75 % aux élections professionnelles) dont sont adhérents 350 salariés actifs et 1000 retraités. J’ai découvert par hasard votre revue dans un supermarché Casino. Mon attention s’est d’autant plus portée sur elle qu’un article concernait l’ordre infirmier.
Nous avons combattu, localement, la création de cet ordre (tracts, assemblées générales) mais nous nous sommes heurtés à grande indifférence de la part des collègues… Nous avons, contre l’avis de la fédération Santé CGT, décidé de présenter quelques candidats qui se sont fait élire pour contrer de l’intérieur cette instance corporative et répressive, inutile à la profession. Votre article rend très bien compte du sujet.
En ce qui concerne le syndicalisme, ses permanents et ses travers, je ne peux que reconnaître que tout n’est pas faux. Moi-même, je suis détaché à 80 % et ne “travaille plus” qu’un jour par semaine sur un groupe de pré-adolescents. Mais ces quatre jours de détachement ne sont pas suffisants et je suis obligé de continuer mon activité syndicale le soir à la maison, les week-ends, voire pendant les vacances… Aussi quelquefois, lorsqu’un permanent, éloigné du terrain, se met à me donner des leçons, j’ai un peu les “boules”…
Par contre, votre haine irrépressible vis-à-vis du syndicalisme “institutionnel” vous aveugle, au point de tenir des propos simplificateurs qui entachent la rigueur intellectuelle que vous vous efforcez d’affecter… Dire : “92 % de salariés estiment ne pas ressentir le besoin de se syndiquer”, c’est un propos digne du pire partisan du Medef ou de l’UMP. C’est méconnaître totalement le terrain. A croire que vous n’avez jamais rencontré un salarié du privé !
Récemment, à quelques militants, nous avons soutenu un petit syndicat CGT d’une clinique privée du groupe ORPEA. Elles étaient quatre jeunes filles, infirmières et aide-soignantes. La direction les a tellement harcelé qu’elles ont fini par démissionner…
Autre exemple : ma belle-fille travaille dans un magasin d’une enseigne de prêt-à-porter. Les heures supplémentaires ne sont pas payées, les contrats sont précaires et à temps partiel. Bientôt le dimanche sera un jour comme un autre…
Inutile de dire qu’il n’y a aucun délégué syndical, aucun élu du personnel, que toutes (ce sont des jeunes filles) “ferment leur gueule”. Monter un syndicat ? Personne n’ose en faire partie…
Dans mon unité de soins à l’hôpital, je travaille avec un jeune éducateur (30 ans) qui était adhérent à la CNT pour finalement rejoindre la CGT. Etonné de sa décision, je lui en faisais la remarque. “Mais, JM, il faut être logique, ici la CGT est la seule à faire quelque chose concrètement”, me répondit-il.
Enfin vous relayez : “les syndicats canalisent les révoltes…”. Là encore, cela participe à la décrédibilisation qui tente de nous faire disparaître. A l’hôpital, la direction a voulu sécuriser les cours des unités d’accueil et de crise (coupes des arbres, érection de murs d’enceinte). Les agents qui y travaillent ont râlé quelque peu… Nous avons décidé d’une action symbolique pour protester : un rassemblement avec la plantation d’un arbre contre le tout sécuritaire et une conférence de presse.
Désolé de vous dire que les “jeunes en révolte” ne nous ont guère “poussé au cul”, c’est peu dire…
Si à Caterpillar la base pousse, c’est qu’elle n’a plus rien à perdre. Ailleurs, ce n’est pas encore le cas.
Et on ne fera pas la révolution en tapant plus souvent qu’il ne faut sur ceux qui tentent de faire quelque chose contre le système. Pendant ce temps, ceux qui l’érigent en modèle à leur seul profit, sont bien tranquilles…
Bien cordialement.
Camarade,
[…] Comme tu le montres dans ta lettre, un certain nombre de membres de syndicats sont totalement de bonne foi et nous sommes tout à fait d’accord avec toi quand tu montres l’énergie qu’ils consacrent à ce qu’ils pensent être la défense de leurs camarades ouvriers ; le problème est de savoir si cette énergie dépensée sert cette cause ou si, au contraire, elle la dessert.
De la même manière, tu as aussi raison quand tu mentionnes que dans un certain nombre de petites entreprises, y compris dans le secteur de la santé, des membres des syndicats sont réprimés par le patron de multiples manières. Mais là aussi, toute l’histoire nous montre que ce n’est pas parce que la répression s’abat sur des hommes qui se battent que leur combat est orienté vers un mieux pour l’humanité. A titre d’exemple, les nombreux combats nationalistes qui existent dans le monde sont le plus souvent violemment réprimés, et pourtant ces combats n’apportent que chaos et barbarie sans aucune amélioration pour les ouvriers et les autres opprimés.
Ce n’est donc pas le fait qu’en telle ou telle circonstance, des membres des syndicats sont réprimés qui permet de savoir si leur positionnement sert à améliorer le sort des ouvriers. Ce qui doit nous guider, c’est l’examen du sens de l’action des syndicats dans l’ensemble des luttes qui ont eu lieu dans le passé ou qui se déroulent actuellement. C’est seulement de cette manière que nous pourrons avoir une vue globale, générale de l’action des syndicats et que nous pourrons donc l’analyser et savoir si elle sert les intérêts de la classe ouvrière.
Il est certain qu’au xixe siècle, dès que les ouvriers ont pu imposer l’existence des syndicats, ces derniers ont réellement organisé les luttes contre le patronat et contre l’Etat. Ils avaient certaines limites qui ont été montrées par les communistes, mais, malgré cela, ils furent de réels moyens de lutte de la classe ouvrière.
Or, pendant la plus grande partie du xxe siècle, nous ne constatons pas la même chose. Il faut tout d’abord souligner que, même en se limitant à la crise économique que le capitalisme connaît depuis le début des années 1970, l’action des syndicats n’a pas permis d’empêcher la dégradation des conditions de vie et de travail des ouvriers. Et, d’après nous, non seulement, elle n’a pas permis d’empêcher cette dégradation mais, au contraire, les syndicats ont systématiquement agi dans le sens d’empêcher la lutte en la divisant et en la sabotant.
La condition majeure de la force des ouvriers en lutte est la solidarité qu’ils peuvent mettre en oeuvre car c’est la base de l’unité entre ouvriers d’un même établissement ou d’usines, de corporations ou de secteurs différents. Or, dans la pratique, on voit que les syndicats provoquent systématiquement toutes sortes de divisions qui empêchent cette solidarité et cette unité.
Donnons quelques exemples. Tout d’abord, les querelles qui existent entre syndicats divisent les ouvriers et souvent en démoralisent une partie. Mais les divisions provoquées par les syndicats ne s’arrêtent pas là, loin de là. Ainsi, dernièrement, alors que des ouvriers sont licenciés dans de nombreuses entreprises, les syndicats n’ont rien fait pour que les luttes se rassemblent et s’unifient. Au contraire, ils ont montré le fait de travailler dans telle ou telle usine comme une spécificité : ainsi, les ouvriers de l’usine Molex sont devenus “les Molex”, ceux de l’usine Continental sont devenus “les Conti”, etc. Ce faisant, ils ont poussé les ouvriers de chacune de ces usines à lutter de manière isolée. Dans de telles conditions, ces ouvriers se sont épuisés, ce qui a permis aux directions des entreprises de faire passer les licenciements et de n’accorder que des indemnités très basses.
Et ces divisions par usine, par corporation ou par secteur, entretenues ou provoquées par les syndicats, ne datent pas d’hier. Par exemple, en 2003, lors de la grève des enseignants contre l’allongement des annuités nécessaire pour obtenir la retraite prévue par la loi Fillon, non seulement les syndicats ont empêché que d’autres corporations (RATP, La Poste) du secteur public se mettent en grève avec le personnel de l’éducation nationale, mais en plus, ils ont fait reprendre le travail à tout le personnel technique (dit IATOS) des établissements lorsque le gouvernement a reporté la décision qui faisait dépendre l’emploi de ces personnels du Conseil régional (mesure qui a, d’ailleurs, été appliquée quelques temps plus tard). En faisant cesser la grève à ces personnels, ils ont laissé les enseignants en lutte tous seuls ; un tel isolement a rendu leur défaite inévitable.
On peut aussi citer l’exemple du secteur dans lequel tu travailles car il est édifiant. Lors de la grève des infirmières en 1988, la CFDT avait mis en place une nouvelle structure, “la coordination infirmière”, qui a mis systématiquement en avant la revendication selon laquelle les infirmières n’avaient pas le salaire qu’elles auraient dû avoir du fait de leur niveau d’étude (bac + 3) ; une telle revendication ne pouvait que gêner ou décourager tous les ouvriers qui n’avaient pas ce même niveau de diplômes d’être solidaires avec elles. D’autre part, au moment où la grève a éclaté, c’est-à-dire au moment où le mouvement était le plus fort, la CGT avec les autres syndicats ont découragé l’entrée en lutte des ouvriers des autres entreprises du secteur public pour laisser le secteur de la santé tout seul, et ce alors que le mécontentement était partout très fort (1).
Quand de telles manœuvres de division qui aboutissent à isoler des luttes ne suffisent pas, les syndicats procèdent au sabotage de la lutte. Par exemple, en 1986, lors de la grève des cheminots, les syndicats disaient aux cheminots de leur dépôt, en vue de les démoraliser et de leur faire reprendre le travail, que ceux de tel ou tel autre dépôt avaient repris le travail, ce qui s’avérait faux lorsqu’on s’en informait par téléphone. Cette méthode a été reprise en 2003 en donnant de fausses informations sur la soi-disant reprise du travail dans des lycées.
Nous voudrions souligner qu’une nécessité première des luttes est la discussion la plus libre et la plus large dans les assemblées générales ; cette discussion la plus large est nécessaire pour que la lutte se développe, pour que la solidarité se construise et se renforce, pour que les ouvriers prévoient les modalités de leur lutte et s’organisent. C’est d’ailleurs lorsqu’il y a eu de tels débats, que ce soit en mai 1968 ou en 2006 dans la lutte contre le CPE, que les luttes ont fait réellement reculer la classe dominante. Si on examinait des luttes dans d’autres pays, on s’apercevrait de la même chose. Or, dans les assemblées générales, les syndicats essaient d’empêcher ou au moins de limiter les prises de parole qu’ils ne contrôlent pas. D’ailleurs, des membres du CCI se sont fait expulser manu militari d’assemblées générales lors de la lutte des infirmières de 1988, quand ils ont voulu s’exprimer sur la manière dont la lutte était menée.
L’énumération pourrait continuer, car les exemples sont innombrables et ils signifient que même si les intentions d’une grande partie des ouvriers qui adhérent au syndicat sont de se donner les moyens de se défendre et de lutter, ils sont trompés parce qu’ils sont entraînés dans un combat qui ne va pas dans le sens qu’ils souhaitent ; il va, en fait, dans le sens contraire : celui de la défense des intérêts de la classe dominante contre la lutte que tente de développer la classe ouvrière.
Bien sûr, les défenseurs des syndicats nous répondent, lorsque nous mettons en évidence tous ces faits, que nous oublions que dans l’immense majorité des cas, ce sont eux – les syndicats – qui déclenchent et sont à la tête des luttes. Formellement c’est vrai ; mais si les syndicats lancent des actions, que ce soit dans une entreprise, dans une corporation ou nationalement (ce sont alors, le plus souvent, des “journées d’action”), c’est parce qu’ils sentent que le mécontentement ou la colère ouvrière commencent à devenir forts et qu’il est nécessaire de lancer ce qu’ils font apparaître aux yeux des ouvriers comme une “lutte” pour les empêcher de déclencher la lutte eux-mêmes. Les “journées d’action” de 2009 en sont une illustration frappante.
A partir de tous ces constats, il est nécessaire de se poser la question des raisons d’un tel changement dans la politique des syndicats au début du xxe siècle, changement qui ne s’est pas démenti depuis. Pourquoi, de manière aussi systématique, l’action des syndicats vise-t-elle à empêcher la lutte ou, lorsqu’elle a lieu, à tout faire pour qu’elle ne puisse pas se développer ? La question est trop importante pour les luttes présentes et à venir contre un capitalisme qui ne cesse de généraliser la misère, pour que nous ne nous donnions pas les moyens d’y répondre.
Bien sûr, dans le cadre de cette lettre dont la taille est forcément limitée, nous ne pouvions pas expliquer quelles sont les réponses que nous apportons à ces questions. Nous voulions simplement exprimer les questions que pose l’action des syndicats. Pour trouver ces explications détaillées, tu peux lire notre presse, notamment notre article “Dans quel camp sont les syndicats [50]”.
Et si tu le veux, nous pourrons revenir de manière plus détaillée sur ces questions dans des courriers ultérieurs.
Fraternellement,
CCI, 21 octobre
1) Nous avons dressé un bilan de cette lutte au sein d’un recueil d’articles nommé Bilan de la lutte des infirmières. Octobre 1988 [116].
En octobre, le CCI a organisé à Lille un week-end de discussions destiné à ses contacts et lecteurs. Ces réunions se distinguent de nos traditionnelles réunions publiques et permanences par trois éléments essentiels. D’abord, les sujets sont proposés par les participants potentiels en amont de la rencontre et les discussions sont souvent introduites par des participants qui ne sont pas des militants du CCI. Ensuite, deux sujets sont abordés chacun sur une demi-journée, et le temps est laissé pour prolonger les discussions dans les moments conviviaux qui suivent. Car, et c’est là leur troisième aspect singulier, le but de ces rencontres est aussi de rapprocher les personnes qui partagent les même préoccupations et les mêmes questionnements, à défaut de partager les mêmes positions, par des moments de rencontre plus informels, notamment des repas qui prolongent et offrent un cadre différent à la discussion.
A Lille, une trentaine de personnes ont ainsi participé à cette rencontre, venant de toute la France (Lille, Paris, Rouen, Nantes, Toulouse, Marseille, Lyon), de Belgique et de Hollande. Nous reviendrons ultérieurement sur la discussion du samedi après-midi, consacré à Darwin, au darwinisme, aux instincts sociaux et à la nature humaine. Cette discussion très riche s’est prolongée jusque tard dans la soirée et continuait même au petit-déjeuner du dimanche matin ! Dans un premier temps, nous vous proposons de retrouver sur notre site internet en français le compte-rendu complet [117] de la discussion du dimanche matin consacrée à l’écologie et à la capacité du capitalisme à éviter les catastrophes liées au réchauffement climatique, à la pollution, etc.
Si vous êtes intéressés à participer à ce genre de débats, n’hésitez pas à nous le faire savoir par mail ou par courrier.
Avec le sommet de Copenhague, l’écologie fait à nouveau la “une” de l’actualité. Mais si ce sujet nous préoccupe de plus en plus, c’est surtout parce qu’ il devient évident que la destruction actuelle de la planète met en jeu la survie même de l’humanité !
Tout d’abord, il y a le réchauffement climatique, où l’effet de serre joue un rôle prépondérant :
– les niveaux atmosphériques en dioxyde de carbone (CO2) et en méthane (CH4) ont atteint le niveau le plus élevé depuis 650 000 ans, ce qui implique que la température moyenne sur terre devrait augmenter sur les 100 prochaines années entre 1,1 et 6,4 °C ;
– la montée des eaux océaniques pourrait faire disparaître des îles entières et même des pays comme le Bengladesh. Cela entraînerait le déplacement forcé de plusieurs centaines de millions de personnes !
– on assiste dès aujourd’hui à des tempêtes de plus en plus violentes à l’exemple de Katrina. Pour certains experts, ce risque à été multiplié par trois ces dix dernières années ;
– les zones désertiques gagnent peu à peu du terrain. En ce moment même, une terrible sécheresse sévit dans sept pays de l’Afrique de l’Est, tels l’Éthiopie, le Kenya et la Somalie. 23 millions d’êtres humains sont en danger à cause de très mauvaises récoltes répétées, ils n’ont plus de réserves de nourriture. Cette sécheresse frappe aussi l’Australie, le Sud-ouest américain (ces dernières années, des incendies catastrophiques y ont d’ailleurs menacé des villes entières) et l’Asie centrale (la mer d’Aral en Russie a déjà pratiquement disparu).
Ensuite, il y a la fabrication de produits contaminants et de déchets toxiques répandus partout, dans l’air, les eaux et la terre. Tout le monde pense évidemment immédiatement au nucléaire, à Tchernobyl et à tous les déchets radioactifs ! Mais il y a aussi des produits comme le mercure qui infestent un certain nombre de cours d’eau ou de mers côtières. Il y a l’amiante qui est présente partout dans les bâtiments et dans tous les pays. Il y a aussi les pesticides, utilisés pour les besoins de l’agriculture intensive. Ce poison entraîne la disparition des abeilles par exemple. Pour la production de ces pesticides, on se rappelle de l’usine de Bhopal, en Inde, qui en explosant a tué près de 30 000 personnes et contaminé une grande partie d’une ville de 800 000 habitants !
Et que dire de la gestion même de ces montagnes de déchets ? Dans ce domaine, à chaque instant, les gouvernements et les entreprises étalent toute leur incurie. Tout récemment, c’est encore le nucléaire qui était à “l’honneur” en Sibérie. La France y a en effet envoyé des déchets dans de simples fûts en ferraille et à ciel ouvert ! Le documentaire de Yann-Arthus Bertrand, Vu du ciel, révèle comment la Chine balance ses déchets nucléaires dans les lacs des hauts plateaux du Tibet, un des poumons essentiels du globe, et met ainsi en danger des milliards d’individus ! En Italie, en particulier à Naples, des déchets en tous genres s’accumulent dans d’immenses décharges et les maladies des “riverains” explosent. L’Etat français s’est tout récemment débarrassé (il n’y a pas d’autre mot) d’un navire dans une banlieue d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. Il y a eu des morts et des milliers de personnes contaminées. En juin 1992 déjà, la FAO (Food and Agricultural Organisation) a annoncé que les États en voie de développement, les pays africains surtout, étaient devenus une “poubelle” à la disposition de l’Occident. Les océans aussi servent de poubelle. Ainsi, La Reppublica on-line du 29 janvier 2007 décrivait une île d’un nouveau genre, sortie tout droit d’un cauchemar digne du cinéaste Tim Burton, une “île des déchets” située dans “l’océan Pacifique, qui a une profondeur de 30 mètres et qui est composée à 80 % de plastique et le reste par d’autres déchets qui arrivent de toutes parts. Cette “île” de déchets atteint les 3,5 millions de tonnes” !
Enfin, pour conclure cette liste qui pourrait être interminable, soulignons tout de même le pillage incessant des ressources. La bande équatoriale de la planète est tout simplement en train d’être saccagée par la déforestation de l’Amazonie, de l’Afrique équatoriale et de l’Indonésie… tout cela, ironie du sort, pour produire des bio-carburants. Alors que les océans représentent 60 % des ressources alimentaires, ils sont pillés sans vergogne, tant et si bien que des centaines d’espèces sont en voie de disparition. La famine va donc encore frapper une part plus grande de l’humanité. Bref, la destruction engendrée par le capitalisme met aujourd’hui en péril la survie même de l’espèce humaine !
Alors,
face à l’ampleur de la catastrophe, la bourgeoisie sonne
aujourd’hui le rassemblement général. Au sommet de Copenhague, en
décembre, on va voir ce qu’on va voir ! Une “coalition
inédite d’organisations françaises de solidarité internationale,
de défense de l’environnement et des droits de l’homme” a
même lancé aux différents Etats un “ultimatum climatique”.
Soit
ces pays signent un accord qui conduira les émissions mondiales de
gaz à effet de serre à se stabiliser puis à décliner avant
2015.
Soit notre planète se réchauffera de plus de 2 °C,
seuil au-delà duquel les conséquences pour notre planète et nos
sociétés seraient désastreuses. Notre climat, toujours d’après
cette “coalition d’associations”, pourrait même devenir
complètement incontrôlable, en passant par ce que les scientifiques
appellent des “points de rupture”.
La fondation Nicolas Hulot a lancé un appel à peu près identique : “L’avenir de la planète et avec lui, le sort d’un milliard d’affamés qu’aucun porte-voix ne représentera, se jouera à Copenhague. Choisir la solidarité ou subir le chaos, l’humanité a rendez-vous avec elle-même.”
Oui, c’est vrai, l’humanité a rendez-vous avec elle-même, mais certainement pas à Copenhague. Car avant tout, il faudrait sortir d’une naïveté dangereuse et rappeler comment fonctionne le capitalisme, cette société dominée par une minorité d’exploiteurs.
Ce sont les lois mêmes du capitalisme qui poussent la bourgeoisie à détruire la planète. Nous sommes dans un système monstrueux qui transforme tout ce qu’elle produit, y compris les déchets eux-mêmes, en marchandises… non pour satisfaire les besoins humains mais afin de faire du profit. Cela peut aller jusqu’à l’absurde comme par exemple la récente trouvaille de tels sommets : la possibilité légale d’acheter “le droit de polluer” ! Le capitalisme, c’est avant tout la loi du plus fort et le règne de la concurrence. C’est pour répondre à cette loi que sont nées et se sont développées les grandes concentrations industrielles et les mégapoles où s’entassent des millions d’être humains : Tokyo, 36 millions d’habitants ; Bombay, 26 millions ; Mexico et New-York, 21 millions ; Kinshasa, 17 millions… Et évidemment, ces concentrations ont un rôle majeur dans la crise écologique. La concurrence, c’est aussi la guerre. Or, la production et l’entretien du matériel militaire (sans parler des millions de victimes et des dégâts liés aux guerres) est déjà en soi un véritable gouffre d’énergie humaine et terrestre. Un porte-avions consomme plusieurs milliers de litres à l’heure par exemple. Enfin, le capitalisme est un système de production totalement anarchique et irrationnel. Une marchandise peut parcourir des milliers et des milliers de kilomètres pour trouver son acheteur. Des pays cultivent des denrées alimentaires vendues à l’autre bout de la planète, alors que la population locale meurt de faim parce qu’elle n’a pas les moyens de payer !
Contrairement à toutes ces propagandes qui rejettent la faute sur les “individus”, les “citoyens”, en cherchant à nous culpabiliser (en nous faisant croire que si la planète va mal, c’est parce que nous prenons la voiture pour aller bosser, ou que nous ne faisons pas assez attention à ne pas laisser le robinet couler quand on se brosse les dents ou faisons la vaisselle, ou que nous ne trions pas bien nos déchets…), c’est donc bien le système de production capitaliste comme un tout qui est responsable du grave déséquilibre écologique et qui, s’il perdure encore trop longtemps, anéantira l’humanité toute entière !
Maintenant, un certain nombre de personnes, dont certaines très médiatisées, comme Al Gore, Nicolas Hulot, Yann Arthus Bertrand, au-delà de mettre l’accent sur une réalité effrayante, nous appellent à pousser les “grands de ce monde” à se coordonner internationalement et à trouver des solutions. Evidemment, toute prétendue solution à ce problème ne peut être envisagée qu’à l’échelle internationale. Cela sauterait aux yeux d’un enfant. Mais là encore, c’est d’une certaine manière vouloir faire l’autruche et refuser de regarder la réalité en face. Les “grands de ce monde” auxquels ils invitent à s’en remettre pour “prendre les mesures nécessaires” ne sont rien d’autres que les représentants des bourgeoisies nationales et un simple regard sur les décisions qu’elles ont prises depuis plus d’un siècle montre qu’on ne peut attendre que le pire de leur part.
Ces bourgeoisies ont produit guerre sur guerre : ne serait-ce que depuis 1939, il n’y a pas eu un seul jour sans conflit meurtrier sur la planète. Et dans ces occasions, elles ont démontré de quel cynisme envers la nature et l’être humain elles étaient capables : gaz mortels, produits chimiques comme les défoliants, armes bactériologiques, atomiques et même, récemment, bombes au phosphore. Les dernières guerres du Golfe, d’Irak, de Palestine et d’Afghanistan, pour se limiter aux exemples les plus récents, ont démontré leur efficacité en matière de destruction de vies humaines et… environnementale.
Quant aux décisions qui seront et sont déjà prises, on en voit l’aspect ridicule et même absurde. Nous parlions tout à l’heure du droit d’acheter le “droit de polluer” mais il y a aussi la taxe carbone, la journée sans voiture…
L’énergie verte a déjà prouvé quel avenir elle avait dans le capitalisme. Depuis deux ans, pas moins d’une trentaine de pays ont connu des émeutes de la faim parce qu’une partie conséquente des produits de l’agriculture a été détournée pour produire des bio-carburants et que la spéculation a fait flamber les prix. L’énergie renouvelable ou le développement durable (qui doit selon le célèbre Nicolas Hulot “jeter les bases d’un modèle de développement compatible avec la réalité physique et humaine de notre planète, et sortir enfin du cercle vicieux de la pauvreté et de la destruction de nos ressources naturelles”, c’est-à-dire “la trame d’un monde nouveau au service exclusif de l’homme”), est déjà mise à profit par tous les Etats, médias et industriels pour tenter de faire croire qu’un autre capitalisme, un “capitalisme vert”, va permettre à la société de dépasser la très grave crise économique qu’elle connaît aujourd’hui, quand cela n’est pas tout simplement un argument publicitaire de plus comme pour le blanchiment des pires pollueurs mercantiles, tels Total, GDF… En fait, comme à travers le chômage, la précarité, la misère et l’exploitation grandissantes qu’il engendre, comme à travers la barbarie guerrière qu’il sème, les désastres écologiques aggravés que cause le capitalisme sont une démonstration supplémentaire de la faillite de ce système et de l’impasse dans lequel il pousse l’humanité.
En fait, il existe une seule classe qui a les capacités d’inverser cette tendance suicidaire : c’est la classe ouvrière. Elle seule est capable de donner un autre futur à l’humanité. Elle seule a les capacités de détruire ce système capitaliste agonisant et de proposer un autre monde avec des bases complètement différentes. D’emblée, elle se situe au niveau international, comme elle l’a démontré lors de sa tentative de révolution mondiale pour mettre fin à la folle boucherie guerrière en 1917. Et encore aujourd’hui, on peut voir à Rio de Janeiro, à New-York ou au Caire, que la classe ouvrière mène partout le même combat. Ses revendications sont partout les mêmes : pour des conditions de vie décentes pour tout le monde.
Le moteur, la dynamique de ses luttes sont le contraire de la loi du profit et de la concurrence, c’est la solidarité d’une classe par nature associée, développant des liens basés sur l’entraide, la coopération, l’assistance mutuelle, la fraternité…, préfiguration des rapports au sein d’une société libérée de toute exploitation.
Certains objecteront que l’expérience de Russie nous a apporté le stalinisme et son corollaire, le productivisme. On ne reviendra pas ici pas sur l’énorme mensonge du communisme = stalinisme (notre presse lui a déjà consacré de multiples articles). Mais évoquons un instant la question du productivisme. Le stalinisme n’avait en effet pas plus de respect pour la nature que pour la vie humaine. Mais il en était tout autrement pour les révolutionnaires de 1917. En fait, “l’écologie” faisait déjà partie de son combat. Au début des années 1920, il a existé une sorte de commissariat à l’Environnement animé par des bolcheviks tels que Lounatcharski, Bogdanov, Borodine et bien d’autres encore. Ce commissariat avait réussi à mettre sur pied, à la fin des années 20, une soixantaine de Zapovedniki, c’est-à-dire des espaces aménagés comme réserves naturelles pour la sauvegarde de toutes les espèces. Et là encore, c’est le stalinisme qui a rapidement détruit cet instrument pour satisfaire les besoins capitalistes d’un productivisme à outrance, que ce soit dans l’industrie ou dans les campagnes. L’un des résultats fut la disparition de la mer d’Aral. Les dernières appréciations sur l’état de l’ex-URSS constatent une destruction de 20 % du territoire.
La classe ouvrière, à travers sa révolution prolétarienne internationale, est seule capable d’ouvrir la perspective d’une transformation radicale de la relation entre l’homme et la nature. C’est pourquoi les minorités les plus conscientes ne doivent pas se laisser enfermer dans un combat uniquement écologique, mais consacrer leurs énergies à renforcer le combat de la classe ouvrière.
Ayato, le 14 novembre.
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/5/36/france
[2] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france
[3] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[4] https://fr.internationalism.org/ri397/lyceens_etudiants_chomeurs_travailleurs_c_est_tous_unis_qu_il_faut_lutter.html
[5] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
[6] https://fr.internationalism.org/ri397/la_lutte_a_afema_a_alicante_espagne_est_une_experience_a_reprendre.html
[7] https://fr.internationalism.org/tag/5/41/espagne
[8] https://fr.internationalism.org/isme/326/vigo
[9] https://fr.internationalism.org/tag/5/61/inde
[10] https://fr.internationalism.org/tag/5/120/pakistan
[11] https://fr.internationalism.org/tag/7/287/terrorisme
[12] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/marxisme-theorie-revolution
[13] https://fr.internationalism.org/tag/5/57/israel
[14] https://fr.internationalism.org/tag/5/58/palestine
[15] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/guerre
[16] https://fr.internationalism.org/rint136/les_revoltes_de_la_jeunesse_en_grece_confirme_le_developpement_de_la_lutte_de_classe.html
[17] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/crise-economique
[18] http://www.nytimes.com/2008/12/13/us/13factory.html
[19] https://fr.internationalism.org/ri365/new-york.htm
[20] https://fr.internationalism.org/tag/5/50/etats-unis
[21] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/trotskysme
[22] https://fr.internationalism.org/french/rint/117_conflits.htm
[23] https://fr.internationalism.org/french/rint/109_religion.html
[24] https://fr.internationalism.org/en/icconline/2008/sabotages_sncf_des_actes_steriles_instrumentalises_par_la_bourgeoisie_contre_la_classe_ouvriere.html
[25] https://fr.internationalism.org/icconline/2009/debat_sur_la_violence_2.html
[26] https://fr.internationalism.org/french/rint/14-terrorisme
[27] https://fr.internationalism.org/french/rint/15_reso_terrorisme
[28] https://es.internationalism.org/node/2385
[29] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/reunions-publiques
[30] https://fr.internationalism.org/tag/5/52/amerique-centrale-et-du-sud
[31] https://fr.internationalism.org/tag/5/37/grande-bretagne
[32] https://fr.internationalism.org/tag/geographique/afrique
[33] http://www.sunstar.com.ph.cebu/jonas-steps-row-strikers-management-come-deal
[34] https://fr.internationalism.org/tag/5/243/philippines
[35] https://fr.internationalism.org/ri345/genocide_Rwanda.htm
[36] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/vie-bourgeoisie-france
[37] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/bernard-kouchner
[38] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/interventions
[39] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/gauche-communiste
[40] https://fr.internationalism.org/rint136/la_plus_grande_crise_economique_de_l_histoire_du_capitalisme.html
[41] https://fr.internationalism.org/book/export/html/3712
[42] http://www.lkp-gwa.org/chronologie.htm
[43] https://fr.internationalism.org/content/greves-grande-bretagne-ouvriers-commencent-a-remettre-cause-nationalisme
[44] http://www.liberation.fr/politiques/0101513929-la-societe-guadeloupeenne-entre-dans-l-apres-greve
[45] mailto:[email protected]
[46] https://www.charlesdarwin.fr/
[47] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/darwin
[48] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/courrier-des-lecteurs
[49] https://fr.internationalism.org/ri388/journee_internationale_des_femmes_seule_la_societe_communiste_peut_mettre_fin_a_l_oppression_des_femmes.html
[50] https://fr.internationalism.org/ri394/dans_quel_camp_sont_les_syndicats.html
[51] https://fr.internationalism.org/tag/7/304/tensions-imperialistes
[52] https://fr.internationalism.org/ri390/salut_au_comite_communiste_de_reflexion.html
[53] https://fr.internationalism.org/rint129/la_cnt_face_a_la_guerre_et_a_la_revolution.html
[54] https://fr.internationalism.org/rint128/CNT_anarcho_syndicalisme_syndicalisme_revolutionnaire.htm
[55] https://fr.internationalism.org/rint133/l_antifascisme_la_voie_de_la_trahison_de_la_cnt.html
[56] https://fr.internationalism.org/rint/120_cgt
[57] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/lanarchisme-internationaliste
[58] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/anarchisme-officiel
[59] https://fr.internationalism.org/tag/approfondir/lanarchisme-et-guerre
[60] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/guerre
[61] https://fr.internationalism.org/ri402/pourquoi_les_contis_ne_font_ils_pas_trembler_l_etat.html
[62] https://fr.internationalism.org/tag/5/53/mexique
[63] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/elections
[64] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/gauchisme
[65] https://www.inegalites.fr/
[66] https://fr.internationalism.org/files/fr/RI_403.pdf
[67] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/anti-fascisme
[68] https://fr.internationalism.org/content/elections-piege-classe-ouvriere
[69] https://fr.internationalism.org/tag/5/60/russie-caucase-asie-centrale
[70] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/ecologie
[71] https://fr.internationalism.org/ri379/immigration_quand_les_syndicats_expulsent_les_sans-papiers.html
[72] https://fr.internationalism.org/files/fr/RI_404.pdf
[73] https://come4news.com/
[74] https://www.latribune.fr/
[75] https://www.lepoint.fr/
[76] https://www.humanite.fr/
[77] https://www.lemonde.fr/
[78] https://fr.internationalism.org/icconline/2009/lutte_de_classe_en_ukraine_contre_la_revendication_de_nationalisation.html
[79] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/correspondance-dautres-groupes
[80] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/resolutions-congres
[81] https://fr.internationalism.org/files/fr/RI%20405%20.pdf
[82] https://fr.internationalism.org/ri383/reunion_publique_a_caen_qu_est_ce_que_la_decadence.html
[83] http://www.leap2020.eu/GEAB-N-37-est-disponible
[84] http://www.france-info.com
[85] http://www.courrier-picard.fr/Actualites/Info-locale/Compiegne-Noyon-Creil/63-000-la-note-qui-fait-tousser-les-Conti
[86] https://www.lemonde.fr/economie/article/2009/08/26/la-cgt-a-laisse-ses-propres-delegues-dans-la-merde_1232267_3234.html
[87] http://www.marianne2.fr
[88] https://fr.internationalism.org/ri379/suicides_au_travail_c_est_le_capitalisme_qui_tue_les_proletaires.html
[89] https://fr.internationalism.org/tag/5/121/afghanistan
[90] https://fr.internationalism.org/rint138/resolution_sur_la_situation_internationale_18e_congres_du_cci_mai_2009.html
[91] https://fr.internationalism.org/french/brochures/Russie_effondrement_stalinisme.htm
[92] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/stalinisme
[93] https://fr.internationalism.org/files/fr/RI_406.pdf
[94] https://www.dailymotion.com/video/xaszy5
[95] https://fr.internationalism.org/icconline/20009/la_defaite_a_ssangyong_coree_du_sud_montre_la_necessite_de_l_extension_de_la_lutte.html
[96] https://fr.internationalism.org/tag/5/232/coree
[97] https://www.contreinfo.info/
[98] http://www.romandie.com/infos/news/200910221854040AWP.asp
[99] http://www.lejdd.fr/International/UE/Depeches/Espagne-Hausse-sans-precedent-du-chomage-112846
[100] http://www.la-croix.com/Irlande-les-precedents-scrutins-et-la-donne-economique/article/2395557/55404
[101] https://www.lemonde.fr/idees/article/2009/10/17/un-prix-nobel-des-promesses_1255256_3232.html
[102] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/barack-obama
[103] https://www.liberation.fr/societe/0101577634-1er-mai-un-proces-pour-avoir-denonce-des-policiers-deguises
[104] https://www.wsws.org/en/articles/2009/08/wild-a26.html
[105] http://www.eurocokpit.com
[106] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/catastrophes
[107] https://wsws.org/francais/News/2009/sep2009/opel-s19.shtml
[108] https://fr.internationalism.org/ri404/freescale_comment_les_syndicats_sabotent_les_efforts_des_ouvriers_pour_lutter.html#omment-1431
[109] https://fr.internationalism.org/ri374/coree.html
[110] https://fr.internationalism.org/Internationalisme/2009/343/une_rencontre_de_communistes_internationalistes_en_amerique_latine.html
[111] https://fr.internationalism.org/files/fr/RI_407.pdf
[112] https://fr.internationalism.org/ri405/il_y_a_90_ans_la_chute_du_mur_de_berlin.html
[113] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/chute-du-mur-berlin
[114] https://www.dw.com/fr/immigration-lempreinte-de-berlin/a-4711714
[115] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/immigration
[116] https://fr.internationalism.org/French/brochure/lutte_infirmieres_1988.htm
[117] https://fr.internationalism.org/icconline/2009/compte_rendu_des_journees_de_discussion_de_lille_ecologie.html