Pour juger de l'état
du monde, il suffit d'évoquer la question :
quels sont les événements
qui auront marqué le plus profondément l'année
2003 ?
Que traduisent-ils ?
La nouvelle guerre meurtrière en Irak en mars dernier aura précipité
ce pays dans un chaos sanglant qui n'est pas prêt d'être
contrôlé ni surmonté, et ce n'est pas l'arrestation
récente de Saddam Hussein qui va changer quoi que ce soit à
cette réalité. Le Proche-Orient a continué à
être la proie d'une escalade de la violence dans un conflit israélo-palestinien
qui apparaît de plus en plus sans issue.
Le déchaînement des actions kamikazes et les attentats
terroristes frappant aveuglément les populations se sont généralisés
à un point tel qu'ils sont susceptibles de s'abattre en n'importe
quel endroit de la planète.
Il est manifeste que, bien loin de tous les discours officiels rassurants
et des promesses de paix, le monde s'enfonce dans une barbarie guerrière
de plus en plus sanglante. Ce sont des populations de plus en plus nombreuses
qui sont les principales victimes de cette aggravation de la barbarie.
A l'enfer de la terreur, de la destruction, des massacres, des mutilations
qu'elles subissent dans les pays livrés à ces carnages
s'ajoutent une plongée dans une misère effroyable.
Cette domination de la barbarie sur une large partie de la planète
converge avec une accélération sans précédent
des attaques contre la classe ouvrière dans les pays centraux
du capitalisme.
Ce sont les mêmes mesures qui sont mises en place partout par
tous les gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite, que ce
soit en France, en Autriche, en Allemagne, au Brésil, et aujourd'hui
en Italie. Alors que le chômage ne cesse de s'aggraver et que
continuent à s'intensifier des plans de licenciements à
répétition, alors que la précarité de l'emploi
s'est généralisée, la nature même de ces
attaques dévoile encore plus crûment la faillite du système.
Non seulement le capitalisme jette à la rue de plus en plus larges
fractions de la classe ouvrière, mais il s'avère de plus
en plus incapable de leur assurer les moyens de survie les plus élémentaires.
C'est aux retraites et à la santé des prolétaires,
c'est aux allocations de tous ceux qui sont déjà réduits
au chômage que la bourgeoisie s'en prend désormais de façon
simultanée, massive et frontale, alors même que les conditions
de travail empirent et que le pouvoir d'achat se dégrade à
toute vitesse. C'est à une plongée en accéléré
dans la misère que sont déjà confrontées
de plus en plus de familles ouvrières.
L'ampleur et la profondeur sans précédent des attaques
de la bourgeoisie contre la classe ouvrière révèlent
l'enfoncement inexorable du capitalisme dans les convulsions de sa crise
mondiale. Quant à la bourgeoisie, elle démontre de plus
en plus clairement qu'elle n'a plus les moyens d'étaler ses attaques
contre les conditions de vie les plus vitales de la classe ouvrière.
Le capitalisme est contraint de dévoiler de plus en plus ouvertement
sa faillite. L'accélération dramatique de cette situation
sur la terre entière démontre clairement que, non seulement
ce système d'exploitation est incapable d'assurer un meilleur
sort pour l'humanité mais qu'il constitue au contraire, de façon
permanente, une menace d'engloutir la planète dans un gouffre
de misère et de barbarie.
Face à la gravité d'un tel enjeu, il existe une seule
issue : le renversement de ce système par la seule classe qui
n'a rien d'autre à perdre que les chaînes de son exploitation,
le prolétariat. La classe ouvrière détient toujours
la clef de l'avenir.
Elle seule a les moyens de sortir l'humanité de cette impasse.
Elle est bien la seule classe aujourd'hui comme hier, comme demain,
capable de s'opposer à la perpétuation de ce système
d'exploitation. Elle est la seule classe de l'histoire porteuse d'une
autre société dont le moteur ne serait plus le profit
et l'exploitation mais la satisfaction des besoins humains. Face à
l'enfoncement inéluctable dans la misère et la barbarie,
le développement de ses luttes sur son terrain de classe pour
résister aux attaques de la bourgeoisie pourra faire éclore
une autre perspective pour l'humanité.
Malgré la défaite que les prolétaires ont subi,
les luttes ouvrières qui ont commencé au printemps dernier
en Autriche ou en France ont démontré non seulement que
la classe ouvrière a la capacité de relever la tête
face aux attaques mais aussi qu'elle a conservé sa capacité
à affirmer sa propre perspective révolutionnaire
Les craintes de la bourgeoisie sont pleinement révélatrices
des potentialités du prolétariat. La bourgeoisie sait
bien qu'elle va devoir l'attaquer encore plus fortement dans les années
à venir et que la classe ouvrière n'aura pas d'autre choix
que de développer ses luttes. C'est justement pour y faire obstacle
et pour empêcher la classe ouvrière de prendre conscience
de la faillite définitive du capitalisme qu'elle a entrepris
de manière préventive de brouiller sa conscience en développant
l'idéologie altermondialiste. Cette mystification qui vise essentiellement
à faire croire qu'un "autre monde" serait possible
dans le cadre d'une "gestion différente" du capitalisme,
est directement destinée à semer la confusion pour entraver
le développement de la prise de conscience qu'il n'existe aucune
possibilité d'améliorer ni de réformer le système.
L'avenir du monde est bien entre les mains de la classe ouvrière.
Comme le rappellent déjà le titre et le préambule
du Manifeste du CCI écrit il y a plus de douze ans et qui est
plus que jamais valable pour les années à venir : "Révolution
communiste ou destruction de l'humanité : Jamais dans l'histoire,
les enjeux n'ont été aussi dramatiques et décisifs
que ceux d'aujourd'hui. Jamais une classe sociale n'a dû affronter
une responsabilité comparable à celle qui repose sur le
prolétariat." Mais au-delà de cette nécessité,
la classe ouvrière doit prendre conscience qu'elle a pleinement
les moyens de développer son combat et de mener à bien
cette tâche gigantesque.
Après un
été de canicule, sur un sol asséché, ces
dernières semaines ont apporté à nouveau leur lot
de catastrophes dites naturelles avec les inondations dans diverses
régions de France et particulièrement dans le Sud-Est,
région "abonnée" depuis plusieurs années
à de telles situations dramatiques, ayant coûté
la vie à des dizaines de personnes, ravageant villages, habitations,
infrastructures routières, ferroviaires, cultures…. Aujourd'hui,
ce sont encore des vies humaines qui ont été emportées,
noyées par des torrents surgis en quelques instants et emportant
tout sur leur passage. En Arles, à Marseille, mais aussi dans
seize départements différents, de fortes pluies se sont
à nouveau transformées en catastrophes. La faute à
pas de chance ? Les caprices de la nature ? La fatalité ? Non,
mille fois non. Encore une fois, tout était prévisible.
En effet, depuis quinze ans, les inondations, particulièrement
dans le Sud-Est de la France, se sont succédées année
après année :
Toutes ces crues sont chaque fois présentées comme la
conséquence de la "force imprévisible de la nature"
ou de la "nature du sol", tout comme certains experts ont
insisté sur l'été de canicule et des sols desséchés
dans le Sud-Est pour mieux justifier les nouveaux ravages de l'eau ces
dernières semaines. Désolation encore l'année dernière
en Europe centrale avec les inondations en Allemagne, en Tchéquie.
Et la liste des inondations est longue dans la dernière période
: Indonésie, Haïti, Venezuela, Québec.
Les inondations de la décennie ou du siècle, quand elles
se renouvellent tous les ans ou presque ne peuvent que poser question
!
Les comités d'experts et organismes d'Etat patentés hésitent
encore à reconnaître que les dérèglements
climatiques sont dus à l'effet de serre, multipliant les phénomènes
météorologiques aux conséquences désastreuses.
Oui, c'est vrai, affirment-ils, le réchauffement de la planète
est une réalité mais il serait trop tôt pour l'incriminer
à partir d' "évènements ponctuels" !
Reconnaître ces dérèglements climatiques liés
à l'activité industrielle impliquerait le constat de la
pollution atmosphérique généralisée, de
l'augmentation des gaz à effet de serre. Ce serait reconnaître
de manière ouverte la responsabilité du fonctionnement
anarchique du capitalisme et l'hypocrisie de TOUS les Etats multipliant
les conférences environnementales et leur lot de promesses écologiques
pour mieux les enterrer dans les secondes qui suivent : la loi de la
concurrence et du profit restent les seuls maîtres !
Ceci est typique d'un système décadent, irrationnel, comme
le capitalisme, incapable de prévenir, guérir ou dépasser
les problèmes. Pire, il en est le principal responsable : gaz
à effet de serre, urbanisation sauvage dans des zones inondables
connues de tous les responsables, cours d'eau non entretenus, modifications
des lits des fleuves, etc. Plus le capitalisme, basé sur le profit
et la rentabilité et non sur les besoins humains, s'enfonce dans
sa propre décomposition, moins il est capable de maîtriser
les formidables forces technologiques qu'il a développées
pour maîtriser la nature. Et si, aujourd'hui, la nature "reprend
ses droits", c'est bien parce que le mode de production capitaliste
n'est plus capable de dominer cette nature, d'apporter le moindre progrès,
la moindre perspective d'avenir à l'humanité.
Et pourtant, les mesures à prendre pour atténuer sinon
éliminer de telles inondations sont connues depuis longtemps.
Mais en matière de prévention, de telles dépenses
sont considérées pratiquement comme du "luxe"
pour l'Etat et sa gestion à courte vue. Ceci n'est pas nouveau
: "…Non seulement la civilisation bourgeoise peut provoquer
directement des catastrophes par sa soif de profit…mais elle se
révèle incapable d'organiser une protection efficace dans
la mesure où la prévention n'est pas une activité
rentable…" (Amadeo Bordiga, Espèce humaine et croûte
terrestre)
L'actualité en apporte une confirmation supplémentaire
: on apprenait par la presse tout dernièrement qu'un rapport
technique établi pour le compte de l'Etat, disponible dès
novembre 2002, établissait en détail tous les dangers
d'une nouvelle crue dans le delta du Rhône et recommandait les
mesures adéquates pour restreindre les dégâts :
renforcement des digues, construction d'ouvrages de rétention
d'eau, création d'un déversoir en Camargue. Bien évidemment,
cette étude n'a pas été rendue publique, et pour
cause ! Ce qui était proposé impliquait nécessairement
pour l'Etat et autres institutions de débourser quelques milliards
d'euros de travaux ! Des ministères, des conseils généraux,
des communes, de la SNCF : chacun se renvoie la balle quant à
l'entretien des digues et autres infrastructures !
Aujourd'hui, dans le Sud-Est, la colère des sinistrés
est montée d'un cran : la plupart n'ont pas encore épongé
les conséquences des crues de l'année dernière,
n'ont pas été remboursés par leurs assurances qu'ils
doivent à nouveau évacuer et voir leurs habitations ravagées
par les flots. En Arles, la majorité des entreprises paralysées
par les eaux ont recouru au chômage technique dans une ville où
le taux de chômage est déjà de 15% !
Les indemnisations des dégâts par les assurances sont déjà
estimées à au moins quatre fois le prix qu'auraient coûtés
les travaux préconisés. Qu'importe ! les cotisations des
assurés seront augmentées au nom de la "solidarité
nationale".
Les ministres du gouvernement, Chirac lui-même, se sont succédés
sur les lieux, comme de coutume, pour compatir et affirmer que tout
sera mis en œuvre pour éviter de telles catastrophes à
l'avenir.
Voyons les mesures proposées : "allègements fiscaux
en faveur des populations et entreprises sinistrées. Les contribuables
concernés pourront faire l'objet d'un examen au cas par cas et
se voir accorder des délais de paiement (sic) ou même d'une
remise totale des cotisations de taxe d'habitation." (ministère
des finances, le 10 décembre 2003). Une loi de juillet 2003 prévoit
"un renforcement des mesures de prévention des risques naturels…le
financement de mesures permettant de réduire la vulnérabilité
des habitations existantes…en facilitant les initiatives des collectivités
territoriales notamment dans le registre du ralentissement des crues".
On peut donc être rassurés : les objectifs sont clairs,
précis et limpides ! Mme Bachelot, ministre de l'environnement,
a même insisté pour que la loi "renforce l'information
préventive et la conscience du risque des populations".
Plus gonflé, tu meurs ! Ce que ces bourgeois affirment en fait
sans vergogne c'est que les catastrophes vont continuer : les constructions
vont se poursuivre dans ces zones, le béton va s'étendre,
les risques se multiplier. Mais chacun aura été prévenu
! La classe dominante, non contente de chercher à se dédouaner
de tels drames dont elle est pleinement responsable, y ajoute le mépris
et le culot le plus écoeurant.
Et il y a toutes les chances de voir tous ces ministres, élus,
aux premières loges du prochain concert de J.J. Goldmann en soutien
aux sinistrés, clamant à tue-tête : "Plus jamais
ça !"
Mais la nature à bon dos. C'est le capitalisme qui tue et qui
va continuer à tuer. Il condamne des populations à la
mort, des régions à de nouveaux sinistres inéluctables
parce que sa loi du profit maximum le pousse à réduire
et même à détruire toute protection contre les catastrophes,
naturelles ou pas. Il n'y a pas de fatalité. Toutes ces tragédies
de plus en plus nombreuses sont la manifestation de la faillite totale
du mode de production capitaliste. Elles ont les mêmes causes
: la décomposition générale qui gangrène
l'ensemble du corps de la société capitaliste. La survie
du capitalisme est devenue une menace permanente pour la survie de l'humanité.
Le prolétariat doit en prendre pleinement conscience.
Dans la première partie de cet article publiée dans RI n°339, nous avons mis en évidence que le communisme n'est pas seulement un vieux rêve de l'humanité ou le simple produit de la volonté humaine, mais qu'il se présente comme la seule société capable de surmonter les contradictions qui étranglent la société capitaliste. Dans la deuxième partie de cet article (publiée dans RI n°340) nous avions réfuté les arguments de ceux qui pensent que la société communiste définie par Marx est impossible à réaliser du fait de l'égoïsme, de la soif de pouvoir et du "chacun pour soi" qui seraient des caractéristiques inhérentes à la prétendue "nature humaine". Cette troisième partie, que nous publions ci-dessous, se donne pour objectif de mettre en évidence que le prolétariat est la seule classe de la société capable de détruire le capitalisme et d'édifier le communisme à l'échelle mondiale.
De même que les caractéristiques du capitalisme avaient permis de résoudre les contradictions qui avaient terrassé la société féodale (comme cela avait été déjà le cas de cette dernière vis-à-vis de la société antique), les caractéristiques de la société appelée à résoudre les contradictions mortelles qui assaillent le capitalisme découlent du même type de nécessité. C'est donc en partant de ces contradictions qu'il est possible de définir les caractéristiques de la future société.
On ne peut, évidemment, dans le cadre de cet article, revenir en détail sur ces contradictions. Depuis plus d'un siècle, le marxisme s'y est employé de façon systématique et notre propre organisation y a consacré de nombreux textes [1]. Cependant on peut résumer à grands traits les origines de ces contradictions. Elles résident dans les caractéristiques essentielles du système capitaliste : c'est un mode de production qui a généralisé l'échange marchand à tous les biens produits alors que, dans les sociétés du passé, seule une partie, souvent très minime, de ces biens était transformée en marchandises. Cette colonisation de l'économie par la marchandise a même affecté, dans le capitalisme, la force de travail mise en oeuvre par les hommes dans leur activité productive. Privé de moyens de production, le producteur n'a d'autre possibilité, pour survivre, que de vendre sa force de travail à ceux qui détiennent les moyens de production : la classe capitaliste, alors que dans la société féodale par exemple, où existait déjà une économie marchande, c'est le fruit de son travail que l'artisan ou le paysan vendait. Et c'est bien cette généralisation de la marchandise qui est à la base des contradictions du capitalisme : la crise de surproduction trouve ses racines dans le fait que le but de ce système n'est pas de produire des valeurs d'usage, mais des valeurs d'échange qui doivent trouver des acheteurs. C'est dans l'incapacité de la société à acheter la totalité des marchandises produites (bien que les besoins soient très loin d'être satisfaits) que réside cette calamité qui apparaît comme une véritable absurdité : le capitalisme s'effondre non parce qu'il produirait trop peu, mais parce qu'il produit trop.
La première caractéristique du communisme sera donc l'abolition de la marchandise, le développement de la production de valeurs d'usage et non de valeurs d'échange.
En outre, le marxisme, et particulièrement Rosa Luxemburg, a mis en évidence qu'à l'origine de la surproduction réside la nécessité pour le capital, considéré comme un tout, de réaliser, par la vente en dehors de sa propre sphère, la part des valeurs produites correspondant à la plus-value extirpée aux prolétaires et destinée à son accumulation. A mesure que cette sphère extra-capitaliste se réduit, les convulsions de l'économie ne peuvent prendre que des formes de plus en plus catastrophiques.
Ainsi, le seul moyen de surmonter les contradictions du capitalisme réside dans l'abolition de toutes les formes de marchandises, et en particulier de la marchandise force de travail, c'est-à-dire du salariat.
L'abolition de l'échange marchand suppose que soit aboli également ce qui en constitue la base : la propriété privée. Ce n'est que si les richesses de la société sont appropriées par celle-ci de façon collective que pourra disparaître l'achat et la vente de ces richesses (ce qui existait déjà, sous une forme embryonnaire, dans la communauté primitive). Une telle appropriation collective par la société des richesses qu'elle produit, et en premier lieu, des moyens de production, signifie qu'il n'est plus possible à une partie d'elle-même, à une classe sociale (y compris sous la forme d'une bureaucratie d'Etat), de disposer des moyens d'en exploiter une autre partie. Ainsi l'abolition du salariat ne peut être réalisée sur la base de l'introduction d'une autre forme d'exploitation, mais uniquement par l'abolition de l'exploitation sous toutes ses formes. Et contrairement au passé, non seulement le type de transformation qui puisse aujourd'hui sauver la société ne peut désormais aboutir sur de nouveaux rapports d'exploitation, mais le capitalisme a réellement créé les prémices matérielles d'une abondance permettant le dépassement de l'exploitation. Ces conditions d'une abondance, elles aussi, se révèlent dans l'existence des crises de surproduction (comme le relève le Manifeste communiste).
La première caractéristique de cette classe est d'être exploitée car seule une telle classe peut être intéressée à l'abolition de l'exploitation. Si dans les révolutions du passé, la classe révolutionnaire ne pouvait, en aucune façon, être une classe exploitée, dans la mesure où les nouveaux rapports de production étaient nécessairement des rapports d'exploitation, c'est exactement le contraire qui est vrai aujourd'hui. En leur temps, les socialistes utopistes (tels Fourier, Saint-Simon, Owen) avaient caressé l'illusion que la révolution pourrait être prise en charge par des éléments de la bourgeoisie elle-même. Ils espéraient qu'il se trouverait, au sein de la classe dominante, des philanthropes éclairés et fortunés qui, comprenant la supériorité du communisme sur le capitalisme, seraient disposés à financer des projets de communautés idéales dont l'exemple ferait ensuite tâche d'huile. Comme l'histoire n'est pas faite par des individus mais par des classes, ces espérances furent déçues en quelques décennies. Même s'il s'est trouvé quelques rares membres de la bourgeoisie pour adhérer aux idées généreuses des utopistes, l'ensemble de la classe dominante, comme telle, s'est évidemment détournée, quand elle n'a pas combattu, de telles tentatives qui avaient pour projet sa propre disparition.
Cela dit, le fait d'être une classe exploitée ne suffit nullement, comme on l'a vu, pour être une classe révolutionnaire. Par exemple il existe encore aujourd'hui, dans le monde, et particulièrement dans les pays sous-développés, une multitude de paysans pauvres subissant l'exploitation sous forme d'un prélèvement sur le fruit de leur travail qui vient enrichir une partie de la classe dominante, soit directement, soit à travers les impôts, soit par les intérêts qu'ils versent aux banques ou aux usuriers auprès desquels ils sont endettés. C'est sur le constat de la misère, souvent insupportable de ces couches paysannes que reposaient toutes les mystifications tiers-mondistes, maoïstes, guévaristes, etc. Lorsque ces paysans ont été conduits à prendre les armes, c'était comme fantassins de telle ou telle clique de la bourgeoisie qui s'est empressée, une fois au pouvoir, de renforcer encore l'exploitation, souvent sous des formes particulièrement atroces (voir, par exemple, l'aventure des Khmers rouges au Cambodge, dans la seconde moitié des années 70). Le recul de ces mystifications (que diffusaient tant les staliniens que les trotskistes et même certains "penseurs radicaux" comme Marcuse) n'est que la sanction de l'échec patent de la prétendue "perspective révolutionnaire" qu'aurait porté la paysannerie pauvre. En réalité, les paysans, bien qu'ils soient exploités de multiples façons et qu'ils puissent mener des luttes parfois très violentes pour limiter leur exploitation, ne peuvent jamais donner comme objectif à ces luttes l'abolition de la propriété privée puisqu'ils sont eux-mêmes de petits propriétaires ou que, vivant aux cotés de ces derniers, ils aspirent à le devenir [2]. Et même lorsque les paysans se dotent de structures collectives pour augmenter leur revenu à travers une amélioration de leur productivité ou de la commercialisation de leurs produits, c'est, en règle générale, sous la forme de coopératives, lesquelles ne remettent en cause ni la propriété privée, ni l'échange marchand. En résumé, les classes et couches sociales qui apparaissent comme des vestiges du passé (exploitants agricoles, artisans, professions libérales, etc.), qui ne subsistent que parce que le capitalisme, même s'il domine totalement l'économie mondiale, est incapable de transformer tous les producteurs en salariés, ne peuvent porter de projet révolutionnaire. Bien au contraire, la seule perspective dont elles puissent éventuellement rêver est celle d'un retour à son mythique "âge d'or" du passé : la dynamique de leurs luttes spécifiques ne peut être que réactionnaire.
En réalité, dans la mesure où l'abolition de l'exploitation se confond, pour l'essentiel, avec l'abolition du salariat, seule la classe qui subit cette forme spécifique d'exploitation, c'est-à-dire le prolétariat, est en mesure de porter un projet révolutionnaire. Seule la classe exploitée au sein des rapports de production capitalistes, produit du développement de ces rapports de production, est capable de se doter d'une perspective de dépassement de ces derniers.
Pour accomplir cette tâche, la force potentielle du prolétariat est considérable.
D'une part, dans la société capitaliste développée, l'essentiel de la richesse sociale est produite par le travail de la classe ouvrière même si, encore aujourd'hui, celle-ci est minoritaire dans la population mondiale. Dans les pays industrialisés, la part du produit national qu'on peut attribuer à des travailleurs indépendants (paysans, artisans, etc.) est négligeable. C'est même le cas dans les pays arriérés ou, pourtant, la majorité de la population vit (ou survit) du travail de la terre.
D'autre part, par nécessité, le capital a concentré la classe ouvrière dans des unités de production géantes, qui n'ont rien à voir avec ce qui pouvait exister du temps de Marx. En outre, ces unités de production sont elles-mêmes, en général, concentrées au cœur ou à proximité des villes de plus en plus peuplées. Ce regroupement de la classe ouvrière, tant dans ses lieux d'habitation que de travail, constitue une force sans pareille dès lors qu'elle sait le mettre à profit, en particulier par le développement de sa lutte collective et de sa solidarité.
Enfin, une des forces essentielles du prolétariat est sa capacité de prise de conscience. Toutes les classes, et particulièrement les classes révolutionnaires, se sont données une forme de conscience. Mais celle-ci ne pouvait être que mystifiée, soit que le projet mis en avant ne puisse aboutir (cas de la guerre des paysans de 1525 en Allemagne, par exemple), soit que la classe révolutionnaire se trouve obligée de mentir, de masquer la réalité à ceux qu'elle veut entraîner dans son action mais qu'elle va continuer à exploiter (cas de la révolution bourgeoise de 1789 avec ses slogans "Liberté, Égalité, Fraternité"). N'ayant, comme classe exploitée et porteuse d'un projet révolutionnaire qui abolira toute exploitation, à masquer ni aux autres classes, ni à lui-même, les objectifs et les buts ultimes de son action, le prolétariat peut développer, au cours de son combat historique, une conscience libre de toute mystification. De ce fait, celle-ci peut s'élever à un niveau de très loin supérieur à celui que n'a jamais pu atteindre la classe ennemie, la bourgeoisie. Et c'est bien cette capacité de prise de conscience qui constitue, avec son organisation de classe, la force déterminante du prolétariat.
D'après Révolution Internationale n° 73[1] Voir notamment notre brochure La décadence du capitalisme.
[2] Il existe un prolétariat agricole dont le seul moyen d'existence est de vendre contre salaire sa force de travail aux propriétaires des terres. Cette partie de la paysannerie appartient à la classe ouvrière et constituera, au moment de la révolution, sa tête de pont dans les campagnes. Cependant, vivant son exploitation comme conséquence d'une "malchance" qui l'a privé de l'héritage d'une terre, ou qui lui a attribué une parcelle trop petite, le salarié agricole, qui souvent est saisonnier ou commis dans une exploitation familiale, tend, la plupart du temps, à se rallier au rêve d'une accession à la propriété et d'un meilleur partage des terres. Seule la lutte, à un stade avancé, du prolétariat urbain, lui permettra de se détourner de ces chimères en lui proposant comme perspective la socialisation de la terre au même titre que des autres moyens de production.
[3] A l'aube du développement de la classe ouvrière, certains secteurs de celle-ci, mis au chômage à cause de l'introduction de nouvelles machines, avaient dirigé leur révolte contre ces machines en les détruisant. Cette tentative de retour en arrière n'était qu'une forme embryonnaire de la lutte ouvrière qui fut vite dépassée par le développement économique et politique du prolétariat.
L'arrestation
de l'ancien boucher et président irakien Saddam Hussein a provoqué
immédiatement une mobilisation générale des états-majors
politiques des principales puissances impérialistes du monde.
Toutes ont salué l'événement mais, pour les principales
rivales des Etats-Unis, c'était bien à contre cœur
puisque, à travers celui-ci, la première puissance mondiale
a pu redorer son blason. Et la plupart d'entre elles font une nouvelle
fois la preuve de leur veulerie en vouant aux gémonies celui
qui, hier encore, était un allié respectable, voire un
pion sur lequel on misait particulièrement (comme Chirac) alors
qu'il était déjà un boucher et un " dictateur
".
Le message est clair, les Etats-Unis ont été au bout
de leurs intentions, ils ont renversé et fait prisonnier un des
pires dictateurs sanguinaires de la planète. Plus encore, dans
la guerre contre le terrorisme international, Bush et les siens ont
eu raison, ils ont vaincu un des leaders important du front terroriste
contre les démocraties. En septembre dernier, Bush ne déclarait-il
pas : "L'Irak est le front central de la guerre contre le terrorisme."
Cette arrestation tombe tellement bien pour l'administration américaine,
que l'on ne peut s'empêcher de se demander si celle-ci n'était
pas prévue, mise au point depuis déjà un certain
temps, sa réalisation concrète ne dépendant en
fin de compte que du choix du moment le plus propice pour l'Etat américain,
lui permettant de l'exploiter le plus efficacement.
Le monde entier était en train d'assister depuis plusieurs mois
à l'enlisement de plus en plus important de l'armée américaine
dans le bourbier irakien. Il ne se passait pas un jour sans que l'armée
de la coalition ne soit la cible de groupes terroristes. Les attentats,
tuant de nombreux soldats américains, se succédaient à
un rythme régulier s'étendant même au delà
de l'Irak et gagnant progressivement toute la région (Arabie
saoudite, Turquie, etc.). L'impuissance grandissante de l'impérialisme
américain à stabiliser la situation se révélait
ainsi au grand jour. Cette situation d'enlisement des Etats-Unis en
Irak avait conduit l'administration américaine a adopté
un profil bas au plan diplomatique par rapport à ses principaux
rivaux impérialistes que sont notamment l'Allemagne, la France
et la Russie. C'est ce qui les a obligés à demander par
l'intermédiaire de Colin Powell un engagement supplémentaire
de "leurs alliés" pour leur permettre d'opérer
un désengagement en douceur avant novembre 2004. Même un
" faucon " tel que Donald Rumsfeld a été amené
publiquement à soutenir cette demande, la décision devant
être prise les 28 et 29 juin 2004 au sommet de l'OTAN à
Istanbul. Si des pays comme la France, l'Allemagne ou la Belgique n'ont
pas réagi publiquement en défaveur de cette demande américaine,
ils se sont empressés d'affirmer que " celle-ci avait été
présentée comme une idée qui mérite réflexion
". Pendant ce temps, à Bruxelles, à la réunion
de l'OTAN, les tractations apparaissaient au grand jour : la participation
des forces armées françaises, allemandes et belges devait
pouvoir se faire à condition que Washington accepte la création
de structures européennes indépendantes au sein de l'OTAN.
Et ce ne sont pas les déclarations de Wolfowitz (secrétaire
d'Etat adjoint à la défense) et de Bush sur l'exclusion
de la France, de l'Allemagne, de la Russie ou du Canada de la "
reconstruction " de l'Irak qui pouvaient masquer la perte d'initiative
de l'impérialisme américain dans l'affrontement inter-impérialiste
mondial.
Avec l'arrestation de Saddam Hussein, Bush peut savourer une revanche
immédiate. Cette arrestation donne le beau rôle à
l'Amérique. La ligne " dure " de l'administration Bush
incarné par Rumsfeld et Wolfowitz va sans aucun doute en sortir
renforcée. Comme le dit Hubert Vedrines, ancien ministre français
des Affaires Etrangères, "avec cette capture, les Américains
retrouvent une autorité politique et une légitimité."
Cela leur permet également de reprendre l'initiative en matière
diplomatique. L'administration Bush est pour un certain temps dans une
position plus favorable pour pousser des Etats comme la France à
accepter un gel ou un moratoire sur les dettes irakiennes. C'est elle
qui peut plus librement imposer les conditions d'une participation éventuelle
des entreprises allemandes ou françaises à la reconstruction
en Irak. Même le conseil intérimaire de gouvernement irakien
piloté en grande partie par les Américains se trouve ainsi
revalorisé aux yeux de l'opinion publique internationale. Et
cela, même si le nouveau plan américain de transition politique
pour l'Irak relève d'un compromis avec la Fatwa du grand ayatollah
de Nadjaf, Ali Sistani, chef religieux chiite le plus influent en Irak.
Plus directement en Europe, l'Espagne et la Pologne qui étaient
accusées d'avoir fait capoter la réforme des institutions
européennes vont pouvoir bénéficier d'un regain
de crédibilité en lien avec les pays européens
ayant participé (telles l'Angleterre ou l'Italie) à la
guerre en Irak. C'est ponctuellement le couple franco-allemand qui se
trouve affaibli. Il n'y a aucun doute à avoir : cette arrestation
tombe à pic pour l'impérialisme américain et comme
l'affirme Seguillon, journaliste à LCI : "C'est en effet
quasiment en direct et selon un scénario préparé,
pensé et calibré, que le Pentagone a donné à
voir au monde entier et plus particulièrement au monde arabe
le terrible spectacle de la mise à mort médiatique de
l'ancien tyran irakien."
Cependant, il n'a pas fallu attendre longtemps pour assister à
de nouveaux attentats en Irak. Ceux-ci ont été perpétrés
dès le lendemain de l'annonce de l'arrestation de Saddam Hussein.
Quels que soient les protagonistes de ces attentats, ceux-ci viennent
rappeler que rien n'est résolu en Irak. Les rivalités
entre Sunnites, Chiites et Kurdes, libérées par l'effondrement
du gouvernement Saddam et attisées par la présence militaire
massive américaine, ne pourront que continuer à se développer
dans l'avenir. La population irakienne ne doit pas s'attendre à
bénéficier des retombées éventuelles de
la reconstruction. Celle-ci sera extrêmement limitée, très
certainement, aux infrastructures étatiques et routières,
ainsi qu'à la remise en ordre, pour des raisons stratégiques,
des champs pétroliers. En Irak, la guerre va se poursuivre et
s'amplifier, les attentats se multiplier. Dans cette situation de chaos
grandissant, malgré le renforcement ponctuel de l'impérialisme
américain, la perspective qui s'offre en Irak est celle de la
misère et la désolation. Ce qui attend l'Irak, c'est la
situation qui règne en Afghanistan ou au Liban depuis le début
des années 1980.
Quant au renforcement ponctuel actuel de la position américaine,
il pourrait bien, dans le futur, se tourner en son contraire. En effet,
le chaos que les Etats-Unis seront incapables d'endiguer ne pourra plus
être imputé à la main d'un Saddam Hussein agissant
dans l'ombre. Il risque alors d'apparaître de façon encore
plus évidente comme étant le résultat de l'intervention
américaine, ce que ne manqueront pas d'exploiter les bourgeoisies
rivales des Etats-Unis. En tout état de cause, quelle que soit
la forme que sera amenée à prendre la présence
militaire américaine en Irak, quelle que soit l'implication militaire
que des puissances européennes pourront éventuellement
avoir dans une force de " maintien de la paix ", les enjeux
et les tensions guerrières entre les Etats-Unis et leurs rivales
européennes ne pourront que s'accroître dramatiquement
dans la région.
Il revient aux organisations révolutionnaires de dénoncer
clairement tous les discours hypocrites faisant croire que la stabilité
et la paix sont possibles dans cette société. Si la classe
ouvrière n'est pas en mesure pour le moment d'empêcher
le développement des guerres et de la barbarie, elle n'en est
pas moins la seule force sociale capable par la révolution communiste
de s'opposer à la destruction à terme de toute l'humanité.
Quelque 700 dirigeants, intellectuels et personnalités de tous pays se sont réunis le 1er décembre à Genève, pour lancer officiellement ce qui est dénommé "l'initiative Genève", initiative pour un énième plan de paix israélo-palestinien. La classe ouvrière dans l'ensemble de l'Europe et dans le monde ne devait pas passer à coté de cet évènement présenté comme historique par une grande partie de la bourgeoisie mondiale.
Ce type de campagnes idéologiques faisant croire à la paix possible, n'est pas nouveau. L'histoire du capitalisme, le système le plus barbare de tous les temps, est là pour le prouver. Jamais il n'y a eu de paix dans le capitalisme, jamais dans l'histoire il n'y a eu autant de traités d'arrêt des hostilités guerrières signés par des belligérants de toutes nationalités. Encore pire, dans la période actuelle de décadence du capitalisme, de décomposition de la société, les périodes de paix apparente ne sont que des moments de préparation de la généralisation de conflits futurs. La guerre au Moyen-Orient dure depuis maintenant plus de cinquante ans. Des accords, des traités de paix sous le parrainage hypocrite des grandes puissances impérialistes, combien y en a t-il eu ? Qui ne se souvient des accords d'Oslo ou de Camp David ? La réalité dramatique des faits est venue démentir ces discours mystificateurs. A l'image de toutes les guerres impérialistes à l'échelle de la planète, le conflit israélo-palestinien n'a fait, ces dernières années, que s'amplifier, gagner en violence et en atrocité. Quels que soient les discours de certains secteurs de la bourgeoisie internationale, ce conflit ne pourra à l'avenir que s'enliser encore plus fortement dans la guerre permanente. D'ailleurs, il n'a pas fallu longtemps pour s'en rendre compte. Coté palestinien, l'Autorité palestinienne et Yasser Arafat ont soutenu cet accord du bout des lèvres. De leur coté le Hamas et les brigades d'Al Aqsa (branche armée du Fatah) ont fait immédiatement savoir qu'ils rejetaient ce plan de paix. Telle a été également la position affirmée haut et fort du gouvernement israélien d'Ariel Sharon. Quant au grand parrain américain, la manière extrêmement tiède avec laquelle il a reçu cette initiative en dit long sur la réalité de sa politique impérialiste qu'il continuera à soutenir au Moyen-Orient. Quant à l'Allemagne et à la France qui semblent soutenir cette initiative de paix, il leur revient d'avancer masquées au Moyen-Orient. Tout ce qui peut affaiblir la politique américaine et donc israélienne dans cette région est bon à prendre ! Tous ces bandits impérialistes se moquent royalement de la paix.
Il n'y a jamais eu de guerre à cause de la méchanceté
des hommes ou de quelques uns comme aime à nous le répéter
sans cesse la bourgeoisie. La Deuxième Guerre mondiale ne serait-
elle pas due à ce fou d'Hitler ? Et la guerre israélo-palestinienne
à l'irresponsabilité de gens comme Sharon ou Arafat ?
Ce que veut cacher à tout prix la bourgeoisie aux yeux des ouvriers,
c'est que les guerres capitalistes sont des guerres impérialistes
qui s'imposent au capitalisme moribond comme à sa classe dominante.
Laissé à sa seule logique, le capitalisme en décomposition
entraînera inéluctablement toute l'humanité dans
la généralisation de la barbarie et des guerres. Masquer
la faillite du système capitaliste, faire croire à une
paix possible, voilà le ressort caché de cet accord de
Genève. Ressortir Lech Walesa, ancien prix Nobel de la paix,
montrer sur tous les écrans des embrassades entre israéliens
et palestiniens ne sont qu'autant d'images visant à renforcer
cette idée dans la tête des prolétaires. Pour la
classe ouvrière la réalité à saisir est
exactement à l'inverse de ce message mensonger de la bourgeoisie.
Seul le prolétariat, par sa prise du pouvoir à l'échelle
mondiale, par le renversement du capitalisme sera capable de mettre
fin aux guerres impérialistes. Pour le prolétariat, pour
l'humanité, il n'y a qu'une seule alternative possible, opposée
à la guerre impérialiste : la guerre de classe.
Bruno Maffi est mort à Milan le mercredi 20 août.
Né à Turin en 1909, il était le neveu de Fabrizio
Maffi, député socialiste "maximaliste" qui entrera
tardivement au PC d'Italie en 1924. Bruno est d'abord socialiste et
membre du comité central de "Giustizia e Libertà",
une organisation "antifasciste". Il est arrêté
une première fois en 1930. Chargé en 1934 de la reconstruction
du "centre socialiste" pour l'Italie, il collabore à
Nuovo Avanti et à Politica socialista. Il écrit dans cette
période ses Appunti per una politica socialista. Il est arrêté
de nouveau en 1935 et c'est à partir de ce moment là que,
sous l'influence notamment d'Onorato Damen, un des principaux militants
de la Gauche communiste restés en Italie et qu'il a rencontré
en prison, il commence à se rapprocher des positions de ce courant
et finit par rompre avec son passé "antifasciste" pour
adopter des positions de classe. En 1943, il participe avec Damen à
la fondation du Partito Comunista Internazionalista, dont il sera l'un
des responsables. En 1945, cette organisation accueille dans ses rangs
toute une série de nouveaux militants dont :
L'hétérogénéité de cette organisation aboutit après 1947 à de nombreuses défections et à la scission de 1952 entre la tendance animée par Damen (qui conserve les organes de presse Battaglia comunista et Prometeo) et celle animée par Bordiga qui publie Il programma comunista. Perrone et Maffi se rallient à cette dernière tendance. Après la disparition de Bordiga, en 1970, Bruno Maffi devient le principal dirigeant du "Partito comunista internazionale" qui a pris ce nom en 1965 pour se distinguer du "Partito comunista internazionalista" de Damen et pour rendre compte de son extension à d'autres pays, notamment en France. Cette organisation connaît une première scission importante en 1974 avec la formation d'un autre "Partito comunista internazionale" qui publie à Florence Il Partito comunista. En 1982, le PCI de Maffi connaît une véritable explosion qui détruit complètement l'organisation internationale, dilapidant tout un patrimoine de militants et d'expériences uniques à l'échelle mondiale. A partir de ses débris se reconstituent plusieurs petits groupes se réclamant de la tradition "bordiguiste" dont les plus importants sont le "Partito comunista internazionale" qui publie Il Comunista en Italie et Le Prolétaire en France et le "Partito comunista internazionale" animé par Bruno Maffi qui reprend (grâce à une action de justice devant les tribunaux bourgeois) la publication de Il Programma comunista. Depuis ses débuts, notre organisation a publié des articles de polémique contre certaines des positions défendues par l'organisation de Bruno Maffi, tout en affirmant cependant son appartenance au camp du prolétariat et de la Gauche communiste. C'est pour cela que nous ne reviendrons pas ici sur les divergences que nous avions avec ce camarade et avec l'ensemble du courant "bordiguiste". Nous nous contenterons de signaler que peu avant de disparaître, Maffi a commis une faute politique particulièrement grave : il a participé à la fondation, le 27 mai 2000, d'une "Fondation Amadeo Bordiga" subventionnée par l'Etat italien. A son propos, nous écrivions dans notre publication en Italie : "L'intervention introductive des travaux de la conférence, par la voix du président de l'association, Bruno Maffi, a essentiellement tenu à 'rendre hommage au combattant, à l'honnêteté de l'homme qui avait su dédier son énergie à la politique sans aucun intérêt personnel' et en disant cela, il était explicitement fait référence aux politiciens actuels qui sont tout sauf désintéressés sur le plan personnel. Naturellement, il n'est pas venu le moins du monde à l'idée du vieux Maffi que sur la base de cette prise de position, le révolutionnaire Bordiga finissait par être assimilé au héros de Mani Pulite, Di Pietro. (...) Ce manque de clarté a conduit à déformer sérieusement la figure de Bordiga : de révolutionnaire, on en a fait un combattant pour la démocratie. Pauvre Bordiga !" (Rivoluzione internazionale n° 117, "Fondation Amadeo Bordiga, ou comment démocratiser et momifier la figure d'un grand révolutionnaire")
Malgré ses erreurs politiques qui proviennent en partie du fait
que ce n'est que tardivement (après 1935) que Bruno Maffi s'est
rallié à la Gauche communiste (dont il n'a jamais assimilé
pleinement le combat) et malgré les errements graves que nous
venons d'évoquer, nous tenons ici à rendre hommage à
ce militant pour avoir conservé et défendu jusqu'au terme
de sa longue vie ses convictions communistes.
A ses camarades de Programma comunista, nous transmettons toute notre
solidarité.
Nous publions ci-dessous la
traduction de larges extraits tirés d'un article d'Internationalism n°43, notre
publication aux Etats-Unis. Le but de cet article est de combattre l'illusion
qu'il puisse subsister dans la période actuelle une forme de syndicalisme
révolutionnaire. Nombre de ceux qui défendent cette thèse mettent volontiers en
avant le rôle et l'expérience des IWW (Industrial Workers of the World) aux
Etats-Unis. C'est pourquoi il est nécessaire de montrer que la prétendue
intransigeance révolutionnaire des IWW repose entièrement sur un mythe.
Il est clair que les camarades qui ont pris cette décision sont persuadés que les IWW représentent une authentique organisation révolutionnaire de la classe ouvrière américaine qui est malheureusement tombée sous l'influence des gauchistes et de leurs idées confuses, et qu'ils peuvent lui restituer sa grandeur passée. Avant que des révolutionnaires puissent entreprendre un plan pour le futur, ils doivent soumettre l'histoire de leur mouvement à la plus impitoyable critique et analyse révolutionnaire, afin de s'approprier ce qu'il y a de positif, d'éloigner ce qui est négatif et faux, et de débarrasser le mouvement de ses mythes.
A leur création, les IWW étaient une organisation authentiquement
prolétarienne comprenant des éléments ouvriers parmi les plus militants et les
plus conscients des Etats-Unis à la fin du 19e siècle, et qui voulaient de tout
leur cœur renverser le système d'exploitation capitaliste et le remplacer par
une communauté d'ouvriers où les moyens de production seraient contrôlés par
les producteurs eux-mêmes.
Les IWW ont constitué une réaction syndicaliste -avec certaines spécificités
nord-américaines- à l'impasse électoraliste du réformisme tel qu'il était
pratiqué par les partis de la 2e Internationale. Le syndicalisme
révolutionnaire a surgi à la fin du 19e siècle, alors que le capitalisme
approchait de la fin de sa période ascendante, au cours de laquelle il était
encore historiquement progressiste, capable de développer les forces
productives. Au cours de cette phase ascendante, les ouvriers pouvaient
arracher à la classe dominante des réformes, conduisant à des améliorations
durables de leur niveau de vie, par une activité au sein des syndicats et des
parlements. Mais quand le système est entré dans sa phase de décadence, quand
il est devenu progressivement une entrave au développement des forces
productives, la marge de manœuvre en son sein s'est de plus en plus réduite. Le
combat pour les réformes s'est transformé en carriérisme au sein de la
bureaucratie des syndicats et des partis socio-démocrates.
En réaction aux théories de la transition pacifique vers le socialisme au moyen
du bulletin de vote, les IWW virent la nécessité de la lutte ouverte sur les
lieux de production. Par là, les IWW ont apporté une authentique contribution
au mouvement ouvrier dans son combat sur le terrain économique : par leur
tactique de refus des négociations avec les patrons, d'utilisation de la grève
de masse, son extension à travers les villes et les branches industrielles,
quand c'était possible, par leur capacité à rassembler dans la lutte les
différents groupes d'immigrés, par leurs discours contre la suppression des
libertés politiques, par leur volonté d'utiliser la violence organisée comme
moyen d'autodéfense contre la classe dominante, par leur insistance à
développer la solidarité de classe dans le combat et en ne cachant jamais leur
but : le renversement révolutionnaire du capitalisme.
Quelles que furent leurs erreurs, leur abnégation et leur courage au cours de
leurs premières années, depuis leur création jusqu'au milieu des années 1920,
ne peuvent être mis en doute. Les hommes et les femmes qui composaient les IWW
à leur début furent des héros prolétariens de premier ordre.
Parce qu'ils proclamaient haut et fort leur haine du système d'exploitation, la
bourgeoisie ne leur fit pas de cadeaux. Les organisateurs furent maintes fois
arrêtés, accusés de meurtres et de sédition, parfois à tort, et emprisonnés.
Nombre d'entre eux furent tabassés, passés au goudron et aux plumes, lynchés ou
mutilés.
Toutes ces affirmations sont vraies et aucune des insuffisances des IWW ne
sauraient en diminuer l'importance. C'est certainement sur cette histoire que
se sont bâtis les mythes et les légendes. Mais les révolutionnaires doivent
s'appuyer plus que sur de simples récits de hauts faits accomplis pour libérer
la classe ouvrière et l'humanité des liens de l'exploitation. Il nous faut comprendre
les leçons du passé, à la fois positives et négatives, pour s'en servir de
bases. Tout ce qui est positif dans l'histoire des IWW appartient à l'héritage
du mouvement ouvrier, mais il nous faut aussi comprendre ce qui est négatif. La
mythologie n'a pas sa place dans notre mouvement.
Les débuts mêmes des IWW ont été marqués par de sérieuses insuffisances qui
ont entravé leur objectif avoué de travailler pour la révolution prolétarienne.
En particulier ils présentaient une "double nature", essayant de
jouer deux rôles en même temps : celui d'un organe unitaire de l'ensemble de la
classe et celui d'une organisation de militants révolutionnaires.
Les IWW se voyaient à la fois comme un syndicat qui devait regrouper l'ensemble
de la classe ouvrière sur une base économique, embryon d'une forme
d'organisation de la société post-capitaliste, et comme organisation
révolutionnaire de militants cherchant à élever le niveau de conscience au sein
de l'ensemble de la classe. Leur incapacité à reconnaître l'impossibilité à
être les deux choses à la fois fut décisive.
Ce caractère hybride (mi-syndicat, mi-regroupement de révolutionnaires) des IWW
à leur début, créa des tensions constantes et des problèmes au sein de
l'organisation. Les débats politiques n'étaient jamais sérieusement
approfondis, et cette nécessité vitale pour une organisation révolutionnaire,
en fait sa principale responsabilité, de s'engager dans un débat en vue de
l'élaboration théorique d'un cadre pour le combat révolutionnaire, n'était pas
clairement reconnue. Les IWW ouvraient bien les pages de leur presse à des
discussions, mais il fallait couper court aux débats avant qu'ils atteignent
leurs conclusions et les syndicalistes demandaient à ce qu'on cessât de perdre
du temps à couper les cheveux en quatre et qu'on s'attelât aux tâches
organisationnelles. Le résultat fut que les IWW ne produisirent aucun texte
programmatique, si ce n'est le préambule de leurs statuts, un énoncé minimal de
principes révolutionnaires, de nature essentiellement syndicaliste, et inadapté
aux tâches énormes du combat révolutionnaire.
Il y avait des tensions constantes entre ce qui s'appelait "bureaux locaux
de propagande", de petits groupes de militants révolutionnaires sans base
organisée sur les lieux de travail, et ceux qu'on appelait "jobbites"
et qui étaient des groupes qui en fait représentaient les ouvriers en lutte
contre leurs patrons. Les bureaux de propagande étaient plus radicaux dans
leurs orientations politiques, comme par exemple lors de l'entrée en guerre des
Etats-Unis. Les "jobbites" ou " bureaux de travail ",
tendaient plus vers une orientation syndicale classique, se concentrant sur la
lutte "économique".
Du fait de leur manque de clarté sur le type d'organisation qui était la leur
(minorité révolutionnaire ou organisation unitaire de toute la classe) les IWW
se condamnaient à une instabilité organisationnelle. Le nombre de leurs
adhérents était en constante fluctuation. Les ouvriers qui n'étaient pas
complètement d'accord ou qui ne comprenaient pas réellement les buts
révolutionnaires des IWW adhéraient en masse durant les grèves, pour abandonner
l'organisation sitôt le combat terminé. Alors que les IWW eux-mêmes ne
revendiquèrent jamais plus de quarante mille membres payant leurs cotisations
régulièrement, ils avaient délivré plus d'un million de cartes d'adhérents vers
le début des années 1920, et certains ouvriers les avaient même rejoints plus
de dix fois. Pendant la grève de l'industrie textile à Lawrence, qui fut
peut-être la plus grande victoire des IWW, on compta plus de 14 000 adhésions.
Cependant, trois ou quatre mois après la fin de la grève, la section locale ne
comptait plus que 400 membres.
Il ne faut pas sous-estimer l'importance de l'échec des IWW à comprendre la
différence entre une organisation révolutionnaire et un syndicat de même que
les tâches qui leur incombent respectivement. La seule combativité ne peut
représenter les bases de la révolution. L'arme principale sur laquelle doit
compter le prolétariat est sa conscience, et c'est pourquoi le travail
d'élaboration théorique est d'une absolue nécessité pour une organisation
révolutionnaire. Les IWW ont pitoyablement échoué dans ce domaine. La cause en
est principalement les préjugés vis-à-vis de l'engagement politique des
fondateurs des IWW, qui confondaient l'électoralisme du bulletin de vote avec
l'action politique en soi et ne virent pas la nécessité pour les ouvriers
révolutionnaires de constituer une organisation politique ayant pour fonction
d'accélérer la prise de conscience de la classe. Une autre cause réside dans la
compréhension insuffisante du marxisme révolutionnaire aux Etats-Unis au début
du 20e siècle. Bien qu'au début ils fissent référence à Marx et à
ses œuvres, les IWW ne comprenaient pas la méthode d'analyse marxiste, ce qui
les conduisit inévitablement à adopter des positions erronées. Il leur fut
impossible de comprendre que pour le marxisme, les syndicats n'ont jamais été
considérés comme révolutionnaires mais plutôt comme des organisations qui regroupaient
la classe ouvrière autour d'intérêts économiques en conflit avec la classe
capitaliste, et que le combat économique devait être subordonné au combat
politique. Marx a clairement reconnu, après l'expérience de la Commune de Paris
en 1871, que c'était la tâche politique du prolétariat mondial que de détruire
l'Etat capitaliste. Au moment même où les IWW étaient créés, les socialistes de
gauche, comme Rosa Luxemburg, tiraient les leçons de la grève de masse en
Russie et reconnaissaient la fusion du combat politique et économique dans la
nouvelle période de décadence du capitalisme qui s'ouvrait. Mais la majorité
des membres des IWW ne l'ont pas compris. Leur aversion pour le réformisme
électoraliste leur faisait commettre une autre erreur.
Une organisation de la classe ouvrière doit être jugée sur trois niveaux de
combat : économique, politique et théorique. Au niveau économique, le seul que
les IWW n’aient jamais reconnu, ils ont fait d'importantes contributions, comme
nous l'avons vu précédemment. Mais au niveau du combat politique (le combat
pour la destruction de l'Etat capitaliste et pour son remplacement par la
dictature du prolétariat) et au niveau du combat théorique (le combat pour la
compréhension des luttes passées, de l'évolution de la société et pour
l'élaboration du cadre théoriques pour la lutte) les IWW n'ont apporté qu'une
très faible contribution positive. En fait, leur contribution a été plutôt
négative, entravant la classe ouvrière dans son mouvement pour libérer
l'humanité.
Le débat sur l'action politique était très confus au sein des IWW. Dans la
convocation à une conférence secrète sur la possibilité d'organiser les IWW, en
janvier 1905, il était reconnu la nécessité d'une "action politique".
Le document reconnaissait "la capacité de la classe ouvrière, si elle
était correctement organisée, à la fois sur une ligne politique et
industrielle, à prendre possession des industries du pays et à les gérer avec
succès ", et soutenait que "l'expression politique de la classe
ouvrière, par le vote socialiste devait, afin d'être entendu, avoir sa
contrepartie économique dans une organisation des travailleurs bâtie comme la
structure de la société socialiste, rassemblant en son sein la classe ouvrière
d'une manière correspondant approximativement à la manière dont celle-ci
administrerait la Communauté Coopérative". Tout en faisant allusion à
l'action politique, cet appel n'explorait pas la relation entre le combat
économique et le combat politique, autrement dit, la relation entre les IWW
tels qu'ils se proposaient d'être et les organisations de la classe ouvrière.
Lors du congrès fondateur des IWW, il y eut beaucoup de militants et de
discours révolutionnaires, remplis d'espoir et de vagues descriptions de la
mission révolutionnaire de la nouvelle organisation. " Big Bill "
Haywood, un leader de la "Western Federation of Miners", dans son
discours d'adresse à la convention décrivait l'assemblée comme "congrès de
la classe ouvrière sur le continent américain". Il continua par ces mots :
"nous sommes ici aujourd'hui pour fédérer les travailleurs dans un
mouvement de la classe ouvrière qui aura pour but l'émancipation de la classe
ouvrière des chaînes de l'esclavage du capitalisme". Orateurs après
orateurs dénoncèrent la Fédération américaine du Travail (American Federation
of Labor - AFL) pour sa collaboration de classe et firent allégeance à
l'objectif de la révolution. Mais, mis à part un accord sur la nécessité
d'organiser des syndicats militants de la lutte de classe sur des lignes
industrielles, il n'y eut réellement aucun accord sur comment atteindre
l'objectif révolutionnaire ni sur les problèmes politiques.
Parmi les participants à ce congrès, se trouvaient des représentants de
certains syndicats déjà établis, en désaccord avec la direction de l'AFL. En
fait, beaucoup de ces syndicats avaient officiellement adopté le programme du
"Socialist Party of America". Bien que ce parti ne fût pas
officiellement présent au congrès des IWW (en fait bon nombre de ses dirigeants
étaient opposés à la formation d'un nouveau syndicat, préférant transformer de
l'intérieur les vieux syndicats affiliés à l'AFL) l'aile gauche du parti était
présente en la personne de Haywood et d'Algie Simons, rédacteur en chef du
journal "International Socialist Review". Eugene Debs, qui occupait
une position proche du centre du SPA, qui avait été par deux fois candidat du
parti à la Présidence, et qui se faisait depuis longtemps l'avocat du
syndicalisme industriel, participait aussi à ce congrès. Daniel DeLeon et
d'autres membres du "Socialist Labor Party", rival politique du SPA,
étaient aussi présents. Un petit nombre d'anarchistes et de syndicalistes, très
influents, comme le Père Thomas J. Hagerty, un prêtre catholique libéré des
obligations de sa charge, et William E. Trautmann, rédacteur en chef du journal
du syndicat des ouvriers des brasseries, étaient aussi présents.
Il y avait un profond désaccord sur l'action politique, mais qui fut réglé par
un compromis dans les termes du préambule de la constitution du mouvement,
arrangé par la coalition des deleonistes[2] (2)
et des syndicalistes qui étaient venus pour dominer les travaux. Dans son
premier discours à la convention, DeLeon mit l'accent sur le fait que la
puissance économique du prolétariat devait renforcer le vote socialiste. Il
n'exprima aucun accord avec le concept de grève générale ou avec la notion
selon laquelle le prolétariat pourrait faire la révolution par une action
directe purement économique, ce qui était une notion chère aux syndicalistes.
La première version du préambule, préparée par Hagerty, disait que le
prolétariat devait "prendre et garder ce qu'il produisait par son travail,
à travers une organisation économique de la classe ouvrière". Hagerty
s'était opposé à l'appel de DeLeon pour soutenir le vote socialiste, en disant
que "déposer un bout de papier dans l'orifice d'une urne n'avait jamais
accompli l'émancipation de la classe ouvrière, et, à mon avis, jamais ne
l'accomplirait". La clef, d'après Hagerty, était pour les ouvriers de
"s'emparer des outils industriels".
Le désaccord sur le préambule fut résolu en comité. DeLeon, qui avait déjà
accepté certains principes syndicalistes de base, reconnaissait que le
prolétariat pourrait éventuellement faire la révolution par le moyen de
syndicats, mais le préambule reconnaissait la nécessité d'entreprendre des
actions politiques, tout en interdisant à l'organisation de s'affilier à un
parti socialiste. Pour finir, les termes du préambule adoptés en 1905
soulignaient la nécessité de l'agitation "au niveau politique comme au
niveau industriel… sans affiliation à aucun parti politique". DeLeon
prononça aussi un discours, proclamant son soutien à la grève générale, quelque
chose qu'il avait toujours minimisé, tout cela pour cimenter son alliance
branlante avec les syndicalistes anti-politiques contre le Parti Socialiste.
C'est peut-être le délégué Clarence Smith, de l'American Labour Union, un
syndicat organisé par le WFM, qui a le mieux résumé la véritable nature du
préambule en disant :"Il me semble que ce paragraphe, la clause politique
du préambule, est un peu flagorneur en direction des trois différentes
fractions de cette convention : envers l'homme qui ne croit absolument pas à la
politique, envers les socialistes et aussi envers les anarchistes". Au
lieu de forger des principes essentiels, absolument nécessaires à une
organisation révolutionnaires, les différences principielles ont été simplement
laissées de côté. DeLeon réussit au moins à empêcher toute tentative des IWW de
rejoindre ses rivaux du SPA, qui était plus probable qu'une adhésion au SLP
moribond, et se garantit un rôle au sein des IWW pour les années à venir.
Que les fondateurs des IWW n'aient pas réellement compris ce qu'ils avaient
fait est attesté par l'histoire houleuse de leurs trois premières années. Bien
qu'ils fussent tous d'accord sur le fait qu'ils créaient une organisation dont
le but était le renversement du capitalisme en organisant l'ensemble de la
classe ouvrière américaine sur une base industrielle, aucun des leaders de
premier plan du congrès fondateur n'était présent pour assumer une position
dirigeante dans la nouvelle organisation, à cause de leurs obligations dans
leurs syndicats d'origine. Haywood, qui mena les débats lors du premier
congrès, n'occupa de position officielle dans les IWW qu'en 1911. Ni Debs ni
DeLeon, pas plus qu'aucun des membres éminents de la coalition entre
syndicalistes et deleonistes qui contrôlait la convention ne devinrent
dirigeants, à l'exception de Trautmann. La présidence des IWW revint à Charles
Sherman des "United Metal Workers", qui avait des liens avec l'aile
droite du Parti socialiste. Dans les années qui suivirent, plutôt que de
préparer le renversement du capitalisme, Sherman et d'autres furent plus préoccupés
à détourner des fonds des IWW. Lors de la convention de 1906, tous les efforts
déployés avaient pour but la prise de contrôle sur l'organisation et ses
rentrées d'argent, les opposants obtenant une décision de justice contre
Sherman lui interdisant l'accès à son bureau.
Ainsi, dès le début, bien qu'ils soient apparus sur un terrain résolument de
classe, les IWW se sont développés en entretenant en leur sein les pires
confusions politiques et organisationnelles. Nous verrons dans un prochain
article que ces faiblesses et ces confusions congénitales constitueront une
très lourde hypothèque pour le maintien de positions révolutionnaires dans la
période de décadence du capitalisme.
[1] FOCUS était un groupe prolétarien proche des positions du FOR (Ferment Ouvrier Révolutionnaire) fondé par G. Munis et qui publiait dans les années 1970 Alarme en France et Alarma en Espagne. Issu du trotskisme dont il s'est malheureusement incomplètement dégagé, une des caractéristiques du FOR est qu'il n'a jamais reconnu l'existence de la crise du capitalisme.
[2] Sur DeLeon et le deleonisme, voir la série d'articles publiés dans RI n° 309, 311 et 316.
Fin 2003, Chirac nous a annoncé que 2004 serait "l'année de la lutte contre le chômage", le tout sur fond de campagne prévoyant la reprise économique dans la plupart des pays développés. Faut-il croire que le gouvernement va s'atteler à la tâche d'améliorer le sort des ouvriers au chômage ou de réduire les licenciements ? Loin s'en faut ! 2004 sera en réalité l'année d'une nouvelle série d'attaques contre les chômeurs et d'une nouvelle aggravation des conditions de vie de la classe ouvrière.
Toutes les mesures qui se dessinent vont clairement dans ce sens : pression
accrue sur les salaires avec l'augmentation de la CSG censée
réduire le trou de la sécurité sociale, plan de
démantèlement du système de protection sociale,
licenciements dans le secteur privé, suppressions d'emploi dans
le secteur public, etc. D'un côté, les "actifs"
sont pressurés au nom de la "solidarité", de
l'autre, ce sont ceux qui ne servent plus au système capitaliste,
les chômeurs, qui sont purement et simplement rejetés.
A défaut de les faire disparaître physiquement, la bourgeoisie
les élimine des comptes du chômage et trouve toutes les
raisons pour diminuer puis supprimer leurs maigres allocations.
Les mesures prises durant l'année 2003 et les résultats
auxquels est parvenu l'Etat français dans la "gestion du
chômage" sont significatifs de ce qui attend les chômeurs
pour 2004.
Ainsi, depuis le 1er janvier, plus de 250 000 chômeurs ne touchent
plus l'indemnité que leur versaient les Assedic, suite à
l'accord passé le 20 décembre entre le Medef, la CFDT,
la CGC et la CFTC réduisant de 30 à 23 mois la durée
d'indemnisation-chômage. Dès lors, un tiers d'entre eux
n'aura plus aucun revenu. 40 000 devront se contenter temporairement
de l'ASS, Allocation Spécifique de Solidarité, puisque
cette dernière a été aussi réformée
dans le sens d'une limitation de la durée d'indemnisation (deux
ans maximum). Enfin, le dernier tiers touchera un RMI remanié
dans le même esprit avec l'introduction du RMA (Revenu Minimum
d'Activité). Le revenu minimum étant maintenant conditionné
par la réinsertion professionnelle.
Alors que le gouvernement ne cesse de vanter les mesures prises en faveur
de l'emploi des jeunes comme la mise en place de 125 500 "contrats
jeunes en entreprise", le chômage de cette catégorie
d'ouvriers a augmenté de 7,2% entre novembre 2002 et novembre
2003. Signe des temps, alors qu'on nous parlait de reprise à
tout va dès l'automne 2003, l'ANPE parlait de "fin de l'embellie"
pour les cadres commerciaux et technico-commerciaux dont le chômage
a augmenté de 23% et celui des informaticiens de 66% pour l'ensemble
de l'année passée.
Pour ce qui concerne le chômage dit de longue durée, où
les ouvriers de plus de 50 ans sont les plus nombreux, le nombre de
ceux ayant plus de deux ou trois ans d'incription a augmenté
de 14%. Ce qui signifie en clair leur disparition rapide des statistiques
du chômage, celles-ci ne comptabilisant que les demandeurs d'emploi
touchant encore les indemnités.
Grâce aux tripatouillages en tous genres poursuivis par tous les
gouvernements, de gauche et de droite, depuis plus de vingt ans, le
chômage n'excède pas aujourd'hui officiellement le chiffre
de 2,5 millions. En fait, si l'on compte les dispensés de recherche
d'emploi et les rayés des listes de l'ANPE, ce sont au moins
4 millions qu'il faudrait recenser aujourd'hui, sans compter tous ces
"pauvres" vivotant tant bien que mal d'expédients et
de petits boulots.
Cette situation de chômage endémique et massif que connaît
la classe ouvrière n'est pas une exception française.
En Allemagne, l'ancienne locomotive de l'Europe, plus de 4 millions
de chômeurs étaient recensés fin 2003. La bourgeoisie
estime d'ailleurs qu'avec les centaines de milliers d'ouvriers en "formation",
autre moyen de masquer le chômage, le sous-emploi se monte à
7 millions, c'est-à-dire à 16% de la population active.
Et si dans des pays comme les Etats-Unis, avec moins de 6% de chômeurs
ou encore la Grande-Bretagne qui, après le bond des années
1980, n'en comptent "que" 3%, ce n'est nullement grâce
à un soi-disant retour au "plein emploi". C'est le
résultat de la généralisation tous azimuts du travail
à temps partiel et du travail précaire, imposés
par l'Etat comme seule condition à la survie des prolétaires.
Ainsi, c'est tout le prolétariat mondial qui est frappé
par le chômage avec une brutalité et une durée sans
précédent dans l'histoire du capitalisme.
A cette question obsédante que se posent les prolétaires
de savoir comment échapper à la menace grandissante du
chômage, la bourgeoisie répond en appelant à lui
faire confiance. Elle prétend que si tout le monde se serre la
ceinture, cela ira mieux demain. Il faudrait donc accepter les sacrifices
et courber l'échine, être solidaire des gouvernements.
Voilà plus de trente ans que l'on nous sert le même mensonge
régulièrement. Les différents gouvernements se
sont appliqués à nous faire croire que les ouvriers eux-mêmes
étaient responsables de leur propre malheur. Ainsi Fillon s'insurgeait
récemment du fait "inacceptable" que 300 000 emplois
n'étaient pas pourvus et se proposait de prendre des mesures
pour "convaincre les chômeurs d'accepter les postes proposés"
! La menace n'est même pas voilée et les effets d'annonce
sur la redémarrage de l'économie viennent d'ailleurs à
point nommé pour mieux la justifier.
La vérité n'est pas que les chômeurs seraient des
profiteurs et qu'il y aurait une solution au problème du chômage.
La vérité c'est que la crise économique du système
capitaliste n'a pas d'issue et que le chômage ne peut aller qu'en
s'aggravant... La crise ouverte en 1968 a vu le chômage enfler
régulièrement jusqu'à devenir massif et chronique
au début des années 1980. Désormais, les capitaux
nationaux ne peuvent survivre qu'en rejetant un nombre toujours plus
grand de prolétaires dans le chômage. De récessions
en récessions successives, les chômeurs se sont accumulés
comme jamais. Alors que la surproduction a explosé, que les Etats
croulent sous les dettes, la perspective de résorber le chômage
est un odieux mensonge. Les sacrifices d'aujourd'hui ne font ainsi que
préparer ceux de demain. L'Etat et les patrons licencient, suppriment
des emplois, réduisent les salaires parce que la bourgeoisie
française, comme celle de tous les pays, est contrainte de rationaliser
la production, d'éliminer les secteurs non compétitifs,
face à l'aggravation de la concurrence internationale.
Cette situation n'a rien de cyclique ou de conjoncturelle. Le chômage
est une illustration frappante de la faillite du capitalisme. Il témoigne
de la nécessité de renverser ce système moribond
et de mettre fin à la misère qu'il impose par la révolution
communiste mondiale.
Ces dernières
semaines, l'actualité au niveau international et en France a
été marquée par une accumulation de "faits
divers" que les médias présentent comme des catastrophes
naturelles, comme le produit de la fatalité. Tremblement de terre
en Iran, crash aérien en Egypte, accident industriel en Chine,
épidémie de légionellose en France et l'on pourrait
continuer la liste. Au moment même ou nous terminons cet article,
des accidents mortels viennent d'avoir lieu dans l'industrie du gaz
en Algérie et dans la pétrochimie en Indonésie.
Pour le marxisme, ces catastrophes, accidents, épidémies
à répétition, illustrent le degré de décomposition
du capitalisme et notamment son incapacité chronique à
prévenir de telles tragédies, voire sa tendance à
les susciter, alors qu'il a accumulé les sciences et technologies
nécessaires, sinon pour les éradiquer, du moins pour en
limiter les effets les plus destructeurs. Le tableau apocalyptique de
ces récents "faits divers" est une nouvelle illustration
de ce que le CCI a régulièrement mis en évidence
dans les colonnes de sa presse: le capitalisme en pleine décomposition
est une véritable catastrophe et un fléau mortel pour
l'humanité.
Fin décembre, c'est une immense tragédie humaine qui
s'est déroulée en Iran. Un séisme a détruit
en quelques secondes la ville de Bam et ses villages environnants, faisant
plus de 40.000 morts, 35.000 blessés et des dizaines de milliers
de sans-abri. Une fois encore, ce sont les couches les plus pauvres
de la population qui ont tout perdu dans cette tragédie. Le tremblement
de terre autour de la ville de Bam vient s'ajouter à une liste
déjà longue de séismes qui, rien qu'en Iran, sur
les trente dernières années, ont fait plus de 150.000
morts.
Certes, on ne peut reprocher au capitalisme d'être à l'origine
d'un tremblement de terre. En revanche, on peut mettre à son
passif le fait qu'un séisme qui ne fut pourtant pas parmi les
plus violents de ces dernières années, se transforme en
une immense catastrophe sociale. Alors que des progrès considérables
sont réalisés en sismologie au niveau mondial et que l'Iran
possède des compétences et de l'expérience dans
ce domaine, l'incurie de la classe politique est notoire ! Comme le
souligne un architecte iranien, "ce qui fait défaut, c'est
une volonté politique sans faille, un contrôle public systématique
et strict de l'application des normes, des moyens à la hauteur
du problème" (L'Humanité du 3 janvier). On est passé
de 30 millions d'habitants à dominante rurale à plus de
70 millions d'habitants majoritairement urbains, ce qui conduit en Iran
à une hypertrophie accélérée de beaucoup
de villes. "Dans ce contexte, les responsabilités en chaînes
sont nombreuses : inconscience ou impuissance des plus démunis
obligés d'auto construire leurs logements avec des moyens rudimentaires,
l'appétit vorace des promoteurs, des plus petits aux plus grands,
la gabegie et la corruption à certains niveaux, la pure négligence
criminelle à d'autres" (ibid., L'Humanité). A ces
multiples négligences criminelles, il faut ajouter que la ville
de Bam était en plus construite pour la plupart de ses habitations
en pisé ( mélange de terre argileuse et de paille) ou
en briques crues et lorsque de telles maisons s'effondrent, cela s'apparente
au déversement sur ses occupants d'un camion de gravats, laissant
à priori peu d'espoirs de retrouver des rescapés sous
les ruines.
Comme en Turquie il y a quelques années, l'Etat iranien a démontré
qu'il n'avait tiré aucune leçon des précédents
séismes qui ont secoué la région, laissant construire
de manière anarchique et n'imposant pas le respect de normes
de construction antisismique. Cette incurie des pouvoirs publics et
religieux, leur mépris pour la population, s'est traduit par
le fait que le séisme a eu lieu à 4h30 du matin et les
premiers secours ne sont arrivés qu'en fin de journée
vers 17h. Alors que l'ensemble des habitants des grandes métropoles
iraniennes se sont mobilisés, notamment à Téhéran
pour apporter leur solidarité sous la forme de vêtements,
nourriture, tentes pour les survivants, les autorités étaient
incapables de les acheminer vers la zone sinistrée. Pire encore
! Face à cet élan de solidarité humaine de la population,
la bourgeoisie iranienne n'a rien trouvé de mieux à faire
que d'utiliser cette tragédie pour ses mesquins intérêts
électoraux. Dés les premières heures du séisme,
alors que des élections législatives sont prévues
en février, on a vu les deux clans politiques rivaux, les réformateurs
de Mohamed Khatami et les conservateurs religieux de Ali Khamenei se
précipiter vers le lieu de la catastrophe en hélicoptère,
alors que les secours n'avaient pas les moyens d'acheminer de l'aide,
ni la capacité d'évacuer les blessés. Tels les
charognards, c'est sur les décombres et au milieu des cadavres
qu'ils ont rivalisé de rapidité pour annoncer aux sinistrés
que leur ville et leur citadelle seraient reconstruites, alors que ces
crapules sont responsables du carnage, car même les bâtiments
récemment construits, notamment les hôpitaux et les écoles,
se sont effondrés du fait du non-respect des normes antisismiques.
Au même moment où la ville de Bam était dévastée par le séisme, une explosion de gaz dans le sud-ouest de la Chine, faisait 191 morts dont la moitié sont des enfants, des centaines de blessés et plus de 3000 personnes intoxiquées à des degrés divers. Cet accident n'a rien de fatal. Il est le résultat immédiat d'une course effrénée au profit capitaliste, au mépris des conditions élémentaires de sécurité sur les lieux de production. Pour la seule année 2003, "13 283 personnes ont été tuées sur des chantiers, dans des usines ou des mines en Chine, soit une hausse de 9,6% par rapport à 2002" (Le Monde du 27 décembre 2003). A chaque fois pour cacher sa responsabilité, pour préserver sa domination de classe, la bourgeoisie met en exergue à coup de campagnes médiatiques que c'est la faute d'un tel ou tel. C'est le mensonge qu'elle nous raconte depuis la fin décembre, à propos du crash d'un Boeing au large de Cotonou faisant plus d'une centaine de morts et disparus et pour le Boeing 737 qui s'est écrasé à Charm El-Cheikh en Egypte faisant 148 morts dont la plupart était des ressortissants français. Dans les deux cas, elle a accusé sans vergogne les compagnies libanaises et égyptiennes qui avaient affrété ces avions et s'il est vrai que ces appareils ne remplissaient pas toutes les conditions de sécurité, c'est le prix à payer aujourd'hui dans le capitalisme pour obtenir des voyages à des tarifs préférentiels, les fameux charters. Mais contrairement à ce que raconte le ministre des transports français, cela n'est pas une spécificité des compagnies "exotiques", ni des compagnies spécialisées dans le dumping aérien. Il suffit de rappeler le crash du concorde d'Air France en juillet 2000 à Roissy avec ses 113 victimes ou la collision entre un Tupolev et un avion cargo au-dessus du lac de Constance en Suisse (71 morts), dont l'enquête a conclu à une défaillance du contrôle aérien suisse ou bien encore les déboires juridiques des familles des victimes de l'Airbus A-320 qui a fait 87 morts sur le Mont Sainte Odile en Alsace il y a 10 ans, alors que l'on sait pertinemment qu'il y a eu des négligences techniques sur cet avion. Ces accidents, qui ne peuvent que se multiplier, sont la conséquence de la guerre commerciale à outrance que se livrent les compagnies aériennes pour garder leurs parts de marché. De fait, cela les oblige à réduire les dépenses qui concernent la sécurité et l'entretien des infrastructures nécessaires au bon fonctionnement de ce moyen de transport. Mais le transport aérien n'est pas une exception, il suffit de voir les accidents de train à répétition, de métro ou de bateaux ( les marées noires de l'Erika ou du Prestige) ces dernières années aussi bien dans les pays du tiers monde qu'en Europe. A toutes ces horreurs, s'ajoute l'apparition d'épidémies mortelles qui sont une autre manifestation de la faillite du capitalisme. Alors que l'épidémie de "SRAS" n'est toujours pas maîtrisée en Asie ( cf. RI n°336, juin 2003) une épidémie de légionellose sans précédent se développe en France, dans le Pas-de-Calais, avec 76 personnes touchées dont 10 décès. Ce sont les tours aéroréfrigérantes de l'usine Noroxo qui sont en cause, nous dit-on. En fait, comme le révèle un spécialiste, le nombre annuel de cas en France est passé de moins de 50 à plus d'un millier et c'est à chaque fois la négligence de telle ou telle usine dans l'entretien des infrastructures de refroidissement qui est en cause. Ces négligences récurrentes font que les hôpitaux censés soigner la population sont devenus des lieux d'épidémies et d'infections. 800.000 personnes sont touchées chaque année par des infections nosocomiales et 4000 meurent de leurs suites.
Face à de telles tragédies, les révolutionnaires
se doivent de dénoncer le cynisme crapuleux de la classe dominante
et réaffirmer leur solidarité de classe avec les victimes
de ces catastrophes, et particulièrement envers les prolétaires
en Iran, frappés par le séisme de Bam. A ce que la bourgeoisie
présente comme une énième catastrophe naturelle,
la fatalité ou le fait qu'il ne puisse exister de "risque
zéro", le marxisme oppose une analyse beaucoup plus pertinente.
"A mesure que le capitalisme se développe puis pourrit sur
pied, il prostitue de plus en plus cette technique qui pourrait être
libératrice à ses besoins d'exploitation, de domination
et de pillage impérialiste, au point d'en arriver à lui
transmettre sa propre pourriture et à la retourner contre l'espèce
(…) Le capitalisme n'est pas innocent non plus des catastrophes
dites "naturelles". Sans ignorer l'existence de forces de
la nature qui échappent à l'action humaine, le marxisme
montre que bien des catastrophes ont été indirectement
provoquées ou aggravées par des causes sociales(…)Non
seulement la civilisation bourgeoise peut provoquer directement ces
catastrophes par sa soif de profit et par l'influence prédominante
de l'affairisme sur la machine administrative(…) mais elle se révèle
incapable d'organiser une protection efficace dans la mesure où
la prévention n'est pas une activité rentable". (Espèce
humaine et croûte terrestre d'A. Bordiga (Ed. PBP), préface).
Encore une fois, ce n'est pas la nature, la malchance ou la volonté
d'une quelconque "divinité religieuse" qui est responsable
de telles tragédies. Le propre même du système capitaliste,
c'est de donner des explications partielles ou circonstancielles pour
éviter que le prolétariat ne prenne conscience que c'est
la logique même du capitalisme qui est porteuse de tant d'horreurs
et de tragédies humaines. Le responsable de cette barbarie, c'est
le capitalisme, ses règles, ses lois et sa classe dominante,
tout juste capable de comptabiliser les morts et de dénaturer
ce que représente la réelle solidarité humaine.
Voilà le monde barbare et inique que le capitalisme nous impose
aujourd'hui. Ce nouveau cortège de catastrophes dévoile
une nouvelle fois le degré de putréfaction atteint par
ce système et celui-ci ne laisse d'autre alternative aux exploités
que de le détruire avant qu'il ne détruise l'humanité.
Face à la tragédie de Bam, l'Etat iranien a lancé un appel au niveau international et c'est au nom de la soi-disant solidarité humaine que les grandes puissances de ce monde ont envoyé des équipes de secouristes.
Comme le soulignent plusieurs membres des ONG (organisations non gouvernementales), on a assisté à une véritable ruée des secours internationaux dont les équipes ont joué des coudes pour s'imposer sur le terrain. Leur manque de coordination est venu ajouter un peu plus de pagaille aux secours locaux. On a vu ainsi lors des journaux télévisés, la France, la Russie, l'Angleterre faire une publicité indécente pour leurs équipes de secouristes et leurs chiens renifleurs. Cette tragédie a même été l'occasion de grandes retrouvailles entre les Etats-Unis et l'Iran. Quoi qu'en disent les médias, l'envoi de secouristes américains est le prétexte "humanitaire" qui sert cyniquement de masque à la bourgeoisie américaine, comme aux autres puissances, pour travestir leurs visées impérialistes. Effectivement les discours des Etats-Unis sur l'aspect strictement humanitaire de leur aide est un pur mensonge. Le tremblement de terre est une aubaine pour les autorités américaines qui ont tout intérêt à se rapprocher de l'Iran qui a une grande influence sur la communauté chiite d'Irak (qui pose des difficultés aux Américains). Quant aux Iraniens, ils espèrent que les Etats-Unis vont mettre au pas leur ennemi héréditaire, l'opposition armée des moudjahidin. Non seulement le séisme est utilisé comme couverture des appétits et stratégies diplomatiques des grandes puissances, mais le show médiatique de l'aide humanitaire aura été de courte durée. Trois semaines seulement après la catastrophe, les différentes équipes de secours sont reparties aussi vite qu'elles étaient venues. Les rescapés, eux, n'ont qu'à se débrouiller ! Ils vont devoir maintenant survivre dans ce champ de ruines en ne comptant que sur eux-mêmes, pendant que les gouvernements continuent en coulisse leurs tractations et leurs sordides marchandages.
La véritable histoire de Lutte Ouvrière. Le livre est récent et son titre pour le moins alléchant.
La question est d'autant plus légitime que l'on juge du camp auquel appartient une organisation politique dans un premier temps de sa filiation. Ce recueil d'entretiens réalisé par Christophe Bourseiller (écrivain et journaliste bourgeois intronisé pour l'occasion spécialiste de l'extrême gauche) avec le méconnu gourou de LO, Robert Barcia (alias Hardy), s'il sert avant tout de "coming out" pour ce dernier, une façon de polir l'image trop sectaire de son groupe, aborde tout de même le chapitre de l'origine historique de l'Union Communiste (nom politique de LO).
Cette naissance se fait dans un contexte historique brûlant qui représente pour
l'ensemble de la mouvance trotskiste, au niveau international, une véritable
mise à l'épreuve après dix ans de dérives opportunistes dont le point culminant
aura été le soutien au camp impérialiste républicain lors de la guerre
d'Espagne en 1936.
La trahison de l'internationalisme prolétarien était dans l'air et se posera
définitivement au cours de la Seconde Guerre mondiale.
"Les prolétaires n'ont pas de patrie", en tant que classe exploitée,
non possédante, la classe ouvrière n'a pas de capitaux à défendre. Pourtant,
c'est elle qui subit les massacres au front comme à l'arrière. "La
transformation de la guerre impérialiste en guerre civile", comme le
proclamait les bolchéviks à partir de la première guerre mondiale, devient le
"seul slogan prolétarien juste" dans un monde capitaliste en
banqueroute. Dans ces conditions, toute organisation révolutionnaire venant à
exhorter les prolétaires à se draper de leur couleur nationale respective pour
finalement les voir s'entretuer, franchit le Rubicon séparant la classe ouvrière
de la bourgeoisie et perd à jamais son caractère prolétarien. Ce qui fut le cas
de la grande majorité de la social-démocratie qui vota les crédits de guerre en
août 1914, des PC stalinisés se vautrant dans les préparatifs guerriers dans
les années 1930 et enfin de la quasi totalité de la IVe Internationale
trotskiste[1] pendant
la seconde conflagration mondiale.
En automne 1939, les deux principales fractions trotskistes existantes en France
sont le Comité français pour la IVe Internationale (composé d'anciens militants
du POI[2] et un
groupe d'ex-militants du PCI[3].
Chacune de ces deux chapelles prendra fait et cause pour l'un et l'autre des
camps impérialistes en présence, signant ainsi leur allégeance à la classe
dominante.
Ainsi, le groupe issu de l'ex-PCI, autour de Roger Foirier et Henri Molinier,
jouera un rôle dans les mouvements (tel le RNP[4] de
Marcel Déat) favorable au nazisme. En fait, les trotskistes de l'ex-PCI misent sur
la victoire de l'Allemagne. Etant donné qu'avec ce pronostic les organisations
fascistes seront amenées de plus en plus à encadrer les masses, la conclusion
de ce savant calcul, pour ne pas se couper de ces dernières, est de travailler
"à l'intérieur d'une organisation fasciste et dans ses milieux
dirigeants" (sic). De son côté le Comité (redevenu POI entre temps), animé
par Marcel Hic, vole au secours de la nation française occupée par
l'envahisseur allemand. La France étant présentée comme une nation "opprimée"
cela permet à Hic et ses acolytes de satisfaire à loisir leurs pulsions
chauvines au nom de la "libération nationale", comme en témoigne cet
extrait de leur journal La Vérité du 1er octobre 1940 : "Nous intégrer
dans le mouvement de patriotisme populaire, élargir notre base d'action, (…) ne
peut que nous permettre de progresser et d'enraciner notre activité dans les
masses. (…) C'est de l'initiative du peuple de France que dépend le relèvement
de notre pays. (…) Seule l'initiative populaire peut rendre la vie à la
France."
Il faudra l'entrée en guerre de l'URSS en juin 1941 pour que les trotskistes,
au nom de la sacro-sainte "défense de la mère patrie socialiste", se
rejoignent pour épouser les intérêts d'un seul et même camp bourgeois, celui
des alliés. Là encore, le journal La Vérité dans son n°18 du 1/08/1941 est on
ne peut plus explicite : "C'est l'intérêt et le devoir de tout ouvrier
français qui n'est pas aveuglé par ses intérêts de classe ou vendu aux nazis de
tout mettre en œuvre pour affaiblir dans son rayon d'action, les forces
étrangères qui nous oppriment en même temps qu'elles agressent l'URSS."
(Article au titre incantatoire : "IL FAUT DEFENDRE L'URSS"). C'est
sur ce terrain pourri et abondamment mystificateur que les trotskistes, tout au
long de la guerre, ont encouragé le prolétariat à abandonner ses intérêts de
classe et à se faire étriper pour des intérêts qui ne sont pas les siens.
En 1944, les principaux groupes trotskistes reformeront un PCI. Union qui sera
célébrée par le massacre d'ouvriers lors de la "Libération" de Paris.
C'est ici, en compagnie des staliniens du PCF, dans la Résistance, que les
trotskistes ont atteint le sommet de leur rôle de pourvoyeur de chair à canon
pour le camp allié sur fond d'appel à "l'insurrection nationale". Ce
zélé défenseur des intérêts impérialistes de l'URSS que fût le PCI éclatera par
la suite mais aura tout de même une descendance digne de ses hauts faits
d'armes. Le PT[5] et la LCR[6] voilà
qui sont ses fameux héritiers.
"Derrière Hic, elles [les organisations de la IVe Internationale en
France] ont quasiment abandonné la position internationaliste de Trotski […] se
justifie ainsi la rupture qu'il [Barta] a accomplie en 1939 d'avec tous ces
éléments 'pour se délimiter d'un milieu petit-bourgeois aux pratiques
social-démocrates et non communistes.'" (Entretien de Hardy avec
Bourseiller). La légende du groupe de David Korner dit Barta est en marche. Un
groupe très faible numériquement qui serait resté à l'écart du mouvement
trotskiste traditionnel pour ne pas salir le drapeau internationaliste et
garder les deux pieds bien cimentés dans le camp du prolétariat.
"En octobre 1942, le 'groupe Barta' […] lance une feuille de propagande,
La Lutte de classes, qui se présente à l'origine comme l'organe du 'Groupe
communiste (IVe Internationale)'. Le groupe intervient sous d'autres étiquettes
: 'Collection IVe Internationale' ou 'Un groupe de militants communistes'.
Pendant la totalité du conflit, il dénonce les belligérants, appelle à la
fraternité à la base, martèle les slogans communistes...".
Cette fable colportée depuis longtemps par LO, et aujourd'hui par son nouveau
scribe, est un classique très répandu de la mythologie trotskiste que l'on
retrouve par ailleurs. Ainsi, Jacques Roussel qui, dans son livre Les enfants
du prophète paru en 1972, dénonce les activités patriotiques des trotskistes
français pendant la Deuxième Guerre mondiale, nous fredonnait déjà la chanson
de l'héroïque Barta. "Le groupe Barta reprochait violemment au POI ses
positions social-patriotiques de 40, qu'il considérait comme une véritable
trahison du communisme". (...) [Pour lui] les mots d'ordre nationalistes
doivent être énergiquement repoussés".
Le conte est fort joli, mais il n'en est pas moins à dormir debout. Si on se
penche d'un peu plus près sur l'attitude du groupe Barta face à la guerre,
notamment au travers de ses prises de positions dans sa feuille La lutte de
classe, on s'aperçoit que le somptueux carrosse internationaliste que l'on
cherche à nous vendre n'est en réalité qu'une vilaine citrouille nationaliste.
"Travailleurs, vous tous qui n'avez que vos chaînes à perdre et un monde à
gagner : EMPECHEZ PAR TOUS LES MOYENS LA MACHINE DE GUERRE IMPERIALISTE DE
FONCTIONNER CONTRE L'URSS". "Vive l'armée rouge !", tract du 30
juin 1941 diffusé par la clique Barta.
Nous y voilà ! La fameuse défense de la "patrie socialiste", dit
autrement des intérêts impérialistes du capital stalinien et, par ricochet, de
ceux du camp allié.
Au bout du compte, la prétendue rupture de Barta en 1939 avec les autres
groupes trotskistes n'a jamais entamé, ne serait-ce d'un pouce leur cause
commune: la défense de l'URSS.
Quand Hardy soutient que "sur le fond Barta renvoyait dos à dos les belligérants",
ce n'est par conséquent que pure foutaise ! Comme les autres groupes
trotskistes, l'ancêtre de LO a appelé les ouvriers à aller se faire massacrer
pour la sauvegarde des intérêts impérialistes du camp stalinien. "La
Quatrième Internationale [une des nombreuses dénomination du groupe Barta à
l'époque est Groupe communiste (IVe Internationale)] vous appelle pour la
défense de l'Union soviétique…" (tract cité plus haut.)
Ainsi, ce groupe, non seulement appellera les ouvriers au sabotage de l'effort de
guerre allemand mais ira jusqu'à le mettre en pratique par le biais d'un de ses
militants Mathieu Bucholz chargé du sabotage du STO (leur logique voulant qu'un
ouvrier français ne partant pas pour le travail obligatoire, dans les usines
allemandes, empêchait de libérer un ouvrier allemand qui aurait pu alors partir
se battre sur le front Est contre l'URSS).
Voilà un bel exemple de résistance contre l'envahisseur qui, il faut bien
l'avouer, est fort éloigné de la dénonciation de tous les camps impérialistes
et de l'appel à la classe ouvrière pour quelle retourne ses armes contre ses
exploiteurs !
Concernant la Résistance, LO s'est toujours enorgueillie que son ancêtre s'en
soit abstenu à l'inverse du reste du mouvement trotskiste français qui
rejoindra activement le maquis en 1944. Mais là encore les apparences sont
trompeuses. Et c'est Hardy en personne qui lâche le morceau : "Mais
entendons-nous : Barta était absolument partisan de la lutte contre le nazisme
[…] Ses écrits exhortaient les travailleurs à engager une telle lutte. Mais
avec leurs propres méthodes, sous leur propre drapeau et pas sous la bannière
d'un général réactionnaire…".
C'est effectivement sur ce registre que Barta s'adressait aux ouvriers :
"Si vous ne voulez plus être la chair à canon de cette guerre, il faut non
seulement résister à Vichy et à l'impérialisme allemand, mais le faire sous
votre propre drapeau de classe, le drapeau rouge. Où que vous soyez, en
Allemagne si vous n'avez aucun moyen de vous soustraire à la déportation, dans le
maquis ou dans les groupes de "partisans" si vous ne pouvez pas vous
cacher dans les villes et les villages, n'oubliez pas que vous êtes les fils de
la classe ouvrière.
En Allemagne, liez-vous avec les travailleurs allemands pour saboter la machine
de guerre et les aider à renverser le régime capitaliste défendu par Hitler.
Dans les groupes de résistance, dans le maquis, exigez votre armement et
l'élection démocratique des chefs par les membres des groupes." (La Lutte
de classes n°24 du 6 février 1944).
En bref, oui à la défense de l'Etat stalinien (et du camp des
Roosevelt-Churchill), oui à la Résistance, pourvu que ce soit les prolétaires
eux-mêmes qui la prenne en charge. Une auto-organisation de la classe ouvrière
pour la défense de l'impérialisme russe, indépendamment de la bourgeoisie, et
alors le massacre des prolétaires peut se dérouler légitimement. Merci Monsieur
Barta !
De l'abjecte trahison de l'internationalisme et par conséquent de la cause
prolétarienne voilà où LO prend sa source.
Dans la préface de son bouquin, Bourseiller nous dit que "En dépit des
vents contraires, des marées montantes et des sirènes de la mode, elle [l'Union
Communiste de Barcia et Laguiller] est demeurée fidèle à un trotskisme pur ou,
si l'on préfère, à un "communisme" que l'on peut estimer ou bien
haïr, mais qui n'en demeure pas moins authentique."
Il faut vraiment se contenir pour ne pas avoir la nausée à la lecture de tels
mensonges.
L'attitude de la IVe Internationale emmenée par le SWP (1) américain se
vautrant dans le chauvinisme le plus crasse, à laquelle fait bien entendu écho
le petit groupe de Barta bien que non officiellement rattaché à cette
Internationale, est diamétralement opposée à celle de ceux qui ont su rester
fidèle à l'héritage internationaliste de cette immense figure de la Révolution
russe que fût Trotsky. Ce sont, par exemple : la majorité de la section
espagnole de la IVe Internationale autour de Munis ou des individus comme
Natalia Trotsky. Pour eux, rompre avec le trotskisme, passé définitivement au
service de la bourgeoisie, devenait la seule issue possible pour ne pas trahir
la classe ouvrière.
Si LO est digne de quelque chose ce n'est certainement pas de Trotsky ou de quelque
chose qui aurait trait avec le combat de la classe ouvrière. Sa plus grande
fierté c'est plutôt d'avoir toujours servi fidèlement les besoins de la classe
dominante.
LO, mais aussi la LCR (et les autres groupuscules trotskistes) ont à maintes
reprises fait honneur à leurs aïeux. Dans les différents conflits de l'après
guerre ils ont systématiquement incité les ouvriers à choisir un camp
impérialiste contre un autre. Pendant la guerre froide ils ont confirmé leur
soutien inconditionnel à l'URSS et aux prétendues "luttes de libération
nationale" (Cambodge, Vietnam, Cuba) contre les Etats-Unis. Plus
récemment, lors de la guerre en Irak, ils ont déterminé que le "bon
camp" était ... "le camp du peuple irakien face aux agresseurs
anglo-américains " ! (Lutte de Classe n°72). Ce faisant, les trotskistes
ont invité les ouvriers à épouser non seulement la cause de la nation irakienne
mais surtout les intérêts des rivaux des Etats-Unis, à savoir en premier lieu
l'impérialisme français.
C'est sur le tas de fumier du nationalisme que LO, d'abord sous la forme du groupe Barta, a vu le jour et c'est tout logiquement dans ce terrain bourgeois que plongent ses racines l'abreuvant depuis plus de cinq décennies de sève contre-révolutionnaire.
Azel[1] C'est en septembre 1938, sur la base d'une vision erronée du cours historique, que Trotsky fonde la IVe Internationale. Pour lui, la révolution est encore à l'ordre du jour dans les années 1930. Les évènements de 1936 en Espagne et en France sont, dès lors, interprétés non comme des préparatifs pour la guerre qui s'approche mais plutôt comme les prémisses d'une nouvelle vague révolutionnaire après celle de 1917-1923. Cette lourde erreur conduira à cette aberration qu'est la construction d'une Internationale en pleine contre-révolution.
Avec à sa tête le Socialist Worker's Party américain, et après l'assassinat de Trotsky en août 1940, la IVe Internationale passera avec armes et bagages dans le camp bourgeois en s'alignant sur la défense de l'impérialisme russe.
[2] Parti Ouvrier Internationaliste
[3] Parti Communiste Internationaliste
[4] Rassemblement National Populaire
[5] Parti des Travailleurs
[6] Ligue Communiste Révolutionnaire
Au milieu de l'année 2002, il y a eu des préparations de guerre intensive dans le sub-continent indien. Les cliques dirigeantes à la fois du Pakistan et de l'Inde étaient au bord d'une guerre ouverte. Ces deux Etats impérialistes ont procédé à une mobilisation militaire sans précédent, des milliers de soldats équipés jusqu'aux dents d'armes meurtrières ont été déployés des deux côtés de la frontière, des menaces d'utiliser des armes atomiques ont été proférées par différentes fractions politiques dans les deux pays. La bourgeoisie indienne s'était montrée beaucoup plus agressive et avait semblé être acculée à la guerre ouverte en réponse à une activité belliqueuse beaucoup plus cachée à travers les activités terroristes soutenues par la bourgeoisie du Pakistan. Mais la pression de la "communauté internationale", celle des Etats-Unis en particulier, avait contraint la bourgeoisie indienne à freiner sa marche vers la guerre.
Peut-il y avoir une quelconque paix réelle entre ces deux Etats impérialistes dont la naissance s'est faite dans les entrailles d'une période de conflits impérialistes intenses ? Peut-il y avoir de réelle paix et des relations harmonieuses entre deux Etats capitalistes récents qui, comme tous les Etats, sont nécessairement impérialistes dans la phase de décadence du capitalisme ? NON, mille fois NON ! La guerre et la "paix" dans la société décadente sont deux aspects inséparables de la même stratégie impérialiste. La "paix" dans cette époque n'est rien d'autre qu'un moment particulier entre deux phases de guerre ouverte. Elle est utilisée par les Etats impérialistes guerriers pour la préparation politique et militaire d'une nouvelle guerre encore plus meurtrière et dévastatrice. La "paix" et les "initiatives de paix" ne sont rien d'autre que la continuation de la guerre sous une forme différente et sont une partie importante de l'offensive diplomatique d'un camp contre l'autre. Il ne peut y avoir de paix réelle et permanente dans le capitalisme agonisant. Dans le subcontinent indien, la "paix" a toujours été suivie de déclenchements de guerre ouverte. La guerre de Kargil a été précédée et préparée par la "paix" de Lahore. La "paix" d'Agra a été suivie par une situation proche de la guerre en janvier et juin 2002. La "paix" de Tashkent fut suivie par la guerre sanglante de 1971 dont il a résulté le démembrement de la partie orientale du Pakistan et la constitution du Bangladesh. Le Bangladesh est né à la fois comme le produit d'un conflit intense entre deux factions de la bourgeoisie pakistanaise, le produit du conflit impérialiste entre les bourgeoisies indienne et pakistanaise et le produit du conflit global entre les blocs impérialistes russe et américain. Ainsi, les efforts de "paix" et la guerre ne sont rien d'autre que les deux faces de la même réalité.
La dernière initiative de "paix" ne peut pas être
différente. Ce n'est rien qu'un paravent en vue d'une nouvelle
intensification de ce conflit impérialiste. Elle est indissociablement
liée à une offensive diplomatique où chacune des
deux parties entreprend de séduire la "communauté
internationale", et en particulier la superpuissance. Ce ne sont
rien que des pas supplémentaires en direction d'une future guerre.
En juin 2002, quand les initiatives de guerre dans le subcontinent indien
atteignaient leur paroxysme, les Etats-Unis n'ont ménagé
aucun effort pour éviter le déclenchement de la guerre
et maintenir la "paix" dans la région. La "paix"
dans cette partie du monde est nécessaire pour la stratégie
impérialiste globale actuelle de l'Amérique. Elle vise
à consolider sa position stratégique en Afghanistan, en
Irak et sur des parties de l'Asie centrale. La situation délicate
des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan -avec l'extension et le renforcement
des attaques armées contre les forces d'occupation américaines
a renforcé davantage le besoin de stabilité dans le subcontinent
indien. Ainsi les intérêts impérialistes de la Maison
Blanche nécessitent d'apparaître comme des "colombes
de la paix" dans certaines aires stratégiques, afin d'accroître
sa capacité à entreprendre des aventures militaires ailleurs,
et pour intensifier son offensive contre ses plus dangereux rivaux potentiels
- l'Allemagne, la France et d'autres grandes puissances.
Il en va de même pour les autres puissances impérialistes,
qu'elles soient grandes ou petites. On a vu le rôle "d'apôtres
de la paix" qu'ont joué les bourgeoisies française,
allemande, russe et chinoise dans la guerre en Irak, tout comme on a
vu le bellicisme plus ouvert de ces mêmes puissances dans d'autres
conflits. Dans tous les cas, le conflit entre les plus petites puissances
et l'unique superpuissance, qu'il soit caché ou ouvert, ne peut
que s'accroître. La bourgeoisie indienne est contrainte d'être
ambivalente vis-à-vis de la politique américaine quand
il s'agit de la lutte contre le terrorisme international. La bourgeoisie
indienne ne peut ni totalement soutenir la politique impérialiste
des Etats-Unis ni totalement s'y opposer. Mais elle est obligée
de maintenir des relations avec ce géant militaire et économique
et l'initiative récente de "paix" est intimement liée
à la stratégie que le capitalisme indien doit adopter
dans ses relations avec les Etats-Unis.
L'agressivité téméraire de la bourgeoisie indienne
avec son insistance pour une confrontation militaire ouverte avec la
bourgeoisie pakistanaise et les efforts de cette dernière pour
éviter une guerre ouverte avec l'Inde, a mené à
un certain isolement diplomatique de l'Etat indien vis-à-vis
de la "communauté internationale". La classe dominante
indienne n'a pas eu beaucoup de succès pour convaincre la "communauté
internationale" du bien-fondé de ses récriminations
incessantes envers le Pakistan, proclamant que ce dernier était
la seule source de terrorisme, pas seulement au Cachemire mais aussi
dans d'autres parties de l'Inde et à l'étranger.
L'Inde n'est pas les Etats-Unis. Elle doit se donner beaucoup de mal
pour plaire à la "communauté internationale".
La première et la seconde guerre d'Irak et la situation présente
des Etats-Unis ont poussé l'Etat indien à prendre l'initiative
de la "paix". La bourgeoisie indienne a réalisé
qu'elle paierait très cher toute agression ouverte contre le
Pakistan sans le consentement de la "communauté internationale"
et des Etats-Unis en particulier. En plus de ceci, le rôle de
la bourgeoisie indienne dans la guerre en Irak n'a pas satisfait Washington.
Les intérêts de la bourgeoisie indienne l'ont donc obligée
à recourir à l'initiative de "paix" comme le
meilleur atout dans la situation présente. Cette initiative a
connu une soudaine impulsion juste avant la visite dans le subcontinent
indien de Richard Armitage, le représentant du Secrétariat
d'Etat américain qui est aussi une personnalité très
importante dans l'administration Bush. L'Etat pakistanais a lui aussi
besoin de plaire au gendarme américain, suite au rôle qu'il
a joué durant la guerre en Irak. Le Pakistan a vraiment été
identifié internationalement comme un Etat qui abritait des terroristes
islamistes et il y a eu des rumeurs insistantes sur des connexions entre
les services secrets pakistanais et des bandes comme Al-Qaida. De plus,
la bourgeoisie pakistanaise a tiré d'amères leçons
de son passé de guerres ouvertes contre l'Inde. D'où la
floraison actuelle d'initiatives de "paix" de la part des
deux Etats ennemis. Ces initiatives se sont aussi accélérées
après le retour de Chine du ministre indien de la Défense
à la suite d'"un voyage cordial et très fructueux".
Ce ministre a ensuite fait une série de déclarations qui
font de lui l'un des plus pro-chinois de la classe politique indienne.
Du fait de l'évolution du rapport de force à l'échelle
internationale, la Chine est conduite à encourager à la
fois l'Inde et le Pakistan à "faire la paix", plutôt
que de poursuivre sa politique classique consistant à jouer la
carte du Pakistan contre l'Inde.
Mais les tensions impérialistes et les rivalités guerrières
sous-jacentes s'amoncellent sous le mince voile des initiatives de paix.
Le 2 juin 2003, le Premier Ministre indien a déclaré en
Suisse : "Avant, on nous demandait d'établir des relations
avec le Pakistan. Maintenant le monde entier leur dit d'arrêter
leurs incursions terroristes sur notre territoire". Selon Brajesh
Mishra, le conseiller indien à la sécurité, "un
noyau constitué de sociétés démocratiques
doit peu à peu émerger de notre coalition actuelle pour
prendre à bras-le-corps la lutte contre le terrorisme international
de manière homogène et ciblée". Le président
pakistanais, Pervez Musharraf, disait dans une interview le 16 juin
2003 : "Le problème avec l'Inde est qu'ils sont trop conscients
de leur plus grande taille et qu'ils croient qu'ils peuvent contraindre
à l'obéissance leurs voisins. Ils veulent nous imposer
leurs diktats. Nous n'accepterons pas ça, empêchons-les
de nous traiter comme n'importe quel petit pays périphérique.
Nous sommes une nation puissante". Selon une résolution
adoptée par le BJP, le parti politique dominant dans la coalition
qui dirige l'Inde, la base pour tout dialogue avec l'autorité
pakistanaise serait le retour dans le giron indien de la partie du Cachemire
qu'ils appellent POK, c'est-à-dire le Cachemire occupé
par le Pakistan. Selon une information parue dans The Telegraph du 19
juin 2003, l'Inde a interdit l'accès du Pakistan au célèbre
Forum Régional Asiatique et le ministre indien des Affaires étrangères
a joué un rôle de premier plan dans cette entreprise. Yashwant
Sinha a déclaré devant un parterre d'officiers d'état-major
et de diplomates le 19 octobre 2003 : "Qui est ami ou ennemi dans
cette bataille contre le terrorisme est une question cruciale. Si on
permet à nos ennemis de se déguiser en amis, le terrorisme
international ne renoncera jamais". Il a ensuite ajouté
: "Le penchant de certains à traiter avec les régimes
autoritaires pour des gains à court terme sera aussi de courte
durée." Les implications sont assez claires. Dans la même
réunion le Premier Ministre indien a vomi du venin contre la
bourgeoisie pakistanaise : "Est-ce que le Pakistan a une démocratie
? Est-ce qu'il a un gouvernement élu ? Ceux qui dirigent l'arme
au poing parlent d'auto-détermination (au Cachemire)". The
Statesman, un journal sérieux de la bourgeoisie indienne, a récemment
titré : "Rocca tance Islamabad". Dans cet article est
reporté que l'assistante du Secrétaire d'Etat américain,
Christina Rocca, a dit que l'Inde était une victime du terrorisme
et que le Pakistan devrait redoubler d'efforts pour mettre un terme
à ses infiltrations frontalières.
Quant au cessez-le-feu, il a été planifié comme
un exercice de propagande pour coïncider avec la visite de Vajpayee
à Islamabad. Ershad Mahmud de l'institut d'études politiques
à Islamabad a déclaré : "Ce voyage a été
plus symbolique que consistant". Un membre des groupes militants
du Cachemire à Muzzafarabad a exprimé toute la suspicion
que lui inspirait le cessez-le-feu : "Le Pakistan peut retirer
quelque bénéfice politique du cessez-le-feu parce qu'il
en a été à l'origine, mais le grand bénéficiaire
en est l'Inde qui renforcera ainsi ses positions et à qui cela
permettra d'améliorer ses défenses" (Yahoo! News
le 26 novembre 2003). Une fois encore, la paix impérialiste pave
la route pour la guerre impérialiste.
Par dessus tout, en aucun cas, la menace de la guerre nucléaire
n'a été éliminée. Le président pakistanais
Pervez Musharraf a dit à Séoul en Corée du Sud
le 7 novembre 2003 : "Je pense qu'il était parfaitement
justifié de développer nos capacités nucléaires
et nos missiles parce que s'il y avait une menace externe et même
si cette menace surgissait dans n'importe quelle autre région,
nous y répondrions d'une manière identique dans le futur."
Le premier ministre indien a ajouté à Londres le 7 novembre
:"C'est un sujet de préoccupation pour nous que ce programme
[le programme d'armement nucléaire pakistanais] soit sans ambiguïté
dirigé seulement contre l'Inde". A travers tout cela, le
sens de "l'initiative de paix" apparaît clairement.
Il y a cent ans, en 1903, au second congrès du Parti Ouvrier Social-Démocrate Russe - le Congrès historique qui a débouché sur la scission entre Bolcheviks et Mencheviks-, une résolution était adoptée en réponse à une vague de pogroms en Russie.
Une fois de plus, les Juifs étaient utilisés comme boucs
émissaires des problèmes de la société,
dans le but d'empêcher les classes opprimées de voir où
sont leurs véritables ennemis. C'est pour cette raison que le
marxiste allemand Bebel appelait l'antisémitisme le socialisme
des imbéciles.
Cent ans de "progrès" capitaliste plus tard, un siècle
qui a été marqué par l'holocauste des Juifs européens
au cours de la Seconde Guerre mondiale, le nombre de ceux qui sont dupés
par le vieux mythe antisémite n'a pas diminué, même
si la focalisation antisémite s'est déplacée dans
une large mesure vers le monde "musulman".
Le discours de départ du premier ministre malaisien Muhatir Mohamad,
en octobre 2003, illustre clairement cela, brossant le tableau de musulmans
dans le monde oppressés par une petite minorité, les Juifs,
qui aurait le contrôle principal de l'empire américain;
Muhatir a tenté de se démarquer des terroristes islamistes
radicaux, mais son langage est exactement le même que celui de
Ben Laden et compagnie : le devoir des musulmans partout dans le monde
est de combattre les Juifs. C'est cette idéologie qui justifie
les attaques à la bombe sans discrimination contre des Juifs
en Israël, en Tunisie, au Maroc et même en Argentine. Elle
se base sur la republication de la fameuse falsification de la police
secrète tsariste, le Protocole des Sages de Sion, qui peut être
consultée gratuitement sur de nombreux sites Internet islamistes,
et qui prétend nous informer sur le fonctionnement interne de
la conspiration juive mondiale.
Tout cela démontre que ces cent années n'ont pas été
des années de progrès, mais de décadence capitaliste,
qui a produit et propagé les haines les plus absurdes et irrationnelles
sur toute la planète. Surtout lors de ces deux dernières
décennies, l'esprit de pogrom est devenu universel.
Au 20e siècle, il y a eu bien sûr aussi des pogroms contre
d'autres minorités -le massacre de près d'un million d'Arméniens
par l'armée turque pendant le premier conflit mondial étant
le plus horrible- et c'était déjà une expression
claire de la décadence de la société bourgeoise.
Mais aujourd'hui, dans la phase d'accélération de la décadence,
que nous appelons la décomposition du capitalisme, le nombre
de ces massacres augmente chaque jour.
Aujourd'hui, les Juifs eux-mêmes ont leurs propres fauteurs de
pogroms. Le groupe Kach en Israël, fondé par le rabbin américain
Meir Kahane, applaudit l'action de Baruch Goldstein, un Juif colon américain
affilié au Kach, qui en 1994 a ouvert le feu sur des fidèles
à la mosquée Il-Jibrihimi de Hébron, tuant 29 personnes
et faisant 125 blessés; son idéologie a inspiré
le massacre d'enfants palestiniens par trois colons juifs en plaçant
des bombes dans leur école en septembre dernier; il préconise
une "solution finale" à la manière nazie pour
le problème palestinien, leur expulsion de tout le territoire
du "Grand Israël".
Officiellement, Kach et son satellite Kahan Chai sont des groupes terroristes,
mis hors la loi par la Knesset. Mais ils bénéficient du
climat politique général actuel en Israël. Ariel
Sharon, le chef du gouvernement, a lui-même un passé de
massacreur ethnique. En 1953, il a dirigé une attaque commando
sur le village palestinien de Kibya, suite au meurtre de trois civils
juifs. Soixante-neuf résidents, dont la moitié étaient
des femmes et des enfants, ont été tués, quarante-cinq
maisons détruites. En 1982, Sharon a joué un rôle
central dans la boucherie abominable des camps de Sabra et Chatila au
Liban: avec la complicité directe de l'armée israélienne,
des milliers de Palestiniens ont été assassinés
durant trois jours d'horreur par l'aile droite des milices chrétiennes.
Sharon, qui était ministre de la Défense à ce moment-là,
a été réprimandé plus tard par un comité
d'enquête de haut niveau, comme porteur d'une "responsabilité
indirecte" dans ce crime monstrueux. Et aujourd'hui, Sharon dirige
un Etat qui produit des discours enflammés en faveur d'un "Grand
Israël" -les colonies juives dans les territoires occupés,
un Etat qui dresse un "mur anti-terroriste", qui s'étend
le long des frontières d'Israël mais boucle une mosaïque
de territoires appartenant aux Palestiniens. En bref, le régime
de Sharon est un régime d'épuration ethnique, un régime
poussant aux pogroms.
L'épuration ethnique est une expression inventée pour
décrire le meurtre, les intimidations et l'expulsion forcée
de diverses minorités dans les Balkans pendant les sept années
de guerre qui ont ravagé la région dans les années
1990. Que ce soient les forces serbes attaquant les Croates, les Bosniaques,
les Albanais, ou les civils serbes subissant les mêmes horreurs
de la part des forces croates, bosniaques ou albanaises, le résultat
était le même, réintégrant en Europe les
pires excès de la barbarie raciste depuis la Seconde Guerre mondiale.
Pas moins horrifiant, il y a aussi eu le génocide de centaines
de milliers de Tutsis par les escadrons de la mort hutus au Rwanda,
en l'espace de quelques semaines en 1994.
Ces massacres ont été menés au nom de différentes
idéologies, de différentes bannières : dans les
Balkans, le nationalisme serbe, croate ou albanais, mélangé
à de vieilles divisions religieuses entre musulmans, chrétiens
orthodoxes ou catholiques romains. Au Rwanda et dans d'autres pays africains,
comme au Congo actuellement, ce sont souvent les appartenances tribales
qui ont été mises en avant, alors qu'au Soudan, en Ouganda
ou en Algérie, le carnage d'innocents est souvent justifié
par des raisons religieuses. En Inde, des foules "hindouistes"
ont déchaîné leur violence contre des musulmans;
en Indonésie, des brutes "musulmanes" ont agressé
et assassiné des chrétiens.
Le plus souvent, ces horreurs sont présentées dans "le
monde civilisé" comme l'expression de rivalités tribales
et religieuses incompréhensibles. Le plus souvent, on nous raconte
qu'elles ne peuvent être arrêtées que par l'intervention
humanitaire des forces les plus éclairées de la "démocratie".
Cela fut le prétexte, en particulier, des attaques de l'OTAN
sur la Serbie en 1999.
Mais exactement de la même manière que les forces tsaristes
manipulaient les bandes des "Cent-Noirs" à l'origine
des pogroms en Russie il y a une centaine d'années, la même
main sinistre de l'Etat se retrouve toujours derrière les pogroms
d'aujourd'hui. Dans les Balkans, des troupes serbes incontrôlées
comme les Tigres fascistes d'Arkan ont commis quelques-unes des pires
atrocités. Mais ils agissaient avec la bénédiction
du président serbe Milosevic.
Et derrière Milosevic, depuis des années, se tenaient
la France, la Russie et la Grande-Bretagne, intéressées
à préserver leur sphère d'influence dans cette
région face aux avancées de l'Allemagne et des Etats-Unis.
Au Rwanda, le génocide n'était pas simplement une explosion
spontanée de folie; il avait été préparé
depuis des mois par l'Etat, qui avait créé les escadrons
de la mort hutus. Et ces mêmes escadrons de la mort étaient
entraînés par rien de moins que l'armée française
qui, après les massacres, avait mis sur pied sa propre intervention,
au nom de raisons humanitaires.
Il est vrai que le climat moral d'une société en putréfaction
engendre désespoir et irrationalité à une échelle
effrayante. Cette fuite vers les idéologies les plus rétrogrades
empoisonne l'esprit de toutes les classes de la société.
Cela inclut la classe dominante dans les pays les plus avancés.
Le degré de pourriture de l'actuelle administration Bush a été
montré par les révélations selon lesquelles le
nouveau sous-secrétaire d'Etat à la Défense pour
les services secrets, le lieutenant-colonel William Boykin, croit que
l'Islam est une religion idolâtre que tous les chrétiens
doivent combattre au nom du Christ. L'islamophobie est bien sûr
l'image miroir en Occident de l'antisémitisme et de l'antiaméricanisme
qui s'insinue dans tout le monde "islamique".
Mais, même quand elle poursuit sa descente abyssale dans une absurdité
apocalyptique, la classe dominante des "démocraties libérales"
est toujours parfaitement capable d'attiser froidement et cyniquement
les plus sombres affects sociaux comme le racisme et la xénophobie
dans son propre intérêt, que ce soit pour ses intérêts
impérialistes, comme dans les Balkans et en Afrique, ou pour
semer la division dans les rangs de son ennemi mortel, le prolétariat.
Un exemple patent en est la campagne répugnante contre les demandeurs
d'asile dans les tabloïds anglais, qui constitue l'arrière-plan
idéologique du nombre croissant d'attaques physiques contre les
réfugiés dans ce pays. Reprocher à un petit nombre
de demandeurs d'asile le déclin général des conditions
de vie de la classe ouvrière est un exemple classique de désignation
raciste d'un bouc émissaire, consciemment destinée à
saper l'identité et la solidarité de classe.
Le regain de l'esprit de pogrom pose un problème de vie ou de
mort à la classe ouvrière. Si celle-ci se laisse diviser,
si elle succombe à l'ambiance délétère de
la décomposition capitaliste, elle sera perdue, et avec elle,
l'humanité tout entière. Parce que le prolétariat
est la classe sociale qui existe à travers des rapports de solidarité,
parce qu'elle est une classe internationaliste qui a les mêmes
intérêts matériels partout dans le monde, il est
la seule force pouvant agir comme une barrière à la fuite
en avant vers l'autodestruction, caractérisée par l'épidémie
grandissante des émeutes ethniques et religieuses.
En 1903, nous avons vu les socialistes russes dénoncer les pogroms
contre les Juifs, essentiellement parce qu'ils étaient utilisés
pour entraver l'émergence d'une conscience de classe révolutionnaire
au sein du prolétariat. En 1905, cette maturation souterraine
de la conscience de classe s'exprima au grand jour sous la forme de
la grève de masse et des premiers Soviets. Et comment Trotsky
(le révolutionnaire qui avait vu à l'époque l'importance
de ces organes embryonnaires du pouvoir prolétarien plus clairement
que quiconque) définissait le rôle immédiat des
Soviets ?
"Quelle était la nature essentielle de cette institution,
qui en si peu de temps avait pris une telle importance dans la révolution
et marqué la période de son pouvoir? Les Soviets organisaient
les masses travailleuses, dirigeaient les grèves et manifestations
politiques, armaient les travailleurs, et protégeaient la population
des pogroms" (1905, traduit de l'anglais par nos soins).
Aujourd'hui, à une échelle mondiale, la classe ouvrière
reste la seule force sociale capable de protéger la population
du monde contre la nouvelle vague de pogroms. Non pas parce que c'est
une classe qui n'agit que pour des idéaux purs, mais parce qu'elle
a un intérêt matériel à agir de la sorte.
Le prolétariat ne peut pas se défendre s'il est divisé;
toutes les formes de racisme, toutes les sortes de nationalisme le divisent
et l'affaiblissent. La classe ouvrière ne peut assumer son avenir
révolutionnaire qu'en rejetant, en théorie et en pratique,
toutes les divisions que le capitalisme lui impose.
C'est aussi vrai en Israël que partout ailleurs : les coûts
énormes du budget de la défense israélien, combinés
aux effets de la crise économique mondiale, génèrent
un phénomène de sans-abri et une pauvreté croissante
parmi les ouvriers israéliens. Ils créent aussi les conditions
pour un renouveau de combativité de la classe : dans la période
récente, nous avons vu, par exemple, des protestations contre
des coupes claires dans les allocations de chômage et une grève
sauvage parmi les bagagistes de l'aéroport de Tel Aviv. Ces réactions
limitées mais significatives prouvent que les ouvriers israéliens
ne sont pas une sorte d'élite privilégiée; au contraire,
ils rejoignent de plus en plus les niveaux de misère et d'insécurité
qui pèsent sur la classe ouvrière palestinienne. Certes,
le terrorisme impitoyable du Hamas ou du Jihad islamique est utilisé
pour convaincre la majorité des ouvriers israéliens que
leur "protection" ne peut être assurée que s'ils
s'identifient à la politique de fermeté militaire de l'Etat
israélien, exactement comme les opprimés et les exploités
de la population palestinienne sont renvoyés à la terreur
d'Etat israélienne pour percevoir l'OLP et les islamistes comme
leurs défenseurs (malgré des protestations de la part
de chômeurs palestiniens contre des promesses non tenues du proto-Etat
palestinien). Il serait stupide de sous-estimer l'importance de la peur
et du désir de vengeance engendrés par la spirale de la
terreur et de la contre-terreur dans la région. Mais la seule
issue à cette situation est de dépasser le piège
de la solidarité nationale et de retrouver le chemin de la solidarité
de classe. Les travailleurs des pays capitalistes plus développés,
qui sont dans l'ensemble les moins contaminés par le poison des
divisions raciales, ont la responsabilité fondamentale de démontrer
en pratique ce que signifie la solidarité de classe en développant
les luttes défensives contre les attaques sur leurs conditions
de vie, en ouvrant la voie à la grève de masse et à
l'offensive révolutionnaire contre l'Etat capitaliste. Seul un
tel exemple peut définitivement éliminer l'esprit de pogrom
et ouvrir une perspective pour les prolétaires qui se trouvent
sous sa menace la plus directe.
Nous publions ci-dessous des extraits de la réponse faite par Acción Proletaria (AP), section du CCI en Espagne, à Comunistas Revolucionarios (CR), un regroupement d'éléments "radicaux" de la ville de Ferrol en Galice qui rejettent très justement les syndicats et appellent à leur destruction mais sur une base largement erronée.
Ce débat n'est évidemment pas un débat "espagnol". Certains conflits ont eu une grande répercussion en Espagne, en lien avec l'extrême précarisation de la main d'œuvre mise en place dans ce pays depuis longtemps. Mais les questions qui s'en dégagent sur le rôle et la fonction des syndicats sont posées, se posent et se poseront aussi partout dans le monde. Notamment en France, ces questions ne peuvent que traverser l'esprit des milliers d'ouvriers confrontés à la précarisation de leurs conditions de travail et qui, à la suite du mouvement du printemps, se sont sentis floués par les agissements des syndicats.
Du texte de CR publié dans AP nº 172 (15 sept.-15 nov. 2003) paraît se
dégager l'idée suivante : si les syndicats sont ce qu'ils sont c'est parce
qu'ils seraient l'expression d'une minorité de travailleurs en CDI[1],
privilégiés, une "aristocratie ouvrière". Voyons quelques citations
significatives de ce texte :
"Ses connivences avec le patronat sont la démonstration la plus grave du
corporatisme syndical et aristocratique de ce secteur de travailleurs, dont les
conditions de travail sont bien supérieures à celles de la majorité des
salariés, et qui à aucun moment n'essaie, même de façon minoritaire, de
s'opposer ne serait-ce qu'à ses dirigeants syndicaux (lesquels, soit dit en
passant, trahissent ce secteur depuis des années). Ces travailleurs sont même
arrivés à changer un jour de congé pour éviter le retard dans la livraison des
nouvelles frégates qui se construisent dans les chantiers navals de Ferrol,
pour ainsi ne pas 'porter préjudice à la compétitivité de l'entreprise'."
Par rapport à l'attitude des syndicats, CR avance : "Eux aussi ont tiré
leurs leçons : ils savent parfaitement que notre précarité et surexploitation
sont à la base de leur fonction de serviteurs du capital, et de leur position
dirigeante grâce à l'accommodement de la couche de la classe qu'ils
représentent (…) dans ce contexte de stratification de la classe entre un secteur
avec un travail garanti et un autre en emploi précaire, avec des conditions de
travail et de vie largement différenciées et encadrées par les syndicats dans
le cadre institutionnel et légal établi, les luttes ouvrières chez Izar[2] sont,
par leur nature même, des luttes réactionnaires pour conserver une position
privilégiée", contrairement aux luttes des précaires 'essentiellement
révolutionnaires', car ils luttent pour l'égalité des conditions de travail
avec les ouvriers de l'entreprise principale et contre les fondements du
capitalisme actuel".
Nous n'allons pas réfuter ici les racines historiques de la fausse théorie de
"l'aristocratie ouvrière". Nous l'avons déjà fait dans notre presse[3]. Ce
que nous nous proposons de traiter ici, c'est la thèse selon laquelle les
syndicats représenteraient une minorité de travailleurs privilégiés, ce qu'on
appelle "l'aristocratie ouvrière".
Cette position n'est pas propre aux camarades de CR. En effet, beaucoup de
jeunes ouvriers précaires affirment clairement que les syndicats ne les
représentent pas, en ajoutant que cela est dû au fait qu'ils "ne défendent
que les travailleurs en CDI". Dans le même sens, on n'a pas arrêté de nous
rabâcher que les chômeurs sont méprisés par les syndicats, lesquels ne s'occuperaient
que des fonctionnaires et des travailleurs en CDI.
Nous vivons sous le poids de l'idéologie démocratique. Cette idéologie sert
à la bourgeoisie pour justifier toutes les agressions contre les ouvriers et
l'humanité tout entière. Si le gouvernement espagnol envoie des troupes en Irak
et mène une politique économique mauvaise pour la majorité, ce serait la faute
des "citoyens" (les ouvriers y inclus) qui auraient voté pour lui. De
toutes les formes d'Etat qui ont existé dans l'histoire, c'est la forme
démocratique de domination et d'exploitation la plus cynique et mystificatrice.
L'Etat démocratique défend les intérêts de la classe capitaliste et, en son
nom, il prend des mesures de licenciements, de misère et de guerre, mais il
justifie tout avec l'argumentation universelle selon laquelle il
"représente" la "majorité", il exprime la
"volonté" des citoyens.
Le catéchisme de l'idéologie démocratique dit aussi que toute couche de la
population possède une "représentation propre", et dans le cas des
ouvriers, elle serait constituée par les syndicats. Par conséquent, si les
syndicats signent des pactes et des conventions contre les intérêts des
travailleurs, s'ils sabotent les grèves, s'ils avalisent des mesures qui vont
provoquer immanquablement des accidents de travail mortels, ce serait "la
faute aux ouvriers" qui les auraient mandatés pour les représenter.
Il y a des prolétaires qui réagissent contre les syndicats, mais encore sous
l'influence de l'idéologie démocratique, ils s'entêtent à leur trouver à tout
prix une représentativité quelconque. Et où voient-ils cette représentativité ?
Quand ils disent que les syndicats sont des traîtres parce qu'ils représentent
une couche spéciale d'ouvriers (l'aristocratie ouvrière), laquelle aurait trahi
sa classe pour quelques miettes et le petit privilège d'avoir une garantie de
l'emploi[4].
Le piège se trouve dans le fait de penser que l'Etat démocratique est
"représentatif" et que les syndicats sont représentatifs, autrement
dit, d'accepter, même à contrecoeur, la mystification la plus dangereuse avec
laquelle le capitalisme justifie sa domination. Contre tout cela, le marxisme a
montré que l'Etat ne représente que le capital, qu'il ne protège que l'intérêt
national du capital, qu'il ne sert, en exclusivité, que la minorité constituée
par la classe capitaliste dans son ensemble.
Dans ce sens, les syndicats ne représentent aucune catégorie d'ouvriers, mais
représentent l'Etat capitaliste, ils sont l'expression de l'intérêt du capital
national. Leur rôle consiste à imposer dans les lieux de travail ce dont les
capitalistes comme classe ont besoin.
L'Etat démocratique du capital prétend intégrer en son sein tous les secteurs
de la société, en tant que prétendu organe neutre "au dessus des
classes". En fait, sa fonction est justement le contraire : il étend ses
tentacules dans tous les secteurs sociaux (et plus particulièrement au sein de
la classe ouvrière) pour qu'ils soient bien contrôlés. Ce que l'idéologie
démocratique appelle "intégration" et "représentation"
n'est, en réalité, que contrôle, oppression, subordination au service de
l'exploitation.
Au sein de cette entreprise étatique, les syndicats jouent un rôle particulier
: contrôler la classe ouvrière, la diviser, briser ses luttes, lui faire avaler
les plans de licenciements et de destruction des salaires sociaux que l'intérêt
national du capital exige, tel un dieu despotique et insatiable.
Est-ce que la division entre les "intérimaires" (CDD) et ceux qui ont
un contrat à durée indéterminée (CDI) est née de la "volonté" des CDI
de prétendre "conserver leurs privilèges" ? Cette
"explication" nie l'histoire des 80 dernières années de la classe
ouvrière, histoire qui fait apparaître les syndicats comme ennemis de toutes
les catégories d'ouvriers, qu'ils soient employés dans le secteur public ou
dans celui du privé, travailleurs en CDI, précaires, journaliers, émigrés, etc.
Rappelons seulement quelques expériences : en 1968, en France, à un moment où
il n'existe pratiquement pas d'emploi précaire, ils se sont consacrés avec
acharnement à saboter la grève de 10 millions d'ouvriers. Et ce fut la même
chose en Grande-Bretagne, en Italie, en Argentine etc. En Espagne, ils firent
tout pour saboter les grèves en 1971-76 (à une époque où ils n'étaient même pas
légalisés par le franquisme), par la suite, ils ont soutenu le Pacte de la
Moncloa, signé les accords de reconversion, la réforme de la Sécurité Sociale.
Face aux grèves de 1983-87 contre les "reconversions" et les
restructurations dans l'industrie (qui entraînèrent près d'un million de
licenciements), ils ont fait aux "CDI" la pire des choses : ils ont
contribué à leur mise à la porte, ils les ont reconvertis en chômeurs.
Comment s'est développé le travail précaire ? Est-ce qu'il a été la
concrétisation d'une "aspiration sociale" où convergerait l'intérêt
du patronat et des "aristocratiques" travailleurs en CDI ? Une
pareille "explication" est de celles dont raffole l'idéologie
démocratique et avec laquelle elle nous abreuve tous les jours. La précarité a
été imposée par les besoins du capitalisme face à l'aggravation inexorable de
sa crise mondiale. En Espagne, les premières mesures dans ce sens furent
imposées par le Gouvernement "socialiste"[5] en
1984, en développant la loi que, deux ans auparavant, les syndicats Commissions
Ouvrières (proches du PC) et l'UGT (proche du Parti socialiste) avec le
gouvernement de droite d'alors avaient imposée (l'ANE, Accord National sur
l'Emploi). En 1992 (sous le gouvernement "socialiste" du PSOE) et,
par la suite, en 1997 (sous le gouvernement actuel d'Aznar), avec l'aval des
deux syndicats, d'autres mesures furent imposées pour favoriser encore plus le
travail intérimaire et les contrats pourris.
Le moyen le plus important dont dispose le capitalisme pour répondre à la crise
qui le frappe est celui de réduire les coûts de la force de travail. Pour cela,
d'un coté, il élimine ou réduit des "prestations sociales" : santé,
pensions, allocations chômage, primes de licenciement, etc. ; d'un autre coté,
il prend des mesures qui rendent l'emploi de plus en plus précaire. Mais, alors
que les coups de hache sur les "prestations sociales" sont une
attaque contre tous les travailleurs (les intérimaires, les CDI, les chômeurs,
les immigrés), les mesures de précarisation apportent au capital un grand
avantage politique : elles lui servent à semer la zizanie au sein de la classe
ouvrière, en attisant la concurrence dans ses rangs.
Les syndicats se sont consacrés avec acharnement à accroître cette zizanie
qu'ils ont contribué à semer. Ils ont deux discours : aux travailleurs en CDI
ils disent que les travailleurs temporaires, ceux des entreprises
sous-traitantes, les jeunes avec un contrat pourri, sont leurs rivaux dont l'aspiration
intime est de "leur prendre ce qu'ils possèdent". Mais, aux
travailleurs précaires, ils tiennent un autre discours totalement opposé : les
travailleurs avec CDI seraient une bande de fainéants privilégiés et sans la
moindre solidarité, une "aristocratie du travail", avec qui on ne
peut pas compter au moment de se lancer dans une grève.
Dans la situation actuelle, où la combativité et la conscience ouvrières
mûrissent avec d'énormes difficultés, le plus grand triomphe des syndicats
(sous toutes leurs formes et quelle que soit leur étiquette) est celui de
lancer les ouvriers les uns contre les autres. Pour l'instant, la combativité
n'est pas du tout homogène dans la classe dans son ensemble : il y a des
secteurs bien plus combatifs que d'autres. Les syndicats tirent profit de cette
difficulté pour empêcher que les plus combatifs ne contaminent le reste de la
classe avec leur esprit combatif. Le travail "sanitaire" des
syndicats pour arrêter l'épidémie consiste à enfermer les plus combatifs dans
des luttes isolées et dirigées non pas contre le capitalisme ou l'Etat, mais
contre les autres ouvriers.
À Puertollano, cela a été on ne peut plus clair. En août 2003, dans une grande
raffinerie (Repsol), quand les ouvriers des entreprises sous-traitantes se sont
mis en grève, les syndicats ont fait tout leur possible pour que les
"travailleurs fixes" de l'entreprise principale restent passifs, en
organisant une campagne ignoble de calomnies contre les intérimaires.
Cependant, en octobre, ils ont fait l'inverse : ils ont entraîné exclusivement
les intérimaires dans la grève en disant à ceux-ci que les travailleurs de
Repsol "ne voulaient pas lutter", "qu'ils ne bougeaient
pas", "qu'ils avaient des problèmes différents". Alors, la campagne
de calomnies a été dirigée contre les travailleurs en CDI[6].
Il y a, à l'heure actuelle, en Espagne, deux grandes générations ouvrières :
d'un coté, ceux qui ont 45-55 ans, qui ont vécu les grandes luttes autonomes
des années 70 et les combats contre les reconversions du gouvernement
"socialiste" des années 80. Ces ouvriers connaissent bien, par
expérience, ce que sont les syndicats et ce qu'est la lutte directe en dehors
de ces outils castrateurs au service de l'Etat capitaliste. Mais, en même
temps, ils sont atteints de scepticisme, ils sont désorientés, ils sont
réticents vis-à-vis de la lutte, tenaillés par la peur de recevoir un coup
supplémentaire. D'un autre coté, il y a les jeunes, intérimaires et précaires
dans une grande majorité d'entre eux, qui supportent des conditions de travail
très dures, avec beaucoup de questions sur l'avenir que cette société leur
offre. Beaucoup d'entre eux veulent se mettre en lutte, mais ils n'ont que peu
d'expérience et gardent des illusions sur les syndicats. Ce dont la classe
ouvrière a besoin c'est l'unité de ces deux générations, c'est le débat et la
lutte commune, pour pouvoir unir expérience et combativité, pouvoir forger sa
conscience pour ainsi avancer ensemble vers une lutte révolutionnaire. Tout
l'intérêt de la bourgeoisie -et par conséquent de ses syndicats- va évidemment
dans le sens contraire : il s'agit pour elle de créer une muraille entre une
génération et l'autre, en les opposant, en les séparant, en les lançant l'une
contre l'autre. Voilà la raison des deux discours différents que tiennent ces
cyniques et fidèles serviteurs de l'Etat capitaliste que sont les syndicats.
[1] Contrat à durée indéterminée. En Espagne, on parle de "travailleurs fixes", plus particulièrement pour les ouvriers des grandes entreprises, privées comme d'Etat.
[2] Entreprise de Chantiers navals en Espagne, anciennement "publique".
[3] Voir notamment Revue Internationale n° 25 (2e trimestre 1981).
[4] Il y a des éléments qui rejettent la "démocratie" et l'idéologie démocratique, mais qui n'admettent pas l'explication matérialiste de la trahison des syndicats, croyant la trouver dans cette idée selon laquelle ils représenteraient les intérêts économiques mesquins de "l'aristocratie ouvrière". Cette vision économiste et sociologique prétendument "matérialiste" est, en fait, du matérialisme vulgaire, soumise à l'idéologie démocratique qui voit les institutions de l'Etat (et parmi elles, les syndicats) comme représentantes des catégories sociologiques. Le fait que les différentes couches sociales aient des intérêts économiques "légitimes", c'est-à-dire compatibles avec l'intérêt général du capital national, n'est pas contraire à l'idéologie démocratique.
[5] Le ministre du Travail de l'époque, Joaquín Almunia, (qui aux élections de 2000 s'est présenté à la tête d'une coalition "radicale" avec le PC) avait déclaré la guerre aux travailleurs en disant qu'"il fallait en finir avec la propriété privée du poste de travail".
[6] Voir l'article publié dans Révolution internationale, n° 339, octobre 2003.
Dans le présent article, nous poursuivons cet examen de la perspective du communisme en nous penchant sur un certain nombre d'aspects de la révolution communiste : le mode d'organisation de la classe révolutionnaire et l'orientation des mesures qu'elle est appelée à prendre.
Depuis qu'avec l'apparition de la classe ouvrière a surgi sa conscience du fait qu'elle était le sujet de la révolution communiste, s'est posé le problème de son organisation en vue de cette tâche. Longtemps, et les révolutionnaires avec lui, le prolétariat a balbutié sur cette question. Dans un premier temps (de Babeuf à Blanqui) les petites sectes conspiratrices ont eu sa faveur. Ensuite, les différentes sociétés ouvrières, coopératives professionnelles ou syndicales, telles que celles rassemblées dans l'Association Internationale des Travailleurs (1ère Internationale fondée en 1864) ont semblé constituer cette auto-organisation de la classe ouvrière en vue de son émancipation. Puis les grands partis de masse rassemblés dans la 2e Internationale (1889-1914) et les syndicats s'y rattachant se sont présentés comme le levier de la transformation de la société. Mais l'histoire devait montrer que si ces formes d'organisation correspondaient à des étapes du développement tant de la capacité de la classe ouvrière à lutter contre l'exploitation que sa conscience des buts historiques et immédiats, aucune d'entre elles n'était appropriée pour l'accomplissement de sa tâche historique : la destruction du capitalisme et l'instauration du communisme. C'est lorsque les conditions de vie du capitalisme lui-même ont mis à l'ordre du jour la révolution prolétarienne que la classe ouvrière a trouvé la forme d'organisation apte à accomplir cette révolution : les conseils ouvriers. Leur apparition en Russie en 1905 signifiait qu'on était à un tournant de l'histoire de la société capitaliste : la fin de son époque progressiste, son entrée dans la décadence, dans "l'ère des guerres impérialistes et des révolutions prolétariennes", comme devaient le comprendre les révolutionnaires par la suite. De même, si depuis Blanqui, les révolutionnaires avaient compris la nécessité de l'instauration de la dictature du prolétariat comme levier de la transformation de la société, ils n'ont compris la forme concrète que prendrait cette dictature qu'avec l'expérience de la classe elle-même, et encore avec du retard. Emboîtant le pas aux anciennes conceptions de Marx et Engels, Trotsky, qui pourtant avait joué un rôle décisif à la tête du Soviet (Conseil ouvrier) de Pétrograd, pouvait encore écrire en 1906, trente-cinq ans après 1871 :
Ainsi, pendant longtemps, une "véritable république démocratique" dans laquelle le parti prolétarien aurait joué le rôle dirigeant fit-elle figure de forme de la dictature du prolétariat. Ce n'est qu'avec la révolution de 1917 en Russie que les révolutionnaires, et en premier lieu Lénine, comprennent clairement que la "forme enfin trouvée" de la dictature du prolétariat n'est autre que le pouvoir des conseils ouvriers, ces organes apparus spontanément dès 1905 au cours de la lutte révolutionnaire et qui se caractérisent par :
Cette forme spécifique d'organisation de la classe ouvrière est directement adaptée aux tâches qui attendent le prolétariat dans la révolution.
En premier lieu, il s'agit d'une organisation générale de la classe, regroupant l'ensemble des travailleurs. Auparavant, toutes les formes d'organisations ayant existé, y compris les syndicats, ne regroupaient qu'une partie de la classe. Si cela était suffisant pour que le prolétariat puisse exercer une pression sur le capitalisme afin de défendre au mieux ses intérêts dans le système, c'est seulement en s'organisant en totalité que la classe est en mesure d'accomplir sa tâche historique de destruction du système capitaliste et d'instauration du communisme. Si l'action et le pouvoir d'une partie de la bourgeoisie (ses partis politiques) était possible et même nécessaire dans l'accomplissement de sa révolution, c'est que cette classe elle-même ne constituait qu'une partie infime de la population, qu'elle était une classe exploiteuse, et que par ailleurs, seule une minorité d'elle-même pouvait se hisser au-dessus des conflits d'intérêts qui l'ont toujours traversée du fait des rivalités économiques existant entre ses divers secteurs. Par contre, tant du fait qu'il n'existe pas d'antagonismes ni de rivalités au sein du prolétariat que du fait que la société qu'il est appelé à instaurer abolit toute exploitation et toute division en classes, que le mouvement qu'il conduit est "celui de l'immense majorité au bénéfice de l'immense majorité" (Manifeste Communiste), seule son organisation générale est en mesure d'accomplir cette tâche historique.
En deuxième lieu, l'élection et la révocabilité à tout moment des différentes charges, expriment le caractère éminemment dynamique du processus révolutionnaire, le perpétuel bouleversement tant de la société que celui qui traverse la classe elle-même, notamment dans le développement de sa conscience : ceux qui avaient été nommés pour telle ou telle tâche, ou parce que leurs positions correspondaient à tel niveau de conscience de la classe ne sont plus nécessairement à leur place lorsque surgissent de nouvelles tâches ou que ce niveau de conscience a évolué. Elles expriment également le rejet par la classe en action de toute spécialisation définitive, de toute division en son sein entre "masses et chefs", la fonction essentielle de ces derniers (les éléments les plus avancés de la classe ) étant justement de tout faire pour que disparaissent les conditions qui ont provoqué leur apparition : l'hétérogénéité du niveau de conscience dans la classe.
Si dans les syndicats, même quand ils étaient encore des organes de la classe ouvrière, il pouvait exister des fonctionnaires permanents, c'était dû au fait que ces organes de défense des intérêts ouvriers dans la société capitaliste portaient en eux certaines des caractéristiques de cette société. De même qu'il utilisait des instruments spécifiquement bourgeois comme le suffrage universel et le Parlement, le prolétariat reproduisait en son propre sein certains traits de son ennemi bourgeois tant qu'il cohabitait avec lui et que l'heure de sa destruction n'avait pas encore sonné. La forme d'organisation statique des syndicats exprimait le mode de lutte de la classe ouvrière lorsque la révolution n'était pas encore possible. La forme d'organisation dynamique des conseils ouvriers est à l'image de la tâche qui est enfin à l'ordre du jour : la révolution communiste.
De même, l'unité entre la prise de décision et son application exprime ce même rejet de la part de la classe révolutionnaire de toute spécialisation institutionnalisée, elle traduit le fait que c'est toute la classe qui non seulement prend les décisions essentielles qui la concernent mais aussi participe à l'action de transformation de la société.
En troisième lieu, l'organisation sur une base territoriale et non plus professionnelle ou industrielle exprime la nature différente des tâches prolétariennes. Lorsqu'il s'agissait de faire pression sur un patron ou sur un syndicat patronal en vue d'une augmentation des salaires ou de meilleures conditions de travail, l'organisation par métier ou par branche industrielle avait un sens. Même une organisation aussi archaïque que celle du métier permettait une réelle efficacité des travailleurs contre l'exploitation ; notamment, elle empêchait les patrons de faire appel à d'autres ouvriers d'une profession lorsque certains étaient en grève. La solidarité entre typographes, cigariers ou doreurs sur bronze était un embryon d'une réelle solidarité de classe, une étape dans l'unification de la classe ouvrière en même temps qu'elle pouvait faire reculer les patrons. Même si pesaient sur elle les distinctions et divisions propres à l'économie capitaliste, l'organisation syndicale était donc un moyen réel de lutte dans le système. Par contre, lorsqu'il s'agira non plus de faire reculer tel ou tel secteur du capitalisme, mais de s'affronter à lui en totalité, de le détruire et d'instaurer une autre société, l'organisation spécifique des typographes ou des ouvriers du caoutchouc ne saurait avoir le moindre sens. Pour prendre en main l'ensemble de la société, c'est sur une base territoriale que s'organise la classe ouvrière même si les assemblées de base se tiennent au niveau des entreprises.
Une telle tendance existe déjà à l'heure actuelle dans les luttes de résistance contre l'exploitation qui, loin de se donner une forme syndicale, rejettent cette forme pour s'organiser en assemblées générales souveraines, nommer des comités de grève élus et révocables, briser le carcan professionnel ou industriel pour s'étendre au niveau territorial.
D'une part, cette tendance exprime le fait que, dans sa période de décadence, le capitalisme prenant une forme de plus en plus étatique, l'ancienne distinction entre luttes politiques (qui étaient l'apanage des partis ouvriers du passé) et luttes économiques (dont les syndicats avaient la responsabilité) a aujourd'hui de moins en moins de sens : toute lutte économique sérieuse devient politique en s'affrontant à l'Etat : soit à ses policiers, soit à ses représentants dans l'usine, les syndicats. D'autre part, elle indique la signification profonde des luttes présentes comme préparatifs des affrontements décisifs de la période révolutionnaire : même si c'est un aiguillon économique (la crise, l'aggravation intolérable de l'exploitation) qui jette les ouvriers dans ces affrontements, les tâches qui se présentent à eux sont éminemment politiques : attaque frontale et armée contre l'Etat bourgeois, instauration de la dictature du prolétariat.
Cette unité entre le politique et l'économique qu'exprime l'organisation du prolétariat en conseils ouvriers nous amène donc à entrer plus en détail sur les tâches essentielles qui se présentent à lui dans la révolution.
Une des premières questions qui a été comprise par les communistes, notamment dès Babeuf, est que, dans la révolution prolétarienne, l'aspect politique précède et conditionne l'aspect économique. C'est là un schéma complètement opposé à celui qui a prévalu dans la révolution bourgeoise. En effet, l'économie capitaliste s'était développée à l'intérieur de la société féodale, dans les interstices de celle-ci, pourrait-on dire. La nouvelle classe révolutionnaire, la bourgeoisie, pouvait donc conquérir tout un pouvoir économique dans la société alors que les structures politiques et administratives étaient encore liées à la féodalité (monarchie absolue, privilèges économiques et politiques de la noblesse, etc.). Ce n'est que lorsque le mode de production capitaliste était devenu dominant, c'est-à-dire qu'il conditionnait l 'ensemble de la vie économique (y compris celle qui n'était pas directement capitaliste comme la petite production agricole ou artisanale ), que la bourgeoisie, forte de sa puissance matérielle, se lançait à l'assaut du pouvoir politique afin d'adapter celui-ci à ses besoins spécifiques et aplanir le terrain pour une nouvelle expansion économique. Il en fut ainsi, notamment lors de la révolution anglaise de 1640 et de la révolution française de 1789. En ce sens, la révolution bourgeoise parachève toute une période de transition au cours de laquelle se sont développées dans la société féodale, au point de la supplanter, les bases économiques d'une nouvelle société. Tout autre est le schéma de la révolution prolétarienne. Dans la société capitaliste, la classe ouvrière ne possède aucune propriété, aucune assise matérielle tremplin de sa future domination sur la société. Toutes les tentatives inspirées des conceptions utopistes ou proudhoniennes ont échoué : le prolétariat ne peut créer "d'îlots" de communisme dans la société présente. Toutes les communautés ou coopératives ouvrières ont été soit détruites, soit récupérées par le capitalisme. Ce qu'avaient compris Babeuf, Blanqui et Marx contre les utopistes, Proudhon et les anarchistes, c'est que la prise du pouvoir politique par le prolétariat est le point de départ de sa révolution, le levier avec lequel il transformera progressivement la vie économique de la société en vue d'abolir toute économie. C'est pour cela d'ailleurs que, comme l'écrivait Marx, si :
Dans la mesure où le capitalisme avait déjà créé ses bases économiques au moment de la révolution bourgeoise, celle-ci était essentiellement politique. Par contre, celle du prolétariat commence par un acte politique en tant que condition du développement de son aspect non seulement économique mais social, développement qui créera les conditions du communisme.
Ainsi, les Conseils ouvriers ne sont nullement des organes "d'autogestion", c'est-à-dire des organes de gestion de l'économie (c'est-à-dire de la misère) capitaliste. Ils sont l'organe d'abord politique, mais également social que se donne la classe ouvrière pour transformer progressivement la société telle qu'elle sort du capitalisme et vers le communisme.
Après avoir défini le mode d'organisation du prolétariat pour sa révolution et le cadre général de ses tâches, nous verrons plus en détail la nature de ces tâches dans un prochain article.
(D'après Révolution Internationale n°64)La période électorale ouverte actuellement avec les régionales (21 et 28 mars), qui se poursuivra naturellement avec les cantonales puis les européennes du mois de juin, constitue un intense moment de matraquage idéologique contre le prolétariat.
De ce point de vue, l'article de Libération du 3 février, "La tête loin des urnes, un relent de 21 avril 2002", est très représentatif du souci de la bourgeoisie de relancer sa propagande anti-Le Pen au vu du désintérêt que suscite ce scrutin : "A sept semaines du premier tour des élections régionales, l'atonie de l'électorat n'a d'égale que celle qui frappait les français à l'approche du 21 avril 2002". Bien entendu, les différents partis bourgeois y vont aussi de leur couplet à l'image du premier secrétaire du PS, François Hollande, qui a lourdement insisté sur le fait qu'il ne "faut pas oublier ceux qui se font oublier" (meeting du 17 janvier à La Rochelle). Dans le même registre, les associations de chômeurs tels les comités CGT ou Apeis se mobilisent pour que les chômeurs s'inscrivent sur les listes électorales. Le FN lui-même participe à la mobilisation citoyenne des foules, l'une de ses formules de campagne (provocatrice à souhait et bien mise en avant par les médias) étant : "vous avez aimé le 21 avril, vous adorerez le 21 mars". Enfin, tout le barouf autour de la remise en cause juridique de l'éligibilité de Jean-Marie Le Pen en région PACA, "participera, participera pas", ne sert qu'une chose : l'affichage ostensible de l'extrême droite.
Rien ne manque. Tout est en place pour faire mousser "la menace Le Pen" et marteler dans les esprits que "ne pas voter est dangereux". Les prolétaires sont donc pressés de toutes parts pour faire en sorte qu'ils s'acquittent de leur devoir de citoyens. En somme, qu'ils oublient leur identité de classe, une classe qui n'a aucun intérêt à soutenir ou sauvegarder le système qui les exploite, quelle que soit sa forme, démocratique ou totalitaire.
Le bourrage de crâne ne s'arrête pas là. Depuis quelques mois, la classe ouvrière subit une vaste opération promotionnelle en faveur des valeurs républicaines. C'est, entre autres, le débat omniprésent à propos de la loi sur l'interdiction du voile dans les établissements scolaires (voir article p.5) au nom de l'égalité des chances et, par extension, entre les sexes. "Education égalitaire pour tous ? Quelle idée se cache derrière ces mots ? Croit-on que dans notre société actuelle…une éducation puisse être égalitaire pour toutes les classes ?" (Marx, Collected works, vol.4., traduit de l'anglais par nous).
Idem en ce qui concerne l'affaire Juppé ou plus précisément "l'affaire dans l'affaire", celle des pressions exercées sur les juges de Nanterre, replaçant au cœur des débats la question de l'indépendance de la Justice accompagnée de son flot de discours sur la séparation des pouvoirs comme fondement de la démocratie.
Et que dire du tripatouillage, façon Pieds Nickelés, du journal de 20 heures de France 2 le 3 février ? L'annonce bidon du retrait de Juppé de la scène politique lâchant la bonde aux lamentations et aux "terribles inquiétudes" des démocrates de tous poils au sujet du "principe d'honnêteté de l'information". Parce que nous devrions croire sur parole que les médias de la classe dominante ont toujours eu le souci jusqu'à présent de dire la vérité, et rien que la vérité, à la classe exploitée ? C'est vraiment prendre les ouvriers pour des demeurés !
Alors que la loi de remise en cause des retraites a été adoptée, que les licenciements dans le privé et les suppressions de poste dans le public continuent à s'aggraver, et qu'une réforme de l'assurance maladie se prépare à aller encore plus loin dans la dégradation des conditions de vie de la classe ouvrière, à quoi sert tout ce remue-ménage ? Il s'agit pour la bourgeoisie d'éloigner, coûte que coûte, les ouvriers de tout questionnement sur la faillite du système capitaliste en les inondant de débats sur "l'avenir républicain".
Pour la classe ouvrière, l'avenir ne dépend certainement pas du cirque électoral ni de la défense des valeurs républicaines bourgeoises mais exclusivement du développement de la lutte de classe.
Azel (20 février)
L'Irak est un pays
livré au chaos. Il ne se passe pas un jour sans attentats, sans
attaques armées frappant aveuglément la population civile,
mais aussi, et c'est un signe de l'évolution de la situation,
l'armée américaine, la police irakienne, les communautés
sunnite, chiite et kurde. Plus personne, plus rien n'échappe
en Irak à ce qui pourrait rapidement dégénérer
en guerre civile. C'est en ce sens que le général John
Abizaid, chef du commandement central américain a déclaré
: "s'attendre avec l'approche de la date de passation du pouvoir
(prévue pour le 30 juin 2004), à une recrudescence des
actes de violence en Irak à ce que la multiplication des attaques
ne pousse des groupes locaux à la confrontation menant ainsi
à une dégradation et préparant le terrain à
une guerre civile." (Cité par Courrier International du
2 février 2004). Le 1er février dernier, un double attentat-suicide
visait les sièges des deux principaux partis Kurdes, le PDK (Parti
démocratique du Kurdistan) et l'UPK (Union patriotique du Kurdistan).
Ce double attentat qui a fait plus de 100 morts et 133 blessés,
a ramené sur le devant de la scène l'épineuse question
kurde. Dans le chaos interne à la situation en Irak, il est une
réalité maintenant indéniable : les dirigeants
kurdes irakiens réclament avec de plus en plus d'insistance un
système fédéral qui traduirait leur autonomie de
fait, en réalité institutionnelle. Les Kurdes d'Irak font
savoir de plus en plus fort leurs réelles prétentions
: une autonomie kurde sur une base ethnique, avec en plus la ville de
Kirkuk comme métropole. Cet état de fait ne peut se traduire
que par une montée de la violence attirant le mécontentement
turc, iranien, sunnite et chiite. Le Kurdistan irakien est aujourd'hui
une poudrière qui pourrait bien embraser toute la région.
Cependant, le danger pour la stabilité de la région provenant
de la poussée des exigences kurdes, n'est rien par rapport à
celui représenté par l'échec du plan américain
voulant placer à la tête de l'Irak un gouvernement fantoche
entièrement dévoué à la défense des
intérêts de l'impérialisme américain. "Je
suis iranien et Paul Bremer est américain. Pourquoi ne pas laisser
le peuple d'Irak décider de son sort ?" : c'est en ces termes
que l'ayatollah Al Sistani a rejeté la proposition de rencontrer
l'administrateur américain. Le plus influent dignitaire chiite
réclame une élection générale où
un homme correspondrait à un vote. Cela se comprend aisément
puisque la population chiite est la plus nombreuse en Irak. Cette perspective
ne peut que contrarier très fortement l'administration américaine,
tant le lien entre les chiites irakiens et iraniens est fort. Elle ne
peut rencontrer que la désapprobation des minorités sunnites
et kurdes. L'impérialisme américain, et ceci malgré
l'incroyable dispositif militaire dont il dispose dans cette partie
du monde est dans l'incapacité d'empêcher la décomposition
de la société irakienne. C'est donc contrainte et forcée
que l'Amérique se tourne vers les Nations Unies, après
leur avoir refusé tout rôle jusqu'à présent.
C'est par l'intermédiaire de Paul Bremer que l'ONU est sollicitée
pour participer activement à soulager les Etats-Unis du fardeau
irakien. L'expression des réticences de Kofi Annan, secrétaire
général de l'ONU, ne s'est pas faite longtemps attendre.
Celui-ci a déclaré avoir "souhaité disposer
d'éléments supplémentaires avant d'envoyer une
mission d'élections en Irak." Mais l'opposition la plus
forte à la demande américaine est venue inévitablement
des principales puissances impérialistes rivales que sont la
France et l'Allemagne. Ces puissances auxquelles on peut rajouter notamment
la Russie ne peuvent que se réjouir du bourbier dans lequel s'enfoncent
progressivement les Etats-Unis en Irak. Dans cette foire d'empoigne
entre bandits impérialistes, chacun se doit de profiter immédiatement
des faiblesses de l'adversaire. Le nombre de morts grandissant en Irak
n'a strictement aucune importance à leurs yeux et les larmes
de crocodiles versées au moment de l'invasion américaine
en Irak par tous nos politiciens bourgeois apparaissent de plus en plus
nettement pour ce qu'elles étaient réellement : des mensonges
chargés d'alimenter une campagne idéologique anti-américaine.
Aujourd'hui la France et l'Allemagne, alliées de circonstance,
font monter les enchères et réclament en contrepartie
une politique indépendante de sécurité et de défense
européenne. Cette éxigence a été immédiatement
rejetée à Davos par Dick Cheney (vice-président
américain). L'administration américaine n'a pour le moment
aucune porte de sortie du piège irakien qui se solde aux yeux
du monde comme un revers cinglant.
Cette situation est d'autant plus préoccupante pour la bourgeoisie
américaine que le conflit israélo-palestinien est loin
de marquer le pas, comme ont voulu le faire croire les médias.
L'annonce par le premier ministre israélien Ariel Sharon de son
intention de faire évacuer la majorité des colonies juives
de Gaza a certainement un contenu idéologique en direction de
la population israélienne harassée par la guerre et la
misère grandissante. Mais là n'est pas l'aspect essentiel,
calmer le jeu à Gaza pour Sharon, c'est s'ouvrir la possibilité
d'implanter de nouvelles colonies en Cisjordanie. Le général
Bron du Centre Jaffée des Etudes Stratégiques, a déclaré
: "Que Sharon n'accepterait, au mieux qu'un minuscule Etat palestinien
en Cisjordanie, ce qui serait inacceptable pour les palestiniens donc
le conflit continuera." Embourbée en Irak, l'administration
Bush démontre des difficultés croissantes à freiner
l'appétit impérialiste israélien. Cet affaiblissement
de l'impérialisme américain ne pouvait que se traduire
aux États-Unis mêmes par une pression croissante sur le
Président Bush et son administration. David Kay, ancien chef
de l'équipe constituée par les Américains pour
retrouver les armes de destruction massive, a affirmé publiquement
: "Que si on ne les avait jamais trouvées, c'est qu'elles
n'ont jamais existé". Cela a porté un rude coup à
l'équipe Bush et Blair qui se font aujourd'hui de plus en plus
traiter de manipulateurs dans les grands médias nationaux. Une
grande partie de la bourgeoisie américaine est consciente de
la gravité de cette situation. C'est pour cela qu'elle favorise
au sein du camp démocrate la candidature de Kerry à la
prochaine élection présidentielle aux États-Unis.
Une nouvelle administration américaine permettrait sans doute
à l'État américain de tenter de gérer la
crise irakienne en amoindrissant momentanément les tensions internationales
entre les grandes puissances rivales, ainsi qu'en tentant d'apaiser
les exigences communautaires internes à l'Irak.
Ces tentatives au sein de la bourgeoisie américaine pour essayer
momentanément de calmer le jeu ne doit en aucun cas entraîner
d'illusions au sein de la classe ouvrière sur la possibilité
de retrouver réellement un jour la paix en Irak, et ceci quelle
que soit l'équipe au pouvoir à la Maison Blanche. A Davos,
entre le 23 et le 28 janvier dernier, Dick Cheney a rappelé au
monde entier que "l'administration Bush poursuivait vigoureusement
la transformation démocratique du grand Moyen-Orient", réaffirmant
que "l'Amérique était en guerre, contre le terrorisme,
les États voyous et les États qui haïssent l'Amérique",
ajoutant que "cette guerre se poursuivrait". Une administration
démocrate aux États-Unis ne pourrait en aucun cas, à
terme, changer le fond de cette politique guerrière. La faillite
du capitalisme, l'enfoncement de son système dans la décomposition
de toute la société ne peut que pousser en avant l'affrontement
entre toutes les puissances impérialistes, et en premier lieu
entre les plus puissantes d'entre-elles. Si aujourd'hui c'est l'impérialisme
américain qui apparaît le plus belliqueux, c'est que son
leadership mondial est de plus en plus contesté et malmené
sur l'arène mondiale. Chaque État est poussé à
défendre militairement ses propres intérêts nationaux.
La barbarie capitaliste ne peut que continuer à s'étendre
au Moyen-Orient. L'humanité est placée devant l'alternative
: communisme ou chute dans la barbarie. Le prolétariat doit plus
que jamais prendre conscience de ce que nous disait Rosa Luxembourg
dans le programme du groupe Spartakus en décembre 1918 : "Ou
bien le maintien du capitalisme, de nouvelles guerres et la chute prochaine
dans le chaos et l'anarchie, ou bien la suppression de l'exploitation
capitaliste"
Le Forum Social
Mondial (FSM) qui, depuis sa création, s'était tenu annuellement
à Porto Alegre au Brésil, s'est déroulé
en 2004 à Bombay en Inde entre le 16 et le 21 janvier. Le FSM
de Bombay n'était pas différent des autres rassemblements
du même type - il comportait tous les attributs d'une gigantesque
foire (il s'est d'ailleurs déroulé dans le Parc National
des Expositions où se tiennent habituellement des Foires commerciales)
au goût "ethnique" et "tribal" prononcé.
Le spectacle a été indéniablement gigantesque -près de 80 000 personnes venues de 132 pays auraient participé
aux 1200 forums organisés autour du FSM. Un plus grand nombre
encore a rejoint la manifestation anti-américaine organisée
le 21 janvier 2004, dernier jour du FSM.
Le FSM avait l'allure d'une grande fête sociale et politique,
bien qu'aucun parti ou organisation politique n'ait été
présente avec son propre nom ou son propre drapeau. Il semblait
y en avoir pour tous les goûts. De nombreux séminaires
et ateliers se sont tenus sur toutes sortes de sujets. Quantité
de programmes et de spectacles culturels se sont également déroulés
en différents lieux dans l'enceinte du Forum social. L'ensemble
de l'enceinte du Forum était occupé par une foule immense,
bruyante, agitée, bourdonnante et occupée à l'une
ou l'autre activité.
Parmi les participants, il y avait aussi de nombreux jeunes. La plupart
d'entre eux semblaient aux anges, comme si leur participation à
ce forum constituait une étape très importante sur le
chemin de la réalisation de leur but d'un autre monde sans impérialisme,
sans aucune sorte de capitalisme, guerre, pollution, exploitation, répression,
domination, discrimination. Il y avait de grandes quantités d'affiches
et de banderoles dédiées au thème central : "Un
autre monde est possible". La mondialisation était dénoncée
comme le plus grand monstre et la cause de tous les maux sociaux, politiques
et économiques dans le monde entier. L'impérialisme (en
fait l'impérialisme américain) était présenté
comme la chose la plus diabolique du monde actuel, ce qui, de ce fait,
impliquait de se mobiliser sur la nécessité de la lutte
et du front anti-impérialistes. Certaines affiches affirmaient
le droit à la nationalité et à l'indépendance
nationale. Des hymnes à la démocratie et au contrôle
démocratique étaient chantés dans un certain nombre
de slogans et d'affiches. Certaines affirmaient des revendications pour
les droits de l'homme, les droits des réfugiés et pour
la protection de l'environnement. Il y avait également des mots
d'ordre contre l'occupation de l'Irak, la revendication de la fin de
cette occupation et de la liberté de la population irakienne
de choisir son propre régime politique et social. D'autres slogans
s'attaquaient aussi à l'occupation de l'Afghanistan. En fait,
tout cela donnait l'image d'un kaléidoscope politique bigarré
et aveuglant. Des revendications pour les droits et l'émancipation
des femmes étaient également affichées avec vigueur.
Des slogans contre la ségrégation et les attaques contre
les Dalits (membres de la caste inférieure), pour l'harmonie
communautaire, les droits et l'émancipation des Dalits étaient
également affichés afin d'apporter une "touche indienne"
à ce grand "show international". Cependant, le plus
attractif de tout était la formule accrocheuse "Un autre
monde est possible".
Nous avons souvent montré que la bourgeoisie mondiale a tout fait pour annihiler la conscience de la classe ouvrière au lendemain de l'effondrement de la bourgeoisie stalinienne dans l'ex-URSS. Elle a tenté d'anéantir toute idée de la nécessité de détruire le système capitaliste. Les idéologues du capital ont martelé jour après jour qu'"Il n'existe pas d'alternative à l'économie de marché". Cette propagande mensongère n'a pas été sans impact. Mais avec l'approfondissement de la crise, répandant de plus en plus la misère et les guerres génocidaires, la nature mensongère de cette propagande est devenue plus évidente. La classe ouvrière a commencé à retrouver le chemin de ses combats de classe et a amorcé un processus de questionnement sur le système capitaliste. Cela a également provoqué une légitime colère au sein de la population partout dans le monde contre les fauteurs de guerre, les gangsters impérialistes.
La bourgeoise a décelé cette fermentation naissante au
sein du prolétariat, et elle s'est mise en devoir de trouver
de nouveaux instruments de mystification pour contenir ce processus
émergent. Le FSM, avec ses simulacres "d'alternatives",
est alors apparu comme un important instrument de la bourgeoisie pour
contenir la classe ouvrière mais aussi comme instrument des rivalités
impérialistes. Les médias bourgeois à travers le
monde ont tout fait pour mettre le pied à l'étrier au
FSM.
Bien avant le début du FSM 2004, les médias bourgeois
en Inde, suivant fidèlement les pas de leurs pairs occidentaux,
ont fait de la propagande pour ses vertus. La télévision
et la presse indiennes ont couvert l'événement avec sympathie.
Le monde indien du commerce et de l'industrie lui a accordé "le
respect qui se doit" en tant qu'expression légitime d'une
opposition. De plus, le succès du FSM à Bombay a été
assuré par la sympathie apportée par le parti du Congrès
- autrefois parti dominant en Inde et toujours dominant à Bombay
- avec la participation du parti bourgeois Dalit (parti républicain),
partenaire du Congrès au sein du gouvernement de coalition de
Bombay. Ces derniers ont apporté une touche "ethnique"
au FSM. La majorité des forums était présidée
par des politiciens indiens de haut rang connus pour leurs relations
avec les "castes inférieures" - VP Singh, l'ex-Premier
Ministre indien, célèbre pour avoir provoqué des
affrontements entre castes ayant comme but le renforcement de l'Etat
indien, et R.K Naryanan, l'ex-Président indien. Tous deux ont
été, à un moment ou à un autre, des piliers
du parti du Congrès.
Mais les principaux organisateurs du FSM en Inde ont été
les partis staliniens - le PCI (M comme "marxiste") et le
PCI. Pour ce faire, ils ont mobilisé leurs appareils nationaux.
Le bureau du FSM à Bombay était hébergé
dans un immeuble appartenant au parti stalinien, "Place Stalingrad
". Les organisations de jeunesse staliniennes ont fourni des volontaires
au FSM. Les intellectuels staliniens ornaient de leur présence
les estrades de nombreux forums du FSM. Comme partout dans le monde,
les staliniens en Inde et également les maoïstes ont cherché
à faire peau neuve en collant au processus de questionnement
qui se développe au sein de la classe exploitée. En outre,
en tant que loyaux serviteurs du capital, les staliniens de tout poil
ont tenté de récupérer, de canaliser ce processus
de questionnement.
Etait également présent au FSM de Bombay un grand nombre
d'organisations non gouvernementales qui fournissent une couverture
idéologique aux attaques portées par les Etats contre
le salaire social. Il y avait aussi ces personnalités omniprésentes-
les gens du Monde Diplomatique, le leader des agriculteurs français
José Bové, les parlementaires travaillistes britanniques
Clare Short et Jeremy Corbin-, Winnie Mandela et consorts.
Suivant différentes sources, il apparaît clairement qu'une
somme énorme d'argent a été dépensée
pour la tenue du FSM de Bombay, 29,7 millions de dollars suivant l'une
d'entre elles. Une proportion considérable de ce montant a été
fournie par des fondations comme Oxfam ou la Fondation Ford. L'Etat
capitaliste et impérialiste de l'Inde a également tendu
sa main charitable pour assurer le succès de ce forum… "anti-impérialiste
et anticapitaliste" ! En fait, diverses fractions de droite comme
de gauche de la bourgeoisie mondiale, soit à travers différentes
ONG, soit à travers des dons et des contributions de fondations
et de trusts parfaitement capitalistes ou de partis et organisations
de masse de gauche, ont apporté leur soutien face à l'énorme
charge financière qu'a représenté l'organisation
de ce vaste spectacle avec un objectif politique bien défini
et délibéré : renforcer la défense du système
capitaliste mondial décadent.
Le FSM de Bombay a repris à son compte tous les slogans bien
connus et d'autres encore. Il y a eu des forums sur "le commerce
équitable", sur la démocratie citoyenne, sur l'autogestion
et beaucoup d'autres thèmes du même genre. La coloration
indienne, nécessaire pour répondre aux besoins des staliniens
du pays et de la bourgeoisie Dalit (caste inférieure) était
fournie par l'anti communalisme et "l'émancipation Dalit".
Mais le thème principal du show du FSM de Bombay a été
l'impérialisme ou, selon les termes des maoïstes, la "mondialisation
impérialiste". L'anti-impérialisme du FSM n'était
rien d'autre que de l'anti- américanisme. Avec des slogans comme
"Etats-Unis hors d'Irak", "Bush hors d'Afghanistan"
en clôture de la manifestation, le FSM s'est joint au chœur
des rivaux impérialistes de l'Amérique. Il n'y a pas eu
de dénonciation des autres gangsters impérialistes tels
que la France, l'Allemagne, la Russie ou la Chine pour ne pas mentionner
le gangster impérialiste local, l'Etat indien. Dans ce contexte,
il aurait été futile de vouloir rencontrer des tentatives
pour aller aux racines de l'impérialisme.
Le FSM de Bombay a bien sûr constitué le spectacle le
plus important entre le 16 et le 21 janvier 2004. Mais copiant le spectacle
du Forum Social Européen de Paris en novembre 2003 et s'en inspirant,
deux spectacles parallèles ont été organisés
pendant cette période par des groupes maoïstes rivaux, tous
deux sur le même thème : l'anti-impérialisme ou
l'anti-américanisme.
Le Forum "Mumbay (Bombay) Resistance 2004 " (MR-2004), second
par la taille, s'est déroulé dans les locaux de l'Ecole
Vétérinaire, en face du lieu de rencontre du FSM. Il s'est
tenu à l'initiative de l'ILPS (Ligue internationale des luttes
du Peuple), réseau international des groupes maoïstes et
de leurs partisans d'autres pays, y compris d'Europe - par exemples
la Turquie, l'Italie, l'Allemagne, la Belgique, la Grande-Bretagne,
la Grèce, etc. Les organisateurs indiens étaient les organisations
de façade des maoïstes, notamment ceux du Groupe de la Guerre
du Peuple (MPWG) - qui a récemment tenté d'assassiner
le ministre de l'Etat d'Andhra dans le Sud de l'Inde. Le MR ne se considère
pas complètement en opposition au FSM mais comme mouvement parallèle
à celui-ci. Cela s'est exprimé à plusieurs niveaux.
De nombreuses personnalités, essentiellement des indiens, par
exemple Arunditi Roy, Nandita Das, Vandana Shiva et d'autres, ont parlé
à la fois dans les réunions du FSM et dans celles du MR.
Un grand nombre de participants s'est déplacé d'un forum
à l'autre.
Le principal thème du MR 2004 était le même que
celui du FSM : l'impérialisme, la mondialisation impérialiste,
suivant les termes du MR. On a fustigé l'impérialisme
américain, sans doute avec plus de véhémence mais
en passant toujours sous silence les appétits des rivaux des
Américains, dont la bourgeoisie indienne n'est pas le moindre.
Une couverture radicale à l'anti-américanisme du FSM,
voilà ce que toute la rhétorique maoïste s'est bornée
à apporter.
Bien que ces manifestations aient toutes deux servi à canaliser
le mécontentement de la population sur le terrain du capital
et du nationalisme, il y avait une différence dans leur audience.
Celle du FSM était fortement internationale à prédominance
urbaine petite-bourgeoise avec une troupe "ethnique" et "tribale"
proposant des spectacles folkloriques. Au MR, où il y avait aussi
une importante participation internationale, assistaient la petite-
bourgeoisie radicale et les paysans.
La "Convention contre la mondialisation impérialiste"
constituait une troisième manifestation, plus petite ; elle a
duré 3 jours, s'est tenue non loin des lieux de rencontre du
FSM et du MR. Elle a été organisée par l'un des
nombreux groupes maoïstes (Nouvelle démocratie). Mises à
part d'obscures différences entre le MR et cette 3e convention,
cette démonstration était purement locale avec un seul
étranger, un allemand qui apportait la touche "blanche".
Le CCI est intervenu dans ces trois manifestations. Comme lors du FSE
de Paris en novembre 2003, l'objectif du CCI n'a pas été
d'intervenir dans les conférences, etc. Nos camarades, venus
de différentes régions de l'Inde, sont intervenus avec
des tracts, la presse régulière et d'autres publications.
Pendant ces interventions, nous avons eu des centaines de discussions
à propos de ces événements. Les principales questions
qui sont revenues sans cesse dans ces discussions étaient :
Il ne peut y avoir rien d'équitable dans le commerce, qu'il soit
libre ou protégé. Celui-ci a toujours été
et sera toujours favorable aux capitalistes les plus puissants ou aux
Etats capitalistes. Le CCI a également mis en avant que le caractère
mondial du capitalisme n'est pas une nouveauté. Le capitalisme
a été un système mondial depuis sa création
et il a englobé toute la planète depuis la fin du XIXe
siècle. Déjà en 1848, dans le Manifeste communiste,
Marx et Engels ont démontré la nature internationale du
système capitaliste. Ils mettaient en avant que la destruction
du système capitaliste par le prolétariat ne pouvait se
faire que par une révolution mondiale. Aujourd'hui, dans la période
de décadence et de décomposition du capitalisme, le prolétariat
n'a pas à défendre les particularités nationales
contre la nature mondiale du système capitaliste. Au contraire,
sa tâche est de détruire ce système au niveau mondial,
en même temps que le cadre des Etats nationaux et de le remplacer
par la communauté communiste universelle. Tous les discours sur
le commerce équitable, l'anti-mondialisation ou sur "un
autre monde est possible ", sans dégager une perspective
communiste, correspondent à la mystification réformiste
dont le but est de stopper le processus naissant de prise de conscience
qui s'opère au sein de la classe ouvrière.
A propos de l'impérialisme, nous avons souligné qu'il
n'est pas le fait de telle ou telle nation, de telle ou telle faction
de la bourgeoisie. Aujourd'hui, le capitalisme comme un tout est impérialiste
et de ce fait, toutes les nations, petites ou grandes, sont impérialistes.
Elles sont mues par les mêmes appétits impérialistes
- seules diffèrent leur capacité à les satisfaire.
Le fait que la classe dominante anglaise semble se comporter comme le
"toutou" des Etats-Unis, que des nations comme la France,
l'Allemagne, la Russie, la Chine se fassent botter les fesses par la
bourgeoisie américaine, ou que le Pakistan, l'Irak ou l'Inde
subissent un sort similaire, ne signifient pas que ces nations ne sont
pas impérialistes. Dans un monde gouverné par la loi du
milieu, tous ces autres pays ne sont pas autre chose que des gangsters
de moindre envergure qui doivent satisfaire leurs appétits impérialistes
dans les limites imposées de façon violente par le caïd
en chef, la bourgeoisie américaine. La tâche de la classe
ouvrière n'est pas de jouer le jeu des petits impérialismes
contre les Etats-Unis, cette tâche c'est celle qu'assurent le
FSM, le MR et les autres.
Ces discussions nous ont souvent amené à traiter des "alternatives"
des maoïstes - leur patriotisme, la démagogie de la Démocratie
du Peuple ou de la Nouvelle Démocratie. La politique des maoïstes,
nous le soulignons, est à l'opposé de celle que le prolétariat
a toujours défendue : l'internationalisme. A l'apogée
du capitalisme, en 1871, lorsque, à leur point de vue, le nationalisme
allemand était encore progressif, Marx et Engels ont pris une
position internationaliste dans la guerre franco-prussienne. Les socialistes
allemands ont été jetés en prison pour avoir refusé
d'assurer la défense nationale. Pendant la Première Guerre
mondiale, les communistes ont défendu l'internationalisme. Lénine
a avant tout mené un combat rude et impitoyable contre la trahison
patriotique de Kautsky et consorts. Contrairement aux marxistes qui
ont toujours fait de l'internationalisme la pierre angulaire de leur
politique, les maoïstes et les staliniens proclament leur patriotisme
haut et fort. Cela concorde parfaitement avec leur nature de classe
- ils sont de parfaits défenseurs du capital national, de l'Etat
national. La théorie de "l'Inde sous hypothèque"
(ou bien, dans le même genre, la Turquie, l'Iran, la Syrie ou
l'Afrique du Sud sous hypothèque suivant les maoïstes respectifs
de ces pays) maintient la classe ouvrière sous le joug du capital
national.
Le maoïsme dit à la classe ouvrière des pays du Tiers
Monde - ne luttez pas pour la destruction du système capitaliste
et de ses appareils nationaux. Donnez plutôt votre vie à
l'Etat national parce qu'il a été hypothéqué.
Contre tous ces discours, nous avons mis en avant que, partout, la tâche
de la classe ouvrière est de lutter pour la destruction du capitalisme
et de l'impérialisme de sa propre bourgeoisie, de travailler
pour la construction d'une société sans classes, sans
argent et basée sur l'élimination des Etats nationaux.
Près de 40 morts, 150
blessés, c'est le triste bilan de l'attentat meurtrier qui s'est produit début
février dans le métro de Moscou. Ce nouvel épisode sanglant vient s'ajouter aux
44 victimes d'un attentat à la bombe contre un train de banlieue dans le Sud de
la Russie en décembre 2003.
Comme en 1999 (300 morts
dans des destructions d'immeubles en banlieue ouvrière), le terrorisme vient
frapper des innocents, dans la population civile et notamment au sein de la
classe ouvrière qui emprunte ces moyens de transport pour se rendre au travail.
Déjà chair à canon dans les conflits militaires, c'est principalement les
ouvriers qui sont assassinés, mutilés, traumatisés par ces actes terroristes.
Mais le plus terrible, c'est qu'en plus, la bourgeoisie utilise ce climat de
terreur pour détruire l'unité de classe du prolétariat et instiller le poison
du nationalisme. La propagande du Kremlin désigne à la vindicte populaire la
population tchétchène comme responsable des attentats et organise une brutale
chasse au faciès caucasien, cherchant à masquer ainsi sa responsabilité
première dans ces actes terroristes. Comme en 1999 ou lors de la prise d'otages
du théâtre de Moscou en novembre 2002, l'Etat russe organise sur fond
d'élections présidentielles truquées, une ambiance propice aux agressions
racistes et à la xénophobie en désignant de façon abjecte comme bouc émissaire,
la communauté caucasienne. Avec des slogans haineux comme "Il faut virer
tous les basanés de Russie !" ou "Il faut ratisser Moscou comme elle
l'a été par les services spéciaux avant les Jeux olympiques de 1980", la
bourgeoisie russe justifie la mise sur pied d'un flicage et d'un quadrillage en
règle de tout le pays et c'est une partie de la classe ouvrière qui est
directement victime de cette répression. La presse signale que de nombreux
caucasiens sont victimes de passages à tabac, d'agressions physiques, voire de
lynchages.
Face à cette ambiance délétère et nauséabonde, il est nécessaire de dénoncer
les vrais coupables de cette terreur terroriste et policière. L'horreur
terroriste est le produit direct des tensions guerrières entre les milices
sanguinaires tchétchènes de Maskhadov et Bassaev et la barbarie guerrière de
l'Etat russe en Tchétchénie.
Comme nous l'avons souvent défendu dans notre presse[1], le
terrorisme au cours des années 1980 est devenu une arme de la guerre
impérialiste, au sens où ce sont les Etats eux-mêmes qui prennent en charge et
utilisent le terrorisme comme arme de la guerre entre Etats. Les grandes
puissances n'hésitent pas à utiliser le terrorisme et à manipuler les opinions
publiques pour justifier leurs interventions militaires comme on l'a vu en
Afghanistan avec les Etats-Unis, suite aux attentats du 11 septembre ou pour la
Russie avec la Tchétchénie en 1999. Récemment, les médias ont révélé que les
attentats à Moscou en 1999 avaient été perpétrés avec des explosifs fabriqués
par des militaires et que Poutine le chef du FSB (ex-KGB) à l'époque, en était
probablement le commanditaire. Ces attentats avaient permis de justifier la
seconde guerre russe contre les milices tchétchènes, qui fut un véritable bain
de sang pour la population. Aujourd'hui, cette nouvelle vague d'attentats
signifie que l'Etat impérialiste russe s'enlise dans le conflit tchétchène et
que la relative paix de ces derniers mois vole en éclats. C'est une nouvelle
démonstration que le terrorisme est un produit de la décomposition profonde du
système capitaliste, dont la Russie est une partie des plus atteintes[2]. En
effet, que ces attentats aient été commandités par Maskhadov le chef des
indépendantistes tchétchènes, comme l'assène Poutine, ou par les services
secrets de Moscou pour susciter l'union nationale en vue d'une accentuation de
la pression militaire en Tchétchénie, voire par d'autres, ils révèlent une fois
de plus que le terrorisme est un moyen de pression sordide dans les règlements
de compte entre fractions bourgeoises rivales. Après 4 ans de guerre en
Tchétchénie, la situation est catastrophique. Outre les milliers de morts dans
les deux camps, la population tchétchène est coincée entre les exactions de
l'armée russe et le terrorisme exercé à son encontre par les bandes tchétchènes
sans scrupule qui s'entretuent pour le contrôle de territoires et trafics en
tous genres. Avec la bénédiction des grandes démocraties occidentales, Poutine
a organisé un simulacre de référendum par lequel la Tchétchénie renonce à
l'indépendance et demeure au sein de la fédération de Russie, avec à sa tête un
président fantoche et corrompu, Kadyrov, à la botte de Moscou. Coûte que coûte,
Moscou veut empêcher l'éclatement de la Fédération russe et de leur côté, les
bandes tchétchènes négocient leur part de territoire et de zone d'influence.
Cet antagonisme irrémédiable ne peut que conduire à une accentuation de la
barbarie et du chaos en Tchétchénie et dans le Nord du Caucase. Comme le
souligne un article de la presse russe, "Inutile d'espérer une
amélioration du bien-être et de la sécurité des Moscovites tant que les
habitants de Grozny ne connaîtront pas eux-mêmes stabilité et sécurité.
Malheureusement, ce ne sont pas les milliards de roubles versés par le budget
fédéral qui suffiront à compenser les dommages de la guerre : sous le régime
tchétchène actuel, l'argent s'évapore sur le trajet entre Moscou et Grozny.
Quant au 'règlement politique' avec un Kadyrov qui, à peine élu (nommé) au
poste suprême, a commencé à réclamer des relations spéciales avec Moscou, il ne
peut qu'échouer." (Courrier International n°693, du 12 au 18 février 2004,
page 14).
Les attentats de Moscou viennent s'ajouter à la longue liste macabre des
exactions et attentats dont souffrent la population et le prolétariat dans de
nombreuses régions du monde avec pour corollaire des conflits militaires de
plus en plus meurtriers.
Face à une telle barbarie, les organisations révolutionnaires ont la
responsabilité de réaffirmer toute leur solidarité avec les prolétaires et
leurs familles victimes de ces attentats de même qu'avec leurs frères de
classe, les ouvriers caucasiens, victimes du climat xénophobe dont sont responsables
aussi bien la bourgeoisie russe que tchétchène.
Contre la terreur policière, le terrorisme bourgeois et la guerre impérialiste,
le prolétariat doit résister et réaffirmer son identité de classe. Contre les
divisions raciales, l'esprit de pogrom[3]
entretenus par la classe bourgeoise, le prolétariat doit réaffirmer son unité
et sa solidarité de classe pour faire reculer la barbarie capitaliste !
Donald (20 février)
Aux éditions Denoël a été publié il y a quelques mois un livre pompeusement appelé Histoire générale de l'ultra-gauche. Son auteur, Christophe Bourseiller, nous est présenté comme écrivain et journaliste, "spécialiste de l'extrême gauche". D'après la page de couverture, il en serait à son 25e ouvrage en 15 ans. En réalité, ce fils à papa, rejeton d'un célèbre metteur en scène de théâtre, est un petit-bourgeois "touche-à-tout" qui, après une brève carrière comme acteur de cinéma puis après avoir tâté de la télévision, s'est essayé au journalisme (embauché un temps par Paris-Match). Il a même monté sa petite affaire, publiant de façon éphémère dans les années 1980 un hebdo du parisianisme "branché" à la mode "underground", 7 à Paris, se voulant concurrencer L'Officiel des Spectacles. Le personnage a fini par trouver son filon et faire carrière en exploitant ses "fréquentations" dans les "milieux" de l'extrême gauche comme de l'extrême droite afin d'y débusquer "les ennemis du système" (titre significatif de son premier livre). Tour à tour, la "nouvelle extrême droite", les maoïstes, les situationnistes, les trotskistes- des lambertistes à LO-, seront la cible de ses enquêtes. Aujourd'hui, ce personnage (avec son filon consistant à vendre des espèces de "guides du routard" à usage de vulgarisation du tourisme politique fleurant l'exotisme et la marginalité) nous livre le "nec plus ultra" de sa quête d'infos "people" d'un nouveau style dans un magma aux confins du gauchisme, de l'anarchisme, du modernisme, voire de la mouvance terroriste. Cela lui permet de créer la confusion entre des organisations authentiques de la Gauche communiste et de petits groupes modernistes ou semi-anarchisants, en les ficelant tous dans le même sac sous l'étiquette "ultra-gauche". Et bien entendu, il cherche ainsi à ridiculiser et à discréditer les véritables organisations révolutionnaires de la classe ouvrière. C'est pour cela qu'il est de la responsabilité des organisations de la Gauche communiste de se défendre en dénonçant haut et fort le livre de Bourseiller (comme l'a fait déjà le PCI dans Le Prolétaire n° 470, daté de décembre 2003/janvier 2004.
De l'expérience historique du mouvement prolétarien,
de ses combats, de ses intérêts, de sa conscience politique,
il n'en sera évidemment pas question dans ce livre. Il saute
aux yeux que la classe ouvrière en est totalement absente, elle
est manifestement étrangère et indifférente à
son auteur. Il se confirme rapidement que cette prétendue "histoire
générale" sonne singulièrement creux et sans
autre intérêt que de souligner l'étroitesse d'esprit,
la bêtise des jugements à l'emporte-pièce de cet
aventurier arriviste et surtout sa malhonnêteté. Que le
livre d'un bourgeois ou d'un petit-bourgeois sur le mouvement révolutionnaire
soit tendancieux et empreint de préjugés de classe, n'est
pas d'une grande originalité. Ce qui est inadmissible et écœurant,
c'est la méthode et les procédés qu'il utilise.
Nous ne nous trouvons nullement en présence du travail respectable
d'un historien ni même d'un journaliste sérieux. Il n'y
a pas dans ce livre la moindre rigueur professionnelle dont le minimum
serait de vérifier et de recouper entre plusieurs sources les
"informations" qu'il dévoile. Ce n'est pas le cas.
L'ouvrage est bourré d'erreurs et de contrevérités.
Et quelles sources ? Il se garde bien de s'adresser directement aux
organisations de la Gauche communiste elles-mêmes mais récolte
délibérément les interviews d'éléments
en rupture et à la dérive qui viennent apporter une caution
ou un concours à ses potins et commérages. Car il s'agit
ici non pas d'histoire mais de petites histoires. Non content de recueillir
potins, ragots et commérages, il passe son temps à aligner
des noms, ce qui n'a d'autre intérêt que de désigner
nommément à la police qui est membre de telle ou telle
organisation, qui était présent à telle ou telle
réunion dans la droite ligne des rapports de flics et avec des
méthodes dignes des indicateurs des renseignements généraux.
Pour ajouter un peu de liant, il se livre à une compilation d'autres
ouvrages émanant soit d'articles tirés de différentes
publications, soit d'échotiers du style Hempel ou de pseudo-sommités
qui se présentent comme des spécialistes de la Gauche
communiste, tel Bourrinet.
Il est aussi significatif de voir ce que sont devenus les deux groupes
envers lesquels "l'auteur" professe une certaine admiration
et auxquels il consacre près de la moitié des pages de
son livre, l'Internationale Situationniste (IS) et Socialisme ou Barbarie
(S ou B). Ces deux organisations ont disparu de la scène historique
corps et bien. L'une s'est sabordée et son animateur charismatique
s'est lui-même suicidé. Mais il faut relever que Bourseiller
a trouvé le moyen de s'en approprier les legs et d'arrondir ses
revenus au nom de sa "vieille amitié" avec Guy Debord
en se faisant bombarder "rédacteur en chef" des Archives
et documents situationnistes. Aujourd'hui, tout le pseudo- "contenu
subversif" de La Société du Spectacle a disparu,
ne reste de l'IS qu'une marchandise capitaliste aseptisée comme
une autre. Bourseiller peut ainsi manifestement se permettre de se délecter
avec son esprit de potache ricaneur de la simple reproduction de pages
entières d'invectives et de lettres d'insultes tirées
des Cahiers de l'IS. Quant à la pratique de l'exclusion à
tout va des situationnistes, elle ne le choque pas le moins du monde…
L'autre organisation ayant les faveurs de Bourseiller, S ou B, avait
pour principal théoricien Cornélius Castoriadis qui, dans
sa dérive anti-marxiste, en est venu dans son livre Devant la
guerre au cours des années 1980, à soutenir implicitement
l'effort de guerre de Reagan face à la menace suprême qu'aurait
représenté le militarisme russe. Moins de dix ans après,
l'impérialisme russe s'écroulait comme un château
de cartes. Quelle lucidité chez ce "penseur" aujourd'hui
adulé des élites universitaires ! Il faut d'ailleurs noter
que c'est le même "esprit rare" qui, sous la signature
de Paul Cardan, avait annoncé, dans les derniers numéros
de S ou B au milieu des années 60, la fin des crises économiques
du capitalisme, cela moins de 5 ans avant l'arrivée de la crise
ouverte de ce système !
Quant aux affirmations fausses ou mensongères du livre, la liste
serait longue, en particulier quand il s'agit des groupes de la Gauche
communiste, et tout spécialement du CCI, auquel Bourseiller consacre
quelques chapitres. Nous nous contenterons de relever quelques exemples
édifiants de ces mensonges ou calomnies concernant le seul CCI.
Parmi les élucubrations recensées, sans doute ajoutées
pour donner un peu de "piquant" et de couleur à ce
fatras de pages indigestes, celle-ci : "En 1981, un coup d'Etat
militaire dirigé par le général Jaruselski muselle
en Pologne le syndicat Solidarité de Lech Walesa. Le CCI édite
alors un tract en polonais qui dénonce tout à la fois
Walesa et Jaruselski [ce qui est vrai]. Un audacieux militant parvient
à en remettre un exemplaire à Lech Walesa lui-même"
[fait ignoré des membres du CCI eux-mêmes et pour cause,
vu le caractère hautement fantaisiste de cette assertion]. Mais
le reste est autrement plus sérieux, car il s'agit de charger
la balance du passif du CCI : "L'organisation se réoriente
progressivement à partir de 1980 vers un léninisme de
moins en moins critique. Cette inflexion s'effectue notamment à
l'occasion d'un débat interne sur le rôle de la ''minorité
positive'". Notre indicateur de police laisse entendre que les
orientations de l'organisation seraient alors dictées par des
"chefs", une "élite" de militants qui s'attribueraient
le rôle d'une "minorité positive". Nous apportons
le démenti le plus catégorique à de telles insinuations
: ce mode de fonctionnement a toujours été étranger
au CCI et nous renvoyons nos lecteurs au Rapport sur la structure et
le fonctionnement de l'organisation des révolutionnaires de janvier
1982 et publié dans la Revue Internationale n° 33. Mais Bourseiller
donne la pleine mesure de sa médisance quand il aborde la question
des "crises à répétition" du CCI, et
notamment quand il aborde la question de la récupération
du matériel volé à l'organisation : "A partir
de 1981, le CCI est la scène de plusieurs ''affaires'' qui se
concluent invariablement par des procès internes ad hominem,
puis de violences verbales ou physiques." Une série de termes
évocateurs est alors déversé et distillé
: "volonté de renforcer l'appareil", "la direction
du CCI organise un raid", "les brigades spéciales du
CCI", "pendant des années le CCI poursuit Chénier
de sa vindicte", "aux yeux de la direction du CCI", "le
CCI envisage des représailles"... Il s'agit alors de renvoyer
une image parfaitement stalinienne du CCI avec ses apparatchiks, ses
moines-soldats, sa Tchéka, voire sa Guépéou. Revenons
d'abord sur quelques contre-vérités flagrantes : quand
il évoque "la crise la plus grave [qui] survient entre 1995
et 1997", il ajoute : "A la même époque, un membre
de la section britannique du CCI prend ses distances et fonde le Communist
Bulletin. Son pseudonyme est Ingram. Il est immédiatement accusé
d'avoir 'volé' du matériel. Au terme d'une pénible
campagne, il diffuse une Lettre ouverte au CCI : 'Nous n'avons rien
volé', etc.'' Il y a là deux contre-vérités
: un "mélange" des faits en évoquant le CBG
comme un élément de la crise de 1995-97. Les méfaits
d'Ingram se rapportent à une autre période, quatorze ans
plus tôt, à la suite de l'affaire Chénier. Ensuite,
le procureur Bourseiller omet de signaler qu'Ingram a de lui-même
reconnu avoir volé du matériel au CCI et a d'ailleurs
fini par le restituer également de lui-même afin de se
racheter un brin de respectabilité dans le but d'entreprendre
un flirt avec la "Fraction externe du CCI" à la fin
des années 1980.
Autre mensonge, cette fois sur la "crise de 2002" (en réalité
de 2001) : Bourseiller situe la constitution d'une "fraction interne"
après l'expulsion de l'individu Jonas (ce qui permet de sous-entendre
que cette expulsion a provoqué des remous dans l'organisation),
alors que cette prétendue fraction s'était constituée
secrètement, et avait été découverte de
façon fortuite en septembre 2001 par le reste de l'organisation.
Elle existait ainsi, même ouvertement, depuis plusieurs mois.
Si Jonas a été exclu en 2002, alors qu'il s'était
porté démissionnaire de l'organisation depuis juin 2001,
c'est pour ses comportements indignes d'un militant communiste (voir
RI n°321).
Parler de "brigades spéciales du CCI", "d'hommes
de main", "de vindicte" est particulièrement abject
alors que les mesures de récupération du matériel
volé ont toujours été dans la tradition du mouvement
ouvrier. Celui-ci s'est toujours farouchement opposé à
des comportements de voyou en son sein. Quant aux moyens et mesures
pour récupérer son matériel volé qui sont
bien entendu de la responsabilité du CCI (et non de la police
ou de la justice bourgeoise), elles ont été votées
unanimement par l'organisation qui a mandaté des équipes
chargées de cette récupération. Après avoir
évoqué à plusieurs reprises dans son ouvrage Marc
Chirik, le plus ancien militant de la Gauche communiste et principal
membre fondateur du CCI, Bourseiller conclut : "Quel aurait pu
être le jugement de Marc Chirik sur les crises à répétition
qui secouent la petite organisation ? Nul ne le saura jamais".
Nous pouvons à l'inverse apporter quelque élément
de réponse. Marc était non seulement encore vivant lors
de l'affaire Chénier, lors de l'affaire Ingram, et lors du départ
des membres de la FECCI mais il a été un militant à
la pointe du combat pour la défense de l'organisation. Le livre
de Bourseiller omet de préciser que, lors de ces "affaires",
MC a été un des plus déterminés, énergiques
et celui qui a le plus insisté sur la nécessité
que l'organisation se défende en allant récupérer
le matériel volé et se donne les moyens de le faire. Lui-même,
à 74 ans, face à Chénier et à Ingram, a
voulu participer aux équipes de récupération pour
montrer l'exemple.
L'accumulation de sous-entendus, les propos malveillants de Bourseiller,
outre leur mauvaise foi, sont significatifs des méthodes du personnage.
C'est à coups d'insinuations qu'il procède, à travers
une succession et un choix de mots suggestifs à répétition,
révélateurs d'un procédé emprunté
au marketing et à des méthodes éprouvées
de conditionnement idéologique par des messages subliminaux.
Ce choix des termes vise à sournoisement discréditer les
organisations révolutionnaires, en premier lieu le CCI, mais
pas seulement. Ainsi le parti Communiste internationaliste (Battaglia
comunista) est "suspecté" "d'ourdir une mini-Internationale
à partir de 1984", le BIPR. On reste confondu par l'usage
d'une telle expression qui évoque immédiatement l'idée
d'un complot pour évoquer une tentative de regroupement des révolutionnaires.
Mais il est un domaine de prédilection dans lequel notre "auteur"
exerce pleinement ses talents pour la médisance et la calomnie
envers les courants passés et présents de la Gauche communiste.
Le livre est en effet traversé par un antifascisme viscéral
où l'évocation récurrente de la Shoah sert de paravent
à une traque obstinée. Le projet de l'auteur est manifestement
de discréditer la Gauche communiste avec la thèse qu'il
existe une passerelle rouge-brun, de l'histoire déformée
du KAPD à celle de la Fraction italienne en passant par la Gauche
hollandaise. Chez leurs héritiers, Bourseiller cherche à
établir un dénominateur commun : le négationnisme.
Il tombe sur un os, avec le positionnement de classe des courants de
la Gauche communiste qui se sont toujours clairement démarqués
de ces élucubrations. Il reste alors une arme grossière
à notre champion du prêt à penser moderne : l'insinuation.
Ces insinuations visent ainsi à discréditer Bordiga, les
bordiguistes et toutes les organisations prolétariennes du passé
comme du présent afin de falsifier les positions internationalistes
que les groupes de la Gauche communiste ont toujours affirmées
et défendues : "Auschwitz ou le grand alibi ne saurait certes
apparaître comme un texte négationniste, puisqu'il ne nie
aucunement l'existence du génocide. Il s'agit en revanche d'un
document profondément sombre et inquiétant." Bourseiller
occulte le contenu politique réel de la brochure pour arriver
à une conclusion bourrée de nouveaux sous-entendus : "Auschwitz
ou le grand alibi deviendra plus tard une brochure, maintes fois réimprimée,
qui vaudra au "bordiguisme" une sulfureuse réputation."
(p. 203). Dans la même veine, tout au long du livre, il cherche
à répandre cette "sulfureuse réputation"
pour dissuader le lecteur de s'intéresser davantage aux véritables
positions défendues par les Gauches communistes. Il est notable
qu'il fait beaucoup moins la fine bouche avec des groupes trempant dans
les actions de braquage de banques tel le MIL espagnol ou même
carrément terroristes comme les GARI qui sont parfaitement étrangers
à la pratique et à la lutte du prolétariat.
"Ci-gît l'ultra-gauche", "l'ultra-gauche s'est
suicidée", telle est la "conclusion" ultime du
livre. Ainsi, la boucle est bouclée. Grâce à Bourseiller,
la bourgeoisie tente ainsi de parachever sa campagne idéologique
entreprise il y a 15 ans sur la mort du marxisme, de la classe ouvrière
et du communisme amalgamée avec la fin du stalinisme. Ici, la
bourgeoisie reproduit le même tour de passe-passe en célébrant
l'enterrement de la Gauche communiste : tenter de persuader ses lecteurs
que la Gauche communiste n'existe plus en la mettant sur le même
plan que l'auto-dissolution de petits groupuscules modernistes sans
avenir. Il s'agit de noyer les positions réelles de la Gauche
communiste et de la tradition marxiste comme on cherche à noyer
un chien en disant qu'il a la rage.
Le livre fait feu de tout bois pour tenter d'exorciser les peurs résurgentes
de la bourgeoisie face aux potentialités de remise en cause de
son système, devant le besoin grandissant de réflexion,
ressenti au sein de la classe ouvrière, afin de court-circuiter
les efforts de réappropriation d'une conscience de classe et
de l'expérience du mouvement ouvrier, notamment parmi les jeunes
générations de prolétaires.
De là, le choix de recourir à un concept vide, "l'ultra-gauche"
qui est ici assimilée à un anti-bolchevisme et à
un anti-léninisme. C'est pourquoi Bourseiller indique la direction
la plus opposée possible à une capacité de renversement
du système capitaliste. Il martèle de façon incantatoire
que le seul supposé intérêt de tout ce qu'il a survolé
dans son pavé indigeste de 500 pages, c'est une volonté
de rupture avec le bolchevisme, le léninisme. C'est d'avoir défriché
le terrain pour un dépassement du marxisme et de critiquer la
société sur d'hypothétiques bases tout à
fait nouvelles, pourvu qu'elles soient autres que le vieux chemin de
la lutte de classe.
La fonction essentielle de ce livre est de servir de repoussoir à
des éléments en recherche, surtout parmi les jeunes générations
d'ouvriers, qui sont tentées de se rapprocher des positions de
la Gauche communiste. Bourseiller leur livre une image totalement dénaturée
et déformée des véritables organisations révolutionnaires
afin de les dissuader d'en découvrir les authentiques positions.
Mais le plus déplorable, c'est que ce triste sire ait pu rédiger
son torchon grâce à la collaboration… d'anciens militants
communistes. En effet, il est particulièrement navrant de constater
que, dans la liste de tous ceux que notre histrion prend soin de remercier
pour leur collaboration à la fin de son ouvrage, "tous ceux
qui, d'une quelconque façon, l'ont aidé à réaliser
ce travail", figure le nom de deux ex-membres du CCI, RC alias
René Nazon et Raoul Victor, principal animateur d'un groupe parasitaire,
le Cercle de Discussion de Paris. Voilà où mène
le parasitisme : à se rendre directement complices de la bourgeoisie.
Pour avoir accepté sans discernement de bavasser, d'exhaler leurs
plaintes ou d'étaler leurs petits griefs envers le CCI à
un écrivassier de la bourgeoisie à l'affût du moindre
ragot, ces ex-militants se retrouvent aujourd'hui compromis dans une
entreprise de démolition de la Gauche communiste. En les remerciant
pour leur collaboration à son ouvrage, Bourseiller aura rendu
la honte plus honteuse encore en livrant leur nom à la publicité.
Ces noms resteront ainsi inscrits dans l'Histoire... de la bourgeoisie
reconnaissante.
Les efforts dérisoires de Bourseiller et consorts, ces mesquins idéologues appointés par l'Etat bourgeois pour brouiller la perspective du prolétariat et la défense de ses positions de classe ne peuvent faire illusion longtemps. Bourseiller pourra peut-être poursuivre longtemps sa carrière d'arriviste qui ne pense qu'à se faire du fric et de la notoriété. Mais ce serviteur zélé de la bourgeoisie reste impuissant comme l'ensemble de sa classe à éradiquer les positions de classe des organisations révolutionnaires. Non, la Gauche communiste n'est pas morte et les précieuses leçons de ses expériences historiques seront demain les armes essentielles de la lutte et de la conscience du prolétariat mondial pour clamer à la face du monde capitaliste à la suite de Rosa Luxembourg :
Avec l'affaire du port du voile à l'école et tous les débats, manifestations et protestations en tous genres auxquels elle a donné lieu autour du vote de la loi sur les signes visibles d'appartenance religieuse, la bourgeoisie française a mis sur pied une campagne à répétition visant à attaquer en profondeur la conscience de la classe ouvrière. De la droite à la gauche et à l'extrême gauche, chacun y va de son couplet pour ou contre, plus ou moins pour et plus ou moins contre, etc. Les médias, les politiques, les associations, islamistes, juives ou chrétiennes, tous participent en chœur à ce qu'ils appellent un "grand débat citoyen sur la laïcité". En fait, contrairement à la prétendue cacophonie qui règnerait dans la "société française" sur ce sujet, tous vont dans la même direction : créer un maximum de confusion dans la tête des ouvriers afin de mieux les enchaîner derrière l'Etat bourgeois et leur faire accepter leur sort.
Mais l'affaire du voile est aussi une nouvelle occasion de développer des
clivages au sein de la population et surtout du prolétariat. Il est
significatif que le débat a largement échauffé les esprits et n'a fait
qu'exacerber le racisme (à l'instar de la création par le PS de SOS Racisme au
début des années 1980), le sexisme et les divisions communautaires dans leurs
aspects les plus mesquins. Il s'agit encore de mettre en compétition les
ouvriers, non plus seulement en fonction de leur nationalité, mais aussi de
leur croyance. Il s'agit de créer un profond sentiment de division au sein de
la classe ouvrière par la fausse opposition entre ouvriers français et ouvriers
immigrés, ces derniers étant par définition potentiellement
"islamistes". Et au sein de ceux-ci, la propagande bourgeoise fait en
sorte de désigner d'un côté les "mauvais" immigrés qui ont manifesté
pour le port inconditionnel du voile et de l'autre les "bons"
immigrés soumis à la loi de la "république laïque". Elle transforme
la véritable solidarité ouvrière qui dépasse les nationalités et les croyances
en une solidarité de ceux qui se retrouvent dans la "croyance" envers
l'Etat bourgeois comme ultime juge de paix et de cohésion sociales. Car,
derrière tout ce débat sur la défense de la laïcité, c'est la question de la
défense de l'Etat bourgeois démocratique qui est mise en lumière. Citons le
journal Libération du 29 janvier 2004 qui montre bien tout le sens de la
campagne : "Dans notre tradition laïque, l'Etat est le protecteur du
libre exercice par chacun de sa liberté de conscience, de son expression ou de
sa non-expression. Il se doit d'intervenir quand elle est menacée."
L'Etat serait le seul authentique garant des libertés individuelles, en
l'occurrence, le seul à même de s'opposer à la montée de l'oppression des
individus que représente la montée des intégrismes religieux. Or, c'est
justement un des objectifs de ce "débat", créer un rideau de fumée
sur les racines de cette montée, afin d'empêcher la classe ouvrière de prendre
conscience que c'est la décomposition même de ce système capitaliste qui en est
à l'origine[1].
Comme le disait Marx il y a plus de 150 ans : "La détresse religieuse
est, pour une part, l'expression de la détresse réelle et, pour une autre, la
protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la
créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de
conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple."[2] Au
culte de la religion, la bourgeoisie voudrait opposer celui de l'Etat laïc, nec
plus ultra de la libération des opprimés par la religion. Mais ce n'est certes
pas en faisant confiance à l'Etat et à ses flics que les jeunes filles soumises
au diktat des islamistes pourront échapper à l'oppression pas plus que
n'importe quel prolétaire. D'ailleurs il n'est nullement dans les desseins du
gouvernement d'abolir les cultes mais au contraire de les renforcer : c'est
ainsi que c'est sous la houlette de l'Etat "laïc" républicain qu'on
voit fleurir, au nom de la "liberté" et du "respect" des
cultes, mosquées et synagogues. C'est là qu'apparaît avec une évidence sans
équivoque que les fins de l'Etat démocratique ne s'opposent pas à celles des
religions mais qu'elles sont complémentaires les unes des autres.
Oppression idéologique, écrasement de la pensée et de la conscience,
exploitation en tous genres des individus sont le pain béni dont ils
nourrissent leurs ouailles. Au XIXe siècle, la bourgeoisie, tant qu'elle était
une classe progressiste, s'est efforcée de maintenir l'Eglise comme force
différenciée de l'Etat bourgeois car elle représentait une entrave au
développement des forces productives, ce qui a abouti à des lois sur la
séparation de l'Eglise et de l'Etat, mais tout en la gardant sous le coude
comme force idéologique. Cependant, déjà à cette époque, les révolutionnaires
stigmatisaient cette illusion suivant laquelle l'anticléricalisme qui faisait
florès dans la bourgeoisie républicaine française représentait en soi une force
de libération. Rosa Luxembourg le considérait comme un élément mystificateur
proprement né de l'idéologie bourgeoise. Dans un article publié en janvier 1902
elle affirmait que : "Les socialistes sont précisément obligés de
combattre l'Eglise, puissance antirépublicaine et réactionnaire, non pour
participer à l'anticléricalisme bourgeois mais pour s'en débarrasser.
L'incessante guérilla menée depuis des dizaines d'années contre la prêtraille
est, pour les républicains bourgeois français, un des moyens les plus efficaces
de détourner l'attention des classes laborieuses des questions sociales (…)"
Et elle ajoutait : "L'anticléricalisme bourgeois aboutit à consolider
le pouvoir de l'Eglise, de même que l'antimilitarisme bourgeois, tel qu'il est
apparu dans l'affaire Dreyfus, ne s'est attaqué qu'à des phénomènes naturels au
militarisme, à la corruption de l'Etat major et n'a réussi qu'à épurer et à
affermir l'institution elle-même."[3]
Avec la décadence du capitalisme et l'entrée de ce système dans sa phase de
décomposition, ces illusions sur l'anticléricalisme et la défense de la laïcité
sont devenues carrément des mystifications utilisées comme une arme idéologique
de l'État capitaliste pour diviser la classe ouvrière et monter les ouvriers
les uns contre les autres.
Face à la pourriture qui gagne la planète, il ne s'agit pas d'embrasser la
cause de la religion ou celle de l'État "laïc". Il faut réaffirmer
que, devant cette fausse alternative, seule la révolution prolétarienne pourra
en finir avec toutes les mystifications, qu'elles soient "laïques" ou
"religieuses" : toutes étant le produit de l'oppression capitaliste.
[1] Voir dans notre Revue Internationale n° 109 l'article "La résurgence de l'islamisme, symptôme de la décomposition des relations sociales capitalistes"
[2] Karl Marx et Friedrich Engels, Critique de la philosophie du droit de Hegel, Sur la religion, page 42, éditions Sociales.
[3] Rosa Luxembourg, Le socialisme en France, page 213-214, éditions Belfond.
Ces derniers mois, notre organisation a reçu toute une série de courriers de lecteurs posant la question "comment fait-on pour adhérer au CCI ?" Cette volonté d'engagement militant de la part d'éléments à la recherche d'une perspective de classe s'est exprimée dans plusieurs pays, notamment des pays aussi différents que la France et les États-Unis, la Grande-Bretagne ou le Bengladesh. A chacun de ces lecteurs, nous avons envoyé une réponse personnelle lui proposant d'engager une discussion avec notre organisation afin d'expliciter nos conceptions. Cependant, dans la mesure où ce questionnement concerne bien d'autres camarades que ceux qui nous ont directement interrogés là-dessus, puisque la question de l'adhésion à une organisation révolutionnaire est une question politique à part entière, nous nous proposons dans cet article d'apporter une réponse globale à tous ceux qui se préoccupent de savoir en quoi consiste le militantisme dans les rangs d'une organisation révolutionnaire comme le CCI.
Nous tenons en premier lieu à saluer la démarche de ces lecteurs qui manifestent aujourd'hui une volonté d'engagement militant. Cette dynamique très positive des éléments à la recherche d'une perspective et d'une activité révolutionnaires est l'expression d'une réflexion qui s'accentue en profondeur au sein de la classe ouvrière. Malgré les campagnes de la bourgeoisie, malgré ses attaques contre le courant de la Gauche communiste, malgré les calomnies déversées sur le CCI par les groupuscules parasitaires[1] à ces lecteurs ne se sont pas laissés impressionner et ont montré leur capacité à reconnaître le sérieux de notre organisation.
Le processus d'intégration de nouveaux militants dans une organisation politique dépend tout d'abord de la nature de classe de cette organisation. Dans les partis bourgeois (par exemple les partis staliniens), il suffit simplement de prendre sa carte au parti et de payer ses cotisations pour être membre de l'organisation. Les militants de ce type d'organisation n'ont pas pour vocation de mener une activité visant à développer la conscience de la classe ouvrière mais au contraire de l'endormir et de la dévoyer sur le terrain bourgeois, notamment celui des élections et des grandes messes démocratiques.
Pour une organisation révolutionnaire, c'est-à-dire une organisation défendant réellement la perspective du prolétariat (la destruction du capitalisme et l'instauration de la société communiste mondiale), le rôle des militants est radicalement différent. Leur but ne vise pas à faire carrière comme représentant de telle ou telle fraction du capital, ou à coller des affiches pour les campagnes électorales mais à contribuer au développement de la conscience dans la classe ouvrière. Comme l'affirmaient Marx et Engels dans le Manifeste communiste, "les communistes ont sur le reste du prolétariat l'avantage de comprendre clairement les conditions, la marche et les résultats généraux du mouvement prolétarien". C'est pour cela que les militants d'une organisation révolutionnaire doivent eux-mêmes élever leur propre niveau de conscience.
En ce sens, la première condition pour adhérer au CCI, c'est que les camarades qui posent leur candidature pour devenir militants de notre organisation manifestent leur compréhension et leur plein accord avec nos principes programmatiques.
Cependant, leur degré d'accord et de conviction sur nos positions politiques n'est pas une condition suffisante pour être militant du CCI. Les candidats doivent manifester également leur volonté de défendre les positions de l'organisation, chacun en fonction de ses propres capacités personnelles. Nous n'exigeons pas de nos militants qu'ils soient tous de bons orateurs ou qu'ils sachent rédiger un tract ou des articles pour la presse. Ce qui importe, c'est que le CCI comme un tout puisse assumer ses responsabilités et que chaque militant soit prêt à donner le meilleur de ce qu'il peut donner pour permettre à l'organisation d'assumer la fonction pour laquelle la classe ouvrière l'a faite surgir.
Les militants du CCI ne sont pas des spectateurs passifs, ni des moutons bêlant derrière une "bureaucratie de chefs" comme le prétendent nos calomniateurs. Ils ont des devoirs envers l'organisation qu'il leur appartient de faire vivre. D'abord en payant leurs cotisations (car sans argent, l'organisation ne pourrait pas payer les frais d'impression de la presse, la location des salles, les voyages, etc.). Ils ont le devoir de participer aux réunions, aux interventions, aux diffusions de la presse, à la vie et aux débats internes en défendant leurs désaccords dans le respect des règles de fonctionnement établies par nos statuts.
Ces exigences ne sont pas nouvelles. Déjà en 1903, dans le débat sur le paragraphe 1 des Statuts du POSDR cette question "qui est membre du parti ?" avait opposé les bolcheviks aux mencheviks. Pour les bolcheviks, seuls ceux qui sont partie prenante de l'ensemble de la vie de l'organisation pouvaient être considérés comme membres du parti, alors que les mencheviks estimaient qu'il suffisait d'être d'accord avec les positions de l'organisation et de lui apporter son soutien pour être considéré comme militant. La position des mencheviks a été fermement combattue par Lénine dans son livre Un pas en avant, deux pas en arrière comme étant une vision purement opportuniste, marquée par des conceptions petites-bourgeoises. Les détracteurs de Lénine ont souvent prétendu que sa position était "autoritaire" et faisait la part belle au "pouvoir d'une petite minorité". C'est tout le contraire qui est vrai : c'est la vision opportuniste défendue par les mencheviks qui porte en elle un danger. En effet, des militants "de base" peu convaincus et peu formés seront plus enclins à laisser les "leaders" penser et décider à leur place que des militants qui ont acquis une compréhension profonde des positions de l'organisation et qui s'impliquent activement dans la défense de celles-ci. C'est la conception des mencheviks qui permet le mieux qu'une petite minorité puisse mener sa propre politique personnelle, aventurière, dans le dos et contre l'organisation.
Sur cette question "qui est membre du parti ?", le CCI se réclame de la conception des bolcheviks. C'est la raison pour laquelle, nous faisons une distinction très claire entre les militants et les sympathisants qui partagent nos positions et nous apportent leur soutien.
Bon nombre de camarades qui participent à nos côtés aux interventions publiques, à la diffusion de la presse et nous apportent un soutien financier ne sont pas prêts pour autant à s'impliquer pleinement dans une activité militante, laquelle nécessite beaucoup d'énergie et de persévérance dans un travail régulier s'inscrivant sur le long terme. S'engager dans le CCI comme militant signifie être capable de mettre cette activité au centre de sa vie. L'engagement dans une organisation révolutionnaire ne peut être considérée comme un hobby. Il exige de la part de chaque militant une ténacité, une capacité à tenir la route contre vents et marées, à ne pas se laisser démoraliser par les aléas de la lutte de classe, c'est-à-dire une profonde confiance dans les potentialités et la perspective historique du prolétariat. Le militantisme révolutionnaire exige également un dévouement loyal et désintéressé à la cause du prolétariat, une volonté de défendre ce bien précieux qu'est l'organisation à chaque fois que celle-ci est attaquée, dénigrée, calomniée par les forces de la bourgeoisie et ses complices du milieu parasitaire.
Pour devenir militant du CCI, il faut également avoir la capacité de s'intégrer dans un cadre collectif, faire vivre la solidarité entre camarades en bannissant l'individualisme petit-bourgeois qui trouve son expression notamment dans l'esprit de concurrence, de jalousie ou de rivalité avec ses camarades de combat et qui n'est rien d'autre que les stigmates de l'idéologie de la classe bourgeoise.
Pour devenir militant d'une organisation révolutionnaire, il faut, comme le disait Bordiga, avoir une force de conviction et une volonté d'action, y compris dans le combat permanent contre le poids de l'idéologie capitaliste dans les rangs de l'organisation.
Concrètement, les camarades qui veulent adhérer au CCI doivent d'ores et déjà se préparer à assumer des responsabilités, ce qui consiste à :
A l'issue de ce processus de discussions sur nos positions programmatiques, les camarades qui veulent adhérer au CCI doivent également manifester leur accord avec la conception du CCI sur la question du fonctionnement de l'organisation et sur ses Statuts dont l'esprit est contenu dans notre article de la Revue Internationale n°33 ("Structure et fonctionnement de l'organisation des révolutionnaires").
Le CCI a toujours accueilli avec enthousiasme les nouveaux éléments qui veulent s'intégrer dans ses rangs. C'est pour cela qu'il investit beaucoup de temps et d'énergie dans les processus d'intégration des candidats afin de permettre à ces futurs militants d'être les mieux armés possible pour pouvoir être immédiatement partie prenante de l'ensemble des activités de l'organisation. Cependant, cet enthousiasme ne signifie nullement que nous ayons une politique de recrutement pour le recrutement, comme les organisations trotskistes.
Notre politique n'est pas celle non plus des intégrations prématurées sur des bases opportunistes, sans clarté préalable. Nous ne sommes pas intéressés à ce que des camarades rejoignent le CCI pour nous quitter quelques mois ou quelques années plus tard parce qu'ils se sont rendu compte que l'activité militante est trop contraignante, exige trop de "sacrifices" ou encore parce qu'ils se sont aperçus a posteriori qu'ils n'avaient pas réellement assimilé les principes organisationnels du CCI (en général, ces camarades ont bien souvent beaucoup de difficultés à le reconnaître et préfèrent abandonner le combat avec des récriminations contre le CCI qui peuvent les conduire à justifier leur désertion par une activité parasitaire).
La conception des bolcheviks sur les questions d'organisation a montré toute la validité de cette approche. Le CCI n'est pas une auberge espagnole. Il n'est pas intéressé à faire de la pêche à la ligne.
Nous ne sommes pas non plus des marchands d'illusion. C'est pour cela que nos lecteurs se posant la question "comment fait-on pour adhérer au CCI ?" doivent comprendre que l'adhésion au CCI prend du temps. Tout camarade qui pose sa candidature doit donc s'armer de patience pour engager un processus d'intégration dans notre organisation. C'est d'abord un moyen pour le candidat de vérifier lui-même la profondeur de sa conviction afin que sa décision de devenir militant ne soit pas prise à la légère ou sur un "coup de tête". C'est aussi et surtout la meilleure garantie que nous puissions lui offrir pour que sa volonté d'engagement militant ne se solde pas par un échec et une démoralisation.
Parce que l'activité des révolutionnaires s'inscrit dans une perspective historique, les militants doivent pouvoir tenir la route sur le long terme sans se démoraliser. C'est pour cela que les camarades qui veulent adhérer au CCI doivent se garder de tout immédiatisme, de toute impatience dans leur processus d'intégration à notre organisation. L'immédiatisme est justement la base de recrutement des gauchistes, lesquels n'ont de cesse de reprocher au CCI : "que faites-vous 'pratiquement' ? Quels résultats immédiats obtenez-vous ?".
Plus que jamais la classe ouvrière a besoin de nouvelles forces révolutionnaires. Mais l'accroissement numérique des organisations de la Gauche communiste ne pourra être un réel renforcement que s'il constitue l'aboutissement de tout un processus de clarification visant à former de nouveaux militants, à leur donner des bases solides pour leur permettre d'assumer leurs responsabilités au sein de l'organisation.
GL (18 février)
[1] Pour mémoire, on peut citer comme exemple des campagnes bourgeoises contre la perspective révolutionnaire, celles sur le thème de la "mort du communisme" après l'effondrement du bloc de l'Est et des régimes staliniens en 1989. Nous avons également mis en évidence dans notre presse (et de nouveau dans ce numéro de RI avec notre article sur le livre de Bourseiller) en quoi les campagnes contre le "négationnisme" visaient principalement à discréditer la Gauche communiste. Quant aux calomnies du parasitisme contre le CCI, elles durent depuis près de 25 ans et si leurs auteurs ont changé (Communist Bulletin Group, "Fraction Externe du CCI", Cercle de Paris), ils se sont passé le relais pour dénoncer le prétendu "stalinisme" du CCI. Mais au delà de cette unité dans le chef d'accusation, l'infamie des attaques contre notre organisation a connu une escalade qui culmine aujourd'hui avec la prétendue "Fraction Interne du CCI" qui n'a pas hésité à employer des méthodes de voyous et de mouchards afin d'essayer d'intimider nos sympathisants.
Deux cent deux morts et
plus de mille cinq cent blessés à ce jour, quatre trains détruits, des corps
humains tellement déchiquetés qu'ils ne pourront être identifiés que par leur
ADN, tel est pour l'instant le terrifiant bilan de l'attentat terroriste baptisé
" train de la mort " qui a violemment secoué la matinée du 11 mars à
Madrid.
Comme le 11 septembre, le 11 mars est une date importante dans l'histoire des
massacres terroristes. Non seulement c'est le plus grand massacre subi par la
population espagnole depuis la guerre civile de 1936-39, mais c'est aussi
l'attentat terroriste le plus meurtrier en Europe depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale.
La bourgeoisie déverse aujourd'hui cyniquement des torrents de larmes de
crocodile sur les victimes, elle proclame trois jours de deuil national en
Espagne, elle inonde les médias vingt-quatre heures par jour d'informations
spéciales, elle accumule les minutes et les minutes de silence, elle convoque
des manifestations contre le terrorisme, etc. Pour notre part, comme nous
l'avions déjà fait le 11 septembre, nous nions tout droit à la bourgeoisie
hypocrite et à ses médias aux ordres de pleurnicher sur les ouvriers assassinés,
car "la classe dominante capitaliste est déjà responsable de trop de
massacres et de tueries : l'effroyable boucherie de la Première Guerre mondiale
; celle encore plus abominable de la Seconde, où pour la première fois les
populations civiles furent les principales cibles. Rappelons-nous ce dont la
bourgeoisie s'est montrée capable : les bombardements de Londres, de Dresde et
de Hambourg, d'Hiroshima et de Nagasaki, les millions de morts dans les camps
de concentration nazis et dans les goulags… Rappelons-nous l'enfer des
bombardements des populations civiles et de l'armée irakienne en fuite pendant
la guerre du Golfe en 1991 et de ses centaines de milliers de morts.
Rappelons-nous les tueries quotidiennes, et qui continuent encore, en
Tchétchénie, perpétrées avec toute la complicité des Etats démocratiques
d'occident. Rappelons-nous la complicité des Etats belge, français et américain
dans la guerre civile en Algérie, les pogroms horribles du Rwanda… Rappelons
enfin que la population afghane, aujourd'hui terrorisée par la menace des
bombardiers américains, a subi vingt années de guerre ininterrompue (…) Ce ne
sont là que des exemples, parmi tant d'autres, des basses œuvres d'un
capitalisme aux prises avec une crise économique sans issue, aux prises avec sa
décadence irrémédiable. Un capitalisme aux abois". Loin de s'affaiblir,
cette barbarie que nous décrivions par ces lignes dans la Revue internationale
n° 107 en octobre 2001 n'a fait que croître, ajoutant à la sinistre liste de
nouveaux jalons horribles comme la seconde guerre en Irak, les incessant
massacres du Moyen-Orient, les tueries récentes en Haïti ou les attentats
terroristes à Bali, Casablanca, Moscou, etc. Il nous faut maintenant ajouter à
cette liste la gare d'Atocha à Madrid.
Les attentats du 11 mars ne sont pas une attaque "contre la civilisation", mais l'expression même de ce qu'est réellement cette "civilisation" de la bourgeoisie : un système d'exploitation qui suinte la
misère, la guerre et la destruction par tous ses pores. Un système qui n'a
d'autre perspective à offrir à l'humanité que celle de la barbarie et de
l'anéantissement. Le terrorisme n'est pas un sous-produit, un enfant bâtard du
capitalisme que celui-ci voudrait ignorer, il est au contraire le produit
organique du capitalisme, son enfant légitime comme l'est aussi la guerre
impérialiste ; et au fur et à mesure que le capitalisme s'enfonce
irrémédiablement dans la phase ultime de sa décadence, celle de la
décomposition, le terrorisme devient toujours plus sauvage et irrationnel.
Une des caractéristique de la décadence du capitalisme consiste en ce que la guerre impérialiste devient le mode de vie permanent de ce système, avec comme conséquence que "ces classes [petites bourgeoises] perdent complètement leur indépendance et ne servent que de masse de manœuvre et d'appui aux affrontements que se livrent les différentes fractions de la classe dominante tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières nationales" (Revue internationale n° 14, "Terreur, terrorisme et violence de classe", 1978). Des années 1960 jusqu'à aujourd'hui, l'évolution du terrorisme confirme pleinement cette caractéristique d'instrument utilisé par les diverses fractions de la bourgeoisie nationale ou par chaque impérialisme dans leur lutte contre les rivaux internes ou sur l'arène impérialiste. Le terrorisme est ainsi un enfant chéri du capitalisme, soigneusement nourri au sang par les uns ou les autres. Terrorisme et conflits impérialistes ont été, sont et seront toujours davantage de sanglants synonymes. Au cours des années 1960-70, la bourgeoisie n'avait pas hésité une seconde à utiliser l'assassinat " sélectif " de dirigeants politiques pour régler ses "affaires internes". Souvenons-nous que la bombe qui projeta Carrero Blanco (premier ministre espagnol du régime franquiste) aux cieux et du même coup l'ETA aux sommets du terrorisme fut utilisée par la classe dominante pour accélérer le changement de régime politique en Espagne. La bourgeoisie ne rechigna pas non plus à utiliser le terrorisme comme moyen pour déstabiliser le Moyen-Orient en assassinant le président égyptien Sadate en 1981 ou l'Israélien Itzhak Rabin en 1995. Quand il s'agit de défendre ses intérêts contre des fractions nationales rivales ou contre des impérialismes rivaux, la bourgeoisie n'éprouve aucun scrupule à provoquer des massacres aveugles parmi les populations civiles. Pour ne donner qu'un exemple, ce fut le cas en août 1980 en Italie dans l'affaire de l'attentat de la gare de Bologne, qui fit 80 morts et fut pendant longtemps attribué aux Brigades rouges mais qui, en réalité, avait été perpétré par les services secrets italiens et le réseau Gladio, installé par les Etats-Unis dans toute l'Europe pour contrecarrer l'influence de l'impérialisme russe rival. Durant toute cette période, le terrorisme a été toujours plus au service des conflits impérialistes dans le cadre de la confrontation entre les deux superpuissances.
La tendance au chaos généralisé détermine les affrontements impérialistes
depuis la fin des années 1980, période durant laquelle le capitalisme est entré
dans sa phase de décomposition[1]. Le
cadre constitué par l'affrontement entre blocs impérialistes, mis en place
après la Seconde Guerre mondiale, laisse la place au règne du "chacun
pour soi"[2]. Le terrorisme dans ce
contexte devient toujours plus une arme entre les mains des puissances, y
compris dans les guerres elles-mêmes où les armées en présence utilisent
toujours plus dans leurs exploits guerriers les méthodes terroristes comme les
bombardements d'hôpitaux et d'écoles comme on a pu le voir récemment encore
dans la guerre en Irak. La décomposition du capitalisme marque de son sceau les
attentats terroristes mêmes : les "machines infernales" cherchent de
moins en moins des " objectifs militaires ou politiques " et
s'attaquent directement à la population civile sans défense. L'horrible chaîne
de ces attentats avait été inaugurée par les bombes qui tuèrent aveuglément
dans les rues de Paris en septembre 1987, elle a connu une sorte de paroxysme
avec les deux avions remplis de passagers qui ont percuté et détruit les Tours
jumelles "abritant" des milliers de personnes, mais elle a continué
avec les morts de Bali et de Casablanca, de Moscou tout récemment encore, etc.,
pour s'acharner maintenant sur les travailleurs entassés dans les trains de
banlieue en gare d'Atocha à Madrid. Il serait illusoire de penser que cette
barbarie va cesser. Tant que la classe ouvrière, la seule force sociale capable
d'offrir une perspective alternative à celle de la barbarie capitaliste, n'en
finira pas une fois pour toutes avec ce système inhumain d'exploitation,
l'humanité continuera à vivre et à mourir partout dans le monde sous la menace
permanente de nouveaux attentats, toujours plus violents, et de nouvelles
guerres toujours plus destructrices.
Au fur et à mesure de l'avancée de la décomposition de la société capitaliste
prolifèreront comme des rats ses sous-produits que sont les fractions les plus
irresponsables et irrationnelles dont s'alimentent toutes les bandes
terroristes, les seigneurs de la guerre, les gangsters locaux, etc., qui
disposent non seulement de moyens de destructions inégalés mais aussi de
quantité de " parrains " à qui profitent leurs crimes. Après
l'attentat des Tours jumelles, nous écrivions : "nous ne pouvons pas
affirmer avec certitude aujourd'hui si Oussama Ben Laden est vraiment
responsable de l'attaque des Twin Towers, comme l'en accuse l'Etat américain.
Mais, si l'hypothèse Ben Laden s'avérait juste, c'est véritablement le cas d'un
seigneur de la guerre devenu incontrôlable par ses anciens maîtres"
(Revue internationale, n° 107). Effectivement, nous avons ici un exemple d'une
caractéristique cruciale de l'évolution vers la généralisation de la barbarie :
indépendamment de savoir quelle puissance impérialiste ou fraction de la
bourgeoisie tire profit des actions terroristes, celles-ci tendent toujours
plus à échapper aux plans tracés par ceux qui leur ont donné naissance.
Comme pour l'apprenti sorcier, la "créature" tend à devenir
incontrôlable. Au moment où nous rédigeons cet article, à défaut d'éléments
réellement concrets et compte tenu de la faible confiance que nous devons
accorder aux médias de la bourgeoisie, nous ne pouvons qu'appliquer notre cadre
d'analyse et notre expérience historique, et nous poser la question : à qui
profite le crime ?
Comme nous l'avons vu plus haut, le terrorisme et les affrontements
impérialistes sont aujourd'hui frères de sang. L'attentat contre les Tours
jumelles du 11 septembre 2001 avait amplement profité à la puissance
impérialiste américaine qui avait pu imposer à ses anciens alliés devenus ses
rivaux après l'effondrement du bloc russe (comme la France et l'Allemagne), de
lui apporter un plein soutien dans sa campagne militaire en vue d'occuper
l'Afghanistan.
L'émotion provoquée par le 11 septembre avait également permis à
l'administration Bush de faire accepter par la majorité de la population
américaine la seconde Guerre du Golfe en 2003. C'est pour cela qu'il est tout à
fait légitime de se demander si l'incroyable "imprévoyance" des
services secrets américains avant le 11 septembre ne résultait pas tout simplement
de leur volonté de "laisser faire" Al Qaïda[3].
Pour ce qui est des attentats du 11 mars, il est clair qu'ils ne profitent
aucunement aux Etats-Unis. C'est tout le contraire qui est vrai. Aznar
apportait un soutien indéfectible à la politique américaine (il avait fait
partie du "trio des Açores" - Etats-Unis, Grande-Bretagne et Espagne
- les membres du Conseil de Sécurité de l'ONU qui s'étaient retrouvés pour
appeler à la seconde Guerre du Golfe) mais Zapatero qui va lui succéder après
une victoire du PSOE aux élections du 14 mars qui doit beaucoup aux attentats
de Atocha, a déjà annoncé qu'il retirerait les troupes espagnoles présentes en
Irak. C'est un camouflet pour l'administration américaine, et une victoire
incontestable pour le tandem franco-allemand qui anime aujourd'hui l'opposition
à la diplomatie américaine.
Cela dit, cet échec de la politique américaine ne constitue nullement une victoire de la classe ouvrière, comme certains essaient de le faire croire. Entre 1982 et 1996 à la tête du gouvernement, le PSOE a fait ses preuves comme défenseur zélé des intérêts du capitalisme. Son retour ne mettra pas fin aux attaques bourgeoises contre le prolétariat. De même, le succès diplomatique présent de Chirac et Schröder est celui de deux autres défenseurs loyaux des intérêts du capitalisme et ne saurait apporter absolument rien à la classe ouvrière.
Mais pire encore : les événements qu'on vient de vivre ont permis un grand
succès idéologique de la bourgeoisie comme un tout qui a réussi à renforcer le
mensonge selon lequel l'antidote contre le terrorisme est la
"démocratie", que les élections sont un moyen efficace de mettre fin
aux politiques anti-ouvrières ou bellicistes de la bourgeoisie, que les
mobilisations pacifistes sont un réel rempart contre la guerre.
Ainsi, la classe ouvrière n'a pas seulement subi une attaque dans sa chair avec
tous les morts et les blessés du 11 mars, elle a subi aussi une attaque
politique de première ampleur.
Encore une fois, le crime a profité à la bourgeoisie.
C'est pour cela que face à la barbarie terroriste, expression de la guerre
impérialiste et de l'exploitation, il n'y a qu'une seule voie :
Avec des dizaines de cadavres encore non identifiés, avec des dizaines de
familles d'immigrés illégaux (29 morts et plus de 200 blessés sont des
immigrés) qui n'osent même pas chercher leurs parents dans les hôpitaux ou les
morgues improvisées de crainte d'être expulsés, la bourgeoisie crée une
situation de désastre pour empêcher les prolétaires de réfléchir, ne serait-ce
qu'un minimum, sur les causes et les conséquences de l'attentat. Dans les
premiers instants qui ont suivi l'attentat, avant même que n'interviennent les
organes de secours de l'Etat, ce sont les victimes elles-mêmes, les travailleurs
et les enfants de la classe ouvrière qui voyageaient dans les " trains de
la mort " ou qui se trouvaient dans les gares sinistrées, ceux qui vivent
dans les quartiers de Santa Eugenia ou de El Pozo qui ont secouru les blessés,
qui ont recouvert de linceuls de fortune les cadavres éparpillés sur les voies.
Ils étaient au plus haut point animés par un sentiment de solidarité. C'est
cette solidarité qu'ont exprimée des milliers et des milliers de personnes qui
ont donné leur sang, qui ont accouru pour proposer leur aide dans les hôpitaux,
mais aussi les pompiers, les travailleurs sociaux et ceux de la santé qui ont
volontairement travaillé au-delà de leur temps de travail salarié malgré la
dramatique absence de moyens due aux économies imposées par les mesures
d'austérité de l'Etat en ce qui concerne le matériel sanitaire ou de protection
civile.
Les révolutionnaires et l'ensemble du prolétariat mondial doivent clamer, haut
et fort, leur solidarité avec les victimes. Seul le développement de la
solidarité dont est porteuse la classe ouvrière en tant que classe
révolutionnaire, et qui s'exprime notamment par son combat contre le
capitalisme, pourra créer les bases d'une société dans laquelle ces crimes,
cette exploitation, cette barbarie abominables pourront être définitivement
dépassés et abolis. L'indignation de la classe ouvrière envers l'abominable
attentat, sa solidarité naturelle avec les victimes a été manipulée par le
capital et dévoyée dans le sens de la défense de ses intérêts et objectifs. En
riposte au carnage, la bourgeoisie a appelé la classe ouvrière le vendredi 12 à
" manifester contre le terrorisme et pour la Constitution ", elle lui
a demandé de resserrer les rangs en tant que citoyens espagnols au cri de
" España unida jamás será vencida " (l'Espagne unie ne sera jamais
vaincue), elle l'a incité à voter massivement le dimanche 14 pour que "jamais ne se répètent ces actes de sauvagerie".
Les doses de patriotisme distillées tant par la droite (Aznar déclarant :
"ils sont morts parce qu'ils étaient Espagnols") que par la gauche
de la bourgeoisie ("si l'Espagne n'avait pas participé à la guerre en
Irak, ces attentats n'auraient pas eu lieu") ne cherchent qu'à faire
avaler aux prolétaires que l'intérêt de la nation est aussi le leur. C'est un
mensonge, un mensonge cynique et éhonté ! Un mensonge qui ne vise qu'à grossir
les rangs du pacifisme qui, comme nous l'avons par ailleurs développé dans
notre presse, n'empêche pas les guerres mais détourne de la vraie lutte contre
le vrai fauteur de guerres : le capitalisme.
Le capitalisme n'a d'autre avenir à offrir à l'humanité que sa destruction à
travers des guerres toujours plus meurtrières, des attentats toujours plus
barbares, la misère et la famine. Le mot d'ordre donné par l'Internationale
communiste au début du XXe siècle résume parfaitement la perspective qui se
posait à la société avec l'entrée du système capitaliste dans sa phase de
décadence et reste pleinement valable et d'actualité : "l'ère des guerres
et des révolutions "dont l'issue ne pourra être que la victoire du "socialisme ou de la barbarie".
Le capitalisme doit mourir pour que l'humanité puisse vivre et il n'y a qu'une seule classe sociale capable d'assumer le rôle de fossoyeur du capitalisme, le prolétariat. Si la classe ouvrière mondiale ne parvient pas à affirmer son indépendance de classe, dans la lutte pour la défense de ses intérêts spécifiques d'abord et ensuite pour le renversement de cette société putréfiée, l'humanité n'aura d'autre avenir que celui d'être détruite par la multiplication des affrontements entre bandes et entre Etats bourgeois, qui utiliseront tous les moyens, jusqu'aux plus innommables, et parmi ceux-ci la banalisation au quotidien de l'arme terroriste.
CCI (19 mars[1] Revue internationale n° 62, "Thèses sur la décomposition.
[2] Revue internationale n° 113, "Résolution du XVe Congrès du CCI sur la situation internationale.
[3] Voir à ce sujet notre article "Pearl Harbour 1941, les "Twin Towers" 2001, le machiavélisme de la bourgeoisie" dans la Revue internationale n° 108.
Il est nécessaire
que la classe ouvrière se souvienne. Il y a un an, le 20 mars
2003, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne entraient en guerre contre
l'Irak. L'Europe était alors le théâtre de nombreuses
manifestations pacifistes. "Non à la guerre en Irak"
était alors un mot d'ordre à la mode.
L'Etat français, sous l'égide de Jacques Chirac, et avec l'appui unanime de la gauche comme des gauchistes, dirigeait la campagne idéologique anti-américaine la plus impitoyable et la plus déterminée, et tout cela au nom du pacifisme. L'impérialisme français se donnait alors le beau rôle. Mais ce mensonge propagandiste qui n'a pas cessé depuis d'être déversé sur la tête de la classe ouvrière, ne doit pas masquer la réalité guerrière et barbare de l'impérialisme français : dans ce domaine aucun impérialisme à la surface de cette planète ne peut plus faire exception. Les médias français se sont empressés de donner un maximum de publicité à ces manifestations pacifistes, mais dans le même temps ils se sont employés à cacher autant qu'ils le pouvaient la politique guerrière et militaire de la France en Côte d'Ivoire. C'est en effet au même moment, en février 2003, que l'impérialisme français est passé à l'offensive en Côte d'Ivoire, avec plus de 4000 soldats. C'est au mois de mars de la même année que l'armée française réinvestit Bangui en Centrafrique, plongeant un peu plus ces pays dans une barbarie et un chaos total. Voilà ce que valent les discours idéologiques pacifiques de l'Etat bourgeois.
Triste anniversaire, il y a dix ans, l'impérialisme français
au nom de l'humanitaire rentrait en force au Rwanda, armé jusqu'aux
dents, chars d'assauts en tête, et allait présider à
l'un des plus importants génocides civils de l'histoire. Ce sont
entre 500 et 800 000 morts (d'après les estimations officielles)
en 100 jours qui sont pratiquement passés inaperçus. L'armée
française avait attendu cyniquement aux frontières du
Rwanda que le génocide inter-ethnique soit porté à
son paroxysme pour intervenir. Pendant qu'à l'intérieur
du Rwanda, "des soldats de notre pays ont formé sur ordre,
les tueurs du génocide tutsi. Nous les avons armés, encouragés
et le jour venu, exfiltrés. J'ai découvert cette histoire
malgré moi, dans les collines rwandaises. Il faisait chaud, c'était
l'été. Il faisait beau, c'était magnifique. C'était
le temps du génocide." (Patrick de Saint Exupéry,
journaliste au Figaro et auteur du livre L'inavouable, la France au
Rwanda dans Le Monde diplomatique de mars 2004). En effet, c'est la
France qui, depuis de nombreuses années, a entraîné
et organisé la gendarmerie locale, les milices à base
ethnique et enfin les FAR ( Forces Armées Rwandaises). C'est
elle qui a soutenu a bout de bras le régime en place du président
Habyarima. C'est dès le début des années 1990 que
le Rwanda est devenu un enjeu géostratégique entre l'impérialisme
français et l'impérialisme américain. Le Rwanda
est en effet un pays ayant une importance évidente dans l'affrontement
inter-impérialiste car il se situe comme frontière entre
la zone sous contrôle américain et celle sous contrôle
de la France, sur le continent africain.
A cette époque, en 1994, l'impérialisme américain
tentait d'affaiblir de manière irrémédiable le
contrôle de la France dans cette région du monde. C'est
pour cela que, dès 1993, les Etats-Unis ont entraîné
le FPR (Front Patriotique Rwandais formés de Tutsis) et ceci
en territoire ougandais, avant de les lâcher un an plus tard au
Rwanda. L'avancée militaire du FPR ne s'y est d'ailleurs pas
fait longtemps attendre. C'est le krach de l'avion des présidents
rwandais Habyarima et burundais Ntaryma qui fut le prétexte au
déchaînement des évènements. Le 6 avril 1994
marque le début du génocide. Le FPR ira jusqu'à
Kigali et un nouveau pouvoir s'y installera. La France "a dû
se contenter de créer dans l'Ouest une 'zone humanitaire sûre'
vers où convergèrent tous les groupes extrémistes
ainsi que le gouvernement intérimaire, encadrant des millions
de civils hutus" (Le Monde Diplomatique, mars 2004).
Cette zone fut le théâtre de massacres de masse, et comme
le cite Le Monde Diplomatique, la France refusa de désarmer militaires
et miliciens. Comme l'armée française s'est bien gardée
d'arrêter les responsables du génocide, car il s'agissait
de ceux-là qu'elle avait téléguidés et qui
allèrent ensuite se réfugier au Zaïre.
L'Ouganda baignait également à cette époque dans
une marée de sang. 300 000 orphelins erraient dans le pays. Choléra
et famines se développèrent et emportèrent rapidement
plus de 40 000 réfugiés hutus, pendant que les hélicoptères
de combats, Mirages et autres Jaguars de l'armée française
attendaient une nouvelle occasion pour intervenir. Le responsable principal
et immédiat de ce massacre de masse fut sans aucun doute l'impérialisme
français s'affrontant par ethnies interposées à
l'impérialisme américain.
Ce même Etat français qui, dix ans plus tard, pour les mêmes raisons se cachera derrière l'idéologie pacifiste pour poursuivre son affrontement impérialiste contre les Etats-Unis.
C'est l'alibi humanitaire qui avait servi de couverture idéologique à la politique barbare de la France il y a dix ans au Rwanda. C'est le même alibi qui a permis à tous les grands impérialismes de se ruer comme des vautours sur les Balkans en avril 1999. Depuis cette époque comme au Rwanda le chaos n'a fait que s'aggraver. Aujourd'hui les affrontements ethniques entre Serbes et Albanais se généralisent à tout le Kosovo. Et c'est encore une fois comme au Rwanda, sous le même prétexte, que l'armée française y renforce ses effectifs. L'impérialisme français a été il y a dix ans un des principaux responsables et acteurs du génocide rwandais. La décomposition du système capitaliste, le développement ininterrompu des tensions inter impérialistes à l'échelle planétaire est le seul véritable responsable du génocide au Rwanda. C'est ce système agonisant et de plus en plus barbare que la classe ouvrière doit détruire. Seule la révolution communiste est en mesure d'empêcher définitivement l'éclatement d'autres Rwanda et la généralisation de nouveaux génocides.
T.Depuis le début de l'année, la population et la classe ouvrière haïtienne sont à nouveau la proie d'affrontements meurtriers entre les bandes armées du président Aristide, les "chimères", et les clans rivaux de l'opposition avec à leur tête un trafiquant de drogue, ex-commissaire de police, Guy Philippe. Ayant conquis les villes du Nord de l'île, l'opposition armée a attaqué la capitale Port-au-Prince. Après plusieurs jours d'émeutes sanglantes et de pillages, les gouvernements américains et français, qui soutenaient l'opposition haïtienne, se sont empressés, avec la bénédiction de l'ONU, d'envoyer plusieurs milliers de soldats dans cette partie des Caraïbes pour chasser le clan Aristide du pouvoir et rétablir, nous dit-on, "l'ordre démocratique, la paix civile et protéger la population".
Aujourd'hui le prêtre des bidonvilles, Aristide, impliqué
lui aussi dans le lucratif trafic de drogue, autant corrompu que les
autres figures de la classe bourgeoise haïtienne est à nouveau
lâché par ses parrains américains et français.
Malgré les protestations de l'Afrique du Sud, de la Communauté
des Caraïbes et de parlementaires démocrates américains
qui réclament à cor et à cri une enquête
internationale sur l'éviction anti-démocratique subie
par leur "poulain", les Etats-Unis n'ont de cesse de taper
du poing sur la table pour rappeler aux uns et aux autres que c'est
eux qui décident. Une fois de plus, l'intervention militaire
n'a pas pour objectif de rétablir la "paix civile",
mais, contrairement à ce qu'ils prétendent, et malgré
les félicitations que s'adressent mutuellement Bush et Chirac
pour leur excellente coopération en Haïti, le seul point
sur lequel ces gangsters sont d'accord, c'est le fait qu'il fallait
intervenir militairement. Pour le reste, on a vu que c'est la concurrence
qui domine et le chacun pour soi comme seule politique mise en oeuvre,
même si cela génère encore plus de chaos et de massacres
pour la population civile. Chacun va tenter d'user de son influence
pour mettre au gouvernement des hommes acquis à sa cause. Pour
le moment, dans cette rivalité impérialiste, il semblerait
que les Etats-Unis aient pris l'avantage :"En sonnant la fin de
la partie pour Guy Philippe, qu'ils avaient pourtant soutenu, les Etats-Unis
s'imposent comme les seuls maîtres du jeu en Haïti. Ils ont
chassé Aristide, fait céder ses opposants armés,
désigné des proches dans les secteurs clés de l'administration.
Et, de surcroît, ils ont exclu la France du dénouement
de la crise dans laquelle Paris avait jusqu'alors joué un rôle
de premier plan" (Libération du 5 mars).
L'intervention militaire en Haïti démontre une fois de plus
l'aggravation des tensions militaires entre les grandes puissances et
le caractère irrationnel du point de vue économique de
ces opérations de police. La dispute entre la Maison Blanche
et l'Elysée pour la "dépouille" d'Haïti
met en exergue ce que défend le CCI sur l'aspect de plus en plus
irrationnel des tensions et guerres dans le capitalisme. "La guerre
n'est plus entreprise pour des raisons économiques ni même
pour des objectifs stratégiques organisés mais comme des
tentatives de survie à court terme, localisées et fragmentées
aux dépens des autres" ("Résolution sur la situation
Internationale", Revue internationale n°102). Le semblant de
gouvernement que tente de mettre sur pied la bourgeoisie américaine
ne devrait pas résister longtemps aux guerres fratricides des
différents clans haïtiens, si bien que l'on peut se demander
si Haïti ne va pas être un nouveau bourbier pour l'Oncle
Sam, d'autant plus que les rivalités avec la France et les autres
puissances concurrentes ne peuvent que s'accentuer. Ainsi va le capitalisme.
Sous prétexte de démocratie et d'humanisme, il exacerbe
en réalité les contradictions impérialistes, alimente
le chaos et plonge la population et le prolétariat dans le dénuement
le plus total.
La dernière
semaine de janvier, une grève impliquant 8 000 ouvriers éclatait
dans les usines Land Rover, à Solihull. C'était la première
lutte depuis seize ans dans cette entreprise. Elle avait été
précédée, une semaine auparavant, par la constitution
d'un piquet de grève massif de 900 ouvriers, dont des membres
des syndicats TGWU, GMB et Amicus. La même semaine, une grève
de deux jours aurait dü être suivie par plus de 100 000 employés
des services publics, leur première grève nationale depuis
17 ans. Mais le syndicat PCS a annulé au dernier moment le mot
d'ordre de grève pour la grande majorité d'entre eux (ceux
du secteur Travail et Pensions), laissant partir en grève les
seuls employés des plus petits départements. Avant cela,
il y avait eu dans ce secteur une grève "sauvage" en réaction
à un projet de "réforme" du DWP (Department
of Work and Pensions) que les ouvriers ne pouvaient que rejeter.
Dans les mois qui ont précédé, rien que pour la
Grande-Bretagne, on pouvait recenser les mouvements suivants : les grèves
"non officielles" dans les postes en novembre et décembre;
la grève en septembre de 2000 ouvriers des chantiers navals du
Humberside pour soutenir la lutte des travailleurs intérimaires
de l'entreprise ; celle des employés du secteur public du département
"Travail et Pensions", et la grève sauvage des employés
de British Airways à l'aéroport d'Heathrow. La reprise
de la combativité est un phénomène international
dont les grèves et manifestations en France et en Autriche contre
les attaques visant les retraites avaient constitué une illustration.
La colère des ouvriers est suscitée par les attaques nombreuses
et simultanées qu'ils subissent partout. Les employés
des services publics ont reçu des propositions de hausses salariales
allant de 0,5 à 2,8%, en fonction du secteur, dérisoires
en regard de l'augmentation du coût de la vie. Les employés
de Land Rover ont rejeté une offre d'augmentation de 6% des salaires
sur deux ans (soit moins de 3% par an). Les syndicats et la direction
des entreprises ayant jusqu'alors négocié des accords
crapuleux contre les ouvriers, la réponse de la classe ouvrière
aux différentes attaques indique un changement d'état
d'esprit, une maturation qui s'est opérée au son sein.
Ceci est dû en partie au fait que, depuis trente ans de crise
économique ouverte, les promesses sur la sortie du tunnel n'ayant
rien donné, il n'existe plus guère d'espoir dans la possibilité
d'une future reprise. Mais le plus important est la nature des attaques
qui laisse peu de place pour des illusions sur le capitalisme. Le démantèlement
des "amortisseurs sociaux" de l'Etat providence, en même
temps que l'intensification de l'exploitation dans les usines, les bureaux,
les hôpitaux, etc. et l'augmentation du chômage massif (près
de 5 millions de chômeurs en Allemagne, soit 10% de la population
ouvrière, des niveaux de licenciements aux Etats-Unis inconnus
depuis des décennies, la perte de 800 000 emplois industriels
en Grande-Bretagne depuis 1997, etc.) mettent la classe ouvrière
face à la sinistre réalité du capitalisme : soit
s'épuiser au travail pour produire la plus-value, soit sombrer
dans la misère. En effet, la perte de confiance dans la capacité
du capitalisme à offrir une perspective alimente la combativité
croissante à laquelle on assiste aujourd'hui.
Le CCI a décrit la situation actuelle comme constituant un tournant
de la lutte de classe, où l'on voit se développer les
conditions qui vont permettre au prolétariat de retrouver et
renforcer son identité de classe, son sentiment d'appartenir
à une classe ayant des intérêts communs à
défendre. C'est la base de toute solidarité de classe
et ce sera la base pour que, dans le futur, les luttes puissent s'élever
à un niveau supérieur à travers leur extension
et leur unification. Cette identité de classe doit se développer
contre les campagnes idéologiques sur la fin de la lutte de classe,
sur la possibilité d'un "monde alternatif" au sein
du capitalisme, et aussi contre les efforts de la bourgeoisie pour diviser
les ouvriers, en particulier de la part des syndicats. La grève
dans le service public constitue une claire illustration de cette nécessité.
D'abord, l'Etat a divisé les ouvriers par service, chacun avec
de légères différences dans l'échelle des
salaires, et dans l'attribution des augmentations, bien que les différences
réelles soient peu significatives puisqu'une majorité
d'ouvriers gagne moins de 15 000 livres par an et que, parmi ceux-là,
des milliers gagnent moins de 10 000 livres par an. Cela a donné
l'opportunité au syndicat PCS, prétendument "intraitable",
avec Mark Serwotka à sa tête, d'annuler l'appel à
la grève dans la majorité des services suite à
une petite modification dans les propositions de la direction.
Il y a de nombreux autres exemples de ce type de division de la classe
ouvrière : division entre les nombreuses compagnies ferroviaires,
entre les différents emplois et même entre les différents
syndicats. Dans les écoles de Londres, les salariés en
conflit avec le même employeur sur la question des indemnités
de logement dans la capitale ont été appelés par
les syndicats à franchir les piquets de grève des autres
syndicats. Et cela ne concerne pas seulement les petites luttes et les
grèves en Grande-Bretagne puisque l'énorme mobilisation
contre l'attaque sur les retraites en France au printemps 2003 a été
confrontée aux mêmes tactiques : en premier lieu l'attaque
visait de façon massive le secteur de l'éducation, ensuite
une partie de cette attaque concernait spécifiquement une minorité
d'employés (psychologues, conseillers d'éducation et autres
travailleurs spécialisés) de façon à créer
des divisions dans ce secteur de la classe ouvrière. Les syndicats
ont poursuivi ce travail de sabotage en maintenant une partie de la
classe ouvrière hors de la lutte et en poussant une autre partie
à s'y engager à fond. Enfin, ils ont appelé à
la grève générale à la fin, lorsque le mouvement
s'était retrouvé totalement épuisé. "On
en revient donc aujourd'hui à un schéma beaucoup plus
classique dans l'histoire de la lutte de classes : le gouvernement cogne,
les syndicats s'y opposent et prônent l'union syndicale dans un
premier temps pour embarquer massivement des ouvriers derrière
eux et sous leur contrôle. Puis le gouvernement ouvre des négociations
et les syndicats se désunissent pour mieux porter la division
et la désorientation dans les rangs ouvriers. Cette méthode,
qui joue sur la division syndicale face à la montée de
la lutte de classe, est la plus éprouvée par la bourgeoisie
pour préserver globalement l'encadrement syndical en concentrant
autant que possible le discrédit et la perte de quelques plumes
sur l'un ou l'autre appareil désigné d'avance. Cela signifie
aussi que les syndicats sont à nouveau soumis à l'épreuve
du feu et que le développement inévitable des luttes à
venir va poser à nouveau le problème pour la classe ouvrière
de la confrontation avec ses ennemis pour pouvoir affirmer ses intérêts
de classe et les besoins de son combat." (Revue Internationale
n° 114)
La tactique consistant à diviser les ouvriers est normale pour
les syndicats, c'est ce qu'ils ont fait de façon très
efficace au service de la bourgeoisie depuis qu'ils ont été
intégrés à l'Etat au début du vingtième
siècle. Aujourd'hui les ouvriers doivent retrouver leur identité
de classe contre cette tactique, contre l'idée qu'ils devraient
se concevoir comme membres de tel ou tel syndicat, comme employés
du DWP (Department of Work and Pensions), ou de toute autre branche
du service public, comme enseignants ou techniciens, au lieu de se concevoir
d'abord et avant tout comme membres de la classe ouvrière avec
des intérêts communs.
Dans les circonstances actuelles, il ne faut pas s'attendre à
des luttes se dégageant spontanément des syndicats ; nous
n'attendons pas de ces dernières qu'elles soient capables d'éviter
les pièges tendus par la classe dominante ; beaucoup d'entre
elles tomberont dans la provocation. Ce qui importe, c'est que toutes
les tactiques planifiées de la classe dominante (gouvernement,
patrons et syndicats) visant à provoquer et à diviser
les ouvriers ne puissent empêcher la combativité croissante
qui se développe aujourd'hui. Ce lent développement des
luttes ouvrières porte en lui la potentialité d'un renforcement
de l'identité de classe, condition pour que la classe ouvrière
commence à tirer les leçons de toutes les expériences
des batailles qu'elle a menée de la période allant de
1968 à 1989.
Le premier décembre
dernier, mettant en doute l'efficacité des grèves symboliques
des syndicats, les travailleurs des transports en Italie ont décidé
de faire grève sans respecter les "plages horaires protégées",
pendant lesquelles ils sont tenus par la loi d'assumer le service. Ils
ont recommencé le 15 décembre dans plusieurs villes, sans
respecter les consignes syndicales et en passant outre les menaces de
poursuites judiciaires. Le 20 décembre et les jours suivants,
ils se sont mis spontanément en grève contre l'accord
bidon que les syndicats avaient signé avec le gouvernement. Celui-ci
prévoyait une augmentation de 80 Euros au lieu des 106 dus au
titre de la plate-forme contractuelle (rattrapage de la perte du pouvoir
d'achat due à l'inflation officielle, bien inférieure
à l'inflation réelle) et 600 Euros d'arriérés
(destinés à rattraper le manque à gagner sur toute
la période pendant laquelle aucun accord n'avait été
renégocié) alors que ceux-ci s'élevaient en réalité
à plus de 2000 Euros.
Pour désamorcer le mouvement, un accord complémentaire
a alors été signé avec l'ATM de Milan, concédant
pour les ouvriers de cette entreprise l'octroi des 25 Euros manquants,
en contrepartie d'une plus grande flexibilité du travail. En
faisant une concession à une partie des grévistes, ceux
qui en fait avaient été à l'initiative de la grève,
il s'agissait pour la bourgeoisie et ses syndicats de diviser le mouvement.
Pendant cette même période, la CGIL tenait des assemblées
avec ses adhérents, pour les convaincre des avantages de l'accord
signé et aussi pour tenter de les intimider en mettant en avant
tous les risques d'une grève faite en dehors des règles
de la législation en vigueur.
Cependant, ce sont les syndicats de base (les Cobas) qui ont effectué
le travail le plus efficace contre la lutte du fait de la confiance
que les ouvriers conservaient vis-à-vis d'eux. En effet, ils
n'avaient pas eu à jouer un rôle de premier plan dans la
participation aux négociations stériles précédentes
ni dans la programmation de grèves bidon (sept au total) pour
"appuyer" les négociations en question ; et surtout,
ils avaient été les seuls à ne pas condamner les
grèves spontanées des semaines précédentes.
Ils ont ainsi pu se présenter comme ceux qui allaient continuer
la lutte alors que dans la réalité ils ont œuvré
efficacement à ce que les ouvriers cessent leur mouvement.
Ils ont commencé par appeler à une grève pour le
9 janvier, au plus mauvais moment pendant la sacro-sainte trêve
des vacances de Noël, dans le but de faire baisser la tension.
Ils ont alors veillé au strict respect de la réglementation
du droit de grève, ce qui leur a valu les félicitations
du journal de Rifondazione Comunista, Liberazione qui, le 10 janvier,
parlait de la grève en ces termes : "totale responsabilité
des travailleurs qui ont assuré, sans exception aucune, les plages
horaires garanties". Ayant ainsi gagné du temps, les Cobas
ont immédiatement lancé un appel pour une nouvelle grève
le 26 janvier, qui fut ensuite repoussée au 30 janvier. Mais
ils ont alors appelé les traminots à Milan, et seulement
eux, à choisir une autre date afin que leur mobilisation ne coïncide
pas avec celle des chauffeurs de taxi dans cette ville ! Naturellement,
le travail de pompier social accompli par le syndicalisme de base a
payé comme en a témoigné la baisse de mobilisation
à l'occasion de la journée du 30 janvier. Si bien que
le mouvement s'est terminé sans que les ouvriers n'aient rien
obtenu de substantiel. Mais il y a bien évidemment toute une
série de leçons qui devront être tirées par
les ouvriers. C'est la volonté de se battre vraiment qui a fait
que les travailleurs ont été contraints d'aller au delà
des consignes syndicales et leur a permis de ne pas se laisser intimider
par toutes les menaces de dénonciation et de sanctions. Les travailleurs
de ce secteur ont su mettre en pratique, dans la lutte, ces qualités
essentielles du combat de classe que sont la solidarité et l'unité.
Mais, dans le même temps, l'isolement au sein d'un secteur spécifique
s'est avéré constituer la plus forte limite du mouvement,
qui en a considérablement réduit l'impact sur l'ensemble
de la classe ouvrière.
En même temps, ce mouvement a montré la véritable
nature des syndicats, qu'ils soient "classiques" et "responsables"
ou bien "de base", celle de saboteurs de la lutte ouvrière.
Le syndicalisme est-il une arme de la classe ouvrière ?
Né des convulsions qui déchirent la CNT-AIT française depuis plusieurs années, le Groupement d'Action et de Réflexion Anarcho-syndicaliste (GARAS)[1] publie depuis janvier 2002 une "Lettre de liaison" . Il rassemble des éléments qui font le constat de "l'échec de la CNT-AIT à résoudre ses problèmes internes, comme à être utile dans la lutte contre la classe dominante" et ont décidé de "préparer l'après CNT" [2] Convaincus qu'"aujourd'hui aucun groupe essayant de mettre en œuvre une pratique syndicale efficace en rupture avec le capitalisme n'arrive réellement à ses fins" , il se propose d'aborder les problèmes qui se posent " aux révolutionnaires sincères qui veulent agir au niveau syndical et promouvoir l'auto-organisation des luttes"[3]. Son but affirmé est de "mettre en place une confédération anarcho-syndicaliste sur des bases claires"[4]. L'article ci-dessous s'inspire en grande partie d'un texte adressé par le CCI il y a quelques mois au GARAS, lequel se déclarait "preneur de toute contribution à [sa] feuille". Il vise à montrer que le syndicalisme n'est pas une voie que peut emprunter la classe ouvrière pour développer son combat.
Le GARAS se donne comme objectif de promouvoir des méthodes de luttes " en rupture avec le capitalisme " et d'agir en faveur de "l'auto-organisation des luttes". Nous ne doutons pas de la sincérité de ces éléments, mais ce qu'ils ne comprennent pas c'est que pour rompre avec le capitalisme et favoriser l'auto organisation des luttes, il faut justement rompre avec le syndicalisme et non pas revendiquer un syndicalisme "efficace". Toute l'histoire du 20e siècle a montré que la forme syndicale non seulement n'est plus adaptée au besoins de la lutte de classe dans la période de décadence du capitalisme, mais que les syndicats sont devenus un rouage de l'Etat bourgeois visant à encadrer la classe ouvrière, saboter ses luttes et leur auto-organisation par les ouvriers eux-mêmes. Ce que ne comprennent pas les anarcho-syndicalistes, c'est que la classe ouvrière ne peut réformer les syndicats, les transformer en organe de lutte révolutionnaire en critiquant leur bureaucratie. Mais pour pouvoir comprendre la nature bourgeoise des syndicats et de l'idéologie syndicaliste en général, les éléments qui, comme le GARAS, veulent mener une activité révolutionnaire, ne peuvent faire l'économie de se réapproprier les leçons de l'histoire du mouvement ouvrier.
Ne pas se référer à l'histoire de
notre classe, et notamment de la vague révolutionnaire mondiale des années
1920, point le plus élevé atteint par sa lutte, constitue une importante erreur
de méthode interdisant toute clarification. L'examen des leçons léguées par
cette expérience nous enseigne non seulement que l'outil de la transformation
sociale dont se dote le prolétariat pour s'ériger en classe révolutionnaire
n'est pas le syndicalisme, mais les conseils ouvriers, de même que syndicalisme
et révolution s'excluent désormais totalement.
Comme l'Internationale Communiste l'affirme en 1919 : "(…) le prolétariat doit créer son propre
appareil pour (…) lui assurer la possibilité d'intervenir de manière
révolutionnaire dans le développement de l'humanité. Cet appareil, ce sont les
conseils ouvriers. Les vieux partis, les vieilles organisations syndicales se
sont montrées incapables en la personne de leurs chefs de comprendre les tâches
imposées par l'époque nouvelle et a fortiori de la résoudre. Le prolétariat a
créé un appareil qui englobe l'ensemble de la classe ouvrière, indépendamment
du métier et de la maturité politique, un appareil souple capable de se
renouveler en permanence, de s'élargir, d'entraîner dans sa sphère des couches
nouvelles. (…) Cette organisation, irremplaçable, du gouvernement de la classe
ouvrière par elle-même, de sa lutte et aussi de la conquête du pouvoir d'Etat[5] a été mise dans
différents pays à l'épreuve de l'expérience. Elle constitue la conquête la plus
importante et l'arme la plus puissante du prolétariat à notre époque. (…) C'est
au moyen des conseils que la classe ouvrière parviendra le plus sûrement et le
plus facilement au pouvoir, dirigera tous les domaines de la vie économique et
culturelle (…)"[6]. Les conseils ouvriers
sont "ce que la révolution ouvrière met à la place de la démocratie
bourgeoise ;(…) la forme de transition du capitalisme au socialisme, la forme
de la dictature du prolétariat"[7].
L'autre leçon fondamentale tirée de la révolution, formulée par le Parti
Communiste Ouvrier d'Allemagne (KAPD) dans son programme en mai 1920, c'est que
les syndicats et les formes de luttes qui s'y rattachent ont cessé d'être une
arme pour le prolétariat. Au contraire, les syndicats s'intègrent à l'Etat
capitaliste pour devenir le fer de lance de la contre-révolution. "Les syndicats forment le principal rempart
contre le développement de la révolution prolétarienne en Allemagne. (…) Leur
influence décisive sur l'orientation principielle et tactique du vieux parti
social-démocrate conduisit à la proclamation de "l'union sacrée" avec
la bourgeoisie allemande, ce qui équivalait à une déclaration de guerre au
prolétariat international. Leur efficacité social-traître trouva sa
continuation logique lors de l'éclatement de la révolution de novembre 1918 en
Allemagne : (…) Les syndicats sont ainsi, à côté des fondements bourgeois, l'un
des principaux piliers de l'Etat capitaliste. (…) Cette formation
contre-révolutionnaire ne peut être transformée de l'intérieur. La
révolutionnarisation des syndicats n'est pas une question de personnes : le
caractère contre-révolutionnaire de ces organisations se trouve dans leur
structure et dans leur système spécifique eux-mêmes : cela entraîne la sentence
de mort pour les syndicats ; seule la destruction même des syndicats peut
libérer le chemin de la révolution sociale en Allemagne. L'édification
socialiste a besoin d'autre chose que de ces organisations fossiles."
Ces leçons tirées au cours même de
l'affrontement révolutionnaire ont été amplement confirmées par la suite. A la
base de l'organisation des ouvriers en conseils se trouvent les assemblées
générales souveraines qui décident des moyens et des orientations de la lutte
et qui élisent sur des mandats précis des comités de grèves, constitués de
délégués révocables et chargés de faire appliquer les décisions de l'assemblée
générale. C'est la forme que prend spontanément la lutte ouvrière dans la
période de décadence du capitalisme, y compris dans les périodes où la classe
ouvrière n'est pas suffisamment forte pour s'organiser en conseils. Dans cette
période historique, les luttes de résistance de la classe ouvrière tendent
spontanément à s'élargir aux autres secteurs, à développer leur unification, à
faire éclater leur contenu révolutionnaire en mettant en question l'existence
même du système d'exploitation en s'affrontant à l'Etat capitaliste. En ce
sens, la révolution communiste constitue l'aboutissement ultime, et le seul
conséquent, des luttes revendicatives et de défense de ses conditions de vie
par le prolétariat.
La bourgeoisie ne laisse pas le champ libre à de telles tendances au sein de la
classe ouvrière et les combats en permanence justement à travers l'action des
syndicats. Aucun mouvement d'ampleur de la classe ouvrière depuis le début du
20e siècle ayant conduit à l'édification d'un rapport de force face à la
bourgeoisie n'a été permis par l'organisation des ouvriers au sein de
syndicats. Au contraire, de tels mouvements ont toujours eu à se confronter aux
syndicats, instruments indispensables du contrôle social par la bourgeoisie.
La révolution russe et la vague
révolutionnaire mondiale ont montré que les assertions de Malatesta, selon
lesquelles "une entente entre tous
les ouvriers qui luttent pour leur émancipation ne peut avoir lieu que sur le
terrain économique (…)" et que "l'action politique, parlementaire ou
révolutionnaire du prolétariat, est également impuissante tant que celui-ci ne
constitue pas une puissance économique organisée et consciente"[8] sur
lesquelles les syndicalistes révolutionnaires fondent les principes de leur
action, désarment complètement la classe ouvrière.
Dans sa lutte vers la prise du pouvoir en Russie, le prolétariat n'a pas eu
besoin de "syndicats révolutionnaires". Ceux-ci n'ont alors joué
aucun rôle entre février et octobre 1917. C'est d'un parti politique que le
prolétariat a besoin[9].
Ensuite, la lutte que se livrent les conseils et l'Etat capitaliste dans la
période de dualité des pouvoirs, lutte éminemment politique dont l'enjeu est la
prise du pouvoir par l'insurrection prolétarienne ou la réduction à néant du
mouvement révolutionnaire, signe la faillite de la tactique de la grève
générale : elle "peut être un coup
dur pour la clique gouvernante l'obligeant à faire telle ou telle concession,
mais elle n'est pas en mesure de démolir tout le régime d'une classe"[10].
Lors du mouvement de grèves révolutionnaires en Italie en 1920, l'expropriation
des usines et leur autogestion, sans se préoccuper de la prise du pouvoir
politique, n'ont pas eu pour résultat la conquête de la société à partir des
positions investies dans les usines, mais au contraire l'émiettement de la
force de frappe de la classe ouvrière, son asphyxie dans l'isolement, puis la
répression étatique.
En niant la nécessité de l'organisation politique (avec l'argument que "les
partis corrompent et trahissent") et en limitant l'organisation du
prolétariat au domaine économique, le syndicalisme révolutionnaire fait
obstacle à son affirmation politique contre la classe dominante. En donnant la
primauté à l'organisation locale, l'autogestion économique et le fédéralisme
politique, le syndicalisme révolutionnaire reproduit les divisions entre les
secteurs de la production capitaliste. Il tend ainsi naturellement, de par ses
principes mêmes, à s'opposer aussi bien à la prise du pouvoir par la classe
ouvrière, qu'à l'exercice de sa dictature par les conseils.
Le syndicalisme révolutionnaire a
effectivement représenté une expression authentique de la classe ouvrière au
début du 20e siècle. Mais il n'a pas connu un sort différent des
autres formes du syndicalisme : celui de se transformer en instrument
contre-révolutionnaire aux mains de l'Etat capitaliste.
En dépit de sa radicalité en paroles, la CGT syndicaliste révolutionnaire
trahit le prolétariat en 1914, et passe à la bourgeoisie en appelant à l'union
sacrée.
Lors de la guerre civile en Espagne, en 1936-37, la mise en pratique des
principes de l'anarcho-syndicalisme par la CNT l'a conduit directement dans le
camp de la bourgeoisie contre la classe ouvrière.
Alors que les bolcheviks mettaient en avant à partir d'avril 1917 la
destruction de l'Etat capitaliste bourgeois par les conseils ouvriers, l'"apolitisme"
de la CNT, face aux campagnes idéologiques antifascistes, l'amène à la
capitulation devant l'Etat bourgeois : elle choisit la défense de la démocratie
bourgeoise républicaine contre Franco, sacrifiant l'autonomie politique de la
classe ouvrière[11]. Le réformisme radical de
"l'autogestion" et des "collectivités anarchistes" forme un
puissant moyen d'enfermement des ouvriers dans leur usine, leur région ou leur
localité pour empêcher toute confrontation directe avec l'Etat.
Alors que les bolcheviks refusaient tout compromis avec la bourgeoisie, la CNT
entre dans le gouvernement catalan, puis dans celui de Madrid, proclamant
qu'avec sa présence "le gouvernement
en tant qu'instrument régulateur des organes de l'Etat, a cessé d'être une
force d'oppression contre la classe ouvrière ; l'Etat ne représente déjà plus
l'organisme qui divise la société en classes. Tous deux cesseront
définitivement d'opprimer le peuple si des membres de la CNT interviennent dans
ces organes.[12]"
En Russie en 1917, le prolétariat et les bolcheviks transforment la guerre
impérialiste en guerre civile : en Espagne, la CNT s'unit aux socialistes de
l'UGT et aux forces démocrates du Front Populaire pour détourner les ouvriers
de leur lutte de classes et les envoyer servir de chair à canon sur les champs
de bataille, participant à l'embrigadement du prolétariat mondial dans la
Seconde guerre mondiale au nom de l'antifascisme.
La défense du syndicalisme par le
GARAS et son inclination à créer une nouvelle fédération anarcho-syndicaliste
procèdent directement de sa vision non prolétarienne de la révolution. Dans
l'éther azuré de la perspective de la construction de la société "communiste au sens non marxiste du terme"[13]., il n'est nullement question de
l'action des classes (prolétarienne ou bourgeoise), ni de l'Etat capitaliste
qu'il faut briser, ni de l'élimination des lois économiques du système
capitaliste à l'échelle mondiale : "Nous
désirons une gestion et une propriété collective des moyens de production
puisque la production bénéficie à tout le monde (…) Rien ne doit entraver
l'épanouissement individuel et la volonté de participer réellement à la vie. A
chacun de participer, s'il le souhaite, à la vie de son quartier, de sa ville,
de son village… A chaque travailleur de participer à l'organisation de la
production : puisque personne ne travaille à notre place, que personne ne
décide à notre place. Nous sommes également attachés à la liberté d'association
ou non à un groupe, du moment qu'aucun individu ou groupe ne devienne nuisible
aux autres par ses actes." [14].
Le GARAS calque sa vision du communisme "libertaire" sur le modèle de
la révolution bourgeoise où cette nouvelle classe exploiteuse pouvait alors
développer au sein même des rapports féodaux ses libertés locales face au
pouvoir royal dans le cadre des communes médiévales "libres" , avant
de renverser la monarchie ou de passer des compromis avec des parties de
l'ancienne classe dominante féodale. La révolution dont il parle n'est qu'une
réorganisation collective de la production au sein de la société actuelle ne
nécessitant pas la destruction préalable du système capitaliste et de l'Etat.
Elle se fonde sur de petites communautés soudées par la rigueur morale de ses
membres donnant l'exemple et séparées les unes des autres par leur "autonomie".
Les éléments du GARAS ne peuvent que trouver dans le syndicalisme le support et le débouché "naturel" à leurs perspectives "révolutionnaires", influencées et inspirées par l'idéologie dominante. En effet le syndicalisme, reproduisant les divisions sectorielles de branches imposées par la production capitaliste, va comme un gant aux propositions anarchistes des communes ou groupes de production autonomes. Il s'adapte parfaitement aux illusions du réformisme radical anarchiste, négateur de la politique, concevant la possibilité d'une transformation sociale gradualiste à petit pas, en se basant sur le plan économique. Et voici résolu le mystère sur lequel le GARAS se casse les dents, expliquant comment anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires s'accommodent parfaitement du rôle de partenaires de la gestion et de la planification capitaliste en raison même de leur syndicalisme. Celui-ci a toujours été utilisé comme instrument du capitalisme d'Etat pour soumettre la classe ouvrière aux impératifs de la production nationale depuis l'entrée en décadence du système capitaliste ! En dépit de ses dires et de ses craintes, c'est sur cette pente fatale que s'engage le GARAS.
C'est dans les fondements mêmes de l'anarcho-syndicalisme que résident les racines de son caractère nocif pour la classe ouvrière. C'est donc avec ces prémisses mêmes que les éléments formant le GARAS doivent rompre s'ils veulent être utiles à la cause du prolétariat. S'ils n'opèrent pas cette rupture avec l'idéologie syndicaliste, ils ne peuvent que servir de base "radicale" aux syndicats et apporter leur contribution au sabotage des luttes en rabattant les ouvriers derrière les forces d'encadrements capitalistes et derrière les illusions réformistes.
Scott[1] GARAS C/o S. L., 4 rue d'Arcole, 72000 Le Mans
[2] L'Anarcho du Val de Loire n°60
[3] Lettre de Liaison n°4, juin 2003
[4] Lettre de Liaison n°6, février 2004
[5] Selon la vision qui prévalait alors et remise en cause par le marxisme par la suite.
[6] Manifeste de l'IC aux prolétaires du monde entier, 6 mars 1919
[7] Lénine, Lettre à S. Pankhurst, septembre 1919.
[8] Manifeste des anarchistes au congrès de la IIe Internationale, Londres, 1896.
[9] Voir notre Revue Internationale n°17.
[10] Préobrajenski, Anarchisme et Communisme.
[11] "La lutte contre le fascisme sur les fronts de bataille se terminera bientôt parce que nombreuses sont les forces que nous mettons en jeu (…) L'Espagne grande, l'Espagne productrice, l'Espagne vraiment rénovatrice, c'est nous qui la faisons, républicains, socialistes, communistes et anarchistes, quand nous travaillons à la sueur de notre front (…) Nous sommes tous unis dans le front de lutte, union magnifique qui a fait disparaître toutes les classes, tous les partis politiques, toutes les tendances qui nous séparaient auparavant." Discours radiodiffusé de F. Montseny, cité par La Révolution prolétarienne n° 230, septembre 1936
[12] F. Montseny, 4 novembre 1936, citée dans La Révolution prolétarienne n°235.
[13] Lettre de Liaison n°6, février 2004
[14] Lettre de Liaison n°6, février 2004
Tout le 20e siècle a été marqué par des guerres incessantes, sur l'ensemble de la planète, dont deux guerres mondiales. Ce siècle a été un siècle de barbarie, comme aucun autre dans l'histoire de l'humanité. Nous entamons le troisième millénaire et cette barbarie non seulement continue mais prend des proportions de plus en plus destructrices. Des régions entières du globe sont entrées dans la guerre et n'en sortent plus. Des générations entières n'ont jamais connu que la guerre. Cette situation ne laisse pas la classe ouvrière indifférente. Des questionnements émergent, et ils sont légitimes. On doit en effet se poser certaines questions. Alors qu'en 1989 la bourgeoisie nous a promis l'avènement définitif de la paix, c'est le contraire qui s'est passé : il y a de plus en plus de guerres. Pourquoi ? Qu'est-ce qui motive cet investissement incroyable des Etats dans l'armement, qu'est-ce qui préside à tant de dépenses pour faire la guerre ? La bourgeoisie est-elle obligée de faire la guerre pour défendre ses intérêts ? Quel est le résultat de la guerre ? la guerre a-t-elle une rationalité du point de vue du capitalisme ? Que peut faire la classe ouvrière face à la guerre ? Faut-il parfois les soutenir, ou au contraire toutes les dénoncer ? Ces questions sont avant tout motivées par l'immense battage médiatique qui accompagne chaque campagne de guerre de la bourgeoisie : beaucoup d'explications se bousculent, beaucoup de bonnes volontés se font jour… mais malgré tout ça, la guerre continue, elle empire, elle tue et elle détruit.
La question de la guerre n'est pas une récente découverte pour le mouvement ouvrier. Déjà, vers la fin du 19e siècle, devant la concurrence de plus en plus aiguë entre grandes nations d'Europe, les révolutionnaires se posaient la question de la perspective de la guerre. Face à l'évolution qui se dessinait d'un capitalisme de plus en plus prisonnier de ses contradictions insurmontables, le mouvement ouvrier avec Engels à sa tête, avait clairement annoncé que la perspective serait, désormais, "Socialisme ou Barbarie". Pendant le congrès socialiste de Paris, au début du 20e siècle, Rosa Luxembourg avait fait une intervention d'une grande clairvoyance dans laquelle elle avait prévu comme possibilité que la première grande manifestation de la faillite du capitalisme pourrait être non pas la crise économique aiguë mais d'abord l'explosion de la guerre impérialiste. Et c'est ce qui s'est produit. La bourgeoisie ne manque pas de ressources pour expliquer pourquoi elle envoie des pluies de bombes sur des populations, pourquoi elle consacre des parts toujours plus importantes de ses budgets pour inventer et fabriquer des armes toujours plus destructrices.
A quelques nuances près, on peut assez facilement faire un
inventaire exhaustif de ces explications : le pétrole, bien sûr,
et plus largement les matières premières ; mais aussi
la religion, la défense de la démocratie, la maîtrise
de fous dangereux, la lutte contre le terrorisme, le respect du droit
international, celui des droits de l'homme, la poursuite d'un but humanitaire,
ou tout simplement, quand tout a été passé en revue,
la nature humaine, qui veut que, comme disait Victor Hugo, "Depuis
six mille ans, la guerre plaît aux peuples querelleurs. Et Dieu
perd son temps à faire les étoiles et les fleurs ".
La poésie a son charme, mais plus encore que la philosophie,
elle échoue à transformer le monde. La guerre est-elle
inhérente à la nature humaine ? L'homme aime-t-il tant
se battre ? L'humanité est-elle condamnée à engendrer
des esprits malades dont la folie incontrôlable finira toujours
par mettre le feu aux poudres, et ne pourra être contenue que
par les armes ? En tant que marxistes, nous rejetons fermement cette
explication.
Il est vrai de dire que la guerre fait partie de l'histoire des civilisations,
mais ce n'est pas une raison qui ferait que la guerre devrait être
un phénomène éternel. La guerre fait partie de
l'histoire des civilisations parce que depuis qu'elle est sortie du
communisme primitif, l'humanité n'a connu que des sociétés
divisées en classes, c'est-à-dire des sociétés
de pénurie et de concurrence, y compris bien sûr dans le
capitalisme.
Dès sa naissance le capitalisme a connu la guerre : guerres d'unification
allemande en 1866 et germano-française en 1871, guerre d'unification
aux Etats-Unis entre 1861 et 1865, et également les guerres coloniales.
Mais cette situation a pris un tournant qualitatif avec l'entrée
dans le 20e siècle. Le 20e siècle a connu deux guerres
mondiales, qui ont eu leur théâtre au cœur même
des grandes nations capitalistes. Elles ont vu des millions de prolétaires
s'entretuer sous l'uniforme et surtout elles ont vu des destructions
comme jamais on ne l'avait vu dans toute l'histoire de l'humanité
: morts de millions de civils sous les bombardements conventionnels
ou nucléaires, déportations et génocides de populations,
destruction de pans entiers d'infrastructures économiques. Depuis
la Seconde Guerre mondiale, la guerre n'a pas cessé une seule
seconde sur la planète. Elle a touché tous les continents,
semant la mort et la destruction.
Il nous faut donc constater que la guerre menace de plus en plus l'humanité.
Si la guerre au 20e siècle prend une telle ampleur, c'est que
le capitalisme est arrivé à un stade ultime de son évolution.
Les guerres du siècle précédent jalonnaient un
capitalisme en pleine expansion. Elles permettaient la poursuite du
développement du capitalisme dans le cadre de structures nationales
plus solides, comme la guerre de sécession aux Etats-Unis ou
encore permettaient la conquête de nouveaux marchés, comme
dans le cas des guerres coloniales.
La Première Guerre mondiale, qui a marqué les prolétaires
par sa barbarie et par son horreur, manifeste une rupture avec les guerres
du siècle précédent. Désormais, l'objectif
n'est plus de permettre au capitalisme de poursuivre son développement
mais de voler les marchés des nations concurrentes, de les affaiblir
et de s'emparer de positions stratégiques qui permettent d'imposer
sa force face à elles. Cela sanctionne l'entrée du capitalisme
dans sa période de décadence. Le capitalisme ne trouvant
plus de nouveaux marchés à conquérir, alors qu'il
est capable de produire beaucoup plus que les marchés solvables
ne sont capables d'acheter, un cycle d'autodestruction commence.
Du point de vue capitaliste, la décadence se traduit dans une
fuite éperdue dans la guerre. Comme disait Hitler : "Exporter
ou mourir" ! Pour ces guerres, des ressources gigantesques deviennent
nécessaires. Avec la décadence du capitalisme tout le
potentiel économique est tendu vers la guerre, les budgets militaires,
les productions de guerres deviennent gigantesques. Tout progrès
technique, toute recherche scientifique, toute découverte est
sous-tendu par un but guerrier.
Il y a donc une profonde différence entre les guerres de la période
d'ascendance et celles de la période de décadence du capitalisme.
Une différence pas seulement quantitative, mais aussi qualitative.
Cela montre que le concept de décadence est incontournable si
nous voulons comprendre la nature de la guerre dans le capitalisme,
et surtout, nous devons comprendre que les guerres dans la période
de décadence sont fondamentalement irrationnelles du propre point
de vue capitaliste.
Quand nous parlons d'irrationalité, nous ne posons pas la question
d'un point de vue moral, mais bien en tant que marxistes, d'un point
de vue matérialiste et objectif. Avec la décadence du
capitalisme les marxistes ont caractérisé les guerres
du capitalisme comme des guerres impérialistes. Tous les pays
sont impérialistes des plus grands au plus petits, tous ont un
budget militaire et une armée, avec l'aide d'un plus grand ou
non. Mais tous rêvent de conquérir ou de détruire
leur voisin, ou d'avoir une influence particulière dans une région,
sur un continent ou sur le monde.
Tout au long de la décadence les guerres du capitalisme ont évolué.
La crise économique est permanente et irréversible. La
bourgeoisie est parfaitement incapable de résoudre cette crise
car elle ne dépend pas d'une bonne ou mauvaise gestion mais est
l'expression, prévue par le marxisme, des contradictions internes
du capitalisme qui se sont concrétisées au début
du 20e siècle pour s'aggraver continuellement jusqu'à
aujourd'hui.
Au moment de la Première Guerre mondiale, la bourgeoisie avait
l'espoir que le camp qui sortirait vainqueur de la guerre pourrait imposer
au vaincu un repartage du monde à son profit et récupérer
ainsi les marchés du vaincu. Mais cette Première Guerre
mondiale, déjà, avait démontré l'inanité,
même pour les vainqueurs, des espoirs économiques. Toutes
les nations (sauf les Etats-Unis pour des raisons particulières)
en sont sorties économiquement affaiblies, y compris dans le
camp des vainqueurs. Ce fut flagrant pour l'Angleterre notamment qui
commença alors sa chute en tant que grande puissance. Le développement
de la guerre s'est manifesté depuis, pour ce qu'il est : un pur
produit logique et inéluctable de la crise historique du capitalisme,
poussant chaque nation, à commencer par les plus grandes, à
affronter leurs concurrentes dans une fuite éperdue pour survivre.
La logique économique a de plus en plus laissé la place
à la simple recherche de positions stratégiques pour pouvoir
faire la guerre. La logique est la guerre pour la guerre. Un des exemples
les plus saisissants de cette folie est illustrée par l'URSS
qui s'est épuisée dans la course aux armements avec les
Etats-Unis, au point de voir son économie s'effondrer comme un
château de carte à la fin des années 1980. Encore
une fois, c'est en comprenant l'évolution du capitalisme et son
entrée en décadence, que l'on peut comprendre la nature
irrationnelle de la guerre aujourd'hui. Et ce n'est pas une surprise
que des groupes internationalistes, capables de dénoncer la guerre
d'un point de vue prolétarien, soient en revanche incapables
de voir l'irrationalité des guerres. En effet, ces groupes, en
particulier le BIPR et les différents groupes bordiguistes, soit
rejettent totalement le concept de décadence (les bordiguistes),
soit le remettent de plus en plus en cause (le BIPR). Et de ce fait,
si ces camarades parviennent parfaitement à prendre fait et cause
pour l'internationalisme, par contre, ils n'arrivent pas à se
défaire des explications rationnelles de la guerre, puisqu'ils
n'arrivent pas à comprendre la différence qu'il existe
entre les guerres de la décadence et celles de l'ascendance.
Au point de voir la défense d'intérêts pétroliers
dans le bourbier ex-yougoslave, en Irak ou en Afghanistan. La réalité
est pourtant bien là. Pour l'Irak par exemple, qui peut soutenir
aujourd'hui que l'intervention américaine a pour motivation principale
la production de pétrole pour enrichir les grandes compagnies
américaines ? Cela fait plus de huit mois que l'armée
américaine est en Irak et pas une seule goutte de pétrole
n'a été exportée.
Les mêmes constats s'imposent pour l'ex-Yougoslavie, pour l'Afghanistan
etc. Là-bas ne règne plus que le chaos et l'insécurité,
tout ce que le capitalisme craint le plus pour développer ses
affaires. En déchaînant la guerre, le capitalisme détruit
toujours plus le terrain sur lequel il peut évoluer : cette spirale
est celle d'une faillite, et cette faillite place sur le devant de l'histoire
la nécessaire destruction de ce système.
Sur le chemin de sa lutte historique, la classe ouvrière rencontre
la guerre impérialiste et est amenée à se questionner
et à se soulever. Depuis sa naissance, la classe ouvrière
se distingue des autres classes par son internationalisme. Le prolétariat
n'a pas de patrie. L'internationalisme est la frontière fondamentale
entre les classes.
Quand nous disons que tous les pays sont impérialistes, cela
veut dire que les prolétaires n'ont rien à gagner et tout
à perdre à défendre "leur" pays sous
prétexte qu'il serait sous la domination d'un autre. Cette idéologie
d'une nation faible agressée par un impérialisme, la bourgeoise
l'a largement répandue tout au long des guerres qui ont suivi
la Seconde Guerre mondiale, comme au Vietnam, ou aujourd'hui au sujet
de la Palestine.
Face à ces mensonges les révolutionnaires s'en sont toujours
tenus à un principe essentiel du mouvement ouvrier : l'internationalisme
prolétarien. Une des grandes leçons des révolutionnaires
défendant l'internationalisme prolétarien c'est que l'ennemi,
c'est la bourgeoisie, de "son propre" pays ou d'ailleurs.
Que peut faire la classe ouvrière aujourd'hui pour défendre
l'internationalisme ? Aujourd'hui la bourgeoisie ne mobilise plus massivement
de troupes parmi les ouvriers : la guerre devient professionnelle, même
si la pression du chômage fait endosser l'uniforme à bien
des ouvriers désespérés. Aujourd'hui, la guerre
se déclare sous des motifs plus sournois : combattre le terrorisme,
détrôner des dictateurs sanguinaires, sauver la vie de
milliers d'affamés. Mais au bout du compte, la guerre est la
même, elle défend toujours les intérêts de
la classe dominante. Le terrorisme reste dans sa grande majorité
l'arme des Etats; ceux-là même qui prétendent le
combattre ici, l'utilisent ailleurs. Les dictateurs sanguinaires sont
de la même façon déchus ici et sacrés et
protégés ailleurs. Enfin, les populations affamées
continuent de mourir de faim, car sinon elles ne légitimeraient
plus la présence des troupes.
Toutes les nations sont impérialistes, toutes les guerres doivent
être dénoncées. Mais la dénonciation ne suffit
pas, encore faut-il savoir sur quelle base on la fonde. Car la bourgeoisie
sait très bien aussi dénoncer les guerres, en utilisant
une arme dangereuse : le pacifisme. Le pacifisme n'est pas seulement
le porteur d'une utopie d'un monde capitaliste sans guerre, il est aussi
le moyen d'enrôler les ouvriers dans l'opposition à telle
ou telle guerre. Chaque fois, le pacifisme s'exprime derrière
les intérêts d'une bourgeoisie. Le pacifisme, c'est finalement
le pendant du nationalisme. C'est-à-dire le pire poison qui puisse
exister contre le prolétariat. Ce n'est pas un hasard si l'altermondialisme,
la réponse adaptée de la bourgeoisie à la montée
des questionnements dans la classe ouvrière, s'est à ce
point investi dans ce créneau, en le spécialisant dans
le chauvinisme anti-américain dont il s'est fait le plus grand
porteur.
La classe ouvrière doit donc dénoncer non pas telle ou
telle guerre, mais la guerre impérialiste, mode de vie du capitalisme
décadent. Elle doit dénoncer la guerre comme étant
l'expression de la faillite du capitalisme. Quelles que soient les formes
spécifiques que peut prendre la guerre aujourd'hui, le prolétariat,
et particulièrement celui des pays centraux, plus expérimenté,
garde intact son rôle. C'est par sa lutte contre ce système
et son déchaînement de misère et de barbarie, que
le prolétariat pourra élever sa conscience jusqu'à
remettre à l'ordre du jour de l'histoire l'alternative cruciale
: "Socialisme ou barbarie".
Fin mars, à l'issue du scrutin, la bourgeoisie française a présenté le résultat des élections régionales et cantonales comme une grande victoire du jeu démocratique, d'une part à travers une participation électorale plus forte que prévue, d'autre part à travers un triomphe écrasant de la gauche (surtout pour le PS) qui enlevait la présidence de 21 régions sur 22 en métropole. Cela marquait surtout un camouflet cinglant pour l'équipe Chirac-Raffarin au gouvernement.
Mais le message de la principale mystification idéologique de la classe dominante était délivré quelques jours plus tard.A peine quelques heures après avoir reconduit Raffarin à la tête d'un "nouveau gouvernement" qui ressemblait beaucoup au précédent à part une valse de portefeuilles ministériels, lors de son interview télévisée, le président Chirac cédait spectaculairement sur un certain nombre de revendications catégorielles jusque là refusées avec intransigeance et qui avaient tenu le haut du pavé au milieu du fort mécontentement social de ces derniers mois. Ainsi, Chirac acceptait de rouvrir le dossier sur le régime de chômage des intermittents du spectacle, comme il promettait l'octroi de crédits supplémentaires permettant de débloquer les 1000 postes réclamés par le secteur de la recherche et surtout il faisait mine de suspendre une partie de l'attaque appliquée depuis le 1er janvier contre les chômeurs qui a fait perdre brutalement le droit de toucher l'allocation Assedic à des centaines de milliers d'entre eux et à leur famille tout en réduisant de plusieurs mois la durée de leur indemnisation.
La bourgeoisie voudrait bien persuader les ouvriers contre toute évidence,
que le bulletin de vote serait la principale arme pour faire reculer
le gouvernement. En tentant de mettre en avant de fausses leçons
tirées de ces élections, l'objectif de la bourgeoisie
était bien de jeter de la poudre aux yeux pour jeter le trouble
et obscurcir la conscience des prolétaires. Elle peut évidemment
renvoyer l'image de l'échec cuisant de la lutte en mai 2003 contre
la réforme du régime des retraites en cherchant à
faire croire que la mobilisation massive de tous les prolétaires
dans la rue ne paie pas, venant cautionner les propos de Raffarin l'été
dernier lorsqu'il avait imposé cette attaque : "Ce n'est
pas la rue qui gouverne". La bourgeoisie cherche à faire
avaler l'idée, que pour faire changer la société
et corriger les inégalités les plus criantes, il faut
voter. C'est un leurre. Cet appât grossier ne peut longtemps faire
illusion et les ouvriers ne doivent pas être dupes.
Mais à travers les résultats électoraux eux-mêmes,
la bourgeoisie insinue qu'il faut également bien voter, c'est-à-dire
que les ouvriers auraient tout intérêt à voter pour
les partis de gauche pour se défendre. Cette propagande constitue
une tentative pour effacer des mémoires le discrédit qui
pèse sur la gauche en distillant la mystification que la gauche
serait "plus sociale" ou "moins pire" que la droite,
bref, qu'elle ne mènerait pas la même politique.
Cette mobilisation électorale traduit-elle pour autant un retour
en arrière, un important recul de conscience pour le prolétariat
? Non, car si la bourgeoisie ne peut qu'exploiter au mieux cette situation,
elle n'a elle-même pas les moyens d'entretenir la moindre illusion
sur ce genre de "victoire" et sur la portée de ses
arguments. En fait, la bourgeoisie française voit sa marge de
manoeuvre se réduire sérieusement et la politique de ses
partis traduit une réelle inquiétude. Son problème
est qu'elle est confrontée à un enjeu politique de taille
; le "trou phénoménal" des caisses de sécurité
sociale, l'ampleur du déficit budgétaire qui dépasse
largement le seuil de Maastricht (4,1% au lieu de 3%) ne lui laisse
pas le choix et la pousse dans les prochains mois à porter inévitablement
des attaques énormes, massives et générales contre
la classe ouvrière. La bourgeoisie française l'a clamé
sur tous les tons : "la réforme de la sécurité
sociale" est urgente. La France cumule le plus gros déficit
européen en matière de dépenses de santé
et a un retard énorme à rattraper sur ses concurrents.
Mais c'est "un dossier" encore beaucoup plus brûlant
que les retraites, dans la mesure où, même sur les retraites,
le gouvernement a pu jouer sur la division entre ouvriers du secteur
public qui se sont retrouvés en première ligne de l'attaque
et ouvriers du secteur privé moins immédiatement concernés,
tandis qu'avec l'attaque sur la sécurité sociale, tous
les prolétaires dans le privé comme dans le secteur public,
vont se retrouver également touchés. Tout le monde est
immédiatement concerné.
Mais pour imposer des attaques aussi lourdes au prolétariat,
le dispositif politique de la bourgeoisie française n'est pas
le mieux adapté et représente au contraire une hypothèque
pour l'avenir, même si elle va faire en sorte de laisser le sale
boulot à sa fraction la plus impopulaire.
De ce point de vue, elle court le risque d'avoir de sérieuses
difficultés à faire face à une mobilisation massive
provoquée par ses attaques. Car elle subit un lourd handicap.
Elle connaît depuis des années un problème spécifique
: l'archaïsme de la fraction qui tient les leviers de commandes
de l'Etat tout en étant minoritaire et qui tend à s'agripper
au pouvoir de même qu'à faire prévaloir des intérêts
de clan. Par ailleurs, elle est confrontée à une montée
du populisme, phénomène international lié à
sa décomposition qu'elle a du mal à contrôler et
qui vient gripper les rouages de son appareil politique. Ces aléas
ont déjà bousculé le jeu politique traditionnel
lors des élections présidentielles de 2002, évinçant
les partis de gauche du second tour. La presse et même le ministre
Fillon ont parlé d'un "21 avril à l'envers",
face au nouveau déséquilibre politique du jeu entre gauche
et droite issu des régionales. La bourgeoisie est parvenue à
rattraper le coup momentanément le 21 avril 2002 mais elle est
affaiblie et risque de payer l'addition très cher. La droite
se trouve en situation d'autant plus délicate que depuis des
décennies, ses clans, ses divisions, ses rivalités, ses
guerres de chefs incessantes (Giscard-Chirac, Chirac-Balladur, Chirac-Sarkozy),
ne cessent de constituer un handicap de plus en plus lourd qui a déjà
provoqué des "accidents" en série lors des présidentielles
en 1981, en 1995, ou encore en 2002. Il est clair que ce gouvernement
a du mal à se parer d'une légitimité et à
parler au nom de toute la nation alors qu'il ne représente que
20% des voix. Et cela peut difficilement passer pour une grande victoire
pour crédibiliser la démocratie.
Les faiblesses de l'appareil politique de la bourgeoisie française
ont déjà joué un rôle important dans le retard
accumulé face à ses principaux concurrents par le capital
national pour porter ses attaques contre le prolétariat, notamment
dans la remise en cause de la protection sociale, ce qui le contraint
à cogner encore plus fort aujourd'hui, dans la logique du capitalisme
en crise. Mais l'impopularité de l'équipe gouvernementale
actuelle et sa légitimité douteuse du point de vue des
règles démocratiques impliquent qu'elle n'est pas la mieux
placée pour faire passer les mesures brutales qu'exige la situation.
Si la bourgeoisie française peut se prévaloir d'un clair
succès dans l'immédiat, la situation réelle est
particulièrement difficile à gérer dans l'avenir
et peut se retourner contre elle. La défaite de la droite est
plus qu'un simple revers électoral, elle traduit en réalité
un état de profonde difficulté politique pour toute la
bourgeoisie française. C'est incontestablement dans un état
de faiblesse relative que celle-ci se trouve placée pour faire
face au prolétariat. Même si les difficultés que
rencontre son ennemi de classe ne sont pas en toutes circonstances exploitables
par la classe ouvrière, elles constituent néanmoins un
atout pour l'avenir afin de réaliser une avancée dans
le développement de la lutte de classe.
Le PS a hérité de la gestion des régions mais
a l'avantage de s'éviter la charge du pouvoir central qui le
contraindrait à prendre les mesures les plus impopulaires et
à faire face à un énorme mécontentement.
C'est pourquoi la bourgeoisie en profite pour chercher à redorer
le blason de la gauche et pour tenter de faire oublier un passé
encore récent aux yeux des ouvriers. C'est pourquoi il est nécessaire
de rappeler quelques faits. Rappelons ce que la gauche, qui cherche
aujourd'hui à se redonner une image plus sociale, a fait au gouvernement
avec la même logique de concurrence et de rentabilité du
capital national, avec les mêmes arguments, au nom de la réforme,
de la modernisation, de l'adaptation. La gauche au gouvernement a efficacement
contribué à la paupérisation croissante de la classe
ouvrière et à l'attaquer sur tous les fronts. Les années
pendant lesquelles elle a officié à la tête de l'Etat
depuis 1981 ont vu une poussée vertigineuse du chômage,
une succession ininterrompue de plans de licenciements avec les "restructurations"
dans les grandes entreprises modernes comme dans les autres qui ont
fait perdre des centaines de milliers d'emplois dans tous les secteurs
de l'industrie (sidérurgie, mines, automobile, chantiers navals,
textile, etc), mais aussi l'explosion et la généralisation
du travail précaire. Sa grande oeuvre reste les lois Aubry sur
les 35 heures qui ont représenté une première attaque
d'envergure touchant l'ensemble de la classe ouvrière en introduisant
un maximum de flexibilité dans l'exploitation tout en contribuant
à bloquer les salaires. La gauche a déjà multiplié
les coupes claires dans les effectifs de la fonction publique comme
dans les différents services publics. C'est elle aussi qui a
renforcé le flicage de la société, organisé
la chasse aux "travailleurs clandestins", fait voter les premières
lois pour réduire drastiquement l'immigration. Rappelons aussi
que c'est elle qui s'est faite le défenseur zélé
des intérêts impérialistes de la France à
travers la multiplication des raids militaires en Afrique, du Tchad
au Zaïre, sans parler du génocide au Rwanda déjà
organisé et préparé de longue date par Mitterrand
à son époque (voir RI 345) et de son implication dans
la première guerre du Golfe comme dans les Balkans.
Quand elle n'a pas porté les attaques elle-même, la gauche
a activement préparé le terrain à ses successeurs
; ainsi, sur les retraites, depuis le livre blanc de Rocard dans les
années 1980 jusqu'au candidat Jospin qui avant sa veste du 21
avril 2002 avait déclaré que "la réforme des
retraites serait sa priorité numéro un", en passant
par le rapport Charpin, commandé par le même Jospin.
De façon plus évidente encore, la gauche a massivement
réduit les indemnisations des chômeurs. Dès 1982,
c'est la gauche qui instituait par décret la limitation de la
durée d'indemnisation des chômeurs et instaurait en même
temps une hausse de cotisation des actifs tout en abaissant le montant
des allocations des chômeurs. En 1992, la ministre du travail
Martine Aubry portait de 3 à 4 mois la durée minimale
de travail dans les 8 mois précédents ouvrant droit à
indemnisation. La même année, était mise en place
l'allocation unique dégressive et les contrôles trimestriels
des démarches de recherche d'emploi pour tous les chômeurs.
Avant le PARE (plan d'aide au retour à l'emploi), c'est encore
elle qui en 2000 introduisait une allocation conditionnelle aux chômeurs;
tout refus d'offre d'emploi se traduisant par une réduction,
une suspension et finalement une suppression de son indemnisation.
Quant à la remise en cause de la protection sociale concernant
l'accès aux soins, le PS a également joué les pionniers.
C'est lui qui a procédé aux suppressions massives de lits
d'hôpitaux et des postes dans le secteur de la santé, qui
a décrété les restrictions de certains examens
médicaux, qui a dressé les premières listes de
"déremboursement" des médicaments instituées
par Aubry. Auparavant, le forfait hospitalier avait été
instauré par le "camarade ministre" Ralite du PCF.
C'est le gouvernement Rocard qui a créé la CSG. Mais rétorqueront
certains, c'est aussi la gauche qui a institué un certain nombres
de mesures "sociales" comme le RMI ou la CMU. Mesures sociales
? Foutaises ! Toujours la loi de la rentabilité capitaliste !
Non seulement le RMI coûte beaucoup moins cher à l'Etat
que les indemnités-chômage mais il permet un filtrage très
sélectif et un contrôle beaucoup plus étroit de
l'absence de ressources des "bénéficiaires".
Quant à l'établissement de la CMU elle n'a permis que
le déplacement de la prise en charge des soins des plus pauvres
de certains organismes (les dispensaires leur assuraient déjà
des soins gratuits alors qu'ils ont aujourd'hui disparu) vers d'autres,
avec comme conséquence pour les plus démunis d'adhérer
à une mutuelle dont ils pouvaient auparavant se passer. D'ailleurs,
aucune de ces mesures n'a été remise en cause par la droite
au pouvoir.
Les prolétaires n'ont aucune illusion à se faire ni sur
la nature antiouvrière de la gauche, ni sur les pseudo-reculades
du gouvernement dans ses attaques. Ces attaques ne peuvent que se multiplier
massivement et s'intensifier au cours des prochains mois.
Aussi, ce n'est qu'en développant des luttes massives, ouvertes,
sur son terrain du combat de classe, et en rejetant tous ceux qui comme
la gauche et les syndicats prétendent les défendre, que
le prolétariat pourra faire reculer les attaques grandissantes
actuelles.
Il y a quatorze ans, suite à l'effondrement du bloc de l'Est,
George Bush père, avec à sa suite toute la bourgeoisie
occidentale, nous promettait un "nouvel ordre mondial" fait
de paix et de prospérité. Le moins que l'on puisse dire,
et la situation en Irak en constitue certainement l'exemple actuel le
plus criant, c'est que c'est bien à un chaos croissant auquel
nous assistons depuis lors.
Depuis le début du mois d'avril, la guerre en Irak se généralise
à tout le pays. Le meurtre le 31 mars à Fallouja de quatre
employés américains de la compagnie privée de sécurité
Blackwater et la mutilation de leurs corps symbolise l'ouverture qualitative
d'une nouvelle phase du conflit en Irak. Les armées de la coalition,
et en tout premier lieu les Etats-Unis, ont à faire désormais
avec la révolte armée des Sunnites, mais encore, et c'est
un fait nouveau, avec celle des Chiites, qui se rangent de plus en plus
massivement sous la bannière du jeune chef religieux Moqtada
Al-Sadr. Le Wall Street journal s'interroge :"Celui-ci serait-il
la pièce maîtresse d'un front islamique national unissant
les Arabes sunnites et chiites contre les intrus étrangers ?"
L'enlisement de la politique guerrière impérialiste des
Etats-Unis en Irak risque ainsi de provoquer une alliance de circonstance
lourde de conséquences pour toute la région et qui aurait
été totalement impensable il y a quelques mois encore.
Les perspectives américaines de s'appuyer sur la majorité
chiite en Irak pour tenter de calmer un tant soit peu le chaos, et de
contrôler le CIG (Conseil Intérimaire de Gouvernement irakien),
sont véritablement mises à mal. Ce plan américain,
de plus en plus irréaliste, s'appuie en effet sur la capacité
de l'ayatollah Al-Sistani de contrôler la population chiite majoritaire
en Iran. La réalité de la généralisation
de la guerre et du chaos à tout le pays démontre que la
situation échappe de plus en plus au contrôle de l'impérialisme
américain.
Malgré la nécessité de continuer à développer
la campagne idéologique justifiant leur présence armée
en Irak, l'administration d'Etat américaine est bien obligée
de reconnaître en partie l'enlisement de ses forces armées.
C'est ainsi que Donald Rumsfeld, ministre de la Défense américaine,
n'a pu que déclarer : "C'est une dure épreuve
pour notre détermination mais nous saurons faire face."
Mais il devait aussi admettre à contrecoeur : "La rébellion
chiite pose un sérieux problème." De fait, toutes
les villes irakiennes comme Fallouja, Bagdad, Nadjaf, Kut sont en proie
à la guerre, aux massacres et au chaos.
L'affaiblissement du leadership américain s'étale maintenant
tous les jours sur tous les écrans de télévision
du monde. La politique impérialiste de l'administration Bush
est un échec cuisant.
Les Etats-Unis, malgré l'écrasante supériorité
militaire qu'ils ont par rapport au reste du monde, n'ont pas les moyens
d'imposer leur loi en Irak. Et ceci d'autant plus que l'affaiblissement
du leadership américain aiguise, sur la scène internationale,
l'appétit féroce de tous les autres impérialismes.
Dans la situation de déliquescence de la nation irakienne, des
groupes armés et terroristes, prolifèrent dans tout le
pays. Ces groupes armés, plus ou moins autonomes, n'obéissent
plus qu'à une seule règle, bouter hors d'Irak l'ogre américain.
Ces groupes ont d'ailleurs exprimé leur radicalisation par la
multiplication de prises d'otages civils, avec menace et mise à
exécution d'assassinats si les Etats belligérants ne retiraient
pas leurs troupes d'Irak. Au moment ou nous écrivons cet article,
un otage italien vient d'être sauvagement assassiné. Mais
plus encore, ce qui est caractéristique de l'ensemble des tensions
impérialistes, sous l'emprise du chacun pour soi, et qui se concrétise
aujourd'hui en Irak, est le rôle joué par Moqtada Al-Sadr.
Le lien étroit qu'entretien celui-ci avec l'Iran est bien connu.
Il semble très probable que la politique insurrectionnelle des
Chiites actuellement en Irak soit soutenue activement par ce pays. L'Iran
répond ainsi directement à la pression américaine
exercée à son encontre. Malgré cela l'affaiblissement
de l'Oncle Sam est tel que ce dernier est amené à demander
officiellement l'aide de Téhéran. Afin de mesurer réellement
le niveau d'effritement de la puissance américaine, il n'est
pas négligeable de se rappeler les déclarations arrogantes
jetées à la face du monde au moment de la période
d'entrée en guerre en Irak, il y a un an. Le 9 avril 2003 devant
la convention annuelle de l'American Society of News Editors, Dick Cheney,
vice-président américain, affirma qu'en aucune circonstance,
les Etats-Unis ne remettraient à l'ONU le contrôle de l'occupation
en Irak : "Le président a clairement fait savoir que
nous ne le ferons pas (...) Nous voulons seulement qu'elle y joue un
rôle majeur (...) Notre objectif est de créer et faire
fonctionner aussi vite que possible une autorité intermédiaire
qui soit composée d'Irakiens, et de leur transférer l'autorité
à eux et non pas aux Nations Unies ou à tout groupe extérieur."
A ce moment là l'Irak était inclus dans un "axe du
mal" ou les Etats "voyous" comprenaient notamment la
Corée du Nord, la Syrie et l'Iran. Ces pays étaient accusés
publiquement de posséder des armes de destruction massive et
d'être des organisateurs du terrorisme. Ils étaient alors
clairement désignés comme les cibles militaires potentielles
de l'après-Irak. Si peu de temps après, on peut voir ce
qu'il en est dans la réalité. Ce sont bel et bien les
Etats-Unis qui sont en situation de demander assistance à l'Iran.
Kamal Kharazi (chef de la diplomatie iranienne ) a affirmé :
"Les Etats-Unis ont réclamé l'aide de Téhéran
pour tenter de régler la crise et faire baisser la violence grandissante
en Irak." (dépéche de l'AFP du 6 avril). De son
coté le chef de la délégation iranienne actuellement
à Bagdad a déclaré : "Nous sommes ici pour
avoir une idée claire de la situation et une meilleure compréhension
de ce qui se passe, il n'y a pas de médiation." Les
choses sont claires pour tous ces bandits impérialistes. Tout
a un prix. Et aujourd'hui, en situation de faiblesse, c'est aux Etats-Unis
d'en payer le montant. Le développement de la guerre et du chaos
en Irak ne laisse rien présager de bon pour l'avenir. L'armée
américaine se doit en priorité de réduire à
l'impuissance les chiites qui obéissent à Moqtada Al-Sadr.
Pour cela, ils ont massé d'importantes troupes à proximité
de Nadjaf et dans la ville proche de Koufa. Une intervention dans la
ville sainte de Nadjaf serait un facteur de déstabilisation très
important en Irak, mais également au-delà des frontières
de ce seul pays. Ce serait un pas important dans l'enfoncement dans
la décomposition en cours dans toute la région. Une attaque
massive américaine sur Nadjaf se traduirait par le fait que :
"Tous les membres chiites du Conseil intérimaire de gouvernement
irakien (CIG), y compris les laïcs, se dresseront contre une telle
attaque et refuseront de coopérer avec l'Autorité provisoire
de la coalition.." (Courrier International du 15 avril) Tel
serait également le cas du chef religieux modéré,
l'ayatollah Al-Sistani, représentant jusqu'ici le seul appui
pour les Etats-Unis dans tout le pays.
Il ne semble y avoir aucune porte de sortie pour l'impérialisme
américain en Irak. Une majorité de la bourgeoisie américaine
s'est d'ailleurs rangée à ce point de vue. C'est pour
cela que celle-ci pousse en avant, de toutes ses forces, en vue des
prochaines élections présidentielles, la candidature du
démocrate John Kerry. La bourgeoisie américaine est obligée,
pour tenter de limiter la casse en Irak, et d'essayer de légitimer
une solution politique (ceci contrairement à la période
du déclenchement de la guerre). Elle est contraite de faire appel
à ses principaux rivaux impérialistes que sont la France,
l'Allemagne ou la Russie au sein de l'ONU. Le temps où les Etats-Unis
proclamaient que dans leur lutte contre "l'axe du mal" et
les pays "voyous", l'Amérique n'avait besoin de personne,
est sans doute révolu. Mais même dans le cas ou John Kerry
arriverait au pouvoir et remplacerait l'administration Bush, rien ne
serait réglé pour autant. Le New York Times (revue de
presse de Courrier International du 8 avril) signale : "John
Kerry, lui, était bien présent à Washington, mais
il essayait d'esquiver la question irakienne en s'efforçant d'axer
ses interventions sur l'économie américaine. Face à
l'insistance des journalistes le questionnant sur son avis, il s'est
écarté de son discours préparé pour se lancer
dans l'une de ses plus virulentes critiques sur la politique de Bush
en Irak. Mais il était incapable de préciser ce qu'il
ferait s'il était lui-même aux commandes". Cependant
la situation des Etats-Unis en Irak oblige John Kerry lui-même
a envisager la nécessité de laisser les troupes américaines
en Irak. Cette incapacité de la bourgeoisie américaine
à entrevoir comment freiner son affaiblissement au plan mondial
a également été manifeste dans la conférence
de presse de George Bush le mardi 13 avril, le Los Angeles Times note
en effet comme significatif le fait que "confronté à
une situation en Irak qui lui échappe de plus en plus, Bush ait
insisté sur sa détermination à faire de ce pays
une démocratie stable, sans dire comment il fallait s'y prendre."
Mais plus encore, parlant du désarroi dans lequel est plongée
la bourgeoisie américaine, lors de cette même conférence
un journaliste lui a demandé quelles leçons il tirait
des événements depuis le 11 septembre 2001, raconte le
Washington Post "Il (G. Bush) s'est arrêté de parler,
a secoué la tête, a paru s'interroger avant de rester sans
réponse a une question qu'il avait pourtant dû beaucoup
travailler avec ses conseillers en préparant la conférence
de presse. Au final, la seule chose qu'il ait pu dire est :"Je
suis sûr qu'une réponse va me venir à l'esprit dans
les conditions très particulières de cette conférence
de presse où il faut toujours avoir réponse à tout.
Mais pour l'instant, ça ne vient pas." " (extraits
de la revue de presse de Courrier International du 15 avril.)
Quels que soient, d'une part, le prochain résultat des élections
américaines et, d'autre part, l'ampleur de la réorientation
de la politique impérialiste des alliés, l'accélération
de l'affaiblissement de l'impérialisme américain ne peut
être qu'un facteur d'approfondissement du chaos en Irak et de
la décomposition de toute la société à l'échelle
mondiale. Un tel niveau de désarroi et d'aveu d'impuissance de
la toute première puissance capitaliste du monde en est un signe
flagrant. Les mois qui viennent vont s'inscrire en lettre de sang en
Irak. L'entrée en guerre des Chiites dans ce pays est un facteur
lourd de conséquences quant à la déstabilisation
potentielle de toute la région, de l'Iran à l'Arabie Saoudite
où ils représentant une très forte partie de la
population. De plus, alors qu'en Afghanistan le gouvernement Karzaï
et les troupes américaines ne contrôlent de fait que la
capitale Kaboul et ses alentours, l'administration américaine
est obligée de faire bonne figure devant la politique expansionniste
de Sharon et de l'Etat israélien en Cisjordanie. Le silence embarrassé
d'une grande partie de la bourgeoisie américaine à l'ONU
face à la dénonciation par l'Allemagne, la France et la
Russie de la politique de Sharon en dit long sur les objectifs de ces
puissances impérialistes, principales concurrentes des Etats-Unis.
Laisser les Etats-Unis s'enliser au maximum en Irak, et en profiter
partout dans le monde pour faire avancer leurs propres intérêts,
voilà la seule préoccupation de ces derniers.
L'impuissance de la classe bourgeoise américaine face au bourbier
irakien est une concrétisation de la déliquescence générale
de cette société capitaliste. Cette dernière va
également jusqu'à affecter les bourgeoisies les plus puissantes
du monde, y compris sur le plan de la politique guerrière. Le
prolétariat se doit de comprendre que cette société
capitaliste en décomposition ne peut qu'allumer d'autre Irak
aux quatre coins de la planète, y compris au cœur du capitalisme
mondial. L'évolution de la situation de ce pays rappelle une
nouvelle fois que l'avenir se jouera pour l'humanité entre communisme
ou destruction de toute forme de civilisation à la surface de
cette planète.
Dans un éditorial signé Arlette Laguiller et titré "Un vote qui fait plaisir, mais qui n'est pas suffisant", l'hebdomadaire trotskyste Lutte Ouvrière du 26 mars lâche deux ou trois petites phrases qui soulèvent pour le moins quelques questions. Après avoir clamé sa satisfaction suite au deuxième tour des élections régionales : "Au bout de deux ans de gouvernement, les électeurs ont dit son fait à Raffarin. Et c'est bien réjouissant!", LO explique sa conception de l'électoralisme : "Les élections ne peuvent apporter le bonheur, elles ne peuvent que redonner le moral. Espérons que celles-ci le feront. En tout cas, ni LO ni la LCR ne sont des partis électoralistes, même s'ils se présentent aux élections. Car ils ne cherchent aucune place dans l'appareil d'État, qui ne peut être qu'au service de la bourgeoisie."
Ces quelques extraits laissent interrogateur : d'abord, qu'entend-on par "un vote qui fait plaisir" ? Cette notion purement morale sous-entend tout de même que ce plaisir vient d'un gain quelconque. Mais qu'a pu donc gagner la classe ouvrière dans les dernières élections ? Que peut, plus largement, gagner la classe ouvrière dans une quelconque élection bourgeoise?
A cela, LO nous répond qu'à défaut d'en avoir tiré du bonheur, le prolétariat a gagné le plaisir de retrouver le moral. On est en plein dans la nuance de vocabulaire. Mais surtout, on est en plein mensonge ! En effet, les élections ne sont certainement pas un moyen de redonner le moral à la classe ouvrière, bien au contraire ! Les élections enferment les ouvriers dans l'illusion d'un quelconque pouvoir, à laquelle succèdent des attaques toujours plus fortes, de la droite comme de la gauche. Appeler les ouvriers à exprimer leur mécontentement sur le terrain électoral, comme le font les trotskystes, ne peut que servir les intérêts de la bourgeoisie. Même si cela fait plaisir à LO que le gouvernement Raffarin ait été sanctionné aux dernières régionales, cela ne change strictement rien pour la classe ouvrière. Les attaques vont continuer à tomber et ce n'est certainement pas le vote sanction du dernier scrutin qui va empêcher la bourgeoisie de mettre en application ses plans d'attaques contre les retraites et la sécurité sociale. Et cela, LO le sait pertinemment !
Mais surtout, qu'est-ce qui fait tant plaisir aux trotskistes dans ces élections ? Est-ce le fait que les "électeurs" se soient assez bien déplacé vers les isoloirs ? Ou est-ce le fait que ces mêmes électeurs ont infligé à la droite une cuisante et "réjouissante" défaite ?
Il n'y a rien d'étonnant à ce que LO se réjouisse que les ouvriers se soient rendus aux urnes en tant que citoyens au lieu de déserter le terrain pourri du cirque électoral pour manifester leur colère sur leur propre terrain de classe, en développant leurs luttes contre les attaques du gouvernement. Les électeurs, cette espèce chère à la bourgeoisie et à ses médias, n'est que l'addition d'individus pêle-mêle, sans distinction de classe, faisant des prolétaires, atomisés dans les isoloirs, l'exact opposé d'une classe unie dans la solidarité et la défense d'intérêts communs contre le capitalisme. Après avoir saboté les luttes du printemps 2003 contre la réforme du système des retraites, LO parachève aujourd'hui son sale travail d'isolement et de dévoiement de la classe ouvrière sur le terrain bourgeois des élections. Et c'est bien cela qui lui a tant fait "plaisir" dans les résultats des régionales.
Une telle joie peut étonner de la part d'une organisation qui répète à l'envi que droite et gauche se valent, qu'il ne peut être question en critiquant la droite d'oublier ce que la gauche a fait à la même place. Pourtant, LO se réjouit bien de ce que la droite a subi lors de ces élections. Droite et gauche identiques ? LO tranche : "Beaucoup se sont dit que la droite est pire que la gauche. C'est vrai !". Une fois encore, LO ne se contente pas seulement de faire croire aux ouvriers qu'ils peuvent se battre sur le terrain électoral. Elle continue à semer l'illusion que la gauche serait moins pire que la droite. C'est avec cet argument que LO a toujours joué son rôle de rabatteur des partis de gauche, comme elle l'a fait en appelant à voter Mitterrand en 1974 et en 1981.
Enfin, quand LO nous dit ne pas être électoraliste, même si elle se présente aux élections, nous devons nous tenir solidement pour ne pas bondir ! Si ce n'est pas par électoralisme, pourquoi se présenter aux élections avec tant de constance (Arlette Laguiller est ainsi la plus ancienne et plus fidèle candidate aux présidentielles depuis trente ans) ? La réponse n'est pas donnée ici, mais on la connaît : LO utiliserait les élections comme une "tribune pour les idées révolutionnaires" et un moyen de comptabiliser leur audience dans l'électorat ouvrier.
Explication séduisante, mais complètement fausse. Depuis le début du 20e siècle, l'idée suivant laquelle le terrain électoral serait une tribune pour défendre les intérêts de la classe ouvrière est devenue caduque. Une organisation qui, comme LO, appelle les ouvriers à voter ou soutenir les partis de la gauche du capital (PC et PS), sous prétexte qu'ils seraient "moins pires" que la droite, n'est pas une organisation révolutionnaire, mais une organisation bourgeoise dont l'objectif n'est pas de renverser le capitalisme mais de semer l'illusion que ce système pourrait encore être réformé (par exemple par une meilleure gestion ou, selon le slogan cher à LO, "en prenant l'argent dans la poche des riches").
De plus, cette fois-ci, LO ne s'est même pas donné la peine, pendant sa campagne électorale de ressortir son vieux slogan suivant lequel le vote permettrait aux ouvriers combatifs de "se compter". Ce qu'elle a mis en avant, c'est qu'il fallait aller voter avant tout, et voter trotskiste pour "protester fort" (dernier slogan entendu avant le premier tour) ! Jamais LO n'est aussi tonitruante, omniprésente, que lors des élections ! Il fallait voir les militants trotskistes sur les marchés accrocher le passant en lui disant : "il faut voter Dimanche ! Il faut voter Dimanche !". Il faudra enfin expliquer pourquoi, si les élections ne sont qu'un moyen de se faire entendre, les élus de LO aux précédentes élections régionales et européennes ont tenu à siéger dans les assemblées. LO nous répond que c'était pour surveiller et dénoncer les magouilles de la bourgeoisie. Mais dans ce cas, pourquoi participer aux votes de ces assemblées (souvenons-nous de ce vote très médiatisé contre la Taxe Tobin de Laguiller et Krivine au parlement européen) et, surtout, pourquoi se plaindre aujourd'hui que le nouveau mode de scrutin, en écartant les petites listes, "[prive] de représentation des millions d'électeurs" ?
Pour LO, les élections sont donc un moyen de représenter politiquement ses électeurs, elles sont aussi en l'occurrence un moyen de battre la droite et de faire gagner la gauche… Bref, les élections ne sont donc pas qu'une tribune, et pour cause : elles peuvent même "redonner le moral" !
Finalement si LO se présente aux élections, c'est tout simplement parce qu'elle est une organisation électoraliste bourgeoise comme les autres !
Tout son travail ne vise qu'à rabattre les ouvriers sur le terrain électoral de l'Etat démocratique bourgeois. Il s'agit là d'un fondement idéologique essentiel du trotskisme. Tout doit être fait pour détourner la classe ouvrière de la lutte sur son propre terrain de classe, pour l'empêcher de comprendre que le jeu démocratique droite/gauche est une fausse alternative. Ainsi, en affirmant que la droite est pire que la gauche, LO s'est bien gardée de rappeler que les attaques massives portées par la droite aujourd'hui ont été préparées par les gouvernements de gauche précédents et qu'elles se situent dans la continuité de toutes les mesures anti-ouvrières prises par le PS lorsqu'il était au gouvernement.
Dans la logique bourgeoise du trotskisme, tout doit être fait pour que le prolétariat ne prenne pas conscience que le seul terrain sur lequel ses intérêts peuvent être défendus est celui de la lutte de classe. Tout est bon, y compris le pire culot, d'une démagogie flirtant avec le populisme, qui amène à se dire non électoraliste, à peine après avoir rangé ses slogans agressifs en faveur d'une mobilisation massive dans les bureaux de vote pour "sanctionner le gouvernement".
Ces quelques phrases disséminées dans cet éditorial d'Arlette sont un petit chef-d'œuvre de synthèse. On ne pouvait pas mieux, en effet, en si peu de mots, résumer le caractère fondamentalement mensonger de LO, et sa capacité à manier le double langage pour tromper la classe ouvrière.
G (18 avril)
Les assassinats des principaux responsables du groupe terroriste Hamas : le cheikh Yassine le 22 mars dernier et son successeur Abdelaziz Al-Rantissi, à la mi-avril, par l'armée de Tsahal, constituent une nouvelle étape dans l'affrontement meurtrier que se livrent depuis plusieurs décennies, les belligérants israéliens et palestiniens.
En tuant, à quelques semaines d'intervalle, le leader islamiste Yassine, puis son héritier, symboles de la résistance armée palestinienne, le gouvernement Sharon enterre de nouveau les "espérances" de paix que la bourgeoisie internationale avait claironné à grand renfort médiatique, notamment l'initiative de la "conférence de paix" de Genève en décembre dernier, ainsi que la fameuse "feuille de route" de l'été 2003, sous la houlette de l'administration Bush. D'ores et déjà, la population israélienne vit dans la peur des inévitables représailles que la mort de ces chefs terroristes va entraîner, d'autant plus que les bandes armées du Hamas se sont alliées pour la circonstance aux brigades du Fatah d'Arafat, au Djihad islamique et aux milices chiites du Hezbollah, avec pour objectif majeur, d'envoyer des dizaines d'innocents, transformés pour les besoins de la cause en "martyrs", commettre des attentats, des bains de sang parmi la population et la classe ouvrière israélienne.
La barbarie de ces cliques terroristes n'est plus à démontrer, néanmoins,
après l'utilisation de femmes porteuses d'explosifs, ces gangsters vont plus
loin encore dans l'horreur en utilisant des adolescents et des enfants pour le
transport de ces charges de la mort. En liquidant les chefs historiques du
Hamas, notamment le cheik Yassine[1] dont
l'autorité politique permettait de juguler les affrontements entre les
différentes cliques palestiniennes, la bande à Sharon sait pertinemment qu'elle
provoque un séisme dans la mouvance terroriste. L'aile militaire du Hamas a
pris la direction du mouvement, ce qui ne peut signifier que davantage
d'attentats suicides contre Israël. Le risque est réel d'un embrasement dans
plusieurs parties du Proche-Orient. Pour la première fois de son histoire, le
sommet de la Ligue arabe prévu en Tunisie, fin mars, a été reporté, compte tenu
des divergences sur le conflit israélo-palestinien et de l'hostilité rampante
envers les Etats-Unis de la part des principaux pays arabes. En Egypte et en
Jordanie, alors que les manifestations sont interdites, le pouvoir politique
n'a pas pu empêcher des manifestations importantes, organisées par les
mouvements islamistes, de même qu'au Liban, les Chiites et le Hezbollah ont
appelé à la guerre sainte contre Israël. De façon plus générale, cette escalade
dans le conflit israélo-palestinien est la conséquence directe de
l'affaiblissement du leadership américain et de son incapacité à imposer son
autorité politique, notamment auprès de Sharon, compte tenu de son enlisement
dans le bourbier irakien. L'enfoncement vers toujours plus de chaos et de
barbarie dans cette région du monde ne fait que confirmer ce que nous
défendions déjà à ce propos, en octobre 2003 :
"L'échec actuel de la bourgeoisie américaine en Irak constitue en effet
un handicap vis-à-vis de la politique de mise au pas de son turbulent allié
israélien pour lui faire respecter une "feuille de route" qu'il n'a
de cesse de saboter. De telles difficultés de la bourgeoisie américaine pour imposer
ses exigences à Israël ne sont pas nouvelles et expliquent en partie l'échec
des différents plans de paix tentés depuis 10 ans. Néanmoins, elles n'ont
jamais été aussi lourdes de conséquences qu'aujourd'hui. C'est ce qu'illustre
la politique à courte vue qu'un Sharon est capable d'imposer au Moyen-Orient,
basée exclusivement sur la recherche de l'escalade dans la confrontation avec
les palestiniens en vue de les chasser des territoires occupés. Même si, à
l'image du reste du monde, il n'y a pas de paix possible dans cette région, la
carte jouée par Sharon, ne pourra qu'aboutir à des bains de sang qui ne
régleront pas pour autant, pour Israël, le problème palestinien. Au contraire,
celui-ci reviendra, tel un boomerang, notamment à travers une recrudescence du
terrorisme encore plus incontrôlable qu'actuellement. Un telle issue ne pourra
que rejaillir négativement sur les Etats-Unis qui, évidemment, ne pourront pas
pour autant lâcher leur meilleur allié dans la région." ( Revue
Internationale n°115, page 4)
Les récents assassinats des chefs du Hamas et les représailles terroristes à venir, s'inscrivent complètement dans ce cadre d'analyse. C'est dans ce contexte particulièrement défavorable à Washington, que Sharon est venu, mi-avril, pour faire entériner auprès de Bush son projet de "séparation unilatérale" d'avec les Palestiniens. Même si, en acceptant le plan Sharon, Bush espère récupérer les voix des Juifs américains aux prochaines élections, c'est surtout l'incapacité américaine actuelle à imposer sa "paix" au Proche et Moyen-Orient qui oblige l'Oncle Sam à avaliser, en attendant des jours meilleurs, un accord pro-israélien qui représente une véritable déclaration de guerre contre les intérêts de l'Autorité palestinienne. Ainsi, Sharon propose un retrait de l'armée israélienne de la bande de Gaza avec maintien du contrôle militaire sur les accès aérien et maritime, notamment de la frontière avec l'Egypte. En Cisjordanie, en plus du mur de séparation en construction, il maintient les principales colonies juives et prône leur extension, autrement dit, chasser progressivement les Palestiniens de cet endroit et y interdire le retour des réfugiés qui croupissent dans des camps, exilés dans plusieurs pays arabes. Pour ne pas être hors-jeu, Bush salue le retrait de Gaza et laisse entendre à son allié israélien que ce plan est compatible avec la "feuille de route", et en réponse aux critiques du monde arabe et des Européens, il propose de réunir le Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie et Nations unies) qui a élaboré la "feuille de route" affirmant que son accord au plan ne préjuge pas des négociations sur le statut final entre Israéliens et Palestiniens. Ce numéro d'équilibriste sur le plan diplomatique est de la poudre aux yeux et comme le souligne la presse bourgeoise à propos de la politique américaine : "L'élimination de Saddam Hussein devait ouvrir la voie à la résolution du conflit israélo-palestinien. Force est de constater, un an après, que l'Irak est mal parti, que les "progrès" entre Israéliens et Palestiniens sont à sens unique. On ne s'y prendrait pas autrement pour faire du Moyen-Orient une bombe à retardement." (Libération du 19 avril). En effet, la situation est particulièrement grave et la spirale de violence ne semble plus avoir de limites. Aux meurtres des dirigeants du Hamas, les Palestiniens en retour promettent "un volcan de vengeance" et Israël surenchérit en préparant des actions militaires contre les responsables politiques du Hamas qui vivent en Syrie, au risque de faire basculer le Proche-Orient dans la guerre, ce qui ne peut qu'aggraver la situation dans tout le Moyen-Orient. Face à cette accélération vers toujours plus de barbarie et de chaos, les prolétaires palestiniens et israéliens sont soumis à davantage de terreur et de misère et ont tendance à être entraînés derrière le nationalisme palestinien ou celui de l'Etat hébreu. Le poison du nationalisme et l'accumulation de haine consécutifs aux exactions et violences quotidiennes rendent de plus en plus difficile la possible et nécessaire solidarité de classe entre ouvriers israéliens et palestiniens. En l'absence aujourd'hui, au Proche-Orient, d'une possible réponse de classe à la barbarie du capitalisme, c'est aux prolétaires des pays centraux du capitalisme d'affirmer par le développement de leurs combats de classe que c'est la seule réponse possible pour en finir avec la misère, les guerres, le terrorisme et le nationalisme, véritables fléaux d'un système capitaliste en pleine décomposition.
Donald (20 avril)[1] Le "paradoxe" de cet assassinat du dirigeant du Hamas, c'est que celui-ci était à la fois le donneur d'ordres des attentats perpétrés en Israël et en même temps le principal interlocuteur pour négocier les accords de cessez-le-feu avec l'Egypte, l'Union européenne "ou encore avec les observateurs américains résidant sur place. Et, bien plus encore, l'Etat d'Israël !" (Courrier International du 25 au 31 mars 2004). Non seulement le cheik Yassine était un "partenaire" de discussion pour l'Etat hébreu mais il faut rappeler qu'il a même été soutenu par celui-ci. En 1967, Yassine intègre le mouvement des Frères musulmans qui est réprimé par l'Egypte de Nasser. Il se réfugie à Gaza, occupée alors par Israël et fonde une organisation religieuse, Al-Moujammaa al-Islam, ancêtre du Hamas. Israël encourage et favorise cette organisation islamiste dans la mesure où elle concurrence et fait contrepoids aux différents mouvements nationalistes et à ses dirigeants, notamment Yasser Arafat.
Le 16 mars, un fait divers dramatique a rallumé le conflit au Kosovo. Trois
adolescents albanais se sont noyés dans une rivière près de la ville de
Mitrovica. L'accusation a été immédiate : "Ce sont les Serbes". A
Mitrovica vit une grande partie de ce qui reste des Serbes du Kosovo. La ville
est séparée par un pont gardé par les troupes françaises sous mandat de l'ONU.
Des manifestations se sont organisées dans les heures qui ont suivi ce drame.
Pendant trois jours, partout au Kosovo, des groupes bien armés
d'Albano-kosovars ont tué des Serbes du Kosovo, brûlé leurs maisons, détruit
leurs lieux de culte.
Difficile cette fois-ci de nous servir encore une fois comme seule et définitive
explication de cette barbarie, les "haines ancestrales", "la
soif de vengeance", "la guerre de religions", etc. La rapidité
de la concentration des bandes armées, la logistique des actions, la précision
des objectifs a obligé à reconnaître, même par les fonctionnaires de l'ONU, que
tout cela était bien préparé à l'avance. Ces bandes avaient même prévu les
bulldozers pour remblayer les terrains une fois détruites les maisons et les
églises. Des milliers de Serbes ont dû être évacués.
Le discours officiel est de dire "ça ne peut que s'améliorer",
"il faut du temps" pour que des gens, qui se sont toujours haïs,
apprennent à vivre ensemble[1]. En
1981, l'ultra-nationaliste serbe Milosevic avait mis en place un véritable
système d'apartheid au Kosovo contre les Albano-kosovars. Par la suite il y a
eu le démembrement de la Yougoslavie et des guerres en série. Depuis 15 ans,
dans une sarabande de sauvagerie et de "nettoyage ethnique",
l'ex-Yougoslavie a vécu dans une barbarie qui n'est pas l'exception mais la
règle, qui n'etait plus seulement l'expression de ces "haines
ancestrales", mais bien l'exemple même du mode de vie du capitalisme dans
sa phase de décomposition. A la suite de la disparition des deux blocs impérialistes,
les grandes puissances : l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et la
Russie vont essayer d'attiser ces guerres "locales" pour avancer
leurs pions, et les Etats-Unis, de leur coté, vont essayer de préserver leur leadership menacé. Le conflit yougoslave
est un modèle du genre. Ce conflit "interne" a été utilisé en 1991
par la bourgeoisie allemande pour tenter une percée de son influence : contre
toutes les autres puissances, elle s'est précipitée pour reconnaître
l'indépendance de ses affidées, la Slovénie et la Croatie. En réponse, la
France, la Grande-Bretagne et la Russie ont soutenu les cliques serbes et,
enfin, les Etats-Unis ont soutenu les Bosniaques.
Pendant les années 1990 et jusqu'à maintenant, sous couvert d'action
humanitaire, les grandes puissances n'ont pas cessé d'intervenir dans ces
différents conflits.
En 1999, elles ont porté la guerre, sous la bannière de l'OTAN, la Serbie de
Milosevic pour prétendument "libérer" le Kosovo. Une campagne bien
orchestrée, agrémentée de mensonges et de demi-vérités a servi à justifier les
massacres perpétrés à l'époque sur la population serbe. Les Etats-Unis ont armé
et protégé une armée de libération du Kosovo, l'UCK[2]. Le
partage de cette petite province en différentes zones d'occupation par la KFOR
(l'OTAN plus la Russie) n'est pas l'expression de l'unité de vues de "la
communauté internationale", mais de la logique implacable des grands
gangsters impérialistes, chacun surveillant l'autre, chacun essayant de marquer
son territoire.
De son coté, l'ONU a pris en charge la "pacification multi-ethnique"
de la région où une UCK soi-disant désarmée a trouvé une place de choix. En
fait, elle n'a pas cessé d'attiser les sentiments nationalistes au sein de la
population albanaise. Et, surtout, certains éléments "radicaux" de
cette UCK en lien avec un ramassis de truands, véritable concentré de ce que la
décomposition du capitalisme peut générer, ont créé depuis deux ans une
"Armée Nationale Albanaise" (AKSh). Cette AKSh agit aussi bien au
Kosovo, qu'en Macédoine et au Sud de la Serbie. Elle a été à l'origine de
toutes les attaques anti-serbes depuis 2003, et surtout du dernier pogrom. Sous
le parrainage de l'Albanie, ce sont vraisemblablement les Etats-Unis qui sont à
l'origine de cette nouvelle bande armée qui en deux ans est passée de quelques
mafieux à quelques milliers d'individus qui, en terrorisant la population, agit
à son aise dans les territoires albanais. Au moment de la préparation de la
guerre en Irak, les Etats-Unis ont obtenu le soutien symbolique mais ferme de
l'Albanie. Depuis lors, et grâce au "lobby pro-albanais de
Washington"[3], les Etats-Unis
soutiennent, même si ce n'est pas ouvertement, les indépendantistes kosovars.
En s'attaquant aux Serbes, c'est la France qui allait être touchée, étant donné
que c'est cette puissance qui est censée "protéger" une bonne partie
de cette population. Dans la situation mondiale actuelle, les Etats-Unis ont
tout intérêt à "punir" la France, avec tous les moyens dont ils
disposent et où que ce soit.
Les intérêts contraires des grandes puissances se sont concrétisés, entre
autres, dans une totale indétermination du statut futur du Kosovo. Cette
province fait partie en théorie de la Serbie, mais elle est peuplée à 85%
d'Albanais et bientôt à 100%. Le statut du Kosovo est bien plus qu'une affaire
juridique. Entériner officiellement la séparation du Kosovo de la Serbie, en le
rendant indépendant (autrement dit sous la dépendance de l'Albanie), ce serait
franchir un palier supplémentaire dans le chaos. Il n'est pas envisageable que
la France et la Grande-Bretagne acceptent une telle solution. Mais même les
Etats-Unis qui soutiennent l'Albanie, savent très bien que la
"solution" serait pire que le problème. Par ailleurs, la bourgeoisie
serbe ne peut pas renoncer à sa souveraineté sur le Kosovo. Elle a organisé à
Belgrade des manifestations ultra-nationalistes agrémentées, ici aussi, d'une
chasse à "l'étranger" (Albanais ou Musulman, cette fois-ci) et de
quelques feux de mosquée. Elle, qui tient sous sa pleine influence la minorité
serbe du Kosovo, demande un "découpage en cantons" de la province.
L'indétermination actuelle est source permanente de désordre mais, de plus,
toutes les solutions pouvant être ponctuellement mises en œuvre ne peuvent
déboucher que sur un chaos encore plus grand, car elles auraient des
répercussions immédiates sur la Bosnie et la Macédoine et même la Grèce. En
toile de fond de cette situation, il existe de surcroît une vie sociale de plus
en plus précaire, où sur fond de misère règnent les trafics en tout genre, les
mafias politico-économiques les plus cruelles, les haines nationalistes et
raciales les plus agressives.
Les "responsables" des classes dominantes de ces puissances ont tous
fait des déclarations du même tonneau : "Nous savions, en nous engageant, qu'un conflit ethnique demande un
certain temps", comme dit le ministre britannique John Straw. Non
seulement ils ne résoudront rien du tout, mais au contraire, plus le temps
passe et plus leurs agissements deviennent des facteurs actifs qui ne servent
qu'à envenimer cette situation de chaos sans issue.
[1] L'ancien gouverneur mandaté par l'ONU au Kosovo, l'inénarrable Kouchner est un spécialiste de ce genre de discours aussi lénifiants que mensongers.
[2] À l'origine, l'UCK s'est sans doute formée en Allemagne et avec l'aide de la bourgeoisie de ce pays qui n'a jamais renoncé à avancer ses pions dans les Balkans. Mais à partir de 1998, et surtout lors du sommet de Rambouillet (1999) sur le Kosovo, ce sont les Etats-Unis qui sont devenus les parrains de l'UCK.
[3] Ramsès-2004, revue de l'IFRI.
L'article que nous publions ci-dessous reprend, de façon très synthétique, les idées essentielles du rapport sur la lutte de classe internationale adopté à l'automne 2003 par l'organe central du CCI[1]
Les mobilisations à grande échelle du printemps 2003 en France et en
Autriche sont un premier pas significatif dans la récupération de la
combativité ouvrière après la plus longue période de reflux de la lutte de
classe depuis 1968. Elles mettent en lumière le fait que la classe ouvrière, en
dépit de son manque persistant de confiance en elle, est de plus en plus
contrainte à lutter face à l'aggravation dramatique de la crise et au caractère
de plus en plus massif et généralisé des attaques frappant une nouvelle
génération, non défaite, de prolétaires.
Face au retour du chômage massif à partir des années 1970, la réponse de la
bourgeoisie avait consisté à prendre des mesures capitalistes dites de
"l'Etat providence" (notamment à travers des modalités plus
avantageuses d'accès à la retraite dans certains pays) mais qui constituaient
un non sens du point de vue économique, à tel point qu'aujourd'hui ces mesures
constituent une des principales causes de l'incommensurable dette publique. Le
fait que la bourgeoisie soit désormais amenée à démanteler l'Etat providence
est à présent un facteur de développement de la lutte de classe.
Ce tournant dans la dynamique de la lutte de classe depuis 1989 concerne non
seulement la combativité de la classe ouvrière mais aussi l'état d'esprit en
son sein, la perspective dans laquelle s'inscrit son activité. Il existe
actuellement des signes d'une perte d'illusions concernant non seulement les
mystifications typiques des années 1990 (la "révolution des nouvelles
technologies", etc.), mais aussi de celles qu'avait suscitées la
reconstruction du second après-guerre, à savoir l'espoir d'une vie meilleure
pour la génération suivante et d'une retraite décente pour ceux qui survivront
au bagne du travail salarié. Or, il ne faut pas perdre de vue que le retour
massif du prolétariat sur la scène de l'histoire en 1968 et le resurgissement
d'une perspective révolutionnaire avaient constitué non seulement une réponse
aux attaques immédiates mais surtout une réponse à l'effondrement des illusions
dans un avenir meilleur que le capitalisme d'après-guerre paraissait offrir.
Contrairement à ce qu'aurait pu nous faire croire une déformation vulgaire et
mécaniciste du matérialisme historique, de tels tournants dans la lutte de
classe, même s'ils sont déclenchés par une aggravation immédiate des conditions
matérielles d'existence du prolétariat, sont toujours le résultat de
changements sous-jacents dans sa vision de l'avenir.
Néanmoins, alors que les luttes ouvrières du printemps 1968 avait signifié une
modification du cours historique, celles de 2003 marquent simplement la fin
d'une phase de reflux au sein d'un cours général à des affrontements de classe
massifs. Nous sommes encore loin d'être confrontés à une vague internationale
de luttes massives, comme il en a existé durant les années 1970 et 1980.
Tant à l'échelle internationale que dans chaque pays, la combativité ouvrière
est donc encore à l'état embryonnaire et très hétérogène. Sa manifestation la
plus importante à ce jour, la lutte des enseignants en France au printemps
2003, est en premier lieu le résultat d'une provocation de la bourgeoisie
consistant à ajouter une attaque supplémentaire et spécifique à ce secteur (la
décentralisation) de manière à isoler les enseignants du reste de la classe
ouvrière et empêcher ainsi une riposte massive et générale contre la réforme
des retraites[2].
En France même, le développement insuffisant et surtout l'absence d'une
combativité plus répandue ont fait que l'extension du mouvement au-delà du
secteur de l'éducation n'était pas immédiatement à l'ordre du jour. On a vu des
signes évidents de cette faiblesse dans les luttes en France et qu'il ne faut
pas craindre de reconnaître. C'est la perte de l'identité de classe et la perte
de vue de la notion de solidarité ouvrière qui ont conduit les enseignants en
France à accepter que leurs revendications spécifiques passent devant la
question générale des attaques contre les retraites. Les combats actuels sont
ceux d'une classe qui doit encore reconquérir, d'abord de façon élémentaire,
son identité de classe.
Pour le moment, la classe dominante est non seulement capable de contenir et
d'isoler les premières manifestations de l'agitation ouvrière, mais elle peut,
avec plus ou moins de succès (plus en Allemagne qu'en France), retourner cette
volonté de combattre encore relativement faible contre le développement de la
combativité générale à long terme en entraînant des fractions momentanément
plus combatives mais isolées du prolétariat dans des impasses.
Les mobilisations récentes contre les attaques sur le régime des retraites ne
signifient en aucune manière une modification immédiate et spectaculaire des
affrontements de classe, qui demanderait un déploiement rapide et fondamental
des forces politiques de la bourgeoisie pour y faire face. En effet, plus
significatif que tout ce qui précède quant aux limites actuelles du tournant
dans la lutte de classe, est le fait que la bourgeoisie ne soit pas encore
obligée de retourner à la stratégie de la gauche dans l'opposition[3].
Aujourd'hui, l'aggravation qualitative de la crise économique peut permettre
que des questions comme le chômage, la pauvreté, l'exploitation soient posées
au sein de la classe ouvrière de façon plus globale et politique, de même que
celles des retraites, de la santé, de l'entretien des chômeurs, des conditions
de vie, de l'avenir des générations futures, etc.
Cette leçon à long terme est de loin la plus importante, elle est d'une portée
plus grande que celle du rythme avec lequel la combativité immédiate de la
classe va être restaurée ; d'autant plus que ce rythme sera nécessairement
lent.
Par ailleurs, la détérioration de la situation économique va contraindre les
syndicats à assumer de plus en plus ouvertement leur rôle de saboteurs des
luttes. Elle va aussi tendre à engendrer de façon plus fréquente des
confrontations spontanées, ponctuelles, isolées entre les ouvriers et les
syndicats, telles que l'ont révélé les grèves sauvages de l'été dernier à
Heathrow, à l'Aérospatiale à Toulouse ou à Puertollano en Espagne. Le
rétablissement de la confrontation aux syndicats ne signifie pas pour autant
que les problèmes se posent dans les mêmes termes que dans les années 1980.
Pendant les années 1980, face aux combats ouvriers, le CCI a appris à
identifier, dans chaque cas concret, quel était l'obstacle à l'avancée du
mouvement et autour duquel l'affrontement avec les syndicats et la gauche
devait être polarisé. C'était souvent la question de l'extension de la lutte
aux autres secteurs. Des motions concrètes, présentées en assemblée générale,
appelant à aller vers les autres ouvriers constituaient la dynamite avec
laquelle nous essayions de balayer le terrain pour favoriser l'avancée générale
du mouvement. Les questions centrales posées aujourd'hui - qu'est-ce-que la
lutte de classe, ses buts, ses méthodes, qui sont ses adversaires, quels sont
les obstacles que nous devons surmonter ? - semblent constituer l'antithèse des
questions posées au cours des luttes des années 1980. Elles apparaissent plus
"abstraites" car moins immédiatement réalisables, voire constituer un
retour à la case départ des origines du mouvement ouvrier. Les mettre en avant
exige plus de patience, une vision à plus long terme, des capacités politiques
et théoriques plus profondes pour l'intervention des révolutionnaires.
En réalité, les questions centrales actuelles ne sont pas plus abstraites,
elles sont plus globales. Il n'y a rien d'abstrait ou de rétrograde dans le
fait d'intervenir, dans une assemblée ouvrière, pour mettre en évidence que les
attaques actuelles (notamment contre les retraites) révèlent la faillite du
capitalisme et la nécessité d'un changement de société. Le caractère global de
ces questions montre la voie à suivre. Avant 1989, le prolétariat a échoué
précisément parce qu'il posait les questions de la lutte de classe de façon
trop étroite.
Néanmoins, ce n'est pas un boulevard que la lutte de classe va trouver face
à elle. En effet, si la crise économique favorise un questionnement qui tend à
être global, la décomposition de la société qui elle aussi se poursuit, a
l'effet contraire. De plus la classe ouvrière doit compter avec l'action de la
bourgeoisie visant à étouffer dans l'œuf le développement de la lutte de classe.
Ce n'est pas la combativité de la classe ouvrière en tant que telle qui
inquiète la classe dominante, mais bien le risque que les conflits sociaux
alimentent la conscience dans la classe. C'est une question qui aujourd'hui,
plus encore que par le passé, préoccupe la bourgeoisie, précisément parce que
la crise économique est plus grave et plus globale. A chaque fois que les
luttes ne peuvent être évitées, la bourgeoisie cherche d'une part à en limiter
les effets positifs sur la confiance en soi, sur la solidarité et la réflexion
dans la classe ouvrière, d'autre part à faire en sorte que la lutte soit la
source de fausses leçons.
De plus, la gauche et l'extrême-gauche du capital, particulièrement les
gauchistes, sont passées maîtres dans l'art d'utiliser les effets de la
décomposition de la société contre les luttes ouvrières. Ainsi par exemple, les
appels des gauchistes français pour empêcher les élèves de passer leurs examens
en juin 2003, le spectacle des syndicalistes ouest-allemands voulant empêcher
les métallos est-allemands - qui ne voulaient plus faire une grève longue pour
les 35 heures - de reprendre le travail, sont des attaques dangereuses contre
l'idée même de classe ouvrière et de solidarité.
C'est à travers les attaques qu'elle subit que la classe ouvrière comme un tout
commence à comprendre la nature réelle du capitalisme. Ce point de vue marxiste
ne dénie en rien l'importance du rôle des révolutionnaires et de la théorie
marxiste dans ce processus de développement de la conscience de classe du
prolétariat. C'est dans la théorie marxiste que les ouvriers trouveront la
confirmation et l'explication de ce dont ils font eux-mêmes l'expérience.
[1] De très larges extraits de ce rapport sont publiés dans la Revue Internationale n° 117.
[2] Pour une analyse plus détaillée de ce mouvement, voir notre article "Face aux attaques massives du capital, le besoin d'une riposte massive de la classe ouvrière" dans la Revue internationale n°114.
[3] Cette carte de la gauche dans l'opposition a été déployée par la bourgeoisie à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Elle consiste en un partage systématique des tâches entre les différents secteurs de la bourgeoisie. Il revient à la droite, au gouvernement, de "parler franc" et d'appliquer sans fards les attaques requises contre la classe ouvrière. Il revient à la gauche, c'est-à-dire les fractions bourgeoises qui, par leur langage et leur histoire, ont pour tâche spécifique de mystifier et encadrer les ouvriers, de dévoyer, stériliser et étouffer, grâce à leur position dans l'opposition, les luttes et la prise de conscience provoquées par ces attaques au sein du prolétariat. Pour davantage d'éléments concernant la mise en place d'une telle politique par la bourgeoisie lire la résolution publiée dans la Revue internationale n°26.
Le 28 décembre 2003, le camarade Robert est mort à l'âge de 90 ans. Robert a suivi notre organisation de très près comme un vrai compagnon de route pendant plus de 28 ans. Il a participé dès la constitution du CCI à plusieurs de ses conférences et congrès en tant qu'observateur ainsi que de façon régulière à nos activités publiques en Belgique. Malgré certaines appréciations divergentes, il s'est cependant toujours reconnu dans l'orientation générale de notre organisation et lui a apporté tout son soutien possible. Aujourd'hui nous voulons rendre hommage, non seulement à Robert comme camarade pour avoir conservé sa fidélité, son dévouement et sa passion à la cause révolutionnaire dans les pires moments de l'histoire du prolétariat, mais aussi à toute une génération de militants de la classe ouvrière qui disparaît avec lui en Belgique. En effet, Robert était le dernier communiste révolutionnaire survivant d'un milieu politique en Belgique, de cette génération de militants qui a tenu haut l'étendard de l'internationalisme prolétarien. Il appartenait à la toute petite minorité de militants communistes qui a survécu et résisté à la période turbulente et sombre de la terrible contre-révolution qui s'est abattue sur la classe ouvrière entre les années 1930 et les années 1960.
C'est dans les quartiers populaires de Bruxelles que Robert découvre
dans sa jeunesse toutes les contradictions de la société
capitaliste et qu'il est confronté à la dure réalité
de la lutte de classe. Bruxelles étant le centre politique de
la Belgique, elle concentrait aussi les expressions et débats
les plus cruciaux de cette époque qui ont nourri la formation
révolutionnaire de Robert : discussions pour savoir s'il fallait
un nouveau parti communiste ou faire un travail de fraction, pour analyser
la signification de la guerre en Espagne, réfléchir à
la validité ou non de la fondation de la 4e Internationale trotskiste,
comprendre la nature de classe de l'URSS, la montée du fascisme
et défendre l'internationalisme devant l'imminence de la guerre
généralisée, etc. Tous ces débats, qui avaient
cours dans le milieu politisé de l'époque, étaient
animés par les groupes 'trotskystes' de l'Opposition Internationale
de Gauche (PSR, Contre le Courant, etc.) et de la Gauche Communiste
Internationale (italienne avec la revue Bilan et belge avec la revue
Communisme). Robert décide de rejoindre en tant que militant
les rangs de l'opposition trotskyste de Vereecken et Renery (Contre
le Courant) qui s'est opposée à la fondation de la 4e
Internationale, estimant qu'elle était prématurée
et que "Trotsky a contribué au découragement et à
la dispersion des rares forces révolutionnaires". Ce groupe
dénoncera la trahison social-patriote des trotskystes officiels
pendant la Seconde Guerre mondiale et pratiquera une politique de défaitisme
révolutionnaire à l'égard de tous les impérialismes
sans distinction aucune.
A l'éclatement de la guerre le 1er septembre 1939 et face à
la répression et aux arrestations, un certain nombre de militants
choisissent l'exode pour continuer le travail politique. Ainsi Robert
s'enfuit dans un premier temps vers Paris pour ensuite rejoindre Marseille,
ville d'asile provisoire pour beaucoup de révolutionnaires. Mais
nombreux étaient ceux qui avaient perdu la conviction aux moments
les plus critiques. Robert, quant à lui, gardait toute sa confiance
révolutionnaire dans la classe ouvrière et une position
internationaliste devant les camps bellicistes en présence.
Au travers de ses relations politiques avec le milieu des internationalistes,
Robert entre en contact avec le cercle animé par notre ancien
camarade Marc. Ce dernier, à partir de l'été 1940,
était particulièrement actif pour ranimer l'activité
politique des Fractions de la Gauche Communiste Internationale entrées
en léthargie à la veille de la déclaration de guerre.
Dès 1941, les discussions et les contacts se développent
à nouveau. En mai 1942, le 'Noyau Français de la Gauche
Communiste Internationale' se constitue avec la participation de plusieurs
nouveaux éléments dont Robert. C'est par le biais de ce
dernier qu'un travail commun avec les RKD (ex-trotskystes autrichiens)
et les CR (Communistes Révolutionnaires) va se forger. En effet
les RKD, par leurs contacts avec le groupe de Vereecken, rencontrent
Robert. Il suscite l'intérêt des RKD par les positions
politiques que développe le Noyau Français de la Gauche
Communiste. La caractérisation de l'URSS comme une expression
de la tendance universelle au capitalisme d'état, l'internationalisme
prolétarien par rapport à la guerre, la critique de la
4e Internationale trotskyste, etc., autant de points communs qui vont
forger les liens politiques. Une action et propagande directe contre
la guerre impérialiste adressée aux ouvriers et soldats
de toutes les nationalités y compris aux prolétaires allemands
en uniforme sera menée en commun.
Le Noyau français dans lequel Robert milite se transforme en
décembre 1944 en groupe politique et demande son adhésion
au Bureau International des Fractions en tant que 'Fraction Française
de la Gauche Communiste Internationale'. Cependant, la Conférence
de mai 1945 de la Fraction, suite à l'annonce de la reconstitution
du Parti Communiste International en Italie et à l'évocation
de la réapparition politique de Bordiga, décide de dissoudre
la Fraction italienne et préconise l'adhésion individuelle
de ses membres à ce nouveau parti. Notre camarade Marc s'oppose
fermement à ce retournement irresponsable sans discussion préalable,
ni bilan politique, ainsi qu'à l'intégration dans un parti
dont la Fraction ne connaît même pas les positions politiques
! Par la même occasion, le noyau français de la Gauche
Communiste Internationale se voit refuser son adhésion et est
ainsi forcée de changer son nom pour devenir la GCF (Gauche communiste
de France). Par contre, la Fraction Belge, reconstituée après
la guerre autour de Vercesi, se rattachera au PCInt de Damen, Maffi
et Bordiga.
Après la guerre, Robert retourne en Belgique et ne veut pas rester
seul. Il décide de rejoindre la Fraction belge sans abandonner
pour cela toutes ses convictions acquises dans la période précédente
au Noyau français de la Gauche Communiste Internationale. Il
garde le contact avec la Gauche Communiste de France et Marc en particulier.
Le groupe en Belgique restait d'ailleurs fidèle à l'essentiel
des positions de 'Bilan' d'avant-guerre et se retrouvait de fait en
divergence avec le PCInt. La Fraction belge restera aussi, tout comme
elle l'avait fait avant la guerre, beaucoup plus ouverte aux discussions
internationales. Ainsi, embarrassée fin 1945 - début 1946,
la Fraction Belge demandera des explications complémentaires
au PCInt sur les motifs de non adhésion de la Gauche Communiste
de France. Robert évidemment a fortement soutenu cette demande.
Aussi, elle propose un journal théorique en collaboration avec
les trotskystes belges autour de Vereecken avant que ce groupe ne se
perde définitivement en s'intégrant dans la 4e Internationale.
Cette proposition sera refusée par le PCInt. De même, en
mai 1947, elle participera à la conférence internationale
de contacts convoquée par le Communistenbond Spartacus des Pays-Bas
qui regroupait, pour la Belgique, des groupes apparentés au Spartacusbond,
la Fraction belge de la GCI, pour la France, la Gauche Communiste de
France, le 'Prolétaire' des CR, les RKD, le groupe 'Lutte de
classe' (Suisse) et la Fraction autonome de Turin du PCI.
En 1950-52 la période n'est plus aux espoirs de reprise des combats
révolutionnaires comme lors de la fin de la Première Guerre
mondiale. De nombreuses organisations révolutionnaires se disloquent.
La Gauche Communiste de France (Internationalisme) se disperse également.
Robert gardera des contacts épistolaires réguliers avec
Marc qui se retrouvait au Vénézuela et il contribue quant
aux informations politiques venant du continent européen sur
la vie des groupes du milieu révolutionnaire.
Après la mort de Vercesi en 1957, le groupe en Belgique refuse
de se soumettre aux positions du PCInt mais se disloque peu à
peu ensuite. Depuis, Robert participa toujours aux diverses expressions
organisées se rattachant aux positions de la Gauche Communiste,
dont notamment le cercle d'étude et sa revue Le Fil du Temps
de Roger Dangeville (scission d'avec le PCInt qui avait fait partie
pendant un certain temps du cercle de discussion à l'initiative
de Maximilien Rubel, venant de la Gauche Communiste de France). Finalement,
via Marc, il prend contact avec le groupe Révolution Internationale
en France dès 1968. Malgré certaines divergences concernant
le cours historique et le parti, Robert était conscient de la
valeur politique des organisations révolutionnaires et de la
nécessité d'en sauvegarder le patrimoine. C'est pourquoi
il est resté indéfectiblement fidèle au CCI. Ainsi,
il nous a toujours soutenu dans toutes les périodes difficiles
en participant même à notre défense par ses prises
de position.
Les militants du CCI qui continuent la lutte révolutionnaire
pour laquelle il a vécu et combattu le saluent une dernière
fois et garderont vivant son souvenir.
Napoléon, ce grand homme de la bourgeoisie, disait que la meilleure
figure de rhétorique était la répétition.
C'est ce que font les dirigeants des pays développés qui
nous répètent tous les ans que cela ira mieux demain.
Les ministres des finances et les dirigeants des banques centrales l'ont
encore confirmé lors du dernier sommet du G7, début février,
se félicitant que la reprise serait "plus ferme qu'espérée".
Trichet, président de la Banque Centrale Européenne, soulignait
même que ce sommet était arrivé à "une
situation gagnante pour tout le monde", affirmant par là
que les perspectives de croissance américaine allaient profiter
à tous et en particulier à l'économie européenne.
En réalité, depuis trois ans, la bourgeoisie prévoit
la croissance économique et, comme Sœur Anne, elle ne voit
rien venir. Révisant systématiquement à la baisse
les taux d'une croissance espérée comme le messie et,
comme lui, fondée sur des espérances quasi-mystiques,
les dirigeants des pays développés ont systématiquement
cherché à masquer que nous étions dans une période
de récession qui s'est avérée être une des
plus longues depuis la fin des années 1960. Pour la classe ouvrière,
les perspectives optimistes annoncées ne seront pas porteuses
d'améliorations car même s'il y a reprise, elle est fondée
sur des artifices porteurs d'orages économiques plus violents
que jamais pour l'avenir.
Les grands spécialistes de l'économie mondiale eux-mêmes
sont les premiers à s'inquiéter de ce que l'endettement
astronomique de l'Etat américain, locomotive de l'économie
mondiale, ne pourra pas durer et qu'il constitue même le facteur
majeur d'une aggravation à terme de la crise. Les Etats-Unis
se sont ainsi maintenus à flot depuis juin 2003 avec une croissance
positive (en rythme annuel) de plus de 8% pour le dernier trimestre
2003 et de 3% pour l'ensemble de l'année. Mais à quel
prix ? Fin 2003, l'endettement global de l'économie américaine
(ménages, entreprises et gouvernement confondus) était
d'environ 36 850 milliards de dollars, en augmentation de quasiment
10% sur un an. En augmentation explosive de 8000 milliards de dollars
depuis 2000, et d'environ 3100 milliards entre 2002 et 2003, cette dette
correspond à 5% du Produit Intérieur Brut américain.
Et la perspective d'un taux de croissance de 4% prévu pour 2004
est en réalité fondée sur une aggravation de ce
déficit prévu pour atteindre le sommet historique de 8%
du PIB si l'administration Bush poursuit la même politique.
Avec de telles projections économiques, le président américain
prétend pourtant diminuer de moitié le déficit
budgétaire d'ici 2007, s'il est réélu. On se demande
comment, alors que déjà la production industrielle a diminuée
de 0,5% pour le seul mois de janvier 2004 et que le déficit de
la balance commerciale, de 490 milliards de dollars pour 2003, se trouve
en augmentation de 43,1 milliards, c'est-à-dire de plus 0,9%
par rapport à décembre dernier ! De plus, le recours à
une politique de remises fiscales aux entreprises les plus performantes
et de baisse des taux d'intérêt jusqu'à 1% (des
taux aussi bas ne s'étaient pas vus depuis 45 ans) afin de "doper"
l'économie, tout en diminuant par la même occasion sa propre
dette, ont été un moyen de dépasser les risques
de déflation de la mi-2003 mais pour rentrer en fait dans une
période inflationniste.
Quant aux pays européens, dont certains comme la France se targuent
de la prévision d'un taux de croissance de 1,7% pour 2004, ils
se sont enfoncés dans la récession, ils affichent également
des déficits grandissants. Bien que contraints par le Pacte de
Stabilité européen de rester sous la barre des 3% de déficit,
ce qui restreint leur marge de manœuvre contrairement aux Etats-Unis,
les plus importants d'entre eux ont plongé dans l'endettement
et le déficit public afin de ne pas couler sous la pression américaine
: endettement de 63% du PIB et 4,1% de déficit public pour la
France, respectivement de 64% et de 3,9% pour l'Allemagne. Le Royaume-Uni
lui-même affiche un déficit public de 3,2%, le double de
l'année précédente.
Outre l'endettement monstrueux des pays développés, une
des caractéristiques majeures de la situation économique
se voit dans le développement toujours plus intense de la spéculation
financière. Les OPA font rage dans tous les secteurs et le gros
des investissements se fait toujours plus vers la spéculation
boursière ou sur les monnaies. Cette bulle spéculative
qui gonfle démesurément est une expression supplémentaire
du fait que les profits sur lesquels sont basés les discours
sur la "reprise" sont du vent, des bénéfices
virtuels car ce n'est que de l'argent qui tourne sur les marchés
boursiers sans être injecté dans la production elle-même.
Tous les pays sont intéressés à la reprise économique,
mais le capitalisme est un système fondamentalement concurrentiel
et sa logique est la suivante : "ce qui me profite fait forcément
du tort aux autres". Aussi le battage prétendant que tout
le monde va se retrouver derrière la locomotive américaine
est un mensonge, car la reprise américaine ne se fera qu'au détriment
de ses économies concurrentes. C'est ce qu'on a vu se développer
autour de la guerre des taux de change qui s'est menée depuis
2002. Ainsi, les Etats-Unis ont baissé de 20% environ la valeur
du dollar par rapport à l'euro, la principale monnaie concurrente.
C'est donc directement au détriment de l'Europe que Washington
a pu réaliser des bénéfices à l'exportation,
grâce à un dollar faible. Il faut noter que, malgré
la pression sur les puissances économiques rivales permise par
la baisse du dollar, les exportations américaines ne représentent
toujours que 75% des importations, venant rendre encore plus criante
l'insolvabilité de la dette américaine.
Dans cette guerre économique qui fait rage, et de façon
à mettre plus sûrement l'Europe sur la touche, les Etats-Unis
se sont appuyés sur la Chine à travers par exemple l'acceptation
d'une parité entre le yuan et le dollar, malgré l'échec
jusqu'ici des demandes américaines de réévaluation
de la monnaie chinoise afin de faire monter le coût des importations
européennes. L'économie de l'Empire du Milieu affiche
une croissance de 9,1% pour 2003 et fait figure de future deuxième
puissance mondiale dans tous les médias. Et en effet, l'augmentation
de 122% de ses exportations depuis quatre ans et les excédents
commerciaux qui en découlent lui ont donc permis d'acheter massivement
des bons du trésor américains comme devises de réserve,
soutenant de ce fait le déficit de l'Amérique. Mais une
telle situation a mis en même temps la monnaie américaine
en état de dépendance aiguë à l'égard
de la Chine et donc de la capacité de cette dernière à
exporter. Si l'Etat chinois n'est brutalement plus en mesure, ou cesse,
d'accumuler des dollars, celui-ci risque un effondrement avec une hausse
brutale des taux d'intérêt, mettant en danger les perspectives
de reprise économique.
Le nouveau "miracle" chinois est du même tonneau que
le miracle des Tigres et des Dragons des années 1990, miracle
fondé sur l'endettement phénoménal d'entreprises
qui ont inondé le marché mondial grâce à
des coûts de production particulièrement bas et sur une
spéculation effrénée en attente de profits qui
ne sont pas réalisés. On a vu ce qu'il en est résulté
: faillites en chaîne avec des répercussions sur l'économie
mondiale, chômage massif, pauvreté aggravée, etc.
C'est la même perspective, mais encore plus brutale, qui est ouverte
devant nous.
Un leitmotiv de la propagande bourgeoise est de faire croire que l'augmentation
des dépenses d'armement est un bienfait pour l'économie
et que la guerre en Irak a été du pain béni pour
l'économie américaine. On nous parlait aussi des profits
juteux qu'allaient encaisser les puissances participant à la
reconstruction de l'Irak. La Maison Blanche s'est même efforcé
de fermer la porte de l'Irak à tous les détracteurs de
son intervention militaire. Pas besoin d'avoir fait de hautes études
économiques pour compter les bénéfices au vu de
la situation de chaos sans fin qui s'offre en Irak.
Depuis le 11 septembre 2001, le budget de la défense d'outre-Atlantique
est passé de 306 milliards de dollars à 429 milliards.
L'administration Bush prévoit de l'augmenter par ailleurs de
7% jusqu'en 2005. La guerre en Irak coûte un milliard de dollars
par semaine, celle en Afghanistan un milliard par mois. A ce poids financier
des guerres doit être ajouté le budget de la sécurité
intérieure, les deux représentant 3,6% du PIB. Outre toutes
les horreurs qu'elles prévoient pour l'humanité, toutes
ces dépenses ne sont en rien significatives d'un mieux à
venir pour l'économie et pour la classe ouvrière. Derrière
les Etats-Unis, toutes les grandes puissances ont profité de
la "guerre contre le terrorisme" pour programmer des augmentations
de budgets militaires et de police.
Contrairement à ce que nous raconte la bourgeoisie, ce qui est
injecté dans la sphère militaire et le flicage de la population
n'est pas destiné à la reproduction de capital productif
mais à la destruction pure et simple du capital investi. Cela
signifie que le développement du militarisme et l'augmentation
des dépenses qui lui sont liées sont un poids supplémentaire
ne pouvant qu'accentuer la marasme économique.
Aussi, en guise de croissance, la situation économique du capitalisme
mondial ne peut aller qu'en s'aggravant. La bourgeoisie peut nous faire
miroiter des lendemains qui chantent, implacablement, la classe ouvrière
va connaître de nouvelles attaques sur ses conditions de vie et
de travail. Certains "analystes" bourgeois sont d'ailleurs
bien obligés de s'interroger sur cette "reprise sans emplois".
Ainsi, alors que l'Etat américain continue d'afficher les projections
les plus optimistes, le début de l'année n'a pas vu de
création d'emplois aux Etats-Unis, ni d'augmentation de l'activité
économique dans les entreprises, même quand elles ne licencient
pas.
De même, le chômage, pourtant masqué par de nombreuses
mesures destinées dramatiquement à faire disparaître
les chômeurs des statistiques, augmente dans tous les pays, développés
ou soi-disant "émergents".
La poursuite du démantèlement du Welfare State qui est
à l'ordre du jour pour toutes les bourgeoisies du monde va entraîner
une aggravation formidable de la baisse du niveau de vie et la mise
à la rue d'un nombre incalculable de prolétaires, en particulier
sur le sol européen.
Pas d'illusions. Les mensonges sur la reprise ont pour objectif de cacher
à la classe ouvrière que ce n'est pas une question de
mauvaise gestion ou de bénéfices mal ou frauduleusement
détournés dans les poches de patrons, mais que le capitalisme
est en totale faillite. Précarisation, paupérisation,
coupes drastiques dans les budgets sociaux, licenciements et baisses
des salaires sont les maîtres mots de la perspective qui attend
les ouvriers du monde entier, sans possibilité d'une quelconque
amélioration de leur sort dans le capitalisme.
Aujourd'hui, un an après la "réforme" sur les retraites, le prolétariat en France est confronté à une nouvelle attaque violente et frontale de sa bourgeoisie : la remise en cause de la Sécurité sociale et des dépenses de santé.
Une nouvelle attaque généralisée du capitalismeCelle-ci va toucher tous les ouvriers et se traduire par une aggravation
considérable de leurs conditions de vie et une intensification
de leur exploitation.
Les mesures déjà annoncées prévoient simultanément
:
Concrètement, les maladies non physiquement décelables
comme la dépression nerveuse, l'angoisse, le stress, la fatigue
qui deviennent de plus en plus le lot commun des ouvriers confrontés
quotidiennement à la dégradation de plus en plus insupportable
de la vie sociale et à l'intensification de l'exploitation seront
systématiquement suspectées de fraude à l'assurance
maladie.
Le cumul de ces ponctions allant toutes dans le même sens caractérise
l'ampleur de l'accélération de la nouvelle attaque actuelle.
Ainsi, plus personne n'est épargné, ce sont d'emblée
tous les prolétaires, toutes générations confondues,qui
vont subir de plein fouet cette attaque, dans le secteur privé
comme dans le secteur public, les retraités comme les actifs,
les chômeurs comme les salariés. Après avoir vu
leur retraite considérablement amputée et avoir perdu
l'espoir de s'assurer une vie décente au cours des dernières
années de leur existence, les prolétaires se voient en
plus aujourd'hui privés du droit de tomber malade et de se soigner.
La classe ouvrière, désormais à peu près
taillable et corvéable à merci, est ainsi brutalement
ramenée à un niveau de misère, de précarité
et d'exploitation comparable à celui qu'elle subissait au 19e
siècle, mais cette fois sans pouvoir escompter une amélioration
de sa condition tirée des progrès du capitalisme.
Contrairement au battage des médias qui la présentent
comme une série de mesures hâtivement ficelées,
cette attaque a été cette fois encore dûment planifiée
et préparée depuis des mois. La bourgeoisie s'est donnée
tous les moyens pour la mener avec le moins de danger possible de s'exposer
à une réaction incontrôlable de la classe ouvrière.
Après l'annonce télévisée des principales
mesures le 17 mai, entre deux échéances électorales,
ce qui est toujours une période où la bourgeoisie a le
moins à craindre une mobilisation ouvrière, tout doit
aller très vite : dans la foulée, les "partenaires
sociaux", essentiellement les syndicats, sont officiellement consultés
et reçus ; le 25 mai, le texte du projet de loi est déposé
au Conseil d'Etat, à la mi-juin, il passe au conseil des ministres
avant d'être débattu et adopté au parlement en juillet,
en plein milieu des vacances d'été.
D'emblée, les médias minimisent la portée des mesures
annoncées et mettent en avant qu'il ne s'agit que de mesurettes
constituées de bric et de broc et non la grande réforme
annoncée depuis des mois à grands renforts de publicité.
Les syndicats eux-mêmes sont loin de jeter de l'huile sur le feu
et se contentent d'appeler à une journée de mobilisation-test
pour le 5 juin, alors qu'une série d'autres mobilisations est
annoncée sur d'autres motifs, dans des secteurs particuliers.
Ainsi les fonctionnaires sont appelés à faire grève
le 25 mai pour protester contre la non revalorisation des salaires dans
la fonction publique et les coupes budgétaires alors que les
hauts-fonctionnaires d'Etat s'attribuent dans le même temps des
primes supplémentaires, donnant une large publicité aux
échos sur le train de vie princier du couple Sarkozy. Les électriciens
et les gaziers sont également appelés à se mobiliser
tous les jours et à manifester "massivement" le 27
mai et le 15 juin contre le changement de statut d'EDF et de GDF et
au nom de "la défense du service public".
Mais surtout, la bourgeoisie française pour dissuader les ouvriers
d'entrer massivement en lutte lui tend un piège électoral
et annonce cette attaque majeure et cette intensification de l'exploitation
capitaliste en pleine période électorale pour mieux détourner
le mécontentement des ouvriers du terrain de la lutte de classe
et le pousser à s'exprimer dans les urnes. Déjà
traditionnellement, les périodes électorales ne sont pas
les plus favorables pour la classe ouvrière et sont profondément
démobilisatrices. Mais aujourd'hui, la campagne électoraliste
de la bourgeoisie est particulièrement adaptée pour intoxiquer
au maximum la conscience des ouvriers et miner leur riposte aux attaques
sur la Sécurité sociale. La bourgeoisie utilise à
présent l'impopularité de Raffarin et de ses gouvernements
successifs pour lui faire porter le chapeau d'une nouvelle attaque,
quitte à le sacrifier par la suite. Ainsi, toute la bourgeoisie
orchestre-t-elle une vaste campagne idéologique mettant en avant
que, puisque le gouvernement Raffarin est le responsable des attaques,
il faut confirmer la baffe qu'il a prise aux élections régionales,
il faut continuer à le sanctionner avec son équipe à
travers le bulletin de vote aux élections européennes.
Depuis les élections régionales, au sein de l'appareil
politique de la bourgeoisie, les syndicats et les gauchistes eux-mêmes
appellent sans relâche les ouvriers à se mobiliser avant
tout sur le terrain électoral et à exprimer leur mécontentement
dans les urnes, apportant ainsi la meilleure caution à la parole
de Raffarin lui-même au moment de l'attaque sur les retraites
"Ce n'est pas la rue qui gouverne". Les ouvriers sont encouragés
massivement par les syndicats et les gauchistes à faire du bulletin
de vote une arme efficace pour atteindre cet objectif dérisoire
devenu un mot d'ordre largement répandu : "virer Raffarin",
ce dernier étant désigné comme unique responsable
des attaques et de tous les maux du capitalisme.
Il faut rappeler que les attaques sur la Sécurité sociale
adoptées par les équipes de droite actuelles sont la poursuite
et l'intensification des mesures déjà prises par la gauche
quand elle était elle-même au gouvernement. Il faut se
souvenir que l'argumentation utilisée pour justifier ces attaques
est elle aussi identique. Ainsi, par exemple, la "responsabilisation"
des patients face au "trou de la Sécu" et aux soi-disant
"abus" des dépenses de santé avait été
l'enveloppe idéologique de l'institution du forfait hospitalier
par le "communiste" Ralite en 1983. La fameuse CSG avait été
instituée par le gouvernement Rocard, au nom de la "solidarité
sociale" alors que la prolongation de la CRDS (contribution pour
le remboursement de la dette sociale) dont le PS critique aujourd'hui
le poids sur les générations futures avait déjà
été précédemment pérennisée
jusqu'en 2014 par le gouvernement Jospin. Quant à la politique
intensifiée aujourd'hui sur le déremboursement des médicaments,
il faut rappeler que c'est Madame Aubry qui l'avait initialisée.
Il n'est pas une seule des mesures adoptées, intensifiées
ou renforcées aujourd'hui qui n'ait été préparée,
ébauchée ou entreprise par la gauche au gouvernement.
Derrière cela, il s'agit bien entendu de mystifier les ouvriers
et de tenter de les persuader que la lutte ne sert à rien, que
seul le bulletin de vote peut changer les choses. C'est une gigantesque
escroquerie.
De tous temps, la bourgeoisie a cherché à persuader les
prolétaires que "lutter ne sert à rien". Or,
face au développement et à la succession des attaques
capitalistes, le seul moyen de se défendre est de lutter. La
classe ouvrière n'a pas d'autre choix. Car si elle ne le fait
pas, la bourgeoisie va continuer à cogner toujours plus fort,
sans retenue.
Quel est l'enjeu véritable de la situation ? Il s'agit pour la
bourgeoisie de masquer aux yeux de la classe ouvrière que la
véritable signification de l'attaque sur la Sécurité
sociale est la même que celle sur les retraites l'an dernier,
sur les chômeurs il y a quelques mois. Ces attaques n'ont rien
à voir avec une "situation transitoire" liée
à une "mauvaise conjoncture économique" ou encore
avec une "mauvaise répartition des richesses" comme
le prétendent les altermondialistes ou les gauchistes de "Lutte
Ouvrière". Le démantèlement accéléré
de l'Etat providence n'est pas particulier à la France. Partout,
dans tous les pays industrialisés, qu'ils soient gouvernés
par la gauche ou par la droite, les ouvriers subissent avec l'aggravation
de la crise économique mondiale, la même remise en cause
des "acquis sociaux" et de toute la protection sociale qui
avait été mise en place, notamment en France, pour mieux
amener les prolétaires "à retrousser les manches"
pour faire redémarrer l'économie nationale à la
fin de la Seconde Guerre mondiale. Cela révèle au grand
jour la faillite historique du système capitaliste qui n'a rien
d'autre à offrir à l'humanité que toujours plus
de misère, de massacres, de barbarie, de famines, d'épidémies.
C'est justement pour cela qu'il n'existe pas d'autre perspective pour
les ouvriers que de renverser le capitalisme à l'échelle
mondiale et de le remplacer par une autre société, basée
non plus sur la recherche du profit et l'exploitation mais sur la satisfaction
des besoins humains.
Ce n'est que par la lutte que la classe ouvrière peut freiner
les attaques du capitalisme, reprendre confiance en ses propres forces
et prendre conscience qu'elle est seule capable d'offrir une alternative
à l'impasse du capitalisme.
Plus que jamais, il s'agit pour la bourgeoisie de faire obstacle à
la prise de conscience au sein de la classe ouvrière que, face
à ces attaques massives, les prolétaires sont poussés
à entrer en lutte massivement, ensemble, à s'unir autour
des mêmes revendications.
Mais pour cela, les prolétaires ne peuvent faire confiance ni
aux syndicats, ni aux gauchistes. Si la bourgeoisie peut se permettre
aujourd'hui cette nouvelle attaque, moins d'un an après avoir
fait passer sa réforme des retraites, c'est parce que la classe
ouvrière n'a pas pu faire reculer la bourgeoisie sur les retraites,
parce qu'elle est tombée dans les pièges tendus conjointement
par le gouvernement, les syndicats et les gauchistes. C'est la défaite
subie l'an dernier qui permet à la bourgeoisie de préparer
des attaques encore plus lourdes et généralisées
contre les prolétaires.
Pour pouvoir faire face à ces attaques, les ouvriers ne doivent
ni se laisser démoraliser, ni retomber dans les pièges
que leur tend inévitablement la bourgeoisie. Ils ne doivent en
particulier plus faire la moindre confiance à ceux qui prétendent
défendre leurs intérêts et qui sont précisément
les mêmes que ceux qui les ont conduits dans cette défaite
l'an dernier, les syndicats et les organisations gauchistes.
C'est une des principales leçons que la classe ouvrière
doit pleinement tirer de la défaite du printemps 2003. Il faut
rappeler comment les syndicats et les gauchistes ont déjà
manoeuvré les ouvriers dans ces moments décisifs, notamment
en enfermant la lutte sur le terrain du corporatisme. Déjà,
la bourgeoisie avait choisi le moment de porter son attaque sur les
retraites et avait mis en place un dispositif pour que l'explosion inévitable
de la colère ouvrière soit stoppée par la trêve
des congés d'été. L'essentiel de sa manoeuvre a
consisté à provoquer un secteur particulier, celui de
l'Education nationale, au moyen d'une attaque spécifique particulièrement
sévère, en vue d'obtenir que sa lutte se polarisant sur
cette attaque la concernant en propre, il s'isole du reste de la classe
désamorçant ainsi le risque d'une mobilisation généralisée
de la classe ouvrière face à l'attaque sur les retraites.
Alors même que les syndicats freinaient la lutte dans les autres
secteurs (RATP, SNCF) sur la question des retraites, ils encourageaient
les enseignants à se battre sur l'attaque spécifique concernant
la décentralisation. Les syndicats ont été le fer
de lance de l'enfermement dans la corporation, qui a joué un
rôle décisif dans la défaite du printemps 2003.
Ainsi, en poussant à la focalisation des enseignants sur cette
attaque spécifique, ils ont à la fois permis de faire
passer l'attaque sur les retraites au second plan des préoccupations
des enseignants et installé sur le devant de la scène
une attaque dans laquelle l'ensemble de la classe ouvrière ne
pouvait plus se sentir immédiatement concernée. Cette
manoeuvre de division a été parachevée avec la
période des examens que les syndicats "radicaux" et
les gauchistes ont menacé de bloquer, provoquant ainsi des réactions
d'hostilité envers les enseignants de la part de prolétaires
dont les enfants risquaient de faire les frais de ce blocage. Enfin,
après avoir semé l'illusion que la détermination
des enseignants à eux seuls pourraient faire reculer le gouvernement
et avoir épuisé leur combativité dans une grève
longue, les syndicats ont activement poussé les enseignants à
faire porter le chapeau de la défaite aux autres secteurs de
la classe ouvrière qui n'auraient pas manifesté leur solidarité
envers les travailleurs de l'Education nationale. Les syndicats et les
gauchistes ont ainsi favorisé et suscité la division des
ouvriers, non seulement en permettant de faire passer l'attaque sur
les retraites pour tous les ouvriers mais en infligeant un goût
de défaite encore plus amer et démoralisant pour le secteur
de l'Education nationale.
La classe ouvrière pour pouvoir se défendre et freiner
les attaques de la bourgeoisie est amenée à surmonter
le poids de la démoralisation des défaites précédentes,
à réaffirmer et développer son combat de classe.
Pour être en mesure de déjouer les pièges que lui
tendra inévitablement la bourgeoisie, elle devra discerner quels
sont ses ennemis. En particulier, les différentes fractions de
la bourgeoisie, avec en leur sein les syndicats et les gauchistes, vont
s'appuyer sur le même type de manoeuvres d'enfermement pour empêcher
la mobilisation la plus large et unitaire possible de la classe ouvrière
et faire passer l'attaque sur la Sécurité sociale et le
système de santé.
C'est ce qu'ils font dès à présent en tentant de
détourner la classe ouvrière d'une riposte massive et
en cherchant à l'attirer sur le terrain de la bourgeoisie, vers
l'impasse des urnes.
La classe ouvrière n'a pas d'autre choix que de se battre le
plus massivement et le plus unitairement possible sur son terrain de
classe pour être en mesure de résister aux attaques de
la bourgeoisie. Elle doit réapprendre à ne compter que
sur ses propres forces pour développer son combat de classe.
Tous les jours, des heurts meurtriers se déroulent dans chaque ville irakienne comme à Kerbala le 19 mai dernier. Des massacres de populations civiles se perpétuent comme dans le village de Makredid où une fête de mariage a été bombardée faisant au moins 40 morts, principalement des femmes et des enfants. Les exécutions sommaires d'otages à l'arme blanche par des groupuscules fanatisés et armés toujours plus nombreux deviennent monnaie courante. Mais ce qui est nouveau dans la situation, c'est l'apparition sur les écrans de télévision du monde entier des tortures infligées aux prisonniers irakiens d'Abou-Ghraib. Il est certain que ces tortures ne doivent pas concerner que cette seule prison, pas plus qu'elles n'auraient seulement commencé qu'au mois de mai de cette année.
L'Etat américain est entré à nouveau en guerre contre l'Irak de Saddam Hussein au nom de la lutte contre le terrorisme, les Etats voyous, pour la défense de la civilisation et de la démocratie. Les tortures infligées aux prisonniers irakiens mettent clairement en lumière la véritable nature de la démocratie. En matière de barbarie, elle n'a rien à envier à n'importe quelle autre forme de dictature du capital. Les Etats-Unis ne sont pas le premier Etat démocratique à utiliser massivement la torture. Sans avoir besoin de remonter trop loin dans le temps, il suffit de se rappeler le rôle joué par la démocratie française au Rwanda en 1994, organisant cyniquement un génocide et des tortures à grande échelle qui allaient entraîner le massacre sauvage d'un million de personnes. Mais plus clairement encore, pendant la guerre d'Indochine, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale menée au nom de la lutte contre le monstre fasciste, l'armée française ne se prive pas d'utiliser massivement la torture. Parmi d'innombrables témoignages celui du jeune lieutenant-colonel Jules Roy est frappant dans sa dramatique ressemblance avec ceux qui nous parviennent aujourd'hui d'Irak : "Sur toutes les bases aériennes, à l'écart des pistes, étaient construites des cahutes, qu'on évitait et d'où, la nuit montaient des hurlements qu'on feignait de ne pas entendre... Je demandai à l'officier qui m'accompagnait ce que c'était 'Rien, des suspects '. Je demandai qu'on s'arrêtât. J'allai à la pagode. J'entrai : on amenait les files de Nha Que devant les tables où les spécialistes leurs brisaient les couilles à la magnéto" (Mémoires barbares, éd. Albin Michel, 1989). De ce point de vue, les tortures infligées également par l'armée française pendant la guerre d'Algérie à la fin des années 1950 n'ont rien à envier à celles pratiquées en Indochine. En Algérie, la torture a été promue par les chefs de l'armée française : Massu, Bigeard, Graziani au rang d'une véritable torture de masse. Dans chaque place du territoire algérien, il y avait un officier de renseignement tortionnaire officiel, entouré de son équipe de paras "spécialisés". Contrairement à ce qu'affirment tous les idéologues et autres défenseurs de l'ordre bourgeois, la démocratie, tout au long de son histoire, comme toute autre forme d'organisation du capital, n'a jamais cessé d'utiliser les moyens les plus barbares pour arriver à ses fins. Les larmes de crocodiles versées par le gouvernement français sur les horreurs perpétrées en Irak apparaissent ici clairement pour ce qu'elles sont : pure hypocrisie ! Il est indéniable que la révélation des tortures perpétrées en Irak ne se traduise par un nouvel affaiblissement du leadership américain. Il est évident que les principales puissances rivales des Etats-Unis ne pouvaient qu'utiliser à nouveau cet affaiblissement dans le sens de la défense du renforcement de leurs sordides intérêts nationaux.
C'est à cette logique qu'obéit le renforcement sans précédent de la coopération stratégique et militaire entre la France et la Russie. La mise en place de contacts réguliers entre leurs ministres de la défense et leurs chefs d'Etat-major, ainsi que le déroulement de manœuvres navales d'envergure sont l'expression directe de cette nouvelle politique impérialiste. Mais plus directement encore "La France a fait savoir la semaine dernière par la voix de son ministre des Affaires étrangères, M. Barnier, qu'elle n'enverrait pas de soldats en Irak 'ni maintenant, ni plus tard'" (Dépêche Internet du Monde datée du 20/05/04). Jusqu'à présent les dirigeants français s'en étaient tenus à une toute autre position. Ils affirmaient jusqu'ici que pour envisager une participation militaire de la France en Irak, il ne pouvait y avoir d'autre voie qu'un retour de l'ONU à la tête des opérations. Cette porte est dorénavant définitivement fermée. L'impérialisme français vient même de refuser d'accéder à la demande de C. Powell, chef de la diplomatie américaine, d'envoyer des soldats en Irak avec une mission limitée consistant seulement à protéger le personnel de l'ONU. Quelle que soit l'ampleur des massacres et des tortures infligées à la population irakienne, les puissances rivales des Etats-Unis ne peuvent que se réjouir secrètement de l'affaiblissement du leadership américain en Irak. Plus encore, elles pousseront celui-ci, au mépris de tout respect pour la vie humaine, dans un enlisement toujours plus profond dans le bourbier irakien.
Il est un fait évident, maintenant visible par tous, l'Irak est un pays en plein chaos. La guerre y est permanente et couvre tout le pays. L'armée américaine et ses alliés de la coalition s'enlisent dans un bourbier toujours plus grand, manifestant une perte de contrôle grandissante de la situation. Depuis la chute du régime de Saddam Hussein, le 9 avril 2003, les Etats-Unis s'enfoncent chaque jour un peu plus dans une violence qu'ils parviennent de moins en moins à contrôler. Attentats, prises d'otages et combats de rue se multiplient. La révolte chiite menée par le leader Moqtadta Al Sadr continue à s'étendre malgré les appels au calme lancés par l'ayatollah Al Sistani. L'attentat commis le 17 mai, qui a tué le président du gouvernement provisoire irakien est un nouveau revers important pour l'impérialisme américain. Il matérialise le refus par les diverses fractions ethniques irakiennes d'entériner la carte politique américaine, de la mise en place d'un gouvernement démocratique irakien aux ordres de Washington. En un peu plus d'une année de guerre, l'impérialisme américain se retrouve face à un front du refus, hier encore impensable, composé des différentes fractions ethniques et religieuses : Kurdes, Chiites, Sunnites.
Tous aujourd'hui s'opposent à la présence américaine sur le sol irakien. Pour les Etats-Unis il n'existe plus de porte de sortie. G.W. Bush ne peut pourtant que réaffirmer que le transfert de souveraineté serait malgré tout maintenu au 30 juin. Un président américain intérimaire, un premier ministre et d'autres ministres devraient être désignés dans les semaines à venir d'après l'administration américaine. L'inquiétude devant l'évolution de la situation en Irak, se manifeste par une demande de donner plus de latitude aux Irakiens, en matière de sécurité et d'installations militaires de la part des principaux alliés de Washington. S. Berlusconi en visite tout récemment aux Etats-Unis, a même fait savoir qu'il avait pour projet : "le transfert complet de souveraineté à un gouvernement provisoire irakien au 30 juin, dans le cadre d'une nouvelle résolution du conseil de sécurité de l'ONU." Toutes ces tentatives de nommer un gouvernement provisoire en Irak, alors que le pays est occupé militairement par les Américains, sont vouées à l'échec. Ce gouvernement n'aurait aucune légitimité aux yeux de l'ensemble des Irakiens, quelle que soit leur ethnie ou religion. Ce gouvernement apparaîtrait nécessairement comme une création américaine et serait sans doute combattue en tant que tel. L'affaiblissement accéléré du leadership américain se manifeste également par un processus d'éclatement de la coalition. Depuis le retrait commencé des troupes espagnoles, des pays comme le Honduras, la Thaïlande et, en Europe, la Pologne, le Danemark, la Hollande ont fait savoir leur inquiétude grandissante et leur éventuel projet de retrait pur et simple de leur participation aux forces de la coalition. J.P. Balkemende, chef d'Etat des Pays Bas, le 11 mai dernier, suite à la mort du premier soldat hollandais en Irak a déclaré : "que la présence future et la légitimité des 1300 soldats sur place dépendront du rôle futur des Nations Unies en Irak." La situation de chaos est telle dans ce pays que la bourgeoisie américaine, républicains et démocrates confondus, est aujourd'hui dans l'incapacité de tracer une réelle perspective à la politique américaine sur le terrain. En effet, tant le retrait pur et simple des troupes engagées, comme celui de leur maintien sur place, voire de leur renforcement, n'offre aucune perspective de stabilisation de la situation.
Depuis quelques jours, l'Etat israélien poursuit une offensive militaire d'envergure, dans le Sud de la bande de Gaza, près de la ville de Rafah. Cette nouvelle opération militaire baptisée "Arc-en-ciel", se traduit par des dizaines de morts et la destruction de zones entières d'habitations. Le mois dernier, Sharon, chef de l'Etat israélien, en visite aux Etats-Unis et sortant d'une entrevue avec Bush présentait au monde son nouveau plan de paix, qui consistait, entre autre, au retrait programmé des colonies israéliennes de la bande de Gaza. En guise de plan de paix, les Palestiniens et notamment les femmes et les enfants, auront eu droit aux bombardements, tirs de missile et autres mortiers dans leurs villages. Ce plan de paix est en fait un plan de guerre qui vise à rejeter les Palestiniens au-delà du Jourdain et d'écraser dans le sang toute résistance dans la bande de Gaza. Cette politique de Sharon, de fuite en avant dans la guerre se révélera à terme totalement suicidaire pour toute la région, y compris pour l'Etat d'Israël.
Le Moyen-Orient est, comme l'Irak, à feu et à sang. La guerre et le chaos ne peuvent que s'y accélérer. Face à la gravité de la situation, et devant le processus accéléré de déstabilisation de tout le Moyen-Orient, le conseil de sécurité permanent de l'ONU a demandé à travers une résolution à l'Etat d'Israël "qu'il soit mis fin à la violence " Les arrières pensées des requins impérialistes siégeant en permanence à l'ONU ne fait aucun doute. Cette organisation de la bourgeoisie, contrairement aux discours mensongers qui sont perpétuellement avancés, n'est que le lieu de confrontations diplomatiques des rivalités inter-impérialistes. Chaque Etat n'y défend que ses propres intérêts. En ce sens, la résolution adoptée en opposition à l'opération militaire "Arc-en-ciel" n'a rien à voir avec un sentiment d'humanité, totalement étranger à ce type d'organisation. Cette prise de position n'est, ni plus ni moins, qu'un des moments d'affrontement entre puissances impérialistes dominantes. Le front antiaméricain qui s'y est exprimé par le vote de cette résolution participe de fait au développement de la guerre et du chaos au Moyen-Orient.
Mais le fait que les Etats-Unis soient amenés dans cette circonstance à s'abstenir au moment du vote en dit long sur l'affaiblissement de la première puissance mondiale. L'ambassadeur américain adjoint, J. Cunningham a justifié cette abstention en expliquant que la résolution ne prenait pas suffisamment en compte "le contexte des opérations militaires" destiné selon Israël a prévenir des attaques anti-israéliennes. L'incapacité de l'administration américaine à retenir son allié privilégié israélien s'étale ainsi au grand jour. Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis n'ont été entraînés dans un tel processus d'affaiblissement. Cette situation est lourde de conséquences pour l'avenir. La décomposition de la société capitaliste qui s'exprime avec violence au Proche et au Moyen-Orient ne peut que s'accélérer dans la période à venir, d'affrontements militaires en attentats suicides toujours plus irrationnels. Il est à craindre notamment d'ici l'éventuelle nomination fin juin d'un gouvernement provisoire pro-américain en Irak, une montée en puissance de la violence qui n'épargnera plus aucun secteur de la population irakienne. Ce monde capitaliste en faillite qui s'écroule ainsi irrémédiablement met en danger de mort pas seulement la population d'Irak ou du Moyen-Orient, mais à terme celle de l'humanité toute entière.
Tim (20 mai)
"Après la baffe électorale des élections régionales, à la tonalité clairement anti-libérale, la droite n'en demeure pas moins résolue à faire passer son programme de démolition sociale (...) Dans ces conditions, il est clair que les prochaines élections européennes devront enfoncer le clou : le gouvernement C.R.S. (Chirac, Raffarin, Sarkozy) et sa politique libérale n'ont plus la moindre légitimité. Par la rue et par les urnes, ils doivent être chassés" (Bulletin de la Fédération des Bouches-du-Rhône de la Ligue Communiste Révolutionnaire). Sur la même longueur d'onde, Lutte Ouvrière déclare dans son n° 1867 : "A coup sûr, les élections européennes offrent une nouvelle occasion de désavouer la politique de ce gouvernement à plat ventre devant le grand patronat et le Medef et qui, après avoir amputé les retraites, s'attaque à l'assurance maladie, au droit de se soigner convenablement. Ce serait dommage de ne pas se saisir de l'occasion." (Editorial d'Arlette Laguiller).
Au moment où le gouvernement concocte des
mesures draconiennes avec la collaboration des syndicats pour démanteler
la protection sociale, alors qu'il est nécessaire que les ouvriers
se mobilisent, se rassemblent, s'organisent pour lutter face à
cette nouvelle attaque, les organisations trotskistes LO/LCR invitent
les prolétaires …à aller "massivement"
déposer leur bulletin de vote dans l'isoloir, le 13 juin aux
élections européennes pour sanctionner une deuxième
fois le gouvernement. Les trotskistes entretiennent ainsi l'illusion,
comme aux régionales, que c'est dans les urnes que la riposte
ouvrière peut s'exprimer. Il est pourtant manifeste que le résultat
des élections régionales n'a en rien permis d'améliorer
le sort des ouvriers comme il n'a en rien permis de ralentir les attaques
de la bourgeoisie. Le sens réel de la contribution des trotskistes
est qu'ils sont les fers de lance d'une vaste campagne idéologique
orchestrée par la bourgeoisie autour des élections européennes
qui vise à détourner au maximum les ouvriers du chemin
de la lutte de classe.
"L'autre raison de faire campagne dans ces élections européennes
est de pouvoir y dire ce que personne d'autre ne dira, que nous sommes
partisans de l'unification de l'Europe, justement parce que nous sommes
internationalistes, communistes", déclare LO dans son n°
1865. C'est le même discours de fond que tient aussi la LCR :
"Nous ne sommes pas opposés à l'idée d'une
organisation des peuples à l'échelle européenne,
ni même à l'échelle mondiale".
Les Etats-Unis d'Europe ? L'unité européenne au nom de
l'Internationalisme prolétarien et du Communisme ? Quelle mystification ! Cela
n'a jamais été le point de vue de l'internationalisme
prolétarien et des communistes puisqu'il est clair pour eux que
seule la lutte de la classe ouvrière à l'échelle
internationale peut venir à bout du capitalisme et de ses divisions
nationales. "Prolétaires de tous les pays, unissez vous"
pour renverser le capitalisme disait le Manifeste communiste dès
1848 parce que précisément la classe ouvrière n'a
pas de patrie ni de frontières à défendre fussent-elle
dans le cadre d'un regroupement ou d'une coalition d'Etats. Après
l'altermondialisme, les trotskistes appellent à construire "une
autre Europe". Pas l'Europe des capitalistes, mais "l'Europe
sociale", "l'Europe des travailleurs", proclament-ils.
Pour la classe ouvrière, il ne s'agit pas de construire "une
Europe des travailleurs" mais de renverser le capitalisme, d'abolir
les frontières, de détruire les rapports d'exploitation
à l'échelle mondiale, et cela ne se fera certainement
pas par les urnes. La propagande des trotskistes en faveur de l'unité
européenne a une toute autre fonction. "Les travailleurs,
la population, ont intérêt à une Europe unie, sans
frontières entre les peuples, aussi large que possible. Mais
cette Europe ne pourra être sociale ni être véritablement
unifiée que si elle est débarrassée de la dictature
des groupes financiers". (Editorial d'Arlette Laguiller, dans LO
du 14 mai, intitulé "Pour une Europe unie, débarrassée
de la dictature des financiers"). Ce n'est donc pas du système
d'exploitation capitaliste qu'il faut se débarrasser mais simplement
"de la dictature des groupes financiers" qui, selon LO, "serait
responsable du chômage, des bas salaires, des retraites amputées
et de l'assurance maladie menacée". Ce n'est donc pas ce
système d'exploitation qui doit être détruit, mais
les méchants patrons, les abominables représentants du
capital financier et leurs larbins gouvernementaux qui doivent être
chassés. "Pour une Europe libre : muselons le Capital",
réclame encore LO dans une de ses affiches électorales.
Les soi-disant mesures sociales que vante et préconise LO ne
sont en fait que de la poudre aux yeux qui reviennent à chercher
à persuader la classe ouvrière qu'elle n'a pas intérêt
à détruire le capitalisme par ses luttes pour instaurer
le communisme, mais plutôt voter pour changer l'équipe
gouvernementale et entretenir la mystification européenne pour
tenter de les persuader encore mieux de rester sur le terrain électoral
de la bourgeoisie. Ils n'hésitent même pas à transposer
le fonctionnement des assemblées générales ouvrières
ou des conseils ouvriers sur le parlement européen bourgeois
en réclamant "des députés européens
élus et révocables à tout moment" (LO n°1866
du 7 mai). On ne saurait jeter davantage de confusion dans les consciences
ouvrières. Cela revient à chercher à crédibiliser
le vieux mythe d'une Europe unie, de la construction européenne
de la bourgeoisie aux yeux des ouvriers. Si les trotskistes sont aujourd'hui
aux avants-postes de la mystification bourgeoise, tout ce barouf ne
sert qu'à une chose, à appâter un maximum d'ouvriers
pour les pousser une fois de plus vers les urnes de la bourgeoisie.
Les trotskistes se trouvent ainsi en première ligne de la propagande
bourgeoise en alimentant le mythe de la construction de l'unité
européenne, en cherchant à dénaturer dans la conscience
des ouvriers les principes internationalistes. Mais en fait, le mythe
qu'ils entretiennent sur la construction européenne s'inscrit
directement dans une logique de concurrence impérialiste des
Etats européens avec les Etats-Unis d'Amérique. Les trotskistes
contribuent à enfermer les ouvriers dans le cadre bourgeois,
celui des frontières, des élections, de la démocratie,
derrière les partis de gauche et les syndicats. Ce faisant, ils
s'érigent contre le développement de la lutte de classe
et contribuent à paralyser les réactions ouvrières
contre les attaques de la bourgeoisie.
Après un
mois de tumulte juridique et de battage médiatique autour du
sort des "recalculés" (sinistre euphémisme pour
désigner les 265 000 chômeurs privés prématurément,
en janvier dernier, de 7 mois d'indemnités suite à la
réforme de l'Unedic !), le dénouement est subitement tombé
de la bouche du ministre de la cohésion sociale, Jean-Louis Borloo.
En effet, ce "Monsieur social" du gouvernement Raffarin III
a tout simplement annoncé le 3 mai la réintégration
des "recalculés" dans le système d'assurance
chômage, soit près de 600 000 personnes d'ici à
fin 2005. Décision officialisée par le Conseil d'Etat
le 11 mai avec l'annulation de l'agrément de la convention Unedic
de décembre 2002 à l'origine de ce recalcul des prestations
de centaines de milliers de chômeurs.
Il n'en fallait pas plus pour présenter les multiples procédures
juridiques engagées auprès de 76 tribunaux, par les syndicats
et associations de chômeurs (AC !, Apeis, CGT et MNCP), sous le
jour d'"une grande victoire historique des chômeurs",
"la victoire de milliers de pots de terre contre le supposé
grand pot de fer" selon le comité national chômeurs-CGT
ou encore "une gifle pour le Medef et le gouvernement", d'après
les trotskistes de LO et de la LCR.
Mais peut-on imaginer un seul instant que la justice de la classe dominante,
celle qui est délivrée par la bourgeoisie et dans ses
intérêts, puisse prendre ne serait-ce qu'un moment fait
et cause pour la classe ouvrière ? Bien sûr que non, et
le mouvement ouvrier sait déjà depuis belle lurette tout
ce que l'on peut attendre de la Justice dans la société
bourgeoise : "Parmi bien d'autres institutions de l'Etat bourgeois,
la justice sert à opprimer et à tromper les masses ouvrières.
Cette institution respectable prononce ses jugements en se basant sur
des lois faites dans l'intérêt de la classe des exploiteurs.
Aussi, quelle que soit la composition du tribunal, la justice qu'il
rend est limitée à l'avance par les articles d'un Code
qui consacre les privilèges du Capital et l'absence de droits
des masses ouvrières." (ABC du communisme, Nicolas Boukharine
et Eugène Préobrajenski, 1919.)
Dès lors, que peuvent bien cacher ces lauriers qu'agite frénétiquement
la bourgeoisie ? De quel genre de victoire pour la classe ouvrière
nous parle-t-on ?
Ni les jugements favorables à la réintégration
des chômeurs, rendus par les tribunaux de Marseille et Paris,
respectivement le 15 avril et le 11 mai, ni la décision du Conseil
d'Etat, n'ont remis en cause la réforme de l'Unedic. Bien au
contraire, toute cette mascarade juridique n'a fait que renforcer cette
attaque massive et brutale. Si l'Etat a lâché du lest pour
les chômeurs entrés dans le système d'assurance
chômage avant le 31/12/2002, ceux dont la situation avait déjà
été recalculée, ce n'est que pour mieux enraciner
la réforme face à l'ensemble de la classe ouvrière.
C'est, en fin de compte, la vieille tactique empruntée au monde
militaire qui consiste à faire croire à son ennemi qu'il
remporte une victoire parce que l'on fait mine de battre en retraite
alors que dans le même temps l'offensive se met en place.
D'abord, concernant certaines catégories de chômeurs, dont
les médias se sont bien gardés de faire cas, aucune mesure
rétroactive n'a été envisagée. Par exemple,
les salariés ayant perdu leur emploi entre 50 et 55 ans doivent
toujours subir une réduction de 22 mois d'indemnisation, qu'ils
soient inscrits sur les listes de l'ANPE avant ou après le 1/01/2003
(voir RI 331).
Ensuite, pour la grande majorité "La décision annoncée
par Jean-Louis Borloo maintient [l'essentiel] de la convention signée
en décembre 2002. Tous les chômeurs entrés après
le 1/01/2003 n'ont droit qu'à 23 mois [au lieu de 30 avant la
réforme] d'indemnisation. Ensuite, il n'y a que les dispositifs
d'Etat : Allocation spécifique de solidarité [ASS], RMI,
voire rien du tout." (Libération du 4/05/2004.)
Il faut ajouter que dans le cadre de la réforme de l'assurance
chômage, l'ASS doit être, dorénavant, limitée
dans le temps (2 ou 3 ans) et, malgré la promesse de Chirac de
réviser ce dossier, cette nouvelle attaque commencera à
faire ses premières victimes dès le mois de juillet prochain.
Enfin, le PARE (plan d'aide au retour à l'emploi), instauré
par le gouvernement Jospin en janvier 2001 et qui a déjà
permis la radiation de centaines de milliers d'ouvriers des listes de
l'ANPE, se trouve désormais entièrement consacré
puisque les jugements successifs des tribunaux de Marseille et Paris
lui ont reconnu une valeur de contrat. Ce même argument qui a
servi à la réintégration des "recalculés"
n'est en réalité qu'une étape juridique concoctée
par la bourgeoisie pour aller encore plus loin dans la précarisation
du travail et l'assouplissement des procédures de radiation du
système d'assurance chômage. En effet, si un chômeurs
refuse un emploi, quel qu'il soit, les Assedic pourront considérer
qu'il y a rupture de contrat et par conséquent supprimer illico
presto les indemnités perçues. Le président du
Medef, Ernest-Antoine Seillière, ne s'y est pas trompé
en déclarant :"Nous avons applaudi au jugement de Marseille
[…] parce que nous avons toujours voulu que le PARE soit un contrat".
Voilà "la belle victoire" que célèbre
dans une grande messe œcuménique syndicats, trotskistes,
anarchistes officiels (type Alternative Libertaire), gauche plurielle,
jusqu'à la députée UMP Christine Boutin.
En agitant ostensiblement "la victoire des recalculés",
la bourgeoisie entérine sa réforme en suscitant le faux
espoir chez les ouvriers suivant lequel, malgré les attaques
violentes portées contre ses conditions de vie, le "petit
pot de terre" peut prendre parfois le dessus sur le "grand
pot de fer" car "il existerait finalement une justice en ce
bas monde". Le prolétaire n'a plus qu'à se résigner
en attendant que la bourgeoisie (qui, à la fois, fait office
de juge et de bourreau) rende son verdict. La belle affaire !
Plus qu'un faux espoir, il s'agit d'une énorme mystification
dont le but est d'atomiser les ouvriers, au chomage ou non, en les poussant
à se défendre, isolés les uns des autres, dans
les Palais de justice de la classe dominante et d'empêcher ainsi
leur union sur le seul et unique terrain où ils représentent
une force redoutable, celui de la lutte de classe.
Alors que la faillite du système capitaliste oblige la bourgeoisie
à saigner encore plus le prolétariat en lui supprimant
ses retraites, ses indemnités chômage et bientôt
le remboursement de ses soins médicaux, ce dernier doit prendre
conscience qu'il ne peut y avoir de justice pour les exploités
dans un tel monde. Il n'y a qu'une sentence possible, la révolution
communiste, et c'est au prolétariat qu'il revient, non seulement
de la prononcer mais aussi de l'exécuter.
Le 17 avril de cette année,
le PCF a fêté le centenaire de la naissance du journal L'Humanité. Cet
anniversaire, particulièrement marqué par un numéro spécial censé retracer la
vie de ce journal, avait été lancé depuis près d'un an à coups de forums et de débats,
agrémentés d'articles rassemblés sous une même rubrique appelant à "des
futurs d'humanité". Prenant des poses "communistes" et
"révolutionnaires", le PCF s'y vautre dans un de ses exercices
préférés : la falsification de l'histoire du prolétariat et de la sienne
propre. Il serait fastidieux et inutile de reprendre l'ensemble des exemples
qui montrent qu'il s'agit d'une nouvelle tentative du PCF de détruire la
conscience ouvrière et toute réflexion sur ce qu'est le PCF : un parti
bourgeois à part entière.
Mais au-delà même de cet effort du PCF pour prouver à la bourgeoisie toute sa
fidélité, cette mise en scène autour de la création de L'Humanité s'intègre dans les différentes tentatives du PCF visant à
ravaler sa façade rongée par plus de soixante ans de soutien indéfectible aux
pires horreurs du stalinisme en opérant un énième lifting
"communiste", version plus "humaniste".
Dans les années 1990, suite à l'effondrement du bloc de l'Est et devant la
faillite ouverte historique du capitalisme stalinien, le PCF avait cherché à se
refaire une santé en se prévalant d'un "nouveau projet communiste",
d'une "mutation" en son sein, pour tenter de se laver de l'image
stalinienne qui lui collait à la peau dans la classe ouvrière. Il avait tenté
en l'occurrence de faire croire à un retour aux sources, à ce qui avait été un
moment de ses origines, à savoir la constitution en 1920, sous la poussée de la
Révolution russe et du mouvement ouvrier mondial, d'un parti authentiquement
prolétarien, expression véritable de la vague révolutionnaire internationale de
1917 et du début des années 1920. Dans ce but, on avait vu l'apparition d'une
"Gauche communiste", issue du PCF et se réclamant des acquis de la
Révolution russe mais aussi et surtout mettant l'accent sur l'apport des groupes
révolutionnaires qui cherchèrent à tirer les leçons de 1917 et qui poussèrent à
une réflexion de fond sur la dégénérescence des années 1920-1930. Il s'est
avéré que la tentative a fait long feu car elle n'a pas permis au PCF de se
doter d'une virginité révolutionnaire à travers la mise en place de cette
prétendue "Gauche communiste" née du PCF, et non pas l'expression
vivante de la réflexion issue du camp révolutionnaire suite à la dégénérescence
de l'Internationale communiste dès les années 1920[2] (2).
Alors que le PCF a passé le plus clair de son existence à combattre les
héritiers de la social-démocratie, on le voit à présent s'en prévaloir et
relier son "fil rouge" avec l'avant-Première Guerre mondiale et avec
cette social-démocratie tant honnie, manière d'affirmer qu'il serait le
représentant unique et authentique de la filiation entre le mouvement ouvrier
du passé et celui d'aujourd'hui. Il y a deux raisons à cela. La première est
une fois de plus d'éloigner le spectre du stalinisme qui plane peu ou prou
encore sur lui en se faisant l'héritier de la période du mouvement ouvrier
d'avant la Révolution russe, liée directement et de façon profondément
mensongère par les médias bourgeois au stalinisme. C'est d'ailleurs pour cela
que le PCF s'efforce d'en salir et d'en dénaturer la vraie signification, pour
mieux s'en démarquer et du même coup se démarquer du stalinisme lui-même. Le
PCF révèle donc ici une nouvelle fois le caractère profondément bourgeois de sa
nature.
La deuxième raison est de contribuer à faire oublier que la social-démocratie a
trahi le prolétariat en 1914 par l'union sacrée aux côtés de la bourgeoisie
dans la guerre mondiale et que c'est même la SFIO (Section Française de
l'Internationale Ouvrière), représentée par le journal L'Humanité, qui a directement envoyé des millions de prolétaires à la
mort jusqu'en 1916 sous les différents gouvernements Viviani.
Lorsque le PCF se constitue en 1920 à Tours, ce sera avec nombre d'anciens
sociaux-démocrates qui, s'ils n'avaient pas tous trahi en 1914, étaient très
fortement gangrénés par l'opportunisme. Ce fut d'ailleurs un signe manifeste de
cet opportunisme congénital du PCF qu'il reprenne le titre du journal de
Jaurès. Ce dernier, s'il était sans conteste un socialiste convaincu et un
ardent et authentique défenseur des intérêts ouvriers, était tout autant plutôt
un socialiste "humaniste" sans attache profonde avec le marxisme, et
s'il était un pacifiste des plus militants, il n'en était pas moins un patriote
parmi les plus ardents.
Il faut répéter ici que le PCF, ainsi que tous les partis staliniens, qu'ils
aient disparu ou qu'ils soient encore actifs, n'est plus depuis le début des
années 1930 une organisation de défense des intérêts ouvriers.
Depuis plus de soixante-dix ans, le PCF a été un défenseur inconditionnel du
capital national et un des plus dangereux et pernicieux ennemis de la classe
ouvrière, un des pires représentants de la contre-révolution stalinienne en
France et dans le monde.
Rappelons qu'il a été un des fers de lance de l'opposition au mouvement de Mai
68 en France, dénonçant et attaquant physiquement nombre de grévistes.
Et c'est au travers de sa participation active au gouvernement, au début des
années 1980 et dans les années 1990, qu'il a encore assumé sa fonction de parti
anti-ouvrier.
[1] Nelson Mandela, présenté (et pas seulement par le PCF !) comme l'exemple vivant du vieux lutteur héroïque n'est qu'un ancien petit chef mafieux et nationaliste, longtemps à la solde du bloc russe. Ce récent ex-chef de l'Etat sud-africain a été avant tout un des plus féroces responsables de la répression anti-ouvrière et contre les populations noires ou blanches, après comme pendant "l'apartheid". On est bien loin de la continuité avec Marx et Engels !
[2] Même le "Mouvement pour la paix" qui restait son seul fonds de commerce est parti en lambeaux avec sa participation au gouvernement de la gauche plurielle qui a lui-même voté comme un seul homme la participation de l'impérialisme français aux expéditions guerrières en Afrique comme derrière les Etats-Unis en Irak en 1991 ou contre la Serbie en 1999.
Fin avril dernier, en Thaïlande, des affrontements ont opposé les forces de sécurité du pays à des groupes de jeunes musulmans armés qui ont lancé des attaques contre des postes de police dans trois provinces du pays. Ces affrontements violents se sont soldés par la mort de tous les assaillants armés de quelques fusils, de machettes et d'épées, armes pour le moins rudimentaires face à tout l'arsenal des forces de l'ordre étatique ! Celles-ci n'ont pas fait de quartier : lorsque certains des assaillants se sont retranchés dans une mosquée, l'armée a donné l'assaut et les a tous liquidés. Au total, 107 morts chez ces jeunes musulmans : pas de survivant.
Pour la bourgeoisie thaïlandaise elle-même, les objectifs
et les instigateurs de la révolte restent mystérieux :
de terroristes islamistes séparatistes supposés, le gouvernement
est passé à l'accusation de "trafiquants d'armes",
de "simples bandits" à la solde de politiciens véreux.
Ainsi, pour d'autres spécialistes bourgeois, "ces événements
s'expliquent entièrement par des paramètres locaux"
(Libération du 28 avril). Sans nier ces paramètres locaux
de minorités musulmanes au sein d'une population thaïe majoritairement
bouddhiste au Sud du pays, il n'y a pas vraiment besoin de remonter
à la fin du XVIIe siècle pour chercher les racines culturelles
ou religieuses de cette révolte, que ce soit ici ou ailleurs
dans le monde. Derrière tous les sentiments nationalistes, religieux,
communautaires, on trouve souvent une population en proie à une
misère permanente. Cette misère s'est accentuée
au fil de l'aggravation de la crise économique, en Thaïlande
comme ailleurs. D'autant plus dans des provinces excentrées,
délaissées le plus souvent par l'Etat, réprimées
régulièrement par la dictature militaire dès que
s'exprimait le moindre souffle de révolte. C'est encore le cas
aujourd'hui sous le règne de la démocratie. Pour fuir
cette misère, beaucoup tentèrent d'émigrer vers
la Malaisie, pays plus "prospère". Les traitements
n'y furent pas meilleurs.
Depuis quelques années, la situation n'a fait que s'aggraver.
Après l'effondrement du mythe de l'économie florissante
des "dragons asiatiques" comme la Thaïlande et la Corée
en 1997, des pans entiers de la population sont à l'abandon,
avec comme seule perspective soit de se prostituer dès le plus
jeune âge dans les zones urbaines du pays ou sur les sites touristiques
où se concentrent le "marché" du tourisme sexuel,
soit survivre de trafics divers, enrôlés par les diverses
cliques mafieuses ou fondamentalistes.
Ces révoltes sont des révoltes sans perspective qui illustrent
tout le degré de désespoir de ces jeunes. Elles illustrent
surtout la décomposition grandissante de la société
capitaliste.
Ce que montre cette révolte en Thaïlande, c'est que le degré
de décomposition et d'incohérence de ce monde devient
tel que, pour des secteurs entiers d'une population exclue, déclassée
ou laissée à l'abandon, penser à une autre perspective
de vie apparaît comme une illusion : seule la mort apparaît
réaliste et libératrice.
Cette décomposition spectaculaire est aussi marquée en
Cisjordanie ou à Gaza où ce sont des files entières
de jeunes musulmans qui font la queue pour s'enrôler comme candidats
au "martyr" pour le Hamas ou le Hezbollah. De jeunes candidats
à l'attentat-suicide ont souvent exprimé le fait qu'ils
n'avaient pas peur de mourir puisqu'ils étaient déjà
morts !
Au fond, le désespoir et la misère sociale sont les mêmes.
Par contre, au Moyen-Orient, la logistique et la manipulation guerrière,
impérialiste sont d'un autre niveau : la bourgeoisie palestinienne
et ses diverses fractions utilisent à leurs propres fins impérialistes
cette chair à canon désespérée qui n'a plus
d'autre envie que de mourir "pour la cause". La bourgeoisie
sait se servir de ce désespoir, comme au Moyen-Orient, et cherche
en permanence à l'utiliser pour mener sa guerre inter-impérialiste.
Mais, en l'occurrence, le désespoir de ces jeunes musulmans thaïlandais
est devenu tel qu'il échappe même au contrôle et
à l'utilisation, pour des fins politiques ou militaires, de telle
ou telle fraction de la bourgeoisie, qu'elle soit islamiste, séparatiste
ou démocratique. Voilà la conséquence ultime de
ce monde en putréfaction qui n'offre plus de perspective viable
ni même d'illusion alternative dans le cadre de son système.
Et cela n'est pas cantonné aux seuls pays du "tiers-monde".
Déjà, cette irrationalité s'exprime à des
degrés divers dans tous les aspects de la vie sociale, politique
et économique du monde capitaliste.
Sans le renouveau de la lutte prolétarienne sur un terrain de
classe à l'échelle internationale, sans l'affirmation
de sa perspective révolutionnaire pour elle-même et en
définitive pour l'ensemble de l'humanité, la pourriture
du monde capitaliste, sa décomposition sur pied ne peut que continuer
à apporter la mort et l'enfoncement dans une barbarie sans limite.
L'élargissement tant
attendu de l'Europe à vingt-cinq pays a enfin eu lieu le Premier mai 2004. Et
il a bien sûr donné lieu à de grandes festivités dans les capitales
européennes. Comme après le sommet de Maastricht fin 1991, on nous a gavé de
grandes déclarations sur cette grande Europe, "continent enfin uni dans sa
totalité"[1]
et de façon pacifique. Et avec la perspective des élections du 13 juin, il est
certain que les trompettes de la propagande bourgeoise vont résoner à nouveau.
Encensé comme un "tournant historique", l'élargissement de l'Union
Européenne (UE), "formidable machine à exporter la paix et la
stabilité"[2]
constituerait "l'acquis principal" et "l'achèvement le plus
remarquable de l'Europe"[3].
L'auto-célébration de la bourgeoisie ne doit pas faire illusion. Lorsque les
bourgeois s'entendent entre eux, c'est sur le dos des ouvriers, sinon ils ne
songent qu'à s'empoigner.
La poursuite de l'intégration européenne, commandée par l'intérêt commun des
puissances de l'Europe de l'Ouest à créer un glacis de relative stabilité pour
endiguer le chaos social et économique généré par l'implosion du bloc de l'Est
en 1989, est loin de signifier "l'unité". Terrain d'affrontement
privilégié des deux guerres mondiales, elle constitue l'épicentre des tensions
impérialistes et il n'y a jamais eu de réelle possibilité de constitution d'une
véritable unité qui permettrait de surpasser les intérêts contradictoires des
différentes bourgeoisies nationales. En effet, "à cause de son rôle historique comme berceau du capitalisme et de sa
situation géographique, (…) l'Europe au 20e siècle est devenue la clé de la
lutte impérialiste pour la domination mondiale."[4]
A une époque, la division du monde en deux blocs impérialistes lui conférait
une relative stabilité, alors que la CEE (Communauté Economique Européenne)
était l'instrument des Etats-Unis et du bloc occidental contre son rival russe,
l'Europe pouvait avoir une certaine réalité. Suite à la Seconde Guerre
mondiale, la construction de la communauté européenne a été soutenue par les
Etats-Unis pour former un rempart contre les velléités d'avancée de l'URSS en
Europe, et conçue pour renforcer la cohésion du bloc occidental. Bien que
contenues et disciplinées par le "leadership" américain face à la
nécessité de faire front à l'ennemi commun, d'importantes divisions n'ont
cependant jamais cessé d'opposer les principales puissances européennes.
L'effondrement du bloc de l'Est en 1989 a entraîné la dissolution du bloc
adverse et la réunification de l'Allemagne qui accédait ainsi à un rang
supérieur de puissance impérialiste, décidée de mettre à profit cette opportunité
de postuler à la direction d'un nouveau bloc opposé aux Etats-Unis. Les raisons
qui contraignaient les Etats d'Europe occidentale à "marcher
ensemble" ont volé en éclats et le phénomène s'est brutalement aggravé
depuis quinze ans. Aussi, contrairement à tout le battage sur la marche en
avant inexorable vers l'unité d'une grande Europe, c'est bien plutôt vers
l'aggravation des tensions en son sein et des divergences d'intérêts qu'elle
va.
Ce bouleversement historique a relancé la lutte pour l'hégémonie mondiale et la
redistribution des cartes sur le continent européen. La lutte acharnée entre
tous ces champions de la paix et de la démocratie pour le partage des
dépouilles de l'ex-bloc russe a conduit, pour la première fois depuis 1945, au
retour de la guerre en Europe au début des années 1990 en ex-Yougoslavie (et au
bombardement par les forces de l'OTAN d'une capitale européenne, Belgrade, en
1999) où France, Grande-Bretagne et Etats-Unis, eux mêmes rivaux, s'opposent,
par alliés interposés, à l'expansion allemande vers la Méditerranée, via la
Croatie. La guerre en Irak a également encore montré l'absence fondamentale
d'unité et les profondes dissensions et les rivalités entre nations
européennes.
Depuis 1989, on voit l'Allemagne qui n'a pas cessé de manifester clairement
ses prétentions impérialistes dans son aire d'expansion traditionnelle de la
"Mitteleuropa", sous couvert de la construction européenne. Elle
espère utiliser son poids économique sans équivalent dans les principaux pays
de l'Est européen, ainsi que la proximité institutionnelle créée par
l'élargissement pour arrimer ces pays à sa sphère d'influence. La bourgeoisie
allemande ne peut cependant que se heurter d'un côté au chacun pour soi de ces
différentes nations et de l'autre à la détermination des Etats-Unis d'y
développer leur influence, par le biais en particulier de l'OTAN. "Cinq des nouveaux membres - l'Estonie, la
Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie et la Slovénie - ont été accueillis en grande
pompe, le 29 mars, à Washington, dans les rangs de l'OTAN, un mois avant leur
intégration dans l'UE. La Hongrie, la Pologne et la République Tchèque font
partie de l'Alliance depuis 1999. Les Etats-Unis font déjà campagne pour que la
Bulgarie et la Roumanie, les deux autres nouveaux partenaires de l'OTAN, soient
admises, à leur tour, dans l'UE."[5] Les
Etats-Unis comptent sur les pays de la "nouvelle Europe" pour
paralyser son rival le plus dangereux et font le calcul que "plus l'UE s'étend, moins elle s'approfondit,
et que cela complique la formation d'un contrepoids politique à la puissance
américaine"[6],
comme le montrent les tiraillements à propos de l'adoption prochaine de la
Constitution de l'UE.
Si, à l'Est, en dépit du chacun pour soi régnant, l'Allemagne renforce les
potentialités d'accroître à terme son influence impérialiste, à l'Ouest elle se
heurte en revanche à la fois à la France et à la Grande-Bretagne, qui ne
peuvent que réagir à ce développement potentiel de l'impérialisme allemand.
La Grande-Bretagne, qui avait refusé en leur temps les accords de Maastricht,
joue depuis et plus que jamais le rôle de soutien des Etats-Unis, faisant
flèche de tous bois pour alimenter la zizanie entre les puissances européennes.
Principal soutien à l'intervention militaire américaine en Irak, elle subit non
seulement le discrédit de l'échec américain, mais se retrouve de plus en plus
isolée en Europe. L'impact du bourbier irakien a fait voler en éclats la
coalition "pro-américaine" formée par Londres, Madrid et Varsovie
contre les ambitions franco-allemandes d'opposition aux Etats-Unis. L'adoption
d'une orientation pro-européenne par le nouveau gouvernement Zapatero annonçant
son retrait d'Irak, la prive de son principal allié en Europe. Cette défection a
eu pour effet de précipiter la Pologne, ébranlée et divisée sur le choix de ses
orientations impérialistes dans une crise politique qui a débouché sur la
démission de son premier ministre et l'implosion du parti au pouvoir. En dépit
des difficultés qu'elle rencontre, la Grande-Bretagne sera contrainte de
continuer son travail de sabotage de toute alliance continentale durable en
Europe.
Pour la France, qui rêvait de s'émanciper de la tutelle américaine depuis les
années 1950, il n'est pas question de laisser l'Allemagne se fabriquer sur
mesure une Europe sous son influence, ni surtout d'accepter le rôle subalterne
que l'Etat allemand veut lui réserver dans le cadre de l'élargissement
européen. C'est pourquoi elle espère trouver dans le renforcement et l'élargissement
de l'UE les moyens de se garantir un contrôle "communautaire" capable
de brider les ambitions de l'Allemagne. C'est encore pourquoi on la voit
réactiver ses liens "historiques" avec la Pologne et la Roumanie et,
fait plus récent, développer ceux tissés pour s'opposer à l'intervention
américaine en Irak avec la Russie. En la matière, il faut souligner que cette
dernière est tout à fait intéressée à cette "alliance" avec la
France, du fait de sa propre inquiétude à se voir dépossédée de son ex-zone
d'influence à l'Est de l'Europe, les limites de l'UE et de l'OTAN avançant
jusqu'à ses frontières. Ceci afin de prendre l'Allemagne en tenaille sur son
revers. D'autre part, au sein de l'UE, la France se mobilise pour reprendre de
l'influence sur les pays du Sud de l'Europe, notamment l'Espagne, contre la
position hégémonique de l'Allemagne et si elle répond aux sollicitations de la
Grande-Bretagne de développer la défense européenne et de construire en commun
un porte-avions, c'est pour étoffer ainsi face à l'Allemagne l'atout que
constitue la puissance militaire dont cette dernière est dépourvue.
A quoi rime dans de telles conditions toute cette campagne sur la mythique
"unité européenne" ? A servir de propagande idéologique et entretenir
l'illusion sur un monde capitaliste qui sue par tous ses pores la mort et la
misère.
La tendance au chaos et le règne du "chacun pour soi" ne sont en rien
l'apanage des pays de l'ex-bloc de l'Est ou du "tiers-monde". La
disparition de la division de la planète en deux blocs, en donnant le signal du
déchaînement de la guerre de tous contre tous, place l'Europe elle-même au
coeur des antagonismes impérialistes et rend déjà totalement illusoire toute
idée d'une unité de l'ensemble des capitaux nationaux qui la composent. Plus
encore, entre d'un côté‚ la détermination des Etats-Unis avec dans leur
sillage, la Grande-Bretagne qui défend ici ses propres intérêts, de maintenir à
tout prix leur suprématie sur le monde et de l'autre la montée en puissance de
l'Allemagne, qui tend à se poser de plus en plus en rival des Etats-Unis,
l'Europe ne peut que devenir l'enjeu ultime de cet affrontement.
Au mois d'avril s'est tenu le 16è congrès de la section du CCI en France. Ce congrès a constitué une étape très importante dans la vie de notre organisation. En effet, il y a deux ans, le 15è congrès de RI avait été transformé en Conférence extraordinaire du CCI du fait que notre organisation avait traversé la crise la plus dangereuse de son histoire avec la constitution en son sein d'un groupuscule parasitaire dénommé "Fraction interne du CCI" et qui s'était formée sur la base de réunions secrètes fomentées à l'insu de l'organisation et visant à détruire les principes de fonctionnement unitaires et centralisés du CCI.
Cette conférence extraordinaire avait permis à tous les
militants de prendre la mesure de la gravité des agissements
destructeurs de cette prétendue "fraction interne",
notamment la circulation de rumeurs suivant lesquelles les organes centraux
du CCI seraient manipulés par un flic, le vol d'argent appartenant
au CCI, de documents internes susceptibles d'être livrés
à la police (et notamment le fichiers d'adresses de nos militants
et de nos abonnés). Mais ce qui a surtout fini par convaincre
les camarades qui avaient encore des hésitations sur le caractère
trouble et destructeur de cette "FICCI", c'est son comportement
politique consistant à kidnapper à l'aéroport de
Roissy deux délégués de notre section mexicaine
qui, bien qu'ayant rejoint la "fraction", avaient accepté
de participer à cette conférence extraordinaire pour y
défendre leurs désaccords. Alors que leur voyage avait
été payé par le CCI, ces deux délégués
ont été "cueillis" à l'aéroport
par deux membres de la FICCI qui les ont empêchés de rejoindre
notre conférence. La FICCI a refusé de rembourser au CCI
le prix des deux billets d'avion (voir notre article dans RI n°323,
"Le combat pour la défense des principes de fonctionnement
de l'organisation"). Ce comportement de petits gangsters, de même
que les méthodes visant à faire circuler des calomnies
dans tout le CCI pour semer la méfiance, le trouble et la confusion
et détruire l'organisation avaient justifié que ce congrès
de RI se transforme en conférence extraordinaire avec comme principal
objectif celui de mener le combat pour sauver le CCI et ses principes
organisationnels.
Deux ans plus tard, la section en France, à l'occasion de son
16è congrès se devait donc en premier lieu de tirer le
bilan de ce combat.
Comme tous les congrès de RI, celui-ci avait une dimension internationale
puisque toutes les sections du CCI y étaient représentées.
La section en France, appuyée par l'ensemble des délégations
internationales, a tiré un bilan très positif de son activité
au cours des deux dernières années. Malgré les
attaques qu'elle a subies de la part de la FICCI et qui ont contraint
le CCI à se mobiliser pour défendre sa principale section,
RI a été capable de poursuivre son activité au
sein de la classe ouvrière. Elle a su resserrer les rangs en
son sein pour mener le combat contre les manœuvres parasitaires
de la FICCI en dénonçant publiquement ses comportements
de mouchard (voir notre article "Les méthodes policières
de la FICCI" dans RI n°330). Ce combat n'a pu se réaliser
que grâce au rétablissement de la confiance et de la solidarité
au sein de l'organisation basée sur une réappropriation
collective des principes du mouvement ouvrier.
Le congrès a mis en évidence que la section en France
est aujourd'hui plus unie et plus soudée que jamais. Elle a fait
la preuve ces deux dernières années de sa capacité
à défendre les principes organisationnels du CCI, et notamment
ses principes de centralisation.
Le congrès de RI a tiré un bilan très positif du
travail réalisé par son nouvel organe central qui a été
à la hauteur de ses responsabilités comme l'ont révélé
les textes préparatoires à ce congrès.
Aujourd'hui, la principale section de RI est totalement débarrassée
des clans et des clivages basés sur des loyautés purement
affinitaires à tel ou tel individu.
Ainsi, la résolution d'activités adoptée à
l'unanimité par ce congrès affirmait que : "La section
en France est sortie renforcée de cette crise qui lui a permis
de retrouver un esprit de fraternité en son sein et une compréhension
en profondeur du poison que représentent pour le tissu organisationnel
les dénigrements et la calomnie (…) Les divergences et désaccords
peuvent s'exprimer dans un climat de confiance mutuelle sans qu'ils
ne débouchent sur des attaques et conflits personnels."
(point 3). "La centralisation est l'expression organisée
de l'unité de l'organisation. En ce sens, elle est étroitement
liée à celle de la solidarité et de la confiance
qui sont les deux principes de base de la classe porteuse du communisme
(…) C'est également grâce au renforcement de la centralisation
à tous les niveaux (international, territorial, local) que la
section a été capable de se mobiliser pour soutenir et
défendre la section Nord de RI contre les manœuvres d'encerclement
de la FICCI, en faisant vivre la solidarité et en s'appuyant
sur la confiance entre camarades (…) Cette capacité de la
section à renforcer sa centralisation afin de développer
la solidarité en son sein et opposer un front uni dans le combat
contre la FICCI (notamment en interdisant aux mouchards l'entrée
de nos réunions publiques) a largement contribué à
renforcer la confiance de nos contacts envers le CCI. Ainsi, loin d'inspirer
la méfiance, le doute, les suspicions, cette politique centralisée
de défense de l'organisation et du milieu politique prolétarien
a au contraire renforcé la crédibilité du CCI.
C'est justement notre capacité à montrer au grand jour
ce qu'est la confiance et la solidarité en notre sein qui a permis
à nos contacts d'assimiler en profondeur les principes élémentaires
de la classe porteuse du communisme. C'est ce dont témoignent
aujourd'hui le rapprochement et la fidélisation de nos sympathisants,
de même que la volonté d'engagement de certains d'entre
eux." (point 5).
C'est dans ce contexte de renforcement de l'unité de l'organisation,
de rétablissement de la confiance et de la solidarité
qui doit unir les militants d'une organisation communiste, que la section
du CCI en France a pu intégrer dans ses rangs de nouveaux camarades
et qu'elle peut aujourd'hui assumer ses responsabilités face
aux nouveaux éléments qui se rapprochent ou veulent adhérer
au CCI.
Alors que la conférence extraordinaire qui s'était tenue
il y a deux ans avait été entièrement polarisée
autour de la question de la défense de l'organisation menacée
de destruction par les agissements de la FICCI, le 16è congrès
de RI a pu de nouveau se pencher sur l'analyse de l'évolution
de la situation internationale afin de dégager des perspectives
d'activités non seulement pour la section en France mais pour
tout le CCI.
Des rapports avaient été préparés et discutés
dans toutes les sections sur les trois aspects fondamentaux de la situation
internationale : la crise économique du capitalisme, les affrontements
impérialistes et l'évolution de la lutte de classe. Cependant,
le congrès a pris la décision de concentrer la discussion
sur ce dernier point dans la mesure où les deux autres, particulièrement
sur les conflits uimpérialistes, avaient été amplement
discutés lors du précédent congrès international
alors que la situation, comme l'avaient mis en évidence les débats
préparatoires, n'avait pas soulevé de questions nouvelles.
Tel n'était pas le cas, en revanche, en ce qui concerne l'évolution
de la lutte de classe. En particulier, le congrès a entériné
l'analyse adoptée par l'organe central du CCI à l'automne
dernier (voir notre article dans RI n° 347) concernant le tournant
que connaît la dynamique de la lutte de classe depuis un an et
dont les grèves du printemps 2003 en France contre la réforme
du système des retraites a constitué la manifestation
la plus évidente dans les pays centraux d'Europe occidentale.
Les débats de ce congrès ont été particulièrement
riches et animés. Ils ont permis un approfondissement des questions
concernant le lien entre combativité et conscience au sein de
la classe ouvrière. En particulier, la section en France et l'ensemble
des délégations internationales se sont clairement prononcées
sur la nécessité de se dégager des schémas
du passé pour comprendre la dynamique actuelle du rapport de
force entre les classes. Ainsi, il s'est dégagé de ce
congrès une analyse claire et homogène sur le fait que
les luttes de la période actuelle bien qu'elles n'aient pas connu
un développement à la mesure des attaques massives portées
par la bourgeoisie avec l'effondrement de l'Etat-providence, contiennent
des potentialités beaucoup plus significatives sur le plan de
la réflexion en profondeur sur la faillite historique du capitalisme
et la nécessité de construire un autre monde. Ce sont
justement ces potentialités, résultant de la situation
objective de faillite du système capitaliste (aggravation simultanée
de la crise et de la barbarie guerrière) qui expliquent que la
bourgeoisie, pour saper la prise de conscience du prolétariat,
soit aujourd'hui contrainte de prendre les devants en promouvant une
fausse alternative : la mystification de l'altermondialisme (non seulement
en France mais à l'échelle internationale).
En ce sens, les débats qui ont animé ce 16e congrès
de RI ont permis à notre organisation de prendre la mesure des
enjeux de ce tournant dans la lutte de classe. Bien que le redéploiement
de la combativité ouvrière n'ait pas encore permis au
prolétariat de retrouver son identité de classe et de
reprendre confiance en lui-même, les questions de fond qui surgissent
aujourd'hui (Vers où va la société ? Quel avenir
ce système peut-il offrir à nos enfants ? Un autre monde
est-il possible ? etc.) sont porteuses d'un développement de
la conscience de classe beaucoup plus profond que celles qui se posaient
dans les vagues des luttes des années 1970-80.
En particulier, le congrès a clairement mis en évidence
que le surgissement de minorités (souvent en rupture avec le
gauchisme et l'anarchisme) et d'éléments à la recherche
des positions de classe dans tous les pays (et qui ont pris contact
avec le CCI afin de participer activement au combat des organisations
révolutionnaires) constituent aujourd'hui une illustration particulièrement
éloquente de cette maturation de la conscience au sein de la
classe ouvrière.
Le congrès s'est donc donné comme tâche prioritaire
d'adapter son intervention en fonction de cette analyse du tournant
dans la lutte de classe. C'est d'ailleurs cette orientation que notre
organisation avait déjà mise en application en menant
le combat contre l'idéologie altermondialiste depuis l'été
2003 à travers une intervention déterminée dans
notre presse et dans les différentes kermesses de la bourgeoisie
(Forum Social Européen, Forum Mondial de Bombay, etc.). Au sein
des luttes elles-mêmes, la tâche que le CCI doit se donner
ne peut se limiter à une intervention immédiatiste, au
risque de tomber dans l'ouvrièrisme et de faire le jeu des gauchistes,
mais a pour objectif majeur de développer la réflexion
au sein de la classe en poussant les ouvriers à prendre conscience
de l'impasse du capitalisme qui apparaît de plus en plus clairement
comme un système n'ayant pas d'autre avenir à offrir à
l'humanité qu'une misère et une barbarie croissantes.
C'est avec une vision historique et à long terme que les révolutionnaires
se doivent d'examiner les changements dans la situation de la lutte
de classe. Ce qui nécessite de la patience, en sachant que les
combats que la classe ouvrière a développés depuis
le printemps 2003 (en France, en Italie, en Grande-Bretagne, en Autriche,
etc.) étaient certes des escarmouches au regard de l'ampleur
des attaques portées, mais n'en sont pas moins significatifs
de ce tournant dans la dynamique générale de la lutte
de classe.
Les travaux de ce 16e congrès de RI, la richesse des débats qui l'ont animé, en particulier le fait que tous les militants aient pu s'exprimer (y compris les camarades nouvellement intégrés dans le CCI) dans un climat de confiance, ont témoigné de la vitalité de notre organisation et du redressement de sa section en France. Les discussions sur la situation internationale ont révélé une volonté d'approfondissement de la méthode, basée sur une vision historique, avec laquelle les révolutionnaires doivent examiner la dynamique de la lutte de classe. Ce congrès a pu ainsi dégager des orientations claires d'activités pour la période actuelle. Le tournant dans la situation de la lutte de classe "exige que les révolutionnaires soient à leur poste pour être facteur actif dans le développement des luttes ouvrières et pour stimuler la réflexion et l'évolution des jeunes éléments à la recherche d'une perspective de classe. Cette responsabilité des révolutionnaires est difficile, mais la conscience de cette responsabilité ne doit pas nous faire baisser les bras. Au contraire, elle doit constituer un stimulant permanent pour notre activité. Elle doit renforcer la conviction et la détermination des militants à poursuivre le combat (y compris contre les infamies du parasitisme) (…) Aujourd'hui encore reste valable ce que Marx écrivait il y a près de 150 ans : "J'ai toujours constaté que toutes les natures vraiment bien trempées, une fois qu'elles se sont engagées sur la voie révolutionnaire, puisent constamment de nouvelles forces de la défaite et deviennent de plus en plus résolues à mesure que le fleuve de l'histoire les emporte plus loin." (Lettre à J. Philip Becker). (Résolution d'activités, point 14).
RIL'idéologie
dominante, à travers d'incessantes campagnes, véhicule
tout un arsenal de mensonges et de mystifications qui ont pour but de
creuser le fossé le plus large possible entre la classe ouvrière
et son expérience du passé. A tel point qu'il est plus
que fréquent d'entendre autour de nous s'exprimer des doutes
sérieux sur la classe ouvrière, sur son existence même,
et donc encore davantage sur sa capacité à affronter une
bourgeoisie considérée comme toute puissante.
Ces doutes ne remettent pas tellement en cause la nécessité
d'un "autre monde". Il y a aujourd'hui de plus en plus de
réflexions qui naissent sur la nécessité de changer
la société dans laquelle nous vivons. La bourgeoisie ne
s'y est pas trompée quand elle a mis en route son incroyable
battage altermondialiste. Ces questionnements ne sont peut-être
pas toujours très développés, mais quand ils existent,
ils arrivent toujours à la question centrale : qui peut changer
ce monde ? Les révolutionnaires disent : la classe ouvrière,
et elle seule. Les altermondialistes disent : l'individu, le citoyen.
Il faut combattre cela, il faut réaffirmer avec force le fait
historique incontournable qui fait de la classe ouvrière la seule
classe révolutionnaire dans le capitalisme. Et il faut avant
tout être particulièrement fermes sur le fait que cela
est pleinement valable aujourd'hui, quoiqu'on dise sur la classe ouvrière.
Ces doutes et ces remises en cause de la nature révolutionnaire
du prolétariat aujourd'hui ont plusieurs origines. Il y a d'abord
un constat immédiat et figé de la situation actuelle de
la classe ouvrière laquelle, elle-même, dans son immense
majorité, ne se reconnaît pas comme classe ; ce constat
est valable : la classe ouvrière a aujourd'hui, en grande partie,
perdu son identité de classe.
Ensuite, pour envisager la perspective de renverser le capitalisme,
il faut aussi avoir confiance en soi. Or, la classe aujourd'hui montre
qu'elle n'a pas cette confiance qu'elle avait manifestée en 1968,
de même que dans les années 1970 et 1980, lorsqu'elle développait
des vagues de luttes pour s'imposer contre les licenciements et la montée
du chômage ; et a fortiori il est clair que la classe ouvrière
n'a pas la confiance en elle qu'elle avait manifestée en 1917.
Est-ce qu'elle peut encore récupérer cette combativité,
cette confiance en soi, son identité de classe, sa perspective
propre, en tant que classe ?
Il est vrai qu'après l'effondrement du bloc de l'Est et l'effondrement
du stalinisme, la bourgeoisie, au niveau mondial, s'est employée
à bien enfoncer dans la tête de la classe ouvrière
que stalinisme égale communisme et marxisme et que tout cela
vient de s'effondrer, effaçant toute perspective d'avenir pour
le prolétariat. Cette campagne, massive, a eu un poids très
important. Ce poids n'a fait que renforcer encore les discours de toujours
de la bourgeoisie sur le fait que, de toutes façons, même
dans le meilleur des cas, la perspective du renversement du capitalisme
et de l'instauration d'une véritable société communiste,
c'est-à-dire enfin de la communauté humaine, est peut-être
une vision noble mais purement utopique étant donné ce
qu'est "la nature humaine", marquée par l'esprit individualiste,
de concurrence, la violence, etc.
En réponse à ces doutes, et face au poison idéologique
de l'altermondialisme qui considère le marxisme comme de l'idéalisme
et de l'utopie, nous affirmons au contraire que la classe ouvrière
est toujours capable de renverser le capitalisme. Pour cela, nous nous
appuyons sur plusieurs éléments. D'abord, la classe ouvrière
existe toujours. Contre les mensonges de la bourgeoisie sur la disparition
de la classe, assimilée aux ouvriers en bleu de chauffe, nous
affirmons que le prolétariat existe et n'a pas disparu. Tant
que le capitalisme existera, il ne pourra se passer d'une classe ouvrière.
Il ne faut pas oublier que la classe ouvrière est la seule véritable
source de création de richesses dans le capitalisme ; sans elle,
il n'y a pour ainsi dire pas de possibilité pour le capitalisme
de faire du profit. Ce profit provient in fine de l'exploitation de
la classe ouvrière par les capitalistes, et c'est contre cette
exploitation que la classe ouvrière est amenée à
lutter. Donc tant que la classe ouvrière existera, elle sera
obligée de lutter contre l'exploitation qu'elle subit, ce qui
contient, de façon générale, l'hydre de la révolution.
Les luttes récentes, en France, en Autriche, en Italie, en Grande-Bretagne,
malgré toutes leurs limites, viennent rappeler que les ouvriers
ne sont pas prêts à se laisser faire.
La faiblesse actuelle de la classe ouvrière est cependant réelle,
et elle s'explique : d'abord, dans l'histoire, ce n'est qu'à
certains moments qu'elle a pu manifester qu'elle n'était pas
seulement classe exploitée, mais aussi classe révolutionnaire,
et ceci à cause même de ses conditions de classe exploitée
: en 1848, en 1871, en 1905, en 1917. Ensuite, sa situation de faiblesse
actuelle s'explique par plusieurs facteurs : le fait qu'à la
suite du mouvement de mai 68, à cause de sa méfiance envers
le stalinisme, une méfiance fondée, elle avait rejeté
même les organisations prolétariennes. Ce faisant, elle
avait posé ses combats sur des bases politiquement bien trop
étroites et, de plus, elle avait encore des illusions sur le
fait que le capitalisme pouvait lui garantir encore un avenir. Enfin,
les campagnes consécutives à l'effondrement du stalinisme
lui ont porté un coup très rude, lui faisant payer la
faiblesse politique qu'elle avait manifestée malgré sa
combativité ; cela a mis en évidence que la confiance
qu'elle montrait, dans ses phases de luttes précédentes,
ne reposait pas sur des bases politiques suffisamment profondes. Le
développement lent de sa conscience a connu un coup d'arrêt
très fort avec les événements de 1989, coup d'arrêt
et même recul qui ont été le fruit de ces événements,
bien exploités par la bourgeoisie.
Où en est la classe ouvrière aujourd'hui ? Face aux attaques
qualitativement différentes de celles des années 1970
et 1980, non seulement on voit qu'elle tend à redévelopper
sa combativité, même si c'est avec difficulté et
manque de confiance en elle, mais on voit, surtout, une maturation en
son sein qui commence, un questionnement. Ce questionnement qui se développe
aujourd'hui plus particulièrement dans une minorité significative
au niveau international exprime une tendance à ce que les questions
de fond sur la faillite du capitalisme qui n'étaient pas posées,
ou très insuffisamment dans les années 1970 et 1980, le
soient maintenant.
Il faut ajouter que c'est essentiellement une nouvelle génération
de prolétaires qui se pose ces questions de fond : "on nous
avait parlé d'une ère de paix et de prospérité
au début des années 1990 ; or depuis, on voit le développement
de la guerre, de la misère, du chômage, la dégradation
des conditions de vie, le développement du chaos et de la barbarie,
jusque dans le cœur même du capitalisme." Le terme "barbarie",
dans les années 1980, n'était utilisé que par les
révolutionnaires ; aujourd'hui il est dans la bouche de prolétaires
qui se posent des questions.
La massivité des attaques va obliger la classe ouvrière
à développer des combats de plus en plus massifs. Cela
ne se fera pas immédiatement, de manière mécanique
et linéaire. Le processus sera heurté, en dents de scie,
il y aura des moments difficiles. Mais bien plus important que de savoir
à quel rythme va se redévelopper cette combativité,
le phénomène que l'on observe de questionnement sur des
thèmes politiques globaux et de fond, contient la potentialité
d'une politisation des luttes à venir, sur des bases bien plus
profondes que celles des années 1970 et 1980. Cette politisation
potentielle est contenue dans ces questions de fond parce qu'elles orientent
vers une remise en question du capitalisme. Dans cette dynamique se
trouve la possibilité, pour la classe, à cause des luttes
de plus en plus massives qu'elle devra mener, de "se voir",
de se "reconnaître" en tant que classe, de retrouver
son identité de classe et, avec cela, le sens de la solidarité
prolétarienne, la possibilité de l'extension des luttes.
La tendance à la politisation la poussera à lutter de
façon plus déterminée et consciente.
Tout cela illustre le fait que le cours historique aux affrontements
de classe reste ouvert, ce qui veut dire que la classe ouvrière,
potentiellement, porte toujours en elle la possibilité de retrouver
la confiance en elle et de développer la conscience des enjeux
de ses combats et de sa responsabilité historique en leur sein.
Ce développement de la conscience, aujourd'hui, n'est pas spectaculaire,
il est même lent, il est fragile, mais malgré cela, il
est profond.
Comme nous l'avons dit plus haut, les révolutionnaires ne sont
pas les seuls à avoir compris cette situation, la bourgeoisie
l'a même sans doute comprise avant eux. Elle ne reste pas les
bras croisés. Elle développe ses poisons idéologiques
comme l'alter-mondialisme pour tenter de faire avorter ce développement
de la conscience dans la classe. En effet, bien plus que de la combativité
de la classe, c'est de sa conscience qu'elle a peur. C'est ce développement
qu'elle redoute. Elle se sert et elle continuera à se servir
de la décomposition de sa société pour la retourner
contre le prolétariat, contre sa réflexion, contre le
développement de sa solidarité.
Nous allons donc vers une bataille idéologique de la bourgeoisie
pour tenter de pourrir le développement de la conscience. A côté
de l'alter-mondialisme et son lot de nationalisme et de réformisme
capitaliste d'Etat, on voit par exemple déjà aujourd'hui
comment est expliquée chaque fermeture d'usine pour empêcher
les prolétaires d'y voir une expression de la faillite du capitalisme
; on voit comment sont expliquées les guerres, comme produits
de la folie ou de la cupidité de certains dirigeants ou gouvernement,
voire de leur tyrannie…
Une chose doit être claire : le combat pour la révolution
ne se limite pas à celui de l'insurrection, il est quotidien.
C'est ce combat quotidien, pour développer la clarté politique,
pour combattre les mystifications de la bourgeoisie, qui, dès
aujourd'hui, la prépare.
La responsabilité des organisations révolutionnaires dans
ce processus actuel est essentielle. Il est nécessaire que les
révolutionnaires puissent intervenir dans les luttes et au sein
des minorités qui se posent des questions, afin de faire fructifier
cette maturation politique. Dans cette intervention, il faut dénoncer
tous les pièges et les mystifications de la bourgeoisie, se fonder
sur l'expérience historique de la classe, montrer la force de
la théorie marxiste, véritable arme de combat pour la
classe ouvrière et transmettre les acquis programmatiques et
organisationnels à la nouvelle génération à
la recherche d'une perspective révolutionnaire. Cette génération
est un terreau pour la préparation du futur parti, qui est indispensable
à la révolution, et pour une politisation plus large et
profonde des luttes. Les révolutionnaires doivent rappeler et
démontrer, haut et fort, que la classe ouvrière est toujours
capable de renverser le capitalisme et que le processus actuel de prise
de conscience de l'impasse du capitalisme, malgré le fait qu'il
soit encore embryonnaire, en est une claire manifestation.
Plus que jamais, nous voyons à quel point la lutte de classe
oppose les deux classes ennemies et à quel point la classe ouvrière,
loin d'être morte, conserve au contraire toutes ses potentialités.
C'est la confiance dans ces potentialités, dans le futur, qui
doit guider l'intervention des révolutionnaires. Nous devons
être parfaitement conscients, et c'est le marxisme qui nous permet
de le comprendre, que si la classe ouvrière ne parvient pas à
détruire le capitalisme, aucune autre force dans la société
n'en est capable. Si la classe ouvrière ne retrouve pas sa conscience
de classe révolutionnaire, le capitalisme ne pourra être
stoppé dans sa spirale destructrice. C'est pourquoi, quelles
que soient les difficultés qui attendent la classe ouvrière
sur son chemin, quelle que soit l'ampleur de la tâche qui attend
les révolutionnaires dans ce processus, il n'y a pas d'autres
voies possibles. Quand les révolutionnaires du début du
20e siècle posaient la question en ces termes : "socialisme
ou barbarie", ils résumaient on ne peut mieux l'alternative
placée devant l'humanité. Et au sein de cette humanité,
l'avenir repose sur la classe ouvrière et ses minorités
d'avant-garde.
Malgré tout le zèle et les efforts de sa bourgeoisie nationale au cours de ces dernières années, le capital français doit encore combler un retard certain sur ses principaux concurrents dans ses mesures antiouvrières pour faire face à la crise économique mondiale. Cette compétition s'exerce aussi bien dans le cadre européen contre les Etats-Unis que vis-à-vis de ses autres rivaux européens. La logique du capitalisme et de défense du capital national conduit ainsi simultanément la classe dominante à poursuivre et intensifier les licenciements dans les entreprises, à réduire les effectifs du secteur public avec comme objectif avoué d'éliminer 50 000 salariés d'ici 2007 et surtout à accélérer le démantèlement de l'Etat-providence, qui constitue pour elle l'encombrant héritage d'une période aujourd'hui révolue (voir dans ce n° l'article sur la Sécurité sociale).
Après les retraites et l'indemnisation du chômage, la
bourgeoisie française a commencé à s'attaquer à
la remise en cause de la Sécurité sociale et à
la réforme de la santé publique (incluant la révision
du mode de financement des hôpitaux, contenue dans le plan "Hôpital
2007"). Mais le niveau de cette attaque, pourtant annoncée
depuis plus d'un an et malgré un certain nombre de mesures touchant
d'ores et déjà tous les prolétaires (voir RI n°
347), reste largement en deçà de celle assénée
l'an dernier sur les retraites. Pourquoi ?
Il est clair que la bourgeoisie hexagonale se retrouve actuellement
en situation particulièrement délicate pour faire passer
les attaques sur la Sécurité sociale. Après le
revers et le désaveu essuyés par le parti au pouvoir lors
des élections régionales en mars, obtenant moins de 20
% des suffrages exprimés, les élections européennes
en mai dernier sont venues confirmer le manque flagrant de "légitimité
démocratique" de l'équipe gouvernementale. Celle-ci
est toujours conduite après trois remaniements ministériels
successifs par le même premier ministre, Raffarin, de plus en
plus impopulaire. Le clan chiraquien qui s'accroche au pouvoir est lui-même
ouvertement déchiré par la lutte fratricide entre le président
de la République et le nouveau prétendant aux dents longues,
Sarkozy.
Dans ce contexte, la bourgeoisie nationale savait bien qu'elle ne pourrait
pas se permettre de renouveler avec la "réforme" de
la Sécurité sociale, le "coup" du passage en
force de l'attaque massive et frontale contre les retraites pendant
l'été 2003.
C'est pourquoi elle a chargé un patelin ministre de la Santé,
Douste-Blazy, d'expédier un premier train de mesures qui donnent
cependant un avant-goût de ce qui attend la classe ouvrière
dans les années qui viennent.
Les faiblesses de la bourgeoisie et les rivalités au sein de
son appareil politique ne lui permettent pas le moindre faux pas et
la contraignent à étaler sur une période plus longue
que prévue cette nouvelle attaque majeure, en la fragmentant
au compte-gouttes, mois après mois. Pour autant, la classe ouvrière
ne doit se faire aucune illusion, le démantèlement de
la Sécurité sociale est une nécessité absolue
pour le capital national et la bourgeoisie, si elle est contrainte de
freiner l'allure de ses attaques aujourd'hui, n'a pas d'autre choix
que de devoir mettre les bouchées doubles dans l'avenir.
C'est aussi parce que la classe dominante ne veut pas prendre le risque
de déclencher un large mouvement social qu'elle pourrait ne pas
contrôler, qu'elle ne relâche pas ses manoeuvres et qu'elle
a déjà balisé le terrain. La journée nationale
de manifestations sur la "défense de la Sécurité
sociale" ,organisée par tous les syndicats le 5 juin dernier,
a été une "mobilisation molle" et une balade
sans conviction pour laquelle les syndicats n'avaient affrété
que quelques cars et avaient organisé des manifestations disséminées
dans tous les recoins de l'hexagone. La manifestation parisienne, pour
sa part, a été largement détournée en cours
de route vers la mobilisation anti-Bush par les gauchistes et les "rassemblements
anti-guerre" de gauche de tous poils, si bien que la plus grande
partie du cortège s'était dispersée avant même
le point d'arrivée.
Juste après cette "journée symbolique", le spectacle
affiché de la "désunion syndicale" était
le plus approprié pour achever de décourager toute velléité
de mobilisation massive des ouvriers. La CFDT et les syndicats des médecins
ont voté pour le projet de loi du gouvernement présenté
devant les caisses de Sécurité sociale, jugeant que le
projet allait dans le bon sens mais "manquait d'audace" et
n'allait "pas assez loin" (tel que !), FO s'abstenait, réclamant
le retour à l'ancienne parité de gestion des caisses d'assurances
maladie (sur laquelle elle a longtemps détenu la haute main,
avant d'être supplantée par la CFDT). Ainsi, la CGT se
retrouvait isolée parmi les "grands syndicats" dans
son "opposition" à la réforme de l'assurance-maladie,
cette "opposition résolue" … prenant la forme
dérisoire d'une pétition nationale envoyée au gouvernement
(la CGT se targue fièrement d'avoir recueilli ainsi plus de 700
000 signatures). On ne saurait faire mieux de la part de tous les syndicats
pour décourager tout élan de lutte et de mobilisation.
Mais la bourgeoisie recourt également une nouvelle fois préventivement
à une stratégie qui a déjà fait ses preuves
à plusieurs reprises et notamment lors de chaque attaque antiouvrière
d'envergure au cours de ces dernières années. Il s'agit
de porter deux attaques en même temps, l'une dirigée contre
les conditions de vie de l'ensemble de la classe ouvrière et
l'autre concernant un secteur plus particulier du prolétariat
ou en d'autres termes, d'ajouter une attaque plus particulière
qui fasse écran à une attaque générale.
Ainsi en décembre 1995, au printemps 2003 et encore aujourd'hui,
on assiste à l'application de ce même schéma général.
Mais derrière cette tactique similaire, en chaque occasion, c'est
dans un contexte et avec des objectifs tout à fait différents.
En 1995, l'objectif essentiel de la manoeuvre était de permettre
aux syndicats discrédités par leurs actions de sabotage
ouvert des luttes ouvrières tout au long des années 1980,
de reprendre pied et de pouvoir revenir sur le devant de la scène
sociale pour assumer plus efficacement leur fonction d'encadrement des
ouvriers. Dans ce but, la bourgeoisie qui, à travers le plan
Juppé, mettait en place une série d'attaques frontales
sur la sécurité concernant l'ensemble de la classe ouvrière,
a cristallisé l'attention sur la mobilisation derrière
les cheminots contre l'attaque spécifique de leur régime
spécial des retraites. Elle a fait une large publicité
à la lutte de ce secteur, le plus combatif mais aussi un des
plus corporatistes, désigné comme le phare de la lutte,
derrière lequel les syndicats avaient mobilisé massivement,
sous leur contrôle, le secteur public. Le retrait, programmé
à l'avance, de l'attaque spécifique visant les cheminots
a permis aux syndicats de crier "victoire" en semant l'illusion
que "tous ensemble", avec les syndicats, les ouvriers avaient
fait reculer le gouvernement. Par la suite, sous les gouvernements successifs
de gauche comme de droite, la bourgeoisie a pu aggraver sans être
inquiétée les mesures du plan Juppé sur la sécurité
sociale. Ce n'est pas un hasard non plus si la lutte des cheminots français
était ensuite mise en avant comme modèle de lutte à
l'échelle internationale et son exemple exploité par d'autres
bourgeoisies, notamment en Allemagne et en Belgique pour entraîner
les prolétaires le plus massivement possible derrière
les actions syndicales.
Au printemps 2003, au milieu de l'attaque générale sur
les retraites visant déjà prioritairement la fonction
publique, le gouvernement rajoutait une couche supplémentaire
d'attaques sur un secteur particulier, celui de l'Education nationale,
avec un projet de délocalisation spécifique concernant
les personnels ATOS. Cela constituait une véritable provocation
alors que les travailleurs de l'enseignement manifestaient déjà
depuis des mois un mécontentement croissant suite à la
détérioration sensible de leurs conditions de travail
au cours des dernières années. Le but essentiel de cette
attaque spécifique était d'empêcher le développement
d'une lutte massive de tous les secteurs contre la réforme des
retraites. Rapidement, les luttes des personnels de l'enseignement sont
apparues comme le fer de lance de la mobilisation ouvrière. Mais
en leur sein, les syndicats n'ont cessé de mettre en avant les
revendications spécifiques contre la délocalisation, dans
lesquelles le reste de la classe ouvrière ne pouvait se reconnaître,
qui ont pris le pas sur la question des retraites et fait passer celle-ci
au second plan. Cette entreprise a non seulement permis au gouvernement
de faire passer l'attaque sur les retraites mais d'entraîner le
secteur enseignant, isolé et divisé, poussé par
une partie de ces mêmes syndicats vers des actions radicales et
impopulaires de boycott d'examens de fin d'année, dans une défaite
la plus amère et cuisante possible, notamment à travers
le non paiement des journées de grève.
Le contexte de la manoeuvre esquissée aujourd'hui avec les électriciens
et les gaziers en même temps que tombait l'annonce des premières
mesures sur la Sécurité sociale est sensiblement différent.
La publicité donnée à l'attaque particulière
liée au changement de statut d'EDF et de GDF vise bien entendu
à masquer l'attaque générale sur la Sécurité
sociale. Pas moins de cinq journées d'action ont été
organisées en un mois dans ce secteur et tous les syndicats se
retrouvent cette fois côte à côte pour s'opposer
au projet de privatisation au nom de la "défense du service
public".
Mais l'action de sabotage de la lutte par les syndicats est surtout
révélatrice de la volonté de la bourgeoisie de
gagner du temps et de miner le terrain pour l'avenir afin de dissuader
cette fois à l'avance les ouvriers de s'engager dans une mobilisation
massive. Elle n'engage pas un secteur entier mais une minorité
de celui-ci. Alors que l'attaque plus spécifique concerne les
deux entreprises publiques chargées de distribuer l'énergie,
les médias focalisent sur les actions des seuls employés
d'EDF. Les syndicats lancent ainsi les ouvriers dans une série
d'actions les plus spectaculaires et les plus médiatisées
possible en cherchant à les faire passer pour ce qu'elles ne
sont absolument pas : des moyens de la lutte. Ils coupent l'électricité
tantôt dans les transports publics, tantôt dans les entreprises,
tantôt chez des ministres ou des parlementaires de la majorité,
ils font même ponctuellement quelques distributions gratuites
ou moins chères d'énergie. De fait, dès le lundi
7 juin au matin, des coupures de courant interviennent dans plusieurs
gares parisiennes, sur une partie du réseau SNCF et sur des lignes
de métro, au moment où les prolétaires doivent
reprendre le chemin de leur travail par les transports en commun. Rien
de tel pour donner une image négative de la lutte de classe.
Pris à parti pour le "caractère illégal"
de leur action, les syndicats se défendent pourtant d'en être
responsables et déclarent que ce sont les agents d'EDF eux-mêmes,
"à la base", qui ont décidé de ces actions
"coups de poing" et qui en ont pris l'initiative dans des
votes démocratiques au cours d'assemblées générales.
Quelle hypocrisie alors que les syndicats depuis des lustres, et notamment
la CGT, n'ont jamais hésité à prendre les autres
ouvriers en otage dans ce type d'actions ! D'ailleurs, le secrétaire
CGT d'EDF pour la région d'Ile-de-France n'hésite pas
à revendiquer ces actions : "On s'est vite rendu compte
de l'impact limité des manifestations festives dans la rue. Pour
qu'on parle de notre lutte, il a fallu s'affranchir de certains tabous
et reprendre l'outil de travail." (cité par Le Monde daté
du 18 juin)
Ce type de manoeuvres, où la bourgeoisie n'a encore besoin que
d'entretenir une agitation syndicale sporadique et limitée pour
faire passer ses attaques constitue pourtant un poison redoutable pour
l'avenir. Il est révélateur des obstacles que les prolétaires
trouveront sur le difficile chemin de la reconquête de leur identité
de classe. Au sein de la bourgeoisie, les syndicats sont appelés
à jouer à nouveau un rôle de premier plan pour entraver
et saper le développement nécessaire de la lutte de classe.
A travers l'entretien d'une agitation sociale sur un terrain hyper corporatiste
et pseudo-radical et par leurs petites actions minoritaires de sabotage,
les syndicats divisent et dénaturent les luttes. Mais en renvoyant
une image de repoussoir, une image négative et dévalorisante
de la lutte de classe, les syndicats visent avant tout à empêcher
une mobilisation massive de la classe ouvrière, discréditent
la lutte de classe et alimentent un sentiment d'impuissance dans les
rangs de la classe ouvrière.
Pour pouvoir s'opposer aux attaques de la bourgeoisie, les ouvriers
doivent prendre conscience que les syndicats sont les plus indispensables
auxiliaires de l'Etat bourgeois comme ils sont les véritables
maîtres d'oeuvre de ces opérations de sabotage de la mobilisation
et de la lutte.
Aujourd'hui, l'accumulation
d'atrocités comme actuellement en Irak, la généralisation
du terrorisme et l'accélération brutale des attaques contre
les conditions de vie de la classe ouvrière (réforme des
retraites, de l'assurance chômage et maladie) suscitent inexorablement
une série d'interrogations croissantes chez cette dernière
et plus particulièrement au sein de ses minorités les
plus avancées.
Quel avenir nous réserve cette société ? Quelle
signification peut-on donner à toutes ces attaques ?
Dans ce flot de questionnements, qui offre un terrain propice au développement
d'une réflexion en profondeur dans la classe ouvrière
sur la nature du capitalisme, il est tout à fait légitime
de se demander de quelle façon une organisation telle que Lutte
Ouvrière (qui prétend être révolutionnaire)
participe à la fructification de ce processus. La question est
d'autant plus légitime que vient de se dérouler, du 29
au 31 mai, l'édition 2004 de la fête de LO.
Enfin, l'enjeu pour LO (et la LCR) est aussi d'éluder la question
de leur implication dans l'épuisement des enseignants. Les trotskistes,
en 2003, avaient tout mis en œuvre pour que ces derniers, après
plus d'un mois de conflit, aillent jusqu'au bout de leurs forces et
soient complètement dégoûtés de la lutte.
Dans le forum que LO avait animé en 2003 sur les luttes dans
l'Education nationale, l'exposé introductif déclarait
notamment : "Ce n'est pas le mouvement qui s'essouffle, c'est le
gouvernement qui manque d'air." Le mot d'ordre trotskiste était
alors de nier purement et simplement la réalité de l'état
du mouvement, c'est-à-dire l'essoufflement. Ainsi, en faisant
croire aux enseignants que la grève "se généralisait"
et que le gouvernement était sur le point de céder, les
groupes trotskistes comptaient emmener les prolétaires dans un
voyage jusqu'au bout de la démoralisation (voir à ce sujet
RI n°337).
Néanmoins, face à la réalité de plus en
plus cauchemardesque du capitalisme, les questionnements restent et
le silence ne suffit pas. Alors quelles réponses met en avant
LO ? Quelle perspective cette organisation soi-disant communiste propose-t-elle
à la classe qu'elle prétend défendre ?
D'abord aller voter. Même si LO, comme caution de sa "radicalité
révolutionnaire", s'est présentée tout au
long de sa fête comme "anti-électoraliste". Comme
toujours LO manie le double langage. La participation systématique
de LO aux élections à l'image de sa porte-parole Arlette
Laguiller, éternelle candidate aux présidentielles depuis
1974, mais aussi des dernières régionales et européennes,
parle d'elle-même. Dans son allocution du 29 mai dans l'enceinte
de la fête, Arlette Laguiller déclarait d'ailleurs : "Nous
participons à ces élections [européennes]. Un courant
comme le nôtre, qui a pour programme de défendre les intérêts
politiques de la classe ouvrière (…) doit être présent
dans une telle campagne électorale." Mais LO n'entend
pas faire de la figuration, comme en témoigne cette profession
de foi de LO/LCR pour les élections régionales de mars
dernier : "En votant pour les listes conduites par LO et la
LCR, vous pouvez élire dans les conseils régionaux des
hommes et des femmes qui représenteront les intérêts
des travailleurs." LO ne se présente-t-elle pas avec
un "programme : "Faire payer les riches", "interdire
les licenciements pour les entreprises qui font des bénéfices"
et les réquisitionner au passage. En somme, le message consiste
à dire aux ouvriers que, s'ils veulent se défendre, ils
doivent se livrer pieds et poings liés à un ennemi redoutable,
le premier des capitalistes, l'Etat et à son système législatif.
Dans cette logique promue par les organisations trotskistes, les prolétaires
sont réduits au statut inoffensif de citoyen dont le premier
devoir est d'aller voter. Ainsi, la perspective est toute tracée
: la voie démocratique des urnes bourgeoises pour réformer
le monde capitaliste.
Voilà comment concrètement LO donne de la chair aux mystifications
démocratiques pour mieux brouiller la perspective communiste
du prolétariat.
LO va même plus loin, en apportant un inestimable soutien à
la gauche, tout en s'en défendant la main sur le cœur ;
mais comment comprendre des discours se "réjouissant"
de la défaite de la droite sanctionnée par "un vote
qui fait plaisir" (voir à ce sujet RI 346), si ce n'est
comme un salut à la victoire de la gauche ?
Dans ces conditions, l'intervention des révolutionnaires est
cruciale (une responsabilité très largement assumée
par le CCI). En effet, nos interventions dans les divers forums de discussions
de la fête trotskiste avaient pour objectif non seulement de dénoncer
et combattre le réformisme diffusé par LO mais aussi de
susciter une réflexion sur la réalité de ce système,
à savoir sa crise historique irrémédiable et la
nécessité pour le prolétariat de le mettre à
bas à travers le développement de ses luttes. Par exemple,
au cours du forum dédié à la réforme de
la Sécurité sociale, alors que LO, exactement comme pour
les retraites, nous a resservi son vieux couplet "faisons payer
les patrons", l'intervention du CCI s'est efforcée de démontrer
pourquoi la classe dominante procède aujourd'hui au démantèlement
de "l'Etat-Providence". En quoi la faillite du capitalisme
contraint la bourgeoisie à défaire un système d'assurance
maladie dont elle avait par ailleurs besoin pour soigner et réparer
la force de travail des prolétaires. Puisque l'extraction de
la plus-value (à la base du profit) ne s'obtient que par l'exploitation
de la force de travail, si cette dernière n'est pas entretenue
elle devient très vite inexploitable ce qui est la pire chose
qui soit pour un capitaliste. Par conséquent, ce n'est pas par
cupidité, comme veut nous le faire croire LO, que la bourgeoisie
saigne le prolétariat mais parce que la crise insurmontable de
son système l'y conduit forcément. Dès lors, toute
proposition de contre-réforme façon LO pour une meilleure
gestion des richesses est un leurre pour détourner les ouvriers
de la seule réponse possible, la révolution communiste.
De même, lors du forum consacré à l'altermondialisme,
l'exposé de LO s'est entouré de nombreuses précautions
pour se démarquer de ce mouvement taxé de réformisme,
qualificatif en soi tout à fait juste. Mais, comme l'a montré
notre intervention, si le mouvement altermondialiste relève de
l'idéologie réformiste, LO n'a absolument aucune leçon
à recevoir en ce domaine. De plus, malgré sa posture condescendante
vis-à-vis de l'altermondialisme et son air de ne pas trop y toucher
(bien qu'elle se retrouve main dans la main à de nombreuses occasions
avec la LCR, organisation trempée jusqu'au cou dans cette mouvance),
LO n'hésite pas à apporter un crédit à ce
mouvement créé de toute pièce et financé
de bout en bout par la classe dominante (voir RI n°341). Quoi d'étonnant
à cela puisque leurs objectifs sont communs, à savoir
: pourrir la réflexion de la classe ouvrière et de ses
minorités les plus avancées en les plongeant dans le purin
réformiste. Comme LO l'a répété dans un
forum et l'a aussi mis en avant dans son organe Lutte de Classe n°77,
"nous n'excluons pas d'être solidaires de certaines de
ses initiatives [du mouvement altermondialiste] et de nous retrouver
ponctuellement dans certains de ses combats, voire de participer à
certaines de ses manifestations, exactement comme nous pouvons participer
ou être solidaires d'actions ou de manifestations du PCF…"
Et voilà comment la boucle est bouclée. La solidarité
avec l'altermondialisme ne pouvait que se confondre pour LO avec la
solidarité qu'elle doit aux partis bourgeois qui le compose parmi
lesquels se comptent le PS et le PCF. C'est ce que nous avons pu constater,
une fois de plus, à la fête de Presles lors d'un forum
intitulé "Où va le PCF ?" et où toute
la rhétorique infâme de LO s'ingéniait à
nous faire croire qu'en dépit de sa direction pervertie, le PCF
reste animé d'une vie prolétarienne ! Belle preuve de
solidarité de LO envers son frère de classe pour redorer
le blason d'un parti aujourd'hui à des années lumières
de la classe ouvrière, qui fut l'un des fers de lance de la contre-révolution
stalinienne des années 1930 et un pourvoyeur de chair à
canon sans pareil au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Pendant la fête de LO, tous les moyens nécessaires ont
été mis en oeuvre pour qu'aucune réflexion en profondeur
ne puisse voir le jour. En fait, le combat que mène LO est celui
de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, un combat contre
le développement de sa conscience et de ses luttes.
Au cours de cette fête de LO, le CCI (avec l'appui de ses sympathisants)
a assumé son rôle d'organisation révolutionnaire
en intervenant le plus largement possible pour combattre les entraves
posées et les poisons idéologiques déversés
par les trotskistes. A l'avenir, comprendre la nature contre-révolutionnaire
du trotskisme sera pour le prolétariat une condition incontournable
pour qu'il se réapproprie sa perspective, celle de la révolution
communiste.
Avec son nouveau plan de
"sauvetage de la sécurité sociale", le gouvernement Raffarin
s'apprête une nouvelle fois à réduire le coût du salaire social. C'est au tour
de la santé de faire les frais de ce nouveau plan d'austérité, après les
attaques significatives menées au printemps dernier vis-à-vis des pensions de
retraite et des indemnités de chômage en janvier dernier. Loin d'être une
spécificité nationale, ces attaques se développent et se généralisent à
l'ensemble des pays capitalistes qui avaient mis en place l'État-providence à
la fin de la Seconde Guerre mondiale en vue de reconstruire leurs économies
dévastées et qui avaient besoin pour cela d'une main d'oeuvre en bonne santé.
L'attaque actuelle sur le système de soins en France, comme en Allemagne il y a
quelques mois, signifie la fin du Welfare State et fait voler en éclats le
mythe des "acquis sociaux". Cette attaque révèle que, face à
l'approfondissement de la crise économique, au développement du chômage massif,
la bourgeoisie ne peut continuer à entretenir la force de travail en grande
quantité. La survie du capitalisme passe par une intensification de la productivité
du travail, la recherche d'une main d'oeuvre la moins chère possible, tout en
réduisant le coût de l'entretien de cette force de travail. Pour une grande
majorité de prolétaires, c'est la précarité et la misère, voire l'exclusion
définitive du système de production ou la mort comme on l'a vu pour les plus
démunis (personnes âgées, SDF, handicapés) lors de la canicule de l'été 2003.
Alors que cette attaque massive sur la santé nécessite une riposte massive et unitaire de l'ensemble de la classe ouvrière (ouvriers au travail, au chômage et retraités), les syndicats et leurs complices trotskistes et altermondialistes, détournent la réflexion ouvrière sur la faillite du capitalisme vers des mesures illusoires pour "sauver la sécurité sociale". Alors que cette attaque frontale de la protection sociale signifie qu'un pan supplémentaire de l'État-providence disparaît sous les coups de boutoir de la crise économique, nos défenseurs de la Sécurité sociale assènent le même mensonge : "La Sécu est une conquête de la lutte ouvrière, acquise à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans la continuité des acquis sociaux du Front populaire de 1936." Face à cette nouvelle falsification de l'histoire par l'ensemble des forces de gauche, gauchistes et syndicats, il est nécessaire de rétablir la vérité, en s'appuyant sur un bref aperçu historique de la mise en place des assurances sociales, puis sur la signification de la création de la Sécurité sociale en 1945 du point de vue des besoins du capitalisme. C'est cette réaffirmation de l'analyse marxiste qui peut permettre de comprendre que c'est la faillite historique de l'Etat-providence et du système capitaliste que la bourgeoisie cache au prolétariat en brandissant les oripeaux de la sécurité sociale.
C'est le prolétariat durant la seconde moitié du 19e siècle, dans la phase
de développement du capitalisme, qui va développer dans un premier temps pour
faire aboutir ses revendications économiques (réduction horaire de la journée
de travail, l'interdiction de l'exploitation des enfants, du travail de nuit
pour les femmes, etc.) ses propres caisses de grève ou de secours, ses propres
mutuelles en cas de maladie ou de licenciement. Le plus souvent ce sont les
syndicats ouvriers qui gèrent la mise en place de cette solidarité économique
au sein de la classe ouvrière. Mais cette solidarité a un sens politique, car
au cours de ses luttes pour arracher une amélioration de ses conditions d'existence
et des réformes sur le plan politique, le prolétariat se constitue en classe
avec comme perspective, lorsque les conditions économiques seront à maturité,
la prise du pouvoir politique en vue de l'instauration de la société
communiste.
Avec le développement meurtrier de la Première Guerre mondiale, le capitalisme
signe la fin de son expansion économique et l'entrée de son mode de production
dans sa phase de décadence. Celle-ci se caractérise par une absorption de la
société civile par l'Etat. La bourgeoisie doit imposer sa domination de classe
sur l'ensemble de la vie économique, sociale et politique et c'est l'Etat qui
va remplir ce rôle. Face à ce changement de période, les syndicats vont devenir
une force d'encadrement de la classe ouvrière, au service du capital.
"L'Etat maintient les formes d'organisation des ouvriers (syndicats)
pour mieux les encaserner et mystifier. Le syndicat devient un rouage de l'Etat
et comme tel intéressé à développer la productivité, c'est à dire accroître
l'exploitation du travail. Le syndicat fut l'organe de défense des ouvriers
tant que la lutte économique eut un sens historique. Vidé de ce contenu ancien,
le syndicat devient sans changer de forme, un instrument de répression
idéologique du capitalisme d'Etat et de contrôle sur la force de travail."
("Sur le capitalisme d'Etat", Internationalisme 1952, repris dans la
Revue internationale n°21, 2e trimestre 1980).
Ainsi, l'Etat s'approprie directement, ou par le biais de sa police syndicale,
les différentes caisses de secours et mutuelles ouvrières et vide de son
contenu politique la notion même de solidarité ouvrière.
"La bourgeoisie a retiré la solidarité politique des mains du
prolétariat pour la transférer en solidarité économique aux mains de l'Etat. En
subdivisant le salaire en une rétribution directe par le patron et une
rétribution indirecte par l'Etat, la bourgeoisie a puissamment consolidé la
mystification consistant à présenter l'Etat comme un organe au-dessus des
classes, garant de l'intérêt commun et garant de la Sécurité sociale de la
classe ouvrière. La bourgeoisie est parvenue à lier matériellement et
idéologiquement la classe ouvrière à l'Etat." (Revue Internationale
n°115, page 13)
Non seulement la bourgeoisie fait apparaître l'Etat comme le défenseur des
classes laborieuses, mais la tentative de mise en place des premières
assurances sociales a pour objectif aussi d'encadrer le prolétariat.
Dans les années 1920, le projet des assurances sociales est porté par la
volonté d'instaurer la paix sociale par la participation des ouvriers à la
gestion nationale, comme le souligne le rapport Cerinda :
"Dans les conseils d'administration des assurances sociales se
trouveront réalisés le rapprochement et la collaboration fraternelle des
classes ; salariés et employeurs n'y défendront pas des intérêts antagonistes :
ils seront unis dans une même pensée : celle de combattre les deux grands
fléaux des travailleurs, la maladie et la misère. Ce contact permanent
préparera l'association de plus en plus étroite du capital et du travail."
(Citation page 86 du livre de Bruno Palier, Gouverner la Sécurité sociale,
éditions PUF)
Malgré cette volonté politique de l'Etat, du patronat et des syndicats de
mettre en œuvre ce projet d'assurances sociales obligatoires, ce n'est que
pendant la Seconde Guerre mondiale que le Conseil National de la Résistance
mettra au point l'organisation du régime général de la sécurité sociale.
C'est au cours de la deuxième boucherie mondiale que la bourgeoisie,
consciente des millions de victimes que le conflit militaire va provoquer,
ainsi que des destructions et des ravages pour son économie mondiale, qu'elle
s'empresse de donner une justification morale à sa propre barbarie.
"Dans un message solennel au congrès prononcé le 6 janvier 1941, le
président Roosevelt a donné le premier une justification morale au conflit en
lui assignant notamment pour objectif une "libération du besoin" pour
les masses. Ce mouvement culmine en mai 1944 avec la déclaration de
Philadelphie de l'Organisation internationale du travail par laquelle les pays
membres font de la réalisation d'une véritable sécurité sociale un objectif
prioritaire de l'après-guerre. En conséquence, la sécurité sociale figure en
bonne place dans les buts de guerre définis par les Alliés." (Histoire
de la Sécurité sociale, 1945-1967, page 30, Bruno Valat, Ed.Economica)
Dès 1941, l'Angleterre met en chantier le développement des allocations familiales
et le "plan Beveridge" en 1942, en pleine guerre, crée une couverture
sociale étatique pour soutenir l'effort de guerre et le moral des troupes. En
Belgique, c'est en 1944 que se crée un système obligatoire de sécurité
collective sous le contrôle de l'Etat.
En France, alors qu'une partie de la bourgeoisie se retrouve dans le
gouvernement de Vichy[1],
l'autre partie en exil avec à sa tête le général de Gaulle, reprend cette
préoccupation. Il déclare en avril 1942 dans un message solennel à la Résistance
: "La sécurité nationale et la sécurité sociale sont pour nous des buts
impératifs et conjugués." (Bruno Valat, idem) Aussi n'est-il pas
étonnant que le programme de mars 1944 du Conseil National de la Résistance, où
les staliniens du PCF sont majoritaires, réclame un plan complet de sécurité
sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence.
Ainsi, loin d'être une victoire ouvrière, c'est surtout la capacité de la
bourgeoisie internationale à prévoir l'encadrement du prolétariat à la fin de
la guerre en vue de l'effort de reconstruction qui est à l'origine de la
généralisation des systèmes de protection sociale. Les années d'après-guerre
sont terribles pour les conditions de vie du prolétariat. Les salaires sont
bloqués depuis la guerre, l'inflation galope, dopée par un marché noir toujours
florissant, les tickets de rationnement existant depuis l'occupation vont être
maintenus jusqu'en 1950, y compris l'électricité et l'essence. La ration de
pain qui est de 200 g à l'été 1947, n'est que de 250 g en juin 1948. Le revenu
national en 1948 est encore inférieur de 4% à son niveau de 1938. Aux maigres
salaires et à la pénurie alimentaire se rajoutent un état sanitaire déplorable
et une démographie catastrophique. La mortalité infantile est en 1946 de plus
de 84 pour 1000, et la population adolescente souffre de rachitisme. Face à
cette situation, la bourgeoisie sait qu'elle ne pourra relever le capital
national avec une classe ouvrière autant affaiblie, d'autant plus que se
rajoute les pertes humaines de la guerre qui font que la main-d'œuvre fait
défaut. La création de la sécurité sociale, la médicalisation de la santé est
donc le moyen de se donner une force de travail et d'entretenir celle-ci à la
hauteur des enjeux de la reconstruction. En échange d'une surexploitation (la
durée de travail en 1946 est de 44 h et 45 h en 1947), le prolétariat va avoir
accès à une couverture sociale lui permettant de reconstituer sa force de
travail. Pierre Laroque, haut fonctionnaire, chargé de mettre en oeuvre la
sécurité sociale avec l'ordonnance du 4 octobre 1945, est explicite sur ces
objectifs, même s'il enveloppe la marchandise avec un couplet humaniste :
"Le but était d'assurer à la masse des travailleurs, et pour commencer
aux salariés, une sécurité véritable du lendemain. Cela allait de pair avec une
transformation sociale et même économique : l'effort qu'on leur demandait pour
la remise en marche de l'économie devait avoir une contrepartie".
Ainsi que le commente Bruno Palier : "En 1945, c'est aussi un
investissement politique immédiat, qui doit permettre d'obtenir la
participation des salariés aux travaux de reconstruction (…) Cette dimension du
plan français de Sécurité sociale, contrepartie aux efforts de reconstruction
(et à la modération des augmentations des salaires directs), qui apparaît comme
une sorte de contrat social de la Libération." (Ibid.)
Face aux critiques de certains parlementaires qui estiment trop important le
coût financier de la sécurité sociale, le socialiste Daniel Mayer, ministre du
travail en 1949, répond :
"Tout industriel considère comme normal et nécessaire de prélever sur
ces recettes les sommes indispensables à l'entretien de son matériel. La
Sécurité sociale, dans une large mesure, représente l'entretien du capital
humain du pays, qui est aussi nécessaire aux industriels que les machines. Dans
la mesure où la Sécurité sociale contribue à conserver le capital humain, à
développer ce capital, elle apporte à l'économie un concours que l'on ne
saurait sous-estimer." (Bruno Valat, idem).
C'est pour cela que dans un premier temps, la sécurité sociale sera réservée
aux travailleurs salariés, du fait que c'est sur eux que la bourgeoisie compte
pour redresser le pays et l'on renvoie à plus tard l'application du régime à la
population non salariée. On mesure ainsi le mensonge des syndicats sur la
création de la "Sécu" comme une conquête ouvrière, alors que cette
"concession" se fait au prix d'une surexploitation sans commune
mesure de la force de travail. Ainsi, en 1950, l'industrie française a presque
retrouvé le niveau de production de 1929. Comme en 1936, ce sont les staliniens
(PCF) grâce à leur engagement au sein de la résistance qui vont jouer un rôle
déterminant dans l'embrigadement du prolétariat pour la reconstruction. Plusieurs
ministres communistes seront présents dans le gouvernement du général de
Gaulle, appelant le prolétariat par la voix de son leader Thorez à "se
retrousser les manches" pour reconstruire le pays et dénonçant la grève
comme étant "l'arme des trusts", de même que la CGT aura le monopole
de la présidence des caisses d'assurance sociale jusqu'en 1947. (Voir notre
brochure, Comment le PCF est passé au service du capital) Par la suite, ce sont
les autres syndicats qui succèderont à la CGT.
Si, dans les années qui suivent la guerre, la sécurité sociale va être
étendue à l'ensemble de la population, dès le début des années 1970, les
premiers signes de la crise économique viennent sonner le glas de ces
politiques sociales. La Sécurité sociale en soi ne pouvait fonctionner que dans
la mesure où le capitalisme pouvait garantir le plein emploi. Le développement
du chômage fait que les dépenses sociales augmentent plus vite que le Produit
Intérieur Brut (PIB). Face à cette situation, la bourgeoisie répond par des
mesures keynésiennes de relance de la consommation notamment en augmentant et
en créant de nouvelles prestations familiales sous conditions de ressources. Du
point de vue de la gestion du capitalisme, ces mesures vont augmenter de façon
considérable les déficits publics. Dorénavant, de 1975 jusqu'à aujourd'hui, la
bourgeoisie ne va pas cesser de courir après les déficits, avec notamment le
fameux "trou de la Sécu" qui semble un gouffre sans fin, malgré les
hausses permanentes des cotisations sociales et des baisses à répétition des
prestations sociales. Tout au long des années 1980 et 1990, les gouvernements
successifs de droite comme de gauche vont redoubler d'ingéniosité pour inventer
toutes sortes de taxes (alcools, tabac, essence) et de création de nouvelles
cotisations (CSG), accompagnées de multiples plans d'austérité qui se succèdent
tant sur le plan de l'assurance maladie que pour les retraites et les
allocations chômage. Le bilan est sans appel ! Non seulement la classe ouvrière
qui a encore du travail voit une partie toujours plus importante de son salaire
ponctionné pour financer les déficits et autres mutuelles complémentaires, mais
en plus le système de soins se dégrade compte tenu des réductions d'effectifs
dans le secteur de la santé et des plans d'austérité à répétition. Pour le
reste de la classe ouvrière et de la population, la perspective est à toujours
plus de paupérisation et d'exclusion sociale.
Ainsi, loin d'être une conquête ouvrière, la Sécurité sociale est par contre un
organe d'encadrement étatique réel. Grâce à la participation des syndicats à la
gestion des caisses d'assurance maladie, en compagnie du patronat, puis par la
suite des caisses de retraite et de chômage, cette gestion paritaire donne
l'illusion qu'on peut faire une politique qui va dans le sens des intérêts des
travailleurs[2].
Plus que jamais, les nouvelles attaques sur la santé signifient la faillite du
système capitaliste, la fin de l'État-providence et du mythe d'une couverture
sociale "du berceau à la tombe". Si les révolutionnaires sont
solidaires de leur classe face aux attaques tant sur le salaire direct que sur
le salaire social, en même temps nous dénonçons avec virulence le mythe d'une
Sécurité sociale mise en oeuvre par un Etat qui serait au-dessus des classes
sociales pour le bien-être des ouvriers. La préoccupation du capitalisme en
1945 était d'avoir une main-d'œuvre en bonne santé pour réussir la
reconstruction. En 2004, face à un réservoir sans fin de main-d'œuvre, le
capitalisme doit sacrifier une partie croissante de prolétaires pour maintenir
à bas coût l'achat de la force de travail, quitte à laisser crever les autres.
"Il n'est pas besoin de souligner que si la société socialiste défend
l'individu contre la maladie ou les risques de l'existence, ses objectifs ne
sont pas ceux de la Sécurité sociale capitaliste. Celle-ci n'a de sens que dans
le cadre de l'exploitation du travail humain et en fonction de ce cadre. Elle
n'est qu'un appendice du système." (Internationalisme 1952, repris
dans notre Revue Internationale n°21, 2e trim. 1980).
[1] La mystification qui consiste à présenter le gouvernement d'union nationale de 1945 de la "Libération", comme une rupture politique avec le régime de Vichy est un mensonge. Non seulement les partis de la résistance regroupés autour du général de Gaulle vont reprendre ce qui existait au niveau social sous Pétain (issu du modèle allemand de Bismarck) en l'élargissant, notamment la création de la retraite des vieux travailleurs et les allocations familiales (mesure votée à la fin de la 3e République), mais c'est la même administration et les hauts fonctionnaires de Vichy qui mettront en oeuvre la sécurité sociale. Quel que soit le régime, la continuité de l'Etat capitaliste est toujours préservée. (Voir à ce propos, le livre de Robert O. Paxton, La France de Vichy, 1940-1944, éditions du Seuil, page 309)
[2] Non seulement, les syndicats sont un rouage de l'Etat, mais en plus ils vivent de façon parasitaire sur le dos de la classe ouvrière. En fait une des raisons pour lesquelles les syndicats sont autant attachés à préserver leur participation dans la gestion des assurances sociales, c'est que l'Etat leur verse des subsides conséquents pour cela, grâce aux multiples cotisations versées par les ouvriers. "La manne de l'assurance maladie prend aussi une forme sonnante et trébuchante. L'ensemble des partenaires reçoit des crédits au titre de la formation des administrateurs et des frais de secrétariat technique, les syndicats touchant en outre des fonds pour la formation aux questions de Sécurité sociale. En 1994, selon les chiffres de la caisse nationale, la CGT a reçu 10 millions de francs, FO 9,9 millions, la CFDT 9,3 millions, la CGC 6,2 millions et la CFTC 5,6 millions (avec environ 3 millions pour le patronat). Au total, de 1991 à 1994, la CNAM a versé 181,7 millions aux partenaires sociaux. Le tout sans grand contrôle sur leur utilisation…" (Les Echos, 28 juin 1995)
L'année 1989 connaît l'effondrement du bloc soviétique. Cet événement, en premier lieu fruit de la crise économique mondiale du capital, va avoir immédiatement des répercussions de très grande importance sur la vie et le développement du capitalisme. La classe ouvrière doit se rappeler qu'à ce moment-là tous les leaders de la bourgeoisie mondiale nous promettaient une nouvelle époque : "Une ère de paix et de stabilité". L'effondrement du stalinisme devait signifier la fin de la barbarie. L'évolution sanglante de la réalité allait très rapidement démontrer exactement le contraire. Dès le début des années 1990, la barbarie s'installait comme une donnée permanente dans la vie de la société, se généralisant à l'ensemble de la planète, frappant de manière de plus en plus aveugle, s'étendant progressivement aux grandes métropoles capitalistes. Elle concrétisait, dans le sang et la boue, l'entrée du capitalisme dans la phase ultime de sa décadence : celle de sa décomposition accélérée. A la place d'un affrontement impérialiste enserré dans le corset de fer des blocs impérialistes soviétique et américain, commençait à s'installer une logique guerrière radicalement différente, une logique où chaque pays capitaliste allait défendre ses intérêts propres en dehors de toute alliance stable soumise à un état impérialiste dominant. Chaos, perte de contrôle, anarchie grandissante et accélération de la décomposition ne pouvaient en être que la concrétisation dramatique.
En 1991, la première guerre du Golfe concrétisa pour la première fois l'ouverture toute grande des portes du nouveau désordre mondial, même si ce conflit permit momentanément aux Etats-Unis de réaffirmer leur rôle de toute première puissance. A cette époque, c'est le gouvernement américain qui a voulu cette guerre, en affirmant auprès de Saddam Hussein par l'entremise de son ambassadrice April Glaspie qu'un conflit éventuel entre l'Irak et le Koweït relevait d'un problème "interne au monde arabe", laissant entendre que les Etats-Unis se désintéressaient de la question. De fait, le piège ainsi tendu à Saddam Hussein poussa celui-ci à envahir militairement le Koweït, fournissant ainsi le prétexte à une intervention massive des Etats-Unis. Pour l'impérialisme américain, cette guerre fut l'instrument de la réaffirmation brutale de leur autorité sur les principales puissances rivales telles l'Allemagne, la France et le Japon qui, depuis 1989 et l'effondrement du bloc soviétique, tendaient de plus en plus clairement à défendre leur seul intérêt impérialiste en développant une politique croissante de contestation du leadership américain. Il est indéniable qu'à cette époque la puissance américaine remporta une victoire sur l'ensemble de la scène mondiale. Elle se paya même le luxe de laisser Saddam Hussein maître de Bagdad afin que l'Irak ne sombre pas dans un chaos total comme aujourd'hui. Mais cette victoire ne pouvait être que de courte durée. Alors qu'aucun apaisement sur le plan de la concurrence économique ne pouvait être envisagé, les tendances centrifuges au "chacun pour soi" de chaque puissance impérialiste ne pouvaient que gagner en ampleur, poussant ainsi inexorablement à nouveau les Etats-Unis à utiliser leur suprématie militaire, afin de tenter de freiner la contestation croissante à leur égard. Ainsi pouvions nous déjà percevoir en 1991 : "Que ce soit sur le plan politique et militaire ou sur le plan économique, la perspective n'est pas à la paix et à l'ordre mais à la guerre et au chaos entre nations." (Revue Internationale n°66, article "Le chaos"). Cette tendance à la décomposition du capitalisme et à l'affaiblissement du leadership américain allait se poursuivre et se confirmer tout au long des années 1990. Ce sont en effet ces mêmes puissances qui, quelques mois seulement après la première guerre du Golfe, allaient pousser un nouveau déchaînement de la barbarie qui devait aboutir en 1992 à un embrasement total de la région des Balkans. En effet, c'est l'Allemagne qui, en poussant la Slovénie et la Croatie à proclamer leur indépendance vis-à-vis de l'ancienne confédération yougoslave, a fait éclater ce pays et a joué un rôle primordial dans la déclenchement de la guerre en 1991. Face à cette poussée de l'impérialisme allemand, ce sont les quatre autres puissances (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie) qui ont soutenu et encouragé le gouvernement de Belgrade à mener une contre-offensive particulièrement meurtrière. Cependant, l'affaiblissement historique des Etats-Unis déjà à l'œuvre en 1991 allait les conduire à des changements d'alliance successifs se traduisant par leur soutien à la Serbie en 1991, à la Bosnie en 1992 et à la Croatie en 1994. Les Balkans se transformaient alors irrémédiablement, comme l'Afghanistan quelque temps plus tard, en un véritable bourbier fait de guerres civiles permanentes. Aujourd'hui encore en Afghanistan, aucune autorité, locale ou américaine, ne peut s'exercer en dehors de la capitale Kaboul. Les années 1990 vont ainsi connaître une généralisation progressive du chaos, expression de l'évolution de la décomposition de la société capitaliste, décomposition qui va connaître une violente accélération au début des années 2000.
Il est impossible de décrire aujourd'hui la situation en Irak.
Courrier International du 14 juin titrait : "En Irak, la violence,
toujours." A elle seule, la journée du jeudi 24 juin est
un exemple dramatique de l'état de guerre civile dans lequel
se trouve plongé l'Irak. Ce jour-là, il n'y aura pas eu
moins de sept attentats dans la seule ville de Mossoul, faisant officiellement
au moins 100 morts. Dans le même temps, des affrontements armés
se poursuivaient dans de nombreuses villes irakiennes comme à
Bakuba ou Nadjaf. A quelques jours du transfert de pouvoir au nouveau
gouvernement irakien, le pays est plongé dans un chaos total,
une anarchie généralisée où les forces politiques
et militaires ne peuvent plus contrôler que des zones géographiquement
limitées. Le premier ministre irakien Iyad Allaoui s'efforce
d'annoncer, à grand renfort de publicité, qu'il prendra
personnellement en main la lutte contre la violence, et ceci après
la montée en puissance des accrochages militaires, attentats
et autres sabotages d'oléoducs, en passant par des prises d'otages
finissant le plus souvent par des meurtres sanglants. La décapitation
des otages, filmée et projetée sur tous les écrans
du monde, devient aujourd'hui une pratique courante, un moyen de guerre
comme un autre, à l'égal d'un terrorisme n'ayant pour
objectif que la destruction massive. Torture et terrorisme ont toujours
fait partie des conflits armés dans l'histoire, mais ils restaient
des phénomènes secondaires. Cette dégradation des
règles d'affrontements est sans aucun doute une des expressions
majeures de l'accélération de la décomposition
du système capitaliste.
La perspective dans ce pays ne peut être que vers une déstabilisation
croissante. L'affaiblissement, la perte de contrôle des Etats-Unis
y sont patents. Le New York Times déclare : "Les forces
de la coalition n'ont pas seulement échoué à assurer
la sécurité de la population irakienne, mais également
à réaliser un autre objectif désigné comme
prioritaire par l'administration provisoire : le rétablissement
total de l'électricité avant le début des chaleurs
d'été." En Irak aujourd'hui, tout manque, y compris
l'eau, à une population confrontée à des conditions
de survie effroyables. De plus en plus clairement, les Kurdes, Chiites,
Sunnites expriment leurs intérêts propres et divergents.
De plus, un phénomène nouveau est en train de se généraliser
: l'apparition de bandes armées, fanatisées, passant à
l'offensive armée contre les intérêts américains
en dehors de tout contrôle assumé par des organisations
ethniques ou religieuses nationales. Avant même que d'être
mis en place, le gouvernement provisoire apparaît totalement impuissant
et discrédité.
Le Washington Post affirme : "Quoique l'administration Bush ait
plusieurs fois promis que les Irakiens retrouveraient leur entière
souveraineté, il est clair que ce sont des officiers américains
qui garderont la mainmise sur la question essentielle de la sécurité."
Cette perspective est celle d'un enfoncement croissant de la puissance
américaine dans le bourbier irakien. Elle traduit l'incapacité
américaine à maîtriser même militairement
la situation irakienne. Cet affaiblissement accéléré
s'est concrétisé par l'obligation pour les Etats-Unis
d'en passer par l'ONU, un projet de résolution américano-britannique
proposé fin mai au Conseil de sécurité prévoyant,
entre autres, la mise en place de forces multinationales sous un commandement
américain. Ce recours obligé à l'ONU par l'administration
américaine est la manifestation directe de son incapacité
à assurer sa domination par les armes, y compris dans un pays
aussi faible que l'Irak. Derrière les premières déclarations
de façade ayant le ton de la satisfaction, l'appétit des
autres grandes puissances voulant profiter de chaque recul des Etats-Unis
pour défendre leurs propres intérêts impérialistes
s'est clairement manifesté. Le 27 mai, la Chine a diffusé
un document soutenu par la Russie, la France et l'Allemagne soulevant
des objections et contenant des propositions de changement majeur de
cette résolution. Notamment le gouvernement intérimaire
devait jouir de la "pleine souveraineté sur les questions
économiques, de sécurité, de justice et de diplomatie".
En outre, ces puissances ont proposé que le mandat de la force
multinationale en Irak s'achève fin janvier 2005 et que le gouvernement
provisoire soit consulté pour les opérations militaires
à l'exclusion des mesures d'autodéfense. De fait, ce document,
directement dirigé contre les Etats-Unis, démontre que
la seule préoccupation de ces grandes puissances est d'enfoncer
et d'affaiblir autant que possible la première puissance mondiale
sans se préoccuper le moins du monde des conséquences
d'un tel affrontement pour la population irakienne et pour toute la
région.
On assiste aujourd'hui à une déstabilisation de l'ensemble
de l'Asie du Sud-Ouest. En Arabie saoudite, les attentats attribués
à Al-Qaida se multiplient, manifestant l'énorme montée
des tensions entre le régime de Ryad et les éléments
Wahhabites toujours plus nombreux à se fanatiser. La virulence
des dirigeants chiites irakiens ne manque pas également d'avoir
des répercussions sur la stabilité en Iran. Quant à
la Turquie, la tension y est particulièrement forte. Le 1er juin,
le PKK (Parti des travailleurs kurdes) a annoncé qu'il mettait
unilatéralement fin au "cessez le feu" dans la guerre
menée contre l'Etat turc. Le Neue Zueriche Zeitung du 3 juin
rapportait que "des cercles de l'armée turque pensent que
des centaines de rebelles armés du PKK ont infiltré la
Turquie depuis le Nord de l'Irak au cours des dernières semaines.
Le gouvernement turc accuse les Etats-Unis de n'avoir rien fait contre
la présence du PKK dans le Nord de l'Irak." Le même
quotidien de Zurich observe qu'"un nouvel éclatement de
la guerre pourrait être dévastateur pour l'ensemble de
la région".
Par ailleurs, depuis l'arrivée de l'administration Sharon au
pouvoir en Israël, la situation au Moyen-Orient n'a fait que sombrer
dans une guerre permanente et des massacres aveugles de population.
Derrière le projet d'un grand Moyen-Orient, d'un retrait hypothétique
de la part des Israéliens de la Bande de Gaza et d'une occupation
militaire croissante de la Cisjordanie, se matérialise à
l'égal de celle des Etats-Unis une politique de fuite en avant
de la part du gouvernement israélien. Il est patent que la logique
guerrière y prend de façon absolue le pas sur tout autre
modalité de défense des intérêts nationaux
israéliens. Cette politique, suicidaire à terme, a même
provoqué une montée de tensions entre Israël et l'Egypte,
cette dernière restant pourtant, après l'Etat hébreu,
un des seuls alliés des Etats-Unis dans la région. De
fait, l'administration américaine pèse de moins en moins
sur l'orientation de la politique guerrière israélienne.
Ceci traduit l'incapacité actuelle des Etats-Unis à être
les gendarmes du monde. Cette réalité ne fait qu'exprimer
au plus haut niveau la perte de contrôle de toutes les autres
grandes puissances dans les zones qu'elles tentent encore de maintenir
sous leur influence.
Les raids militaires menés en Ingouchie dans la nuit du 21 au
22 juin et qui ont fait au moins 48 morts, dont le ministre Kostoiev,
viennent rappeler que c'est l'ensemble des anciennes républiques
du Sud de l'URSS, et pas seulement la Tchétchénie, qui
est plongé dans l'anarchie et la guerre civile. Quant à
la France, et ceci après sa participation active il y a dix ans
au massacre de près d'un million de personnes au Rwanda, elle
ne peut que constater aujourd'hui sa propre impuissance, les Tutsis
étant en cette mi-juin à nouveau au centre d'un conflit
touchant la république du Congo. Le Soir (quotidien belge) du
4 juin affirme : "Les incidents à l'Est du pays font craindre
le pire a de nombreux observateurs : la résurgence de la guerre
dans une région meurtrie par des conflits frontaliers, politiques
et ethniques sanglants."
Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York avaient amené les Etats-Unis à affirmer qu'ils traqueraient le terrorisme aux quatre coins de la planète, ramenant ainsi la démocratie et la paix. Le résultat aujourd'hui s'inscrit en lettres de sang partout dans le monde. L'anarchie totale que l'on voit en Iran et qui s'étend progressivement à toute l'Asie du Sud-Ouest manifeste la perte de contrôle grandissante des grandes puissances de ce monde sur la marche générale de la société. La dynamique de la guerre en Irak n'est que l'exemple dramatique et barbare de ce qui attend toute l'humanité si la classe ouvrière laisse aller le capitalisme à sa seule perspective. L'engrenage dans lequel sont entraînées toutes les puissances impérialistes, y compris les plus fortes, ne peut que produire, en plus dramatique, des guerres telles que celle qui se déroule en Irak. Cette barbarie en pleine évolution touche maintenant le cœur de l'Europe, avec les attentats terroristes du 11 mars dernier à Madrid dont l'objectif était le massacre le plus important possible de la population ouvrière. Il est important que le prolétariat comprenne que, contrairement à ce que tente de nous faire croire la bourgeoisie, cette évolution guerrière, totalement irrationnelle et barbare, n'est pas due à la folie de quelques dirigeants du monde. Il est par exemple de notoriété publique que J.Kerry, le candidat démocrate aux prochaines élections présidentielles américaines, n'a aucune alternative à proposer à l'actuelle orientation en politique étrangère de l'administration Bush. Quel que soit le résultat de ces élections, le fond de la logique impérialiste américaine ne sera en rien modifié. La fuite en avant militaire de l'Amérique refusant son affaiblissement historique et sa perte de contrôle sur le monde est un fait totalement irréversible. Le désordre mondial actuel n'est pas dû, comme l'affirme la propagande de la bourgeoisie, à un fanatique religieux nommé Ben Laden ou à une administration américaine composée d'autres fanatiques de la guerre à outrance comme Rumsfeld ou Wolfowitz. Bien au contraire, c'est la faillite en cours du capitalisme mondial, poussant celui-ci dans une logique de guerre totalement irrationnelle, qui détermine l'évolution des mœurs de la bourgeoisie et des équipes qui gouvernent les Etats. En ce sens, le capitalisme tendra de plus en plus, dans l'avenir, à porter au pouvoir des fractions de la bourgeoisie de plus en plus fanatisées, y compris au sein des plus grandes puissances de ce monde. Comme les marxistes l'ont toujours affirmé, seul le prolétariat porte en lui la force capable de détruire le capitalisme et d'empêcher ce monde de s'effondrer dans la pire des barbaries. La classe ouvrière doit garder en mémoire que c'est la révolution du prolétariat en Russie en octobre 1917 qui a mis fin à la première boucherie mondiale.
Tino (25 juin)Cela fait longtemps
que le capitalisme américain fait preuve de créativité
en utilisant les statistiques pour donner un coup de pouce à
une réalité par ailleurs fort morose. Par exemple, le
gouvernement américain calcule le chômage en ne comptant
que les chômeurs qui ont activement cherché du travail
pendant les 30 derniers jours. Ceux qu'on appelle les "ouvriers
découragés", qui ont laissé tomber la recherche
d'emplois inexistants, ne sont pas considérés comme chômeurs -on considère qu'ils ne font plus partie des actifs. D'après
le gouvernement, ce ne sont plus des ouvriers. Un autre exemple : jusqu'au
début des années 1980, on calculait le taux de chômage
sur la base de l'ensemble des civils actifs. Puis le gouvernement a
décidé que les quasi trois millions de membres des forces
armées seraient désormais considérés comme
des ouvriers actifs (auparavant, ils n'étaient pas comptabilisés
dans les civils actifs). Cela s'est avéré un moyen très
efficace de diminuer le taux de chômage. Quand le ministère
du travail fait des estimations du nombre d'emplois dans l'économie,
tout travail qui requiert 10 heures par semaine minimum est considéré
comme un emploi à temps plein - c'est ce qui explique toutes
les étranges proclamations à propos de millions d'emplois
subitement créés en même temps. Avec cette contrefaçon
dans la "comptabilité" des emplois et des sans emplois,
il est tout à fait possible qu'un ouvrier qui perd son travail
à plein temps et retrouve tant bien que mal trois emplois à
temps partiel mal payés pour survivre, soit comptabilisé
comme chômeur dans les statistiques du chômage et permette
d'afficher trois nouveaux emplois créés dans l'économie
!
En février, dans le Economic Report annuel du Président,
le président Bush a lancé une idée innovante et
suggéré que les travailleurs de la restauration comme
McDonalds ne soient plus considérés comme des employés
de service mais soient reclassés comme employés d'industrie.
Le conseiller économique en chef de Bush, Gregory Mankiw, se
demandait "Quand un restaurant fast-food vend un hamburger par
exemple, est-ce qu'il fournit un 'service' ou est-ce qu'il est en train
d'assembler des pièces pour 'fabriquer' un produit ?". L'économie
ayant perdu 2,6 millions d'emplois dans la transformation industrielle
depuis janvier 2001, les économistes du gouvernement ont finalement
trouvé comment ranimer la force de travail du secteur manufacturier
-un hamburger après l'autre ! Evidemment, les démocrates
et les comiques à la télévision s'en sont donné
à coeur joie pour ridiculiser cette absurdité. On n'avait
pas vu une manoeuvre aussi manifestement grossière depuis que
l'administration Reagan en 1981 avait suggéré qu'on considère
le ketchup comme un légume, dans le calcul de la valeur nutritionnelle
d'un repas de cantine scolaire.
Lors de la dernière fête de Lutte Ouvrière, le PCI (qui publie Le Prolétaire) a tenu un forum sur le thème des élections européennes et la construction de l'espace européen. L'exposé du PCI a défendu une position de classe en critiquant le cirque électoral et le mythe cher aux trotskistes des "États-Unis d'Europe". Le CCI, pour sa part, est intervenu pour soutenir la position révolutionnaire du PCI et dénoncer, citations à l'appui, la politique capitaliste de LO. Notre intervention avait pour principal objectif de délimiter clairement le camp bourgeois du camp prolétarien[1], notamment en interpellant le militant de LO représentant son organisation à ce forum afin de démasquer les positions bourgeoises de cette organisation. Malheureusement, notre intervention a été immédiatement suivie par celle du porte-parole d'un groupuscule parasitaire autoproclamé "Fraction interne du CCI" (FICCI) qui, au lieu de défendre la position des révolutionnaires face à la politique électoraliste de LO, a saboté le débat ouvert par l'exposé du PCI et a dénoncé rageusement l'intervention du CCI en affirmant que celle-ci était une "manoeuvre" visant à masquer l'incapacité de notre organisation à avoir la moindre analyse sur le cours historique actuel, sur le niveau de la lutte de classe et la question impérialiste.
Ainsi, l'intervention
du ténor de la FICCI a eu pour effet de permettre au militant de LO d'éviter de
répondre aux questions posées par l'intervention du CCI ; la défense de la
position de la Gauche communiste sur la question électorale face aux
mystifications bourgeoises véhiculées par le trotskisme étant bien le dernier
de ses soucis. Ce qui lui importait avant tout, c'était de dénoncer, non pas LO
mais le CCI, comme l'ennemi de classe. Ainsi, cette brillante tirade de la
FICCI contre le CCI a révélé au grand jour sa véritable nature de classe,
anti-prolétarienne, et sa principale raison d'existence : discréditer le CCI
quitte à faire obstacle à toute critique de la politique bourgeoise de Lutte
Ouvrière. Le CCI n'est pas intervenu pour riposter aux attaques de la FICCI
dans la mesure où nous refusons toute discussion avec ces éléments du milieu
parasitaire qui se sont comportés comme des mouchards à l'encontre de notre
organisation (voir "Les méthodes policières de la FICCI" dans RI n°
330) et dont l'objectif n'est nullement la clarification et la défense des
positions de classe mais la volonté de nuire au CCI. Contrairement à la FICCI,
nous n'étions pas intéressés à ce que ce forum du PCI sur le thème de l'Union européenne
se transforme en foire d'empoigne entre le CCI et des parasites de la pire
espèce.
Lors de ce forum, la FICCI a une fois encore montré que sa véritable fonction
consiste non pas à défendre les positions des révolutionnaires face aux
mystifications de la classe dominante mais à compléter le travail de la
bourgeoisie contre les organisations révolutionnaires. A travers ses campagnes
anticommunistes et anti-négationnistes, la classe dominante cherche par tous
les moyens à discréditer le courant de la Gauche communiste et à empêcher les
éléments à la recherche d'une perspective de classe de se rapprocher des
véritables organisations révolutionnaires. Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard
si cette prétendue "fraction" n'a pas jugé utile de faire la moindre
prise de position contre les calomnies déversées dans le livre de C.
Bourseiller, Histoire générale de l'ultra-gauche, contre les groupes de la Gauche
communiste, contrairement au PCI (voir "Histoire générale de
l'ultra-gauche ou comment s'en débarrasser" dans Le Prolétaire n° 470) et
au CCI (voir "A propos du livre de Bourseiller, la bourgeoisie relance sa
campagne sur la mort du communisme" dans RI n° 344). Ce n'est pas un
hasard non plus si l'ouvrage de cet "historien" bourgeois, dans son
entreprise de dénigrement des organisations de la Gauche communiste, se fait
l'avocat des groupes parasitaires et reprend à son compte les calomnies de la
FICCI contre le CCI. En réalité, le silence de la FICCI sur le livre de
Bourseiller n'a qu'une seule signification. Ce groupuscule vise le même
objectif : empêcher les éléments en recherche des positions de classe de se
rapprocher des groupes de la Gauche communiste et notamment du CCI, en
inoculant l'idée que ce dernier serait une secte stalinienne qui pratiquerait "l'épuration
des dissidents".
Cette intervention hystérique du porte-parole de la FICCI au forum du PCI se
situe dans la pleine continuité de sa politique visant à semer le trouble et la
confusion au sein du milieu politique prolétarien. Ainsi, on peut citer les derniers
"exploits" de cette prétendue "fraction" :
Ces "preuves" ont d'ailleurs été annoncées sur le site Internet de la
FICCI. Elles seraient contenues dans un document intitulé "Historique du
SI". La FICCI n'a pas affiché sur son site Web ce fameux document (qui,
soit dit en passant, vaut vraiment son pesant de cacahuètes !) mais, dans
plusieurs numéros de son Bulletin publié sur Internet, elle annonce que tous
ceux qui veulent obtenir ce document peuvent lui en faire la demande.
L'ensemble des militants du CCI a bien évidemment pris connaissance de ce
document qui leur a donné la nausée. Certains éléments extérieurs au CCI en
ayant eu connaissance nous ont commenté qu'ils trouvaient cela délirant. La
meilleure façon pour ridiculiser la FECCI et finir de la démasquer serait de le
rendre public. Mais nous ne pouvons pas le faire du fait qu'il est truffé de
détails sur la vie personnelle des militants (problèmes de santé, activité
professionnelle) qui ne peuvent que servir aux forces de répression de l'État
bourgeois. Néanmoins, comme nous l'avion déjà affirmé dans notre presse (voir
l'article "Les méthodes policières de la FICCI") nous sommes toujours
intéressés à ce qu'une commission spéciale composée de militants sérieux des
groupes de la Gauche communiste prennent connaissance des "preuves"
recueillies par la FICCI. Encore une fois, le CCI n'a rien à cacher et est tout
à fait prêt à démontrer que ces "preuves" récoltées dans les égouts
ne sont qu'un tissu de mensonges, de basses calomnies basées sur des ragots et
des interprétations totalement fantaisistes dignes d'une imagination malade et
d'un esprit totalement dérangé.
La FICCI n'a cessé de crier sur tous les toits que son seul objectif était de
"sauver le CCI" qui serait aujourd'hui aux mains d'une
"direction liquidatrice" manipulée par un "flic". Or, pour
justifier leur constitution en "fraction" et leurs comportements
anti-prolétariens lorsqu'ils étaient encore membres du CCI (refus de payer
leurs cotisations ; vol de l'argent de l'organisation, de documents internes et
du fichier d'adresses de nos militants et abonnés ; diffusion de rumeurs sur
l'existence d'un "flic" ; calomnies contre des militants de l'organe
central ; organisations de réunions secrètes dans le dos de l'organisation
visant à élaborer une stratégie en vue de "déstabiliser" le CCI,
etc.), ces éléments sont partis en guerre contre l'analyse actuelle de la
"décomposition du capitalisme" en prétendant que le CCI l'a distordue
et déformée. Dans la réalité, les positions qu'ils dénoncent aujourd'hui sont
celles que le CCI a élaborées en 1989, et qu'eux-mêmes ont soutenues sans la
moindre réticence jusqu'en 2000. En fait, s'ils rejettent aujourd'hui cette
analyse, ce n'est pas seulement pour se donner un semblant de crédibilité mais
aussi pour lécher les bottes des autres groupes de la Gauche communiste puisque
ces derniers ne partagent pas cette analyse du CCI.
Le CCI a connu dans le passé plusieurs scissions qui ont
donné naissance à des groupuscules parasitaires qui, tous, nous accusaient de
"dégénérescence stalinienne" (le CBG, la FECCI, le Cercle de Paris
dont le principal animateur a même eu droit aux remerciements de C. Bourseiller
pour sa contribution à son ouvrage Histoire générale de l'ultra-gauche ; tous
dénigreurs des groupes de la Gauche communiste). Mais de tous les groupuscules
parasitaires dont la seule fonction consiste à déverser des calomnies contre le
CCI, la FICCI est certainement le plus répugnant. Sa seule raison d'être
consiste à coller au CCI, à suivre nos militants à la trace sur tous nos lieux
d'intervention en faisant usage de la provocation, du chantage, de la menace
avec un cynisme sans nom. En ce sens, ces éléments sont certainement les pires
morpions que nous n'ayons jamais connus. N'ayant pas réussi à détruire le CCI,
leurs agissements visent aujourd'hui à semer le trouble en faisant à
l'extérieur le sale travail digne d'agents provocateurs qu'ils faisaient à
l'intérieur de l'organisation, entre autres en faisant circuler des rumeurs sur
l'existence d'un flic au sein du CCI.
L'incapacité des membres de la FICCI à organiser ses propres réunions publiques
montre qu'elle n'a strictement rien à dire ni à la classe ouvrière ni aux
éléments à la recherche des positions de classe[2]
Ainsi, les agissements de la FICCI et la politique de
sabotage du débat qu'elle a menée dans le forum du PCI lors de la fête de Lutte
Ouvrière, animés par la haine et la volonté de discréditer le CCI par tous les
moyens (y compris en se rendant complice des trotskistes et des idéologues
patentés de la bourgeoisie, tel Bourseiller) est une illustration éloquente de
notre analyse du parasitisme publiée dans la Revue Internationale n° 94. C'est
dans une période où les organisations du prolétariat ont encore un faible
impact que "le parasitisme trouve son terrain le plus propice. Ce fait est
lié à la nature même du parasitisme qui, pour être efficace, doit trouver en
face de lui des éléments en recherche vers des positions de classe qui aient du
mal à faire la différence entre les véritables organisations révolutionnaires
et les courants dont la seule raison d'être est de vivre aux dépens de
celles-ci, de saboter leur action, voire de les détruire (...) La notion de
parasitisme n'est nullement une 'invention du CCI'. C'est l'AIT qui, la
première, a été confrontée à cette menace contre le mouvement prolétarien, qui
l'a identifiée et combattue. C'est elle, à commencer par Marx et Engels, qui
caractérisait déjà de parasites ces éléments politisés qui, tout en prétendant
adhérer au programme et aux organisations du prolétariat, concentrent leurs
efforts sur le combat, non pas contre la classe dominante, mais contre les
organisations de la classe révolutionnaire. L'essence de leur activité est de
dénigrer et de manoeuvrer contre le camp communiste, même s'ils prétendent lui
appartenir et le servir (...) Comme à l'époque de Marx et Engels, cette vague
parasitaire réactionnaire a pour fonction de saboter le développement du débat
ouvert et de la clarification prolétarienne (...) L'existence :
sont parmi les éléments les plus importants suscitant actuellement l'offensive politique du parasitisme politique." ("Thèses sur le parasitisme").
RI[1] Ce n'est pas l'objet de
cet article de développer notre analyse de cette question. Pour cela nous
renvoyons nos lecteurs au n°347 de RI
dans lequel nous montrons que l'unité européenne au nom de l'internationalisme
prolétarien et du communisme est une mystification. En effet, cela n'a jamais
été le point de vue de l'internationalisme prolétarien et des communistes
puisqu'il est clair pour eux que, seule la lutte de la classe ouvrière à
l'échelle internationale peut venir à bout du capitalisme et de ses divisions
nationales.
[2] Ce n'est d'ailleurs pas un
hasard si, malgré ses gesticulations tonitruantes contre la
"dégénérescence stalinienne" du CCI, le seul élément que cette
prétendue "fraction" a pu intégrer dans ses rangs est un individu qui
avait démissionné du CCI en 1995 en conservant contre notre organisation une
énorme rancœur. Par contre, il faut signaler que les agissements de la FICCI
(et surtout le contenu de leur infâme Bulletin diffusé sur Internet et envoyé
systématiquement à nos abonnés) a davantage rendu service au CCI, comme en
témoignent les nombreuses lettres de solidarité que nous avons reçues (certains
de nos contacts récents sont même allés, à la simple lecture de la prose de la
FICCI, jusqu'à affirmer que ces gens-là "font un travail de flics").
Récemment, la classe ouvrière en Grande-Bretagne a été littéralement bombardée par une série de campagnes hypocrites de déboussolement sur les questions de race et de l'immigration. D'un côté, le gouvernement n'a pas lésiné sur les déclarations diabolisant les immigrants : ils seraient de "faux" chercheurs d'asile, des "pseudo-touristes en quête de pensions" ou encore des "touristes de la santé". De l'autre, on a vu une série de discours visant à introniser l'Etat démocratique comme seul moyen pour se défendre contre le racisme, ce dernier étant présenté comme le produit d'individus ignorants ou de groupes néfastes comme le BNP (British National Party, équivalent britannique du Front National en France), dénoncés comme étant des forces hostiles à la démocratie.
L'immigration et
les immigrants sont clairement utilisés par la bourgeoisie comme
boucs émissaires du chômage et de la pénurie de
logements, des dépenses de santé et des difficultés
que connaissent d'autres secteurs des services publics. Cependant, la
bourgeoisie ne brandit pas la question de l'immigration uniquement pour
s'en servir dans le but de détourner l'attention des ouvriers
des effets de la crise économique et des attaques ; il s'agit
aussi pour elle d'un véritable problème.
L'immigration est un phénomène qui a toujours accompagné
le développement du capitalisme et a même été
une précondition de son développement initial, en premier
lieu avec le mouvement vers les villes de "nombreux paysans
qui, chassés continuellement des campagnes par la transformation
des champs en prairies et par les travaux agricoles nécessitant
moins de bras pour la culture des terres, vinrent affluer dans les villes
pendant des siècles entiers" (Misère de la philosophie,
Karl Marx, p. 161, Editions sociales). De fait, la classe ouvrière
est une classe composée essentiellement d'immigrants.
Tout au long de son existence, le capitalisme n'a en effet eu de cesse
d'arracher les populations de la campagne vers les villes - et cela
dans le monde entier. Le sort qui en résultait pour tous ces
migrants était avant tout fonction du développement même
du capitalisme. Au 19e siècle, le capitalisme, système
en pleine expansion, a ainsi encouragé des déplacements
massifs de populations, ce qui lui a permis de développer considérablement
les forces productives à travers ce qui a constitué la
"révolution industrielle".
Mais, au début du 20e siècle, une fois que le capitalisme
eût conquis la planète, il est entré dans sa phase
de déclin, limitant ainsi, pour ceux qui étaient contraints
à l'émigration, la possibilité de trouver du travail
ailleurs et de s'intégrer à la classe ouvrière.
L'immigration s'est de ce fait transformée en un véritable
problème pour la classe dominante contrainte de maintenir sous
le contrôle de l'Etat des masses d'immigrants. Cette question
se fit particulièrement aiguë lors de la dépression
économique des années 1930, alors que chaque économie
nationale s'efforçait de se dépêtrer des effets
de la crise.
Cependant, dans les années 1950, en Grande-Bretagne et dans la
plupart des pays développés, s'impose à nouveau
la nécessité de faire appel à l'immigration. Suite
aux destructions et au bain de sang de la Seconde Guerre mondiale, la
pénurie de main d'œuvre a poussé la classe dominante
à encourager l'immigration en provenance de ses colonies ; pour
la puissance anglaise, il s'agissait de puiser dans les réserves
humaines du Moyen-Orient et du sous-continent indien afin de pallier
cette pénurie. Mais, avec le retour de la crise économique
vers la fin des années 1960, la bourgeoisie vit à nouveau
dans ce phénomène de l'immigration une réelle difficulté.
Des quotas d'immigration commencèrent à être imposés
de même que l'on vit apparaître un changement radical du
discours sur les immigrés. L'histoire des "Asiatiques"
de l'ex-empire britannique est particulièrement illustratif de
ce changement de politique et caractéristique de ce tournant
dans la propagande de la bourgeoisie envers ceux-ci.
Le British National Act de 1948 stipulait que les populations des pays
devenus indépendants, ayant appartenu au Commonwealth, prenaient
la nationalité britannique une fois sur le sol de la Grande-Bretagne.
Malgré les lois dont se dota la bourgeoisie d'outre-Manche pour
limiter le flux d'immigrants dès 1962, ce pays devint la "terre
d'asile" des Indiens venant non seulement des Indes mais également,
pour deux millions d'entre eux, des communautés indiennes installées
en Afrique orientale. Avec le développement de la crise économique,
la bourgeoisie anglaise décida, en 1968, que seraient distinguées
deux catégories de membres du Commonwealth possesseurs de passeports
britanniques : ceux qui avaient obtenu ces passeports avant l'indépendance
et ceux qui les avaient reçus après. Cette politique permit
de ramener à 6000 personnes par an l'entrée des immigrants
en Grande-Bretagne.
De pair avec cette politique de restriction draconienne des immigrants,
on vit se développer un discours particulièrement musclé
à l'égard de ces derniers, présentés par
l'ensemble des partis bourgeois comme une vraie menace pour la stabilité
du pays. Un protagoniste en vue de cette campagne, Enoch Powell, ancien
membre du gouvernement, conservateur et populiste professant une hostilité
profonde à l'égard des immigrés "de couleur",
fit à l'époque un discours retentissant sur les "rivières
de sang" lors d'affrontements que, dans l'avenir, des vagues massives
d'immigration rendraient inévitables.
Claire illustration de l'hypocrisie bourgeoise, la législation
anti-discrimination fut introduite à la même époque
pour donner l'illusion que l'Etat pouvait servir à combattre
le racisme, au moment où, justement, c'est cette institution
suprême elle-même qui commençait à mettre
en place les mesures discriminatoires visant spécifiquement les
immigrants.
Pendant ce temps, avec le développement international de la crise,
le manque de travail et de ressources, la misère s'aggravait
sur les populations du "tiers-monde". Dans ces régions,
les bidonvilles se mirent à pousser dans des proportions gigantesques
autour des villes. La nécessité d'émigrer pour
trouver du travail devenait ainsi de plus en plus impérieuse
pour des masses grandissantes de miséreux.
Les choses sont devenues encore bien pires dans la période que
nous avons définie comme étant celle de la décomposition
capitaliste, dans laquelle la durée de la crise, sans aucune
perspective d'en sortir, a conduit à une aggravation qualitative
de tous les aspects du déclin historique du système capitaliste,
avec en particulier la prolifération des famines dans les pays
du "tiers-monde".
Non seulement la crise s'est aggravée dans les principaux centres
des pays développés mais ce sont des zones du monde plus
étendues et nombreuses qui sont confrontées aux catastrophes
économiques (et écologiques ), engendrant ainsi une immigration
à plus grande échelle. L'Europe de l'Est, avec des taux
d'émigration impressionnants, constitue une illustration frappante
de ce phénomène. C'est d'ailleurs de façon régulière
que les médias en Europe occidentale mettent en garde contre
les dangers d'une nouvelle vague d'immigrés en provenance de
l'Est, propagande qui connaît un regain d'activité avec
l'élargissement de l'Union Européenne.
En plus des difficultés économiques et de la misère
qui contraignent les populations à émigrer, la multiplication
des guerres sur l'ensemble de la planète pousse un nombre grandissant
d'entre elles à fuir les combats et les destructions. Ces guerres
ne sont pas le produit de facteurs extérieurs au capitalisme,
mais le résultat inévitable de l'impérialisme lié
à sa période de décadence. Et la responsabilité
de ces guerres incombe au premier chef aux grandes puissances. C'est
évident lorsqu'on voit les Etats-Unis, soutenus par la Grande-Bretagne,
déchaîner la barbarie guerrière en Afghanistan et
en Irak. Mais, si cela est moins évident, c'est tout aussi vrai
lorsque les grandes puissances attisent une situation locale de tensions.
L'éclatement de l'ex-Yougoslavie, du fait de l'action des grandes
puissances luttant pour imposer leur influence en soutenant telle ou
telle fraction yougoslave, en est un exemple. Même le génocide
rwandais il y a dix ans, toujours présenté comme s'il
n'était au fond que le produit pur et simple de conflits tribaux
entre "primitifs", fut en réalité mené
par un impérialisme français aux abois dans une lutte
contre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour le contrôle de
cette région d'Afrique (voir notre article dans RI n°345).
En d'autres termes, le nombre grandissant de réfugiés,
phénomène que la bourgeoisie met elle-même en évidence,
est le produit de son propre système, le capitalisme, et plus
spécifiquement de sa politique impérialiste. Si l'on se
rappelle les profondes résistances des bourgeoisies britannique
et américaine à recevoir les réfugiés européens
dans les années 1930 et 1940, tout particulièrement les
Juifs fuyant les camps de concentration, on peut alors difficilement
s'attendre à les voir accueillir ceux qui fuient aujourd'hui
les conflits s'étendant sur la planète.
Au contraire, il faut s'attendre à ce que la bourgeoisie de tous
les pays, surtout dans les pays développés, encourage
le développement de l'esprit de pogrome dans la même logique
que celle qui consiste à provoquer des divisions raciales ou
nationales dans la classe ouvrière aujourd'hui. C'est la réelle
signification de la propagande mise en œuvre par tous les gouvernements,
derrière les discours patenôtres et hypocrites contre le
racisme de ceux qui s'apitoient avec des larmes de crocodile sur la
misère du monde.
D'après World Revolution n°274, mai 2004, organe
en Grande-Bretagne du Courant Communiste International.
Pour chaque prolétaire, la prise de conscience de l’aggravation,
souvent dramatique, de la crise économique ne passe pas par les
discours idéologiques dont l’abreuvent les médias,
pas plus que par les courbes, les chiffres, les statistiques froides
des spécialistes de l’économie, mais par les problèmes
de survie qu’il subit au quotidien avec ses angoisses du lendemain.
Même hors du cercle familial, il retrouvera chez ses camarades
de travail, ses voisins, ses amis, le reflet de la détérioration
accélérée de ses propres conditions d’existence :
partout les conditions de vie de la classe ouvrière, soumises
à un pilonnage incessant d’attaques depuis des années,
se dégradent mois après mois.
Cette situation n’est pas le résultat d’une politique
particulière d’une équipe gouvernementale de droite
ou de gauche, pas plus qu’elle n’est propre à la France
mais elle est le résultat d’une aggravation de la crise
mondiale du capitalisme, système moribond et sans issue. L’exacerbation
de la concurrence internationale ne laisse pas d’autre choix aux
bourgeoisies nationales que d’attaquer partout plus durement les
conditions de vie de la classe ouvrière. Les ouvriers sont les
premiers touchés par la remise en cause du salaire social, par
les restrictions budgétaires à répétition
et l’intensification de l’exploitation, à travers la
précarisation et la flexibilité accrues de l’emploi.
Chaque prolétaire est victime de la pression grandissante de
l’insécurité des conditions d'existence, du chômage
et des licenciements, comme des restrictions apportées à
l’indemnisation du chômage et de la hausse du coût
de la vie. Derrière les fins de mois impossibles à boucler,
l’endettement croissant, les privations de plus en plus conséquentes,
les difficultés grandissantes à se nourrir, à se
loger, à se soigner décemment, les prolétaires
s’enfoncent dans une paupérisation croissante.
C’est à cette situation que la bourgeoisie voudrait bien
que la classe ouvrière se résigne. Et c’est pour
cela qu’elle ne promet plus la "sortie du tunnel" mais
pousse les ouvriers à s’adapter à des conditions
sociales plus difficiles, à s’habituer à une misère
plus forte. C’est parce qu’en fait la bourgeoisie n’a
aucun remède pour résoudre sa crise, aucun sort meilleur
à apporter aux ouvriers, qu’elle cherche à les entraîner
dans la passivité, pour les paralyser et les dissuader d’entrer
en lutte. Et si la bourgeoisie française se permet, du bout des
lèvres, d’afficher encore avec optimisme une "reprise
sans emplois", en même temps elle s’engage résolument
dans la voie du chantage et de l’intimidation pour accentuer sa
pression, pour imposer la poursuite de ses attaques qui participent
d’une offensive anti-ouvrière générale.
D’ores et déjà, la réduction massive des
budgets sociaux, la poursuite des suppressions des rares subsides que
l’Etat accordait encore aux ouvriers précipitent de plus
en plus de familles ouvrières dans la détresse. Après
le passage en force de la violente attaque sur les retraites en France
en 2003, le gouvernement est parvenu à imposer en souplesse pendant
l’été un train de mesures remettant en cause la Sécurité
Sociale qui donne le cadre pour de futures attaques beaucoup plus lourdes.
C’est en ce sens que, suite à une "indiscrétion"
savamment divulguée par le ministère de l’Economie
et des Finances montrant que, malgré les mesures du plan actuel,
il faudra encore combler un déficit évalué entre
7,5 et 15 milliards d’euros en 2007, le ministre de la Santé,
Douste-Blazy, a posé un jalon pour la prochaine étape
de cette attaque : l’institution d’une franchise sur
les soins médicaux à la charge de chaque assuré
de l’ordre de 100 euros par an.
De plus, les coups portés actuellement aux ouvriers se distinguent
particulièrement dans "la tendance" à l’allongement
de la durée du travail sans compensation salariale imposé
à travers un chantage à la délocalisation et aux
licenciements. Ces attaques viennent donner la dimension réelle
à la flexibilité maximum introduite par les 35 heures.
Il est d’ailleurs significatif que l’Allemagne, premier pays
qui avait eu recours à la semaine de 35 heures (voire de 32 heures
dans le cas de Volkswagen) sert aujourd’hui de modèle pour
imposer des heures supplémentaires sans compensation salariale
avec le même type de chantage (voir l’article sur Daimler-Chrysler
et Siemens en page 3). Ainsi, les 800 salariés de chez Bosch
à Vénissieux ont été contraints en juillet
dernier de signer, le couteau sous la gorge, sous peine de licenciement,
un avenant à leur contrat de travail, les obligeant à
travailler une heure de plus par semaine sans compensation salariale,
avec suppression d’un pont et d’un jour férié,
blocage des salaires, "gel" du plan d’intéressement
des salariés aux bénéfices de l’entreprise
pendant 3 ans et des horaires de nuit majorés de 20% au lieu
de 25%. Et encore, cette clause ne doit permettre de "sauver"que
190 emplois sur les 300 menacés. Dans la foulée, une série
d'entreprises ont repris cette "méthode". Entre autes
exemples :
La loi Aubry sur les 35 heures n’a nullement servi à créer
des emplois durables mais a donné une orientation qui a permis
d’introduire une flexibilité maximum dans les contrats de
travail. Elle avait également permis de développer une
hausse significative des cadences, de rogner sur les pauses tout en
masquant le poids du chômage et son ampleur, contrairement à
l’image mystificatrice avancée depuis des années
par la gauche qui cherche encore à présenter les 35 heures
comme un acquis social et qui tente de se faire mousser en criant à
la remise en cause de sa loi. Martine Aubry elle-même doit reconnaître
que "grâce aux 35 heures, nos entreprises ont gagné
de la flexibilité et du coup ont augmenté leur productivité."
(propos rapportés par Lutte Ouvrière du 9 juillet). L’extension
actuelle de l’attaque correspond au fait que, une fois la flexibilité
maximum introduite par les 35 heures, la bourgeoisie peut maintenant
se permettre de rallonger librement la durée du travail tout
en réduisant les coûts salariaux pour faire face à
la crise. Aujourd’hui, l’évolution de la crise pousse
la bourgeoisie à passer à un autre stade pour augmenter
la compétitivité des entreprises en rognant au maximum
sur les salaires (il s’agit d’ailleurs d’une nouvelle
directive du FMI, évoquée dans Le Nouvel Observateur du
19 juillet). Et le chantage à la délocalisation comme
à l’emploi apparaît donc comme une tendance générale
de l’évolution du capitalisme qui permet de faire baisser
partout le coût de la force de travail. Cette attaque frappe non
seulement les ouvriers des pays les plus développés mais
elle implique aussi une surexploitation renforcée et une misère
accrue pour les prolétaires du tiers-monde. Par ces méthodes,
la bourgeoisie pousse chaque prolétaire à se poser en
concurrent de ses frères de classe.
La dégradation des conditions de travail a entraîné
une augmentation sensible des accidents de travail et des maladies professionnelles
au cours de la dernière décennie. Selon un rapport publié
en 2002 par le Bureau International du Travail (BIT), on dénombrait
270 millions de victimes par an dans le monde en 2000 dont 2 millions
de cas mortels. Cette hausse serait selon lui imputable au fait que
le nombre de cas de cancers et de maladies respiratoires d'origine professionnelle
a fortement progressé. Le rapport notait également que
les arrêts de travail pour troubles respiratoires et musculaires
ainsi que les troubles psychiques (stress, harcèlement, dépressions
nerveuses) avaient explosé. Depuis, si d'autres chiffres n’ont
pas été publiés, il ne fait aucun doute que l’accélération
de la productivité et la logique capitaliste qui poussent à
négliger les normes de sécurité pour produire et
rentabiliser avec un coût de revient le plus bas possible n’ont
pu qu’aggraver cette situation.
La hausse constante du coût de la vie, la flambée du prix
des loyers et des produits de première nécessité,
contribuent également à la détérioration
des conditions d'existence.
L’élargissement de l’Europe ou la mondialisation est
invoquée comme responsable de la crise. L’Union européenne
sert ainsi à désigner de nouveaux boucs-émissaires
comme responsables de la crise. Comme naguère les "Arabes",
ce seraient les Tchèques ou les Polonais qui viendraient "manger
le pain des Français". La réalité, c’est
que la main-d’oeuvre d’Europe de l’Est ou dans les pays
soi-disant "émergents" principalement d’Asie ou
d’Amérique latine est amenée à accepter les
pires conditions de travail pour un salaire de misère incapable
même d’entretenir leur survie, c’est une pression, un
chantage énorme pour faire baisser partout les salaires.
La bourgeoisie a également recours à une série
de pièges idéologiques visant à faire croire qu’une
gestion différente pourrait changer la donne. Les syndicats,
les partis de gauche tout comme Attac mettent le plus souvent possible
l’accent sur la possibilité de trouver des solutions gestionnaires
pour continuer "à produire français" en élaborant
des plans de rechange pour sauver telle ou telle entreprise, ou réduire
le nombre de licenciements, "sauver des emplois" (GIAT-Industries,
Altadis, Alstom, Sony, etc.) qui n’ont d’autre fonction que
de chercher à masquer, auprès des ouvriers, la faillite
ouverte du capitalisme tandis que continuent de plus belle les plans
sociaux ou les fermeture d’entreprises avec ou sans rachat (Tati,
Nestlé-Perrier, Peugeot-Motocycles, etc.).
Les ouvriers sont poussés par ces mêmes syndicats et cette
même gauche à se battre contre la privatisation, pour la
défense du service public. Ceux-ci sont les premiers à
leur faire croire qu’ils doivent se réfugier sous l’aile
protectrice de l’Etat. On tend chaque fois des pièges qui
poussent les ouvriers vers la défense du service public et à
s’en remettre à l’Etat pour se défendre.
C’est non seulement une impasse mais un leurre qui prépare
le terrain à une recrudescence des attaques. On voit aujourd’hui
le résultat des "actions" animées et encouragées
par les syndicats en juin/juillet contre la réforme du statut
des employés d’EDF. Le caractère impopulaire des
coupures de courant à EDF et la paralysie des transports publics
qu’elles ont entraînées (alors que la mobilisation
et les "actions" dans ce secteur ont déjà été
utilisées il y a deux mois pour détourner l’attention
de toute la classe ouvrière des attaques sur la Sécurité
Sociale) resservent encore aujourd’hui à la bourgeoisie.
Elles lui ont permis d'entreprendre une vaste campagne d’intimidation
afin de tenter de dissuader un maximum d’ouvriers d’entrer
en lutte en préparant l’instauration d’un service minimum
dans l’ensemble des services publics.
En fait, non seulement l’Etat est un patron comme les autres mais
c’est aussi souvent l’Etat-patron qui donne le ton au développement
des attaques actuelles. Ainsi, on assiste à l’amputation
du budget et à la réduction des postes dans la fonction
publique (suppression de 8 à 10.000 emplois de fonctionnaires)
soi-disant grâce au non-remplacement d’un départ à
la retraite ou d’une mutation sur deux. La Poste projette de fermer
6.000 bureaux principaux appelés "de plein exercice"
sur 12.000 et de supprimer 60.000 emplois sur 289.000
salariés du secteur (20% des effectifs) d’ici 2012. A la
SNCF, la mise en place des guichets automatiques devrait entraîner
une large réduction des effectifs. D’ores et déjà,
les CDD employés pour aider les voyageurs dans les gares sont
privés de prime quand ils travaillent le week-end.
La classe ouvrière ne peut plus se permettre d’entretenir
la moindre illusion : le capitalisme non seulement est incapable
d’améliorer le sort des prolétaires mais l’avenir
qu’il leur réserve sera pire. Si la classe ouvrière
prêtait l’oreille et se laissait anesthésier par le
matraquage idéologique qui l’invite à toujours plus
de "sacrifices", cela ne constituerait qu’un encouragement
pour la bourgeoisie à taper toujours plus fort et plus violemment.
Seul le développement des luttes et l’union grandissante
des ouvriers peut permettre à la classe ouvrière de résister
et de freiner les attaques de la bourgeoisie. C’est le seul moyen,
pour elle, de prendre confiance en ses propres forces, de s’armer
efficacement pour le développement de ses combats de classe.
La classe ouvrière doit reprendre conscience qu’elle est
la seule classe porteuse d’un avenir pour toute l’humanité
en étant la seule capable d’assumer une transformation radicale
des rapports de production et des rapports sociaux.
Après l’attentat terroriste à Madrid le 11 mars 2004,
qui avait frappé au coeur de la population ouvrière se
rendant au travail, le terrorisme n’a jamais cessé de faire
de nouveaux ravages. En Irak, dans les premiers jours du mois d’août,
ce n’est pas moins de six explosions à la voiture piégée
qui ont frappé la communauté chrétienne à
Bagdad et à Mossoul, faisant au moins 10 morts et plusieurs dizaines
de blessés. Les deux premiers attentats ont visé à
Bagdad une église arménienne, et également une
église d’obédience syriaque, ailleurs c’est
un site chaldéen qui a été visé. En Palestine,
les bombes tombent, tout simplement, sur des maisons habitées
par une population sans ressource déjà réduite
à la misère. En Turquie, le 11 août, des attentats
ont visé des hôtels et un dépôt de gaz. Ceux-ci
ont été revendiqués par un groupe se proclamant "Brigade
Abou-Hafa Al Masri", rapporte le quotidien anglais The Independant.
Cette dernière aurait déclaré sur Internet : "Istanbul
n’est que le début de la guerre sanglante que nous avons
promise aux européens". Quels que soient réellement
les auteurs de ces atrocités à Istanbul, à Bagdad
ou à Madrid, ces attentats sanglants ont été calculés
pour semer la peur et la terreur. Le terrorisme en tant qu’arme
de guerre tend à se généraliser. Hier encore, arme
des Etats impérialistes les plus faibles, tels la Syrie ou la
Libye, il devient aujourd’hui l’apanage guerrier privilégié
de toutes les cliques militaires et autres seigneurs de la guerre qui
tendent à proliférer avec l’affaiblissement accéléré
des Etats nationaux. Cette tendance générale de la société
à la désintégration s’impose comme la réalité
barbare du capitalisme mondial en voie de décomposition.
Sous la direction de l’impérialisme américain, des
leaders politiques et religieux d’Irak se sont réunis le
dimanche 15 août à Bagdad afin de tenir la première
session d’une conférence nationale qui aurait pour objectif
officiel d’organiser la tenue d’élections dans ce pays
à l’horizon 2005. Selon The New York Times : "Les
Américains et l’actuel gouvernement irakien entendaient
démontrer, par cette conférence, que le processus électoral
pouvait suivre son cours en dépit des violences qui secouent
le pays." Cette perspective électoraliste est de fait vouée
à un échec total. Pour preuve, selon le quotidien new-yorkais : "Le
jour d’ouverture de la conférence aura été
davantage marqué par les appels à la fin des combats à
Nadjaf que par les futures élections." En effet, à
peine la conférence commencée, deux obus tombent à
proximité nécessitant de suspendre la rencontre. C’est
depuis le jeudi 5 août dernier, que la violence et le chaos ont
à nouveau connu une forte accélération dans tout
le pays. C’est à cette date que le chef radical chiite Moqtada-Al-Sadr
a déclaré "le Djihad (la guerre sainte) contre l’occupant
américain et les forces britanniques, après que ces derniers
eurent arrêté, la veille, quatre de ses hommes" rapporte
Al Hayat (Courrier International du 6 août). Depuis, l’armée
américaine, avec l’aval du gouverneur de la ville Al Zorfi,
assiège Nadjaf. Au moment où nous écrivons, les
hommes de Moqtada Al Sadr sont retranchés autour du mausolée
de l’Imam Ali, site religieux le plus sacré du chiisme mondial,
obligeant le cheikh Jawad Al-Khalessi imam de la grande mosquée
de Kadimiya à déclarer : "Pas plus ce pseudo-gouverneur,
ancien interprète de l’armée américaine choisi
par sa capacité à obéir aux ordres les plus fous,
que quiconque d’autre y compris les plus hautes autorités
religieuses n’a le droit d’autoriser des infidèles
à entrer au mausolée d’Ali." Les combats se
sont alors étendus également à Kout, Amara, Diwaniyah,
Nassiriyah et Bassorah, ainsi que dans le quartier chiite de Sadr City
à Bagdad. Il y aurait à ce jour plusieurs centaines de
morts du côté des miliciens chiites et deux seulement du
côté américain selon un communiqué de l’armée
américaine. Immédiatement tout le pays s’est couvert
de manifestations pro-Al Sadr et anti-américaine. L’Irak
est ainsi plongé en plein chaos et rien ne pourra l’en sortir.
Pas même l'intervention en personne du chef religieux suprême
de la communauté chiite, Al Sistani, pour appeler à un
cessez-le-feu qui ne peut être que provisoire. Les Etats-Unis
sont entraînés, qu’ils le veuillent ou non, dans une
fuite en avant guerrière, expression de leur incapacité
croissante à contrôler un tant soit peu la situation. Les
Etats-Unis conscients de l’accroissement de la résistance
à leur égard ont cherché, selon une proposition
du secrétaire d'Etat Colin Powell discutée en Arabie Saoudite,
d’impliquer militairement des Etats musulmans dans le bourbier
irakien. Cette tentative qui démontre encore une fois l’impasse
totale dans laquelle se trouve l’impérialisme américain,
est immanquablement vouée à l’échec. Le ministre
égyptien des affaires étrangères n’a pas mis
longtemps pour déclarer que l’Egypte n’enverrait pas
de troupes. Le retrait des troupes américaines de Nadjaf serait
un aveu total d’impuissance de leur part et un encouragement fantastique
à la guerre à leur égard. Par ailleurs, la prise
de Nadjaf et du haut lieu du culte chiite de la ville provoquerait un
véritable séisme dans l’ensemble du monde chiite
et musulman. Ce serait inévitablement un facteur très
important de l’accélération de la contestation américaine,
de la guerre, du chaos, et du terrorisme dans l’ensemble de la
région. Quelle que soit la suite des évènements
liés au siège de Nadjaf, l’impérialisme américain
ne pourra se retrouver que face à une radicalisation encore plus
grande de la violence et de la résistance des Chiites non seulement
en Irak mais, également, dans l’ensemble des pays arabes
où ils sont présents.
Dans ce panier de crabes où chacun ne défend que ses propres
intérêts impérialistes, il est certain que l’Iran
n’est pas étranger ni politiquement, ni militairement à
la révolte chiite en Irak. C’est pour cela que nous avons
vu, ces derniers temps, une série de menaces provenir de Washington
et de l’administration américaine. Colin Powell lui même,
le 1er août dernier, de Bagdad, a accusé l’Iran de
se mêler aux affaires irakiennes. La guerre en Irak ne manque
pas d’affecter ainsi l’ensemble de la région, du Kurdistan
à la Turquie en passant par l’Iran : toute la région
est happée progressivement dans un processus de déstabilisation
et de chaos. En Irak, les Etats-Unis étalent ouvertement aux
yeux du monde entier leur affaiblissement accéléré
en tant que première puissance impérialiste mondiale.
Cet état de fait ne peut que réjouir et renforcer la détermination
de ses principaux concurrents sur l’arène mondiale, tels
la France, l’Allemagne ou même la Russie.
La campagne anti-Iran menée par les Etats-Unis et relayée
par Israël se matérialise également sur la question
de son programme nucléaire. Lors d’une conférence
de presse en août dernier, le ministre de la défense américaine
D.Rumsfeld a déclaré : "L’Iran a été
sur la liste des Etats terroristes pendant plusieurs années et
une des grandes inquiétudes du monde concerne les liens entre
un Etat terroriste qui possède des armes de destruction massive
et des réseaux terroristes. Il est compréhensible que
les nations, non seulement dans la région, mais dans le monde
entier, soient profondément inquiètes." Il est impossible
d ‘exclure la possibilité que dans sa fuite en avant
guerrière, le prochain pas de l’impérialisme américain
puisse se faire en Iran. Même si les Etats-Unis, particulièrement
affaiblis, auraient intérêt dans l’avenir à
s’appuyer sur l’Iran, rejoignant dans cette politique suicidaire
et toujours plus barbare l’Etat israélien, un article du
Sunday Times du 15 juillet cite "des sources israéliennes"
selon lesquelles Israël "a achevé ses répétitions
pour une frappe contre l’Iran" et "ne permettra en aucun
cas que des réacteurs iraniens, notamment celui de Bushehr, en
construction avec l’aide des Russes, atteignent le niveau critique…Dans
le pire des cas, si les efforts internationaux échouent, nous
sommes tout à fait confiants que nous pourrons démolir
d’un coup les aspirations nucléaires des ayatollahs."
Cette politique guerrière de fuite en avant se manifeste également de manière barbare au Moyen-Orient. Une des conséquences majeures du développement du chaos dans cette partie du monde est l’éclatement en cours de l’Autorité palestinienne. Celle-ci a été créé dans la foulée des accords d’Oslo, qui ont accordé en 1993 un embryon d’autonomie aux territoires palestiniens. Elle représentait le socle du futur Etat palestinien, qui devait se concrétiser au bout d’une période transitoire de cinq ans. Cette perspective illusoire d’une stabilisation du Moyen-Orient s’est transformée en une situation radicalement contraire, faite de massacres, d’assassinats, de bombardements et d’attentats permanents, d’où aucun Etat palestinien ne pourra sortir. C’est la décomposition avancée de cette partie du monde, sous la poussée de la politique expansionniste et guerrière d’Israël qui fait perdre à l’Autorité palestinienne ses derniers attributs de puissance. Même si Arafat essaie encore de sauvegarder sa place en tant que président de cette Autorité, cela n’empêche pas ses acolytes de se disputer de plus en plus violemment les attributs du pouvoir. L’Autorité palestinienne, minée par la corruption, laisse ainsi libre cours à ses tensions internes, produit de l’impuissance totale de la bourgeoisie palestinienne. Et même si la "brouille" entre le leader palestinien Yasser Arafat et son premier ministre actuel Ahmed Qorei a pu se résoudre momentanément, rien ne pourra éviter dans l’avenir l’éclatement de l’Autorité palestinienne et la poursuite du développement de bandes armées radicalisées utilisant le désespoir des populations pour se lancer dans des actions terroristes toujours plus suicidaires et aveugles. L’Etat israélien, sous la houlette de l’administration Sharon, ne peut en effet que poursuivre sa politique guerrière visant à écraser toute résistance palestinienne et à poursuivre la colonisation totale de la Cisjordanie. A cet effet, l’Etat israélien continue de manière accélérée la construction du mur autour de la Cisjordanie, transformant cette région en un immense camp de concentration. La contestation de Sharon au sein de son propre parti et son désir d’impliquer la gauche israélienne de S.Perez au gouvernement, tout en traduisant l’affaiblissement de la cohésion de la structure étatique israélienne, ne pèseront d’aucun poids dans la politique guerrière de l’Etat hébreu. Les évènements au Moyen-Orient contiennent tous les ingrédients susceptibles de provoquer une déstabilisation de l’ensemble de la région, de la Jordanie au Liban en passant par l’Egypte et l’ensemble des pays du golfe arabique. Mais encore, l’altercation entre le président de la République française, Jacques Chirac, et Sharon à propos des menaces qui existeraient à l'encontre de la communauté juive en France, démontre que la montée des tensions impérialistes affecte également gravement les relations entre la France et Israël, relayant ainsi les tensions franco-américaines.
L’affaiblissement accéléré des Etats-Unis en tant que première puissance impérialiste du monde ne peut qu’encourager toutes les autres puissances, et en premier lieu la France et l’Allemagne, à défendre leurs propres intérêts, poussant autant que possible les Etats-Unis à s’enliser dans des bourbiers militaires tels que l’Irak actuellement. Cette situation de développement permanent de foyers de guerres, de massacres, de génocides et d’attentats est en elle-même un facteur d’accélération de l’ensemble du chaos mondial et donc de la décomposition de la société capitaliste. Aucun changement d’équipe gouvernementale en Israël, aux Etats-Unis ou ailleurs ne peut modifier une telle perspective. L’arrivée éventuelle de Kerry à la tête du gouvernement américain avec le départ de Bush ne changera fondamentalement en rien cette réalité : la politique impérialiste de fuite en avant des Etats-Unis. "Invoquer l’incompétence de tel ou tel chef d’Etat comme étant la cause des guerres, permet à la bourgeoisie de masquer la réalité, de cacher l’effroyable responsabilité que porte le capitalisme décadent et avec lui l’ensemble de la classe bourgeoise mondiale" ( "Le véritable responsable, c’est le capitalisme", Revue internationale N°115). C’est l’ensemble du capitalisme mondial confronté à l’accélération de sa crise économique qui sombre implacablement dans la décomposition et le chaos.
Tino (26 août)Mi-juillet, Daimler a posé un ultimatum à ses employés de Sindelfingen-Stuttgart (Bade-Würtemberg) : soit ils acceptent de sacrifier certains de leurs "avantages"[1] permettant d’obtenir des réductions de coûts de production, soit la fabrication de la nouvelle Mercedes classe-C sera transférée à Brême et à East London (en Afrique du Sud).
En réponse, le syndicat de la métallurgie IG Metall a appelé, le 15 juillet, à des grèves et des manifestations de protestation des salariés de Daimler. Le syndicat justifiait son «attitude combative» par le fait que l’entreprise avait fait 5,7 milliards d’euros de bénéfices l’an dernier.
Soixante mille ouvriers de chez Daimler, principalement les équipes du matin, se mirent en grève et manifestèrent dans toute l’Allemagne[2] où ils reçurent le soutien des populations locales. La participation des ouvriers à Brême, où pourtant étaient supposés arriver 6000 des emplois pouvant être supprimés à Stuttgart, ne fut ni moins nombreuse ni moins combative qu’ailleurs.
Cette journée d’action a montré une colère considérable, mais aussi de réels sentiments de solidarité dans les rangs ouvriers. Dans les manifestations, les ouvriers ont souvent dénoncé le développement d’un chantage du même type dans d’autres entreprises et les tentatives d’imposer davantage d’heures travaillées sans compensation salariale. Pour eux, l’enjeu était de briser la logique patronale illustrée par l’accord intervenu chez Siemens dans les usines de Bocholt et Kamp-Lindfort impliquant un retour aux 40 heures «en échange» de la non-délocalisation en Hongrie.
Durant cette journée d’action, le gouvernement et les politiciens ont commencé à faire pression sur Daimler pour que la direction arrive à un accord rapidement en faisant un geste de bonne volonté consistant à accepter 10% de diminution des salaires directoriaux. Le mouvement de protestation se poursuivit avec 12.000 ouvriers en grève le 17 juillet à Sindelfingen et des manifestations dans la région de Stuttgart dès le début de la semaine suivante. Des ouvriers d’autres usines de Stuttgart, et même les porte-parole d’une «initiative des ouvriers employés précaires», auraient participé à ces manifestations (bien que nous supposons qu’il se soit agi, pour l’essentiel, de délégués syndicaux).
Des négociations s’ouvrirent le jeudi 24, l’IG Metall «menaçant» d’appeler les 160.000 employés de Daimler à la grève si un accord n’était pas conclu. Il fut signé le vendredi, satisfaisant toutes les exigences de la direction en échange de la «garantie de l’emploi» jusqu’à la fin de 2011.
Il va de soi que les médias, le patronat et les syndicats saluèrent cet accord comme une victoire de la raison et un modèle pour sauver l’emploi en Allemagne. La réaction des ouvriers fut différente, montrant une grande colère. Des ouvriers protestèrent énergiquement contre le fait que le syndicat et le conseil d’usine avaient signé un tel accord en leur nom, ce pour quoi ils n’étaient pas habilités. Mais de telles scènes ne furent évidemment pas montrées aux informations télévisées du soir.
Il est clair que les ouvriers ont subi une défaite et qu’ils savent que les syndicats y sont pour quelque chose. Si, durant le mouvement, il ne semble pas y avoir eu la moindre contestation des syndicats, suite à cette défaite, une première réflexion sur leur rôle est à même de se développer dans un bastion syndical comme Daimler où les ouvriers sont adhérents à l’IG Metall à environ 90%.
Notre section en Allemagne
est intervenue à travers un tract dans ces luttes. Nous en reproduisons
ci-dessous l’essentiel.
(Ici voir ri349/tract_CCI_solidarite.htm
)
[1] La «pause-pipi» de 5 minutes toutes les heures ; la méthode de décompte des heures supplémentaires de nuit, permettant que soit payée une heure de plus que dans les autres usines de Mercedes. De plus, par rapport à leurs collègues de Brême, ils bénéficient de trois jours de congés annuels supplémentaires.
[2] Daimler emploie 160 000 ouvriers dans toute l’Allemagne, dont 41 000 à Sindelfingen et 15 500 à Brême, 20 900 à Untertürkheim, également dans la région de Stuttgart, et 5200 à Düsseldorf.
Le patronat semble avoir obtenu ce qu’il recherchait. Des millions de salariés ont été envoyés en vacances avec la nouvelle que la plus grande compagnie européenne industrielle, sur le site de Mercedes à Stuttgart-Sindelfingen, est en train de faire des économies sur les coûts de production, à hauteur d’un demi-million d’euros, aux dépens de ses employés. On veut nous faire bien savoir que, même là où les entreprises ont fait des profits, les ouvriers sont impuissants face au chantage à la délocalisation de la production et sous la menace de licenciements massifs. Pendant la période des vacances, nous sommes supposés nous résigner devant l’obligation de travailler plus pour des salaires moindres. Précisément au moment où les forces ouvrières sont dispersées pendant les vacances d’été, où, dans l’isolement, le sentiment d’impuissance est particulièrement ressenti, ils veulent nous faire croire qu’une brèche a été ouverte. Une brèche aux dépens des ouvriers qui ne concerne pas que les ouvriers de Daimler-Chrysler, mais tous les esclaves salariés.
Quelques semaines seulement après que le personnel des usines
de Siemens à Bocholt et Kamp-Linfort eût cédé
au chantage le forçant à accepter un retour à la
semaine de 40 heures sans aucune compensation de salaire ; après
la décision prise en Bavière pour allonger la journée
de travail sans compensation salariale, y compris dans le secteur public,
le patronat a commencé à réclamer – selon
les cas – l’allongement de la semaine de travail à
40, 42, voire 50 heures. A Karstadt, par exemple (dans un secteur commercial),
on a dit aux employés : soit vous travaillez 42 heures,
soit 4000 emplois seront supprimés. Que ce soit dans le secteur
de la construction, chez Man ou chez Bosch, partout la même exigence
a été mise en avant.
L’expérience des semaines passées confirme ainsi
ce que de plus en plus de travailleurs commencent à ressentir :
l’économie de marché (avec ou sans le discours «social»)
n’a rien à offrir que la paupérisation, l’insécurité
et la misère sans fin.
En plus de la reconnaissance amère mais nécessaire de
cette réalité, d’autres leçons des conflits
des semaines passées doivent être tirées et assimilées.
Suite aux luttes à Daimler-Chrysler, la classe dominante veut
nous amener à penser que cela ne sert à rien d’opposer
une résistance, que la logique de la compétition capitaliste
s’imposera d’une façon ou d’une autre et qu’il
est donc préférable de se soumettre au point de vue selon
lequel, après tout, les exploiteurs et les exploités sont
dans le même bateau, pour «maintenir l’emploi en Allemagne».
Du point de vue de la classe ouvrière, ce sont des conclusions
tout à fait différentes qui doivent être tirées.
Plus de 60.000 ouvriers de Daimler-Chrysler ont participé
ces dernières semaines à des grèves et à
des actions de protestation. Des ouvriers de Siemens, Porsche, Bosch
et Alcatel ont participé à des manifestations à
Sindelfingen. Ces actions montrent que les ouvriers ont commencé
à reprendre le chemin de la lutte. Face à la perspective
d’une aggravation de la souffrance et de la misère pour
les ouvriers du monde entier dans les années à venir,
le plus important n’est pas que, une fois de plus, les capitalistes
se soient organisés pour imposer leur volonté mais bien
le fait que, cette fois-ci, les attaques n’ont pas été
acceptées passivement.
Daimler-Chrysler a joué consciemment la carte de la division
entre les ouvriers des différentes usines, en menaçant
de suppressions d’emplois les sites de Sidelfingen, Untertürkheim
et Mannheim au profit de celui de Brême avec le déplacement
vers ce dernier, à partir de 2007, de la production des nouveaux
modèles de classe-S. Le fait que les salariés de Brême
aient participé aux manifestations de protestation contre les
baisses de salaires, contre l’allongement du temps de travail et
l’élimination de sites dans le Bade-Würtemberg a certainement
constitué l’élément le plus important de ces
luttes. En faisant en partie échec à la stratégie
du patronat, ceux-ci ont, par leur action, mis en évidence que
la réponse ouvrière à la crise du capitalisme ne
se trouve que dans la solidarité ouvrière. Cette solidarité
est la force qui rend possible la lutte et qui lui donne toute sa signification.
La classe dominante veut nous donner l’impression que la lutte
chez Mercedes ne l’a pas du tout impressionnée. Mais si
l’on examine attentivement les événements des derniers
jours, on s’aperçoit alors que la classe dominante a, en
réalité, été très attentive à
l’expression de la résistance de la classe ouvrière.
Elle craint en effet par-dessus tout que les dépossédés
prennent conscience que la solidarité est non seulement l’arme
la plus efficace au service de la défense de leurs propres intérêts,
mais aussi contient le principe fondamental d’un ordre social supérieur
alternatif à la société actuelle.
Ce n’est pas un hasard si, immédiatement après le
retour aux 40 heures hebdomadaires chez Siemens dans la région
de la Ruhr, un autre défi énorme et public allait être
lancé aux ouvriers de Daimler-Chrysler. Siemens a servi d’avertissement
aux ouvriers : partout où ils seront menacés de fermetures
d’usines, il leur faudra accepter des conditions de travail et
de salaires aggravées, et davantage d’heures de travail.
Chez Mercedes à Stuttgart, il n’était pas question
–pour le moment- de fermer l’usine, celle-ci étant
encore considérée comme efficace et rentable. Daimler-Chrysler
a été choisi pour lancer un second message : l’aggravation
sans limite de l’exploitation ne doit pas seulement s’appliquer
là où l’entreprise ou l’usine est acculée
le dos au mur. Toutes les entreprises sont concernées. Daimler-Chrysler
constitue précisément la vitrine de l’industrie allemande :
la plus grande concentration de la classe ouvrière industrielle
en Allemagne, au cœur du Bade-Würtemberg avec ses centaines
de milliers d’ouvriers de l’industrie. La signification du
message fort et clair des capitalistes est la suivante : si la
fraction de la classe ouvrière la plus forte, connue pour son
expérience de la lutte et sa combativité, ne peut s’opposer
à de telles mesures, alors la classe ouvrière nulle part
ailleurs en Allemagne ne le pourra.
Ce n’est pas un hasard si le patronat a réuni ses forces
dans ce qui est appelé des syndicats d’employeurs. Ceux-ci
leur permettent de coordonner leurs efforts contre la classe ouvrière.
De plus, ces organismes sont intégrés dans l’appareil
d’Etat. Ceci signifie que la stratégie du patronat est liée
à une stratégie globale qui est dirigée par le
gouvernement aux niveaux national et régional, et donc à
la social-démocratie au pouvoir. Au sein de cette stratégie,
une sorte de division du travail s’opère entre le gouvernement
et les entreprises. La plupart des réformes décidées
par le gouvernement fédéral et directement mises en application
par l’Etat sont habituellement programmées durant la première
moitié du mandat. Ainsi, ces deux dernières années
ont vu la mise en place des attaques les plus incroyables contre le
niveau de vie des ouvriers : la «réforme de la santé»,
la législation «Hartz» contre le chômage, «l’assouplissement»
des lois sur la protection des chômeurs, etc. A présent,
dans la période conduisant aux prochaines élections générales,
le SPD n’est pas mécontent de laisser le patronat prendre
l’initiative des attaques, avec l’espoir que la population
continuera à s’identifier avec l’Etat, à aller
voter, et à ne pas perdre totalement confiance dans la social-démocratie.
Il ne faut donc pas être dupe des déclarations du SPD soulignant
ses sympathies avec les ouvriers de Daimler-Chrysler. En réalité,
les attaques actuelles sont directement liées aux «réformes»
du gouvernement fédéral. Ce n’est certainement pas
une coïncidence si l’envoi très médiatisé
d’un nouveau questionnaire aux chômeurs (destiné à
identifier et utiliser leurs ressources financières propres et
celles de leurs familles afin de diminuer leurs allocations) a surgi
au moment même où les attaques contre Daimler se développaient.
La fusion des allocations chômage de longue durée avec
l’aide sociale minimum, ainsi que la surveillance et le contrôle
renforcés des chômeurs, servent à «soulager»
le budget de l’Etat de la charge des plus pauvres parmi les pauvres.
Mais il sert aussi à intensifier l’efficacité de
tous les moyens possibles de chantage contre ceux qui ont encore un
emploi. Pour ceux-ci, il doit être clair que s’ils élèvent
la voix et n’acceptent pas tout ce qu’on leur demande, alors
ils seront eux-mêmes plongés dans une pauvreté sans
fond.
Mais le fait que les attaques du capital ne soient pas acceptées
sans combat est attesté non seulement par les mobilisations à
Daimler, mais aussi par la façon dont la classe bourgeoise y
a réagi. Il est devenu rapidement évident que les politiciens,
les syndicats, le conseil syndical d’usine, mais aussi le patronat,
avaient réalisé que le conflit à Daimler devait
être résolu aussi rapidement que possible. La stratégie
capitaliste fut, au début, orientée de façon à
opposer les ouvriers de Sttutgart à ceux de Brème. La
résistance des ouvriers du Sud-Est de l’Allemagne, plus
confiants en eux-mêmes et immédiatement attaqués,
était attendue. Mais ce qui surprit fut l’enthousiasme avec
lequel les ouvriers de Brème participèrent au mouvement.
Le spectre de la solidarité ouvrière, longtemps considérée
comme morte et enterrée, ou tout au moins déclarée
comme telle, menaçait de revenir. Face à cela, les représentants
du capitalisme devinrent visiblement nerveux.
Aussi, les porte-parole des partis politiques représentés
au parlement –y compris les libéraux du FDP, le parti auto-déclaré
des riches– commencèrent à interpeller la direction
de Daimler-Chrysler pour qu’elle consente à accepter une
diminution de ses appointements. Bien sûr, une telle mesure n’était
que poudre aux yeux. La direction décidant de ses salaires, elle
a toujours le pouvoir de compenser de telles «diminutions».
De plus, ce n’est pas cela qui va aider les ouvriers à payer
l’éducation de leurs enfants ou leur loyer.
Pourquoi les dirigeants politiques ont-ils appelé une direction
patronale à de tels gestes ? Pour propager l’idéologie
du partenariat social, risquant d’être mise à mal
par un conflit social.
C’est pour la même raison que les politiciens ont déchaîné
leurs critiques contre l’arrogance des patrons. Ce qu’il y
a de problématique dans la situation présente où
les patrons assument seuls les attaques, tandis que l’Etat, se
déguisant en force neutre, essaie de rester dans l’ombre,
c’est quand cela devient visible. Des patrons comme Schremp ou
Hubbert n’ont pas la finesse de la social-démocratie quand
il s’agit d’infliger une défaite exemplaire à
la classe ouvrière tout en évitant de trop la provoquer.
La classe dominante redoute par-dessus tout que les ouvriers commencent
à trop penser à leur propre lutte et aux perspectives
de leur vie dans le capitalisme. Dans ce contexte, les critiques faites
par le chancelier Schröder sont significatives : «Mon
avis est de laisser ces problèmes au sein des entreprises, et
d’en parler aussi peu que possible.» (souligné par
nous)
Depuis que le stalinisme s’est effondré –forme de
capitalisme d’Etat particulièrement inefficace, rigide et
hyper réglementée– il a été répété
à satiété qu’il n’y a plus aucune perspective
pour le socialisme et que la lutte des classes et la classe ouvrière
n’existaient plus. Mais rien n’est plus probant que de grandes
luttes de la classe ouvrière pour montrer au monde que, ni la
classe ouvrière, ni la lutte des classes ne sont des choses du
passé.
Nous ne voulons pas surestimer les luttes à Daimler. Elles ne
sont pas suffisantes pour empêcher que soit ouverte une nouvelle
«brèche» capitaliste dans les conditions de vie des
ouvriers. D’abord parce que le conflit est resté essentiellement
limité aux ouvriers de Daimler. Toute l’histoire montre
que seule l’extension de la lutte aux autres fractions de la classe
ouvrière est capable, même temporairement, de faire reculer
la bourgeoisie. De plus, cette lutte n’a, à aucun moment,
commencé à remettre en cause le contrôle syndical.
L’IG Metall et le conseil local d’usine se sont montrés,
une fois encore, maîtres dans l’art de mettre au centre des
questionnements ce qui «distinguait» la situation des ouvriers
de Mercedes de celle d’autres ouvriers : la rentabilité
des uns vue comme leur «propre» problème, les réserves
des carnets de commandes comme l’affaire de chaque usine, l’efficacité
plus prisée des ouvriers métallurgiques du Bade-Würtemberg.
Cela a permis que soit enrayée une solidarité plus active,
plus forte. Les médias, de leur côté, ont enfourché
le même thème en mettant en avant la jalousie existant
à l’encontre des ouvriers de Daimler, présentés
comme étant particulièrement privilégiés.
Il était frappant, par exemple, de voir les médias rendre
compte quotidiennement de la situation à Sindelfingen (où
les passages pour piétons faits de marbre n’ont pas manqué
d’être mentionnés) alors que la situation à
Brême (où les éléments de solidarité
étaient plus explicitement présents) était totalement
passée sous silence.
Bien avant même que ne soient devenues publiques les exigences
de la direction de faire un demi-million d’économies annuelles,
le conseil d’usine avait déjà proposé une
austérité de l’ordre de 180 millions d’euros
par an. Et dès que la direction a accepté la mise en scène
consistant à «participer aux sacrifices», l’IG
Metall et le conseil d’usine ont exprimé un «accord
global» pour un plan satisfaisant en tous points les exigences
de la direction mais présenté comme une victoire pour
les ouvriers puisque permettant prétendument la «garantie
de travail» pour tous.
Ce n’est pas parce qu’ils seraient l’incarnation du diable
que les syndicats divisent les ouvriers et défendent les intérêts
de l’entreprise aux dépens des exploités, mais parce
qu’ils font partie depuis longtemps du capitalisme et sont partie
prenante de sa logique. Cela signifie par contre que la solidarité
ouvrière, l’extension des luttes, ne peuvent être
réalisées que par les ouvriers eux-mêmes. Ceci exige
des assemblées de masse souveraines, un mode de lutte dirigé
vers la participation directe de différents secteurs des ouvriers
au travail et des chômeurs. Cela ne peut être réalisé
qu’en dehors et contre les syndicats.
Nous sommes encore loin d’une telle pratique de lutte autonome
fondée sur la solidarité active. Cependant, déjà
aujourd’hui, sont perceptibles les germes de ces combats futurs.
Les ouvriers de Daimler étaient eux-mêmes tout à
fait conscients qu’ils ne se battaient pas que pour eux-mêmes
mais pour les intérêts de tous les ouvriers. Il est aussi
incontestable que leur lutte – malgré les campagnes haineuses
sur les privilèges accordés à Sindelfingen- a rencontré
la sympathie de la classe ouvrière dans son ensemble, ce qui
ne s’était pas vu depuis la grève de Krupp Rheinhausen
en 1987.
A l’époque, les ouvriers de Krupp avaient commencé
à poser la question de l’extension active de la lutte vers
d’autres secteurs et à remettre en cause le contrôle
syndical sur la lutte. Le fait qu’aujourd’hui ces questions
ne soient pas encore réellement posées montre tout le
terrain que la classe ouvrière a perdu ces quinze dernières
années, en Allemagne comme dans le reste du monde. Mais, d’un
autre côté, des combats comme celui de Krupp, ou celui
des mineurs britanniques, avaient signifié la fin d’une
série de luttes ouvrières qui a duré de 1968 à
1989 et qui a été suivie d’une longue période
de reflux. Les luttes actuelles, au contraire, que ce soit dans le secteur
public en France et en Autriche l’an passé, ou maintenant
à Daimler, sont le début d’une nouvelle série
de luttes sociales importantes. Elles se développeront de façon
plus difficile et plus lente que par le passé. Aujourd’hui,
la crise du capitalisme est beaucoup plus avancée, la barbarie
générale du système beaucoup plus visible, la calamité
menaçante du chômage bien plus omniprésente.
Mais aujourd’hui, bien plus que ce ne fut le cas à Krupp-Rheinhausen,
la grande vague de sympathie pour les ouvriers en lutte qui a gagné
la population est plus directement liée à la reconnaissance,
qui se fait jour progressivement, de la gravité de la situation.
La classe dominante et ses syndicats s’activent à présenter
l’allongement de la durée de travail imposée comme
une mesure temporaire afin de garder des emplois jusqu’à
ce que «la compétitivité ait été retrouvée».
Mais les ouvriers commencent à comprendre que ce qui se passe
est beaucoup plus fondamental que cela. En effet ! Ce sont les
acquis, pas seulement de décennies mais de deux siècles
de luttes ouvrières qui sont menacés d’être
liquidés. Ce qui se passe, c’est que la journée de
travail, comme aux débuts du capitalisme, s’allonge de plus
en plus mais dans les conditions de travail du capitalisme moderne,
avec l’enfer de l’intensification du travail. Il se passe
que, de plus en plus, la force de travail humaine, en tant que source
des richesses de la société, est dépréciée
et est à long terme vouée à disparaître.
Tout cela ne constitue pas le signe de la naissance douloureuse d’un
nouveau système, mais est au contraire l’expression d’un
capitalisme moribond qui est devenu un obstacle au progrès de
l’humanité. A long terme, les efforts incertains d’aujourd’hui
vers une résistance ouvrière, vers le retour à
la solidarité, vont de pair avec une réflexion en profondeur
sur la situation. Ceci peut et doit conduire à remettre en question
ce système barbare, dans la perspective d’un système
social supérieur, socialiste.
Le Soudan en tant qu’Etat national est le produit de la lutte
des puissances coloniales pour se répartir l’Afrique au
19e siècle. C’est l’impérialisme anglais qui
réalisa cette création dans le but, d’une part de
stopper l’avancée de ses rivaux français, allemands,
et italiens, et d’autre part pour asseoir sa domination sur le
Nord, le Centre et l’Est de l’Afrique. Le Soudan a des frontières
avec l’Egypte, la Libye, le Kenya et l’Ouganda, tous ces pays
étaient d’anciennes colonies britanniques. Ce pays avait
également des frontières avec les colonies rivales de
l’Angleterre : le Congo belge, le Tchad sous contrôle
de la France et l’Abyssinie (Ethiopie) gouvernée par l’Italie.
Pour imposer sa loi, l’impérialisme anglais écrasa
sans pitié la population qui s’était soulevée,
comme lors de la bataille d’Omdurman en 1898 quand des rebelles,
armés de façon rudimentaire, furent massacrés par
les armes sorties des dernières technologies de l’impérialisme
britannique «démocratique et civilisateur.»
Dans la redistribution impérialiste qui a suivi la Seconde Guerre
mondiale, l’impérialisme britannique fut obligé d’abandonner
son empire africain. A cette époque, l’Afrique devint l’un
des principaux champs de bataille de la période de la guerre
froide entre le bloc américain et le bloc soviétique.
Le Soudan était pleinement partie prenante de cette situation
surtout à partir des années 1960. Profitant du mécontentement
des fractions nationalistes du Sud, le bloc russe tenta de déstabiliser
les fractions pro-américaines au pouvoir. Ce soutien devint plus
marqué lorsque la partie pro-russe de la bourgeoisie éthiopienne
renversa Haïlé Selassié au début des années
1970. La principale fraction du Sud, l’armée de libération
du peuple soudanais (ALPS) était armée et entraînée
en Ethiopie.
En riposte, les Etats-Unis et le bloc de l’Ouest armèrent
et instruisirent l’Etat soudanais non seulement pour réprimer
l’ALPS mais encore pour soutenir les forces rebelles en Ethiopie.
Dans les années 1990, après la chute du mur de Berlin,
le gouvernement soudanais essaya de se débarrasser de la tutelle
américaine et de mener sa propre politique impérialiste.
A nouveau aujourd’hui, contrairement à ce que voudrait nous
faire croire la bourgeoisie, ce génocide n’a pas pour cause
essentielle la confrontation entre des groupes ethniques depuis bien
longtemps opposés. On veut nous expliquer que cette guerre oppose
deux tribus principales : d’un côté les négro-africains
(Fours, Zaghawas, etc..) et, de l’autre, des tribus d’origine
arabe en oubliant cyniquement de préciser que ces ethnies sont
entièrement armées et manipulées par différentes
puissances impérialistes, petites et grandes. Cette nouvelle
généralisation des combats se développe en effet
au moment où l’impérialisme américain pensait
avoir réussi à contrôler le Soudan. C’est depuis
l’attentat terroriste de 2001 à New York et dans le cadre
de leur campagne «guerre totale au terrorisme», que les
Etats-Unis ont entrepris de tenter de mettre au pas le gouvernement
central de Khartoum, prétextant pour cela leur lien avec le terrorisme
international. L’impérialisme américain avait notamment
réussi à imposer un cessez-le-feu et à faire signer
«un accord de paix définitif» entre le gouvernement
et le principal mouvement rebelle du Sud-Est (ALPS) de John Garang.
Mais après comme avant le «plan de paix», le gouvernement
et les fractions rebelles s’étaient déjà pleinement
impliqués dans le conflit du Darfour, démontrant ainsi
ouvertement l’incapacité de l’impérialisme américain
d’imposer sa loi au Soudan.
En effet, le Darfour, région de la taille de la France, est
ensanglanté par une guerre opposant une rébellion locale
soutenue par l’ALPS et sans aucun doute le Tchad, aux milices Janjawid
soutenues par le gouvernement de Khartoum. Face à l’échec
de leur politique en direction du gouvernement central, la Maison Blanche
a immédiatement réagi : «le voyage de
C.Powell, le premier d’un haut responsable américain au
Soudan depuis vingt-cinq ans, est intervenu au moment où les
Etats-Unis lançaient un projet de résolution censé
infliger des sanctions aux milices gouvernementales, qui sont accusées
de meurtres et de viols de villageois au cours des seize derniers mois»,
note The Washington Post (Courrier International du 24 août 2004).
Villepin, pour la France, puis Kofi Annan, pour l’ONU, se sont
à leur tour précipités afin d’apporter leur
«bonne parole», ouvrant ainsi la porte à l’envoi
de forces militaires françaises à la frontière
du Tchad et du Soudan. «Malgré la suspicion des pays arabes
autour de l’intervention éventuelle de forces occidentales
dans le Darfour, le Tchad et l’Egypte, deux pays voisins du Soudan
se sont félicités de la décision de la France.»
( Courrier International du 3 août). Quant à la Grande-Bretagne,
ne pouvant rester en dehors de cette vaste foire d’empoigne entre
requins impérialistes, elle s’est déclarée
prête, par l’entremise de son premier ministre Tony Blair
à «envoyer 5000 hommes dans le Darfour si Khartoum le lui
demande. « (Courrier International du 24 août). C’est
bien avec le plus grand cynisme que les grandes puissances impérialistes
du monde, utilisant le sang des populations civiles à travers
des guerres permanentes et des génocides à répétition,
s’affrontent continuellement en Afrique centrale et de l’Est.
Tous les pays y sont aujourd’hui livrés à l’anarchie
et au pillage : Centre-Afrique, RDC, Côte-d’Ivoire,
Ouganda, Burundi, Angola…Les alliances entre Etats autochtones
et autres seigneurs de la guerre s’y modifient perpétuellement
en fonction des offres les plus alléchantes des différentes
grandes puissances : du Tchad d’Idriss Deby aujourd’hui
plutôt soutenu par la France au boucher Kadhafi qui s’est
rapproché ces derniers temps des Etats-Unis. En fin de compte,
au Darfour comme ailleurs en Afrique noire, il y a bien la sale présence
permanente des grands vautours impérialistes dans toutes les
zones en conflits.
Le Soudan se trouve ainsi au milieu d’un affrontement inter-impérialiste
entre bandes armées locales, petits et grands impérialistes
dont la population civile ne pourra que continuer à faire les
frais. Dans une situation où personne ne peut imposer sa loi
et en premier lieu les Etats-Unis, la porte est ouverte aux pires exactions,
au chaos et à l’anarchie. Le Soudan vient à son tour
confirmer que l’affaiblissement accéléré de
l’autorité de la première puissance impérialiste
du monde contribue fortement à l’accélération
à l’échelle de la planète, de conflits qui,
comme sur l’ensemble du continent africain, ne peuvent que concourir
à une décomposition sociale et à une barbarie toujours
plus monstrueuses.
Nous publions ci-dessous
la première partie du compte-rendu d'une réunion publique du Bureau
International pour le Parti Révolutionnaire (BIPR) qui s'est tenue le 15 mai à
Berlin, à laquelle le CCI a participé, et portant sur les causes de la guerre
impérialiste. La seconde partie de ce compte-rendu sera publiée dans le
prochain numéro de RI. Si nous avons pensé nécessaire d'accorder une telle
place pour répercuter les arguments échangés au cours de cette discussion, cela
tient évidemment à l'intérêt du débat qui s'y est déroulé. De plus, cela
permettra utilement à tout élément intéressé de mieux connaître ce qui unit et
ce qui distingue, sur cette question de la guerre, les deux principales
organisations de la Gauche communiste.
Un porte-parole de Battaglia
Comunista[1] a
fait la présentation qui portait sur les fondements de la guerre en Irak et la
politique actuelle des Etats-Unis. Le camarade a développé l’analyse du BIPR,
selon laquelle "la croisade américaine contre le terrorisme" avait
principalement des buts économiques : le renforcement du contrôle
américain sur les réserves de pétrole dans le monde, de façon à consolider
l’hégémonie du dollar sur l’économie mondiale et de récupérer un profit
supplémentaire de la "rente pétrolière". Suite à l’affaiblissement de
leur compétitivité, les Etats-Unis doivent recourir à l’appropriation
parasitaire de la plus-value produite dans le monde entier pour maintenir leur
économie à flot. De plus, il a été dit que des considérations stratégiques
jouent aussi un rôle, souvent en lien avec le contrôle des réserves de pétrole,
visant à séparer la Russie et la Chine l’une de l’autre et des champs
pétrolifères importants, et à faire en sorte que l’Union Européenne reste
faible et divisée.
Cette analyse a suscité différentes réactions de la part des participants à la
réunion publique. Alors qu’un camarade des "amis d’une société sans
classe" (FKG) –qui avait d’abord été un fondateur du groupe
"Aufbrechen"- saluait la capacité du BIPR d’identifier les causes
économiques concrètes de la guerre, le porte-parole du groupe GIS ("Gruppe
Internationale Sozialistinnen") exprimait des doutes sur cette analyse. Il
soulignait que le fait pour les Etats-Unis d'acquérir des liquidités
financières internationales est d’abord et avant tout l’expression d’une
politique classique d’endettement. De plus, il a réaffirmé le point de vue
qu’il avait déjà défendu à la précédente réunion publique du BIPR, à savoir que
les efforts pour dominer militairement les ressources pétrolières ont des buts
plus militaires qu’économiques. Un membre du groupe "International
Communists", pour sa part, relevait qu’il n’y a pas que les Etats-Unis,
mais aussi les autres grandes puissances impérialistes, et en premier lieu les
Etats européens, qui se battent actuellement pour dominer le monde. Il exposait
la thèse selon laquelle, alors que les Etats-Unis mettaient surtout leur
puissance militaire dans la balance, les banques européennes y mettaient
principalement leur pouvoir économique.
Dans sa première contribution à la discussion, le CCI a traité de l’argumentation du BIPR. Selon ces arguments, les Etats-Unis ont dans une grande mesure perdu leur compétitivité sur le marché mondial. De façon à compenser les effets de cet affaiblissement –déficits gigantesques de la balance commerciale et des comptes, dette publique croissante, l’Amérique déclenche la guerre aux quatre coins du monde en vue d’attirer du capital, via le contrôle du pétrole et l’hégémonie du dollar.
Du point de vue du CCI, cette analyse est très dangereuse politiquement parce qu’elle examine les causes de la guerre impérialiste à partir de la situation particulière d’un Etat donné au lieu de le faire à partir du stade de développement et de maturité des contradictions du système capitaliste dans son ensemble. Rien d’étonnant alors à ce que cette analyse soit similaire aux grandes lignes des arguments du camp anti-mondialisation pro-européen, ou des sociaux-démocrates de gauche allemands comme Oskar Lafontaine, qui expliquent l’aiguisement des tensions impérialistes par le caractère soi-disant particulièrement parasitaire de l’économie américaine.
En second lieu, cette analyse est incapable de répondre aux deux questions suivantes :
En réalité, le Bureau International confond ici cause et effet. Ce n'est pas parce qu'elle a perdu de sa compétitivité que l’Amérique s’arme jusqu’aux dents. A l'inverse, c'est cette perte réelle de son avantage dans la concurrence économique qui résulte des efforts qu'elle a consentis dans la course aux armements. Une telle évolution n’est pas, de plus, une spécificité de l’impérialisme américain. Le principal rival de longue date de l’Amérique, l’URSS, s’était déjà écroulée en grande partie pour s’être armée jusqu’à la mort. La vérité, c’est que le gonflement du budget militaire, aux dépens du développement des forces productives, et l’assujettissement progressif de l’économie au militarisme, sont des caractéristiques essentielles du capitalisme pourrissant.
En troisième lieu, il est vrai que dans le capitalisme, crise et guerre sont inséparables. Mais ce lien entre les deux n’est pas celui de la thèse simpliste de la guerre pour le pétrole ou pour l’hégémonie du dollar. Le lien réel entre les deux, on peut le voir, par exemple, dans la constellation qui a conduit à la Première Guerre mondiale. A cette époque, il n’y avait pas de dépression économique comparable à celle qui a éclaté plus tard, en 1929. La crise de 1913 avait encore à la base un caractère de crise cyclique et était en réalité relativement modérée. Il n’y avait pas de crise commerciale, du budget de l’Etat ou de la balance des comptes en Grande-Bretagne, en Allemagne ou chez les autres principaux protagonistes, comparable de quelque façon que ce soit à la crise d’aujourd’hui, il n'y avait pas non plus de turbulences monétaires particulières (à cette époque, l’étalon-or était universellement reconnu). Néanmoins, la première conflagration impérialiste mondiale a eu lieu. Pourquoi ? Quelles sont les lois générales de l’impérialisme qui sont à la base de la guerre moderne ?
Plus un Etat capitaliste est développé, plus la concentration de son capital est puissante, plus grande est sa dépendance vis-à-vis du marché mondial, plus il dépend de l’accès aux ressources du globe, et de sa domination sur elles. C’est pourquoi, à l’époque de l’impérialisme, chaque Etat est contraint d’essayer d’établir une zone d’influence autour de lui. Les grandes puissances considèrent nécessairement que le monde entier est leur zone d’influence –rien de moins ne suffit à sécuriser les fondements de leur existence. Plus la crise économique est forte, plus la bataille pour le marché mondial est forte, et plus ce besoin est ressenti de façon impérieuse.
L’Allemagne a déclaré la guerre à la Grande-Bretagne en 1914, non pas à cause de sa situation économique immédiate, mais parce que, pour une telle puissance dont le sort dépendait de plus en plus fortement de l’économie mondiale, il n’était plus tolérable que son accès au marché mondial dépende en grande partie du bon vouloir de la Grande-Bretagne, la puissance dominante sur les océans et sur une grande partie des colonies. Cela signifie que la bourgeoisie allemande a choisi d’agir déjà au préalable, de façon à essayer de renverser la situation, avant qu’elle n’empire, comme ce sera le cas en 1929 où elle sera exclue en grande partie du marché mondial par les vieilles puissances coloniales, face à la dépression mondiale. C’est ce qui explique pourquoi, au début du 20e siècle, la guerre mondiale s’est produite avant la crise économique mondiale.
Le fait que les puissances capitalistes entrent de plus en plus brutalement en conflit les unes avec les autres signifie que les guerres impérialistes mènent de façon croissante à la ruine mutuelle des Etats qui participent à ces conflits. Rosa Luxembourg avait déjà souligné cela en 1916 dans sa Brochure de Junius. Mais la dernière guerre en Irak le confirme aussi. L’Irak était autrefois, à la périphérie du capitalisme, une des sources les plus importantes de grands contrats lucratifs pour l’industrie européenne et américaine. Aujourd’hui, non seulement la crise économique du capitalisme, mais surtout les guerres contre l’Iran et l’Amérique, ont complètement ruiné l’Irak. L’économie américaine elle-même subit un nouveau coup du fait des dépenses militaires exorbitantes en Irak. Derrière l’idée que la guerre actuelle a été déclenchée à cause de spéculations monétaires ou d’une prétendue "rente pétrolière" se cache le fait de croire que la guerre est encore lucrative, que le capitalisme est encore un système en expansion. Il n’y a pas que la politique des Etats-Unis mais aussi le terrorisme des Ben Laden et Cie qui a été interprété dans ce sens par le porte-parole de Battaglia qui présente ce dernier comme étant l’expression d’une tentative des "200 familles d’Arabie saoudite" d'acquérir une plus grande part des profits de leur propre production de pétrole.
Après que le BIPR et le CCI aient tous les deux présenté leurs propres points de vue sur les causes de la guerre, un débat intéressant et vivant a eu lieu. On pouvait remarquer que les participants à la réunion étaient très intéressés à mieux connaître les positions des deux organisations présentes de la gauche communiste, insistant pour que les deux groupes se répondent l’un l’autre. Les camarades ne se limitaient pas à poser des questions mais ont porté eux-mêmes des objections et fait des critiques.
Par exemple, un camarade du FKG a accusé le CCI de "basse polémique" sur la base de notre comparaison entre l’analyse du BIPR et celle du mouvement anti-mondialisation. Il a souligné que faire ressortir le rôle d’agresseur des Etats-Unis aujourd’hui n’avait rien de commun avec la minimisation du rôle de l’impérialisme européen faite par ses sympathisants bourgeois. Il a montré, ce qui est correct, que dans le passé aussi, les internationalistes prolétariens avaient analysé le rôle d’Etats particuliers dans le déclenchement des guerres impérialistes, sans pour autant se rendre coupables de concessions à l’égard des rivaux de ces Etats.
Toutefois, la critique faite par le CCI ne concernait pas l’identification des Etats-Unis comme principal fauteur des guerres actuelles, mais concernait le fait que les causes de ces guerres ne se trouvaient pas dans la situation de l’impérialisme dans son ensemble, mais se réduisaient à la situation spécifique des Etats-Unis.
Le porte-parole de Battaglia, pour sa part, ne niait pas du tout la ressemblance entre l’analyse faite par son organisation et celle de différents courants bourgeois. Il donnait pour argument, cependant, que cette analyse, dans les mains du BIPR, s’enracinait dans une vision du monde tout à fait différente, une vision prolétarienne. Ce qui est encore le cas, heureusement. Mais nous maintenons qu’une telle analyse ne peut qu’affaiblir non seulement l’efficacité de notre combat contre l’idéologie de la classe ennemie, mais surtout qu’elle ne peut que saper la fermeté de notre propre point de vue prolétarien.
A notre avis, la ressemblance entre l’analyse du BIPR et le point de vue bourgeois pour l’opinion courante est le résultat du fait que les camarades ont eux-mêmes adopté une approche bourgeoise. C’est cette démarche que nous avons appelé empirisme, et par là nous voulons dire la tendance de fond de la pensée bourgeoise à être entraînée sur de fausses pistes par certains faits particuliers remarquables, au lieu de découvrir, grâce à une approche théorique plus profonde, le lien réel entre les différents faits. Un exemple de cette tendance du BIPR a pu être donné, pendant la discussion, par la façon dont il présentait le fait que, sans l’afflux constant de capital étranger, l’économie américaine s’effondrerait ; pour cette organisation, cela constituerait la preuve que la guerre d’Irak servait à obliger les autres bourgeoisies à prêter de l’argent à l’Amérique. En réponse à cela, nous avons rappelé que ce qui est certain, c’est que sans ces prêts et ces investissements, l’économie des Etats-Unis subiraient un repli ; c’est déjà en soi une obligation suffisante pour faire que les capitalismes japonais et européen continuent à acheter des actions et des bons américains. Ils ne survivraient pas eux-mêmes à un effondrement des Etats-Unis[2].
Dans la seconde partie de cet article sera abordée plus explicitement la question du lien existant entre la crise économique et guerre impérialiste à la lumière de la critique marxiste des fondements mêmes de l'économie capitaliste. En particulier, sera critiquée cette idée défendue par le BIPR selon laquelle "une destruction généralisée ouvrirait la route à une nouvelle phase d’accumulation", autrement dit à une nouvelle phase de prospérité capitaliste.
Welt Revolution[1] Organisation fondatrice, avec la CWO, du BIPR.
[2] Nous pourrions ajouter ici que, malgré leur rivalité avec les Etats-Unis, ses rivaux continueront à placer leurs capitaux dans l’économie la plus stable qui existe, puisque ce pays, dans le futur prévisible, restera, militairement et économiquement, le pays le plus fort du monde.
Pas une seule semaine ne se
passe sans l’annonce d’un nouveau mauvais coup porté à la classe ouvrière.
Ainsi, depuis la "rentrée" de septembre, les prolétaires ont appris
qu’ils allaient subir notamment :
Ces attaques viennent se cumuler aux divers et nombreux plans de licenciements, aux délocalisations, à l’allongement du temps de travail, à la remise en cause de la protection sociale (retraites, santé), aux attaques sur les salaires, à la précarisation accélérée de l’emploi, à la détérioration des conditions de vie et de travail des prolétaires. Tous les ouvriers, qu’ils soient au travail ou réduits au chômage, qu’ils soient actifs ou retraités, qu’ils travaillent dans le secteur privé ou dans le secteur public, y sont désormais en permanence confrontés.
Ce n’est pas seulement en France qu’une telle accélération d’attaques de la
même envergure se produit. Chaque bourgeoisie nationale adopte les mêmes
mesures dans tous les pays.
En Italie, après des mesures similaires à la France contre les retraites et une
vague de licenciements dans les usines Fiat, ce sont 3700 suppressions
d’emplois (plus d’un sixième des effectifs) qui viennent d’être décidées au
sein de la compagnie aérienne Alitalia, tandis qu’un vaste plan de
restructuration des chantiers navals va supprimer des milliers d’emplois en
Espagne.
En Allemagne, le gouvernement socialiste et vert de Schröder dans un programme
d’austérité baptisé "Agenda 2010" a commencé à mettre en application
à la fois une baisse du remboursement des soins, le flicage des arrêts de
travail, une hausse des cotisations maladie pour tous les salariés. Il projette
d’augmenter les cotisations pour la retraite comme de relever le seuil du
départ à la retraite qui est déjà de 65 ans. Siemens, avec l’accord du syndicat
IG-Metall sous menace de délocalisation en Hongrie, fait travailler les
ouvriers de 40 à 48 heures au lieu de 35 auparavant sans compensation
salariale. D’autres grandes entreprises viennent de négocier des accords
similaires : la Deutsche Bahn (chemins de fer allemands), Bosch,
Thyssen-Krupp, Continental ainsi que toute l’industrie automobile (BMW, Opel,
Volkswagen, Mercedes-Daimler-Chrysler). On retrouve cette même politique aux
Pays-Bas, Etat pourtant réputé pour avoir développé depuis longtemps le travail
à temps partiel. Le ministre hollandais de l’économie a annoncé que le retour
aux 40 heures (sans paiement compensatoire) était un bon moyen pour relancer
l’économie nationale.
Le "plan Hartz IV" dont la mise en application est prévue début 2005
en Allemagne montre le chemin dans lequel toutes les bourgeoisies, à commencer
par celles en Europe, se sont engagées : il s’agit de réduire la durée et
le montant des indemnités des chômeurs et aussi d’en durcir les conditions
d’attribution, avec notamment l’obligation d’accepter une offre d’emploi
nettement moins rémunérée que l’emploi perdu.
Ces attaques ne sont pas limitées au continent européen mais s’exercent
simultanément au niveau mondial. Ainsi aux Etats-Unis, où le chômage regagne
des taux records (on évoque comme en Europe une "croissance sans
emplois"), près de 36 millions de personnes (12,5 % de la population)
vivent sous le seuil de pauvreté dont 1,3 million ont plongé dans la précarité
au cours de l’année 2003, alors que 45 millions de personnes sont privés de
toute couverture sociale. En Israël, les municipalités sont en situation de
faillite et les employés municipaux ne touchent plus leur salaire depuis
plusieurs mois. Sans parler des conditions d’exploitation épouvantables
auxquelles sont réduits les ouvriers du tiers-monde, au sein de la concurrence
effrénée sur le marché mondial pour faire baisser le coût de la force de
travail.
Quels sont les discours que nous tient la bourgeoisie face à cette
situation ? La gauche et les syndicats, tout comme les altermondialistes,
sont les premiers à nous livrer une série de fausses réponses.
Selon la gauche, les syndicats et les organisations gauchistes, la
responsabilité des attaques reposerait sur la "politique de droite"
d’un gouvernement entièrement assujetti aux intérêts du grand patronat, adepte
d’un "libéralisme économique" débridé qui favoriserait les riches et
pressurerait les pauvres, qui chercherait à lever les barrières étatiques à la
déréglementation sociale. En France comme ailleurs, tous les gouvernements
mènent depuis les années 1970 la même politique, et notamment en taillant
massivement dans les prestations sociales. On voudrait nous faire oublier que
les partis de gauche quand ils étaient au pouvoir soit ont pris des mesures du
même ordre (du forfait hospitalier institué par le ministre communiste Ralite
aux réductions des indemnisations du chômage), soit ont préparé le terrain aux
attaques actuelles. Qu’on se souvienne du livre blanc de Rocard sur les
retraites, du déremboursement des médicaments et des suppressions de lits
d’hôpitaux sous Jospin sans oublier les lois Aubry sur les 35 heures qui ont
permis aux entreprises d’annualiser le temps de travail, d’introduire la
flexibilité, d’augmenter leur productivité et de baisser les salaires par la suppression
des heures supplémentaires[1].
On nous dit aussi que c’est la faute à l’Europe qui ne garantirait pas assez de
droits sociaux. On agite la relance du débat qui divise la bourgeoisie
elle-même sur le nouveau traité européen et le projet de Constitution
européenne. On utilise le battage autour des délocalisations notamment en
Europe de l’Est de certaines entreprises pour tenter d’inoculer le poison
nationaliste dans les rangs ouvriers, rappelant le "vivre, produire et
travailler au pays" de la CGT dans les années 1970/80. La bourgeoisie
cherche ainsi à opposer les ouvriers des pays européens les plus développés aux
ouvriers de la périphérie du capitalisme.
On nous raconte aussi que ces attaques sont la faute à la mondialisation. La
nébuleuse de l’altermondialisme, mise en avant et subventionnée par la
bourgeoisie, où chacun peut fourguer n’importe quelle camelote idéologique sert
surtout à relancer les mêmes illusions sur la possibilité de réformer le
capitalisme et faire croire qu’une autre gestion du système serait possible
(taxer les capitaux, promouvoir une économie solidaire, etc.). Tout ce barouf
ne vise qu’à camoufler l’impasse que représente le capitalisme pour l’humanité.
Les ouvriers ne doivent pas se laisser piéger ni berner par ces discours
mensongers. Car le seul objectif de ce battage est d’agiter un rideau de fumée,
de répandre des campagnes d’intoxication idéologique pour tenter d’empêcher la
classe ouvrière de prendre conscience d’une part de l’existence réelle et de
l’impasse actuelle d’une crise économique mondiale, d’autre part, de la
faillite globale et ouverte du système capitaliste que révèle cette
accélération de la crise et ses manifestations.
Si la classe ouvrière se paupérise de plus en plus, si une partie de plus en
plus large du prolétariat s’enfonce dans la misère, si la bourgeoisie est de
plus en plus incapable d’intégrer les nouvelles générations ouvrières dans une
activité salariée (selon le BIT un chômeur sur 2 a moins de 24 ans dans le
monde), si prolifèrent les bidonvilles où s’entassent des masses toujours plus
nombreuses de miséreux en quête de travail aux portes de toutes les mégapoles
de la planète, si la classe ouvrière subit une accélération sans précédent
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale de la dégradation de ses conditions
d’existence, ce sont les symptômes les plus révélateurs de l’incapacité de ce
système à prendre en charge et à assurer un avenir pour l’humanité.
Dans sa logique d’exploitation capitaliste, la bourgeoisie voit sa marge de
manoeuvre réduite au point qu’elle n’a d’autre choix que d’attaquer toujours
plus violemment et frontalement le niveau de vie de la classe ouvrière dans son
ensemble. La plupart de ces attaques sont présentées comme des "réformes"
indispensables dans le seul but de faire accepter aux prolétaires les
"sacrifices". Contrairement au 19e siècle où, dans le contexte
historique d’un capitalisme encore en pleine expansion, les réformes
entreprises par la bourgeoisie allaient dans le sens d’une amélioration des
conditions de vie de la classe ouvrière, le capitalisme aujourd’hui ne peut
plus être réformé. Il ne peut plus rien offrir aux ouvriers qu’une misère et
une paupérisation croissantes. Toutes ces pseudo-réformes ne sont plus le signe
d’un capitalisme encore en pleine prospérité, mais au contraire de sa faillite
irrémédiable.
L’Etat capitaliste et chaque bourgeoisie nationale prétendent qu’ils oeuvrent,
à travers ces prétendues "réformes", d’abord au nom de la défense de
l’intérêt général, pour le bien de la collectivité ; ensuite qu’ils
agissent ainsi pour préserver l’avenir de nos enfants et des générations
futures. La bourgeoisie veut faire croire qu’elle cherche à sauver l’emploi,
les caisses d’assurance chômage et d’assurance-maladie, les retraites, alors
qu’elle est en train de démanteler significativement toute protection sociale
de la classe ouvrière. Pour inviter les ouvriers à accepter les sacrifices,
elle prétend que ces "réformes" sont indispensables au nom de la "solidarité
citoyenne", pour instaurer plus de justice et d’égalité sociales, contre
la défense de mesquins intérêts corporatistes, contre les égoïsmes et les
privilèges. Quand la classe dominante parle d’égalité plus grande, c’est en
réalité le nivellement par le bas des conditions de vie de la classe ouvrière
qu’elle cherche à nous imposer.
Elle raconte que de tels "sacrifices" sont nécessaires au nom du
"sens des responsabilités" que chaque "citoyen" devrait
manifester envers la "collectivité". Non seulement la bourgeoisie
tente de culpabiliser les prolétaires, en cherchant à désigner chaque
"citoyen" ou une catégorie sociale particulière comme ayant sa part
de responsabilité dans les difficultés économiques de l’Etat national, mais
elle utilise en même temps l’intimidation, le chantage permanent. En cherchant
à nous persuader que si on n’accepte pas aujourd’hui de ses "serrer les
coudes" autour des "réformes" du gouvernement et de se serrer la
ceinture, nous allons tout droit vers une catastrophe future et la situation
sera encore pire demain pour les prolétaires. Rien n’est plus faux !
D’abord, cette catastrophe économique n’est pas une perspective lointaine. Elle
est déjà présente, et c’est justement parce que le capitalisme est aujourd’hui
en faillite que la classe dominante ne cesse d’asséner ses attaques contre
toute la classe ouvrière dans tous les pays. C’est justement cette catastrophe
présente qui pousse la bourgeoisie à démanteler l’Etat-providence à travers ses
"réformes".
Ensuite, ce n’est certainement pas en acceptant les sacrifices d’aujourd’hui
que la classe ouvrière va pouvoir préserver l’avenir et s’éviter une
dégradation future de ses conditions de vie. Bien au contraire ! Plus les
ouvriers acceptent de courber l’échine et de se soumettre à la logique du
capitalisme en crise, plus la bourgeoisie aura les mains libres pour leur
imposer de nouvelles attaques encore plus dures.
La classe ouvrière ne doit pas se laisser intimider ni culpabiliser par les
appels de la classe dominante au "sens des responsabilités
citoyennes". La seule responsabilité qui incombe à la classe ouvrière,
c’est de refuser de resserrer les rangs derrière ses exploiteurs, de refuser
les "sacrifices" qu’ils lui demandent. Sa seule responsabilité, c’est
de se battre pour la défense de ses conditions de vie.
La seule solidarité dont elle doit faire preuve, ce n’est pas la solidarité
"citoyenne" derrière l’Etat bourgeois, mais sa propre solidarité de
classe exploitée contre les prétendues "réformes" de la classe
exploiteuse. C’est seulement dans le développement de leurs luttes de
résistance aux attaques capitalistes que les prolétaires pourront développer
cette solidarité de classe et unir leurs forces par-delà les secteurs, par-delà
les frontières.
Face à la faillite du capitalisme, la classe ouvrière n’a pas d’autre choix que
de développer ses luttes. Pour cela, elle doit surmonter le sentiment
d’impuissance que la bourgeoisie essaie d’inoculer dans ses rangs, en
exploitant au maximum ses défaites passées (comme celle du mouvement du
printemps 2003 en France) pour démoraliser les prolétaires et leur faire croire
que la lutte ne paie pas et ne sert à rien.
Et pour pouvoir se battre efficacement, développer et unifier ses luttes sur
son propre terrain, la classe ouvrière doit éviter de tomber dans les pièges
mis en avant par les partis de gauche, les syndicats et les gauchistes. Elle
doit refuser leurs mots d’ordre gestionnaires et réformistes "Sauvons
la Sécu !" (ou encore "Défendons le service public contre
les privatisations !"). Ce terrain c’est celui de la gestion du
capital, ce n’est pas celui de la lutte ouvrière. La défense de la
"Sécu" en tant qu’institution de l’Etat bourgeois (voir RI n° 348) n’est pas le problème de la
classe ouvrière pas plus qu’elle ne doit participer à trouver des
"solutions" pour "combler le trou de la Sécu". Ce qui
importe à la classe exploitée, c’est de se battre pour exiger le remboursement
des soins médicaux, c’est de lutter pour défendre ses conditions de vie. Ses intérêts
sont non seulement distincts mais totalement antagoniques à ceux de la
bourgeoisie. Elle n’a pas la moindre unité ou la moindre solidarité nationale à
partager avec ses exploiteurs ni avec tous les gestionnaires du capital.
La classe ouvrière doit comprendre que ce système pourrissant ne peut être
réformé et qu’elle est la seule force sociale capable, par le développement
international de ses luttes, de sauver l’humanité de la catastrophe en
renversant le capitalisme.
[1] Voir l’article supplément emploi dans Libération du 20 septembre "Mon boss aime les 35 heures" sous-titré "Le MEDEF fustige la RTT mais la plupart des patrons des grandes entreprises s’en sont fort bien accommodés. Et ne veulent plus y toucher.
Confrontée à la revendication d'indépendance de
la Tchétchénie à la suite de l'effondrement de
l'URSS, la Russie a répondu par une offensive meurtrière
dans laquelle au moins 100 000 personnes ont trouvé la mort.
En 1999, après une accalmie du conflit, Poutine a relancé
son offensive à un niveau encore plus barbare, rasant littéralement
la capitale tchétchène de Grozny. Le prétexte de
cette nouvelle offensive était les explosions d'immeubles à
Moscou et Volgodonsk au cours desquelles 300 personnes furent tuées.
Bien que les terroristes tchétchènes furent tenus pour
responsables, il y a de fortes raisons de penser que c'était
le travail des services secrets russes. Depuis, la Russie a maintenu
une intransigeance totale face aux revendications d'indépendance
de la Tchétchénie. En effet, la perte de celle-ci constituerait
un coup énorme aux intérêts impérialistes
russes. D'abord à cause de la position stratégique de
la Tchétchénie vis à vis des champs de pétrole
et des pipes-lines du Caucase; mais plus encore à cause du danger
que comporte la sécession de la Tchétchénie pour
la Fédération de Russie ; cela donnerait le signal
d'un éclatement de celle-ci, et la Russie y perdrait ses dernières
prétentions à jouer un rôle sur l'arène mondiale.
Il n'y a pas de limite aux crimes commis par l'armée russe dans
le Caucase. Un certain nombre d'organisations "humanitaires"
a fourni beaucoup de documentation à ce sujet. Par exemple, l'organisation
Human Watch parle de l'incapacité de Poutine "à établir
un moyen significatif de poursuivre les responsables des crimes commis
par les sodats et les forces de police russes… les disparitions
forcées, les exécutions sommaires et les tortures ont
énormément sapé la confiance vis à vis des
institutions de l'Etat russe dans la population tchétchène
ordinaire" (cité dans The Guardian, septembre 2004).
Ces ravages sont tout-à-fait équivalents à ceux
perpétrés par les tyrans "officiels" tels que
Saddam Hussein ou Milosevic. Pourtant pendant toutes ces années
de misère dans le Caucase, les leaders de "la démocratie
occidentale", les avocats de "l'intervention humanitaire"
au Kosovo ou en Irak, ont soutenu Poutine à fond. Blair l'a même
invité à prendre le thé avec la reine. C'est parce
que derrière toute leur rhétorique "morale",
Bush, Blair et les autres ne sont intéressés que par les
besoins impérialistes des Etats capitalistes qu'ils représentent.
Aujourd'hui, ces besoins requièrent que l'unité nationale
de la Russie soit préservée - même si elle est un
rival sous bien des rapports comme l'a montré son opposition
à la guerre en Irak - et qu'elle ne s'effondre pas dans
le chaos. La Russie est une grande réserve d'armes nucléaires
et un des principaux producteurs d'énergie au niveau mondial.
Si la Fédération de Russie volait en éclats, comme
l'ancienne URSS, les conséquences seraient trop dangereuses pour
la bourgeoisie occidentale. Cela ne veut pas dire que demain (ou dans
certains cas, aujourd'hui déjà), les grandes puissances
ne chercheront pas à tirer profit des difficultés intérieures
de la Russie pour pousser leurs propres pions dans la région.
Mais pour le moment, elles ont toutes - y compris les principaux rivaux
des Etats-Unis, la France et l'Allemagne - montré beaucoup de
prudence vis-à-vis de la question russe. Le président
Chirac en France et le chancelier Schröder en Allemagne ont récemment
rendu visite à Poutine, lui ont apporté leur total soutien
pour sa politique en Tchétchénie et ont soutenu l'élection
totalement frauduleuse du nouveau président tchétchène
pro-russe Alu Alkharov qui succède à son prédécesseur
assassiné Kradryov.
Ca convient aux Etats-Unis et à la Russie de proclamer qu'ils
"combattent le terrorisme". En fermant les yeux sur l'occupation
militaire barbare de la Tchétchénie par la Russie et sur
le soutien de cette dernière à des petits chefs de guerre
locaux ailleurs dans le Caucase, Washington reçoit en échange
un certain acquiescement de la Russie envers sa politique au Moyen-Orient
et ailleurs.
Comme c'est la barbarie de l'Etat russe en Tchétchénie
qui a engendré la barbarie des gangs terroristes, il y a des
critiques envers les excès de l'Etat russe qui nous demandent
de "comprendre" les actions des terroristes, tout comme ils
nous demandent de "comprendre" les actions suicide organisées
par le Hamas et des groupes similaires en Palestine, ou même de
"comprendre" les attaques d'Al Qaida le 11 septembre. Et en
effet, nous "comprenons" que ceux dont les familles ont été
massacrées et violées par les troupes russes, ou bombardées
par les avions et les tanks israéliens ou américains,
soient entraînés dans des actes violents de désespoir,
de revanche et de suicide. Mais nous pouvons tout autant "comprendre"
que des conscrits russes terrifiés soient poussés à
des actes d'une brutalité folle contre la population civile en
Tchétchénie. Cette "compréhension" ne
nous amène ni à soutenir l'armée russe, ni à
soutenir les nationalistes et leurs chefs fondamentalistes en attente
du pouvoir qui exploitent le désespoir des pauvres et des opprimés
et les poussent à mener des attaques terroristes contre les pauvres
et les opprimés des autres nations. Face au choix entre la terreur
de l'Etat russe et le terrorisme tchétchène, entre l'armée
d'occupation israélienne et le Hamas, entre les Etats-Unis et
Al Qaida, nous disons : assez de faux choix ! Nous ne nous
ferons pas avoir à soutenir une fraction du capitalisme contre
une autre, à rechercher le "moindre mal" dans aucune
des guerres impérialistes qui ravagent la planète aujourd'hui.
Nous comprenons les racines de la haine nationale et raciale, et c'est
pourquoi nous nous opposons à toutes ses formes d'expression.
Le nationalisme fanatique des preneurs d'otages à Beslan les
a conduits à considérer leurs victimes comme moins qu'humains ;
et maintenant, un puissant sentiment de revanche contre leurs actes
inhumains enfle non seulement en Ossétie mais dans toute la Russie.
L'Etat russe utilisera ces sentiments pour justifier de nouveaux actes
d'agression en Tchétchénie et ailleurs : déjà
ses chefs militaires ont menacé de porter "des attaques
préventives" n'importe où dans le monde. Cela donnera
lieu à de nouvelles représailles terroristes et la spirale
infernale de la mort se poursuivra, comme en Israël, en Palestine
et en Irak.
Contre les divisions nationales et religieuses quelles qu'elles soient,
nous défendons la solidarité des exploités sans
considération de race, de nationalité ou de religion.
Contre tous les appels à la solidarité avec "notre"
Etat ou "nos" représentants nationaux, nous défendons
la solidarité de classe du prolétariat dans tous les pays.
Cette solidarité, cette unité de tous les exploités
ne peut se forger que dans la lutte contre l'exploitation. Elle n'a
rien en commun avec les appels à la charité, avec l'illusion
que la solidarité se réduit à l'envoi d'argent
ou de couvertures aux victimes de la guerre et de la terreur. Les guerres
et les massacres qui s'étendent sur toute la planète sont
le produit de la société capitaliste décadente
dans sa phase terminale ; on ne peut s'y opposer et les combattre
que par la lutte commune pour une nouvelle société où
la solidarité humaine sera la seule loi.
L'une des mères éplorées de Beslan disait que l'inhumanité
du siège lui avait fait penser que c'était "le début
de la fin du monde". La disparition de toute décence humaine,
des liens sociaux les plus basiques que montre le massacre d'enfants,
nous montre vraiment que le monde capitaliste arrive à sa fin,
d'une façon ou d'une autre. Une façon, c'est la voie capitaliste
qui mène à l'extermination de l'humanité ;
l'autre, c'est la voie prolétarienne qui mène au renversement
révolutionnaire du capitalisme et à la construction d'une
société communiste sans classes ni exploitation, sans
Etats, sans frontières et sans guerres.
Les fonctionnaires
argentins qui travaillent pour l’Etat national, provincial, municipal, ceux qui
sont détachés dans l’Antarctique, qu’ils soient décentralisés ou dans les
entreprises de l’Etat, sont divisés, d’une part du fait de la séparation
artificielle qu’a imposé la constitution de l’Etat bourgeois en 1853 et ses
réformes successives, mais d’autre part à cause des agissements de ces
appareils de l’Etat au service du capital que sont les syndicats.
Les fonctionnaires se retrouvent donc affiliés à toute une myriade
d’organisations syndicales, générées par cette division artificielle de l’Etat
bourgeois et par l’appareil de domination bourgeoise que sont les syndicats,
une division institutionnalisée par la législation capitaliste elle-même, comme
la loi sur les associations professionnelles, les statuts, etc.
Les gouvernements capitalistes successifs ont pu prendre des mesures à
l’encontre des fonctionnaires par le biais des soi-disant "réformes de
l’Etat" et des politiques de privatisation qui ont entraîné le
licenciement sec de milliers de travailleurs ou de façon plus masquée par les
"départs volontaires à la retraite anticipée". Au tout début des
politiques dites de "réformes de l’Etat", on a vu à partir de 1991 le
gel des salaires de la totalité des fonctionnaires dans le cadre national,
provincial, municipal et autres.
Il faut souligner que les effets de l’inflation se sont faits durement sentir,
y compris au cours de la période de la convertibilité du peso argentin par
rapport au dollar jusqu’en 2001 : les travailleurs ont eu à supporter des
augmentations du prix des produits de base allant jusqu’à 60% et depuis l’échec
de la politique économique mise en place par Carlos Menem, le pouvoir d’achat
des travailleurs a diminué de 30% à 50%, selon que l’on compte en dollars ou en
pesos.
C’est ainsi que, pendant toute cette période couvrant presque 14 ans, les
fonctionnaires n’ont pratiquement pas protesté, malgré leurs salaires de
misère, à l’exception des provinces ou des quelques municipalités qui se sont
mobilisées parce que leur salaire n’était carrément pas payé et cela sous
l’oeil vigilant des syndicats.
Mais, face à la chute brutale des salaires des fonctionnaires, exclus des
augmentations de 250 dollars, dites "d’urgence", accordées par le
gouvernement dans le secteur privé, et face au silence syndical, les
travailleurs ont rompu les amarres avec le syndicalisme. En mars 2004, ils ont
commencé, sous l’œil consterné des syndicats, à se réunir spontanément en
assemblées générales, où se posait la question de la participation de tous les
travailleurs sans distinction de syndicat, sans que le fait d’être affilié à
telle ou telle institution ait une importance, ni d’être titularisé ou
contractuel, et c’est là qu’on a commencé à débattre sur la question des
salaires et sur la nécessité de lutter jusqu’à l’obtention des 250 dollars.
Face à cette situation, la réaction des grands syndicats de fonctionnaires de
la ville de Buenos-Aires a été de deux sortes, avec deux méthodes différentes,
mais pour atteindre le même but : épuiser l’énergie ouvrière, dévoyer et
détruire la lutte des travailleurs. Une des tactiques adoptée, en l’occurrence
par le SUTECBA[1], a été de faire peur aux
ouvriers : perte des heures supplémentaires et des primes plus la perte de
leur poste de travail. L’autre syndicat, ATE[2], a
adopté la tactique de monter au créneau en proposant des moyens d’action tout
simplement stériles : nombreux soutiens et saluts à la lutte, marches,
grèves de 24, 48 et 72 heures, tout cela pour isoler les travailleurs de leurs
camarades de lutte des autres établissements, vieille tactique des syndicats.
Mais la poursuite de la lutte et de l’action des travailleurs ont fait que
l’ATE a fini par abandonner son "plan de lutte" sans même l’avoir mis
en œuvre.
C’est en prenant conscience que les syndicats sont contre la classe ouvrière
que les travailleurs des hôpitaux ont commencé à se réunir sur leurs lieux de
travail, et ont tenté de généraliser les moyens d’action vers les autres
hôpitaux, à tenir des assemblées générales unifiées de tous les hôpitaux, avec
des revendications telles que "augmentation immédiate de
salaire !" ou "Pas d’ATE ni de SUTECBA !".
Quelques agents hospitaliers ont mis en avant la revendication de lutter pour
une augmentation de salaire, en se posant en dehors des syndicats, n’acceptant
ni leurs bravades menaçantes, ni leurs fausses "directives
combatives", allant même jusqu’à empêcher la prise de parole aux
dirigeants syndicaux qui tentaient soit de boycotter la lutte, soit de la dévoyer
vers des actions symboliques. Ils ne sont pas restés isolés sur leur lieu de
travail, ils ont essayé d’unifier tous les travailleurs et d’étendre la lutte à
toute la fonction publique, dans la mesure de leurs possibilités.
La preuve, les assemblées générales qui surgissaient spontanément comme des
champignons partout, dans tous les secteurs, qui intégraient de nouveaux
travailleurs qui venaient y participer tous les jours et qui, partant de la
revendication sur l’augmentation des salaires, en arrivaient à rejeter les
plans du gouvernement, concluant qu’il n’y a pas de solution dans le système
capitaliste. C’est ce qui est arrivé dans différents hôpitaux et qui a marqué
un jalon chez les travailleurs municipaux, historiquement éloignés des luttes
ouvrières car subissant eux-mêmes l’illusion de faire partie d’une
"aristocratie ouvrière". On peut dire aujourd’hui que ce mythe erroné
s’est brisé pour toujours, que quelque chose a changé et les luttes à venir en
apporteront la preuve.
Ces assemblées mandataient des délégués pour les représenter dans les
assemblées ou les réunions inter-hospitalières, qui n’étaient pas fermées,
mais, au contraire, étaient ouvertes et où participaient tous les camarades,
ayant tous la possibilité de prendre la parole et de participer aux décisions.
Face à la pression des divers courants politico-syndicaux, ils décidèrent
qu’aucun représentant ou délégué ne négocierait au nom des travailleurs et que
tout accord serait approuvé par l’ensemble des travailleurs.
Voyant la tournure que prenait la lutte des ouvriers municipaux de la santé de
la capitale fédérale, et devant le risque d’extension non seulement aux
travailleurs municipaux, mais aussi aux provinciaux et aux nationaux, les
syndicats (particulièrement l’ATE) ont mis un arrêt à leur coup de force, mais
la SUTECBA a utilisé tout son arsenal pour intimider les travailleurs, les
tromper avec de prétendues augmentations de salaires que 80 % des municipaux
n’ont jamais touché, afin de freiner la lutte.
Cette tactique, jointe aux menaces de sanctions disciplinaires et économiques,
a favorisé l’arrêt de la lutte des travailleurs de la santé.
Les travailleurs doivent garder clairement en tête qu’un pas en avant a été fait, ce qui s’est concrétisé dans les mots d’ordre :
S’il est vrai que nous n’avons pas obtenu d’augmentation salariale, nous avons
cependant entamé une nouvelle pratique dans la lutte, en mettant en avant
l’unité de la classe et en nous donnant les instruments de cette lutte, les
assemblées.
Nous n’avons pas été des centaines de milliers en lutte, quelques milliers
seulement, mais ce qui a été important c’est que nous avons pu vivre une
expérience, vérifier que la classe ouvrière est une seule classe, qu’il n’y a
pas de différence entre les travailleurs qui sont dans les filets d’un syndicat
et ceux qui ne le sont pas, entre les CDI et les CDD, nous sommes tous des
travailleurs, nous avons tous les mêmes besoins et le même ennemi, l’Etat
bourgeois et ses syndicats.
Mais le plus important, à côté de cette unité et des organes de lutte qu’on
s’est donnés, est que la majorité des travailleurs ne s’est pas laissée séduire
par les chants de sirène des gauchistes avec leurs nouvelles propositions de
listes et de regroupements "de classe", avec leurs nouveaux labels
syndicaux. Au contraire, notre expérience pratique dans le feu de la lutte de
classe, nous a montré que, quelle que soit la forme adoptée par les syndicats,
qu’elle soit bureaucratique ou " de classe", ces organes sont
irrécupérables pour les luttes ouvrières, et quelle que soit leur bonne foi,
ils seront toujours absorbés par l’Etat capitaliste en devenant un appareil au
service de ce système en décomposition.
Cette lutte inédite chez les travailleurs hospitaliers, qui pour beaucoup
n’a pas l’importance qu’elle mérite, a été un moment très fort, surtout grâce à
l’expérience de la généralisation des assemblées de base comme outil, avec
l’élection de délégués mandatés et tournants.
Toutes les luttes sans exception, quand elles sont menées par les syndicats,
aboutissent à une défaite catastrophique pour les travailleurs. Pour cette raison,
face aux actions de la classe ouvrière en dehors des syndicats, avec des
décisions prises en assemblées générales et tendant à généraliser le plus
possible les luttes à l’ensemble de la classe ouvrière, la bourgeoisie, les
syndicats, les patrons (privés ou d’Etat) s’agitent et ont recours à tous les
moyens possibles à leur portée pour défaire le mouvement.
Nous devons en tant que travailleurs nous auto-organiser en marge des
syndicats, créer nos propres outils de lutte et généraliser la lutte le plus possible
à l’ensemble de la classe ouvrière. Nous avons emprunter ce chemin, nous ne
sommes pas allés au bout, mais les riches leçons de cette lutte constituent une
grande expérience pour les luttes futures des travailleurs : nous ne
devons avoir confiance que dans les forces de notre classe et non dans celles
de nos ennemis ou de nos faux amis.
Le texte que nous publions ci-dessus a été écrit par les camarades du Noyau Communiste International (NCI) d’Argentine qui ont élaboré des positions programmatiques très proches des positions du CCI et développent actuellement des discussions avec notre organisation et avec l’ensemble de la Gauche communiste dans une perspective militante et internationaliste.
L’intérêt de ce texte est double : d’une part, il témoigne d’une lutte
combative et riche en expériences des agents hospitaliers de Buenos Aires. Par
ailleurs, c’est une prise de position qui défend l’unité de la classe ouvrière
("la classe ouvrière est une, il n’y a pas de différence entre les
travailleurs qui sont dans les filets d’un syndicat et ceux qui ne le sont pas,
entre les CDI et les CDD, nous sommes tous des travailleurs, nous avons tous
les mêmes besoins et le même ennemi, l’Etat bourgeois et ses syndicats"),
qui soutient ses méthodes de lutte et dénonce clairement les syndicats. La fin
du texte est particulièrement éloquente : "les travailleurs
doivent s’auto-organiser en dehors des syndicats, créer nos propres outils de
lutte et étendre la lutte le plus possible à l’ensemble de la classe ouvrière.
Nous avons emprunté ce chemin, nous n’avons pas pu aller au bout, mais les
riches leçons de cette lutte constituent une grande expérience pour les luttes
futures, nous ne devons avoir confiance que dans les forces de notre classe et
non dans celles de nos ennemis ou de nos faux amis".
Nous avons combattu, et les camarades du NCI ont activement participé à ce
combat, l’erreur qui consistait à voir dans les révoltes de décembre 2001 en
Argentine un "mouvement ouvrier" alors qu’il s’agissait clairement
d’une révolte interclassiste sans perspectives[3]. Nous
avons essuyé à cause de cela de nombreuses critiques des autres groupes
révolutionnaires qui nous dépeignaient comme étant des "défaitistes"
et nous accusaient de "mépriser les luttes ouvrières réelles".
A cela nous avons répondu qu’il est absurde de s’accrocher à une chimère et de
voir des géants là où il y a seulement des moulins à vent et nous avons précisé
que nous étions confiants dans les capacités du prolétariat argentin[4].
Aujourd’hui, cette petite expérience de la lutte des agents hospitaliers vient
confirmer cette hypothèse. Ce n’est pas tant une lutte spectaculaire et
décisive qu’une preuve montrant comment le prolétariat argentin participe aux
mêmes tendances qui mûrissent aujourd’hui, de façon très lente et
contradictoire, au sein du prolétariat mondial.
Dans ce sens, nous souhaitons préciser un aspect du texte des camarades. Dans
certains passages, ils disent que "les travailleurs ont rompu les amarres
avec le syndicalisme" et qu’ils étaient conscients que les syndicats sont
contre la classe ouvrière et que "la majorité des travailleurs ne s’est
pas laissée séduire par les chants de sirène des gauchistes avec leurs nouvelles
propositions de listes et de regroupements "de classe", avec leurs
nouveaux labels syndicaux". Il existe effectivement une tendance au sein
de la classe ouvrière internationale à se méfier des syndicats et à s’affronter
à leurs manœuvres, toutefois, nous ne croyons pas que cela soit généralisé au
prolétariat mondial ou à leurs frères en Argentine. Le prolétariat doit encore
parcourir un chemin long et difficile pour avoir de nouveau confiance en lui,
récupérer son identité de classe et comprendre que les syndicats sont ses
ennemis et que les multiples variantes du syndicalisme font partie intégrante
de l’Etat bourgeois.
Nous devons faire un effort pour comprendre le rapport de forces global et
historique dans lequel s’inscrit chaque bataille partielle que livre le
prolétariat. Qu’une petite minorité de travailleurs commence à comprendre les
questions énoncées ci-dessus est une chose, autre chose bien différente est que
cette conscience se généralise de façon irréversible à de larges secteurs
ouvriers.
Pour nous, en fonction d’une analyse dynamique de la situation actuelle de la
lutte de classes, il est très important qu’une minorité de camarades tire les
leçons et les aient publiées pour qu’elles puissent s’inscrire dans les efforts
de lutte et la prise de conscience qui, de façon encore très contradictoire,
difficile et minoritaire, mûrissent dans le prolétariat mondial. C’est ce qui
aidera à modifier le rapport de force avec la bourgeoisie en faveur du
prolétariat.
[1] SUTECBA : Syndicat unique des travailleurs et employés municipaux
de la ville de Buenos-Aires, affilié à la Confédération générale du travail.
[2] ATE : Association des travailleurs de l’Etat, affiliée à la
centrale des travailleurs argentins CTA.
[3] Voir Revue internationale n°
109, 2e trimestre 2002.
[4] Voir Revue internationale N°
117, 2e trimestre 2004.
La prise d’otages est devenue une pratique guerrière courante, presque journalière. En Tchétchénie, au Moyen-Orient, en Irak, en Afrique, partout où les conflits impérialistes sont ouvertement à l’œuvre, des êtres humains sont pris en otage, décapités, massacrés, tout en étant filmés par les médias aux ordres de la bourgeoisie. Le capitalisme est né dans la boue et le sang, mais si le prolétariat le laisse faire, il nous entraînera dans une marée de souffrance et de destruction.
Il y a maintenant un mois, deux journalistes français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot ont été enlevés en Irak. Ce ne sont pas les premiers français pris en otage de part le monde au cours des dernières années. Malgré une présence militaire forte et active, des journalistes avaient déjà été enlevés en Côte-d’Ivoire, comme d’ailleurs un journaliste de Canal Plus, Jordanov, qui avait été détenu pendant quatre jours par une faction islamiste en Irak au printemps dernier. Jamais la bourgeoisie française n’avait jusqu’à présent mené de campagne idéologique en faveur de la libération d’otages avec une telle ampleur, avec une publicité médiatique aussi grande. La classe ouvrière ne doit pas se faire d’illusions, l’Etat français se moque totalement de la vie de ces deux journalistes. Le capitalisme a toujours eu un mépris total pour la vie humaine et ce n’est pas dans la période de décomposition de son système que cela risque de changer. Il suffit de se rappeler le rôle cynique et barbare joué par la France dans le génocide de près d’un million de personnes au Rwanda en 1994 pour s’en convaincre totalement, si cela était encore nécessaire. Tous les efforts diplomatiques de l’impérialisme français dans tous les pays arabes et musulmans n’ont qu’un seul et véritable objectif : y renforcer autant que possible son influence. Un article de Courrier International du lundi 20 septembre commence ainsi : "Si les ravisseurs des deux journalistes français Christian Chenot et Georges Malbrunot avaient pu s’attendre à la vague de réprobation islamique que leur acte a soulevé, il est fort probable qu’ils auraient renoncé à cet enlèvement." En effet, à partir du moment où le rapt des deux journalistes a été officiellement connu, nous avons pu assister à une offensive diplomatique –avec sans aucun doute une composante secrète- conduite par les plus hauts responsables de l’Etat français dans l’ensemble des capitales arabo-musulmanes. Le résultat de cette offensive politique de la bourgeoisie française est que jamais la France n’aura été autant soutenue et n’aura fait l’objet d’une telle sollicitude des sociétés arabes et musulmanes. Aucun Etat, y compris ceux qui, tel l’Egypte, figurent depuis plusieurs dizaines d’années parmi les plus fidèles alliés des Etats-Unis, n’ont manqué à l’appel. Tous ont accueilli très chaleureusement les déclarations mettant en avant la politique de soutien au monde arabo-musulman de la part de l’impérialisme français. La position de la France sur la guerre en Irak n’est à cet égard qu’un aspect de sa politique impérialiste dans cette région du monde. Mais plus significatif encore de l’orientation pro-arabe et pro-musulmane de la politique impérialiste de la France est l’abondance des messages de sympathie et de soutien qu’aura reçu l’Etat français à cette occasion de la part des hauts dignitaires religieux et autres organisations terroristes armées : le cheikh Youssef Al-Qaradaoui (haut dignitaire sunnite) ; Mohamed Hussein Fadlallah (un des dirigeants du Hezbollah) ; le guide du mouvement des frères musulmans en Irak ; le Hamas ; l’organisation du Djihad islamique palestinien... Il est impossible de savoir qui est à l’origine de cette prise d’otages, comme il est délicat d’avancer avec certitude quelle est l’obédience du groupe terroriste qui, sur place a commis l’enlèvement. Combien de groupes totalement incontrôlés, prolifèrent dans le chaos irakien ? En tout état de cause, il semble bien que, pour le moment, la bourgeoisie française a profité au maximum de cette prise d’otages en travaillant à réactiver tous ses réseaux de contacts et de liens politiques dans cette partie du monde, en réaffirmant à cette occasion sa ligne politique en direction du monde arabe et musulman. Il est indéniable qu’à ce jour, l’impérialisme français vient de marquer des points non négligeables sur le terrain des affrontements inter-impérialistes.
Il est bien évident que les principaux concurrents de l’impérialisme
français et en premier lieu les Etats-Unis ne pouvaient pas rester
indifférents à cette offensive de la France. On ne peut
manquer de remarquer que l’Etat français, par l’entremise
de son chef de la diplomatie Michel Barnier ou de son ministre de l’intérieur
Dominique de Villepin, s'est montré dans un premier temps très
optimiste à propos de la libération des deux journalistes
français. Cet optimisme ne pouvait être dû qu’à
des renseignements fiables sur les résultats positifs de l’offensive
diplomatique menée sur la libération des otages. Et pourtant,
un mois après, leur libération n’est pas encore effective.
Si, comme tout le monde l’affirme, les otages sont retenus dans
la région de Fallouja, il est important de remarquer la simultanéité
de la campagne internationale pour la libération de ces deux
journalistes et l’offensive américaine d’envergure
sur Fallouja. Comme il est encore important de noter que, depuis lors,
des raids de l’aviation militaire sont sans cesse menés :
"L’armée américaine a affirmé ces
derniers jours avoir pris pour cible, à plusieurs reprises, des
repaires présumés du groupe de l’islamiste jordanien
Abou Moussad Al Zarkaoui, lié à Al-Qaida, à Fallouja,
faisant ainsi des dizaines de morts parmi la population civile."
(Courrier International du 20 septembre). Il est certain, que cette
nouvelle offensive armée américaine, tout particulièrement
centrée sur la région où sont retenus les otages
français n’est que la partie la plus visible de la réaction
américaine à l’offensive impérialiste de la
France, qui s’est elle-même développée à
peine cachée sous la bannière humanitaire de la libération
des deux journalistes. Ceci donne tout son sens au fait que le gouvernement
Chirac met en avant la poursuite des combats et des violences en Irak
pour expliquer la lenteur de la libération éventuelle
de ces deux journalistes français et de leur chauffeur syrien.
Les dignitaires religieux semblent tout particulièrement visés
depuis quelques temps : "Deux membres du comité
des oulémas sunnites ont été assassinés
lundi dans la capitale irakienne. Des hommes armés ont tué
le cheikh Mohamed Djadou lundi alors qu’il sortait d’une mosquée
à l’ouest de Bagdad. Quelques heures plus tôt, dimanche
soir, un autre dirigeant du comité des oulémas, Hazem
Al Zadi, a été tué à la sortie des prières
d’une mosquée de Sadr City, quartier chiite de la capitale
irakienne. Le comité des oulémas a dit craindre une "campagne
organisée" d’assassinats de ses dignitaires."(idem).
En retour, ces assassinats particulièrement ciblés sont
un facteur très important dans le mouvement de radicalisation
d’une partie de la population irakienne, notamment parmi sa frange
la plus croyante, plongeant un peu plus l’Irak dans un chaos total.
Dans ce contexte, quelles que soient les motivations réelles
du groupe terroriste qui détient les deux otages français
et le niveau d’influence que peuvent avoir sur lui les autorités
religieuses, il semble bien que les ravisseurs se retrouvent dans une
situation très périlleuse qui complique sérieusement
les modalités de libération des deux journalistes français.
Aussi bien les réactions d’ampleur et menaçantes
à cet enlèvement que les enjeux des tensions interimpérialistes,
impliquant directement la France et les Etats-Unis, placent ces preneurs
d’otages entre le marteau et l’enclume. De tous cotés,
la perspective à leur égard, pourrait être leur
écrasement dans le sang. Dans ce sens, le permis de tuer (par
une "fatwa") délivré par les plus hautes autorités
religieuses à ces ravisseurs est significatif du soutien global
du monde musulman à l’impérialisme français.
Le jeudi 16 septembre dernier, deux Américains et un Britannique,
ont été enlevés dans leur résidence d’un
quartier aisé de Bagdad, comme au même moment deux jeunes
femmes italiennes engagées dans des activités humanitaires
auprès d’ONG. Aucune des instances qui se sont mobilisées
pour soutenir la France dans l’affaire de ses otages, ne s’est
mobilisée à nouveau pour les otages américains.
C’est même le silence le plus total qui prévaut, signifiant
ainsi, de fait, l’aval donné par ces instances à
ces prises d’otages. Et l’assassinat barbare, filmé
sur Internet, de deux d’entre eux ne s’est pas fait attendre.
La prolétariat ne doit se faire aucune illusion. L’Irak
livré à la guerre permanente et à l’anarchie
la plus complète ne peut que sombrer encore plus dans le chaos.
Derrière la guerre civile en Irak et dans l’ensemble du
monde arabo-musulman, les grandes puissances impérialistes se
rendent coup pour coup. La prise des otages français quels qu’en
soient les initiateurs et leurs motivations, comme quelle qu’en
soit l’issue, n’aura constitué qu’un épisode
supplémentaire dans les affrontements impérialistes, et
notamment entre la France et les Etats-Unis. La vie des otages n’est
que le prétexte pour développer cet affrontement.
Certes, la France vient de marquer quelques points, mais ceci peut encore
évoluer selon le sort qui sera réservé aux otages.
Dans leur lutte acharnée, la France et les Etats-Unis ne manqueront
pas d’en faire l’usage le plus cynique.
La bourgeoisie française a déjà largement profité,
par exemple, du moins dans un premier temps, du battage médiatique
autour de cet événement. Une fois de plus, la barbarie
du capitalisme aura permis de recréer et de susciter un climat
d’union nationale, "d’union sacrée" entre
les exploiteurs et leurs exploités, auquel toutes les forces
de la bourgeoisie auront largement contribué, des trotskistes
au PCF, des pontes du PS en passant par l’ensemble des leaders
de la droite. La classe ouvrière n’a rien à gagner
mais tout à perdre en se laissant entraîner dans de telles
campagnes qui ne servent qu’à la détourner de son
terrain de lutte.
Comme à son habitude, la bourgeoisie a immédiatement déclenché
le battage médiatique suivant une mécanique idéologique
bien huilée. Une véritable pièce de théâtre !
Premier acte : le président du pays, Nicanor Duarte Frutos,
verse toutes les larmes de son corps et décrète trois
jours de deuil national. Quel cynisme ! Venir profiter de la mort
de prolétaires afin de donner un visage humain et compatissant
à l’Etat, lui le premier garant du système capitaliste.
La bourgeoisie s’enorgueillit même de ce machiavélisme.
"L’Etat peut sortir renforcé du drame s’il
réagit rapidement" claironne, non sans ironie, Fernando
Abruciò, expert en politique internationale (Libération
du 3 août).
Second acte : la justice aux ordres pointe du doigt un bouc-émissaire,
un individu qui endossera toutes les responsabilités du massacre.
Il s’agit de Victor Daniel Paiva, manager général
du centre commercial inculpé d’homicide volontaire dès
le mercredi 4 août. Le président Duarte l’avait exigé,
il voulait une enquête rapide "pour que les coupables
soient punis". Evidemment, la photo de cet homme est placardée
dans tous les journaux, exposée à la vindicte populaire.
Une telle focalisation haineuse évite ainsi d’aller chercher
plus loin. Elle masque le véritable responsable de ces assassinats
qui n’est autre que le capitalisme, un système basé
sur l’exploitation des prolétaires, la production de marchandises,
l’argent et la recherche du profit. Aux yeux du capital, la vie
humaine n’a aucune valeur. La catastrophe d’Asunción
n’a fait que révéler une fois encore la logique barbare
de ce système qui n’a aucun scrupule à massacrer
ceux qu’il exploite pour tenter de sauver ses marchandises. C’est
cette vérité là, toute nue, qui éclate dans
cet abominable carnage. Le manager général du magasin
n’est pas un psychopathe, il est le digne représentant de
sa classe.
Troisième et dernier acte : la bourgeoisie des pays centraux
reconnaît l’existence de causes beaucoup plus profondes et
communes à tous les pays de la périphérie. Les
journaux français dénoncent à cor et à cri
la corruption généralisée du Paraguay ou la vétusté
des infrastructures sécuritaires. Le fait que les pompiers tentaient
désespérément de boucher les trous de leur tuyau
avec leur bottes, pour éteindre le feu, a été martelé
à longueur de colonnes. Effectivement, c’est une réalité,
l’incendie du centre commercial d’Asunción a pour cause
première l’état désastreux du matériel,
des bâtiments. Les règles minimales de sécurité
étaient totalement inexistantes. Mais ce n’est pas une particularité
des pays du tiers-monde.
Derrière ses cris d’orfraie, la bourgeoisie des pays développés
veut nous faire croire qu’ici les prolétaires seraient traités
de façon plus humaine. Mensonges ! Au Paraguay, comme en
France, comme partout ailleurs, la bourgeoisie est contrainte, sous
les coups de boutoir de la crise, de faire des économies au mépris
de la vie des prolétaires. Les infrastructures industrielles
se délabrent, ne sont plus entretenues. Partout sur la planète,
la menace de catastrophes, d’explosions se fait chaque jour un
peu plus grande. Deux jours avant Asunción, c’est à
Ghislenghien, en Belgique, que l’explosion d’une conduite
de gaz tuait 18 ouvriers. Souvenons-nous encore de l’explosion
de l’usine AZF à Toulouse en 2001 et qui a fait plusieurs
dizaines de morts et 9000 blessés. Aujourd’hui encore, trois
années après la catastrophe, l’Etat, les assureurs,
les patrons, se rejettent la faute tandis que la classe ouvrière
continue à payer la note financièrement et physiquement.
En dénonçant la vétusté des infrastructures
et la sauvagerie des capitalistes dans les pays sous-développés,
la bourgeoisie des pays industrialisés tente tout simplement
de faire oublier ses propres mœurs, son propre mépris pour
les vies humaines. Et surtout, elle cherche à masquer la responsabilité
de son système en pleine décomposition. L’incendie
du centre commercial d’Asunción n’est pas une tragédie
résultant de "spécificités locales".
Il est le miroir de cette décomposition de la société
bourgeoise avec à sa tête une classe dominante sanguinaire
qui, pour défendre ses intérêts, n’hésite
jamais à massacrer ceux qu’elle exploite.
Nous publions ci-dessous la deuxième partie du compte-rendu d’une réunion publique du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire (BIPR) qui s’est tenu le 15 mai à Berlin, à laquelle le CCI a participé, et qui portait sur les causes de la guerre impérialiste.
Dans la première partie de ce compte-rendu, publié dans le dernier numéro de RI (n°349), nous avons mis en évidence le danger de l’empirisme bourgeois qui conduit le BIPR à emboîter le pas aux campagnes des sociaux-démocrates et de l’idéologie altermondialiste dans son analyse des causes de l’offensive impérialiste des Etats-Unis en Irak.
Au cours de cette deuxième partie de la discussion en particulier,
différentes questions critiques ont été adressées au CCI. Celles-ci mettaient
en question l’importance donnée à la signification des questions stratégiques
dans nos analyses des rivalités impérialistes. Le camarade du FKG[1] a critiqué
le fait que –à son avis– le CCI explique les tensions impérialistes par les
rivalités militaires sans les relier à la crise économique, et en excluant
apparemment les facteurs économiques. Il a mis en avant l’exemple des objectifs
économiques de l’Allemagne dans la Seconde Guerre mondiale, de façon à
insister, contre la position du CCI, sur le fait que les Etats impérialistes
cherchent une solution à la crise économique dans la guerre. Un camarade
d’Autriche, autrefois membre fondateur dans ce pays du "Groupe Communiste
International", voulait savoir si le CCI accorde une certaine importance
au rôle du pétrole ou si, au contraire, il considère que c’est par simple
coïncidence si la cible de la "lutte contre le terrorisme" prend
place précisément dans une région où se trouvent les plus grandes réserves de
pétrole du monde. Le représentant du GIS a aussi demandé une précision sur
notre prise de position selon laquelle la guerre moderne n’est pas une
solution, mais est elle-même l’expression de l’explosion de la crise.
La délégation du CCI a répondu que, de notre point de vue, le marxisme, loin de
nier le lien entre crise et guerre, est capable de l’expliquer de façon
beaucoup plus profonde. Cependant, pour le CCI, la guerre impérialiste n’est
pas l’expression des crises cycliques qui étaient typiques du XIXe siècle mais
le produit de la crise permanente du capitalisme décadent. En tant que telle,
elle est le résultat de la rébellion des forces productives contre les rapports
de production de la société bourgeoisie qui sont devenus trop étroits pour
elles. Dans son livre l’Anti-Dühring, Friedrich Engels affirme que la
contradiction centrale dans la société capitaliste est celle qui existe entre
une production qui devient déjà socialisée et une appropriation de cette
production qui reste privée et anarchique. A l’époque de l’impérialisme, une
des principales expressions de cette contradiction est celle qui existe entre
le caractère mondial du processus de production et l’Etat-nation en tant
qu’instrument le plus important de l’appropriation privée capitaliste. La crise
du capitalisme décadent est une crise de toute la société bourgeoise. Elle
trouve son expression strictement économique dans la dépression économique, le
chômage massif, etc. mais elle s’exprime aussi au niveau politique, militaire,
c’est-à-dire à travers des conflits militaires toujours plus destructeurs. La
caractéristique de cette crise de tout le système est l’accentuation permanente
de la concurrence entre les Etats-nations aussi bien au niveau économique que
militaire. C’est pourquoi nous nous sommes élevés, au cours de la réunion,
contre l’hypothèse du représentant de "l’Internationale Communiste"
(voir première partie du compte-rendu) selon laquelle, dans la lutte pour
l’hégémonie mondiale, la bourgeoisie américaine utiliserait des moyens
militaires et la bourgeoisie européenne des moyens économiques. En réalité,
cette lutte est menée en utilisant tous les moyens possibles. La guerre
commerciale est aussi enragée que la guerre militaire. Il est vrai, bien
évidemment, que chaque fraction nationale de la bourgeoisie, à travers la
guerre, cherche toujours une sortie à la crise. Mais parce que le monde, depuis
le début du XXe siècle, a déjà été partagé, cette "solution" ne peut
être envisagée qu’aux dépens des autres, en général les Etats capitalistes
voisins. Dans le cas des grandes puissances, cette "solution" ne peut
que résider dans la domination sur le monde et en tant que telle, elle exige
l’exclusion ou la subordination radicale des autres grandes puissances. Cela
veut dire que cette recherche de sortie de la crise prend de plus en plus un
caractère utopique et irréaliste. Le CCI parle ici d’une
"irrationalité" croissante de la guerre.
Au cours de la décadence capitaliste, il apparaît régulièrement que la
puissance prend l’initiative de déclencher la guerre en ressorte finalement
comme le vaincu : l’Allemagne dans les deux guerres mondiales par exemple.
Cela révèle la nature de plus en plus irrationnelle et incontrôlable de la
guerre.
Ce que nous critiquons dans l’analyse que le BIPR fait de la guerre, ce n’est
pas du tout l’affirmation selon laquelle la guerre a des causes économiques,
mais la confusion entre les déterminations économiques et la rentabilité
économique. De plus, nous critiquons le fait d’expliquer chaque mouvement dans
la constellation impérialiste par une cause économique immédiate, ce qui, à
notre avis, constitue une tendance matérialiste vulgaire. Cela s’est révélé
précisément sur la question du pétrole. Il va sans dire que la présence de
ressources pétrolières au Moyen-Orient joue un rôle considérable. Cependant,
les puissances industrielles –d’abord et avant tout les Etats-Unis– n’avaient
pas besoin d’occuper militairement ces champs pétrolifères pour établir leur
prédominance économique sur cette matière première ou d’autres. Ce qui est en
jeu, c’est avant tout l’hégémonie militaire et stratégique sur des sources
d’énergie potentiellement décisives dans les épisodes de guerre.
Le BIPR a rejeté de façon véhémente l’affirmation du CCI selon laquelle la
guerre moderne serait l’expression de l’impasse du capitalisme. Le représentant
de Battaglia Comunista a bien admis que la nature destructrice du capitalisme
conduit tôt ou tard à la destruction de l’humanité. Mais tant que cette calamité
finale n’a pas eu lieu, le capitalisme peut continuer son expansion de façon
illimitée. Selon le camarade de Battaglia, ce ne sont pas les guerres
actuelles, imposées par les Etats-Unis, mais les "vraies guerres
impérialistes" du futur (par exemple entre l’Amérique et l’Europe) qui
seraient les moyens de cette expansion, étant donné qu’une destruction
généralisée ouvrirait la route à une nouvelle phase d’accumulation.
Nous avons été d’accord sur le fait que le capitalisme est capable de balayer
l’humanité. Toutefois, la destruction de la production excédentaire, considérée
d’un point de vue historique, n’a même pas suffi à surmonter les crises
cycliques du capitalisme ascendant du XIXe siècle.
C’est pour cela que, selon Marx et Engels, l’ouverture de nouveaux marchés
aussi était nécessaire. Alors que, dans le cadre de l’économie naturelle, la
surproduction ne pouvait qu’apparaître comme un excès par rapport aux limites
physiques maximales de la consommation humaine, dans le régime de production de
biens de consommation, et surtout dans le capitalisme, la surproduction est
toujours exprimée par rapport à la consommation existante de ceux qui possèdent
de l’argent. C’est une catégorie économique plus que physiologique. Cela
signifie que la destruction par la guerre ne résout pas par elle-même le
problème fondamental du manque de demande solvable.
Avant tout, le point de vue défendu ici par le BIPR, concernant l’expansion
possible du capitalisme jusqu’au moment de la destruction physique, n’est pas
compatible avec la vision d’une décadence du capitalisme –une vision que le
BIPR semble de plus en plus abandonner. En effet, selon le point de vue
marxiste, le déclin d’un mode de production s’est toujours accompagné d’un
développement croissant des entraves aux forces productives du fait de la
production existante et des rapports de propriété. Il semble que, pour
Battaglia, la guerre paraît encore jouer le rôle de moteur de l’expansion
économique comme au XIXe siècle.
Quand le représentant de Battaglia parlait, pendant la réunion, des
"guerres vraiment impérialistes" à venir, il ne faisait que confirmer
notre impression que cette organisation considère les guerres de la période
actuelle comme une simple continuation de la politique économique des Etats-Unis
avec d’autres moyens, et pas comme des conflits impérialistes. Pour notre part,
nous avons insisté sur le fait que ces guerres sont aussi des guerres
impérialistes et que les grandes puissances impérialistes à travers elles
entrent en conflit les unes avec les autres – pas directement, mais par exemple
via les guerres à la périphérie. La série de guerres en ex-Yougoslavie, qui à
l’origine étaient suscitées par l’Allemagne, confirme aussi que dans ce
processus, les Etats- Unis sont loin d’être les seuls agresseurs.
Dans sa conclusion à la discussion, le porte-parole du BIPR a défendu le
point de vue selon lequel cette discussion aurait révélé que le débat entre le
BIPR et le CCI est "inutile". Et cela, parce que pendant des
décennies, le BIPR a accusé le CCI "d’idéalisme" et le CCI a accusé
le BIPR de "matérialisme vulgaire" sans qu’aucune des deux
organisations n’ait modifié son point de vue.
A notre avis, c’est un jugement plutôt négatif sur une discussion dans
laquelle, non seulement les deux organisations, mais aussi tout un éventail de
groupes et de personnes différentes ont participé de façon très engagée. Il est
évident que la nouvelle génération de militants qui s’intéressent à la
politique dans l’aire germanophone doit trouver un grand intérêt à venir
connaître les positions des organisations internationalistes existantes, à
s’informer autant que possible des accords et des désaccords entre elles. Quoi
de mieux pour répondre à cette demande qu’un débat public ?
Pour autant que nous sachions, aucun révolutionnaire sérieux jusqu’à présent
n’a jamais pensé, par exemple, à mettre en doute l’utilité du débat entre
Lénine et Rosa Luxembourg sur la question nationale, uniquement parce que ni
l’un ni l’autre n’ont jamais modifié leur position de base sur la question. Au
contraire : la position actuelle de la "gauche communiste" sur
les soi-disant mouvements de libération nationale est en grande partie fondée
sur les résultats de ce débat.
Le CCI, pour sa part, reste entièrement favorable au débat public et continuera
à appeler à de tels débats et à y participer. Ce débat représente en effet un
moment indispensable du processus de prise de conscience du prolétariat.
[1] Les Amis d’une société sans classes.
Nous publions ci-dessous
des extraits d’une prise de position adoptée par le Nucleo Comunista
Internacionalista, un petit groupe de militants d’Argentine qui se sont
approchés récemment des positions de la Gauche communiste et dont la presse du
CCI a déjà publié plusieurs textes, notamment sur les mouvements sociaux en
Amérique latine[1].
Cette prise de position concerne les agissements de la prétendue "Fraction
interne du CCI", un groupuscule parasitaire formé d’anciens membres du CCI
exclus de notre organisation pour leurs comportements de mouchards (et
nullement, comme ils l’affirment, pour des désaccords politiques que nous
aurions voulu faire taire)[2].
Quelques remarques à propos de la publication de ces extraits du document du
NCI :
Si nous n’en publions que des extraits dans notre journal, ce n’est nullement
que les autres parties soient sans intérêt, mais pour ne pas déséquilibrer
notre publication au détriment d’autres questions de la situation mondiale sur
lesquelles nous devons nous pencher de façon impérieuse. Cela dit, la totalité
du document du NCI sera publiée sur le site Internet du CCI.
C’est d’ailleurs à cause du même souci d’équilibre que nous n’avons pas jusqu’à
présent publié vers l’extérieur ce document qui a été adopté le 22 mai
2004 : en effet, les comportements de la FICCI étaient épinglés dans
l’article de notre journal publié au même moment et rendant compte du 16e
congrès de notre section en France ("Le renforcement de l’unité et de
la solidarité au sein de l’organisation", RI n°347), de même que dans le numéro suivant de RI ("Intervention
de la FICCI à la fête de ‘Lutte ouvrière’, Le parasitisme au service de la
bourgeoisie").
Si aujourd’hui nous estimons nécessaire de publier la prise de position du NCI,
c’est notamment du fait des derniers épisodes de l’offensive que la FICCI a
engagée non seulement contre notre organisation mais contre l’ensemble de la
Gauche communiste.
En effet, dans le numéro 27 de son Bulletin publié sur Internet (et envoyé aux
abonnés de Révolution Internationale dont le fichier des adresses a été volé au
CCI par un membre de la prétendue "fraction"), la FICCI publie un
document, intitulé "Compte rendu d’une réunion entre le BIPR et la
fraction", dans lequel on peut lire, entre autres, que :
"Cette réunion est une concrétisation supplémentaire et significative
des liens que cherche à développer notre fraction avec le BIPR, et plus
largement avec les organisations et éléments du camp prolétarien." (…)
"Dans une dernière partie, cette réunion a permis de jeter les bases d’un
travail commun dans lequel le débat doit prendre une place de première
importance."
En réalité, le développement du milieu prolétarien et des débats en son sein
est bien le dernier des soucis de la FICCI. Ce qui anime fondamentalement ce
groupuscule (et qu’on peut facilement constater mois après mois dans ses
bulletins) c’est de nuire le plus possible au CCI (faute d’avoir pu le détruire
comme ses éléments ont essayé de le faire au temps où ils étaient encore dans
ses rangs). Pour ce faire, ses membres ont besoin de se faire délivrer un
certificat de respectabilité par les autres groupes de la Gauche communiste, ce
qui s’avère bien nécessaire quand on connaît leurs comportements de voyous et
de mouchards. A cette fin, la FICCI ne recule devant aucun moyen afin de
s’attirer les bonnes grâces de ces groupes et particulièrement du BIPR :
"Un constat politique s’impose, selon notre fraction : il n’y a
plus aujourd’hui qu’un seul pôle de regroupement parmi les groupes se
revendiquant de la gauche (…) La seule organisation ayant la capacité de jouer
ce rôle de pôle de référence et de regroupement, armée d’une expérience
concrète sur laquelle s’appuyer, c’est le BIPR. (…) Même avec des forces peu
nombreuses, le BIPR n’en est pas moins la seule organisation qui soit capable
de défendre dans la classe, de façon pratique à travers l’intervention dans la
lutte, les positions communistes, internationalistes contre la propagande
bourgeoise et qui soit en même temps capable de servir de pôle de regroupement.
(…)
C’est aussi sur le plan de la capacité d’impulser le débat de pousser à une
réelle clarification politique au sein de ce qu’on appelle le camp prolétarien,
le milieu internationaliste et vis-à-vis de ceux qui ont le souci de s’inclure
dans une dynamique de construction du parti, que cette organisation est active."
Pour ne pas lasser le lecteur, nous ne reportons qu’une partie des tonnes de
pommade que la FICCI étale sur la peau du BIPR.
Le fait est que ce dernier ne semble pas connaître cette fable de La Fontaine
où le Renard flatte le Corbeau pour lui faire lâcher son fromage. C’est pour
cela que le BIPR cède à la FICCI son… fromage, le certificat de bonne conduite
qu’elle attend, sans être capable de comprendre le jeu véritable de ce
groupuscule.
C’est justement le piège dans lequel ne sont pas tombés les camarades du NCI.
Comme ils le disent, c’est après avoir examiné avec attention les documents
publiés tant par la FICCI que par le CCI (et non pour avoir crû sur parole ce
dernier), qu’ils se sont fait l’opinion exprimée ci-dessous.
(…)
Nous ne souhaitons pas réitérer des arguments exprimés dans les paragraphes
précédents, mais de la lecture attentive des matériels que nous possédons nous
pouvons déclarer sans aucune hésitation que la FICCI, bien que jouissant de
toutes les garanties statutaires, a décidé de par sa propre volonté
d’abandonner le débat et de passer avec armes et bagages sur le terrain de
l’ennemi. La preuve de cela est fournie par sa conduite avant et pendant le
congrès [le 15e congrès du CCI], comme de sa conduite actuelle. L’attitude
assumée par la FICCI est analogue à la position adoptée par la fraction
menchevique pendant le congrès du POSDR et que Lénine a dépeinte de façon
admirable dans "Un pas en avant, deux pas en arrière".
De ce fait, l’attitude de notre petit noyau est de solidarité politique avec le
CCI, de confiance programmatique avec celui-ci, et de rejet et condamnation par
rapport à la FICCI.
Suite à ce qui a été signalé plus haut, le groupe NCI basé en Argentine a décidé de se prononcer unanimement de la façon suivante :
1) Repousser les accusations lancées par la Fraction interne du CCI contre
le Courant Communiste International.
2) Rejeter solennellement les rumeurs et les soupçons que la FICCI a semés de
façon pernicieuse contre une série de camarades du CCI, tout en nous
solidarisant pleinement avec ces derniers.
3) Considérer comme des méthodes dignes du stalinisme les accusations sans
fondement portées par la FICCI.
4) Considérer que ces accusations ont été motivées par un esprit de secte ou de
clan de la part de la fraction comme résultat de loyautés personnelles, et non
envers le programme.
5) Condamner le vol par la fraction de l’argent et de matériaux du CCI.
6) Considérer la FICCI comme une organisation en dehors de la classe ouvrière,
dont nous préconisons l’exclusion et l’expulsion du sein du prolétariat, à
cause de ses conduites de caractère bourgeois.
7) Considérer la FICCI comme une organisation influencée à cent pour cent par
l’idéologie bourgeoise.
8) Rejeter les méthodes utilisées par la FICCI pour éviter le débat politique
dans le 15e congrès du CCI, en condamnant également l’attitude liquidatrice et
destructrice qu’elle a adoptée.
9) Considérer la conduite assumée par la FICCI comme étrangère à la classe
ouvrière et à la Gauche communiste, et comme proche de celle adoptée par
Staline dans ses campagnes diffamatoires contre des militants bolcheviques.
10) Considérer à l’unanimité que la FICCI est une organisation de provocateurs
au service de l’état bourgeois.
11) Considérer que la FICCI n’est pas l’héritière des principes programmatiques
constitutifs du CCI, au contraire elle leur est antagonique.
12) Considérer le CCI comme une organisation qui, malgré les difficultés qu’elle
ne dissimule pas, mène à bien la défense des principes fondamentaux du
programme et du manifeste du CCI, de même que des autres acquis théoriques qui
sont apparus à la lumière de la lutte de classes.
13) Rejeter la fausse accusation formulée par la FICCI selon laquelle le CCI
aurait abandonné la lutte de classes et aurait perdu confiance dans la
révolution communiste.
14) Autoriser le CCI, s’il l’estime adaptée, la publication du présent texte, à
toute fin qu’il considérera pertinente.
Depuis des années, les pays développés accumulent les déficits budgétaires les plus pharamineux, leur endettement est en constante augmentation et se généralise de façon quasi-incontrôlable. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est le démantèlement de l’Etat-providence et les licenciements massifs dans nombre de régions du monde, tandis que tous les frémissements annonçant une “reprise économique” s’avèrent n’être que feu de paille. Pourtant, dans une telle situation où s’accumulent les nuages les plus sombres pour l’avenir, la bourgeoisie n’a de cesse de nous vanter le “miracle économique chinois”. Economistes patentés à l’appui, le développement économique de la Chine est vanté comme un signe annonciateur d’une nouvelle phase de développement du capitalisme mondial.
Le “triomphe des capitalistes rouges” et le “boom de l’économie chinoise”, seraient donc les porteurs d’une nouvelle phase d’expansion glorieuse du capitalisme.
La croissance du PIB chinois détient sans conteste des records :
7,8% en 2002, 9,1% en 2003 et des prévisions à deux chiffres
pour 2004. Depuis son entrée dans l’OMC en 2001, alors que
le commerce mondial était en forte baisse, les échanges
entre la Chine et le reste de l’Asie ont connu une forte progression
et, en 2003, alors que les échanges mondiaux ne progressent que
de 4,5%, l’Asie voit les siens progresser de 10 à 12% avec
ceux de la Chine qui explosent littéralement de 40% pour ses
importations et 35 % pour ses exportations. Entre 1998 et 2003, les
exportations ont augmenté de 122%, la production automobile de
172%, la production "high-tech" de 363%. En 2003, la Chine
est devenue la première zone d’accueil des investissements
internationaux avec 53,5 milliards de dollars, devant même les
Etats-Unis, et la spéculation financière la plus folle
règne en maître.
En deux ans, l’Empire du Milieu a acquis le statut de locomotive
de l’économie mondiale. Certains économistes projettent
qu’il aura rattrapé le Japon dans 15 ans et les Etats-Unis
dans 45 ans. Son PIB équivaut d’ores et déjà
à celui de la France ou de la Grande-Bretagne.
Japon, Etats-Unis, Europe s’arrachent les produits “made in
China” et les nouvelles régions industrielles chinoises
qui poussent comme des champignons attirent les investissements comme
des aimants. L’Union européenne prévoit ainsi de
renforcer son partenariat avec la Chine et d’en faire à
terme son premier partenaire commercial. La bourgeoisie d’outre-Atlantique
investit de façon massive et grandissante dans le pays, apportant
un soutien actif et puissant au développement de l’économie
chinoise après l’avoir elle-même fortement impulsé,
quitte à se trouver dans une situation de concurrence défavorable
vis-à-vis de l’Etat chinois. En 2003, résultat de
l’invasion du marché américain par les produits chinois,
le déficit commercial américain vis-à-vis de Pékin
atteignait 130 milliards de dollars.
On a là un tableau idyllique : une croissance insolente
qui se joue des crises, de celle de 1997 dans le Sud-Est asiatique et
de celle de l’éclatement de la bulle financière de
la “nouvelle économie” en 2001, date d’entrée
de la Chine dans l’OMC.
Cette entrée à l’OMC ne constitue en fait pas une
véritable rupture pour l’économie chinoise, mais
une étape dans sa politique de libéralisation commerciale
ouverte à la fin des années 1970. Au début, elle
a favorisé les industries exportatrices et en a protègé
d’autres - automobile, industrie alimentaire, biens de consommation
industriels. Ensuite, au cours des dix dernières années,
la Chine a mis en place un régime douanier préférentiel
visant le développement d’industries d’exportations
concentrées sur la façade maritime.
Cependant, malgré l’exhibition des fortunes qui se font
aujourd’hui dans le dernier grand bastion du prétendu “communisme”,
les forces destructrices du capitalisme en crise sont à l’oeuvre.
Les experts bourgeois eux-mêmes se posent clairement la question :
"Jusqu’à quand cela va-t-il durer ? “.
Et ils ont appelé au ralentissement des investissements, constatant
presque avec “soulagement” que ceux-ci, en capital fixe, n’ont
augmenté que de 18% en rythme annuel au mois de mai (pour 43%
au 1er trimestre). L’inflation est galopante, signe de cette “surchauffe”
que redoutent tant les économistes. En avril, cette dernière
était officiellement de 3,8% mais en réalité de
plus de 7%, selon des analystes qui connaissent bien le flou des statistiques
chinoises. Dans le domaine des produits alimentaires, elle atteint 10%.
Mais c’est le marché des matières premières,
avec la rapidité et l’avidité de la demande industrielle,
qui a connu une violente flambée et la plus brutale augmentation
jamais vue depuis trente ans. L’acier, l’aluminium, le zinc,
le coton, et surtout le pétrole, sont à la hausse, alimentant
une bulle spéculative déjà incontrôlable
et explosive.
L’Etat chinois lui-même s’efforce de limiter la
progression de la croissance et a tenté de réagir par
des gels de crédit et des ordonnances de blocage des prix à
la consommation qui croîtraient actuellement à un rythme
supérieur à 1% mensuel. Il s’est ainsi satisfait
d’avoir pu limiter la croissance à 15,5% pour le mois de
juillet.
Cependant, les dangers qui guettent sont légions. La bulle immobilière
continue par exemple à donner des sueurs froides aux autorités
chinoises ; le secteur bancaire est en réalité en
état de quasi-faillite avec au moins 50% des créances
qui seraient douteuses. 60% des investissements ne proviennent pas du
cycle de la production lui-même mais tout bonnement de capitaux
recyclés à Hong-Kong ou dans des paradis fiscaux, c’est-à-dire
de la spéculation financière elle-même ou du blanchiment
de l’argent.
Les profits astronomiques qui se réalisent aujourd’hui en
Chine ne sont en réalité que le résultat d’une
spéculation effrénée qui traverse la Chine et le
monde et ne découlent pas de la vente réelle des marchandises
et de la valorisation du capital productif. Les marchandises qui inondent
le marché mondial vont de plus en plus difficilement trouver
des acheteurs, malgré le bas prix où elles sont proposées.
Aussi, la perspective réelle est-elle à de nouvelles aggravations
de la crise historique du capitalisme. Ce qui se passe en Chine n’a
rien à voir avec un développement des forces productives
comme il a existé au 19e siècle. Alors qu’à
cette période les phases de croissance contenaient la promesse
d’un développement toujours plus impétueux des forces
productives, aujourd’hui elles représentent la certitude
de contradictions aggravées pour le système.
Ce que connaît la population chinoise en est une expression frappante.
20% des plus pauvres du pays reçoivent moins de 6% des revenus,
contre plus de 8% en Inde et 9% en Indonésie, pays réputés
pour leur extrême pauvreté.
Dans le fameux Delta des Perles, dans la province du Guangdong entre
Shenzen et Canton, région de rizières transformée
en dix ans en premier centre manufacturier de la planète, les
salaires, pourtant considérés parmi les meilleurs de Chine,
atteignent 100 euros par mois, et les ouvriers n’ont que 9 jours
de congés par an !
Pour ce qui est du chômage, il est devenu massif en Chine. Officiellement
de 4,7%, il atteint jusqu’à 35% dans certaines régions
comme le Liaoning. Fin 2003, on comptait 27 millions de prolétaires
licenciés par les entreprises d’Etat, qui sont en totale
faillite. Des millions d’emplois ont été supprimés
dans les campagnes où les révoltes se multiplient et sont
matées à la trique. Bilan : ce ne sont pas moins
de 150 millions de paysans migrants qui s’entassent dans des bidonvilles
aux portes des centres urbains de l’Est de la Chine, en quête
d’un travail que la majorité d’entre eux n’aura
pas.
Le système éducatif est laissé totalement à
l’abandon et les conditions sanitaires sont terribles. Sans assurance
maladie, avec des hôpitaux qui font prévaloir le régime
des services de soins payants pour espérer rester eux-mêmes
en activité, c’est une véritable catastrophe qui
s’annonce. Les hépatites B et C touchent plus de 200 millions
de Chinois ; un à deux millions d’entre eux sont séropositifs
et, d’ici 6 ans, il est prévisible que 15 millions le seront.
550 millions de personnes sont infectées par la tuberculose,
avec environ 200 000 décès par an.
Au niveau alimentaire, le chaos de la politique économique délirante
de l’Etat chinois fait dangereusement baisser les réserves
de céréales et désorganise totalement l’agriculture,
tandis que les campagnes se vident. L’utilisation intensive des
sols menace 80 millions d’hectares (sur 130 millions cultivables)
de désertification. Tout cela ne peut que favoriser de futures
pénuries aux conséquences catastrophiques.
L’environnement est saccagé par la combustion effrénée
de charbon, comme par la construction de barrages gigantesques pour
répondre à une demande d’électricité
toujours croissante. Ainsi, la Chine est d’ores et déjà
le deuxième producteur de gaz à effet de serre de la planète.
La pollution urbaine est un fléau : 16 villes chinoises
figurent parmi les 20 plus polluées de la planète.
Aussi, c’est un véritable désastre qui se déroule
en Chine. Ce désastre ne saurait signifier un nouveau redémarrage
du système vers une longue période de développement
des forces productives mais est annonciateur d’un nouvel effondrement
économique. Depuis l'entrée du capitalisme dans sa crise
ouverte, la bourgeoisie nous a d'abord vanté les modèles
du Brésil puis de l'Argentine, mais également des "nouveaux
pays industrialisés" d'Asie. Elle nous a fait plus récemment
miroiter le miracle de la "nouvelle économie" accouchée
par l'internet. L'écroulement du dragon chinois ne tardera pas
à montrer que l'envers de ces miracles, c'est la sombre réalité
d'un capitalisme en pleine faillite.
Depuis quelques mois, différents mouvements sociaux, en particulier en Europe, sont venus apporter une confirmation tangible de l’existence d’un tournant dans la lutte de classe au niveau international. C’est ce tournant qui s’est illustré à partir des luttes ouvrières du printemps 2003 contre la "réforme" des retraites en France et en Autriche.
L’accélération de la crise mondiale du capitalisme réduit de plus en plus la marge de manoeuvre de la bourgeoisie qui, dans sa logique d’exploitation, n’a pas d’autre choix que d’attaquer toujours plus violemment et frontalement le niveau de vie de la classe ouvrière dans son ensemble.
Malgré la force et l’omniprésence de l’encadrement syndical, malgré les hésitations de la classe ouvrière à entrer en lutte, il est clair désormais que celle-ci a commencé à répondre aux attaques de la bourgeoisie. Même si cette réponse est bien loin de pouvoir s’opposer au niveau des attaques qui sont portées aux prolétaires. Déjà, la mobilisation des conducteurs de tramways italiens, des postiers et des pompiers anglais durant l’hiver 2003, puis des ouvriers des usines Fiat à Melfi dans le Sud de l’Italie au printemps illustrait (et cela malgré toutes les faiblesses et l’isolement de ces luttes) ce réveil de la combativité ouvrière. Mais aujourd’hui, les exemples se multiplient et sont de plus en plus édifiants.
La combativité des ouvriers s’est affirmée à plusieurs reprises depuis la lutte de juillet dernier en Allemagne chez Mercedes-Daimler-Chrysler. Plus de 60 000 ouvriers avaient été impliqués à ce moment-là dans des grèves et des manifestations de protestation contre le chantage et l’ultimatum de la direction. Non seulement des ouvriers de Siemens, Porsche, Bosch et Alcatel avaient participé à ces mobilisations mais le fait que de nombreux salariés de Brême se soient associés à ces mouvements a constitué une manifestation très significative d’un embryon de solidarité ouvrière (voir RI n°349).
Depuis plusieurs semaines en Espagne, à Ferrol en Galice, à Puerto Real et San Fernando près de Cadix en Andalousie comme à Sestao (dans la région de Bilbao), les ouvriers des chantiers navals ont déclenché un mouvement très dur dans lequel ils tentent de s’opposer à un plan de privatisation qui se traduirait par des milliers de suppressions d’emplois. Ce plan, qui avait été initié sous le gouvernement de droite, a été relancé par le gouvernement de gauche, en dépit des promesses de le suspendre quand le parti socialiste était encore dans l’opposition. Les syndicats qui avaient préparé un "calendrier de mobilisations" ont été pris de vitesse par la combativité ouvrière. Le 17 septembre, en assemblée générale, les ouvriers de Ferrol ont décidé, contre l’avis des syndicats, d’une manifestation allant jusqu’au siège du PSOE (le parti du gouvernement Zapatero). A San Fernando (Andalousie), les ouvriers ont spontanément décidé d’une manifestation à travers la ville. Les intérimaires et travailleurs précaires se sont souvent joints à la lutte, contrairement aux précédentes manifestations des chantiers navals du mois de mars. Pour éviter d’être débordés, les syndicats ont changé de stratégie, laissant le programme des mobilisations "ouvert" à de telles initiatives pour permettre au syndicalisme de base de les encadrer. Même si le mouvement à été dominé par des actions traditionnelles des syndicats pour défouler la colère ouvrière à travers des impasses servant uniquement à diviser les ouvriers (barrages d’autoroutes ou de voies ferrées comme à Sestao, débouchant fréquemment sur de stériles affrontements avec la police), l’aspect le plus nouveau et significatif de ces mobilisations a été une poussée vers la recherche d’une solidarité d’ouvriers d’autres secteurs. Toujours à San Fernando, les syndicats ont été contraints d’organiser une journée de grève générale et une manifestation qui a été la plus grande de l’histoire de la ville.
Plus récemment, le 2 octobre, une manifestation organisée par les syndicats et les altermondialistes à Berlin (qui devait "clôturer" la série de "protestations du lundi" contre le plan gouvernemental "Hartz IV") a rassemblé 45 000 personnes. Le même jour, une gigantesque manifestation avait lieu à Amsterdam contre les projets du gouvernement, précédée d’importantes mobilisations régionales. Officiellement, il y avait 200 000 participants, constituant la manifestation la plus importante du pays de ces dix dernières années. En dépit du slogan principal qui était "Non au gouvernement, oui aux syndicats !", la réaction la plus spontanée des participants eux-mêmes était la "surprise"et "l’étonnement" de se retrouver si nombreux ensemble. Il faut d’ailleurs se rappeler que les Pays-Bas avaient été, avec la Belgique, un des premiers pays où se marquait déjà la reprise internationale des luttes ouvrières à l’automne 1983.
Le 14 octobre dernier, 9400 ouvriers de l’usine Opel à Bochum, dans le coeur industriel de la Ruhr, se sont mis en grève, dès l’annonce par la maison-mère General Motors d’un nouveau plan de licenciement de 12 000 salariés sur le sol européen (en Suède mais surtout 10 000 en Allemagne dont 4000 sur le site de Bochum, menacé de fermeture). Poussés par une profonde colère, les ouvriers se sont néanmoins très rapidement heurtés à différents obstacles. En particulier, ils ont été piégés dans la fausse alternative mise en place de concert par le syndicat IG Metall et le syndicalisme de base : "accepter des négociations ‘constructives’ pour éviter ‘le pire’" ou bien "la grève jusqu’au bout". Les syndicalistes de base à Bochum, incluant le noyau dur stalinien des maoïstes du MLDP déclarèrent qu’ils se battraient aussi longtemps que les patrons n’auraient pas pris l’engagement de ne pas fermer l’usine de Bochum, et qu’ils préféraient que l’usine ferme plutôt que de faire quelque concession que ce soit. Le syndicat officiel, IG Metall, est resté en arrière plan, de façon "démocratique" et presque "neutre", déclarant qu’il respecterait tout ce que les ouvriers décideraient de faire. C’est à cause de cette tactique visant à permettre au syndicat IG Metall de ne pas perdre le contrôle du mouvement que les médias ont dit mensongèrement que ce syndicat avait été débordé. Parallèlement à cela, il s’est développé une campagne patronale contre les leaders du syndicalisme de base, ce qui a encore permis d’accroître le prestige de ces derniers. Après une semaine de grève, les manoeuvres de division de la bourgeoisie ont abouti à ce que la reprise du travail s’opère sous le signe de l’hostilité d’une minorité d’ouvriers combatifs, influencés par les gauchistes, contre tous ceux qui voulaient cesser la lutte.
A l’occasion de grèves organisées par les syndicats de General Motors dans différents pays européens et largement suivies, le besoin de solidarité entre les ouvriers s’est exprimé sous différentes formes : le 19, les ouvriers d’Opel à Saragosse en Espagne, ont fait des arrêts de travail qui ont bloqué la production et ils avaient projeté d’autres actions pour les jours suivants en solidarité avec les "camarades d’Allemagne" ; en Pologne, à Gwilice (Silésie du Sud), des ouvriers déclaraient "Aujourd’hui, c’est le tour des Allemands, demain ce sera le nôtre" ; des salariés allemands déclaraient "la politique de la direction est de monter les salariés européens les uns contre les autres". Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que ces mobilisations syndicales au niveau européen avaient pour but de dévoyer une tendance naissante au développement de la solidarité de classe dans le nationalisme anti-américain (General Motors est une entreprise à capital américain !) et dans les impasses du réformisme de l’altermondialisme, des partis de gauche et d’extrême-gauche.
Chacun de ces mouvements sert de révélateur à la réflexion qui se développe en profondeur au sein du prolétariat : l’accumulation, l’ampleur et la nature des attaques de la bourgeoisie sont amenées à saper les illusions que la classe dominante tente de répandre. Par ailleurs, elles imposent en même temps de plus en plus, au niveau de la conscience des exploités, une inquiétude et un questionnement sur le sort que ce système d’exploitation réserve pour leur avenir et celui de leurs enfants, pour les générations futures.
Le CCI est intervenu dans ces luttes en vue de pousser à la réflexion politique, notamment par tract dans la lutte des chantiers navals en Espagne et à Opel-General Motors en Allemagne (ces tracts sont consultables, ou le seront prochainement, en différentes langues sur notre site Internet).
Cette situation ouvre de nouvelles perspectives. Même si de telles luttes sont sporadiques, leur succession, de même que leur caractère massif, engageant chaque fois un prolétariat très concentré, démontre qu’elles ne sont pas un feu de paille. Elles témoignent d’une profonde perte d’illusions sur l’avenir que peut réserver le capitalisme. Elles révèlent la prise de conscience que les attaques, la dégradation des conditions de vie concernent les ouvriers de tous les pays et ne se posent pas au niveau d’un site, d’une entreprise, d’une nation. Elles démontrent enfin que se développe chez les ouvriers le sentiment d’appartenir à une seule et même classe.
W. (21 octobre)Dans une situation de chaos généralisé, de guerre civile permanente, d’attentats terroristes et d’enlèvements quotidiens d’otages de toutes nationalités y compris irakienne, une nouvelle offensive terrestre et aérienne de l’armée américaine a débuté en octobre. Pour la première fois depuis le début de cette guerre en Irak, des soldats irakiens entièrement armés par les Etats-Unis ont participé, directement sous commandement américain à la première phase de cette offensive. En effet comme le révèle le Financial Times : "Il est préférable de confier les opérations militaires aux forces irakiennes afin d’en minimiser les retombées politiques." Celle-ci s’est d’ailleurs traduite le 3 octobre dernier par la chute de Samarra (ville située à 100 km au nord de Bagdad). Pour arriver à ses fins dans cette offensive, des combats acharnés et un quadrillage maison par maison ont dû avoir lieu. On sait pertinemment que des femmes et des enfants sont morts au cours de cet assaut même si aucune statistique fiable ne peut donner un aperçu du massacre. Mais la ville de Samarra n’a été que le premier moment d’une offensive qui s’est développée en direction de Falloujah.
Dans ce pays livré aujourd’hui à l’anarchie, il y aurait eu au moins 2300 attaques envers les forces de la coalition, la police irakienne et la population civile, dans une vaste zone géographique allant de Mossoul au Nord, à travers le Kurdistan, y compris Kirkouk et le triangle sunnite (Tikrit, Samarra, Baquba, Ramadi, Falloujah et Bagdad), jusqu’à Bassorah au Sud. Pas une région de l’Irak n’est épargnée. Le bourbier irakien est tel que certains pays qui ont des troupes sur place se posent maintenant de plus en plus ouvertement la question de leur maintien. Le ministre polonais de la défense, Jerzy Somajdzinski a ainsi annoncé dans une interview à Gazeta Wyboteza un retrait possible des troupes d’ici 2005. " Un retour anticipé de nos troupes répondrait à la demande du premier ministre irakien Allaoui ", a affirmé de son côté le ministre italien de la défense au quotidien La Stampa (cité par Courrier International du 19 octobre). Il n’y a pas aujourd’hui un seul Etat impérialiste, embarqué dans la guerre en Irak aux cotés des forces anglo-américaines qui ne soit pas lui-même comme l’impérialisme américain en pleine impasse.
La perte de contrôle de la situation par les Etats-Unis, malgré la nouvelle offensive militaire en cours, est telle que l’éclatement futur de l’entité irakienne n’est plus totalement improbable. Au Nord de l’Irak, la ville de Kirkouk est aujourd’hui revendiquée, de manière de plus en plus agressive et belliqueuse, par les Arabes, les Kurdes et les Turkmènes. Mais beaucoup plus significatif encore est le fait que trois provinces du Sud menacent maintenant de faire sécession. " Des membres du conseil municipal de Bassorah, deuxième ville de l’Irak, à majorité chiite, auraient donc entamé des pourparlers avec leurs homologues dans deux villes voisines, Maysan et Dhiquar, afin d’envisager la création d’une région fédérale dans le Sud. " (Courrier International du 19 octobre). Si l’éclatement de l’Irak n’est pas encore à l’ordre du jour, tel que cela se passe dans le Caucase, dans les Balkans, partout où la guerre impérialiste fait rage, le démantèlement des entités nationales bourgeoises est à l’ordre du jour. Si le contrôle du pétrole en tant qu’arme stratégique et militaire est important, il n’est pas inutile de rappeler que 80% des réserves pétrolières de l’Irak se retrouvent justement dans ces régions du Sud où il existe des velléités d’autonomie. Dans ce Sud de l’Irak, les Chiites sont majoritairement très proches de l’Iran. L’évolution de la réalité du chaos dans cette région du monde permet donc de douter de la capacité de l’impérialisme américain de contrôler à terme les zones pétrolières irakiennes.
Mais l’offensive guerrière actuelle des Etats-Unis a, en fait, un objectif prioritaire et immédiat. La bourgeoisie américaine misent sur un bien faible espoir, celui des élections prévues pour le 31 janvier prochain qui pourraient peut-être, à ses yeux, stabiliser momentanément la situation. Pour ce faire, tous les moyens disponibles sont utilisés. Pourtant, la tenue de ces élections semble d’ores et déjà bien compromise. Les autorités irakiennes et les représentants des Nations-Unies, qui s’efforcent d’organiser ces élections affirment que celles-ci seront très difficiles à tenir. Un membre du comité organisateur a même déclaré : "Les Balkans à coté d’ici, c’est la Norvège". La Maison Blanche a même envisagé, au pire, de ne tenir les élections que dans les zones sécurisées. Face à cette décrédibilisation à l’avance de ces élections, les autorités irakiennes ont été immédiatement obligées de réagir. Ce ne seront pas des élections partielles a assuré le premier ministre irakien, Iyad Allaoui. C'est en fait exactement le contraire que démontre la réalité, avec la perte de contrôle des Etats-Unis en cours dans ce pays. Pour limiter les dégâts, en plus de l’offensive militaire, les Etats-Unis ont été contraints d'injecter discrètement 100 millions de dollars dans "l’éducation des électeurs" (Courrier International). De plus, l’Etat américain a demandé une aide supplémentaire à la Grande-Bretagne :
"Pour venir en aide aux américains les troupes britanniques vont être déployées dans l’une des zones les plus violentes de l’Irak…650 soldats du bataillon Black Watch vont devoir prendre position dans la ville d’Iskandariyah située au sud de Bagdad, où les étrangers et les forces officielles irakiennes sont régulièrement la cible des rebelles." (The Independant)
Des sondages montrent que seulement 2% des Irakiens considèrent l’armée américaine comme des libérateurs. Aujourd’hui, les Chiites restent dans l’expectative. Etant majoritaires en Irak, ils espèrent profiter de ce processus électoral. La haine qui existe en Irak et dans le monde arabe à l'encontre des Etats-Unis est due à la politique impérialiste que mènent les Etats-Unis dans cette partie du monde. Jusqu’en 1967 et la guerre des Six Jours, c’était au contraire l’impérialisme français qui était voué à la vindicte populaire, une France qui combattait en Algérie et participait à l’agression militaire de l’Egypte. Une France impérialiste qui, à l’époque, était le principal fournisseur d’armes de l’Etat hébreu. Les alliances impérialistes ont aujourd’hui, sans aucun doute, complètement changé. L’affaiblissement du leadership américain est maintenant tel que, quel que soit le niveau de maîtrise ou de crédibilité des élections de janvier prochain en Irak, non seulement rien ne sera changé, mais tout sera pire.
"Aucun gouvernement irakien ne pourra tenir longtemps au-delà du départ des troupes américaines, s’il n’a pas fait ses preuves d’opposant à l’occupation." (John V.Whisbeck dans le journal Asharq al-Awsat)
Les attentats terroristes qui viennent d’avoir lieu dans le Sinaï en Egypte, marquent une aggravation nette du chaos au Moyen-Orient. Cette région balnéaire de l’Egypte était devenu le dernier endroit où les Arabes et les Juifs pouvaient se côtoyer sans risque de violence ou d’attentats. Ces derniers attentats, quels que soient leurs auteurs, manifestent ouvertement qu’il n’y a pas de sanctuaire protégé de la barbarie et de l’horreur capitalistes. Pour les Israéliens, l’Egypte semble apparaître comme un allié de moins en moins fiable. "Il n’était pas nécessaire de subir la grossièreté, l’indolence, l’indifférence voire l’hostilité dont ont fait preuve de façon révoltante les autorités égyptiennes la nuit des attentats pour comprendre que la sécurité d’Israël et des Israéliens ne figure pas parmi les priorités des Egyptiens." (Martin Sherman dans le Yediut Aharunut) L’Egypte depuis longtemps proche des Etats-Unis, depuis longtemps aussi premier interlocuteur de l’Etat israélien dans le monde arabe, et néanmoins pays d’accueil pour des organisations terroristes tel que le Hamas palestinien, se retrouve maintenant, elle aussi, au cœur des affrontements, réduisant progressivement le Moyen-Orient à un tas de ruines. La poursuite de l’offensive militaire israélienne dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, livrant son lot de massacres quotidiens, dans une fuite en avant guerrière qui ne peut connaître aucune limite dans un capitalisme en pleine faillite, démontre une fois encore la totale irrationalité de ce système nauséabond. Mais pire encore, la véritable bête noire de Tel-Aviv apparaît être aujourd’hui, sans contestation possible l’Iran. L’Iran qui ne peut que tirer profit des conséquences des affrontements inter-impérialistes grands et petits qui se déroulent depuis une bonne dizaine d’années dans toute la région. Depuis le renversement des talibans en Afghanistan, et la chute de l’Irak de Saddam Hussein, les principales forces rivales fondamentalistes et guerrières ont ainsi été éliminées. Dans la montée du chaos et du chacun pour soi, alors que plus aucune puissance ne peut durablement imposer sa loi sur un autre Etat impérialiste, l’Iran cherche à tout prix à se doter de l’arme nucléaire. Arme que possèdent déjà d’autres pays voisins et rivaux, tels Israël ou même le Pakistan. "Les responsables des services de sécurité israélien sont par conséquent confrontés à un paradoxe : satisfaits de la disparition d’un ennemi juré grâce à l’invasion américaine de l’Irak, ils s’inquiètent de plus en plus des occasions que cette même invasion a créées pour un autre ennemi. Et ils voient le Moyen-Orient basculer du stade des rivalités conventionnelles à celui, infiniment dangereux, des rivalités nucléaires." (Stevens Erlanger, The New York Times). C’est pourquoi de plus en plus de déclarations belliqueuses émanent de hauts fonctionnaires israéliens. Tout ceci ne correspond pas à des déclarations farfelues de quelques politiciens bourgeois, mais à une effroyable réalité, celle de la barbarie et de la décomposition capitalistes. Laissée à sa propre dynamique, cette perspective est inévitable, comme l’est le danger d’une guerre nucléaire entre l'Inde et le Pakistan.
Le prolétariat ne doit pas s’habituer à l’horreur et à la barbarie capitalistes montrées et remontrées en permanence sur tous les écrans de télévision du monde. Il est nécessaire qu’il développe son indignation face à ce flot de massacres, attentats et autres affrontements guerriers impérialistes. L’affaiblissement accéléré du leadership américain ne peut que pousser ses principaux rivaux à défendre par tous les moyens efficaces leurs intérêts impérialistes. Cela ne peut que pousser chaque Etat, chaque seigneur de la guerre dans toujours plus de violence. La classe ouvrière, seule classe pouvant s’unir et s’organiser à l’échelle de la planète, est la seule force en mesure d’offrir une autre perspective à l’humanité. Pour cela, elle doit intégrer la nature capitaliste des affrontements impérialistes en cours, en Irak comme au Moyen-Orient. Le prolétariat se doit d’opposer la révolution communiste à la barbarie capitaliste.
Tino (21 octobre)Tous les médias de la planète sont focalisés sur les prochaines élections américaines. Dans le pays même, c’est un matraquage idéologique quotidien qui dure depuis des mois, à travers les primaires, puis les conventions de chaque parti. Politiciens, leaders syndicaux, lobbies et organismes patronaux, associations diverses, clergé, défenseurs des droits de l’homme, mouvements anti-guerre, stars de cinéma, chanteurs se sont massivement mobilisés pour faire croire que cette élection était un enjeu majeur, "l’élection la plus importante de notre temps", selon les termes d’un leader démocrate et que le choix des électeurs allait engager non seulement l’avenir de l’Amérique mais aussi l’avenir de l’humanité. Les trois débats télévisés entre les deux candidats, George Bush Jr et John Kerry ont été intégralement retransmis et retranscrits partout, y compris en Europe. De "méga" ou "giga" concerts de rock ont été organisés aux quatre coins du pays pour drainer des foules énormes de jeunes en faveur du candidat Kerry. Le grand cirque que constituent tous les quatre ans les élections américaines a atteint aujourd’hui un paroxysme.
L’indécision actuelle des sondages et les alertes aux "irrégularités possibles" permettent d’en faire par avance un suspense aussi grand qu’en 2000 entre Bush et son challenger Gore quand l’indécision étant restée à son comble trois semaines après le scrutin et que les voix ont dû être recomptées une à une dans certains Etats. Rarement on nous aura présenté un duel électoral aux Etats-Unis comme aussi âpre et tranché. Comme si l’électeur avait un vrai choix entre "un candidat de droite" et un "candidat de gauche". Pourtant, les différences entre Bush et Kerry sont minimes et résident surtout dans une "différence de style". Les désaccords les plus patents portent sur des questions comme l’avortement, l’homosexualité, l’environnement ou la bioéthique, permettant de coller sur l’un l’estampille "conservateur", et sur l’autre l’étiquette "progressiste". Mais, sur l’essentiel, ils partagent les mêmes objectifs et annoncent la poursuite de la même politique belliciste, prétendant défendre coûte que coûte la nation américaine. On trouve d’ailleurs chez Kerry les mêmes accents hystériques ultra-patriotards que chez son concurrent : "Pour nous, le drapeau américain est le plus puissant symbole de ce que nous sommes et de ce en quoi nous croyons. Il représente notre force, notre diversité, notre amour du pays. Tout ce que fait l’Amérique est grand et bon. Ce drapeau n’appartient pas à un président, à une idéologie, à un parti, il appartient au peuple américain." (Internationalism n°131, septembre/octobre 2004).
L’un comme l’autre entendent maintenir avant tout avec la même détermination et le même acharnement l’hégémonie menacée de l’impérialisme américain sur le monde face aux autres grandes puissances rivales. Si Kerry a critiqué l’intervention guerrière de Bush en Irak, c’est uniquement sur trois points : il a accusé son rival d’avoir eu recours à une propagande mensongère sur la présence d’armes de destruction massive en Irak, ce qu’il a appelé avec sa formule-choc : "une campagne de tromperie massive". Deuxièmement, il aurait fallu, selon lui, ne pas intervenir seuls mais entraîner toutes les puissances européennes dans la guerre en Irak (cette critique n’est pas propre au "camp des démocrates" mais a été émise depuis des mois par une partie du "clan républicain" lui-même). Enfin, il reproche à Bush de n’avoir pas su s’appuyer sur un plan solide et sérieux pour un contrôle et une occupation effective de l’Irak. En résumé, toutes ces critiques portent sur la forme, "la manière", nullement sur le fond. Non seulement, comme sénateur, il a voté sans aucune réserve les crédits de guerre et il a pleinement soutenu l’invasion de l’Irak mais il n’a pas d’autre politique à proposer que de poursuivre et d’intensifier l’effort de guerre en Irak. Non seulement Kerry défend les mêmes objectifs que Bush mais il n’a pas d’autre choix que de poursuivre la stratégie d’occupation en Irak et d’intensifier la fuite en avant des Etats-Unis dans ses aventures guerrières pour la défense des intérêts impérialistes de la bourgeoisie et de la nation américaines. Dans son discours d’investiture lors de la Convention démocrate, le candidat Kerry a d’ores et déjà lancé le même défi aux autres Etats qu’à l’ONU, sur les traces de Bush : "Je n’hésiterai pas à employer la force si elle est nécessaire. A toute attaque, le niveau de réponse doit être le plus adapté. Je n’accorderai jamais à une quelconque autre nation ou à un organisme international un droit de veto sur des questions qui concernent notre sécurité nationale". Par rapport à la croisade et à la traque anti-terroriste de Bush, il fait même de la surenchère en affichant sa détermination à "vouloir tuer les terroristes jusqu’au dernier". Si, à l’heure actuelle, l’un et l’autre disent la même chose, c’est parce qu’ils sont embarqués dans le même bateau, dans une même politique belliciste à tel point que c’est Kerry qui déclare vouloir construire et former une armée américaine plus forte et qui préconise d’augmenter ses effectifs de 40 000 hommes en doublant le chiffre des forces spéciales pour conduire les opérations anti-terroristes, de doter le pays de nouvelles armes et de favoriser le développement de la technologie militaire la plus moderne. Pas mal pour un candidat soutenu par les mouvements anti-guerre ! Dans le cadre de l’intensification de la militarisation de la société américaine, l’un comme l’autre soutiennent des projets pour renforcer l’arsenal répressif : - Bush, à travers le développement du Patriot Act qu’il a fait voter ; - Kerry, à travers le projet de mise en application immédiate des recommandations de la "Commission du 11 septembre" qui prône une réforme et une amélioration des services de renseignements avec un "renforcement de la sécurité des frontières" et davantage de moyens consacrés à l’espionnage et à la surveillance individuelle au nom de la défense de la sécurité des citoyens.
Sur le plan social, même si Kerry a beau jeu de marteler l’argument que Bush est le premier président depuis 72 ans à afficher une perte de 1,6 millions d’emplois sous son mandat et qu’avec un second mandat de son rival, les retraités étaient menacés de voir leurs pensions diminuer de 45 %, il n’a aucune perspective d’amélioration à proposer. Quand il déclare que Bush est le président responsable des plus importants déficits de l’histoire américaine et que lui-même se propose de réduire au plus vite l’endettement faramineux du pays, il tente de masquer que ce ne peut être qu’à travers de nouvelles coupes dans les budgets sociaux, comme tous les gouvernements de la planète y sont contraints par les lois mêmes de l’exploitation capitaliste. Quand il attaque la politique fiscale de Bush qui "favorise les plus riches", les suppressions d’avantages fiscaux qu’il préconise, même s’il devait en appliquer certaines, ne rendront jamais les pauvres moins pauvres et n’amélioreront en rien le sort de la classe ouvrière. Il est vrai qu’il n’y a jamais eu un enfoncement si spectaculaire dans la misère : en 2003, 1,3 millions d’Américains sont tombés sous le seuil de pauvreté au cours de l’année, établissant le total record de 36,3 millions vivant dans la misère (12,5 % de la population) dont 12,9 millions d’enfants ou d’adolescents de moins de 18 ans (soit un taux de 18% de la population infantile), et 45 millions de personnes sont privées de toute couverture sociale. Mais ce que Kerry se garde bien de rappeler c’est que ces chiffres n’ont cessé d’augmenter sous tous les présidents, qu’ils soient républicains ou démocrates depuis les années Reagan, et que c’est le démocrate Clinton qui a massivement réduit la couverure sociale à travers le programme Medicare.
Si cette campagne électorale américaine apparaît plus agressive que les précédentes, c’est avant tout parce qu’aucun candidat ne peut avancer quoi que ce soit de positif pour l’avenir. Il n'y a en effet aucune amélioration de la situation possible, ni sur le plan de la crise économique, ni sur le plan des conflits impérialistes. Chacun d’eux n’a qu’un recours possible pour se mettre en valeur : inspirer chez les électeurs potentiels la crainte de l’élection de son adversaire.
Peu importe qui est le vainqueur des élections. Les ouvriers n’ont absolument rien à gagner en se laissant entraîner dans ce vote parce que celui qui sera élu, quel qu’il soit, ne peut qu’envoyer toujours davantage d’enfants de prolétaires se faire trouer la peau sur tous les champs de bataille du monde pour défendre la politique impérialiste de la bourgeoisie nationale. L’un et l’autre ne peuvent de toutes façons qu’aggraver et rendre plus féroces les conditions d’exploitation, ils ne peuvent que faire payer toujours plus à la classe ouvrière l’aggravation de la crise économique mondiale. Et ces attaques vont continuer à éroder le niveau de vie et plonger dans la misère une partie croissante de la classe ouvrière américaine.
Wim (20 octobre)Le film de Michael Moore, Fahrenheit 9/11, a fait la une de la presse française durant l'été dernier. Ce long métrage reprenant de façon très critique l'ensemble de la politique de l'administration Bush en direction de l'Irak a reçu la palme d'or au festival de Cannes et a été reçu en France avec une publicité au moins égale à de nombreuses superproductions américaines. Loin des Star War, Batman et autres Spiderman, la production de Moore a été nominée bien plus pour ses aspects politiques qu'artistiques, mais a cependant permis de remplir largement les salles de cinéma cet été. Il faut dire que cette superproduction anti-Bush venait à point nommé remplir la tâche que s'est assignée la bourgeoisie française : faire de l'antiaméricanisme à tous crins. La bourgeoisie française a donc trouvé dans le film de Moore une bonne occasion de justifier a posteriori son opposition à l'intervention américaine en Irak.
Au sein même des Etats-Unis, la controverse autour de ce film reflète l'importance des divisions existant dans la bourgeoisie américaine sur la façon avec laquelle la guerre a été menée en Irak. Mais fondamentalement, il s'agit d'abord et avant tout d'un film de propagande en faveur des démocrates, dans le cadre de la préparation aux élections présidentielles. Les différentes prises de position et "bagarres" sur cette production sont révélatrices de cet état de fait.
Ainsi, la société Walt Disney Co, productrice du film, avait au début décidée de ne pas laisser sortir le film de peur d'offenser l'administration Bush à cause de la forte attaque politique qui la vise. L'ex-gouverneur de l'Etat de New-York, Mario Cuomo, démocrate libéral important, qui représentait Moore en tant qu'avocat pour faire sortir le film, soutenait qu'il se battait pour celui-ci parce qu'il pensait que chaque Américain devait le voir, qu'il s'agissait d'un message vital pour la démocratie américaine.
Face à lui, le New York Post, journal "populaire" conservateur, contrôlé par le groupe de presse Murdoch's News Corp, dénonçait en revanche le film de Moore comme étant une propagande grossière.
Dans le barouf médiatique autour de Fahrenheit 9/11, il est apparu avec évidence, et cela était particulièrement clair aux Etats-Unis, que ce que les commentateurs et les journalistes de tout acabit disaient était complètement dépendant de la fraction de la bourgeoisie à laquelle ils appartenaient. Qu'ils s'agissent des tenants de Bush ou de ses adversaires, chacun faisait parler la voix de son maître.
Cependant, une chose doit rester claire : Fahrenheit 9/11 n'est ni anti-guerre, ni anti-impérialiste. Il est simplement pro-démocrate. Moore met ainsi une bonne raclée à Bush. Ce film met en scène toute une série d'images très fortes sur l'horreur de la guerre, et sur l'ineptie balourde de Bush et de son administration, utilisant des prises de vue gênantes pour celle-ci. Par exemple, on peut voir Paul Wolfowitz, l'architecte de la stratégie de l'impérialisme américain en Irak, présenté comme un clown dans une scène où il se lèche les doigts pour arranger ses cheveux avant d'apparaître à la télé - on le voit même tenir son peigne dans la bouche.
Moore se sert des défauts reconnus de Bush comme orateur public afin de dresser le portrait de quelqu'un de stupide et mesquin, le rendant complètement ridicule.
Il utilise toutes les ficelles des médias pour toucher la sensibilité de la population par rapport aux soldats morts en Irak. Dans un autre registre, il se sert encore d'une propagande démagogique pour "dénoncer" à bon compte les politiques. On peut rappeler la scène où Moore demande à des membres du Congrès si leur soutien à la guerre irait jusqu'à envoyer leurs propres enfants se battre en Irak et n'obtient que des regards d'incrédulité en réponse.
Si ce film se fait fort d'attaquer la campagne menée par Bush pour justifier la guerre, il n'a au bout du compte rien d'anti-guerre. Ainsi par exemple, Moore soutient clairement l'invasion et l'occupation impérialiste américaine en Afghanistan, et ne fait au fond que critiquer Bush parce qu'il n'a pas assez fait la guerre dans ce pays. Il ridiculise l'administration Bush pour ses liens diplomatiques avec le régime des talibans avant l'invasion militaire et même pour avoir eu la visite de représentants talibans dans l'Etat du Texas et l'attaque pour n'avoir pas envahi l'Afghanistan plus tôt. Il se plaint que le président américain ait attendu deux mois pour attaquer - laissant "deux mois d'avance" à Ben Laden et critique encore le fait que le président ait envoyé aussi peu de troupes en Afghanistan.
Les erreurs et la cupidité personnelles de Bush sont rendues responsables de la débâcle en Irak. Les arguments de Moore ne volent pas plus haut que de mettre en avant le fait que les relations d'affaires de la famille Bush avec la famille royale saoudienne expliquent la politique étrangère de l'administration américaine actuelle. Tout en s'arrêtant à la limite d'un appel à entrer en guerre contre la famille royale saoudienne, il dénonce pratiquement le président américain de trahison pour avoir fait la visite de New-York avec l'ambassadeur saoudien au soir du 13 septembre, et de protéger les intérêts saoudiens aux Etats-Unis.
Cette "analyse", Michael Moore l'a clamée très fort dans les interviews télévisées sur son film. Elles sont typiques de cette politique capitaliste qui consiste à attaquer des individus et leurs méfaits plutôt que le système capitaliste lui-même.
En bon représentant de la bourgeoisie, ce marchand de soupe médiatique veut nous faire croire que la situation actuelle est le produit de l'incompétence et du manque d'intelligence de Bush et de son administration, incapables de stabiliser l'Irak. C'est un argument complètement faux. Car la situation d'instabilité anarchique qui se répand est le pur produit de la situation historique dans laquelle se trouve le capitalisme aujourd'hui. Evoquer l'incompétence de tel ou tel chef d'Etat comme étant la cause des guerres permet à la bourgeoisie de cacher l'effroyable responsabilité du capitalisme décadent et de l'ensemble de la classe bourgeoise. Une telle logique permet en effet d'absoudre ce système de tous ses crimes en trouvant pour ceux-ci des boucs émissaires : la folie d'Hitler ou son déséquilibre mental serait la cause de la Seconde Guerre mondiale ; de même l'inhumanité et l'inconséquence de Bush seraient la cause de la guerre et des horreurs actuelles en Irak. Or, dans ces deux cas significatifs, ces hommes, avec leur tempérament et leurs spécificités, correspondent aux besoins de la classe qui les a portés au pouvoir.
Hitler avait été soutenu par l'ensemble de la bourgeoisie allemande parce qu'il se montrait capable de préparer la guerre rendue inévitable par la crise du capitalisme et par la défaite de la vague révolutionnaire qui a suivi Octobre 1917. Le déséquilibre d'un Hitler -ou plutôt le fait de mettre un tel déséquilibré au pouvoir- n'était rien d'autre que l'expression même de l'irrationalité de la guerre dans laquelle se lançait la bourgeoisie allemande. Il en est de même de Bush et de son administration. Ils mènent la seule politique qui aujourd'hui soit possible, du point de vue capitaliste, pour défendre les intérêts impérialistes américains, leur leadership mondial, à savoir celle de la guerre, de la fuite en avant dans le militarisme.
La prétendue "incompétence" de l'administration Bush, notamment du fait de l'influence qu'a pu exercer en son sein une fraction va-t-en guerre et jusqu'au-boutiste représentée par des Rumsfeld et Wolfowitz, son incapacité à agir sur la base d'une vision à long terme, sont révélatrices du fait que la politique de la Maison Blanche est à la fois la seule possible, et qu'elle est vouée à l'échec. Le fait que Colin Powell, appartenant à la même administration et sachant mener une guerre, ait fait des mises en garde, qui n'ont pas été écoutées, quant à l'impréparation du conflit, est une confirmation supplémentaire de cette tendance à l'irrationnel.
Il ne faut pas s'illusionner, c'est l'ensemble de la bourgeoisie américaine qui soutient une politique militariste parce que c'est la seule possible pour la défense de ses intérêts impérialistes.
La véritable discussion au sein de la bourgeoisie américaine n'est pas de savoir si les Etats-Unis devaient envahir l'Irak mais sur des questions tactiques : quelles justifications idéologiques devaient être utilisées (les armes de destruction massive et les liens avec Al Qaïda ainsi que les violations des droits de l'homme), à quel niveau les Etats-Unis devraient travailler de façon à obtenir un soutien international à cette invasion, et de quelles tactiques et doctrines militaires ils se serviraient dans celle-ci et pendant l'occupation.
Plus secondairement, mais de façon non négligeable, Fahrenheit 9/11 n'a d'ailleurs pas seulement pour fonction de cacher la nature profondément bourgeoise de la politique impérialiste américaine et de rouler pour le parti démocrate, mais de redonner du tonus à la mystification électorale elle-même, qui a pris du plomb dans l'aile avec le désastre des élections de 2000, où chaque bulletin a dû être recompté, du fait de tricheries supposées.
En conclusion, on peut voir Fahrenheit 9/11 si l'on a envie de rire aux dépens de Bush (et de voir une manière habile et prétendument critique de faire de la propagande politique bourgeoise), mais pas une seconde pour espérer y voir une prise de position anti-impérialiste ou anti-guerre, pas plus qu'une analyse pertinente des événements actuels. Quel que soit celui qui gagne les élections en novembre, l'impérialisme américain continuera sans aucun doute à répandre la guerre. La seule façon d'en finir avec la guerre est d'en finir avec le capitalisme.
D'après Internationalism n°131 (septembre/octobre 2004)Face à une concurrence de plus en plus acharnée, la logique de l'entreprise était de réduire les coûts de production, c'est-à-dire de licencier une partie du personnel et moderniser les sites industriels pour être plus compétitif. De licenciements en restructurations diverses, cela n'a pas empêché que la situation de l’entreprise soit devenue à nouveau critique à la fin de l’année 2003. Les parts de marché de la marque ont fondu comme neige au soleil.
Fin juillet, Nestlé Waters propose donc un plan drastique de suppressions de postes en échange de la modernisation du site. La direction du groupe obtient alors dans un premier temps la signature de la CFDT et de la CFE-CGC. Mais la CGT , syndicat largement majoritaire dans l'entreprise, s’y oppose, brandissant la loi Fillon sur le "dialogue social". Mi-septembre, la direction remet sur le tapis l’opposition déclarée de la CGT à son "plan de sauvetage" et menace de la rendre responsable de la vente de l’entreprise (appelée "filialisation"), avec à la clé le démantèlement des lieux de production et le licenciement de l’ensemble des ouvriers.
La bourgeoisie est parvenue à ses fins à travers un partage du travail exemplaire. Les médias ont présenté ces événements comme un bras de fer entre la CGT et la direction. En menant campagne contre "l’irresponsabilité" du syndicat et en le mettant en lien avec le risque de licenciements encore plus lourds, la direction comptait sur ce chantage pour faire pression sur des ouvriers déjà profondément déboussolés et démoralisés par près d'un mois de tergiversations pendant lequel les syndicats ont joué un rôle de sabotage déterminant de toute velléité de lutte.
Ainsi, la direction de Perrier, si elle a condamné publiquement l’attitude de la CGT comme "irresponsable", a fait apparaître en même temps aux yeux des ouvriers ce syndicat comme un véritable syndicat combatif, qui se battait contre le patronat et qui défendait les intérêts des prolétaires.
En fait, lorsqu’elle est "relancée" par la direction, mi-septembre, la CGT tergiverse et demande un "délai" de réponse pour consulter ses adhérents et convoquer une assemblée générale pour déterminer sa position. En réalité, il s'agit pour la CGT de laisser les ouvriers mijoter et se morfondre dans une attente angoissée car elle organise d’abord réunion sur réunion pendant une semaine entière, du 21 au 28 septembre, d’abord avec la direction, notamment à Lyon, puis à Nîmes, où les leaders du syndicat se déplacent pour soi-disant évaluer la possibilité d’une coordination (qui ne verra jamais le jour) de tous les sites industriels regroupés sous Nestlé Waters et menacés eux aussi de restructurations (Contrex, Vittel, Quézac, etc.).
Nicolas Sarkozy, ministre de l’Economie, et Bernard Thibault, leader national de la CGT, interviennent alors pour demander aux leaders syndicaux locaux et à la direction de rouvrir les négociations. C’est alors que la direction menace de mettre en vente la marque Perrier et de fermer l’usine si la CGT fait une quelconque obstruction à la mise en place du plan de licenciements.
Le syndicats vont ensuite mettre en place la confusion générale. L'ensemble des syndicats provoquent la division dans une assemblée générale particulièrement houleuse où ils mettent en scène une véritable foire d’empoigne : la CFDT critique vertement le jusqu’au-boutisme cégétiste qui aurait amené la direction à radicaliser ses objectifs, alors qu'il est clair que ceux-ci étaient dessinés bien avant. Cette zizanie orchestrée permet à la CGT, apparaissant comme totalement isolée et "victime" de la pression de la direction, de changer de position, d’infléchir son attitude radicale sans perdre la face et de lever "officiellement" son opposition. De fait, elle accepte, sans le signer, le plan de restructuration. Le leader syndical de Perrier pouvait déclarer avec cynisme sans aucune remise en cause ni aucune réaction de la part des salariés : " La CGT a accueilli avec satisfaction les engagements de principe de la direction, pris en échange de la levée de son opposition. Elle a décidé de faire cette importante concession, puisque la direction a accepté de mettre en oeuvre les investissements nécessaires à la modernisation de l’outil de travail et au développement des produits de la marque. " (cité dans Le Monde du 30 septembre) Ce discours est largement éclairant. Dès le départ, la direction et les syndicats, CGT comprise, étaient totalement d’accord sur le fond, le plan était nécessaire pour tenter de redresser l’entreprise. Le seul problème était de l’imposer aux salariés.
Le terrain a été entièrement balisé de façon à ce qu'aucune expression de riposte ouvrière réelle n'ait lieu et à ce que la situation renforce la confusion dans la conscience des prolétaires et la division dans leurs rangs. Et si les ouvriers ont accepté ces mesures dans la passivité, c’est fondamentalement parce qu’ils ont fait confiance aux syndicats. Ceux- ci les ont isolés. Tout a été focalisé sur Perrier et le site de Vergèze, le plus important du groupe agro-alimentaire. C’était déjà la méthode employée avec "les LU" ou "les Lustucru". A leur tour, "les Perrier" ont été soigneusement enfermés dans la logique de la défense de "leur" boîte et isolés de leurs frères de classe qui ont, partout, quels que soient les secteurs, les mêmes problèmes et qui sont confrontés aux mêmes attaques. Parallèlement, la division entre la CGT et les autres syndicats a en fait servi à la mise en place d'une véritable division entre les ouvriers à l’intérieur même de l’entreprise, faisant ainsi barrage à toute expression de solidarité ouvrière.
Aujourd’hui, le résultat de la manoeuvre est sous nos yeux. Tout ce joli petit monde peut se déclarer satisfait. Le gouvernement peut se vanter d’avoir contribué par son intervention à désamorcer ce conflit dans le contexte d’une montée de profond mécontentement et de mouvements sociaux qui secouent actuellement plusieurs pays européens (voir notre article de première page). La direction peut poursuivre tranquillement ses objectifs de restructurations concernant l’ensemble du groupe. Le 21 octobre, l’administrateur-délégué de Nestlé en Suisse pouvait d’ailleurs se targuer d’avoir reçu plusieurs offres sérieuses de rachat de la marque Perrier. Les syndicats auront rempli leur mission de faire passer les mesures de licenciement sans avoir perdu trop de plumes. En particulier, la CGT aura réussi à masquer son travail de sabotage, d’isolement et d’étouffement de toute réaction ouvrière, tout en se faisant passer elle-même comme " victime" du chantage du patronat.
Les seules victimes de ce partage du travail, ce sont les ouvriers qui se retrouvent sur le carreau, défaits, impuissants, divisés, atomisés, démoralisés.
Pour pouvoir se battre, entreprendre de résister efficacement aux plans de licenciements de plus en plus nombreux, comme à toutes les attaques grandissantes de la bourgeoisie, la classe ouvrière doit commencer à tirer les véritables leçons de ce type de défaite. Elle doit comprendre qu’accepter de s’en remettre aux syndicats pour lutter la mène inévitablement aux défaites les plus cuisantes. Elle doit comprendre que la seule direction dans laquelle les syndicats la poussent, c’est celle de l’isolement, de la division, de la démoralisation, Elle doit comprendre que le rôle de tous les syndicats, quels qu’ils soient ou se prétendent être, n’est nullement de la défendre mais de l' encadrer pour faire passer les attaques de la bourgeoisie, qu’elles viennent du patronat comme du gouvernement.
Grégoire (22 octobre)Nous publions ci-dessous une synthèse de la réunion publique que le CCI a pu tenir à Buenos Aires en août 2004 grâce au NCI d'Argentine (dont nous avons publié plusieurs contributions dans notre presse). Malgré leurs faibles forces et les conditions extrêmement difficiles dans lesquels ils se trouvent, ces camarades se sont impliqués activement dans le débat, notamment pour défendre les positions de base du camp prolétarien.
Le vendredi 27 août, le CCI a tenu une réunion publique à Buenos Aires sur le thème de la décadence du capitalisme.
Plusieurs participants ont affirmé avoir été agréablement surpris par la discussion, vivante et animée, avec la participation active des éléments présents. Ils ont vu que cette réunion se situait aux antipodes de celles des groupes de la gauche ou de l'extrême-gauche du capital dans lesquelles un orateur ou plusieurs orateurs se relaient pour déverser des discours interminables qui fatiguent les personnes qui rentrent chez elles démoralisées. A l'inverse de tout cela, la réunion publique du CCI a démontré à l'évidence qu'elle a été un lieu où l'on peut discuter et opposer des arguments en vue de la clarification, laquelle est une arme de la classe ouvrière. Car ce n'est que par le feu du débat que peut surgir l'étincelle de la clarté.
La présentation a mis en avant les questions suivantes : comment expliquer les deux guerres mondiales, les interminables guerres régionales et les guerres du chaos actuel accompagnées d'un terrorisme aveugle et barbare ? Comment expliquer la dégradation inexorable des conditions de vie de tous les ouvriers du monde, y compris les "privilégiés" d'Allemagne, de France, des Etats-Unis, etc. ? Comment expliquer l'accroissement des famines dans le monde, les épidémies et les maladies les plus effroyables ? Comment expliquer la dislocation croissante des relations sociales qui engendre l'insécurité, la dépravation morale, les drogues, la fuite dans l'irrationnel, la barbarie la plus abjecte ? Comment expliquer la menace croissante d'énormes catastrophes écologiques ?
La bourgeoisie, dans toutes ses variantes, nous offre toutes sortes de fausses explications : il y aurait une crise de restructuration du capitalisme, un capitalisme "réformé" avec une intervention de l'État corrigeant ses tendances les plus négatives qui permettrait qu'un "autre monde" soit possible, etc. Face à cela, l'explication donnée par le CCI a mis en évidence que le capitalisme est un système social décadent qui, depuis la Première Guerre mondiale, s'est transformé en une entrave pour le développement de l'humanité. La poursuite de sa survie porte avec elle la menace de destruction de l'espèce humaine. Comme le disait l'Internationale communiste à son premier congrès (mars 1919) : "La période actuelle est celle de la décomposition et de l'effondrement de tout le système capitaliste mondial et elle sera celle de l'effondrement de la civilisation européenne en général si on ne détruit pas le capitalisme avec ses contradictions insolubles."[1]
La classe ouvrière est la seule classe sociale capable de détruire le capitalisme
Cette présentation qui s'est limitée à vingt minutes afin de donner le maximum de temps à la discussion ne fut remise en question ouvertement par aucun des participants. La discussion s'est centrée sur deux questions:
De façon générale, les participants ont exprimé leur accord avec le fait que le prolétariat est la classe révolutionnaire qui détient entre ses mains la lutte pour la destruction du capitalisme. Cependant, des doutes ont été soulevés, que la discussion a permis de dissiper:
Bien que nous ne puissions longuement développer les réponses que cette réunion publique a apportées à ces questions, il est ressorti clairement de la discussion que le prolétariat:
Deux participants ont défendu, en se revendiquant de l'"analyse marxiste", le prétendu caractère "socialiste" (ou "comme un pas vers le socialisme") des régimes de l'ex-URSS, de la Corée du Nord, de Cuba, etc. Ils ont affirmé que, dans ces pays, il y a eu des "révolutions socialistes". D'autres participants leur ont répondu de façon très tranchante avec les arguments suivants :
Faute de temps, la discussion a dû s'arrêter là, et plusieurs participants ont manifesté la nécessité de poursuivre le débat. En particulier, l'un d'entre eux a proposé de mettre en discussion la question de la dictature du prolétariat et comment lutter aujourd'hui pour la réaliser. Il a également été convenu qu'une synthèse de cette réunion soit publiée sur Internet afin que la discussion puisse se poursuivre par ce moyen.
D'après Accion
Proletaria n°178,
publication du CCI en
Espagne
Nous avons toujours affirmé (notamment dans notre presse) l’absolue nécessité pour les organisations se réclamant des courants de la Gauche communiste de mener un débat public, de confronter leurs positions réciproques afin que les éléments à la recherche d'une perspective de classe puissent se faire une idée claire des différentes positions existant au sein du camp prolétarien.
Bien que (comme le PCint et la CWO qui l'ont constitué), le BIPR ait toujours défendu l’internationalisme prolétarien, au milieu des pires horreurs nationalistes déversées par la bourgeoisie, son analyse des causes des différents conflits guerriers au cours de ces vingt dernières années, passait totalement à côté de l’essentiel. Ainsi, concernant la guerre actuelle en Irak, le BIPR, dans son exposé introductif a réitéré l'analyse suivant laquelle cette nouvelle guerre aurait une rationalité économique (la rente pétrolière et la mainmise des Etats-Unis sur les sources de "l'or noir"). C'est cette analyse que le BIPR avait déjà défendue par le passé, notamment lors de la guerre en Afghanistan en 2001 : "…les Etats-Unis ont besoin que le dollar reste la monnaie du commerce international s’ils veulent maintenir leur position de super-puissance mondiale. Ainsi, par dessus tout, les Etats-Unis cherchent désespérément à assurer que la poursuite du commerce global du pétrole se fasse en dollars. Cela veut dire avoir une influence déterminante dans l’itinéraire des pipe-lines de pétrole et de gaz avant même l’implication commerciale américaine dans l’extraction à leur source. Il en est ainsi quand de simples décisions commerciales sont déterminées par l’intérêt dominant du capitalisme américain dans son ensemble et que l’Etat américain s’impose politiquement et militairement dans l’intérêt d’objectifs plus vastes, objectifs qui souvent s’opposent aux intérêts d’autres Etats et de plus en plus à ceux de ses alliés européens. En d’autres termes, tel est le cœur de la concurrence capitaliste au 21e siècle (…). (cité dans notre Revue Internationale n° 108, janvier 2002, dans notre polémique avec le BIPR sur la question de la guerre)
C'est une analyse similaire que le BIPR avait défendue lors de la première guerre du Golfe en 1991 : "la crise du Golfe s’est produite vraiment à propos du pétrole et de ceux qui le contrôlent. Sans pétrole bon marché les profits chuteront. Les profits du capitalisme occidental sont menacés et c’est pour cette raison et aucune autre que les Etats-Unis préparent un bain de sang au Moyen-Orient." (cité dans notre Revue Internationale n°64)
Devant l’évolution évidente de la réalité, le BIPR a toutefois été obligé, à propos du conflit actuel en Irak, de faire évoluer quelque peu son analyse. Ainsi, dans son exposé introductif, le BIPR a émis trois raisons essentielles pouvant expliquer le déclenchement de cette nouvelle guerre en Irak :
Suite à la présentation de cet exposé, le CCI est intervenu pour mettre en évidence que l'offensive américaine en Irak a essentiellement des causes stratégiques. Si la question du pétrole joue un rôle important, ce n'est pas avant tout pour des raisons économiques, mais fondamentalement stratégiques et militaires. Ainsi, nous avons rappelé que l'importance stratégique du pétrole ne date ni d'aujourd'hui, ni des années 1960, mais d'avant la Première Guerre mondiale, depuis la mécanisation des armées.
Dans nos interventions, nous avons souligné notamment que l'exposé révèle une certaine avancée du BIPR puisque celui-ci, dans la liste des causes de l'offensive américaine en Irak, a placé en premier l'existence de raisons "géostratégiques". Malgré sa vision mécaniste et réductionniste du lien entre la crise économique et la guerre (et qui relève du matérialisme vulgaire), le BIPR ne peut pas se voiler totalement la face devant l'évidence des faits : plus de dix ans après, les zones d'acheminement du pétrole en Afghanistan n’ont pas été sécurisées par la guerre, mais au contraire en partie détruites.
Malheureusement, nous étions un peu trop optimistes en affirmant que le BIPR avait fait une avancée dans ses analyses.
En effet, le camarade qui a présenté l'exposé a "corrigé" notre intervention en affirmant que nous avions mal entendu (ou mal compris) le contenu de cet exposé puisque, quel que soit l'ordre où les causes ont été présentées... les "causes stratégiques" de l'offensive américaine en Irak sont, pour le BIPR, "secondaires" !
Le camarade a même affirmé qu'il aurait dû nous distribuer l'exposé écrit pour éviter tout "malentendu" de notre part. Depuis, le BIPR a publié sur son site Internet en français cet exposé écrit. Ainsi, le lecteur pourra s'y reporter et voir que le facteur principal mis en avant est bien celui que nous avions entendu : "Si l'or noir figure dans les calculs irakiens de Washington, c'est plus comme ressource stratégique plutôt qu'économique. Avec cette guerre, il s'agit davantage de perpétuer l'hégémonie américaine -et, dans ce sens, de prendre des garanties pour l'avenir- que de gonfler tout de suite les bénéfices d'Exxon." On se saurait être plus clair (et nous sommes tout à fait d'accord avec cette analyse) !
Ainsi, cette petite contorsion consistant à affirmer que le CCI aurait "mal compris" ou "mal entendu" a permis au BIPR, tout au long de la discussion, de faire l'impasse totale sur les "causes stratégiques" de la guerre en Irak. Elle n'a servi en réalité qu'à masquer soit que les analyses du BIPR sont à géométrie variable, soit que les camarades du BIPR ne sont pas tous d'accord avec les analyses "officielles" de leur propre organisation.
Dans nos interventions, nous avons insisté sur le fait que, avec l’entrée du capitalisme dans sa période de décadence au début du 20e siècle, la guerre a perdu toute rationalité économique pour le capital comme un tout et même, de plus en plus, pour chaque Etat en particulier. Nous avons rappelé que le concept de décadence du capitalisme n'est pas une invention du CCI, puisque c'est l'Internationale communiste qui, en 1919, avait adopté cette analyse. De même, l'analyse de l'irrationalité de la guerre dans cette période de décadence n'est pas non plus une idée farfelue sortie de la tête des "idéalistes" du CCI. C'est la Gauche Communiste de France (GCF) dont le CCI s'est toujours revendiqué qui avait développé une telle analyse en affirmant que dans la période de décadence du capitalisme "la production est essentiellement axée sur la production de moyens de destruction, c'est-à-dire en vue de la guerre. La décadence de la société capitaliste trouve son expression éclatante dans le fait que des guerres en vue du développement économique (période ascendante), l'activité économique se restreint essentiellement en vue de la guerre (période décadente)" (Rapport à la Conférence de juillet 1945 de la Gauche Communiste de France, cité dans notre Revue Internationale n°18, "Le cours historique")[2]
Nous avons également mis en évidence que le rejet du caractère irrationnel, sur le plan économique, des guerres dans la période de décadence, et leur irrationalité croissante dans la phase ultime de cette décadence (celle de la décomposition du capitalisme) amène le BIPR à ne faire aucune différence entre la fonction des guerres coloniales et de construction d'États nationaux au 19e siècle et les guerres qui se sont déchaînées depuis 1914.
Ainsi, nous avons rappelé notre analyse suivant laquelle au 19e siècle les guerres étaient "rentables". Elles avaient une rationalité économique (puisqu'elles ont permis l'expansion du capitalisme à l'échelle de toute la planète), alors qu'au 20e siècle ces guerres ont pris un caractère de plus en plus irrationnel. Et c'est encore plus évident aujourd'hui : avec l'entrée du capitalisme dans sa période de décomposition (ouverte avec la dislocation des deux blocs impérialistes issus de la Seconde Guerre mondiale), cette irrationalité sur le plan économique a atteint un niveau supérieur comme on a pu le voir, par exemple, dans les Balkans ou en Tchétchénie.
Ainsi, l'ordre mondial institué par la conférence de Yalta en 1945 a aujourd'hui cédé la place à une ère de désordre mondial marqué par le déchaînement du "chacun pour soi" sur la scène impérialiste.
La myopie du BIPR l’amène à ne pas percevoir que la logique impérialiste du capitalisme en période de décadence tend de plus en plus à n’obéir qu’à sa propre logique : celle de la fuite en avant, effrénée, dans la guerre et dans une barbarie croissante.
L'intervention du CCI a également mis en évidence les implications de l'analyse du BIPR suivant laquelle la guerre des Etats-Unis contre l'Irak aurait encore une rationalité économique (notamment la fameuse "rente pétrolière"). Une telle vision conduit le BIPR, en réalité, à sous-estimer l'extrême gravité de la situation historique actuelle (marquée par un développement d'un chaos sanglant) et donc la gravité des enjeux pour la classe ouvrière et pour l'avenir de l'humanité.
Nous avons également rappelé, dans cette réunion publique, le cadre dans lequel le CCI avait analysé les causes de cette nouvelle guerre en Irak.: "Dans le contexte de faillite du capitalisme et de décomposition de la société bourgeoise, la réalité nous montre que la seule politique possible de chaque grande puissance est d’essayer de mettre les autres en difficulté pour tenter de s’imposer elle même. C’est la loi du capitalisme. Ainsi cette instabilité, cette anarchie croissante et ce chaos qui se répandent ne sont pas la spécificité de telle ou telle zone exotique et arriérée mais bien le produit du capitalisme dans sa phase actuelle irréversible de décomposition. Et comme le capitalisme domine la planète, c’est la planète entière qui est de plus en plus soumise au chaos." (Revue Internationale n°118)
Le BIPR n'a pas été en mesure de réfuter nos arguments avec un minimum de sérieux. Ainsi, concernant notre analyse de la décomposition du capitalisme, le seul "argument" politique que nous avons pu entendre de la part du BIPR a consisté à stigmatiser une fois encore "l'idéalisme" du CCI par un sarcasme hors de propos : "avec votre analyse de la décomposition, tout est dans tout, le chaos, Dieu, les anges,…" !
Mais ce n'est pas tout. Nous avons été sidérés d’entendre des arguments à faire se retourner Marx et Engels dans leurs tombes :
1) Lorsque nous avons posé la question : "Le BIPR défend-il aujourd'hui encore son analyse suivant laquelle si une troisième guerre mondiale n'a pas éclaté avant l'effondrement du bloc de l'Est c'est à cause de la bombe atomique et de 'l'équilibre de la terreur' ?", aucun militant du BIPR n'a voulu, dans un premier temps, répondre à notre question. Et c'est seulement lorsque nous avons posé cette question pour la troisième fois que l'un d'entre eux a daigné enfin nous répondre, de façon très succincte (et sans aucune argumentation) : l'équilibre de la terreur est "UN des facteurs" qui explique que la bourgeoisie n'a pas pu déchaîner une troisième guerre mondiale… En somme, l'analyse classique des secteurs bourgeois dominants qui, pendant des décennies, ont vendu aux prolétaires une effroyable course aux armements au nom de la "préservation de la paix". Sans commentaires !
Outre qu'ils ont entendu le BIPR reprendre à son compte les platitudes de la propagande bourgeoise, tous les éléments en recherche présents à cette réunion publique sont restés sur leur faim : ils sont sortis de cette réunion sans connaître quels sont les "autres facteurs" (et surtout quel est le facteur déterminant) qui, selon le BIPR, ont constitué un obstacle à une troisième guerre mondiale. Par contre, ils ont pu entendre que pour le CCI, le facteur essentiel réside dans le fait que, depuis la fin des années 1960, un nouveau cours historique (celui des affrontements de classe) avait été ouvert, marquant la fin de la longue période de contre-révolution qui s'était abattue sur le prolétariat après la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-23. Si une troisième guerre mondiale n'a pas éclaté, ce n'est pas à cause de l'arme atomique et de "l'équilibre de la terreur", mais bien parce que la classe ouvrière mondiale n'était pas prête à verser son sang derrière les drapeaux nationaux.
2) Concernant l'analyse marxiste de la décadence du capitalisme, on a pu entendre un porte-parole du BIPR nous répondre en ces termes : "je suis fatigué de discuter depuis 25 ans avec le CCI." En effet, le CCI est tellement "borné" qu'il ne veut toujours pas comprendre le B-A/BA du marxisme, lequel aurait enseigné (selon ce porte-parole du BIPR) que "dans le capitalisme, il faut distinguer deux choses : la formation sociale et le mode de production. On peut considérer qu'il y a décadence de la formation sociale (même si je n'aime pas le mot 'décadence'), mais le mode de production n'est pas décadent. Car si une révolution sociale n’intervient pas, nous aurons toujours les deux, avec l’effondrement de la société dans la barbarie. "
En prenant toutes les précautions d’usage (il est vrai que si une révolution n'intervient pas, nous aurons un effondrement dans la barbarie), le BIPR nous a tranquillement affirmé que le capitalisme pouvait être en décadence en tant que "système social", au niveau de sa superstructure (idéologies dominantes, culture, loisirs, mœurs, morale, etc..), mais pas en tant que "système économique", c'est-à-dire sur le plan de son infrastructure (au niveau de son mode de production et de la manière dont les hommes sont organisés pour produire leur existence).
Et c'est au nom du marxisme, du "matérialisme" et bien sûr contre la vision "idéaliste" du CCI qu'a été assénée une telle leçon de "dialectique" ! Nous préférons laisser à Marx le soin de réfuter pareilles inepties : "Il en résulte qu’un mode de production ou un stade industriel déterminé est toujours lié à un mode déterminé de coopération ou à un stade social bien défini et ce mode de coopération est lui-même une force productive." "La production de leurs idées, des représentations, de la conscience est de prime abord, directement mêlée à l’activité et au commerce matériel des hommes, c’est le langage de la vie réelle." ("L'idéologie allemande"). Ainsi, ce "langage de la vie réelle", le BIPR semble l'ignorer. Mais, comme disait Spinoza, "l'ignorance n'est pas un argument" !
Pour le marxisme, la décadence comme l’ascendance d’un mode de production affecte tous les aspects de la société, car c'est l'état des infrastructures (l'économie) qui détermine celui des superstructures (la vie sociale), même si l’évolution ou l’involution d’une civilisation ne se développe pas d’une manière homogène dans tous ses aspects. Affirmer le contraire n’est ni matérialiste, ni marxiste. C'est tomber dans l'idéalisme le plus stupide.
3) Au cours de la discussion, l’un de nos sympathisants a demandé au BIPR : "Si on suit votre analyse du cycle "crise/expansion/nouvelle crise, etc., quelle est votre position sur les luttes de libération nationale ? Seraient-elles encore valables aujourd'hui ? Et est-ce que cela veut dire que les syndicats auraient encore une nature ouvrière ?".
Sur la question des luttes de libération nationale, le BIPR n'a apporté aucune réponse à la question. Par contre, un camarade du présidium a affirmé que si le BIPR n'est pas pour le travail dans les syndicats c'est "parce que l'expérience a montré qu'on a rien à y faire et non pas parce que le capitalisme serait en décadence." Nous sommes intervenus pour demander au BIPR s'il rejetait ainsi la position défendue par le PCInt en 1947 et qu'il cite pourtant en exergue dans ses "Thèses sur le syndicat aujourd'hui et l'action communiste" (adoptées au 4e congrès du PCInt) : "Dans l'actuelle phase de décadence de la société capitaliste, le syndicat est appelé à être un instrument essentiel de la politique conservatrice et par conséquent à assumer une fonction précise d'organisme de l'État." (surligné par nous).
Le camarade du présidium, qui a répondu à la question posée sur la nature des syndicats, a alors paru très surpris que le BIPR ou le PCInt ait pu avoir une telle analyse. Visiblement, il semblait découvrir cette position programmatique de sa propre organisation (qui est pourtant publiée même sur le site Web du BIPR) !
De toute évidence, la remise en cause de l'analyse de la décadence du capitalisme élaborée par l'Internationale communiste, ne peut que conduire le BIPR à "réviser" certaines positions de sa propre plateforme.
En dehors de notre contribution au débat, et des questions posées par nos sympathisants (auxquelles le BIPR soit n'a pas répondu, soit a répondu de façon pour le moins très confuse), on peut signaler l'intervention d’un élément du milieu conseilliste (que nous connaissons depuis longtemps) dont l'intervention a consisté essentiellement à critiquer notre analyse de la décadence du capitalisme (basée sur la théorie de la saturation des marchés développée par Rosa Luxembourg dans L’Accumulation du capital ). Cet élément est venu nous faire une fois encore une "leçon de marxisme" en défendant l’idée que le capitalisme global est toujours aujourd’hui en pleine phase d’accumulation élargie comme en témoigne notamment le formidable développement économique de la Chine !
Cette analyse (qui est aujourd'hui très répandue parmi les "experts" de la classe dominante) n'a pas donné lieu à la moindre critique de la part du BIPR. Le CCI est donc intervenu pour démontrer que la prétendue "expansion économique" de la Chine était bâtie sur du sable (voir notre article sur la Chine dans Révolution Internationale n°350).
On a pu entendre encore l'un des deux supporters de la FICCI faire une longue intervention (incompréhensible et totalement incohérente) visant à "démontrer" que l'analyse du CCI (et donc de l'Internationale communiste) sur la décadence du capitalisme est une absurdité et qu'elle se situe en dehors du marxisme.
Tout aussi significative a été la "prestation" des deux "tribuns" de la FICCI qui se sont agités non pas pour prendre position sur l'analyse du BIPR exposée par le présidium, mais pour tenter de "démolir" les analyses du CCI[3].
L'absence de tout sérieux de la FICCI s'est encore bruyamment révélée par le comportement de deux de ses membres (et de leurs deux supporters) qui, au lieu de prendre la parole pour développer une argumentation politique, se sont contentés tout au long de cette réunion d'adopter une attitude faite de ricanements, de sarcasmes (et même d'applaudissements face aux critiques portées aux analyses du CCI, comme si ces éléments étaient venus assister à un match de football !). Ce manque de sérieux a d'ailleurs profondément choqué les éléments en recherche qui étaient présents. L'un d'entre eux a ainsi demandé la parole et a affirmé que ce type d'attitude dans une réunion politique ne l'avait pas "incité à s'inscrire dans la discussion".
Ainsi, il est clair que si le CCI n'avait pas été présent et n'avait pas apporté matière à la discussion, il n'y aurait eu aucun débat contradictoire, aucune confrontation des différentes positions. La FICCI (qui prétend être le "vrai défenseur de la plate forme du CCI") s'est en effet bien gardée d'avancer la moindre divergence, la moindre critique à l'analyse du BIPR.
Sur le concept de décadence du capitalisme (que le BIPR est en train de "redéfinir", en fait de rejeter), les membres de la FICCI n'ont pas pipé mot. De même qu'ils ont évité pudiquement toute confrontation avec le BIPR sur la question : pourquoi la bourgeoisie n'a-t-elle pas été en mesure de déclencher une troisième guerre mondiale avant l'effondrement du bloc de l'Est ?
Ainsi, la prétendue ouverture au débat public, pour la "clarification" et la "confrontation" des différents points de vue au sein du camp prolétarien, dont se revendique la FICCI n'est qu'un bluff agrémenté d'une bonne dose d'hypocrisie. En réalité, pour constituer un "front unique anti-CCI", le BIPR et la FICCI préfèrent cacher leurs désaccords et les discuter dans leurs réunions "privées" !
Pour notre part, si nous avons refusé de mener le moindre "débat" avec les éléments de la FICCI (et cela malgré leurs interventions provocatrices), c'est parce que le CCI est venu à une réunion publique du BIPR et qu'il ne voulait surtout pas permettre à ces individus de saboter le débat. C'est pour cela que nous sommes intervenus pour réfuter les arguments du BIPR et non pas ceux de cette "fraction" autoproclamée qui s'est comportée comme une bande de voyous (en volant du matériel et de l'argent au CCI).
C'est également parce que le CCI ne craint pas la confrontation publique de ses divergences avec le BIPR, qu'il a participé à cette réunion. En ce sens, nous ne partageons pas la position du BIPR (réitérée à la fin de cette réunion publique) suivant laquelle le débat entre le CCI et le BIPR "ne sert à rien". Notre conception du débat public n'est pas celle d'un bras de fer entre les groupes de la Gauche communiste pour savoir qui est le plus "fort", ou qui va "conquérir" le plus d'éléments. Si nous sommes intéressés à la discussion publique de ces divergences, c'est essentiellement afin de permettre aux éléments en recherche de connaître non seulement les positions du CCI mais aussi celles des autres groupes du camp prolétarien. Seule cette démarche peut leur permettre de se clarifier et de ne pas se tromper de porte s'ils veulent devenir militants.
Face aux éléments à la recherche d'une perspective de classe, il appartient aux organisations révolutionnaires d'apporter une réponse à toutes leurs questions, de les convaincre avec le maximum de clarté, de rigueur et de sérieux dans l'argumentation. De même qu'il leur appartient de défendre, dans leurs réunions publiques, le sérieux du débat politique en bannissant toute attitude parasitaire consistant à polluer ce débat par des sarcasmes, des ricanements ou des applaudissements.
CCI (18 octobre)Note au
lecteur :
La version Internet de cet article comporte de toutes petites différences avec
le tirage sur papier laquelle n'avait pas intégré trois corrections du fait
d'une erreur de transfert de fichier électronique. Nous publierons un erratum
dans le prochain n° de RI.
[1] Pour des raisons de place et d'équilibre de notre journal, nous ne
publions pas dans ce numéro de RI la première partie de cet article
intitulée "Le BIPR pris en otage par des voyous !" (et
que le lecteur pourra trouver sur notre site Web). Cela dit, tout lecteur qui
n'a pas les moyens de consulter notre site Internet, peut nous en faire la
demande par écrit. Nous lui enverrons gratuitement une copie de cet article.
Nous leur enverrons également la réponse que le BIPR vient de publier (sur son
site Web) sous le titre "Réponse à une organisation en voie de
désintégration."
[2] Un membre de la FICCI a fait une intervention pour tenter de
"ridiculiser" notre vision de l'irrationalité de la guerre en nous
accusant de "révisionnisme" et allant même jusqu'à affirmer que nous
étions "des Kautsky" ! En réalité, ce sont les ténors de cette prétendue
"fraction" qui se révèlent être les vrais "révisionnistes",
puisqu'ils abandonnent aujourd'hui l'analyse développée par la GCF et dont le
CCI, quant à lui, s'est toujours revendiqué. Ainsi, ces renégats qui prétendent
être les "vrais défenseurs des positions programmatiques du CCI",
rejettent aujourd'hui (pour caresser le BIPR dans le sens du poil) cette
position élémentaire de notre plateforme sur laquelle est fondée notre cadre
d'analyse de la décadence du capitalisme.
[3] Et pour combattre les analyses "kautskistes"
et "révisionnistes" du CCI, on a pu entendre de la bouche de
ceux que le BIPR appelle les anciens "dirigeants de la vieille garde du
CCI" (sic !) des "arguments" qui frisent le crétinisme. On y
a appris (entre autres "perles" de la FICCI), que :
L’histoire du mouvement ouvrier a tragiquement appris aux communistes que des partis prétendant défendre la classe ouvrière et l’avènement du socialisme ou du communisme n’avaient, en fait et quelle que soit la conscience qu'en avaient leurs militants, pour objectif véritable que la défaite de la classe ouvrière, le maintien de l’exploitation capitaliste et, finalement, le sacrifice de la vie de millions de prolétaires pour les intérêts de leur bourgeoisie nationale lors des guerres impérialistes du 20e siècle.
L'histoire de ce siècle a amplement démontré que le critère essentiel qui détermine l'appartenance de classe véritable d'une organisation qui se réclame du prolétariat est l'internationalisme. Ce n'est pas un hasard si ce sont les mêmes courants qui s'étaient clairement prononcés contre la guerre impérialiste en 1914 et qui avaient impulsé les conférences de Zimmerwald et de Kienthal (particulièrement les bolcheviks et les spartakistes) que l'on a retrouvés par la suite à la tête de la révolution, alors que les courants social-chauvins ou même centristes (Ebert-Scheidemann, ou les mencheviks) ont constitué le fer de lance de la contre-révolution. Ce n'est pas un hasard non plus si c'est le mot d'ordre "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !" qui conclut non seulement le Manifeste communiste de 1848, mais aussi l'Adresse inaugurale de l'AIT en 1864.
Aujourd'hui, alors que les guerres ne cessent de ravager telle ou telle partie du monde, la défense de l'internationalisme continue de constituer le critère décisif d'appartenance d'une organisation au camp de la classe ouvrière. Face à ces guerres, la seule attitude conforme aux intérêts de cette dernière consiste à rejeter toute participation dans l’un ou l’autre des camps en présence, à dénoncer toutes les forces bourgeoises qui appellent les prolétaires, sous quelque prétexte que ce soit, à donner leur vie pour un de ces camps capitalistes, à mettre en avant, comme l’ont fait les bolcheviks en 1914, la seule perspective possible : la lutte de classe intransigeante en vue du renversement du capitalisme.
Tout autre attitude conduisant à demander aux prolétaires de s’aligner sur l’un des camps militaires en présence revient à se transformer en sergent recruteur de la guerre capitaliste, en complice de la bourgeoisie et donc en traître. Ce n’est pas différemment que Lénine et les bolcheviks considéraient les social-démocrates qui, au nom de la lutte contre le "militarisme prussien" pour les uns ou au nom de la lutte contre "l’oppression tsariste" pour les autres, ont appelé les ouvriers à s’étriper mutuellement en 1914. Et malheureusement, malgré toutes vos bonnes intentions affichées, c’est exactement cette politique nationaliste que dénonçait Lénine que vous adoptez face à la guerre en Irak.
Lorsque dans votre presse vous soutenez "inconditionnellement la résistance armée du peuple irakien à l’envahisseur", ce que vous faites en réalité, c’est d’appeler les prolétaires d’Irak à se transformer en chair à canon au service de tel secteur de leur bourgeoisie nationale qui conçoit aujourd’hui la défense de ses intérêts capitalistes et impérialistes en dehors et contre l’alliance avec les États-Unis (alors que d’autres secteurs bourgeois estiment préférable de s’allier aux États-Unis dans la défense de leurs intérêts). Il faut d’ailleurs noter que les secteurs dominants de la bourgeoisie irakienne (qui, pendant des décennies, se sont rangés derrière Saddam Hussein) ont pu, suivant les circonstances, être les meilleurs alliés des États-Unis (particulièrement dans la guerre contre l’Iran au cours des années 1980) ou appartenir à "l’axe du mal", censé vouloir la perte de cette même puissance.
Pour justifier votre politique de soutien à un des secteurs de la bourgeoisie irakienne, vous invoquez (c’est ce que vous avez fait à un de vos forums à la dernière fête de Lutte Ouvrière) la position défendue par Lénine au cours de la Première Guerre mondiale lorsque, dans Le socialisme et la guerre, il écrivait par exemple : "… si demain le Maroc déclarait la guerre à la France, l'Inde à l'Angleterre, la Perse ou la Chine à la Russie, etc. (…) tout socialiste appellerait de ses vœux la victoire des États opprimés, dépendants, lésés dans leurs droits, sur les ‘grandes’ puissances oppressives, esclavagistes, spoliatrices." (Chapitre.1, "Les principes du socialisme et la guerre de 1914-1915")
Cependant, ce que vous avez oublié (ou décidé d’oublier), c’est justement qu’un des axes essentiels de cet écrit fondamental de Lénine (comme du reste de ses principaux textes écrits à cette époque) consiste à dénoncer férocement les prétextes invoqués par les courants social-chauvins pour justifier leur soutien à la guerre impérialiste et basés sur "l’indépendance nationale" de tel ou tel pays ou nationalité.
Ainsi, Lénine affirme d’un côté que : "En réalité, la bourgeoisie allemande a entrepris une guerre de rapine contre la Serbie pour la soumettre et étouffer la révolution nationale des Slaves du Sud " (La guerre et la social-démocratie russe). Il écrit de même que : "L'élément national dans la guerre actuelle est représenté seulement par la guerre de la Serbie contre l'Autriche (…). C'est seulement en Serbie et parmi les Serbes qu'il existe un mouvement de libération nationale datant de longues années, embrassant des millions d'individus parmi les "masses populaires", et dont le "prolongement" est la guerre de la Serbie contre l'Autriche. Si cette guerre était isolée, c'est-à-dire si elle n'était pas liée à la guerre européenne générale, aux visées égoïstes et spoliatrices de l'Angleterre, de la Russie, etc., tous les socialistes seraient tenus de souhaiter le succès de la bourgeoisie serbe - c'est là la seule conclusion juste et absolument nécessaire que l'on doive tirer du facteur national dans la guerre actuelle." Cependant, il poursuit : "La dialectique de Marx, dernier mot de la méthode évolutionniste scientifique, interdit justement l'examen isolé, c'est-à-dire unilatéral et déformé, de l'objet étudié. Le facteur national dans la guerre serbo-autrichienne n'a et ne peut avoir aucune importance sérieuse dans la guerre européenne générale. Si l'Allemagne triomphe, elle étouffera la Belgique, encore une partie de la Pologne, peut-être une partie de la France, etc. Si la Russie remporte la victoire, elle étouffera la Galicie, encore une partie de la Pologne, l'Arménie, etc. Si le résultat est 'nul', l'ancienne oppression nationale demeurera. Pour la Serbie, c'est-à-dire pour environ un centième des participants à la guerre actuelle, celle-ci est le 'prolongement de la politique' du mouvement de libération bourgeois. Pour 99 pour cent, la guerre est le prolongement de la politique de la bourgeoisie impérialiste, c'est-à-dire caduque, capable de dépraver des nations, mais non de les affranchir. L'Entente, en 'libérant' la Serbie, vend les intérêts de la liberté serbe à l'impérialisme italien en échange de son appui dans le pillage de l'Autriche. Tout cela, qui est de notoriété publique, a été déformé sans scrupule par Kautsky afin de justifier les opportunistes." (La faillite de la 2e Internationale, chapitre 6)
Notons à propos de la Serbie en 1914 que le Parti socialiste de ce pays (et il fut salué pour cela par tous les internationalistes de cette époque) a refusé catégoriquement et a dénoncé la "résistance du peuple serbe contre l’envahisseur autrichien" alors même que ce dernier était en train de bombarder la population civile de Belgrade.
Pour en revenir à aujourd’hui, "il est de notoriété publique" (et on pourrait ajouter que ceux qui ne le reconnaissent pas ne font que "déformer sans scrupule la réalité") que la guerre menée par les États-Unis et la Grande-Bretagne contre l’Irak (au même titre que la guerre déclenchée en août 1914 par l’Autriche et l’Allemagne contre la "petite Serbie") a des implications impérialistes qui dépassent de loin ce pays. Concrètement, face aux pays de la "coalition", nous avons un groupe de pays, comme la France et l’Allemagne, dont les intérêts impérialistes sont antagoniques des premiers. C’est pour cela que ces deux derniers pays ont tout fait pour empêcher l’intervention américaine l’année dernière, qu’ils se sont refusés depuis d’envoyer la moindre troupe en Irak. Et le fait qu’ils viennent de voter aux Nations Unies une résolution présentée par les États-Unis et la Grande-Bretagne ne signifie pas autre chose que les accords diplomatiques, au même titre que les disputes, ne sont qu’un moment de la guerre larvée que se livrent les grandes puissances.
Malgré toutes les déclarations d’amitié, claironnées notamment au moment de la célébration du débarquement du 6 juin 1944, l’impérialisme français trouve un avantage dans les difficultés que peuvent rencontrer les États-Unis en Irak. En fin de compte, à quoi aboutit votre soutien à la "résistance du peuple irakien" : à faire le jeu de la bourgeoisie de "votre" pays. Et là, vous ne pourrez pas invoquer Lénine pour justifier cette politique puisque, pour sa part, il appelait à "(…) combattre au premier chef le chauvinisme de ‘sa propre’ bourgeoisie". (La situation et les tâches de l'Internationale Socialiste, 1e novembre 1914)
Il faut vous rendre à l’évidence et cesser de vous raconter des fables si vous souhaitez suivre l’exemple de Lénine dans la défense de l’internationalisme : le soutien à la "résistance du peuple irakien contre l’envahisseur" est une trahison pure et simple de l’internationalisme et donc une politique chauvine anti-prolétarienne. C’est contre une politique comme la vôtre que Lénine écrit : "Les social-chauvins reprennent à leur compte la mystification du peuple par la bourgeoisie, selon laquelle la guerre serait menée pour la défense de la liberté et de l'existence des nations, et se rangent ainsi aux côtés de la bourgeoisie contre le prolétariat." (Le socialisme et la guerre, chapitre 1)
Cela dit, le soutien à la "résistance du peuple irakien", c’est-à-dire aux secteurs anti-américains de la bourgeoisie irakienne, n’est pas une trahison de l’internationalisme du seul point de vue de l’enjeu que représente l’Irak dans les antagonismes entre grandes puissances impérialistes. En d’autres termes, ce n’est pas une trahison de l’internationalisme seulement à l’adresse des prolétaires de ces puissances. C’est également une trahison de l’internationalisme vis-à-vis des prolétaires irakiens comme nous le verrons dans la suite de cet article (qui sera publié dans le prochain numéro de RI).
CCIEn Irak, un massacre en prépare un autre. Depuis début novembre, 1 200 insurgés de la guérilla irakienne et 51 soldats américains ont été tués, 400 autres blessés, au cours de l'offensive américaine d'envergure sur Fallouja mettant en oeuvre les chars, les canons et l'aviation. Dans le même temps, attentats et répression aveugles continuent de semer la mort et la désolation dans le pays mis à feu et à sang. Si la guerre en Irak constitue actuellement un concentré de la barbarie guerrière du capitalisme, celle-ci est encore illustrée par tous les conflits qui ensanglantent la planète.
Aucun de ces conflits ne trouve de solution durable, comme le révèle, par exemple, la situation dans le Caucase ou encore dans les Balkans (dont on ne parle plus guère), une zone en grande partie ravagée et détruite qui connaît chaque jour des affrontements inter-ethniques directement attisés par la présence sur place des grandes puissances impérialistes. En revanche, il ne manque pas de facteurs d'aggravation du chaos. Ainsi la mort d'Arafat ouvre une période de guerre civile en Palestine qui, de surcroît, ne va en rien atténuer les antagonismes et les rivalités avec Israël (voir article page 8). Un nouveau foyer de tensions guerrières va probablement embraser la Côte d'Ivoire avec cette fois, en première ligne, la France, ce champion de la paix en Irak … pour contrer les ambitions américaines (voir l'article ci-dessous).
C'est un fait indéniable, Fallouja va nécessairement être conquise par l’armée américaine. Dans un premier temps la ville a été prise sous un déluge de bombes et d’obus. Puis l’assaut a été donné. C’est le 8 novembre dernier que cette opération dénommé "Phantom fury" pour investir Fallouja a été déclenchée. Cette offensive contre la ville rebelle a commencé après le feu vert donné par le Premier ministre irakien lui- même, Iyad Allaoui, premier ministre d’un gouvernement intérimaire installé et maintenu au pouvoir par les Etats-Unis. De massacre dans la population civile, il n’en est pas question. La ville de Fallouja est aujourd’hui réduite à un tas de ruines, mais la population civile semble être (selon les medias bourgeois) totalement sortie indemne de tous les bombardements intensifs et de l’assaut progressant de maison en maison. Il est vrai que la plus grande partie de la population, terrifiée à juste titre par les annonces de l’offensive de l’armée américaine sur la ville, avait fui massivement en direction des campagnes alentour. Au retour de son exode, lorsque l’offensive sera terminée, cette population civile ne retrouvera qu’une ville totalement détruite, où le chaos et la guerre continueront à se développer. Cet assaut de l’armée américaine, cautionné idéologiquement par la participation de quelques milliers de soldats irakiens engagés à coups de dollars, a nécessité le bouclage des frontières avec la Syrie et la Jordanie, l’état-major américain craignant un afflux de combattants venant prêter main forte à la résistance sunnite à Fallouja. Le Los Angeles Times dans un éditorial affirme que " le pire aurait été de ne rien faire, et de céder la ville à la guérilla qui l’aurait érigé en exemple pour les autres villes irakiennes." Ainsi l’état-major de l’armée américaine aurait fait le choix le moins mauvais en attaquant la ville tout en sachant que "cette opération ferait des victimes, tout autant parmi les civils que chez les combattants, et pourrait soulever des réactions passionnées et enflammées chez les arabes bien loin de Fallouja et de l’Irak" (Ibid).
Les raisons profondes de cette offensive apparaissent clairement au grand jour dans la lettre du premier ministre irakien envoyé à Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, dans laquelle il affirme que : "Son gouvernement n’a pas d’autre choix que celui de prendre des mesures fermes et radicales pour venir à bout des violences qui risquaient de mener le pays vers des confrontations compromettant la tenue des élections." Il est en effet d’une extrême importance pour l’impérialisme américain que les élections devant se tenir dans quelques semaines puissent se dérouler dans une apparente sérénité et sécurité, permettant de les faire apparaître, de même que le gouvernement qui en sera issu, comme légitimes. Ce qui pourrait permettre aux Etats-Unis de tenter de crédibiliser idéologiquement un tant soit peu leur intervention militaire. De fait, la perspective de l’évolution de la situation dans ce pays est à l’exact opposé d’une pacification et d’une stabilisation impossibles. La guerre civile permanente qui règne dans le triangle sunnite, la répétition des offensives militaires dont il a été le théâtre ces derniers mois, l’offensive sur Samara au mois d’octobre, n’ont apporté aucune accalmie durable. L’invasion de Fallouja a d’ailleurs provoqué immédiatement une reprise de la violence et des accrochages militaires à Mossoul ainsi que des attentats terroristes et des prises d’otages dans l’ensemble du pays, y compris dans la région habitée majoritairement par les Chiites. Le Herald Tribune ne cache d’ailleurs pas la réalité : "La tenue d’élections est de moins en moins certaine…Les insurgés deviennent de plus en plus forts et audacieux. Si cette dynamique ne peut être renversée, Washington devra faire marche arrière et revoir ses objectifs de fond en comble."
Contrairement à ce qu’affirme la presse bourgeoise, il est plus que probable que l’enfoncement de l’impérialisme américain dans le bourbier irakien et son affaiblissement irréversible en tant que première puissance mondiale le poussent vers une fuite en avant militaire toujours plus incontrôlable. Il est à prévoir que la conférence internationale sur l’Irak en Egypte, qui doit se tenir le 25 novembre prochain et rassemblera tous les acteurs régionaux, les représentants de l’organisation de la conférence islamique, la Russie, les Etats européens ainsi que les Etats-Unis, ne sera qu’un marché de dupes où, derrière les discours diplomatiques officiels, s’exprimeront les appétits féroces et divergents de chacun des participants. L'Etat irakien est entrée dans un processus de décomposition irréversible, reflet du chaos qui gagne l’ensemble de la région y compris le Moyen-Orient. L’exécution macabre de 49 recrues de la pseudo- "nouvelle armée irakienne" le 29 octobre dernier en est une dramatique concrétisation. C’est le capitalisme comme un tout, en Côte d’Ivoire, en Irak et dans un nombre croissant de régions du monde qui est le seul responsable de cet effondrement de pans entiers de la planète dans un chaos de plus en plus sanglant.
La faillite historique de ce système moribond ne peut que produire des situations comme en Irak, en Côte d’Ivoire, au Moyen-Orient ou au Darfour. Ce processus laissé à sa seule dynamique ne peut que se poursuive en submergeant d'autres pays de la région, tels que la Syrie ou l’Iran. La classe ouvrière et l'ensemble de l’humanité n’ont rien à espérer de la part de ce système en pleine putréfaction. Le seul avenir qu'il nous réserve, c'est une barbarie croissante.
Il n'existe qu'une seule perspective qui puisse mettre définitivement un terme à la folie meurtrière du capitalisme : le renversement de ce système décadent et la construction d'une autre société, sans classes et sans exploitation. Une société qui, en abolissant les frontières nationales, mettra fin à la guerre et aux massacres. Une société que seul le prolétariat mondial est à même d'édifier. Parce qu'il est une classe exploitée et internationale, une classe qui n'a pas de patrie et qui subit partout les effets de la crise insoluble du capitalisme, le prolétariat détient entre ses mains l'avenir de l'humanité. Ce n'est qu'en unifiant ses luttes, en développant sa solidarité sur son propre terrain de classe que le prolétariat pourra remplir sa tâche historique de fossoyeur du capitalisme.
L'enfer quotidien dans lequel sont plongées les populations en Irak comme au Moyen-Orient constitue un appel aux ouvriers des pays d'Europe occidentale. C'est du développement de leurs combats, dans ces pays situés au coeur du capitalisme, que peut surgit une dynamique de luttes révolutionnaires vers le renversement du capitalisme. En ce sens, la seule solidarité que les prolétaires du monde entier peuvent apporter à leurs frères de classe des pays ravagés par la guerre, c'est de mener le combat contre les attaques que leur inflige "leur" propre bourgeoisie nationale, contre l'exploitation, le chômage et la misère.
Face à la guerre et à la crise du capitalisme, plus que jamais, la classe ouvrière doit faire vivre son mot d'ordre : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !"
Tino (19 novembre)Les 4 et 5 novembre, impatient de rompre le statu
quo imposé par la France qui limite son autorité sur
le Sud du pays depuis janvier 2003 à travers les accords de
Marcoussis, le président ivoirien Gbagbo a fait bombarder
les deux villes du Nord (Bouaké et Korhogo) contrôlées
par les forces rebelles. Le président ivoirien pensait
bénéficier de la complicité du gouvernement
français qui avait pendant des mois délibérément
fermé les yeux sur l’accélération de ses
préparatifs guerriers. Puis, voyant que Paris hésitait
à le suivre, le pouvoir ivoirien a voulu lui forcer la main
en bombardant la position des forces françaises à
Bouaké, faisant neuf morts (plus un civil américain)
et 22 blessés dans ses rangs. La réplique de Chirac
a été immédiate : il a ordonné
aussitôt en représailles la destruction au sol de
« l’aviation ivoirienne » composée
en tout et pour tout ... de deux avions et de cinq hélicoptères
de combat.
Gbagbo a alors déchaîné une vaste « chasse
aux Blancs », de véritables pogroms
anti-français en poussant une masse surexcitée de
miséreux lumpénisés, les « patriotes »,
à assiéger les maisons, les écoles, les
bâtiments abritant des ressortissants français et à
se livrer à des viols, des pillages, des saccages et des
incendies, tandis que des témoins ont rapporté que
l’armée française n’a pas hésité,
elle, à tirer sur la foule hostile. Tout cela est venu
renforcer encore le climat de chaos, de violence et de terreur qui
a régné plusieurs jours sur la capitale, Abidjan. Le
bilan actuel mais encore très flou de ces tueries se
solderait par des centaines d’autres victimes civiles
ivoiriennes.
La France se retrouve désormais ouvertement en première
ligne dans le bourbier ivoirien.
Avec plus de 5200 hommes de troupe du dispositif Licorne et
avec le renfort depuis juillet 2004 de 6200 « casques
bleus » dépêchés par l’ONU, la
France contrôlait déjà militairement le pays
comme force d’interposition et « de maintien de la
paix » entre les forces gouvernementales du Sud et les
troupes rebelles au Nord. Alors que jusqu’ici, la France
prétendait être sur le terrain pour «instaurer
la paix» sous mandat de la légalité onusienne,
ce masque est en train de tomber, révélant que son
seul objectif réel, c’est le maintien stratégique
de sa présence militaire en Côte d’Ivoire, c’est
la sauvegarde de ses sordides intérêts impérialistes
en Afrique. Comme il a déjà été
évoqué, un fort contingent de « casques
bleus » était présent en Côte
d’Ivoire, censé assurer la protection des populations.
Qu’a-t-il fait ? Rien. Il n’est nullement intervenu. Cela
montre que le véritable rôle de l’ONU, ce n’est
pas d’assurer la « protection des populations
civiles » comme elle le proclame, mais bien de servir
en toute hypocrisie de couverture légale aux crimes et aux
agissements des grandes puissances impérialistes. Cela
n’est pas nouveau. Les « forces de l’ONU »
étaient présentes pour les mêmes raisons lors
des tueries du Rwanda en 1994, encore au profit de la France.
C’était toujours la même fonction qu’assumait
l’ONU plus récemment, en mai 2003, lorsque 60 000
personnes ont été massacrées dans la province
d’Ituri, au Nord-Est de la République Démocratique
de Congo. Les 5000 « casques bleus »
présents en RDC s’étaient tenus à l’écart
des lieux de ces massacres interethniques téléguidés
par plusieurs grandes puissances alors que l’ONU était
parfaitement au courant de leurs préparatifs.
Depuis l’ère gaullienne, la France avait maintenu sa domination impérialiste héritée de son empire colonial en apportant un appui indéfectible au dictateur Houphouët Boigny de 1960 jusqu’à sa mort en 1993. Enfin, face aux nouvelles luttes de cliques et de factions au sein de l’armée, elle a fini par s’appuyer sur une couverture électorale et démocratique, portant Gbagbo à la tête de l’Etat après une série de règlements de compte sanglants entre plusieurs factions. Depuis son investiture, ce dernier a jalonné son pouvoir de campagnes xénophobes en faveur de « l’ivoirité », pour éliminer ses principaux rivaux. Il l’a surtout ponctué de plusieurs charniers et de massacres faisant plusieurs centaines des morts dont le plus connu s’est déroulé en mars 2004 où, sous prétexte de repousser de manifestation de l’opposition qu’il avait interdite, Gbagbo a envoyé ses chars et ses « escadrons de la mort » dans les quartiers d’Abidjan pour assassiner une partie de la population supposées appartenir aux forces rebelles. Ces tueries se sont déroulées avec la complicité directe de la France et sous les yeux de plus de 4000 militaires français qui n’ont pas levé le petit doigt pour venir porter secours aux victimes essentiellement civiles.
Depuis 1999, la Côte d’Ivoire, jadis présentée comme « vitrine » de la stabilité économique et politique de l’Afrique francophone se retrouve au cœur des turbulences et de la décomposition sociale qui secouent le continent africain depuis la disparition des blocs. En fait, depuis 15 ans, la France a perdu beaucoup de son influence, de son prestige et de ses positions stratégiques essuyant d’importants revers notamment à travers la mise en évidence de sa responsabilité et de ses crimes dans les massacres au Burundi et au Rwanda en 1993/1994 et la perte du Zaïre en 1997. Elle se heurte d’ailleurs à la rivalité croissante de l’impérialisme américain, malgré les difficultés de ce dernier à opérer des percées significatives et durables.
Malgré l’implosion de son pré carré ivoirien en décembre 1999 et surtout depuis la réorganisation stratégique de ses bases militaires en Afrique, la France avait décidé de renforcer son dispositif militaire en Côte d’Ivoire et de s’y maintenir coûte que coûte. Avec le Sénégal, la Côte d’Ivoire est l’un des deux pays clés de son dispositif militaire qui permet de maintenir sa présence sur le sol africain. Les affrontements entre forces rebelles et gouvernementales et la tentative de coup d’État de 2002 lui ont fourni l’occasion pour justifier sa présence militaire massive et de tenter de reprendre les choses en mains au niveau diplomatique avec les accords de Marcoussis en janvier 2003. Depuis lors, la France a tenté de jouer sur la division et les rivalités entre les forces gouvernementales et les forces rebelles pour jouer les arbitres en se posant comme garant de la paix. Cela l’arrangeait de ne pas choisir et de ne pas favoriser trop un camp contre l’autre. Mais aujourd’hui le climat d’instabilité est tel que cette stratégie qui tendait à la faire apparaître dans un rôle « pacificateur » au dessus de la mêlée s’est avérée intenable et qu’elle a constitué au contraire un puissant facteur de perte de contrôle. Sur ces deux plans, militaire et diplomatique, l’impérialisme français n’a jamais pu imposer ses orientations. Au contraire, il n’a aucun allié déclaré parmi les forces qui s’affrontent sur le terrain ivoirien. Son attitude qui consiste à prétendre être «neutre» par rapport aux divers belligérants, ne l’a d’ailleurs pas empêché de soutenir en sous-main alternativement telle ou telle clique et d’être impliquée à plusieurs reprises dans des tueries, sans jamais l’assumer publiquement. C’est dans ce cadre que les « accords de Marcoussis » ont été réactualisés à plusieurs reprises sans aucun succès et sans aucun effet sur le terrain à Accra au Ghana (baptisées accords Accra I, II et III) afin de relancer le « processus de paix » en passant par la réforme des institutions politiques, parallèlement au désarmement des forces rebelles. Mais en réalité toute cette période a été mise à profit par tout le monde pour s’armer massivement en vue d’en découdre pour de bon dès que possible. C’est cette ligne politique totalement incohérente et intenable qui a plongé la France dans l’impasse dans laquelle elle se trouve aujourd’hui, où elle est acculée à la fuite en avant dans la confrontation militaire directe pour défendre ses intérêts.
La bourgeoisie française est dans l’impasse. Elle est isolée, encerclée par une multitude d’ennemis en Côte d’Ivoire, sans compter la menace de pogrom qui pèse sur ses ressortissants (otages potentiels des «forces patriotes» des partisans de Gbagbo).
Ce qui est clair, c’est que sa présence militaire ne saurait, elle, être mise en question. Si la situation a contraint la France à évacuer en toute hâte une bonne partie de ses ressortissants civils vivant dans le pays, elle lui a aussi permis de renforcer ses effectifs militaires. Alors que le masque humanitaire de la France est déjà mis à mal en Afrique depuis sa responsabilité avérée dans les massacres et le génocide rwandais en 1994, l’évacuation de ses ressortissants civils va pousser l’impérialisme français à s’enfoncer dans une nouvelle escalade militaire avec son armée de professionnels. Celui-ci va se donner les coudées plus franches pour des opérations de « nettoyage » et pour se livrer à de nouveaux massacres guerriers. Toutes proportions gardées, la France est condamnée à la même fuite en avant que les États-Unis, à se dépouiller de plus en plus de ses hypocrites alibis de force de maintien de la paix pour se montrer sous son vrai jour impérialiste en imposant brutalement un rapport de forces sur le terrain militaire. La bourgeoisie française ne peut pas se permettre d’abandonner la Côte d’Ivoire à ses adversaires impérialistes sous peine de se retrouver rapidement éjectée du continent africain tout entier.
La situation tend désormais à s’enfoncer dans une spirale meurtrière de plus en plus irrationnelle et de plus en plus difficilement contrôlable.
Cette perspective, avec tous les dangers de dérapage qu’elle comporte, est d’autant plus ouverte que la situation évolue au milieu d’un véritable panier de crabes impérialistes.
La rupture est désormais profonde entre Gbagbo et la France, symbolisée par la destruction de l’aviation ivoirienne par l’armée française. Plus généralement, depuis le début des hostilités, on entend nombre de dirigeants proches du pouvoir ivoirien, comme le président de l’Assemblée nationale, Koulibaly prononcer ouvertement des déclarations de guerre incendiaires contre la France.
Depuis 2002 Gbagbo n’a cessé d’entraîner une partie de la population vers de pires déchaînements de l’hystérie nationaliste et xénophobe armant des milices de « patriotes » au nom de « l’ivoirité » contre l’occupant français comme contre les autres ethnies africaines « étrangères » comme les Burkinabe.
La bourgeoisie française a entrepris de se serrer les coudes pour défendre ses intérêts. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre le soutien sans réserve que le PS a apporté à la «fermeté» de Chirac et du gouvernement français dans la crise ivoirienne actuelle en allant jusqu’à décider de rompre publiquement avec leur «camarade» de l’Internationale socialiste, Laurent Gbagbo.
Ce dernier a cependant d’autres alliés de circonstance dans la région à travers sa récente alliance avec la Mauritanie, la Guinée et le Togo, pays qui cherchent en découdre avec le Burkina, accusé de déstabiliser leurs régimes.
Le président ivoirien peut compter sur d’autres soutiens plus discrets comme le Ghana, mais aussi il dispose d’un fort capital financier qui lui permet de se payer un très grand nombre de tueurs professionnels, comme les mercenaires qui pilotaient ses avions.
De leur côté, bien qu’affaiblis par des luttes intestines et de règlements de comptes sanglants, les groupes rebelles multiplient les manœuvres et les déclarations va-t-en guerre d’où leur refus d’être désarmés comme le préconisait l’ONU.
Par ailleurs, les rebelles peuvent compter sur le Burkina-Faso réputé être leur soutien le plus sûr dans la région, sans compter la Libye.
Certains secteurs de la bourgeoisie française ne se sont pas privés de souligner que l’offensive de Gbagbo au lendemain de la réélection de Bush, n’était pas un simple hasard en soulignant l’attirance qu’a Gbagbo pour les États-Unis et la volonté de Washington de renforcer son influence en Afrique alors que l’Oncle Sam a beaucoup de mal à s’y implanter.
En fait, les États-Unis se sont ménagés plusieurs fers au feu puisque, tout en se laissant courtiser par Gbagbo, ils ont armé les rebelles en 2002 et ont continué à les aider discrètement depuis plusieurs mois. Tout en saluant officiellement la réaction de la France, plusieurs journaux américains proches du gouvernement Bush ont redoublé leurs charges anti-française en pointant du doigt les incohérences de la politique française et son incapacité à gérer les « affaires africaines ». Ils ont beau jeu de voir la France s’enliser et attendent de pouvoir lui mettre plus activement d’autres bâtons dans les roues.
Toutes les conditions sont réunies pour que le chaos devienne plus sanglant encore avec la forte probabilité de l’implication militaire plus directe de l’impérialisme français. Cette implication criminelle de l’impérialisme français en Afrique ne peut que mettre à mal le mensonge activement répandu ces derniers temps, en particulier par la bourgeoisie française, qui désigne les États-Unis comme seuls fauteurs de guerre dans le monde.
C’est une dimension encore plus large du conflit ivoirien qui se prépare non seulement avec un risque d’"irakisation" de la Côte d’Ivoire mais aussi avec un danger d’extension du conflit aux États voisins, d’un embrasement généralisé de la guerre civile dans la région et de déstabilisation en Afrique occidentale.
L’enlisement, le pourrissement du conflit est inévitable pour l’impérialisme français comme pour cette partie de l’Afrique dans le contexte du chacun pour soi et de la guerre de tous contre tous.
La Côte d’Ivoire est un nouvelle illustration du sort effroyable que le capitalisme réserve pour le présent et pour l’avenir à tout le continent africain. La population de ce pays est désormais exposée en permanence à la misère et à la guerre, à la famine et aux massacres, subissant en première ligne les effets de la décomposition sur le plan social comme sur le plan économique, au milieu d’une prolifération des charognards impérialistes et d’une multiplicité de cliques bourgeoises locales rivales, défendant chacune ses propres intérêts.
Elle est ainsi l’illustration de la barbarie guerrière dans laquelle le système capitaliste enfonce de plus en plus l’humanité.
W. (14 novembre 2004)Jamais une élection
présidentielle américaine n’aura été autant mise en scène par les
médias bourgeois français que celle qui vient de se dérouler aux Etats-Unis
entre le candidat démocrate J. Kerry et celui du parti républicain
G. W. Bush.
Tous les jours, nos journaux, nos écrans de télévision ont été envahi de reportages et de commentaires destinés à nous persuader de l’importance vitale de cette élection, pour notre avenir et celui du monde. Tout cela, cette propagande mensongère et éhontée n’était pas le fruit du hasard ou de la simple motivation de quelques directeurs de l’information trop zélés. Cette campagne idéologique a été le produit d’une orchestration, organisée et dirigée par l’Etat français. Le contenu du message à faire passer à la classe ouvrière était parfaitement clair. Toutes les émissions, tous les articles mettaient en avant un J. Kerry, certes un peu terne et manquant d’envergure, mais plus honnête et surtout moins belliciste et guerrier que G. Bush. Cette propagande avait pour but, à partir des élections aux Etats-Unis, de poursuivre implacablement la propagande anti-américaine nécessaire à l’impérialisme français. Dans l’affrontement permanent et toujours plus féroce de toutes les forces impérialistes de la planète, l’affrontement entre la France et les Etats-Unis est, sans aucun doute, un des plus importants de cette période de décomposition et de faillite du capitalisme mondial que nous vivons actuellement. Au contraire de ce qui était affirmé par les médias bourgeois tout au long de la campagne et une fois les résultats connus, la bourgeoisie française ne pouvait être que totalement satisfaite de la réélection de G. Bush à la présidence américaine. Depuis l’invasion américaine de l’Irak, la propagande idéologique de l’Etat français n’a jamais cessé de rendre responsable G. Bush et les faucons de l’administration américaine de l’état de guerre en Irak, ainsi que du développement du terrorisme en direction des pays occidentaux. G. Bush a été présenté comme irresponsable, extrémiste et dangereux. Tout était bon pour mettre en avant l’irrationalité de la politique de l’administration Bush. Ainsi ce n’était plus le capitalisme en faillite qui était devenu irrationnel et radicalement mortel pour la survie de l’humanité, mais seulement l’actuelle administration Bush. La réélection de G. Bush, le maintien au pouvoir des secteurs les plus archaïques du parti républicain vont permettre d’autant mieux à la bourgeoisie française de continuer à orchestrer avec encore plus d’ampleur sa campagne anti-américaine. Campagnes idéologiques de mystification nationaliste contre la classe ouvrière en France qui ne pourront qu’être renforcées par l’utilisation de plus en plus importante de la force militaire de la part des Etats-Unis, englués dans le bourbier irakien et confrontés au processus irréversible d’affaiblissement de leur leadership mondial. Ces campagnes idéologiques, tout en étant le produit des tensions inter-impérialistes entre la France et les Etats-Unis, permettent en même temps à l’Etat français de camoufler ses propres visées guerrières dans le monde.
L’ensemble des commentateurs et autres politologues bourgeois américains avaient tous analysé que, par-delà l’absence totale d’envergure des deux candidats, et le peu de différenciation de leur programme respectif, y compris sur les plans économiques et sociaux, J. Kerry aurait gagné les élections présidentielles s’il avait remporté la victoire dans l’Etat de l’Ohio. Il y a peu de temps encore, cet Etat américain possédait la plus grande concentration d’activité industrielle par habitant de tous les Etats-Unis, pour connaître, au cours des dernières années, une désindustrialisation de plus en plus rapide et brutale laissant sans ressource et sans emploi une grande partie de la population. Malgré une très importante mobilisation de l'électorat démocrate, l’Ohio a finalement voté majoritairement conservateur, véritable microcosme électoral de ce qui s’est passé au niveau national. La carte électorale de ces élections aux Etats-Unis montre une vaste étendue dominée par le vote républicain, et quelques zones démocrates regroupées sur les franges littorales de l’Atlantique et du Pacifique, dans des grandes villes portuaires telles que New York, Boston, Baltimore ou San Francisco. Dans ce qu’il est convenu d’appeler "l'Amérique profonde", les appels de J.Kerry à voter démocrate n’ont guère rencontré d’écho favorable. Comme l’affirment les commentateurs bourgeois eux-mêmes, les deux candidats ont menti dans leurs campagnes, d’une manière plus caricaturale que jamais sans que cela n’ait d’incidence sur une mobilisation électorale relativement plus forte que lors du précédent scrutin présidentiel, pas plus que sur le choix des votes. Les motivations électorales d’une majorité d’électeurs américains se sont trouvées déterminées par des facteurs faisant appel à tout, sauf à la raison et à la lucidité. G. Bush s’est présenté comme le défenseur intransigeant de la morale chrétienne, de la force et de la grandeur du peuple américain. Le New York Times relève que "de nombreux Américains affirment ne pas avoir voté en fonction des questions politiques, mais en fonction des valeurs. Ils ont voté pour celui qui partageait leur croyance et leur mode de vie. Les mots qui reviennent régulièrement lors des enquêtes réalisées dans tout le pays auprès des électeurs sont ainsi : foi, famille, intégrité et confiance." L’Amérique profonde, les secteurs ruraux, soumis par les effets de la crise à une misère croissante, à la démoralisation et à l’absence totale de perspectives ont été particulièrement perméables à ces thèmes mystiques, permettant de diaboliser l’étranger (le musulman fanatique !) comme le responsable de tous les maux. Par-delà la médiocrité d’ensemble de la campagne électorale, en l’absence de luttes d’envergures du prolétariat, et à défaut d’une alternative visible face à la décomposition de la société, c’est le repli sur soi ou sur sa communauté, qui l’a emporté. L’irrationalité, produit de la peur et de l’impuissance, a dominé ces élections.
L’affaiblissement de la cohérence d’ensemble de la bourgeoisie américaine afin de défendre au mieux l’intérêt national américain s’est également exprimé dans le contenu programmatique électoral du candidat démocrate : "Tout au long de la campagne, les électeurs n’ont pas su pourquoi se présentait J.Kerry. Ils voulaient connaître la façon dont il voyait le monde. Et il ne leur a jamais dit." (Le New York Times). "Les républicains ont utilisé l’argument que Kerry ferait un président trop indécis pour protéger le pays.", estime le Los Angeles Times. Si J. Kerry n’a pas exprimé une vision du monde différente de celle tristement attachée à la personne de G. Bush, c’est que tout simplement J. Kerry et les démocrates ne pouvaient pas en avoir. Sur la question irakienne, qui en est l’actualisation présente la plus dramatiquement spectaculaire, l’enfoncement inéluctable de l’impérialisme américain dans le bourbier irakien, l’absence de toute solution alternative à la fuite en avant guerrière, ont nécessairement rendu impossible au candidat démocrate de proposer une autre politique que celle de Bush. Il lui était en effet aussi impossible d'envisager un retrait des forces armées américaines en Irak, que d'entraîner, les puissances rivales, telles la France ou l’Allemagne, dans ce bourbier, même à travers l’ONU. Même si une majorité de la bourgeoisie américaine avait choisi de soutenir le candidat Kerry, ce qui s'était entre autres traduit par des attaques contre Bush provenant parti républicain lui-même, une telle totale absence de réelle politique alternative ne pouvait que laisser le chemin libre à la montée des plus vieux réflexes archaïques et ouvrir ainsi la voie à la victoire de G. Bush.
Comme nous l'avons déjà développé (voir en particulier RI n° 351), l'élection de l'un ou l'autre de deux candidats ne constituait pas un enjeu majeur pour la bourgeoisie américaine. Néanmoins, le fait que le candidat de son choix n'ait pas été élu à cause d'une difficulté à canaliser cette partie de l'électorat particulièrement perméable aux thèmes les plus archaïques et obscurantistes, constitue une expression de l'affaiblissement la puissance américaine. En effet, l'impasse face à laquelle est confronté le leadership américain sur la scène mondiale rejaillit dans une certaine difficulté de la bourgeoisie américaine à contrôler son jeu politique.
Face à la politique impérialiste des Etats-Unis qui ne peut de toutes manières s’exprimer et se développer autrement que dans une direction militaire et guerrière, le resserrement de l’équipe Bush pour les quatre ans à venir dessine une évolution de la situation mondiale toujours plus dramatique et barbare. Au regard d’une telle réalité, l’impérialisme français, lui-même enlisé dans le conflit en Côte d'Ivoire, ne manquera pas de se réfugier derrière une campagne anti-américaine qui sera orchestré avec toujours plus d’ampleur. La classe ouvrière n’a rien à attendre des élections bourgeoises aux Etats-Unis comme dans n’importe quel pays du monde. Elle a par contre tout à craindre de l’enfoncement du capitalisme dans le chaos et la barbarie.
Tino (18 novembre)
Quel est le moyen de lutte le plus efficace quand son "propre" travail ou "son" usine ne sont plus considérés comme rentables ? L’arme de la grève ne perd-elle pas de son efficacité quand, de toutes façons, le capitaliste a l'intention de fermer l’usine ou quand des entreprises entières sont au bord de la faillite ? Aujourd'hui, ces questions se posent tout à fait concrètement, pas seulement chez Opel, Karstadt ou Volkswagen, mais partout où il faut "sauver" ou fermer des usines et des compagnies à cause de la crise économique du capitalisme. Et de nos jours, cela se produit partout. Pas seulement en Allemagne, mais en Amérique et aussi en Chine. Pas seulement dans l’industrie, mais aussi dans les hôpitaux ou les services publics.
Au milieu des années 1980 déjà, de grandes luttes ont eu lieu contre des licenciements massifs. Par exemple, à Krupp Rheinhausen ou dans les mines en Grande-Bretagne. A l'époque, des branches industrielles entières comme les mines, les aciéries, les chantiers navals, ont quasiment été fermées.
Mais aujourd’hui, le chômage et les fermetures d’usine sont devenus omniprésents. Au départ, cela a provoqué un vaste sentiment d'impuissance. Pour la plupart, les licenciements ont été acceptés sans résistance. Cependant, la lutte de cet été chez Daimler-Chrysler a été un signe de quelque chose de nouveau. Là, les employés ont réagi de façon spectaculaire aux tentatives de chantage des patrons. Les actions de solidarité, des employés de Brême en particulier, avec leurs collègues des usines de Stuttgart-Sindelfingen qui subissaient l'attaque, ont montré que les ouvriers combattent les tentatives de les monter les uns contre les autres.
Et aujourd'hui, les grèves d'Opel, surtout dans l'usine de Bochum, en réponse aux annonces de licenciements massifs, montrent à nouveau la détermination de ne pas accepter passivement les réductions massives d’emplois.
Néanmoins, dans ces circonstances, il faut poser la question de la possibilité et des buts de la lutte. Nous savons que les luttes chez Daimler-Chrysler, comme celles, dans les années 1980, chez Krupp-Rheinhausen ou des mineurs anglais, se sont terminées par des défaites. On a fait l’expérience répétée – aujourd’hui encore – de la façon dont les syndicats et les conseils d’usine sont capables d'adopter le langage de la lutte dès que les ouvriers résistent, tout en déclarant qu’il n’y a aucune alternative sinon celle de se soumettre à la logique du capitalisme. Ce qui est en jeu, disent-ils, c’est d’éviter le pire. Ils veulent "sauver" l'entreprise, disent-ils, et donc faire passer les licenciements nécessaires de la manière la plus "sociale" possible. Ainsi, l'accord adopté par la chaîne de magasins de Karstadt-Quelle, qui comprenait la suppression de 5 500 emplois, la vente de 77 magasins et une énorme réduction de salaire ("économisant" 760 millions d’Euros jusqu’en 2007), a été présenté par le syndicat Verdi comme une victoire pour les travailleurs. (…)
Les employeurs, les politiciens mais aussi les syndicats et les conseils d’usine – tous ceux qui sont impliqués dans la gestion de l’usine, de l'entreprise ou de l’Etat – considèrent que les ouvriers et les employés appartiennent à l'entreprise dans laquelle ils travaillent et que leur bien-être dépend de manière inséparable des intérêts de l’employeur. (…) Suivant cette logique, le président du conseil général d’usine d’Opel, Klaus Franz, a déclaré catégoriquement, dès le début, "nous savons que les licenciements ne peuvent être évités". C’est la logique du capitalisme. Mais ce n’est pas le seul point de vue duquel on peut considérer la situation. Si on aborde les choses, non comme le problème d’Opel ou de Karstadt, ou de l’Allemagne, mais comme un problème de la société dans son ensemble, il en ressort une toute autre perspective. (…) Vu sous cet angle, il est clair que la vendeuse de Karstadt à Herne, l' ouvrier à la chaîne chez Opel à Bochum, mais aussi les chômeurs d’Allemagne de l’Est ou les ouvriers du bâtiment venus de l’Ukraine qui, et en travaillant au noir, sont presque réduits à l'esclavage, partagent un destin et des intérêts communs – non pas avec leurs exploiteurs, mais les uns avec les autres.
Du côté du capital, on sait que cet autre point de vue existe. Et c’est justement celui-ci que craint la bourgeoisie. La classe dominante le sait. Tant que les ouvriers d'Opel ou de Volkswagen ne voient le problème que du point de vue d’Opel ou de Volkswagen, ils finissent par "revenir à la raison".
C’est pourquoi les représentants du capital tentent sans cesse de nous persuader que les catastrophes causées par leur système économique sont le résultat des "inadaptations" et des "spécificités" de chaque entreprise ou de chaque pays. Ainsi, ils disent que les problèmes chez Karstadt sont le résultat d’une mauvaise stratégie de vente. Opel, pour sa part, est supposé avoir échoué en ne suivant pas l’exemple de Daimler-Chrysler ou de Toyota qui ont connu des succès avec le développement d'une nouvelle gamme attrayante et souvent diesel. On prétend aussi que si 10 000 suppressions d'emplois sur les 12 000 que General Motors a prévues en Europe, ont lieu en Allemagne, c'est que la bourgeoisie américaine cherche en quelque sorte à se venger de la politique de ce pays vis-à-vis de l’Irak ! Comme si Daimler-Chrysler n’avait pas exercé un même chantage sur ses employés il y a quelques mois seulement ! Comme si les compagnies allemandes, par exemple Karstadt-Quelle, ne licencient pas aussi impitoyablement leurs ouvriers ! La réalité elle-même s’inscrit en faux contre de tels arguments. Le 14 octobre, non seulement la suppression de milliers d’emplois chez Karstadt était décidée et la même chose annoncée chez Opel, mais était révélée également la perspective de réduction d’emplois dans la chaîne de supermarchés Spar. Le même jour, filtrait l’annonce d’un nouveau plan de "sauvetage" du consortium hollandais Phillips.
Quand, le "jeudi noir" du 14 octobre, il a été annoncé qu’au total, 15 500 emplois seraient supprimés chez Karstadt-Quelle et chez Opel dans les trois prochaines années, les "partenaires qui négocient", les politiciens et les "commentateurs" se sont dépêchés de distinger soigneusement les deux cas. Dès que le négociateur en chef pour le syndicat Verdi, Wiethold, eut annoncé, le jeudi après-midi, presque joyeusement, le "sauvetage" de Karstadt, les media ont immédiatement fait passer le message : maintenant que le futur de Karstadt est assuré, Opel reste le seul souci. Alors que la main-d’œuvre du département des chaînes de magasins est ainsi supposée retourner au travail avec "soulagement", il n’y aurait que la force de travail d’Opel qui, paraît-il, devrait se faire du souci pour son avenir.
Mais la seule différence entre les situations des employés des deux entreprises, c’est que les attaques terribles qui ont déjà été décidées chez Karstadt-Quelle –licenciements massifs, fermetures partielles, chantage massif sur les ouvriers – sont encore en prévision chez Opel (…)
L’affirmation selon laquelle la situation des employés de Karstadt est fondamentalement différente de celle de ceux d’Opel est complètement sans fondement. Pour les ouvriers de Karstadt, de toutes façons, rien n'a été "sauvé". Verdi parle "d’un sauvetage de l’emploi qui mérite son nom" et d’un "succès pour les employés" parce que des "garanties d’emplois" ont été données et la convention collective sauvée. En réalité, les victimes du "sauvetage" de Karstadt sont toujours exactement dans la même situation que les ouvriers de chez Opel, mais aussi ceux de Volkswagen, Daimler-Chrysler, Siemens ou du secteur public.
Les négociations chez Karstadt se sont conclues en vitesse parce qu’on savait que General Motors allait annoncer son plan de sauvetage pour l’Europe le 14 octobre. Jusque là, la classe dominante avait toujours comme règle tacite de ne jamais attaquer en même temps plusieurs gros secteurs de la classe ouvrière, de façon à ne pas encourager l’apparition d’un sentiment de solidarité ouvrière. Mais aujourd’hui, l’accentuation de la crise du capitalisme mondial limite la capacité d'étaler les attaques. Dans ces conditions, la bourgeoisie espérait au moins que le jour où arriveraient les mauvaises nouvelles de Detroit, Karstadt puisse être présenté comme un "succès".
Les licenciements massifs, la menace de faillite ne signifient pas que l’arme de la grève est devenue superflue. (…) Les arrêts de travail chez Mercedes ou chez Opel sont un signal important, un appel à la lutte.
Les moyens dont nous avons besoin face au niveau actuel des attaques du capital, c'est la grève de masse de tous les ouvriers. (…)
Bien sûr, de telles actions, massives, communes, ne sont pas encore possibles. Mais en aucun cas cela ne veut dire qu’on ne peut pas lutter et obtenir quelque chose maintenant déjà. Mais il faut reconnaître que la grève n’est pas la seule arme de la lutte de classe. Tout ce qui, aujourd’hui déjà, fait avancer la reconnaissance des intérêts communs de tous les travailleurs et fait revivre la tradition de la solidarité ouvrière, effraie la classe dominante, la rend moins sûre d'elle dans ses attaques, l'oblige à faire plus de concessions, même si c'est de façon temporaire.
En 1987, les ouvriers de chez Krupp-Rheinhausen, menacés par la fermeture de l’usine, ont ouvert leurs assemblées quotidiennes à la population, aux ouvriers des autres usines et aux chômeurs. Aujourd’hui, la gravité de la situation rend encore plus inacceptable le fait que les ouvriers d’Opel, Karstadt, Spar ou Siemens ne se réunissent pas pour discuter de leur situation commune. Pendant la grève de masse en 1980 en Pologne, dans chaque ville, les ouvriers se réunissaient dans la plus grande usine de la ville. Ils établissaient leurs revendications communes et prenaient leur lutte en main.
La lutte chez Mercedes a déjà démontré, ce que les attaques chez Opel ou Karstadt ont confirmé, qu’il y avait un grand sentiment de solidarité dans la population ouvrière avec ceux qui subissaient les attaques. Dans de telles circonstances, les manifestations dans les villes peuvent devenir un moyen de faire sortir les ouvriers des autres usines et de mobiliser les chômeurs, de développer une solidarité entre tous.
(…) La lutte en commun des ouvriers ne peut être menée que par les ouvriers eux-mêmes.
Face à la profondeur de la crise du capitalisme aujourd'hui, les ouvriers doivent aussi dépasser leur manque d'intérêt pour les questions politiques. Nous ne parlons pas ici de la politique bourgeoise, mais du fait que les travailleurs doivent traiter des problèmes de la société dans son ensemble et de la question du pouvoir.
(…) Ces attaques montrent clairement ce que peut signifier le fait que les moyens de production n’appartiennent pas à la société dans son ensemble, et ne servent pas du tout à la satisfaction des besoins de la société. (…) Et surtout, ils sont soumis aux lois aveugles et de plus en plus destructrices de la concurrence et du marché, qui plongent une partie sans cesse croissante de l’humanité dans la paupérisation et une insécurité insupportable. Des lois qui sapent les règles les plus élémentaires de la solidarité humaine sans laquelle, à long terme, aucune société n’est possible. Les ouvriers qui produisent presque tous les biens et les services dont l’humanité a besoin pour vivre, commencent lentement à prendre conscience qu’ils n’ont pas leur mot à dire dans cet ordre social.
La crise chez Karstadt ou chez Opel n’est pas le résultat d’une mauvaise gestion mais l’expression d’une crise de surproduction chronique, destructrice et de longue durée et qui se développe de décennies en décennies. (…) Il n’y aucune façon de sortir de ce cercle vicieux au sein du capitalisme.
(15 octobre 2004)
Récemment, le CCI a envoyé une délégation en Argentine. Celle-ci a été accueillie très chaleureusement par les membres du NCI lesquels nous ont affirmé qu'ils n'avaient qu'une seule crainte : que le CCI change d'avis et les abandonne en renonçant à ce voyage !
Au cours de notre séjour, les camarades du NCI ont pris la décision d'envoyer par courrier postal leur Déclaration du 27 octobre (publiée ci-dessous) à toutes les sections du BIPR et aux autres groupes de la Gauche communiste afin de rétablir la vérité : contrairement aux fausses informations colportées par le BIPR (notamment dans sa presse en italien), le NCI n'a pas rompu avec le CCI !
Les membres du NCI ont demandé, à deux reprises par téléphone, à l'individu B. de venir s'expliquer devant le NCI et la délégation du CCI. Monsieur B. a refusé toute rencontre et toute discussion et nous a raccroché au nez. Ce comportement révèle la lâcheté de cet individu : pris la main dans le sac, il se terre maintenant comme un lapin dans son terrier !
Les camarades du NCI nous ont apporté des éléments supplémentaires sur le comportement de ce petit aventurier de province. Monsieur B. avait un profond mépris pour les autres membres du NCI. Ces derniers sont des ouvriers vivant dans la misère alors que B. exerce une profession libérale et s'était même vanté d'être le seul membre du NCI à "pouvoir se payer un voyage en Europe." Les camarades du NCI nous ont également dévoilé les méthodes de B. : il clivait les militants du NCI en faisant en sorte qu'ils ne puissent jamais se réunir tous ensemble. Il les prenait individuellement ou par petits groupes pour mener des discussions personnelles avec eux. Il ne voulait pas que les membres du NCI approfondissent les questions politiques et passait d'un thème à l'autre à toute vitesse. C'est pour cela que les camarades du NCI avaient estimé qu'ils n'étaient pas prêts à adhérer au CCI lorsque B. avait fait le forcing en août dernier pour que le NCI intègre le CCI de façon prématurée. Enfin les camarades du NCI nous ont dit avoir pris conscience qu’ils avaient jusqu’à présent beaucoup de difficultés à critiquer les méthodes de ce "petit chef" stalinien (du fait sans doute du poids de leur passé dans les organisations gauchistes).
Cet individu avait, par ailleurs, cherché à semer la zizanie au sein du CCI. Début septembre, il nous a envoyé un mail dans lequel il accusait un de nos camarades (qui faisait partie de la délégation qui s'était rendue en Argentine au mois d'août) d'avoir, par son comportement, obligé un membre du NCI à déménager. Au cours de notre dernier voyage, ce militant du NCI nous a certifié que c'était un pur mensonge : s'il a dû déménager, c'est uniquement parce qu'il ne pouvait plus payer son loyer ! Nous avons gardé la trace écrite de ce mensonge répugnant de Monsieur B.
Malgré le choc qu'ils ont reçu (en découvrant les mensonges et les manoeuvres réalisés en leur nom et à leur insu par ce sinistre personnage), les camarades du NCI ont exprimé leur détermination à poursuivre une activité politique à la mesure de leurs faibles forces. C'est grâce à leur accueil très fraternel et à leur implication politique que le CCI a pu tenir une deuxième réunion publique le 5 novembre à Buenos Aires dont le thème a été choisi par le NCI (voir notre site Internet en espagnol).
Pendant toute la durée de son séjour à Buenos Aires, la délégation du CCI a été hébergée chez les camarades du NCI qui nous ont offert chaleureusement l'hospitalité malgré leurs conditions de vie effroyables. La majorité d'entre eux sont au chômage et ne touchent aucun subside de l'État. Un autre camarade (dont la compagne a été licenciée) vient de perdre son logement.
Malgré les terribles difficultés matérielles qu'ils rencontrent au quotidien, les membres du NCI ont insisté auprès de notre délégation : ils veulent s'impliquer plus dans une activité militante et notamment poursuivre la discussion avec le CCI. Ceux qui sont au chômage veulent retrouver un emploi non seulement pour pouvoir survivre et nourrir leurs enfants, mais aussi pour sortir du sous-développement politique dans lequel Monsieur B. les a maintenus (ils ont notamment exprimé la volonté de contribuer à l'achat d'un ordinateur).
En rompant avec le citoyen B. et avec ses méthodes bourgeoises, les camarades du NCI se sont comportés comme de vrais militants de la classe ouvrière. Ils ont pu tracer des perspectives de travail avec la délégation du CCI. Ils ont décidé en priorité de se former à l'utilisation de l'outil informatique afin de pouvoir se servir d'Internet et se doter d'une adresse E-mail[1].
Au moment du départ de notre délégation, les camarades du NCI nous ont remercié très chaleureusement pour notre visite. Ils nous ont dit que jamais ils n'avaient rencontré (dans leurs parcours politique passé) une organisation comme le CCI, avec un tel respect des militants. Ils ont insisté à plusieurs reprises pour que le CCI les appelle régulièrement au téléphone. L'un d'entre eux a même regretté auprès d'un de nos camarades que ce dernier, dans la dernière période, ne lui ait pas téléphoné personnellement.
Ainsi, le CCI n'abandonnera pas le NCI. Il ne permettra pas à Monsieur B. (et à son petit "cercle" vicieux) d'exercer le moindre chantage, la moindre pression de quelque nature que ce soit pour détruire ce "petit noyau" dans un pays isolé. C'est pour cela que, à la demande unanime de tous les militants du NCI, le CCI continuera à utiliser sa "méthodologie" (qualifiée de "nauséabonde" par Monsieur B. et ses complices de la FICCI !) consistant à leur passer régulièrement des coups de téléphone[2].
CCI (17 novembre 2004)[1] Pour toute correspondance et tout soutien financier au NCI, écrire à la boîte postale ou à l'adresse E-mail de Accion Proletaria, section du CCI en Espagne.
[2] C'est en ces termes que, dans sa "Déclaration" du 12 octobre, ce mythomane manipulateur avait étalé abondamment ses mensonges nauséabonds en attribuant au CCI ses propres turpitudes (comme ses alliés de la FICCI qui lui ont souhaité la "bienvenue" dans leur Bulletin n°28 !) : "Nous faisons cette déclaration à la suite d'une série de dénonciations effectuées par des militants du Cercle de communistes internationalistes, et sur leur demande, qui rendent compte qu'ils ont été l'objet d'appels téléphoniques de la part du CCI. Cependant, ces appels téléphoniques n'étaient pas innocents. Ils avaient l'intention sournoise de détruire notre petit noyau (...) Sur leur demande unanime, les camarades que le CCI a appelés au téléphone pour semer les germes de la méfiance et de la destruction de notre petit groupe, proposent à l'ensemble des membres du Cercle de communistes internationalistes le rejet total de la méthode politique du CCI qu'ils considèrent comme typiquement stalinienne" ! Voir également notre article sur Internet : "Circulo de Comunistas Internacionalistas" : Imposture ou réalité ?"
Avec la mort d’Arafat,
la bourgeoisie a perdu l’un des siens. Et c’est pour cela que les
médias, les dirigeants non seulement arabes mais aussi occidentaux
se sont mobilisés pour lui rendre un dernier vibrant hommage, que
la cérémonie de ses funérailles au Caire puis surtout à Ramallah a
été retransmise par les chaînes de télévision du monde entier, alors
qu’il n’était même pas un chef d’Etat.
Il avait d’autres titres de "gloire" pour ses pairs. Celui qu’on nous a présenté comme un "grand homme", une grande figure de ces cinquante dernières années, en passe de devenir après sa mort un héros légendaire du monde arabe, était avant tout un grand pourvoyeur de chair à canon, un ennemi féroce du prolétariat.
Derrière le mythe de la création d’un Etat palestinien, il aura entraîné et envoyé pendant trente ans des générations d’ouvriers se faire massacrer fanatiquement dans l’arène des guerres impérialistes, pour la "cause inconditionnelle" la plus typiquement bourgeoise, le nationalisme. Il aura été un des pionniers du recrutement massif de gamins à peine âgés d’une dizaine d’années, ou d’adolescents pour les envoyer au massacre tant dans les rangs des "feddayins" ou des forces armées du Fatah que comme martyrs kamikazes, porteurs de bombes meurtrières. Il a encouragé des enfants encore plus jeunes à participer activement à l’Intifada. La défense de la "cause palestinienne" à laquelle il aura consacré son existence aura permis à Arafat de recevoir le soutien non seulement d’une large partie de la bourgeoisie établie, dans le cadre des affrontements interimpérialistes, symbolisée par l’admission officielle de l’OLP à l’ONU en 1974, sous les applaudissements nourris de l’assistance, alors qu’il était encore sous la protection de l’URSS. Il aura droit de son vivant à une autre salve d’honneurs officiels, cette fois sous le haut patronage direct de la bourgeoisie américaine avec l’attribution du prix Nobel de la Paix en 1994, partagé avec le Premier ministre israélien Izhtak Rabin pour les accords d’Oslo de septembre 1993. Il aura reçu le soutien admiratif d’hommes de droite comme de gauche et surtout de toutes les organisations gauchistes pour avoir été un indéfectible champion de la mystification de la "lutte de libération nationale", au nom de la "défense héroïque du peuple palestinien".
Son passé est celui d’un vulgaire chef de gang qui a accompli la plus grande partie de sa "carrière" à commanditer des attentats terroristes aveugles et particulièrement sanglants contre "l’ennemi israélien". Il s’est imposé comme chef de guerre puis à la tête de l’OLP à coups de flingue, de chantage, de règlements de comptes. Il a acquis son statut d’homme politique de la même façon en éliminant sans pitié et souvent de façon sanglante ses principaux concurrents. Despotique, dévoré d’ambition, imbu de pouvoir, baignant dans un milieu corrompu jusqu’à la moelle, entouré de courtisans qui devenaient très vite des traîtres ou des rivaux potentiels, ses moeurs mafieuses de petit caïd étaient le produit du capitalisme décadent qui l’a engendré. Cumulant les fonctions de leader politique, chef des armées et des forces de répression au sein de l’Autorité palestinienne, il n’a jamais hésité à emprisonner, tuer, faire tirer avant tout sur ce "peuple palestinien", qu’il prétendait "défendre". C’est ainsi qu’il n’a cessé de renforcer tous les moyens d’oppression et d’exploitation des masses palestiniennes. Sa fonction essentielle a aussi été de mâter impitoyablement, au nom du maintien de l’ordre et main dans la main avec l’armée israélienne, toute tentative de rébellion et les protestations désespérées d’une population muselée, rackettée, crevant de faim, s’enfonçant dans une misère toujours plus effroyable alors qu’elle est déjà décimée, endeuillée et terrorisée par les bombardements, par les massacres, par le lourd tribut payé quotidiennement à l’Intifada.
La mort d’Arafat représente également pour la bourgeoisie un véritable séisme non seulement pour la situation de la Palestine, du Proche et du Moyen-Orient, mais elle va modifier la donne pour l’ensemble des Etats arabes et va avoir des répercussions sur l’évolution de l’ensemble des relations internationales.
Ainsi, dans ce nid de brigands impérialistes, sous prétexte de défense de la cause palestinienne et du renforcement de l’amitié avec différents Etats arabes, la France a sauté sur l’occasion pour mettre à nouveau "le paquet" afin de s’attirer les faveurs des dirigeants arabes et palestiniens, manière de pointer de plus en plus son nez impérialiste au Moyen-Orient. Elle a réussi un gros coup sur le terrain diplomatique en faisant hospitaliser Arafat dans l’hôpital militaire de la région parisienne où il est mort. Non content de se précipiter à son chevet, Chirac a pu ainsi attirer une nuée de dirigeants de l’OLP et de l’Autorité palestinienne, multipliant les tractations avec eux et d’autres leaders arabes. En exclusivité, le gouvernement français a affrété un avion et lui a rendu les honneurs militaires avec un cérémonial digne des hommages rendus à un véritable chef d’Etat avant le transfert de sa dépouille au Caire puis à Ramallah. En Palestine, lors des funérailles, le monde a pu voir flotter de concert aux fenêtres des drapeaux palestiniens et français, tandis que la foule brandissait des portraits de Chirac à côté de celui du Raïs. La France qui prétend agir au nom de la paix ne peut que jeter de l’huile sur le feu en tentant de faire obstacle aux intérêts des Etats-Unis.
Par ailleurs, cet événement favorise avant tout considérablement le régime de Sharon en Israël dont le principal objectif, proclamé ces derniers mois, était d’éliminer, y compris physiquement, le leader palestinien. Il n’est pas étonnant que des rumeurs d’empoisonnement du Raïs par les services secrets israéliens, le Mossad, aient circulé avec insistance chez de nombreux dirigeants palestiniens et soient partagées par 80% de l’opinion publique de Gaza à Ramallah. L’élimination d’Arafat qui divise et affaiblit le camp palestinien ne peut que conforter l’équipe Sharon dans sa politique d’accélérer le retrait des forces israéliennes de la bande de Gaza pour mieux encercler la Cisjordanie et l’isoler totalement à travers la poursuite de la construction du mur autour d’elle. La bourgeoisie israélienne sait qu’elle se retrouve désormais en situation de force pour imposer ses diktats. C’est en fait un encouragement à une fuite en avant dans la politique du pire, agressive et belliciste de Sharon, qui vise à l’écrasement le plus complet des Palestiniens de la part de l’Etat israélien.
Mais la disparition d’Arafat arrange également les affaires de la bourgeoisie américaine car ces derniers mois, à travers les exigences israéliennes qui réclamaient son départ comme préalable à toute reprise des négociations, le personnage d’Arafat était devenu un obstacle synonyme de blocage de la situation au Proche-Orient. La Maison Blanche mise aussi sur le désarroi, le risque de chaos et les divisions des Palestiniens pour tenter de reprendre la main à son profit.
Mais les déclarations optimistes et rassurantes sur le "déblocage" des négociations, avancées conjointement par Israël et les Etats-Unis comme par une large partie de la presse européenne, ne doivent pas faire illusion. La perspective ouverte par la mort d’Arafat n’est en aucun cas un pas vers la paix mais ne peut que provoquer une nouvelle accentuation des tensions impérialistes. Il ne fait aucun doute qu’Israël et les Etats-Unis vont accentuer les pressions au maximum sur les Palestiniens, désorientés et divisés.
Il s’agit d’un affaiblissement considérable du camp palestinien. Avec l’enterrement d’Arafat, on a assisté en fait à l’enterrement définitif des accords d’Oslo de 1993. C’est la fin de l’espoir de constitution d’un Etat palestinien dans l’avenir que ces accords ont fait miroiter pendant dix ans.
La procession des dirigeants palestiniens au chevet d’Arafat à Paris lors de sa lente agonie n’a pas réglé le problème épineux de sa succession. Il est clair que malgré les divisions et les rivalités du camp palestinien, la corruption, la répression et le discrédit qui pesait sur lui, il était un "chef" historique concentrant toutes les clés du "pouvoir" de ce mini-Etat (de l’Autorité palestinienne, de l’OLP, de la branche armée du Fatah) et un symbole d’unité. Sa disparition ouvre une boîte de Pandore et d’abord une âpre guerre entre les différentes fractions palestiniennes. Parmi tous les multiples clans, aucun ne paraît en mesure de s’imposer. Même si la "vieille garde" a momentanément fait taire ses divisions pour nommer un directoire provisoire et décider d’élections pour se donner un "chef" en janvier, tous ces hommes d’appareils, réduits à l’état de petits bureaucrates arrivistes, sont absents sur le terrain et sont incapables de contrôler aussi bien la population qu'une organisation militaire totalement divisée et morcelée, dont la cohésion ne pouvait être maintenue que par l’autorité et la personnalité d’Arafat. Quant aux petits chefs de guerre mafieux, l’autorité de la plupart ne dépasse pas un quartier ou un village. Trois exemples suffisent à montrer le caractère ingérable de la situation : moins de 48 heures après le décès du Raïs et la nomination de Mahmoud Abbas (connu aussi sous le nom de guerre de Abou Ammar) comme nouveau chef de l’OLP, ce dernier essuyait une tentative d’attentat qui s'est soldée par deux morts lors d’une cérémonie de condoléances à Gaza rassemblant des dirigeants palestiniens. Autre illustration, le premier discours du nouveau président de l’Autorité palestinienne, Rawhi Fattouh, était inaudible, faute d’expérience et la plupart des commentaires étaient "qui c’est et d’où il sort celui-là ?". Enfin et surtout, deux des principales branches militaires les plus influentes, le Hamas et le Djihad islamique, ont d’emblée annoncé qu’elles boycotteraient les élections du chef de l’Autorité palestinienne en janvier. Ces appareils militaires sont totalement éclatés comme en témoignent les luttes et rivalités impérialistes latentes entre le Hamas, le Hezbollah, le Djihad islamique, les Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa (même rebaptisées Brigades Yasser Arafat), le Fatah (soutenus par tel ou tel Etat) de même que les rivalités entre les dirigeants politiques Mahmoud Abbas, l’actuel Premier ministre de l’Autorité, Ahmed Qoreï, contrôlant les forces de sécurité, le plus "populaire" chef du Fatah en Cisjordanie, Marwan Barghouti, le chef du Fatah Farouk Kaddoumi ou encore l’ancien ministre de l’Intérieur Mohammed Dahlan.
Non seulement la situation est porteuse de sanglants règlements de compte pour la succession d’Arafat, mais elle ne peut qu’engendrer une recrudescence d’attentats suicides toujours plus meurtriers dans une population palestinienne réduite au désespoir et fanatisée par la haine et par une hystérie nationaliste dont elle est abreuvée depuis des années. Cette spirale de violence de plus en plus incontrôlable risque de mettre le feu aux poudres dans une partie encore plus large du Moyen-Orient.
Wim (18 novembre)