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Nous publions ci-dessous des extraits d’une lettre de lecteur qui aborde différentes questions : le rôle des syndicats, celui des gauchistes de "Lutte Ouvrière" et pour finir la situation en Pologne et la nature de Solidarnosc. C’est la partie traitant de cette dernière question, suivie de notre réponse que nous publions ici.
(...) Au sujet du syndicalisme, je ne sais quelle est votre position vis-à-vis de Solidarité (je ne suis pas lecteur de RI depuis assez longtemps) mais j’ai lu dernièrement deux ouvrages qui m’ont quelque peu éclairé sur la question : le livre de Lech Walesa : "Un chemin d’espoir" et celui d’Adam Michnik "Penser la Pologne". Ce dernier surtout est important, car œuvre d’un penseur attentif et modéré. Il met l’accent sur deux thèmes importants:
Mais Lech Walesa et Michnik mettent nettement en garde et définissent parfaitement les limites de leur action. Solidarité n’a jamais postulé la destruction de l’Etat ni même du communisme. Solidarité a voulu s’imposer comme mouvement de défense des ouvriers et non comme mouvement politique d’opposition.
Aujourd’hui la situation est plus claire encore. Solidarité est un appareil syndical énorme, qui va se bureaucratisant et qui défend le gouvernement en place, même si cela doit être demain contre les ouvriers. Mazowiecki veut faire de la Pologne un pays libéral-capitaliste-démocratique. Grâce à l’ère Gorbatchev, il semble avoir les mains libres. Le syndicat semble le soutenir. (...)
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NOTRE REPONSE
Nous ne pouvons qu’encourager l’attitude qui est la tienne de recherche des positions de classe et de dénonciation des syndicats qui, comme tu le dis, "baladent les ouvriers... refusent l’extension", comme à Peugeot par exemple, dénonciation que tu appliques aussi justement à LO qui ne rate pas une occasion, en fait, de soutenir les syndicats, ce que tu appelles le "traquenard syndical".
Tu te poses cependant des questions concernant le syndicat Solidarité en Pologne et l’action d’éléments comme Walesa, président de Solidarité, et Michnik, l’un des fondateurs du KOR.
Tu penses que Solidarité aurait été "une impulsion formidable" ; il aurait permis "d’élargir le cadre des revendications aux 21 propositions finalement signées" ; son seul souci aurait été de "s’imposer comme mouvement de défense des ouvriers et non comme mouvement politique d’opposition" ; Solidarnosc, aujourd’hui, irait "se bureaucratisant et défend le gouvernement en place, même si cela doit être demain contre les ouvriers.".
Nous allons rappeler brièvement notre position sur des questions aussi essentielles, et nous renvoyons à d’autres articles de notre presse[1], pour de plus amples développements.
Rappelons d’abord une vérité générale: en aucun cas, on ne peut juger les gens d’après ce qu’ils disent d’eux-mêmes et ce qu’ils disent faire, mais sur ce qu’ils font pratiquement. Mais, au cas particulier, même certains dires de Solidarité sont très clairs, dès 1980:
Et de fait, depuis ses débuts, l’attitude du syndicat Solidarité n’a pas varié. Elle a toujours constitué un barrage directement élevé contre les luttes ouvrières. Rappelons les faits : dans ses luttes, en juillet-août 1980, à partir de revendications alimentaires face à la pénurie, la classe ouvrière a été rapidement amenée à s’organiser de manière autonome, en assemblées générales souveraines, nommant et contrôlant de façon permanente les membres révocables des comités de grève qu’elle envoyait aux délibérations rendues publiques par voie de haut-parleurs et qui étaient les organes exécutifs des décisions de l’assemblée.
Une des revendications majeures mises en avant dans les assemblées était la dissolution du carcan que constituaient les syndicats officiels, ces milices de l’Etat dans les usines, dont la tâche principale était la surveillance des quotas de production des ouvriers.
Dans les débats permanents que suscitait le mouvement, s’exprimaient des positions diverses comme celle des membres de l’opposition pro-occidentale du KOR et aussi celle des partisans d’un "syndicalisme libre”. Cette dernière idée a connu un rapide succès dans les assemblées car les ouvriers voyaient, dans le "syndicalisme libre", la possibilité de manifester leur liberté face au pouvoir stalinien. Ils exprimaient par là le poids important des illusions démocratiques qui pèsent sur eux. C’est dans ces conditions que les Walesa et consorts sont parvenus à placer, comme première revendication, la constitution de "nouveaux syndicats libres et indépendants". Ainsi, le piège principal se mettait en place.
En acceptant le principe de nouveaux syndicats, les ouvriers laissaient se créer une brèche qui signifiait l’acceptation d’une délégation de pouvoir à une minorité agissante, la création d’une structure hiérarchisée qu’ils n’allaient plus contrôler, extérieure à eux et qui les privait de leur force essentielle : leur propre organisation, leur propre unité basée sur les AG souveraines et les comités de grève élus et révocables.
Très rapidement, de publique, la négociation entre le MKS et l’Etat, qui aboutit aux accords de Gdansk de fin août 80, devint secrète et échappa au contrôle des assemblées générales pour devenir une affaire de "spécialistes de la conciliation". C’est le KOR, conseiller de Solidarité qui, au moment de l’établissement par le comité inter-entreprises de Gdansk de la liste des revendications, met en garde les ouvriers contre "des revendications qui, soit acculent le pouvoir à la violence, soit entraînent sa décomposition. Il faut leur laisser une porte de sortie"! Et pourquoi ? Parce que "s’élever contre la hausse des prix porterait un coup au fonctionnement de l’économie" ! Ce sont là les déclarations du KOR.
Ces spécialistes syndicaux avec en tête Walesa, passèrent rapidement d’un langage combatif à des discours de plus en plus "responsables", jusqu’à accepter, avec la reprise du travail, un accroissement de la productivité pour "réparer le mal causé par la grève". Ils se plaçaient ainsi résolument du point de vue de la défense du capital national (ce qui ne doit pas nous surprendre de la part d’un syndicat) et c’est pour cela qu’ils réclamaient aux ouvriers la délégation de pouvoir. Le nouveau syndicat sera désormais l’organe qui négociera avec les autorités, usine par usine, secteur par secteur, ville par ville, avec toujours comme objectif : faire reprendre le travail. Et cela n’a cessé depuis. Voilà comment, grâce à Solidarnosc, tout un mouvement, puissant jusqu’à août 80, a été affaibli et comment le nouveau syndicat a livré les ouvriers pieds et poings liés à la répression.
La leçon est claire : partout, quel que soit le degré d’illusions qu’il est capable de semer, l’appareil syndical est contraint d’exercer la même fonction : au service de l’Etat, contre le prolétariat. Toute forme syndicale aujourd’hui ne peut aboutir qu’à cela. C’est depuis sa naissance que Solidarité est cela. Son attitude "bureaucratique" d’aujourd’hui était inscrite dans sa nature anti-ouvrière, dès sa naissance et a toujours été sa pratique. Quelle que soit l’image qu’il puisse offrir, qu’il adopte un langage radical pour mieux contenir la pression ouvrière ou qu’il prône ouvertement "les sacrifices nécessaires face aux réalités de l’économie nationale", tout syndicat met en œuvre, toujours et partout, la même pratique qui s’oppose directement, non seulement aux intérêts mais aux pratiques mêmes de la classe ouvrière en lutte. En cela, un Walesa n’est pas différent d’un Krasucki, d’un Kaspar ou d’un Blondel.
Dans les régimes staliniens ou "démocratiques", toute forme syndicale ne peut jamais correspondre à l’expression du mouvement ouvrier, mais toujours au besoin de la classe bourgeoise, d’essayer de contrecarrer un mouvement qui le menace.
A.B.
[1] "Revue Internationale" n°s 23, 24, 27, 28 et 29. "Révolution Internationale" n°s 179,180,181...
Pour la bourgeoisie "démocratique" des pays occidentaux, les années 80 se sont terminées dans une sorte d’apothéose. Tous ses médias aux ordres, la presse, la télévision, n’ont pas de mots assez enthousiastes pour chanter le triomphe de la "démocratie" et de la "liberté" dans les pays de l’Est, et surtout pour célébrer "la mort du communisme". Certes, les idéologues appointés de la bourgeoisie sont prêts à reconnaître qu’ici non plus les choses ne sont pas parfaites, mais c’est pour ajouter immédiatement que le capitalisme constitue de toute façon "le seul type de société viable". C’est évidemment la classe ouvrière que visent avant tout ces campagnes. Il faut que les ouvriers se persuadent qu’il est inutile de rêver à une autre société, que leurs combats actuels ne peuvent avoir d’autre objet, d’autre perspective, que de s’aménager, sous la houlette bienveillante des syndicats, une petite place dans un capitalisme éternel. Ce faisant, il faut aussi que la classe ouvrière perde de vue les leçons de l’expérience de ses luttes passées, et particulièrement celle des dix dernières années, qu’elle oublie toutes les avancées auxquelles elle est parvenue au cours de cette période. C’est pour cela qu’au terme de la décennie 80, il revient aux révolutionnaires de rappeler à leur classe ces enseignements.
Quels étaient les enjeux auxquels était confrontée la classe ouvrière au cours de la décennie qui vient de s’achever?
Ces enjeux étaient considérables. La classe ouvrière se devait de faire face à une énorme aggravation de la crise mondiale du capitalisme, une crise qui, depuis maintenant plus de 20 ans, témoigne de la faillite historique de ce système. Elle se devait en particulier d’opposer sa propre réponse de classe à la réponse de la bourgeoisie face à l’effondrement de son économie, l’intensification des attaques anti-ouvrières, l’aiguisement des rivalités et des tensions impérialistes. Et le bilan global que l’on peut établir de la décennie écoulée, c’est que la classe ouvrière a su apporter cette réponse sur son propre terrain.
D’entrée, les années 80 ont mis en évidence la nature des enjeux de la période historique présente. Quelques jours avant le début de cette décennie, l’invasion de l’Afghanistan Car les troupes de l’URSS avait indiqué quelle réponse la bourgeoisie propose à la crise mondiale : la guerre impérialiste généralisée. Immédiatement, en effet, il en avait résulté une aggravation incroyable des tensions entre les grandes puissances, le bloc américain se proposant de répliquer à cette avancée de son adversaire en mettant en œuvre des moyens militaires à la hauteur de sa puissance économique. Mais, très rapidement, ces tensions devaient être mises momentanément en sourdine face au danger que représentait pour la bourgeoisie le développement de la lutte de classe. Les formidables combats ouvriers de Pologne, durant l’été 80, des combats où, spontanément et en quelques jours, la classe ouvrière s’était dotée d’une arme essentielle dans la période historique actuelle : la grève de masse, ont contraint es gouvernements des deux grands blocs à manifester leur solidarité anti-ouvrière par-dessus leurs rivalités impérialistes. C’est de façon concertée que l’Est et l’Ouest ont organisé toute une série de manœuvres visant à empêcher une réelle solidarité de la part des ouvriers des autres pays à l’égard de leurs frères de classe de Pologne. En même temps, sur place, toutes les forces capitalistes du monde, chacune à sa façon (intimidation de la part de l’URSS, soutien à la constitution du syndicat Solidarnosc de la part des pays occidentaux, etc.) apportaient un appui systématique à la bourgeoisie polonaise lui permettant de dévoyer les luttes avant de déchaîner une répression impitoyable, en décembre 81.
Après cette répression, la bourgeoisie avait mis à profit la défaite subie par la classe ouvrière pour provoquer en son sein le désarroi et la démoralisation ainsi qu’un recul de ses combats. Son objectif était de renverser la situation qui avait prévalu depuis la fin des années 60 où, face aux premières atteintes de la crise économique, le prolétariat avait ressurgi sur la scène historique (mai 68 en France, automne "chaud" italien en 69, hiver 70 en Pologne,...) après plusieurs décennies de contre-révolution, barrant de ce fait le chemin à une troisième guerre mondiale. Pour parvenir à ses fins, la bourgeoisie n’avait pas ménagé ses efforts. D’une part, elle avait poursuivi dans les principaux pays du bloc occidental (notamment aux USA en 81 et en Allemagne en 83) la mise en place de sa politique de "gauche dans l’opposition" inaugurée en 79 en Grande-Bretagne et destinée à saper de l’intérieur la combativité ouvrière. D’autre part, elle avait habilement partagé le travail entre ses différences forces politiques pour entraîner les ouvriers sur le terrain pourri du pacifisme : il revenait à la droite de mener une campagne belliciste intensive (Reagan était parti en croisade contre T'Empire du Mal", c’est-à-dire l’URSS) alors que les forces de gauche mobilisaient pour la "défense de la Paix", essayant de détourner les ouvriers du seul terrain où ils pouvaient effectivement s’opposer à la guerre mondiale : le combat de classe contre le capitalisme. Enfin, durant toute cette période, la bourgeoisie s’était lancée dans une course aux armements sans précédent (déploiement des "euromissiles" en Europe occidentale, programme de "guerre des étoiles", etc.) qui ne pouvait qu’aggraver la brutalité des attaques subies par la classe ouvrière au moment même où de développait à l’échelle mondiale la récession la plus profonde depuis 1929. Mais dès l’automne 83, avec les grèves massives du secteur public en Belgique, le prolétariat a fait la preuve que la bourgeoisie avait échoué dans sa tentative de le paralyser. Les luttes qui se sont déroulées à partir de ce moment ont confirmé que le cours historique était toujours aux affrontements de classe et non à la guerre impérialiste. Elles faisaient la preuve qu’après une courte période où les syndicats avaient réussi à redorer leur blason, grâce en particulier à la création puis à l’interdiction du syndicat "indépendant" Solidarnosc en Pologne, ils n’étaient plus en mesure d’enrayer la perte de leur influence dans la classe ouvrière, l’affaiblissement de leur capacité à entraver ses combats. En même temps, ces luttes, du fait notamment qu’elles ont dû se confronter à tout un éventail de manœuvres politiques de la bourgeoisie, allaient constituer une expérience d’une valeur inestimable pour l’ensemble de la classe ouvrière mondiale.
Durant la seconde partie de l’année 83 et au cours de toute l’année 84, la classe ouvrière a développé des combats d’une ampleur et d’une simultanéité inconnues par le passé. En quelques mois, après les grèves de Belgique, ce sont les Pays- Bas, l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, les Etats- Unis, la Suède, l’Espagne et l’Italie (pour ne citer que les pays les plus significatifs) qui sont tour à tour le théâtre de luttes ouvrières importantes. Dans certains de ces pays, comme la Belgique, les Pays-Bas (où le mouvement de grève est le plus important depuis le début du siècle) et la Grande- Bretagne, il s’agit de luttes extrêmement massives concernant des centaines de milliers d’ouvriers. Dans la plupart d’entre eux, ce sont plusieurs secteurs vitaux qui sont touchés simultanément ou successivement (secteur public et mines en Belgique, secteur public et docks aux Pays-Bas, chantiers navals, imprimerie et métallurgie en Allemagne, automobile, sidérurgie et mines en France, mines, docks et automobile en
Grande-Bretagne, sidérurgie et chantiers navals en Espagne). Enfin, un nombre significatif de ces luttes (surtout celles de 83) surgissent spontanément et obligent les syndicats à courir derrière pour ne pas en perdre le contrôle. Elles illustrent la tendance générale à l’affaiblissement de la capacité d’encadrement de la classe ouvrière par les syndicats, tendance qui se manifeste également par la chute spectaculaire de leurs effectifs (que les "spécialistes” bourgeois présentent évidemment comme une "crise de la classe ouvrière").
La bourgeoisie prend conscience immédiatement du danger. En particulier, elle organise un black-out total sur ces mouvements sociaux : c’est ainsi, par exemple, que les grèves du secteur public, en Belgique, n’ont eu droit aux honneurs de la presse française que plusieurs semaines après leur début parce que... plusieurs dizaines de détenus s’étaient évadés à cause de la grève des gardiens de prison.
Mais la riposte capitaliste ne se limite évidemment pas au black-out. C’est tout un dispositif qui est mis en place par la classe dominante afin de contrer la lutte ouvrière.
D’une part, les campagnes pacifistes redoublent d’intensité en même temps que toutes sortes de scandales sont exhibées afin de créer des diversions (comme si le scandale principal n’était pas la misère intenable, la barbarie sans limites que le capitalisme moribond impose à la classe ouvrière et à l’ensemble de l’Humanité !). Mais c’est maintenant de façon beaucoup plus directe, sur son propre terrain que le prolétariat est attaqué.
Ainsi, face à la combativité ouvrière, la bourgeoisie n’hésite pas à déchaîner la répression, non pas seulement dans la toute jeune "démocratie" espagnole (où les affrontements avec la police sont quotidiens lors de la grève des chantiers navals de 84), mais aussi dans le pays "le plus démocratique du monde”, la Grande-Bretagne, où le mythe du "gentil bobby" est mis à mal par les 3 morts, les centaines de blessés et d’arrestations qui marquent la grève des mineurs de 84-85. Cette répression n’a pas pour seul objectif d’intimider les ouvriers. Elle est adroitement utilisée par toutes les forces bourgeoises, de droite et de gauche, pour créer des abcès de fixation visant à détourner les ouvriers en lutte de leurs revendications initiales et d’épuiser leur combativité dans des escarmouches sans fin. C’est ainsi qu’en Grande-Bretagne, par exemple, le NUM (syndicat des mineurs), en organisant des piquets de grève qui se heurtent régulièrement à la police, enferme les ouvriers des mines dans la prison du corporatisme, tout en se créant une image de "radicalisme" qui lui permet de mieux contrôler la classe ouvrière.
En fait, au cours de cette période, les syndicats constituent une nouvelle fois, partout dans le monde, l’instrument essentiel de la bourgeoisie visant à défaire les luttes ouvrières. Organisation de "journées d’"action" démobilisatrices, convocation de manifestations-enterrements, mise en avant de revendications étrangères au terrain de classe prolétarien, telles que la "défense des syndicats" ou de l’économie nationale ("produisons français", "non au charbon étranger", etc.) : ce sont là quelques-uns des procédés employés par ces zélés défenseurs de l’ordre capitaliste pour saboter le combat ouvrier. Mais là où ils se montrent les plus dangereux, c’est lorsqu’ils reprennent à leur compte les besoins réels de la lutte, tels que la classe ouvrière les ressent de plus en plus clairement, afin de les dénaturer complètement. C’est ainsi que la solidarité de classe avec les ouvriers en lutte prend, avec les syndicats, la forme, non de l’élargissement du combat, mais de l’organisation de quêtes conduisant les ouvriers des autres secteurs à se donner l’illusion qu’ils "font quelque chose" en même temps qu’elles poussent les premiers à s’enfermer durant des semaines et des mois dans un combat isolé et, de ce fait, sans espoir. De même, les appels à T'extension" lancés par les syndicats n’ont pas d’autre objectif que l’isolement des luttes. Comme on a pu le voir lors de la grève des mineurs en Grande-Bretagne (et en de nombreuses autres occasions), les syndicats sont prêts à organiser l’"extension", y compris par des moyens "musclés” (tels que les "piquets volants”), dès lors qu’il s’agit d’une extension dans l’entreprise ou dans le secteur. Ainsi, ils éloignent les ouvriers de la véritable extension qui est une extension géographique, tous secteurs confondus.
Après la poussée impétueuse des luttes ouvrières pu cours des années 83 et 84, l’ensemble des manœuvres bourgeoises, de même qu’une politique capitaliste de dispersion des attaques économiques, visant à disperser les luttes elles-mêmes, avait réussi a provoquer un certain répit du combat ouvrier. En outre, dans plusieurs pays, là où les syndicats s’étaient le plus discrédités par leurs manœuvres de la période précédente (notamment en France où ils payaient le gouvernement d’union de la gauche entre 81 et 84), ces derniers mettaient à profit ce discrédit pour détourner les ouvriers de la lutte avec... des appels répétés à celle-ci. Mais ce répit ne pouvait être que de courte durée car l’aggravation de la crise contraignait la bourgeoisie à porter des attaques de plus en plus frontales alors que la classe ouvrière avait transformé le répit de ses luttes ouvertes en un moment de réflexion sur ses expériences passées. Dès le printemps 86, en Belgique, la classe ouvrière répondait aux plans d’austérité par une série de luttes encore plus massives que celles de 83 et qui paralysaient pratiquement le pays pendant plus d’un mois. Dès lors était posée à la classe ouvrière la perspective générale de ses combats à venir. Non plus une simple extension des luttes, que la bourgeoisie pouvait défaire en isolant les ouvriers dans chacun des secteurs concernés, mais l’unification de celles-ci, unification qui comporte en particulier leur prise en main consciente par les ouvriers, en dehors du contrôle syndical.
Les combats massifs du printemps 86 en Belgique, qui avaient mobilisé près d’un million de travailleurs (plus de 10% de la population totale du pays), s’inscrivaient dans un vaste mouvement de luttes de grande ampleur dans de nombreux pays :
"En moins d’un an, effet, outre des mouvements importants dans une multitude de pays dans le monde entier, allant des USA (sidérurgie, employés municipaux de Philadelphie et Detroit durant l’été 86) à la Yougoslavie (vagues de grèves sans précédent au printemps 87), en passant par le Brésil (plus d’un million et demi d’ouvriers de nombreux secteurs en grève en octobre 86 et nouvelle vague massive en avril-mai 87), l’Afrique du Sud (grèves dans les mines et les chemins de fer), le Mexique (manifestations massives de plusieurs secteurs en appui aux électriciens en grève), la Suède (des dizaines de milliers de grévistes à l’automne 86) et la Grèce (près de 2 millions d’ouvriers en grève en janvier 87), on a pu assister à quatre mouvements majeurs très significatifs affectant le cœur du prolétariat mondial: l’Europe occidentale. Il s’agit:
L’ensemble de ces mouvements confirme donc que la 3eme vague de luttes ouvrières depuis la reprise historique de la fin des années 60, et qui avait débuté à l’automne 83... en Belgique, a une toute autre durée, ampleur et profondeur que la 2 (78-80), et que le piétinement qu’elle avait connu en 85... ne remettait pas en cause sa dynamique d’ensemble. " (Résolution sur la situation internationale du 7eme congrès du CCI, Revue Internationale n°51)
Ainsi se confirmait, dans la seconde moitié des années 80, toute l’importance historique des combats de classe qui avaient débuté en 83, lesquels, désormais, mettaient à l’ordre du jour l’exigence de l’unification. Depuis, cette exigence, qui représente un pas considérable dans le développement de la lutte ouvrière, n’a pu se réaliser véritablement. Cependant, de nombreuses luttes ont manifesté des avancées vers cette perspective. Il en a été ainsi, par exemple, de la grève à la SNCF où les assemblées générales, qui constituent une des bases essentielles de toute démarche vers l’unification, se sont tenues de façon quotidienne, de même que dans les luttes de l’enseignement en Italie au printemps 87, où les "Cobas" (Comités de base) ont constitué, avant qu’ils ne deviennent le champ clos des manœuvres des gauchistes, un réel effort de la classe dans le sens d’une prise en main de son combat. Sur un autre plan, les luttes en Grande-Bretagne du début 88, dans la santé et dans l’automobile, ont témoigné d’une prise de conscience de la nécessité de la solidarité active, dans le combat, des divers secteurs en lutte. De même, les grèves de la fin 87 en Allemagne, au cœur d’un des centres industriels les plus importants du monde, la Ruhr, avaient exprimé une tendance similaire lorsque des dizaines de milliers d’ouvriers de cette zone étaient entrés en lutte en solidarité avec leurs camarades de Krupp.
Face à cette exigence et à ces tendances, la bourgeoisie n’est évidemment pas restée inactive. Au fur et à mesure que se radicalisait la lutte ouvrière, elle déployait de nouvelles facettes de sa politique visant à contrer les combats et la prise de conscience du prolétariat. A côté des syndicats classiques, dont le discrédit aux yeux des ouvriers ne cessait de croître, elle a mis en place de façon de plus en plus fréquente la carte du "syndicalisme de base" ou "de combat" qui, grâce à ses "critiques" des centrales officielles, a pour fonction de ramener dans le giron du syndicalisme les ouvriers qui sont dégoûtés par la politique de ces centrales. Et lorsque le syndicalisme de base (promu en général par les groupes gauchistes) ne suffisait plus, ce sont les "coordinations" (contrôlées par les mêmes gauchistes) qui ont pris la relève (notamment en France et en Italie, là où le syndicalisme rencontrait la plus grande méfiance). Du fait que ces organes prétendent tirer leur légitimité des assemblées générales, qu’ils se présentent comme étrangers au syndicalisme, ils ont constitué dans différents mouvements (SNCF en 86 et hôpitaux en 88, en France ; chemins de fer en Italie, en 87-88) d’utiles compléments à celui-ci, préparant le terrain à son retour (comme on l’a vu en France, après la grève de la santé). De tels organes constituent à deux titres un moyen de dévoiement des nécessités de la lutte de classe dans la perspective de son unification. En se prétendant "issus de la base", ils prennent les devants d’une réelle prise en main de la lutte par les assemblées générales. En proposant une centralisation prématurée du combat, alors que les conditions d’une telle centralisation, la prise en mains et l’extension géographique des luttes, n’existent pas encore, ils participent activement à son enfermement corporatiste.
Cependant, même si cet ensemble de manœuvres est parvenu, jusqu’à présent, à barrer à la classe ouvrière le chemin de l’unification de ses combats, le simple fait que la bourgeoisie ait été conduite à faire appel à de tels organes, de même qu’aux groupes gauchistes, illustre les réelles avancées qui se sont produites dans la lutte et la conscience du prolétariat tout au long des années 80. En particulier, ces années resteront marquées par une usure sans précédent dans l’histoire de l’arme principale du capitalisme contre la classe ouvrière: les syndicats.
Aujourd’hui, l’utilisation par les campagnes bourgeoises de l’agonie du stalinisme, le nouveau souffle des illusions démocratiques et réformistes qu’elle engendre, permettent un retour de ces mêmes syndicats au sein des luttes ouvrières, un retour momentané mais puissant. La classe ouvrière pourra d’autant mieux et rapidement redresser la situation, qu’elle saura garder en tête et faire vivre dans les luttes que les attaques capitalistes la contraindront à développer, tous les précieux enseignements des combats qu’elle a menés au cours des années 80. Il appartient aux révolutionnaires de participer pleinement à cet effort du prolétariat.
FM (17-12-89)
Pendant 50 ans, les trotskystes se sont fait les rabatteurs zélés de cet ennemi de toujours de la classe ouvrière qu’est le stalinisme. Que ce soit dans leur défense -"critique" mais indéfectible- de l’État stalinien d’URSS, au nom de laquelle ils ont joué les sergents-recruteurs de l’embrigadement des ouvriers dans l’anti-fascisme durant la deuxième guerre mondiale, et ont depuis lors appelé à la défense du camp impérialiste russe contre son rival occidental dans les zones d’affrontements entre les deux blocs. Que ce soit dans la fidélité avec laquelle ils ont apporté dans tous les pays leur soutien "critique" aux partis staliniens, s’efforçant de les présenter aux ouvriers qui s’en détournaient de plus en plus comme des "partis malgré tout ouvriers".
Aujourd’hui que le stalinisme s’effondre, et avec lui le bloc impérialiste russe, il faut bien que les trotskystes s’adaptent à la nouvelle situation. Et on peut leur faire confiance : si aujourd’hui le stalinisme ne peut plus à l’évidence prétendre jouer le rôle d’efficace moyen d’encadrement de la classe ouvrière qui a été le sien durant des décennies, les trotskystes entendent ne pas rester pour autant sur la touche. Fidèles à ce qui est leur fonction de toujours : jouer les rabatteurs des armes anti-ouvrières déployées par la classe dominante, les voilà qui, ni une ni deux, se mettent immédiatement au service des campagnes idéologiques de l’heure de la bourgeoisie.
L’exemple le plus répugnant de la capacité d’adaptation de ces chiens de garde de l’ordre bourgeois est certainement donné par "Lutte Ouvrière".
C’est en adoptant un discours particulièrement radical que LO développe sa propagande sur les événements à l’Est. En apparence, elle semble même détoner vis-à-vis de la "Gorbimania" en vogue dans la plupart des discours bourgeois aujourd’hui : ainsi LO n’a pas de mots assez durs contre Solidarnosc, LO multiplie les mises en garde vis-à-vis de Gorbatchev, LO s’alarme longuement des attaques anti-ouvrières qui se préparent derrière les convulsions actuelles à l’Est. Mais c’est pour tenir un discours qui vient insidieusement entretenir les campagnes actuelles de la bourgeoisie. Car ce que LO reproche à Gorbatchev, c’est ni plus ni moins que son intention inavouée de "brader les acquis d’Octobre 17" ! "Le socialisme de marché des réformateurs -explique LO dans sa brochure "Où va l’URSS de la perestroïka ?"- n’est rien d’autre qu’un programme de retour au capitalisme" et d’ajouter : "Évidemment, dans cette éventualité, il ne resterait plus rien des acquis de la révolution prolétarienne de 1917'. Autrement dit et jusqu’à nouvel ordre, l’URSS n’est pas un pays capitaliste et il y a des acquis prolétariens à défendre dans le système stalinien en URSS ! Ce faisant, LO est tout à fait fidèle à l’orthodoxie trotskyste sur la défense de l’URSS et au programme trotskyste pour qui "le socialisme" c’est "les nationalisations", "la propriété d’État des moyens de production", "le monopole du commerce extérieur" et "la planification", c’est-à-dire un programme de capitalisme d’État correspondant au modèle stalinien, et où ne réside pas plus d’"acquis ouvrier" que dans les nationalisations, les planifications ou autres moyens de contrôle de l’État sur l’économie qui existent dans les pays occidentaux.
Mais surtout, la bourgeoisie ne peut pas rêver aujourd’hui meilleur soutien à sa campagne actuelle d’identification du stalinisme au communisme et à l’utilisation qu’elle fait de l’effondrement du stalinisme pour inculquer l’idée que c’est le communisme qui fait faillite et avec lui tout espoir de révolution prolétarienne. Alors que, ces dernières années, le mythe de l’URSS "socialiste" et l’idée même d’une "différence de nature" entre les pays de l’Est et ceux d’Europe occidentale avaient pris, sous les effets de la crise mondiale du capitalisme, un sérieux coup dans l’aile, la bourgeoisie se sert des événements actuels pour redonner force à ce mensonge et s’en servir pour déboussoler la classe ouvrière, dénaturer à ses yeux les objectifs de son combat, lui enlever toute perspective. Et elle peut compter sur les trotskystes pour lui donner un coup de main dans cette entreprise. Sans avoir l’air d’y toucher, LO vient ainsi cautionner toute la campagne de la classe dominante, fournissant des arguments pseudo-théoriques et une coloration pseudo-révolutionnaire à l’idée qu’il y a quand même quelque part une continuité entre la révolution prolétarienne et les régimes staliniens et que ces derniers représentent en dernière instance un "modèle" et une "boussole" pour les luttes ouvrières.
Mais LO ne se contente pas de participer aux efforts de toute la bourgeoisie pour dénaturer aux yeux de la classe ouvrière sa perspective révolutionnaire. Elle est partie prenante également (au même titre d’ailleurs que sa consœur la LCR), de l’offensive bourgeoise qui cherche à entraîner les ouvriers sur le terrain pourri de la défense de la démocratie, des syndicats, des "libertés” et d’une manière générale de tous les attributs de la dictature bourgeoise à l’occidentale.
Ainsi, après avoir expliqué que les "réformateurs” en URSS menacent les fameux "acquis d’Octobre", LO explique (dans la même brochure déjà citée) que les réformes ont quand même du bon pour la classe ouvrière. Tiens donc ! Écoutons LO : "Le processus de libéralisation du régime engagé par Gorbatchev donne à la classe ouvrière la possibilité de devenir une véritable force politique indépendante, et c’est là où réside le seul aspect positif de la situation, mais il est de taille" (...) "Si la démocratisation de l’URSS se réalisait avec la participation pleinement consciente de la classe ouvrière, non seulement elle irait jusqu’au bout de ses possibilités, mais elle prendrait un tout autre cours que celui engagé par Gorbatchev". Lequel donc ? LO répond : "S’il s’avérait que la classe ouvrière soviétique profite des actuelles libertés politiques pour s’exprimer et défendre la propriété collective des moyens de production contre toutes les tentatives de retour à la propriété privée et qu’elle le fasse en tant que force indépendante et pas derrière les bureaucrates conservateurs, cela voudrait dire qu’elle reste attachée aux acquis d’Octobre 1917, donc que ceux-ci sont encore vivaces et vivants". En un mot, selon LO, la classe ouvrière n’aurait que des amis parmi les fractions de la bourgeoisie qui s’opposent en URSS ! Les uns -les conservateurs- seraient ses alliés objectifs parce que attachés aux fameux "acquis" du capitalisme d’État stalinien, les autres -les réformateurs- le seraient aussi parce que... ils donneraient à la classe ouvrière les moyens de défendre le programme... des premiers ! Magnifique gymnastique de la part de "Lutte Ouvrière", dont il y aurait de quoi rire si ce n’était pas un scénario dramatique pour la classe ouvrière que ces charognards n’étaient pas en train de nous concocter. D’ailleurs, c’est avec encore moins d’ambiguïté que LO encourage la classe ouvrière d’Allemagne de l’Est et de Tchécoslovaquie à s’engager dans le même piège en se laissant entraîner dans la défense d’une fraction de la bourgeoisie contre une autre, lorsqu’elle s’écrie, à propos de l’agitation démocratique en Tchécoslovaquie qui réclame des élections libres et une nouvelle constitution :"Eh bien, il faut souhaiter que le mouvement contamine les travailleurs qui ont commencé à se manifester, qu’il contribue à leur faire prendre conscience de leur force".
Ce discours de valorisation des thèmes "démocratiques" ne s’adresse d’ailleurs pas qu’aux ouvriers de l’Est, mais bien surtout à la classe ouvrière d’ici. En cautionnant ainsi le mouvement de démocratisation, le soi-disant "vent de liberté" venu de l’Est et en lui donnant une coloration pseudo ouvrière, LO ne fait que participer aux efforts de la classe dominante pour tenter de faire abandonner à la classe ouvrière son terrain de classe et de la faire adhérer à la défense de la démocratie bourgeoise, présentée comme "le bien le plus précieux”. Comme par hasard les thèmes de la "démocratie" et de la "liberté" font ces derniers temps, toutes les "unes” de LO qui les met désormais à toutes les sauces, qu’il s’agisse de parler de la situation en Europe de l’Est, du foulard islamique, des grèves à Peugeot ou de la montée de Le Pen...
La classe ouvrière n’a rien à gagner dans ce programme de défense de la démocratie que lui propose LO, pas plus ici en Occident que dans les pays de l’Est. Sa "force indépendante", dont LO a plein la bouche, passe uniquement par le rejet tant du miroir aux alouettes démocratique que par celui du mythe des "acquis d’Octobre", elle se situe, ici comme là-bas, dans sa capacité à rester résolument sur son terrain de classe, sur son terrain de résistance de classe à l’exploitation capitaliste.
Les trotskystes de LO sont certes contraints à de difficiles exercices de funambulisme pour continuer à jouer leur rôle anti-ouvrier dans la situation présente. Mais au-delà de leurs hésitations entre le soutien aux réformateurs et autres démocrates et la défense de la vieille garde stalinienne, ils confirment qu’ils ont choisi leur camp depuis longtemps : c’est celui de la bourgeoisie.
PE
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L’effondrement de l’économie et des régimes staliniens des pays de l’Est, constitue avec la reprise mondiale des luttes ouvrières à partir de 1968, l’événement historique le plus important depuis la deuxième guerre mondiale. Il est donc logique que les communistes révolutionnaires se soient consacrés à analyser et à expliquer ce qui se passait dès que le phénomène a commencé à se faire jour. Ainsi, dans le numéro d’Octobre de Battaglia Comunista[1], à côté d’un manifeste du BIPR sur les événements en Chine, nous trouvons un article sur "La bourgeoisie occidentale applaudit à l’ouverture des pays de l’est" dédié à l’explication des origines et des perspectives de cet effondrement.
La première partie de l’article souligne deux points fondamentaux : en premier lieu, les pays de l’Est n’ont rien de commun avec le communisme et donc la bourgeoisie ment quand elle nous affirme que c’est le communisme qui est en faillite. En second lieu, l’article dit clairement qu’à la base de l’effondrement, il n’y a pas on ne sait quelle "volonté de démocratie", mais plus simplement une épouvantable crise économique, qui est partie intégrante de la crise mondiale du capitalisme. Jusque-là, tout va bien.
Les problèmes commencent quand on passe à la formulation d’un jugement sur la gravité de la crise et sur les conséquences que celle-ci entraîne au niveau du rapport de forces entre les deux blocs impérialistes.
Selon Battaglia, la pression exercée au travers d’aides économiques par T’Occident sur les pays de l’Est a comme objectif "des changements politiques précis qui permettent une plus grande perméabilité du bloc de l’Est (...) Les Etats-Unis ne pensent pas de cette manière pouvoir démanteler d’un coup l’empire de l’Est, toujours solidement maintenu sous la botte russe. Cependant, ils cherchent certainement à avoir un poids plus grand dans la perspective d’un nouvel équilibre inter-impérialiste dans cette région ".
Pour Battaglia Comunista, à ce qu’il semble, "des élections libres" à la faveur desquelles entreraient "dans le gouvernement des partis démocratiques" ou des syndicats tournés vers l’Occident comme Solidarnosc, sont parfaitement compatibles avec la cohésion du bloc russe qui a toute la force nécessaire pour maintenir de telles forces centrifuges sous son talon de fer. Cette analyse est exactement à l’opposé de l’analyse que développe le CCI depuis la mi-septembre déjà dans ses "Thèses sur la crise économique et politique dans les pays de l’est"[2]. Citons seulement quelques passages: "La permanence de forces centrifuges au sein du bloc russe explique donc la brutalité de la domination impérialiste qui s’y exerce. Elle explique également la forme des régimes politiques qui dirigent ces pays. (...) Un changement de régime politique dans un pays "satellite" porte avec lui la menace directe du passage de ce pays dans le bloc adverse (...). En fin de compte, si le pouvoir central de Moscou ne réagissait pas, nous assisterions à un phénomène d’explosion, non seulement du bloc russe, mais également de sa puissance dominante. Dans une telle dynamique, la bourgeoisie russe, qui aujourd’hui domine la deuxième puissance mondiale, ne serait plus à la tête que d’une puissance de second plan, bien plus faible que l’Allemagne par exemple (...). L’effondrement qui va encore s’accentuer du bloc russe ouvre les portes à une déstabilisation du système de relations internationales, des constellations impérialistes, qui étaient sorties de la seconde guerre mondiale avec les accords de Yalta".
Aujourd’hui, il apparaît clairement que le Pacte de Varsovie -en tant que force capable de s’opposer de manière unie au bloc occidental- n’existe plus. Les accords récents de Malte partent du principe que les accords de 45 à Yalta ne sont plus que des chiffons de papier et Moscou a troqué son renoncement explicite à retenir par la force les pays qui lui étaient anciennement soumis, contre le fait d’avoir les mains libres contre ses nationalités "internes" (baltes, arméniennes, azéris, etc..). Les faits ont déjà démontré que c’était notre analyse qui était la bonne. Essayons maintenant de comprendre à quoi est due l’erreur de BC, qui a surestimé la capacité d’adaptation du bloc russe.
L’origine de cette erreur réside dans l’incroyable sous-estimation de la gravité de la crise économique dans ce bloc, qui a réduit à zéro les marges de manœuvre de la bourgeoisie russe. L’appartenance au bloc de l’Est a toujours été une infortune économique qu’il fallait fuir :
Les camarades de Battaglia, au lieu de voir dans les convulsions actuelles de l’économie de l’Est l’aboutissement d’une situation qui dure depuis des décennies sans aucune porte de sortie, les prennent pour les premiers signes de la crise économique à l’Est :
L’élément de nouveauté résiderait, selon B.C. dans le fait que le besoin de capitaux pour moderniser l’appareil de production obligerait le bloc de l’Est à s’ouvrir aux capitaux occidentaux : "d’où la nécessité pour la perestroïka de recourir à l’emprunt auprès des organismes internationaux occidentaux".
Avant de passer à la perspective que trace Battaglia à partir de cette situation, commençons par mettre les choses au point en ce qui concerne les dates à partir desquelles ont commencé à l’Est la crise économique ouverte et l’entrée massive de capitaux occidentaux.
La tentative d’attirer les capitaux occidentaux à l’Est remonte donc à la fin des années 60 et elle a échoué dans la première moitié des années 70 à cause de l’incapacité des pays du COMECON à rembourser leurs dettes à l’Occident. Quant à la crise économique qui s’est ouverte dans les années 69-70, les emprunts à l’Occident ont complètement échoué à l’empêcher d’exploser dans toute sa gravité, en même temps que la crise mondiale en 75 : "Selon le Bulletin mensuel de l’ONU (Juillet 1976), le déficit des balances commerciales des pays du bloc russe est passé de 700 millions de dollars en 1972 à 10 milliards de dollars en 1975, avec une accélération brutale entre 74 et 75."(5) "On 'constate’ en 76 un ralentissement des taux de croissance de la productivité des importations et des investissements (N.E.D., 9 Septembre 77)"[5].
Le point fort de l’Est, l’économie de la République Démocratique Allemande, ne fait pas exception : l’excédent commercial de 5.7milliards de marks -que la RDA avait accumulé entre 1960 et 1973- a laissé la place en deux ans, 74-75, à un déficit commercial de 7.3 milliards de marks"[6]. Comme on le voit, ce n’est pas le début de la crise à l’Est qui est à l’origine de la pénétration financière actuelle de l’Occident, ni la faillite de cette pénétration il y a presque 20 ans, qui aurait ouvert la route à la crise des années 70 et à l’écroulement des années 80.
COMMENT BATTAGLIA TOMBE DANS LES ORNIERES DE LA PROPAGANDE BOURGEOISE
Mais Battaglia va droit son chemin et prend au sérieux les bavardages sur les prochains afflux énormes de capitaux à l’Est : "Ce n’est pas par hasard si, depuis que Solidarnosc est au pouvoir, Bush insiste lourdement pour que des aides conséquentes soient accordées à la Pologne (...). Le soutien à la Hongrie va dans le même sens". Pour BC, le capitalisme occidental est prêt non seulement à mettre la main au portefeuille, mais compte vraiment résoudre ses problèmes de cette façon. En fait, pour ces camarades, le problème des occidentaux serait de trouver des investissements à des taux de profit adéquats pour leurs propres capitaux, problème d’autant plus grave que : "l’effondrement des marchés de la périphérie du capitalisme, par exemple l’Amérique latine, a créé de nouveaux problèmes d’insolvabilité à la rémunération du capital (...) Les nouvelles opportunités qui s’ouvrent à l’Est de l’Europe peuvent représenter une soupape de sécurité par rapport à ce besoin d’investissement (...) Si ce large processus de collaboration Est-Ouest vient à se concrétiser, ce sera une bouffée d'oxygène pour le capitalisme international ".
En vérité, on ne sait par où commencer. D’un côté, l’Occident, Bush en tête, passe son temps à claquer la porte à la figure des divers quémandeurs, comme Walesa, qui demandent des dollars en échange de professions de foi démocratique. Comme la CEE l’a justement rappelé, le vrai problème est celui du remboursement des emprunts accordés depuis 70, pas d’en demander d’autres. Les nouveaux emprunts seront instillés à dose homéopathique et ne serviront qu’à empêcher le chaos (surtout social) généralisé aux frontières de l’Occident. Pour ce qui concerne l’hypothèse stupéfiante selon laquelle le capitalisme occidental pourrait faire des affaires en or en investissant dans les pays de l’Est, on en a vraiment les bras qui tombent. Il y a quelque temps, les camarades de BC soutenaient qu’"il fallait reconnaître” que le capitalisme occidental avait momentanément enrayé la crise en extrayant "des superprofits" (?) des pays de la périphérie du capitalisme. Aujourd’hui, ils reconnaissent qu’il y a un "effondrement par insolvabilité" de ces marchés, surtout en Amérique latine, mais sortent immédiatement un autre lapin de leur chapeau, sous la forme de "nouvelles opportunités à l’Est". Mais les marchés à l’Est ont déjà montré qu’ils n’étaient pas solvables par rapport aux investissements modestes de la fin des années 60 ; comment pourraient-ils rémunérer des "placements de capitaux financiers sans précédent""!
L’auteur ne nous l’explique pas. Plus, il a dû lui venir quelque doute tardif parce que tout à coup, il affirme : "à y regarder de plus près, les motifs de désagrégation sont beaucoup plus marqués". L’URSS part en lambeaux et "le reste du monde, à part quelques rares pays développés est tenaillé par la faim, la misère et la guerre". Sur ce point, l’article, au lieu de faire la clarté sur laquelle des deux perspectives est la plus vraisemblable (celle d’une salutaire bouffée d’oxygène pour le capitalisme ou celle d’une décomposition accélérée), se termine en invoquant la révolution prolétarienne, qui est évidemment souhaitable, mais qui ne répond pas le moins du monde à l’analyse des perspectives économiques que l’article se promettait de faire. Maintenant, personne ne demande que Battaglia détienne la vérité dans ses tiroirs, (d’autant plus que la rapidité de l’effondrement de l’Est a surpris tout le monde, y compris le CCI, qui l’avait pourtant prévu depuis longtemps), mais nous avons au moins le droit de demander que BC cesse de publier des articles qui disent tout et son contraire.
Et surtout (ce qui est d’autant plus grave pour une organisation qui se prétend être l’avant-garde du prolétariat) il est navrant de constater que Battaglia, une fois encore, apporte sa petite caution aux campagnes mensongères de la bourgeoisie en participant à semer l’illusion suivant laquelle "grâce à l’ouverture de nouveaux marchés à l’Est", l’économie capitaliste va connaître un nouveau souffle. Autrement dit, B.C. apporte une petite contribution involontaire à la répugnante campagne actuelle à propos de la "supériorité du capitalisme sur le communisme". Voilà à quelles aberrations, à quelle irresponsabilité, conduit la perméabilité de B.C. à l’idéologie bourgeoise. Les camarades de B.C. doivent y penser sérieusement.
Frédéric
[1] Organe du Partito Comunista Internazionalista animateur du BIPR avec la CWO. CP 1753,20101, Milano, Italia.
[2] Publiées dans la Revue Internationale N° 60, Janvier 1990
[3] "Crise économique en Europe de l’Est", Revue Internationale N°34, Juillet 1983
[4] "La crise en Russie et dans l’Europe de l’Est", 2ème partie, Revue Internationale N° 14, Avril 1978
[5] "La crise en Russie et dans l’Europe de l’Est", 1ère partie Revue Internationale N° 12, Décembre 1977
[6] "La crise en RDA", Revue Internationale N° 22, Juillet 1980
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Les bouleversements que provoque aujourd’hui, sur tous les plans de la situation internationale, l’effondrement du bloc de l’Est exigent de la part des révolutionnaires une compréhension claire des données historiques nouvelles dans lesquelles se pose la lutte du prolétariat mondial. Face à tout bouleversement de la société, la responsabilité première des révolutionnaires est d’être capable d’identifier sa nature de classe. C’est particulièrement vrai face aux événements qui secouent les pays du glacis soviétique. Seule une appréciation correcte du contenu de ces mouvements présentés partout par les médias bourgeois comme des "révolutions populaires” peut permettre aux révolutionnaires de combattre les campagnes idéologiques assourdissantes visant à entraîner le prolétariat hors de la défense de ses intérêts de classe et à l’embrigader derrière tel ou tel secteur de la bourgeoisie. Et une telle clarté est d’autant plus indispensable que ces campagnes ont, à l’heure actuelle, un certain impact sur la classe ouvrière.
Or, si l’on examine les prises de positions des groupes politiques prolétariens tels que "Battaglia Comunista" (BC) et le “Ferment Ouvrier Révolutionnaire” (FOR) concernant, par exemple, les événements sanglants de Roumanie, on est obligé de constater que ces organisations, malgré leur dénonciation des illusions démocratiques qui pèsent sur le prolétariat de ce pays, sont bien en deçà de leur responsabilité. Loin de renforcer le combat contre les campagnes bourgeoises, leur intervention aboutit, en fin de compte, à favoriser l’impact de ces campagnes. C’est ainsi que, tant dans le numéro de janvier de "Battaglia Comunista" que dans "Alarme" n”44 (organe de presse du FOR), on trouve une analyse erronée et dangereuse de la nature de classe des événements de Roumanie.
Les concessions du milieu révolutionnaire à l’idéologie bourgeoise ont ainsi conduit les camarades de BC à reprendre à leur propre compte l’idée suivant laquelle les "forces motrices de la crise qui a changé la face du soi-disant monde du socialisme réel" résideraient dans une "authentique insurrection populaire qui a entraîné la chute du gouvernement Ceaucescu". Ainsi, il est navrant de constater qu’aujourd’hui, les camarades de BC ont à tel point perdu la boussole qu’ils sont conduits à remettre en cause un principe de base du marxisme : le prolétariat n’est pas le "peuple", le concept d’insurrection "populaire" est un concept bourgeois véhiculé par l’idéologie dominante depuis 1789. Faut-il rappeler à BC que le terrain sur lequel se situent les révolutionnaire, c’est celui de la lutte de classe, une lutte où le prolétariat se distingue de l’ensemble de la population en se mobilisant comme force autonome sur son propre terrain, pour la défense de ses propres intérêts? En saluant l’insurrection "populaire" en Roumanie, BC ne fait rien de moins que participer, elle aussi, à l’instar de toutes les forces capitalistes, à la mystification consistant à noyer le prolétariat dans le "peuple", défendant ainsi une vision interclassiste qui tourne carrément le dos aux principes fondamentaux de la lutte de classe. Et lorsque BC affirme que toutes les conditions étaient mûres pour qu’en Roumanie cette "insurrection populaire" puisse "se transformer en réelle et authentique révolution sociale", non seulement les camarades ne se posent même pas la question de savoir de quelle force peut partir une véritable révolution, mais de plus, ils tombent dans une vision de la transformation d’un "mouvement populaire" en "révolution sociale" que nous connaissons trop bien : c’est la vision que défendent les staliniens et les trotskystes depuis des décennies. Ainsi, lorsqu’on commence à prendre pour argent comptant les discours de la bourgeoisie, lorsqu’on se laisse impressionner par ses campagnes médiatiques, par "le poids de ses mots et le choc de ses photos", lorsqu’on est amené à "caresser dans le sens du poil" ceux qui se sont enthousiasmés à la vue de ces images de la population en armes laissant exploser sa joie, on aboutit à tourner le dos aux principes de base du marxisme. Cela, camarades, s’appelle l’opportunisme. Ou bien, les mots n’ont plus de sens. D’ailleurs, cette démarche opportuniste, nous la retrouvons bien dans la façon dont BC s’arrange pour embrouiller les problèmes. Ainsi, BC emploie le terme de "révolution sociale". En soi, le terme n’est pas faux. Mais, dans ce contexte, il n’est pas fait pour clarifier les choses, puisque d’autres courants non prolétariens, tels les anarchistes ou les modernistes, l’utilisent également. Pourquoi ne pas parler de révolution "prolétarienne" ou "socialiste", puisqu’apparemment c’est de cela qu’il s’agit pour BC? Mais ce serait trop lui demander : il est tellement plus confortable d’entretenir l’ambiguïté. De cette façon, on s’évite de prendre la pleine responsabilité de ses affirmations et on peut toujours, après coup, surtout lorsque l’erreur politique devient évidente, servir comme argument que "les autres ont mal compris". Ce ne serait pas la première fois que BC se livre à ce genre de contorsions !
Une telle démarche permettra éventuellement à BC de gagner la sympathie de quelques ouvriers confus. Elle lui évitera peut-être de perdre deux ou trois "contacts" qui se sont laissés piéger par l’euphorie ambiante[1]. Mais avec une telle attitude, on ne participe en rien à la prise de conscience du prolétariat. Au contraire, on réussit à apporter sa petite contribution aux mystifications de la bourgeoisie.
Mais BC n’est pas la seule organisation révolutionnaire à s’être fait aussi lamentablement piéger par les campagnes médiatiques. La vision que développe le FOR dans son article intitulé "Roumanie : une insurrection, pas une révolution" n’est, en fin de compte, guère plus reluisante puisqu’elle considère que "le prolétariat... a contribué largement à mettre en œuvre... les changements survenus à l’Est? bien que "nulle part il n’a pu se battre durablement (souligné par nous) pour son propre compte".
Ainsi, m BC ni le FOR ne semblent se soucier des critères essentiels qui doivent permettre aux révolutionnaires de caractériser la nature de classe des événements de Roumanie : le prolétariat, en tant que force autonome, distincte du reste de la "population", était-il présent avec ses propres revendications ? Est-ce le prolétariat qui a constitué l’élément moteur dans l’effondrement du régime stalinien ou n’était-il au contraire rien d’autre qu’un simple pion manipulé, embrigadé derrière une fraction bourgeoise contre une autre ? Si on est incapable de répondre clairement à ces questions essentielles, toute dénonciation des illusions démocratiques et nationalistes, derrière lesquelles se sont mobilisés les prolétaires en Roumanie, n’est qu’une coquille vide.
Pour ces deux organisations, l’effondrement du gouvernement Ceaucescu aurait donc été le produit de la révolte spontanée des masses. La première chose qu’il faut constater c'est qu’une telle analyse ne fait que reprendre à son propre compte les discours dont nous ont abreuvés les médias lorsqu’ils retransmettaient en direct les événements de Roumanie. Cependant, 15 jours à peine après la prise du pouvoir par le désormais célèbre "Comité du Front de Salut National", c’est à travers ces mêmes médias qu’on finissait par apprendre tout à fait incidemment, à l’occasion d’une "gaffe" commise par le bien nommé Militaru, ministre de la Défense, que la nouvelle équipe dirigeante à Bucarest préparait son coup depuis près de 6 mois avec la soutien de l’armée et de Gorbatchev. Ainsi, cette fameuse "insurrection populaire", tant saluée par les camarades du FOR et de BC, s’est très vite révélée au grand jour pour ce qu’elle était : un vulgaire coup d’Etat militaire (cf. RI n°187).
Mais si les camarades du FOR et de BC continuent aujourd’hui encore à nier l’évidence, c’est du fait de leur absence d’analyse claire des véritables conditions historiques et enjeux de la lutte de classe dans la période présente.
C’est pour cette raison que ces groupes sont amenés à prendre des vessies pour des lanternes, à ne pas voir que l’état-major militaire téléguidé par Moscou ne faisait qu’appliquer son plan : s’appuyer sur la colère de la population au lendemain des massacres de Timisoara (qui, probablement constituaient une provocation destinée à "galvaniser" les masses) et l’exploiter à son propre compte. Telle est la triste réalité que les camarades du FOR et de BC se refusent obstinément à voir : le terrain sur lequel s’est développée cette pseudo-insurrection n’était rien d’autre qu’un terrain d’affrontements où le prolétariat, comme l’ensemble de la population, s’est trouvé pris en étau entre deux pouvoirs militaires rivaux, défendant les intérêts des deux cliques bourgeoises en présence. En Roumanie, pas plus que dans les autres pays du glacis soviétique, à aucun moment le prolétariat n’a été un acteur conscient des convulsions sanglantes qui ont précipité la chute du régime stalinien.
Contrairement à ce que prétend le FOR, la nature de classe de cette "insurrection" n’a absolument rien à voir avec les luttes ouvrières de Brasov en 87 où c’est sur leur propre terrain, contre la misère et la pénurie, que s’étaient mobilisés les ouvriers, alors qu’aujourd’hui, le prolétariat en tant que classe a été totalement absent de la scène. Que des milliers d’ouvriers aient été embarqués dans cette prétendue insurrection n’est pas à saluer mais à déplorer : c’est pour le compte d’une fraction bourgeoise, sur le terrain bourgeois des mystifications démocratiques qu’ils se sont laissés entraîner et massacrer. Ainsi lorsque le FOR nous dit que "des mesures comme l’armement des prolétaires, le maintien des comités de la production (...), l’exigence de dissolution des corps armés étatiques (...) et la jonction avec par exemple le comité occupant le palais présidentiel, eussent constitué les premiers pas d’une révolution communiste", cela relève purement d’une vision fantasmatique des conditions de la révolution prolétarienne, ramenée selon la logique implacable du FOR à une série de "mesures", de recettes à la sauce "y’a qu’à" et qui ne fait que révéler la démarche volontariste, étrangère au marxisme, dont ces camarades ne parviennent décidément pas à se décrotter. Faut-il rappeler au FOR que les premiers pas d’une révolution communiste", c’est l’organisation du prolétariat en classe, sur son terrain de classe et que, avant de prendre les armes, le prolétariat doit d’abord s'armer de sa conscience. Et, en Roumanie, il n’y avait rien de tout cela.
Selon BC, "il existait en Roumanie toutes les conditions objectives et presque toutes les conditions subjectives pour que l’insurrection puisse se transformer en réelle et authentique révolution sociale". Pour ce qui concerne les conditions objectives de la révolution prolétarienne, BC n’a vraiment rien inventé. Cela fait plus de 3/4 de siècle que les révolutionnaires ont toujours affirmé que l’entrée de capitalisme dans sa phase de décadence avait mis à l’ordre de jour la nécessité et la possibilité de la révolution, non seulement dans des aires géographiques où la classe ouvrière subit la misère et l’oppression capitalistes de façon particulièrement brutale, mais dans toutes les parties du monde. Sur ce point, on ne peut qu’être d’accord avec BC.
Mais là où l’analyse de BC commence franchement à friser le délire, c’est lorsqu’elle affirme que "presque toutes les conditions subjectives11 étaient présentes en Roumanie et que l’échec de cette "insurrection" était du essentiellement à "l’absence d’une force politique authentiquement de classe". Et il faudra attendre la conclusion de cet article pour découvrir enfin que cette fameuse force politique qui a tant fait défaut à l’insurrection en Roumanie n’est rien de moins que... le parti révolutionnaire ! Voilà la seule leçon que BC ait été capable de tirer des massacres de prolétaires en Roumanie : "l’insurrection roumaine montre à quel point il est urgent de reconstruire le parti révolutionnaire à l’échelle mondiale qui sache reprendre le fil rouge rompu par le stalinisme".
Ainsi, toujours fidèle à sa démarche consistant à dire une chose et son contraire, d’un côté BC déplore que le prolétariat en Roumanie ait été "animé par une terrible illusion : la démocratie bourgeoise", de l’autre elle affirme que toutes les conditions subjectives pour la révolution étaient présentes... excepté le parti. Or, dans la vision marxiste, la maturité des conditions subjectives n’est rien d’autre que le degré de conscience atteint par les masses des buts et des moyens de leur combat. Cette maturité s’exprime en particulier par l’auto-organisation du prolétariat en classe, par le surgissement de cette 'forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat" (Lénine) que sont les conseils ouvriers, conditions subjectives fondamentales de la révolution communiste que BC semble ignorer superbement. Et où était l’organisation autonome du prolétariat en Roumanie ? Où se trouvaient les conseils ouvriers ? Lorsque des millions d’ouvriers adhèrent aux mensonges démocratiques, abandonnant toute revendication de classe pour réclamer des "élections libres", un Parlement, des droits syndicaux, et entonnent des chants patriotiques sous les drapeaux de l’Etat national, comme c’est aujourd’hui le cas dans ce pays (et dans tous les pays de l’Est), oser affirmer qu’il s’agit là des prémices de la révolution communiste, c’est carrément se moquer du monde. Déjà au moment des événements sanglants qui ont secoué la Chine au printemps 89, les oscillations de BC sur la nature de classe de ce mouvement nous avaient donné un avant- goût du degré de désorientation de cette organisation (cf. RI n° 182) L’analyse que BC développe aujourd’hui sur les événements sanglants de Roumanie montre à quel point, à force d’avaler toutes les couleuvres de la propagande bourgeoise, cette organisation a fini par perdre complètement la tête.
Mais, nous répliquera BC, si la force politique essentielle, le parti révolutionnaire, avait été présent en Roumanie, il aurait été capable de donner une orientation claire aux masses prolétariennes les empêchant de se fourvoyer derrière les idéaux bourgeois. Malheureusement, il n’est pas (venu à l’esprit des camarades de BC de se poser sérieusement la question : pourquoi le parti de classe était-il absent en Roumanie ? Affirmer que la contre-révolution stalinienne
a systématiquement laminé toute possibilité de surgissement d’une avant-garde du prolétariat est une réponse largement insuffisante. Encore faut-il comprendre que c’est justement le degré de conscience politique dans l’ensemble de la classe ouvrière qui constitue la condition de surgissement du parti révolutionnaire. C’est malheureusement ce que BC est incapable de comprendre avec sa vision d’un parti révolutionnaire parachuté, surgissant ex nihilo et seul détenteur de la conscience de classe (cf. l’article "Conscience de classe et parti" dans notre Revue internationale n°57).
Les aberrations de BC sur la signification des événements de Roumanie trouvent leur origine dans une incompréhension de fond des conditions premières de la révolution communiste : ce n’est qu’à l’échelle mondiale que peut s’évaluer le rapport de forces entre les classes, que se pose la question de la maturité des conditions de la révolution. Et dans ce cadre international, c’est le niveau de conscience des bataillons les plus expérimentés du prolétariat mondial, celui d’Europe occidentale, qui constitue le facteur déterminant l’ouverture d’une réelle perspective révolutionnaire et non pas là où la classe ouvrière est la plus faible, la plus mystifiée, la plus soumise à l’idéologie bourgeoise.
Qu’un groupe comme le FOR ne se soucie nullement du cadre international pour comprendre la nature de classe des événements de Roumanie n’a rien d’étonnant : c’est avec la même désinvolture que cette organisation issue du trotskysme a toujours salue la guerre d’Espagne en 36 comme une authentique révolution prolétarienne alors que cet épisode sanglant, qui se déroulait dans un contexte de contre-révolution à l’échelle internationale, fut une tragédie pour le prolétariat dans la mesure où il ne faisait que préparer le déchaînement de la deuxième guerre mondiale. Mais qu’une organisation comme BC qui, elle, se réclame de la gauche communiste se rallie aujourd’hui à la démarche du FOR prouve à quel point ces camarades sont désorientés et ont perdu toute notion des critères déterminant une perspective révolutionnaire[2].
Les prises de positions de BC et du FOR concernant les événements de Roumanie sont particulièrement significatives du degré de déboussolement, de confusion, dans lequel se trouve aujourd’hui le milieu révolutionnaire. On doit constater que plus l’Histoire s’accélère, plus les faiblesses programmatiques de ces groupes les font marcher à contretemps de la réalité qui se déroule sous leurs yeux. Ainsi, lorsque la lutte de classe connaissait un réel développement dans les pays centraux du capitalisme avec la reprise des combats ouvriers à l’automne 83, lorsque le prolétariat le plus expérimenté du monde tendait de plus en plus, dans ses luttes, à briser l’encadrement syndical, la plupart des groupes du milieu révolutionnaire ne cessaient ae souffler le froid, incapables de reconnaître les avancées de la lutte de classe. En revanche, lorsque le prolétariat quitte son terrain de classe pour se laisser embrigader derrière les mystifications bourgeoises, lorsqu’il se fait massacrer pour des intérêts qui ne sont pas les siens, comme c’est le cas aujourd’hui dans les pays de l’Est, alors ces mêmes organisations révolutionnaires s’extasient devant les "formidables pas en avant" de la lutte de classe, allant même jusqu’à proclamer qu’une situation pré-révolutionnaire, insurrectionnelle, s’est ouverte dans ces pays. H faut être particulièrement aveugle et borné pour ne pas savoir faire la différence entre un coup d’Etat fomenté par une clique bourgeoise qui cherche à sauver sa peau et une insurrection prolétarienne !
Un tel déboussolement s’explique, en réalité, par le fait qu’aucun de ces groupes révolutionnaires n’a la moindre idée de ce que peut être un cours historique. C’est bien pour cela que le FOR n’avait pas compris que le rapport de forces entre les classes dans les années 30 ne pouvait déboucher que sur la perspective d’une deuxième guerre mondiale et voyait dans la guerre d’Espagne une révolution prolétarienne.
Quant à BC, l’analyse du cours historique a toujours été le dernier de ses soucis. Que la société s’achemine vers la barbarie généralisée ou vers des affrontements révolutionnaires dont dépend l’avenir de l’humanité, cela n’a au fond aucune importance pour BC. Sans ce cadre d’analyse fondamental, sans une vision claire du cours historique actuel, ces groupes politiques ne peuvent être que condamnés à se laisser balloter au gré des événements, à être constamment à côté de la plaque face aux coups d’accélération de l’Histoire.
A force de courir après TOUT ce qui bouge, on court le risque de ne pas voir CE qui bouge réellement. Heureusement que BC, pas plus que le FOR, n’a aucune influence réelle au sein de la classe ouvrière car avec de telles confusions, elle ne pourrait la conduire qu’à la catastrophe.
A baisser le pied quand l’escalier monte et à le lever quand l’escalier descend, ces groupes révolutionnaires ne perdent aucune occasion de se casser la figure. Ce faisant, ils se sont avérés incapables d’encourager la classe ouvrière, d’impulser ses luttes lorsque celles-ci se développaient tout au long des années 80. Ils risquent demain de la précipiter dans l’aventure s’ils continuent sur la même lancée.
Avril
[1]Ce type de préoccupation n’était probablement pas absent chez les membres de BC qui, à l’issue d’une récente réunion publique de ce groupe, à Milan, sont venus reprocher à l’un de nos militants d’avoir, lors de celle-ci, critiqué les prises de position de BC sur la Roumanie et annoncé la tenue de notre propre réunion publique. Visiblement, cela dérange BC que ses sympathisants puissent prendre connaissance de nos analyses et de nos critiques à son égard : n’est-ce pas un aveu de ses propres faiblesses ? Ce groupe préférerait probablement "garder au chaud", à l’abri des "mauvaises fréquentations", SES contacts. Pour notre part, nous considérons que ce n’est pas le meilleur moyen de développer une clarté parmi les éléments qui essayent de comprendre les enjeux des événements présents. Nous avons une toute autre idée du débat politique.
[2] BC se prépare-t-elle à rééditer l’"exploit" de son "organisation-sœur", le CWO de Grande-Bretagne, qui, en 81, alors que le prolétariat de Pologne était complètement isolé au niveau international, l’appelait à faire "la révolution maintenant". Avec de telles analyses, on peut tout craindre.
Au milieu de toutes les campagnes de la bourgeoisie sur la "Révolution" des pays de l’Est et des confusions colportées par la plupart des groupes du milieu politique prolétarien, tels "Battaglia Comunista" et le FOR, il faut signaler la prise de position correcte du "Parti Communiste International". [1] Dans "Le Prolétaire" n°404 on peut lire, en effet : "dans aucune des "révolutions de velours" n’est apparu quoi que ce soit qui ressemblait à des combats entre classes ennemies... [en Roumanie] les combats se sont déroulés entre fractions de l’appareil d’État, et non contre cet appareil lui-même". Une telle clarté est suffisamment rare de la part de cette organisation pour qu’il vaille la peine de la souligner.
C’est avec raison que le PCI affirme que "le nationalisme et l’idéologie démocratique, qui prétendent englober "tout le peuple, sont des idéologies de classe, des idéologies bourgeoises". De même, c’est sans ambiguïté qu’il dénonce l’assimilation faite par la bourgeoisie entre communisme et stalinisme, "ce mode de développement prétendument “socialiste", mais qui a emprunté au fascisme toutes ses caractéristiques, [et qui] est si peu éloigné du capitalisme qu’il a été adopté comme modèle à imiter par toutes les jeunes bourgeoisies pour construire leur État et leur économie nationale après l’indépendance, de la Birmanie à Cuba, de l'Angola à l’Indonésie, de l’Algérie au Nicaragua..". Mais ce serait encore mieux si le PCI était un peu plus cohérent. Il serait d’une plus grande utilité à la classe ouvrière s’il arrêtait d’apporter son soutien aux mouvements d’"indépendance nationale" dans les pays sous-développés. Le "nationalisme et l’idéologie démocratique" sont aussi néfastes aux prolétaires palestiniens qu’aux prolétaires polonais. Il serait temps que le PCI s’en rende compte. Et à quoi bon dénoncer "les canailles contre-révolutionnaires staliniennes" d’Europe de l’Est, lorsqu’on considère "comme un devoir élémentaire la solidarité" avec les massacres perpétrés par leurs émules cambodgiens : les Khmers rouges (voir "Le Prolétaire" n°225 et notre réponse dans RI n°30). De temps en temps, comme aujourd’hui face aux événements d’Europe de l’Est, le PCI se souvient qu’il se réclame de la Gauche communiste d’Italie. Il ferait bien de persévérer dans ses efforts de mémoire. De même, "Battaglia comunista", qui pourtant ne défend pas les mêmes aberrations, devrait pour une fois prendre de la graine de ses cousins "bordiguistes”. Qu’aujourd’hui BC réussisse à être moins clair que le PCI en dit long sur le niveau de ses propres contradictions.
[1] PCI qui publie "le prolétaire"
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Avec l’effondrement du bloc de l’Est et de la Russie, les trotskystes, qui ne sont que la gauche radicale des PC, sont mal à l’aise.
Lutte Ouvrière, toutefois, ne manque pas de voix pour plaider sa cause et sauver sa peau. Pour cela, cette organisation ne recule devant aucune contradiction, disant tout et son contraire, disant le contraire aujourd’hui de ce qu’elle a dit hier. Un tel exemple a été donné dans un meeting, au mois de janvier, à Toulouse. Jugeons-en !
- LO a toujours défendu et soutenu le PCF. Les critiques à son encontre n’étaient jamais qu’un soutien plus ou moins critique. Ces dernières années même, face à l’affaiblissement de l’audience du PC et de ses mensonges auprès des ouvriers, LO disait dans un éditorial de son journal : « Nous ne nous réjouissons pas de l’affaiblissement du PCF ». Et cela était tellement vrai qu’en 1988, LO a proposé au PCF de lui vendre les 2 % de voix qu’elle avait obtenues aux élections législatives, moyennant reconnaissance, bien sûr.
Aujourd’hui, finies les œillades au PCF. LO n’a pas de mots assez durs pour rejeter le stalinisme et la bureaucratie... qu’elle s’est toujours refusée à appeler par son vrai nom de : bourgeoisie.
- Avec les staliniens, LO a toujours présenté la planification de l’économie capitaliste en Russie ainsi que le monopole étatique du commerce extérieur dans ce pays comme étant des mesures rompant avec le capitalisme, faisant ainsi passer, avec le reste de la bourgeoisie, la forme stalinienne du capitalisme d’État pour du communisme ! Aujourd’hui, dans ses meetings, on peut entendre que « la Russie n’est pas un pays communiste ! » Nous ne doutons pas que LO aura une explication toute en nuances pour expliquer ces contradictions !
- Mais encore, LO, en tant qu’organisation trotskyste, a toujours défendu les luttes de libération nationale : le Vietnam, l’Algérie..., appelant les ouvriers de ces pays à se faire massacrer pour soutenir une bourgeoisie contre une autre soi-disant plus progressiste. Et voici que LO, dans son meeting, du haut de sa tribune, déclare ce qu’elle n’a jamais encore déclaré : il y a une exception ! LO ne soutient pas la lutte de libération nationale des Azéris ni celle des Arméniens. LO ne soutient pas les guerres de ces nationalités en URSS qui cherchent à rompre avec l’État russe. LO commencerait-elle à comprendre que la classe ouvrière ne peut jamais, aujourd’hui, soutenir une bourgeoisie, avec la 2ème guerre mondiale. Ce programme préconisait la "défense inconditionnelle de l’URSS" en cas de guerre et avançait par ailleurs, le mot d’ordre d’indépendance nationale pour les pays arriérés soumis à l’impérialisme, sous-entendu seulement occidental. En effet, pour les trotskystes, l’État russe est un État ouvrier, dégénéré certes, mais ouvrier ! Donc pas impérialiste ! C’est ce que nous criait très fort un de leurs jeunes militants à la sortie du meeting : "il n’y a pas de bourgeoisie en Russie. Il y a seulement une bureaucratie et un État ouvrier dégénéré” que LO continue à défendre en soutenant ainsi en fait, l’intervention armée de l’État russe et ses massacres, intervention qui est celle de tout État capitaliste cherchant à maintenir son ordre !
Ce faisant, LO continue sa sale besogne assumée régulièrement depuis la 2ème guerre mondiale et qui a toujours consisté à soutenir l’État Russe en appelant les prolétaires des pays dits du tiers-monde à s’enrôler et à mourir derrière la fraction de la bourgeoisie nationale "la plus progressiste" qui s’avérait être la plus "pro-russe". Mais sur cette question aussi essentielle, nous ne doutons pas non plus que LO trouvera des explications toutes en nuances !
Ainsi, les leçons à retenir sont claires :
- Lutte Ouvrière aujourd’hui, cherche, par tous les moyens, à faire oublier aux ouvriers, le soutien qu’elle n’a cessé d’apporter au stalinisme depuis la deuxième guerre mondiale.
- Lutte Ouvrière critique plus bruyamment que jamais la bureaucratie russe. Mais aujourd’hui comme hier, le but reste le même : critiquer ce que la majorité des ouvriers voit, ce qui ne peut être masqué, pour pouvoir mieux continuer à défendre le mensonge de la soi-disant nature ouvrière de l’État stalinien. Ce faisant, LO continue à essayer de faire croire aux ouvriers, avec le reste de la bourgeoisie, que le capitalisme d’État en Russie était du communisme.
- Lutte Ouvrière en fait, fait partie des derniers staliniens qui cherchent à sauver leur peau. Mais les choses doivent être claires : dans le passé, Lutte Ouvrière a trompé les ouvriers, elle essaie encore aujourd’hui de les tromper et elle essaiera encore dans le futur. Cela ne fait que confirmer ce que nous avons toujours dit : la classe ouvrière doit rejeter cette organisation !
AB
(*) Voir notre brochure : "Le trotskysme contre la classe ouvrière [11]"
Pour la bourgeoisie "démocratique" des pays occidentaux, c’est dans une sorte d’apothéose que ce sont terminées les années 80. Tous ses médias aux ordres, la presse, la TV, n’ont eu de mots assez enthousiastes pour chanter le triomphe de la "démocratie" et de la "liberté" dans les pays de l’Est, et surtout pour célébrer la "mort du communisme", pour proclamer que le capitalisme est le seul type de société viable. C’est bien sûr la classe ouvrière que vise tout ce battage incessant. Il s’agit de convaincre les ouvriers que les combats qu’ils mènent depuis plus de vingt ans pour la défense de leurs conditions de vie ne peuvent avoir d’autre perspective que de s’aménager, sous la houlette bienveillante des syndicats, une petite place dans un capitalisme éternel. Il faut les persuader que le communisme n’est qu’une utopie et que toute tentative de destruction du capitalisme et d’instauration de la dictature du prolétariat ne peut mener qu’à la pire des barbaries. Aujourd’hui, les circonstances dans lesquelles survient l’effondrement du stalinisme, ce fer de lance de la plus terrible contre-révolution qu’ait subie le prolétariat tout au long de son histoire, ne peut que favoriser l’impact des campagnes mensongères de la bourgeoisie "démocratique". Loin de permettre une nouvelle avancée de la conscience de la classe ouvrière, cet effondrement provoque au contraire, une profonde désorientation dans les rangs ouvriers. Ainsi, la faillite irrémédiable des régimes staliniens vient aujourd’hui apporter un coup, momentané mais profond, dans le développement de la lutte de classe du prolétariat mondial. Face à cette situation, il revient aux révolutionnaires de comprendre la nature et les racines des difficultés auxquelles se trouve confrontée la classe ouvrière s’ils veulent être capables de participer activement au combat contre toutes les campagnes de la bourgeoisie et à l’armement politique du prolétariat face à la gigantesque offensive idéologique qu’il subit aujourd’hui.
Tout au long des années 80, et notamment dans leur deuxième moitié, face à l’accélération de la crise du capitalisme, les ripostes ouvrières aux attaques économiques se sont accompagnées d’une tendance du prolétariat, en particulier dans les pays d’Europe occidentale, à se dégager de plus en plus de l’emprise de l’idéologie dominante et de ses institutions démocratiques : taux d’abstention croissant aux élections, rejet de plus en plus ouvert des syndicats obligeant la bourgeoisie à déployer des pièges toujours plus sophistiqués (telles que les fameuses "coordinations" soi-disant "non-syndicales" comme celles que nous avons vu surgir, notamment en France, lors de la grève de la SNCF en décembre 86, de la SNECMA au printemps 88 et dans le secteur de la Santé à l’automne 88). Le développement de la vague de luttes ouvrières qui, depuis l’automne 83, avait vu la classe ouvrière de pays centraux du capitalisme résister massivement à la dégradation de toutes ses conditions de vie, se confronter aux manœuvres répétées des syndicats et tendre à unifier ses combats à travers des tentatives de prendre elle-même en main ses propres luttes, constituait une avancée considérable dans le développement de la lutte et de la conscience du prolétariat mondial. C’est dans et par la lutte, sur son propre terrain, que la classe ouvrière, au coeur des pays "démocratiques" les plus industrialisés, était en train de forger son unité et son autonomie de classe (cf. notre article "Bilan des années 80" dans RI n°186). Cette vague de luttes, la troisième et la plus importante depuis la reprise historique des combats de classe à la fin des années 60, constituait ainsi un jalon important dans la marche de la classe ouvrière mondiale vers sa propre perspective : non seulement, les combats ouvriers des années 80 avaient continué d’empêcher la bourgeoisie d’apporter sa propre réponse à la crise insoluble de l’économie capitaliste, une troisième guerre mondiale, mais ils portaient en germes, dans leur dynamique-même, la prise de conscience (certes encore confuse) de la faillite de ce système et l’affirmation de la propre réponse du prolétariat à cette faillite, la destruction du capitalisme et son remplacement par une véritable société communiste mondiale.
Aujourd’hui, l’effondrement brutal des régimes staliniens, présentés comme des "pays socialistes" depuis des décennies par tous les secteurs de la bourgeoisie, constitue une aubaine pour la classe dominante des pays "démocratiques" d’Occident. Face à son ennemi mortel, la bourgeoisie vient de trouver grâce à cet événement historique d’une importance considérable, une arme redoutable pour porter un coup d’arrêt à la dynamique dans laquelle s’était engagé le prolétariat mondial depuis l’automne 83. En continuant à perpétuer le plus grand mensonge de l’Histoire, l’identification du stalinisme au communisme, la bourgeoisie est parvenue aujourd’hui à stopper momentanément la marche du prolétariat vers sa propre perspective. En exploitant à fond l’effondrement des pays de l’Est, la campagne assourdissante à laquelle nous avons droit depuis plusieurs mois sur le thème de la "faillite du communisme", est parvenue à ses fins : utiliser les convulsions qui secouent les régimes staliniens pour faire de l’idée-même du communisme un repoussoir et briser l’élan du prolétariat en lui infligeant un recul de sa conscience de classe.
Depuis l’écrasement de la première vague révolutionnaire de 1917-23, le stalinisme a constitué un des pires ennemis du prolétariat, un des fers de lance de la contre-révolution la plus sanguinaire de toute l’Histoire. Tout au long du développement des combats de classe, depuis la sortie du prolétariat de cette contre-révolution à la fin des années 60, celui-ci, grâce à ses expériences de lutte, s’était progressivement dégagé de l’emprise du stalinisme. En particulier, le surgissement de luttes massives en Pologne, en 70, 76 et surtout en août 80, avait participé à dévoiler ouvertement aux yeux des ouvriers d’Occident le mensonge du "paradis socialiste" à l’Est. Historiquement, la classe ouvrière ne pouvait parvenir à la restauration de sa propre perspective révolutionnaire qu’en passant sur le cadavre du stalinisme, cette falsification monstrueuse du communisme. Or, les conditions dans lesquelles s’effondre aujourd’hui ce régime de terreur et cette variante de l’idéologie bourgeoise, loin de constituer un levier pour le développement de la lutte et de la conscience de classe, participe au contraire à son affaiblissement. En effet, dans la mesure où l’effondrement du bloc de l’Est et l’agonie du stalinisme ne résultent pas de l’action du prolétariat sur son propre terrain, mais de la faillite totale de l’économie de ces pays sous les coups de l’aggravation de la crise mondiale du capitalisme, un tel événement ne peut aujourd’hui que servir les intérêts de la bourgeoisie. Le fait que dans toutes les convulsions qui continuent à ébranler les pays de l’Est, la classe ouvrière ait été douloureusement absente, que le stalinisme soit en train de mourir de "mort naturelle”, terrassé par les convulsions internes du capitalisme, permet aujourd’hui à la bourgeoisie de retourner cette situation pour mener une attaque de grande envergure contre le développement de la conscience de classe du prolétariat mondial.
Dans les pays de l’Est, l’effondrement brutal des régimes staliniens, résultant de la décomposition du capitalisme, ne pouvait que venir renforcer les pires illusions démocratiques et nationalistes du prolétariat et faciliter son dévoiement sur un terrain bourgeois. C’est ainsi que partout, la classe ouvrière s’est trouvée noyée, diluée au milieu de manifestations interclassistes, embrigadée derrière une clique bourgeoise contre une autre, incapable de s’affirmer comme force autonome avec ses propres mots d’ordre. Les grèves ouvrières elles-mêmes sont restées, pour la plupart, prisonnières de revendications exclusivement bourgeoises, démocratiques et nationalistes (comme en Arménie, Azerbaïdjan, dans les pays baltes...). Par ailleurs, le fait que le prolétariat des pays de l’Est, à aucun moment et dans aucun pays, n’ait été un facteur actif, et encore moins conscient, dans l’effondrement de ces régimes, ne peut que provoquer un profond désarroi dans les rangs du prolétariat mondial et favoriser l’impact des campagnes démocratiques qui se déchaînent à l’heure actuelle dans les pays occidentaux, lesquelles s’efforcent de faire accepter le capitalisme "libéral" comme un "moindre mal", un système qu’il est possible de "réformer", d’aménager grâce aux institutions démocratiques.
Le fait que ce ne soit pas la lutte de classe qui ait abattu le stalinisme constitue donc un facteur non négligeable du déboussolement actuel du prolétariat mondial. Si tel avait été le cas, cela aurait participé à renforcer la confiance en soi de la classe ouvrière et non à l’affaiblir comme on peut déjà le constater aujourd’hui avec le retour en force des syndicats dans tous les pays d’Europe occidentale.
Ainsi, dans un pays comme la France, où l’usure des syndicats a été particulièrement significative ces dernières années, où, il y a a peine plus d’un an, ils se faisaient huer dans la plupart des conflits sociaux (notamment lors de la grève des hôpitaux à l’automne 88), c’est sans difficulté aucune qu’ils contrôlent aujourd’hui toutes les luttes comme en témoignent les grèves récentes à la BNP, dans les transports, dans l’aérospatiale, les chantiers navals, les PTT, etc. La tendance croissante des ouvriers à prendre eux-mêmes leurs luttes en mains pour les élargir, la volonté de les développer en dehors des syndicats, voire contre eux, ont cédé la place à une acceptation passive de ces derniers sur le terrain des luttes.
Un tel contraste dans l’attitude de la classe ouvrière d’un pays comme la France face aux forces d’encadrement bourgeoises est particulièrement révélateur de la perte de confiance en soi du prolétariat qui trouve ses sources dans un déboussolement général provoqué par les conditions dans lesquelles s’est effondré le stalinisme.
Ainsi, ces nouvelles données de la situation internationale viennent aujourd’hui porter un coup d’arrêt à la dynamique dans laquelle s’était engagée la classe ouvrière mondiale notamment depuis le milieu des années 80. Le recul actuel du prolétariat, dans la mesure où il affecte ce qui constitue sa force essentielle face à la bourgeoisie, sa conscience de classe, celle de son être et de son devenir, s’avère d’ores et déjà beaucoup plus profond et douloureux que les différents moments de désorientation qu’il a pu connaître ces vingt dernières années.
Ce recul de la conscience du prolétariat mondial, et notamment de ses bataillons les plus expérimentés d’Europe occidentale, n’est pas le produit du seul déchaînement des campagnes démocratiques de la bourgeoisie. L’impact de ces campagnes se trouve encore renforcé par les énormes illusions qui pèsent sur les ouvriers des pays de l’Est et qui viennent aujourd’hui obscurcir la conscience du prolétariat des pays d’Europe occidentale. Ainsi, l’euphorie qui régnait ces derniers mois dans certains pays de l’Est et qui a touché l’ensemble de la population, y compris les masses ouvrières, ne peut avoir qu’un impact négatif à l’Ouest. En particulier, lors de l’ouverture du mur de Berlin, symbole par excellence de la terreur stalinienne qui a muselé pendant des décennies le prolétariat de ce pays, le sentiment d’euphorie éprouvé par la population était comparable à l’ambiance qui régnait dans les pays "alliés" à la "libération". Or, ce type de sentiment, même s’il intervient dans un contexte différent de celui de l’après-guerre, n’en est pas moins dangereux pour la conscience du prolétariat. Il constitue, en effet, un terrain fertile pour le renforcement des illusions non seulement démocratiques mais également nationalistes qui ne peuvent que se répercuter d’autant plus fort sur la classe ouvrière des pays occidentaux qu’elles affectent un des bataillons centraux du prolétariat mondial, celui d’Allemagne, lequel est destiné à jouer un rôle décisif dans la perspective de la révolution prolétarienne. Si les illusions nationalistes pèsent déjà très lourdement sur les ouvriers de ce pays avec la perspective de la réunification de l’Allemagne, elles ne vont pas épargner la classe ouvrière des autres pays occidentaux. Ces mystifications nationalistes ne se traduiront pas forcément par un retour en force de l’idéologie nationaliste dans les rangs ouvriers, mais plutôt par une altération, dans la conscience du prolétariat, de l’idée-même de l’internationalisme prolétarien dans la mesure où cette notion a été complètement dénaturée par le stalinisme et par toutes les fractions de la bourgeoisie qui, pendant des décennies, l’ont identifié à la domination impérialiste de l’URSS sur son bloc. Ainsi, le rejet par le prolétariat des pays de l’Est de "l’internationalisme" à la sauce stalinienne ne pourra que peser négativement sur la conscience des ouvriers d’Occident. Il ne peut, là aussi, que favoriser l’impact des campagnes démocratiques et "humanitaires” où la bourgeoisie s’acharnera à dévoyer le prolétariat de sa véritable solidarité de classe en lui opposant une fausse solidarité "internationale" du même type que la campagne qu’elle a déchaînée lors des événements sanglants de Roumanie en décembre 89 (cf. RI n° 187).
Ainsi, avec l’effondrement du bloc de l’Est, c’est la perspective-même de la révolution communiste qui est affectée. Du fait que c’est sur le terrain du capitalisme que le stalinisme est en train d’agoniser, la bourgeoisie a aujourd’hui toute latitude pour continuer à exploiter avec un certain succès l’ignoble mensonge qui, dans les années 30, avait permis, au nom de la "défense de la patrie socialiste", l’embrigadement du prolétariat derrière les bannières du capital : l’identification du stalinisme au communisme. A l’heure actuelle, alors que le stalinisme signe ouvertement sa faillite, c’est ce même mensonge qu’elle parvient encore à perpétuer pour détourner la classe ouvrière de sa propre perspective en déversant sa répugnante rengaine : "le communisme est mort, il a fait faillite". Et pour ce faire, la bourgeoisie occidentale n’a pas besoin de grands discours : il lui suffit de retransmettre en direct les images venues de l’Est pour faire passer son message. Lorsqu’on nous montre, sur toutes les chaînes de TV, les ouvriers de Roumanie ou de Pologne déboulonnant, la rage au ventre, les statues de Lénine, lorsque dans toutes les interviews de la population à l’Est, on entend des travailleurs exprimer violemment leur haine du "communisme" en hurlant "Plus jamais ça !”, on imagine à quel point l’idée-même d’une révolution du prolétariat peut être discréditée aux yeux des ouvriers d’Occident.
Ainsi, l’ensemble des événements qui secouent les pays de l’Est et qui se répercutent sur le monde entier, vont peser pendant toute une période de façon négative sur la prise de conscience de la classe ouvrière. Dans un premier temps, l’ouverture du "rideau-de-fer" qui séparait en deux le prolétariat mondial ne permettra pas aux ouvriers d’Occident de faire bénéficier leurs frères de classe des pays de l’Est de leur expérience acquise dans leurs luttes face aux pièges et mystifications de la bourgeoisie la plus forte du monde. Au contraire, ce sont les ouvriers des pays occidentaux qui se trouvent aujourd’hui, et pour un certain temps, affaiblis par le "vent d’Ést", par toutes les illusions qui pèsent lourdement sur leurs frères de classe des pays de l’Est, et notamment par leur croyance en la "supériorité du capitalisme sur le | socialisme" (comme le révèlent, par exemple, les résultats des récentes élections en RDA et en Hongrie où les partis ouvertement pro-capitalistes viennent de remporter une victoire triomphante).
C’est dans ce contexte de recul d’une perspective révolutionnaire et de renforcement de l’illusion sur la pérennité du capitalisme que la bourgeoisie peut aujourd’hui inoculer dans les rangs ouvriers le poison de l’idéologie réformiste. Cette idéologie vise à faire croire que les luttes ouvrières ne peuvent avoir d’autre perspective que de se cantonner dans ’aménagement du système capitaliste, de se conformer à ses lois économiques. Une telle mystification ne peut ainsi que favoriser le retour en force du syndicalisme qui est justement basé sur cette logique de soumission aux lois du capital, où les antagonismes inconciliables entre classe exploiteuse et classe exploitée cèdent le pas à la "négociation", au "dialogue social", a la revendication du "partage des profits capitalistes", etc...
Cependant, la crédibilité de cette idéologie réformiste dont les syndicats se font les principaux porte-paroles, s’appuie avant tout sur la capacité du capitalisme à surmonter ses contradictions et à épargner au prolétariat une dégradation brutale de ses conditions de vie.
Or, la crise de l’économie mondiale est insoluble et ne pourra aller qu’en s’aggravant. Après l’effondrement du tiers-monde à la fin des années 70, après la faillite irrémédiable des pays de l’Est, ce sont maintenant les pays les plus industrialisés du monde occidental qui vont être frappes de plein fouet par les convulsions de ce système à l’agonie. La récession qui, depuis le début de l’année, s’installe dans certains pays hautement industrialisés, tels les USA et la Grande-Bretagne, constitue d’ores et déjà les signes avant-coureurs de cet effondrement général de l’économie mondiale. Ainsi, la mise à nu de la faillite complète, non d’un secteur particulier du capitalisme, mais de l’ensemble de ce mode de production, ne pourra que battre en brèche les campagnes actuelles de la bourgeoisie en venant balayer les dernières illusions du prolétariat sur la possibilité de s’aménager une petite place au sein de cette société. Tous les discours actuels sur la "supériorité du capitalisme", seul système "viable", apparaîtront alors ouvertement aux yeux des masses ouvrières, pour ce qu’ils sont : un pur mensonge.
L’aggravation inexorable de la crise capitaliste à l’Ouest, en venant éclairer la conscience du prolétariat de l’impasse totale du capitalisme, constitue la condition essentielle qui va le contraindre à reprendre sa marche vers l’affirmation de sa propre réponse à la faillite de ce système : la révolution communiste mondiale. Mais pour pouvoir retrouver un nouvel élan, le prolétariat devra d’abord digérer le coup qu’il a reçu avec le renforcement de toutes les illusions engendrées par l’effondrement du stalinisme. Il devra continuer à riposter aux attaques toujours plus féroces de toutes ses conditions d’existence. Ce n’est qu’en continuant à développer massivement sa combativité sur son propre terrain de classe que le prolétariat occidental, pourra, grâce à ses nouvelles expériences de luttes, puiser la force de repartir de l’avant afin d’ouvrir, pour l’ensemble du prolétariat mondial, une réelle perspective révolutionnaire.
En effet, si, avec l’aggravation de la crise économique, la misère insoutenable et les famines provoqueront inévitablement des explosions ouvrières à l’Est, le chaos et la barbarie qui vont continuer à s’y développer ne pourront pas permettre aux ouvriers de ces pays d'accéder à une conscience claire de la nécessité de détruire le capitalisme tant que le prolétariat le plus expérimenté du monde, celui des grandes concentrations industrielles d’Europe occidentale, ne se sera pas lui-même engagé dans cette voie.
Lorsque, sous l’aiguillon de la crise et des attaques encore plus brutales de toutes leurs conditions de vie, les bataillons décisifs du prolétariat mondial reprendront l’initiative, lorsque leurs combats contre le capitalisme "libéral" et "démocratique” feront souffler sur la classe ouvrière des pays "libérés du stalinisme", un "vent d’Ouest", celui-ci ne pourra plus alors être arrêté par le rideau de fer qui, pendant des décennies, avait séparé en deux le prolétariat international.
Avril
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Dernièrement, une de nos lectrices a fait un voyage à Moscou. Elle nous a envoyé ses impressions.
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"Dans presque toutes mes discussions avec des gens différents en Russie, ces gens m’ont exprimé leur peur d’explosions violentes, non seulement dans les républiques périphériques comme celles du sud (Azerbaïdjan) ou de la Baltique. Quoique le groupe anti-sémite Pamiat ait une influence croissante à Moscou, les tensions nationalistes n’ont pas réellement frappé dans cette ville. De toutes façons, la question la plus brûlante à Moscou même est la situation incroyable de l’approvisionnement, qui, à ce que l’on m’a dit, est pourtant meilleur que dans la plupart des autres parties du pays. Avec des boutiques vides ou ne contenant que quelques marchandises à vendre (les média ont fait des reportages souvent là-dessus), avec des queues incroyablement longues partout, avec des masses de gens qui envahissent la ville tous les jours (Moscou a une population de 9 millions de personnes, 2 millions de plus y viennent tous les jours des autres parties de l’Union, errant dans les rues, à la recherche de nourriture), avec des prix montant en flèche, la patience de la population touche à sa fin. Pour quelqu’un de l’Ouest, il est vraiment difficile d’imaginer que les gens doivent passer à peu près tous les jours de leur vie à faire la queue pour quelque chose... avec la peur que celui qui est devant vous dans la queue prenne le dernier produit.
Apres 5 ans de perestroïka, la situation de l’approvisionnement est devenue la pire que l’on ait connue depuis la deuxième guerre mondiale, et la plupart des gens avec qui j’ai parlé traitent Gorbatchev de démagogue. En fait les moscovites sont surpris d’entendre que sa réputation est si bonne à l’Ouest, parce qu’en Union soviétique la plupart des gens n’ont que du mépris pour lui -du fait qu’il est considéré comme un dirigeant représentatif de l’appareil du parti qui a tout fait, sauf améliorer la situation des ouvriers.
Quand j’ai demandé aux gens s’ils s’attendaient à une amélioration de leur sort, ils m’ont tous répondu qu’ils s’attendaient à ce que cela empire. En conséquence, une colère et une haine incroyables sont en train de voir le jour contre l’appareil du parti. Découragement, désespoir et un manque total de perspective sont les caractéristiques dominantes. Il n’est pas surprenant que l’une des réactions soit l’alcoolisme (déjà, au début des années 80, les ventes d’alcool représentaient un sixième de toutes les ventes de détail, "The Economist" 18/11/89) et l’augmentation de 40% des crimes et de l’hooliganisme. Alors qu’aux USA il y a environ 23.000 assassinats chaque année, le nombre des assassinats en Union soviétique a atteint les 18.000 avec un accroissement plus important que partout ailleurs dans le monde.
Alors que beaucoup de gens s’attendent à ce que le développement de l’Union Soviétique selon les vœux de Gorbatchev n’aboutisse à l’horreur, nombre d’entre eux placent leurs espoirs dans l’introduction de l’économie de marché. Ils croient que si ces mécanismes deviennent effectifs, la situation de l’approvisionnement et celle désespérante du logement pourraient s’améliorer, et qu’en fin de compte ils obtiendraient "un salaire mirifique pour une journée de travail".
Depuis l’époque stalinienne, depuis la fin des années 1920, les mécanismes de l’économie de marché ont été supprimés ou distordus. Les prix n’ont jamais été établis d’après le mécanisme de l’offre et la demande ; les objectifs de production ont toujours été déterminés par quelques apparatchiks du parti, etc... Aussi les gens en Union Soviétique n’ont pas la moindre idée de la réalité de ces mécanismes de marchés tant vantés, tels que nous les connaissons à l’Ouest. Aveuglés par les manques quasi permanents de marchandises dans les magasins, ils se sentent enthousiasmés et impressionnés par les images des TV de l’Ouest ou quand ils entendent parler des monceaux de marchandises disponibles dans les magasins -là où il y a une gigantesque surproduction.
Ainsi quand je les questionnais sur l'"autre côté" de la médaille de l’économie de l’Ouest, à savoir la loi de la jungle de la concurrence, le danger permanent du chômage, la question du logement, la possibilité pour les patrons de licencier leurs employés, la notoire concurrence des ouvriers entre eux, la faim, la misère, etc..., ils s’efforçaient tous de mettre cela de côte et de l’ignorer.
Quand je leur parlais des millions de chômeurs dans les grands pays industriels, certains répondaient même : "si on veut un boulot, on en trouve un, ce n’est que de la paresse". En résumé, les décennies de chômage masqué en Union Soviétique, où pullulent des millions de parasites de toutes sortes, tels les surveillants, les bureaucrates incompétents du parti, les fonctionnaires en tous genres, les agents du KGB, le désœuvrement dans la production, causé par les retards dans l’approvisionnement, l’anarchie et le chaos généralisés, dans le système de production et de distribution, tout cela a conduit de nombreux ouvriers d’URSS à penser que le chômage masqué à l’Est a les mêmes racines qu’à l’Ouest. Les choses iraient très bien si l’on donnait un "bon coup de balai" pour se débarrasser de tous les parasites.
Je leur ai demandé s’ils pouvaient s’imaginer devant l’étalage le plus astucieusement décoré, ou voir tous ces produits dans les magasins, mais n’ayant pas d’argent ou trop peu à cause des bas salaires, ou du chômage... La plupart d’entre eux ne pouvaient simplement pas imaginer cela. Autre réponse : si l’on travaille assez dur dans son boulot, on peut avoir un meilleur salaire et acheter des tas de choses.
Pour quelqu’un de l’Ouest, c’est dur d’entendre des ouvriers de l’Est exprimer les plus grands espoirs dans la mise en place des mécanismes du marché. Aucun porte-parole capitaliste à l’Ouest ne pourrait répandre une meilleure propagande à propos de ces prétendues vertus de l’économie capitaliste.
Déjà, quand je parlais avec mes compagnons de voyage, ils me disaient avoir eu les mêmes discussions. Leurs conclusions étaient que les gens qu’ils avaient rencontrés étaient très naïfs à propos de la réalité de l’Ouest. Ils ont été surpris que certains, des politiciens les plus populaires en URSS sont ceux qui sont les propagandistes les plus ouverts des "réformes capitalistes" (Jelzin, etc..).
Mon compagnon de voyage me disait que tous ceux qui avaient ces espoirs sur les vertus de l’économie de l’Ouest seront probablement les plus déçus.
Après ces quelques discussions avec des gens de Moscou, je me suis rendue compte de mes propres yeux qu’il serait faux de s’attendre à trop de clarté politique de la part des ouvriers d’Union Soviétique. Le règne du stalinisme pèse encore très lourdement comme un cauchemar et les illusions sur l’économie de l’Ouest brouillent encore tout, et cela rendra difficile aux ouvriers d’ici de jouer un rôle clef dans les luttes de classe internationales. L’arriération de l’économie russe fait malheureusement obstacle au dépassement de l’arriération politique des ouvriers en lien avec la classe ouvrière des pays les plus industrialisés de l’Ouest. Et je conclus en disant que cela confère au prolétariat de l’Ouest une responsabilité encore plus grande."
A.
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Voilà que notre bourgeoisie se prétend "profondément émue, choquée, bouleversée et soulevée d’indignation” après la sinistre et atroce profanation des tombes juives à Carpentras ! La voilà qui s’agite et se mobilise tout à coup "contre la montée de l’antisémitisme et du racisme", voire le danger du fascisme !
On tombe d’accord : Le Pen et le Front national sont responsables de Carpentras, "au moins moralement" ; hop, en quarantaine... pour quelque temps. Et puis on se retrouve ensemble, "entre démocrates", pour discuter "démocratiquement" du "grave problème de l’immigration" (censé ici être directement lié au racisme) au Parlement, ensuite autour "d’une table ronde". On va même jusqu’à descendre, toujours ensemble, sur le pavé parisien pour marteler : "Carpentras, plus jamais ça !". "Le sursaut”, titrait "Libération" le 15 mai ; le terrain ”d’un vaste consensus national" a été trouvé pour la première fois depuis plus de quarante ans, s’extasient tous les médias. Extraordinaire, non ?
Gigantesque entreprise de mystification, oui !
C’est avec le plus total cynisme, avec l’hypocrisie la plus consommée, que toutes ces crapules ont déversé leurs larmes de crocodile sur les tombes de Carpentras et qu’ils se lamentent sur le climat d’antisémitisme et de racisme.
L’antisémitisme ? La bourgeoisie s’en moque bien et s’en est toujours éperdument moqué comme d’une guigne. Elle a eu l’occasion d’en fournir la preuve irréfutable au milieu même de la dernière guerre inter-impérialiste mondiale face à 1’"Allemagne nazie" quand, en avril 1944, c’est un ministre d’Etat britannique délégué par le haut commandement des Forces alliées qui a rejeté catégoriquement la proposition du responsable SS des questions juives, Eichmann : négocier l’échange d’un million de juifs contre 10 000 camions, comme étant "sans aucun intérêt". Il a même froidement décliné l’offre de sauver ne serait-ce que 100 000 juifs ou même moins en répliquant à l’intermédiaire (juif !) : "Où les mettrait-on ? Personne ne voudra les recevoir...”.
L’Etat allemand a certes été le bourreau de six millions de Juifs, mais tous les Etats bourgeois portent la coresponsabilité de leur mort, alors qu’ils viennent aujourd’hui encore feindre de clamer leur horreur insondable devant l’holocauste des nazis.
D’ailleurs, cette complicité dans les massacres perpétrés dans les conditions les plus atroces va de pair avec la barbarie que nos "grands démocrates" humanistes ont toujours su eux-mêmes employer quand ils arrosaient de bombes à phosphore Dresde et Hambourg, faisant à la fin de la guerre, en une seule nuit, des centaines de milliers de victimes, ou quand ils exterminaient, en quelques secondes à peine, d’autres centaines de milliers de vies humaines par l’explosion de leur bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki. Des bombardements de Sétif aux nuages de napalm au Vietnam, en passant par toutes les armes classiques ou sophistiquées vendues par les grandes puissances impérialistes aux belligérants locaux depuis plus de quarante ans, il serait impossible de dresser un bilan exhaustif des massacres terrifiants commis par les démocraties bourgeoises sur de réputées "innocentes victimes", sur les seules populations civiles.
Le racisme ? La bourgeoisie n’en a pas davantage cure ! Quelle écœurante duplicité elle déploie. Tandis que le PS cherche à apparaître comme le fer de lance de la croisade antiraciste de la bourgeoisie, le gouvernement qui porte la même étiquette "socialiste" ne cesse de mener depuis 1982 au nom "du contrôle nécessaire des flux migratoires" une vulgaire politique anti-immigrés, qui n’est en fait qu’un aspect particulier de sa politique générale anti-ouvrière : traque et expulsions des "travailleurs clandestins" à tour de bras, licenciements prioritaires des "étrangers" dans l’industrie, etc...
Il faut rappeler qu’en 1982 et 1983, c’est le "socialiste" Mauroy, alors Premier ministre, qui, lors des grèves à Talbot- Poissy et à Citroën-Aulnay, accusait les grévistes d’être manipulés par une poignée d’intégristes religieux.
Plus récemment, le gouvernement PS montait en épingle et exploitait l’"affaire des foulards islamiques", qui tendait à faire apparaître, dans une partie non négligeable de l'opinion publique", derrière chaque immigré un fanatique potentiel, en évoquant les "problèmes d’intégration", à amalgamer abjectement immigration et délinquance en désignant les cités ouvrières.
Les ouvriers ne doivent pas oublier non plus que le PCF, ardent défenseur de la cause anti-apartheid en Afrique du Sud, ne dédaigne pas et même n’a jamais manqué de s’illustrer ici par le chauvinisme et le racisme les plus virulent que ce soit en envoyant en 1978 un bulldozer contre un foyer de travailleurs immigrés à Vitry, les jetant ainsi à la rue, ou, comme récemment, en tenant une campagne électorale sur un terrain ouvertement et strictement xénophobe à Clichy-sous-Bois (voir "RI" n° 189, avril 1990).
Pendant des années, la gauche et la droite ont cherché à utiliser Le Pen dans leurs calculs, leurs combines et leurs manœuvres politicardes tantôt comme repoussoir, tantôt dans des stratégies d’alliance. En fait, c’est l’ensemble de la bourgeoisie qui utilise indifféremment selon les circonstances le visage idéologique du racisme ou celui de l’antiracisme parce que ces idéologies, l’une comme l’autre, remplissent la même fonction : elles correspondent à une même entreprise de division de la classe ouvrière. L’une comme l’autre reviennent à isoler le travailleur immigré du français, les enfermant chacun tout autant derrière des problèmes "spécifiques", particuliers, en tant que membre d’une race différente et non d’une même classe. Le débat sur l’immigration, qui cherche à faire établir une distinction fondamentale entre travailleurs "clandestins" et "légaux", entre "mauvais" et "bons" immigrés, comme la fausse opposition entre racisme et antiracisme n’ont pas d’autre rôle que celui de servir d’alibi, de feuille de vigne aux manœuvres de division de la bourgeoisie. Et ce sont toutes les fractions de cette classe, sans exception, qui les exploitent.
Les racines de l’antisémitisme comme du racisme en général résident dans le fonctionnement concurrentiel exacerbé de l’économie capitaliste et des antagonismes sociaux qu’engendre cette concurrence.
Les ouvriers peuvent bien avoir des préjugés racistes, qui leur sont transmis par la classe dominante, ils sont la seule classe de la société capitaliste dont les membres n’ont pas des intérêts matériels différents et concurrentiels, mais au contraire communs, c’est pourquoi eux seuls peuvent et doivent s’unir dans une même lutte.
Les hauts cris que pousse la bourgeoisie aujourd’hui sont voués à alimenter une gigantesque campagne d’intoxication idéologique principalement dirigée contre la classe ouvrière.
Cette campagne sert d’abord à créer et dresser un écran de fumée destiné à occulter aux yeux du prolétariat ses véritables problèmes : la profondeur de la crise économique du capitalisme, les conditions de misère dans lesquelles les ouvriers sont de plus en plus réduits. Ainsi apparaît la braillarde campagne "antiraciste" du PS, épaulé par ses suppôts les plus dévoués sur ce terrain comme SOS-Racisme, le MRAP, la LICRA ou la Ligue des droits de l’homme, campagne qui s’appuie non seulement sur l’"effet Carpentras" mais encore sur les affiches racoleuses : "Le racisme sera-t-il le Mur des Français ?".
Cela lui sert précisément de paravent au moment où le gouvernement social-démocrate assène de nouveaux coups à l’ensemble de la classe ouvrière sur le terrain économique.
Accessoirement, cette campagne tente de redresser le discrédit général de la classe politique -et du gouvernement lui-même au premier chef- en faisant passer sous la table, la fameuse (et impopulaire) mesure d’amnistie générale réservée aux seuls politiciens compromis dans de nombreux et divers tripatouillages financiers, magouilles immobilières ou détournements de fonds publics...
En fait, bien au-delà, ce ramdam permet à cette campagne particulière de s’inscrire dans le même cadre et de rejoindre une campagne idéologique de dimension internationale, assurément la plus importante et la plus sérieuse qu’ait pu susciter la bourgeoisie ces dernières années : la défense de la démocratie, cette idéologie renaissante dans les années 70 avec le thème de la "défense des droits de l’homme", vient de connaître un énorme regain de crédit depuis six mois avec l’effondrement spectaculaire du bloc de l’Est et l’éclatement des régimes staliniens. Ces événements ont conforté largement jusque dans les rangs de la classe ouvrière à l’ouest comme à l’est, l’idée de victoire de la démocratie sur le communisme. Aujourd’hui, alors que les vapeurs de l’ivresse démocratique commencent à s’estomper à l’est, le nouveau thème de la "démocratie contre le danger fasciste" vient relancer et accentuer le battage pour la défense des valeurs démocratiques contre toutes les idéologies totalitaires.
Cette campagne permet également à la bourgeoisie de distiller plus fortement son poison nationaliste en posant d’emblée les problèmes toutes classes confondues, sur le plan de la nationalité ou de la race, poussant notamment les ouvriers à réagir non plus sur le terrain de classe mais en tant que Français, Arabes ou Juifs, par exemple.
La bourgeoisie a fait d’ores et déjà valoir sa capacité à réaliser une "union sacrée" après Carpentras, de Chirac à la LCR, et tous les médias n’ont pas manqué de mettre en avant ces forts remugles d’"union nationale" avec des manchettes enthousiastes : "L’union nationale dans la rue" ("Libération"), "La France unie !", ("L’Humanité"), "Anti-sémitisme : le non de la France" ("Le Nouvel Observateur") ou encore ; "Contre le racisme, l’anti-sémitisme, la haine de l’autre... la France F ("L’Evénement du jeudi").
Toute cette campagne est en réalité une gigantesque offensive idéologique dirigée contre la classe ouvrière. Ce que cherche la bourgeoisie, c’est d’abord à pousser encore plus loin dans son déboussolement une classe ouvrière, déjà profondément désorientée depuis six mois par tout le battage mensonger autour du triomphe du capitalisme sur le communisme, odieusement assimilé au stalinisme.
Elle tente de piéger ensuite les ouvriers pour les détourner de leur terrain de classe, de leurs préoccupations essentielles et surtout de leur unité de classe. Elle cherche ainsi à atomiser au maximum les ouvriers en les poussant à réagir et à s’exprimer en tant que simples citoyens et même en tant qu’individus coupés de toute collectivité et de la vie sociale, en les persuadant qu’ils sont réduits à l’impuissance et à la peur face au monde et aux autres.
Elle entreprend de tout faire enfin pour amener les ouvriers sur son terrain à elle : la défense de la démocratie et de la nation, n’ayant de cesse de les enchaîner, de les mobiliser derrière son Etat.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Il suffit de lire la diatribe frémissante d’un J.F. Kahn dans son éditorial de "L’Evénement du jeudi" du 17 mai pour voir où cela mènerait ! "Le 14 mai, un de Gaulle collectif répond à Pétain, la France à l’anti-France. Pour la première fois depuis dix ans, tous les fils de la sensibilité humaniste se nouent ensemble, dans un même écheveau de colère, de refus, les composantes démocratiques, libérales, chrétiennes, socialistes du pays réel... La France est là... parce que ses valeurs aussi sont là. Survies d’une épopée dont les trois affluents, le blanc d’Henri IV, le bleu de Danton, le rouge de Jaurès, se sont fondus en ce cri tricolore que surent toujours pousser, aux heures sombres de la revanche noire, les Clemenceau et les Jean Moulin, les Denfert-Rochereau et les Guy Môquet... Cette France-là est la vraie. ”
Ces discours cocardiers, tonitruants, que la bourgeoisie fait de nouveau retentir aux oreilles des ouvriers doivent leur rappeler ce qu’ils portent en eux historiquement. Les prolétaires doivent se souvenir qu’en d’autres circonstances bien plus tragiques et de sinistre mémoire, ces appels faits au nom de la défense de la démocratie et de la nation les ont conduits à s’entre-massacrer dans les deux boucheries impérialistes mondiales.
YD
Dans son éditorial des bulletins d’entreprises du 21 mai, reproduit dans le n° 1145 de son journal, le groupe trotskiste "Lutte Ouvrière" déplore avec amertume le renoncement du PS à son projet de donner le droit de vote aux immigrés et fustige Rocard "qui fait ainsi le jeu de la droite, voire de l’extrême-droite”.
Son argumentation est stupéfiante : écoutons-la quelques instants.
Première étape, LO pose la question : qui sont ces étrangers qui vivent et travaillent en France ? Et elle donne la réponse : "Ce sont trois millions de travailleurs qui travaillent comme les ouvriers français et ils sont à nos côtés dans les grèves". OK ! Voyons la suite : "Aucun d’entre nous ne peut penser qu’ils ne pourraient pas voter sur la grève ou dans les élections des délégués du personnel parce qu’Us sont étrangers F Voilà que LO fait l’amalgame entre la vie de la classe ouvrière et la vie de la bourgeoisie. Que veut-elle nous amener à penser ? Que la bourgeoisie devrait s’organiser comme la classe ouvrière ? Ou plutôt l’inverse ?
En fait, la réponse est simple : c’est bien sur le terrain de la bourgeoisie que veut nous entraîner LO. Les élections de la bourgeoisie sont un terrain devenu depuis longtemps totalement étranger à la classe ouvrière, pour les ouvriers immigrés comme pour l’ensemble de la classe ouvrière. Elle n’a nen à y faire, parce qu’elle ne peut y lutter, obtenir quelque chose de la bourgeoisie, qu’elle ne peut que s’y laisser mystifier par elle. Et nous mystifier, c’est bien ce qu’a entrepris de faire LO qui n’a de cesse de chercher à nous attirer en toute occasion vers les urnes (d’ailleurs, Arlette n’est-elle pas la candidate la plus fidèle des présidentielles ?) pas pour y arracher quoi que ce soit de la bourgeoisie, mais pour y obtenir, dit-elle, une simple "tribune révolutionnaire" pendant les campagnes électorales.
Là encore, LO nous fait glisser de terrain : les seules tribunes du prolétariat où il puisse exprimer sa vie de classe, ce sont les assemblées générales. Mais, passons !
Dans les faits, LO, qui ne dédaigne pas à l’occasion prétendre que "gauche et droite, c’est blanc bonnet et bonnet blanc" et, de temps à autre, demande à sa petite frange d’électeurs "de marquer sa défiance envers la gauche" en ne votant pas au second tour, ramène les ouvriers qui expriment justement cette défiance, dans le giron du "soutien critique" à la gauche.
La preuve? C’est la seconde étape de l’argumentation : "C’est donc trois millions de voix de gauche qui ne se retrouvent pas comptabilisées par la gauche, c’est un cadeau électoral fait à la droite et... Rocard favorise même la droite au détriment de son propre parti. "
Laissons tomber ces dernières élucubrations qui veulent faire croire aux ouvriers qu’ils ont à faire à une gauche complètement stupide et totalement inconsciente de ses faits et gestes, pour ne retenir que l’essentiel : LO souhaite ardemment que la situation "profite" à la gauche même si cette gauche au gouvernement aligne mesures anti-ouvrières sur mesures anti-ouvrières. L’amour inconditionnel de la gauche que LO réclame des ouvriers, LO lui donne un seul sens : "faire pression". Voilà pourquoi LO se lamente sur le fait que "trois millions de travailleurs soient exclus de toute possibilité d’influencer les politiciens". Ainsi, le PS serait un parti politicien (mais défendant quels intérêts ?), mais les ouvriers, par leur "pression" -c’est-à-dire en votant pour lui, si on suit LO, et non pas en luttant contre lui, pourraient infléchir sa "politique politicienne" ! Quelle curieuse conception de la "pression ouvrière" ! Non seulement LO nous dit que pour lutter, le seul moyen efficace, c’est d’aller aux urnes mais encore elle nous assure qu’il faut voter pour le PS ! Et LO de conclure péremptoirement : "Le gouvernement Rocard vient de reculer devant les intérêts des travailleurs." Ainsi, Rocard a bêtement refusé trois millions de voix qui lui étaient offertes. Mais ce n’est pas le plus fort du raisonnement : LO est bien en train de nous raconter que le PS au gouvernement défend les intérêts des travailleurs puisqu’il prétend qu’il a pu reculer en ce domaine (sur la question du vote des immigrés) et que "l’intérêt des travailleurs" c’est avant tout de voter pour ce même PS. A l’en croire, heureusement qu’il s’est trouvé des ouvriers français qui ont bien compris où étaient les véritables intérêts des travailleurs en allant réélire Mitterrand en 1988.
LO nous démontre ici que tout son discours radical sur la gauche, sur les élections et surtout dans les luttes, n’est que au bla-bla. De temps à autre, le vernis radical de LO s’écaille, laissant apparaître la nature bourgeoise la plus grossière de ce groupe et sa fonction réelle qui est de constamment aller chercher les ouvriers sur leur terrain de classe pour les ramener sur celui de la bourgeoisie.
YD
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Dans le n°4 de Battaglia Comunista, avril 90, le CCI est accusé de falsification ; dans une circulaire adressée à "tous les groupes et contacts à l’échelle internationale" ayant pour objet "les mensonges du CCI", nous sommes en outre accusés de calomnie, de provocation et d’un comportement de brigand[1].
Mais qu’avons-nous fait pour mériter une telle fureur ? Eh bien, commençons par les faits avant de traiter d’une question qui est toute politique, même si Battaglia cherche à la poser sur le terrain de la rixe, terrain qui sincèrement nous intéresse peu.
On nous accuse ici d’avoir, dans l’article de notre journal RI n°188, intitulé "Les délires irresponsables de Battaglia Comunista" au sujet de la prise de position de BC sur les événements de Roumanie, présenté ensemble deux parties d’un article qui étaient en fait séparées dans l’article de BC n°l, janvier 90. La citation est : "Les forces motrices de la crise qui a changé la face du soi-disant socialisme réel" résideraient dans une "authentique insurrection populaire qui a entraîné la chute du gouvernement Ceaucescu". Il est vrai que les deux morceaux de l’article sont distants d’une paire de colonnes. Mais en quoi réside la falsification ? Notre article ne critique pas une vision présumée distordue des causes des événements à l’Est, mais la nature sociale de ces événements ; eh bien, quelle est la position de BC sur leur nature : qu’il y a eu une révolution populaire en Roumanie ? Là-dessus, il n’y a pas l’ombre d’un doute. L’article de janvier de BC accrédite complètement la première version que la presse bourgeoise a donnée des événements en Roumanie[2], et même pire : "Il y avait en Roumanie toutes les conditions objectives et presque toutes les conditions subjectives pour que l’insurrection puisse se transformer en véritable révolution sociale" (BC n°1). En d’autres termes (et qu’on ne vienne pas nous dire que ça aussi, c’est une falsification), puisque l’unique révolution sociale possible à notre époque est la révolution prolétarienne, pour BC, il y avait quasiment toutes les conditions d’une révolution prolétarienne, il ne manquait que le parti (ah ! quel oubli de la part de l’histoire !). Telle est la substance de la divergence ; c’est sur cette folle interprétation des événements de Roumanie que nous avons porté notre critique, et BC ferait mieux de clarifier sa position au lieu de s’évertuer inutilement sur une citation mal choisie ; cette citation, nous pouvons simplement la retirer de l’article de RI, la critique qu’il contient et que nous réitérons n’en restera pas moins intacte parce que dans l’article où BC nous accuse d’avoir falsifié ses positions, on ne trouve aucune correction si ce n’est : "une formulation un peu malheureuse la nôtre ? Ça se peut". C’est trop peu, camarades de BC. Ici, il n’est pas question de formulations malheureuses. Cette phrase n’est que trop claire, et c’est toute la meute bourgeoise qui a cherché à faire croire à l’idée d’une révolution populaire. Le devoir des révolutionnaires était, et est, de dénoncer avec clarté la véritable nature sociale de ce qui s’est passé à l’Est ces derniers mois, et cette clarté ne ressort pas du tout de formulations de ce type, c’est en fait le contraire[3].
Dans la circulaire que BC a expédiée à tous les groupes à l’échelle internationale, nous sommes accusés à "une manœuvre précise qui consiste en la calomnie systématique, cherchant à discréditer BC à l’extérieur". Etant donnée la paranoïa d’une telle affirmation, nous pourrions tout aussi bien laisser glisser en nous limitant à dire que nous avons mieux à faire ; mais étant donné que c’est le concept même de débat entre groupes révolutionnaires qui est en jeu, nous préférons clarifier les faits en question. Commençons par laisser parler BC : "Nous nous référons à la note en bas de page dans laquelle l’auteur de l’article cité (de RI n° 188, ndt) ’se réfère’ à notre réunion publique à Milan le 9 février 90, pour soutenir que BC aurait peur d’exposer ses militants à la...lumière de la vérité défendue par le CCI. Regardons les faits (...) Le but de cette conférence était de partir de la désorientation créée par les événements de l’Est (...) Après la présentation devait suivre une discussion dans laquelle T. du CCI est intervenu pour soutenir :
Voilà tout ?!! Et alors. Où est la provocation ? Dans le fait d’avoir fait une intervention "idiote" ? Ou dans celui d’oser annoncer une réunion du CCI ? Il est inutile de demander pourquoi BC ne cherche même pas à démontrer en quoi a consisté la provocation. Au contraire, ingénument il précise que :
De deux choses l’une : ou bien le CCI a toujours eu une attitude "de brigand" et de provocation et on ne comprend pas pourquoi BC n’a pas protesté avant ; ou bien c’est que cette fois, ses nerfs ont lâché parce qu’il s’est senti coincé. Notre calomnie consiste à avoir cherché une explication rationnelle (bien que malheureuse) à une attitude autrement inexplicable[4].
La question de fond est autre. Avec cette attitude, BC démontre qu’il n’a absolument pas compris la nécessité du débat entre groupes révolutionnaires. Il a une attitude de petite secte, jalouse de ses petits moments de gloire et apeurée de s’exposer à l’extérieur de ses murs. Ce n’est pas par hasard que BC a cessé de participer à nos réunions publiques (dans lesquelles il a toujours eu le temps nécessaire pour illustrer ses positions et exposer sa presse), et qu’il ne participe pas non plus à celles des autres groupes. Ce retrait sectaire va de pair avec les incroyables débandades politiques que BC a faites ces derniers temps (en particulier sur la Chine et sur la Roumanie). BC se fait des illusions en croyant qu’en se retirant dans un splendide isolement (en réalité misérable), il pourra mieux cultiver le petit jardin de ses contacts individuels ou de groupes. Ce n’est pas par hasard que, tandis qu’il évite de dédier une série d’articles de débat avec les groupes de vieille et solide tradition marxiste (se limitant en général à des petites pointes ou à la banalisation des autres positions, comme dans l’article cité plus haut du n°4 de cette année), il donne tout un relief à des groupes de solidité politique douteuse ou même tout bonnement à des groupes aux positions révolutionnaires douteuses (nous pensons au lien passé avec le soi-disant PC d’Iran).
Toute autre est notre conception du débat politique. Dans la tradition des Lénine, Luxembourg et de la grande majorité des révolutionnaires qui nous ont précédés, nous pensons que le débat entre révolutionnaires, aussi âpre qu’on veut mais franc et honnête, fait partie intégrante du travail de clarification de la conscience de classe qui constitue le devoir premier des organisations politiques de la classe ouvrière. Nous continuerons sur cette voie même si les autres ne s’y tiennent pas, et sans nous laisser intimider par les avertissements de petits "maffiosi” qui nous sont adressés : "Nous défions le CCI de continuer plus longtemps cette campagne de diffamation basée sur le mensonge et la calomnie afin d’éviter des réactions plus graves" (BC dans la circulaire citée, souligné par nous).
L’histoire s’accélère. A l’horizon se profile une tempête politique et sociale qu’il serait illusoire de croire pouvoir affronter en s’enfermant entre quatre murs. Seules les organisations qui sauront affronter cette tempête en se mettant en première ligne dans la classe et dans la bataille politique qui s’impose, pourront jouer jusqu’au bout leur rôle d’avant-garde politique du prolétariat.
Hélios (Naples, le 25/05/90)
[1] On peut se procurer les textes dont nous parlons dans cet article, à notre adresse ou à celle de B.C. : Casella Postale 1753 - 20101 MILANO.
[2] Ces mêmes journaux bourgeois ont par la suite démenti la thèse de l’insurrection populaire, et expliqué que l’armée avait cessé de tirer sur la foule quand son commandement a décidé que l’occasion de mettre Ceausescu dehors était bonne. L’armée n’a donc pas été conquise par "le peuple", mais elle n’a fait qu’exécuter tout simplement les divers ordres.
[3] Les bouleversements en cours dans les pays de l’Est européen sont d’une importance historique primordiale. La clarté sur leur nature est fondamentale vu la désorientation qu’ils ont provoquée dans la classe ouvrière et la préoccupation qu’ils ont créée chez des camarades plus politisés.
[4] Dans sa paranoïa, et sa tentative de démontrer la thèse de la calomnie préméditée, BC affirme dans la circulaire : "Ce n’est pas par hasard que dans le journal italien du CCI, on ne trouve ni cet article, ni la note. (...) Il savent bien, ces messieurs (sic !) du CCI qu’écrire en Italie ce qu’ils ont écrit en France et ailleurs sur BC équivaudrait à se démasquer comme politiquement malhonnêtes" Ils peuvent au moins contrôler les dates! La réunion publique de BC date du 9 février, donc après la sortie du n°63 du journal italien. RI en a parlé dans le n° de mars tandis qu’en italien, on en a parlé, dans les mêmes termes, dans le n°64, paru début avril, avant de recevoir la circulaire de BC. BC peut penser ce qu’il veut, mais une chose est certaine : le CCI n’a pas une vérité pour l’Italie et une autre pour les autres pays où il intervient. C’est une organisation centralisée à l’échelle internationale qui assume entièrement toutes ses responsabilités, partout dans le monde.
Depuis plusieurs mois, notre journal RI a publié toute une série d’articles de dénonciation de la campagne mensongère de la bourgeoisie visant à faire croire au prolétariat que l’effondrement des régimes staliniens a signé la faillite historique du communisme. Tous ces articles visaient à combattre énergiquement l’idée suivant laquelle il existerait une continuité entre la révolution prolétarienne d’Octobre 1917 en Russie et le stalinisme qui en fut son bourreau le plus sanguinaire.
Ce combat que les révolutionnaires doivent mener à l’heure actuelle pour contrer cette gigantesque offensive idéologique de la bourgeoisie se situe dans la continuité de la lutte implacable qu’ont menée, dès la fin des années 20, les groupes de la Gauche communiste (dont nous nous réclamons) contre la dégénérescence de la 3ème Internationale et contre le stalinisme. C’est cette lutte acharnée de cette génération de révolutionnaires (et notamment du groupe "Internationalisme” dont est issu le CCI) pour le maintien et le développement des positions de classe que le présent article se propose de rappeler.
La défaite de la première vague révolutionnaire mondiale de 1917-23 provoqua l’isolement et l’effondrement de la révolution en Russie. Mais la liquidation de cette dernière eut comme principal agent l’Etat russe lui-même et, absorbé par celui-ci, le parti bolchevik dégénérescent[1].
Le stalinisme, expression de cette réaction capitaliste, fut le bourreau du prolétariat mais le plus perfide de sa trahison fut la falsification complète qu’il fit des principes et des positions ayant permis au prolétariat de faire la révolution. En transformant ces derniers en une idéologie réactionnaire, le "marxisme-léninisme"[2], le stalinisme aida puissamment la contre-révolution à enchaîner le prolétariat mondial derrière des drapeaux qui ne sont pas les siens : défense de la "démocratie", soutien inconditionnel à la Russie "soviétique", lutte pour les nationalisations présentées comme du "socialisme". Un tel embrigadement du prolétariat provoqua d’énormes défaites : accession d’Hitler au pouvoir en 1933, massacre des ouvriers en Autriche en 1934, "Front populaire" en France en 1936 qui instaura l’économie de guerre, massacre du prolétariat en Espagne en 1936-39 avec comme aboutissement la gigantesque boucherie de la seconde guerre mondiale.
Cependant, de même que les ouvriers résistèrent héroïquement à l’écrasement de leurs tentatives révolutionnaires, la dégénérescence de l’internationale Communiste ne resta pas sans réponse : contre celle-ci, se dressèrent les fractions de la Gauche communiste qui défendirent énergiquement les principes abandonnés par l’IC et, en même temps, les développèrent pour répondre, d’une part, aux problèmes que posait l’évolution historique (crise mortelle et décadence du capitalisme, lutte pour la révolution prolétarienne) et, d’autre part, aux questions auxquelles l’IC n’avait pas apporté de réponse claire (les questions syndicale, parlementaire, Nationale...).
Ainsi, la Gauche communiste surgit comme une réponse de classe au stalinisme. Les organisations politiques du prolétariat courent toujours le danger de dégénérer et de tomber dans le camp capitaliste (c’est ce qui arriva d’abord aux partis socialistes, puis aux partis communistes) mais, en leur sein, se développe toujours un courant de gauche qui maintient en vie les principes de classe, les élève à un niveau supérieur et mène fermement le combat pour la continuité et l’avancée des intérêts historiques du prolétariat.
"Ce fut elle (la Gauche) qui assura la continuité entre la 1ère et la 2ème Internationale à travers le courant marxiste, en opposition aux courants proudhonien, bakouniniste, blanquiste, et autres corporativistes. Entre la 2ème et la 3ème Internationale, c’est encore la gauche, celle qui mena le combat tout d’abord contre les tendances réformistes, ensuite contre les "social-patriotes", qui assura la continuité pendant la 1ère guerre mondiale en formant l’internationale communiste. De la 3ème Internationale, c’est encore la gauche, la 'gauche communiste’, et en particulier les gauches italienne et allemande, qui ont repris et développé les acquis révolutionnaires foulés au pied par la contre-révolution social-démocrate et stalinienne". (Revue Internationale n°50, "La continuité des organisations politiques du prolétariat".
La position de la Gauche communiste est radicalement différente de celle de l’"Opposition de Gauche” (trotskiste) qui combattit le stalinisme sans aucune position de principe et considérant comme valides les positions adoptées par l’IC stalinisée, ce qui ne fit que favoriser plus encore sa dégénérescence (Front Unique avec la social-démocratie, participation aux syndicats et aux parlements, défense des luttes de "libération nationale" et surtout, défense de la nature "socialiste" de l’URSS).
Les groupes de la Gauche communiste surgirent dès 1920 dans différents pays (Russie, Allemagne, Italie, Hollande, Grande-Bretagne, Belgique...). Ils n’atteignirent pas tous le même niveau de clarté et de cohérence et la majorité d’entre eux ne put résister à la terrible contre-révolution capitaliste. Ils disparurent victimes de l’action conjuguée de la répression des staliniens et des fascistes, de la démoralisation et de la confusion ambiantes. Dans les années 30, seuls les groupes les plus cohérents réussirent à se maintenir et parmi eux la Gauche communiste d’Italie fut la plus claire et conséquente. Le groupe "Internationalisme" (1945-52), issu de cette dernière, parvint à une synthèse critique et cohérente du travail, très dispersé, des différents groupes de la Gauche communiste[3] (3) :
1) la nature de l’URSS : l’Etat russe n’avait rien de prolétarien ni de "socialiste", il n’exprimait aucune continuité avec la Révolution d’Octobre 1917, mais en était, au contraire, son bourreau ;
L’URSS était un pays aussi capitaliste que les USA ou la Grande-Bretagne exprimant, de façon caricaturale la tendance universelle au capitalisme d’Etat (nationalisation totale de l’économie) ;
2) la décadence du capitalisme : le système institué en URSS n’était en rien un nouveau mode de production ni une forme plus "progressiste" du capitalisme mais, au contraire, une expression de la décadence historique du capitalisme condamné à une spirale infernale de crise-guerre-reconstruction-nouvelle crise... à chaque fois plus mortelle.
Ainsi, pour "Internationalisme", le capitalisme "libéral" de l’ouest et le capitalisme d’étatisation extrême de l’est constituent les deux facettes d’un même système décadent que le prolétariat devra détruire d’un côté comme de l’autre ;
3) la "démocratie" et le capitalisme "libéral" : "Internationalisme" était clair sur le fait que l’alternative ne se situait pas entre "démocratie" et fascisme, ou entre "démocratie" et totalitarisme stalinien, mais entre barbarie capitaliste et révolution communiste mondiale, c’est-à-dire entre l’Etat capitaliste, qu’il soit totalitaire ou “démocratique”, et la dictature mondiale des conseils ouvriers instaurant le pouvoir direct et collectif des masses ouvrières.
"Internationalisme" clarifia que le capitalisme "libéral” d’Occident était une forme plus efficace et plus subtile du capitalisme d’Etat. La plus grande partie de la production était canalisée vers l’économie de guerre mais avec une plus grande flexibilité, utilisant le marché "libre" grâce à toutes sortes de manipulations (fiscales, monétaires, à travers le crédit) ;
4) l’autonomie du prolétariat, la lutte pour la révolution communiste : à partir de toutes ces positions, "Internationalisme" en déduisait que le capitalisme ne pouvait plus offrir d’améliorations réelles et durables des conditions de vie du prolétariat. La tâche de ce dernier était la lutte pour la révolution communiste. Ses nécessaires luttes de résistance contre l’exploitation ne pouvaient plus se situer dans le cadre de l’obtention de réformes politiques et économiques au sein du capitalisme (comme c’était le cas du temps de la Deuxième Internationale où de tels objectifs étaient valables dans la mesure où ils étaient conçus comme une étape historique nécessaire et non comme fin ultime au combat de la classe ouvrière), mais dans la perspective d’une offensive révolutionnaire pour la destruction du capitalisme dans tous les pays et l’instauration du communisme à l’échelle mondiale, devait garder à tous moments son autonomie de classe sans laquelle il se verrait utilisé comme jouet des différentes bandes capitalistes en conflit et soumis à l’exploitation la plus féroce et aux répressions les plus brutales.
De la même façon, les voies syndicales et parlementaires, en l’enchaînant au capitalisme, le réduisaient encore et toujours à l’impuissance, à la division et à la défaite.
Le prolétariat devait nécessairement s’affirmer, y compris dans ses luttes immédiates, sur le terrain de la lutte directe de masse, de sa solidarité et de son unité de classe, de la défense intransigeante de ses revendications contre l’intérêt du capital national.
***
Les vingt dernières années de reprise internationale de la lutte de classe ont confirmé de façon éclatante la validité des positions de la Gauche communiste : les ouvriers désertent le terrain électoral, se détournent de plus en plus des syndicats, expriment leur méfiance et même leur hostilité à l’égard des partis "socialistes” et "communistes", croient de moins en moins aux mensonges "démocratiques" et aux prétendues "réformes sociales", ne sont pas prêts à "mourir pour la patrie" dans la guerre impérialiste ni à se sacrifier pour sauver l’économie nationale.
Bien que cette tendance du prolétariat à se dégager de l’emprise de l’idéologie bourgeoise soit nécessaire, elle n’est pas suffisante. Les luttes ouvrières ne peuvent en rester au niveau actuel, essentiellement défensif et économique, elles doivent assumer l’aspect politique-révolutionnaire que contient cette résistance intransigeante à l’exploitation capitaliste et s’unifier dans tous les pays pour passer de la défensive à l’offensive.
Pour ce faire, les positions de la gauche communiste sont le nécessaire point de départ. Expression de la lutte historique du prolétariat, sa réappropriation par les masses ouvrières est la condition indispensable pour que son combat puisse apporter une solution révolutionnaire à la crise sans issue du capitalisme mondial.
Adalen (traduit de "Accion Proletaria" n°88, organe du CCI en Espagne)
[1] Voir les articles "Octobre 1917 : début de la révolution prolétarienne" (Revue Internationale n° 12 et 13) et "Leçons de Kronstadt" ainsi que "La dégénérescence de la révolution russe" (Revue Internationale n°3)
[2] cf. RI n° 191, l’article "Le stalinisme est la négation du communisme".
[3] Nous avons publié plusieurs textes d’"Internationalisme" dans la Revue Internationale n° 21, 25, 27, 28, 30, 33, 36, 37 et 59. Nous recommandons également à nos lecteurs notre brochure "Histoire de gauche communiste d’Italie" ainsi que celle à paraître, "Histoire de la gauche communiste germano-hollandaise”.
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C’est dans le contexte d’un enfoncement irrémédiable du système capitaliste dans sa phase de décomposition que s’est tenu, en juillet 1990, le 9e congrès de la section en France du CCI. Conscient de la gravité des enjeux qui sont aujourd’hui posés à la classe ouvrière, il importait que ce congrès soit en mesure d’armer notre organisation en dégageant des perspectives d’activités claires face aux gigantesques bouleversements qui ébranlent aujourd’hui le monde capitaliste.
Dans le but d’assumer pleinement ses responsabilités et de peser avec le maximum d’efficacité possible dans le rapport de force entre les classes en faveur du prolétariat, ce 9e congrès se devait, d’abord et avant tout, de participer à clarifier, approfondir et homogénéiser l’analyse de la situation actuelle à toute l’organisation, et de la doter de perspectives claires d’intervention dans les années à venir, alors que celle-ci va devoir chercher à peser de plus en plus dans les luttes. Mais dans le même temps, elle se devait de mettre en avant la nécessité du renforcement de l’organisation pour que celle-ci, non seulement puisse faire face aux exigences accrues de la situation, mais aussi au danger mortel que fait peser sur elle le capitalisme en décomposition.
Comprendre la situation dans laquelle elles interviennent a toujours constitué une responsabilité et une nécessité vitale pour les organisations révolutionnaires, et une préoccupation constante du CCI d’autant que celle-ci va être de plus en plus marquée par le chaos et l’instabilité généralisée.
Ainsi ce congrès a été capable d’illustrer et d’utiliser le seul cadre d’analyse permettant de comprendre toute la vie de la société dans la période actuelle, celle de sa décomposition, phase ultime de sa décadence.
Il a par ailleurs, au niveau de la crise économique et de la guerre, dégagé clairement les perspectives suivantes (voir article ci-dessous) :
Mais c’est fondamentalement au niveau de la lutte de classe qu’il appartenait à ce congrès de permettre au CCI de coller à l’évolution de la situation en mettant en évidence que les luttes récentes qui se sont déroulées en Europe de l’Ouest (Italie, Espagne...) sont le signe que la classe ouvrière a commencé à se ressaisir.
Malgré le coup qu’elle a subi avec l’effondrement du bloc de l’Est et malgré le battage guerrier actuel, la classe ouvrière, confrontée à des attaques de plus en plus massives et frontales du fait de la récession, ne peut que s’engager à terme dans une dynamique de développement de ses luttes. C’est dans ce processus et pour favoriser son développement que dès aujourd’hui les révolutionnaires doivent se mettre au premier plan au sein de leur classe.
Leur intervention doit être d’autant plus claire et déterminée qu’elle va se heurter à plus de difficultés encore que par le passé, du fait d’une méfiance accrue des ouvriers par rapport à ceux qui se revendiquent de la révolution communiste, du fait également que les syndicats occupent tout le terrain social, et du fait enfin que la confiance de la classe ouvrière en ses propres forces et en son avenir propre s’est trouvée ébranlée.
Elle doit se fixer comme tâche d’armer à différents niveaux la classe pour développer son combat :
Sur le terrain même des luttes, l’organisation se trouve confrontée à la responsabilité d’être le plus possible partie prenante des expressions de la combativité ouvrière pour :
Cette orientation d’activité figurait déjà au centre des préoccupations du 8e congrès de RI et du dernier congrès du CCI. Et déjà la mise en avant de cette nécessité était fondée sur l’influence qu’exerce la décomposition de la société jusqu’au sein des organisations révolutionnaires qui, même si elles sont moins vulnérables à ses effets (individualisme, perte de vue de la perspective révolutionnaire, nihilisme...) ne sont cependant pas immunisées contre. Or, si le CCI s’est déjà donné les moyens de lutter contre une telle influence, il s’agit d’un combat permanent, qui non seulement ne tolère aucun relâchement, mais encore demande à être amplifié, vu l’accélération de ce phénomène.
C’est avec une confiance renforcée dans les capacités de la classe ouvrière que le 9e congrès de RI a conclu ses travaux : Avec la récession mondiale qui s’installe aujourd’hui, les conditions pour un développement des luttes ouvrières se réunissent. Mais autant était profonde sa conviction de cette perspective, autant était grande sa conscience des difficultés que la classe ouvrière (et le CCI en son sein) va rencontrer sur ce chemin. Ce chemin est difficile mais c’est son chemin.
R.I. (juillet 1990)
Depuis un an, avec l’effondrement du bloc de l’Est, le capitalisme s’est enfoncé dans la phase ultime de sa décadence, phase marquée par une décomposition irréversible qui, telle une gangrène, se généralise et soumet progressivement toute l’humanité à une barbarie sans limite. Le capitalisme ne peut aujourd’hui qu’offrir une misère de plus en plus noire à la classe ouvrière des pays centraux et la mort à des masses humaines de plus en plus larges de par le monde, soit par la généralisation de la famine, soit par celle des tensions guerrières (comme en témoignent actuellement la multiplication des massacres en Afrique par exemple, et encore plus le nouvel embrasement qui couve dans le Golfe), soit le plus souvent par les deux à la fois.
La classe ouvrière, seule classe capable d’apporter une solution à ce système en crise et à sa barbarie, un temps déboussolée et même marquée négativement par la tournure qu’a prise la situation mondiale depuis un an et les campagnes intenses que lui a assenées la bourgeoisie, a commencé dès le printemps dernier à reprendre le dessus. C’est ainsi qu’elle donnait un nouvel élan au développement de ses luttes sur son terrain de classe et pour défendre ses intérêts de classe-, élan qui, malgré l’arrêt momentané que lui impriment aujourd’hui les campagnes guerrières, ouvre au niveau de la période une dynamique de développement des combats de classe. Cette dynamique ne pourra que se trouver renforcée par les effets de la récession dans laquelle s’installe aujourd’hui le capitalisme.
Le mythe de la "sortie de la crise" par le "libéralisme" et les "reaganomics”, et qui a connu son heure de gloire au milieu des années 80, est aujourd’hui en train de crever comme une bulle de savon. Les prétendus "succès" des économies occidentales étaient en réalité basés sur une fuite en avant à corps perdu constituée principalement par un endettement gigantesque, notamment de la part de la première puissance mondiale, les Etats-Unis. Par d’énormes déficits de sa balance commerciale et de son budget, par une course effrénée aux dépenses d’armements, ce pays a permis de repousser pendant des années l’échéance d’une nouvelle récession ouverte, laquelle constitue, pour la bourgeoisie, la hantise majeure dans la mesure où c’est la manifestation de la crise qui met le mieux en évidence la faillite complète du mode de production capitaliste. Mais une telle politique, forme "occidentale" de la tricherie avec la loi de la valeur, ne pouvait qu’exacerber encore plus les contradictions de fond de l’économie mondiale. Aujourd’hui, l’entrée des Etats- Unis, de même que de la Grande-Bretagne, dans une nouvelle récession ouverte constitue une illustration de cette réalité. Cette nouvelle récession de la première économie mondiale, au même titre que les précédentes, ne peut, à terme, qu’entraîner celle des autres économies occidentales.
En effet, la fermeture du marché américain, qui se profile, va se répercuter (et a déjà commencé à se répercuter pour un pays comme le Japon) sur l’ensemble du marché mondial, faisant notamment plonger la production des pays d’Europe de l’Ouest (même si, dans l’immédiat, cette production se trouve soutenue en RFA par l’unification des deux Allemagnes). De plus, le facteur d’atténuation des effets et du rythme de la crise que pouvait constituer la politique de capitalisme d’Etat à l’échelle du bloc occidental pourra de moins en moins jouer son rôle avec la désagrégation de ce dernier, désagrégation qu’entraîne nécessairement la disparition du bloc adverse. Ainsi la perspective de l’économie mondiale
est, plus que jamais, celle de la poursuite et de l’aggravation de son effondrement. Pendant toute une période, les pays du centre du capitalisme ont pu repousser les manifestations les plus brutales de la crise, dont l’origine se situe pourtant en ce même centre, vers la périphérie. De plus en plus, comme un choc en retour, ces formes les plus extrêmes de la crise vont revenir frapper de plein fouet ces pays centraux. Ainsi, après le "tiers-monde", après les pays du bloc de l’Est, et même si elles disposent de plus d’atouts pour en atténuer quelque peu les dégâts, les métropoles capitalistes d’Occident sont inscrites sur la liste noire de la catastrophe économique.
Par ailleurs, la réintroduction en catastrophe des mécanismes du marché dans les pays de l’Est, n’ouvre aucune perspective réelle de relance de l’économie mondiale dont le maintien à flot depuis deux décennies repose également sur une tricherie avec cette même loi de la valeur. En effet, à part quelques exceptions et situations spécifiques (comme l’Allemagne de l’Est), l’ensemble des pays de l’Est, et particulièrement l’URSS, ne saurait constituer un nouveau marché pour la production des pays industrialisés. Les besoins y sont immenses, mais les moyens de paiement totalement absents et les conditions historiques actuelles interdisent toute mise en place d’un quelconque nouveau "plan Marshall". Comme ce fut déjà le cas durant les années 70 dans les pays du "tiers monde", les crédits occidentaux destinés à financer un tel développement dans les pays de l’Est ne pourraient aboutir à d’autre résultat que d’accroître encore leur endettement déjà considérable et alourdir, de ce fait, le fardeau de la dette qui pèse sur l’ensemble de l’économie mondiale.
L’aggravation de la crise mondiale de l’économie capitaliste va nécessairement provoquer une nouvelle exacerbation des tensions impérialistes.
En ce sens, les illusions pacifistes qui pourraient se développer à la suite du "réchauffement" des relations entre l’URSS et les Etats-Unis doivent être résolument combattues : les affrontements militaires entre Etats, même s’ils ne sont plus manipulés et utilisés par les grandes puissances, ne sont pas prêts de disparaître. Bien au contraire, comme on l’a vu dans le passé, le militarisme et la guerre constituent le mode même de vie du capitalisme décadent que l’approfondissement de la crise ne peut que confirmer. Cependant, ce qui change avec la période passée, c’est que ces antagonismes militaires ne prennent plus à l’heure actuelle la forme d’une confrontation entre deux grands blocs impérialistes. D’une part, parce que le bloc de l’Est a cessé d’exister, comme l’illustre le fait que, dès maintenant, sa puissance dominante en soit réduite à lutter pour sa simple survie comme Etat. Et d’autre part, parce qu’avec la disparition de sa principale raison d’existence, c’est-à-dire la menace militaire du bloc russe, le bloc occidental lui-même est entré dans un processus de désagrégation qui ne peut aller qu’en s’amplifiant.
La disparition des deux constellations impérialistes qui se sont partagées le monde depuis plus de quarante ans porte avec elle la tendance à la reconstitution de deux nouveaux blocs : un bloc dominé par les Etats-Unis et l’autre dominé par un nouveau leader, rôle pour lequel l’Allemagne (du fait de sa puissance économique et de sa place géographique) serait la mieux placée. Mais une telle perspective n’est pas aujourd’hui à l’ordre du jour du fait essentiellement du frein majeur que constitue le phénomène de décomposition qui affecte l’ensemble de la société et dont le chaos croissant qu’il provoque au sein de la classe dominante limite les capacités de celle-ci à se donner la discipline nécessaire à l’organisation de nouveaux blocs impérialistes.
Le fait même qu’un pays comme l’Allemagne, qui constituait un "modèle" de stabilité tant économique que politique, soit aujourd’hui durement secoué par le cyclone venu de l’Est en dit long sur la menace générale de déstabilisation qui pèse sur l’ensemble de la bourgeoisie européenne et mondiale. Ainsi, le futur que nous offre le capitalisme n’est pas seulement celui d’une crise insoluble aux effets économiques de plus en plus dévastateurs (famines dans les pays arriérés, paupérisation absolue dans les pays avancés, misère généralisée pour l’ensemble de la classe ouvrière). Il est aussi celui d’affrontements militaires de plus en plus brutaux là où le prolétariat n’aura pas la force de les empêcher. Il est enfin celui d’un chaos grandissant, d’une perte de contrôle croissante par la classe dominante de l’ensemble de la société, d’une barbarie de plus en plus extrême et déchaînée qui, au même titre que la guerre mondiale, ne peut avoir d’autre aboutissement que la destruction de l’humanité.
Le chaos grandissant au sein de la classe bourgeoise, l’affaiblissement qu’il représente pour elle, ne constituent pas en soi, à l’heure actuelle, une condition favorisant la lutte et la prise de conscience du prolétariat. En effet, en de nombreuses reprises, l’histoire a démontré que, face à une menace de la classe ouvrière, la bourgeoisie est parfaitement capable de surmonter ses contradictions et antagonismes internes pour lui opposer un front uni et redoutable. Plus généralement, la classe ouvrière ne saurait compter, pour combattre et renverser la bourgeoisie, sur la faiblesse de celle-ci mais uniquement sur sa propre force. En outre, les années 80 oui marquent l’entrée de la société capitaliste décadente clans sa phase de décomposition, ont mis en relief le poids croissant de la décomposition sur la lutte de classe, accentué par la capacité de la classe dominante à retourner contre le prolétariat différentes manifestations de cette décomposition :
Quant à la bourgeoisie, bien que la première atteinte par la décomposition, elle a néanmoins été capable d’utiliser le désespoir, le nihilisme, le "chacun pour soi" découlant de la décomposition de l’idéologie bourgeoise pour attaquer la confiance en l’avenir de la classe ouvrière, saper sa solidarité et l’enfermer dans les pièges corporatistes. Elle a été capable de développer des campagnes a-classistes sur des thèmes écologiques, humanitaires ou anti-fascistes contre les menaces sur l’environnement, les famines, les massacres et les manifestations de xénophobie, pour détourner la classe ouvrière de son terrain de classe.
Les luttes que la classe ouvrière, notamment celle des pays centraux a déjà engagées depuis quelques mois sont la preuve de sa capacité à reprendre sa marche en avant malgré le recul qu’elle a subi au niveau de sa conscience. Elles montrent à l’évidence que la classe ouvrière tend à sortir du déboussolement dans lequel l’avaient plongée l’effondrement du bloc de l’Est et les campagnes intensives que la bourgeoisie occidentale avait développé à sa suite, assimilant effondrement du stalinisme et mort du communisme, et présentant les régimes démocratiques libéraux comme les seuls viables. L’impact de cette situation fut tel qu’il a donné un coup d’arrêt à la vague de lutte de classe qui se développait depuis 1983 et entraîné un recul important de la conscience dans la classe ouvrière.
Mais le combat ouvrier va inévitablement connaître à plus ou moins brève échéance un nouvel essor. En riposte à des attaques économiques massives et frontales, la classe ouvrière ne peut à terme que se mobiliser de plus en plus massivement. Une telle dynamique va nécessairement et rapidement se trouver renforcée par l’entrée en récession du capitalisme mondial: celle-ci a déjà commencé à faire des ravages aux USA et en Grande-Bretagne, et va submerger l’ensemble des pays centraux du capitalisme et en particulier l’Europe occidentale.
L’offensive idéologique massive qu’a mené, contre elle, la bourgeoisie autour de l’effondrement des pays de l’Est, n’a pas entamé sa capacité à lutter sur son terrain, celui de la défense de ses intérêts économiques de classe. Si elle a été désorientée, elle n’a été ni défaite, ni encore moins embrigadée derrière la bourgeoisie et les campagnes démocratiques. A travers ses luttes actuelles et à venir, elle montre que la perspective historique reste à des affrontements décisifs avec son ennemi mortel, affrontements dont dépendra le sort de l’humanité. Ce chemin de la lutte ouvrière est encore long et difficile, mais c’est le seul chemin possible. C’est le chemin à travers lequel la classe ouvrière exprimera sa combativité et son refus de subir la misère et la barbarie capitalistes. C’est le chemin à travers lequel elle forgera et renforcera son unité et sa conscience. C’est le chemin au bout duquel elle pourra monter à l’assaut de l’Etat bourgeois. Dès aujourd’hui, sur ce chemin, elle va devoir confronter la bourgeoisie, ses manœuvres, ses pièges alors qu’elle se trouve encore affaiblie par les séquelles du coup porté par l’effondrement du bloc de l’Est, alors que, de plus en plus, elle va devoir se battre dans une société en décomposition accélérée. Face au développement de cette dernière, la classe ouvrière doit être consciente qu’il ne lui suffit plus, par ses luttes, de barrer la route à la guerre, pour empêcher l’anéantissement de l’humanité. En effet, un certain niveau de développement de la décomposition interdirait toute issue prolétarienne à la crise mortelle du capitalisme et se traduirait dans l’anéantissement de l’humanité, aussi sûrement que le ferait une guerre mondiale.
Cependant, ces difficultés bien réelles, loin de devoir décourager la classe ouvrière, ne font que rehausser ses responsabilités historiques pour détruire l’ordre social existant et imposer le sien. Dans les combats qu’elle va développer, la classe ouvrière des pays centraux a pour elle toute l’expérience qu’elle a forgée en plus de vingt ans de luttes depuis 1968. Elle a comme meilleure alliée la crise économique du capitalisme, dont l’entrée en récession ouverte va la contraindre à se battre en tant que classe de plus en plus unie et à abandonner toutes ses illusions sur la possibilité d’aménager ce système moribond.
R.L
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Deux mois après l’invasion du Koweït par les troupes irakiennes, la situation mondiale n’a cessé de s’aggraver. Aujourd’hui, dans la partie de bras de fer entre S. Hussein et ce que les médias bourgeois appellent "la communauté internationale", il est clair qu’il n’y a aucune place pour une quelconque solution négociée. Des deux côtés, les positions n’ont fait que se durcir semaine après semaine : blocus des ambassades de Koweït-City, échec de la mission diplomatique de Perez de Cuellar, résolutions de plus en plus énergiques de l’ONU, provocations irakiennes telle l’agression des ambassades occidentales au Koweït... Et le signe le plus évident de l’accroissement de la tension, c’est bien le renforcement incessant du gigantesque arsenal militaire des USA et de leurs acolytes dans le Golfe.
Toutes ces grandes manœuvres ne sont pas de simples gesticulations comme voudraient nous le faire croire tous ceux qui s’imaginent que cette accumulation pharamineuse d’armements ne serait là que pour la parade. L’escalade guerrière qui se déchaîne aujourd’hui dans le Golfe nous montre le seul avenir que nous réserve le capitalisme. Elle n’est qu’une première manifestation de la nouvelle situation historique qui s’est ouverte pour l’ensemble du monde capitaliste avec la fin de la "guerre froide". Cette nouvelle situation, ce n’est certainement pas celle d’une "paix mondiale" assurée avec l’effondrement du bloc impérialiste russe comme nous l’avaient vanté, ces derniers mois, tous les chantres de la bourgeoisie. C’est au contraire une ère de barbarie et de chaos généralisé que le capitalisme décadent nous promet à coup sûr dans toutes les parties du monde et qui contient la menace de destruction de la planète si le prolétariat le laisse faire.
L’extrême gravité des tensions impérialistes, prêtes à se déchaîner à tout moment dans le Golfe, vient aujourd’hui apporter un démenti cinglant à tous les mensonges pacifistes auxquels nous avons eu droit après l’effondrement du bloc de l’Est. On nous avait promis qu’avec la fin de la "menace russe", la paix et la stabilité mondiale allaient enfin pouvoir s’installer de façon durable dans un capitalisme éternel et bienfaisant. Aujourd’hui la réalité monstrueuse, hallucinante de l’escalade guerrière dans le Golfe, vient dévoiler au grand jour la seule perspective que porte en lui ce système en pleine putréfaction qu’est le capitalisme mondial : guerre, massacres, destructions de plus en plus massives. Et u n’y a pas d’illusion à se faire, ce ne sont pas uniquement les régions pétrolifères, présentant un intérêt économique et stratégique vital pour la bourgeoisie mondiale, qui sont aujourd’hui menacées par le déchaînement de la barbarie capitaliste. La crise du Golfe n’est pas une guerre lointaine et exotique, circonscrite aux seules frontières des Etats du Moyen-Orient. Cette crise ne fait qu’annoncer et préparer d’autres conflits militaires où aucune partie du monde ne saurait être épargnée. Elle est aujourd’hui le symptôme le plus criant de la gangrène généralisée du capitalisme décadent qui, livré à sa propre logique infernale, est condamné à périr dans la boue et le sang, dans un déluge de bombes et de feu.
Depuis la première guerre mondiale, l’impérialisme est devenu une des caractéristiques majeures et permanentes du capitalisme, traduisant l’entrée de ce système, confronté à des contradictions économiques insolubles, dans sa période de décadence, de déclin historique. Plus de trois quart de siècle où la guerre est devenue la conséquence et la manifestation suprême de la concurrence exacerbée que se livrent toutes les nations petites ou grandes, "démocratiques” ou "dictatoriales", sur un marché mondial de plus en plus saturé. Et depuis la fin de la deuxième boucherie mondiale, même en temps de "paix", le capitalisme n’a jamais cessé de déchaîner sa folie meurtrière aux quatre coins de la planète : guerres coloniales, guerres de "libération nationale" résultant de l’affrontement militaire par pays du tiers-monde interposés entre le bloc russe et le bloc US, développement pharamineux de l’économie d’armements dans tous les pays...
Aujourd’hui, l’engagement militaire des principaux Etats du monde dans la crise du Golfe constitue non seulement un concentré de la barbarie de ce système moribond qui, tout au long du 20ème siècle n’a su que provoquer des destructions toujours plus massives, mais elle confère à l’impérialisme et à la guerre une dimension nouvelle résultant directement de la fin de la division du monde en deux blocs militaires rivaux.
En effet, avec l’effondrement du bloc de l’Est, avec la disparition de ce qui constituait le principal ciment des différents Etats du bloc occidental, celui-ci ne pouvait qu’entrer, à son tour, dans un processus de désagrégation. Et ce processus prend une forme d’autant plus extrême que la disparition du bloc de l’Est marquait également l’entrée du capitalisme, sous les coups de l’aggravation de la crise économique mondiale, dans une nouvelle et dernière étape de la décadence de ce système, celle de la décomposition générale de la société, de son pourrissement sur pied. Cette décomposition s’exprime par une tendance croissante à l’éclatement, à la dislocation de tous les aspects de la vie sociale qui ne pouvait qu’aggraver encore la désagrégation du bloc occidental. C’est dans te cadre de cette nouvelle situation historique qu’il faut comprendre l’aventure militaire dans laquelle s’est engagée l’Irak et qui constitue la première manifestation majeure des convulsions qui frappent à son tour le bloc US. C’est ainsi que l’Irak qui, jusqu’à présent, avait été un bon et loyal serviteur du bloc US pour le compte duquel il accomplissait les basses besognes de remise au pas de l’Iran, a été poussé, sous la pression de la crise économique, à tenter de jouer sa propre carte en mettant la main sur le Koweït.
En ce sens, la crise actuelle dans le Golfe persique revêt une signification particulièrement grave par les enjeux et les perspectives qu’elle contient : elle constitue la première manifestation d’une nouvelle période où l’arène impérialiste mondiale va être de plus en plus marquée par le déchaînement de tous les impérialismes locaux, où, dans la guerre de tous contre tous, chaque capital national va tenter, en usant des armes les plus sophistiquées, de défendre ses propres intérêts particuliers au détriment des nations voisines. Dans une telle situation, la seule perspective que porte avec lui le capitalisme, c’est celle d’un chaos toujours plus meurtrier, toujours plus sanglant, où ce sont des régions entières qui risquent d’être rayées de la carte du monde. La menace d’un embrasement militaire au Moyen Orient ne fait qu’augurer du futur qui attend l’humanité si le capitalisme parvient jusqu’au bout de sa logique suicidaire : la transformation de la planète en un immense charnier.
Face à cette situation de décomposition générale du capitalisme, c’est à la bourgeoisie la plus puissante du monde sur le plan économique et militaire qu’il revenait de tenter de sauver les meubles en s’efforçant de ralentir cette tendance à un chaos croissant. Ainsi, la démonstration de force des USA dans le Golfe, la pression qu’ils ont exercée auprès de leurs alliés pour les obliger à s’impliquer et à resserrer les rangs derrière la bannière US, n’a qu’une seule signification : affirmer leur leadership sur le monde, montrer qu’eux seuls ont les moyens de faire "respecter l’ordre", en empêchant que les appétits impérialistes de toutes les autres nations ne se déchaînent dans tous les sens. En ce sens, la fermeté avec laquelle Bush entend mener a bien sa politique de gendarme au monde dans la crise du Golfe, la gigantesque puissance de feu capable de détruire dix fois l’Irak qu’il étale aux yeux de tous les pays ne visent pas seulement à amener Saddam Hussein à une réédition complète et inconditionnelle. Elle constitue aussi et surtout un avertissement d’envergure à tous ceux qui seraient tentés de suivre l’exemple de l’impérialisme irakien. Elle n’a d’autre objectif que de prouver par le feu et par le sang que ce type d’aventure ne peut se solder que par des représailles impitoyables.
Ainsi, la crise du Golfe ne peut déboucher que sur l’horreur des massacres, perpétrés du côté des grands brigands impérialistes au nom de la "paix" et de la "stabilité de monde", du côté du petit truand irakien au nom de la "résistance à l’impérialisme US".
Et si le grand caïd américain parvient à taire un exemple en infligeant une raclée cuisante à l’Irak, s’il parvient à dissuader les autres gangsters capitalistes de se lancer dans des aventures à la Saddam Hussein, cela ne signifie nullement qu’il réussira à porter un coup d’arrêt définitif au chaos et au déchaînement des rivalités impérialistes. De la même façon que la bourgeoisie la plus puissante du monde ne peut éviter l’aggravation de la crise économique, elle ne pourra fondamentalement rien contre les conséquences majeures de cette crise insoluble. Le capitalisme en continuant à s’enfoncer dans le marasme économique, en continuant à se décomposer, porte avec lui l’exacerbation des manifestations les plus barbares de cette décomposition. Les pressions vers la guerre ne sont pas le résultat de la bonne ou de la mauvaise volonté des dirigeants. Elles sont le produit de la logique infernale, irrationnelle, du capitalisme décadent dans laquelle chaque bourgeoisie nationale est entraînée et à laquelle elle ne peut se soustraire. Avec l’aggravation inexorable de la crise économique, la guerre commerciale que vont se livrer tous les requins impérialistes pour tenter de défendre leurs intérêts sur le marché mondial ne peut que déboucher sur une tendance croissante au "chacun pour soi”, sur la guerre des armes, sur la guerre de tous contre tous, c’est-à-dire sur une débandade et un chaos généralisés.
En ce sens, la gigantesque offensive militaire des USA dans le Golfe ne peut être qu’une tentative de ralentir un tant soit peu cette tendance inéluctable à l’enfoncement de toute la société dans les miasmes de la décomposition. Elle ne fait que préparer et annoncer d’autres interventions militaires des grandes puissances dans toutes les parties du monde.
Et si, dans la crise du Golfe, les USA s’avéraient, au bout du compte, incapables d’imposer un écrasement militaire à l’Irak et d’assumer ainsi leur responsabilité de gendarme du monde, s’ils ne parvenaient pas a défendre, en même temps que leurs propres intérêts particuliers, l’intérêt général du système dans son ensemble, c’est leur statut de première puissance mondiale, leur crédibilité-même qu’ils perdraient. Une telle capitulation des USA face à l’Irak signifierait que le hold-up de Saddam Hussein a fini par payer, ce qui ne pourrait qu’encourager tous les autres gangsters impérialistes à suivre son exemple. Cette situation n’aurait d’autre conséquence qu’une aggravation encore plus considérable de la situation mondiale dans la mesure où elle ouvrirait immédiatement la porte au déchaînement des conflits militaires, des guerres de rapines partout dans le monde.
Il n’y a aucune illusion à se faire. Aujourd’hui, encore moins que par le passé, la paix n’est possible dans le capitalisme. Ce système moribond ne peut que plonger l’ensemble de la société dans des convulsions de plus en plus sanglantes et lui faire subir ainsi les affres de sa propre agonie. Quelle que soit l’issue que va connaître cette partie de bras de fer entre S. Hussein et les autres brigands impérialistes, la seule perspective qui s’ouvre devant nous ne peut être que le déchaînement de massacres à grande échelle, d’une barbarie comme jamais le capitalisme n’en a entraînée depuis la seconde guerre mondiale et qui contient aujourd’hui la menace d’une destruction totale de l’humanité. La dimension effroyable d’une telle barbarie nous est d’ailleurs donnée par le spectacle quotidien de cette accumulation ahurissante d’engins de mort dont toute la bourgeoisie et ses médias aux ordres nous vantent froidement et sans la moindre pudeur la formidable... efficacité ! Un tel degré de cynisme et d’infamie ne fait qu’exprimer le degré de pourriture du mode de production capitaliste et de sa classe dominante elle-même.
Dans ce monde capitaliste en plein putréfaction, il n’existe qu’une seule force capable d’empêcher la bourgeoisie d’engloutir toute l’espèce humaine dans sa folie suicidaire : le prolétariat mondial. Seule la classe antagonique au capitalisme peut réellement combattre le mode de vie de ce système décadent, la guerre. Elle seule peut renverser le capitalisme et instaurer une autre société basée non sur le profit et la concurrence marchande mais sur la satisfaction des besoins de toute l’humanité.
Le développement de la barbarie capitaliste dans le Golfe constitue donc un appel au prolétariat des pays centraux du capitalisme. Devant l’extrême gravité de la situation historique présente et les enjeux vitaux qu’elle contient pour le devenir de l’espèce humaine, la classe ouvrière mondiale, notamment ses bataillons les plus expérimentés d’Europe occidentale, doit prendre conscience de l’immense responsabilité qui repose sur ses épaules.
Plus que jamais, face à l’orgie sanguinaire du capitalisme, face à l’union sacrée de tous ces massacreurs, la classe ouvrière des pays centraux du capitalisme n’a qu’une seule réponse à opposer : affirmer sa propre solidarité de classe avec le prolétariat irakien, en adoptant une attitude internationaliste intransigeante. Elle doit refuser de hurler avec les loups, refuser de resserrer les rangs derrière tous ces va-t’en guerre qui s’apprêtent à mettre la planète à feu et à sang, à semer la mort, aujourd’hui dans le Golfe, demain ailleurs. Elle doit refuser de soutenir un camp impérialiste contre un autre, refuser de prendre parti dans une guerre fratricide où les masses exploitées des nations belligérantes vont s’entr’égorger pour le seul compte de la bourgeoisie. Elle doit vomir l’ignoble propagande médiatique qui vise à lui faire accepter le massacre des populations civiles au Moyen-Orient et de tous ces ouvriers en uniforme, embrigadés, contraints, le fusil dans le dos, à marcher au pas sous le drapeau de l’impérialisme irakien. Seule cette attitude responsable de la classe ouvrière des nations les plus industrialisées pourra permettre au prolétariat international de retourner demain les armes contre ses propres exploiteurs dans tous les pays pour renverser le capitalisme.
Le déchaînement de la barbarie guerrière dans le Golfe doit renforcer aujourd’hui la détermination du prolétariat à développer son combat contre la logique implacable du capitalisme en crise. Car c’est bien cette logique infernale qui est responsable des massacres, de l’exploitation, de la misère, des famines...
Ce combat, le prolétariat doit le mener pour la défense de ses intérêts de classe contre la dégradation inexorable de toutes ses conditions d’existence. Mais il ne peut en rester à la simple défense de ses intérêts économiques immédiats. Pour être à la hauteur de ses responsabilités, il doit comprendre que ses luttes de résistance aux attaques capitalistes ne sont qu’un moment, font partie intégrante de l’affrontement général contre le capitalisme en vue de son renversement.
Le prolétariat ne pourra se sauver lui-même qu’en sauvant toute l’humanité de l’apocalypse. Et pour y parvenir, il n’a pas d’autre choix que de développer sa conscience, son unité et sa solidarité de classe en prenant dès aujourd’hui toute la mesure de l’horreur que nous promet à coup sûr ce système pourrissant.
Avril (22/9/90)
Dans une touchante "unité", “jamais vue depuis les années 70" (selon l’Humanité du 25/9), tous les syndicats montent aujourd’hui au créneau pour dénoncer l’austérité rocardienne, annoncent journée d’action sur journée d’action, qui dans les Finances, qui à la Sécurité Sociale ou encore dans toute la Fonction Publique et viennent nous dire, comme la CGT à la Sécu, que “plus que jamais l’heure est à l’action”. En arrière-fond de cette mobilisation syndicale à grand bruit, le même thème repris par tous : “les travailleurs n’ont pas à payer le prix de la crise du Golfe" (discours de Blondel dans la manifestation de rentrée de FO), ou encore : “la question principale du moment posée au monde du travail est aujourd’hui l’austérité renforcée que le gouvernement veut faire passer à la faveur de la crise du Golfe ; cet alibi est un mensonge et une escroquerie” (Krasucki à St Nazaire).
Certes, la classe ouvrière n’a pas à payer quoi que ce soit. Pas plus le prix de la crise économique catastrophique du capitalisme que celui de la barbarie guerrière qui n’est que la conséquence de cette crise. Certes encore, ce discours des syndicats contient une autre vérité, lorsqu’ils dénoncent l’exploitation qui est faite des événements du Golfe par le gouvernement, pour justifier la nouvelle vague d’austérité et les licenciements massifs qui s’annoncent en présentant le "satanique Saddam Hussein" comme le responsable de tous ces maux.
Mais ne nous faisons pas d’illusion. Ce discours radical des syndicats et l’agitation qu’ils sont en train de mener sur le terrain ne sont certainement pas là pour armer la classe ouvrière et lui permettre de développer une réponse de classe à la hauteur de la gravité de la situation. Bien au contraire !
En premier lieu, avec leur slogan : “la question principale est aujourd’hui l’austérité renforcée !", à l’heure où s’accumulent des tonnes d’armes dans la région du Golfe et où des milliers de soldats sont mobilisés pour être transformés d’un jour à l’autre en chair à canon, ce que disent les syndicats, en fait, c’est : "Oubliez la guerre, ce n’est pas votre problème, ne regardez que votre fiche de paye !". L’objectif qu’ils recherchent n’est autre que d’éloigner de la conscience ouvrière la question gravissime de la guerre. Non seulement ils s’efforcent de détourner les préoccupations ouvrières du massacre qui se prépare, mais ils cherchent à empêcher les ouvriers de faire le lien entre la crise et la guerre, de comprendre que c’est la même crise catastrophique du capitalisme qui produit la barbarie guerrière comme elle produit des conditions d’existence de plus en plus misérables pour ceux qu’elle exploite, et qui au bout du compte menace d’entraîner l’humanité vers sa propre disparition.
Non, la classe ouvrière ne peut pas se permettre de rester indifférente au bain de sang qui se prépare au Moyen-Orient.
Devant de tels événements, sa responsabilité première, c’est bien de prendre conscience de la gravité de la situation, de mesurer qu’immédiatement, ce sont des milliers de ses frères de classe qui sont sur le point de se faire massacrer et qu’à plus long termes c’est la survie même de l’humanité qui est en jeu.
Si la classe ouvrière se laisse endormir, si elle se refuse à regarder en face cette réalité, elle ne peut que se retrouver désarmée face aux nouveaux coups que la bourgeoisie est en train de lui assener et c’est tout son combat de classe qui risque d’être complètement réduit à l’impuissance.
C’est sur une telle faiblesse des ouvriers que compte la bourgeoisie. D’ores et déjà, le déboussolement qui traverse les rangs de la classe ouvrière à la faveur des bruits de botte au Moyen-Orient, le sentiment d’impuissance qu’elle ne peut que ressentir dans un premier temps face à une situation qui la dépasse est une réalité que la bourgeoisie essaie d’exploiter et d’approfondir encore à travers l’agitation actuelle des syndicats. Car non contents de chercher à saboter toute réflexion au sein de la classe ouvrière en entretenant la confusion sur les événements du Golfe, les syndicats s’évertuent aussi à stériliser ce qui constitue le seul terrain sur lequel la classe ouvrière puisse se mobiliser pour apporter une réponse à cette situation dramatique : le terrain de ses luttes de résistance économique aux attaques capitalistes.
Les "luttes" lancées par les syndicats à la Sécurité Sociale en sont un exemple écœurant. Après avoir entretenu pendant des semaines une grève longue et parfaitement isolée dans les caisses de .l’Essonne (à la suite de celle tout aussi longue et isolée de la Seine-St-Denis), les syndicats qui, jusqu’à présent se gardaient bien de laisser filtrer la moindre information sur cette grève dans les autres centres de la Sécu de la région parisienne, attendent le moment où les grévistes de l’Essonne sont bien épuisés, au bout du rouleau et démoralisés, pour lancer des mots d’ordre d’action dans les caisses de Paris. Et quels mots d’ordre ! C’est une véritable entreprise de division et de démoralisation : lancement d’un mot d’ordre de grève de tous les centres parisiens pour le 25/9 afin soi-disant de tenir une AG pour décider des moyens d’action. A la dernière minute, la CGT annule l’appel à la grève, et invite, avec les autres syndicats, les employés des centres de paiement à "d’autres modalités d’action". En l’occurrence, à Paris comme dans plusieurs endroits en province, il s’agissait de lancer des "grèves de qualité”, espèce de grève du zèle sur le tas, où ceux qui se laissent embarquer derrière les syndicats se retrouvent dans une action totalement impuissante, garantissant leur isolement par rapport aux employés des autres services de la Sécu, tandis que ceux qui refusent de marcher dans cette mascarade sont dénoncés comme des "jaunes" et qu’on cherche ainsi à dresser les travailleurs les uns contre les autres. Toute cette agitation qui "pousse à la lutte", alors que personne ne se reconnaît réellement dans cette grève où règne la confusion la plus totale, ne fait que renforcer un peu plus le sentiment d’impuissance. Le 27, jour de la "grève nationale de la Sécu" appelée par tous les syndicats, l’ambiance générale est à l’absence totale de perspective et à la division. Ceux qui sont venus quand même, déjà écœurés après 4 jours de "grève de qualité", s’entendent proposer... de continuer comme cela, en attendant la prochaine manifestation. Pour ajouter encore à l’ambiance de division la plus inimaginable, une manifestation des employés techniques et administratifs des hôpitaux, en grève depuis le mois de juin eux aussi dans l’isolement le plus total, qui était convoquée à la même heure et au même endroit que celle de la Sécurité Sociale (devant le ministère de la Santé à Paris), s’entend dire qu’elle doit dégager le terrain et est invitée à partir seule devant, avant même que les manifestants "Sécu" aient fini d’arriver. On attendra patiemment la dissolution de la manif des hôpitaux au point d’arrivée (Matignon) pour faire démarrer celle de la Sécu qui va suivre à quelques minutes d’intervalle le même chemin que la première ! C’est qu’il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes ! Et surtout s’efforcer de mettre dans le crâne de ceux qui veulent se battre, qu’il s’agit de le faire chacun dans son coin, sur son problème et ses revendications spécifiques. Il y en avait bien quelques uns pour se poser des questions et se demander pourquoi les syndicats offraient un tel spectacle de saucissonnage de la combativité ouvrière, mais globalement l’ambiance n’était guère à la remise en cause de cet esprit corporatiste le plus boutiquier et le plus mesquin.
Hélas, les employés de la Sécurité Sociale sont en train de servir de boucs émissaires à une démonstration de force syndicale, largement relayée par les médias qui ont derechef gonflé le chiffre des grévistes et manifestants du 27, qui ne vise rien d’autre que de faire à la classe ouvrière la démonstration de sa propre impuissance, qu’à lui renvoyer une image d’elle-même qui ne peut que la démoraliser un peu plus.
Face à la gravité de la situation actuelle, la classe ouvrière se trouve devant une responsabilité énorme. Seule sa détermination à mener ses combats de classe contre ce système semeur de mort, en développant sa conscience et son unité comme classe, peut apporter une réponse aux menaces qui pèsent sur l’humanité. Cette responsabilité, elle doit et elle peut l’assumer. Pour cela, il lui faut refuser de se laisser piéger par ceux qui veulent la réduire à l’impuissance en s’efforçant de détruire sa confiance dans ses propres forces. Il n’y a pas d’autre chemin possible.
PE
C’est bien évidemment à propos de la situation dans le golfe Persique, sa signification et ses conséquences que la section en France du CCI a tenu ses réunions publiques de septembre dans 11 grandes villes sur le thème "Le capitalisme, un système qui sème la mort".
En tout cas, si la réunion qui s’est tenue à Paris a permis aux éléments combatifs inorganisés présents de mettre à profit ce lieu pour débattre largement de la situation, l’absence du milieu politique dit "organisé" est à nouveau révélatrice de son irresponsabilité et de son sectarisme persistants alors que, quelques mois à peine après cet autre événement majeur constitué par l’effondrement du bloc de l’Est, une question aussi grave que celle d’une guerre impliquant l’ensemble du monde occidental ne peut qu’interpeller tous ceux qui prétendent être l’avant-garde du prolétariat. En dehors du CCI, les autres groupes révolutionnaires n’auraient-ils rien à dire, ni à défendre face à la classe ouvrière dans une telle situation ?
Après avoir mis en évidence le cadre politique permettant de situer et de comprendre les événements du golfe Persique qui constituent la première manifestation aiguë de la période de chaos mondial ouverte par l’effondrement du bloc de l’Est, l’exposé introductif au débat s’attacha à dénoncer l’abjecte hypocrisie de l’ensemble d’une bourgeoisie mondiale qui brandit "subitement" l’étendard du "droit international" pour mieux justifier sa mobilisation guerrière contre le "tyran" irakien-
La discussion qui suivit eut le mérite de mettre en évidence des difficultés chez plusieurs éléments présents à comprendre jusqu’au bout la nouvelle situation historique ouverte par l’effondrement du bloc de l’Est : celle de la décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme, et dans laquelle s’inscrit la crise actuelle du Moyen-Orient. Ces difficultés révèlent en fait des tendances à sous-estimer la gravité des enjeux contenus dans le conflit du Golfe.
Pour l’un d’entre eux, il s’agirait pour les Etats-Unis de mettre la main sur le golfe Persique et de s’approprier les plus grandes réserves du monde en pétrole dans un but essentiellement économique : baisser ses coûts de production et prendre un avantage économique majeur contre ses principaux concurrents sur le marché mondial. Cette vision "économique" se trouve passablement démentie par les faits eux-mêmes. Difficile en effet d’expliquer avec une telle analyse pourquoi les concurrents commerciaux les plus directs des Etats-Unis que sont des pays comme le Japon ou l’Allemagne iraient "aider" leur pire concurrent dans une aventure d’où ils devraient ressortir comme les principaux perdants sur le plan économique alors même qu’ils sont autrement plus dépendants de leurs approvisionnements en pétrole que les USA. Ou alors, à l’instar de la bourgeoisie allemande, la bourgeoisie japonaise qui, pour la première fois
depuis 1945, vient aussi de décider d’envoyer dans le Golfe des forces armées plus ou moins camouflées sous le nom de "corps de coopération pour la paix" aux côtés des USA serait-elle devenue folle ? Même conjoncturelle, il est évident qu’une telle mobilisation et une telle unanimité internationales, qui vont de l’ancienne tête du bloc russe aux USA en passant par l’ensemble des pays d’Europe (dont la France finalement rangée derrière les Etats-Unis alors que la région faisait partie de sa "chasse gardée" il y a peu de temps encore) et de la plupart des pays arabes de la région du Golfe y compris la Syrie -Etat classé "terroriste" par les USA- ou l’Iran... sont à l’échelle d’enjeux autrement plus importants. "Nous devons démontrer sans aucun doute possible que l’agression ne peut pas payer et ne paiera pas" déclaraient Bush et Gorbatchev au sortir du sommet d’Helsinki. Ainsi, en ne voyant dans l’intervention militaire des USA qu’une volonté de mettre la main sur les réserves d’or noir du Moyen-Orient, cette vision réductrice passe complètement à côté de l’objectif principal des USA : affirmer leur leadership sur le monde afin de tenter de freiner au maximum la tendance inéluctable au chaos, au "chacun pour soi", ouverte avec l’effondrement du bloc de l’Est.
Pour un autre camarade, il s’agirait en quelque sorte pour les USA de "rentabiliser" l’énorme effort d’armement consenti par le capital américain au cours des années Reagan, par une sorte d’OPA sur la région du Golfe au même titre que Saddam Hussein vis-à-vis du Koweït. Une telle vision, outre le fait qu’elle ne prend pas en compte le poids énorme du déploiement militaire américain sur une économie croulant déjà sous une montagne de dettes, ignore complètement notre conception suivant laquelle dans la période de décadence, le militarisme ne constitue plus globalement un moyen pour un capital national de s’enrichir.
La tonalité générale du débat tendait surtout à se polariser soit sur des questions secondaires, soit sur des problèmes déjà tranchés par les révolutionnaires tout au long du 20ème siècle. En fait, toutes ces questions n’étaient qu’un moyen d’esquiver les questions de fond : quelle perspective nous offre aujourd’hui le capitalisme pourrissant ? Face aux nouvelles données de la situation mondiale ouverte avec l’effondrement du bloc impérialiste russe, quelle est la signification profonde de cette mobilisation militaire, la plus massive depuis la guerre du Vietnam ?
Ne pas comprendre que le monde capitaliste est entré aujourd’hui dans une période d’instabilité, de chaos et de décomposition générale, c’est refuser de voir la gravité des enjeux que contient cette ère de barbarie dans laquelle nous entraîne ce système moribond. Face à la menace de destruction totale de l’humanité que contient la situation historique présente, moins que jamais les révolutionnaires ne peuvent faillir à leur responsabilité.
BN
Avec un gros retard, vient de paraître en septembre le numéro d’été (n°17) de "Perspective Internationaliste", publication de la FECCI consacrée à une question d’une brûlante actualité... il y a six mois : les "bouleversements à l’Est”.
Après avoir redécouvert (enfin!) il y a deux ans que nous assistions actuellement à la ... "transformation de la domination formelle du capital en domination réelle" (20 ans après Camatte dans feu la revue "Invariance" et plus de 100 ans après Marx), on est parvenu à découvrir que l’effondrement du bloc de l’Est n’était qu’une "apparence" pour mieux tromper les USA et tout le monde et pour être, en réalité, "une manœuvre pour un renforcement du Bloc (?) de l’Est". Cette découverte est, paraît-il, le fruit d’un... long et gros effort théorique. Bravo !
Ainsi, d’après la FECCI, la vraie raison de l’aventure impérialiste de l’Irak, ce serait d’être un sous-marin opérant et roulant pour le compte de Gorbatchev (voir le tract de la FECCI du 24/8/90) dans sa politique "hautement secrète" de renforcement du Pacte de Varsovie ! CQFD.
La FECCI ayant ainsi révélé le "grand secret" de cette guerre du Golfe -le renforcement par Gorbatchev du bloc de l’Est-, Bush lui doit non seulement une reconnaissance bien compréhensible mais, surtout, il doit prendre garde à lui. "Gare au gorille !", comme dirait un certain Georges Brassens.
Une bêtise chasse ou s’ajoute à l’autre, comme on voudra ! Mais l’essentiel, c’est d’avoir profité d’une bonne occasion pour se livrer à une violente et terrible "critique" et dénonciation du CCI. Comme d’habitude.
Mais, pourrait-on se demander, pourquoi, diable, ces quelques petits êtres avec leur grosse tête d’universitaires ratés, tiennent-ils donc tellement au titre de "fraction (externe) du CCI", et à se réclamer ainsi de leur passage honorable dans cette maudite organisation -le CCI- qu’ils ont quittée voilà déjà 5 ans ??? Pourquoi nous collent-ils ainsi aux fesses tels des morpions dont on aurait du mal à se débarrasser ? Pour maintenir une ambiguïté et continuer à semer encore plus de confusion politique ? Sans doute. Mais aussi certainement parce qu’ils éprouvent encore une certaine fierté à avoir milité autrefois dans ce CCI. C’est compréhensible, c’est humain. Un peu comme ce couple dont la séparation s’est mal passée, où l’amour se transforme en haine et où la haine cache une certaine nostalgie d’un amour passé.
Ce sentiment de fierté que cultive la FECCI n’est malheureusement pas partagé par le CCI, et pour cause ! C’est que la réciproque n’est pas vraie, car le CCI, quant à lui, est plutôt mal à l’aise et éprouve une petite honte d’avoir donné naissance à une... telle médiocrité.
Au lecteur qui voudrait en savoir plus long sur cette... médiocrité, c’est-à-dire la FECCI, nous ne pouvons que conseiller de faire un effort pour lire ce dernier numéro... d’été 90 de "Perspective Internationaliste". Bon courage !
MC
« Nous avons le choix entre la loi de la jungle et la loi du droit. L’alternative est là », a déclaré Mitterrand devant le Conseil de sécurité de l’ONU.
Il a bien compris la leçon. On ne saurait mieux résumer la situation actuelle et le problème auquel sont confrontées toutes les bourgeoisies nationales dans leurs visées impérialistes. Mais cette fameuse "loi du droit” à laquelle le gouvernement français soi-disant socialiste entend faire allégeance aujourd’hui avec un bel opportunisme, n’est pas autre chose dans l’univers de brigandage impérialiste où nous vivons que ce qu’on appelle plus communément la "loi du milieu", le code de conduite propre à la pègre, les règles du jeu en vigueur dans la maffia dont "les droits" se résument essentiellement à ceci : ils sont soumis à la loi du plus fort. C’est seulement sur ce terrain que l’on peut comprendre les agissements des bandes de requins qui gouvernent le monde, comme nous l’avons mis en évidence dans RI le mois dernier (voir l’article : "La bourgeoisie, une classe de gangsters”).
Voilà quelle est la sordide réalité du capitalisme : ce n’est pas parce que la féroce guerre de gangs entre l’Est et l’Ouest qui a sévi pendant 40 ans est terminée, se soldant par la faillite complète et l’éclatement du clan lié à l’URSS, que les mœurs de tous ces gangsters ont changé ou se sont assagis. Au contraire, de nouveaux appétits impérialistes surgissent, de nouvelles ambitions se réveillent chez tous ces truands. Et le problème ne peut se régler que comme dans une affaire de brigands : soit le plus puissant d’entre eux est capable de faire respecter sa loi et d’imposer le rapport de forces nécessaire pour préserver son autorité, comme aujourd’hui, soit la bagarre généralisée se déchaîne et c’est alors la loi de la jungle où chacun va chercher à faire rapine de son côté aux dépens du voisin en cherchant à le tailler en pièces.
C’est pour avoir enfreint ces règles que le petit malfrat Saddam Hussein, faisant un hold-up sur le Koweït pour son propre compte et sans l’accord des grands caïds, se retrouve aujourd’hui "hors-la-loi", mis à l’index par les grandes puissances et en passe d’être "liquidé".
C’est cette loi que vient rappeler brutalement et par la force le "parrain" américain à travers son intervention directe et musclée dans le Golfe et la démonstration de sa toute-puissance militaire qui, au-delà de la correction mémorable qu’elle compte infliger à l’Irak, entend faire un exemple à l’intention de tous ceux qui seraient tentés à l’avenir de faire cavalier seul ou de jouer les grands caïds. Ce sont toutes les autres nations qui sont mises en demeure de ravaler leurs propres prétentions impérialistes et de se mobiliser derrière leur chef. Toutes sont sommées d’obéir aux ordres et de participer d’une façon ou d’une autre à "l’effort militaire" et celles qui comme l’Allemagne ou le Japon, sont dans l’impossibilité de fournir des contingents militaires sont rançonnées, rackettées financièrement et n’ont pas d’autre choix que de s’exécuter.
Les Etats-Unis entendent démontrer plus que jamais aujourd’hui qu’ils restent "le patron" et qu’ils ne toléreront pas que leur autorité soit bafouée par qui que ce soit dans le monde, ni tout autant contestée au sein même de leur clan.
La France se retrouve particulièrement impliquée dans cette "leçon", étant parmi les puissances impérialistes occidentales une de celles qui se sont fait le plus tirer l’oreille. Ce n’est pas sans raison. Bénéficiant jusque-là d’un statut privilégié de gendarme du Moyen-Orient en tant que l’un des lieutenants les plus zélés du camp américain, elle s’était particulièrement acoquinée avec Saddam Hussein quand celui-ci bénéficiait encore du soutien occidental face à "l’aventure islamique" de l’Iran.
Tous les ténors politiques français lui ont manifesté un soutien empressé depuis l’ancien premier ministre Chirac, jusqu’à l’actuel ministre de la défense Chevènement qui, il y a six mois à peine, assurait S. Hussein "de l’estime et du respect des dirigeants français". Et pour cause : la France a été pendant plus de dix ans, le plus important fournisseur occidental en armements modernes de l’Irak.
Dès lors, la France était fort mal placée pour jouer les va-t-en-guerre par rapport à l’Irak. De là, les tergiversations, les hésitations du gouvernement français au cours des deux premières semaines du conflit qui tentait de s’abriter sous le masque hypocrite d’une "volonté de paix", prétendant même jouer un éminent rôle diplomatique dans "la recherche d’une solution négociée". Ce n’est nullement par souci "pacifiste", mais en fonction de bien sordides et mesquines considérations que la France "socialiste" adoptait une telle attitude première.
Cependant, ce gouvernement n’a pas tardé à comprendre ensuite que l’occupation militaire massive du terrain par les USA eux-mêmes signifiait la destitution de la France de ses fonctions de gendarme au Moyen-Orient et que cela impliquait aussi la menace directe de son éviction de cette zone stratégique et la privation de toute part du gâteau impérialiste à terme, si elle ne coopérait pas plus étroitement et continuait à traîner les pieds.
Dans ces circonstances, le gouvernement français n’avait plus le choix, il se retrouvait obligé d’emboîter le pas, même si cela n’était pas de gaieté de cœur et d’exécuter l’essentiel des volontés américaines en ravalant ses réticences et en passant sous les fourches caudines de l’attitude belliciste envers l’Irak.
C’est pour cela que Mitterrand n’a cessé de répéter depuis que "nous sommes dans une logique de guerre", que “le retrait des troupes irakiennes du Koweït n’est pas négociable" et qu’il a adopté un nouveau ton dur et intransigeant avec l’Irak, donnant également d’autres gages tangibles de sa "bonne volonté". Ainsi l’expédition de son armée en Arabie Saoudite (jusque-là cantonnée à 1000 km du théâtre des opérations) renforcée du nec plus ultra du matériel militaire "made in France" (missiles, chars AMX...) et des troupes d’élite les plus opérationnelles (les "forces d’action rapide")[1]
Et si la France essaie aujourd’hui de jouer encore les matamores, de "rouler les mécaniques" en tentant de démontrer qu’elle a son mot à dire "en propre", c’est autour de tentatives minables et sans consistance vouées à l’échec, comme celle de proposer "une harmonisation des missions de force des Etats membre et de mise en commun de leurs moyens logistiques sur le terrain” qui ne peut que laisser indifférents ses principaux partenaires européens ou celle de demander une "autonomie" dans le commandement militaire des opérations qui n’a aucune chance d’aboutir.
De telles velléités ne peuvent s’exprimer que parce qu’elles ne portent pas à conséquence dans la situation et que parce que la France exécute désormais pleinement son contrat. Elles prendraient un sens tout différent si les Etats-Unis ne parvenaient pas à l’avenir à imposer leur fameuse "loi du droit” par la force. Car l’unité actuelle et forcée que les USA font respecter aujourd’hui masque bien des tiraillements et des tensions au sein de l’ex-bloc occidental qui prouvent que les tendances au "chacun pour soi" ne guettent que l’occasion pour pouvoir s’exprimer au grand jour.
YD
[1] La violation de la résidence de l’ambassade de France à Koweït-City n’a été que le prétexte de ce renforcement, comme l’a révélé la presse notamment le “Canard Enchaîné". Cet envoi de troupes et de matériels supplémentaires avait été prévu et décidé huit jours auparavant.
Pour les organisations qui se réclament de la classe ouvrière, la guerre impérialiste, comme celle du Golfe à l’heure actuelle, constitue un épreuve de vérité. Dans une telle situation, il appartient aux organisations qui se situent sur le terrain de classe prolétarien de faire entendre la voix de l’internationalisme, à l’image des courants révolutionnaires aux cours des deux guerres mondiales.
La plupart de ces organisations n’ont pas failli aujourd’hui à cette tâche élémentaire : que ce soit dans la presse ou sous forme de tracts, l’ensemble du milieu politique prolétarien a pris position clairement pour dénoncer la guerre impérialiste, rejeter toute participation dans l’un ou l’autre camp et appeler les ouvriers à engager le combat contre le capitalisme sous toutes ses formes et dans tous les pays[1]. Bref, les organisations communistes existantes ont montré qu’elles sont... communistes.
En cette circonstance, d’ailleurs, il a fallu à certaines d’entre elles recouvrir d’un mouchoir pudique leurs élucubrations sur le soutien que le prolétariat devrait apporter aux "luttes d’indépendance nationales" dans certains pays sous-développés. Ainsi, lorsque le "Parti Communiste International" nous dit que :
"Les travailleurs n’ont rien à gagner et tout à perdre à soutenir les conflits impérialistes..." "Que la rente pétrolière enrichisse des bourgeois irakiens, koweïtiens ou français ne changera pas le sort des prolétaires d’Irak, de Koweït ou de France : seule la lutte de classe contre l’exploitation capitaliste peut le faire. Et cette lutte de classe n’est possible qu’en rompant "l’union nationale" entre les classes qui impose toujours des sacrifices aux prolétaires, qui les divise par le patriotisme et le racisme avant de les faire se massacrer sur les champs de bataille. " (tract du 24 août 90, publié par "Le Prolétaire"), nous ne pouvons que saluer son internationalisme. Mais cette organisation ferait bien de se demander en quoi les prolétaires arabes défendent leurs intérêts de classe lorsqu’ils sont enrôlés, comme elle les y appelle, dans la guerre pour la constitution d’un Etat national palestinien. Un tel Etat palestinien, s’il arrivait à voir le jour, ne serait pas moins impérialiste (même si moins puissant) que ne l’est aujourd’hui l’Irak, et les ouvriers n’y seraient pas moins férocement exploités. Ce n’est pas pour rien que Yasser Arafat compte parmi les meilleurs amis de Saddam Hussein. Pour le courant "bordiguiste" (auquel appartient "Le Prolétaire"), qui continue de se réclamer des positions de l’internationale communiste sur la question nationale, il serait temps de se rendre compte que l’histoire a démontré depuis 70 ans, et en de nombreuses reprises, l’inconsistance de ces positions. Sinon, ses exercices de corde raide entre internationalisme et nationalisme ne pourront que le conduire à la chute, soit dans le néant, soit dans le camp bourgeois (comme c’est arrivé, au début des années 80, pour une bonne partie de ses composantes).
Si le milieu révolutionnaire a su, dans l’ensemble, faire la preuve de sa fidélité à la position internationaliste classique du mouvement ouvrier, il a également fait la preuve de son incapacité de prendre toute la mesure des enjeux de la période présente. Les différents groupes ont mis en évidence les origines de l’aventure irakienne : non pas la "folie mégalomane” d’un Saddam Hussein, mais le fait que l’Irak, après 8 ans de guerre terriblement meurtrière et ruineuse contre l’Iran, était pris à la gorge par une situation économique catastrophique et un endettement extérieur de près de 80 milliards de dollars. Comme l’écrit "Battaglia Comunista" dans son n° de septembre : "L’attaque contre le Koweït est donc le geste classique de celui qui, sur le point de se noyer, tente le tout pour le tout". En revanche, les raisons fondamentales du formidable déploiement militaire des Etats-Unis et de ses acolytes passent par-dessus la tête de ces groupes.
Pour "Le Prolétaire", en effet: "Les Etats-Unis ont défini sans fard "l’intérêt national américain" qui les faisait agir; garantir un approvisionnement stable et à un prix raisonnable du pétrole produit dans le Golfe : le même intérêt qui les faisait soutenir l’Irak contre l’Iran les fait soutenir maintenant l’Arabie Séoudite et les pétro-monarchies contre l’Irak. " C’est la même idée qu’énonce la "Communist Workers Organisation" dans un tract : "En fait, la crise du Golfe est réellement une crise pour le pétrole et pour qui le contrôle. Sans pétrole bon marché, les profits vont chuter. Les profits du capitalisme occidental sont menacés et c’est pour cette raison et aucune autre que les Etats-Unis préparent un bain de sang au Moyen-Orient...". Quant à "Battaglia Comunista" (BC), c’est, avec un langage plus prétentieux qu’elle défend la même idée : "Le pétrole, présent directement ou indirectement dans presque tous les cycles productifs, dans le procès déformation de la rente monopoliste a un poids déterminant et, en conséquence, le contrôle de son prix est d’une importance vitale."..."Avec une économie qui donne clairement des signes de récession, une dette publique d’une dimension affolante, un appareil productif en fort déficit de productivité par rapport aux concurrents européens et japonais, les Etats-Unis ne peuvent le moins du monde se permettre en ce moment de perdre le contrôle d’une des variables fondamentales de toute l’économie mondiale : le prix du pétrole. "
A cet argument, qui est également celui de beaucoup de groupes gauchistes qui n’ont qu’une idée en tête : vilipender la rapacité de l’impérialisme américain afin de justifier leur soutien ("critique") à Saddam Hussein, "Il Programma Comunista" (PC) apporte un début de réponse : "Dans tout cela, le pétrole (...) n’entre que comme dernier facteur. Dans les grands pays industriels, les réservoirs sont pleins et, dans tous les cas, la majorité de l’OPEP (...) est prête à augmenter la production et ainsi stabiliser les prix du brut". En fait, l’argument du pétrole pour expliquer la situation actuelle ne va pas très loin. Même si les Etats-Unis, de même que l’Europe et le Japon, sont évidemment intéressés à pouvoir importer un pétrole à bon marché, cela ne saurait expliquer l’incroyable concentration de moyens militaires opérée par la première puissance mondiale dans la région du Golfe. Une telle opération ne fait que grever encore plus les déficits déjà considérables des Etats-Unis et coûtera bien plus à l’économie de ce pays que l’augmentation du prix du pétrole demandée par l’Irak. D’ailleurs, dès à présent, avec la perspective d’affrontements majeurs, ce prix a grimpé bien au-delà du niveau qui aurait pu être établi par des négociations avec ce pays si les Etats-Unis avaient voulu de telles négociations (ce n’est certainement pas pour faire "respecter" les intérêts du cheikh Jaber et de son peuple que les Etats-Unis font preuve d’une intransigeance totale vis-à-vis de l’occupation du Koweït). Et les destructions qui résulteront de l’affrontement militaire risquent fort d’aggraver encore les choses. Si vraiment c’était le prix du pétrole qui préoccupait fondamentalement les Etats-Unis, on peut dire qu’ils ne s’y prennent pas de la meilleure façon : leur démarche évoquerait plutôt celle d’un éléphant voulant mettre de l’ordre dans un magasin de porcelaine.
En réalité, l’ampleur même du déploiement militaire fait la preuve que l’enjeu, pour les Etats-Unis comme pour tous les autres pays va bien au-delà d’une question de prix du pétrole. C’est ce que touche du doigt BC en essayant d’élargir son cadre d’analyse : "La rupture des équilibres issus de la seconde guerre mondiale a, en réalité, ouvert une phase historique dans laquelle nécessairement d’autres devront se constituer accentuant de ce fait la concurrence entre les différeras appétits impérialistes"... une chose est sûre, [quelle que soit l’issue de ce conflit] aucune des questions que la crise du golfe a mises en évidence ne pourra trouver de solution de cette façon". Mais c’était trop lui demander : immédiatement, cette organisation se noie de nouveau dans... le pétrole : "Une fois l’Irak éliminé, pour l’exemple, il ne se passera pas longtemps avant que quelqu’un d’autre ne pose la même question : modifier la répartition de la rente [pétrolière] à l’échelle mondiale : parce que c’est cette répartition qui détermine la hiérarchie internationale que la crise de l’URSS a remise en cause. " Quant à PC, s’il comprend bien qu’il y a autre chose de plus important que le pétrole, il n’arrive pas à dépasser les généralités : “l’enchevêtrement d’un conflit né d’intérêts de puissance colossaux, qui en se résolvant ne pourra qu’en susciter de nouveaux, défaisant et recomposant les alliances... ".
En fin de compte, s’il y a un point commun entre les différentes analyses de la signification de la guerre du Golfe, c’est bien la sous-estimation dramatique de la gravité de la situation dans laquelle se trouve le monde capitaliste aujourd’hui. Tels des montres arrêtées, les groupes communistes, même lorsqu’ils sont capables de reconnaître le bouleversement que vient de connaître l’arène impérialiste mondiale, ne font que plaquer des schémas du passé à cette nouvelle situation. Nous ne développerons pas ici notre analyse suivant laquelle le capitalisme est entré aujourd’hui dans la phase ultime de sa décadence: celle de la décomposition générale de la société (voir la Revue Internationale n°57 et 61). Mais c’est notre devoir de dire que le refus des groupes communistes de regarder cette réalité en face (lorsqu’ils ne nient pas, purement et simplement, que le capitalisme est un système décadent, comme le font les bordiguistes) ne saurait leur permettre d’assumer pleinement leur responsabilité face à la classe ouvrière[2]. La guerre du Moyen-Orient n’est pas simplement une guerre comme les autres face à laquelle il suffit de réaffirmer les positions classiques du "défaitisme révolutionnaire". Sans être une guerre mondiale, elle est la première manifestation majeure d’un chaos et d’une barbarie comme jamais la société humaine n’en a connus. Voilà ce que les révolutionnaires doivent affirmer clairement à leur classe afin que celle-ci puisse prendre pleinement conscience des enjeux de son combat contre le capitalisme.
FM (29/9/90)
[1] Le silence dans lequel s’est maintenu jusqu’à présent le "Ferment Ouvrier Révolutionnaire", une des rares organisations communistes existant en France, n’en est que plus inacceptable. Apparemment, le FOR est beaucoup plus en verve lorsqu’il s’agit, en leur faisant dire n’importe quoi, de faire des procès stupides aux autres organisations révolutionnaires (voir son article "Encore un plat piquant du CCI" dans "L’arme de la critique" n°6) qu’au moment où il faut faire entendre la voix internationaliste contre la barbarie guerrière du capitalisme.
[2] Ces incompréhensions et sous-estimations du milieu révolutionnaire ne sont encore rien, évidemment, à côté de la parfaite stupidité que révèle le tract publié le 28/9/90 par la "Fraction externe du CCI". Comme il sied à un petit cercle qui prétend reprendre le flambeau de l’approfondissement" théorique que le CCI aurait abandonné, c’est très "profondément* que la FECCI, pour expliquer la guerre du Golfe, se plonge... dans le pétrole. Bel effort théorique ! Mais ce n’est pas tout. Ce qui pour tout le monde, surtout après cette guerre, crève les yeux : la disparition de l’ancien bloc de l’Est, échappe à la "profondeur" de la FECCI. C’est vrai que, comme des enfants de deux ans, il faut aux membres de celle-ci, pour affirmer leur personnalité, s’opposer à tout ce que le CCI a pu dire après qu’ils l’aient quitté (voir notre article d-contre). Eux se revendiquent du "vieux CCI', celui qui bénéficiait encore de leurs lumières. C’est pourtant ce "vieux CCI" qui, depuis longtemps, avait mis en évidence l’extrême faiblesse du bloc de l’Est et de l’URSS. Celle-ci ne disposait d’aucune base économique sérieuse pour devenir une "grande puissance", encore moins une tête de bloc. Seul le fait circonstanciel de se retrouver, par la grâce d’Hitler, parmi les "vainqueurs" lui avait permis, à Yalta, de se faire payer le prix du sang des 20 millions de morts subis par sa population. L’URSS n’avait pu exercer son contrôle sur la zone d’influence qui constituait sa "rétribution" qu’aux prix de dépenses militaires exorbitantes qui, en même temps que son économie aberrante héritée de la contre-révolution stalinienne, l’ont conduite, elle et les pays de son bloc, à la ruine complète qui se trouve à l’origine de l’effondrement spectaculaire de ce dernier en 89. Voilà ce que, aujourd’hui, la FECCI se refuse obstinément à comprendre afin de pouvoir affirmer son originalité "théorique".
Depuis que le capitalisme est entré dans sa phase de décadence, les révolutionnaires ont toujours maintenu, face à la guerre, une seule position de principe : celle qui consiste à défendre de façon intransigeante l’internationalisme prolétarien en refusant catégoriquement de choisir un camp impérialiste contre un autre. Fidèle au mot d’ordre du “Manifeste communiste", “les ouvriers n’ont pas de patrie", c’est cette position qui, depuis la première guerre mondiale, a toujours délimité la frontière de classe entre les véritables organisations du prolétariat et celles qui, en passant avec armes et bagages dans le camp du capital, en prenant parti dans la guerre pour un camp capitaliste contre un autre, ont été les bourreaux les plus sanglants, les pires massacreurs de la classe ouvrière. Parmi celles-ci, il y a bien sûr les PS et les PC, mais on y trouve aussi leurs appendices gauchistes, et notamment trotskystes, tels ceux de “Lutte Ouvrière" et de la "Ligue Communiste Révolutionnaire”.
La guerre du Golfe arrache au PCF des accents pacifistes déchirants : "Faisons tout ce qui peut dépendre de nous, écrit Marchais dans l’éditorial de "L’Humanité" du 3 septembre, pour qu’elle soit évitée, que tous les otages soient libérés, qu’aucune vie humaine ne soit sacrifiée". Comme pour accorder les mots et les faits, la CGT -dont nul ouvrier n’ignore le lien de dépendance qui rattache ce syndicat au PCF, le 19 septembre et par le canal de son union départementale des Bouches du Rhône, s’élevait contre la réquisition des marins marseillais et des navires civils pour l’envoi de troupes vers le théâtre militaire du golfe Persique (tandis que le syndicat des marins, de son côté, affirmait que ses mandants n’obéiraient à l’ordre d’appareillage que sous la réquisition).
Tout cela n’est naturellement que poudre aux yeux. Il y a en effet beaucoup à dire à la charge du soudain amour des staliniens pour la paix et la vie humaine. Et d’abord ceci : leur pacifisme n’a rien à voir avec la promesse de paix contenue dans l’internationalisme prolétarien. Ce n’est sûrement pas au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou du droit juridique des Etats-nations que la classe ouvrière devra se mobiliser contre le capitalisme et ses guerres. Mais c’est pourtant ce que tend à soutenir Marchais et les siens quand ils dénoncent tout à la fois Saddam Hussein pour avoir envahi le Koweït et les Etats-Unis pour avoir constamment bafoué les aspirations à l’auto-détermination des peuples du Moyen-Orient (ou d’ailleurs) par le passé et encore aujourd’hui. Ensuite, le pacifisme du PCF et de la CGT consiste surtout en un anti-américanisme viscéral (dont la tradition remonte au moins à la fameuse manifestation de mai 1952 contre la venue en France, du général yankee Ridgway, commandant suprême des forces atlantiques) et en un tiers-mondisme crétin qui bêle une commisération abjecte pour les "petits peuples" (arabes ou autres), les 'pays pauvres", opprimés par les "grands", les "riches". Cet aspect de la diatribe stalinienne du moment a pour dessein de faire oublier que le PCF a constamment soutenu le camp impérialiste de l’Union soviétique contre son rival américain. Même si cela fut, parfois, de manière critique, le parti de Thorez-Waldeck-Rochet-Marchais a toujours, tout au long de ce qu’on a appelé la guerre froide puis la coexistence pacifique, cautionné les brigandages militaires et impérialistes de l’URSS dans les pays de l’Est, par exemple, ou en Ethiopie, en Afghanistan, etc, au nom de ces mêmes droits des peuples à disposer de leur destin.
Par leurs faux airs humanistes et antimilitaristes, aujourd’hui, les amis de Marchais et Krasucki entendent enfin passer sur la mémoire et la conscience de classe des prolétaires la gomme à effacer les cinquante ans et plus de patriotisme et de loyalisme envers le capital français que réunit l’histoire du stalinisme hexagonal. En nous référant à des dates clés, relatives à la question de la guerre, traçons brièvement, mais avec assez de preuves édifiantes, le palmarès du PCF et de son appendice syndical :
Ainsi, d’un bout à l’autre de son histoire, le parti stalinien (PCF et CGT) au plus près qu’il fut de la haute direction des affaires nationales, n’a jamais rechigné à servir les intérêts impérialistes et militaires de la France capitaliste (tout en essayant, bien sûr et quand cela était possible, de les concilier avec ceux de l’URSS, la maison mère du stalinisme). Cest toujours en bon patriote qu’il invita les ouvriers à participer au casse-pipe.
Le PCF déclinant est à présent hors de mesure de pouvoir faire que les prolétaires prennent ses vessies pacifistes pour des lanternes internationalistes. Il se sert du moins des apparences du discours radical ouvrier pour accentuer encore un peu plus l’inquiétude et aggraver la démoralisation conjoncturelle que provoquent et engendrent parmi les salariés exploités les énormes bruits de botte qui montent du Moyen-Orient.
La bourgeoisie, quant à elle, ne saurait douter de la bonne foi du PCF. Ainsi n’a-t-on pas entendu cet organisme, au beau milieu de ses simagrées pacifistes, approuver sur le fond la riposte militaire que Mitterrand et son gouvernement ont développée contre la violation de l’ambassade de France à Koweït-City par les troupes de Saddam Hussein.
SM
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Aujourd’hui, dans la guerre du Golfe comme dans toutes les guerres de ces cinquante dernières années, c’est derrière une phraséologie "radicale", "pacifiste", "anti-impérialiste" et avec une hypocrisie sans bornes qu’une fois encore ces soi-disant révolutionnaires que sont les trotskystes cherchent à mystifier les ouvriers afin de les amener sournoisement à s’entretuer pour la défense d’une fraction bourgeoise contre une autre.
Dans le chœur hypocrite de toutes les fractions de la bourgeoisie mondiale pour défendre la "juste cause" de leur politique impérialiste au Moyen-Orient, les trotskystes occupent une place de choix. Ainsi, ceux de LO et de la LCR nous ressortent aujourd’hui encore leur vieille rengaine de l’anti-impérialisme derrière leur slogan "troupes impérialistes hors du Golfe" (LCR) ou, mieux encore "troupes françaises et britanniques hors du Golfe" (LO). Mais, pourrait-on se demander, pourquoi cet appel au retrait de l’armada occidentale du Golfe ne s’accompagne-t-il pas d’un même appel au retrait de l’armée irakienne du Koweït ? Tout simplement parce que, dans la logique bourgeoise des trotskystes (pour lesquels il n’y a jamais eu depuis la seconde guerre mondiale qu’un seul bloc impérialiste, celui dominé par les USA), "l’adversaire principal, le seul véritable, de tous les peuples et des travailleurs occidentaux, c’est l’impérialisme, qu’il soit US, britannique ou français" (LO n°1159). Bien sûr, nous dit-on, S. Hussein est un dictateur sanglant, MAIS..., tout de même, il faut le comprendre car, après tout, les "frontières imposées par l’impérialisme anglais (...) ont privé son pays de ressources qui auraient dû lui revenir" ! (LO n°1160). Et LO de s’offusquer que "le tracé des frontières, qui permet la mainmise ou le contrôle du pétrole du Moyen-Orient par le capital occidental" ne puisse "être remis en question sans susciter la politique de la canonnière, voire la reconquête militaire de territoires par l’invasion des armées des pays riches" (LO n°1157). On ne peut être plus clair : "l’anti-impérialisme" des trotskystes de LO n’est rien de moins qu’une politique bourgeoise destinée à justifier l’invasion du Koweït par l’armée irakienne. Il n’est rien d’autre qu’une politique de soutien déguisé à un petit truand impérialiste contre les grands gangsters occidentaux. Toute sa phraséologie radicale de "condamnation" de la dictature sanglante de S. Hussein n’est qu’une gigantesque fumisterie, la feuille de vigne derrière laquelle LO s’efforce, avec ses formules sibyllines qui n’osent pas appeler un chat un chat, de masquer sa nature de défenseur invétéré du capital. D’ailleurs, toutes ces contorsions propres à la démarche trotskyste ne datent pas d’aujourd’hui. Cette position pro-irakienne qui ne veut pas dire ouvertement son nom rappelle étrangement une autre position, de triste mémoire, où ces mêmes laquais du capitalisme soutenaient, en d’autre temps, le bloc impérialiste russe dans toutes les guerres de prétendue "libération nationale" (au Cambodge, au Vietnam ou à Cuba) contre l’impérialisme occidental, tout en dénonçant la dictature stalinienne. Aujourd’hui, comme hier, le fameux "droit des peuples à disposer d’eux-mêmes" dont se revendique toujours le courant trotskyste, n’est rien d’autre qu’un appel au prolétariat des pays périphériques à choisir le camp de ses propres exploiteurs.
Ce double langage, cette répugnante hypocrisie n’est pas le seul apanage de LO, loin de là. Parmi la racaille trotskyste, il faut encore signaler le petit jeu de cache-cache auquel se livre cette autre organisation bourgeoise qu’est la LCR. Ainsi, dans son hebdomadaire "Rouge" destiné à être diffusé dans les "masses", il est, là aussi, bien difficile de trouver une position tranchée de soutien ouvert à l’impérialisme irakien. On y lit, à peu de chose près, le même discours visqueux que celui tenu par ses comparses de LO : dénonciation "virulente" de l’"impérialisme" (entendez les USA et leurs acolytes) considéré comme "l’ennemi n°1" et doublée d’une dénonciation (au second plan, bien sûr) de la dictature sanguinaire de S. Hussein. Mais écoutons avec quels arguments la LCR prétend "condamner" l’annexion du Koweït par l’Irak : "Saddam Hussein n’a aucun droit sur le Koweït" car... "il n’est pas mandaté par les masses koweïtiennes et il ne représente pas les masses irakiennes". (Rouge n°1415). Autrement dit, pour la LCR, les choses auraient été différentes si S. Hussein avait été "démocratiquement" élu au suffrage universel (comme les dirigeants des pays occidentaux, par exemple ?). Toutes ces contorsions verbales dans lesquelles se débat la LCR ne servent en réalité qu’à noyer le poisson afin de justifier son soutien à l’impérialisme irakien. Car c’est bien cette position que la LCR défend sans aucune ambiguïté comme en témoigne le contenu de sa revue théorique "Imprecor", destinée aux initiés, lorsque ces chiens de garde de l’ordre capitaliste affirment que "quelle que soit l’aversion que les révolutionnaires peuvent avoir pour, le despote irakien, ils ne sauraient hésiter (...). Dans tout affrontement entre l’Irak et les impérialistes, nous sommes résolument aux côtés du premier" (Imprecor n°314, revue théorique de la IVème "Internationale"). Ainsi, lorsque la LCR vient nous raconter (dans "Rouge") qu’elle n’a pas "attendu l’invasion du Koweït pour condamner clairement la dictature irakienne" (sic !), on ne peut que vomir cette crapuleuse duplicité qui n’a qu’un seul objectif : semer un maximum d’embrouille dans la conscience des masses ouvrières pour les amener insidieusement à se ranger derrière ses slogans, c’est-à-dire derrière le drapeau de l’impérialisme irakien. Et non contente d’avoir aussi clairement choisi son camp, la LCR s’en glorifie encore en vantant sa participation à un front unique où, en Tunisie, "l'ensemble des forces d’opposition ont adopté une position anti-impérialiste et soutenu, à des degrés divers, l’initiative de Saddam Hussein". Ainsi, "deux comités de soutien ont été formés dont le Comité de soutien à l’Irak, à l’initiative de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT, centrale syndicale unique du pays); toute la gauche, y compris les trotskystes, y participe.” ("Imprecor"). Et quand ces crapules de la LCR affirment que "les questions sont complexes et les réponses ne peuvent être que modulées sous peine de s’identifier à l’un des protagonistes du conflit", on se demande vraiment s’ils prennent les lecteurs pour des imbéciles ou si, en continuant à tortiller du derrière, ils s’imaginent pouvoir encore sauver leur âme vendue depuis plus de 50 ans au capital !
Cette attitude des trotskystes face à la guerre n’est pas nouvelle. C’est la même politique qu’ils ont toujours défendue depuis la deuxième guerre mondiale. Hier, c’était au nom de l’anti-fascisme qu’ils participaient à la "Résistance" et appelaient les prolétaires à verser leur sang pour la défense du bloc des Alliés (dirigé par ce même impérialisme américain qu’ils dénoncent aujourd’hui à cor et à cri). Aujourd’hui, c’est "contre le découpage artificiel des frontières du Moyen- Orient" qu’ils continuent à jouer leur rôle de sergents recruteurs pour une fraction capitaliste contre une autre. Comme si les frontières nationales de la grande majorité des pays étaient "naturelles" ! Comme si un grand nombre de pays coloniaux eux-mêmes, depuis Israël jusqu’à la Belgique, n’étaient pas autre chose que des créations purement artificielles constituées pour les besoins des grandes puissances tout au long du développement du capitalisme. Ce type d’arguments qui consiste aujourd’hui à revendiquer la récupération par l’Irak de "ses vraies frontières naturelles" n’est, en réalité, qu’un alibi servant à amener les ouvriers sur le terrain bourgeois du nationalisme afin de les embrigader dans la guerre que se livrent toutes les nations, petites ou grandes, dans l’arène impérialiste mondiale.
Et quand les trotskystes de la LCR, comme ceux de LO, viennent clamer que cette guerre n’est pas la leur et signent une "déclaration" commune avec tous les hommes de bonne volonté (qu’ils soient staliniens défroqués, "socialistes" ou écologistes) "pour que l’emporte dans le monde, y compris au Moyen-Orient, une politique de paix” ("Rouge" n°1413), ils ne font rien de moins que nous ressortir leur vieille politique "frontiste" qui, en d’autres temps, avait servi à embrigader des millions de prolétaires dans la deuxième boucherie mondiale. Faut-il rappeler à tous ces "pacifistes" en herbe que c’est au nom de cette même stratégie d’alliance avec toutes les forces "démocratiques" de la bourgeoisie, au nom de la "paix" et de l’"antifascisme" qu’ils se sont alignés sagement derrière le bloc des "Alliés" dans les années 30 abandonnant ainsi l’internationalisme prolétarien pour appeler la classe ouvrière des pays de ce bloc à massacrer leurs frères de classe embrigadés sous les drapeaux du nazisme. Ainsi, au même titre que n’importe quelle autre force du capital, de droite comme de gauche, c’est toujours au nom de la "paix" que les trotskystes, avec leur petite variante du "droit des peuplés à l’autodétermination", justifient leur participation aux pires massacres. Et quand ces va-t-en-guerre de la LCR nous disent encore qu’en cas de conflit ouvert "il faut maximiser le coût de toute agression impérialiste contre l’Irak" (autrement dit "il faut que l’armée irakienne fasse un maximum de dégâts dans le camp adverse"), cela nous rappelle étrangement un autre mot d’ordre, celui du PCF à la "Libération" : "plus forts les coups sur le boche chancelant". Mais là où toute cette racaille capitaliste excelle dans l’ignominie, c’est surtout quand elle vient nous dire que "telles sont les grandes lignes d’une attitude révolutionnaire se plaçant du point de vue des intérêts de classe du prolétariat" ! ("Imprecor").
Une telle crapulerie n’est pas pour nous étonner. Car aujourd’hui, les trotskystes ne font que reprendre à leur propre compte le même discours qu’ont toujours tenu les partis traîtres au prolétariat pour embrigader celui-ci dans la guerre impérialiste. Ce discours, c’est celui des sociaux chauvins qui, en 1914, ne se réclamaient du "socialisme" que pour mieux soutenir le capitalisme, et ne vouaient leur "fidélité" à l’internationalisme prolétarien que pour mieux défendre le nationalisme de la bourgeoisie. C’est contre cette infamie de tous les sociaux-chauvins que luttaient les révolutionnaires et parmi eux, Lénine et les bolcheviks, dont les trotskystes prétendent encore se réclamer aujourd’hui.
Dans sa lutte à mort contre ce système de misère et de barbarie, le prolétariat n’aura pas d’autre choix que de débusquer les chiens de garde du capital dans ses rangs. Car tous ceux qui, comme les trotskystes, prétendent défendre ses intérêts, sont en réalité ses pires ennemis. Leur phraséologie "radicale" n’a d’autre fonction que de mystifier la classe ouvrière, afin de saboter ses luttes, la dévoyer de son terrain de classe, empoisonner sa conscience pour l’amener pieds et poings liés au massacre.
Avril (29/9/90)
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"A BAS LE PILLAGE DES RICHESSES FRANÇAISES ! Le blé que les paysans de France ont fait lever, le lait des vaches qu’ils ont élevées; les machines sans lesquelles nos ouvriers seront sans travail et sans pain; le matériel de laboratoire qu’a construit le génie de nos savants, toutes ces richesses françaises doivent rester en France..." (Bulletin du Comité pour la IVème Internationale n°2, 20/9/1940).
"Tous ceux qui luttent contre l’oppresseur et qui ne sont pas ouvriers doivent comprendre que l’appui des forces ouvrières est vitalement nécessaire au succès de la lutte pour la libération nationale; qu’on doit donc leur assurer un statut de travail qui les intéresse et à la défense et à la renaissance de la patrie dont ils constituent la force..." ("La Vérité" n°8, journal du POI, ancêtre de la LCR, janvier 1941).
"ETUDIANT DE FRANCE ! Le 11 novembre est resté pour toi jour de Fête Nationale. Malgré l’ordre des autorités opprimantes, il sera jour de recueillement. Tu n’assisteras à aucun cours. Tu iras honorer le Soldat Inconnu. Le 11 novembre 1918 fut le jour d’une grande victoire. Le 11 novembre 1940 sera le signal d’une plus grande encore. Tous les étudiants sont solidaires pour que Vive la France ! (recopie ces lignes et diffuse-les)?' (Tract d’appel du "Comité français pour la IVème Internationale", appelant en novembre 1940 les étudiants à célébrer la victoire du 11 novembre 1918)
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Que les préparatifs de guerre, la menace d’un conflit majeur et le risque d’un chaos total autant que sanglant dans le Moyen-Orient inspirent de l’inquiétude, il n’y a rien là que de très légitime. Comment cette situation ne saisirait-elle pas de vertige les hommes, les femmes et les familles ? Ceux-ci savent en effet les colossaux moyens guerriers de destruction accumulés par les Etats, ils n’ignorent pas la poursuite de la course aux armements (chimiques, nucléaires ou autres) non plus que l’augmentation sans frein des budgets militaires dans tous les pays de ce monde présent d’où montent de partout les bruits de botte et où s’aiguisent les appétits impérialistes.
Mais la peur de la guerre n’empêchera pas la guerre. Elle constitue seulement l’ingrédient qu’exploite le pacifisme, et celui-ci représente directement une arme idéologique de la bourgeoisie, dont le maniement est en général réservé à la gauche. Le pacifisme contribue à préparer les conflits armés ; les exemples historiques abondent pour le montrer et démontrer qu’il est principalement tourné contre le prolétariat, la seule force de la société en mesure de contrer, à partir de son terrain spécifique de classe et de lutte, la logique guerrière du système bourgeois.
Les manifestations pacifistes n’ont toujours servi qu’à démobiliser des énergies dans des processions décourageantes, sinistres et surtout vaines.
Des défilés pour la paix autrement plus importants que ceux d’aujourd’hui et dans lesquels participait massivement la classe ouvrière, avant la première guerre mondiale, non seulement n’ont pas empêché cette boucherie mais ont constitué une préparation de celle-ci. En posant le problème en terme de "pacifisme”, avant la guerre, la social-démocratie pourra justifier en 1914 sa participation au conflit parce qu’"imposé par les autres", les "fauteurs de guerre", contre lesquels on ne peut plus rien lors du déclenchement de la tuerie. Et il ne reste qu’à s’embrigader à son tour pour le carnage capitaliste.
De même, la préparation de l’empoignade militaire avant la seconde conflagration mondiale, qui s’est faite sous la bannière de l’"anti-fascisme", avait pour' toile de fond, les thèmes du désarmement et la multiplication de manifestations pacifistes. C’est parce qu’on avait imprégné la société de l’idée que le capitalisme pouvait exister sans guerre qu’on a pu assimiler le fascisme a celle-ci et à tous les maux; la démocratie, elle, était une forme de capitalisme qui amenait bonheur, prospérité et paix... mais que la dictature voulait détruire.
Les mesures réclamées par le pacifisme - désengagement militaire, règlement des conflits par la négociation diplomatique, désarmement, réduction des dépenses militaires et transfert de celles-ci dans le domaine "social" - ne sont que des voeux pieux. Les opérations guerrières, les préparatifs de guerre, la guerre, sont au centre de la vie du capitalisme décadent. Plus qu’un voeu pieux, ¡ce que véhicule le pacifisme - un capitalisme sans armes, un capitalisme sans guerre - est un mensonge éhonté, une mystification de la classe dominante, car toute l’histoire du XXe siècle montre que la paix n’est pas possible dans le système capitaliste. Au demeurant, les causes du danger de guerre, comme de la guerre elle- même, ne se trouvent pas dans l’armement ou le "surarmement" mais dans l’existence même du capitalisme.
Dans les années 60, l’opposition à la guerre a pu être dévoyée sur le terrain de la "libération nationale des peuples opprimés". Aujourd’hui, où cette mystification a fait long feu, c’est sur la voie d’un "pacifisme de principe" où elle s’opposerait directement à toute expression de classe que tente de l’exploiter, de la drainer, la bourgeoisie.
Cela dévoile la nature véritable du pacifisme : ce n’est pas la "paix" en opposition aux puissances impérialistes qui est défendue mais bien uniquement la "paix" entre les classes, la paix sociale, la pacification nationale au profit du capitalisme impérialiste. L’opposition à la guerre qui peut se manifester au sein de la bourgeoisie se résume tout crûment à son opposition à la guerre civile, à la guerre de classe.
Sur ses manœuvres, l’histoire nous livre des expériences édifiantes. La même entreprise que nous voyons à l’œuvre aujourd’hui, les révolutionnaires la dénonçaient déjà il y a plus de cinquante ans avec la dernière énergie : "La bourgeoisie a précisément besoin que, par des phrases hypocrites sur la paix, on détourne les ouvriers de la lutte révolutionnaire“, énonçait Lénine en mars 1916.
L’usage du pacifisme n’a pas changé : "En cela réside l’unité de principe des sociaux-chauvins (Plekhanov, Scheidemann) et des sociaux-pacifistes (Turati, Kautsky) que les uns et les autres, objectivement parlant, sont les serviteurs de l’impérialisme : les uns le servent en présentant la guerre impérialiste comme la ’défense de la patrie’, les autres servent le même impérialisme en déguisant par des phrases sur la paix démocratique la paix impérialiste qui s’annonce aujourd’hui La bourgeoisie impérialiste a besoin de larbins de l’une et de l’autre sorte, de l’une et de l’autre nuance : elle a besoin des Plekhanov pour encourager les peuples à se massacrer en criant : "A bas les conquérants!" ; elle a besoin de Kautsky pour consoler et calmer les masses irritées par des hymnes et dithyrambes en l’horreur de la paix. " (Lénine, janvier 1917.).
Dans la première guerre mondiale, tous les propagandistes du "pacifisme de principe" ont sombré dans l’union sacrée. Mais, surtout, ils ont été les principaux responsables de l’entraînement du prolétariat au massacre sur le terrain de la "défense nationale et de la patrie". Le pacifisme est purement une arme de la bourgeoisie et en aucun cas on ne peut s’opposer à la guerre à travers lui.
Pour les révolutionnaires, la question du pacifisme a été clairement définie par Lénine : "Notre ’programme de paix’ doit consister à expliquer que les puissances impérialistes et la bourgeoisie impérialiste ne peuvent donner la paix démocratique. Il faut chercher cette paix et l’obtenir mais non sur des positions en arrière, dans l’utopie d’un capitalisme qui ne serait pas impérialiste ou d’une alliance de nations qui seraient égales en droit sous le capitalisme, mais en avant, dans la révolution socialiste du prolétariat. Pas une revendication radicale de la démocratie n’est réalisable avec ampleur et solidité (...) autrement qu’à travers les batailles révolutionnaires menées sous les étendards du socialisme. Et celui qui promet aux peuples la paix ’démocratique’ sans prêcher en même temps la révolution socialiste, celui qui nie la lutte pour un but total (...), celui-là dupe les prolétaires." (Mars 1916.)
Avec quelle actualité résonnent les phrases de Rosa Luxemburg La paix mondiale ne peut être préservée par des plans utopiques ou franchement réactionnaires, tels que les tribunaux internationaux de diplomates et de capitalistes, des conventions diplomatiques sur le ’désarmement’, la liberté maritime!...), les alliances politiques européennes, des ’unions douanières’!...), des Etats tampons nationaux, etc. On ne pourra pas éliminer ou même enrayer l’impérialisme, le militarisme et la guerre aussi longtemps que les classes capitalistes exerceront leur domination de classe de manière incontestée. Le seul moyen de leur résister avec succès et de préserver la paix mondiale, c’est la capacité d’action politique du prolétariat international et sa volonté révolutionnaire de jeter son poids dans la balance... Dans la lutte contre l’impérialisme et la guerre, les forces décisives ne peuvent être engagées que par les masses compactes du prolétariat de tous les pays. "
La guerre impérialiste est un produit du capitalisme et on ne peut lutter contre la guerre qu’en s’attaquant au capitalisme à sa racine. C’est uniquement par le développement de la lutte de classe que la guerre peut être combattue.
Livré à sa propre dynamique, le capitalisme ne peut échapper à la guerre impérialiste, qui n’est que la continuation, par la violence des armes, de la guerre économique incessante que se livrent les Etats et les diverses fractions de la bourgeoisie. Mais beaucoup plus que cela, les "temps de paix" sont devenus le règne d’une "paix impérialiste".
C’est ce qu’atteste l’histoire depuis le début de ce siècle, où est démontré, comme le soulignait déjà en juillet 1945 la Gauche Communiste de France (GCF) dans sa conférence de fondation, "qu’il n’existe pas une opposition fondamentale en régime capitaliste entre guerre et paix". La décadence de la société capitaliste, expliquait la GCF (l’organisation dont le CCI est l’héritier direct), trouve son expression éclatante dans le fait que, de guerres en vue du développement économique au cours de la période d’ascendance du système, les conflits armés viennent à capter pour eux l’essentiel de l’activité économique pendant l’époque de décadence. On peut vérifier le bien-fondé de l’analyse de la GCF en constatant que, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la production est essentiellement axée sur la fabrication de moyens de destruction, c’est-à-dire en vue de l’embrasement militaire.
L’armement est le seul secteur où les dépenses des Etats s’accroissent constamment même dans les plus petits pays du monde, les plus démunis. Les "progrès techniques" de ce siècle n’ont leur source que dans la sophistication croissante de l’armement. Le "progrès social”, que la bourgeoisie brandit pour justifier la survie de son système, s’est payé au prix fort : deux guerres mondiales ; des guerres locales qui iront jamais cesse entre les deux guerres et depuis la deuxième boucherie mondiale sous la forme de prétendues "luttes de libération nationale", une misère qui jette dans la famine plus des deux tiers de l’humanité, une déshumanisation croissante de la vie dans les pays "développés".
Cela ne signifie pas que la guerre soit devenue le but de la production capitaliste, l’objectif demeurant toujours pour le capitalisme la production de la plus-value, mais cela signifie que la guerre, prenant un caractère de permanence, est devenue le mode de vie du capitalisme décadent. Cela signifie que les questions de la crise et de la guerre sont complètement liées.
La véritable réponse -et il n’y en a pas d’autre-, c’est que la lutte contre la guerre passe nécessairement par la lutte de classe. C’’est le développement de la lutte du prolétariat qui constitue, dans la société bourgeoise, le seul moyen de lutter contre la guerre. Il faut éviter le piège du pacifisme, de la "paix sociale", en comprenant que la lutte contre la guerre c’est aussi la lutte contre l’austérité et tirer les leçons de l’expérience historique de la classe prolétarienne que la lutte contre l’austérité est aussi une lutte contre la guerre dans un monde où la crise et la guerre sont les deux phases d’une même réalité, la manifestation inéluctable d’une pourriture qu’exhale par tous ses pores le monde capitaliste.
C’est pourquoi nous traversons aujourd’hui une période cruciale dont l’enjeu se précise et se révèle de jour en jour internationalement. N’accepter ni la marche à la guerre ni l’austérité, rejeter les mensonges de la bourgeoisie et ses marchés de dupes, ne pas suivre la gauche dans la voie mensongère du pacifisme, du désarmement de la lutte de classe, refuser la paix sociale. Le développement international des luttes ouvrières est seul capable d’apporter une réponse au problème de la guerre car le prolétariat est la classe qui porte en elle la fin de toutes les guerres et le seul devenir possible de la société, le socialisme.
Le prolétariat tient entre ses mains le sort de toute l’humanité.
CR
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"Le mot d’ordre de la paix est, pour les marxistes révolutionnaires, une question d’une importance beaucoup plus grande qu’on ne le croit parfois. Le débat se ramène en réalité à un problème de lutte contre l’influence bourgeoise dans le mouvement ouvrier (...) Le mot d’ordre de la paix n’a par lui- même absolument rien de révolutionnaire. Il ne prend un caractère révolutionnaire qu’à partir du moment où II s’adjoint à notre argumentation pour une tactique de lutte révolutionnaire, quand il s’accompagne d’un appel à la révolution (...)" (Lénine et Zinoviev, "Contre le Courant", 1915)
L’extrême gravité de la situation au Moyen-Orient constitue aujourd’hui un concentré de la barbarie meurtrière que porte en lui le capitalisme. Elle nous montre quel avenir nous réserve ce système dont le seul mode de vie réside dans le développement croissant du militarisme et de la guerre. A l’heure où les principales puissances mondiales se préparent, sous le houlette des USA, à déchaîner dans le Golfe la plus monstrueuse opération militaire jamais mise en place depuis la fin de la seconde guerre mondiale, toutes les forces de la bourgeoisie s’évertuent, à travers un judicieux partage des tâches entre elles, à nous faire accepter la logique meurtrière de ce monde en pleine décomposition. Ainsi, du côté des cliques dirigeantes et autres jusqu’au-boutistes de droite comme de gauche, on nous parle de la nécessité d’un "règlement global" de tous les conflits au Moyen-Orient, on nous présente l’intervention musclée des USA et de leurs acolytes comme un "moindre mal", comme la seule solution possible au chaos croissant, comme l’unique réponse capable de garantir la stabilité et la paix dans le monde. Et pour mieux justifier leurs menées impérialistes, les grandes puissances ne ratent aucune occasion de mettre en exergue le machiavélisme et l’esprit bassement calculateur d’un Saddam Hussein, cherchant à semer la zizanie dans le camp adverse comme on l’a vu encore avec la décision irakienne de libérer les otages français.
Pendant les premières semaines de la crise du Golfe, l’hystérie médiatique qui se déchaînait dans les principaux pays occidentaux cherchait à nous faire adhérer à cette croisade du monde civilisé contre le "boucher de Bagdad". Aujourd’hui, alors que dans tous les pays l’accélération de la crise économique contraint la bourgeoisie à imposer partout et immédiatement des plans d’austérités draconiennes à la classe ouvrière (cf. p.4), toute cette campagne belliciste commence à s’émousser. Face à la brutalité des attaques frontales, massives, contre toutes les conditions de vie du prolétariat, il est maintenant bien plus difficile pour la bourgeoisie d’amener les masses ouvrières à resserrer les rangs derrière l’union sacrée de tous les massacreurs, à faire cause commune avec leurs propres exploiteurs.
C’est bien pour cela que depuis le début du mois d’octobre, en France comme aux USA comme dans tous les pays, on a vu toutes les fractions de gauche et d’extrême- gauche du capital, prendre le relai de ces campagnes en déversant le mensonge de l’idéologie pacifiste qui ne vise qu’à mystifier la classe ouvrière afin de 1’ enchaîner & la logique capitaliste (cf. article ci-dessous). Partout, on a vu se déployer des mobilisations "contre la guerre", des manifestations "pacifistes" orchestrées par toutes Les forces d’encadrement bourgeoises regroupées en fronts uniques soi-disant "anti-impérialistes". Du PCF aux anarchistes en passant par les trotskistes, tous nous ont appelés à descendre dans la rue “pour le retrait des troupes occidentales" au "pour l’ouverture d’une logique de paix*, ou encore pour "la recherche d’une solution négociée" dans la crise du Golfe.
Le roucoulement unanime de toutes ces colombes n’est en réalité qu’un piège pernicieux tendu à la classe ouvrière. D’abord parce que tous ces gens-là, qui prétendent défendre ses intérêts avec leur phraséologie radicale, ont toujours été, dans toutes les guerres, les pires sergents recruteurs ne visant rien d’autre qu’ à enchaîner les ouvriers derrière une fraction bourgeoise contre une autre (comme en témoigne encore aujourd’hui l’ignoble hypocrisie des trotskystes dont la participation aux campagnes "pacifistes" ne sert qu’à masquer leur soutien à l’impérialisme irakien) (et RI n°194). Ensuite parce que l’idéologie "pacifiste" qu’on nous ressert aujourd’hui comme seule alternative à la guerre est un mensonge qui ne vise qu’à semer l’illusion suivant laquelle la paix serait possible dans le capitalisme. Enfin et surtout, toute cette agitation “contre la guerre" est un moyen pour les forces d’encadrement capitalistes de récupérer la préoccupation des ouvriers face à la barbarie guerrière afin de les dévoyer sur un terrain pourri, les détourner de la seule perspective capable de mettre réellement un terme à la guerre et aux massacres : la destruction de fond en comble du capitalisme par le prolétariat mondial. Ainsi, si toutes les forces de gauche et d’extrême gauche dans l’opposition nous appelle aujourd’hui à nous mobiliser derrière leurs bannières "pacifistes", c’est pour nous empêcher de prendre conscience des véritables causes de la guerre, pour nous empêcher de comprendre que c’est la même logique barbare du capitalisme qui engendre la misère et le chômage croissants dans les pays les plus industrialisés, les famines, le chaos, les bains de sang dans les pays sous-développés.
Cette logique, c’est celle d’une crise économique mondiale sans issue, qui, en s’aggravant inexorablement, ne peut qu’exacerber la concurrence entre les différentes bourgeoisies nationales sur un marché mondial de plus en plus restreint. C’est cette logique capitaliste qui contraint toujours plus la classe dominante de tous les pays, pour défendre la compétitivité de ses marchandises, à réduire les coûts de production, à travers une attaque toujours plus féroce de toutes les conditions de vie des ouvriers : baisses de salaires, augmentation des cadences de travail, licenciements massifs... Et comme cette crise de surproduction généralisée ne peut être surmontée, la guerre commerciale qu’elle entraîne entre les différentes nations ne peut que déboucher sur la guerre des armes, sur l’exacerbation des affrontements militaires de plus en plus sanglants. Aujourd’hui, alors que c’est tout le capitalisme qui s’enfonce dans le chaos, ces conflits guerriers ne peuvent que se déchaîner à une échelle jamais vue par le passé (cf. RI n°193 et 194).
Alors que le capitalisme montre de plus en plus ouvertement sa faillite, son incapacité à offrir un avenir à l’humanité, alors que se déchaînent simultanément des attaques anti-ouvrières sans précédent et la barbarie guerrière, comme conséquence d’une seule et même logique, celle de la crise insoluble, mortelle du capitalisme, c’est justement cette réalité, ce lien entre la crise économique et la guerre, que les campagnes "pacifistes" visent aujourd’hui à masquer aux yeux des ouvriers.
Si aujourd’hui les fractions de gauche et d’"extrême gauche de l’appareil politique du capital utilisent à fond une telle mystification, si dans leurs grandes manifestations "pacifistes” elles appellent les prolétaires à se diluer dans la "population" en général, c’est précisément pour empêcher la classe ouvrière de développer sa propre réponse à la barbarie capitaliste, la seule qui soit en mesure de s’opposer réellement à la logique infernale de ce système de misère et de mort : la lutte autonome de classe du prolétariat mondial.
Cette lutte doit s’attaquer aux racines de toute cette barbarie, c’est-à-dire au capitalisme dans son ensemble. Elle passe par les combats de résistance du prolétariat, comme classe exploitée, aux attaques économiques de la bourgeoisie. Mais les prolétaires ne doivent pas concevoir ces combats comme une simple lutte de défense de leurs intérêts immédiats. Ils doivent aussi et surtout les comprendre comme une étape vers le renversement du capitalisme. Un moment où la classe ouvrière forge ses armes, sa solidarité, son unité et sa conscience, en vue de cet affrontement décisif contre un système qui ne peut apporter que toujours plus de misère, de massacres et, au bout du compte, la destruction de l’humanité.
Dès à présent, les luttes que mènent depuis 20 ans le prolétariat dans les pays centraux du capitalisme, les pays avancés d’Occident, constituent un frein à la barbarie guerrière en empêchant la bourgeoisie de ces pays de mobiliser massivement les ouvriers dans la guerre. En ce sens, la seule et véritable solidarité que puissent exprimer les prolétaires des pays centraux envers leurs frères de classe des pays du tiers- monde consiste dans le développement de leurs combats contre le capitalisme. Seul le développement des luttes ouvrières dans les principales puissances occidentales est en mesure d’empêcher la bourgeoisie de nous envoyer répandre le sang et l’horreur, massacrer nos frères de classes embrigadés sous les drapeaux de "leur" propre bourgeoisie nationale dans les autres pays. Plus les combats du prolétariat des grandes concentrations industrielles d’Occident seront puissants et moins la bourgeoisie aura les mains libres pour s’impliquer massivement dans de nouvelles croisades impérialistes toujours plus meurtrières.
Pour continuer à être frein à la guerre et se préparer à renverser le capitalisme, la classe ouvrière doit se détourner de toutes les sirènes de la bourgeoisie, qu’elles soient bellicistes ou pacifistes, qui tentent de l’entraîner hors de son terrain de classe, à miner sa prise de conscience des véritables enjeux de son combat afin de l’enchaîner à la logique du système. Elle ne doit pas se laisser intimider, démoraliser, paralyser par les bruits de bottes, par le spectacle terrifiant de la barbarie qui se déchaîne aujourd’hui dans le Golfe persique. Elle doit comprendre qu’elle seule détient la clef de toute la situation historique, qu’elle seule est une force porteuse d’avenir pour l’humanité, l’unique espoir de survie pour toute la société dans ce monde en pleine décomposition (cf p.8). Ce n’est qu’en prenant conscience de la gravité de la situation présente et de l’immense responsabilité qui repose sur ses épaules que la classe ouvrière doit développer ja confiance en ses propres forces. Plus que jamais, la barbarie guerrière du capitalisme doit renforcer la détermination du prolétariat à mener jusqu’au bout sa lutte à mort contre ce système avant qu’il ne détruise toute la planète.
Avril (27/10/90)
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La bourgeoisie ne manque pas d’air. A l’heure où les principales puissances sont sur le point de déchaîner au Moyen-Orient une tuerie plus meurtrière que toutes celles qui ont ensanglanté la planète depuis la seconde guerre mondiale, elle ose nous jouer, à grands renforts médiatiques, la répugnante comédie de la "paix" et du "désarmement". La fameuse "Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe", ce ramassis de salopards regroupant 34 Etats aujourd’hui sur le pied de guerre, qui vient de se tenir à Paris, est un summum du cynisme et de l’hypocrisie de la classe dominante.
On veut nous faire croire, une fois de plus, qu’avec l’effondrement du bloc de l’Est, avec "la fin de la guerre froide", s’ouvre "une nouvelle ère de démocratie, de paix et d’unité" dont les participants à la conférence seraient les garants et l’exemple à suivre pour le reste du monde.
Bel exemple en effet, quand les USA viennent de décider d’expédier 200.000 hommes supplémentaires sur le théâtre du massacre qui se prépare, quand le gouvernement britannique, tout "dé-thatcherisé" qu’il soit, annonce le lendemain même de la conférence, qu’il double lui aussi ses effectifs sur le terrain, et quand tout ce beau monde se met enfin d’accord, dans les couloirs du sommet, pour l’adoption d’une résolution de l’ONU autorisant le déchaînement de la tuerie.
Mensonges et poudre aux yeux que ce "traité de désarmement" signé par les 34 participants et qualifié d’"historique" par Mitterrand, quand il s’agit pour l’essentiel de mettre à la casse le stock d’armements désuet et désormais inutilisable du défunt bloc impérialiste russe, tandis que la puissance de feu des principales puissances occidentales, Etats-Unis en tête, n’est nullement remise en cause et que chaque jour qui passe voit s’accumuler dans le Golfe une armada particulièrement efficace et meurtrière prête à être utilisée.
Cinéma enfin, que ces belles déclarations, la main sur le cœur, annonçant des relations entre Etats "désormais fondées sur le respect et la coopération", quand dans la réalité, tous ces truands, hier encore relativement solidaires et disciplinés lorsqu’ils obéissaient à leurs chefs de bande respectifs, se livrent aujourd’hui entre eux à une véritable foire d’empoigne et laissent libre court à l’affirmation de leurs intérêts respectifs (voir article ci-dessous).
Ce que révèle au contraire la situation présente, c’est à quel point, loin d’ouvrir une "ère de coopération et de sécurité", l’effondrement des anciennes alliances impérialistes, ouvre la porte au déchaînement tous azimuts des rivalités entre brigands impérialistes, à une guerre économique à outrance entre les Etats, à une situation où, plus que jamais dans toute l’histoire du capitalisme, chaque capital national est prêt à tout pour faire valoir ses intérêts contre les autres. Et, loin de s’engager à "régler les différends par des moyens pacifiques", le capitalisme n’aura d’autre réponse à ce chaos grandissant que le militarisme et la guerre.
Pour les prolétaires, il ne peut pas être question de se laisser endormir par les discours de la classe dominante. Moins que jamais, ils ne peuvent se voiler les yeux devant la gravité de la situation présente.
Ils ne peuvent se voiler les yeux ni devant le bain de sang qui s’apprête à transformer en cadavres des milliers de leurs frères de classe au Moyen-Orient, ni devant les enjeux historiques gravissimes que cette situation révèle pour l’avenir de l’espèce humaine. La guerre du Golfe ne fait qu’annoncer le déchaînement d’autres massacres toujours plus meurtriers impliquant de plus en plus les grandes puissances capitalistes et la plongée de la planète dans un chaos sanglant qui menace de la détruire totalement.
Seule la lutte de la classe ouvrière comme classe est capable d’opposer un frein à cette logique meurtrière. En premier lieu, c’est sa mobilisation comme classe, sa détermination à refuser les sacrifices économiques que lui impose le capitalisme en crise qui peuvent empêcher ce système de mort de lui imposer le sacrifice suprême de l’embrigadement pour la guerre. Et surtout, cette lutte elle-même est la seule qui, en s’opposant aux fondements même du capitalisme, l’exploitation salariée, peut s’opposer à la logique guerrière qui est devenue le mode de vie même de ce système.
Une responsabilité énorme pèse sur les épaules de la classe ouvrière des pays centraux du capitalisme. C’est de son combat de classe, et de sa capacité à le mener jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au renversement du capitalisme, que dépend le sort de l’humanité.
Face aux massacres présents et à venir, face à la misère grandissante que lui impose le capitalisme, la classe ouvrière se doit de développer avec encore plus de détermination ses combats de classe. Contre tous ceux qui tentent de l’endormir avec des discours pacifistes et de la paralyser en lui faisant croire que les attaques toujours plus féroces que lui fait subir le capitalisme n’ont rien à voir avec les menaces guerrières, elle doit au contraire faire front contre ces attaques, en comprenant que chaque combat mené contre elles, est aussi une préparation au renversement du capitalisme. C’est la seule voie possible.
PE (24.11.90)
Le 26 août dernier, l’Autrichien Kurt Waldheim s’était rendu à Bagdad pour traiter avec "le diable" en personne, Saddam Hussein, et il en avait ramené un contingent d’otages. Cette initiative avait suscité un véritable tollé unanime. La "communauté internationale" anti-Irak n’avait pas eu alors de mots assez durs pour vilipender et flétrir les "pratiques méprisables" de cet individu, s’accordant si bien avec son "passé abject" d’ancien nazi.
Le 6 novembre, l’Allemand Willy Brandt, avec l’aval de son gouvernement et la bénédiction de l’internationale Socialiste, accomplissait exactement la même chose. Cette fois, à part l’américaine et l’anglaise, aucune bourgeoisie n’avait à redire sur l’entreprise ; au contraire, cette démarche était plutôt accueillie avec sympathie et bienveillance.
Que s’est-il donc passé entre ces deux évènements pour provoquer un si net revirement d’attitude au sein même de la coalition anti-irakienne ?
Ce n’est plus un mystère aujourd’hui : le Pentagone a bel et bien attiré Saddam Hussein dans un traquenard en laissant son armée envahir le Koweït le 2 août sans bouger le petit doigt, alors que la Maison Blanche n’ignorait rien des intentions et des manœuvres militaires irakiennes en juillet. Mais le principal objectif de l’Etat américain était, dès le départ, de piéger également les autres grandes puissances en les contraignant à resserrer les rangs derrière lui.
Pourquoi ? La raison majeure, c’est que les Etats-Unis ont rapidement pris conscience dans les mois qui ont suivi la disparition du bloc de l’Est, que leurs anciens alliés commençaient à manifester des velléités de plus en plus nettes d’indépendance, à vouloir se dégager de la tutelle US pour tenter de jouer leur propre carte dans l’arène impérialiste mondiale.
Les USA ont alors compris qu’avec la fin de la menace russe, c’était le ciment principal de leur propre bloc qui avait
disparu. Il était alors évident que tout l’ordre mondial qui était jusque-là à l’avantage des Etats-Unis se trouvait chamboulé et que leur propre domination sur la plus grande partie du monde capitaliste se voyait menacée.
C’est pour cela que l’opération "Bouclier du désert" n’avait pas seulement pour but d’obtenir une unité et une cohésion des autres Etats centraux autour du problème irakien mais surtout d’intimider ces derniers, de les enrôler de gré ou de force derrière la politique choisie, décidée et imposée par les USA.
Voilà pourquoi depuis le début du conflit, la bourgeoisie américaine, pour affirmer son leadership sur le monde, a été si prompte à étaler sa faramineuse puissance militaire, concrétisée par un envoi massif de troupes nanties des matériels de guerre les plus sophistiqués, performants et meurtriers de la planète. Voilà pourquoi les autres puissances ont été embarquées et contraintes de suivre les USA dans leur équipée militaire (cf. RI n° 193,194 et 195).
Dès le début de l’opération, des réticences discrètes se sont manifestées parmi les Etats ainsi sollicités. En particulier, la bourgeoisie française, jusque là dans les meilleurs termes d’amitié et de commerce avec l’Irak, a traîné les pieds près de trois semaines, entendant même jouer dans un premier temps la carte de ses petits intérêts boutiquiers à travers ses propositions d’"arbitrage diplomatique".
Face à ce manque d’empressement à s’aligner, la réaction américaine a été pleinement significative de "la politique de la trique" que les USA entendent désormais appliquer aux récalcitrants comme en témoigne l’expulsion manu militari de l’impérialisme français du Liban (cf. RI 195).
Ainsi, pendant les deux premiers mois de l’opération "Bouclier du désert", c’était par conséquent à un resserrement progressif, imposé par la force, des liens à l’intérieur de la coalition anti-irakienne que les Etats-Unis sont parvenus à établir.
Mais à partir du mois d’octobre, c’est un tournant inverse qui tend à s’imposer. Les intérêts particuliers divergents de tous ces gangsters impérialistes s’expriment désormais ouvertement, faisant éclater cette unité de façade. C’est-à-dire qu’un des objectifs principaux des USA à travers le montage de cette guerre -réaffirmer leur autorité sur les autres grandes puissances- est nettement remis en question.
La suprématie des Etats-Unis ne peut s’affirmer qu’au détriment des intérêts impérialistes des autres puissances car, dans l’affaire, s’il est évident que les USA ont tout à gagner, pour tous les autres brigands, plus la puissance militaire américaine s’affirme, plus ils se retrouvent soumis et impuissants et plus leurs propres intérêts se trouvent remis en cause. C’est pourquoi, contrairement aux USA, ils n’ont aucun intérêt propre à l’éclatement de la guerre avec l’Irak.
C’est pourquoi ces intérêts divergents se manifestent de plus en plus au grand jour à partir de ce moment-là et se cristallisent dans les désaccords et réticences des différentes puissances impérialistes vis-à-vis de l’option militaire des Etats-Unis. C’est alors une multiplication de tentatives de plus en plus ouvertes de saboter, de torpiller cette intervention militaire.
C’est publiquement, au conseil de sécurité de l’ONU, que des "allies" tels que la France, l’URSS et la Chine, membres permanents du Conseil de Sécurité, soutenus par la plupart des autres nations, font de l’obstruction systématique dans les discussions et les votes des résolutions pour détourner ou pour limiter la portée des propositions de la délégation américaine : l’embargo, oui, le blocus, à la rigueur, la riposte en cas d’agression irakienne sur la moindre pièce du dispositif militaire, du bout des lèvres, mais pas davantage. Ainsi, ils s’opposent autant que possible depuis des semaines à la résolution préconisée sur le recours direct à la force militaire contre l’Irak pour ensuite s’abriter derrière le respect des règles "du droit international". C’est Mitterrand qui pérore à la tribune de l’ONU en prétendant que "la logique de guerre n’est peut-être pas inéluctable" et que "une autre logique pourrait s’ouvrir si Saddam Hussein renonçait à ses prétentions sur le Koweït" puis qui relance de plus belle, de concert avec Gorbatchev, l’option diplomatique. C’est aussi le gouvernement français qui fait reculer de 50 km ses troupes par rapport au front pendant que les USA renforcent leur potentiel militaire. C’est encore tout récemment Kohl qui déclarait plus nettement à la radio allemande son hostilité à la solution militaire en proclamant que "quiconque croit pouvoir résoudre le problème par cette voie doit penser au dénouement d’une telle entreprise"...
C’est également en sous-main que l’on se met à des tractations avec S. Hussein d’abord en catimini et isolément puis ouvertement et de plus en plus nombreux.
C’est le gouvernement français qui donne le coup d’envoi de ce changement d’attitude et de la ruée vers Bagdad de façon particulièrement sournoise et hypocrite. C’est après la libération des otages français que la réalité s’est peu à peu fait jour : on apprend ainsi après maints démentis officiels que l’ancien chef de la diplomatie française, Cheysson, avait rencontré mi-octobre à Amman le ministre des affaires étrangères irakien. Ensuite, la même discrétion n’a plus été de mise, une pléiade de personnalités politiques de premier plan se sont rendus directement à Bagdad. Et Cheysson pouvait alors déclarer : "La manière dont les otages sont libérés doit toujours rester secrète"... Ces voyages effectués officiellement pour négocier des libérations d’otages sont destinés à couvrir bien d’autres tractations. Les libérations d’otages ne sont pas des fleurs gratuites. Derrière les déclarations des Brandt et des Nakasone à leur retour, du style "nous avons longuement évoqué notre profonde volonté de paix tout en rappelant que l’évacuation du Koweït était un préalable sans condition à cette paix”, il faut comprendre que les "visiteurs" ont mis en avant leur désaccord profond avec l’option militaire des USA ; qu’ils n’avaient aucun intérêt à l’écrasement total de l’Irak et que si Saddam Hussein était "suffisamment raisonnable" en abandonnant le Koweït, pour leur part, ils étaient tout prêts à fournir une aide substantielle et à rétablir des relations commerciales avec l’Irak. Quant à Saddam Hussein, il a très bien su profiter de cette situation de division, en attisant encore ces clivages. Aujourd’hui encore, l’antichambre de Saddam Hussein est devenue un véritable bazar international où se croisent et se bousculent diplomates et missions parlementaires d’un peu partout et de tout poil, venus s’occuper exclusivement de leurs petites affaires, livrant un tableau édifiant du degré de "chacun pour soi" dans lequel sont tombées d’ores et déjà les différentes nations.
On est aux antipodes du respect du premier mot d’ordre lancé par les Etats-Unis à la "communauté internationale" : "pas la moindre négociation avec l’Hitler du Moyen-Orient !"
La réaction américaine n’en a été que plus vigoureuse, suivie comme son ombre par celle de la Grande-Bretagne avec leur réaffirmation intransigeante du refus de toute négociation. En même temps, Bush, Baker, Thatcher, se répandaient en critiques acerbes et sans ménagement envers "les alliés peu sûrs", notamment à l’encontre de la France accusée "de duplicité et de manque de conviction dans ses engagements militaires”.
Parallèlement, les USA décidaient de doubler leurs effectifs militaires et leur matériel de guerre dans le Golfe d’ici la fin de l’année, hissant le dispositif militaire des Etats-Unis au niveau du plus fort de leur engagement au Vietnam, si ce n’est davantage.
Mais l’ampleur et la force des tensions se dévoilent pleinement lors du récent sommet de la CSCE (Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe) où c’est un véritable bras de fer qui est engagé. Sous la pression énorme, directe et constante des Etats-Unis, la question de l’intervention militaire dans le Golfe polarise totalement ce sommet, les questions du désarmement en Europe sont expédiées, celles sur les nouvelles structures de l’Europe qui devaient être au centre des débats sont éliminées. Et c’est dans les coulisses que se règlent les différends.
Loin de freiner "la logique de guerre", l’expression ouverte et l’accentuation de ces tensions entre les Etats-Unis et les autres principales puissances n’ont fait que renforcer la détermination du gendarme US de mener l’opération militaire jusqu’à son terme. En fait, dans cette entreprise, outre le soutien inconditionnel de l’Etat britannique, les USA savent ne pouvoir compter que sur l’appui sans ambiguïté des Etats directement intéressés à la perte de l’Irak : les bourgeoisies arabes rivales de ce pays et Israël. Mais les manifestations croissantes des manoeuvres de sabotage et des résistances ouvertes chez leurs autres pseudo-alliés les ont incités à frapper d’autant plus vite et fort, à précipiter les échéances pour les contraindre.
Que ce soit à travers la tournée de Baker dans les principales capitales de la "coalition" ou lors du sommet de la CSCE, c’est le même message qui est délivré, c’est le même ultimatum qui est réitéré : si les grandes puissances s’obstinent à ne pas soutenir devant le conseil de sécurité de envers l’Irak, les USA interviendront seuls et les autres seront mis devant le fait accompli. A ce moment là, ceux qui ne suivraient pas, qui ne s’aligneraient pas et dont les troupes resteraient en dehors du conflit, le paieront très cher. Non seulement les Etats-Unis menacent de les dénoncer aux yeux du monde comme faisant le jeu de l’ennemi, comme les complices de Saddam Hussein, mais ils ajoutent des promesses de représailles à plus long terme qui auraient des répercussions encore plus sérieuses pour les Etats concernés sur le plan de leur avenir impérialiste, économique ou commercial (par exemple, leur couper les livraisons pétrolières).
Face à ce chantage brutal et cynique du "parrain", les autres malfrats impérialistes ne peuvent que s’exécuter. Ils n’ont pas les moyens de résister, n’ayant aucune alternative à proposer, aucun moyen de pression efficace à faire valoir, prouvant que leur regroupement hétéroclite autour de la défense de leurs mesquins intérêts nationaux particuliers ne pouvait aboutir qu’à une fronde lamentable.
Par exemple, l’URSS confirme avec ses volte-face à répétition, sa totale impuissance. L’ex-seconde puissance impérialiste mondiale n’a même plus de politique étrangère digne de ce nom. Ses différentes positions successives dans la crise du Golfe qui vont du jour au lendemain, du rejet de toute intervention militaire jugée "inacceptable" à l’issue de sa rencontre avec Mitterrand, à l’acceptation d’une telle intervention après la visite de Baker à Moscou, sont directement liées à la valeur des chèques et des avantages immédiats qui lui sont proposés.
Quant à la France, dès la conférence de presse qui clôturait la CSCE, Mitterrand annonçait son "accord” résigné et piteux à 'l’orientation américaine" en même temps qu’il annonçait le vote de la résolution de l’ONU, enfin "rendue possible" à brève échéance.
Même si, dans le règlement de la crise du Golfe, la politique de la trique menée par les USA à l’égard de leurs "alliés" porte ses fruits de façon immédiate, les tensions qui se sont révélées ces dernières semaines entre les principaux Etats impérialistes ne vont ni s’atténuer, ni encore moins disparaître avec le déchaînement prochain de la barbarie guerrière contre l’Irak. Au contraire.
Les antagonismes d’intérêts impérialistes sont appelés à se développer encore beaucoup plus fortement avec l’aggravation catastrophique de la crise économique mondiale où la concurrence entre les différents Etats capitalistes va tendre de plus en plus à se déchaîner sur le terrain des affrontements militaires, obligeant les USA à affirmer toujours plus leur rôle de gendarme du monde face aux tendances au "chacun pour soi".
La guerre du Golfe ouvre ainsi une période d’instabilité croissante dans lequel les coalitions d’intérêts entre Etats ne pourront qu’être éphémères et dans lequel toutes les grandes puissances vont être impliquées dans un chaos de plus en plus sanglant.
C’est bien cette perspective de la guerre de tous contre tous, dans laquelle le capitalisme à l’agonie plonge l’humanité, qui se trouve de plus en plus exposée au grand jour.
YD (24/11/90)
Nous publions ci-dessous, suivis de notre réponse, des extraits d’une lettre d’une lectrice prenant position sur les évènements actuels au Moyen-Orient, notamment sur l’attitude que doivent y opposer le prolétariat et ses organisations révolutionnaires face à la gravité des enjeux que contient la guerre du Golfe.
"(...) Si la classe ouvrière mondiale, et en particulier celle des pays centraux qui sont en train de préparer l’anéantissement de l’Irak, ne prend pas position contre cette guerre, en faisant grève massivement, en refusant l’envoi d’appelés du contingent dans le Golfe, en empêchant le départ des bateaux et des avions de guerre, alors, on peut dire que c’est à un nouveau recul de la conscience dans la classe que nous allons assister et, de recul en recul, c’est la perspective même de la révolution qui va s’éloigner. Il est un peu tard maintenant pour que la classe ouvrière réagisse avant le déclenchement de la guerre, vu l’imminence de celle-ci, mais il est de la plus haute importance que les révolutionnaires et les sympathisants interviennent maintenant dans la classe avec des mots d’ordre précis dénonçant ce conflit (...) comme l’expression de la fuite en avant de la bourgeoisie vers la fin de l’humanité, afin que la classe ouvrière ne se trouve pas désarmée et impuissante devant la force de destruction de la bourgeoisie. (...) En conclusion, il ne faut pas laisser la bourgeoisie embobiner la classe ouvrière avec des discours lénifiants sur les méchants Arabes qui vont régler leurs problèmes entre eux et sur le "ça ne nous concerne pas". Si la classe ouvrière laisse faire ce massacre sans rien dire, elle sera encore plus abattue et apathique qu’avant. Si, au contraire, elle réagit, même timidement, ce sera un élan pour l’avenir qui contribuera à favoriser son renforcement et son organisation dans les luttes revendicatives (...)”
***************
Nous tenons tout d’abord à saluer l’initiative de cette camarade qui, prenant conscience de l’extrême gravité de la crise du Golfe, nous fait part de ses préoccupations à partir de sa compréhension que le prolétariat est la seule force dans la société capable d’empêcher le capitalisme d’emporter toute l’humanité dans sa folie guerrière. Nous saluons également l’appel de cette camarade à la responsabilité des révolutionnaires, dont la tâche consiste aujourd’hui plus que jamais à montrer aux yeux de la classe ouvrière quelle perspective nous offre le capitalisme décadent, afin de lui faire prendre conscience de la nécessité de détruire ce système avant qu’il n’anéantisse toute la planète.
Cependant, s’il est fondamental que le prolétariat intègre la question de la guerre dans le développement de sa conscience et de sa lutte contre le capitalisme, la manière dont la camarade pose le problème ne nous semble pas correcte. Elle conduit d’une part à une vision pessimiste, se traduisant par un doute sur les capacités de la classe ouvrière à renverser le système, et d’autre part, à une démarche dangereuse, qui risque d’entraîner le prolétariat hors de son terrain de classe.
En effet, la lettre de la camarade pose, entre autres, deux questions essentielles :
1° Si le prolétariat ne réagit pas contre la guerre du Golfe, gardera-t-il ses capacités à renverser le capitalisme ?
2° Quelle doit-être l’attitude de la classe ouvrière face à la guerre du Golfe?
La première question que pose notre lectrice renvoie à l’analyse que le CCI a développée sur le cours historique, c’est-à-dire sur le sens de l’évolution du rapport des forces entre les deux classes fondamentales de la société, la bourgeoisie et le prolétariat[1]. Cette analyse mettait en évidence que depuis la fin des années 60, un nouveau cours vers des affrontements révolutionnaires s’était ouvert avec le resurgissement de la crise économique qui avait permis au prolétariat de reprendre le chemin de ses combats de classe après cinquante ans de contre-révolution. Nous affirmions également que c’était l’incapacité de la bourgeoisie à embrigader le prolétariat derrière la défense des intérêts du capital national qui avait empêché la classe dominante d’apporter sa propre réponse à la crise historique de son système : une troisième guerre mondiale.
Or, dans la situation actuelle, la camarade, constatant qu’'il est un peu tard maintenant pour que la classe ouvrière réagisse avant le déclenchement de la guerre”, en déduit que "la classe ouvrière, si elle ne réagit pas, même timidement, va subir un nouveau recul dans sa conscience", ce qui amène notre lectrice à douter des capacités futures du prolétariat, c’est-à-dire à remettre implicitement en cause la perspective de la révolution prolétarienne.
Il est vrai, comme le constate la camarade, que, face à la guerre du Golfe, aujourd’hui, le prolétariat est impuissant. Il ne pourra pas empêcher le carnage. Mais ce n’est pas à partir de ce conflit militaire, si meurtrier et barbare soit-il, qu’on peut remettre en question toute la perspective historique que les luttes ouvrières ont confirmée depuis plus de vingt ans. Des guerres comme celle qui s’annonce dans le Golfe aujourd’hui, le capitalisme en déchaînera d’autres. La croisade impérialiste menée contre l’Irak ne fait que marquer le tout début d’une nouvelle période où les conflits guerriers dans lesquels les grandes puissances seront de plus en plus impliquées vont constituer une donnée permanente dans la vie de la société, une donnée que le prolétariat sera nécessairement contraint d’intégrer dans sa prise de conscience de la barbarie du capitalisme. Toute démarche immédiatiste consistant à poser dès aujourd’hui une sorte d’ultimatum au prolétariat, comme le fait la camarade, ne peut mener qu’au doute et à la démoralisation.
Si le prolétariat mondial n’a pas la capacité aujourd’hui d’empêcher le déchaînement de la barbarie guerrière dans le Golfe, cela ne signifie nullement que nous allons vers un renversement du cours aux affrontements de classes. Une telle situation supposerait en effet que la bourgeoisie a réussi à infliger une défaite idéologique décisive au prolétariat permettant, comme dans les années 30, son embrigadement massif sous les drapeaux du capital, ce qui est loin d’être le cas dans la situation présente. Ce ne sont pas des bataillons du prolétariat que la bourgeoisie occidentale mobilise aujourd’hui dans le Golfe, mais des troupes de l’armée de métier. Le fait que la classe ouvrière se révèle à l’heure actuelle momentanément paralysée, désorientée, ne signifie en aucune façon qu’elle est prête à accepter le même niveau de sacrifices, et jusqu’au sacrifice ultime de la vie, qu’en 1914 et dans les années 30.
Par ailleurs, le CCI a toujours mis en évidence que, contrairement à la vague révolutionnaire des années 1917-23 qui avait surgi de la première guerre mondiale, la vague des combats ouvriers ouverte en 1968 se développe à partir de la crise économique. Ainsi, aujourd’hui, ce n’est plus la guerre qui constitue le terrain de la mobilisation du prolétariat mais les attaques économiques résultant de l’aggravation inexorable de cette crise. Et les révolutionnaires doivent reconnaître que, sur ce terrain, la classe ouvrière a maintenu et maintient toujours sa capacité à mener le combat en tant que classe contre la dégradation de toutes ses conditions de vie. En ce sens, si, dans l’immédiat, les bruits de botte dans le Golfe provoquent dans les rangs de la classe ouvrière un sentiment d’impuissance, s’ils participent à désorienter le prolétariat au point de le paralyser face aux attaques de la bourgeoisie, cette situation ne peut être que momentanée. D’abord parce que, cette guerre, il faudra la payer et c’est, bien sûr, la classe exploitée qui en fera comme toujours les frais. Ensuite, parce que le capitalisme est en train de plonger dans une récession mondiale d’une profondeur sans précédent contraignant de plus en plus toutes les bourgeoisies nationales à porter des attaques anti-ouvrières frontales et massives contre l’ensemble des conditions de vie de la classe ouvrière (cf. "RI" n° 195) Et c’est bien parce qu’aujourd’hui, le prolétariat n’est pas embrigadé, c’est bien parce qu’il va être contraint, avec l’aggravation de la crise, de reprendre le chemin de la lutte sur son propre terrain, que la perspective historique aux affrontements révolutionnaires reste ouverte.
Ainsi, concernant la deuxième question que soulève la lettre de la camarade, quelle doit être l’attitude de la classe ouvrière face à la guerre du Golfe ?, il n’y a qu’une seule réponse : le prolétariat doit résister fermement à tout ce qui peut le pousser hors de son terrain de .classe. Pour cela, il doit, bien sûr, comme le dit la camarade, refuser d’adhérer aux campagnes bellicistes de la bourgeoisie. Mais il doit aussi et surtout éviter à tout prix de tomber dans le piège des campagnes pacifistes qui constituent à l’heure actuelle le thème de prédilection de toutes les fractions de la gauche du capital. Cette idéologie pacifiste ne vise, en effet, qu’à dévoyer le prolétariat, à l’entraîner sur un terrain pourri, celui de l’interclassisme, afin de le noyer au milieu de toutes les bonnes âmes "humanistes" (tels les curés ou les intellectuels) quand ce n’est pas pour le pousser à soutenir l’impérialisme irakien (comme le préconise le prétendu anti-impérialisme des trotskistes).
C’est précisément dans ce piège que risque de tomber la camarade elle-même lorsqu’elle nous suggère d’exhorter le prolétariat à se mobiliser dès aujourd’hui contre la guerre. Toutes ses propositions d’actions "contre la guerre" sont ainsi extrêmement dangereuses dans la mesure où elles peuvent être parfaitement récupérées par les forces d’encadrement capitalistes (comme on a pu le voir à Toulon lorsque la CGT avait, au mois de septembre, tenté de bloquer le départ des bateaux de guerre). Toute mobilisation du prolétariat contre la guerre seule ne peut être que canalisée et récupérée sur le terrain bourgeois du pacifisme, y compris la grève massive que propose la camarade. En effet, la grève n’est pas en soi un moyen d’action du prolétariat. Encore faut-il savoir sur quel terrain elle se situe. Ainsi, en 1936, le prolétariat avait développé des luttes massives pour des revendications économiques, mais ces grèves avaient immédiatement été dévoyées derrière le soutien au Front populaire, c’est-à-dire derrière cette idéologie antifasciste qui allait permettre l’embrigadement de millions de prolétaires dans la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, il suffit encore de voir comment, en Arménie "soviétique", les grèves massives ont pu être canalisées derrière le mot d’ordre bourgeois de l'"indépendance nationale" pour constater que la grève n’est pas en elle-même le critère d’une réelle mobilisation du prolétariat sur un terrain de classe. Ainsi, toute adhésion de la classe ouvrière à un slogan pacifiste ne peut conduire qu’à l’interclassisme, à l’abandon de sa lutte autonome contre le capital.
En ce sens, si, comme le reconnaît très justement la camarade, la classe ouvrière doit intégrer la question de la guerre comme condition du développement de sa conscience et de sa lutte vers le renversement du capitalisme, elle ne pourra le faire qu’à partir de ses propres conditions de classe exploitée, en développant ses luttes de résistance aux attaques économiques. Le prolétariat ne pourra réellement lutter contre la barbarie guerrière du capitalisme que lorsqu’il aura développé à un niveau beaucoup plus important qu’aujourd’hui ses combats de classe. Il ne peut lutter contre la guerre qu’en menant un combat général contre le capitalisme. C’est bien pour cela que l’intervention des révolutionnaires consiste non à faire du problème de la guerre une question en soi, séparée des autres aspects de la vie du capitalisme, mais à mettre en évidence le lien entre la guerre et la crise économique, et plus globalement, l’ensemble de la barbarie dans laquelle s’enfonce le capitalisme. Les révolutionnaires doivent souligner toute la gravité des enjeux de la situation historique que nous vivons aujourd’hui, afin de planter des jalons pour l’avenir en appelant le prolétariat à prendre conscience que c’est un seul et même système en pleine putréfaction qui s’avère responsable de la misère, des famines, et de la barbarie guerrière.
Avril
Ah ça, non ! La gauche stalinienne et surtout l’extrémisme gauchiste (trotskistes, maoïstes, anarchistes, tiers-mondistes...) du capital ne font pas preuve d’indifférence face à la situation de guerre générale qui pèse sur le Moyen-Orient. Sont-ce les misères, les souffrances et les destructions que provoquerait le feu des armes qui leur font prendre parti ? Très peu. En réalité, quand cette racaille bourgeoise, avec force trémolos pacifistes dans ses articles de presse ou à l’occasion de ses défilés au long des rues citadines, enjoint les ouvriers à ne pas demeurer indifférents, c’est précisément pour leur demander d’établir des différences : il y a d’un côté, dit-elle, l’insoutenable guerre que mènent les empires pétroliers d’Occident pour protéger leurs superprofits, celle que conduisent les maîtres du monde pour faire valoir le droit international qu’ils ont pour leur seul intérêt défini eux-mêmes, et de l’autre côté la "soutenable" et très légitime guerre des petites nations - arabes en l’occurrence - ainsi que des peuples pauvres du Sud contre les privilèges des peuples et nations riches du Nord.
Au bout du compte, le non-indifférentisme de ces gens-là a pour seul sens d’amener les prolétaires à soutenir le camp belligérant réputé le plus faible et, au besoin, à se faire tuer pour lui. Véritable sergent recruteur, cette répugnante engeance bourgeoise entend rendre le prolétariat indifférent aux véritables raisons qui poussent les Etats, l’Irak, l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis ou les autres, à la guerre, escompte aveugler les ouvriers quant à la nature profonde de celle-ci - qui ne dépend pas au premier chef d’un peuple ou d’une nation en particulier mais du fonctionnement global du capitalisme décadent. Elle se propose de maintenir la classe ouvrière prisonnière des raisonnements bourgeois et des choix capitalistes et se charge enfin de mettre en place le brouillard idéologique propre à laisser indiscernables les moyens seuls capables d’entraver une fois pour toute le mécanisme guerrier du capital, d’apporter une solution constructive à la misère des populations de n’importe quel pays, de lever à tout jamais le joug oppressif que les bourgeoisies du monde entier font peser sur les masses exploitées.
Pour mener à bien leur sale besogne, les gauchistes recourent à une méthode que les révolutionnaires ont apprise depuis longtemps à reconnaître et à dénoncer : s’emparer d’idées confusément exprimées au cours de l’essor historique du mouvement ouvrier pour les retourner en tant qu’armes idéologiques directement bourgeoises contre la classe ouvrière après que l’histoire les eurent rendues périmées ou démontrées fausses. Il en est assurément ainsi de deux positions-forces que les trotskistes ainsi que les maoïstes placent aujourd’hui au centre de leur propagande "parabellum" : celle qui réserve la notion d’impérialisme pour les seuls agissements des grands capitalismes d’Occident et celle qui proclame l’inaliénabilité du "droit des peuples à s’autodéterminer".
L’article suivant[1], dont nous présentons dans ce numéro-ci la première partie, relative à la question de l’impérialisme, s’attache moins à dénoncer en soi la perfidie du gauchisme qu’à anéantir les bases qui fondent sa propagande, dont la très grande nocivité parmi les ouvriers risque de provenir des relations de parenté qu’elle paraît entretenir avec les plus critiquables apports des 2e et 3e Internationales ainsi qu’avec certaines analyses erronées de Lénine.
A cette question, laissons répondre Rosa Luxemburg : "La politique impérialiste, écrit-elle dans la brochure ’La Crise de la social-démocratie’, n’est pas l’essence d’un pays ou d’un groupe de pays. Elle est le produit de l’évolution mondiale du capitalisme à un moment donné de sa maturation. C’est un phénomène international, un tout inséparable qu’on ne peut comprendre que dans ses rapports réciproques et auquel aucun Etat ne saurait se soustraire. ".
Rosa Luxemburg a décrit un processus historique global, un processus unifié, parce qu’elle a compris en fin de compte que tout est déterminé par le développement du marché mondial ; elle a été capable de voir qu’on ne pouvait diviser le monde en parties historiquement différentes : d’un côté un capitalisme sénile, de l’autre un capitalisme jeune et dynamique. Le capitalisme est un système global qui connaît une apogée et un déclin en tant qu’unité dont les différentes relations en son sein sont entièrement interdépendantes.
C’est en partant du développement du marché mondial que Rosa Luxemburg a pu comprendre pourquoi les luttes pour l’autodétermination nationale n’étaient plus possibles dans un monde divisé en nations impérialistes. En effet, il ne pouvait plus y avoir d’expansion réelle du marché mondial (la première guerre impérialiste mondiale l’a prouvé définitivement), mais seulement une redistribution violente des marchés existants. Sans la révolution socialiste, la logique de ce processus est l’effondrement de la civilisation. Dans ce contexte, il était impossible à tout nouvel Etat d’apparaître puis de maintenir son existence sur le marché mondial de façon indépendante ou de mener à bien le processus de l’accumulation primitive en dehors de cette barbarie générale. Donc, comme le dit Rosa Luxemburg (ouvrage déjà cité) : "Dans le monde capitaliste contemporain, il ne peut y avoir de guerre de défense nationale."
La seule possibilité pour une nation, petite ou grande, de se "défendre” était de s’allier à un impérialisme contre les attaques d’un autre impérialisme et d’avoir elle-même une attitude impérialiste vis-à-vis de nations ou Etats plus faibles, comme l’illustre de nos jours l’Irak vis-à-vis du Koweït, et ainsi de suite.
Bien que Rosa Luxemburg ait eu certaines confusions quant à la possibilité d’autodétermination nationale après la révolution socialiste et bien qu’elle n’ait jamais pu développer complètement sa position, tous ses efforts visaient à démontrer que les forces productives étaient entrées, violemment et définitivement, en conflit avec les rapports de production capitalistes, y compris aussi avec le cadre national devenu trop étroit. Les guerres impérialistes étaient le signe évident de ce conflit insurmontable et du déclin irréversible du mode de production capitaliste. C’est pour cela que les guerres de libération nationale, qui étaient auparavant une expression de la bourgeoisie révolutionnaire, ont perdu leur contenu progressiste et se sont transformées de surcroît en guerres impérialistes féroces menées dans chaque pays, quelle que soit la puissance économique de celui-ci, par une classe dont l’existence est devenue un obstacle au progrès de l’humanité.
L’analyse que développa Rosa du phénomène impérialiste - en montrant surtout qu’il ne traduit pas simplement une forme de pillage commis par les pays industriellement avancés aux dépens des nations arriérées mais constitue l’expression de l’ensemble des rapports capitalistes mondiaux - représente sans nul doute la vue la plus clairvoyante à laquelle le mouvement ouvrier a pu donner naissance dans l’époque où le capitalisme commençait, il y a près de quatre-vingts ans, à entrer dans sa période historique de décadence.
Dans les textes que Lénine versa en tant que contributions au débat mené par les partis de la Deuxième Internationale mourante puis de la Troisième sur la question nationale et celle de l’impérialisme, vers 1914-1919, il y a un curieux manque de clarté sur le fait de savoir si la révolution bourgeoise se fait avant tout contre le féodalisme autochtone ou contre l’impérialisme étranger. Dans bien des cas, ces deux forces étaient également ennemies du développement capitaliste national, et même, parfois, l’impérialisme maintenait délibérément des structures précapitalistes aux dépens du capitalisme indigène (à dire vrai, la plupart de ces structures pré-capitalistes n’étaient pas du tout féodales, mais des variantes du despotisme asiatique). Par ailleurs, les classes dominantes précapitalistes s’opposaient souvent violemment au capitalisme occidental qui les menaçait de disparition. Cela n’empêchait pas Lénine de conclure son "Impérialisme, stade suprême du capitalisme" (1916) avec le postulat que les révolutions bourgeoises étaient encore possibles dans les colonies.
Pour Lénine, l’impérialisme est, par essence, un mouvement des pays développés pour compenser la baisse intolérable du taux de profit due à la composition organique élevée du capital dans les métropoles. Dans "L’Impérialisme...”, Lénine aborde le phénomène de l’impérialisme de façon surtout descriptive et ne parvient pas, contrairement à Rosa Luxemburg dont il combattit les opinions sur le sujet, à poser clairement la question de l’origine de l’expansion impérialiste. Mais l’idée que les capitaux des métropoles sont obligés de s’étendre aux colonies à cause de leur composition organique élevée est inscrite en filigrane dans ses concepts de "surabondance de capitaux" et de "superprofits'' obtenus par l’exportation de capitaux dans les colonies. La caractéristique de l’impérialisme est donc, pour Lénine l’exploitation de capital dans les colonies en vue d’obtenir un taux de profit plus élevé dans la mesure où la main-d’œuvre y est moins chère et les matières premières s’y trouvent en abondance. Les pays capitalistes avancés étaient ainsi devenus dans cette optique les parasites des colonies dont ils tiraient des superprofits et de l’exploitation desquelles dépendait leur survie même (ainsi s’explique l’affrontement impérialiste mondial pour conserver la possession et conquérir des colonies). Comme on le voit, une telle vision divise le monde en nations impérialistes qui oppriment et en nations opprimées dans les régions colonisées. La lutte mondiale contre l’impérialisme requérait non seulement les efforts révolutionnaires du prolétariat des pays développés mais aussi les mouvements de libération nationale qui, en réalisant leur indépendance nationale et en brisant le système colonial, pouvaient porter un coup fatal à l’impérialisme mondial.
Il est cependant bien clair que Lénine n’a jamais adhéré aux idioties tiers-mondistes de ceux qui, tels les trotskistes ou les staliniens à la sauce Mao Zedong, ont figé les erreurs du grand révolutionnaire en idéologie bourgeoise baptisée "léninisme" et selon lesquels les luttes de libération nationale provoqueraient, par T'encerclement" des métropoles capitalistes, le soulèvement révolutionnaire du prolétariat de ces grands centres industriels.
La force de la bourgeoisie s’alimente des faiblesses du mouvement ouvrier. Les thèses que Lénine professait, dans le cadre de sa compréhension du phénomène impérialiste, sur l’existence d’une "aristocratie ouvrière" parmi le prolétariat des grandes métropoles capitalistes exprimaient une confusion et traduisaient, a son époque, les limites de la conscience ouvrière de classe. Elles contenaient les germes à partir de laquelle l’extrême gauche de la bourgeoisie a élaboré une conception tiers-mondiste entièrement hostile au prolétariat occidental accusé d’être acheté par les superprofits tirés de l’exploitation des peuples des pays pauvres. Que les gauchistes fassent aujourd’hui un commerce effréné de telles idées par rapport à la guerre dans le Golfe ne saurait étonner : c’est en grande partie pour ce travail idéologique anti-ouvrier que la classe bourgeoise les commandite.
SM (25/11/90)
[1] Essentiellement composé à partir de citations tirées de notre brochure "Nation ou Classe ?", dont nous ne saurions trop recommander la consultation à nos lecteurs.
1983, gare de Bologne en Italie. Des centaines de gens affairés se trouvent là quand éclate la bombe ; œuvre d’un dément, d’un fou dangereux, d’un terroriste sanguinaire... On se rappelle les images horribles des nombreuses victimes et aussi la réaction indignée, dégoûtée, des médias, la chasse effrénée aux terroristes par tous les gouvernements des pays de l’Ouest européen dont celui de l’Italie n’était pas le moins zélé. Ce ne fut qu’un épisode parmi les plus odieux de toute la violence terroriste qui sévissait en Europe ces années-là.
1990, Giulio Andreotti, qui participa à presque tous les gouvernements italiens depuis 1947 et se trouve aujourd’hui encore président du Conseil, fait parler de lui une nouvelle fois ; il arrive benoîtement et annonce dans un rapport "confidentiel", à présent connu de tous, qu’en Italie, il existe toujours un réseau clandestin d’agents commandé par les services secrets et largement financé par l’OTAN et la CIA. Ce réseau, du nom de "Gladio" (glaive en italien), avait été mis en place, dans toute l’Europe, par les USA au début de la guerre froide afin "de résister à une éventuelle occupation ennemie", c’est-à-dire russe. Ce réseau est composé de barbouzes triées sur le volet, rompues à toutes les techniques de la propagande, du sabotage et de la guérilla. De fil en aiguille, on en vient à ne plus douter que "Gladio" est à l’origine de pas mal d’attentats en Italie dont justement celui de Bologne ou encore le meurtre d’Aldo Moro. Le terrorisme peut bien être noir ou rouge, venir de Libye ou d’ailleurs, il semble que "Gladio" et consœurs y soient dans presque tous les cas mêlés. Alimentant "la stratégie de la tension" dans toutes ces années pour arriver à ses fins, la bourgeoisie magouille, assassine ses pairs et massacre des innocents !
Pour les "gladiateurs", il s’agissait de contrer tout ce qui était prorusse et notamment l’arrivée du PCI au pouvoir, qui aurait, paraît-il, mis l’OTAN en danger.
Puis petit à petit, on découvre aussi que le même type d’organisation clandestine existait en France jusqu’au 1er novembre, date approximative à laquelle Mitterrand l’aurait dissoute ; elle existait également en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne ou encore en Suède, bref, l’Europe occidentale en était totalement pourvue ! En fait, ce qu’on découvre aujourd’hui avec l’affaire "Gladio", c’est tout simplement l’existence d’une structure secrète de l’OTAN dont s’étaient dotés, sous l’égide des USA, les principaux pays de l’ex-bloc occidental (y compris la France, dont les velléités d’indépendance à l’égard des USA apparaissent maintenant ouvertement pour ce qu’elles étaient déjà à l’époque de De Gaulle : de l’esbroufe !).
Que tout cela perce aujourd’hui au grand jour n’est en rien une preuve de "changement d’attitude" de la bourgeoisie sur le fond. La conjonction extraordinaire des circonstances historiques actuelles permet à elle seule de comprendre pourquoi tout cela se sait maintenant, pourquoi, à la suite de l’Etat italien, toutes les puissances européennes lancent à présent ce pétard. C’est bien sûr, comme l’avoue ouvertement Andreotti, parce que les blocs impérialistes d’hier ont disparu que la raison de l’existence de "Gladio" s’écroule aussi. Mais au-delà de cette réalité, ce que révèle cette affaire, c’est surtout la tentative des principaux pays occidentaux de se dégager de la tutelle américaine, voire de s’y opposer, au moment même où les USA s’efforcent par tous les moyens de réaffirmer leur leadership sur le monde à travers leur offensive militaire contre l’Irak. En faisant exploser au grand jour le réseau "Gladio", tous les pays européens impliqués dans cette opération, ne visent ainsi à rien de moins que torpiller la discipline que cherchent à leur imposer les USA. L’affaire "Gladio" n’est, ainsi, qu’une nouvelle manifestation caricaturale de la tendance au "chacun pour soi" qui caractérise la politique de tous les Etats sur l’arène impérialiste mondiale.
Baldwin (22.11.90)
Tandis que les bruits de bottes se font de jour en jour plus assourdissants et que tous les gouvernements, de droite comme de gauche, sont sur le pied de guerre, on peut voir s’agiter depuis un certain temps, comme s’ils se situaient en dehors et en opposition radicale à ce vacarme belliciste, ce qu’il reste des PC et leurs séides gauchistes jouant les pacifistes et déployant force énergie dans l’organisation de manifestations "pour la paix", "pour la négociation", "pour le retrait des troupes occidentales". Ces derniers jours en France, on a ainsi pu voir au coude à coude le Parti Communiste, la Ligue Communiste Révolutionnaire, Lutte Ouvrière, les Verts, la CGT, la Fédération Anarchiste, l’Union des Travailleurs Communistes Libertaires et quelques autres appelant tout le "peuple de France" à se mobiliser contre la guerre.
Tout ce battage qui exploite aujourd’hui à fond le sentiment de peur, le rejet de la guerre, que partagent toutes les couches de la population dans tous les pays vise en premier lieu la classe ouvrière. Il fait partie, comme chaque fois que la bourgeoisie a eu besoin de faire accepter aux prolétaires sa logique meurtrière, d’un vaste partage du travail au sein de la bourgeoisie. Tandis que les gouvernements organisent la mobilisation guerrière et invitent ouvertement les ouvriers à l’union sacrée derrière leurs exploiteurs, il revient à la gauche dans l’opposition et aux gauchistes la tâche de prétendre s’opposer à cette politique en distillant un poison pacifiste destiné à paralyser les rangs ouvriers. De tout temps, cela a été la fonction de la gauche que de dévoyer ainsi les préoccupations des ouvriers vis-à-vis des menaces de guerre vers un terrain pourri sur lequel ils sont impuissants. De tout temps, c’est cette fraction de la bourgeoisie qui s’est chargée de diffuser le mensonge selon lequel un capitalisme sans guerre est possible, que la paix dépend de la bonne volonté des gouvernements et qu’il suffit de faire pression sur eux, de les convaincre de désarmer, pour que celle-ci triomphe. De tout temps, ce mensonge et ces mobilisations pacifistes n’ont eu d’autre rôle que d’entraver toute prise de conscience dans les rangs ouvriers des véritables causes de la guerre et de cacher aux yeux des prolétaires la seule mesure capable de mettre fin à la barbarie guerrière : la destruction du capitalisme. A chaque fois, les grandes manifestations pacifistes, qu’il s’agisse de celles qui ont précédé lçs deux guerres mondiales ou des défilés "pour le désarmement" qui se sont multipliés durant les années 80, organisés par la social-démocratie en Allemagne et en Belgique contre les Pershing II ou par le PC et son "Appel des 100" en France, n’ont servi qu’à détourner les prolétaires du seul terrain sur lequel ils puissent développer une force capable de s’opposer réellement au capitalisme et à sa logique guerrière : le terrain de ses luttes de résistance comme classe aux attaques du capital. Au contraire, en les invitant à se noyer dans les "protestations" de toute la population, à se fondre dans un magmas interclassiste stérile, elles n’ont eu d’autre but que de désarmer les ouvriers en les déracinant du sol naturel de leur lutte. A la veille de chacune des guerres mondiales, ce sont elles qui ont permis, en démobilisant les énergies ouvrières, que se déchaîne finalement l’holocauste.
Aujourd’hui comme hier, au moment où la classe dominante révèle ouvertement la logique meurtrière de son système, elle peut compter sur ses fractions de gauche dans l’opposition et sur ses syndicats pour assurer les arrières. Si les PC, les trotskistes et consorts, ceux-là mêmes qui n’ont cessé, à travers l’histoire de ces dernières décennies, de prendre parti dans chaque conflit guerrier pour un camp belligérant contre l’autre, et qui ont à leur actif un passé glorieux dans la justification de tous les massacres impérialistes, redécouvrent aujourd’hui des accents pacifistes et multiplient les protestations contre la guerre, c’est qu’il s’agit de ne pas laisser à découvert le terrain social en ces temps difficiles. Au moment où le déchaînement de la logique de guerre capitaliste risque en effet d’ouvrir les yeux de la classe ouvrière sur l’avenir effrayant que ce système nous promet, au moment où ces évènements tragiques peuvent devenir le ferment d’une prise de conscience ouvrière des enjeux de ses combats, il s’agit d’entretenir chez les prolétaires le sentiment d’impuissance, de les empêcher de faire le lien entre la crise et la guerre et de miner ainsi la mobilisation ouvrière sur son propre terrain. Avec l’acharnement même que ces fractions bourgeoises, chargées d’encadrer et de contrôler le terrain social, mettent à saboter les luttes ouvrières, elles prennent en charge la neutralisation de toute prise de conscience dans les rangs ouvriers.
MP
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Après avoir pendant six mois, du MPPT à LO en passant par la LCR, appelé au soutien de l’État irakien[1], après avoir appelé les ouvriers à soutenir le camp de l’impérialisme irakien contre les patrons des grands abattoirs occidentaux et regretté, comme le disait un militant de LO à leur "grande fête populaire" de Bordeaux, "de ne pas pouvoir être présent en Irak pour appeler les ouvriers irakiens à rejoindre le front", voilà que les organisations trotskistes versent des larmes de crocodiles sur les victimes de la boucherie du Golfe. Voilà qu’ils cherchent à faire oublier que pendant des mois, ils n’ont cessé d’appeler les prolétaires irakiens à s’enrôler derrière les drapeaux de Saddam Hussein au nom de la lutte contre "l’impérialisme".
Depuis 50 ans, depuis qu’ils ont envoyé les ouvriers se faire massacrer dans la seconde boucherie mondiale, sous couvert d’antifascisme et de soutien à "la grande patrie socialiste russe", les organisations trotskistes se sont toujours fait un devoir de choisir leur camp, de choisir le bloc impérialiste russe contre le bloc occidental, de choisir Ho-Chi- Minh ou le FLN contre leurs ex-compagnons de la Résistance, de préférer les massacres de Pol Pot à ceux de Nixon, de préférer le Nord au Sud au Vietnam ou en Corée... bref, de prendre pleinement partie à la curée impérialiste en choisissant de faire partie de la meute. Leur camp, ils l’ont effectivement définitivement choisi : celui de la bourgeoisie.
Et tout cela, cynisme suprême, au nom de l’internationalisme prolétarien et du défaitisme révolutionnaire... Ils ne reculent décidément devant rien !
L’internationalisme prolétarien, le mot d’ordre "prolétaires de tous les pays unissez-vous !", cela devient pour eux l’inter - NATIONALISME, la lutte barbare entre nations capitalistes, le mot d’ordre "prolétaires de tous les pays, ceux du tiers-monde contre ceux du G7, entretuez-vous !". Et ils défilent pour la paix... des tombes, au nom des intérêts de la NATION arabe et de la NATION irakienne opprimée par l’impérialisme.
Le défaitisme révolutionnaire, valable ici, ne l’est pas là-bas. On lutte (soi-disant) contre sa propre bourgeoisie quand on habite en bord de Seine, on la soutient et on se sacrifie pour elle sur les rives de l’Euphrate...
Et ils crient, ils écrivent, "Bush, Mitterrand, Major assassins", mais on s’épuise en vain à chercher les mêmes diatribes concernant Saddam... Sans doute que les crimes d’Hussein, maintenant qu’il n’est plus soutenu par les occidentaux comme au temps de la guerre Iran-Irak, ne sont aux yeux des trotskistes que des "erreurs", aujourd’hui qu’ils se retrouvent avec lui autour des slogans rédempteurs : "Palestine vaincra !", "Vive la lutte des peuples opprimés", etc...
Mais quand les trotskistes "oublient" les crimes de Saddam, "oublient" qu’il ne vit que de terreur et de massacres et que c’est le fusil dans le dos qu’il a envoyé sa population se faire massacrer, ce n’est pas, et de loin, leur seule amnésie, leur seule forfaiture.
N’est-il étrange, en effet, de voir le MPPT, la LCR et LO manifester contre le gouvernement socialiste et exprimer leur "dégoût" de Mitterrand, alors que, depuis des années, à l’occasion des élections et au quotidien dans les entreprises et dans les luttes, ils font leur sale boulot de sergents recruteurs et de rabatteurs pour les "partis de gauche", PS et PC ? Mais peut-être qu’ils ont aussi oublié cela ?
Nous, nous nous en rappelons et la classe ouvrière ne doit pas l’oublier. On se rappelle la "grande espérance" qu’a été pour ces trotskistes "le front unique des organisations ouvrières"[2]) que représentait, d’après eux, le "Programme Commun de gouvernement" PS-PC des années 70. On se rappelle leurs appels à voter Mitterrand en 1974, Laguiller se vantant d’avoir "réconcilié des milliers de travailleurs avec la Gauche"[3], et en 1981 où Informations Ouvrières voyait "les intérêts des masses laborieuses" se réaliser avec l’avènement du gouvernement PS-PC[4] dont la LCR se disait être "la troisième composante ouvrière"[5].
Oui, messieurs les trotskistes, si vous l’avez oublié, nous, nous nous en rappelons de votre soutien à Mitterrand et aux socialistes. Et nous nous rappelons aussi comment, toujours et partout, vous soutenez et cherchez à renforcer les syndicats, comment vos militants participent au sale boulot de la CFDT, de FO ou de la CGT, comment vous faites tout pour enfermer les luttes et les maintenir dans le giron de la bourgeoisie. Et nous en concluons logiquement que, si Mitterrand et consorts sont effectivement des assassins et des ennemis de la classe ouvrière, vous en êtes les complices et les souteneurs.
Pendant la guerre les trotskistes soutiennent un camp -l’Irak-, avant (et après) la guerre, ils soutiennent l’autre camp, en appelant à voter pour Mitterrand, aujourd’hui chef des armées "de gauche", et en venant tant qu’ils peuvent au secours du PCF et de la CGT dont le bellicisme chauvin et "rattachement à la défense nationale", que Krasucki rappelait en pleine guerre du Golfe, ne sont plus à démontrer. Peu leur importent en fait les moyens, peu leur importent les mensonges, à tel ou tel moment, à tel ou tel niveau, seul compte le but : soutenir leur camp, celui de la gauche du capital, et encore et toujours désarmer la classe ouvrière, encore et toujours apporter leur contribution à la préservation de cette société de misère et de mort.
Adso
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Avec l'effondrement du bloc de
l'Est, ce sont maintenant des vagues gigantesques d'immigrés fuyant la misère,
la famine, les massacres, qui vont venir inonder les Etats d'Europe occidentale
comme on le voit déjà en Allemagne et en Italie. Face à cette menace de
déstabilisation et d'extension du chaos à la vieille Europe industrialisée,
toute la bourgeoisie d'Europe occidentale s'efforce aujourd'hui non seulement
d'endiguer cette "invasion" d'immigrés par des mesures musclées de
fermetures des frontières, mais encore de faire adhérer la classe ouvrière à sa
sinistre politique de défense du capital national. En déchaînant une gigantesque
campagne anti-immigrés, qui alimente les pires idéologies bourgeoises tels le
racisme, la xénophobie, le nationalisme, le "chacun pour soi",
la classe dominante ne vise qu'un seul but : empêcher le prolétariat d'affirmer
sa solidarité et son unité de classe internationales, en cherchant à la diviser
entre ouvriers immigrés et ouvriers autochtones. En semant l'illusion que ces
derniers auraient quelque chose à sauvegarder, à défendre contre tous ces
miséreux venus de l'Est ou d'ailleurs, tout ce battage idéologique s'efforce de
leur faire oublier que la situation d'immigrés fait partie de l'être-même
de la classe ouvrière, de la misère de sa propre condition de classe exploitée.
L'exode massif de leurs terres d'origine de centaines de milliers d'êtres humains fuyant la famine et la misère n'est pas un phénomène nouveau. Il n'est pas non plus un fléau spécifique aux pays sous-développés. L'immigration appartient au système capitaliste lui-même et remonte aux origines de ce mode de production fondé sur l'exploitation du travail salarié.
Dès l'aube du capitalisme, la nouvelle classe de producteurs, le prolétariat, s'est constituée d'emblée comme une classe d'immigrés. C'est grâce à l'immigration que la bourgeoisie a pu développer son système d'exploitation en détruisant d'abord les rapports de production féodaux devenus caducs. Ainsi, à partir de la fin du 15ème siècle, notamment en Grande-Bretagne, "l'accumulation primitive" du capital se constitue grâce à l'expropriation des paysans, chassés sauvagement de leurs campagnes et enrôlés de force dans les premières manufactures. Dépossédés de leurs terres par le développement du capitalisme, contraints par le fer et par le sang d'émigrer vers les villes pour vendre leur force de travail au capital, les paysans et petits artisans, en devenant prolétaires, vont, dès cette époque, constituer les premiers travailleurs immigrés. Cet exode rural massif imposé par le développement sauvage du capital, s'est encore accompagné, dans toute l'Europe, de mesures de répression d'une férocité inouïe contre tous ceux que le capitalisme naissant a délibérément affamés, réduits à l'indigence pour les obliger à se soumettre à l'esclavage salarié. C'est ainsi que Marx décrivait la terreur que le capitalisme a déchaîné contre tous les fugitifs qui, après avoir été réduits à l'état de vagabonds errants, furent marqués au fer rouge, mutilés, envoyés aux galères, ou tout simplement pendus pour insoumission aux règles de la dictature capitaliste :
C'est grâce à cette expropriation brutale des paysans et à leur transformation en esclaves salariés que le capitalisme a pu trouver sa première source de main d'oeuvre. Pendant toute la période de son ascendance et jusqu'à son apogée à la fin du 19ème siècle, ce système d'exploitation va se développer continuellement grâce aux flux migratoires de la force de travail. Dans le plus vieux pays capitaliste, la Grande-Bretagne, la nouvelle classe dominante a pu poursuivre sa marche en avant grâce à l'exploitation féroce de masses d'affamés venus des régions agricoles, en particulier d'Irlande. En effet, "le rapide développement de l'industrie anglaise n'aurait pas été possible si l'Angleterre n'avait pas disposé d'une armée de réserve : la population nombreuse et misérable de l'Irlande." (Engels,"La situation de la classe laborieuse en Angleterre"). Cette "armée de réserve" constituée par l'immigration irlandaise a permis au capital britannique d'introduire au sein de la classe ouvrière sa propre concurrence pour faire baisser les salaires et aggraver encore les conditions insupportables d'exploitation des prolétaires.
Ainsi, c'est déjà dans le cadre du développement de chaque capital national que le phénomène de l'immigration fait partie intégrante, dès le début du capitalisme, de l'être-même de la classe ouvrière. Le prolétariat est, par essence, une classe d'immigrés, de transfuges issus de la destruction sanglante des rapports de production féodaux.
Cette immigration va s'étendre par delà les frontières nationales lorsque, vers le milieu du 18ème siècle, le capitalisme commencera à se heurter au problème de la surproduction de marchandises dans les grandes concentrations industrielles d'Europe occidentale. Comme l'affirmait Marx, en 1857, "avec le développement du surtravail qui constitue la base de l'exploitation capitaliste, se développe aussi la surpopulation, c'est-à-dire une masse de prolétaires qui ne peuvent continuer à vivre sur le même territoire à un certain stade du développement des forces productives" ("Principes d'une critique de l'économie politique").
Les crises cycliques de surproduction qui frappent l'Europe capitaliste dès le milieu du 19ème siècle vont contraindre des millions de prolétaires à fuir le chômage et la famine en s'exilant vers les "nouveaux mondes". Entre 1848 et 1914, ce sont 50 millions de travailleurs européens qui vont quitter le vieux continent pour aller vendre leur force de travail dans ces régions, notamment en Amérique.
De la même façon que l'Angleterre du 16ème siècle a pu permettre le développement du capitalisme grâce à l'immigration intérieure, la première puissance capitaliste mondiale, les USA, se constituera grâce à l'afflux de dizaines de millions d'immigrés venus d'Europe (notamment d'Irlande, de Grande-Bretagne, d'Allemagne, des pays d'Europe du nord).
Jusque vers 1890, c'est au prix d'une exploitation féroce des prolétaires immigrés, rationalisée par la "taylorisation" du travail dans les usines, que le capital américain va pouvoir s'affirmer progressivement sur la scène mondiale. Après 1890, les terres et les emplois se raréfient et les nouveaux émigrants méditerranéens et slaves sans qualification professionnelle s'entassent dans les ghettos des grandes villes et sont contraints d'accepter des salaires de plus en plus misérables pour pouvoir survivre. Avec l'apogée du capitalisme, le mythe de l'Amérique accueillante pour tous aura vécu. Dès lors que le capital américain n'a plus besoin d'importer massivement de la main d'oeuvre pour développer son industrie, la bourgeoisie de ce pays commence à mettre en place des mesures discriminatoires destinées à sélectionner les demandeurs d'asile. Après la grande vague d'immigration de prolétaires italiens et slaves qui affluent aux USA à la fin du 19ème siècle, la bourgeoisie américaine commence, à partir de 1898, à fermer ses frontières, notamment aux immigrants asiatiques. Dès lors, il n'était plus question d'accueillir n'importe quel "va-nu-pied". Il fallait que les nouveaux aspirants à l'immigration soient capables de faire fructifier le capital, tous les indésirables étant impitoyablement refoulés et condamnés à rentrer crever "chez eux". Comme le relatait un article du "Figaro" en 1903, "Chaque émigrant montre les 150 f. fixés comme minimum et, s'il verse les deux dollars exigés par le gouvernement américain, l'homme est admis... Sans argent ni relations en Amérique et... vieux ou malade, on les renvoie d'où ils viennent. Mais un homme jeune, bien portant, décidé, avec une profession, n'est jamais refusé, même dénué de ressources. Cette foule grouillante de misérables ouvriers, ouvrières, paysans, domestiques, commis... ces maudits bannis par la malchance de leur ingrate patrie, c'est l'Amérique !... Ce sont leurs frères de misère, émigrés comme eux des mêmes pays depuis 60 ans, qui ont fait l'Amérique d'aujourd'hui."
Ainsi, c'est grâce à l'immigration vers les autres continents de ce surplus de main d'oeuvre résultant des crises de surproduction en Europe Occidentale que le capitalisme a pu étendre sa domination à toute la planète.
Tout au long du 20ème siècle le ralentissement des flux migratoires va devenir un signe de plus en plus évident de l'enfoncement du capitalisme dans sa période de décadence marquée par l'éclatement de la première guerre mondiale. Avec la première boucherie impérialiste de 1914-18, les migrations massives de prolétaires qui avaient accompagné et permis l'ascension du capitalisme commencent à décliner. Ce déclin résulte non pas de la capacité du capitalisme à offrir une stabilité aux prolétaires, mais il est, au contraire, l'expression d'un ralentissement croissant du développement des forces productives. Pendant les années d'avant-guerre et au cours de la guerre elle-même, les sacrifices imposés aux prolétaires suffisent à faire fonctionner l'économie de guerre de chaque Etat belligérant. Après la guerre, c'est grâce à l'exploitation féroce d'un prolétariat exsangue et battu par la défaite de la première vague révolutionnaire de 1917-23 que la bourgeoisie des pays d'Europe occidentale (notamment celle d'Allemagne) a pu reconstruire son économie nationale sans avoir recours massivement à une main d'oeuvre immigrée.
Et lorsque dans les années 30, la crise de surproduction généralisée explose brutalement dans tous les pays industrialisés, de l'Europe aux USA, lorsqu'une nouvelle guerre mondiale inévitable se profile, c'est encore le développement de la production d'armements qui va permettre au capitalisme de juguler l'explosion d'un chômage massif dans tous les pays.
Avec la période de reconstruction du second après-guerre, notamment à partir des années 50, on assiste à une nouvelle vague migratoire essentiellement dans les pays d'Europe occidentale, accentuée encore avec la décolonisation. L'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, la Suisse, les pays du Benelux ouvrent largement leurs portes aux ouvriers des Etats plus sous-développés. Espagnols, portugais, turcs, yougoslaves, maghrébins, vont venir constituer pour ces pays une main d'oeuvre bon marché pour les besoins de la reconstruction, en même temps qu'ils permettront de compenser la saignée que la deuxième boucherie mondiale a provoqué dans les rangs du prolétariat des pays belligérants. Ce sont des millions d'ouvriers immigrés que les grandes démocraties d'Europe occidentale vont faire venir massivement pour les surexploiter, les soumettre aux travaux les plus pénibles pour des salaires de misère.
Cette vague d'immigration qui revient, dans les années 50, au coeur du capitalisme, n'est en rien comparable à celle qui avait touché les USA un siècle auparavant, à l'époque où le capitalisme était encore un système progressiste capable d'améliorer de façon durable les conditions d'existence du prolétariat. Ainsi, alors qu'au 19ème siècle, les ouvriers immigrés quittaient leur terre d'origine avec leur famille dans l'espoir de pouvoir trouver, grâce à l'expansion capitaliste dans les nouveaux mondes, un asile et une certaine stabilité, l'ouverture des frontières d'Europe occidentale aux travailleurs étrangers après la seconde guerre mondiale, n'a jamais été autre chose qu'un moyen de survie transitoire pour des millions de travailleurs des pays sous-développés. La plupart d'entre eux (et surtout les ouvriers maghrébins ou asiatiques qui se sont exilés en France et en Grande-Bretagne après la décolonisation) ont été contraints de quitter leur famille pour pouvoir trouver un travail misérable et précaire dans ces pays "d'accueil". Sans aucune perspective d'avenir et dans le seul but de pouvoir nourrir leurs femmes et leurs enfants restés "au pays", ils ont été contraints d'accepter les pires conditions de travail et d'existence. Sans logement, entassée comme du bétail dans des bidonvilles insalubres ou livrée à la rapacité des " marchands de sommeil", aux contrôles policiers et aux ratonnades qui ont accompagné la guerre d'Algérie, cette main d'oeuvre bon marché que le capitalisme occidental a importé des pays sous-développés pour les besoins de sa reconstruction d'après-guerre n'est pas sans rappeler l'effroyable barbarie de l'accumulation primitive. Car c'est bien la misère des ouvriers immigrés qui résume la misère du prolétariat en tant que classe ne possédant rien d'autre que sa seule force de travail. C'est dans la condition inhumaine de l'ouvrier immigré que cette force de travail apparaît clairement pour ce qu'elle est : une simple marchandise que les négriers bourgeois ont toujours achetée au plus bas prix pour faire fructifier leur capital.
Une fois la reconstruction du second après-guerre terminée à la fin des années 60, les "pays d'accueil" d'Europe occidentale affichent "complet" et commencent partout à verrouiller leurs frontières. Dès 1963, des mesures restrictives sont adoptées en Suisse, puis c'est au tour de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de la France qui, avec le resurgissement de la crise économique mondiale et du chômage, décident de bloquer totalement l'immigration au début des années 70. Mais ces mesures ne s'arrêtent pas là. Plus le capitalisme va s'enfoncer dans la crise, plus le prolétariat dans son ensemble va en faire les frais. En même temps que, avec les premières vagues de licenciements, le capitalisme va jeter sur le pavé des dizaines de milliers d'ouvriers, les prolétaires immigrés seront expulsés, chassés hors des frontières d'Europe occidentale. Devant l'inefficacité des "méthodes douces" d'"aides au retour", c'est maintenant sous prétexte de chasse aux clandestins, que des milliers de travailleurs immigrés sont renvoyés chez eux à coups de charters ou tout simplement refoulés manu militari au-delà des frontières nationales. Aujourd'hui qu'ils ne leur sont plus indispensables, c'est au nom du "droit du sol" que tous les gouvernements "démocratiques", de droite comme de gauche, les renvoient crever "chez eux" après les avoir utilisés comme bêtes de somme pendant plus de deux décennies. Et c'est encore avec un cynisme sans nom que cette classe dominante accompagne ses infâmes pratiques d'une crapuleuse propagande anti-immigrés, dans le seul but de diviser la classe ouvrière. Ainsi, en 1984, le rapport Dalle n'accusait-il pas l'immigration d'avoir ralenti le rythme du progrès technique dans la construction automobile ? Autrement dit, les travailleurs immigrés ne se seraient pas seulement contentés de venir manger le "pain des français", de leur prendre leurs emplois, mais ils seraient encore responsables de la perte de compétitivité du capital national, donc de l'aggravation de la crise et du chômage !
En réalité, les campagnes contre l'immigration qui se déchaînent aujourd'hui ne visent pas seulement à diviser la classe ouvrière entre prolétaires autochtones et immigrés. Elles sont une attaque directe contre la conscience de classe du prolétariat. A travers son écoeurante propagande, la bourgeoisie cherche surtout à recouvrir d'un voile idéologique ce que la misère croissante du prolétariat met de plus en plus ouvertement à nu : la faillite historique, irrémédiable du mode de production capitaliste. Ce que la classe dominante cherche aujourd'hui à masquer, c'est son incapacité à offrir la moindre perspective à toute la classe ouvrière. L'exclusion des travailleurs immigrés que le capitalisme condamne à crever de faim "ailleurs”, c'est déjà le sort que ce système moribond réserve à des millions de prolétaires autochtones livrés définitivement au chômage. Car aucune loi “anti-immigré” ne pourra résoudre la crise insurmontable qui ébranle ce système à l'agonie. Les licenciements massifs vont continuer inexorablement à frapper les ouvriers quelle que soit leur origine. Le "droit du sol" dont on nous rebat les oreilles aujourd'hui, ce n'est rien d'autre que le droit, pour les prolétaires, de crever de faim et de froid "chez soi" comme en témoigne déjà la masse croissante de "sans abris" errant dans les grandes villes. Ce n'est pas l'immigration qui est responsable de la crise et du chômage. C'est la crise et le chômage résultant de l'effondrement irréversible de l'économie mondiale qui, en tendant à niveler par le bas les conditions d'existence du prolétariat, transforment de plus en plus la classe exploitée en une classe d'exclus, de sans-travail, de sans abri, d'immigrés.
En étendant sa domination à toute la planète, le capitalisme a créé une classe ouvrière mondiale. Tant qu'il en avait besoin, il a amplement fait appel à une main d'oeuvre d'immigrés. Aujourd'hui, le fait qu'il les chasse brutalement de ses frontières, qu'il transforme la planète en un "no man's land" pour des masses croissantes d'ouvriers, est un signe de la faillite totale de ce système.
Si la menace "d'invasion" de masses d'immigrants fuyant le déchaînement du chaos dans les pays de l'Est, pour se précipiter aux frontières de l'Europe occidentale, constitue un véritable cauchemar pour la bourgeoisie des pays les plus industrialisés, c'est justement parce que le capitalisme mondial est arrivé au bout du rouleau et qu'il est en train de pourrir sur pied. Les convulsions qui accompagnent son agonie ne peuvent que se traduire par une plongée dans le chômage, la misère et la famine, pour des millions de prolétaires qui, nulle part, ne trouveront désormais de terre d'accueil capable de leur donner les moyens de survivre.
Ainsi, alors que par le passé, l'immigration était un phénomène créé de toute pièce et parfaitement maîtrisé par un capitalisme en pleine prospérité, aujourd'hui, la panique que provoque au sein de la classe dominante l'afflux de gigantesques vagues d'immigrés échappant à son contrôle, n'est qu'une manifestation parmi tant d'autres du pourrissement de ce système, de l'incapacité de la bourgeoisie décadente à gouverner.
Si, avec l'entrée du capitalisme dans sa phase terminale, celle de sa décomposition, l'immigration apparaît maintenant comme une gangrène pour la classe dominante, c'est justement parce que c'est le capitalisme lui-même qui est devenu un fléau pour l'ensemble de l'humanité.
Face à la misère et à la barbarie de ce monde en pleine putréfaction, il n' y a qu'une seule perspective pour la classe ouvrière : rejeter fermement la logique de la concurrence et du "chacun pour soi" de ses propres exploiteurs. Quelles que soient son origine, sa langue, sa couleur de peau, le prolétariat n'a aucun intérêt commun avec le capital national. Ses intérêts, il ne pourra réellement les défendre qu'en développant partout sa solidarité de classe internationale, en refusant de se laisser diviser entre ouvriers immigrés et ouvriers "autochtones". Cette solidarité, il doit l'affirmer en refusant partout d'adhérer aux campagnes bourgeoises, qu'elle soient xénophobes ou anti-racistes, en développant massivement ses luttes sur son propre terrain de classe, contre toutes les attaques qu'il subit quotidiennement.
Seule l'affirmation de ses intérêts communs, dans la lutte, permettra au prolétariat de rassembler toutes ses forces, de s'affirmer comme classe mondiale solidaire et unie, pour abattre le Moloch capitaliste avant qu'il ne détruise toute la planète.
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La critique de Rosa Luxembourg sur le "droit à l’auto-détermination des peuples" a été reprise et approfondie par les fractions communistes de gauche qui se sont détachées de l’internationale Communiste dégénérescente. Dans les années 30,40 et 50, des groupes révolutionnaires comme Bilan et Internationalisme ont démontré que l’idéologie de "l’auto-détermination nationale" était devenue un simple écran de fumée pour camoufler les antagonismes inter-impérialistes qui avaient précipité le monde dans la deuxième guerre mondiale et avaient menacé de les plonger dans une troisième. Leur travail a été poursuivi par un groupe comme Internacionalismo au Vénézuela dans les années 60, qui a eu le courage de dénoncer les mouvements de guérilla nationaliste en Amérique du Sud et la "guerre de libération nationale" au Vietnam. Dans les années 70 et 80, le CCI a repris le flambeau de cette tâche politique essentielle. Dans cet article nous voulons nous centrer sur la façon dont la question nationale est posée aujourd’hui, dans la phase finale du capitalisme, la phase de décomposition généralisée.
Quand nous parlons de phase de décomposition de la société capitaliste, nous voulons dire une phase dans laquelle il y a une sorte d’impasse entre les deux classes de la société, le prolétariat et la bourgeoisie.
Aucune de ces deux classes n’est pour le moment capable d’imposer sa solution à la crise historique du système, guerre mondiale ou révolution. Mais la crise continue ses ravages, entraînant la société dans un effondrement généralisé. Les contradictions accumulées tout au long de la décadence du capitalisme atteignent des sommets et toute la vie sociale s’effondre dans le chaos, chaque composante du système luttant désespérément pour sa survie à court terme.
Sur le plan international, cette orientation vers le chacun pour soi s’exprime dans une tendance des conflits impérialistes entre capitaux nationaux à échapper à toute discipline, à tout contrôle central ; cette situation s’est considérablement aggravée du fait de la remise en cause de la division du monde en deux blocs, datant de 1945. A l’intérieur de chaque capital national, mais plus particulièrement dans les pays les plus faibles, cette même tendance prend la forme d’une multitude de conflits nationaux, régionaux, religieux ou ethniques, de pogroms et de guerres civiles.
C’est donc une caractéristique de cette période de voir la terrible résurgence du nationalisme sous toutes ses formes. Mais cette "renaissance" du nationalisme est diamétralement opposée aux mouvements nationaux progressistes qui apparaissent aux 18e et 19e siècles. A cette époque, de tels mouvements étaient un facteur de dépassement de l’esprit de clocher féodal, de création d’entités capitalistes à grande échelle et d’une économie mondiale unifiée. Aujourd’hui, les mouvements nationalistes expriment et intensifient le démantèlement de l’économie mondiale et des entités capitalistes qui la constituent. Dans un monde qui a besoin de l’unité la plus globale pour résoudre ses problèmes (guerres, famines, pollution, etc.), le nationalisme est une force totalement réactionnaire.
Au début du 20e siècle, Rosa Luxemburg avait déjà prédit que la tentative de garantir le "droit à l’auto-détermination" à chaque petite nation (une politique défendue par d’importants éléments du mouvement ouvrier, comme Lénine et les bolcheviks) aboutirait à une grotesque régression vers le passé. En rapport avec les exigences contradictoires des diverses nationalités dans les Balkans, elle écrivait : “l’idée d’assurer à toutes les 'nations’ la possibilité de l’auto-détermination est équivalente à revenir du développement capitaliste aux petits fiefs médiévaux des 15e et 16e siècles.” ("La Question Nationale", 1908-1909.)
Aujourd’hui, la situation dans les Balkans et l’ex-URSS est une sinistre confirmation des prédictions de Rosa Luxemburg. Il y a toute une kyrielle de "peuples" et de "républiques" qui veulent leur propre Etat national, un phénomène issu de l’effondrement du stalinisme, mais qui a été également un facteur actif de celui-ci. Mais, contrairement aux mouvements nationaux progressistes des 18e et 19e siècles, ceux-ci ne représentent pas la moindre possibilité de développement du capitalisme. Et, malgré toute la propagande nauséabonde à propos de la capacité de ces "nouvelles nations” à se transformer en entreprises commerciales dynamiques sur le "marché libre”, même des commentateurs bourgeois lucides reconnaissent l”’infaisabilité" économique de ces nations.
Dans le cas de la Yougoslavie, il n’y a qu’à regarder une carte pour se rendre compte que l’indépendance de la Croatie est un non-sens économique et géographique : pour aller de Dubrovnik à Vukovar, par exemple, on ne passe pas par Zagreb, mais par Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine. Et celle-ci, comme la Serbie, est une "nation" dont les ressources sont actuellement dilapidées par la guerre.
La situation est semblable dans l’ex-URSS. Dans la caricature stalinienne d’économie planifiée, en fait une forme d’anarchie bureaucratique, il y avait un niveau absurde de concentration d’industries spécifiques dans des régions particulières, ce qui signifie que la plupart des républiques sont totalement dépendantes des fournitures à bon marché de matières premières en provenance d’autres parties de l’ex-Union, en général les régions les plus industrialisées.
Comme l’écrivait un analyste économique dans "The Guardian" : "Considérons la viabilité de l’industrie chimique en Biélorussie, une de celle qui emploie le plus de monde dans cette république. La république n’a que des réserves insignifiantes de pétrole. Il est fourni par la Russie à des prix nettement en dessous de la moyenne mondiale. Elle n’a pas non plus de capacités significatives de production d’électricité. Son réseau est desservi par la production nucléaire de l’Ukraine, à nouveau pour un prix nettement moindre que le coût économique réel Forcez cette industrie chimique à acheter ces produits aux prix du marché, comme la Russie et l’Ukraine menacent de l’imposer, et c’est la mort assurée. Les Biélorusses pourraient essayer de vendre à leur tour aux prix du marché, mais qui voudrait acheter les produits chimiques biélorusses, de seconde qualité, alors qu’il est possible de s’en procurer de meilleurs à l’Ouest? Le parlement a beau protester de sa bravoure, l’indépendance serait un suicide économique.” (The Guardian, 28.8.91.)
Cela est encore plus vrai pour les républiques d’Asie. Certains commentateurs affirment que seules les républiques baltes (qui ont des liens historiques plus étroits avec l’Europe occidentale, et plus particulièrement l’Allemagne), la Russie et l’Ukraine disposent d’un minimum de bases pour se "lancer” dans la jungle du marché mondial, et que le reste de l’ex-URSS serait laissé à l’abandon, comme l’ont déjà été l’Afrique et l’Asie.
Les bourgeoisies occidentales, et avec elles Gorbatchev, Eltsine et d’autres "hommes d’Etat" ont beau mettre leurs espoirs dans l’émergence d’une sorte de "CEE” orientale liant les nouvelles républiques par une coopération économique amicale, la réelle tendance aujourd’hui, aussi bien à l’Ouest qu’à l’Est, n’est pas à la coopération supra-nationale mais à une concurrence de plus en plus féroce et vicieuse entre nations, conduisant à des conflits impérialistes entre entités étatiques naissantes.
En effet, l’effondrement de l’URSS a déjà fait sentir ses conséquences au-delà des frontières des républiques qui la constituaient. Tant dans l’ex-URSS que dans la plupart des États d’Europe de l’Est, il y a des divisions nationales au sein des divisions nationales. A ce propos aussi, Rosa Luxemburg avait déjà souligné, au début du siècle, dans un autre passage de l’article déjà cité, que sur le territoire de pratiquement toute "minorité nationale opprimée", il y en avait une autre, plus petite et encore plus opprimée, qui se réveillerait lorsque le groupe plus grand atteindrait son grand but "d’auto-détermination" : les Allemands et les Slovaques sur le territoire tchèque, les Lituaniens en Pologne, etc.
Une fois de plus, l’histoire a pleinement confirmé les prédictions de Luxemburg : il n’y a qu’à se rappeler comment le problème sans solution de la minorité allemande en Tchécoslovaquie est devenu un des prétextes du déclenchement de la seconde guerre mondiale. Mais dans la phase de décomposition capitaliste, les divisions ethniques de ce genre sont devenues une véritable plaie sociale. C’est vrai de l’Afrique, où les divisions tribales ont pris un tour meurtrier en Afrique du Sud, au Liberia, en Ouganda et dans beaucoup d’autres pays ; en Inde et au Sri Lanka, où toute une série de factions nationales, ethniques, religieuses et de castes sont enfermées dans une spirale de massacres mutuels. Et c’est par-dessus tout vrai, une fois encore, en Europe de l’Est et dans l’ex-URSS.
La Tchécoslovaquie, nouvellement "démocratique", menace d’exploser sous la pression des rivalités entre Tchèques et Slovaques. La Yougoslavie sombre dans la guerre entre les républiques qui la constituaient, mais à l’intérieur de chacune de ces républiques, il y a des enclaves de minorités nationales demandant leur autonomie ou la préservation de liens avec des pays auxquels elles s’identifient (les Serbes en Croatie, les Albanais en Serbie, et toute une mosaïque de minorités en Bosnie-Herzégovine). Et c’est pareil dans l’ex-URSS : il y a d’importantes minorités russes dans les pays baltes qui réclament leur indépendance, il y a des Arméniens en Azerbaïdjan, des minorités turques en Ouzbékistan... dans tous les cas, la montée des mouvements nationalistes dans ces républiques a conduit à des persécutions et des pogroms contre des minorités moins nombreuses. En Ouzbékistan et en Azerbaïdjan par exemple, ces pogroms ont déjà coûté des milliers de vies humaines.
Jusqu’à présent, ces bains de sang se sont limités aux républiques périphériques, mais il ne faut pas oublier que la fédération russe est elle-même un patchwork de groupes ethniques et religieux, de régions, de territoires et de peuples "autonomes", chacun d’eux étant susceptible de se joindre au mouvement général de fragmentation, transformant la Russie elle-même en un énorme champ de bataille.
La face réelle du nationalisme aujourd’hui est précisément ce spectacle dantesque des Croates massacrant des Serbes, des Azéris assassinant des Arméniens, des nostalgiques du fascisme et de la monarchie appelant à l’extermination des Juifs et à la renaissance de la Grande Russie, des divisions fratricides entre les couches les plus pauvres et les plus opprimées de la société. Ce n’est pas un retour au passé. C’est l’expression pure d’une société en plein délire. Le produit de la décomposition sociale et économique et la complète absence de toute perspective pour le futur ne sont prétexte qu’à des pogroms, des orgies de meurtres et de destructions. C’est le visage terrifiant du suicide de l’humanité.
L’actuelle frénésie nationaliste en URSS et en Europe de l’Est met un point final à la mythologie de "l’auto-détermination nationale". Lénine et les bolchéviks croyaient qu’accorder ce "droit" serait un pas pour dépasser les divisions nationales, et donc pouvoir s’occuper des problèmes réels de la lutte de classe. Mais c’est précisément lorsque ce "droit" est garanti que les divisions nationales, loin de s’atténuer, se décuplent. Les divisions nationales ne peuvent pas être exorcisées par des appels à plus de nationalisme. Il leur faut une médecine toute différente : celle de la lutte de la classe ouvrière, qui met fin à toute division nationale et ouvre la voie à un futur de solidarité pour l’humanité.
CDW
Cinquante-huit personnes tuées, 2323 autres blessées, 11.824 interpellations par la police, 717 millions de dollars de dégâts, 10.000 maisons particulières ou magasins détruits ou endommagés. Tel est le bilan de trois jours et nuits d’une flambée de violence mêlant, dans une confusion extrême, les agressions à caractère raciste (des Noirs vis-à-vis des Latino-américains ou des Blancs), les pillages organisés et l’action ouverte des gangs armés, les pillages spontanés de la population totalement déshéritée s’engouffrant, toutes races confondues, dans les supermarchés éventrés, l’autodéfense meurtrière des petits commerçants protégeant leur bien et la répression sauvage de la police barrant l’accès aux quartiers bourgeois à l’aide des fusils antiémeutes.
La cause profonde de ces évènements est l’approfondissement et la généralisation de la misère à tout le pays depuis le début des années 80, et son accélération brutale depuis le début des années 90 résultant de la récession ouverte qui frappe les Etats-Unis. Ainsi, ce sont actuellement 23 millions de personnes qui vivent avec des bons de nourriture auprès des soupes populaires, et plus de 30 millions qui ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté. En plus de celles-là, 37 autres millions ne peuvent s’acheter aucune protection sociale. Une partie de la classe ouvrière se trouve de ce fait réduit à la clochardisation. Faute de pouvoir se payer un logement, une fraction importante du prolétariat est sans abri, contrainte de dormir sur les trottoirs, dans des voitures, ou dans les cinémas pornos parce que les seuls endroits restant ouverts la nuit.
Les Noirs sont les plus affectés par la pauvreté. C’est ce qui explique pourquoi le taux de mortalité de leurs enfants est deux fois plus élevé que chez les Blancs, ou encore pourquoi ils figurent au premier rang des statistiques de la délinquance (la principale cause de décès des hommes de cette couleur dans la tranche d’âge des 15-34 ans est l’homicide; en 1989, 23% des individus entre 20 et 29 ans se trouvaient en prison ou en liberté surveillée).
Dans les ghettos des grandes villes, souvent à majorité noire, se sont constituées de véritables poches d’une misère sordide. L’accumulation de celle-ci, depuis des années, a conduit à une putréfaction de la vie sociale, se traduisant dans le comportement individuel par le développement forcené du chacun pour soi, et de la haine raciale, par la fuite effrénée dans la folie et le suicide à travers l’usage de drogues de plus en plus dures, et, dans les relations si l’on peut dire civiles, par la loi de la jungle, le poids croissant de l’autorité des gangs qui se font la guerre pour le contrôle des quartiers. Los Angeles est probablement la ville du monde où la décomposition a investi le plus profondément toute la vie sociale : plus de 100 000 jeunes, appartenant à des mafias, se répartissent le commerce au détail de la drogue et, armes au poing, se disputent la mainmise sur les rues. Ainsi, la lutte des gangs y a-t-elle provoqué la mort de 700 personnes en 1991.
La décomposition de la vie de la société n’est pas une particularité de Los Angeles, ni des USA, contrairement à ce que sous-entend la bourgeoisie française. Bien que ce soit dans des proportions différentes, elle affecte tous les pays du monde, et il suffit de regarder du côté des pays de l’Est ou du Tiers-Monde pour se rendre compte des ravages qu’elle exerce sur l’ensemble de la planète. De même, certaines de ses manifestations caricaturales, telle la consommation de drogues dures chez les jeunes générations, qui pouvait autrefois faire figure de spécificité américaine, font aujourd’hui leur apparition dans tous les pays d’Europe.
Comme nous l’avons déjà mis plusieurs fois en évidence[1] (notes 1 et 2), la multiplication des phénomènes de la décomposition devient une donnée majeure de la société bourgeoise et caractérise la phase actuelle de pourrissement sur pied du capitalisme. Celui-ci ne se limite pas à la dégradation irréversible de la vie sociale, mais se présente comme une désagrégation générale de la société, résultant de l’accumulation pendant deux décennies de toutes les caractéristiques du capitalisme décadent, exacerbées par l’enfoncement dans la crise économique : guerres et massacres aux portes des grands pays développés, populations entières menacées de disparition par les famines en Afrique, massacres interethniques dans les ex-républiques soviétiques, .épidémies, destruction de l’environnement, catastrophes ferroviaires, aériennes, etc.
Ainsi, c’est parce qu’ils sont une manifestation typique de cette décomposition et qu’ils interviennent dans le pays industrialisé le plus puissant de la planète, aux portes de la Silicon Valley, région où se trouve concentrée la technologie la plus avancée du monde, que la situation des ghettos de Los Angeles et les évènements dont ils ont été le théâtre constituent une illustration édifiante du caractère insurmontable des contradictions que porte en lui le capitalisme et de sa faillite en tant que mode de production.
Une telle situation de pourrissement de la société constitue également un danger pour la classe ouvrière : "Plus le capitalisme va s’enfoncer dans sa propre décadence, plus il va prolonger son agonie, moins la classe ouvrière des pays centraux sera épargnée par tous les effets dévastateurs de la putréfaction de ce système.
Ce sont en particulier les nouvelles générations de prolétaires qui sont aujourd’hui directement menacées par ce danger de contamination qui gangrène toutes les couches de la société. Le désespoir menant au suicide, l’atomisation, la débrouille individuelle, la drogue, la délinquance et tout autre phénomène de marginalisation - telle la clochardisation des jeunes chômeurs, qui n’ont jamais été intégrés dans le processus de production - sont autant de fléaux qui risquent d’exercer une pression vers la dissolution et la décomposition du prolétariat et, partant, d’affaiblir ou même de remettre en cause sa capacité à réaliser sa tâche historique de renversement du capitalisme[2] (2)."
La situation d’une ville comme Los Angeles apparaît condenser tous les effets négatifs que la décomposition fait peser sur la classe ouvrière. Ces émeutes ont seulement accentué certains d’entre eux. Les lynchages de Blancs ou de Latino-américains par des Noirs, mais aussi le fait que bien des boutiques qui n’ont pas été incendiées portaient l’inscription "propriétaire noir" ont sans conteste participé à alimenter une tendance déjà croissante au développement du racisme dans l’ensemble du pays. Or, celui-ci est un puissant facteur de division des rangs ouvriers.
Ces évènements ont également, à un niveau plus immédiat, concouru à "pourrir” la réflexion que suscite immanquablement dans la classe ouvrière la faillite économique du système, particulièrement patente à travers les licenciements massifs. En effet, ils influencent nécessairement cette réflexion dans le sens de penser que des conditions de vie de plus en plus difficiles, en particulier pour la fraction de la classe ouvrière qui se trouve au chômage, au lieu de pousser à la lutte contre le système qui en est responsable, ne peuvent qu’engendrer la violence aveugle et barbare.
La bourgeoisie, à travers ses médias, s’est évidemment appliquée à amplifier le message négatif que ces évènements en eux-mêmes délivrent à la classe ouvrière.
L’utilisation idéologique de ces faits contre la classe ouvrière nous montre une fois de plus que, si la bourgeoisie est évidemment impuissante à enrayer la décomposition de son système, cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne fasse que la subir.
Des émeutes de la misère étaient et demeurent inévitables aux USA. La bourgeoisie avait d’ailleurs parfaitement conscience que "l’incendie couvait", selon les termes employés le 26 mars par le sénateur démocrate du New Jersey. Si elle ne détenait pas le pouvoir d’en empêcher l’irruption, elle s’est par contre donné les moyens de faire en sorte que celle-ci se produise au moment et dans les conditions où ça l’arrangeait le mieux. Ainsi, toute la publicité faite autour du procès des flics qui avaient sauvagement tabassé l’automobiliste noir Rodney King répondait en réalité au dessein d’accroître la tension dans le ghetto de Los Angeles, et le verdict d’acquittement a constitué une véritable provocation destinée à mettre le feu aux poudres. La suite des évènements confirme qu’il s’est agi d’une manœuvre de la bourgeoisie, celle-ci laissant carrément le champ libre à la formation et à la propagation de l’émeute à l’intérieur du périmètre du ghetto de South Central, totalement déserté par les forces de l’ordre lorsque fut prononcé le verdict. Plus tard, des responsables de la police, questionnés sur cette absence mystérieuse, s’en expliqueront en invoquant une série de défections matérielles et humaines. Qui peut croire au caractère circonstanciel de ces manquements s’agissant de l’appareil répressif de la bourgeoisie la plus puissante, la mieux renseignée et certainement la mieux équipée pour faire face à ce type de situation. On peut d’autant moins y croire que les forces de police avaient, les jours précédents, été mobilisées en nombre, justement en prévision d’un verdict dont la bourgeoisie avait évidemment déjà décidé qu’il serait scandaleusement provocateur. D’ailleurs, les quartiers bourgeois de Beverley Hill et de Hollywood furent quant à eux solidement protégés par des dispositifs de police équipés de la panoplie complète antiémeutes. C’est ce qui explique que la richesse opulente de ces districts n’ait pas été prise en cible par les émeutiers et que la violence ait ainsi été canalisée et libérée dans des affrontements barbares au sein de la population des ghettos où se mêlent la pègre, le sous-prolétariat, certaines fractions de la classe ouvrière au chômage et la petite-bourgeoisie commerçante.
La bourgeoisie retire de cette manœuvre deux types d’avantages. Les premiers consistent en ceci que, la tension étant retombée au sein du ghetto de Los Angeles, et désamorcée dans ceux des autres métropoles américaines, se trouve ainsi diminué, pour un certain temps, le risque d’éclatement de nouvelles émeutes, prenant par surprise la bourgeoisie, échappant à son contrôle, s’attaquant aux quartiers bourgeois pour les piller et les saccager, et cela dans plusieurs villes simultanément. Une telle éventualité, qui est effectivement contenue dans la situation d’appauvrissement brutal d’une grande partie de la population aux USA, requérant de la part de l’État une répression inouïe pour rétablir l’ordre, bien qu’elle ne participe évidemment en rien de faire avancer la lutte de classe, ne fait pas pour autant l’affaire de la bourgeoisie, tout au contraire, en particulier en pleine période électorale.
Les seconds avantages pour la bourgeoisie se situent au niveau idéologique contre la classe ouvrière. Nous en avons déjà évoqué les aspects liés à la décomposition. Un autre trait, essentiel, concerne la relance de la fausse opposition droite/gauche que ces évènements permettent d’opérer, et qui trouve une chambre d’écho dans l’actuelle campagne électorale. La situation de quasi guerre civile à Los Angeles alimente en "thèmes sociaux" les démocrates qui, par la bouche de leur gouverneur de l’Arkansas, peuvent se livrer à une analyse "radicale" des émeutes en déclarant que "les gens pillent parce qu’ils ne font plus partie du système*. L’action "politique" des démocrates s’est promptement trouvée renforcée par l’entrée en scène des syndicats, sur les lieux de travail. Ainsi, le 4 mai, ils ont entraîné dans la grève, sur le terrain interclassiste de l’antiracisme, la moitié des 28.000 employés municipaux de Washington.
La boucle est bouclée, et confrontée à un véritable raz de marée de licenciements, la classe ouvrière se voit proposée comme fausse solution à la misère et aux émeutes autodestructrices l’électoralisme et le syndicalisme, c’est-à-dire les pièges qui ont affaibli sa lutte pendant des années.
Même acculée par les contradictions de son système responsable de toutes les calamités qui s’abattent sur l’humanité, la bourgeoisie nous montre, une fois de plus, qu’elle est capable des pires machinations pour maintenir son ordre. La classe ouvrière doit donc le plus possible prendre conscience qu’elle va devoir développer sa lutte contre un ennemi qui, de lui-même, n’abandonnera jamais sa domination sur la société, fût-ce au prix de la pire barbarie qu’engendre chaque minute supplémentaire de cette domination.
Si seule, évidemment, la victoire de sa lutte révolutionnaire est capable de mettre définitivement un terme au capitalisme et au pourrissement actuel de la société, déjà, le développement de ses combats de classe par le prolétariat, avec ses propres méthodes de lutte, contre les attaques de la bourgeoisie constituera un antidote aux effets de la décomposition pour de larges franges de la classe ouvrière, en leur évitant de sombrer dans le désespoir, l’individualisme, la délinquance et le néant. Pour toutes ces raisons, la lutte de classe est le seul avenir du prolétariat.
M.
Nous publions ci-dessous une lettre d’une de nos lectrices qui, indépendamment de ses jugements de valeur et critiques à l’emporte-pièce de notre activité, manifeste une volonté passionnée de mener un combat dans le monde actuel. Dans un monde où il apparaît de plus en plus clairement que l’humanité est menacée par les guerres, les famines, les accidents écologiques et nucléaires, les épidémies; un monde où les discriminations raciales ou ethniques conduisent à des déchaînements de barbarie aveugle (comme en Yougoslavie
ou à Los Angeles), les réactions de révolte contre toute cette pourriture sont tout à fait légitimes. Malheureusement la révolte, en soi, contre te) ou tel aspect de la domination capitaliste (le racisme, la guerre, la destruction de l’environnement, le danger du nucléaire, etc...) non seulement ne suffit pas, mais elle ne peut conduire au mieux qu’à l’impuissance, au pire qu’à participer à des mouvements qui, loin de servir les intérêts des exploités, servent en réalité ceux de la bourgeoisie et de son système décadent et barbare.
Quel dommage que des groupes comme le vôtre préfèrent œuvrer en cercle fermé, loin de la vie réelle ; c’est aussi à cause de cela que le capitalisme prospère...
Salutations fraternelles, N.C. (Rouen)
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■ Nous comprenons le dégoût légitime de tous ceux qui, comme notre lectrice, veulent défendre les intérêts des exploités face à la misère, l’oppression, l’injustice qui frappent telle ou telle partie de la société (les "jeunes", les "noirs", les "immigrés", les "femmes", etc.). La classe ouvrière ne peut pas ne pas se sentir concernée par cette oppression et ces injustices puisque c’est elle qui en est la première victime. Mais la question que pose notre lectrice est la suivante : est-ce à travers une multitude de luttes partielles, hétéroclites, contre telle ou telle "injustice" (telle que le racisme, par exemple) qu’on peut mettre fin à cette situation ?
Ces dernières décennies ont vu se développer des "mouvements sociaux" (pour reprendre les termes de notre lectrice) : antinucléaires, anti-racistes, écologistes, féministes, régionalistes, etc. Ce qui caractérise tous ces mouvements, c’est d’abord le fait qu’il regroupent toutes sortes d’individus, certes pour la plupart "sincèrement révoltés", mais qui proviennent de toutes les classes de la société. On y retrouve aussi bien des ouvriers que des éléments de la petite-bourgeoisie, quand ce n’est pas des représentants de la classe dominante elle-même qui, non seulement participent à ces mouvements, mais en prennent encore l’initiative (la plupart de ces "mouvements" sont aujourd’hui animés par les partis bourgeois de gauche ou d’extrême-gauche).
Dans ces grands "élans humanitaires" qui mêlent indistinctement toutes les catégories de la population, toutes les classes et couches sociales, les prolétaires ne peuvent que se retrouver noyés dans un pseudo-combat où leur identité et leur autonomie de classe est complètement dissoute au milieu de tout ce fatras interclassiste. Ce terrain pourri par excellence ne peut que conduire les ouvriers à abandonner leur propre terrain de lutte contre le système capitaliste et à se laisser dévoyer par l’idéologie "réformiste" et stérile de ces mouvements sans perspective.
D’ailleurs, ces agitations interclassistes qui véhiculent l’illusion qu’on peut aujourd’hui remédier aux "défauts de la société capitaliste", en luttant pour que ce système soit plus "juste" et plus "démocratique" (Cf. la revendication du "droit de vote" pour les immigrés), ne constituent pas un phénomène nouveau.
Dans le ressac de l’explosion sociale qui l’avait terrorisée, après 1968, la bourgeoisie s’était déjà efforcée de récupérer tout sentiment de révolte contre son système, en détournant toute tentative de contestation de l’ordre capitaliste sur le terrain d’une multitude de luttes partielles, éclatées, cloisonnées et enfermées dans des thèmes spécifiques où chaque problème était traité en soi, "combattu" indépendamment des autres manifestations de l’oppression capitaliste. On avait ainsi assisté à l’éclosion et à la médiatisation d’une série de mouvements de toutes sortes : pour la "libération" des femmes, pour l'avortement, pour la défense des homosexuels, contre le racisme, contre les centrales nucléaires, etc... Dans une ambiance pop-mu-sic et psychédélique, les "jeunes", les "étudiants", les "mecs cools", les "nanas branchées", les "homos” étaient conviés à communier dans la nouvelle religion des luttes "au quotidien" du journal "Actuel" ou de "Hara- Kiri". Quant à la classe ouvrière, les idéologues patentés de la bourgeoisie ou les anciens soixant’huitards récupérés (tel Cohn- Bendit) avaient décrété qu’elle s’était tout simplement "embourgeoisée" et que son combat de classe révolutionnaire appartenait désormais au passé (ces fameux "schémas anciens" que critique notre lectrice 1)
Que sont devenus les animateurs de ces mouvements soi-disant "contestataires" et très "médiatisés" des années 70 ? Ils sont devenus, pour la plupart, de respectables gestionnaires du capital national. Lalonde et Kouchner sont ministres. Les femmes "libérées" sont directrices de maisons d’édition. Quant aux ouvriers immigrés qui ont encore la "chance" d’avoir du travail, malgré tous les "collectifs anti-racistes" qui prétendaient défendre leurs intérêts, ils continuent, eux, d’être exploités comme les autres prolétaires, et leur seul avenir, c’est celui de l’exclusion, du chômage et de la misère la plus totale. Malgré toutes les grandes manifestations pacifistes orchestrées contre la guerre du Vietnam dans les années 70 et tout récemment encore lors de la guerre du Golfe, le monde continue à être mis à feu et à sang par les rivalités impérialistes des différentes bourgeoisies nationales. Les protestations contre les centrales nucléaires n’ont ni empêché qu’elles soient construites n’importe comment, ni qu’elles continuent à être exploitées de façon totalement aveugle et irresponsable par le capital.
Ainsi, les vagues "collectifs pour l’égalité des droits" d’aujourd’hui et dans lesquels milite notre lectrice sont exactement de la même eau que tous ces mouvements interclassistes "qui regroupent des citoyens" et dans lesquels les éléments prolétariens ne peuvent que nier leur appartenance de classe. Cette lutte "au quotidien" que préconisent ces "collectifs" est non seulement parfaitement impuissante et totalement étrangère au combat de la classe ouvrière mais, de plus, elle constitue aujourd’hui une arme redoutable de la bourgeoisie contre le prolétariat. C’est en effet, grâce à ces mouvements anti-racistes, pacifistes, écologistes etc. que la classe dominante s’efforce aujourd’hui de pousser les prolétaires à abandonner leur propre terrain de lutte autonome contre le capitalisme, non seulement pour se fondre dans la "population en général", mais encore pour resserrer les rangs derrière telle ou telle fraction de la bourgeoisie. Qu’on se souvienne, par exemple, de la grande manifestation "anti-raciste” de "protestation" nationale contre la profanation des tombes juives du cimetière de Carpentras organisée par le PS en 1989, et à la tête de laquelle se trouvait Mitterrand et son copain Harlem Désir. La bourgeoisie a su parfaitement exploiter la mystification de Tanti-racisme" pour sceller, derrière cette grande manifestation "populaire", l”'union sacrée" entre exploiteurs et exploités.
C’est bien parce que les révolutionnaires sont conscients des dangers que représentent aujourd’hui jpour le prolétariat tous ces mouvements qui prétendent contester tel ou tel aspect partiel de la domination capitaliste qu’ils doivent non seulement "rester extérieurs" à ces mouvements (c’est malheureusement ce que nous reproche notre lectrice), mais encore les dénoncer aux yeux des prolétaires, pour ce qu’ils sont en réalité : un poison mortel pour la seule lutte capable de mettre fin à l’oppression capitaliste sous toutes ses formes, la lutte de classe.
En réalité, la fonction essentielle de tous ces "mouvements interclassistes" consiste à empêcher les éléments sincèrement révoltés d’aller à la racine des problèmes en se posant la question de fond : qui est responsable de tous ces maux ? Qui est responsable des discriminations raciales, des guerres, de la pollution, des accidents nucléaires et autres catastrophes ? Car c’est uniquement en allant à la racine des choses, en comprenant que tous ces maux trouvent leur origine dans le mode de production capitaliste, qu’on peut alors répondre à la question : quel type de lutte peut réellement faire cesser un tel état du monde. Qui peut proposer une alternative autre que le fameux cautère sur une jambe de
bois ? C’est bien parce que toutes les injustices sociales trouvent leur source commune dans le mode de production capitaliste que le seul moyen d’y mettre fin, c’est de s’attaquer à ce système dans son ensemble. Et la seule force de la société qui puisse abattre le capitalisme, c’est la classe dont les intérêts sont totalement antagoniques à ceux de la bourgeoisie : la classe ouvrière, laquelle ne pourra affirmer sa force, renverser le capitalisme et construire une autre société qu’en défendant de façon autonome ses intérêts de classe exploitée, en refusant de se laisser dissoudre et atomiser dans des mouvements qui englobent toute la "population".
Ainsi, si aujourd’hui, la bourgeoisie utilise toutes ces agitations dispersées et enfermées dans des spécificités particulières, c’est justement parce que ces "luttes" participent à masquer la responsabilité du capitalisme dans la barbarie actuelle, et par conséquent à nier (au nom d’un hypothétique résultat immédiat) la nécessité de détruire ce système de fond en comble.
Les révolutionnaires ne combattent pas pour supprimer à coups de "réformes" illusoires telle ou telle situation malheureuse du système qui fait bouger les petits bourgeois pleurnichards (racisme, pollution, sexisme, etc), et où ces derniers entraînent derrière leur idéologie du "peuple de gauche" des individus sincèrement écoeurés par toute la misère et les horreurs du monde actuel. Les révolutionnaires combattent patiemment, à long terme, pour développer un rapport de force en faveur de la classe ouvrière, pour défendre les intérêts généraux du prolétariat dans son ensemble (et pas seulement des ouvriers "immigrés"). Leurs tâches consistent à participer activement au développement de la conscience et de l’unité du prolétariat face à toutes les entreprises de division, de dévoiement, de mystification, de la bourgeoisie. Lutter et militer dans ce sens signifie favoriser le développement et l’affirmation des luttes de la classe ouvrière sur le seul terrain qui soit le sien, celui de la défense de toutes ses conditions de vie face à l’austérité et à la misère que lui impose quotidiennement le capitalisme en crise. Contrairement à ce que pense notre lectrice, ce combat des révolutionnaires ne se développe pas "en cercle fermé, loin de la vie réelle", mais au contraire partout où peut s’exprimer la vie réelle de la seule classe capable d’offrir un avenir à l’humanité, c’est-à-dire partout où le prolétariat peut et doit s’affirmer comme classe distincte du reste de la société : dans ses assemblées générales, dans ses grèves et manifestations, dans ses comités de luttes, ses cercles de discussions, les meetings des groupes révolutionnaires, et tout autre lieu où il peut forger ses armes politiques en vue du renversement du capitalisme.
Seul le combat de la classe ouvrière contre l’exploitation et la misère contient, avec sa dimension historique, la possibilité de supprimer toutes les discriminations du capitalisme par l’abolition des classes sociales et de l’esclavage salarié.
A.G.
1 La situation en France confirme et s’inscrit pleinement dans le cadre de la situation internationale sur les plans essentiels des tensions impérialistes et du chaos mondial, de la crise économique et de la lutte de classe. En effet, sur le plan impérialiste, avec la tendance générale au "chacun pour soi", avec la dissolution de fait du bloc occidental, la France a perdu les "garanties de stabilité" de son rang dans le monde qui découlaient du rôle spécifique qu’elle avait au sein de ce bloc, et elle se trouve happée dans la dynamique générale de chaos amplifiée par la tendance à la formation de nouveaux blocs. Elle subit de plein fouet, à l’instar de tous les autres pays du cœur du capitalisme, les effets dévastateurs de la crise économique mondiale et doit affronter une guerre commerciale de plus en plus déchaînée. La lutte de classe y a été marquée, avec la même profondeur que dans les autres, pays d’Europe Occidentale, par le recul de la conscience dans la classe et la paralysie de la combativité ouvrière.
C’est dans ce cadre global qu’il faut donc appréhender les spécificités du capital national et de la bourgeoisie en France imprimant leurs marques sur les orientations et options de la politique impérialiste de ce pays, sur sa capacité à affronter la guerre commerciale, de même que sur les conditions que va trouver la classe ouvrière pour le redéveloppement de ses luttes.
2 La politique impérialiste de la France est caractérisée par le fait qu’elle fait partie des "grands" tant au niveau de sa place sur le plan économique (quatrième exportateur mondial) qu’au niveau de sa puissance militaire et par la possession de zones d’influence stratégique particulièrement en Afrique. Mais en même temps, elle ne peut revendiquer une place de tout premier plan et rivaliser ni avec les USA bien sûr, ni même avec l’Allemagne dont la puissance économique et l’influence en Europe la surpassent largement.
Dans la situation ouverte par la disparition des anciens blocs, et pour défendre au mieux ses intérêts dans le monde, la France ne peut que chercher à marchander son alliance entre Washington et Berlin. Si, à l’heure actuelle, elle se range plutôt aux côtés de l’Allemagne, c’est essentiellement parce qu’elle compte en tirer beaucoup plus qu’en se ralliant aux USA (avec ces derniers elle ne peut accéder qu’à une place de second lieutenant derrière la Grande-Bretagne). Dans ce but, la France cherche à exploiter ses avantages sur son puissant allié tant sur le plan des armements (vente de matériel militaire sophistiqué comme le "Rafale", mise en place de projets militaires communs) que sur celui des positions géostratégiques (accéder à la Méditerranée). Cependant l’impérialisme français est contraint en même temps de se protéger des appétits de l’Allemagne, appétits d’autant plus redoutables que celle-ci est un pays voisin qui a longtemps été l’un de ses principaux rivaux. A cette fin, il essaie de contenir la montée en puissance de cet "allié" d’aujourd’hui en cherchant à le brider dans le carcan de la CEE (c’est pour cela, et parce que c’est le cadre dans lequel elle espère pouvoir exprimer ses ambitions, que la France est actuellement le défenseur le plus décidé de l’Europe) ou d’y faire contrepoids en jouant circonstanciellement la carte des USA (comme au début de la crise yougoslave).
Ce qui marque donc (et qui marquera encore plus à l’avenir) la politique d’alliance impérialiste de la France, c’est l’instabilité et l’insécurité qui raccompagne inévitablement.
L’option pro-allemande a déjà valu à la France les représailles des USA au Tchad et en Algérie (ce qui l’a amenée à réagir énergiquement pour défendre ces positions, importantes pour elle), de même qu’elle avait déjà été punie, par son éjection du Moyen-Orient, pour les velléités d’indépendance vis-à-vis de l’autorité américaine qu’elle avait exprimées lors de la crise du Golfe. Demain, les USA n’auront aucune hésitation à employer tous les moyens pour la déposséder d’autres zones d’influence, en particulier en réduisant au maximum sa marge de manœuvre en Méditerranée et l’éjectant de la corne de l’Afrique.
Quelles que soient les péripéties qui marqueront le jeu des alliances, la bourgeoisie française est parfaitement consciente qu’elle ne pourra pas faire l’économie d’une participation directe sur le terrain à de futures confrontations impérialistes. C’est pour cela qu’elle se prépare dès à présent aux besoins de celles-ci, tant en ce qui concerne la nécessaire adaptation d’une partie de son armement, que l’implication
future du contingent qui constitue une pièce maîtresse du dispositif militaire français.
3 La situation économique de la France, déjà actuellement difficile, va considérablement s’aggraver, du fait bien sûr de la crise mondiale, mais également pour les raisons plus particulières suivantes :
- le tarissement de débouchés dont elle avait pu bénéficier et constitués par la reconstruction de la partie Est de l’Allemagne;
- la perte d’importants marchés militaires, au Moyen- Orient en particulier, où les USA se sont accaparé depuis la guerre du Golfe la grande majorité des débouchés militaires dans la région;
- la tendance à l’affaiblissement de sa compétitivité face à ses principaux concurrents qui va peser plus lourd dans un contexte de guerre commerciale exacerbée. Celle-ci résulte des facteurs suivants :
Afin de résister au mieux dans la guerre commerciale, la France va être amener à défendre de façon encore plus acharnée ses alliances commerciales actuelles et même à en contracter de nouvelles, parfois circonstanciellement, comme on peut le voir déjà aujourd’hui quand elle joue :
4 La situation de la lutte de classe en France depuis ces deux dernières années n’a pas présenté de spécificité, par rapport à la dynamique générale dégagée au niveau international, et cela tant en ce qui concerne le recul dans la conscience que l’absence de combativité, malgré des attaques considérables de la part de la bourgeoisie française, en particulier sous la forme de licenciements. Aux évènements mondiaux et aux campagnes de la bourgeoisie qui sont à l’origine de cette situation, il faut ajouter l’utilisation par la classe dominante d’une stratégie mise en place dans plusieurs pays d’Europe visant à déclencher des luttes prématurées afin d’accentuer le désarroi de la classe ouvrière. Cette stratégie, dont la situation en France a fourni un exemple très significatif, s’est traduite à l’automne 91 par toute une série de grèves (infirmières, Renault) orchestrées par les syndicats, le PCF et les gauchistes en collusion avec le gouvernement.
Cependant, sans que l’on puisse présager ni du moment ni du rythme de reprise des luttes, la combativité de la classe ouvrière va de nouveau s’exprimer, alors que les exigences de la guerre économique mondiale, ainsi que le maintien voire le renforcement du fardeau des dépenses militaires, vont contraindre la bourgeoisie française à porter des attaques de plus en plus massives et frontales contre la classe ouvrière qui, en particulier, vont se traduire par des licenciements massifs dans les secteurs les plus importants, une augmentation importante du chômage, une intensification de l’exploitation sur le lieu de travail, la compression de tous les budgets sociaux, notamment de la santé, et des coups très
durs portés sur les retraites.
Contrairement à ce qu’a été capable de faire le PS pendant 10 ans, c’est-à-dire diluer, masquer, camoufler des attaques cependant importantes, celles qui sont portées aujourd’hui et surtout celles qui sont à venir, d’une ampleur jamais vue par les générations actuelles de la classe ouvrière de ce pays, ne manqueront pas de faire renaître la combativité et de participer au développement de la conscience dans la classe ouvrière.
5 La situation de faiblesse relative de sa classe politique, faiblesse aggravée depuis 1981, n’a pas fondamentalement handicapé la bourgeoisie française dans la défense de ses intérêts impérialistes. Sur ce plan elle a été, durant toutes ces années, et même dans la situation plus difficile pour elle oj> verte par l’effondrement du bloc de l’Est, capable d’agir au mieux de ses possibilités, sans trop de faux pas.
Sur le plan intérieur, malgré l’affaiblissement important des forces de gauche aujourd’hui dans l’opposition -syndicats, gauchistes et surtout PC depuis l’effondrement du stalinisme- malgré l’usure très sérieuse qu’a subie le PS, tout particulièrement ces derniers mois, la bourgeoisie a montré sa capacité à gérer la situation notamment face à la classe ouvrière.
De même, la montée de l’extrême-droite -fraction qui ne peut en aucune manière être appelée aux affaires dans la période actuelle- confirmée par les élections cantonales et régionales de mars 92, si elle exprime la faiblesse relative de la classe politique ainsi que le développement de la décomposition de la société, ne signifie pas, en revanche, une tendance à la perte de contrôle par la bourgeoisie de son jeu politique comme le montre sa capacité à préparer activement, et dès à présent, la relève du PS à la tête de l’Etat par la droite classique, même si cette dernière reste affaiblie par ses propres divisions qui risquent d’être aggravées par les choix de politique étrangère (pro Allemagne et pro US).
De même, si la multiplication des scandales qui éclatent au grand jour en impliquant ostensiblement de larges franges de Ta classe politique, (le PS au premier rang d’entre elles), est bien sûr le résultat du développement de la décomposition générale de la société et en particulier de la classe dominante, il convient cependant d’être clair sur le fait que ce phénomène n’a pas la même ampleur ni surtout les mêmes conséquences, quant à la cohésion de l’Etat, comme c’est le cas, de façon spectaculaire, dans certains pays de la périphérie, et notamment les pays anciennement dirigés par des régimes staliniens.
C’est pour toutes ces raisons qu’il serait faux et illusoire de parler de crise politique de la bourgeoisie française.
Bien au contraire, la situation actuelle illustre sa capacité d’utiliser à son avantage ses propres faiblesses ainsi que les manifestations de sa propre décomposition.
Il en est ainsi de l’utilisation qu’elle fait de la montée du parti de Le Pen. Aujourd’hui, toute la publicité faite autour du thème de la montée du fascisme, rehaussée par l’organisation de mobilisations et manifestations en résistance à celle-ci, ont pour but de développer une idéologie de défense de la démocratie.
Cette manœuvre, qui s’inscrit dans les campagnes que mène sur le même thème la bourgeoisie à l’échelle internationale pour tenter d’entraîner la classe ouvrière hors de son terrain de classe, a de surcroît en France des objectifs plus spécifiques : il s’agit d’un volet d’une politique visant à recréer une gauche dans l’opposition, s’articulant à terme autour du PS, ou d’une scission de celui-ci, passé dans l’opposition. En effet, la seule force électorale oppositionnelle de gauche, le PC, est extrêmement affaiblie. Le principal syndicat, la CGT, est contrôlé par ce même parti. Il est donc urgent pour la bourgeoisie de s’employer à reconstituer son front anti-ouvrier, vu l’état actuel de celui-ci et la nécessité qu’elle aura d’affronter le renouveau de la combativité ouvrière. C’est dans cette perspective qu’il faut également comprendre les tentatives de la CGT, ainsi que l’a manifesté son dernier congrès, pour prendre certaines distances vis-à-vis du PC
Cependant, même s'il est faible, le nouveau front anti- ouvrier que la bourgeoisie tente à l’heure actuelle de reconstituer pourra se montrer, dans un premier temps en particulier, d’une efficacité redoutable contre une classe ouvrière affaiblie reprenant le chemin de ses luttes.
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Dans le n° 151 de "World Révolution" (notre organe de presse en Grande-Bretagne) comme dans "RI" n° 209, nous avons publié un article intitulé: "Malgré ses graves erreurs, Trotski n'a pas trahi le prolétariat". Nos arguments étaient les suivants: il est nécessaire de distinguer Trotski du trotskisme. Ce dernier, en tant que courant politique, est passé dans le camp bourgeois par sa participation aux fronts de "résistance" durant la seconde guerre mondiale et par son soutien "critique" à l'impérialisme russe, donc, par voie de conséquence, aux Alliés. De cela, posions-nous, il n'est cependant pas correct de déduire que Trotski lui-même avait définitivement trahi la classe ouvrière. En dépit de nombreuses et graves erreurs qui le conduisaient dans cette direction, le dernier pont n'a pas été franchi parce que sa position est restée ouverte sur la question cruciale de la guerre mondiale impérialiste et sur celle de la "défense de l'URSS". Trotski est mort en 1940, avant la généralisation du conflit à toutes les puissances du monde.
L'histoire du mouvement ouvrier nous montre qu'une organisation politique passée en tant que telle dans le camp ennemi, celui de la bourgeoisie, est définitivement perdue pour le prolétariat. En ce sens, ni la social-démocratie ni les partis communistes issus de la IIIe Internationale (IC), qui ont respectivement trahi la classe ouvrière en 1914 et 1935, ne redeviendront jamais plus ouvriers. Mais la même expérience nous révèle aussi que la trahison ne met pas immédiatement fin à toute réaction prolétarienne au sein des organisations faillies. C'est par exemple de ces réactions au cœur des PS après 1914 que naîtront, après une âpre lutte politique de plusieurs années, l'IC et les PC. Il en est allé de même pour les groupes trotskistes. Si, dans leur globalité, les courants trotskistes sont passés avec armes et bagages au service de la bourgeoisie à l'occasion de la seconde guerre mondiale, on sait que durant ce conflit impérialiste et même après, entre 1945 et 1949, des éléments indéniablement prolétariens, prenant acte de la trahison, ont combattu pour dégager du trotskisme des minorités qui maintenaient ferme le principe internationaliste. Citons les Révolutionnaire Kommunistische Deutschlands (RKD) et, en Grèce, le groupe autour de Stinas, pendant la guerre ; Munis, Natalia Trotski, la propre épouse et compagnon de lutte du grand révolutionnaire, ainsi que Socialisme ou Barbarie, au lendemain de la tuerie impérialiste. Nous souhaitons donc encore une fois, ici, rétablir l'exactitude de notre position. Quand Staline a fait assassiner Trotski, en 1940, il n'était pas en compétition avec un "bureaucrate" capitaliste rival, mais il cherchait à supprimer l'homme qui, plus qu'aucun autre à ce moment-là, restait le symbole de la révolution prolétarienne mondiale.
Notre position a soulevé des incompréhensions et même un certain degré de scandale dans le milieu révolutionnaire. Chez certains, cela donne matière à un honnête questionnement pour les camarades qui partagent plusieurs de nos positions fondamentales. Mais d'autres réactions sont malhonnêtes parce qu'elles proviennent:
Ce qui est plus nouveau, c'est l'attitude d'une organisation marxiste comme la CWO[1] - que nous jugions encore comme sérieux[2] de même que l'ensemble des groupes se réclamant de la Gauche Communiste d'Italie, qui cherche à trouver des justifications "historiques” à cette piètre campagne contre le CCI. Voici comment, dans le n° 52 de son organe de presse, "Workers’ Voice", au sein d'un article consacré à une réunion publique que le CCI a tenue sur l'histoire de la Fraction Italienne, ce groupe défend sa thèse:
"La question de l'opportunisme amena un membre de la CWO à demander si le CCI n'était pas en train de devenir 'opportuniste' aujourd'hui en affirmant que Trotski n'avait pas trahi la classe ouvrière. La réponse du CCI fut que Trotski n'avait jamais trahi le prolétariat car il n'avait pas soutenu les forces impérialistes pendant la seconde guerre mondiale (on est légitimement en droit de penser que, s'il n'avait pas été assassiné, il aurait certainement dénoncé l'impérialisme russe). Ils (les membres du CCI, NDR) ont alors retourné la question en demandant quand pensions-nous que le trotskisme était devenu contre-révolutionnaire. (...)
Notre réponse, c'est que la Gauche Italienne a défini la date. Trotski rompit les discussions avec la Gauche en 1933 et, en 1935, il abandonna toute tentative pour essayer de former une tendance révolutionnaire en insistant pour que ses épigones adoptent l'entrisme. Pour la Gauche Italienne, cela était, selon ses propres termes, 'franchir le Rubicon' dans le camp de l'ennemi. (...)
Si ce n'est pas une politique anti-ouvrière, alors l'entrisme est une politique révolutionnaire et nous devrions rouvrir le débat avec les trotskistes[3]. Aussi pourquoi le CCI a-t-il ouvert cette porte ? Bien, nous sommes convaincus que ce n’est pas pour engager un regroupement avec les trotskistes (c'est le CCI qui nous l'a dit) mais pour justifier la carrière politique de son fondateur[4]."
Dans ce passage, il y a une affirmation de base qui mérite immédiatement notre réplique. L'affirmation de la CWO, sur le moment où Trotski et les trotskistes sont passés dans le camp bourgeois, présente un semblant d'analyse politique, mais elle est historiquement hors de propos.
Réglons en passant un point d'histoire que nos sourcilleux contradicteurs devraient savoir, eux qui sont si prompts à fixer des dates aussi précises et sans recours. C'est en 1934 et non en 1935 que Trotski écrit "Pourquoi nous adhérons à la SFIO ?" (cet article est en effet publié en septembre 1934 par "La Vérité", organe du courant officiel trotskiste en France).
Avant de répondre sur l'histoire des relations entre la Fraction Italienne et Trotski, nous devons rappeler que des ruptures au sein du mouvement ouvrier ont existé indépendamment d'un passage de l'une ou l'autre des deux parties dans le camp bourgeois. C'est le cas des "tribunistes" hollandais, qui ont quitté la social-démocratie, et également celui des bolcheviks comme des mencheviks, qui se sont organisationnellement séparés en 1903. L'histoire plus récente du "bordiguisme" nous fournit un autre exemple: le divorce politique de 1952 entre "Battaglia Comunista" et "Programma Comunista", en Italie, ne fait pas passer un des deux groupes dans le camp de la bourgeoisie. Il en va pareillement de Trotski et de la Gauche Italienne après leur rupture organique en 1933. Celle-ci ne voulait pas dire que l'un des deux groupes avait définitivement trahi la classe ouvrière.
La CWO devrait tenir compte plus largement de l'article cité par elle, celui du n°11 (septembre 1934) de "Bilan", l'organe de la Gauche Italienne, qui a pour titre : "Les bolcheviks-léninistes entrent à la SFIO". La Fraction y écrit certes que la tactique entriste rendait nécessaire de "mener une lutte impitoyable et sans merci contre lui (Trotski, NDR) et ses partisans qui ont passé le Rubicon et rejoint la social-démocratie". Mais elle dit aussi plus loin : "Actuellement, (Trotski) sombre et on se demande s'il s'agit d'une chute totale, définitive de sa part, ou bien s'il s'agit seulement d'une éclipse que les évènements de demain dissiperont." Et en fait, trois ans après, dans le n° 38 de sa revue, la Gauche Italienne continuait d'exprimer sa solidarité foncière à Trotski. Dans le texte "Trotski pourra-t-il rester au Mexique ?", rédigé en réponse à une campagne internationale de dénigrement contre ce révolutionnaire, elle se prononce ainsi : "Nous présenterons à Trotski, duquel nous séparent de profondes divergences de principe et que nous avons combattu sur le terrain idéologique sans le confondre avec ses suiveurs, toute notre solidarité de classe. Nous appelons les ouvriers à prendre vigoureusement sa défense, et à réagir violemment contre toute atteinte à sa personne. Et demain, lorsque le feu de la révolution resurgira des cendres du mouvement ouvrier actuel, Trotski trouvera une place : celle qui revient à son dévouement indéfectible à la classe ouvrière, à ses capacités géniales.".
Ainsi, "Bilan", dont le CCI suit là-dessus l'exemple, ne classait pas Trotski dans le camp de la bourgeoisie et ne pensait pas que la tactique entriste, bien que constituant une grave capitulation face à la bourgeoisie, représentait la trahison finale.
Mais il pourrait y avoir plus grave encore du point de vue de la CWO. En effet, la Fraction était plus pointilleuse sur la question de la guerre impérialiste. Et on se doit de rappeler que l'organe de la Fraction publiait dans son n° 46 (décembre 1937-janvier 1938) un article sur la position de Trotski face à la guerre en Chine où elle le traite de "renégat" et parle de "trahison" en fonction de son soutien à la bourgeoisie chinoise contre l'invasion japonaise. Rétrospectivement, nous pouvons affirmer que ce jugement est prématuré puisque la ligne de partage n'est pas une guerre locale mais la guerre mondiale (voir la note 3). Comme nous l'avons déjà mentionné, le Trotski de 1940 n'avait pas fermé toutes les portes à une révision des positions opportunistes et désastreuses qui l'avaient conduit à l'extrême limite du camp prolétarien, à l'orée de celui de la bourgeoisie. Et en fait, c'est bien en suivant la logique de ses dernières interrogations que Natalia Trotski, Munis et d'autres ont été capables de rompre avec le trotskisme officiel de la IVe Internationale; en mesure de prendre une position internationaliste authentique contre l'impérialisme "soviétique" et la seconde guerre mondiale.
Le débat ne porte pas sur les faits mais sur la méthode. La Gauche Italienne nous a enseigné la prudence dans les jugements politiques. C'est une leçon que devrait méditer la CWO. Avant de rejeter définitivement un groupe politique dans le camp de la bourgeoisie -même si nous devons en dénoncer avec la plus grande sévérité les tares opportunistes- il faut s'appuyer sur des critères concrets et objectifs comme le rejet de l'internationalisme pendant une guerre impérialiste. C'est ainsi, par exemple, que la minorité de la Fraction Italienne qui adopte la même position que Trotski en 1936 pendant la guerre d'Espagne (engagement dans les milices du POUM) est vivement stigmatisée mais n'est pas rejetée, "ipso facto", dans les rangs de la classe ennemie.
Au cours des années 70, nous avons eu une discussion du même genre avec la CWO sur la question de la dégénérescence de la Révolution, russe (qui, par un décret de nos censeurs, doit à tout prix s'achever en 1921). Au milieu de la décennie suivante, nous l'avons encore eue avec la tendance qui a quitté le CCI et formé la "Fraction Externe du CCI" (FECCI), mais, cette fois-ci, la dispute portait sur la date exacte de la fin définitive des partis socialistes et communistes. Dans les deux cas nos critiques rejetaient la méthode marxiste en faveur d'un pseudo-radicalisme sectaire et armé de désastreux ultimatums du type: ou vous acceptez que le bolchevisme est mort en 1921 ou bien vous justifiez Kronstadt; admettez que les PS trahissent tous en 1914 et les PC en telle année ou vous êtes des sociaux-démocrates et des staliniens vous-mêmes.
Ayant survécu à ces diffamations, le CCI peut bien résister à l'accusation de "trotskisme". Par contre, nous insistons, dans la tradition de "Bilan", sur la nécessité d'être méthodique et prudent avant de reléguer des parties de notre propre classe dans le camp adverse.
Eymeric, d'après "Word Révolution", n° 160, janvier 1993.
[1] Communist Workers Organization, BM Box, London WCIN.
[2] Plusieurs évènements récents nous en font douter, comme la publication de façon irresponsable, dans les dernières parutions des organes de cette organisation, d'informations mettant en danger des militants révolutionnaires.
[3] Le manque de méthode de la CWO, son incapacité à saisir le concept d'opportunisme, est particulièrement révélé dans cette phrase. Les camarades ne semblent pas encore comprendre que des organisations prolétariennes peuvent défendre certaines positions fondamentalement bourgeoises sans automatiquement passer dans le camp capitaliste. Pour prendre un exemple moins lointain, ce n'est pas parce que "Programme Communiste" -"Le Prolétaire” a soutenu les Khmers rouges dans les années 70, position franchement bourgeoise, qu'il faut "ipso facto" ranger ce groupe parmi les forces politiques de la classe capitaliste.
[4] La CWO évoque ici la personne de notre camarade Marc, décédé à la fin de 1990. Dans le prochain numéro de notre journal, en poursuivant la citation du même article de "Workers' Voice" avec la partie dédiée aux prétendues "icônes du CCI", nous aurons à faire justice des odieuses accusations portées contre ce militant.
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Dans le dernier numéro de "Révolution Internationale", nous avons répondu à la première affirmation de la Communist Workers Organisation[1] (CWO) : "Trotsky est passé dans le camp bourgeois en 1935 avec sa politique d’entrisme dans la social-démocratie" avec pour corollaire que "cette position, sur Trotsky, a déjà été défendue dans les années 30 par la Fraction italienne de la gauche communiste"[2]. Nous avons rappelé les raisons qui font que Trotsky a été assassiné en 1940 avant le début du déchaînement de la guerre impérialiste sans avoir trahi la classe ouvrière. Dans cet article nous répondrons à la deuxième affirmation de la CWO qui porte sur notre camarade "Marc"[3].
Voici ce qui dit Workers Voice (numéro 52), dans son article à propos d’un meeting du CCI sur la Gauche Communiste Italienne :
Voilà bien la véritable argumentation tordue de la CWO : notre défense de Trotsky sert en fait à justifier le parcours politique du camarade Marc. D’après la CWO, ce camarade provenait de l’Opposition de gauche et aurait en conséquence, eu des "tentations" trotskistes. Et ce "prétendu" trotskisme a pour but de critiquer les fondements du CCI à travers le camarade Marc. On peut mesurer l’aspect tordu et le caractère sordide d’une telle accusation. On quitte tout à fait le terrain du débat politique. La CWO, qui n’a jamais cessé de clamer que le CCI a recours à des méthodes non "fair play" dans ses polémiques au point que cela ne vaut pas la peine de débattre avec lui, devrait sérieusement réfléchir sur ses propres méthodes. Considérons simplement l’"argument" que la CWO nous met dans la bouche : Marc était un "trotskiste"; Trotsky mourut en tant que militant prolétarien; par conséquent Marc est "une icône sacrée".
Tout ce fatras serait imbécile s’il n’était, en sus, complètement faux. Il disqualifie malheureusement la CWO qui agit de façon aussi bête et irresponsable que le font des groupes parasites qui jouent sur le principe "calomnions, calomnions toujours, il en restera quelque chose !"
Il est vrai que Marc a été dans l’Opposition de gauche internationale puisque il a adhéré à la "Ligue communiste" à la fin des années 20 après avoir été dans le groupe du "Redressement communiste" avec Treint et Barré. Mais à cette époque, personne parmi les révolutionnaires ne parle de "trotskisme" pour qualifier les groupes de L’"Opposition de Gauche Internationale". L’Opposition de gauche de cette époque ne s’identifiait pas du tout à Trotsky et encore moins au "trotskisme". C’était un mouvement très hétérogène qui, à côté d’autres sortes de groupes confus notamment "la Gauche communiste allemande" de Kurt Landau ou "espagnole", contenait beaucoup d’éléments qui étaient plus ou moins sur les positions de la "gauche communiste italienne" comme "l’Opposition communiste belge". Quand on parlait des groupes qui épousaient les positions de Trotsky, à l’époque, il était question de "l’Opposition de Gauche russe". On voit bien qu’on faisait la distinction entre Trotsky et les groupes oppositionnels de gauche.
Marc était certainement parmi ceux qui se situaient plus près de la "Gauche communiste italienne" comme on peut le constater dans nos articles à sot sujet dans les Revues Internationales 65 et 66. Et, en fait, la Fraction italienne se considérait elle-même comme faisant partie de ce milieu. Ainsi décrire Marc comme ayant été un trotskiste est particulièrement hors de propos.
Qui a créé le concept de "trotskiste" à l’époque ?
C’est Zinoviev, qui, le premier crée ce mot afin de resserrer les "vieux bolcheviks" (les bolcheviks d’avant 1917) autour de lui et de Staline et d’engager le combat en 1923 contre Trotsky pour, d’une part, le discréditer en rappelant son passé menchevik et, d’autre part, conquérir l’Internationale et le PCUS[4].
On mesure où va se vautrer la CWO en allant chercher de tels arguments staliniens.
Le véritable concept de "trotskisme" naît après l’assassinat de Trotsky, et il naît sur la base du "Programme de transition" de 1938, porté au bout de sa logique par les trotskistes au cours de la deuxième guerre mondiale impérialiste.
En fait, l’évolution politique de Marc a suivi de façon très proche celle de BILAN (organe théorique de la Gauche italienne): en 1936, quand il rompit avec "L’Union communiste", particulièrement sur la guerre d’Espagne, il trouva la cohérence qu’il cherchait précisément dans BILAN.
A ce moment-là un vaste gouffre s’était ouvert entre BILAN et Trotsky. Ainsi pour être exact, l’affirmation que Trotsky est une "couverture" pour le passé de Marc est impossible à soutenir: comme le reste de la Gauche communiste, Marc combattit bec et ongles contre toutes les positions fausses de Trotsky pendant les années 30, et pendant la guerre d’Espagne. Ce sont précisément des camarades comme Marc qui reconnurent durant la deuxième guerre mondiale que les épigones de Trotsky avaient définitivement "franchi le Rubicon" pour passer dans le camp capitaliste.
En fait, la gauche italienne est redevable à Marc, comme à quelques autres militants, pour avoir poursuivi son travail et sauvé son honneur politique alors que le Comité central de la fraction à Bruxelles autour de Perrone (Vercesi) avait déclaré sa dissolution au début de la guerre.
L’honneur de la gauche italienne et la défense de l’internationalisme prolétarien reviennent à la Fraction italienne reconstituée en 1941 à Marseille autour de quelques camarades, Lecci, Stefanini, Tullio, etc. et Marc notamment.
Quant au tract signé avec des trotskistes pour le 1er Mai 1945, il s’agit d’un tract rédigé en commun avec les RKD[5] dénonçant la guerre impérialiste mondiale. Et l’"expulsion de la gauche" de Marc sous l’accusation de trotskisme, n’est qu’un exemple des falsifications politiques de la CWO et de la campagne de dénigrement contre Marc qui se développe à l’heure actuelle. La CWO est encore une fois prise la main dans le sac de la malhonnêteté. L’ignorance historique n’est pas une excuse, il faut s’informer avant de porter de telles accusations aussi graves.
Marc n’a jamais été exclu par la Fraction italienne et certainement pas pour "trotskisme".
La Fraction italienne décide de se dissoudre à sa conférence en mai 1945 et d’adhérer individuellement au Partito Comunista Intemazionalista. Immédiatement, à la lecture de ce document préparé en secret, Marc quitte la Conférence sur la base d’une déclaration car il estime que cet acte est irresponsable, la Fraction ne peut pas adhérer à un Parti dont on ne connaît pas encore le programme politique. «Ne voulant en aucune façon m’associer à l’acte de liquidation de la Fraction... Je déclare quitter la Conférence... Vive la fraction!» (Déclaration du25mai 1945 in Bulletin de la gauche communiste de France - Juin 1945). Le camarade Marc adhère alors à la "Fraction Française de la Gauche Communiste" qui vient de se créer. Marc n’est donc pas exclu puisqu’il a quitté un groupe qui s’est auto-dissout.
La Fraction italienne "dissoute" se "réveille" de nouveau pour publier un communiqué le 15 juin 1945 «excluant le camarade Marc pour indignité politique». Non seulement il est quelque peu bizarre qu’un groupe dissout exclue un membre en l’accusant d’indignité pour avoir lutté contre son auto-dissolution (!), mais encore force est de constater qu’il n’y a aucune exclusion pour trotskisme dans ce document. Où la CWO a pu comprendre qu’il y avait eu exclusion pour trotskisme? En fait c’est la jeune "Fraction française" qui a été critiquée pour "tendances trotskistes" dans le Bulletin de la Gauche italienne n°8 publié quelques temps avant sa dissolution.
Toutefois, il n’y a aucune concession au trotskisme dans le fait de rédiger un tract en commun avec des éléments en rupture avec le trotskisme sur la question essentielle de la guerre impérialiste. C’est même une attitude militante que nous soutenons.
Le "Parti Communiste International" formé en Italie à la fin de la guerre n’a même pas justifié la rupture des relations avec la Fraction française sur la base que celle-ci aurait pris en charge un travail commun avec des "trotskistes"[6].
Qu’a fait le Parti Communiste Internationaliste? A-t-il été très ferme sur les principes? Non, il n’a pas exclu le camarade Marc. Il a pris une résolution opportuniste le 4 novembre 1945 «Sur la dissidence en France. (...) 1° le Parti affirme qu’il tiendra des relations internationales qu'avec une seule fraction de gauche dans chaque pays, (..) 2° Invite en conséquence la fraction française à résoudre le problème de la dissidence...». En fait le Parti ne prend aucune décision claire, il biaise et renvoie la décision aux autres fractions, (notamment à la fraction belge et française). Quel courage!
En revanche, nous pourrions rappeler à la CWO, la position de la fraction belge de la Gauche communiste qui veut publier un journal avec les trotskistes. Et qu’en est-il de Romeo Mangano, Messieurs nos accusateurs ?
Mangano, ancien secrétaire de la Fédération des Pouilles du PCI dans les années 20, au sortir de la guerre se remet à militer et fonde en 1945 le POC (Parti Ouvrier Communiste-bolchevik-léniniste) avec Nicolas Di Bartolomeo "Fosco", et des trotskistes[7]. Ce parti adhère à la IV° Internationale et devient sa section italienne, avant d’en être exclu à son 2ème congrès mondial en avril 1948. Quelques années plus tard, Mangano adhère au Parti Communiste Internationaliste (Battaglia Comunista); nous ne connaissons aucune des critiques qui lui ont été faites sur ces inconséquences passées. Mais peut être existent-elles? Nous ne pouvons que réclamer à la CWO -qui est si prompte à critiquer des faits inexistants- qu’elle demande des explications au Parti Communiste Internationaliste -avec lequel elle est liée au sein du BIPR- sur cette politique d’entrisme trotskiste.
Quant aux prétendus "icônes du CCI", nous ne les avons pas rencontrées. Notre camarade Marc a eu toute sa vie une politique révolutionnaire qui est allée vers la recherche de la clarté maximum et de la transparence dans ses actes politiques. Il s’est quelques fois trompé, nous le reconnaissons, comme lui-même d’ailleurs le reconnaissait, car nous ne pensons pas que les révolutionnaires soient infaillibles. Mais, au-delà de l’individu Marc, c’est ce qu’il représente que la CWO cherche à bafouer: un maillon essentiel dans la défense de la continuité organique des positions de classe entre la GCF et les organisations révolutionnaires d’aujourd’hui. C’est pour cela que, s’il est une chose que nous ne pouvons laisser passer, c’est la malveillance et l’ignorance de la CWO dans cette dernière polémique.
Eymeric.
[1] Communist Workers Organization - BM Box - London WC1N3XX.
[2] Pour une histoire de la Gauche communiste italienne en exil (1928 - 1945) lire la brochure du CCI qui y est consacrée.
[3] Pour connaître l’histoire de ce militant, voir Revue Internationale du CCI n° 65 et 66.
[4] cf. brochure du CCI : Le trotskisme contre la classe ouvrière.
[5] Les RKD ou Communistes Révolutionnaires d’Allemagne étaient un regroupement des éléments autrichiens qui s’étaient opposés à la fondation de la IV° Internationale en 1938 à Périgny et de révolutionnaires allemands. En 1944 ils possédaient encore beaucoup de positions trotskistes mais, sur la question essentielle de la nature de la guerre impérialiste, ils possédaient la même position que la Fraction italienne regroupée à Marseille.
[6] Cette accusation était particulièrement hypocrite en ce qu'elle provenait d’un "parti" que la tendance de Marc au sein de la Gauche communiste avait précisément critiqué parce qu’il s’était formé sur des bases hautement opportunistes: incluant la "minorité" de la Fraction qui avait participé aux milices du POUM pendant la guerre d’Espagne et de Vercesi qui avait fondé un Comité antifasciste à Bruxelles en 1945. Au départ ce parti avait été impliqué dans des rapports extrêmement ambigus avec les résistants bourgeois en Italie et avait écrit des "lettres ouvertes" aux staliniens. Mais nous pouvons rappeler d’autres faits que la CWO, grande inquisitrice des faits et gestes du CCI ne devrait pas ignorer: la fraction Belge de la Gauche communiste en 1945 a proposé un journal théorique en collaboration avec les trotskistes belges. Et plus tard, les descendants de ce groupe- aujourd’hui Battaglia Comunista ont aussi tenté de débattre avec l’IS de Tony Cliff et le groupe français "Lutte ouvrière" dans les années 1970.
[7] Déclaration de Mangano à A Peregalli : «nous crûmes utiles de nous mettre à leurs côtés pour la possibilité que nous donnait une organisation internationale».
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Le CCI a tenu son 13e congrès fin mars et début avril 1999, en un moment historique marqué par l'accélération de l'histoire, alors que le capitalisme agonisant fait face à une des périodes les plus difficiles et périlleuses de l'histoire moderne, comparable par sa gravité aux deux guerres mondiales, au surgissement de la révolution prolétarienne en 1917-19 ou à la grande dépression de 1929. En effet, la gravité de la situation est déterminée par un aiguisement des contradictions à tous les niveaux :
Le CCI, conscient de l'énorme responsabilité que cette situation confère au prolétariat, a centré les débats du congrès de façon à tracer les perspectives avec la clarté qu'exige le moment historique actuel. C’est uniquement en développant sa combativité et sa conscience que le prolétariat pourra mettre en avant l'alternative révolutionnaire qui seule peut assurer la survie de la société humaine. Mais la responsabilité la plus importante repose sur les épaules de la Gauche communiste à laquelle se rattachent les organisations du camp prolétarien. Elles seules peuvent transmettre les leçons théoriques et historiques, ainsi que la méthode marxiste, indispensables aux minorités révolutionnaires qui émergent aujourd’hui pour se rattacher à la construction du parti de classe du futur. En quelque sorte, comme Bilan dans les années 1930[1], la Gauche communiste se trouve aujourd’hui contrainte de comprendre une situation historique nouvelle sans précédent. Cet enjeu requiert à la fois un profond attachement à l’approche théorique et historique du marxisme et de l’audace révolutionnaire pour comprendre des situations qui ne sont pas totalement intégrables dans les schémas du passé.
C'est avec une telle préoccupation que le CCI a abordé son 13e congrès, afin d'être en mesure de contribuer pleinement, à travers ses analyses, ses positions et son intervention à la réponse prolétarienne face à la gravité de la situation mondiale à l'aube du prochain millénaire.
Les débats sur l'analyse et les perspectives de la situation internationale ont constitué l'axe central de notre 13e congrès (voir la résolution sur la situation internationale publiée dans la Revue Internationale n° 97). Et il ne pouvait en être autrement. Peu de jours avant sa tenue, la nouvelle guerre des Balkans avait éclaté[2]. Le congrès a établi clairement que cette nouvelle guerre constituait l'événement le plus important sur la scène impérialiste depuis l'effondrement du bloc de l'Est à la fin des années 1980. La guerre actuelle et ses effets déstabilisateurs à l'échelle européenne et même internationale, constituent une nouvelle illustration du dilemme dans lequel se trouvent aujourd'hui enfermés les Etats-Unis. La tendance au "chacun pour soi” et l'affirmation de plus en plus explicite des prétentions impérialistes de leurs anciens alliés les obligent de façon croissante à faire étalage et usage de leur énorme supériorité militaire. En même temps, cette politique ne peut aboutir qu'à une aggravation encore plus grande du chaos qui règne déjà dans la situation mondiale.
Ainsi, le congrès a conclu que la guerre dans l'ex-Yougoslavie est la plus claire expression d’une nouvelle étape dans le développement de l’irrationalité de la guerre dans le capitalisme décadent, directement liée à la phase de décomposition. Cela confirme une thèse fondamentale du marxisme à propos du capitalisme du XXe siècle considérant que, dans sa période de déclin, la guerre est devenue son mode d'existence.
Une telle accentuation du chaos, avec un bras de fer permanent entre les grandes puissances, est alimenté par une accélération de la crise capitaliste qui s'est développée à partir de la fin des années soixante lorsque s'est achevée la période de reconstruction du second après-guerre. Au début de la décennie, la bourgeoisie a masqué ce phénomène en présentant l’effondrement du bloc de l’Est comme la victoire finale du capitalisme sur le communisme. En réalité, la faillite de l’Est a été un moment-clé dans l’approfondissement de la crise capitaliste mondiale. Elle a révélé la banqueroute d’un modèle bourgeois de gestion de la crise : le stalinisme. Depuis lors, l'un après l’autre, les "modèles économiques” ont mordu la poussière, en commençant par la deuxième et la troisième puissances industrielles du monde, le Japon et l’Allemagne. Elles devaient être suivies par la plongée des "tigres" et des "dragons" d’Asie et des économies "émergentes" d’Amérique Latine. La banqueroute ouverte de la Russie a confirmé l’incapacité du "libéralisme occidental" à régénérer les pays d’Europe de l’Est. La bourgeoisie a présenté cette catastrophe économique comme particulièrement sévère, mais néanmoins limitée à une récession conjoncturelle et temporaire. Ce que ces pays ont subi en vérité est une dépression en tout point aussi brutale et dévastatrice que celle des années trente. Et ce n'est que le prélude d'une nouvelle récession ouverte au niveau mondial.
Concernant la lutte de classe, notre congrès a mis en avant que, malgré le poids de la décomposition déterminée par l'impasse où se trouve le capitalisme, malgré le recul historique qu'a représenté pour la combativité et la conscience du prolétariat l'effondrement du bloc russe en 1989 -identifié par l'écœurante campagne de la bourgeoisie mondiale avec la mort de la perspective communiste-, le prolétariat n’est pas défait historiquement. Bien que le temps ne joue pas en sa faveur, dans la mesure où il ne peut empêcher la prolifération de toutes les manifestations du pourrissement d'un ordre social en décomposition, la fin de cette décennie est marquée par des manifestations d'une reprise de la combativité. Pour y faire face, les syndicats ont dû recommencer à contrôler, isoler et saboter les mouvements de luttes et la bourgeoisie a dû renouer avec cette politique de black- out des luttes au niveau international, afin de ne pas étaler le "mauvais exemple" de la résistance ouvrière.
Malgré les difficultés qui continuent à peser sur la classe ouvrière du fait de la décomposition de la société capitaliste, le 13e congrès considère qu'il y a de bonnes raisons de penser qu' à long terme, il existe beaucoup d'aspects particulièrement favorables à un nouveau développement de la conscience dans la classe ouvrière :
Inquiète face au danger prolétarien, la classe dominante a placé la social-démocratie au gouvernement dans 13 des 15 pays de l’Union Européenne ainsi qu'aux Etats-Unis. Il s'agissait pour elle de revitaliser la mystification électorale et l'alternative démocratique, après de longues années de gouvernement de droite, notamment dans des pays-clefs comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Mais, par ailleurs et surtout, face à la nécessité d'accentuer les attaques contre la classe ouvrière, la gauche a l’avantage sur la droite de procéder de façon plus habile et moins provocante.
En conclusion, le 13e congrès a précisé que le fait que la gauche se trouve aujourd'hui dans la plupart des gouvernements constitue une expression du fait que la bourgeoisie est bien consciente du danger que représente une classe ouvrière consciente de son rôle historique, ce qui justifie toutes ces actions préventives destinées à limiter le développement de sa combativité.
Le 13e congrès du CCI a réalisé un bilan de ses activités, au feu d'une situation historique inédite particulièrement difficile et périlleuse, à un moment où les grandes puissances déploient leur arsenal de mort au cœur même de l'Europe.
Le bilan des activités établi par le 13e congrès est très positif. Il ne s'agit pas là d'une manifestation d'autosatisfaction mais d'une évaluation objective et critique de notre activité. Le 12e congrès avait diagnostiqué que le CCI devait revenir à un équilibre de l'ensemble de ses activités, après avoir mené pendant plus de trois ans un combat pour l'assainissement du tissu organisationnel. En accord avec le mandat du 12e congrès, ce "retour à la normale" a été concrétisé par :
Le renforcement de l'organisation s'est également concrétisé par la capacité du CCI à intégrer de nouveaux militants dans sept sections territoriales (et notamment dans la section en France). Ainsi, le renforcement numérique du CCI (qui est appelé à se poursuivre, comme en témoigne le fait que d'autres sympathisants ont posé récemment leur candidature à l'organisation) vient démentir toutes les calomnies du milieu parasitaire accusant notre organisation d'être devenue une "secte repliée sur elle-même". Contrairement aux dénigrements de nos détracteurs, le combat mené par le CCI pour la défense de l'esprit de parti, n'a pas fait fuir les éléments en recherche des positions de classe, mais a au contraire permis leur rapprochement et leur clarification politique.
Le CCI a développé une intervention sérieuse et sereine, emprunte d'une vision à long terme, en vue d'un rapprochement avec les groupes du milieu politique prolétarien. Cette activité s'est étendue aux contacts et sympathisants aux préoccupations desquels il faut répondre avec sérieux et profondeur et à qui il faut permettre de dépasser les incompréhensions et la méfiance envers l'organisation. Cette orientation du CCI ne résulte pas d'une vision mégalomane mais des exigences de la situation historique qui requiert que le prolétariat, et les minorités révolutionnaires à ses côtés, assume ses responsabilités.
La défense du milieu prolétarien a conduit le CCI à combattre la contre-offensive des éléments parasitaires, notamment en publiant deux brochures intitulées La prétendue paranoïa du CCI et en tenant à Paris une réunion publique "internationale" en défense de l'organisation, activité à laquelle se sont intégrés plusieurs de nos contacts. Ainsi, l'organisation a approfondi sur la question du parasitisme politique, en adoptant et en publiant les "Thèses sur le parasitisme", lesquelles constituent une arme de compréhension historique et théorique sur cette question pour l'ensemble des groupes du milieu. La défense du milieu prolétarien a consisté aussi pour le CCI à développer une politique de discussions et de rapprochement, mettant en place avec d'autres groupes de ce milieu des interventions communes face aux campagnes anticommunistes qu'a déchaînées la bourgeoisie lors de l'anniversaire de la Révolution d'Octobre. De même, cette démarche a connu un prolongement dans le travail d'intervention en direction du milieu politique qui surgit en Russie.
Le 13e congrès a établi que l'intervention en direction du "marais politique" doit être assumée de façon plus décidée par l'organisation. Ce "no man's land" indéterminé entre la bourgeoisie et le prolétariat est le lieu de passage obligé de tous les éléments de la classe qui s'acheminent vers une prise de conscience. Il constitue aussi un terrain privilégié de l'action du parasitisme avec lequel se joue une course de vitesse. Aussi l'organisation ne doit pas attendre que les éléments en recherche la "découvrent" pour s'intéresser à eux. Bien au contraire, elle doit s'adresser à ces éléments et mener le combat contre la bourgeoisie dans le marais lui-même.
Ce renforcement de notre vision du milieu politique prolétarien est un résultat du renforcement politique et théorique. Le congrès a souligné que ce dernier ne doit pas être considéré comme une "activité à part", "à côté" ou "en plus" des autres tâches. Dans la situation historique actuelle et dans la perspective à long terme où s'inscrit la vie des organisations révolutionnaires, le renforcement politique et théorique doit inspirer et constituer le socle de nos activités, de nos réflexions et de nos décisions.
Ainsi, le bilan positif de nos activités se base sur une vision plus claire du fait que les questions d'organisation sont déterminantes face aux autres aspects des activités. En ce sens, le (CCI est conscient qu'il doit poursuivre ses efforts et son combat pour acquérir "l’esprit de parti", notamment en luttant contre les effets de l'idéologie, dominante sur l'engagement militant. Au cours de ses 25 années d'existence, le CCI a payé les conséquences de la rupture de la continuité organique avec les organisations révolutionnaires du passé. Bien que nous tirions un bilan positif de cette expérience, nous savons que les acquis dans ce domaine ne sont pas définitifs ; surtout dans la période actuelle de décomposition, quand les efforts de l'organisation pour assurer un fonctionnement animé par "l'esprit de parti" sont sapés en permanence par les tendances de la société au "chacun pour soi", au nihilisme, à l'irrationalité, qui se manifestent dans la vie organisationnelle par l'individualisme, la méfiance, la démoralisation, l'immédiatisme, la superficialité.
Le 13e congrès a inscrit l'orientation des activités du CCI (presse, diffusion, réunions publiques et permanences) dans la perspective, pour une part, d'une accentuation des effets de la décomposition mais aussi d'une accélération de l'histoire, exprimée par une aggravation de la crise du capitalisme et une tendance au resurgissement de la combativité du prolétariat. Le CCI, et avec lui l'ensemble du milieu prolétarien, sort de ce congrès mieux armé pour affronter cet enjeu historique.
Courant Communiste International
[1] Revue de la Gauche communiste d'Italie dans les années 1930. Cf. notre brochure La Gauche communiste d'Italie.
[2] Voir notre tract international publié en première page du numéro précédent de Révolution Internationale et diffusé dans tous les pays où existent des sections du CCI, ainsi qu'au Canada, en Australie et en Russie. Voir également dans ce numéro l'article sur l'intervention des autres groupes du milieu |politique prolétarien.
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Après la fin des bombardements de l'OTAN dans l'ex-Yougoslavie et après l'installation des forces de la KFOR au Kosovo, les tensions impérialistes, loin de s'atténuer, n'ont cessé de se multiplier et de s'intensifier aux quatre coins de la planète.
Cette recrudescence des conflits dans le monde est la répercussion directe de l'onde de choc, provoquée par l'intervention des grandes puissances dans l'ex-Yougoslavie. Elle s'est d'abord traduite par une formidable accélération de la course aux armements, notamment en Asie. Les affrontements entre l'Inde et le Pakistan ont spectaculairement repris, avec des avions abattus de part et d'autre, alors que depuis 1998, ces deux pays se livraient déjà à une course effrénée aux armements nucléaires. Leurs relations avaient déjà pris une tournure alarmante en juin dernier avec l'invasion de troupes pakistanaises en territoire indien pour "aider" les séparatistes du Cachemire. Celle-ci n'avait cessé qu'avec l'injonction des Etats-Unis au Pakistan pour qu'il retire ses troupes. Plus que jamais, aujourd'hui, dans ce conflit, l'une et l'autre de ces puissances continuent à faire planer la menace de l'usage de leurs armes nucléaires mutuelles.
Simultanément, les rivalités à coups de missiles entre les deux Corées, l'une soutenue par la Chine, l'autre par le Japon, sont tout aussi inquiétantes. Cela illustre pleinement les déclarations d'un spécialiste américain de la politique asiatique au Los Angeles Times : "La victoire des forces de la coalition derrière les Etats-Unis au Kosovo renforcera la diffusion des missiles et des armes de destruction massive en Asie. Pour la simple raison que les pays de la région ne veulent pas devenir un Kosovo, c’est-à-dire la cible d'une éventuelle attaque de l'Occident, sans avoir les moyens de riposter. Il est impératif maintenant que les nations aient la meilleure technologie militaire (pour se défendre/' (cité aussi par Le Monde du 28 juillet). C'est d'ailleurs cet argument développé jusque dans la presse occidentale : "nous ne voulons pas que notre pays devienne une autre Yougoslavie" (Ibid.) qui sert à la Corée du Nord et surtout à son alliée, la Chine, pour justifier la fabrication de nouveaux missiles terrestres à longue portée et de la bombe à neutrons mise au point par Pékin. C'est aussi ce surarmement nucléaire qui pousse la Corée du Sud et surtout le Japon à s'associer aux Etats-Unis, pour renforcer leur programme commun antimissiles tandis que le gouvernement de Taïwan qui craint de se faire "avaler" par la Chine est incité à adopter une attitude de plus en plus belliqueuse envers cette dernière. Le continent asiatique qui abrite désormais plus de la moitié de l'humanité est ainsi devenu une gigantesque poudrière. Tous les ingrédients sont réunis pour une explosion difficilement contrôlable de cette partie du monde dans les mois à venir.
En même temps, dans les Balkans, la situation n'est nullement réglée. Au contraire. La présence des grandes puissances sur le terrain ne fait qu'attiser le déchaînement des haines entre communautés ethniques, chacune soutenue plus ou moins ouvertement par l'un ou l'autre de ces vautours impérialistes (voir article de première page). Et surtout, la situation menace de dégénérer au coeur même de ce qui reste de la fédération yougoslave. Deux enjeux de taille émergent aujourd'hui. Comment va s'orienter le Monténégro qui manifeste de plus en plus de velléités d'autonomie par rapport au pouvoir de Belgrade ? S'il se séparait de la Serbie, celle-ci perdrait tout accès à la mer et une course de vitesse est déjà engagée avec pour enjeu : vers quelle grande puissance le Monténégro se tournerait pour "assurer sa protection" ? Si ce contrôle était assuré par l'Allemagne, celle-ci s'ouvrirait une voie royale pour réaliser son rêve d'accès aux mers chaudes, via la Slovénie, la Croatie et le Monténégro. Quant à l'avenir de la Serbie elle-même, noyau de la RFY, il est tout aussi incertain. Si celui de Milosevic, discrédité et contesté de toutes parts est des plus précaire, qui peut lui succéder ? Les manifestations récentes ont mis en lumière l'ampleur des divisions entre les opposants. Derrière la vieille rivalité entre les prétendants les plus ambitieux, Vuk Draskovic (soutenu par la France) et Zoran Djadjik, se pose la question : sous quelle influence impérialiste va tomber la Serbie ? A ces deux niveaux, se joue une partie d'une importance cruciale qui va déterminer une évolution profonde du rapport de forces entre les grandes puissances dans les Balkans tout en risquant d'impliquer et d'entraîner dans une spirale meurtrière un plus grand nombre de puissances régionales, des Etats riverains du Danube comme la Hongrie et la Bulgarie jusqu'à la Turquie ou la Grèce. C'est un nouveau risque majeur de dégénérer vers davantage de chaos et de tensions guerrières qui est contenu dans une telle situation.
De plus, l'enfoncement toujours plus vertigineux de la Russie dans les miasmes de la décomposition et les "scandales" quasi-quotidiens au sein d'un pouvoir mafieux discrédité provoquent une fuite en avant de l'État russe dans de nouvelles aventures guerrières au Daghestan, qui s'annoncent, quatre ans après, pires que le bourbier précédent en Tchétchénie. Ce qui constitue plus que jamais une menace d'extension du chaos comme une traînée de poudre à travers tout le Caucase et même au- delà, avec les rébellions de fractions islamistes qui viennent ébranler les fragiles républiques d'Asie centrale, risquant de remettre à feu et à sang l'ex-URSS, y compris avec les dangers liés à l'arsenal nucléaire disséminé dans tous ces territoires.
Non seulement les grandes puissances entretiennent les foyers d'incendie qu'elles ont elles-mêmes allumés au gré de leurs propres intérêts, comme l'atteste le pilonnage méthodique, intensif et sans relâche depuis des mois par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sur l'Irak, mais elles n'hésitent pas à ranimer d'autres brasiers qui semblaient en voie d'extinction. C'est le cas en Afghanistan, où se développe une nouvelle offensive menée par les rebelles pachtouns du commandant Massoud, appuyée par la France contre le gouvernement des talibans, toujours soutenu par les Etats-Unis.
Même quand une grande puissance parvient à imposer une stabilisation relative de la situation dans une région du monde pour préserver son pré carré, ces tentatives se heurtent à un écheveau d'intérêts particuliers contradictoires, en général utilisées par leurs principaux concurrents impérialistes. Ainsi, alors qu'au Moyen-Orient, les États-Unis ont réussi à remplacer à la tête de l'État d'Israël Netanyahou par le plus docile Barak dans la perspective de faire enfin appliquer les accords de Wye Plantation et le retrait israélien du Sud-Liban, ce dernier, tout autant que son prédécesseur, se voit contraint de composer, au sein de la coalition qu'il a formée, avec des fractions violemment hostiles à cet accord. Et, pendant ce temps, les affrontements meurtriers continuent dans les territoires occupés. De même, alors que la France a signifié sa volonté de resserrer son contrôle sur le nouveau régime du président algérien Bouteflika qui a multiplié les déclarations "d'ouverture" à la "réconciliation nationale", les attentats sanglants s'intensifient de plus belle à travers tout le pays. Malgré le dernier sommet africain de l'OUA à Lomé et la tournée africaine de Chirac en juillet dans quatre pays pour soutenir des pouvoirs vacillants, ce continent s'enfonce d'un bout à l'autre dans un état de barbarie et de chaos endémiques. Il en va ainsi de l'Afrique occidentale (rébellion au Sierra Leone entretenue par le Sénégal) à la région des Grands Lacs avec la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) qui est à nouveau le théâtre de tueries entre fractions directement manipulées par les puissances rivales voisines (Ouganda et Rwanda), contaminant au passage d'autres États comme le Centrafrique. Ce sont aussi les massacres de l'interminable guerre entre Éthiopie et Érythrée, la guérilla permanente entretenue au Soudan ou l'enlisement dans la guerre civile en Angola.
Toute stabilisation, y compris sur le sol européen, comme en témoigne le fait qu'un an après, le mythe de la paix en Irlande du Nord vole en éclats dans des affrontements meurtriers, ne peut être que très précaire, tandis qu'en contrepartie, les affrontements impérialistes repartent de plus belle, dans un autre coin. Cela ne signifie pas que les grandes puissances impérialistes aient perdu tous leurs moyens de contrôle sur les autres mais qu'elles sont devenues incapables de faire face aux dérapages sur tous les fronts, de parer à tous les dangers et qu'elles sont contraintes de choisir leurs objectifs principaux. Par contre, le fait que des parties de plus en plus larges du globe sont en proie à la folie et à la barbarie guerrières est de plus en plus révélateur de l'impasse historique du capitalisme.
CB (24 août)
Depuis l'automne dernier, un énorme battage, organisé conjointement par le gouvernement et les syndicats, relayé par tous les médias, vante "la nécessité d’une deuxième loi sur les 35 heures venant affiner le cadre d'orientation trop général de la première" et promet même de corriger ses "insuffisances" ou ses "imperfections" dont "certains patrons ont pu profiter pour détourner la loi et pour faire signer de mauvais accords".
Et en juillet dernier, le gouvernement "dévoilait" les grandes lignes de son fameux projet pour la deuxième loi.
Aujourd'hui, cette seconde loi se retrouve à son tour sous le feu nourri de critiques "de gauche". C'est tout d'abord la "gauche de la gauche"- et en particulier la LCR- qui, dans son rôle de contestataire de service, ne trouve rien de mieux, pour protester contre cette deuxième loi gouvernementale, prétendant que reculer la mise en place des 35 heures, c'est "faire de nouvelles concessions au patronat". Elle s'empresse de mettre en avant comme revendication "ouvrière" : "Imposons les 35 heures tout de suite" (titre à la "une" de Rouge du 1er juillet). Les Verts, le PC et les syndicats lui ont emboîté le pas pour faire gober l'idée que le recul de la date "butoir"- fixée initialement au 1er janvier 2000- d'un an pour les entreprises de plus de 20 salariés, de deux ans pour les autres, traduit "un recul du gouvernement face au patronat".
Tout cela n'est que de la poudre aux yeux et une vaste entreprise de mystification. Cette seconde loi permet avant tout de relancer le très gros mensonge servi depuis près de deux ans visant à présenter la loi sur les 35 heures comme une grande mesure sociale au service de la classe ouvrière. Car, en fait, lorsque les trotskistes, les Verts, le PC comme les organisations syndicales poussent encore les ouvriers à "se mobiliser pour les 35 heures", en critiquant le gouvernement pour sa lenteur à les mettre en place, cela vient cautionner la fable et permet de renforcer l'illusion que le gouvernement lui-même essaie d'entretenir au maximum chez les ouvriers : les persuader que la loi Aubry serait une mesure "sociale" et qu'elle va contre les intérêts des patrons. Bref, il s'agit de continuer à faire croire, tout comme lors de la première loi, que notre bon et brave gouvernement de gauche si totalement dévoué à ses "préoccupations sociales" se serait laissé abuser en vrai Guignol "à l'insu de son plein gré" par de "méchants patrons". Dans ses tentatives pour continuer à mystifier les prolétaires avec cette deuxième loi, le gouvernement ne saurait trouver meilleurs alliés.
La réalité est toute autre. Pour la plupart des accords passés et qui ont déjà directement concerné plus d'un million et demi de salariés, la mise en place des 35 heures s'est en fait traduite par de violentes attaques portées à la classe ouvrière dans tous les domaines.
La prétendue "réduction du temps de travail" a partout permis l'introduction de la flexibilité, assortie d'une annualisation du temps de travail. Les implications directes ont été une dégradation générale des conditions de travail et une intensification de l'exploitation. Cela s'est concrétisé par une généralisation du travail 6 jours sur 7, c'est-à-dire contraindre à travailler le samedi ou le dimanche, en particulier dans la métallurgie, le secteur agro-alimentaire, les grands magasins, dans les banques ou les assurances. Cela a signifié également la suppression des pauses traditionnelles, le raccourcissement des temps de repas et l'augmentation de la productivité dans les usines, les horaires d'embauche uniquement fixés au gré des "besoins de l'entreprise", etc.
Quant au principal "argument social" des 35 heures : la lutte contre le chômage et la création d'emplois dans les entreprises, il est parfaitement "bidon". Largement développé par voie d'affiches publicitaires : "grâce aux 35 heures, on a des emplois et du temps libre, et chez vous ?", il se réduit à une vulgaire escroquerie. Si, aujourd'hui, le gouvernement se targue d'avoir "créé ou préservé plus de 100 000 emplois en un an" dans le cadre de la nouvelle loi, il suffit pour alimenter le chiffre de cet amalgame indistinct entre emplois "créés" ou "préservés" d'exercer un chantage aux licenciements contre les ouvriers pour leur faire accepter tel ou tel accord de flexibilité, en rajoutant ça et là quelques CDD, postes d'intérimaire ou autres emplois précaires. Quant à la pseudo-disposition de davantage de "temps libre" pour la "vie familiale" ou les "loisirs”, au vu de l’aggravation terrible des conditions d'exploitation déjà évoquées, c'est vraiment prendre les ouvriers pour des imbéciles.
Cependant, la principale attaque contenue dans la deuxième loi sur les 35 heures, c'est qu'elle permet d'étendre le blocage des salaires à toute la classe ouvrière. En effet, pour les uns, les accords déjà signés servent directement de justification à un blocage, quand ce n'est pas, dans plusieurs cas (comme dans certaines unités d'EDF-GDF ou encore dans nombre de PME), à une baisse- des salaires. Pour les autres, c'est la perspective du "passage aux 35 heures" qui sert à justifier la décision immédiatement applicable du gel des salaires. Au bout du compte, accord ou pas, ce sont bien tous les prolétaires qui voient leurs salaires bloqués au nom des 35 heures.
Mais le gouvernement parvient ici à masquer cette attaque avec un raffinement maximum : la majoration des heures supplémentaires comprises entre 35 et 39 heures, prévue dans le cadre de la deuxième loi, au lieu de revenir au salarié qui les effectue serait taxée par l'État et reversée à un "fonds de pension", conformément aux déclarations de Martine Aubry : "Pour l'an 2000, la majoration de 10% pourrait être versée à un fonds, dont nous débattrons la destination avec les partenaires sociaux". C'est-à-dire que le salarié en fera les frais : les heures supplémentaires ne lui seront payées que comme des heures "normales", la "majoration" au lieu de lui revenir de droit comme dans le passé, ira dans la poche de l'État. Et finalement, ce qui paraît se solder, de prime abord, comme une sorte "d'opération blanche" est bel et bien payé par les prolétaires dans le cadre d'un blocage généralisé de leurs salaires.
Même si la deuxième loi prend l'apparence de "retarder" la mise en place des 35 heures, il n’en est rien.
La meilleure preuve, c'est que, contrairement à ce que racontent les tenants de la "gauche de la gauche", le gouvernement ne lève nullement le pied de l'accélérateur. Tout au contraire. 11 fait tout pour que se multiplient des signatures d'accords aussi pourris que les précédents et pousse surtout à ce que de tels accords pourris se développent dans les principaux services publics (Air France, EGF-GDF, SNCF, RATP, La Poste, France Télécom, etc.). Malgré ses dénégations, le gouvernement est le principal instigateur de cette attaque.
Pourquoi la bourgeoisie déploie-t-elle tous ces efforts pour déguiser ainsi la réalité ? Parce que les 35 heures sont une attaque qui touche massivement et frontalement toute la classe ouvrière, dans tous les secteurs et de la même façon. Cependant, l'ensemble de la bourgeoisie fait en sorte qu'elle n'apparaisse pas ainsi, mais comme autant d'attaques particulières touchant les salariés paquet par paquet, liées à tel ou tel site, telle ou telle entreprise, tel ou tel secteur ou tel ou tel patron. Cela correspond à une gigantesque manœuvre politique pleinement voulue, calculée, programmée par le gouvernement de gauche et appliquée avec la complicité générale du patronat et des syndicats. Le but recherché par cette vaste mise en scène est précisément d'empêcher la classe ouvrière de prendre conscience qu'il s'agit partout de la même attaque afin de diviser, de saucissonner la riposte des prolétaires et de les isoler chacun dans leur coin et dans le cadre de leur entreprise le plus longtemps possible.
CB (6 août)
Sur les quinze pays de l’union Européenne, il n’y en a que deux qui ne sont pas gouvernés par la gauche ou dans lesquels la gauche n'est pas représentée au gouvernement : l'Irlande et l'Espagne. Ceux-ci ne sont pas à proprement parler des pays de premier plan parmi les pays industrialisés significatifs des choix politiques de la bourgeoisie. Par ailleurs, la première puissance mondiale, les États-Unis, est elle aussi gouvernée par la gauche. On peut donc parler d’une réelle tendance actuelle d’accession de la social-démocratie au gouvernement. Celle-ci est le résultat d'une stratégie délibérée à l'échelle internationale car, comme nous allons le voir[1], il existe un faisceau de facteurs conduisant à la nécessité pour la bourgeoisie de jouer cette carte, tous ces facteurs ayant un lien direct ou indirect avec la question de la lutte de classe.
La bourgeoisie ne réagit pas au coup par coup aux contradictions qui assaillent son système, au premier plan desquelles se trouve la lutte de classe, mais au contraire anticipe leur surgissement en déployant les stratégies les plus à même d’y faire face. Au sein de celles-ci, les partis de gauche ont souvent une importance de premier ordre du fait que, depuis qu'ils ont trahi le camp du prolétariat pour celui de la bourgeoisie, ils ont une fonction fondamentale au sein de l'appareil politique bourgeois, celui de l'encadrement de la classe ouvrière.
Mais le rôle attribué à ces partis traîtres au prolétariat par les plans de la bourgeoisie dépend des circonstances. "Sa fonction anti-ouvrière, la gauche ne l'accomplit pas uniquement et même pas généralement au pouvoir. La plupart du temps, elle l'accomplit plutôt dans l'opposition parce qu'il est généralement plus facile de l'accomplir en étant dans l'opposition qu’au pouvoir. En règle générale, la participation de la gauche au pouvoir n 'est absolument nécessaire que dans deux situations précises : 1) dans l'union sacrée en vue de la guerre pour entraîner les ouvriers à la défense nationale ; 2) dans une situation révolutionnaire pour contrecarrer la marche de la révolution.
En dehors de ces deux situations extrêmes, dans lesquelles la gauche ne peut pas ne pas s'exposer ouvertement comme défenseur inconditionnel du régime bourgeois en affrontant ouvertement et violemment la classe ouvrière, la gauche doit toujours veiller à ne pas trop dévoiler sa véritable identité et sa fonction capitaliste et à maintenir la mystification que sa politique vise la défense des intérêts delà classe ouvrière (...) Ainsi, même si la gauche comme tout autre parti bourgeois aspire "légitimement" à accéder au pouvoir étatique, on doit cependant noter une différence qui distingue ces partis des autres partis de la bourgeoisie pour ce qui concerne leur présence au pouvoir. C 'est que ces partis de la gauche prétendent être des partis "ouvriers" et comme tels ils sont obligés de se présenter devant les ouvriers avec un masque, une phraséologie "anticapitaliste" de loups vêtus de peau de mouton. Leur séjour au pouvoir les met dans une situation ambivalente plus difficile que pour tout autre parti franchement bourgeois. Un parti ouvertement bourgeois exécute au pouvoir ce qu'il disait être, la défense du capital, et ne se trouve nullement discrédité en faisant une politique anti-ouvrière. Il est exactement le même dans l’opposition que dans le gouvernement. C'est tout le contraire en ce qui concerne les partis dits "ouvriers". Ils doivent avoir une phraséologie ouvrière et une pratique capitaliste, un langage dans l’opposition et une pratique absolument opposée dans le gouvernement.[2]"
La stratégie actuelle de la bourgeoisie fait suite à celles de la gauche au pouvoir dans les années 70 et de la gauche dans l'opposition dans les années 80.
Dans les années 70, l'arrivée de la gauche au pouvoir, dont la manifestation la plus typique est celle du gouvernement travailliste en Grande-Bretagne en 1974, se fait à chaud face à des mouvements de lutte sociale très importants exprimant une combativité massive. Le programme de la gauche se présentait comme une véritable "alternative au capitalisme" (Mitterrand à l'époque parlait de "rupture avec le capitalisme"). Le langage politique électoral de la gauche était destiné à canaliser, focaliser, la colère et la combativité ouvrières autour de la perspective de la gauche au gouvernement. Soit la perspective ne se réalisait pas et on disait à chaque élection aux ouvriers "votez pour la gauche, cela va changer". Soit elle se réalisait et on disait "on ne peut pas tout faire tout de suite, il faut attendre, etc. parce que de toutes façons, il faut réparer les dégâts faits par la droite, mais faites-nous confiance ... et pour le moment, évidemment, ne faites pas grève, sinon vous saboteriez l'alternative de gauche".
Cependant, face à des surgissements massifs de la lutte de classe, un changement de stratégie consistant à placer la gauche dans l’opposition s’était imposée à la bourgeoisie, à la fin des années 70. La gauche au gouvernement ou sa perspective n’étant plus alors en mesure de les empêcher, il fallait les affaiblir au moyen d’un partage du travail entre la droite au gouvernement, assumant les attaques contre la classe ouvrière et la gauche dans l'opposition, avec un langage radical de dénonciation du gouvernement pour être à même de saboter de l'intérieur la réponse ouvrière.
L’effondrement du bloc de l’Est et le recul profond que son utilisation idéologique par la bourgeoisie entraînèrent dans le prolétariat vinrent radicalement modifier les données du rapport de force entre les classes. La faiblesse de la lutte de classe est alors telle qu'elle "n 'impose plus à la bourgeoisie, pour un certain temps, l’utilisation prioritaire de la stratégie de gauche dans l'opposition[3]". Cependant, pour aussi profond qu'ai été ce recul de la lutte de classe, le cours historique vers des affrontements de classe décisifs n'a pas été inversé en faveur d'une perspective de marche à la guerre.
L’arrivée des partis de gauche au gouvernement, dans les années 90, est donc permise par la nouvelle donne du rapport de force entre les classes. Mais la stratégie actuelle de gauche au gouvernement n'est pas la répétition de celle des années 70. Lorsqu'aujourd'hui les partis de gauche se présentent aux élections ou bien arrivent au gouvernement, ils ont un langage extrêmement modéré. Aujourd'hui il n'y a pas une situation d'urgence, il n'y a pas de luttes massives comme il y a 25 ans. En ce sens, la venue des partis de gauche au gouvernement n'apparaît pas comme un moyen de défouler la combativité ouvrière, de la canaliser.
Néanmoins elle s'adresse encore essentiellement à la classe ouvrière. En effet, elle correspond à une stratégie, valant à l’échelle internationale dans les pays les plus industrialisés[4], qui vise à retarder les surgissements des luttes massives de la classe ouvrière.
De plus en plus et en particulier face à l'intensification des attaques capitalistes, la classe ouvrière est de nouveau en train de lutter, même si c'est encore de façon très dispersée. La bourgeoisie est parfaitement consciente que des luttes massives permettront à la classe ouvrière, en reprenant confiance en elle, de surmonter le poids du recul de sa conscience consécutif à l'effondrement du bloc de l'Est et de retrouver le chemin vers une perspective révolutionnaire. Même si elle ne peut se dispenser de porter des attaques de plus en plus violentes contre la classe ouvrière à cause de l'aggravation de la crise économique (et de la guerre à faire payer), la façon dont ces attaques sont portées, l’enrobage idéologique qui les accompagne, influent sur la manière dont la classe ouvrière y réagit. Et justement, la gauche a cette capacité de les faire passer "en douceur", en les présentant de surcroît comme des avantages pour les ouvriers, comme c'est le cas en particulier avec les trente-cinq heures en France. La manière dont l’attaque a été amenée dans un contexte de combativité réelle (comme en témoignent un ensemble de luttes et mouvements de ras-le-bol dispersés) mais relativement faible par rapport à la situation des années 70, a permis d'éviter un embrasement des luttes. Cela ne résout pas dans le fond le problème de la lutte de classe, mais permet à la bourgeoisie de gagner du temps.
Sur le plan de la gestion de la crise économique il existe également des éléments qui vont en faveur d’une venue de la gauche au gouvernement dans la plupart des pays. C’est notamment l’échec aujourd’hui patent des politiques ultra-libérales dont Reagan et Thatcher étaient les représentants les plus notables. Évidemment, la bourgeoisie ne peut faire autre chose que de poursuivre les attaques économiques contre la classe ouvrière. De même elle ne reviendra pas sur les privatisations qui lui ont permis à la fois de soulager les déficits du budget de l’État, de mieux rentabiliser un certain nombre d’activités économiques et d’éviter la polarisation immédiate des conflits sociaux, dès lors que le patron est l’État lui-même.
Cela dit, la faillite des politiques ultra-libérales (qui s’est exprimée notamment avec la crise asiatique) apporte de l’eau aux tenants d’une politique de plus grande intervention de l’État. Cela est valable au niveau des discours idéologiques : il faut que la bourgeoisie fasse semblant de présenter l’aggravation de la crise comme le résultat de ses erreurs, afin que celle-ci ne favorise la prise de conscience du prolétariat. Mais c’est également valable au niveau des politiques réelles : la bourgeoisie prend conscience des "excès" de la politique "ultra-libérale". Dans la mesure où la droite était fortement marquée par cette politique de "moins d’État", la gauche est, pour le moment, la plus indiquée pour mettre en œuvre un tel changement. La gauche ne peut pas rétablir "l’État providence" mais elle fait semblant de ne pas trahir complètement son programme en rétablissant une plus grande intervention de l’État dans l’économie.
Dans certains pays, en Grande-Bretagne par exemple où les conservateurs sont divisés (entre les pro-américains et les partisans de la rupture de l’alliance historique avec Washington), la gauche est plus homogène pour assurer la défense des intérêts impérialistes nationaux. Mais, dans tous les pays, il se trouve que la gauche est mieux à même que la droite d'assumer les politiques impérialistes dans les conditions actuelles. Une telle supériorité de la gauche résulte à la fois de la nécessité pour chaque bourgeoisie des pays centraux d’une participation croissante aux conflits militaires qui ravagent le monde et de la nature même de ces conflits. En effet, ces derniers se présentent souvent comme d’horribles massacres de populations civiles face auxquels la "communauté internationale" se doit de faire valoir "le droit" et de mettre en place des missions "humanitaires". Depuis 1990, la presque totalité des interventions militaires des grandes puissances s’est habillée de ce costume et non de celui de la défense des "intérêts nationaux". La guerre dans les Balkans vient de donner lieu à un battage inégalé sur cette question des droits de l'homme, des réfugiés, de la barbarie, de la purification ethnique, etc. Et pour conduire les guerres "humanitaires", il est clair que la gauche est mieux placée que la droite (même si cette dernière peut aussi faire l’affaire), un de ses fonds de commerce étant justement la "défense des droits de l’homme" comme thème de mystification idéologique du prolétariat. La guerre en Serbie vient de nouveau d'en constituer l'illustration. C'est par les gouvernements de gauche que la campagne belliciste a été prise en charge. Et au sein de celle-ci, les "verts" se sont particulièrement illustrés soit à la tête de la diplomatie de guerre allemande soit en étant, en France, les partisans les plus irréductibles d’une intervention terrestre au nom de "l’urgence humanitaire", bien sûr !
Ici aussi apparaît le lien avec la lutte de classe. Si le thème des droits de l'homme est destiné à faire accepter la guerre à l'ensemble de la population, il vise plus particulièrement à entraver la prise de conscience du prolétariat de la nature réelle des conflits impérialistes.
Néanmoins, cela ne peut aller au-delà et son objectif n'est pas, contrairement à la période noire des années trente, d'embrigader un prolétariat vaincu et résigné à l'échelle internationale dans la guerre impérialiste. Comme l'ont démontré diverses manifestations de la lutte de classe dans les grands pays industrialisés pendant le conflit dans les Balkans, le prolétariat du cœur du capitalisme n'est pas disposé à se sacrifier pour l'effort de guerre et encore moins pour la guerre elle-même.
Au cours des années 90, on a donc vu dans beaucoup de pays les gouvernements de droite laisser la place à des gouvernements de gauche. Une telle alternance est elle-même un moyen de mystification de la classe ouvrière. En effet, elle permet la crédibilisation du mythe de l'État démocratique et du jeu démocratique alors que depuis des années, la droite était au gouvernement dans des pays centraux comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne et même les Etats-Unis. Il faut que, de temps en temps, les élections conduisent à un changement de majorité et de gouvernement pour que la mascarade reste crédible.
Le fait que la stratégie de gauche au gouvernement sur les trois plans (crise, guerre, lutte de classe) ait pour motivation fondamentale la question de la classe ouvrière est l’expression que le problème de son contrôle constitue une préoccupation centrale de la bourgeoisie dans la période actuelle[5]. C’est la claire illustration que le cours historique vers des affrontements de classe ouvert en 68 n'a pas été inversé et cela malgré le profond recul de la lutte de classe imprimé par l’effondrement du bloc de l’Est. En ce sens, si aujourd'hui la bourgeoisie a tout avantage à placer la gauche au gouvernement, il se produira de nouveau une situation où le niveau de la lutte de classe, et notamment le resurgissement de luttes massives, lui imposera de recourir de nouveau à une politique de gauche dans l’opposition.
Ainsi, contrairement au discours de la gauche de la gauche (LO, LCR, etc.) qui présente la social-démocratie et les PC comme se situant à mi-chemin entre la défense des intérêts de la classe ouvrière et ceux du capital, toute l'expérience historique montre que ces deux partis, depuis qu'ils ont trahi le camp du prolétariat, constituent au contraire l'avant-garde de la bourgeoisie contre la lutte des classes. L'utilisation que la classe dominante fait de ces partis, au sein de son dispositif politique, ne correspond pas au hasard des situations mais bien à des stratégies parfaitement élaborées en fonction de situations déterminées en premier lieu par le niveau de la lutte de classe.
[1] L'article que nous publions ci-dessous est une adaptation d'un texte d'orientation de notre organisation publié dans la Revue Internationale n° 98 sous le titre Pourquoi la présence des partis de gauche dans la majorité des gouvernement européens actuels. Nous conseillons à nos lecteurs de s'y reporter pour bénéficier d'une analyse plus détaillée.
[2] Extrait de l’article Dans l’opposition comme au gouvernement, la "gauche” contre la classe ouvrière de la Revue Internationale n“ 18.
[3] Revue Internationale n° 61
[4] A ces tendances générales, il y eut bien sur des exceptions résultant de conditions particulières. Parmi celles-ci nous avons déjà largement analysé dans nos colonnes le cas de la France où, à cause des querelles de la droite - significatives de ses profondes faiblesses politiques- la gauche est arrivée au pouvoir suite à "l'accident" de 1981, complètement à contre-courant des besoins de la bourgeoisie face à la lutte de classe. De même, aujourd'hui, si la présence de la gauche au pouvoir en France est mise à profit par la bourgeoisie dans le même sens que dans les autres pays, la manière dont s'est passée la "sortie" de la droite, suite aux élections anticipées de 1997, n'est pas l'expression d'une volonté délibérée de la bourgeoisie mais d'une ratée de la droite française, laquelle a encore aggravé ses divisions et son désarroi.
[5] Il existe aussi d'autres facteurs ne relevant pas de la lutte de classe dont la bourgeoisie tire profit en plaçant la gauche au gouvernement. Moins liés que la droite aux intérêts à court terme de tel ou tel secteur capitaliste, les partis de gauche ont en général une plus claire conscience de leurs responsabilités dans la défense des intérêts généraux du capital et, de ce fait, sont moins affectés que les partis de droite par le phénomène de la décomposition caractérisant la période actuelle et s'exprimant notamment, à des niveaux inégalés,-par la corruption, les scandales, la tendance à l’éclatement, etc.
En novembre 1998, Cajo Brendel, le dernier représentant encore vivant de la Gauche germano-hollandaise, a tenu une série de réunions de discussions publiques en Allemagne. A Berlin, il a organisé trois soirées de discussions : sur la position des communistes de conseils sur la révolution russe et le bolchévisme, sur les luttes en Espagne dans les années 30 ainsi que sur les perspectives du siècle prochain. Mais il est également intervenu à Dresde et à Cologne. 50 à 100 personnes ont participé à ces réunions - un nombre très important quand on pense au mal que se donne la classe dominante depuis toujours pour taire la simple existence du communisme de gauche. Le CCI a lui aussi participé aux deux premières réunions à Berlin ainsi qu'à une autre tenue à Cologne. L'intervention de Cajo Brendel a permis qu'un nombre important d'éléments politisés découvre ou connaisse mieux les positions de la Gauche communiste.
À travers ses exposés et ses contributions aux discussions, Cajo Brendel a prouvé à notre avis que les prises de position "classiques" de la Gauche germano-hollandaise n'ont pas perdu de leur actualité, même si, comme Cajo l'a affirmé après Marx, "notre théorie n 'est pas un dogme mais un fil directeur pour l'action". Tout comme l'avait fait depuis longtemps ce que l’on a appelé "l’école hollandaise du marxisme " animée entre autres par Anton Pannekoek et Hermann Gorter, le camarade Brendel a dénoncé le caractère bourgeois du parlementarisme, des syndicats, de la social-démocratie mais aussi le caractère capitaliste d'État de l'ex- bloc de l'Est. Et, tandis que les courants capitalistes d'État comme le stalinisme ou le trotskisme saluent le nouveau gouvernement allemand "Rouge-Vert" comme un progrès pour la classe ouvrière, Brendel a démontré la nature profondément anti-ouvrière de ce gouvernement.
À l'égard du "volontarisme" redevenu à la mode aujourd'hui, Brendel a expliqué que vouloir la révolution ne suffit pas pour pouvoir faire effectivement la révolution. La révolution présuppose la crise économique et sociale objective du système (...)
Les positions de Cajo Brendel ont entraîné des discussions controversées. Cela est d'ailleurs dans son esprit. La question de l'intégration des grands événements du 20e siècle dans une compréhension globale de la période historique, du rapport de forces entre les classes a été soulevée. Pour Brendel, une révolution prolétarienne victorieuse en Espagne à l'époque n'était pas possible avant tout du fait qu'il n'y avait pas encore de capitalisme moderne en Espagne. Pour une présentation détaillée de la position de Brendel sur l'Espagne, se reporter à sa brochure (écrite en commun avec Henri Simon) De l'anti-franquisme à l'après franquisme : illusions politiques et lutte de classes (Éditions Spartacus).
Pour Cajo Brendel, il existe certains parallèles entre l'Espagne des années 30 et la Russie de 1917 : il s'agit dans les deux cas de révolutions bourgeoises.
Un participant fit remarquer que l'Espagne des années 30 était encore un pays essentiellement agraire mais que l'agriculture tout comme l'industrie fonctionnaient sur des bases capitalistes. La principale critique à la conception de Brendel, pour qui c'était encore la révolution bourgeoise qui était à l'ordre du jour à l'époque en Espagne, a été adressée par les anciens camarades du groupe "La révolution sociale n'est pas une affaire de parti” (fondé en Allemagne après 1968, ce groupe fut en son temps la première organisation communiste de Gauche, même si elle eut une existence éphémère). Ces camarades déclarèrent que Cajo Brendel considérait les événements trop pris en eux-mêmes, isolément du cadre international et historique. La question de pourquoi les luttes ouvrières en Espagne n'avaient pas fait surgir de conseils ouvriers et devaient finir dans la défaite ne pouvait être expliquée que par la situation internationale. Les conseils ouvriers en Russie, en Allemagne et en Europe centrale à la fin de la Première Guerre mondiale, argumentèrent les camarades, ont prouvé que la révolution mondiale était à l'ordre du jour, non pas localement mais au niveau mondial.
Les camarades de Berlin ont soumis la position de Brendel à une seconde critique importante : le fait que les luttes révolutionnaires se soient terminées sur une défaite ne constitue pas en soi la preuve que la révolution prolétarienne n'est pas à l'ordre du jour de l'histoire. Il ne peut pas y avoir de révolution prolétarienne sans que les conditions objectives soient mûres pour qu'elle se produise. Mais les conditions objectives à elles seules ne suffisent pas pour que la révolution puisse vaincre. En sous-estimant la question du développement révolutionnaire de la conscience de classe au sein de la classe ouvrière -conscience qui en 1917-18 montre une tendance à l'ascendance pour plus tard clairement refluer (raison pour laquelle les ouvriers espagnols peuvent relativement facilement être mobilisés pour la défense de la démocratie bourgeoise)- Cajo Brendel se trouve, à notre avis, victime d'une conception déterministe.
Lors de cette réunion publique, le CCI s'est déclaré en accord avec les anciens camarades de "Révolution Sociale". En effet, la branche communiste de conseils de la Gauche communiste, telle qu'elle est défendue par Cajo Brendel, déjà sur la question de la révolution russe retombe dans la vieille conception de Kautsky et des mencheviks selon laquelle, en raison de l'état d'arriération de la Russie en 1917, c'était exclusivement la révolution bourgeoise qui se trouvait à l'ordre du jour. Mais, à cette époque, tous les révolutionnaires, aussi bien Lénine, Luxembourg, Bordiga que Pannekoek, savaient qu'une seule révolution était possible, la révolution prolétarienne mondiale.
Lors de la réunion publique "Communisme de conseils contre bolchevisme" tenue à Berlin, un participant a critiqué à juste raison la théorie de "l'effondrement du capitalisme" qui, dans les années 20, a poussé une partie de la Gauche germano-hollandaise à attendre une défaillance ou une paralysie objective et soudaine de l'activité économique capitaliste d'une telle ampleur que le prolétariat se trouverait quasi- contraint d'accomplir la révolution.
Cette conception sous-estimait également le facteur objectif de la conscience de classe.
L'intervention du CCI lors de la réunion publique dédiée à l'Espagne s'est concentrée sur la défense de l'attitude des communistes de gauche italiens et hollandais face aux événements de l'époque. Aussi bien la Fraction italienne à l'étranger avec la revue Bilan que le Gruppe Internationaler Kommunisten (GIK, Groupe des communistes internationaux) aux Pays-Bas expliquaient que les fascistes de Franco et le Front populaire de la gauche bourgeoise étaient pareillement des ennemis du prolétariat, qu'à cette occasion la contribution des staliniens et des anarchistes de la CNT à la défaite de la classe ouvrière avait été fondamentale. Bilan et le GIK s'accordaient sur le fait que ce n'était plus la révolution bourgeoise qui se trouvait à l'ordre du jour mais bien la contre-révolution bourgeoise. Mais même le groupe de l'époque de Cajo Brendel, qui publiait la revue Proletarier à La Haye, refusa strictement de soutenir le front populaire antifasciste. Ainsi étaient jetés les fondements politiques de la défense de l'internationalisme prolétarien - dans la continuité de Lénine, Liebknecht et Luxembourg - par la Gauche communiste dans la Seconde Guerre mondiale. Nous avons demandé à Cajo Brendel de prendre position sur notre présentation de l'attitude des communistes de gauche. Il répondit, sans entrer dans les détails, en affirmant que le point de départ de ces courants n'avait pas été le combat contre les deux fronts mais la question de comment pouvoir combattre le plus efficacement le fascisme. Dans une lettre où il prend position sur le premier projet de cet article relatant sa visite en Allemagne, Cajo Brendel précise son attitude concernant le rôle des anarchistes en Espagne : "Ce n'est pas la CNT qui a abandonné la classe ouvrière mais quelques ministres anarcho-syndicalistes. "
De ce fait l'attitude actuelle de Brendel représente à nos yeux un recul, non seulement par rapport au GIK mais également par rapport à sa propre position de l'époque. Pour nous, cette faiblesse politique est liée au rejet de la théorie de la décadence. Lorsqu'en 1919, l'internationale Communiste fut fondée, tous les marxistes partageaient la conception que le capitalisme était entré dans sa phase de déclin depuis 1914. Avec la victoire de la contre-révolution, et surtout après la Seconde Guerre mondiale, une partie des communistes de gauche - aussi bien les "bordiguistes” que les "communistes de conseils" - abandonnèrent la théorie de la décadence.
Lors de la réunion publique consacrée au conseillisme et au bolchevisme, Brendel fut confronté à une vive opposition avec son affirmation que plus les ouvriers deviennent conscients, plus ils s'éloignent de leurs intérêts matériels. De telles observations témoignent, de notre point de vue, de combien le communisme de conseils actuel s'est éloigné de l'attitude fondamentale de Pannekoek pour qui la conscience de classe et l'auto-organisation constituent les seules armes de la classe ouvrière.
Et, tandis que la Gauche germano-hollandaise de la première heure soutenait avec passion la nécessité de l'intervention organisée et centralisée des révolutionnaires, la conception contemporaine du communisme de conseils en revient à considérer que la conscience de classe n'apparaît et ne se développe qu'au niveau local et immédiat dans les luttes quotidiennes[1]. De ce fait, l'unification des révolutionnaires dans une organisation particulière, si elle n'est pas exclue, est cependant dédaignée.
De notre point de vue, le bilan de la tournée de réunions publiques de Brendel est positif. Elle a réussi à faire connaître l'existence et à propager les positions des Gauches communistes dans un public plus large. De plus, une image authentique de la discussion prolétarienne a été donnée dans ces réunions, aux antipodes de la politique stalinienne et trotskiste de la manœuvre et de sabotage des débats. Cajo Brendel, le CCI et d'anciens membres de "Révolution sociale", tout comme d'autres sympathisants du milieu politique prolétarien, ont été capables de défendre en commun les positions de la Gauche communiste. L'attitude de Cajo Brendel dans la discussion était ouverte, polémique, fraternelle et ainsi profitable à la clarification politique.
Les réunions publiques n'ont pas seulement été un lieu de clarification, mais également un lieu de combat politique. La classe dominante a attentivement suivi la tournée de Brendel en Allemagne et s'y était préparée. Les représentants de l'aile gauche du capital (les partis capitalistes d'Etat de gauche et les syndicats) sont apparus nombreux, mais la plupart du temps ne sont pas intervenus ouvertement sous leur drapeau bourgeois.
Au lieu de cela, ils ont tout fait pour empêcher les discussions sur la signification historique et les positions politiques de la Gauche communiste en détournant l'attention sur les erreurs du communisme de conseils d'aujourd'hui. Ce fait détermina l'ensemble de l'intervention de notre organisation. Il existe sans doute de nombreuses divergences entre le CCI et le groupe Daad en Gedachte dont nous avons publiquement débattu dans le passé et dont nous débattrons encore dans l'avenir. Cependant, il s'agit ici de tout autre chose : de la proclamation et de la défense en commun de notre héritage politique commun. Pour nous, Cajo Brendel est une partie du milieu politique prolétarien et ainsi un camarade du camp du communisme de gauche. Il s'agit de combattre en commun les tentatives d'étouffement par la bourgeoisie, ses attaques et ses calomnies. Il s'agissait aussi pour nous d'empêcher que la bourgeoisie ne s'empare de cette tradition pour la dénaturer et l'émasculer. Justement, la bourgeoisie allemande trouve intérêt à présenter la Gauche germano- hollandaise comme une curiosité radicale du passé, comme quelque chose d'académique ou à reléguer au musée, tentant de lui faire prendre place dans le cadre de la démocratie bourgeoise.
La classe dominante a dernièrement désigné la Gauche communiste comme son ennemi politique principal. Il y a seulement peu d'années de grands quotidiens européens comme Le Monde ou la Frankfurter Allgemeine Zeitung ont couvert de pleines pages de calomnies sur Amadeo Bordiga pour son attitude internationaliste dans la Seconde Guerre mondiale. En effet, maintenir bien haut l'internationalisme lors de la guerre civile espagnole et dans la Seconde Guerre mondiale, tandis que l'anarchisme et le trotskisme trahissaient la cause du prolétariat, forme la caractéristique primordiale et commune de notre tradition -qu'il s'agisse de la Gauche communiste "hollandaise", "italienne" ou encore "française".
Et effectivement, comme les événements en Irak et dans les Balkans le confirment, nous traversons la période de l'enfoncement accéléré du capitalisme dans le militarisme et la guerre. Comme toujours en de telles périodes, les "camarades sans patrie", les internationalistes prolétariens conséquents se montrent comme étant les ennemis les plus dangereux de la bourgeoisie. Nous en sommes fiers.
D'après Weltrevolution n°92 (organe du CCI en Allemagne)
[1] Nous avons soumis le projet de cet article au camarade Brendel pour qu'il puisse examiner l'exactitude de la restitution de SA position. Il s’agissait à cet égard pour nous surtout d'écarter tout malentendu pour que le débat ouvert ne se trouve pas dévié par des méprises. Pour ce qui concerne sa position vis-à-vis de la question de la conscience de classe lors de cette tournée de réunions publiques, le camarade Brendel nous écrit : "Que 'la question de la conscience de classe révolutionnaire au sein de la classe ouvrière a été omise' est vraiment ridicule. J'en ai discuté le premier soir avec l'une des jeunes femmes présentes. Je l'ai encore abordée un autre soir. Peut-être que les gens du CCI n'étaient justement pas présents. Mais. ..pour cause d'absence (de temps à autres !) on doit naturellement se garder de telles affirmations. "
Le tremblement de terre qui vient de tuer ou blesser des milliers de personnes en Turquie, parmi les plus pauvres et démunies, est la manifestation criante de la vulnérabilité croissante de la société face aux catastrophes dites naturelles et aussi de l'impuissance croissante des Etats à réagir face aux conséquences immédiates des sinistres.
Les promoteurs et l'État sont à juste titre l'objet de la vindicte populaire en Turquie à cause de leurs responsabilités écrasantes dans l'ampleur des ravages occasionnés dans la population par le séisme. En effet, les ruines des immeubles qui se sont effondrés comme des châteaux de cartes montrent à l'évidence que "les constructeurs, pour augmenter leurs bénéfices, utilisent des matériaux bon marché et rognent sur la qualité et la quantité de ciment nécessaire à la consolidation des bâtiments" (Le Monde du 19 août). De plus, c'est un fait reconnu de tous, l'absence ou la paralysie des pouvoirs publics pour porter secours aux victimes est venue alourdir un bilan déjà meurtrier.
Dans ces conditions, les médias turcs n'avaient d'autre solution que de se faire l'écho de la colère dans la population suscitée par ce qui était ressenti comme une nouvelle injustice sociale. Aller contre cette colère ou même l'ignorer n'auraient fait que l'alimenter. Quant à nos grandes démocraties, si elles se sont également fait les porte-paroles indignés de la protestation contre l'incurie des pouvoirs publics turcs, c'est pour mieux y opposer et exhiber l'efficacité et la prétendue générosité de l'aide internationale à laquelle elles auraient contribué sans compter. En réalité, le sinistre en Turquie et l'incurie des pouvoirs publics de ce pays ont constitué pour les différentes puissances une opportunité pour tenter d'y développer ou renforcer leur influence. C'est la raison pour laquelle, comme l'illustrent des témoignages de membres d'ONG ("organisations non gouvernementales"), on a assisté à une véritable ruée des secours internationaux dont les équipes ont joué des coudes pour s'imposer sur le terrain.
On a ainsi vu les Etats-Unis et l'Allemagne, concurrents directs pour le contrôle de la Turquie, se précipiter pour être les premiers à offrir leur soutien logistique au régime d'Ankara. Une fois encore, c'est le prétexte "humanitaire" qui sert cyniquement de masque à la bourgeoisie pour travestir ses visées impérialistes. Il n'y a pas si longtemps encore, dans ses commentaires sur les catastrophes naturelles et leurs conséquences, la bourgeoisie se limitait fondamentalement à invoquer l'incurie de boucs émissaires ou la fatalité. Elle se risque aujourd'hui à des explications faisant intervenir de façon centrale des problèmes de société. Ainsi, Kofi Annan déclarait le 5 juillet à Genève que "les catastrophes naturelles ne sont peut-être pas aussi naturelles que ça". Il devient effectivement difficile de dissimuler la vraie cause du problème quand, en cette fin de siècle, des moyens technologiques et scientifiques inégalés dans l'histoire de l'humanité seraient à même de lui épargner l'essentiel des conséquences de phénomènes tels que tremblements de terre, inondations, etc. qui n'ont pourtant jamais été aussi dévastateurs[1]. Ce qu'amène en fait cette "prise de conscience" subite de la bourgeoisie, ce n'est ni plus, ni moins que le mensonge selon lequel il serait possible d'améliorer la situation sur ce plan au sein du capitalisme : "Ce qu'il faut faire, nous le savons. Il reste maintenant à mobiliser la volonté politique" (Kofi Annan, ibid.). La seule politique à même d'en finir avec ces calamités, et toutes les autres dont le capitalisme en crise est à l'origine, les famines, la généralisation de la guerre et du chaos, l'empoisonnement de notre alimentation, la pollution de la planète, c'est justement, messieurs de la bourgeoisie, le renversement de ce système d'exploitation dont la seule finalité est le profit.
B (26 août)
[1] Dans notre presse, voir notamment les articles "Mensonges et vérités de l'écologie : c'est le capitalisme qui pollue la terre" (Revue Internationale n°63, 4e trim. 1990) et "Inondations en Chine : une catastrophe naturelle ?" (RI n° 282, sept. 1998).
Le cours catastrophique et destructeur de la crise économique devient difficile à masquer, compte tenu des attaques massives que subissent les prolétaires et de l’environnement international chaotique.
Aujourd’hui, certains prétendent avoir trouvé le moyen de «combattre la crise». Leur grand cheval de bataille à la mode est la «taxe Tobin». Que racontent ses partisans qui vont d’un vice-président de la Banque Mondiale, J. Stiglitz, jusqu’à des associations spécifiques comme Attac[1] ?
Ils prétendent d’abord fournir une explication «scientifique» à la crise du capitalisme. D’après eux, les difficultés au niveau réel de la production (surproduction, chômage, faillites, etc.) ne sont les produits que «d’excès spéculatifs», du libéralisme économique et de la «liberté de circulation des capitaux». Si «la mondialisation» et les «progrès de l’informatique et de la communication» jouent un rôle dans la crise, en dernière instance, les vrais responsables de cette dernière sont la spéculation financière et les «spéculateurs» avides de profits auxquels les règles (ou plutôt l’absence de règles) de l’économie mondialisée et l’ultralibéralisme laissent le champ libre.
La fièvre de la spéculation est présentée par eux comme la cause essentielle des déstabilisations financières et économiques. Elle devient alors la source de tous les maux et des inégalités.
Il y a déjà près de 150 ans que Marx, dès le début de son étude scientifique du capitalisme, a balayé ce genre d’arguments sur la spéculation financière : «A l'observation superficielle, ce n ‘est pas la surproduction, mais la sur-spéculation -pourtant simple symptôme de la surproduction- qui paraît être la cause de la crise[2].» Autrement dit, la cause réelle de la crise, c’est la surproduction et non la spéculation, même si celle-ci se présente comme cause immédiate de la crise, alors que, dans la réalité, elle n’en est qu’un simple symptôme et un de ses résultats. Si cette spéculation a aujourd’hui envahi la sphère économique avec une ampleur inégalée, elle n’en reste pas moins un phénomène classique qui a toujours accompagné les crises du capitalisme. Elle se présente toujours d’une façon trompeuse depuis l’époque de Marx.
C’est face à la surproduction chronique, inhérente au déclin historique du système et à l’aggravation de la crise à la fin des années 90, que la bourgeoisie a favorisé le développement sans précédent de la spéculation tant décriée. Face à des marchés sursaturés, un nombre croissant de capitaux incapables de fructifier dans le produit des ventes de marchandises sont tentés de fuir la sphère de la production de moins en moins rentable pour trouver refuge dans la spéculation, afin de pouvoir en retirer des profits immédiats. Cette dernière n’est ainsi, démontrant la justesse et l’actualité des analyses rigoureuses de Marx, qu’une des conséquences directes de la crise et non sa cause.
Voilà qui dégonfle la baudruche du triomphalisme et de la suffisance affichés par cette pseudo- «explication scientifique» qui se borne à rester au niveau de «l’observation superficielle» de l’apparence des choses et réduit à néant la portée de cette «formidable découverte» sur la spéculation tenue comme responsable de toutes les avanies et de toutes les plaies du capitalisme «moderne». Cela en dit long sur les compétences scientifiques et le sérieux de nos économistes éclairés et patentés !
Mais, forts de leur «géniale hypothèse», nos «savants» pourfendeurs de la «bulle spéculative» ne s’en tiennent pas là, ils prétendent aussi apporter LA solution toute trouvée à la crise du capitalisme. Pour cela, il suffit -comment n’y avoir pas pensé plus tôt !- de s’attaquer à la spéculation. C’est pourquoi ils se proposent de la réduire et même- audace suprême- de la supprimer. Comment ? Pour cela, ils préconisent l’instauration d’une «taxe sur les transactions financières» dont le modèle a déjà été proposé dans les années 70 par l’économiste américain James Tobin. Cette proposition a été remise au goût du jour suite aux séismes financiers qui se sont manifestés dans les pays d’Asie en 1997 et dans les pays de l’Est et d’Amérique latine l’année suivante.
La seule condition posée est qu’elle soit décidée par les gouvernements et qu’elle s’applique à «l’échelle mondiale», notamment grâce à une «fiscalité au service de l'économie» et à des mesures spectaculaires comme «l’élimination des paradis fiscaux». Bref, il s’agirait simplement d’instaurer une «économie solidaire», c’est-à- dire de pousser les États à instituer des «normes» et des «principes» qui seraient le reflet et la manifestation d’une «volonté politique» générale de ces Etats et des «citoyens» de se mobiliser contre ces « excès » spéculatifs[3]. Écoutons-les vanter leur recette : «Même fixée à un taux particulièrement bas de 0,1%, la taxe Tobin rapporterait près de 100 milliards de dollars par an. Collectée, pour l’essentiel, dans les pays industrialisés, où sont localisées les grandes places financières, cette somme pourrait être utilisée pour des actions de lutte contre toutes les inégalités entre sexes, pour la promotion de l’éducation et de la santé publique dans les pays pauvres, pour la sécurité alimentaire et le développement durable[4]».
Non seulement la spéculation n’est nullement la racine de la crise du capitalisme, comme nous venons de le voir, mais l’affirmation qu’il existe des moyens de lutter contre elle dans le cadre du système est une pure illusion mystificatrice. Cette pseudo- «solution» ne peut être vraie, pour la bonne raison qu’elle présente l’État à la fois comme instrument et comme garant de la lutte contre la spéculation. Or, ce recours à faire corps avec l’État n’est pas crédible, dans la mesure où «ce sont les États eux-mêmes et les institutions financières les plus respectables qui impulsent une spéculation effrénée, non seulement pour éviter l’explosion de cette gigantesque bulle de capital fictif mais aussi pour alléger les charges de (leurs) dettes toujours croissantes[5]». Poussés par la concurrence de la guerre commerciale qu’ils se livrent entre eux dans le cadre d’un marché sursaturé et par les contradictions aiguës de la crise mondiale qui les assaillent et les menacent en permanence de les livrer à la banqueroute, ce sont les États eux-mêmes qui sont devenus, dans la spirale infernale de la crise, les plus gros tricheurs avec la loi de la valeur et les spéculateurs sans scrupules les plus puissants.
La solution miracle et paradisiaque que nous livrent «clés en mains» ces pseudo-détracteurs du fonctionnement actuel du capitalisme n’est donc qu’une fausse réponse à la crise du capitalisme. Ce système décadent ne pourra jamais surmonter les contradictions qui l’assaillent.
Quand ils défendent l’idée que leur taxe représente «une alternative au capitalisme pur et dur», cette proposition sert uniquement à accréditer le mensonge selon lequel il serait possible de réformer le capitalisme, de l’aménager pour le rendre plus «vivable». Ils colportent la mystification d’une autre gestion possible du capitalisme, ils distillent des illusions sur un «capitalisme plus humain ». Leurs recettes idéologiques ne sont d’ailleurs qu’une variante «new-look» du vieux poison réformiste usé jusqu’à la corde par le PC et les gauchistes, mais au lieu de pousser les ouvriers de s’en remettre à l’État pour «faire payer les riches», ils y substituent simplement le mot d’ordre «faire payer les spéculateurs». Lorsqu’ils dénoncent la spéculation, ce n’est que pour mieux défendre et protéger le système qui l’engendre. La défense de la «taxe Tobin » n’a pas d’autre fonction que celle de détourner les consciences de la nécessité du combat de classe.
Car, de fait, à quoi servent ces gens-là et qui explique toute la publicité qui est désormais assurée périodiquement à leurs «idées» ? A une seule chose : semer des illusions dans les rangs de ceux qui sont poussés à remettre en cause le capitalisme, en leur faisant croire qu’on peut mettre fin au chômage et à la misère en faisant l’économie de la destruction du système capitaliste de fond en comble, sans passer par la nécessité d’une révolution prolétarienne mondiale.
A l’inverse, la seule perspective du combat contre la crise reste celle de la classe ouvrière.
W
[1] Association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens. Née en 1998, cette association regroupe des économistes, des syndicalistes, des lecteurs de publications diverses (comme les Amis du Monde Diplomatique), etc.
[2] Ecrits critiques de mai à octobre 1850, publiés par M. Rubel.
[3] Le Monde Diplomatique, juillet 1999.
[4] F Chesnais, Tobin or not Tobin, l’Esprit Frappeur, p 59.
[5] «Trente ans de crise ouverte du capitalisme» dans notre Revue Internationale n°98, 3e trimestre 1999.
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Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/structure-du-site/revolution-internationale
[2] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_186_i.pdf
[3] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/courrier-des-lecteurs
[4] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/trotskysme
[5] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_187_i_fev.pdf
[6] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/polemique
[7] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/battaglia-comunista
[8] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_188_i_mars.pdf
[9] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/pci-proletaire
[10] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_189_i_avril.pdf
[11] https://fr.internationalism.org/brochures/trotskysme
[12] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/prises-position-du-cci
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[14] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_190_i_mai.pdf
[15] https://fr.internationalism.org/tag/5/513/russie
[16] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_191_i_juin.pdf
[17] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_192_i_juil-aout.pdf
[18] https://fr.internationalism.org/tag/conscience-et-organisation/gauche-communiste-france
[19] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/stalinisme-bloc-lest
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[21] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_194_i_oct.pdf
[22] https://fr.internationalism.org/tag/evenements-historiques/invasion-du-koweit
[23] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/guerre
[24] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france
[25] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/syndicalisme
[26] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/reunions-publiques
[27] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/dehors-gauche-communiste
[28] https://fr.internationalism.org/tag/5/36/france
[29] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/vie-bourgeoisie-france
[30] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/gauchisme
[31] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/stalinisme
[32] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_195_i_nov.pdf
[33] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/pacifisme
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[39] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_198_i_fevr.pdf
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[59] https://fr.internationalism.org/tag/5/50/etats-unis
[60] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/resolutions-congres
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[67] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_223_r_mai.pdf
[68] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/communist-workers-organisation
[69] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_224_r_juin_cwo.pdf
[70] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_230_i_jan.pdf
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[104] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_291_i_juin.pdf
[105] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_292_i_juil-aout.pdf
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[113] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/cours-historique
[114] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_294_i_oct.pdf
[115] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_296_i_dec.pdf
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