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Révolution internationale n°504 - mai juin 2025

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Face à la militarisation et aux guerres, opposons la lutte de classe!

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Les États concurrents et leurs dirigeants, qu’ils soient présentés comme « autoritaires » ou « démocrates », cherchent partout à imposer des « sacrifices » aux prolétaires au nom de « l’indispensable économie de guerre ».

Que ce soit la Russie de Poutine, la Chine de Xi Jinping, les États-Unis de Trump ou l’Union européenne de Von der Layen, « l’heure est au réarmement » ! Le nouveau Chancelier allemand l’affirme : « il faut désormais appliquer à notre défense la règle suivante : quoi qu’il en coûte ! » Le Président Macron veut quant à lui « renforcer nos armées le plus rapidement possible » tout comme le Premier ministre britannique Keir Starmer qui annonce des dépenses militaires « inédites depuis la fin de la guerre froide ».

Une intense propagande belliciste et militariste

Pour imposer ces dépenses colossales, en pleine crise économique et financière, sur fond de déficits publics faramineux, la stratégie la plus efficace reste la manipulation par la peur : « Qui peut croire que la Russie d’aujourd’hui s’arrêtera à l’Ukraine ? » (Macron). Ne faut-il pas à tout prix « dissuader des tyrans comme Vladimir Poutine ? » (Starmer).

En réalité, dans ce capitalisme obsolète, tous les États sont impéri­alistes, petits ou grands, agresseurs comme agressés, tous ne défendent que les froids intérêts du capital national. Tous sont des gangsters, des monstres cupides croupissant dans un panier de crabes qui, lorsqu’ils ne se vautrent pas déjà dans le sang de civils qu’ils répandent sans vergogne, se préparent aux futures boucheries qu’ils auront froidement décidées. Et comme toujours, ces va-t-en-guerre prennent des précautions d’usage pour justifier cyniquement la monstruosité de leurs entreprises barbares, toujours au nom de la « paix » et de « valeurs » ! Poutine ne combat-il pas lui-même des « nazis » ? Le ministre français de l’économie, Eric Lombard, ne défend-il pas une « économie de paix » démocratique pour acheter ses instruments de mort ?

Partout, la classe ouvrière est soumise à cette intense propagande, au rouleau compresseur médiatique qui tente de persuader par des discours nauséabonds que les dépenses militaires seraient « nécessaires » et que la production d’armes doit « inévitablement augmenter ». Cela, pour des raisons présentées partout comme « morales » ! Fleurissent alors des sondages destinés à jauger, manipuler, alimenter les mêmes discours cherchant à persuader qu’il faut « défendre la souveraineté de sa patrie » !

Mais prétendre que la guerre et la militarisation de la société sont un « mal nécessaire », quelque chose qui tomberait sous le sens, contre lesquels on ne pourrait rien au risque de plus grands massacres encore, est un odieux mensonge. La militarisation et la guerre sont toujours les fruits des décisions barbares de la classe dominante et l’expression même de l’impasse dans laquelle s’enfonce de plus en plus le système capitaliste en décomposition. Les guerres mondiales hier, comme les massacres abominables dans la bande de Gaza ou en Ukraine aujourd’hui, sont les produits non pas de la « folie » de tel ou tel dirigeant, mais l’expression de l’impasse historique dans laquelle se trouve le système capitaliste, de son incapacité à proposer autre chose que d’entraîner la classe ouvrière et l’humanité entière dans des destructions toujours plus vastes, apocalyptiques. Ce qui se cache derrière tous les beaux discours de « paix », ce n’est ni plus ni moins que la transformation de zones de plus en plus étendues en champs de ruines, en nouvelles Ukraine, Syrie ou Palestine ! 1

Encore des attaques anti-ouvrières

Toute cette agitation belliqueuse alimente à son tour la même course aux armements et partout les dirigeants demandent à la classe ouvrière d’en payer la facture. Les budgets militaires prévus en Europe dépassent déjà les 2 % du PIB en vigueur. Le plan européen « ReArm Europe » envisage de débloquer 800 milliards d’euros pour l’achat d’armes de guerre. L’Allemagne prévoit à elle seule d’engager 1 000 milliards d’euros pour sa défense. La loi de programmation militaire 2024-2030 en France prévoit une somme de 413 milliards !

Tout cela, les exploités commencent à le ressentir en termes d’attaques contre leurs conditions de vie. En nous martelant qu’on ne peut plus compter sur les « dividendes de la paix », la bourgeoisie prépare le terrain pour faire accepter des sacrifices au service des meurtres de masse. Soufflant le chaud et le froid, enrobant les discours ou prônant un langage de « vérité », les perspectives sont celles d’attaques massives sur le plan social, de la santé, des retraites, de l’éducation… Pour le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, « cela ne peut pas attendre […]. Les pays investissent jusqu’à un quart de leur PIB dans les pensions, les systèmes de santé ou la sécurité sociale. Nous avons besoin d’une petite fraction de cet argent pour renforcer notre défense ». Ce qu’il se garde bien de dire, c’est que cette « petite fraction », prélevée sur des systèmes déjà exsangues, ne peut que paupériser davantage des millions de personnes. Il s’agit d’un cynique euphémisme qui signifie en réalité des coupes claires à la hache dans les budgets sociaux, de la sécurité sociale, de l’assurance-chômage ou maladie.

Ce qu’on nous présente comme une source de « relocalisation industrielle » pour « promouvoir l’emploi » est également une sinistre tartufferie qui vise à justifier une intensification de la production d’armements qui ne se fera qu’au prix d’une fuite en avant dans la dette, une plongée dans la récession mondiale, mais aussi d’une intensification de l’exploitation et d’une dégradation générale des conditions de vie des prolétaires. Si des entreprises d’armements pourront, certes, en retirer de substantiels bénéfices, l’économie, elle, du point de vue du capital global, sera plombée par un immense gaspillage de ressources et de capitaux stérilisés dans des stocks d’armes improductifs. Ces armes ne pourront au mieux que rouiller, au pire tuer et détruire, généraliser la politique de la terre brûlée ! Bref, cela signifie une dévalorisation fortement accrue du capital qui génère déjà inflation, attaques et misère ouvrière !

La lutte de classe, une nécessité vitale

Cette situation cauchemardesque ne doit pas être acceptée par la classe ouvrière. Nous ne pouvons, comme classe, que dénoncer tous les préparatifs guerriers et tous les discours visant à mobiliser le prolétariat et la population derrière la « nation » pour une prétendue « paix » et la défense de prétendues « valeurs démocratiques ». La classe ouvrière doit se méfier et combattre notamment ses faux amis, à gauche et à l’extrême gauche, qui multiplient les discours les plus sournois. Ces derniers accumulent ainsi les obstacles à la prise de conscience ouvrière en proposant de fausses alternatives qui sont autant de pièges idéologiques : soit par des mobilisations pacifistes, couvrant ainsi d’un voile la responsabilité du capitalisme, soit en prônant carrément le soutien d’un camp militaire, justifiant le massacre au nom du « moindre mal », ou de « l’anticolonialisme ». 2 Dans les deux cas, ces poisons idéologiques ont pour principes essentiels la division ouvrière et la défense du capital et cela, toujours au nom de la « démocratie » bourgeoise !

Les pièges de la mystification démocratique sont d’autant plus dangereux qu’ils exploitent un réel sentiment de colère en réaction aux diverses attaques, telles les nombreuses manifestations du 5 avril aux États-Unis, canalisées sur une mobilisation anti-Trump ou anti-Musk. Ces mêmes pièges se déploient en s’appuyant sur une série de mouvements populaires de protestation dans bon nombre de pays tels la Turquie, la Serbie ou la Corée du Sud. L’objectif est de pousser les ouvriers vers les urnes ou des partis bourgeois d’opposition en leur faisant croire qu’il serait possible d’organiser la société capitaliste plus humaine et juste, ce qui est un grossier mensonge : le capitalisme ne peut plus être « progressiste », usé jusqu’à l’os, il n’a plus rien à offrir ! Il est bel et bien en faillite et toujours plus destructeur.

Les miasmes de sa décomposition et la fragmentation sociale qu’il engendre sont eux-mêmes utilisés à ces fins idéologiques par la classe dominante pour tenter d’obscurcir la recherche de la seule perspective viable et possible, celle léguée par l’expérience du mouvement ouvrier et la lutte de classe : celle du communisme.

La bourgeoisie tente de masquer que la militarisation va nécessairement de pair avec les attaques anti-ouvrières. Et précisément, ce n’est que sur un terrain de classe, dans la dynamique des luttes ouvrières contre les attaques en cours et à venir, que le prolétariat pourra développer sa force et sa prise de conscience de la faillite du capitalisme. La seule issue pour offrir la perspective d’une société alternative viable est donc de refuser et de rejeter en bloc les campagnes idéologiques bourgeoises, combattre toute la logique imposée par le capital et lutter contre ce monstre sanguinaire.

WH, 5 avril 2025

 

 

1) Les manœuvres militaires et les provocations de la Chine, début avril, autour de Taïwan, en réponse aux décisions irration­nelles et aux provocations de Trump à propos des droits de douanes et de ses intentions impérialistes, l’attestent avec brutalité.

2) C’est ce qui amène, par exemple, des gauchistes à soutenir ouvertement les massacres du Hamas à Gaza.

 

Conscience et organisation: 

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  • Xi Jinping [4]
  • Trump [5]
  • Von der Layen [6]
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  • Keir Starmer [8]
  • Eric Lombard [9]
  • Mark Rutte [10]
  • Musk [11]

Questions théoriques: 

  • Décomposition [12]
  • Guerre [13]

Rubrique: 

Éditorial

Belgique: La classe ouvrière en lutte face à la crise et à la pression du militarisme

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Après la manifestation du 13 février qui avait rassemblé plus de 100 000 manifestants, la grève générale de 24 heures du 31 mars a confirmé une fois de plus que l’indignation et la colère contre les plans d’austérité du gouvernement fédéral 1 sont profondément ressenties par un nombre croissant de travailleurs de tous les secteurs et de toutes les régions en Belgique, et que la combativité reste élevée. Cependant, la fragmentation sectorielle et régionale imposée au mouvement illustre que la bourgeoisie a lancé sa contre-offensive par l’entremise de ses syndicats, et ceci dans un contexte de guerre commerciale et d’explosion des budgets de défense qui annoncent de nouvelles attaques massives contre la classe ouvrière, en Belgique comme partout dans le monde.

Une rupture avec la passivité et le désarroi

Cette importante vague de luttes en Belgique n’est pas isolée mais constitue une expression de la rupture avec des années de soumission passive des travailleurs aux attaques de la bourgeoisie, d’atomisation, mais aussi la maturation souterraine, le processus de réflexion en cours. « La résurgence de la combativité ouvrière dans un certain nombre de pays est un événement historique important qui n’est pas le résultat des seules conditions locales et ne peut s’expliquer par des circonstances purement nationales. Portés par une nouvelle génération de travailleurs, l’ampleur et la simultanéité de ces mouvements témoignent d’un véritable changement d’humeur de la classe et d’une rupture avec la passivité et la désorientation qui ont prévalu de la fin des années 1980 à aujourd’hui ». 2 L’été de la colère au Royaume-Uni en 2022, le mouvement contre la réforme des retraites en France à l’hiver 2023, les grèves aux États-Unis, notamment dans l’industrie automobile, à la fin de l’été 2023, restent les manifestations les plus spectaculaires du développement des luttes ouvrières dans le monde. Les mouvements actuels en Belgique illustrent aussi dans quel contexte se développeront les combats ouvriers plus particulièrement dans les pays industrialisés, avec des attaques tous azimuts du fait de l’accélération de la crise économique, interagissant comme dans un tourbillon avec l’expansion du militarisme et du chaos.

Le programme du nouveau gouvernement De Wever prévoit un total de près de 26 milliards d’euros de réduction budgétaire afin de réduire la dette de l’État (105 % du PNB). Le programme gouvernemental inclut une forte réduction des budgets sociaux, en particulier les économies sur les retraites (en pénalisant toute retraite anticipée et en s’attaquant aux régimes de retraite des fonctionnaires et des enseignants), ainsi que la limitation des droits au chômage à un maximum de deux ans, ce qui entraînerait l’exclusion de 100 000 chômeurs cette année. Par ailleurs, un demi-million de malades de longue durée risquent de perdre leurs prestations en raison d’efforts « insuffisants ou non coopératifs » pour reprendre le travail. Les paiements pour les heures supplémentaires et le travail de nuit sont également drastiquement réduits.

Les « partenaires sociaux » devraient proposer une réforme de l’indexation automatique des salaires et des prestations (c’est-à-dire une réduction !) d’ici à la fin de 2026. De plus, moins de deux mois après l’annonce de ce programme, les plans de réarmement généralisés de l’Europe entraîneront pour la Belgique, à la traîne au niveau des budgets de défense, un quasi doublement de celui-ci dans les prochaines années.

Dès les premières fuites concernant ces plans, l’opposition aux mesures s’est manifestée. Pour ne pas perdre le contrôle de la situation, les syndicats ont décidé d’organiser une première journée d’action le 13 décembre 2024, dans le but de détourner le mécontentement vers les directives de l’Union européenne. Cette première journée a réuni quelque 10 000 manifestants. La manœuvre n’a cependant pas réussi et le mécontentement a continué de croître, comme en témoigne la deuxième journée d’action du 13 janvier, où les syndicats ont tenté à nouveau de restreindre la mobilisation à « la défense des retraites dans l’enseignement ». En réalité, la participation a atteint environ 30 000 manifestants issus de secteurs de plus en plus nombreux et de toutes les régions du pays. Le 27 janvier, une manifestation sectorielle régionale « historique » du personnel de l’enseignement francophone a rassemblé 35 000 participants contre les coupes sombres imposées par le gouvernement régional. Puis, la constitution du nouveau gouvernement fédéral et la communication de son programme d’austérité n’a fait qu’aviver la contestation et la troisième journée d’action du 13 février, organisée avec le slogan trompeur de « défense des services publics », a réuni plus de 100 000 manifestants de tous les secteurs qui ont exprimé leur volonté de transgresser le saucissonnage sectoriel et régional du mouvement organisé par les syndicats. Les manifestants ont appelé à mener un combat global contre les attaques du gouvernement.

La contre-attaque syndicale : encadrer, fragmenter, épuiser la combativité ouvrière

Face à la montée de la combativité ouvrière et de la poussée vers l’unité, les syndicats ont engagé une contre-attaque visant à empêcher toute mobilisation de masse dirigée contre la globalité des projets gouverne­mentaux : le sentiment d’appartenir à une seule classe, de lutter ensemble et solidairement pour construire un rapport de force, devait être contré ! Alors que la solidarité dans la lutte devenait de plus en plus claire, les syndicats ont organisé la fragmentation et la division des mouvements entre secteurs, avec des revendications spécifiques et entre les syndicats eux-mêmes. En lieu et place des manifestations communes, des grèves éparpillées d’un ou de plusieurs jours ont été organisées dans l’enseignement, les transports urbains et régionaux, dans les chemins de fer, avec un planning étalé sur six mois ! Une grève générale d’un jour a été déclarée six semaines plus tard, le 31 mars, sans aucun appel à manifester. Le message est désormais de rester passivement chez soi, avec une multitude de petits piquets de grévistes centrés sur leur entreprise ou leur secteur, bien séparés les uns des autres. La soi-disant grève générale a été utilisée comme moyen de paralyser les mobilisations et d’isoler les travailleurs, d’épuiser la combativité contre toute tendance à l’unification.

La contre-offensive du gouvernement et des syndicats tente donc d’épuiser le mouvement avant la période estivale. Ainsi, un appel à une nouvelle « grève générale » est lancée pour le 29 avril. Le fait que des secteurs comme les transports ferroviaires et l’éducation aient encore des grèves et des journées d’action prévues en avril, mai et juin, soulignent que les syndicats « mettent le paquet » afin d’isoler les secteurs combatifs et surtout, en fin de compte, de les épuiser dans des actions coupées du reste de la classe ouvrière. Si, le 22 mai (soit trois mois après la précédente mobilisation !), une nouvelle manifestation nationale est annoncée par les syndicats, évidemment autour des revendications spécifiques aux secteurs public et associatif, c’est clairement avec l’espoir de pouvoir constater que la combativité est en recul et que le découragement s’installe.

L’offensive syndicale est d’autant plus nécessaire que de nouvelles attaques se profilent à l’horizon : « Regardez le contexte international » indiquait le président des socialistes flamands (le parti « Vooruit »). La bourgeoisie a de moins en moins de marge de manœuvre pour faire face aux effets de la guerre économique et du militarisme croissant. La décision d’augmenter significativement le budget de la défense de 1,3 % à 2 % du PIB dès cette année en est une preuve éloquente et ce n’est qu’un premier pas vers un niveau de 3 % du PIB, financé par des mesures d’austérité plus brutales encore. D’autre part, l’investissement massif dans les budgets militaires a été ressenti comme une provocation par beaucoup de ceux qui se sont mobilisés contre les plans d’économies de 5,1 milliards sur le chômage et les retraites.

Les gauchistes tentent évidemment d’empêcher la radicalisation de la réflexion et de la ramener dans le cadre idéologique de la bourgeoisie : ainsi, des groupes trotskistes appellent à se battre pour un « véritable » gouvernement de gauche et contribuent à renforcer les campagnes démocratiques et pacifistes.

Pour sa part, le parti populiste de gauche Parti du Travail de Belgique (PTB/PvdA) organise une marche le 27 avril sur le thème « De l’argent pour les travailleurs, pas pour l’armement ». Il alimente ainsi l’illusion qu’un choix « démocratique » au sein du capitalisme est possible.

Le contexte actuel tendra donc de plus en plus à exiger de la classe ouvrière un niveau de lutte plus politisé pour réussir à faire reculer la bourgeoisie, comme l’illustre la situation en Belgique. Face à une nouvelle aggravation de la crise économique, face à la pression du militarisme et à la menace toujours plus présente de la barbarie guerrière, nous devons résister au discours trompeur et mensonger de la bourgeoisie qui nous demande toujours plus de sacrifices. La crise économique, la destruction écologique, les guerres meurtrières, les flux massifs de réfugiés jetés sur les routes du désespoir et de la mort sont le produit du capitalisme en décomposition. Seules la solidarité et l’unité dans la lutte contre les attaques de nos conditions de vie nous permettront de développer des revendications qui uniront les différents secteurs de la classe ouvrière. Dès à présent, l’utilisation des mobilisations syndicales pour engager une discussion entre travailleurs la plus large possible sur les besoins généraux de la lutte au lieu d’écouter passivement les discours de ceux qui organisent notre division et notre impuissance peut constituer un premier pas dans ce sens.

Lac, 15 avril 2025

 

1) Cf. « Une nouvelle expression du militantisme international de la classe ouvrière », Révolution internationale n° 503, et « La coalition “Arizona” prépare une attaque frontale contre les conditions de travail et de vie », Internationalisme n° 381.

2) « Résolution sur la situation internationale du 25e congrès international du CCI », Revue internationale n° 170 (2023).

 

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en Belgique [14]

Conscience et organisation: 

  • Courant Communiste International [2]

Personnages: 

  • Bart De Wever [15]

Rubrique: 

Lutte de classe

Corée du Sud, Serbie, Turquie... Les travailleurs ne doivent pas se laisser embarquer dans des mobilisations pour la défense de la démocratie bourgeoise

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Le monde connaît depuis le début de l’année une recrudescence spectaculaire de manifestations en faveur de l’État « démocratique » : Corée du Sud, Turquie, Israël, Serbie et depuis peu, États-Unis. Ces mouvements, comme on n’en avait pas vu depuis longtemps, sont l’indubitable signe de crises politiques et sociales. Mais devons-nous forcément nous réjouir de voir ces événements se dérouler aux quatre coins du monde ? Les révolutionnaires savent que « tout ce qui bouge n’est pas rouge » et qu’il est important de voir ce qui se cache derrière chaque manifestation, d’analyser quel est le fond politique réel de ces mouvements.

Corée du Sud

Dans un pays où existe un prolétariat important avec une certaine expérience de lutte, où existe même un groupe se réclamant de la Gauche communiste, 1 le coup de force du président Yoon Suk-yeol, le 4 décembre dernier, a entraîné des manifestations importantes, pour défendre le président putschiste d’un côté, pour soutenir sa destitution et son arrestation de l’autre. À la tête des manifestations, des députés des principaux partis de l’Assemblée coréenne ont rameuté leurs partisans, en attendant la décision de la Cour constitutionnelle.

Les préoccupations sociales et prolétariennes sont à l’évidence totalement absentes de ces manifestations, qui ne sont d’un côté comme de l’autre que des manœuvres de soutien à une clique bourgeoise contre une autre. La cause de cette situation est le blocage politique entre fractions bourgeoises à l’Assemblée, incapables d’adopter un budget faute de majorité suffisante, ce qui a entraîné la tentative de coup de force du président.

Le chaos politique qui en a résulté illustre bien la situation de la bourgeoisie coréenne, profondément divisée, fragmentée et le chacun-pour-soi de tous les partis, illustrés par la tentative d’assassinat en janvier 2024 du principal dirigeant du parti d’opposition et par le coup de force du 4 décembre. La radicalisation des fractions de droite vers une idéologie complotiste d’inspiration trumpiste, les épisodes ubuesques qui se sont déroulés lors de l’arrestation du président par la police, un épisode d’une destitution présidentielle qui s’est déjà produit trois fois depuis 2004, suivi de la destitution du président par intérim du fait de son manque de coopération avec l’Assemblée, montrent le poids de la décomposition sur la classe dominante de ce pays.

« La coopération avec le Parti démocrate, une faction de la classe capitaliste, est l’enterrement de la lutte ouvrière. Proposer une réforme du capitalisme par une “réforme sociale” sans combattre le système capitaliste occulte le fait que la cause de la crise et de la tragédie actuelles est le système capitaliste et propage l’illusion d’un capitalisme plus sain ». 2 L’enjeu pour le prolétariat est de ne pas se laisser entraîner dans la défense d’un camp bourgeois ou de l’autre, dans un pays qui va nécessairement pâtir de la récession qui s’annonce avec les mesures prises par Trump et sa clique, dont l’économie sud-coréenne risque de particulièrement souffrir.

Turquie

L’arrestation le 19 mars d’Ekrem Imamoglu, chef de file du parti CHP d’opposition au président Erdogan et maire d’Istanbul, intervient comme point d’orgue d’un durcissement du pouvoir vis-à-vis de l’opposition du fait de l’échéance de la prochaine élection présidentielle, Imamoglu ayant été désigné candidat à cette élection par son parti, membre de l’Internationale socialiste.

Une réaction immédiate a eu lieu dans les rues, la plus importante mobilisation depuis l’affaire de la tentative de destruction du parc Gezi à Istanbul en 2013 pour réaliser des projets immobiliers. Mais les mots d’ordre mis en avant montrent toute l’emprise du CHP sur ces manifestations : il s’agit de « défendre la démocratie turque » menacée par un « gouvernement autoritaire » qui mettrait en scène des élections-spectacles, où le président Erdogan choisirait ses adversaires en éliminant ses concurrents les plus dangereux. Il s’agit donc de défendre la légitimité du scrutin.

Face à cela, nous soutenons la conclusion d’Internationalist Voice, un groupe du milieu prolétarien, qui a consacré un article bien documenté sur les mouvements en Turquie : « Ce n’est que par la lutte des classes, et depuis le terrain de classe, que nous pourrons repousser les attaques de la bourgeoisie. Nous devons étendre notre lutte indépendamment de toute faction et de tout mouvement bourgeois, en nous opposant directement au capitalisme. Notre intérêt ne réside pas simplement dans un changement au sein de la classe dirigeante, c’est-à-dire dans le remplacement d’Erdoğan par İmamoğlu, mais dans la lutte de classe elle-même ». 3

Là encore, il s’agit d’une lutte entre cliques bourgeoises, totalement étrangère aux intérêts de classe du prolétariat. La situation économique catastrophique de la Turquie entraîne le prolétariat turc dans une spirale infernale de pauvreté, qui va de toute façon être aggravée par les conflits impérialistes auxquels toute la bourgeoisie turque se prépare : affrontements avec Israël en Syrie, avec la Russie dans le Caucase et en Asie centrale, avec les Kurdes en Irak et en Syrie, avec la Grèce dans la rivalité pour la suprématie en Mer Égée… La spirale guerrière de la région et la volonté d’armement de la bourgeoisie turque ne seront aucunement modifiées par un changement démocratique de la faction au pouvoir en Turquie ; la figure tutélaire du CHP reste Kemal Atatürk. Se battre pour une clique bourgeoise contre une autre alors que c’est le capitalisme tout entier qui sombre dans une crise sans fin et le tourbillon de phénomènes liés à la décomposition de l’ordre capitaliste mondial, c’est demander au prolétariat de se battre pour savoir qui va le mener à la misère et à la guerre !

Serbie

L’effondrement du toit de la gare de Novi Sad (16 morts) en Serbie le 1er novembre dernier, à cause d’évidentes malfaçons liées à la corruption qui gangrène le pays, a entraîné une série de manifestations géantes dont les motivations étaient « la lutte contre la corruption » et « vivre dans un pays où la Justice fonctionne et fait son travail ». Ces manifestations géantes, comme celle du 15 mars, ont rassemblé une foule aux motivations politiques hétéroclites, allant des démocrates opposés à l’autoritarisme du président serbe Vucic aux ultra-nationalistes pro-russes. Des paysans avec leur tracteur se sont même joints au cortège.

Le caractère hétéroclite des participants comme des motivations de ces manifestations, ainsi que le soutien de l’opposition au parti du président sous la forme d’actions au sein du Parlement (comme le lancement de fumigènes dans le Parlement le 4 mars), démontrent évidemment qu’il n’y est pas question de défendre les intérêts de la classe ouvrière, laquelle est noyée dans la masse des manifestants qui défendent de fait l’État bourgeois et réclament une meilleure Justice pour le pays. Ce mouvement initialement interclassiste s’est rapidement trouvé entièrement sous la coupe des cliques bourgeoises qui entendent faire démissionner le président et organiser de nouvelles élections. Il est sur un terrain totalement étranger et opposé à la lutte prolétarienne. Dans un pays déstabilisé par une crise économique sans fond et qui est le champ de bataille de diverses influences impérialistes (les ultranationalistes soutiennent la Russie, l’opposition voudrait intégrer l’Union européenne, et c’est la Chine qui construit la nouvelle voie de chemin de fer entre Belgrade et Budapest), la classe ouvrière doit plus que jamais imposer la défense de ses intérêts propres, indépendamment de toute faction bourgeoise. L’enjeu pour le prolétariat en Serbie est de sortir de ce mouvement le plus vite possible : se battre contre la corruption dans un système capitaliste pourrissant, c’est se battre contre les scories de sa faillite avec l’illusion qu’il est encore possible de l’améliorer de l’intérieur et non avancer sur la voie de la prise de conscience de la nécessité de son renversement.

Les luttes sont devant nous

Le prolétariat n’a que son unité et sa conscience à opposer à la bourgeoisie. Soutenir une fraction bourgeoise plus « progressiste » que les autres est, certes, une stratégie que Marx et Engels ont mise en avant lors de la révolution de 1848, mais le but était à cette époque avant tout de réaliser le projet national de la bourgeoisie pour développer et unifier la classe ouvrière dans un contexte où le capitalisme était dans une phase ascendante, en plein développement. Cette vision est aujourd’hui totalement obsolète au vu de la faillite historique du système capitaliste : toutes les fractions de la bourgeoisie sont maintenant réactionnaires, et le prolétariat n’a aucun intérêt à en soutenir l’une d’entre elles contre les autres. Le prolétariat doit garder son autonomie politique, défendre ses intérêts sans les mélanger avec ceux de fractions bourgeoises dont la raison d’être est d’empêcher la lutte de classe de se développer. Il est de toute façon illusoire de vouloir combattre la corruption ou réclamer plus de « démocratie » dans un monde où la règle est le profit maximal et où le pouvoir politique en place est partout une dictature de classe !

En Corée du Sud, Turquie, Serbie comme ailleurs, l’enjeu aujourd’hui est de défendre nos intérêts de classe face à la dégradation de nos conditions de vie et de travail, aux licenciements, à la mobilisation pour le réarmement et à terme pour la guerre de tous contre tous. Aucune fraction bourgeoise ne défendra nos intérêts à notre place !

Le prolétariat des pays industrialisés, le plus nombreux et le plus expérimenté, doit mettre en avant ses méthodes de lutte propres, à savoir l’unité des prolétaires autour de la défense de ses conditions de vie et de travail, la lutte contre les conséquences de la crise économique et des politiques bellicistes de toutes les bourgeoisies, les manifestations pour chercher la solidarité, les grèves les plus étendues possible pour établir un rapport de force. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons avoir une claire conscience des enjeux réels de la situation, de qui sont nos amis et nos ennemis, de comment nous parviendrons à faire reculer l’État et la classe dominante, des perspectives politiques propres à la classe ouvrière. Et ce n’est certainement pas en défendant l’État capitaliste et la démocratie que nous y parviendrons !

HG, 24 avril 2025

 

1) Le groupe International Communist Perspective (ICP).

2) « The dismissal of Yoon Seok-yeol is the beginning of a class struggle against the capitalist regime and the capitalist system ! », ICP (4 avril 2025).

3) « Neither Erdoğan nor İmamoğlu : Class Struggle is the Only Path Forward ! », Internationalist Voice (24 mars 2025).

Géographique: 

  • Corée du Sud [16]
  • Serbie [17]
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  • Yoon Suk-yeol [19]
  • Ekrem Imamoglu [20]
  • Erdogan [21]
  • Kemal Atatürk [22]
  • Vucic [23]

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  • Démocratie [26]

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Campagnes idéologiques

Manifestation pour la défense de la démocratie aux États-Unis: La bourgeoisie tente d’enfermer la classe ouvrière dans le piège de l’antifascisme

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Ces derniers mois, Trump a été constamment sous les feux de la rampe : il ne se passe pas un jour sans qu’il ne fasse une déclaration qui déconcerte la planète entière : volonté d’annexer le Groenland ou le Panama, humiliation publique de Zelensky, purge de l’administration, licenciement sans ménagement de milliers de fonctionnaires fédéraux, intimidation de journalistes… En quelques semaines, ses accents de chef de gang et sa pratique brutale du pouvoir ont tant défrayé la chronique que la presse américaine et mondiale entonne désormais en chœur ses plus hypocrites refrains démocratiques : la « plus grande démocratie du monde » serait en train de se transformer en « régime illibéral », voire en « dictature ». La bourgeoisie pousse d’ailleurs le bouchon très loin, puisqu’il a déjà été publiquement décrié comme un « traître », un « despote » et un « fasciste ». Certains font même des parallèles entre Trump et Mussolini !

Trump, un fasciste ?

Plus l’ineptie et la brutalité de Trump s’étalent au grand jour, plus il est facile pour le reste de la bourgeoisie, Démocrates en tête, de rejeter sur le Président et sa bande de pieds nickelés la responsabilité du chaos économique et impérialiste et des attaques contre la classe ouvrière. La campagne assourdissante autour de ses « folles décisions » et de son « autoritarisme » relève d’une stratégie classique de la bourgeoisie pour faire croire que le chaos, les destructions barbares et les massacres sont la faute d’individus « irresponsables » ou « délirants » (Trump ou Poutine, aujourd’hui ; Hitler, Mussolini ou Staline, hier…) et non l’expression de la faillite historique du système capitaliste.

En réalité, l’élection de Trump aux États-Unis, comme celle de Milei en Argentine, et la montée du populisme un peu partout dans le monde, particulièrement dans les pays européens, ne sont que la manifestation de la difficulté croissante des diverses bourgeoisies nationales de garder le contrôle de leur appareil politique sous la pression du pourrissement sur pied du capitalisme.

La situation est aujourd’hui bien différente des années 1930. À la fin de la Première Guerre mondiale, une impressionnante vague révolutionnaire a touché l’ensemble de l’Europe. Dans certains pays en particulier, l’Allemagne, l’Italie, la Russie, le prolétariat fut particulièrement combatif et parvint même à s’emparer du pouvoir politique en Russie. À tel point qu’après avoir pris le pouvoir politique lors de la révolution d’octobre 1917 en Russie, il avait contraint les bourgeoisies belliqueuses à mettre fin à la guerre pour affronter leur ennemi mortel, non seulement en Russie, mais aussi et surtout en Allemagne.

Malheureusement, cette vague révolutionnaire s’est soldée par un échec, et par une féroce répression de la bourgeoisie. En Allemagne, où la classe ouvrière a subi plus qu’ailleurs (à l’exception de la Russie) les conséquences d’une terrible défaite physique et idéologique infligée par la social-démocratie, le nazisme, comme le fascisme en Italie dans les années 1920, est finalement apparu à la bourgeoisie allemande comme le moyen le plus efficace pour finaliser l’écrasement du prolétariat et conduire au pas de charge les transformations sociales radicales et la militarisation la plus extrême de la production, nécessaires à la marche vers la Seconde Guerre mondiale.

Dans les pays « démocratiques », où la bourgeoisie était contrainte de maintenir l’arsenal de mystification parlementaire et électorale, elle a embrigadé la classe ouvrière pour la préparer à la guerre et lui faire accepter tous les sacrifices nécessaires en l’enfermant dans un faux-choix, opposant à la menace du fascisme, la défense de la démocratie : c’est là toute l’idéologie antifasciste qui enferme la classe ouvrière dans des combats qui ne sont pas les siens et l’amène à accepter de se ranger derrière un prétendu « moindre mal » : la bourgeoisie « démocratique ».

L’antifascisme est donc, tout comme le fascisme, une conséquence de l’écrasement physique et idéologique du prolétariat. Ils s’inscrivent dans une période de contre-révolution laissant le champ libre à la bourgeoisie pour mener les travailleurs vers la guerre mondiale.

Le contexte est-il comparable aujourd’hui ? Depuis la fin de la contre-révolution, qui s’est manifestée avec les événements de Mai 1968 en France et d’autres luttes partout dans le monde (de l’Italie en 1969 jusqu’en Pologne en 1976 et 1980), la classe ouvrière n’a pas subi de défaite significative ouvrant la voie à une période de contre-révolution. Il y a eu des moments d’avancées de la conscience, des piétinements et des reculs plus ou moins importants, mais jamais de défaite définitive. Aucune comparaison possible donc avec les années 1930, d’autant plus qu’aujourd’hui, en rupture avec une période de désarroi et de passivité, une lente reprise de la combativité et du développement de la maturation de la conscience s’opère depuis fin 2022, qui s’est manifestée par des mouvements de lutte importants à l’échelle internationale, en Grande-Bretagne, en France ou aux États-Unis.

Populisme et campagnes antifascistes

Contrairement au fascisme, qui était un produit de l’écrasement du prolétariat, la vague populiste actuelle est l’expression du pourrissement du capitalisme. Ce n’est nullement un hasard si les partis populistes se sont réellement développés et ont atteint de tels impacts depuis le début du XXIe siècle. Leur développement coïncide avec l’expansion des effets néfastes de la décomposition de la société capitaliste. À mesure que la crise économique s’intensifie, que les confrontations impérialistes s’embrasent, les tensions entre factions de la bourgeoisie s’exacerbent, les rivalités en son sein deviennent de plus en plus incontrôlables et, en conséquence apparaît une perte de contrôle croissante de l’appareil politique. Les cliques populistes dénoncent les élites politiques et les factions dominantes qui monopolisent le pouvoir et propagent des politiques de petites frappes qui déstabilisent et rendent encore plus irrationnelle la politique des différents États. Le populisme exprime donc une réalité radicalement différente de celle du fascisme : s’il déstabilise l’appareil politique de la bourgeoisie, il est bien incapable, face à une classe ouvrière qui résiste aux attaques, d’imposer les sacrifices nécessaires à la préparation de la guerre, et encore moins à celle d’un conflit mondial.

C’est pourquoi la bourgeoisie utilise l’idéologie antifasciste, par l’intermédiaire de ses factions de gauche, en faisant du populisme un épouvantail, assimilé au fascisme. Les partis de gauche visent ainsi à détourner la dynamique de lutte ouvrière vers l’impasse électorale en se positionnant comme le véritable « rempart » de la démocratie et de l’égalité, à même d’apporter une réponse à la crise du capitalisme.

L’identification du populisme au fascisme sert donc surtout à la gauche pour lancer une intense campagne visant à dénoncer Trump comme la source de la débâcle économique et des dérives guerrières, occultant ainsi la faillite historique du mode de production capitaliste. Elle dissimule cette vérité crue que les attaques contre la classe ouvrière ne pourront que se multiplier.

Le piège des manifestations en faveur de l’État bourgeois

C’est dans cette perspective que les Sanders, les Ocasio-Cortez, les Warren, les fractions les plus « radicales » du parti Démocrate ainsi que les syndicats ont poussé les ouvriers à descendre massivement dans les rues de nombreuses villes américaines en les encadrant derrière le mouvement baptisé « Hands off ! » (« Bas les pattes ! ») pour dénoncer « l’autocratie » de Trump. Ces fractions de la bourgeoisie ont pris la tête et canalisé la protestation alors que se dessinait une colère ouvrière grandissante, non seulement contre les licenciements de dizaines de milliers de fonctionnaires mais aussi face aux coupes à la tronçonneuse dans tous les budgets sociaux comme dans les services de l’éducation ou de la santé en passant par la hausse spectaculaire du coût de la vie. Pour faire bonne mesure et noyer davantage la réaction des prolétaires à ces attaques, se sont ajoutées et juxtaposées des revendications parcellaires, du mouvement LGTB aux associations caritatives, toutes de nature idéologique bourgeoise, sous la bannière de la défense des « droits des citoyens » et de la « démocratie ».

Il s’agissait, en fin de compte, de dévoyer la combativité ouvrière, d’éloigner les prolétaires de la mobilisation sur leur véritable terrain de classe, celui où se construit la solidarité, la réflexion collective et l’unité du prolétariat. C’est aussi la raison pour laquelle les syndicats appellent les fonctionnaires licenciés à se mobiliser, seuls et coupés du reste de la classe ouvrière, contre Elon Musk, érigé en « incarnation du mal », source de tous les maux. Le mouvement « Hands off ! » a d’ailleurs promis d’amplifier la « riposte » sur ce terrain idéologique pourri et miné d’avance ces prochaines semaines, tandis que Sanders et Ocasio-Cortez multiplient les meetings et les rassemblements.

En opposition aux campagnes pour la défense de l’État démocratique, la classe ouvrière américaine doit mener la lutte contre les licenciements dans les administrations fédérales et dans l’enseignement, tout comme dans les entreprises, contre la baisse des retraites indexées sur les indices boursiers qui s’effondrent, contre la baisse des aides sociales et le démantèlement de la sécurité sociale sur son propre terrain de classe, en refusant les divisions entre secteurs. Face à l’intensification de la crise, de « l’effort de guerre » et de l’ensemble des attaques imposées par la bourgeoisie, face aux effets de la décomposition, il est essentiel que la classe ouvrière, aux États-Unis comme ailleurs, développe sa lutte unie contre les attaques et les sacrifices que la crise et la guerre lui imposent. Le système capitaliste n’a rien à lui offrir. Les promesses vides de la bourgeoisie ne sont là que pour mieux l’enchaîner à l’exploitation.

Cam, 21 avril 2025

Conscience et organisation: 

  • Courant Communiste International [2]

Personnages: 

  • Trump [5]
  • Zelensky [27]
  • Poutine [3]
  • Hitler [28]
  • Mussolini [29]
  • Staline [30]
  • Javier Milei [31]
  • Bernie Sanders [32]
  • Alexandria Ocasio-Cortez [33]
  • Elizabeth Warren [34]

Questions théoriques: 

  • Démocratie [26]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Les soi-disant partis "ouvriers" [35]

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Campagnes idéologiques

Divorce transatlantique, lâchage de l’Ukraine et rapprochement avec la Russie: Le bouleversement des alliances exacerbe la logique du tous contre tous

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Tandis que l’OTAN sur la page d’accueil de son site déclare : « L’OTAN condamne avec la plus grande fermeté la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine. L’Alliance demeure résolument déterminée à soutenir l’Ukraine et à l’aider ainsi à exercer son droit fondamental à la légitime défense », Trump humilie et rudoie en public, devant les médias du monde entier, le président ukrainien, le désignant même comme responsable de la barbarie en Ukraine, tout en renouant les liens et entamant des négociations avec la Russie de Poutine.

Ces prises de position provocantes soulignaient publiquement et brutalement la rupture idéologique et stratégique de l’Amérique trumpienne avec l’axe central de la politique de l’OTAN. En outre, Trump met en doute la solidarité entre les pays de l’OTAN, la quintessence de l’Alliance Atlantique : « S’ils ne paient pas, je ne vais pas les défendre », « Mon plus gros problème avec l’OTAN […], c’est que si les États-Unis avaient un problème et qu’on appelait la France, ou d’autres pays que je ne nommerais pas, en disant : “On a un problème”, vous pensez qu’ils viendraient nous aider, comme ils sont censés le faire ? Je n’en suis pas sûr… » En quelques semaines, Donald Trump torpillait ainsi l’Alliance Atlantique, il démolissait politiquement le pacte de défense collective qui unissait les États-Unis et l’Europe depuis 1949. L’Amérique n’entendait plus appuyer leurs alliés dans la défense de l’Ukraine, elle ne garantissait même plus la solidarité inconditionnelle des États-Unis en cas d’agression d’un des partenaires.

La fin définitive des relations impérialistes instaurées depuis 1945

Ces événements ont une signification historique profonde puisqu’il s’agit de l’éclatement au grand jour, d’une complète remise en cause des relations impérialistes entre les grandes puissances en usage depuis 1945. En réalité, ils sont l’aboutissement de tout un processus initié par l’effondrement du bloc de l’Est fin 1989, qui marquait par ailleurs l’ouverture de la période de décomposition.

À l’époque, le CCI avait indiqué que l’effondrement du bloc stalinien s’accompagnerait d’une irréversible désagrégation du bloc occidental : « La différence avec la période qui vient de se terminer, c’est que ces déchirements et antagonismes, qui auparavant étaient contenus et utilisés par les deux grands blocs impérialistes, vont maintenant passer au premier plan. La disparition du gendarme impérialiste russe, et celle qui va en découler pour le gendarme américain vis-à-vis de ses principaux partenaires d’hier, ouvrent la porte au déchaînement de toute une série de rivalités plus locales ». 1

La désagrégation s’est effectuée progressivement depuis cette époque, avec des hauts et des bas, pour aboutir aujourd’hui à la manifestation explicite du divorce transatlantique. Dans leur tentative de défendre leur statut d’unique superpuissance régissant le monde, les États-Unis ont initialement exploité l’OTAN pour les appuyer dans leur rôle de gendarme du monde et leur permettre de maintenir leurs « partenaires » du bloc occidental sous contrôle (première guerre d’Irak, 1991, Afghanistan, 2001), pour intégrer les pays d’Europe de l’Est de l’ex-bloc soviétique dans leur zone d’influence et enfin récemment pour appuyer l’Ukraine contre l’attaque russe. Tout ceci permettait à Washington de contrer, par la même occasion, les velléités d’indépendance des pays européens.

Celles-ci ont cependant surgi dès le début des années 1990 avec les manœuvres de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne lors de la guerre civile en ex-Yougoslavie et se sont accentuées avec le refus des principaux pays européens de participer à l’aventure de la seconde guerre d’Irak sous Bush junior en 2003. Plus globalement l’autonomisation des pays européens (en particulier l’Allemagne) s’est exprimée par une réduction sensible de leurs contributions militaires à l’OTAN et par leur large ouverture énergétique et commerciale à la Russie et la Chine.

Confrontée à son déclin irréversible face à l’explosion du « chacun pour soi » et à l’émergence du challenger chinois, la première puissance mondiale entend aujourd’hui utiliser sa puissance militaire, économique et politique pour imposer la défense de ses intérêts par la force brute si nécessaire à tous les autres pays, adversaires comme alliés. Dès lors, derrière le lâchage par Washington de l’Ukraine, la mise en question de la solidarité transatlantique au sein de l’OTAN et le rapprochement avec la Russie, c’est bien la structuration du monde depuis 1945 qui est en train d’être définitivement balayée.

L’irréversibilité du divorce transatlantique

Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, tout comme certains milieux militaires ou politiques européens, espèrent encore que les déclarations tonitruantes de Trump ont essentiellement pour but de faire monter les enchères dans le cadre d’une négociation « transactionnelle » sur le financement de l’OTAN et que l’augmentation drastique des budgets militaires décidée par les pays européens calmera l’agressivité anti-européenne de Trump. Si la forme concrète et la vitesse de finalisation du divorce entre les « alliés de toujours » restent difficiles à prédire, l’irréversibilité du processus est cependant confirmée par divers éléments.

« Mais Trump a désarmé politiquement l’OTAN, il l’a vidée de ce qui fait la force d’une alliance de défense collective : la fiabilité ». 2 La garantie absolue d’une intervention militaire en soutien et du parapluie atomique américain en couverture au sein de l’OTAN n’est plus du tout assurée, bien au contraire, comme l’indique encore une note récente du Pentagone (la « Interim National Defense Strategic Guidance ») basée sur des directives du ministre de la défense Pete Hegseth que le Washington Post du 31 mars a pu consulter. Elle précise qu’en cas d’agression, l’Europe ne pourra éventuellement compter que sur un renfort de troupes non indispensables face à la Chine. Par ailleurs, Trump continue de revendiquer le Groenland au Danemark, ainsi que l’annexion du Canada, pourtant deux pays partenaires au sein de l’OTAN. Pas étonnant que le premier ministre canadien Mark Carney ait conclu que les États-Unis n’étaient plus un partenaire fiable ! Quels que soient les revirements ultérieurs, le doute sur l’indéfectibilité de l’Alliance transatlantique et du soutien américain à l’Europe a été définitivement instillé.

L’irréversibilité du divorce est également soulignée sur un plan idéologique. La conclusion du Pacte transatlantique et la fondation de l’OTAN après 1945 avaient comme couverture idéologique la défense de la « démocratie occidentale ». La remise en question du soutien indéfectible à l’Ukraine par Trump au profit d’un rapprochement avec le « dictateur Poutine » ainsi que l’attaque par le vice-président Vance, au Forum de Munich, de la conception de la démocratie défendue par les bourgeoisies européennes, alors que dans le même temps, l’administration Trump ne cesse d’apporter son soutien aux partis populistes et d’extrême-droite en Europe, déchirent complètement cette couverture idéologique commune. Trump enlève à l’Alliance Atlantique tout son ciment idéologique.

Alliée cruciale des États-Unis face à l’URSS pendant plus de cinquante ans, l’Europe a perdu de son importance géostratégique au fur et à mesure de la montée en puissance de la Chine, pour devenir surtout un concurrent économique et un pourvoyeur de pays contestataires, voire ennemis, lors de conflits armés. « Nous sommes également ici aujourd’hui pour exprimer clairement et sans ambiguïté une réalité stratégique incontournable : les États-Unis ne peuvent plus être principalement concentrés sur la sécurité de l’Europe. Les États-Unis font face à des menaces directes contre notre propre territoire. Nous devons (et nous sommes en train de) donner la priorité à la sécurité de nos propres frontières. […] Cela nécessitera que nos alliés européens s’impliquent pleinement et prennent la responsabilité de leur propre sécurité conventionnelle sur le continent ». 3 L’Europe, et donc le pacte transatlantique, n’est plus une priorité, voire une nécessité, pour l’impérialisme américain, et l’administration Trump l’exprime sans fioritures diplomatiques.

Entre pays européens, des divergences surgissent encore quant à une subsistance éventuelle de liens transatlantiques : certains, tels l’Italienne Meloni ou le Polonais Tusk, espèrent que l’effort d’armement conséquent des pays européens permettra de sauvegarder l’essence de l’alliance et calmera l’agressivité anti-européenne de l’administration Trump ; d’autres par contre constatent le délitement final du lien transatlantique et poussent au développement d’une politique alternative par rapport aux États-Unis. Ces derniers exploiteront sans nul doute la situation en accentuant la pression en vue de la dislocation du « pôle européen ». Ainsi, Trump tendra à développer une politique « transactionnelle » plus favorable envers certains pays, tels la Pologne, ou moins favorable envers d’autres, comme l’Allemagne.

« Écoutez, soyons honnêtes, l’Union européenne a été conçue pour entuber les États-Unis ». 4 La multiplication des tarifs douaniers par les États-Unis envers les importations des « alliés » européens, accusés par Trump de traiter les États-Unis bien plus mal que certains « ennemis », tout comme les représailles européennes, ne feront qu’exacerber les tensions entre les deux rives de l’Atlantique et constituent le volet économique du divorce. Cette guerre commerciale illustre bien en quoi les « partenaires » européens d’antan sont vus aujourd’hui comme des rivaux de l’America first. L’imposition aux pays européens d’un gigantesque effort d’investissements militaires à cause de la fin du parapluie militaire américain a notamment pour objectif d’imposer à tous les pays de l’UE un « gaspillage » d’une partie de leurs réserves économiques dans le développement de leurs moyens militaires afin que ces pays perdent en compétitivité vis-à-vis des États-Unis. En outre, la variation des tarifs douaniers est potentiellement aussi un moyen de semer la discorde entre pays européens.

Les États-Unis à la tête de la guerre de tous contre tous

La remise en cause des relations impérialistes entre grandes puissances a non seulement une signification historique importante, elle débouchera surtout sur une accélération formidable du chacun pour soi, de l’irrationalité et du chaos au niveau mondial.

L’objectif prioritaire de l’administration Trump, dans le prolongement de la politique de Biden d’ailleurs, est d’empêcher par tous les moyens économiques et militaires le challenger chinois de menacer la suprématie déclinante des États-Unis. Dans ce but, Trump cherche à détacher la Russie de la Chine et pour ce faire, il est prêt à sacrifier l’Ukraine et la stabilité de l’Europe, voire la cohésion de l’UE.

Cependant, Si la Russie ne peut que se réjouir du rapprochement opéré par les États-Unis alors qu’elle considère avec méfiance la mainmise économique croissante de la Chine sur la Sibérie, dans le même temps, elle se méfie du caractère fluctuant des décisions de Trump, d’où les réticences de la fraction Poutine à s’engager dans le processus de fin des combats sur la base du « deal » proposé par Washington. En fait, Trump tente un coup, sans être certain de la réussite de celui-ci et sans se préoccuper des conséquences. En ce sens Trump est la caricature de comment la bourgeoisie dans la décomposition développe sa politique impérialiste : « tenter un coup », avec une vision immédiate, sans se préoccuper des conséquences à plus long terme.

Une conséquence majeure du divorce transatlantique est sans nul doute l’explosion généralisée des dépenses d’armement et plus globalement du militarisme en Europe. Les rencontres entre grands pays européens se multiplient pour accroître la production militaire et assurer le soutien à l’Ukraine. Partout en Europe une augmentation des budgets militaires pour les années à venir est annoncée : c’est le cas de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Allemagne, et l’UE annonce un soutien de 800 milliards d’Euros pour les dix années à venir. L’Allemagne a voté une réforme de sa Constitution pour supprimer un point qui lui interdit d’avoir des déficits publics afin de pouvoir s’endetter pour augmenter les dépenses militaires. Mais, des divergences apparaissent déjà entre les États : des nuances s’expriment entre la France et la Grande-Bretagne, d’une part, et l’Italie et la Pologne, par exemple, sur quoi faire par rapport à l’Ukraine. De même, quelle sera l’attitude des autres puissances européennes face à l’Allemagne, première force économique dans l’UE, qui veut aussi devenir la principale puissance de l’UE ? Aux Pays-Bas, le premier ministre a été mis en minorité au sein de sa propre majorité par rapport aux engagements envers l’Ukraine, les populistes défendant l’idée que l’argent doit d’abord servir aux Hollandais. Si des rapprochements stratégiques se dessineront par rapport aux États-Unis et au sein de l’UE, la tendance est à ce qu’il n’y aura plus d’alliances militaires stables, une dynamique propre à l’exacerbation du « chacun pour soi » en période de décomposition et déjà largement constatable dans divers conflits dans le monde.

En lâchant l’Ukraine, en torpillant le Pacte transatlantique, en se tournant vers la Russie, bref en détruisant les dernières fondations de l’ordre international qui avaient survécu à la chute de l’URSS, les États-Unis feront face à un monde impérialiste qui leur sera encore plus hostile et moins contrôlable, car rien de stable ne sortira de ce « bouleversement des alliances » qui ne pourra jamais en engendrer de durables.

En fait, Trump a indiqué face au monde : la parole de l’État américain ne vaut rien, vous ne pouvez pas nous faire confiance. De toute évidence, lui et sa clique ne cherchent pas à établir des alliances internationales solides, mais des « deals » bilatéraux ponctuels, valables « tout de suite maintenant ».

Ainsi, après les échecs successifs de la bourgeoisie américaine à imposer son ordre et à limiter le « chacun pour soi », Trump acte l’impossibilité d’enrayer cette dynamique, mais au contraire se place à la tête de celle-ci en déclarant ouverte la « guerre de tous contre tous ». Voilà la véritable « stratégie » de vandale de la nouvelle administration américaine : « L’ordre mondial est devenu une arme utilisée contre nous. Il nous revient à nouveau de créer un monde libre à partir du chaos. Cela exigera une Amérique […] plaçant ses propres intérêts au-dessus de tout le reste ». 5 Dorénavant, aucun véritable retour en arrière n’est possible.

Pour la classe ouvrière, le divorce transatlantique et le « bouleversement des alliances » annoncent deux choses : une intensification significative des attaques contre leurs conditions de vie, provoquée par l’exacerbation du militarisme, et la multiplication d’horribles confrontations guerrière, telles que celles qui massacrent chaque mois des milliers de personnes en Ukraine ou en Palestine. Face aux campagnes visant à les mobiliser en défense de l’État démocratique, face à la « guerre de tous contre tous », les travailleurs doivent au contraire maintenir leur unité sur leur terrain de classe pour lutter contre les attaques des différentes bourgeoisies.

R. Havanais 20 avril 2025

 

1) « Militarisme et décomposition », Revue internationale n° 64 (1991).

2) Chronique d’Alain Frachon, Le Monde (6 mars 2025).

3) Discours de P. Hegseth, le 12 février 2025 lors de la réunion du Groupe de contact pour l’Ukraine de l’OTAN.

4) Déclaration de Trump, le 26 février 2025.

5) Le secrétaire d’État M. Rubio, commission du Sénat dans « Alliance atlantique ou schisme occidental ? » Le Monde diplomatique (avril 2025).

Conscience et organisation: 

  • Courant Communiste International [2]

Personnages: 

  • Donald Trump [36]
  • Mark Rutte [10]
  • Pete Hegseth [37]
  • Mark Carney [38]
  • Vladimir Poutine [39]
  • James David Vance [40]
  • Giorgia Meloni [41]
  • Donald Tusk [42]
  • Alain Frachon [43]
  • Joe Biden [44]
  • Marco Rubio [45]

Questions théoriques: 

  • Décomposition [12]
  • Impérialisme [46]

Rubrique: 

Tensions impérialistes

Droits de douane américains, guerres commerciales, protectionnisme… Le capitalisme n’a aucune solution à la crise économique mondiale !

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Après la surenchère folle des derniers mois sur les droits de douane et la chute des bourses et du dollar qui en ont été la conséquence, le monde est suspendu aux décisions que Trump prendra ou ne prendra pas, celles sur lesquelles il reviendra ou pas… Pour la grande majorité des factions de la bourgeoisie, la politique de l’administration américaine est « absurde », les décisions de Trump sont « folles » et elles menacent le développement d’une économie mondiale déjà chancelante, et en premier lieu celui de l’économie américaine. Selon les prévisions récentes du FMI, la croissance de l’économie américaine reculerait de près de 1 % par rapport aux prévisions précédentes, l’économie chinoise de 0,6 %, l’économie mondiale de 0,5 %.

Ce qui menace fondamentalement l’économie mondiale et l’humanité, c’est le capitalisme décadent qui est entré dans sa phase finale de décomposition, où se combinent à présent les effets de la crise économique, des guerres, de la crise climatique, et de toutes les manifestations du pourrissement sur pieds de la société dans un monde à l’agonie. Trump, de même que le populisme, n’est autre qu’un produit de cette dynamique.

Les fondements du grand désordre économique

Depuis la réapparition de la crise économique à la fin des années 1960, produit des contradictions fondamentales du capitalisme, la bourgeoisie a mis en œuvre des palliatifs pour essayer de reporter à plus tard les effets les plus lourds de la récession. L’efficacité de telles politiques reposait sur la capacité des principaux pays industrialisés à s’accorder sur un certain niveau de coopération internationale basée sur la mise en œuvre de mécanismes de capitalisme d’État qui, notamment, constituèrent la charpente de la mondialisation de l’économie et permirent, dans un premier temps, aux échanges économiques d’échapper au chaos sévissant, par exemple, sur les plans impérialiste ou de la vie politique de la bourgeoisie.

Ainsi, au plus grave de la convulsion économique de 2007-2008, qui avait déjà frappé durement les États-Unis, et celle de 2009-2011 avec la crise de la « dette souveraine », la bourgeoisie avait pu concerter ses réponses, ce qui a permis d’atténuer un peu les coups de la crise et garantir une « relance » anémique pendant la phase 2013-2018.

Mais une telle politique a trouvé ses limites dans la tendance croissante au « chacun pour soi » des différentes fractions nationales de la bourgeoisie, les rendant de moins en moins capables d’apporter une réponse un minimum concertée, à travers des mesures palliatives, à la crise mondiale du capitalisme. Une telle « évolution » était la marque de l’expansion de la décomposition du capitalisme, en particulier du chacun pour soi à tous les niveaux de la société, y compris à celui de la gestion du capital par la bourgeoisie. Cela se confirma de manière éclatante avec la pandémie de 2020 et ensuite les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient, qui ont provoqué la fermeture des frontières, suscité un courant très significatif en faveur de mesures de « relocalisation nationale » de la production, de préservation de secteurs clé dans chaque capital national, du développement d’entraves à la circulation internationale des marchandises et des personnes. Tout cela a contribué à semer la pagaille dans les politiques monétaires, financières, commerciales.

Trump 2.0, facteur de déstabilisation de l’économie

C’est dans ce terrain miné que Trump revient aux affaires avec sa politique populiste décomplexée, irrationnelle au possible, changeante et complétement imprédictible. Tout en étant un produit du pourrissement sur pied du capitalisme, Trump est à son tour un facteur actif de celui-ci. C’est ce qu’illustre de façon on ne peut plus probante ses gesticulations à la tête de l’exécutif américain dans la guerre des droits de douane qu’il a enclenché contre le monde. Les justifications « économiques » avancées par l’administration Trump dans sa croisade pour augmenter les tarifs douaniers imposés sur la plupart des marchandises importées sont soit du bluff, soit absurdes, voire l’un et l’autre.

L’une d’entre elles, presque risible, est que jusqu’alors les États-Unis auraient été trop généreux avec leurs partenaires qui ne se lassaient pas de profiter des largesses de l’oncle Sam. Il fallait donc « remettre les pendules à l’heure » en se payant grassement avec des droits de douanes sur certaines marchandises importées.

Une autre justification invoque la lutte contre l’inflation, qui est un sujet sensible aux États-Unis puisque l’envolée des prix sous la présidence Biden avait largement contribué à la défaire électorale des démocrates aux dernières élections. On ne voit pas trop comment le renchérissement des produits importés pourrait faire baisser les prix aux États-Unis, si ce n’est au moyen de mystérieux mécanismes compensatoires. Mais là n’est pas l’essentiel : il existe ici une tentative de masquer la cause réelle de l’inflation.

En effet, ce n’est pas l’augmentation des droits de douane qui empêchera l’inflation, laquelle a une cause qui est tout autre : « Les causes fondamentales de l’inflation sont à rechercher dans les conditions spécifiques du fonctionnement du mode de production capitaliste dans sa phase de décadence. En effet, l’observation empirique nous permet de constater que l’inflation est fondamentalement un phénomène de cette époque du capitalisme ainsi que de constater qu’elle se manifeste avec le plus d’acuité pendant les périodes de guerre (1914-18, 1939-45, la guerre de Corée, 1957-58 en France pendant la guerre d’Algérie…), c’est-à-dire celles où les dépenses improductives sont les plus élevées. Il est donc logique de considérer que c’est à partir de cette caractéristique spécifique de la décadence, la part considérable des armements et plus généralement des dépenses improductives dans l’économie, qu’on doit tenter d’expliquer le phénomène de l’inflation ». 1

En deux mots, si le coût de la vie augmente aux États-Unis comme ailleurs c’est en bonne partie pour payer le prix des dépenses militaires (improductives). Maintenir loin devant tous ses rivaux impérialistes une très grande avance sur le plan militaire (y compris le plus puissant d’entre eux, la Chine) a un coût qui est très loin d’être négligeable et qu’il faut faire payer à la population.

Les conséquences de la guerre des droits de douane

La « guerre tarifaire » n’est qu’une illustration sur le plan économique de la remise en question de l’ordre mondial établi après 1945 et qui a déjà largement volé en éclat sur le plan impérialiste avec le « divorce transatlantique », au profit d’une politique de chacun contre tous totalement irrationnelle et imprédictible. Or, sur le plan économique, le manque de visibilité sur le futur est pour le capitalisme un facteur inhibiteur de l’activité économique. Dans le cas présent de la politique de Trump, c’est plus qu’un manque de visibilité dont il s’agit mais bien de l’impossibilité de prévoir quoi que ce soit, puisqu’il est capable de changer de position du jour en lendemain et plusieurs fois de suite, et cela en fonction de ses intérêts immédiats. Sa démarche, qui est celle consistant à tenter des « bons coups » au détriment de ses adversaires du moment, ne concerne pas seulement les questions économiques avec les droits de douane, puisqu’on la voit également à l’œuvre sur le plan impérialiste dans les négociations autour de la paix en Ukraine.

Par ailleurs, réagir à la dépression économique par la levée de droits de douane constitue l’effacement total des leçons que la bourgeoisie a tirées de la Grande Dépression des années 1930, c’est-à-dire que le protectionnisme ne peut qu’aggraver la crise de surproduction en réduisant les marchés encore plus.

Enfin, les méthodes aberrantes et autoritaires de l’administration Trump, souvent totalement irrationnelles eu égard non seulement au bon fonctionnement du capitalisme mais encore concernant les propres intérêts des États-Unis, renvoie l’image d’une première puissance mondiale aux comportements imprévisibles et à laquelle on ne peut plus se fier. S’agissant de la première puissance économique mondiale, distançant de loin toutes ses rivales, en particulier sur le plan militaire, l’impact de la politique de Trump sur les rapports entre nations au niveau de l’ensemble de la planète ne peut être que ravageur.

Les effets les plus lourds et dévastateurs de cette déstabilisation globale toucheront en premier lieu la classe exploitée dans le capitalisme : la classe ouvrière. Déjà directement par l’inflation qui va attaquer fortement son pouvoir d’achat et donc sa capacité à survivre dans la situation. Mais les capitaux nationaux vont aussi devoir trouver des compensations à l’augmentation des coûts liés à la reconfiguration des flux de production issus de la mondialisation et aux relocalisations. Pour cela ils n’auront pas d’autre possibilité que d’attaquer les prolétaires, supprimer des emplois, dégrader les conditions de travail pour réduire les coûts marginaux et réduire frontalement les salaires et les revenus indirects liés à la protection sociale. Les annonces des différents gouvernements européens sur les « efforts » à consentir pour « sauver » l’économie nationale ne sont rien d’autre qu’une préparation idéologique aux coups qui vont pleuvoir sur le prolétariat.

La classe ouvrière doit s’attendre, partout dans le monde, à être la première à payer cette plongée dans l’incertitude et le chaos. Les attaques vont s’intensifier et s’accompagneront forcément de campagnes idéologiques qui feront porter la responsabilité de la situation, qui à Trump, qui à la démocratie qu’on attaque, qui aux fauteurs de guerre en Amérique, en Russie et sans doute ailleurs quand ce sera nécessaire.

La guerre commerciale servira aussi à amplifier le discours nationaliste pour la protection de « nos valeurs », la défense de « notre patrimoine économique » et de la « grandeur de notre nation ». Il ne faudra pas tomber dans le panneau. La décomposition du capitalisme entraîne le système sous toutes ses dimensions dans l’abîme. Rien ne peut sortir l’humanité du gouffre, ni des mesures maintes fois essayées et ayant toujours généré plus de crises et de guerres, ni des « efforts » de la force de travail pour encore plus réduire ses coûts et donc ses conditions de travail et moyens de survie.

Rien, sauf une remise en cause totale et radicale de ce système, son renversement au profit d’une société débarrassée de la domination du capital et au seul bénéfice de l’humanité et de son environnement. Cette société, le communisme, est un projet entre les mains du prolétariat qui, en se battant contre les attaques portées contre lui par la bourgeoisie, pourra de plus en plus concevoir ce pouvoir et ses responsabilités historiques. Le chemin est sans doute encore très long mais les perspectives tracées par la situation actuelle ne font que signaler l’urgence d’un développement de la lutte.

Syl. D., avril 2025

 

1) Révolution internationale, ancienne série n° 6, cité dans notre « Rapport sur la crise économique pour le 25e congrès du CCI » (2024).

Conscience et organisation: 

  • Courant Communiste International [2]

Personnages: 

  • Donald Trump [36]
  • Joe Biden [44]

Questions théoriques: 

  • Populisme [25]
  • Décomposition [12]
  • L'économie [47]

Rubrique: 

Tensions impérialistes

L’importance historique du divorce entre les États-Unis et l’Europe

  • 5 lectures

Le CCI tient régulièrement des permanences et des réunions publiques, physique ou en ligne. Celle du 5 avril s’est tenue en ligne, regroupant des participants de différents pays et continents. Lors de ce débat, la discussion s’est penchée sur les évolutions de la situation internationale, une situation particulièrement grave et complexe. Cela, afin de pouvoir mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre, de pouvoir mieux poser les conditions de la lutte de classe avec la plus grande clarté possible.

Le déroulement de la discussion

Une introduction du CCI a présenté le cadre politique pour comprendre la signification et les implications du divorce transatlantique, celui que nous pouvons constater entre les États-Unis et l’Europe et qui s’est largement amplifié et confirmé depuis. La dynamique mondiale, qui est à l’œuvre depuis 1989 et qui culmine aujourd’hui avec l’élection de Trump et l’éclatement des alliances scellées à la fin de la Seconde Guerre mondiale, a des implications à différents niveaux de la vie de la société. En particulier sur le plan impérialiste et la lutte de classe.

Sur la base de notre présentation, les participants étaient appelés à intervenir plus précisément sur les thématiques et problématiques suivantes :

– Derrière les promesses de paix de Trump, pouvons-nous nous attendre à autre chose que plus de militarisme et d’escalade guerrière ? La dynamique à l’œuvre depuis 1989 a-t-elle maintenant atteint un nouveau palier historique ?

– La classe capitaliste n’a-t-elle d’autre choix, afin de financer de vastes programmes d’armement, que d’attaquer les travailleurs partout et de la manière la plus impitoyable ?

Un divorce définitif

Les camarades qui sont intervenus après l’exposés ont exprimé un soutien global aux positions défendues par le CCI sur la question des tensions guerrières, avec toutefois des nuances, voire chez un camarade une vision différente à propos de la manière dont le monde s’enfonce dans la barbarie guerrière. Selon lui on assiste à un renforcement de trois blocs impérialistes rivaux.

Mais dans le cadre de cette réunion, il nous a semblé préférable de laisser cette question très importante en suspens afin de privilégier l’analyse du changement historique occasionné par le divorce entre les États-Unis et l’Europe.

Bon nombre d’interventions sont allées dans le sens d’une confirmation de la réalité du développement du chacun pour soi, en particulier au sein de l’UE, soulignant un phénomène aggravé par les pressions américaines et la politique erratique de Trump comme expression du capitalisme en décomposition. Bon nombre de camarades se sont centrés sur les points que nous jugeons essentiels, en tentant notamment d’appréhender la signification de ce que nous qualifions de « divorce » entre les États-Unis et l’UE scellant la rupture de leur alliance : « il est difficile de prédire une rupture définitive entre les États-Unis et l’UE, mais il est clair que l’UE aura un besoin urgent d’augmenter ses dépenses militaires et de renforcer son indépendance […]. Au-delà de Trump, la politique américaine envers la Chine tend à diviser l’UE. De nombreux facteurs divisent les pays : une alliance étroite, fragile ces trente dernières années, mais qui ne se reproduira plus ». Un autre camarade a souligné l’importance du phénomène et sa gravité : « Nous observons une fracture entre les États-Unis et l’Europe. Cela confirme ce qui se passe depuis un certain temps. C’est un Choc et la stupeur face à Trump […]. Même la bourgeoisie affirme que le monde est devenu plus dangereux […]. L’élection de Trump est une nouvelle étape qualitative du capitalisme vers la barbarie ».

De nombreuses interventions ont évoqué aussi, dans ce cadre, le poids du populisme et sa réalité. Un camarade a ainsi cherché à mettre en exergue « une accélération profonde de la crise de toutes les bourgeoisies » mettant en évidence que « la bourgeoisie américaine a encore une supériorité sur la Russie avec l’objectif de mettre le bazar en Europe pour tenter de garder le leadership mondial et damer le pion à la Chine. On est dans une espèce de course folle vers le néant et il n’y a pas le choix pour la bourgeoisie, quoiqu’elle fasse, cela se retourne contre elle […]. Il faut [pour les États-Unis] désorganiser l’Europe, faire tout pour contrecarrer la concurrence de l’Europe ».

Les camarades qui sont intervenus ont souligné les difficultés qu’il y avait pour appréhender une situation mouvante et complexe. Le CCI a donc tenté de contribuer au débat avec le souci de donner un cadre mettant davantage l’accent sur la profondeur historique des changements opérés sur le plan international. Pour comprendre la situation, en particulier cette question du divorce entre les ex-alliés du bloc occidental, nous pensons qu’il est nécessaire de partir de l’équilibre des alliances dans les rapports impérialistes traditionnels instaurés depuis 1945. Après la Seconde Guerre mondiale, il a toujours existé une alliance forte et une certaine dépendance entre les États-Unis et l’Europe de l’Ouest. Même après la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, malgré la menace de disparition du bloc occidental et sa désagrégation progressive, les anciens alliés restaient en partie soudés du fait de leur « victoire » mais aussi de leurs inquiétudes et prudence face à un effondrement du bloc de l’Est qui conduisait à rebattre les cartes sur le plan impérialiste. Prônant la « victoire du monde libre » et de la « démocratie », puis la « mort du communisme », il existait encore des liens politiques au sein des ex-alliés, liens qui se sont distendus par la suite du fait de la contestation croissante de l’autorité américaine sans que, pour autant, celle-ci disparaisse totalement.

Or, en février 2025, l’administration Trump entrait en pourparlers avec la Russie de Poutine sans la participation des pays européens et de l’Ukraine. Trump est allé jusqu’à reprendre les arguments de la Russie, justifiant ainsi l’intervention en Ukraine, en opposition totale avec la vision de la plupart des pays Européens. La rencontre entre le président Ukrainien Zelenski humilié et le couple Trump/Vance à Washington a confirmé cet alignement officiel de l’équipe Trump sur les revendications de la Russie face au « dictateur Zelenski ». Ainsi, concernant tant la question ukrainienne que celle de l’OTAN, Trump 2.0 marque une véritable rupture avec les anciens alliés européens. Les liens ténus se sont rompus.

Contrairement aux groupes du milieu politique prolétarien qui pensent que nous nous orientons vers des blocs militaires et une Troisième Guerre mondiale, les faits têtus démontrent qu’il n’en est rien. Même les alliés historiques comme les États-Unis, la Grande Bretagne ou le Canada ne marchent plus ensemble comme par le passé. Cela ne signifie nullement pour autant que le militarisme et la guerre ne sont plus des menaces, bien au contraire !

Dans cette période d’aggravation de la décomposition, il existe un chaos croissant qui s’instaure dans les rouages politiques de la bourgeoisie et alimente le militarisme. La montée du populisme, qui ne correspond pas à une politique réfléchie, rationnelle de la bourgeoisie, donne des orientations politiques chaotiques et aberrantes. Nous avons mentionné des exemples, dont celui spectaculaire de la Grande-Bretagne avec le Brexit, non souhaité par la partie de la bourgeoisie la plus éclairée. Une des bourgeoisies les plus expérimentées au monde perdait ainsi le contrôle de son appareil politique !

Aujourd’hui, nous constatons que la première puissance mondiale, à son tour, se donne comme dirigeants une équipe d’aventuriers irresponsables. Jamais dans la diplomatie bourgeoise de tels comportements ont pu être observés, même pendant les pires moments de la guerre froide, des comportements de voyous qui deviennent peu à peu la règle. De nombreux exemples ont aussi été donnés relatifs à l’irrationalité et la bêtise des orientations populistes, comme celle consistant à d’attaquer systématiquement la science en privant ainsi la classe dominante de certains outils, prouvant à quel point la montée au pouvoir de l’équipe Trump constitue une aberration totale face à la nécessité pour les différentes fractions bourgeoises au pouvoir de défendre les intérêts de la bourgeoisie américaine et de son État.

Les perspectives de la lutte de classe

Le deuxième point traité durant cette réunion publique concernait les perspectives de la lutte de classe. Malheureusement, si elle a été très vivante et passionnante, cette deuxième partie de discussion a manqué de temps, en particulier pour explorer la question de la dynamique du combat ouvrier.

Globalement, les interventions ont souligné que, face aux attaques brutales, le prolétariat sera amené à lutter : « Toutes les puissances impérialistes augmentent leurs budgets militaires et développent une économie de guerre. C’est la classe ouvrière mondiale qui subira le poids de cette économie de guerre et des politiques d’austérité, subissant une baisse de son niveau de vie. La classe ouvrière sera forcée de répondre par la lutte des classes ». De même, cette insistance : « De toute évidence, il est impossible d’éviter les attaques contre la classe ouvrière, et c’est vrai partout, en raison de la crise. En Europe en particulier, comme je l’ai mentionné précédemment, l’augmentation nécessaire des dépenses militaires, un doublement, se fait aux dépens de la classe ouvrière. La situation ne fait que s’aggraver ».

Beaucoup d’interventions se basaient sur l’analyse selon laquelle « le prolétariat n’est pas près d’être mobilisé pour la guerre », ce qui est effectivement très important et vérifié dans les parties du monde où le prolétariat a la plus forte expérience historique.

Certaines interventions ont aussi insisté avec lucidité sur les obstacles auxquels la classe ouvrière doit se confronter, notamment sur le plan idéologique. Ainsi, la classe ouvrière : « doit résister aux dangers posés par certains gauchistes ou démocrates (à savoir la fausse dichotomie entre démocratie et fascisme) et rester engagée dans sa lutte indépendante. La seule voie progressiste est la lutte des classes ». Une autre intervention allait dans le même sens en s’appuyant sur l’expérience de l’histoire de la Gauche communiste : « la défense de la démocratie contre le fascisme ou l’irrationalité populiste est un aspect essentiel des attaques idéologiques de la bourgeoisie contre la classe ouvrière […]. Parallèlement, d’autres factions de la bourgeoisie parlent de résistance et de défense de la démocratie contre les dangers autocratiques de Trump. La Gauche communiste a toujours été consciente du danger de ce type d’idéologie. Bordiga avait déclaré que le pire produit du fascisme était l’antifascisme ».

Une question cependant plus difficile à appréhender a été celle de savoir si le prolétariat pourra récupérer pleinement son identité de classe, sa conscience de constituer une classe historique aux intérêts opposés à ceux de la bourgeoisie, s’il sera capable de renforcer son combat en vue du renversement du capitalisme. Il s’agit là d’une question très importante, qui est la clé du processus de développement de la conscience de la classe ouvrière. Pour le CCI, ce processus a démarré et s’exprime de manière souterraine et aussi de façon plus visible, comme au moment des luttes au Royaume-Uni de l’été 2022, qui a constitué une rupture dans la dynamique mondiale de la lutte de classe.

En effet, jusque-là, la classe ouvrière était prisonnière des campagnes idéologiques de la bourgeoisie sur une prétendue « fin de la lutte de classe » et sur la « non-existence même de la classe ouvrière ». Une propagande bâtie à partir de l’effondrement du bloc de l’Est présenté comme « preuve » de la « mort du communisme ». En réalité, le recouvrement de l’identité et de la conscience de classe sera un processus long, de plus entravé par de nombreux pièges idéologiques tendus par la bourgeoisie pour tenter de l’en détourner, comme l’ont souligné divers intervenants.

Pour comprendre le sens de la rupture opérée dans les tréfonds de la conscience ouvrière, il convient de prendre du recul historique et procéder avec méthode. Pour le CCI, si nous ne pouvons mettre sur le même plan les grèves en Grande-Bretagne et celles de la fin des années 1960, nous pouvons tout de même procéder, toute proportion gardée, par analogie. Les grèves de 1968 étaient bien plus importantes historiquement. Cependant, les grèves en Grande-Bretagne de l’été 2022 témoignaient de la réalité d’une nouvelle dynamique qualitative de la lutte de classe. Comme l’a rappelé un camarade « cette lutte a éclaté au même moment que la guerre qui faisait rage en Ukraine, avec une vaste campagne médiatique sur la guerre et une crise politique au sein de la bourgeoisie autour de Johnson, juste après la pandémie. Malgré cela, la classe ouvrière a fait passer ses intérêts avant ceux du capitalisme. Ce n’était donc pas une réponse pavlovienne aux attaques, mais le fruit d’une réflexion ».

Nous devons aussi comprendre dans ce processus l’importance du prolétariat anglais, le plus ancien du monde. Dans les années 1970, il était à l’avant-garde de la lutte du prolétariat mondial. Comparée à des pays comme l’Italie, la Grande-Bretagne, en particulier en 1979, était bien le théâtre d’un nombre plus important de jours de grève. Le prolétariat était extrêmement combatif durant cette période, et cela a culminé en 1985 avec les grèves des mineurs. Mais il s’agissait d’un piège tendu par la bourgeoisie qui a isolé et vaincu le prolétariat. Une défaite qui a entraîné une grande passivité pendant des décennies. Il y a eu alors un ralentissement et un reflux des luttes ouvrières un peu partout dans le monde. La chute de l’URSS a aggravé la situation en Grande-Bretagne.

Pourtant, après une période de passivité de plusieurs décennies, le Royaume Uni a été le théâtre du grand mouvement de grèves de l’été 2022. À partir de ce moment, nous avons constaté un changement d’état d’esprit dans la classe ouvrière, dans le rapport de force entre le prolétariat et la bourgeoisie à différents endroits. Un changement qui s’est poursuivi avec des luttes en France, aux États-Unis ou en Belgique, comme il n’en avait pas existé depuis les années 70 et 80. Ce changement d’atmosphère dans la combativité ouvrière ne concerne donc pas seulement la Grande-Bretagne, mais il est le signe d’un changement qui s’effectue en profondeur au sein du prolétariat international.

Bien entendu, il ne faut pas s’attendre mécaniquement à un développement rapide de la lutte et de la conscience prolétariennes. Le chemin est long. La classe ouvrière aura besoin de temps pour développer son identité de classe et sa force, elle devra faire face aux obstacles comme diverses interventions l’ont bien illustrées. C’est un passage obligé pour la classe ouvrière, avant de pouvoir développer sa conscience historique et donner une perspective politique à la lutte.

Les insistances ont porté sur le fait que ces attaques vont également susciter la résistance de la classe ouvrière. La classe ouvrière sera donc attaquée aussi brutalement que dans les années 1930. Face à cette situation, elle doit plus que jamais se battre sur son propre terrain de classe, à savoir la défense de ses intérêts économiques. Même si la classe ouvrière est confrontée à de grandes difficultés, elle n’est pas vaincue et a commencé à relever la tête.

Face à ces perspectives de lutte de classe, nous avons réaffirmé que les révolutionnaires doivent être prêts à intervenir en vue de soutenir la résistance de notre classe, de défendre l’auto-organisation, l’unification des luttes et surtout participer au processus lent et difficile de politisation du combat.

CCI, 23 avril 2025

Vie du CCI: 

  • Réunions publiques [48]

Personnages: 

  • Donald Trump [36]

Récent et en cours: 

  • Divorce transatlantique [49]

Rubrique: 

Réunions publiques internationales du CCI

Quelle politique pour la classe ouvrière face au danger croissant de la guerre ?

  • 85 lectures

La barbarie guerrière en Ukraine et au Moyen-Orient semble se poursuivre sans fin, tout comme les nombreuses guerres en Afrique, en particulier au Congo et au Soudan. Pendant ce temps, les puissances européennes sont plus ou moins abandonnées par leur ancien « protecteur » américain, imposant une augmentation significative des dépenses militaires pour leur « défense », ce qui impliquera sans aucun doute des attaques croissantes contre le niveau de vie des travailleurs. Les tensions entre les États-Unis et la Chine s’accentuent également. La question de la guerre et de la lutte contre celle-ci se pose donc avec de plus en plus d’acuité pour tous ceux qui visent à défendre les intérêts internationaux de la classe ouvrière.

Cependant, toute tentative d’adopter une position claire contre la guerre aujourd’hui se confronte immédiatement à un certain nombre d’obstacles. D’un côté, il y a les loups va t’en guerre déguisés en agneaux « internationalistes » : les organisations de l’extrême gauche du capital qui se présentent comme d’authentiques révolutionnaires. Au premier rang de ces organisations figurent les organisations trotskistes, dont un certain nombre ont radicalisées leur discours pour prendre en charge tout réel questionnement sur la nature de la guerre aujourd’hui. 1 Les organisations gauchistes de la bourgeoisie se présentent aujourd’hui comme de véritables défenseurs de l’internationalisme. Mais leur internationalisme n’est qu’une couverture pour leur chauvinisme pur et dur. Ainsi, certains groupes gauchistes (y compris les anarchistes), appellent à soutenir l’Ukraine au nom du « moindre mal », de la « défense du plus faible agressé » dans la lutte contre la Russie de Poutine. D’autres considèrent encore la Russie comme une sorte de « force anti-impérialiste » et soutiennent sa guerre contre l’OTAN, comme le World Socialist Website (WSWS) publié par le Comité International de la Quatrième Internationale. Un groupe trotskiste plus « radical », le Revolutionary Communist Party (anciennement International Marxist Tendency), semble cependant adopter, en apparence, une position internationaliste : « Nous ne pouvons soutenir aucun des deux camps dans cette guerre, car il s’agit d’une guerre réactionnaire des deux côtés. En dernière analyse, il s’agit d’un conflit entre deux groupes d’impérialistes ». Mais face à la guerre au Moyen-Orient, l’internationalisme du RCP a complètement disparu : « Dès le premier jour de cet horrible conflit, nous avons participé au mouvement de solidarité pour la libération de la Palestine ».

Ce que les gauchistes ne peuvent jamais mettre en avant, c’est la conclusion déjà tirée par Rosa Luxemburg pendant la Première Guerre mondiale : dans la période de décadence du capitalisme, l’ère de « l’impérialisme débridé », toutes les nations et toutes les guerres sont impérialistes. De plus, toutes les guerres sont les maillons d’une même chaîne de destruction : par exemple, ceux qui soutiennent les forces militaires luttant pour la « libération de la Palestine » soutiennent nécessairement « l’axe de la Résistance » soutenu par l’Iran, qui à son tour est un fournisseur de drones meurtriers à la Russie dans son attaque contre l’Ukraine.

Il y a aussi tout un paysage de forces politiques qui habitent une zone que nous appelons souvent le « marais », « cette zone intermédiaire qui rassemble tous ceux qui oscillent entre le camp du prolétariat et celui de la bourgeoisie, qui se dirigent constamment vers l’un ou l’autre camp ». 2

Face à la guerre en Ukraine, un certain nombre de groupes, pour la plupart anarchistes, défendent sans ambiguïté, même si sans principe, une position internationaliste d’opposition aux deux camps, critiquant fortement les autres groupes anarchistes qui ont formé des « unités autonomes » au sein de l’armée ukrainienne. Cette position internationaliste a été le point de départ de la conférence « anti-guerre » de Prague à laquelle nous avons participé l’été dernier. 3 Mais comme nous l’avons également vu à Prague, ces anarchistes refusent de se donner un cadre politique cohérent basé sur la classe ouvrière comme seul sujet historique capable de renverser le capitalisme et donc de mettre fin à toutes les guerres. Ils sont souvent tentés par la recherche de résultats immédiats basés sur l’activisme de petits groupes (par exemple, la tentative d’obstruction ou de sabotage de la production ou de la fourniture d’armes). Et dans certains cas, ce type d’activisme déborde vers le gauchisme pur et dur, comme dans le cas du Groupe communiste anarchiste, qui a rejeté à la fois Israël et le Hamas dès le début de la guerre, mais qui en même temps a fait de la publicité pour des activités de Palestine Action, 4 un groupe activiste qui a clairement choisi son camp dans un cadre nationaliste. Les révolutionnaires doivent intervenir dans ce paysage politique, en mettant en évidence ses confusions et en le poussant plus avant vers un niveau de clarté supérieur à celui qu’il a atteint.

Enfin, qu’en est-il du milieu révolutionnaire lui-même, celui des organisations de la seule tradition qui a maintenu un internationalisme cohérent depuis plus d’un siècle, la Gauche communiste internationale ?

La guerre impérialiste et les tâches de la Gauche communiste

Comme le prolétariat dans son ensemble, que Marx appelait dans L’Idéologie allemande : « une classe de la société civile qui n’est pas une classe de la société civile », les organisations révolutionnaires sont un « corps étranger » à l’intérieur de ce système, une expression vivante de l’avenir communiste, et pourtant elles vivent et respirent à l’intérieur de ce système, ce qui signifie qu’elles ne sont jamais à l’abri d’inhaler le poison de l’idéologie dominante.

La maladie que cette idéologie entraîne est connue sous le nom d’opportunisme, c'es-à-dire s’adapter aux visions sous-jacentes de ce système (comme l’idée que les nations sont quelque chose d’éternel et au-dessus de la division de la société en classes)et celle d’édulcorer les principes afin d’obtenir un écho immédiat au sein des masses.

La pénétration de l’opportunisme dans le milieu existant de la Gauche communiste est particulièrement évidente lorsque l’on examine la réponse des différents groupes bordiguistes (ces différents groupes se nommant tous Parti communiste international) face à la guerre au Moyen-Orient. Après avoir adopté une position claire sur la guerre en Ukraine, leurs déclarations sur Gaza et la question palestinienne, à l’instar de nombreux groupes dans le marais, sont souvent très ambiguës, tendant à soutenir la lutte des « masses palestiniennes » spécifiquement contre l’occupation Israélienne, ou exigeant que les travailleurs israéliens se mobilisent d’abord pour soutenir les Palestiniens avant de pouvoir se joindre à une bataille de classe commune contre les exploiteurs des deux camps. Comme nous le montrons dans un article de la Revue internationale n° 173, 5 les confusions des différents groupes bordiguistes sur la question nationale ont des racines historiques profondes, reflétant une réelle difficulté à reconnaître que le capitalisme n’est plus, et n’est plus nulle part, un système ascendant avec des possibilités de révolutions nationales ou bourgeoises comme il l’était à l’époque du Manifeste du Parti communiste.

Les concessions à l’idéologie et aux pratiques bourgeoises, qui caractérisent l’aile droite du mouvement ouvrier, ont toujours été accompagnées d’un sectarisme à l’égard de l’aile gauche du mouvement, de ceux dont l’adhésion aux principes et dont la capacité à comprendre les changements historiques profonds de la situation du capitalisme et du prolétariat fondés sur l’analyse et l’évolution du rapport de forces entre les deux classes déterminantes de la société, irritent ceux qui veulent poursuivre leurs schémas opportunistes.

C’est clairement le cas des bordiguistes, qui ont presque toujours refusé de discuter avec les autres courants du mouvement révolutionnaire, un nouveau « principe éternel » en totale contradiction avec la pratique de la Fraction italienne de la Gauche communiste dans les années 1930, qui a toujours soutenu que la confrontation des positions politiques était une nécessité vitale pour le développement de la clarté et l’unification finale du mouvement révolutionnaire.

Lorsque la guerre d’Ukraine a éclaté en 2022, le CCI a appelé à une Déclaration commune de défense des principes internationalistes par tous les groupes authentiques de la Gauche communiste. Cet appel a été suivi par d’autres : sur la guerre au Moyen-Orient ou sur les campagnes bourgeoises autour de la « défense de la démocratie » contre la droite populiste. À quelques exceptions près, dont nous ne voulons pas minimiser l’importance, ces appels ont été systématiquement rejetés par les autres groupes.

La réponse (ou dans la plupart des cas, la non-réponse) des bordiguistes était prévisible, puisqu’elle correspond à leur idée classiquement sectaire selon laquelle leurs différentes organisations ont déjà atteint la position ultime et indépassable d’être le seul et unique parti de classe. Mais il faut aussi noter que la Tendance communiste internationaliste (TCI), dont les positions programmatiques, notamment sur la question nationale, sont beaucoup plus proches des nôtres que celles des bordiguistes, a également rejeté notre appel, comme l’ont fait leurs prédécesseurs à d’autres moments de conflits impérialistes aigus, tels que l’invasion russe de l’Afghanistan, la guerre dans l’ex-Yougoslavie, etc.

Une Déclaration commune de la Gauche communiste était rejetée pour diverses raisons : parce qu’elle était soi-disant « trop générale » et ignorait « d’importantes différences d’analyse », parce qu’elle n’a « pas été envoyée à des groupes » que nous définissons comme parasites mais qu’ils veulent accepter comme faisant partie de la Gauche communiste (par exemple, le GIGC), 6 et surtout parce que leur principale préoccupation était de réunir un plus large éventail de groupes et d’individus internationalistes au-delà de la Gauche communiste. D’où leur initiative No War But the Class War (NWBCW), consistant à constituer des groupes sur la base d’un ensemble réduit de principes et de large ouverture afin de faire de la propagande ou de l’agitation contre la guerre impérialiste. 7

Pour nous, il s’agissait d’un nouveau cas de sectarisme envers la Gauche accompagné d’une approche opportuniste du marais : l’initiative du NWBCW était particulièrement destinée au milieu anarchiste, et avant la conférence de Prague, elle était proposée comme une voie à suivre pour toutes ses composantes très hétérogènes, dont la majorité voit l’opposition à la guerre d’une manière totalement activiste.

En fait, comme nous l’avons souligné dans un article consacré à la conférence, l’un des éléments les plus positifs de cette réunion a été l’amorce d’une coopération politique entre le CCI et la CWO (Communist Worker’s Organisation, section anglaise de la TCI) en vue de présenter une critique de l’activisme individuel ou de petits groupes, fondée sur la reconnaissance claire du fait que l’opposition à la guerre impérialiste ne peut naître que de la lutte de masse du prolétariat pour la défense de ses propres intérêts de classe. 8

Ce fragile moment d’unité entre les forces de la Gauche communiste (qui s’est heurté à une réelle hostilité de la part de certains « organisateurs » de la conférence) constitue à nos yeux une justification de l’approche adoptée par la Gauche, en particulier par Lénine et les bolcheviks, lors des conférences de Zimmerwald et de Kienthal pendant la Première Guerre mondiale. Les bolcheviks ont compris la nécessité de participer à ces conférences, malgré le fait qu’elles réunissaient des pacifistes et des centristes ainsi que des internationalistes conséquents. L’essentiel était d’être présent pour avancer une critique rigoureuse du pacifisme et du centrisme et pour esquisser une véritable position internationaliste (qui, à l’époque, s’exprimait le mieux par le slogan « transformer la guerre impérialiste en guerre civile »).

La même conclusion s’applique aujourd’hui : oui, il faut aller à la rencontre de tous ceux qui veulent lutter contre la guerre impérialiste, se réunir avec eux, discuter avec eux, mais sans faire de concessions à la conception confuse de l’organisation des groupes, à leur incohérence politique et à leurs concessions à l’idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise. Pour ce faire, une position unifiée des groupes de la Gauche communiste est un point de départ essentiel.

Il ne s’agit pas de nier l’existence de désaccords importants entre les groupes de la Gauche communiste, par exemple sur la question de savoir si la dynamique guerrière actuelle voit la reconstitution des blocs impérialistes et se dirige vers une troisième guerre mondiale, ou si la tendance dominante est celle d’un chaos impérialiste non moins dangereux. Ce sont là des points de discussion sur lesquels nous reviendrons dans un deuxième article, qui portera sur la signification du « divorce » entre les États-Unis et l’Europe. Mais ce que la semaine d’action de Prague a montré, c’est que la Gauche communiste est bien le seul courant capable d’aborder le problème de la guerre dans une perspective de classe.

Selon nous, l’application de cette perspective aux conditions actuelles conduit à la conclusion que la possibilité d’une opposition prolétarienne de masse à la guerre impérialiste viendra principalement des luttes des travailleurs contre les attaques sur leur niveau de vie exigées par la crise économique. Le fait que ces attaques s’accompagnent de plus en plus d’appels à des sacrifices pour construire l’économie de guerre sera certainement un facteur permettant aux travailleurs de faire le lien entre la lutte pour les revendications économiques et la question de la guerre impérialiste, et finalement de politiser leurs luttes, mais cela reste un processus de longue haleine qui ne doit pas conduire à des actions impatientes qui tendent à se substituer à la nécessaire lutte massive du prolétariat. Après des décennies de recul de la lutte de classe, la classe ouvrière ne peut retrouver son identité de classe (en tant que force mondiale qui n’a pas de patrie à défendre) qu’en passant par la dure école de la défense de son niveau de vie.

Les organisations de la Gauche communiste joueront certainement un rôle clé dans la récupération de l’identité de classe et, en fin de compte, de la perspective de la révolution, mais elles ne peuvent le faire qu’en tant qu’organisations politiques distinctes basées sur une plateforme cohérente, et non en tant que « fronts » lâches qui semblent offrir de manière trompeuse la possibilité d’un succès plus immédiat pour s’opposer à la guerre ou même pour l’arrêter.

D’nA, avril 2025

 

1) Voir aussi notre article « Dispute entre “Révolution permanente” et “Lutte ouvrière”: Deux variantes trotskistes d’un même nationalisme ! [50] », Révolution internationale n° 503 (2025).

2) Citation extraite de notre article « Les deux mamelles auxquelles s’accrochent les communisateurs : négation du prolétariat révolutionnaire, négation de la dictature du prolétariat [51] », Revue internationale n° 172.

3) Cf. « Action [52]W [52]eek [52] à Prague : l’activisme est un obstacle à la clarification politique [52] », Revue internationale n° 172 (2024).

4) Cf. « L’Anarchist Communist Group franchit une nouvelle étape en soutenant la campagne de guerre nationaliste [53] », publié sur le site web du CCI.

5) « La question nationale selon la légende bordiguiste [54] ».

6) Cf. « Attaquer le CCI : la raison d’être du GIGC [55] », publié sur le site web du CCI.

7) Pour une critique plus développée de cette initiative, cf. « La “Tendance Communiste Internationaliste” et l’initiative “No War But the Class War” : un bluff opportuniste qui affaiblit la Gauche communiste [56] », Revue internationale spéciale « Lutte contre l’opportuniste ».

8) « Semaine d’action de Prague : quelques leçons et quelques réponses aux calomnies [57] », Révolution internationale n° 502.

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