Le 7 janvier dernier, en exécutant les caricaturistes du journal satirique Charlie Hebdo, Daesh avait tué des « papys » 3 à tendance libertaire et marqués par le mouvement social de mai 68. Cette fois-ci, en s’attaquant à des lieux festifs et à la mode (le Stade de France de Saint-Denis, les bistrots et restaurants des Xe et XIe arrondissements de Paris, la salle de concert du Bataclan 4), Daesh a volontairement visé une génération qui commet à ses yeux l’horrible crime d’aimer se rencontrer, discuter, boire, danser et chanter librement, autrement dit : d’aimer la vie (ce que la bourgeoisie, profitant de l'émotion et du lavage de cerveau médiatique, cherche à identifier au patriotisme !). C’est cette même génération qui avait rêvé de reprendre le flambeau de mai 68 lors du mouvement social de 2006 en France 5 et qui avait justement exprimé sa solidarité avec les artistes assassinés de Charlie Hebdo en se mobilisant massivement lors des manifestations de janvier .6
Ces nouveaux crimes froidement planifiés, motivés par une idéologie obscurantiste et morbide, digne du nazisme, ne sont pas le fruit de quelques « monstres » qu’il suffirait d’éradiquer 7 ; cette logique est celle de la bourgeoisie. Elle ne sert qu’à justifier la guerre, à engendrer à son tour plus de haine et de crimes, et, surtout, à masquer les vraies causes de ces atrocités. Car, en réalité, à la racine de ces maux se trouve le système capitaliste tout entier, un système sans avenir, sans perspective, qui se décompose peu à peu en entraînant derrière lui toute l’humanité dans son engrenage meurtrier.
Daesh est une manifestation particulièrement révélatrice de cette dynamique suicidaire du capitalisme. L’État islamique est un pur produit de la décadence, directement secrété par la phase actuelle de décomposition du capitalisme.
Dans ce cadre, l'aggravation et la multiplication des conflits impérialistes, la déliquescence accélérée de la société ont pour principale racine l'absence de perspective sociale affirmée au niveau historique. Des deux classes fondamentales et antagoniques, ni la bourgeoisie ni le prolétariat ne parviennent à imposer leur projet historique, à savoir respectivement la guerre mondiale ou la révolution communiste. Depuis le milieu des années 1980, la société toute entière reste ainsi prisonnière de l'immédiat, apparaît sans avenir et pourrit peu à peu sur pied 8. L’effondrement de l’URSS en 1990-91, produit de cette dynamique, a exacerbé toutes les contradictions de ce système. Les expressions de cette phase de décomposition sont multiples : individualisme et chacun pour soi, gangstérisme, repli identitaire et sectaire, obscurantisme, nihilisme et, surtout, accentuation du chaos guerrier. Cela, au point de déstabiliser les États les plus faibles et de provoquer leur effondrement, poussant la logique des conflits à ravager des régions entières de la planète. Tout cela implique la responsabilité première des grandes puissances impérialistes, particulièrement en Afrique et au Moyen-Orient.
Un bref aperçu de l’histoire des conflits de ces régions durant les dernières décennies illustre parfaitement cette réalité. Depuis l’effondrement de l’URSS, les États-Unis ont de plus en plus de mal à s’imposer comme « gendarme du monde ». Cela peut paraître paradoxal, mais l’existence de l’ennemi russe imposait à ses adversaires de se protéger derrière la puissance américaine. Les nations du bloc de l’Ouest étaient donc contraintes d’accepter la « discipline de bloc » de l'Oncle Sam. Dès que l’URSS s’est effondrée, le bloc de l’Ouest s'est désagrégé et chacun a aussitôt tenté de jouer sa propre carte impérialiste. Les États-Unis ont donc dû s'imposer de plus en plus par la force leur leadership. Tel est le sens de l’immense démonstration militaire de la Guerre du Golfe en 1990, moment durant lequel la bourgeoisie américaine avait ponctuellement réussi à contraindre tous ses « alliés » à se joindre à elle. Mais la situation a continué à se dégrader pour les États-Unis et c’est de plus en plus isolés qu’ils ont dû mener la guerre en Afghanistan en 2001 puis en Irak en 2003, avec pour seul résultat la déstabilisation géopolitique de ces deux régions. Cette dynamique, nous l’annoncions dès octobre 1990 : « Ce que montre donc la guerre du Golfe, c'est que, face à la tendance au chaos généralisé propre à la phase de décomposition, et à laquelle l'effondrement du bloc de l'Est a donné un coup d'accélérateur considérable, il n'y a pas d'autre issue pour le capitalisme, dans sa tentative de maintenir en place les différentes parties d'un corps qui tend à se disloquer, que l'imposition du corset de fer que constitue la force des armes. En ce sens, les moyens mêmes qu'il utilise pour tenter de contenir un chaos de plus en plus sanglant sont un facteur d'aggravation considérable de la barbarie guerrière dans laquelle est plongé le capitalisme. » 9
Ainsi, l’intervention américaine en Irak en 2003, au-delà des 500 000 morts qu’elle a engendrés, a mis à bas le gouvernement sunnite de Saddam Hussein 10 sans être capable de le remplacer par un nouvel État stable. Bien au contraire, la mise à l’écart du pouvoir de la fraction sunnite et son remplacement par la fraction chiite a créé un chaos permanent. Ce sont sur ces ruines, sur le vide laissé par la déliquescence de l'État irakien qu’est né Daesh. Sa création remonte à 2006, lorsqu'Al-Qaïda forme avec cinq autres groupes djihadistes le « Conseil consultatif des moudjahidines en Irak ». Et le 13 octobre 2006, le Conseil consultatif proclame « l'État islamique d'Irak », lequel se considère à partir de cette date comme le « véritable État ». De nombreux ex-généraux de Saddam Hussein, compétents et hantés par l’esprit de revanche contre « l’Occident », ont rejoint durant cette période les rangs de ce qui allait devenir Daesh. La déstabilisation de la Syrie va ensuite être l’occasion d’un nouveau développement de l’État islamique. En 2012, il commence en effet à s'étendre en Syrie et, le 9 avril 2013, il devient « l'État islamique en Irak et au Levant ».
Chaque nouveau conflit impérialiste, dans lequel les grandes puissances jouent toutes un rôle incontournable, va chaque fois être l’occasion pour Daesh d’étendre son emprise en poussant sur le terreau pour lui fertile de la haine et de l’esprit de vengeance. Vont ainsi lui prêter allégeance plusieurs groupes djihadistes, tels Boko Haram dans le Nord-Est du Nigeria, Ansar Maqdis Chouras Chabab al-Islam en Lybie, Jund al-Khalifa en Algérie et Ansar Dawlat al-Islammiyya au Yémen. Indéniablement, la guerre impérialiste a nourri l’État islamique. C’est là un phénomène qui s’est développé et étendu depuis le milieu des années 1980 : sous le poids autant des contradictions économiques et politiques internes que des conflits impérialistes, les États les plus faibles s’effondrent. À l’Est dans les années 1990, particulièrement dans les Balkans, cela s’est concrétisé par un émiettement des nations et des conflits sanglants, telle l’explosion de la Yougoslavie. Du Caucase (Tchétchénie) jusqu’en Asie centrale (Afghanistan) ou en Afrique (avec l’ex-Zaïre, la Corne de l’Afrique etc.), l’instabilité étatique a laissé la place à l’apparition de proto-États parallèles et incontrôlables, dirigés par des seigneurs de la guerre. Daesh est une nouvelle expression de ce phénomène qui gangrène, mais à une échelle géographique inégalée à ce jour.
La responsabilité des grandes puissances ne s’arrête pas à la seule déstabilisation des régions par leurs interventions militaires d'ordre stratégique ou plus simplement pour la défense d'intérêts sordides. Elles sont aussi bien souvent directement à l’origine de la création de toutes ces cliques meurtrières et obscurantistes qu’elles ont cherchées à instrumentaliser. L’État islamique est composé des fractions les plus radicales du sunnisme et a donc pour ennemi premier la grande nation du chiisme : l’Iran. C’est pourquoi tous les ennemis de l’Iran (l’Arabie saoudite, les États-Unis 11, Israël, le Qatar, le Koweït…) ont tous soutenu politiquement, financièrement et parfois militairement Daesh. La Turquie a elle-aussi appuyé l’État islamique afin de s’en servir contre les Kurdes. Cette alliance de circonstance et hétéroclite montre que les différences religieuses ne sont pas le réel ferment de ce conflit : ce sont bien les enjeux impérialistes et les intérêts nationaux capitalistes qui déterminent avant tout les lignes de clivages et transforment les blessures du passé en haine moderne.
Quoi qu’il en soit, tous ont finalement été obligés de se raviser. L’Arabie saoudite a interdit toute aide financière à Daesh et condamné à la prison tous ceux qui continuaient à jouer les mécènes. Et pour lutter contre l’État islamique, les États-Unis ont officiellement amorcé un certain rapprochement avec… l’Iran ! Pourquoi un tel revirement ? La réponse en dit long sur l’état de déliquescence du système capitaliste. La dimension obscurantiste, religieuse et surtout destructrice de Daesh est telle que ce groupe échappe à tout contrôle. De tels États sans avenir et dominés par la Charia ont déjà existé, en Afrique centrale notamment, mais ils ont toujours été limités à une dimension régionale. Là, le phénomène Daesh touche une zone bien plus vaste et surtout la partie hautement géostratégique et névralgique du Moyen-Orient. 12
Les changements incessants d’alliances, cette politique à courte vue et chaque fois plus destructrice sont, tout comme l’existence de ce proto-État islamique, un révélateur de la décomposition du système tout entier, de l’impasse capitaliste, de l’absence de solution durable et de toute perspective pour toutes les nations.
Là aussi, la boussole du marxisme nous avait permis de comprendre dès 1990 que la société toute entière prenait ce cap : « Dans la nouvelle période historique où nous sommes entrés, et les événements du Golfe viennent de le confirmer, le monde se présente comme une immense foire d'empoigne, où jouera à fond la tendance au « chacun pour soi », où les alliances entre États n'auront pas, loin de là, le caractère de stabilité qui caractérisait les blocs, mais seront dictées par les nécessités du moment. Un monde de désordre meurtrier, de chaos sanglant dans lequel le gendarme américain tentera de faire régner un minimum d'ordre par l'emploi de plus en plus massif et brutal de sa puissance militaire. » 13
Dernier changement de bord en date : aujourd’hui, la France est prête à soutenir, à travers son rapprochement avec la Russie, Bachar el-Assad (officiellement responsable de 200 000 morts depuis le début de la guerre civile !) contre Daesh alors qu’elle s’était engagée de tout son poids diplomatique depuis 2011 auprès de « l’opposition syrienne ». Poutine et ses exactions ignobles en Tchétchénie puis en Ukraine redeviennent « fréquentables » !
En menant toutes ces guerres, en semant la mort et la désolation, en imposant la terreur des bombes et en attisant la haine au nom de la "légitime défense", en soutenant tel ou tel régime assassin, selon les circonstances, en ne proposant aucun autre avenir que toujours plus de conflits, et tout cela pour défendre leurs seuls sordides intérêts impérialistes, les grandes puissances sont les premières responsables de la barbarie mondiale, y compris celle de Daesh. En cela, lorsque ce prétendu « État islamique » a pour sainte trinité le viol, le vol et la répression sanglante, lorsqu’il détruit toute culture (la même haine de la culture que le régime nazi 14), lorsqu’il vend des femmes et des enfants, parfois pour leurs organes, il n’est rien d’autre qu’une forme particulièrement caricaturale, sans artifice ni fard, de la barbarie capitaliste dont sont capables tous les États du monde, toutes les nations, petites ou grandes. « Souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, couverte de crasse ; voilà comment se présente la société bourgeoise, voilà ce qu’elle est. Ce n’est pas lorsque, bien léchée et bien honnête, elle se donne les dehors de la culture et de la philosophie, de la morale et de l’ordre, de la paix et du droit, c’est quand elle ressemble à une bête fauve, quand elle danse le sabbat de l’anarchie, quand elle souffle la peste sur la civilisation et l’humanité qu’elle se montre toute nue, telle qu’elle est vraiment. » 15
Ce sont donc bien d’abord les grandes puissances qui déchaînent leur propre barbarie sur la terre et dans les airs des nations capitalistes plus faibles (toutes autant barbares). Et c’est cette même barbarie qui, finalement, échappe à leur contrôle et revient les frapper en plein cœur du système comme un boomerang. Telle est la réelle signification des attentats du 13 novembre à Paris. Ils ne sont pas seulement un énième acte terroriste ; ils révèlent qu’un pas supplémentaire a été franchi dans l'exacerbation des tensions impérialistes et dans le pourrissement de la société capitaliste. En effet, si des attentats déciment régulièrement les populations d’Afrique et du Moyen-Orient 16, l’atteinte du cœur historique du capitalisme est particulièrement significative de la dégradation de la situation mondiale. Lors des attentats qui avaient frappé Paris en 1985 et 1986, nous écrivions : « ce que traduit la vague actuelle d’attentats terroristes, c’est que cette décomposition de la société atteint aujourd’hui un tel niveau que les grandes puissances sont de moins en moins à l’abri de ses manifestations les plus barbares, qu’elles éprouvent de plus en plus de difficultés à contenir dans le Tiers-monde ces formes extrêmes de convulsions d’un système à l’agonie. De même que les métropoles capitalistes avaient pu, dans un premier temps, repousser vers la périphérie les manifestations les plus catastrophiques d’une crise qui trouve pourtant son origine dans le cœur même du système, dans ces métropoles, elles avaient repoussé vers ces mêmes pays périphériques les formes les plus barbares – et notamment les affrontements armés – des convulsions que cette crise engendre. Mais aujourd’hui, de même que la crise revient frapper avec une force décuplée les pays centraux du capitalisme, elle ramène avec elle une partie de cette barbarie qu’elle avait déchaînée dans le Tiers-monde. » 17
Ce processus à l’œuvre depuis le milieu des années 1980 et surtout depuis l'attaque des Twin Towers en 2001, n’a cessé de s’amplifier. Les attentats du 13 novembre viennent donc marquer un pas supplémentaire, qualitativement important, y compris par rapport aux attentats de Madrid (2004), Londres (2005) ou Boston (2013). Pour l’heure, le bilan provisoire s’établit à 130 morts et 351 blessés dont 98 graves. Cette hécatombe effroyable est parmi les pires qui aient frappées le cœur de l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, alors même que les attentats à la bombe du Stade de France ont échoué. 18 Mais la réelle différence ne se situe pas à ce seul niveau quantitatif, d’ailleurs les attentats de Madrid avait eux aussi été d’une immense ampleur (200 morts, 1400 blessés). Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un acte isolé et bref : l’État islamique est parvenu au contraire à multiplier les lieux d’attaques et à massacrer trois heures durant en plein Paris ! Il a ainsi importé en Occident, durant toute une soirée, l’atmosphère de guerre que vit quotidiennement la population en Syrie, en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, au Nigeria etc. (et qu’elle tente d’ailleurs désespérément de fuir). La mise en scène « minutieusement » 19 préparée de ces attentats a ainsi permis d’engendrer une véritable onde de choc et de panique. La retransmission en direct des événements par toutes les télévisions du monde, de ces images de guerre urbaine, l’incertitude quant au nombre de victimes, au nombre d’attaques et de terroristes impliqués… tout cela a créé un climat insoutenable de terreur. Par millions, les spectateurs impuissants sont restés scotchés devant leur écran et ont ensuite été incapables de fermer l’œil durant la nuit. L’État islamique est parvenu à faire ici la preuve qu’une grande puissance économique et militaire comme la France était incapable d’empêcher de tels actes. Et effectivement, l’État français, alors qu’il s’attendait à des attaques imminentes, s’est révélé impuissant à éviter la tuerie.
Pire encore, Daesh a pu s’appuyer sur des hommes et des femmes nés et vivant en France et en Belgique, capables de commettre les pires crimes au nom d’une idéologie irrationnelle, nauséabonde et morbide. Autrement dit, c’est d’abord la décomposition même de la société gangrenant le cœur du capitalisme qui a engendré directement une telle atrocité.
Nombreux sont les rescapés qui, ayant vu de près les terroristes, ont témoigné de l’apparence banale de leurs bourreaux : des jeunes entre 20 et 30 ans, tremblant de peur et dégoulinant de sueur, 20 mais déterminés, justifiant leurs actes meurtriers inqualifiables par la nécessité de « venger les crimes commis par l’armée française en Syrie ». Ces actes horribles n’ont pas été commis par des monstres mais par des êtres humains complètement broyés et endoctrinés, nés pour la plupart dans une Europe « civilisée ».
Un grand nombre des djihadistes européens, aujourd’hui en Syrie, sont issus de la petite-bourgeoisie qui, en l’absence de perspective autre que le déclassement, emplie de jalousie vis-à-vis des modèles de la grande-bourgeoisie et, surtout, étrangère à tout autre projet de société alternatif, est gangrenée par le nihilisme et la haine. C’est d’ailleurs cette même couche de la société qui avait constitué déjà, dans les années 1930 et 1940, le gros des troupes de choc du nazisme.
Une autre partie non négligeable de l’armée de Daesh, est issue des banlieues pauvres. Il s’agit de gamins au parcours chaotique, humiliés par un système les rejetant de sa sphère économique mais aussi culturelle et sociale. Là aussi, la volonté de vengeance d'un côté et le nihilisme de l'autre, expressions d'une société sans avenir, sont probablement les ressorts fondamentaux de leur trajectoire. Par ces massacres lâches, ignobles et absurdes, les plus radicaux ont l’impression d'exister enfin au prix, sans importance pour eux, de la mort et de s’en prendre au système qui les a exclus.
Une dernière partie enfin (surtout parmi les kamikazes) est directement recrutée dans la frange délinquante. Ce sont souvent eux qui, après avoir volé ou agressé à de multiples reprises se retrouvent quelques années plus tard la kalachnikov à la main à décimer, prétextant une idéologie d’inspiration religieuse des plus rigoristes.
Autrement dit, de l’Europe au Moyen-Orient, comme partout dans le monde, l’absence de perspective d’abord, puis ses conséquences les plus graves (la putréfaction sociale, le gangstérisme, le développement de la morale du lumpenprolétariat), forment le terreau de cette dérive morbide. La rencontre de ces jeunes nés en Europe et des groupes irakiens et syriens, obscurantistes et meurtriers, capables de déployer une stratégie et un véritable savoir-faire militaire, n’est donc en rien liée au hasard.
Pour résumer, l’impérialisme et la décomposition sont les deux parents qui, en s’accouplant, engendrent le terrorisme actuel. Guerre, no-future, peur et haine, effondrement moral, terrorisme… puis de nouveau la guerre. Il s’agit d’un cercle vicieux sans fin. Le capitalisme entraînera dans cet engrenage et dans sa chute l’humanité toute-entière, jusqu’à annihiler toute vie, s’il n’est pas détruit et dépassé par une autre société.
Ainsi quelle a été la réaction de toutes les grandes nations au soir-même des attentats du 13 novembre ? Les mots du Premier ministre français socialiste, Manuel Valls, prononcés dès le lendemain du drame sur la plus grande chaîne du pays donnent le ton : « volonté d’anéantir Daesh » ; « nous répliquerons coup pour coup » ; « nous serons impitoyables » ; « nous répondrons au même niveau » ; « nous sommes en guerre », une guerre qui « pourrait prendre des mois et peut-être même des années » et qui « nécessite des moyens exceptionnels », ajoutant : « je ferai tout pour que l’unité, pour que l’union sacrée soit préservée » et terminant par cet appel guerrier : « soyons des patriotes pour abattre le terrorisme ».
Et tous les journaux nationaux de reprendre en chœur « Maintenant c’est la guerre ! », « C’est la France qui est attaquée ! », etc. Cette campagne patriotarde, nationaliste a été relayée à l’échelle internationale, orchestrée autour du drapeau bleu-blanc-rouge et de la Marseillaise. Partout dans le monde, sur tous les grands monuments, mais aussi sur les réseaux sociaux, dans les stades de sport… a été brandi le drapeau français. Les paroles de la Marseillaise ont été publiées dans tous les journaux anglais afin que le public l’entonne le 18 novembre lors du match Angleterre-France à Wembley. Il n’y a là évidemment aucune solidarité réelle des grandes puissances envers la France, toutes ces nations se mènent une concurrence sans pitié, économiquement et parfois militairement. Non, chaque bourgeoisie nationale a simplement utilisé les 130 morts de Paris, et la peur engendrée, pour faire passer l’idée putride que l’unité nationale est la plus belle et la plus haute des unités possibles, celle qui fait le « vivre ensemble », celle qui nous protège de « l’extérieur ». Or, en vérité, les drapeaux nationaux sont toujours les drapeaux de la guerre ! Les drapeaux nationaux, c’est le symbole de l’idéologie qui soude les différentes classes de la nation contre les autres nations ; c’est fondamentalement la même idéologie que celle de l’État islamique ! Et en France, c’est aujourd’hui le Parti socialiste au pouvoir qui est à la pointe de cet esprit va-t-en-guerre. Résultats : l’état-major français a largué « en représailles aux attentats » des dizaines de bombes en quelques jours et a envoyé son porte-avion le Charles De Gaulle afin de tripler la capacité de frappe de l’armée française en Syrie. Ces attaques s’ajoutent, par exemple, aux 4111 cibles atteintes par l’armée russe ces quarante-huit derniers jours. Si la presse relate chaque jour les victimes « collatérales » liées à ces bombardements massifs 21, il est aujourd’hui impossible d’avoir accès à un bilan sérieux. Il en est ainsi de chaque guerre menée par les grandes nations démocratiques qui interviennent au nom de la « paix », de « l’humanitaire », de la « sécurité des peuples », etc. Et chaque fois, les bilans humains publiés quelques années après sont effroyables. Un seul exemple. Selon le rapport : Body Count, Casualty Figures after 10 years of the ’War on Terror ’22, la « guerre contre le terrorisme » lancée par les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 a causé en douze ans la mort d’au moins 1,3 million de personnes dans trois pays (Irak, Afghanistan et Pakistan), précisant qu’il s’agit là d’une « estimation basse » qui ne tient pas compte des autres conflits (Yémen, Somalie, Libye, Syrie). C’est l’Irak qui aurait payé le plus lourd tribut à la guerre contre le terrorisme, avec environ un million de morts, contre 111 000 selon les médias américains et 30 000 selon l’ex-président George W. Bush. Le rapport évoque un « crime contre l’humanité proche du génocide ». Voilà le vrai visage de la guerre impérialiste ! Voilà le véritable et lourd tribut des frappes « chirurgicales » !
Les frappes actuelles sur la Syrie mettront peut-être Daesh à mal, ce qui rendra, d'ailleurs, ce proto-État encore plus suicidaire et meurtrier, mais surtout elles vont alimenter dans ces régions, et partout dans le monde, la peur et la haine. Le phénomène que représente Daesh et qui lui a donné naissance en sortira donc, à terme, renforcé. La « riposte » des États face au « terrorisme » ne peut signifier qu’une escalade du militarisme et un déchaînement de la même barbarie de plus en plus irrationnelle, dans la spirale infernale d’un chaos sanglant.
Tirant les leçons des attentats du 7 janvier dernier contre Charlie Hebdo, où la bourgeoisie, surprise par les manifestations spontanées, avait été obligée de prendre rapidement le train en marche, l’État français a empêché cette fois-ci que puissent s'exprimer ces mêmes élans spontanés de solidarité qui favorisent la réflexion, les discussions et induisent potentiellement l'idée que "la rue" peut représenter une force politique. Au contraire, tout rassemblement a été interdit et chacun a été appelé à « rester chez soi » et à s'identifier à la « nation », à la « patrie », et à accepter la logique de guerre ! Aujourd'hui, l'idée même de service national et d'une « garde nationale » refont surface. Ne perdant pas une occasion, le Parti socialiste en France a aussi profité des attentats pour justifier le renforcement de l’arsenal répressif et de surveillance. En particulier, l’état d’urgence a été décrété puis prolongé de 3 mois, pour la première fois depuis la guerre d’Algérie (en 1958 et en 1961), sur tout le territoire métropolitain, comme sur les départements d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, la Réunion et Mayotte). Cet état d’urgence est une situation spéciale, une forme d’état d’exception qui restreint les « libertés ». Il « confère aux autorités civiles, dans l'aire géographique à laquelle il s'applique, des pouvoirs de police exceptionnels », 23 comme, par exemple, la possibilité de réaliser des perquisitions massives. Il s’agit en fait d’habituer la population à ce renforcement drastique du flicage et de la répression que la bourgeoisie sait pertinemment pouvoir utiliser demain contre la classe ouvrière, et déjà quantité de lois sont en discussion pour renforcer la « sécurité nationale ». Cette même campagne sécuritaire est actuellement menée partout dans le monde.
Pour résumer, l’État profite du terrorisme pour se présenter comme le garant de la paix afin de mieux faire… la guerre, comme le protecteur des droits humains pour renforcer… le contrôle de la population et, évidemment, comme la caution de l’unité sociale pour attiser… les haines. Ainsi, en permanence sont incitées la xénophobie, la haine du musulman et toutes autres divisions permettant à l'ordre capitaliste de régner en maître sur ses exploités. Partout en Europe, les courants politiques bourgeois xénophobes connaissent une recrudescence. Des actes anti-immigrés se multiplient d'ailleurs un peu partout, comme en Allemagne, où des foyers ont également été incendiés et des ratonnades organisées. En France, les discours du Front national et d’une partie de la droite, à l’image de Nadine Morano, jouent sur les mêmes ressorts que ceux de l’État islamique : le repli, la peur, l’exclusion et la haine de l’autre.
Dans un tel contexte social, les quelques actes de solidarité réelle apparaissent héroïques. Le soir du 13 novembre, malgré les risques et le danger, des personnes ont porté immédiatement assistance et sont venues spontanément secourir les blessés. Dans les quartiers visés, des habitants n'ont pas hésité à ouvrir leurs portes pour prêter refuge à des gens paniqués dans la rue. Un peu partout, une brève tendance au rassemblement de solidarité et d’indignation s’est exprimée que les interdictions de manifester ont rapidement étouffé. Tout cela montre que « l’indifférence » et « l'ignorance de l'autre », qui en temps normal dominent dans la société capitaliste, peuvent être dépassées quand s'exprime la volonté consciente de solidarité, celle de porter assistance dans les coups durs. C'est ce que nous avons pu voir également ces derniers mois de la part d'une partie significative de la classe ouvrière avec l'accueil des migrants, notamment au début de leur arrivée en Allemagne. Mais comme le montre aussi la situation présente, cet élan fragile, du fait des faiblesses importantes de la classe ouvrière, peut être très facilement dévoyé sur le faux terrain du patriotisme et du nationalisme, derrière la logique meurtrière et in fine xénophobe des États les plus démocratiques. Le climat de terreur et de peur comme la propagande après les attentats de Paris pèseront lourdement sur la conscience de la classe ouvrière ; l’union sacrée réclamée autour de l’État et de la nation en danger ne peut que renforcer le poids des illusions mortelles sur la défense de la démocratie et la frénésie sécuritaire au niveau international. Ce qui participera à boucher encore un peu plus toute perspective et donc à renforcer les forces suicidaires de ce capitalisme pourrissant.
La seule véritable solidarité pour la classe ouvrière ne peut s'exprimer que de façon autonome, en dehors de toutes les influences de l'idéologie bourgeoise bien-pensante, notamment au moment de luttes ouvrières. La génération qui a été la cible première des attentats du 13 novembre avait d’ailleurs justement su, lors du mouvement social de 2006, initier un large élan de solidarité au sein de toute la classe ouvrière. Et quand quelques jeunes à la dérive, issus de banlieue pauvres, étaient venus racketter les manifestants, cette génération d’étudiants et travailleurs précaires avait refusé de tomber dans le piège de la division. Ils avaient été à la rencontre de ces mêmes jeunes dans les quartiers pour tenter de les gagner à la lutte générale. S’ils avaient eu cette intelligence, c’est parce que ce mouvement social avait su se doter d’assemblée générale permettant la réflexion, la discussion et l’élaboration collective, autrement dit l’élévation de la conscience politique. Telle est aussi la seule voie possible à emprunter face aux développements des pires effets de la décomposition : la solidarité dans la lutte, le débat franc et ouvert, le développement de la conscience ouvrière.
À terme, seule cette logique permettra de retrouver une identité politique de classe, la perspective historique d'une autre société. Alors s’ouvrira la possibilité d’un monde sans classes, sans guerres ni frontières, où la satisfaction des besoins humains (en particulier le goût pour l’art, la science et la culture) et non la recherche du profit seront au cœur de la communauté humaine mondiale. « Cette folie, cet enfer sanglant cesseront le jour où les ouvriers (...) se tendront une main fraternelle, couvrant à la fois le chœur bestial des fauteurs de guerre impérialistes et le rauque hurlement des hyènes capitalistes en poussant le vieil et puissant cri de guerre du travail : prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » 24
CCI, 21 novembre 2015
1 Communiqué de Daesh revendiquant les attentats.
2 Une grande partie des victimes sont âgées de 25 à 35 ans. Lire par exemple : "A Paris, une génération visée", (Le Monde) ou : "La jeunesse qui trinque", (Libération du 15.11.2015).
3 Cabu (76 ans), Wolinski (80 ans), Bernard Maris (68 ans).
4 …« où étaient rassemblés des centaines d’idolâtres dans une fête de perversité », toujours selon le communiqué de Daesh.
5 Lire notre article disponible sur notre site web : "Salut aux jeunes générations de la classe ouvrière [1]".
6 Lire à ce sujet, "les portraits poignants des victimes du 13 novembre", publiés sur le site du journal Libération.
7 « Si l’ensemble des pays du monde n’est pas capable d’éradiquer 30 000 personnes, qui sont des monstres, c’est à n’y rien comprendre », Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères du gouvernement socialiste en France (déclaration sur la radio France Inter le 20 novembre).
8 "La décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste [2]", Revue Internationale n° 62, mai 1990.
9 "Militarisme et décomposition [3]", (Revue Internationale n°64, 1er trimestre 1991).
10 Rappelons que ce sont ces mêmes États-Unis qui avaient largement contribué à l’arrivée au pouvoir de Saddam Hussein en 1979 en Irak, en tant qu’allié contre l’Iran.
11 « Daesh dispose d'un véritable « trésor de guerre » (2 milliards de dollars selon la CIA), de revenus massifs et autonomes, sans comparaison avec ceux dont disposait Al-Qaïda. Daesh dispose d'équipements militaires nombreux, rustiques mais aussi lourds et sophistiqués. Plus que d'une mouvance terroriste, nous sommes confrontés à une véritable armée encadrée par des militaires professionnels. Quel est le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre ? Affirmons-le clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont les États-Unis. Par intérêt politique à court terme, d'autres acteurs - dont certains s'affichent en amis de l'Occident - d'autres acteurs donc, par complaisance ou par volonté délibérée, ont contribué à cette construction et à son renforcement. Mais les premiers responsables sont les États-Unis. » (propos tenus par le Général Vincent Desportes, professeur associé à Sciences Po Paris lors de son audition par le Sénat français au sujet de l’opération « Chammal » en Irak et disponible sur le site web du Sénat).
12 Le califat qu’il prétend conquérir par les armes comprend ainsi : l'Irak, la Syrie, le Liban, le Kurdistan, le Kazakhstan, les pays du Golfe, le Yémen, le Caucase, le Maghreb, l’Anatolie, l’Égypte, l’Éthiopie, la Libye, toute la corne d’Afrique, l’Andalousie et une partie de Europe. Ce projet irréalisable n’est rien d’autre qu’une entreprise suicidaire mais non moins dévastatrice.
13 "Militarisme et décomposition [3]".
14 Autre point commun avec l’État islamique, le régime nazi avait lui aussi un objectif de conquête et de politique irréaliste et suicidaire. C’est pourquoi le terme d’islamo-fascisme pour qualifier l’idéologie de Daesh est particulièrement adapté.
15 Rosa Luxemburg, Brochure de Junius, 1915.
16 La liste macabre des attentats à travers le monde depuis ceux des Twin Towers en septembre 2001 serait interminable. Il suffit de mentionner l’attaque et la prise en otage de la clientèle internationale et du personnel local d’un hôtel au centre de Bamako au Mali par un groupe lié à Al-Qaïda une semaine après les massacres de Paris qui a rajouté au moins 27 morts.
17 Attentats terroristes en France : une expression de la barbarie et de la décomposition du système capitaliste (Révolution internationale n°149, octobre 1986).
18 L’ampleur des massacres qui frappent régulièrement les marchés du Moyen-Orient lors de ce même type d’attaques-suicides, laisse présager du terrible carnage si les terroristes étaient parvenus à pénétrer dans l’enceinte du stade.
19 Communiqué de Daesh revendiquant les attentats.
20 Ces kamikazes sont d’ailleurs souvent fortement drogués lors de leur passage à l’acte, comme ce fut le cas pour celui qui a commis le massacre de l’hôtel de Sousse en juin en Tunisie.
21 Un exemple parmi d’autres innombrables : « Hier, « Au moins 36 personnes, dont 10 enfants, ont été tuées et des dizaines d'autres ont été blessées lors de plus de 70 raids effectués par des appareils russes et syriens contre plusieurs localités de Deir Ezzor », selon Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme ». (L’express du 20 novembre).
22Publié par les organisations Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW, prix Nobel de la paix en 1985), Physicians for Social Responsibility et Physicians for Global Survival.
23 Sénat, Étude de législation comparée no 156, janvier 2006, L'état d'urgence.
24 Rosa Luxemburg, Brochure de Junius, 1915.
De la gare du Nord au Midi, les rues étaient remplies de couleurs rouge, verte et bleue. Une collection hétéroclite d’environ 120.000 personnes de toutes les régions, dépassant les frontières linguistiques, marchait derrière le front commun syndical. C’était comme si ce jeudi 6 novembre, Bruxelles, le centre de l’Europe capitaliste, s’était transformé en une ville de travailleurs «socialistes».
Une délégation syndicale de la CSC, CGSLB et FGTB a exigé un entretien avec le sommet gouvernemental de la rue de la Loi. Elle voulait engager un débat avec les ministres sur «les mesures antisociales qui font mal aux familles et aux travailleurs». Au lieu de «forcer à avaler le saut d’index», elle avait l’intention de montrer au ministre Michel «où est l’argent» et de lui dire «va le chercher là où il est !» (discours à la fin de la manifestation du dirigeant syndical FGTB de Leeuw).
A première vue, langage dur et de gros bras des syndicats à cette première journée d’une série d’actions annoncée! Car ils planifiaient encore trois lundis de grèves régionales tournantes pour clôturer par une grève nationale de 24heures le lundi 15 décembre, encore juste à temps avant la trêve de Noël.
Les actions syndicales veulent donner une forme «appropriée» au profond mécontentement et indignation provoqués par les mesures drastiques du nouveau gouvernement fédéral Michel et celles des gouvernements régionaux. Ces mesures ne sont pas des moindres: saut d’index de 2% sur les salaires et les allocations sociales, relèvement de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans et de l’âge de la retraite anticipée, démantèlement des allocations pour les chômeurs et les pensionnés, diminution des subventions pour les soins de santé, gardes d'enfants plus couteuses, forte restriction des subventions pour la culture, augmentation des frais d'inscription pour l'enseignement supérieur, dégressivité des crédits d’heure, du bonus logement, des réductions pour les transports publics, l'électricité et le gaz et toutes sortes de déductions fiscales, compromission du statut des dockers….
Le capitalisme est en crise et une guerre commerciale se mène au niveau international. Si la Belgique ne veut pas être écrasée sous le poids de cette concurrence mortelle internationale et être réduite à un désert industriel, elle doit prendre des mesures pour maintenir la capacité concurrentielle de son économie nationale. Les mesures d’austérité gouvernementales sont dans cette logique inévitables, par exemple, par la réduction des coûts salariaux. Le système de production capitaliste survit sur base de l’exploitation de la force de travail. Il presse comme un citron les travailleurs jusqu’à l’épuisement pour ensuite les jeter comme de vieux chiffons. Il les «récompense» juste le strict nécessaire pour tenir le coup aussi longtemps que possible mais pas avec un rond de plus.
Selon la commission européenne: «La faible croissance dans la zone euro et la crise des dettes souveraines ont eu de sérieuses conséquences sur la croissance et l'emploi dans une économie belge ouverte (…) elle est confrontée à une perte de parts de marchés à l'exportation consécutive à une diminution des parts d'exportation de produits, qui peut être attribuée entre autres aux coûts salariaux du pays et au niveau élevé de sa dette publique ». C’est pourquoi la Belgique doit selon l’Europe «poursuivre ses réformes structurelles de consolidation de la croissance et coordonner les adaptations nécessaires à tous les niveaux de pouvoir».
La bourgeoisie sait bien ce qu’il faut faire dans ces conditions, y compris dans les situations qui peuvent, par ces attaques, susciter des réactions de la part de la classe ouvrière ou d’autre partie de la population.
Les syndicats ont donné l’impression à Bruxelles qu’avec les actions de grève, on allait taper fort. Les ouvriers ne se laisseraient plus plumer. Selon les syndicats «cela suffit». Il est grand temps que les travailleurs fassent voir qu’ils ne plaisantent pas.
Mais la manifestation s’est avérée n’être rien d’autre qu’une grandiose manœuvre orchestrée pour piéger ces mêmes travailleurs.
Les semaines précédentes la manif du 6 novembre, les syndicats avaient la bouche pleine de «ce gouvernement des patrons», «ce gouvernement le plus à droite jamais vu». Ensemble, ils allaient déclarer la guerre contre ce gouvernement de « Monaco » qui leur aurait ôté le droit de codécision sur les plans gouvernementaux à venir. Mais malgré leurs chants de sirène, en réalité, il n’y a jamais eu question de mener une guerre contre ce gouvernement. Par contre, on a bien vu «une petite guerre» avec un groupe minoritaire de travailleurs provoqués, irrités à la fin de la manif quand ils ont réalisé que la résistance allait s’éteindre comme une bougie.
En route vers la manif, plusieurs groupes de membres syndicaux ont eu largement l’occasion de consommer gratuitement ou non des rafraichissements dont des boissons alcooliques. Dans le cadre de la même manœuvre, les manifestants pendant leur promenade de la gare du Nord vers la gare du Midi ont été immergés dans des vagues de musique assourdissante et de hauts parleurs hurlants. A aucun moment, ils n’ont eu l’occasion d’engager la discussion sur quoi faire après cette manif. Et ceci n’est pas un hasard.
Les syndicats ont orienté leur «campagne de guerre» essentiellement contre les dockers d’Anvers. Que les dockers d’Anvers (et les métallurgistes) se laisseraient tentés par l’utilisation de la violence n’était pas une évidence. Mais les forces unies du capital ont créé toutes les conditions pour que cette probabilité soit très grande.
Par la suite, ces mêmes syndicats n’ont évidemment pas hésité à agir comme des mouchards et ont livré au parquet un certain nombre de travailleurs pris au piège. « Evidemment, nous voulons témoigner. Ceci n’était pas une petite escarmouche comme on en a connu à l’époque. Ceci, nous ne pouvons vraiment pas le tolérer. », déclare le secrétaire nationale des ports Marc Soens du syndicat ACV. On est également disposé à regarder de plus près les photos des provocateurs! « Nous connaissons très bien nos dockers, on reconnaitrait immédiatement leurs visages » (idem).
Lorsqu’on déclare la guerre de classe au capitalisme, attiser la colère et la haine au sein de la classe est une entreprise très risquée. Les groupes et les éléments qui le propagent et le font et qui donc exaltent la violence, constituent un grand danger pour la lutte de la classe ouvrière. Ainsi, à la manifestation, quelques dizaines d’anti-syndicalistes, d’anticapitalistes, d’ultranationalistes se trouvaient côte à côte avec les travailleurs fâchés, provoqués, dans une et une même bataille face à la police.
Le caractère massif de la démonstration du 6 novembre à Bruxelles n’était pas l’expression de la combativité de la classe ouvrière. Les 120.000 manifestants ne marchaient pas ensemble, mais seulement les uns à côté des autres. Qu’une partie d’entre eux à la fin de la manifestation, par pure impuissance, ait laissé libre cours à leur colère n’est pas incompréhensible. Mais pouvons-nous nous contenter de ce déroulement comme semble l’affirmer la position d’un gourou anarchiste hollandais sur un forum Internet quand il déclare: «la manifestation nous montrait la colère (…) plus la volonté (…) des syndicats à donner l’espace nécessaire à l’expression de cette colère»(Ravotr), Non! Au contraire!
Avant même que les prochaines étapes de la série d’actions ne s’engagent, il était déjà clair combien l’ambiance parmi les travailleurs était infestée. En réaction au fait qu’ils se sentaient utilisés comme «têtes de turcs» des provocations syndicales et autres et considérés comme boucs émissaires, certains déclaraient qu’ils étaient prêts face à la provocation: «le 24 novembre, tu vas vraiment voir…»… On parlait même, à cette occasion, de « Zwartberg » où lors de la manifestation contre la clôture des mines en 1966, on déplorait plusieurs morts. « Alors; on va peut-être enfin nous écouter» (De Morgen, 10-11-2014).
Le but le plus important que la bourgeoisie veut atteindre avec la manœuvre du 6 novembre et les différentes grèves tournantes, est de bien faire avaler à chacun que:
-la lutte de classe n’existe plus: « On doit bien se rendre compte peu à peu que la lutte de classe est révolue» (lettre ouverte du parlementaire Jean-Marie Dedecker à Rudy de Leeuw);
-la lutte ouvrière est anti-démocratique, car elle n’a aucun respect de la volonté de la majorité de la population qui a élu ce gouvernement;
-la lutte ouvrière ne mène qu’à la violence, un moyen où une minorité impose sa volonté à la majorité de la population;
-les grèves mènent seulement à encore plus de dégâts économiques et donc entrainent encore plus de plans d’austérité: «par ta vision étroite, le train des grèves fera dévoyer davantage l’économie» (idem).
Pas de comparaison possible avec la manifestation de 1986
Tous les médias se sont accordés à l’unisson pour dire que c’est l’une des plus grandes manifestations en trente ans, dans le prolongement de celles de 1986 contre les mesures d’austérité du gouvernement d’alors. Mais est-ce que cette manifestation est comparable avec celle du 31 mai 1986 ?
Ce qui était caractéristique pour le mouvement de 1986, était qu’il se plaçait dans le contexte d’une vague de luttes internationale. Juste avant « En Norvège, 120.000 travailleurs entrent en grève ; en Finlande, ce sont 250.000 grévistes qui, ensemble, se sont opposés à l'État » (Internationalisme 111). Quand la lutte en Belgique tirait à sa fin, de nombreux autres mouvements de grève ont suivi encore dans plusieurs autres pays d'Europe occidentale.
Le mouvement de classe en Belgique de 1986, qui était une réelle expression de la force potentielle de la classe ouvrière, a commencé avec «le démarrage spontané des grèves qui a mis le feu aux poudres. .. la dynamique d'extension et d'unification a été poussée par les assemblées générales et les comités d'action qui ont surgi au cours de la grève. Ce sont les ouvriers eux-mêmes qui ont lancé l'idée d'une marche sur Bruxelles comme tentative d'unification» (Internationalisme 117).
Les seules similitudes entre la situation actuelle et d’alors est que les syndicats avaient aussi la tâche d'agir comme le fer de lance de l'Etat capitaliste, nichés dans le giron de la classe ouvrière.
Car, il n’y avait pas de syndicats ou de gauchistes, mais « des ouvriers même qui ont envoyé des délégations massives vers d'autres entreprises (mineurs, cheminots, STIB...). On a vu aussi des tentatives importantes de disputer aux syndicats le contrôle de la lutte et de le garder entre les propres mains des grévistes, comme par exemple avec la coordination d'enseignants en grève du "Malibran" à Bruxelles. (internationalisme nr 117).
« Ainsi se concrétise la volonté d'utiliser la rue comme lieu propice où peut se souder l'unité dans la lutte, actifs et chômeurs réunis. Hormis la manifestation du 31/5, pendant des semaines on a vu toute une série de rassemblements massifs dans les grandes villes industrielles, et ce malgré le travail incessant des syndicats pour maintenir les ouvriers isolés.» ( Internationalisme nr 111).
Les syndicats ne voulaient pas être mis hors-jeu. Ils ont tout fait pour mettre des bâtons dans les roues de la dynamique du mouvement, le détourner et l’entraîner vers une impasse. Avec l’aide du syndicalisme de base plus «radical», ils ont finalement réussi: «Ainsi, en reprenant les perspectives issues de la lutte (extension vers d'autres secteurs, auto-organisation, marche sur Bruxelles..) ils les ont peu à peu vidées de tout leur contenu de classe» (Internationalisme nr. 111).
En réalité, la grande manifestation du 31 mai 1986 était pour les syndicats la meilleure occasion
de sauter dans le train pour ensuite en reprendre la direction qu’ils avaient à moitié perdue. Les syndicats ont réussi dans leur manœuvre parce que la classe ouvrière, à la fin de la manifestation massive, ne savait plus très bien comment continuer. La seule option qui lui restait encore était une option politique, une attaque contre l’Etat mais cela ne lui est pas venu à l’idée.
Comparée à la manifestation massive en 1986, la combativité dans la dernière manifestation à Bruxelles, était totalement absente. La plupart des manifestants marchaient docilement derrière les slogans qui suggéraient plus souvent une question ou une demande qu’une une exigence: «Pourquoi travailler plus longtemps? Trois employés sur quatre sont (quand même déjà) malades avant leur 65 ans!,…«l'éducation est un droit» et maintes banderoles dans ce genre. Certains slogans officiels ont même appelé à faire payer la «communauté» pour la politique des entrepreneurs: «Aucun licenciement, surtout pas avec l'argent gouvernemental."
À l'heure actuelle, les travailleurs sont confrontés à un système caractérisé par une paupérisation croissante, de plus en plus de destruction de la nature, de plus en plus de guerres, de plus en plus d'indifférence et une exploitation de plus en plus impitoyable. Comment est-il possible que la classe ouvrière dans la période actuelle exprime tellement peu son mécontentement et à une si petite échelle et ne le transforme pas en une véritable confrontation avec les représentants d'un système qui n'a plus rien à offrir et fait apparaître constamment son caractère inhumain?
Essentiellement, parce que les conditions de vie et de luttes dans la période autour de la chute du mur de Berlin (qui est actuellement, à large échelle, si allègrement commémorée dans les médias) ont changé radicalement pour la classe ouvrière. Il y avait déjà des difficultés au niveau de la combativité, comme on l’a aussi un peu vu en Belgique après la manifestation massive de 1986. La classe ouvrière se heurtait aux manœuvres syndicales (comme le renforcement du corporatisme) et n’était pas capable de faire un pas qualitatif dans sa lutte en intégrant son caractère historique et sa dimension politique et culturelle.
Peu à peu, il y avait une sorte de blocage dans la lutte entre la classe ouvrière d’un côté et la classe capitaliste avec son état bourgeois de l’autre côté. Les deux ont échoué dans la mise en avant de leur perspective historique. Par la perte d’une cohérence interne, la société a commencé de plus en plus à se décomposer. Le «chacun pour soi» est devenu de plus en plus l’élément prépondérant du capitalisme décadent.
La chute du Mur et l'effondrement ultérieur de différents régimes en Europe orientale, ont fait un nouveau bond en avant. Tous les Etats ont commencé à s’effondrer et le chaos prit de plus en plus le dessus sur la scène mondiale. Seuls les grands Etats capitalistes démocratiques de l'Ouest les plus dictatoriaux pouvaient encore assurer une certaine forme de stabilité. La pratique quotidienne montrait clairement qu'il n'y avait réellement plus d'alternative possible pour le capitalisme démocratique.
Depuis ce moment, des campagnes se développent pour une démocratie directe et radicale. La démocratie bat son plein et affirme son influence de façon omniprésente. La démocratie est à partir de ce moment égale à la liberté absolue pour chaque individu et pour l'autonomie de toutes les minorités opprimées. Le communisme, perspective historique de la classe ouvrière, est depuis lors considéré comme anti-démocratique, relégué aux intrigues secrètes, pratiques sournoises, à des disputes sectaires et forces obscures.
L'effondrement des régimes staliniens en particulier «a provoqué un recul important du prolétariat, tant au niveau de sa conscience que de sa combativité. Ce recul était profond et a duré plus de dix ans» (Revue Internationale n°130, 3e trimestre 2007) avant que les travailleurs de nouveau aient commencé à construire un tant soit peu la résistance.
« Pourtant, au cours des années, la décomposition a posé à la classe ouvrière des difficultés importantes à la fois matérielles et idéologiques pour le développement de la lutte de la classe ouvrière:
-au niveau économique et social, les processus matériels de décomposition ont eu tendance à saper pour le prolétariat la conscience de son identité. De plus en plus les concentrations traditionnelles de la classe ouvrière ont été détruites ; la vie sociale est devenue de plus en plus atomisée (...) ; le chômage de longue durée, spécialement parmi les jeunes, renforce cette atomisation et défait encore plus le lien avec les traditions de combat collectif;
-les campagnes idéologiques incessantes de la classe dominante, vendant le nihilisme, l'individualisme, le racisme, l'occultisme, et le fondamentalisme religieux, tout ceci aidant à obscurcir la réalité de la société dont la division fondamentale reste la division en classes;
-la classe ouvrière est donc confrontée aujourd'hui à un grave manque de confiance - pas seulement en sa capacité à changer la société, mais même en sa capacité à se défendre elle-même au jour le jour. Ceci (,,,) a accrue la capacité du capitalisme à dévoyer les efforts des ouvriers pour défendre leurs propres intérêts vers tout un patchwork de mouvements "populaires" et "citoyens" pour plus de "démocratie". (Revue Internationale n°106, 3e trimestre 2001)
Les conséquences de cette décomposition ont conduit très régulièrement à des désarrois et même à la démoralisation. Elles ont marqué toute une génération de prolétaires.
La vie et les conditions de travail se sont déjà dramatiquement détériorées ces dernières années, comme en 2013 et les années d’avant. Selon les syndicats: «maintenant c'est tout ou rien: la vérité doit sortir de dessous de la table». Mais quelle vérité les syndicats veulent-t ’ils mettre sur la table?: celle des capitalistes ou celle de l’humanité? Les syndicats depuis le début de la première guerre mondiale, donc depuis plus de cent ans, jouent dans le jeu hypocrite du système actuel et certainement pas pour révéler la vérité d'un monde sans concurrence, sans classes, sans exploitation, sans oppression.
Non, cette fois-ci non plus, il ne s’agit pas de dévoiler la vérité. A la manifestation de Bruxelles, les syndicats ont lancé une offensive. A travers une série de grèves fragmentées, de manifestations muettes et bien d'autres actions spécifiques (telles que les manifestations les unes à part des autres des travailleurs sociaux, des étudiants et des conducteurs de train du11 Décembre), ils ont précipité la classe ouvrière dans l'abîme du désespoir. Leur seul but était d’ancrer encore plus profondément dans l’esprit des travailleurs actifs, des chômeurs et des employés, des étudiants, des jeunes et des retraités, que cette lutte ne mène nulle part, que les mesures d'austérité sont inévitables et donc ne peuvent être qu’avalées. L'acceptation donc de la logique capitaliste inhumaine, tombée dans la décomposition.
Nous ne devons donc pas seulement reprocher au gouvernement et aux entrepreneurs, soutenus par de larges campagnes médiatiques, de prendre des mesures d’austérité draconiennes sur notre dos, mais tout autant aussi aux syndicats, le véritable loup dans la peau du mouton. Comme tous les communistes de gauche le savent depuis la publication du programme de 1920, les syndicats «sont ainsi, à côté des fondements bourgeois, l'un des principaux piliers de l'Etat capitaliste».(Programme du "Parti Communiste Ouvrier d'Allemagne" (KAPD) Mai 1920).
Depuis 100 ans déjà, les syndicats ne sont plus du côté de la classe ouvrière. Depuis un siècle déjà, les syndicats ne sont plus une organisation de combat des travailleurs. Si les syndicats momentanément montent le ton, ce n’est pas pour défendre les intérêts des travailleurs, mais ceux de l'Etat, du capital et de l'économie nationale. Pour paralyser la résistance avant même qu’elle devienne mûre et qu’elle prenne la forme d’un véritable combat contre les causes de toute cette misère.
Zyart/25.11.2014
Avant de faire un compte rendu de cette réunion, nous allons fournir un certain nombre d'éléments sur celui qui donnait la conférence, Philippe Bourrinet, présenté sur l'affiche annonçant la réunion comme "auteur de différents articles et livres sur le mouvement ouvrier révolutionnaire et membre des éditions Smolny" 1 [7]. En effet, ces éléments sont nécessaires pour comprendre tant le contenu de l'exposé présenté par Philippe Bourrinet que la discussion qui a suivi.
Paraphrasant Karl Marx dans sa fameuse polémique contre Proudhon 2 [8] nous pourrions écrire :
"Philippe Bourrinet a le malheur d'être singulièrement méconnu. Parmi ceux qui s'intéressent ou se réclament de la Gauche communiste, il passe pour un historien sérieux et honnête. Parmi les historiens, il passe pour un défenseur des idées de la Gauche communiste et un fin connaisseur de la principale organisation de celle-ci, le CCI, dont tout le monde sait qu'il fut membre pendant plus de 15 ans. Nous, en tant que militants du CCI et attachés, de ce fait, à une connaissance sérieuse et honnête de l'histoire (bien que nous ne prétendions pas être des historiens), nous avons voulu protester contre cette double erreur."
En avant-propos de notre protestation contre l'ignorance dont est victime Philippe Bourrinet, nous reviendrons sur quelques épisodes de sa trajectoire politique parce qu'ils permettent de réfuter beaucoup d'idées fausses qui circulent aujourd'hui sur son compte.
Après un court passage dans les rangs de l'organisation trotskiste Lutte Ouvrière, Philippe Bourrinet est entré au début des années 1970 dans le groupe Révolution internationale qui allait devenir peu après la section en France du CCI. Comme Philippe Bourrinet avait une bonne plume et qu'il avait des connaissances assez étendues, l'organisation lui a rapidement confié la rédaction d'articles pour sa presse, articles signés Chardin. Il a également été nommé dans l'organe central du CCI peu après la fondation de celui-ci, en 1975. Une des raisons de cette nomination était qu'il connaissait plusieurs langues, et notamment la langue allemande.
Philippe Bourrinet ayant commencé des études en histoire, le CCI et lui se sont mis d'accord pour qu'il consacre son mémoire de Maîtrise à une étude sur la Gauche communiste d'Italie qui serait publiée comme brochure de notre organisation. Pour ses travaux, dont lui-même tirait un avantage personnel pour son cursus universitaire, il a bénéficié d'un plein soutien de notre organisation, un soutien matériel mais aussi politique puisque notre camarade Marc Chirik 3 [9], qui avait été membre de la Gauche communiste d'Italie, lui a fourni une grande quantité de documents et d'informations de première main de même que des conseils précieux. Son mémoire, comme c'était prévu, a été publié en livre par notre organisation peu après. Comme ce document était considéré comme un travail du CCI exprimant les analyses politiques de celui-ci, il ne portait pas de signature au même titre que les brochures que nous avions publiées auparavant.
Après la publication de ce livre, nous avons encouragé Philippe Bourrinet à réaliser un travail similaire sur la Gauche communiste germano-hollandaise pour sa thèse de doctorat. Les premiers chapitres de cette étude ont été publiés dans la Revue Internationale du CCI (dans les numéros 45 à 50 et 52). Encore une fois, Philippe Bourrinet a pu s'appuyer sur le soutien politique et matériel du CCI pour ce travail 4 [10]. Il a soutenu sa thèse en mars 1988 et nous avons commencé un long travail de mise en forme et de maquettage de son document qui a finalement été imprimé en novembre 1990 alors que Philippe Bourrinet avait quitté le CCI quelques mois auparavant. Pour motiver son départ il n'avait pas évoqué la moindre divergence politique avec notre organisation. Il nous avait simplement dit qu'il n'avait plus envie de militer.
Deux années plus tard, nous avons reçu à notre boite postale, sans la moindre lettre d'accompagnement, une copie de deux documents [11]5 [12] surprenants. Le premier, daté du 21/08/1992, était un "Reçu de dépôt de manuscrit par Bourrinet Philippe d'un manuscrit intitulé La Gauche communiste hollandaise 1907-1950". Ce reçu émanait du Département du droit d'auteur de la Société des gens de lettres. L'autre document, daté du 27 juillet 1992, était pour nous plus surprenant encore. Il s'agissait d'un texte dactylographié intitulé "A PROPOS D'EDITIONS ANONYMES Effectuées par le groupe Courant Communiste International (CCI) en France et ailleurs".
Dans ce document on pouvait lire : "Le livre intitulé LA GAUCHE HOLLANDAISE, signé "Courant communiste international", imprimé en novembre 1990 par la "Litografia Libero Nicola, Napoli", et diffusé ensuite en France et Belgique, a été écrit entièrement par Philippe BOURRINET, docteur de l'université de Paris I – Sorbonne (22 mars 1988)". Ce passage était juste. Mais il y avait par ailleurs dans ce texte une série d'allégations contre le CCI, accusé notamment de "piratage", que nous avons voulu éclaircir avec Philippe Bourrinet. Une délégation du CCI l'a donc rencontré dans un café de la Place Clichy à Paris, près de son domicile d'alors. Cette délégation a fait, à son tour, une mise au point, rappelant à Philippe Bourrinet la vérité des faits, mise au point qu'il n'a pas essayé de contredire. Elle lui a demandé pourquoi, d'un seul coup, il faisait un scandale sur le fait que son nom ne figurait pas dans le livre sur la Gauche hollandaise, exigence qu'il n'avait jamais formulée auparavant. Il nous a dit que, pour le poste professionnel qu'il avait en vue, le fait qu'il soit l'auteur de ce document lui serait utile et qu'il souhaitait que, désormais, son nom figure sur les éditions du livre. Dans sa "mise au point", Philippe Bourrinet avait porté des attaques inqualifiables contre le CCI mais nous avons décidé de ne pas lui en tenir rigueur, par exemple en contrariant ses projets professionnels. Nous avons donc décidé d'accéder à sa demande mais, comme la version française avait déjà été imprimée, nous lui avons dit que c'était trop tard pour cette version, ce dont il a convenu. Nous nous sommes engagés à publier cette précision dans les futures éditions de "La Gauche hollandaise" réalisées par nos soins. La délégation a proposé d'insérer dans ces éditions un petit texte contenant les éléments suivants :
cet ouvrage a été rédigé par Philippe Bourrinet dans le cadre d'un travail universitaire mais en tant que militant du CCI et à la suite de discussions au sein de cette organisation ;
de ce fait, les orientations politiques exprimées dans cet ouvrage sont celles du CCI ;
comme Philippe Bourrinet a depuis quitté cette organisation, celle-ci ne saurait désormais être tenue pour responsable des positions politiques que Philippe Bourrinet sera amené à prendre.
Philippe Bourrinet a accepté cette proposition. 6 [13]
Pour le CCI, la question était donc réglée et nous ne nous sommes plus intéressés outre-mesure à ce que devenait le Docteur Bourrinet. 7 [14] Ce manque d'attention à son égard était notamment motivé par le fait que ses nouvelles productions littéraires étaient loin d'avoir la qualité et de présenter l'intérêt de ses deux écrits sur la Gauche communiste d'Italie et la Gauche germano-hollandaise. Nous avons évidemment relevé, en navigant sur Internet, le fait que le Docteur Bourrinet avait republié à son compte ces deux documents, avec quelques modifications par rapport au texte original publié par le CCI, des modifications allant dans le sens d'une plus grande proximité avec les positions du conseillisme. C'est ainsi que, dans l'"Avertissement final" de cette nouvelle édition de la Gauche germano-hollandaise, le Docteur Bourrinet écrivait :
"Dans la présente édition transparaissent des défauts inévitables pour un travail accompli dans un cadre universitaire. Transparaît aussi l'engagement de l'auteur dans le groupe mentionné [le CCI], sous la forme de traces d'idéologie s'éloignant d'une rigoureuse analyse marxiste du mouvement et de la théorie révolutionnaire. (…) Dans la mesure du possible, je me suis efforcé d'enlever ou de relativiser des passages qui sentaient trop une polémique anti-“conseilliste”, propre au groupe dont je subissais alors l'influence."
Ce passage nous apprenait plusieurs choses. D'une part, il avait fallu que le Docteur Bourrinet quitte le CCI pour qu'il accède enfin à "une rigoureuse analyse marxiste du mouvement et de la théorie révolutionnaire". Il oubliait de dire que c'est le groupe Révolution Internationale (future section du CCI en France) qui lui avait appris les fondements du marxisme alors qu'il venait juste de quitter Lutte Ouvrière, une organisation qui n'a rien à voir, même si elle s'en revendique, ni avec le marxisme ni avec le mouvement révolutionnaire. Il apportait aussi de l'eau au moulin à l'idée, propre au "marxisme" universitaire, que l'on peut être "marxiste" tout en restant à l'écart de toute organisation politique menant le combat pour la défense des principes prolétariens. Une idée bien proche du rejet par le conseillisme dégénéré de la nécessité de l'existence d'une telle organisation et qui explique que bien des "marxistes de la chaire" se trouvent des affinités avec le conseillisme. Une réponse que l'on peut opposer à la vision du Docteur Bourrinet nous est donnée par le militant du CCI... Philippe Bourrinet :
"À la différence du “conseillisme” des années 1920 à la Rühle et des années 1930 en Hollande, le courant conseilliste actuel est en rupture avec la tradition de la Gauche communiste, “communiste de conseils”. Il correspond beaucoup plus à une révolte de fractions de la petite bourgeoisie ou d’éléments du prolétariat méfiants à l’égard de toute organisation politique. Le danger conseilliste de demain ne surgira pas d’une défaite de la révolution, comme dans les années 1920 en Allemagne, il surgira au début de la vague révolutionnaire et sera le moment négatif de la prise de conscience du prolétariat." (Procès-verbal d'une journée d'étude tenue par la section en France du CCI en avril 1985 sur le thème "Le danger du conseillisme", p. 19)
"L’ouvriérisme coexiste très, très bien, on peut même dire totalement, avec l’intellectualisme. Et dans ce sens-là, on a vu effectivement une espèce d’anarchisme de type petit-bourgeois, au sens du rejet de toute forme d’autorité et d’organisation, etc., etc. ; un peu la vision de l’intellectuel ouvriériste que condamnait déjà Lénine dans Que Faire ?" (Ibid. p. 32)
Enfin, nous apprenions que si, à cette époque, le militant Philippe Bourrinet a commis des erreurs, c'est qu'il était "sous influence". Docteur Bourrinet, tu es (pour une fois) bien modeste ! 8 [15] Le militant Philippe Bourrinet ne se contentait pas de "subir l'influence du CCI", il était un défenseur déterminé et talentueux des positions et analyses de cette organisation dans son combat contre les dérives conseillistes en son sein. C'est d'ailleurs pour cette raison que le CCI lui avait confié la tâche de rédiger l'article de la Revue Internationale n° 40 qui engageait publiquement ce combat. (Voir "La fonction des organisations révolutionnaires : le danger du conseillisme")
Après que le Docteur Bourrinet ait révisé les deux textes sur la Gauche italienne et la Gauche germano-hollandaise, il en a fait imprimer de nouvelles versions papier qu'il a mises en vente sur Internet. Évidemment, ces textes comportaient un peu plus de matière et moins de coquilles que ceux publiés par le CCI. En outre, ils exprimaient mieux le nouveau positionnement politique du Docteur. Mais ces changements avaient pour lui une valeur considérable : alors que le CCI vendait le livre sur la Gauche hollandaise 12 Euros, le Docteur en demandait 75 [16]. De même pour la Gauche italienne, on passait de 8 Euros à 50 Euros [17] (40 euros [18] pour la version en anglais). 9 [19] C'est vrai que les versions vendues par le Docteur avaient une couverture en couleurs ! Dans une lettre célèbre du 18 mars 1872 à son éditeur français du Capital, Marx écrivait : "J’applaudis à votre idée de publier la traduction de Das Kapital en livraisons périodiques. Sous cette forme, l’ouvrage sera plus accessible à la classe ouvrière et, pour moi, cette considération l’emporte sur toute autre." De toute évidence, ce n'est pas ce type de considération qui "l'emporte sur toute autre" chez le Docteur Bourrinet qui, pour sa part, procède comme ces autres "Docteurs", les médecins, inscrits dans le Secteur 2 dont les tarifs, deux fois plus élevés que ceux du Secteur 1, non seulement leur permettent d'arrondir leurs revenus mais aussi les préservent d'une patientèle ouvrière, de "pue-la-sueur", beurk !
Est-ce par pingrerie que le Docteur Bourrinet a fixé à ce niveau exorbitant le prix de ses ouvrages ? Ce n'est pas totalement à exclure car déjà le militant Philippe Bourrinet était connu pour ce trait de caractère au sein du CCI, ce qui provoquait d'ailleurs les moqueries du camarade Marc Chirik, alors trésorier de la section en France. Cela-dit, il est peu probable que la radinerie du Docteur Bourrinet, pour maladive qu'elle soit, l'ait rendu complètement stupide. Même un imbécile peut comprendre qu'à ce prix les ouvrages imprimés sous la responsabilité de ce Docteur ne trouveront pratiquement pas d'acheteur (même en supposant que le CCI, comme le réclame à cors et à cris le Docteur, cesse de diffuser ceux édités par ses soins) 10 [20]. En fait, il est très probable que la hauteur vertigineuse des tarifs du Docteur Bourrinet est à l'image de ce qu'il pense de ses œuvres et de lui-même. Brader "à vil prix" ses productions littéraires (qu'il doit probablement considérer comme plus importantes que Das Kapital), c'est minimiser leur valeur, tout cela dans la logique bourgeoise la plus classique et méprisable telle qu'elle s'était déjà exprimée avec son appel à la "Société des gens de lettres". Si ces explications sont à côté de la réalité, nous engageons le Docteur Bourrinet à nous fournir sa propre explication. Nous ne manquerons pas de la publier comme d'ailleurs toute réponse qu'il souhaiterait apporter à cet article.
Cela-dit, la mesquinerie du Docteur Bourrinet et les petites contorsions marquées par la mauvaise foi que nous avons signalées plus haut, ne sont rien à côté des calomnies qu'il avait portées dès 1992 contre notre organisation, des calomnies que nous avions à l'époque décidé de ne pas relever publiquement mais auxquelles il est temps de répondre aujourd'hui car, depuis mars 2012, elles sont venues polluer Internet. En effet, sur le site www.left-dis.nl/f [21] il y a un lien intitulé "Une mise au point publique (Paris, décembre 91) sur le parasitisme 'instinctif' de la secte 'CCI'. Mars 2012". En cliquant sur ce lien 11 [22], on trouve un fichier Pdf reproduisant les documents reçus par le CCI en 1992 (évoqués plus haut) et sur lesquels nous revenons maintenant.
Dans la "mise au point" du 27 juillet 1992, on peut lire :
"À l'occasion de l'édition de sa thèse de doctorat, et de son précédent mémoire de maîtrise portant sur la Gauche communiste italienne (1926-1945)", effectuée sans l'accord de l'auteur, avec ajouts et retranchements arbitraires de ce groupe, qui croit en posséder la propriété sous prétexte que l'auteur soussigné a été membre dudit CCI, la mise au point suivante s'impose au lecteur :
Ce travail publié anonymement par le CCI en 1991, en français, l'a été sans l'accord, sans les révisions, sans l'avertissement de l'auteur, qui a été mis devant le fait accompli d'un véritable 'piratage'.
[Suit le passage déjà cité plus haut indiquant que Philippe Bourrinet était docteur de l'université Paris I et un autre passage où il donne des précisions sur les circonstances de la soutenance de sa thèse]
Ce livre prolonge celui sur LA GAUCHE COMMUNISTE ITALIENNE 1912-1945, travail de maîtrise du même auteur (Paris I - Sorbonne, 1980, sous la direction de Jacques Droz).
Ce mémoire de maîtrise a été publié en 1981 et 1984, anonymement - en français et italien - par le groupe CCI, avec l'accord tacite, et uniquement tacite, de l'auteur."
Commençons par "l'accord tacite, et uniquement tacite" du militant Philippe Bourrinet donné à la publication sans nom d'auteur du travail sur la Gauche communiste italienne. Docteur Bourrinet, espèce de faux-cul, c'est quoi cette embrouille ? Tu étais d'accord ou non que le texte que tu avais rédigé soit publié comme brochure du CCI ? C'est "tacitement" que tu as discuté longuement avec d'autres militants de l'organisation de la maquette et de la couverture de cette brochure, une couverture où, effectivement, il n'y avait pas de nom d'auteur ?
Quant au travail sur la Gauche germano-hollandaise, qui aurait été publié sans l'accord du tout nouveau Docteur Bourrinet, nous te posons cette autre question : Est-ce qu'il n'y avait pas de miroir chez toi te permettant de constater à quel point ton nez s'était allongé après que tu aies écrit une telle chose ? Tu es un fieffé menteur Docteur Bourrinet en prétendant que tu as été "mis devant le fait accompli". Et la preuve de notre accusation, elle nous est fournie par un article publié dans notre Revue Internationale n° 58 (3ème trimestre 1989) 12 [23] et intitulé "Contribution pour une histoire du mouvement révolutionnaire : histoire de la gauche germano-hollandaise". Dans cet article on peut lire : "L'histoire de la gauche communiste internationale depuis le début du siècle, telle que nous avons commencé à la relater dans les brochures sur La Gauche communiste d'Italie, n'est pas seulement un travail d'historien. Ce n'est que d'un point de vue militant, du point de vue de l'engagement dans le combat de la classe ouvrière pour son émancipation que peut être abordée l'histoire du mouvement ouvrier, histoire dont la connaissance, pour la classe ouvrière, n'est pas affaire de savoir, mais d'abord et avant tout une arme de son combat pour les luttes du moment et à venir, par les leçons du passé qu’elle enseigne.
C'est de ce point de vue militant que nous publierons, comme contribution pour une histoire du mouvement révolutionnaire, une brochure sur La gauche communiste germano-hollandaise, qui paraîtra dans le courant de cette année. C'est ce point de vue de comment nous avons abordé cette histoire qui est présenté ci-dessous dans l'introduction à cette brochure."
Mais qui est donc ce militant du CCI, ce salopard, qui justifie ainsi par avance le "piratage" de la thèse du Docteur Bourrinet, qui se rend complice de la manœuvre visant à mettre ce dernier "devant le fait accompli". L'article est signé Ch., c'est-à-dire Chardin, c'est-à-dire le militant... Philippe Bourrinet.
Ainsi, c'est le militant Philippe Bourrinet, probablement "sous influence", qui assume publiquement et par écrit l'ignominie que le CCI s'apprête à commettre à l'encontre du Docteur Bourrinet. Mais au moment où il écrit cet article, il a déjà reçu le titre de Docteur de l'Université Paris I - Sorbonne. En d'autres termes, un des principaux responsables des infamies commises contre le Docteur Bourrinet n'est autre que le Docteur Bourrinet lui-même. Le Docteur Bourrinet serait-il masochiste ? En tout cas, c'est un fieffé menteur, nous persistons et nous signons. Un menteur et un calomniateur méprisable.
Mais les agissements écœurants de mars 2012 du Docteur Bourrinet ne s'arrêtent pas à la publication de documents vieux de 20 ans. Il fallait que ce Docteur plonge encore plus dans la bassesse. C'est ainsi que plusieurs militants du CCI ont reçu une lettre recommandée [24] avec accusé de réception datée du 23 mars 2012 et envoyée par le Service juridique de la Société des Gens de Lettres. En voici l'essentiel :
"Nous intervenons au nom de Monsieur Philippe Bourrinet, membre de la Société des Gens de Lettres, au sujet de son mémoire et de sa thèse (…).
Nous sommes très surpris d'apprendre que ces deux ouvrages font régulièrement l'objet de contrefaçon, portant ainsi atteinte à la fois aux droits patrimoniaux et au droit moral de Monsieur Bourrinet.
Nous vous prions donc de cesser immédiatement toute exploitation de ces textes sur les différents sites Internet où ils peuvent se trouver, mais également dans toute édition d'ouvrages.
À défaut, l'auteur se réserve le droit d'agir par toutes les voies de droits qui lui sont offertes."
En d'autres termes, le Docteur Bourrinet se "réserve le droit" d'envoyer un juge aux fesses d'un certain nombre de militants du CCI si ce dernier continue à diffuser les livres sur la Gauche italienne et sur la Gauche germano-hollandaise. Le plus piquant de l'histoire, c'est qu'un des militants de notre organisation qui a reçu cette lettre de menaces est justement un de ceux qui s'est le plus impliqué dans le soutien matériel aux travaux du militant Philippe Bourrinet, notamment en photocopiant à son travail, au risque d'avoir de sérieux ennuis avec son employeur, voire d'être licencié, des centaines et des centaines de pages de documents (épreuves des écrits de Philippe Bourrinet afin qu'ils soient relus par d'autres militants, recueils de différentes publications de la Gauche communiste qui lui avaient été prêtés pour une courte période, exemplaires des mémoires de Maîtrise et de Thèse devant être fournis à l'Université).
Aujourd'hui, le Docteur Bourrinet, avec la lâcheté qui le caractérise, puisqu'il se protège derrière la Société des Gens de Lettres à qui il a raconté des bobards, menace de faire appel à l'État bourgeois pour défendre son "patrimoine" et faire respecter son "droit moral". Et avec ça, il continue de se réclamer de la Gauche communiste et "d'une rigoureuse analyse marxiste du mouvement et de la théorie révolutionnaire". Qu'auraient pensé les militants héroïques de ce courant s'ils avaient su comment le Docteur Bourrinet allait se servir de l'histoire de leur combat, écrite par le militant Philippe Bourrinet, d'une façon aussi mesquine et méprisable ?
Retranché derrière la barrière protectrice du droit bourgeois à laquelle il s'agrippe piteusement, le Docteur Bourrinet a la prétention insensée de s'arroger le droit de faire main basse sur le patrimoine de la Gauche communiste, sur des textes du mouvement ouvrier qui n'appartiennent à personne si ce n'est à la classe ouvrière et dont les organisations prolétariennes sont les dépositaires, les garants politiques et moraux. Ce philistin croit pouvoir se comporter comme le vulgaire capitaliste qui protège son "brevet industriel", en faisant croire que le produit de l'histoire universelle de la classe exploitée est une marchandise qui se réduit à sa misérable individualité et à sa "propriété intellectuelle". Il s'agit d'une pure escroquerie, d'une ridicule OPA hollywoodienne. La classe ouvrière ne secrète pas des individus-militants, mais des organisations révolutionnaires qui sont le produit d'un combat et d'une continuité historique. C'est d'ailleurs ce que rappellent déjà les statuts de l'AIT en 1864 : "Dans sa lutte contre le pouvoir uni des classes possédantes, le prolétariat ne peut agir en tant que classe qu'en se constituant lui-même en parti politique distinct et opposé à tous les anciens partis politiques créés par les classes possédantes" (Art.7a). Les organisations ouvrières défendent des principes qui sont le fruit d'une expérience historique. En ce sens, le travail des militants s'inscrit dans un mouvement qui n'est pas et ne peut pas être leur "propriété personnelle". Visiblement, si cela avait été compris par le militant Philippe Bourrinet, le Docteur Bourrinet l'a complètement oublié. Les statuts du CCI précisent très clairement ce qui autrefois était une évidence morale dans le camp du prolétariat : "tout militant qui quitte le CCI, même au sein d'une scission, restitue à l’organisation la totalité des moyens matériels de celle-ci (argent, matériel technique, stock de publications...)" (souligné par nous).
Voilà donc le vrai visage du Docteur Bourrinet ! S'arroger un butin pour avoir recours à la justice bourgeoise par vengeance personnelle et pour flatter son orgueil blessé. Une telle transgression de l'engagement moral initial, lorsqu'il était militant, n'est pas seulement pitoyable. Il s'agit là d'un comportement totalement étranger au mouvement ouvrier. Une telle démarche légaliste de petit bourgeois revanchard n'a jamais été celle de la Gauche communiste que ce faussaire prétend défendre ! Comment qualifier le Docteur Bourrinet ? Une profusion de termes, tous moins obligeants les uns que les autres, nous vient à l'esprit. Devant une telle abondance de qualificatifs, on ne sait lequel choisir. Aussi, nous préférons dire qu'il est "inqualifiable".
Mais les exploits du Docteur Inqualifiable ne s'arrêtent pas là. Non seulement il fallait qu'il essaie, par les moyens les plus vils, de porter le plus de tort possible à son ancienne organisation, le CCI, mais il fallait qu'il s'attaque également à la mémoire du militant qui a joué un rôle déterminant dans la constitution de celui-ci, notre camarade Marc Chirik, décédé en décembre 1990.
Pour ce faire, il utilise une notice biographique [25]publiée sur son site Internet et qui reprend, en même temps que d'autres notices, celles qui se trouvent à la fin de sa nouvelle version du livre sur la Gauche italienne.
Dans la notice publiée à la fin du livre, il se permet une petite attaque mesquine contre Marc Chirik : "Pour Jean Malaquais, l'ami de toute une vie, il incarnait une certaine figure de 'prophète' politique". Sur le site Internet du Docteur Bourrinet, la phrase s'allonge et constitue une attaque beaucoup plus claire à la réputation de notre camarade : "Pour Jean Malaquais, l’ami de toute une vie, Marc Chirik incarnait une désuète figure de “prophète” politique, cherchant toujours à prouver et à se prouver qu’il ne “s’était jamais trompé”". On reconnaît là le style faux-cul du Docteur Bourrinet. On fait parler "l'ami de toute une vie" pour faire passer une image négative de Marc Chirik, sans préciser que si Malaquais était un bon écrivain et un bon polémiste, et qu'il partageait les positions de la Gauche communiste, il n'avait pas la personnalité d'un militant et qu'il n'avait fondamentalement pas compris ce qu'est le militantisme révolutionnaire. D'ailleurs, à une époque où il habitait à Paris et où il venait parfois à nos réunions publiques, il avait demandé à entrer dans le CCI, mais Marc Chirik n'avait pas eu de mal à convaincre les autres camarades qu'on ne pouvait accepter sa candidature car, souvent, il manifestait un mépris assez hautain envers les militants et envers les activités que nous menions.
Cette petite mesquinerie au sein de la notice biographique sur Marc Chirik publiée par le Docteur Bourrinet est loin d'être le pire. Le pire, c'est un ajout, sous la notice elle-même, où le Docteur reprend à son compte les calomnies les plus basses qui ont circulé contre notre organisation, notamment de la part de ce ramassis de voyous et de mouchards qui s'est donné le titre de "Fraction interne du CCI" :
"Très vite après son décès, dès 1991-1993, le groupe de Marc Chirik fut secoué par de furieuses “guerres des diadoques” ayant pour enjeu la succession des “chefs” à la tête des “masses” du CCI, en fait de dérisoires guerres picrocholines ayant pour scène une “maison d’aliénés”"
Puis, le Docteur Bourrinet fait parler les "adversaires" de notre camarade et de notre organisation pour déverser un tombereau d'ordures sur l'un et l'autre :
"Pour ses adversaires politiques, Marc Chirik restait une figure du passé, rattachée au courant léniniste et trotskyste, dans ses pires aspects, un lointain disciple d’Albert Treint, recourant aux manœuvres de type “zinoviéviste”, et n’hésitant pas, comme en 1981, lors d’une antépénultième scission, à recourir à des “raids tchékistes” contre les “dissidents”, pour “défendre l’organisation”, et “récupérer son matériel”.
Pratiquant un “contrôle monolithique” de “son” organisation, Marc Chirik aurait ainsi contribué à la faire très tôt sombrer sans retour dans une “psychose paranoïaque”. Une sombre réalité qui, pour nombre d’anciens militants, aurait déchiqueté l’organisation “chiriquienne”, dont les travers les plus visibles étaient : une malhonnêteté politique érigée en impératif catégorique, des “techniques policières de harassement”, une atmosphère soigneusement cultivée de paranoïa ultra-sectaire utilisant ad nauseam la “théorie des complots”, préconisant comme résolution des différends politiques une prophylaxie d’éradication du “parasitisme” des organismes “ennemis”.
Au final :
a) un retour triomphant (et assumé) du “refoulé” stalinien dans la “praxis” ;
b) un attachement de couverture aux “acquis du freudisme”, où “lutte entre prolétariat et bourgeoisie” côtoie la “lutte éternelle entre Éros et Thanatos”, ainsi que celle entre “le bien” et “le mal”, le bien étant la “morale prolétarienne” dont le CCI serait le dépositaire à travers ses “organes centraux” ;
c) un attachement quasi religieux au darwinisme, comme méthode de “sélection” des espèces politiques les mieux “adaptées”, sous couvert d’un développement de l’“instinct social”, dont le CCI serait l’ultime incarnation ;
d) sous le manteau “vertueux” de la “morale prolétarienne”, le triomphe en coulisses de l’immoralisme politique, “éternel retour” du “catéchisme de Netchaïev”, où tout est permis pour détruire l’adversaire politique".
Comme on peut le constater, les accusations rapportées par le Docteur Bourrinet ne concernent pas seulement celles ayant visé Marc Chirik ou le CCI du temps où il était parmi nous, mais aussi des accusations bien postérieures à son décès. Par exemple, le CCI n'a jamais discuté du darwinisme ou publié d'articles sur ce thème du vivant de Marc Chirik. Ce n'est qu'à partir de 2009, soit près de 20 ans après la mort de notre camarade, que cette question a été abordée dans nos discussions internes et dans notre presse. En fait, le Docteur Bourrinet veut "faire d'une pierre deux coups" : démolir Marc Chirik et démolir l'organisation dont il a été le principal fondateur, le CCI.
A la vérité, ce véritable "inventaire à la Prévert" nous donne un concentré de la "méthode Bourrinet". Pour respecter formellement les règles de l'historien, il fait suivre sa notice d'une bibliographie au sein de laquelle on trouve effectivement les origines de ces insanités. Mais cette bibliographie est tellement abondante, qu'elle noie les références des publications qui profèrent ces calomnies. De plus, il est particulièrement difficile, même pour un "spécialiste", d'accéder à nombre de textes référencés ce qui fait que la plupart des lecteurs ne se donneront pas la peine d'aller chercher "qui a dit quoi". Et c'est justement ça qui est important. Si dans une notice biographique de Trotski on insérait un paragraphe sur ce que disaient de lui ses "adversaires politiques" et que, parmi les accusations, il y avait celle qu'il était "un agent de Hitler", il est clair que le simple fait que l'on sache que cette accusation avait été portée par le procureur Vychinski lors des "Procès de Moscou" suffirait à lui enlever toute vraisemblance. Nous n'allons évidemment pas accabler le lecteur avec une réfutation systématique de toutes les calomnies proférées contre Marc Chirik et contre le CCI par les publications ou articles dont le Docteur donne la référence et qu'il colporte complaisamment. Disons simplement qu'elles émanent principalement d'ancien membres du CCI qui, pour différentes raisons, ressassement une haine tenace contre notre organisation. Certains d’entre eux étaient resté marqués par des visions anarchisantes qui les ont conduits, en fin de compte, à souscrire à la formule "Lénine=Staline". D’autres ont eu le sentiment que l’organisation ne les considérait pas à leur juste valeur ou bien n’ont pas supporté certaines critiques ce qui les a conduits à faire de leur orgueil blessé une cause plus importante à défendre que les positions communistes. D'autres, se sont distingués par des comportements de voyous en même temps qu’ils étaient prêts à faire appel à la police lorsque des équipes du CCI se sont présentés chez eux pour récupérer le matériel qu'ils avaient dérobé à l'organisation. D'autres enfin (ou les mêmes) continuent encore à défendre l'élément trouble Chénier, exclu en 1981, et qui a très rapidement fait carrière dans le parti socialiste alors au pouvoir.
Si le Docteur Bourrinet rapporte certaines accusations dont le caractère invraisemblable et délirant est évident, ce n'est probablement pas qu'il pense qu'elles puissent être prises pour argent comptant par les lecteurs mais parce qu'elles permettent d'instiller l'idée qu'il "n'y a pas de fumée sans feu", que "même si c'est exagéré, il doit y avoir quelque chose de vrai derrière". "Calomnions, calomnions, il en restera toujours quelque chose !"
Un dernier mot à propos de cet ajout. Parmi les nombreux militants de la Gauche communiste dont le Docteur Bourrinet a écrit la notice biographique, notre camarade Marc Chirik fait figure de privilégié. En effet, il est le seul qui ait droit à un ajout de ce type, le seul dont on peut connaître non seulement les détails de sa vie militante mais aussi le détail des accusations dont il a fait l'objet. Sans pour cela, évidemment, qu'on puisse trouver la moindre référence de tous les textes (articles, interventions sur les forums, etc.) qui réfutent ces accusations. Tout cela, évidemment, au nom d'un travail "sérieux" et "honnête" d'historien ! 13 [26]
Nous pouvons donc revenir sur l'idée suivant laquelle le Docteur Bourrinet serait "un historien sérieux et honnête". Il nous faut, comme disait Marx, "protester" contre une telle idée. Le Docteur, dans l'article qu'il avait écrit en 1989 pour la presse de notre organisation annonçant la prochaine publication par le CCI de la Gauche germano-hollandaise, faisait référence à un certain nombre d'historiens sérieux et honnêtes du mouvement ouvrier : Franz Mehring, Léon Trotski, qui tous deux étaient des militants révolutionnaires, mais aussi George Haupt, qui pourtant "était loin d'être révolutionnaire" suivant les mots du Docteur Bourrinet :
"Il vaut la peine, à ce propos, de citer l'historien Georges Haupt, disparu en 1980, qui s'est fait connaître par la probité de ses travaux sur la 2e et la 3e Internationales :
“À l'aide de falsifications inouïes, foulant aux pieds et méprisant les réalités historiques les plus élémentaires, le stalinisme a méthodiquement gommé, mutilé, remodelé le champ du passé pour le remplacer par sa propre représentation, ses mythes, son autoglorification. (…)”"
Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas "la probité" qui caractérise le Docteur Bourrinet. Comme on l'a vu, il n'hésite pas à proférer des mensonges énormes quand ça l'arrange, quand les réalités historiques ne lui permettent pas d'étayer son "autoglorification". Le Docteur Bourrinet a pu, quand il était militant du CCI, faire un travail intéressant, important et honnête. Depuis, il est possible que certaines études qu'il a produites soient, faute d'être particulièrement importantes ou intéressantes, conformes à cette "probité". Mais ce qui est sûr, c'est que sa probité s'envole lorsque les sujets qu'il traite sont trop près de ses obsessions haineuses : le militant Marc Chirik et le Courant communiste international. Après tout, certain "historiens" staliniens ont pu faire d'excellentes études sur la Commune de Paris, mais il ne fallait pas attendre d'eux qu'ils en fassent autant à propos de l'histoire des partis "Communistes".
Concernant les autres idées fausses à propos du Docteur Bourrinet suivant lesquelles il serait "un défenseur des idées de la Gauche communiste et un fin connaisseur de la principale organisation de celle-ci, le CCI", là aussi ce qui précède a démontré que nous étions bien loin de la vérité. Comme fin connaisseur du CCI, il y a mieux : soit il croit sur parole les insanités délirantes proférées par les "adversaires politiques" de Marc Chirik et du CCI, et alors ses "connaissances" sont dignes du magazine Closer ou du journal Minute, soit il n'y croit pas, et son cas est encore pire. Quant à la défense des idées de la Gauche communiste, il n'y a rien à attendre de quelqu'un dont la préoccupation obsessionnelle est la défense de... ses droits d'auteur, et qui, pour cela, menace de faire intervenir l'État bourgeois : quand on prétend défendre certaines idées, l'exigence élémentaire est de ne pas se comporter en contradiction totale avec ces idées. Il n'y a rien à attendre de quelqu'un qui, dévoré par la haine, couvre (ou laisse couvrir) d'immondices Marc Chirik, un des très rares militants de la Gauche communiste (sinon le seul) à avoir, contrairement à la majorité des autres militants de ce courant qui sont restés cramponnés à leurs positions initiales, réussi à s'approprier les apports essentiels, tant de la Gauche italienne que de la Gauche germano-hollandaise, et de les avoir défendus jusqu'à son dernier souffle.
Pour le Docteur Bourrinet, les idées de la Gauche communiste sont un simple fonds de commerce hérité du temps où il était un militant de ce courant et qu'il essaie, cahin-caha, de faire fructifier au service de son besoin de reconnaissance sociale officielle (faute de pouvoir le faire au service de son portefeuille).
Pour dernière preuve de cette affirmation, il vaut la peine de prendre connaissance de la notice biographique consacrée à Lafif Lakhdar, décédé en juillet 2013, sur le site Controverses qui se présente comme "Forum pour la Gauche Communiste Internationaliste", une notice signée par Ph. B. (le Docteur Bourrinet himself) 14 [27]. Dans le chapeau de la notice, Lafif Lakhdar est présenté comme "intellectuel arabe, écrivain, philosophe et rationaliste, militant en Algérie au Moyen-Orient et en France. Surnommé le “Spinoza arabe”". Dans la notice elle-même, nous apprenons que, "Avec le philosophe Mohammed Arkoun (1928-2010), il avait participé depuis 2009 au programme Aladin de l’UNESCO, un “programme éducatif et culturel” lancé sous le patronage de l’UNESCO, de Jacques Chirac et de Simone Veil". Nous y apprenons aussi que "En octobre 2004, il a corédigé, avec de nombreux écrivains arabes libéraux un Manifeste publié sur Internet (www.elaph.com [28] ; www.metransparent.com [29]) demandant à l’ONU d’établir un tribunal international visant à poursuivre les terroristes, organisations ou institutions incitant au terrorisme." Franchement, on a beaucoup de mal à comprendre ce que cette biographie vient faire sur un "Forum pour la Gauche Communiste Internationaliste" et pourquoi elle est rédigée par quelqu'un qui se réclame de cette même Gauche communiste. Tel qu'il apparaît dans ces lignes, Lafif Lakhdar était probablement un homme plein de bonnes intentions et qui ne manquait pas d'un certain courage face aux menaces des islamistes fanatiques, mais qui situait son action totalement dans le cadre du monde bourgeois "démocratique" et en défense des illusions grâce auxquelles la bourgeoisie perpétue sa domination. Quelqu'un qui, de près ou de loin, a à voir avec la Gauche communiste, s'interdirait absolument de demander à l'ONU, ce "repaire de brigands" (suivant le terme de Lénine à propos de la Société des Nations), "d’établir un tribunal international visant à poursuivre les terroristes". C'est comme si, face aux attentats terroristes, on demandait à l'État bourgeois de renforcer son arsenal judiciaire et policier. 15 [30] D'ailleurs, parmi les hauts faits de Lafif Lakhdar, il en est un que le Docteur Bourrinet ne mentionne pas (oubli ou dissimulation volontaire ?) : une lettre ouverte du 16 novembre 2008 au nouveau président des États-Unis Barack Obama, lui suggérant de "changer le monde en cent jours en scellant la réconciliation judéo-arabe" 16 [31]. Cette lettre contient les passages suivants :
"Résoudre ce conflit ou ce mélange du religieux et du politique de façon explosive serait une agréable surprise de votre part aux peuples de la région et du monde. Il s’ensuivra sans doute un impact psychologique salutaire pour toutes les autres crises, y compris pour la crise financière mondiale.
Comment y parvenir ? (...)
Envoyez une délégation américaine pour la paix ayant à sa tête le Président Clinton et le premier ministre israélien démissionnaire Ehud Olmert 17 [32], composée du prince Talal Ben-Abdul Al-Aziz, représentant symbolique de l’initiative de paix arabe, de Walid Khalid et Shibli Talham, représentants du peuple palestinien.
Et quelle solution ?
D’abord, l’application des paramètres de M. Clinton, qui a donné aux juifs ce qui leur avait manqué depuis la destruction du Temple en 586 avant J.-C., et aux Palestiniens ce qu’ils n’avaient jamais connu de toute leur histoire : un État indépendant. Ensuite, l’application de la “recommandation” faite par Ehud Olmert à son successeur, laquelle accorde aux Palestiniens l’essentiel de leurs revendications..."
Et la lettre se conclut ainsi :
"Président Barack Obama, on dit de vous que vous n’avez guère d’expérience ; en résolvant pendant les cent premiers jours de votre administration un conflit vieux d’un siècle, qui a provoqué cinq guerres et deux intifada sanglantes, vous démontreriez au monde que vous êtes un leader compétent et responsable, faisant ainsi un cadeau aux plus de 80% de la population mondiale qui ont prié pour votre succès et tant fêté votre victoire". Plus Gauche communiste que ça, tu meurs !
Sur le site Controverses, la notice sur Lafif Lakhdar rédigée par le Docteur Bourrinet est publiée dans la rubrique "Internationalistes". C'est qui un internationaliste ? C'est quelqu'un qui non seulement dénonce le chauvinisme et la barbarie guerrière mais qui défend avec détermination la seule perspective qui puisse mettre fin à cette dernière : le renversement du système capitaliste par la révolution prolétarienne mondiale. Et cette défense passe nécessairement par la dénonciation intransigeante de toutes les illusions pacifiste et démocratiques, de toutes les forces politiques de la bourgeoisie qui les véhiculent, aussi "démocratiques", "éclairées" et bien intentionnées qu'elles soient. Celui qui n'a pas compris cela se situe non pas sur un terrain prolétarien et communiste, mais sur un terrain bourgeois ou petit-bourgeois. De toute évidence, notre éminent Docteur (de même d'ailleurs que les responsables de Controverses), ne sait pas faire la différence entre un humaniste démocrate bourgeois et un internationaliste, c'est-à-dire un révolutionnaire. Et cela parce que le point de vue du Docteur Bourrinet n'est pas celui du prolétariat mais celui de la petite bourgeoisie. C'est déjà ce qui ressortait du récit que nous avons fait plus haut des comportements du Docteur depuis qu'il a quitté le CCI, mais la notice sur Lafif Lakhdar le confirme de façon on ne peut plus éclairante.
En réalité, la recherche fiévreuse de reconnaissance sociale officielle du Docteur Bourrinet, sa revendication de ses "droits d'auteur" auprès des institutions bourgeoises, sa défense de ses "droits patrimoniaux" y compris en faisant appel aux organes de l'État, sa mesquinerie, sa mauvaise foi, son recours au mensonge, sa lâcheté et enfin la haine qu'il porte à l'organisation et aux militants grâce à qui il a pu acquérir les moyens de rédiger ses deux livres, tous ces comportement méprisables du Docteur Bourrinet depuis 1992 ne sont pas seulement l'expression de traits de sa personnalité. Ils sont aussi et bien plus encore l'expression de son appartenance idéologique à la catégorie sociale qui concentre le plus tous ces travers moraux, la petite bourgeoisie.
Comme on va le voir, la conférence débat animée par le Docteur Bourrinet a constitué une claire illustration de ce que nous avons dit à propos de ce personnage.
Le Docteur Bourrinet a d’abord prononcé un long et soporifique discours introductif. La somnolence qui a envahi l'assistance (y compris le présidium) ne résultait pas seulement du charisme du Docteur Bourrinet comparable à celui d'une huître. Bien plus fondamentalement, c'était la conséquence d'un discours sans âme ni esprit de combat, qui a permis au présidium de déduire de tout ce fatras indigeste que : "le passé, c'est le passé" et "les questions se posent autrement aujourd'hui".
Suite logique de cela, ont alors été invoquées par les participants des problématiques "nouvelles" comme "la question des prisons", celle des "précaires," etc. Bref, le discours du Docteur Bourrinet a eu pour unique effet de faire passer la tradition de la Gauche communiste pour une chose sans intérêt pour le présent et pour l'avenir, issue d'une période révolue et dont parlent certains livres poussiéreux tout justes bons à traîner sur les étagères des bibliothèques à la disposition des chercheurs universitaires.
En d'autres termes, l'exposé du Docteur Bourrinet a constitué une confirmation de ce que l'ensemble de son comportement antérieur permettait déjà de constater : désormais, pour notre Docteur, l'histoire de la Gauche communiste est devenue une simple discipline académique et n'a plus rien à voir avec ce qu'en écrivait le militant Philippe Bourrinet sous le nom de Chardin :
"(...) d'abord et avant tout une arme du combat [de la classe ouvrière] pour les luttes du moment et à venir, par les leçons du passé qu’elle enseigne." (Revue Internationale n° 58, Ibid.)
Mais ce n’est pas tout ! Le Docteur Bourrinet ne s’est pas contenté d’endormir l’assistance, il a aussi glissé dans son histoire à dormir debout un certain nombre de falsifications historiques, ce qui, évidemment, est cohérent avec sa propension, qu'on a déjà vue, à "arranger" l'histoire à sa guise.
Il a ainsi décrit séparément les différentes Gauches communistes (d'Italie, d'Allemagne et de Hollande) comme si elles avaient existé de façon isolées, sans aucune interaction l'une sur l'autre. La vérité est toute autre ! C'est vrai qu'en 1926, la Gauche italienne avait opposé un refus à la proposition que lui avait faite Karl Korsch, animateur d'un regroupement en Allemagne autour de la revue Kommunistische Politik, de faire une déclaration commune des différents courants de gauche (Lettre de Bordiga à Karl Korsch du 28 octobre 1926). Mais la Fraction de gauche du Parti communiste d’Italie qui a publié Prometeo en italien à partir de 1929 puis Bilan en français à partir de 1933, non seulement a eu la ferme volonté de confronter ses positions avec celles des autres courants de gauche, principalement l’Opposition de gauche inspirée par Trotski et la Gauche germano-hollandaise, mais a repris à son compte certaines des positions de ce dernier courant. Ainsi, par exemple, l’analyse des luttes de libération nationale, telle qu’elle avait été élaborée avant 1914 par Rosa Luxemburg au sein de la social-démocratie allemande et polonaise, puis reprise par la Gauche allemande, fut intégrée dans les positions de Bilan à la fin des années 1930.
Plus fort encore : cet "expert" en Gauche communiste s'est même payé le luxe de ne pas évoquer une seule fois la Gauche Communiste de France (GCF). Comme sur les photos truquées du temps de Staline, où les présents disparaissaient au gré de chaque réécriture de l'histoire officielle, notre tribun, évoquant les Gauches germano-hollandaise et italienne, a "oublié" de mentionner ce groupe né à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1944 ! Et pour cause : la GCF (dont la publication s’appelait Internationalisme) se distingue justement par son profond travail de synthèse des principales Gauches des différents pays, dans la droite ligne de Bilan. En s’inspirant des avancées théoriques de Bilan, mais plus encore de sa vision d’un marxisme vivant et non dogmatique, ouvert sur toutes les expressions prolétariennes à l’échelle internationale, la GCF a permis à ce petit groupe des années 1930 de ne pas sombrer dans l’oubli et de devenir au contraire une sorte de pont entre le meilleur des traditions du mouvement ouvrier du passé et l’avenir du combat prolétarien. Autrement dit, quand le Docteur Bourrinet efface la GCF du tableau noir de l’Histoire, il fait disparaître du même coup, d'une certaine façon, Bilan, il casse la continuité historique entre les différents groupes révolutionnaires et brise la transmission de la si précieuse expérience de nos illustres prédécesseurs. En un mot : il désarme le prolétariat face à l’ennemi de classe.
Tout cela, le Docteur Bourrinet le fait délibérément. Il connaît parfaitement l’existence de la GCF et sa place dans l’histoire. Il ne s’agit pas d’un oubli malheureux ou d’une simple méconnaissance mais d’une volonté de cacher volontairement une vérité historique qui le dérange, le fait que la GCF ait apporté une contribution de premier plan à la pensée de la Gauche communiste.
Pourquoi ? La réponse est simple : tout simplement par haine du CCI, c'est-à-dire la seule organisation qui se réclame explicitement de la GCF, et par haine du militant qui a joué un rôle décisif dans la formation du CCI et qui fut le principal animateur de la GCF, Marc Chirik.
Cette haine du Docteur Bourrinet, nous avions pu la constater dans les différents écrits de ce personnage mais lors de cette réunion publique elle s'est exprimée ouvertement et aux yeux de toute l'assistance.
Ainsi, lorsque la délégation du CCI présente à la réunion a voulu interpeller le Docteur Bourrinet sur ses falsifications et sur sa "défenses des droits d'auteur", il a lancé sur un ton hystérique, que tous les participants ont pu constater, une série d'attaques rageuses contre notre organisation : "vous êtes des escrocs, des terroristes ; vous avez contraint beaucoup de militants du CCI à démissionner en les étouffant", c'est-à-dire les calomnies des "adversaires politiques de Marc Chirik" qu'il rapportait de façon "objective" dans la notice biographique qu'il a consacrée à notre camarade.
Jusqu'à présent, pour répandre son venin, notre Docteur s'abritait derrière des organismes officiels, des notices biographiques "arrangées" ou des "mises au point" sur Internet. Cette fois-ci, c'est en public, et devant quatre militants du CCI, qu'il a osé se "lâcher". Un tel changement d'attitude mérite explication.
Comme on l’a vu, le Docteur Bourrinet est le prototype du petit-bourgeois : couard, malhonnête et peu enclin à assumer en pleine lumière tout son fiel, sauf quand il sent gonfler le souffle de la rumeur et entend monter des cris haineux contre le CCI. Alors s'empare de lui le "courage" enivrant d'assumer lui aussi les pires calomnies et les plus basses menaces contre notre organisation. Il en va ainsi de toutes les logiques d'appel aux pogroms depuis des siècles : chaque participant apporte sa désolante contribution selon ses propres motivations, différentes mais toutes minables et empreintes de haine. Presque à chaque fois, ce type de dynamique barbare est initié par un ou des excitateurs, professionnels ou amateurs – peu importe. Voilà précisément dans quoi notre Docteur a plongé. Après avoir lu la prose anti-CCI de l'officine policière nommée GIGC 18 [33] dans laquelle s'agite l’excitateur Juan, il s'est ragaillardi et semble répondre à cet appel crapuleux au déchaînement de haine.
Le 28 avril 2014, la GIGC 19 [34] a publié un article relevant du pire travail des agents provocateurs de la police. Ce texte calomnieux ayant pour titre : "Une nouvelle (ultime ?) crise interne dans le CCI !" 20 [35], annonçait de manière ironique et jubilatoire la disparition du CCI... dépêche qui se révéla être "grandement exagérée." 21 [36] Mais la seule idée, même infondée, d'un CCI affaibli, presque agonisant, a galvanisé tous ceux qui n'ont qu'une seule et obsédante espérance, nous savoir morts et enterrés. C’est donc parmi ces "courageux" que nous avons retrouvé le Docteur Bourrinet, tout agité à l'idée d'apporter lui aussi sa voix aux aboiements de la meute contre le CCI. Mais même alors, cet encouragement de type policier du GIGC n’était pas suffisant. Il lui fallait la présence physique d’un acolyte, présence encourageante et protectrice, celle d'un "costaud", petit esprit mais gros biceps, et surtout doté d'une mentalité de voyou prêt à toutes les vilenies et toutes les lâchetés contre le CCI, le dénommé Pédoncule 22 [37], qui ne manqua pas de rassurer et motiver notre Docteur lors de la conférence de Marseille. Le pedigree de cet individu, coutumier des querelles de petite frappe, est édifiant : il a par le passé bousculé brutalement une de nos ex-camarades en la projetant contre un mur ; il a agressé un autre membre de l'organisation et a tenté de sortir un couteau à cran d'arrêt qu'il portait toujours sur lui. Et il a déjà froidement menacé un de nos camarades de lui "trancher la gorge". 23 [38]
L'association entre le Docteur et le voyou (qui aurait pu faire le sujet d'un film à la française, avec Jean-Louis Trintignant et Depardieu dans les rôles-titre), pour paradoxale qu'elle soit, n'est pas faite pour nous surprendre. Le rapprochement entre la petite bourgeoisie intellectuelle et le lumpen ne date pas d'hier et, en général, il se fait face à l'ennemi commun, le prolétariat révolutionnaire. En 1871, la plupart des écrivains français (à l'exception notable d'Arthur Rimbaud, Jules Vallès et Victor Hugo) s'étaient retrouvée aux côtés des voyous parisiens dans leur soutien aux massacreurs versaillais de la Commune 24 [39] ; les premiers avec leur plume, les seconds "sur le tas" par le mouchardage et les assassinats. En 1919, les "honorables" dirigeants de la Social-démocratie d'Allemagne avaient fait appel au lumpen regroupé dans les "corps francs" pour assassiner des milliers d'ouvriers en même temps que Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, deux des figures les plus lumineuses de la révolution prolétarienne. Aujourd'hui, le petit-bourgeois Bourrinet, Docteur de l'Université Paris I-Sorbonne, copine avec le candidat égorgeur Pédoncule, et c'est normal. C'est dans l'ordre des choses. Ils ont la même obsession : la haine du CCI ; la même volonté : que disparaisse le CCI, c'est-à-dire la principale organisation défendant les positions de la Gauche communiste à l'échelle internationale.
Pour notre part, nous continuerons à diffuser les deux livres sur La Gauche communiste d'Italie et La Gauche hollandaise, que cela plaise ou non au Docteur Bourrinet. Et nous encourageons nos lecteurs à lire ces ouvrages rédigés par Philippe Bourrinet, comme militant du CCI, et qui n'ont nullement perdu de leur valeur parce que ce militant, après que l'Université lui ait décerné le titre de Docteur, a trahi la cause qu'il avait embrassée dans sa jeunesse. Cela-dit, nous ne renoncerons pas à dénoncer les infamies commises par ce docteur, ses mensonges, ses calomnies et ses tentatives minables de faire appel aux institutions bourgeoises pour menacer nos militants et assouvir sa haine. Mais qu'il se rassure, nous n'enverrons pas de commando pour lui "trancher la gorge". Nous laissons ce genre d'intentions à son garde du corps, le nommé Pédoncule.
L'histoire du mouvement ouvrier est riche en exemples de militants qui, après qu'ils aient défendu les positions révolutionnaires du prolétariat, ont changé de camps en capitulant devant l'idéologie bourgeoise et en se mettant au service de la classe dominante. Mussolini, un des chefs de file de la gauche du Parti socialiste d'Italie avant la Première Guerre mondiale est devenu ce que l'on sait. Plekhanov, celui qui a fait connaître le marxisme en Russie et qui a combattu vigoureusement le révisionnisme de Bernstein à la fin du 19e siècle, s'est converti en 1914 en social-chauvin patenté. Kautsky, le "pape" du marxisme dans la 2e Internationale, compagnon d'armes et ami de Rosa Luxemburg jusqu'en 1906, a mis sa plume à partir de 1914 au service du soutien de fait à la guerre impérialiste et de la condamnation de la révolution de 1917 en Russie, tout en continuant à se réclamer formellement du marxisme jusqu'à sa mort, en 1938.
Aujourd'hui, le Docteur Bourrinet continue de se réclamer formellement de la Gauche communiste et des positions de ce courant. Mais c'est une escroquerie, comme était une escroquerie le "marxisme" de Kautsky. La Gauche communiste, ce n'était pas seulement des positions politiques. C'était une loyauté aux principes prolétariens, le refus de toute compromission, une volonté de combat pour la révolution, un courage immense, c'est-à-dire des qualités dont le Docteur Bourrinet est totalement dépourvu aujourd'hui. Oui il faut lire les livres sur la Gauche communiste d'Italie et la Gauche communiste germano-hollandaise, non pas comme "propriété intellectuelle" du Docteur Bourrinet, mais avec l'état d'esprit affiché par le militant Philippe Bourrinet il y a un quart de siècle : "Ce n'est que d'un point de vue militant, du point de vue de l'engagement dans le combat de la classe ouvrière pour son émancipation que peut être abordée l'histoire du mouvement ouvrier" (Revue Internationale n° 58, Ibid.).
Courant Communiste International (15/01/2015)
1 [40] Le collectif Smolny est une maison d'édition spécialisée dans la publication d'ouvrages du mouvement ouvrier, tout spécialement de la Gauche communiste. À son propos, lire notre article : "Les éditions Smolny participent à la récupération démocratique de Rosa Luxemburg [41]"
2 [42] "M. Proudhon a le malheur d'être singulièrement méconnu en Europe. En France, il a le droit d'être mauvais économiste, parce qu'il passe pour être bon philosophe allemand. En Allemagne, il a le droit d'être mauvais philosophe, parce qu'il passe pour être économiste français des plus forts. Nous, en notre qualité d'Allemand et d'économiste à la fois, nous avons voulu protester contre cette double erreur." (Misère de la philosophie)
3 [43] Voir notre article biographique publié dans les numéros 65 [44] et 66 [45] de la Revue Internationale.
4 [46] Ce soutien matériel comportait entre autres le remboursement d'une bonne partie des dépenses liées aux recherches de documents, notamment l'achat de microfiches auprès des fonds documentaires comme l'Institut international d'Histoire sociale d'Amsterdam.
5 [47]Certains documents cités dans ce texte sont joints en annexe et peuvent être visualisés en cliquant sur les liens qui y font référence, comme ici le texte « deux documents ».
6 [48] La version en Anglais de la Gauche hollandaise (The Dutch and German Communist Left), publiée en 2001, contient l'avertissement suivant :
"This book, which first appeared in French in 1990, is published under the responsibility of the ICC. It was written by Philippe Bourrinet in the context of his work for his university doctorate, but it was prepared and discussed by the ICC when the author was one of its militants. For this reason it was conceived and published as the collective work of the ICC, without an author's signature and with his total agreement.
Philippe Bourrinet has not been in the ICC since April 1990, and he has since published editions of this book under his own name, with the addition of certain 'corrections' linked to the evolution of his political positions.
For its part, the ICC fully intends to continue its policy of publishing this book. It should be clear that our organization cannot be held responsible for any additional or divergent political positions that Philippe Bourrinet might integrate into the editions produced under his own responsibility."
7 [49] C'est comme cela que nous allons désigner Philippe Bourrinet dans la suite de cet article. Le besoin de reconnaissance sociale officielle qui le tenaille ne pourra qu'en être satisfait.
8 [50] Et nous pourrions ajouter "bien faux-cul", mais ça, c'est une habitude et non une exception.
9 [51] On peut trouver ces indications à l'adresse left-dis.nl/f/livre.htm [52]. Au cas où ce lien deviendrait inactif (on ne sait jamais!), nous avons évidemment conservé une copie d'écran de ce qui apparaissait encore le 15 janvier 2015.
10 [53] Le CCI avait décidé de mettre en vente sur le site Amazon.co.uk la version en anglais des deux livres sur la Gauche italienne et sur la Gauche germano-hollandaise afin de leur donner une diffusion plus importante. En octobre 2009, nous avons reçu une lettre [54] de ce site nous informant qu’il avait retiré de la vente ces ouvrages suite à la réception d’une lettre du Docteur Bourrinet et qu’il ne reprendrait leur vente que si nous parvenions à un accord avec ce dernier. Dans la lettre à Amazon du 7 octobre 2009, signée "Docteur Philippe Bourrinet, historien", on pouvait lire : "Ma propriété intellectuelle a été violée par deux articles sur le site Amazon.co.uk. Cela concerne la vente commerciale sur votre site web de deux de mes livres (mon nom a disparu) par le soi-disant “Courant communiste international” qui, de façon claire, commet des actes de piratage intellectuel [suit le nom des livres]. Ces deux livres ont été publiés (version électronique et papier) sous mon propre nom sur mon site multilingue aux Pays-Bas (…) Ils sont depuis longtemps (1989) protégés par la loi sur la propriété intellectuelle. (…) Je suis le véritable propriétaire des deux livres mentionnés et autorisé à agir – ensemble avec la SDGL à Paris – en faveur des droits décrits ci-dessus." Le CCI a adressé une lettre [55] au Docteur Bourrinet le 24 octobre 2009. Dans cette lettre nous écrivions : "Nous devons dire que nous avons été assez surpris, premièrement du fait que tu as ressenti le besoin d’écrire à Amazon à ce sujet, et deuxièmement que tu ne nous aies pas fait part de tes intentions au préalable. En effet, nous pensions que la question de la ‘propriété intellectuelle’ des deux livres sur la Gauche italienne et la Gauche hollandaise/allemande avait déjà été réglée entre nous, à l’amiable, lors d’une rencontre au début des années 1990. (…) En tout état de cause, nous ne voulons pas que ce problème de ‘propriété intellectuelle’ ne vienne entraver la diffusion de ces histoires et de ces idées. Si tu le souhaites, nous sommes tout à fait disposés à faire apparaître le même avertissement cité ci-dessus [voir note 5] (ou une variante qui te conviendra), sur le site Amazon (nous pouvons également y faire figurer ton nom en tant qu’auteur) et sur notre propre site." Nous n’avons jamais reçu de réponse à cette lettre. Peut-être aurions-nous dû proposer en plus au Docteur de lui verser des droits d’auteur sur la vente de ces livres. Il faut quand même signaler que les versions en anglais des deux livres diffusées par le Docteur Bourrinet reprennent (à part les modifications qu’il a introduites depuis qu’il a quitté le CCI) les traductions réalisées par les militants de notre organisation. Mais nous tenons à le rassurer : nous n’allons pas lui réclamer des droits de traduction.
11 [56] www.left-dis.nl/f/puntofinal91.pdf [57]
13 [60] Ces attaques crapuleuses contre la mémoire de notre camarade Marc Chirik sont proprement répugnantes. Auprès de la plupart des militants de la Gauche communiste du passé, Marc Chirik jouissait d'une grande estime malgré les désaccords qu'ils pouvaient avoir avec lui et même les critiques qu'il avait pu leur adresser. La profondeur et la rigueur de sa pensée, son dévouement à la cause révolutionnaire, sa force de caractère en même temps que l'estime et l'affection qu'il portait à ces militants qui avaient su résister à la contre-révolution, tous ces traits de sa personnalité politique forçaient le respect. Franchement, quand on lit les insanités déversées sur son compte par de petits cafards qui se réclament de la Gauche communiste, tout cela parce que leur orgueil a été égratigné ou parce que leurs "droits d'auteur" ont été ignorés, on ne peut qu'avoir envie de vomir. Face à ce type de campagne de dénigrement on ne peut pas ne pas penser à la campagne dont a été victime Trotski à partir du milieu des années 1920, avant même son exclusion du Parti bolchevique, de la part de la camarilla stalinienne, une campagne vigoureusement dénoncée par Bordiga, le principal animateur de la Gauche communiste italienne à cette époque, malgré les désaccords qu'il avait par ailleurs avec Trotski. Les cloportes serviles qui, par lâcheté ou arrivisme, se sont rangés dans le sillage de Staline : voilà le modèle dont s'inspirent les dénigreurs actuels de Marc Chirik.
15 [63] Que le Docteur Bourrinet ne trouve rien à redire face à une telle démarche n’est pas fait pour surprendre de la part de quelqu’un qui menace d’envoyer la justice bourgeoise contre des militants révolutionnaires.
16 [64] www.memri.org [65]
17 [66] Ehud Olmert : proche d'Ariel Sharon (le responsable des massacres de Sabra et Chatila en septembre 1982), il est premier ministre d'Israël de janvier 2006 à mars 2009 et responsable de l'attaque israélienne contre le Liban de juillet 2006 qui fait plus de 1200 victimes civiles. En septembre 2009, il est jugé pour "fraude", "abus de confiance" et "dissimulation de revenus frauduleux". En septembre 2012, il est condamné à un an de prison avec sursis.
18 [67] Le "Groupe International de la Gauche communiste" (GIGC) est né en octobre 2013. Il est constitué de la fusion de deux éléments du groupe Klasbatalo de Montréal et d’éléments de l’ex-prétendue "Fraction Interne" du CCI (FICCI) qui ont été exclus du CCI en 2003 pour leurs comportements de mouchards.
19 [68] Nous renvoyons nos lecteurs non avertis aux articles publiés à l’époque dans notre presse : Défense de l'organisation : les méthodes policières de la "FICCI" [69], Les réunions publiques du CCI interdites aux mouchards [70], et : Calomnie et mouchardage, les deux mamelles de la politique de la FICCI envers le CCI [71].
20 [72] Lire notre réponse : Communiqué à nos lecteurs : Le CCI attaqué par une nouvelle officine de l’État bourgeois [73].
21 [74] C'est ainsi qu'en réponse à cette attaque aussi infâme que ridicule nous avons répondu dans notre article "Conférence internationale extraordinaire du CCI : la "nouvelle" de notre disparition est grandement exagérée ! [75]".
22 [76] Membre, comme le Docteur Bourrinet, du Collectif Smolny. Il a également été membre, pendant plusieurs années, de de ce groupe de mouchards et de voyous nommé FICCI.
23 [77] Lire notre article : Défense de l'organisation : Des menaces de mort contre des militants du CCI [78] (RI n° 354).
24 [79] Voir Paul Lidsky, "Les écrivains contre la Commune", La Découverte Poche, Paris 2010
Nous publions ci-dessous la “Résolution sur la situation sociale en France”, adoptée au XXIe congrès de Révolution internationale. Ce document permet de revenir sur l’analyse du rapport de forces entre les classes, en particulier pour dégager une meilleure compréhension des causes profondes du relatif calme social qui existe depuis le mouvement contre la réforme des retraites de l’automne 2010.
1. L’analyse de la situation de la lutte de classe en France, du rapport de forces entre bourgeoisie et prolétariat ne peut être comprise que dans le contexte de la situation mondiale actuelle, même si, évidemment, le prolétariat de chaque pays est confronté à des spécificités économiques, politiques et idéologiques propres à ce pays. En ce sens, il est nécessaire d’analyser les grandes lignes de cette situation mondiale, notamment pour comprendre les difficultés que rencontre le prolétariat en France pour faire face et répondre aux attaques de plus en plus violentes que lui porte la classe dominante.
2. Dès septembre 1989, le CCI avait prévu que l’effondrement des régimes staliniens allait porter un coup très rude à la conscience du prolétariat mondial : “Avec le stalinisme, c’est le symbole et le fer de lance de la plus terrible contre-révolution de l’histoire qui disparaissent. Mais cela ne signifie pas que le développement de la conscience du prolétariat mondial en soit facilité pour autant, au contraire. Même dans sa mort, le stalinisme rend un dernier service à la domination capitaliste : en se décomposant, son cadavre continue encore à polluer l’atmosphère que respire le prolétariat. Pour les secteurs dominants de la bourgeoisie, l’effondrement ultime de l’idéologie stalinienne, les mouvements “démocratiques”, “libéraux” et nationalistes qui bouleversent les pays de l’Est constituent une occasion en or pour déchaîner et intensifier encore leurs campagnes mystificatrices. L’identification systématiquement établie entre communisme et stalinisme, le mensonge mille fois répété, et encore plus martelé aujourd’hui qu’auparavant, suivant lequel la révolution prolétarienne ne peut conduire qu’à la faillite, vont trouver avec l’effondrement du stalinisme, et pendant toute une période, un impact accru dans les rangs de la classe ouvrière. C’est donc à un recul momentané de la conscience du prolétariat (...) qu’il faut s’attendre. Si les attaques incessantes et de plus en plus brutales que le capitalisme ne manquera pas d’asséner contre les ouvriers vont les contraindre à mener le combat, il n’en résultera pas, dans un premier temps, une plus grande capacité pour la classe à avancer dans sa prise de conscience. En particulier, l’idéologie réformiste pèsera très fortement sur les luttes de la période qui vient, favorisant grandement l’action des syndicats” 1.
Le quart de siècle qui vient de s’écouler a amplement confirmé cette prévision avec, en particulier, le maintien d’un poids très fort des illusions démocratiques et un renforcement de l’emprise des syndicats, alors que ces derniers tendaient à être de plus en plus contestés au cours des luttes ouvrières des années 1980. Ainsi, les grèves lancées par les syndicats dans le secteur des transports en France, en Belgique et en Allemagne en 1995 avaient clairement participé, comme nous l’avions souligné à l’époque, à un regain de l’influence de ces organismes de contrôle de la classe ouvrière. De plus, le recul de la conscience de classe au sein du prolétariat s’est doublé d’un recul très marqué de sa combativité et de sa confiance en soi, de son identité de classe, phénomène qui a été aggravé par la disparition de larges secteurs industriels traditionnellement parmi les plus combatifs dans beaucoup de pays d’Europe occidentale (comme la sidérurgie, la métallurgie ou l’automobile). Enfin, les difficultés que rencontre la classe ouvrière, tant dans sa prise de conscience que dans sa confiance en elle-même, ont été aggravées par le poids croissant de la décomposition de la société capitaliste qui instille de façon de plus en plus délétère le poison du désespoir, du “no future”, du “chacun pour soi” et de l’atomisation.
3. En 1989, nous avions établi que : “… le rythme de l’effondrement du capitalisme occidental (...) va constituer un facteur déterminant du moment où le prolétariat pourra reprendre sa marche vers la conscience révolutionnaire. En balayant les illusions sur le “redressement” de l’économie mondiale, en mettant à nu le mensonge qui présente le capitalisme “libéral” comme une solution à la faillite du prétendu “socialisme”, en dévoilant la faillite historique de l’ensemble du mode de production capitaliste, et non seulement de ses avatars staliniens, l’intensification de la crise capitaliste poussera à terme le prolétariat à se tourner de nouveau vers la perspective d’une autre société, à inscrire de façon croissante ses combats dans cette perspective” 2.
Effectivement, depuis 1989, la bourgeoisie française, à l’image de ses consœurs européennes, a porté des attaques croissantes contre la classe ouvrière poussant cette dernière à résister et à soulever la chape de plomb qui pesait sur elle depuis la fin des années 1980. Un des moments de cette tendance du prolétariat à redresser la tête a été constitué par les mouvements sociaux qui ont eu lieu en 2003, notamment pour la défense des retraites en France et en Autriche. Ces mouvements ont été marqués par une reprise de la solidarité entre prolétaires, en particulier dans le secteur de l’automobile en Allemagne et même à New York, dans les transports. Ces luttes ouvrières n’étaient, bien évidemment, qu’un petit pas, encore très insuffisant, d’une dynamique vers le dépassement du profond recul subi par la classe ouvrière à partir de 1989. Le rythme lent du dépassement de ce recul de la lutte de classe (il s’est écoulé plus de 13 ans entre l’écroulement du bloc de l’Est et les grèves du printemps 2003) s’explique en bonne partie par le rythme encore lent du développement de la crise insurmontable de l’économie capitaliste, du fait de la capacité de la bourgeoisie, à freiner l’effondrement historique de son système économique. De plus, ces mouvements sociaux ont révélé l’extrême habileté de l’appareil politique et syndical de la classe bourgeoise, sa capacité à faire passer ses attaques et à démoraliser la classe ouvrière pour lui faire entendre que “ce n’est pas la rue qui gouverne” (comme l’avait dit le premier ministre Raffarin en 2003), à travers tout un arsenal de manœuvres sophistiquées, avec un partage du travail systématique et une étroite coopération entre le gouvernement qui cogne et les syndicats qui sabotent la riposte de la classe ouvrière.
Ainsi, les grèves du printemps 2003 dans le secteur public en France se sont heurtées à une stratégie de la classe dominante qui avait fait ses preuves en 1995 : à côté d’une attaque générale contre toute la classe ouvrière, la bourgeoise avait porté une attaque plus spécifique contre un secteur particulier qui était destiné, de ce fait, à constituer une sorte “d’avant-garde” du mouvement :
– en 1995, le plan Juppé attaquant la Sécurité sociale pour l’ensemble des salariés était doublé d’une attaque spécifique contre les régimes de retraite des travailleurs des transports ferroviaires ;
– en 2003, l’attaque contre les retraites de l’ensemble de la Fonction publique a été accompagnée d’une attaque spécifique visant les travailleurs de l’Éducation nationale.
Dans le premier cas, après plusieurs semaines de blocage complet des transports et une succession de manifestations massives, le gouvernement avait retiré sa mesure visant les régimes spéciaux des cheminots et des travailleurs de la RATP. Avec la reprise du travail dans ces secteurs, suite à ce retrait qui a été présenté comme une “victoire” par les syndicats, un coup fatal a été porté à la dynamique du mouvement, ce qui a permis au gouvernement Juppé de faire passer l’attaque générale contre la Sécurité sociale.
Dans le second cas, les travailleurs de l’Éducation nationale qui étaient entrés massivement en grève et constituaient la “référence” de la fonction publique, ont été conduits à poursuivre pendant des semaines un mouvement qui s’était épuisé dans les autres secteurs, et cela sous les “encouragements” des syndicats les plus “radicaux”, ce qui a provoqué un sentiment profond d’amertume et de découragement avec un message pour tous les travailleurs : non seulement “ce n’est pas la rue qui gouverne” mais aussi “ça ne sert à rien de lutter”.
4. Ce sentiment d’impuissance a pu, cependant, être surmonté 3 ans plus tard, au printemps 2006, par la mobilisation massive des jeunes générations de la classe ouvrière contre le Contrat première embauche (CPE) du gouvernement Villepin. Une mobilisation qui, cette fois-ci n’avait pas été prévue et planifiée par le gouvernement et les syndicats. Ces derniers ont fait le “service minimum” contre une mesure qui visait à accentuer encore plus la précarité des jeunes prolétaires (et que d’ailleurs le patronat estimait superflue). C’est la jeunesse scolarisée dans les universités et les lycées qui a engagé le combat, c’est-à-dire les masses immenses de futurs chômeurs et travailleurs précaires. Comme nous l’avions mis en évidence, ce mouvement contre le CPE fut un mouvement exemplaire. Il a su faire face (grâce notamment à ses assemblées générales quotidiennes ouvertes à toute la classe ouvrière, aux manifestations de rue massives et à l’incapacité des syndicats à les contrôler), aux différents pièges tendus par la bourgeoisie. Ce mouvement exemplaire risquait d’entraîner les secteurs de la classe ouvrière en activité, en particulier les ouvriers de l’industrie. C’est pour cette raison que, sur les conseils de Laurence Parisot (la patronne des patrons), le gouvernement a fini pas retirer le CPE. Ce recul du gouvernement Villepin a apporté un démenti à la déclaration de Raffarin en 2003 puisque, cette fois-ci, c’est la rue qui a eu le dernier mot. En plus de l’importance des assemblées générales massives et souveraines, ce mouvement contre le CPE avait mis en avant un autre élément essentiel du combat prolétarien : la solidarité entre les secteurs et entre les générations de la classe exploitée. La bourgeoisie française devait donc impérativement effacer les leçons de ce mouvement à l’occasion des nouvelles attaques rendues nécessaires par l’aggravation de la crise économique.
5. Cet “effacement” du “mauvais exemple” donné par le mouvement contre le CPE a comporté deux étapes décisives, accompagnant des attaques contre les retraites :
– les grèves de l’automne 2007 contre la suppression des régimes spéciaux ;
– le mouvement de l’automne 2010 contre le report de l’âge de la retraite.
Dans le premier cas, les syndicats ont joué à fond la carte de la division au sein de l’intersyndicale, division qui avait déjà été employée (en particulier en 1995 où la CFDT avait appuyé le “plan Juppé” contre la Sécurité sociale). Cette fois-ci, on a assisté à une destruction en règle du mouvement : dans un premier temps, le gouvernement, tout en maintenant l’ensemble de l’attaque, a donné satisfaction au syndicat corporatiste des conducteurs de train qui ont voté majoritairement pour la reprise du travail. Ensuite, c’est la CFDT qui a appelé à la reprise du travail, puis la CGT (ce qui a valu à Bernard Thibault, ancien cheminot, d’être traité de “traître” par les adhérents de base de la CGT). Quant à FO et SUD, leur rôle a consisté à appeler à la “poursuite de la lutte” afin d’écœurer les travailleurs les plus combatifs. Cette défaite a constitué une claque pour des millions de travailleurs puisque le mouvement bénéficiait de la sympathie de l’ensemble des secteurs de la classe ouvrière (notamment du fait que les cheminots réclamaient non seulement le maintien des 37 ans et demi pour eux-mêmes mais aussi le rétablissement de ces 37 ans et demi pour tous les secteurs). Mais la bourgeoisie a dû payer un prix pour obtenir cette victoire et faire passer cette attaque : celui d’une forte méfiance des travailleurs envers les syndicats jugés responsables de la défaite à cause de leur division et de leurs “querelles” dans les assemblées de l’intersyndicale.
La deuxième étape, la plus décisive, de “l’effacement” des leçons du CPE a été la décision du gouvernement Sarkozy de s’attaquer à un des “acquis” les plus significatifs des années de l’Union de la Gauche sous Mitterrand : la retraite à 60 ans. Pour la bourgeoisie française, il fallait “déverrouiller” cette échéance symbolique et commencer à rattraper le retard qu’elle avait pris sur les autres bourgeoisies européennes dans les attaques contre la classe ouvrière (du fait notamment de la crainte d’un retour à une situation sociale semblable à celle de Mai 68). De plus, la bourgeoisie française devait également alléger les déficits de l’État qui, comme partout ailleurs, s’étaient aggravés considérablement avec les mesures adoptées pour prévenir l’effondrement du système financier en 2008 et affronter la très forte récession qui a déferlé à partir de cette date. Il y avait donc pour la bourgeoisie française un double enjeu, économique et politique. La tactique employée par la classe dominante pour faire passer la mesure économique a été différente de celle utilisée lors des attaques précédentes. Il ne fallait surtout pas que les travailleurs sortent de l’affrontement avec une méfiance accrue envers les syndicats. C’est pour cela que ces derniers, y compris le syndicat des cadres, la CGC, ont joué jusqu’au bout la carte de l’“unité syndicale” en mettant en avant le slogan “Tous ensemble, tous ensemble !”. En même temps, au cours des journées d’action successives auxquelles ils ont appelé à l’automne 2010, ils ont polarisé l’attention sur un thème essentiel : la participation de plusieurs millions de travailleurs dans les manifestations de rue. Au final, la bourgeoisie n’a pas reculé, elle a fait passer intégralement son attaque économique (moyennant quelques aménagements pour les ouvriers ayant effectué un travail pénible) en même temps que son attaque politique et idéologique avec deux messages essentiels :
– “ce n’est pas la rue qui gouverne” ;
– lutter ne sert à rien, même quand les travailleurs sont des millions à manifester et même quand les syndicats sont unis.
Ainsi, les syndicats, cette fois-ci, ont réussi à épuiser la combativité de la classe ouvrière sans y laisser de plumes. De plus, puisque “lutter ensemble tous ensemble” ne sert à rien, c’est l’exigence de la solidarité qui a été atteinte.
C’est donc une défaite cuisante sur tous les plans qu’a subie la classe ouvrière en France à la fin 2010. L’épuisement de la combativité et la démoralisation de la classe ouvrière, suite à cette défaite, explique en partie le calme social depuis quatre ans et la très faible implication, en France, des jeunes générations dans le mouvement des Indignés qui s’est développé quelques mois plus tard dans toute l’Espagne et s’est propagé au niveau international.
Bien évidemment, dans cette offensive contre la classe ouvrière en France, la bourgeoisie de ce pays a pu bénéficier du plein soutien de ses consœurs européennes et en particulier de la bourgeoisie allemande, du fait de l’expérience historique de lutte du prolétariat en France 3.
6. Comme nous l’avons souvent signalé, le mouvement des Indignés a constitué la principale réaction prolétarienne aux soubresauts qui ont frappé l’économie capitaliste mondiale à partir de 2008. Cette réaction n’a pas pris la forme “classique” des grèves ouvrières ou même des manifestations de rue, à l’exception des pays européens les plus violemment touchés par la crise économique comme la Grèce ou le Portugal. Cette brutale aggravation de la crise capitaliste a eu pour conséquence une montée en flèche du chômage qui continue d’agir comme un facteur de paralysie de la grève : à quoi peut servir l’arrêt du travail quand l’entreprise ferme ses portes ? Par ailleurs, les campagnes idéologiques qui ont accompagné la crise des “subprimes” ont constitué un autre facteur de confusion des exploités et de leur sentiment d’impuissance. En fait, le vent de panique largement propagé par les médias sur la crise financière au cours des années 2008-2009, et qui a été clairement alimenté par les discours des “experts” et des autorités, a eu pour conséquence, quand ce n’était pas carrément son objectif, de provoquer un sentiment de sidération dans les masses ouvrières. Le message essentiel était le suivant : “Il faut se serrer la ceinture, accepter des sacrifices, car il n’y a pas d’autre issue pour pouvoir s’en sortir”. Enfin, un des messages essentiels était que la grande responsable de la crise était “la finance internationale”, et non le système capitaliste lui-même. Le Président Hollande n’avait-il pas dit, peu avant son élection, “Mon véritable adversaire [...] c’est le monde de la finance” 4. Le mouvement des Indignés, avec souvent beaucoup d’illusions démocratiques et de confusions sur “la Finance responsable de tous les maux” portait avec lui un rejet radical du capitalisme en faillite et affichait clairement la nécessité de la remplacer par une autre société (c’est pour cela que ce mouvement a été la proie des réformistes “altermondialistes” d’ATTAC avec leur slogan mystificateur : “un autre monde est possible”). Il exprimait le fait qu’il n’y a pas un trait d’égalité entre la conscience de classe et l’identité de classe du prolétariat. Les Indignés, dans leur revendication d’une autre société, n’avaient pas conscience que cette revendication appartenait exclusivement à la seule classe capable de construire cette autre société, le prolétariat. La majorité d’entre eux n’avait même pas le sentiment d’appartenir à la classe ouvrière. Pourtant, ce mouvement a constitué une étape importante sur le chemin de la prise de conscience du prolétariat mondial, une étape qui a laissé des traces dans le cerveau de millions de jeunes travailleurs. Et c’est justement cette étape que le prolétariat en France n’a pu franchir suite à la défaite que lui ont infligé la bourgeoisie et ses syndicats à l’issue des journées d’actions et des manifestations organisées par les syndicats de l’automne 2010.
7. à l’heure actuelle, les attaques que subit la classe ouvrière en France et qui sont assénées par un gouvernement de gauche rencontrent une résistance pratiquement nulle malgré le très fort mécontentement social. C’est d’ailleurs le cas dans pratiquement tous les pays. Pour le moment, la bourgeoisie réussit à conserver un certain contrôle à la fois sur son appareil économique et sur la situation sociale grâce à la reprise en main des syndicats qui parviennent encore à enfermer les ouvriers dans des simulacres de lutte, insignifiantes et hyper corporatistes (et même très impopulaires pour monter les prolétaires les uns contre les autres, comme la grève de la SNCF de juin dernier pour la défense du statut des cheminots). Il faudra une dégradation encore plus importante des conditions générales d’existence et d’exploitation de la classe ouvrière pour que celle-ci puisse surmonter sa paralysie. Avec l’aggravation de la crise économique, ces attaques sont inévitables tout comme sont inévitables les réactions du prolétariat. Celui-ci doit affronter des obstacles considérables, à la hauteur des enjeux historiques qui se présentent devant la société. Elle doit faire face à une bourgeoisie très expérimentée pour affronter la lutte de classe, à des illusions démocratiques tenaces au sein du prolétariat, même si les institutions officielles de la démocratie bourgeoise sont particulièrement déconsidérées comme le montrent, entre autres, la progression des taux d’abstention aux élections, la côte de popularité nulle du président Hollande et le succès du Front national aux dernières élections européennes.
Ce succès du FN est une des manifestations de la décomposition, du pourrissement sur pied de la société capitaliste qui constitue une difficulté supplémentaire que le prolétariat doit affronter sur le chemin de son émancipation. L’avenir n’est pas écrit ; malgré les énormes difficultés que rencontre la classe ouvrière, en France comme partout, elle n’a pas subi de défaite décisive comme celle qu’elle a connue après la vague révolutionnaire des années 1917-23. Même si elle est pour le moment paralysée, elle n’est pas embrigadée derrière des drapeaux bourgeois comme elle l’était dans les années 1930, les drapeaux nationaux ou de l’antifascisme. De plus, et fondamentalement, tant le mouvement contre le CPE que celui des Indignés a révélé un processus de réflexion en profondeur et de maturation de la conscience de classe, parmi les jeunes générations de la classe ouvrière, sur la faillite du capitalisme qui ne peut leur offrir comme perspective que le chômage, la destruction de l’environnement, la guerre et la barbarie sous toutes ses formes. Cette réflexion porte évidemment avec elle la recherche d’une autre perspective pour la société ouvrant la voie pour le surgissement, à terme, d’une prise de conscience révolutionnaire, même si le chemin en est encore long.
RI
1 “Thèses sur la crise économique et politique en URSS et dans les pays de l’Est”, Revue Internationale no 60.
2 Idem.
3 Journées de Juin 1848, Commune de Paris de 1871 et Mai 68.
4 Discours du Bourget, 22 janvier 2012.
A l'occasion du centenaire de la révolution russe de 1905, nous avions publié une série d'articles sur cet événement historique "aujourd'hui quasiment tombé dans l'oubli". Dix ans plus tard, ce constat reste tout à fait vrai. Si nous republions ces textes aujourd'hui, c'est donc en premier lieu pour continuer à faire vivre la mémoire de la classe. La révolution de 1905 témoigne encore aujourd'hui de la force historique et de la créativité du prolétariat dans un contexte où le manque de perspective pour la grande masse des ouvriers tend à réduire la pensée aux contingences immédiates. Il s'agit donc pour nous de mettre à nouveau en exergue ces leçons essentielles qui restent plus que jamais vitales pour le prolétariat.
Il y a 100 ans : la révolution de 1905 en Russie (I) [83], publié dans la Revue Internationale n°120 - 1er trimestre 2005 [84]
Il y a 100 ans, la révolution de 1905 en Russie (II) [85], publié dans la Revue Internationale n° 122 - 3e trimestre 2005 [86]
Il y a 100 ans, la révolution de 1905 en Russie (III) - Le surgissement des soviets ouvre une nouvelle période historique ... [87] , publié dans la Revue Internationale n° 123 - 4e trimestre 2005 [88]
Il y a 100 ans, la révolution de 1905 en Russie (IV) - Le débat dans l'avant-garde ... [89], publié dans la Revue Internationale n° 125 - 2e trimestre 2006 [90]
Les attentats sanglants et barbares qui se sont déroulés à Paris le mois dernier ont donné lieu à une indignation massive, à un dégoût et à un rejet généralisés. Tout cela s’est traduit par des rassemblements gigantesques dans toutes les grandes villes de France et dans de nombreuses grandes métropoles du monde. Des millions de personnes, des centaines de milliers de prolétaires ont voulu se retrouver pour exprimer ensemble le refus total de ces actes terroristes barbares. La solidarité avait pris spontanément possession des rues et des places. Mais cette saine et nécessaire réaction s’est immédiatement confrontée aux appels patriotiques à “l’union nationale” et à “l’union sacrée” de la part de la quasi-totalité de la bourgeoisie française. Une bourgeoisie profitant honteusement de l’émotion qui s’est emparée des populations en état de choc. A entendre tous les politiciens et les médias, la France venait “d’entrer en guerre”. L’État seul pouvait nous protéger ; il en allait de la “sécurité des Français”, de la défense de la “démocratie” et de “la liberté d’expression”. Et ce poison idéologique a été encore plus largement inoculé au Danemark après les récents attentats de Copenhague. La peur et l’angoisse savamment distillées à longueur de journée par tous les médias se devaient d’investir le cerveau de chaque prolétaire terrifié pour que l’État se fasse mieux passer pour un père de famille proposant au “bon peuple” son ombre bienveillante et protectrice.
Au-delà de ces apparences mystificatrices, des questions doivent se poser au prolétariat. A qui profitent vraiment les crimes odieux perpétrés contre les journalistes de Charlie-hebdo et les clients de la boucherie cachère ? Que signifient les propos doucereux du gouvernement ? Qu’est ce qui se cache derrière l’intense propagande médiatique sur le fameux “après-7 janvier”, qui n’est pas sans évoquer “l’après-11 septembre 2001” ? Les vérités cachées derrière les discours bourgeois doivent apparaître. Le prolétariat ne peut prendre naïvement pour argent-comptant tout ce que lui raconte l’État sous peine de le payer chèrement dans l’avenir.
La bourgeoisie française, dès les attentats commis, a affiché son unité. La guerre que ses différentes fractions et cliques concurrentes se livrent habituellement a soudain disparue comme par enchantement. Au nom de la défense de la “patrie attaquée”, du “peuple français en danger”, la “nation française” devait “faire bloc face à la menace terroriste”. Paré d’un humanisme de façade, faisant assaut d’hypocrisie et de mensonges, le loup impérialiste trouvait là un alibi démocratique en or à exploiter sans tarder pour justifier un engagement guerrier plus marqué dans le monde, afin que la France puisse “tenir son rang”. Sans attendre, le navire de guerre Charles-de-Gaulle devait partir aux avant-postes de cette nouvelle croisade. Disparu le rôle actif et militaire que joue l’impérialisme français dans nombre de guerres qui ensanglantent la planète et qu’il fallait s’efforcer de masquer par le passé en le drapant d’une justification “humanitaire” ! Effacé le rôle joué par la bourgeoisie française et son armée dans le génocide du Rwanda du temps d’un autre président socialiste dénommé Mitterrand. Tombées dans l’oubli, les déclarations de ce dernier selon lesquelles un génocide d’un million de morts dans ce pays-là n’est pas bien grave ! La barbarie extrême semble se donner tous les droits : celui de faire la guerre et de restreindre les prétendues “libertés”. Après les attentats, la bourgeoisie a donc enfilé sans complexe le costume de gardienne de l’ordre et de la sécurité. Face à une folie meurtrière irrationnelle, la barbarie ordinaire des États démocratiques doit être présentée comme “normale”. En serviteurs zélés, les médias, les écrans TV envahis d’images nauséabondes pouvaient alors exhiber un déploiement massif des forces de l’ordre sur le pied de guerre. Des milliers de policiers, gendarmes et militaires peuvent désormais quadriller tous les espaces publics. Et cela prétendument pour notre plus grand bien ! Une partie de la droite française avançait alors, sans retenue aucune, la nécessité de mettre en place un Patriot Act à la française. Ce que la gauche et le gouvernement se dépêchaient hypocritement de “rejeter” afin de mieux préparer activement des mesures qui y ressemblent comme deux gouttes d’eau. En effet, en matière de réponse idéologique et répressive, la similitude est très grande entre la politique appelée Patriot Act aux États-Unis et celle adoptée en France au cours du dernier mois. C’est d’ailleurs cette politique sécuritaire que le socialiste Hollande s’apprête à défendre comme fer de lance au sein d’une Union européenne déjà conquise et forcément séduite.
Il faut se rappeler comment le Patriot Act est apparu ! C’est le 11 septembre 2001 que deux avions percutent de plein fouet les tours jumelles à New York. Deux autres avions s’écrasent à Washington et en Pennsylvanie. Le bilan est terrifiant : plus de 3000 personnes sont tuées. Le doute persiste sur l’ampleur de la complicité de l’État américain dans ces attentats. Mais une chose est certaine, comme en France immédiatement après ceux-ci, l’appareil politique américain et ses médias ont été réquisitionnés afin de mobiliser la population derrière la mise en place d’un état de guerre sur le sol américain. Les visées impérialistes des États-Unis n’étaient pas absentes de ce calcul cynique et de l’orchestration de cette psychose de guerre. Pour la bourgeoisie américaine, il fallait profiter de ce dramatique événement pour effacer le “syndrome de la guerre du Vietnam”, justifier son intervention en Irak, au prix de mensonges grossiers, et préparer son entrée en Afghanistan. Tout attentat terroriste d’envergure sur son sol national est toujours utilisé par la bourgeoisie pour ses menées bellicistes guerrières. Non seulement toutes les mesures antiterroristes des États sont impuissantes à endiguer la montée du terrorisme mais elles font partie de l’escalade de la terreur. Elles alimentent en plus le climat de suspicion envers les autres en générant des divisions au sein des populations. La France n’échappe pas à cette règle. Si le terrorisme est de fait une arme de guerre de la bourgeoisie de n’importe quel pays et quelle que soit sa religion, il n’en est pas moins également une arme idéologique précieuse de celle-ci contre la classe ouvrière. C’est ainsi que la “croisade du bien contre le mal” lancée à l’époque par l’administration Bush lui a permis de mettre en place ce fameux Patriot Act, sans même avoir besoin de passer par le législateur. Il est alors devenu “normal” de surveiller les mails, le courrier, le téléphone de tout un chacun et de pouvoir entrer sans vergogne dans n’importe quel appartement, y compris pendant l’absence des occupants des lieux. Une fouille des gens allant au travail peut se faire sans explication. Quant à la police, elle s’est vue dotée d’une immunité presque totale. Les “assassinats” de plus en plus fréquents perpétrés par la police, notamment envers des Noirs, et ne donnant en général lieu à aucune poursuite judiciaire, en sont des manifestations concrètes. De fait, ce qui avait été présenté à ce moment-là comme des mesures ponctuelles et exceptionnelles est devenu permanent. Comme en Grande-Bretagne ou ce même prétexte a permis de justifier la mise sous surveillance par des caméras innombrables dans pratiquement toutes les rues et le métro des villes de ce pays. En démocratie, les lois d’exception sont devenues la norme.
Bien sûr, en France le prolétariat a une expérience toute autre qu’aux États-Unis. La Commune de Paris en 1871, Mai 1968 ne sont pas totalement effacés de la mémoire de la classe ouvrière. La bourgeoisie française le sait pertinemment et c’est pour cela qu’elle est malgré tout plus prudente. Elle avance davantage masquée que son homologue américain. Mais cela ne l’a pas empêchée deux semaines après les attentats à Paris, par l’entremise du Premier ministre Valls, de dévoiler toute une série de mesures soutenues par toute la bourgeoisie européenne et que même les dirigeants américains n’auraient pas désavoués. Ce même ministre qui a déclaré que devant “le défi redoutable auquel la France est confrontée, il s’imposait de prendre des mesures exceptionnelles”, dont on connaît en réalité la... pérennité. Le fardeau financier s’élèvera à 700 millions d’euros compensé par des coupes claires dans les dépenses publiques, déjà mises en mode de restriction avancée. Par contre, l’armée ne connaîtra pas les coupes budgétaires initialement prévues. Et les forces de gendarmerie et de police se verront renforcées massivement en hommes et en matériel. Des flics et des soldats surarmés vont ainsi patrouiller un peu partout et pas seulement devant les lieux “sensibles”. Le prolétariat ne doit pas être naïf. Un État qui montre ainsi sa force, c’est une forme directe d’intimidation. C’est un avertissement donné aux ouvriers. Il s’agit là de pouvoir surveiller et réprimer “en toute légalité républicaine”, non seulement tout ce qui dérange et n’est pas dans la norme, mais surtout de s’armer contre le prolétariat et ses luttes qu’il faudra criminaliser. Les lois du Patriot Act hantent de fait toutes les démocraties bourgeoises. Pour preuve, en France, même les enfants dès sept ou huit ans à l’école primaire n’échappent pas à une surveillance aussi étroite que possible. Et gare aux enseignants qui ne se plieraient pas à cette sale besogne et autre délation ! Au nom de la laïcité, le gouvernement veut que les enfants reçoivent à l’école un enseignement dit “civique” renforcé afin d’en faire des adorateurs de l’État totalement conditionnés et soumis. Et qui n’est de fait qu’un dressage aux règles et aux valeurs bourgeoises, ce masque mystificateur sous lequel se cache la dictature capitaliste de cette classe exploiteuse. Si le retour au service militaire n’est plus envisageable pour la bourgeoisie, gageons qu’un service civique renforcé sera bientôt adopté dans une belle unanimité.
La classe dominante, au-delà de ses propres divisions internes, a depuis toujours parfaitement compris quel était son fossoyeur. L’histoire de cette classe se confond avec les moyens qu’elle s’est systématiquement donnée pour faire face à son seul véritable ennemi : le prolétariat. En période révolutionnaire, l’État capitaliste ne s’embarrasse d’aucune légalité pour massacrer le prolétariat en lutte. Les cosaques pendant la révolution en Russie en 1917 ou les corps-francs en 1919 dans l’Allemagne sociale-démocrate en sont de sinistres exemples. Mais lorsque la classe ouvrière ne menace pas directement le pouvoir de la bourgeoisie, celle-ci se doit de cacher sa véritable nature exploiteuse derrière tout un fatras de mensonges idéologiques, derrière un paravent démocratique sophistiqué. Il y a maintenant près de 150 ans, au temps où les partis socialistes étaient de véritables organisations révolutionnaires, le chancelier de l’Empire allemand, Monsieur Bismarck, celui-là même qui avait aidé le très républicain chien sanglant Monsieur Thiers à massacrer la Commune de Paris, promulguait ses lois antisocialistes. La loi interdisait les organisations socialistes et sociales-démocrates, ainsi que toutes leurs activités au sein de l’Empire allemand. Cette loi répressive était accompagnée du renforcement de la présence militaire et policière au sein de toutes les grandes villes allemandes. Mais cette politique du “Talon de Fer” n’est pas l’apanage de cet Empire. En 1893-1894, dans la très démocratique Troisième République française, des lois entrées dans l’histoire sous le nom de “lois scélérates” furent adoptées. Elles visaient, sous couvert de lutter contre les malfaiteurs, directement les groupes anarchistes et menaçaient en même temps ouvertement toutes les organisations ouvrières. Être ne serait-ce que soupçonné d’avoir des sympathies pour l’anarchisme ou le combat ouvrier devenait un crime. Ces lois encourageaient également, comme aujourd’hui, la délation. En 1894, de retour de Carmaux où il avait soutenu la grève des mineurs qui avait donné lieu à une violente répression de la gendarmerie et de l’armée, Jaurès à la Chambre des députés s’élevait contre ces lois scélérates : “C’est ainsi que vous êtes obligés de recruter dans le crime de quoi surveiller le crime, dans la misère de quoi surveiller la misère et dans l’anarchie de quoi surveiller l’anarchie.” Les véritables scélérats se trouvaient à Paris, au sein même de ceux qui promulguaient ces lois. A Carmaux, un certain Tornade, actif lors des grèves de 1892, avait proposé aux mineurs en grève des fonds venant de Paris pour acheter de la dynamite et ouvrir ainsi directement la voie à la répression, justifiée immédiatement au nom de la “lutte contre le terrorisme”. Jaurès avait bien raison de dénoncer que c’était la lutte du mouvement ouvrier et la parole ouvrière qui était en réalité visée.
De ce point de vue, la “liberté d’expression” ou “de la presse”, tant vantée aujourd’hui après les attentats, n’a toujours été qu’une illusion savamment entretenue par la classe dominante. Non seulement parce que les médias et les discours officiels sont l’émanation et la propriété du capital, mais parce qu’ils font d’emblée pour cela allégeance à l’État bourgeois sans qu’il soit nécessaire pour ce dernier de les “téléguider” ou de dicter systématiquement le contenu de leur propagande 1. Le népotisme et le clientélisme connu chez bon nombre de journalistes, la collusion des médias avec les dirigeants politiques ne sont donc que des conséquences purement anecdotiques et non la cause de leur docilité. Toute réelle opposition critiquant et remettant en cause l’État capitaliste ne peut avoir sa place, ni être acceptée ou diffusée largement par les médias. La “liberté d’expression” se résume en réalité aux seules paroles soumises à l’État, aux lois et aux valeurs du capital.
La classe ouvrière en France comme au niveau international est dans une difficulté profonde. Mais le prolétariat est loin d’avoir rendu les armes. Dans une situation où la crise économique ne peut que continuer à s’aggraver et la dégradation des conditions de vie se poursuivre, la bourgeoisie sait pertinemment que viendra un temps où elle aura affaire à des luttes ouvrières d’ampleur. Plus elle s’y prépare et mieux elle se porte ! La classe dominante connaît depuis toujours le danger que représentent pour elle et son système le prolétariat révolutionnaire et ses organisations d’avant-garde. Sa conscience de ce danger, son unité face à lui et son machiavélisme n’ont pas de limite. Machiavel qui vivait à l’époque de la Renaissance a été dans ce domaine un précurseur éclairé de la bourgeoisie. Il déclarait que : “Le mensonge et la tromperie sont des moyens de gouverner que tout ‘Prince doit savoir manier avec un maximum d’efficacité.” En un mot, les moyens utilisés sont définis par le but à atteindre. Il n’y a aucun principe moral à respecter et la bourgeoisie actuelle a porté cette méthode de gouvernement à des sommets encore jamais atteints dans l’histoire. Le mensonge, la terreur, la coercition, le chantage, la “bouc-émissarisation”, le pogromisme, le complot et l’assassinat sont des moyens usuels de la gouvernance capitaliste. L’assassinat des révolutionnaires Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht en 1919 par la soldatesque aux ordres du gouvernement social-démocrate d’Ebert en Allemagne en est une expression des plus symboliques. Comme l’assassinat de Jaurès en juillet 1914 préparé par toute une campagne haineuse, patriotarde de la très démocratique république française, ne parlant que d’union sacrée et allant se vautrer dans la fange de la première boucherie mondiale. Le machiavélisme de la bourgeoisie n’est pas une perversion de la démocratie, c’est le produit de sa nature de classe capitaliste et dominante, la plus intelligente de l’histoire. Pearl Harbor est un exemple terrifiant de ce machiavélisme de la bourgeoisie. En 1941, les États-Unis sont pressés d’entrer en guerre contre le Japon et l’Allemagne. Pour le justifier, étant au courant de l’imminente attaque de l’aviation japonaise sur la base militaire de Pearl Harbour, l’État américain n’hésitera pas un seul instant à sacrifier sa flotte du Pacifique et des milliers de soldats volontairement désarmés et stationnés. Dans ce domaine, les exemples sont légions. Le renforcement du contrôle et de la surveillance policière, l’escalade dans le durcissement de l’arsenal répressif annoncés par le gouvernement du président Hollande ne sont qu’une des expressions de ce machiavélisme de la bourgeoisie. La volonté affichée de protéger la population française, les “citoyens”, n’est que de la poudre aux yeux, un simple alibi. La bourgeoisie face à la défense de ses intérêts capitalistes a toujours affiché un mépris total pour la vie humaine. La militarisation de la société est le renforcement direct du pouvoir totalitaire du capitalisme d’État. La démocratie n’est donc que le masque idéologique de la dictature du capital. Un masque hypocrite terriblement efficace de l’exploitation et de la terreur d’État qui détient à lui tout seul le monopole de la violence. Une violence étatique qui doit faire régner l’ordre public pour garantir l’exploitation sauvage du capitalisme. Un état de fait générant les brimades, les humiliations quotidiennes au travail, le chômage de masse et une paupérisation grandissante. Bref, une violence inouïe, face à laquelle il serait interdit de se révolter et qu’il faudrait accepter sans broncher, en “bon citoyen” ! Ne pas s’en rendre compte, croire dans la bonne volonté de l’État et dans l’humanitarisme de cette classe exploiteuse, ce serait se laisser désarmer politiquement. Les mesures de Valls et autre Hollande aujourd’hui, comme celles qui seront déployées ailleurs, préparent très sérieusement et activement la répression. Seul le prolétariat révolutionnaire en lutte pourra tenter de paralyser le terrible bras armé de la bourgeoisie et celui de ses États en affirmant sa perspective communiste.
Cyril, 10 février 2015
1 Ceci étant, le capitalisme d’État conduit souvent à contrôler et verrouiller totalement l’information dès que nécessaire, en particulier en temps de guerre. Il suffit de se rappeler de la première Guerre du Golfe où les médias étaient de simples toutous suivant docilement les opérations militaires et amplifiant le matraquage idéologique de l’état-major américain (lire notre brochure sur ce thème).
Fin août, le Groupe International de la Gauche Communiste (GIGC)1 a continué son attaque insidieuse contre le CCI. Cette fois-ci, il a utilisé d’une façon particulièrement ignoble le décès d’un des anciens fondateurs du GPI2 et de RM, l’ancien camarade Alberto, pour continuer à essayer de construire un cordon sanitaire autour du CCI en l’isolant ainsi du milieu politique prolétarien et de la classe, une entreprise qui survient on ne peut plus opportunément, en pleine offensive de l’État bourgeois contre les organisations politiques prolétariennes.
Alberto a joué un rôle positif dans la constitution de la section, mais, en même temps, il a été affecté par les faiblesses générales qui nous ont frappés tous (relents de passé gauchiste, tendance à la personnalisation dans les débats ou polémiques où l’on considère avant tout qui dit quelque chose au détriment de qu’est-ce qui est effectivement dit …). Mais dans l’article du GIGC, il n’y a pas la moindre critique sur sa trajectoire politique, ce qui est, pour le moins, une vision incomplète et idéaliste de l’individu et, dans le pire des cas, cela exprime ouvertement la tendance à un “culte a la personnalité”, une vision dithyrambique au goût rance de stalinisme.
Il est abject que le GIGC utilise la mort d’Alberto pour continuer à jeter ses propres ordures calomnieuses sur nous. Cette utilisation révèle une nouvelle fois la morale méprisable qui l’inspire, son absence totale de scrupules. Dénigrer quelqu’un derrière son dos est intolérable, mais parler au nom d’une personne décédée –donc, qui ne peut plus s’exprimer-, c’est le summum du cynisme.
Tous nos lecteurs peuvent consulter notre communiqué du mois de mai de 20143 où nous répondions à une attaque récente de ce groupe contre le CCI, une attaque perpétrée selon des méthodes policières évidentes, car ces gens-là n’ont pas lésiné dans leurs efforts pour essayer de semer la méfiance et inoculer le virus mortel de la suspicion autant à l’intérieur du CCI qu’à l’extérieur, autrement dit en direction du milieu politique prolétarien, des sympathisants et des contacts.
Ce n’est pas un hasard si les sections directement attaquées par ces Messieurs sont RI en France, première section du CCI par son importance, et RM, la “deuxième en ordre d’importance pour le CCI”, comme le dit cyniquement le GIGC dans son texte ; à cause de leur potentiel lié à la langue et aux forces militantes, il apparaît évident que pour n’importe quel agent provocateur, il est stratégique d’attaquer ces parties “les plus importantes” du CCI. Et nous posons ici la question : quelles données possède le GIGC pour savoir que la section de RM est la “deuxième en ordre d’importance pour le CCI” ? On aurait pu supposer que ces gens-là ne savent rien de la vie interne du CCI depuis au minimum douze ans ! Alors, d’où tiennent-ils ces renseignements “actualisés” pour connaître l’évolution interne du CCI ? D’autant que, d’après eux, en 2001, les meilleurs éléments de RM seraient partis avec la FICCI de sorte que, toujours selon leurs dires, la section serait restée depuis lors “orpheline” et, pourrait-on dire, sans “gourou”. Cette affirmation catégorique du GIGC nous rappelle une hypothèse que nous avancions dans notre “Communiqué à nos lecteurs”: “Mais nous ne pouvons pas écarter une autre hypothèse : l’un de nos ordinateurs a pu être piraté par les services de la police (qui surveille nos activités depuis plus de 40 ans). Et il n’est pas à exclure que ce soit la police elle-même (en se faisant passer pour une "taupe", militant anonyme du CCI) qui ait transmis à la FICCI certains de nos Bulletins internes sachant pertinemment que ces mouchards (et notamment les deux membres fondateurs de ce prétendu "GIGC") en feraient immédiatement bon usage.”
La distorsion des faits, le mensonge délibéré, voilà des attributs propres à la morale de la bourgeoisie. La morale prolétarienne, au contraire, cherche toujours la vérité ; la conscience de classe du prolétariat n’a pas besoin de mystifier la réalité parce que celui-ci n’est pas une nouvelle classe exploiteuse. Les agissements du GIGC sont le comportement même de la bourgeoisie ; ils n’ont rien à voir avec ceux d’un « groupe plus ou moins confus », un « groupe avec les meilleures intentions mais qui se trompe » ; pas du tout ! Son attitude préméditée de falsifier les faits est sa « méthode » pour attaquer le CCI et ces attaques sont aussi sa « raison de vivre ».
Le GIGC dit, par exemple : “Lors de la crise de 2001 du CCI, il [Alberto] fut parmi les quelques camarades de la section mexicaine qui refusèrent de céder à la panique, au chantage à la dissolution de la section, et aux ignobles provocations et mensonges que la nouvelle direction du CCI (envoyée sur place) exerça de manière scandaleuse sur la section et ses militants abasourdis lors d’une conférence ‘pan-américaine’”. Ce que les membres de la ex-FICCI et fondateurs du GIGC ne disent pas, c’est que ce qui allait devenir la FICCI travaillait déjà depuis pas mal de temps derrière le dos de la majorité des militants, clandestinement, en utilisant des canaux de correspondance secrète excluant le reste des camarades, faisant des réunions dont ils n’informaient pas les organes centraux, diffusant leurs calomnies sans autre limite que les oreilles complaisantes des camarades qui “refusèrent de céder à la panique, au chantage à la dissolution de la section”, d’après la pompeuse expression du GIGC.
Ces comportements conspiratifs et discriminatoires sont à l’opposé des méthodes du prolétariat, lesquelles sont basées sur la transparence et l’inclusion. Ce sont des comportements d’une organisation avec une vision bourgeoise qui la conçoit comme “une lutte entre factions qui la dirigent”. Il est significatif que ces tristes sires du GIGC ne parlent jamais de positions mais de “nouvelle direction”.
Il y a un proverbe qui dit : “Le voleur croit que tous les autres sont et font comme lui”. Le GIGC projette sur nous ses propres agissements nauséabonds. Les éléments qui allaient former la FICCI exercèrent une forte pression psychologique et affinitaire sur les éléments “abasourdis” de RM qui finirent par tomber dans leurs filets dont Alberto et Vicente, son frère. Ce dernier en est même arrivé à affirmer avec un aveuglement irrationnel que “même si l’organisation lui présentait une montagne de preuves, lui, il continuerait à soutenir les membres de la FICCI”. Voilà jusqu’où pouvait aller un état d’esprit où l’affinitaire règne en maître, où la seule chose qui comptait désormais était la ‘‘loyauté’’ vis-à-vis de ses amis au mépris des faits les plus évidents. Le même Vicente affirma avec un cynisme incroyable lors d’une Conférence de Revolución Mundial de février 2002 que “les statuts ne s’appliquent pas à la minorité, ce n’est que la majorité qui est obligée de les respecter” : un tel propos se passe de commentaires !
Et le GIGC poursuit : “Dans la débandade générale et la capitulation politique piteuse de la plupart, il fut donc parmi les rares qui restèrent fidèles aux orientations politiques ‘internes’ et externes adoptées” (il est ici fait référence aux orientations prises par le CCI entre 1996 et 2001). Ce que ceux du GIGC ne disent pas, c’est que les “orientations internes et externes” dont ils parlent, sont celles que les futurs membres de la FICCI défendaient à cette période, …période pendant laquelle ces petits Messieurs faisaient partie des organes centraux du CCI.
Ce qu’ils ne racontent pas, c’est qu’au sein de l’organisation –et plus concrètement lors du Congrès International qui a eu lieu en 2001– un désaccord s’est manifesté face à ces “orientations internes et externes” et qu’eux, au lieu d’accepter la discussion franche et ouverte, ont considéré que la critique qui leur était faite signifiait une offense à leur orgueil blessé et ils se sont mis à s’inventer une “guerre de chefs”, dans laquelle tous les moyens étaient permis pourvu qu’ils en sortent vainqueurs et, entre autres, ils se sont consacrés à violer sans retenue les Statuts du CCI.
Dans leur rage parce qu’ils “avaient perdu le contrôle de l’organisation”, ils sont allés encore plus loin : ils se sont mis à calomnier les camarades qu’ils considéraient comme responsables “d’avoir manipulé le troupeau de militants du CCI”; ils ont déversé des accusations fausses et ignominieuses contre une camarade et, dans leur escalade, ils ont fini par voler, moucharder et diffuser publiquement des documents internes de l’organisation.
Tout cela montre la vision politique bourgeoise et policière qui s’est emparée de ces gens-là. Dans une organisation politique prolétarienne, le débat n’est pas une mascarade qui sert à déguiser une lutte pour le pouvoir, mais le moyen normal pour rechercher les uns et les autres au maximum la clarification. Dans une organisation politique prolétarienne, les militants ne se laissent pas guider par des chefs mais par leurs critères propres à partir de la recherche des positions de classe du prolétariat. Dans une organisation politique prolétarienne, les organes centraux ne sont pas le monopole de quelques chefs qui se disputent le pouvoir4, mais l’expression de l’unité de l’organisation dont la fonction consiste à défendre les orientations élaborées par l’organe souverain de l’organisation : son congrès international. Le camarade Alberto, à qui ces gens-là font jouer le rôle de gentil de l’histoire, ne fut qu’une pauvre victime des méthodes et de l’idéologie de la FICCI, aujourd’hui cofondatrice du GIGC.
Le GIGC se met à défendre Alberto, autrefois militant que le CCI aurait “rejeté, calomnié et dénoncé publiquement”. Regardons de près quelques exemples concrets : en 2002 le CCI a organisé une Conférence internationale extraordinaire5 pour analyser sa crise interne et prendre position sur l’affaire de la FICCI. Au Mexique, il y avait un groupe de militants de RM qui étaient très liés à ce qui, plus tard, deviendrait cette FICCI, dont Alberto. En lien avec l’organe central international, RM décida d’envoyer à cette Conférence extraordinaire 5 camarades, dont deux d’entre eux proches de ce qui plus tard serait la FICCI pour qu’ils défendent devant la conférence leurs positions politiques. Le CCI paya les billets d’avion, mais, à leur arrivée en Europe, ces deux derniers, Alberto et S. (qui est mentionné dans le texte du GIGC), au lieu d’aller à la Conférence internationale extraordinaire, sont partis avec ceux qui allaient constituer plus tard la dite FICCI pour une réunion privée de cette bande.
C'est-à-dire que ces deux membres de RM qui faisaient partie d’une délégation élue par toute la section, ont décidé, avec le reste des membres qui allaient constituer la FICCI, de refuser de défendre leur position devant la Conférence, préférant se réunir entre eux pour suivre leurs propres objectifs de secte.
Voilà une attitude lâche et une attaque contre le débat, puisqu’une telle Conférence extraordinaire est justement le moment de défendre ce que l’on pense, quel que soit le degré de critique ou de désaccord qu’on puisse avoir. Voilà aussi un acte de déloyauté et de fraude : c’est le CCI qui avait payé les billets pour la participation à cette Conférence.
Le CCI exigea la restitution de l’argent des voyages et…ils refusèrent tout simplement ! Il s’agit d’un vol à l'organisation dont les ressources ne proviennent que de celles de ses militants et, par conséquent, de la classe envers qui ils sont redevables ; l’argent destiné à une tâche politique est une décision dont l’organisation comme un tout est responsable. Alberto et son camarade avaient le mandat de la section d’expliquer devant la conférence les positions de ce qui allait devenir la FICCI. Au lieu d’accomplir cette tâche, ils décidèrent de ne pas aller à la Conférence !… Et jusqu’à aujourd’hui, ils n’ont pas rendu l’argent.
Nous avons dénoncé ce lâche évitement du débat et ce vol sournois des ressources de l’organisation. En plus, ces individus liés à ce qui deviendrait plus tard la FICCI, qui d’après son avatar actuel, le GIGC, “ refusèrent de céder à la panique, au chantage à la dissolution de la section”, concrétisèrent leur posture si vaillante en n’assistant plus aux réunions de la section du CCI au Mexique, refusant de s’acquitter des leurs cotisations et en faisant carrément “bande à part”. Mais ils n’en sont pas restés là ! Ils ont volé à l’organisation des archives et les adresses des contacts auxquels ils ont envoyé pendant des années leurs ignobles calomnies contre le CCI. Pour résumer en quelques mots : la CCI n’avait pas encore de résolution sur ce qui deviendrait la FICCI, et déjà Alberto et ses compères avaient cessé de payer leurs cotisations, ils faisaient déjà des réunions d’où le reste de la section était exclue… La trajectoire du camarade Alberto restera marquée par sa contribution à la construction du CCI au Mexique, mais aussi par ses agissements aux côtés des mouchards de la FICCI.
Rappelons ici ce que nous avions dit en 2003 sur les méthodes policières de la dite FICCI : ‘‘Sur le site Internet de la FICCI, viennent d'être publiés deux textes qui en disent long sur les agissements destructeurs de cette prétendue "fraction". Le premier texte est la lettre que la section du CCI au Mexique a adressée le 15 novembre aux quatre membres de la prétendue "fraction" vivant dans ce pays. La publication du contenu de cette lettre ne nous pose évidemment aucun problème. Par contre, ce qui nous pose problème (et devrait poser problème à l'ensemble des groupes du courant de la Gauche communiste), c'est le fait que la FICCI ait rendu publique à l'avance la date à laquelle devait se tenir une réunion interne du CCI (la Conférence territoriale de notre section au Mexique). Dans cette lettre, la section du CCI au Mexique a en effet donné aux membres de la "fraction" la date de cette Conférence afin de leur permettre de se défendre et de faire appel devant celle-ci (ce qu'ils ont refusé de faire).
En publiant l'intégralité de cette lettre sur son site Internet, la camarilla des amis de Jonas a ainsi délibérément mis à la disposition de toutes les polices du monde la date à laquelle devait se tenir notre Conférence au Mexique en présence de militants venus d'autres pays (puisque notre presse a toujours signalé que des délégations internationales participaient à ce type de conférences). Cela signifie que les organes de police concernés pouvaient renforcer et cibler leurs contrôles et leur surveillance dans les aéroports et aux frontières. Cet acte répugnant de la FICCI consistant à faciliter le travail des forces de répression de l'État bourgeois contre les militants révolutionnaires est d'autant plus ignoble que les membres de la FICCI savaient pertinemment que certains de nos camarades ont déjà, dans le passé, été directement victimes de la répression et que certains ont été contraints de fuir leur pays d'origine’’6
Ce que nous ressentons clairement, c’est un fort dégoût produit par l’utilisation de la mémoire d’un ex-camarade pour faire monter encore des vagues et des vagues de dénigrements et de haine contre le CCI, poursuivant ainsi leur travail policier. Est-ce que le prolétariat et ses minorités ont quelque chose à gagner avec ces mensonges et ces calomnies contre le CCI ? Victor Serge, dans un livre bien connu et qui est une référence dans le mouvement ouvrier, Ce que tout révolutionnaire doit savoir de la répression, souligne fortement comment la propagation de la méfiance est une arme privilégiée de l’État bourgeois pour détruire les organisations révolutionnaires : “la confiance dans le parti est le ciment de toute force révolutionnaire (…) ; les ennemis de l'action, les lâches, les bien installés, les opportunistes ramassent volontiers leurs armes dans les égouts ! Le soupçon et la calomnie leur servent à discréditer les révolutionnaires.”7
Le GIGC a consacré deux articles en quatre mois de cette année pour attaquer le CCI et ses militants. C’est un peu comme une “réactualisation” pour que tous nos nouveaux contacts aient des doutes sur les qualités morales du CCI… N’importe quel appareil policier de la bourgeoisie serait fier de ces élèves qui, payés ou pas, réalisent un tel sale travail et qui doivent être combattus pour ce qu’ils sont : des ennemis de classe.
L’histoire du mouvement ouvrier a démontré que ce qui, au début n’est qu’un amas de calomnies, de mensonges et de falsifications, suit la logique grandissante du pogrome qui peut aller jusqu’à l’assassinat. Quand Rosa Luxemburg et les Spartakistes en Allemagne en 1918 furent calomniés, discrédités et injuriés, cela ne fut que la préparation de leur mise à mort lors de la semaine sanglante à Berlin en janvier 1919. Nous devons nous rappeler en particulier de l’odieuse campagne contre Rosa Luxemburg, dont l’assassinat qui a suivi ne fut que le point culminant de cette campagne. Les calomnies préparent la répression. Ces gens-là voudraient voir le CCI rejeté, exclu et isolé de la classe comme par ses minorités révolutionnaires, de sorte que l’étape suivante serait une conclusion logique mais tragique pour tout le mouvement ouvrier et l’avenir de la révolution mondiale.
Revolución Mundial, section du CCI au Mexique, 17 janvier 2015
1Voir notre « Communiqué à nos lecteurs : Le CCI attaqué par une nouvelle officine de l’État bourgeois [73] », de mai 2014.
2 GPI: Grupo Proletario Internacionalista, constitué au milieu des années 1980, il est entré en contact avec le CCI et à la suite d’un processus de discussion en 1989, il a été à la base de la section du CCI au Mexique, Revolución Mundial.
3 Voir note nº 1
4On peut lire : ‘‘Problèmes actuels du mouvement ouvrier : la conception du chef génial’’- Extraits d'Internationalisme n°25 (août-1947) -, https://fr.internationalism.org/rint33/Internationalisme_chef_genial.htm [92]
5Voir : “Conférence extraordinaire du CCI : le combat pour la défense des principes organisationnels”, https://fr.internationalism.org/french/rint/110_conference.html [93]
6‘‘Défense de l'organisation : les méthodes policières de la ‘FICCI’’’, 2003, https://fr.internationalism.org/book/export/html/2192 [94]
7Cité dans l’article « Communiqué à nos lecteurs: Le CCI attaqué par une nouvelle officine de l’État bourgeois », note 3.
“… Or, la social-démocratie allemande n’était pas seulement l’avant-garde la plus forte de l’Internationale, elle était aussi son cerveau. Aussi faut-il commencer par elle, par l’analyse de sa chute ; c’est par l’étude de son cas que doit commencer le procès d’auto-réflexion. C’est pour elle une tâche d’honneur que de devancer tout le monde pour le salut du socialisme international, c’est-à-dire de procéder la première à une autocritique impitoyable. Aucun autre parti, aucune autre classe de la société bourgeoise ne peut étaler ses propres fautes à la face du monde, ne peut montrer ses propres faiblesses dans le miroir clair de la critique, car ce miroir lui ferait voir en même temps les limites historiques qui se dressent devant elle et, derrière elle, son destin. La classe ouvrière, elle, ose hardiment regarder la vérité en face, même si cette vérité constitue pour elle l’accusation la plus dure, car sa faiblesse n’est qu’un errement et la loi impérieuse de l’histoire lui redonne la force, lui garantit la victoire finale.
“L’autocritique impitoyable n’est pas seulement pour la classe ouvrière un droit vital, c’est aussi pour elle le devoir suprême.”
Ainsi écrivait Rosa Luxemburg en 1915, dans La crise de la social-démocratie allemande, plus connue sous le nom de Brochure de Junius 1, travail de recherche sur les causes de la trahison de la majorité du SPD allemand et d’autres partis socialistes, confrontés à l’épreuve suprême de la guerre impérialiste mondiale. Dans ce passage, elle énonce clairement un élément central de la méthode marxiste : le principe de “l’autocritique permanente et impitoyable”, qui est à la fois possible et nécessaire pour le marxisme parce que c’est le produit théorique de la première classe dans l’histoire qui peut “hardiment regarder la vérité bien en face”.
Pendant et après la Première Guerre mondiale, cette tentative d’aller aux racines de l’effondrement de la Deuxième Internationale était une caractéristique de la démarcation entre les courants de la Gauche apparus en dehors des différents partis de la Deuxième Internationale mais qui ont formé une nouvelle Internationale explicitement communiste. Et quand la nouvelle Internationale, à son tour, a glissé dans l’opportunisme avec le reflux de la vague révolutionnaire d’après-guerre – une régression plus symboliquement exprimée dans la politique du Front Unique avec les traîtres social-démocrates – le même travail de critique a été réalisé par les fractions de la Gauche communiste au sein de la Troisième Internationale, en particulier les gauches allemande, italienne et russe.
En 1914, le mouvement anarchiste a également connu une crise suite à la décision de l’anarchiste très vénéré Pierre Kropotkine et de ses sympathisants de déclarer leur soutien à l’Entente impérialiste contre le bloc dirigé par l’Allemagne, et l’adoption de la même politique par “le syndicalisme révolutionnaire” de la CGT française 2. Dans les rangs du mouvement anarchiste, beaucoup sont restés fidèles à l’internationalisme et ont dénoncé farouchement l’attitude de Kropotkine et autres “anarcho-tranchéistes”. Sans doute, une minorité d’anarchistes refusa de participer à l’effort de guerre impérialiste. Mais, contrairement à la réponse de la Gauche marxiste, il y a eu peu d’effort pour entreprendre une analyse théorique de la capitulation d’une aile importante du mouvement anarchiste en 1914. Et, tandis que la gauche marxiste était en mesure de remettre en cause la méthode et la pratique sous-jacentes des partis sociaux-démocrates pendant toute la période qui a précédé la guerre, les anarchistes n’ont montré aucune capacité d’ “autocritique impitoyable”, car ils n’utilisent pas la méthode du matérialisme historique mais se fondent sur des principes plus ou moins intemporels et abstraits et sont imprégnés de l’idée qu’ils forment une sorte de famille unie autour de la lutte pour la liberté contre l’autorité. Il peut y avoir des exceptions, des tentatives sérieuses pour approfondir la question, mais, en général, elles viennent d’anarchistes qui ont été capables d’intégrer certains éléments de la théorie marxiste.
Cette incapacité à se remettre en cause profondément découle de la nature de classe d’origine de l’anarchisme, qui a émergé de la résistance de la petite-bourgeoisie, en particulier des artisans indépendants, au processus de prolétarisation qui a désintégré la structure de classe de l’ancienne société féodale au xix siècle. L’anarchiste français Pierre-Joseph Proudhon fut le fleuron de ce courant, avec son rejet du communisme en faveur d’une société de producteurs indépendants reliés par des relations de troc. Il est certainement vrai que les proudhoniens ont aussi exprimé un mouvement dans la direction du prolétariat en rejoignant la Première Internationale, cependant même avec les courants anarchistes les plus proches de positions prolétariennes, comme les anarcho-syndicalistes qui se sont développés vers la fin du xixe siècle, les attitudes incohérentes, idéalistes et a-historiques typiques de la conception du monde petite-bourgeoise n’ont jamais été totalement surmontées.
Cette incohérence a été chèrement payée par la nouvelle crise qui a balayé le mouvement anarchiste en réaction aux événements en Espagne, en 1936-1937. Les éléments importants du mouvement anarchiste qui n’avaient pas trahi en 1914, surtout la CNT espagnole, se sont ralliés à la défense d’un camp contre un autre dans la nouvelle guerre impérialiste, dans laquelle le camp républicain, dominé par l’aile gauche de la bourgeoisie, faisait face à son aile droite, dirigée par Franco, le tout constituant une partie d’un conflit impérialiste plus vaste mettant sur le devant de la scène les États fascistes allemand et italien contre l’impérialisme russe émergeant. Sous la bannière de l’unité antifasciste, la CNT a rapidement intégré l’état républicain à tous niveaux, y compris les gouvernements de Catalogne et de Madrid. Encore plus important, le rôle principal de la CNT a consisté à dévoyer ce qui avait été dans un premier temps une réponse authentiquement prolétarienne au coup d’État de Franco, une réponse qui avait utilisé les méthodes de la lutte de classe –grève générale, fraternisation avec les troupes, occupation d’usines et armement des ouvriers– vers la défense militaire de la république capitaliste. Compte tenu de la force de cette réaction prolétarienne initiale, non seulement les anarchistes mais aussi de nombreux courants marxistes en dehors du stalinisme ont été entraînés dans le soutien au front antifasciste, d’une manière ou d’une autre ; cela a inclus non seulement la tendance opportuniste autour de Trotski, mais aussi des éléments importants de la Gauche communiste, y compris une minorité au sein de la Fraction de la Gauche italienne. D’autre part, dans l’anarchisme, il y eut certainement des réactions de classe contre la trahison de la CNT, comme le groupe Los Amigos de Durruti et Guerra di Classe de Camillo Berneri. Mais la véritable compréhension de la nature de cette guerre a été le fait d’une petite minorité de la Gauche marxiste, surtout la Fraction italienne qui a publié Bilan. Cette dernière était presque seule à rejeter l’affirmation selon laquelle la guerre d’Espagne avait quelque chose à voir avec la défense des intérêts du prolétariat : au contraire, c’était une sorte de répétition générale avant le deuxième massacre impérialiste mondial. Pour Bilan, l’Espagne était un deuxième 1914 pour le mouvement anarchiste particulièrement. En 1939, face à la nouvelle guerre mondiale annoncée par Bilan, il y eut une majorité d’anarchistes, enivrés par l’antifascisme, qui suivirent la voie du ralliement à l’effort de guerre des Alliés, soit en rejoignant la Résistance, soit en s’enrôlant dans les armées officielles des Alliés ; à la tête du défilé pour la “libération” de Paris en 1944, il y avait une voiture blindée festonnée aux couleurs de la CNT, qui avait combattu à l’intérieur de la division de l’armée française libre dirigée par le général Leclerc. Encore une fois, des groupes anarchistes et des individus sont restés fidèles au principe de l’internationalisme prolétarien en 1939-45, mais il y a peu de preuves qu’ils aient effectué un examen systématique de la trahison historique de la majorité du mouvement dont ils se réclamaient encore.
Aujourd’hui, le prolétariat fait à nouveau face à la question de la guerre. Ce n’est pas une guerre mondiale entre des blocs déjà constitués, mais une descente chaotique et générale vers la barbarie militaire généralisée, comme on le voit en Afrique, au Moyen-Orient et en Ukraine. Ces guerres sont de nouveau des guerres impérialistes, au moyen desquelles les grandes puissances rivalisent derrière les différentes factions locales ou nationales et elles sont toutes l’expression de l’enfoncement irrésistible du capitalisme dans l’autodestruction. De nouveau, une partie du mouvement anarchiste soutient ouvertement ces conflits impérialistes.
En Russie et en Ukraine, il y a eu une croissance des groupes anarcho-nationalistes ou “ethno-anarchistes” qui fonctionnent ouvertement comme une aile “libertaire” de l’entraînement à la guerre dans chaque pays. Mais un groupe anarchiste plus “respectable” tel que le Syndicat des travailleurs autonomes, qui publie des documents sur Libcom et a tenu une réunion au Salon du livre anarchiste annuel en 2014, a également révélé des ambiguïtés profondes sur la guerre actuelle : dans certaines déclarations officielles, il semble prendre une position contre à la fois le régime ukrainien et les séparatistes pro-russes, mais les déclarations faites sur Facebook par certains de ses principaux membres racontent une histoire très différente, défendant apparemment le gouvernement de Kiev et sa guerre contre les incursions de Russie et appelant même au soutien de l’OTAN .
Au Kurdistan occidental (Rojava, nord de la Syrie), le Forum anarchiste kurde et le DAF (Action anarchiste révolutionnaire, Turquie) ont participé et fait de la propagande mondiale pour la soi-disant “révolution Rojava”, affirmant que la population locale s’organisait en communes indépendantes dans sa lutte contre le gouvernement syrien et surtout contre les djihadistes brutaux de l’État islamique. Le DAF offre de participer aux combats autour de la ville assiégée de Kobané, à la frontière turque. En réalité, ces communes sont étroitement contrôlées par le PKK, parti nationaliste kurde qui a opéré un revirement ces dernières années, du maoïsme vers le “municipalisme libertaire” de Murray Bookchin. Et, dans son conflit avec l’EI (État islamique), le PKK a agi plus ou moins ouvertement comme une force terrestre de la coalition “occidentale” dirigée par les États-Unis.
Des éléments anarchistes à l’ouest ont été également entraînés dans la campagne de “solidarité avec Kobané”, qui est dans les faits une campagne de solidarité avec le PKK. Le célèbre anarchiste David Graeber a publié un article dans The Guardian : “Pourquoi le monde ignore-t-il les révolutionnaires kurdes en Syrie ?” 3, qui décrit l’expérience du PKK en “démocratie directe” comme une “révolution sociale”. Il la compare aux collectifs anarchistes en Espagne en 1936 et en appelle à “la gauche internationale” pour éviter la répétition d’une même tragique défaite. Une perspective similaire est proposée par un internaute qui signe “Ocelot” sur Libcom, bien que ses arguments en faveur de l’antifascisme et des “Kurdes révolutionnaires” offrent une version plus sophistiquée de la même marchandise, dans la mesure où il est bien conscient de ce qu’il appelle la position “bordiguiste” sur le fascisme, à laquelle il est farouchement opposé . Mais, peut-être plus importante est la réponse que donnent les organisations anarchistes qui ont pignon sur rue. En France, par exemple, la CNT-AIT 4 participe aux manifestations de “solidarité avec Kobané” derrière une banderole qui dit : “Des armes pour la résistance kurde, Rojava c’est l’espoir, Anarchistes solidaires” (voir photo). On peut voir aussi les drapeaux de la Fédération anarchiste derrière la même banderole, tandis que l’Internationale des Fédérations anarchistes, à laquelle la Fédération anarchiste française et la Fédération anarchiste du Royaume-Uni sont toutes deux affiliées, et pour qui des organisations comme le DAF et le KAF sont proches de leurs positions, publie la plupart des articles du DAF sur la situation en Rojava sans faire de commentaire critique.
Il y a bien sûr des éléments au sein de l’anarchisme qui ont été très cohérents dans leur rejet du soutien au nationalisme. Nous avons déjà publié la déclaration internationaliste de la section russe de l’AIT, le KRAS, contre la guerre entre la Russie et l’Ukraine, et nous avons cité un membre du KRAS, qui signe ses contributions “Foristaruso”, ayant mis en ligne sur le site Libcom des critiques très dures sur les positions de l’AWU (Autonomous Workers’ Union). Dans l’une des principales contributions sur la situation au Moyen-Orient, certains camarades ont dénoncé avec force la ligne pro-PKK, notamment un membre de la branche britannique de l’AIT (Solidarity Federation), qui signe “AES”. Le collectif qui gère le site de Libcom a présenté deux articles sur le PKK écrits dans la ligne de la Gauche communiste : l’avertissement du CCI contre la nouvelle image anarchiste que se donne le PKK et l’article “Le bain de sang en Syrie : guerre de classe ou guerre ethnique”, écrit par Devrim et publié dans un premier temps sur le site de la Tendance communiste internationaliste (ex-BIPR). Dans les commentaires qui suivent ce dernier article, il y a des réponses furieuses et calomniatrices d’internautes qui semblent être des membres ou des sympathisants du DAF turc.
A l’heure où nous écrivons, la FA du Royaume-Uni (AF) a publié un article qui ne se fait pas d’illusions sur la nature gauchiste, nationaliste du PKK et montre que le virage vers le “bookchinisme” et la “démocratie confédérale” a été lancé d’en haut par son grand dirigeant Ocalan, qui a également tenté de se rapprocher du régime d’Assad, de l’État turc et de l’islam. L’AF a le courage d’admettre que la position qu’elle adopte ne sera pas populaire étant donné le grand nombre d’anarchistes engagés dans le soutien à la “révolution de “Rojava”. Mais, là encore, nous voyons une incohérence totale dans la même tendance “internationale”. La déclaration de l’AF ne contient aucune sorte de critique du DAF ou de l’IAF et dans la liste des “actions concrètes” proposées à la fin de la déclaration, se trouve l’appel à “fournir une aide humanitaire à Rojava, via l’IAF”, qui est en contact direct avec la DAF. Cela semble être une concession à la pression du “nous devons faire quelque chose tout de suite”, qui est très forte dans le milieu anarchiste, même si l’aide (militaire ou humanitaire), organisée par un petit groupe en Turquie serait totalement inefficace à moins d’intégrer les activités d’organisations plus vastes, telle le PKK. Voilà ce que propose en réalité le DAF, dans la mesure où il a enrôlé des volontaires pour combattre avec les “unités de protection du peuple” (YPG). La FA écrit également que son but est d’“encourager” et soutenir toute action des ouvriers et paysans de la région de Rojava. Argumenter contre toute agitation nationaliste et pour l’unité des ouvriers et paysans kurdes, arabes, musulmans, chrétiens et yesidis. Toutes ces initiatives indépendantes doivent leur permettre de se libérer de la tutelle du PKK/PYD et aussi de l’aide des alliés occidentaux, de leurs clients, comme l’Armée syrienne libre, le Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani et de l’État turc.” Encore faudrait-il aussi argumenter contre les positions pro PKK du DAF lui-même.
Il est certainement important que les analyses les plus consistantes sur la situation dans le Rojava viennent de la tradition de la Gauche Communiste. Ce qui caractérise la réponse plus générale des anarchistes est leur manque total de cohérence. Quand on étudie les sites Web de l’IWA, de la CNT-AIT ou de la Fédération Solidarité, ils restent sur un terrain économique, leurs écrits sont presque exclusivement composés d’articles traitant de luttes ouvrières particulières et locales, dans lesquelles ils ont été impliqués 5. Les grands événements économiques politiques et sociaux dans le monde sont à peine évoqués, et il n’y pas de signe de l’existence d’un débat sur une question fondamentale comme l’internationalisme et la guerre impérialiste, même s’il y a des différences profondes dans ce courant, allant de l’internationalisme au nationalisme. Cette absence de débat, cet évitement de la confrontation des positions – que nous pouvons également observer dans l’IAF – est beaucoup plus dangereuse que la crise qui a frappé le mouvement anarchiste en 1914 et en 1936, quand il était encore réactif à la trahison des principes au sein du prolétariat.
L’anarchisme reste une famille qui peut facilement accueillir des positions bourgeoises et prolétariennes et, en ce sens, elle reflète encore l’imprécision, les hésitations des couches sociales prises entre les deux grandes classes historiques de la société. Cette atmosphère est un véritable obstacle à la clarification, empêchant même les plus clairs des individus ou des groupes plus solidement internationalistes d’aller aux racines de ce dernier exemple de la collaboration de l’anarchisme avec la bourgeoisie. Mener leurs postions à leurs conclusions exigerait un réexamen approfondi des crises passées dans le milieu anarchiste, surtout celle de 1936, où, comme nous le démontrons dans nos récents articles parus dans la Revue internationale, les fissures fatales de l’anarchisme sont apparues sans fard. En dernière analyse, l’anarchisme a besoin de se critiquer lui-même, et d’assimiler réellement la méthode marxiste.
Amos, traduit le 21/12/14
1Éd. Spartacus 1993 p. 31-32.
2 Voir l’article sur la CGT [97] de notre série sur l’anarcho-syndicalisme [98].
3 Une réponse par la TCI peut être trouvée ici : http ://www.leftcom.org/en/arhttp ://www.thguardian.com/commentisfree/2014/oct/08/why-world-ignoring-revolutionary-kurds-syria-isisticles/2014-10-30/in-rojava-people%E2%80%99s-war-is-not-class-war [99]
4 L’AIT est l’Association internationale des travailleurs.
5 L’image de la bannière CNT-AIT présentée est typique de la démarche de cette dernière. Chaque fois que possible, les images veulent montrer le rôle crucial joué dans la lutte par ses militants – une approche conforme à leur notion d’organisation de la classe en syndicats révolutionnaires.
Aujourd'hui, nous vivons dans un monde barbare en pleine décomposition, gavé de militarisme et de guerres : Irak, Syrie, Libye, Afrique de l'Est et de l'Ouest, Soudan, Yémen, tensions en Extrême-Orient, attaques terroristes en Europe et aux quatre coins du globe… A cette longue et incomplète liste des horreurs s'ajoute désormais le conflit ukrainien qui, situé à la périphérie de l'Europe, est l'expression d'une escalade militariste inquiétante et d'une menace croissante de la perspective guerrière dans les bastions historiques du capitalisme.
La région autour de la Crimée est une zone cruciale pour les intérêts stratégiques de la Russie, notamment la protection de ses pipelines (infrastructure essentielle de son économie) mais plus encore pour la marine russe dont la Mer Noire représente l'unique façade maritime en eau tiède où les ports ne sont pas gelés la moitié de l'année. La Russie a annexé la Crimée en mars 2014, tandis que naissait, à l'Est de l'Ukraine, dans la région du Donbass, la "Nouvelle Russie" (Novorossiya), Etat sécessionniste dont la bourgeoisie russe rêve depuis son opération militaire victorieuse en Tchétchénie en 1999. Novorossiya est une expression qui date des jours fastes de l'impérialisme russe du temps des tsars, quand ce dernier fit main basse sur la région du nord de la Mer Noire à la faveur de l'effondrement de l'Empire ottoman. Aujourd'hui, il tente d'imposer sa marque sur la "République populaire du Donetsk" et la "République populaire de Lugansk", incluant le nœud ferroviaire de Debaltseve et l'aéroport de Donetsk, une ruine fumante jonchée de corps sans vie.
Après l'effondrement de l’URSS en 1989, les velléités impérialistes de la Russie entrèrent dans une sorte de semi-hibernation avant de rapidement se réaffirmer avec plusieurs interventions hors de ses frontières : en Transnistrie, région de Moldavie, dès 1992, et surtout dans le Sud du Caucase, au Nagorno-Karabakh (Azerbaïdjan) puis en Abkhazie et en Ossétie du Sud (Géorgie), zone complexe où les conflits sont "gelés" mais où les forces russes sont présentes et constituent, sur fond de tensions avec les Etats-Unis, une armée d'occupation au milieu des mafias locales, des clans et autres seigneurs de guerre.
Le conflit en Ukraine est un pas supplémentaire dans la réaffirmation des ambitions impérialistes russes et dans l'escalade guerrière. Si les rebelles privilégient avant tout leurs propres intérêts impérialistes, c'est bien la Russie qui tire les ficelles et qui fournit massivement le matériel et les forces combattantes. Les derniers rapports soulignent d'ailleurs que la plupart des tirs mortels d'artillerie provenaient du territoire russe.
Dans le même temps, l'implication des pays occidentaux, notamment des Etats-Unis, dans le soutien au nouveau régime de Kiev est apparue explicitement. En 2013, les dirigeants occidentaux et leurs médias ont apporté tout leur soutien à la prétendue "révolution" de Maïdan (la Place de l'Indépendance), qui n'était rien de plus qu'un coup d'État militaire substituant aux gangsters pro-russes d'autres gangsters, plus ou moins à la solde de l'Ouest. La Russie ne peut pas permettre qu'une zone aussi stratégique pour elle que l'Ukraine soit incorporée à l'OTAN et voir des forces rivales massées à sa frontière. La guerre actuelle pourrait ainsi devenir une entreprise à long terme fournissant à la Russie une sorte de zone tampon dans laquelle elle pourrait à loisir attiser et éteindre le feu de la discorde pour déstabiliser le régime de Kiev soutenu par l'Occident. Ce jeu est d'autant plus dangereux que les événements ont tendance à créer leur propre dynamique irrationnelle et lourde de conséquences : la menace américaine de fournir à Kiev des armes meurtrières n'est plus seulement du bluff. Bien que, sur le plan du soutien diplomatique à Kiev, les déclarations contradictoires des chancelleries occidentales expriment probablement une réelle incertitude, l'OTAN a d'ores et déjà fourni un armement moderne aux pays de l'Est et a mis sur pied une force de réaction rapide (NRF). Il est déjà envisagé de doubler les effectifs de la NRF en les portant à 30 000 soldats, avec des unités stationnées en Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne et Roumanie. Selon le secrétaire général de l'OTAN, Jens Staltenburg, nous assistons au "plus grand renforcement de notre défense collective depuis la guerre froide" (The Guardian daté du 5 février 2015). Il n'existe pas une grande unité au sein de l’'OTAN et personne n'a forcément intérêt à la guerre, mais les impératifs impérialistes ont leur propre dynamique et il est très probable que les tensions et l'activité militaire vont s'aggraver prochainement. Ce constat est conforté par l'envoi en mars 2015 d'instructeurs militaires américains à Kiev dont la mission sera de former les forces locales pour "se défendre contre l'artillerie et les roquettes russes" (The Time du 12 février), selon un commandant militaire américain de haut rang en Europe, qui est loin de croire au "désengagement américain" dont parle une partie de la presse.
La guerre actuelle est totalement différente de la guerre des Balkans des années 1990 qui était l'expression des tensions impérialistes entre les pays de l'ex-bloc de l'Ouest et les États-Unis, défenseurs d'un "nouvel ordre mondial". Ces tensions, qui s'étaient traduites par des viols en masse, des massacres (Sarajevo, Srebrenica…) et la fragmentation des territoires, n'étaient pas une confrontation entre la Russie et l'Ouest mais plutôt l'expression de la défense des intérêts impérialistes de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis, à travers une guerre par procuration de tous contre tous. Une illustration concrète de cette réalité s'était produite à l'aéroport de Pristina, en juin 1999, à la suite de la guerre du Kosovo, où les troupes russes occupaient l'aéroport avant un déploiement de l'OTAN. Un général américain de l'OTAN, Wesley Clarke, avait ordonné que l'aéroport soit pris par les troupes britanniques alors sous son commandement. Le commandant militaire britannique, Mike Jackson, refusa les ordres de Clarke en disant : "Je ne vais pas prendre la responsabilité de commencer la Troisième Guerre mondiale." 1
Plus qu'au conflit dans les Balkans, la guerre en Ukraine ressemble à celle de Géorgie en 2008. La Russie avait alors gagné du terrain et les États-Unis, engagés sur d'autres fronts, furent contraints d'accepter le plan "européen" pour un cessez-le-feu.2 Maintenant, la Russie poursuit à nouveau ses intérêts impérialistes, comme aux plus beaux jours des régimes tsariste et stalinien. Elle le fait avec des moyens et des ambitions réduits par rapport à l’époque de la Guerre Froide, mais elle pousse la ligne de front vers l'Ouest.
Tout cela est très dangereux pour la classe ouvrière sur le continent et au-delà qui paye le conflit au prix fort. En plus des innombrables victimes et des atrocités de la guerre, la Russie et les pays européens souffrent énormément des sanctions imposées par les États-Unis. La chute des prix du gaz et du pétrole a également affaibli l'économie russe, et, en contrepartie, la Russie renforce ses forces de sécurité intérieure, ses réseaux d’espions et la répression à un niveau toujours plus important.
A Kiev, une grande partie de la population, poussée par l'Ouest et les cornes de brume de ses médias, a voté pour les crétins nationalistes et fascisants qui ont ensuite terrorisé les manifestants sincères de la place Maidan. Des deux côtés, les travailleurs sont maintenant démoralisés et incapables d'imposer une alternative prolétarienne à la guerre et à la misère qui l'accompagne. Dès son investiture en juin dernier, le nouveau président ukrainien, Porochenko, a promis la guerre et l'austérité. Il parle désormais d'introduire la loi martiale et des "réformes" afin de poursuivre la guerre. Le FMI, qui a déjà donné des milliards de dollars à Kiev, envisage de verser encore 17,5 milliards de dollars puis 40 milliards pour les quatre années à venir. En échange, Kiev s'engage à adopter de nouvelles "réformes" telles qu'une nouvelle baisse du salaire social et l'augmentation des prix des denrées de base. Cela se produira, de toute façon, que la guerre s'intensifie ou non. Et la classe ouvrière, particulièrement vulnérable, est dans l'impossibilité de fournir une quelconque opposition réaliste à ce qui se prépare.
Une question fréquemment posée : est-ce la Troisième Guerre mondiale qui commence ? La réponse est non ! Pour qu'une guerre mondiale éclate, deux conditions sont nécessaires : l'existence préalable de blocs militaires plus ou moins cohérents et surtout l'écrasement physique et idéologique de la classe ouvrière. Aucune de ces deux conditions n'est remplie pour le moment.
Sur le plan impérialiste, même s'ils s'opposent globalement à la poussée de l'impérialisme russe, il n'y a pas d'unité entre les pays de l'OTAN, où les tendances centrifuges dominent toujours. Tous les pays craignent une domination de l'Allemagne, nombreux sont ceux qui s'inquiètent de la domination américaine et ces craintes offrent à la Russie une brèche dans laquelle elle peut s'engouffrer. Quant à cette dernière, elle a pris des mesures pour avoir la Chine de son côté et fait des avances à d'autres pays qui refusent de céder à la pression des États-Unis : l'Égypte, la Hongrie et la Grèce par exemple, mais il n'y a aucune perspective de bloc militaire à l'horizon.
Sur le plan de l'embrigadement de la classe ouvrière, pour qu'un conflit mondial soit possible, la population doit être mobilisée pour la défense de la nation (c'est-à-dire des intérêts impérialistes) et prête à verser "du sang, de la sueur et des larmes". Dans le passé, lors de la Seconde Guerre mondiale, seul l'écrasement de la classe ouvrière a pu la réduire à l'impuissance politique et l'empêcher de réagir à son propre embrigadement dans la boucherie généralisée. Aussi terribles que soient la guerre et la destruction en Ukraine, il n'y a actuellement pas de perspective réaliste pour qu'elle se transforme en conflagration mondiale.
Toutefois, bien qu'elle ne soutienne pas la guerre en général, la classe ouvrière, en Ukraine de l'Est comme de l'Ouest, n'a pas suffisamment de force ni de moyens pour s'y opposer réellement et empêcher le glissement dans la barbarie, la destruction et la ruine à un niveau local. Dans l'Ouest du pays, une résistance plus importante s'est exprimée, causée par le coup de massue porté par Porochenko avec l'instauration de la loi martiale mobilisant 100 000 soldats supplémentaires de 16 à 60 ans (une mobilisation qui évoque l'action des nazis dans les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale, lorsque le Volksturm a été adopté, mobilisant les plus jeunes et les plus vieux). Des documents piratés au bureau du procureur militaire en chef de Kiev, Anatoli Matous, montrent que le nombre de victimes de la guerre est supérieur au chiffre officiel de 5400 (selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung du 8 février) : le service de Renseignements militaires allemand estime à 50 000 le nombre de tués. Les fuites indiquent également qu'il y a plus de 10 000 désertions, y compris au sein des cadres supérieurs de l'armée et des corps militaires d’élite, à tel point que le régime a, entre autres, mis en place des unités militaires spéciales pour traquer les déserteurs. Dans les territoires contrôlés par Kiev, des manifestations et des réunions se sont tenues dans les provinces d'Odessa et de Zaphorizia où les femmes se sont particulièrement illustrées en s'adressant à la foule pour dénoncer la guerre et le régime, en appelant à la solidarité. Mais cette résistance, pour autant qu'elle soit bienvenue, n'est nullement suffisante pour être le déclencheur d’un vaste mouvement anti-guerre ou anti-austérité.
Au début de la Première Guerre mondiale, bien que de rares mouvements anti-guerre existaient déjà, il fallut plusieurs années de destructions et de carnages, jusqu’en 1917, pour qu’un changement qualitatif se produise dans la classe ouvrière, un changement qui a contraint la classe dominante à arrêter la guerre. Les conditions sont très différentes aujourd’hui en Ukraine, en cela que la guerre ne provoque pas de mobilisation de masse contre elle et que le rôle des grandes puissances est plus indirect et masqué. Le danger existant est celui d’un enlisement dans une sorte de banalisation quotidienne des affrontements, d’un enfoncement dans une guerre rampante, typique des zones les plus caricaturalement touchées par la décomposition.
Cette situation est tout aussi dangereuse pour la classe ouvrière. Dans cette zone stratégique-clé entre l’Europe et l’Asie, avec la participation directe des forces russes et de celles de l’OTAN, même si ces dernières ne sont pas réellement unies, l’enfoncement dans la décomposition s’illustre parfaitement. Cela va probablement démoraliser la classe ouvrière des pays centraux, tout comme la répression du "Printemps arabe", avec la complicité notoire des grandes puissances, fut un facteur de démoralisation et ouvrit un boulevard à la "gauche" nationaliste (voir les exemples de la Grèce et de l’Espagne). Ce facteur de démoralisation pourrait faciliter l’ouverture d’une guerre plus large.
La tâche des révolutionnaires est ici de parler d'une seule voix contre la guerre impérialiste, tâche que la plupart des partis de la gauche prétendument "radicale" est bien entendu pathétiquement incapable de d’accomplir. Malgré tous leurs grands discours sur l' "internationalisme", leur responsabilité de fait dans cette situation a été honteusement esquivée.
Mais nous devons aussi garder à l’esprit qu’un très petit nombre de véritables révolutionnaires, internationalistes, ont su défendre la cause de la classe ouvrière avant et pendant la Première Guerre mondiale, au moment où un grand nombre d’ouvriers étaient mobilisés pour s’entretuer. Aujourd'hui encore, nous devons débattre, nous rassembler, dénoncer la guerre et mettre en évidence le poids central de l'expérience des ouvriers de l’Ouest pour le futur, maintenir nos principes avec le même état d’esprit que lors des conférences de Zimmerwald et de Kienthal et nous dresser comme un phare de l’internationalisme prolétarien face à la décomposition capitaliste et contre la guerre impérialiste
D'après WR (18 février 2015)
1 Jackson, partenaire occasionnel des beuveries des gangsters Slobodan Milosevic et Radovan Karadzic, a été par la suite promu à la tête du Haut Commandement militaire britannique.
2 Ex-président de Géorgie, Mikhail Saakashvili, l'homme de main des États-Unis recherché par les autorités géorgiennes, est maintenant devenu conseiller officiel du régime de Kiev.
Après avoir pris connaissance sur les pages web de la Tendance communiste internationaliste du communiqué du 12 avril 2014, intitulé : A proposito di alcune infami calunnie (Response to a Vile Slander), le CCI tient à apporter toute sa solidarité à cette organisation et à ses militants plus particulièrement visés face aux attaques dont ils sont la cible de la part de quelques anciens membres de la section en Italie de la TCI, le Partito comunista internazionalista.
Tous ceux qui se revendiquent du courant de la Gauche communiste ou qui s'intéressent à ce courant connaissent les désaccords existant entre le CCI et la TCI, des désaccords qui portent sur des questions d'analyse générale (comme celle du cours historique), d'interprétation de l'expérience historique (comme le travail de la Fraction italienne entre 1928 et 1945 ou la fondation du Partito comunista internazionalista en 1943-45) ou, et pour nous c'est le plus important, sur les rapports devant exister aujourd'hui entre groupes se réclamant de la Gauche communiste. Nous n'avons jamais caché ces désaccords ni renoncé à critiquer vigoureusement les positionnements politiques de la TCI (et du BIPR dans le passé) que nous jugeons néfastes pour le combat de la Gauche communistes. Mais cela ne doit pas, à nos yeux, affecter l'expression de notre totale solidarité envers la TCI ni la fermeté avec laquelle nous condamnons les calomnies dont cette organisation et certains de ses militants sont aujourd'hui la cible. C'est là une attitude qui appartient à la tradition du mouvement ouvrier.
Le CCI n'a pas connaissance de l'identité des éléments qui attaquent aujourd'hui le PCInt-TCI, ni des termes exacts de leurs allégations. Cependant, le CCI fait toute confiance au communiqué publié par cette organisation et considère comme véridiques les informations qu'il apporte. Cette confiance s'appuie sur les faits suivants :
- Nous ne pouvons pas imaginer qu'une organisation qui se réclame des positions de la Gauche communiste et qui a défendu ces positions pendant 70 ans puisse inventer les faits qui sont rapportés dans son communiqué.
- L'expérience du mouvement ouvrier (de même que l'expérience du CCI lui-même) atteste de la bassesse et de l'ignominie dans laquelle peuvent plonger d'anciens militants dès lors qu'ils développent des griefs envers leur ancienne organisation, qu'ils abandonnent le combat pour la défense de la perspective communiste pour engager le combat pour la défense de leur petite personne. La déception, la frustration, les blessures d'orgueil, la rancune deviennent alors les moteurs de leur comportement et non plus la révolte contre l'infâme société d'exploitation. Comme le dit le communiqué du PCInt ., "les attaques haineuses" contre leur ancienne organisation "sont devenues le centre de leur politique, sinon de leur vie" et non plus le combat contre le capitalisme dont ils deviennent alors, qu'ils le veuillent ou non, qu'ils en soient conscients ou non, les alliés.
- Un des moyens les plus sournois, mais malheureusement "classique", de la démarche destructrice de ces éléments envers leur ancienne organisation est de porter les accusations les plus sordides contre les militants les plus en vue de celle-ci, notamment celle d'être des "agents de l'État".
Ce type d'accusation doit être combattu et dénoncé avec la plus grande fermeté, notamment parce qu'elle introduit la suspicion au sein de l'organisation mais aussi dans l'ensemble du milieu prolétarien. C'est pour cela que le CCI affirme sa disponibilité pour apporter toute son aide à la TCI, dans les modalités que celle-ci jugera utiles, afin de démasquer les calomnies portées envers certains de ses militants et de rétablir leur honneur.
Le CCI appelle tous les éléments et groupes qui combattent sincèrement pour la révolution communiste, et particulièrement ceux qui se réclamant de la Gauche communiste (notamment ceux qui se rattachent au courant animé par Bordiga après 1952), à apporter une solidarité sans faille à la TCI face aux attaques sordides dont elle est la cible. C'est l'honneur de la Gauche communiste d'avoir combattu ce type de méthodes, dont le stalinisme fut le grand spécialiste, aux moments les plus noirs de la contre-révolution. Participer au combat de la Gauche communiste ne signifie pas seulement défendre ses positions politiques. Cela signifie aussi dénoncer des comportements politiques tels que les rumeurs, le mensonge, la calomnie, le chantage qui tournent le dos aux principes du combat du prolétariat pour son émancipation.
Le CCI, 17/04/2015
En Grèce, le triomphe électoral du parti Syriza a produit les réactions attendues de la droite à la gauche de l'échiquier politique bourgeois. Au Royaume Uni, le Times, pour la droite, écrivait : "la torche incendiaire de l'extrême-gauche vole vers la victoire", relayé par le Daily Mails qui renchérissait : "l'extrême gauche, poussée au pouvoir en Grèce, propage une onde de choc à travers toute l'Europe."
Contrairement à l'alarmisme de la droite, des groupes gauchistes ont bien-sûr quant à eux plébiscité l'arrivée de Syriza au pouvoir. En Allemagne, Die Linke se félicitait : "la Grèce a fait l'expérience d'un jour d'élections véritablement historique. Nous nous réjouissons avec vous. (…) Ce que Syriza a accompli est une grande réussite. En tant que parti de gauche pluraliste et moderne, vous avez réussi à devenir les porte-paroles de millions de gens qui vous font confiance parce que vous êtes cohérents et honnêtes et parce que vous leur rendez leur fierté." En France, le NPA saluait également : "la victoire de Syriza", cet "événement très positif, qui aidera à desserrer l'étau de l'austérité qui a provoqué une chute du niveau de vie de la population grecque. (…) Au niveau européen, c'est une défaite pour les gouvernements de droite et de gauche qui ne cessent de répéter qu'il n'y a pas d'alternative à l'austérité et à la destruction des acquis sociaux". Au Royaume-Uni, le Social Workers Party ajoutait : "les électeurs grecs ont délivré un message clair de rejet de l'austérité. (…) Le parti de la gauche radicale Syriza s'est emparé de la victoire, laissant les partis traditionnels sur le bas-côté."
Il est vrai que le schéma classique du partage de la diabolisation et de la célébration entre la droite et la gauche n'est cette fois-ci pas complètement respecté : certains partis de droite ont aussi encensé Syriza (et pas seulement pour leur coalition avec le parti d'extrême-droite ANEL). Marine Le Pen, du Front National, s'est déclarée "enchantée par l'énorme claque démocratique que le peuple grec a donnée à l'Union Européenne." Nigel Farage[1], du UK Independance Party, a vu dans le résultat de l'élection un cri à l'aide désespéré du peuple grec, des millions d'entre eux ayant été appauvris par l'expérience de l'euro.
Pourquoi faire ces citations ? Parce qu'elles rendent compte des différentes expressions de l'idéologie bourgeoise : la droite avertit qu'un changement dans la politique économique de la Grèce va déstabiliser d'autres économies en Europe, et peut-être même avoir un impact sur le fonctionnement du capitalisme au-delà ; la Gauche dépeint l'ascension de Syriza comme la preuve qu'une "alternative au libéralisme est possible", et se réjouit de l'émergence d'une nouvelle force sociale à laquelle les gens font confiance.
Il existe, à la gauche de l'appareil politique, une voix hypocritement dissidente : c'est celle de Lutte Ouvrière. Un article intitulé "Epreuve de force après la victoire de Syriza", tout en exprimant quelques sentiments familiers ("En votant massivement pour Syriza, les classes populaires ont dit qu’elles n’en pouvaient plus et ont exprimé leur rejet de ces politiques d’austérité", etc.), est également très critique. "Tsipras et Syriza n’ont jamais mis en cause l’ordre capitaliste. Ils ne prétendent pas le combattre et encore moins chercher à le renverser. Ils se situent entièrement sur le terrain de la bourgeoisie." De plus, en flattant les sentiments anti-allemands "Syriza situe son combat sur le terrain du nationalisme et se pose en champion de l’indépendance nationale de la Grèce." Mais, au bout du compte, LO apporte malgré tout son soutien à Syriza : "C’est une nécessité objective pour être en situation de lutter en solidarité avec le gouvernement de Tsipras tant que celui-ci s’en tient aux mesures favorables aux travailleurs qu’il avait promises et contre lui s’il tourne le dos à ses promesses." LO défend la position selon laquelle un gouvernement capitaliste en Grèce pourrait défendre en quelque sorte des intérêts qui ne seraient pas ceux de la bourgeoisie.
Syriza se situe entièrement sur le terrain du capitalisme d'Etat. Ce parti est soumis aux mêmes pressions que les autres bourgeoisies, et il n'est pas surprenant que Syriza, juste après son arrivée au pouvoir, ait commencé à faire des concessions allant à l'encontre de ses engagements antérieurs. Il s'est d'abord allié avec des dissidents du KKE et du PASOK (qui ont tous deux exercé le pouvoir, le premier pendant de nombreuses années et le second en coalition avec les conservateurs de la Nouvelle Démocratie). En tant que parti en lice pour le pouvoir, il se situait déjà sur le terrain capitaliste, différant des autres uniquement par la manière dont il a exprimé son nationalisme, et l'emphase particulière avec laquelle il a défendu sa politique capitaliste d'Etat.
Que les gauchistes décrivent Syriza comme une sorte d'alternative au capitalisme est totalement frauduleux. Juste avant les élections, un groupe de dix-huit économistes distingués (incluant deux lauréats du Prix Nobel et un ancien membre du Comité de politique monétaire d'Angleterre) a écrit au Financial Times en approuvant des aspects de la politique économique de Syriza : "Nous pensons qu'il est important de distinguer austérité et réformes : condamner l'austérité n'entraîne pas d'être anti-réformes. La stabilisation macro-économique peut être atteinte grâce à la croissance et à l'augmentation de l'efficacité dans la collecte de l'impôt plutôt que par une réduction des dépenses publiques qui a diminué le niveau de vie et conduit à une augmentation du taux d'endettement." La lettre est parue sous le titre : "Le nouveau départ de la Grèce va profiter à l'Europe", considérant la consécration de Syriza comme potentiellement bénéfique pour le capitalisme européen. Comme le fait remarquer un commentaire sur le site du magazine The New Statesman : "le programme de Syriza (…), c'est de la macro-économie classique. Le parti Syriza a simplement l'intention d'appliquer ce que les manuels suggèrent."
Et donc, suivant les manuels, Syriza a négocié avec les créanciers européens de la Grèce, en premier lieu pour prolonger le plan de sauvetage et ses conditions jusqu'au 30 juin. Ainsi, alors qu'il y avait des manifestations dans les rues d'Athènes contre le plan de sauvetage, Die Linke l'a voté au parlement allemand avec les partis au gouvernement. Habituellement, ils votaient contre les plans de sauvetage en raison des mesures d'austérité obligatoires qui accompagnaient ces plans. Cette fois, ils ont affirmé qu'ils votaient "par solidarité avec Syriza". Un dirigeant de Die Linke a même déclaré devant le Reichstag : "Maintenant, vous allez voir qu'un gouvernement de gauche peut arriver à quelque chose."
Dans un débat récent à Londres entre un membre dirigeant du Socialist Workers Party et Stathis Kouvelakis, du comité central de Syriza, ce dernier a déclaré : "Trente-deux grèves générales et des centaines de milliers de personnes n'ont pas réussi à empêcher l'application d'une seule mesure. Syriza a apporté l'imagination politique qui manquait et a traduit ces mouvements dans un défi au pouvoir. Et, quand on lui a fait remarquer que les demandes de Syriza étaient modérées, Stathis a rappelé à l'auditoire que la Révolution russe de 1917 a commencé avec des appels pour 'la paix, le pain et la terre'." Il est vrai que les grèves générales en Grèce ont été mises en scène par les différentes coordinations syndicales et ont ainsi joué le rôle d'exutoire à la colère des ouvriers contre les mesures d'austérité imposées par l'alliance gouvernementale de la Nouvelle Démocratie et du PASOK. Ils se sont assurés que l'opposition à l'austérité était contenue et détournée. L'imagination politique démontrée par Syriza consiste seulement à s'être coulé dans le moule pour prendre sa place dans l'appareil politique de l’État capitaliste. Il ne s'agit pas d'un défi au pouvoir mais d'une participation à la domination du capital et à l'exploitation de la classe ouvrière.
Il est potentiellement dangereux de faire référence à 1917 pour des gauchistes. La réalité de la révolution et la participation des révolutionnaires à cette réalité ont tendance à mettre à nu les (im)postures des partis comme Syriza. La Révolution russe a non seulement revendiqué "la paix, le pain et la terre", elle a aussi été caractérisée par le travail théorique de Lénine sur le marxisme et l’État, les Thèses d'avril et L’État et la Révolution. Une pierre angulaire du marxisme est que l’État existe à cause de l'impossibilité de faire disparaître les antagonismes de classe. En cela, il est tout à fait approprié pour Syriza de prendre sa place au sein de l’État et pour les gauchistes de tout poil d'entretenir les illusions sur les bienfaits de l’État capitaliste.
Car. (05/03/2015)
[1] Député populiste au Parlement européen, ancien membre du parti conservateur, il est connu pour ses discours provocateurs anti-Maastricht et sa grande admiration de Poutine.
A l’occasion des 70 ans de la défaite de l’Allemagne, nous republions ci-dessous un article paru dans Révolution Internationale n°15 en 1975.
Chaque fois, cet anniversaire est honoré par la bourgeoisie et ses médias aux ordres par une intense propagande qui vise à soigneusement entretenir le sentiment nationaliste et à travestir ce que fut réellement la Seconde Guerre mondiale : non pas une lutte entre l’humanité démocratique et la barbarie fasciste mais entre des nations capitalistes toutes prêtes, au nom de leurs sordides intérêts, à verser le sang des prolétaires, à exciter les haines et à commettre les pires atrocités.
Voilà ce que rappelle ce texte écrit par notre camarade Marc Chirik, ce militant de la Gauche communiste qui, durant la guerre, a défendu fermement le principe de l’internationalisme prolétarien, en appelant par tracts à la fraternisation des prolétaires de tous les pays.
Dans un grand nombre de pays, la bourgeoisie a mené grand battage autour du trentième anniversaire de la victoire sur l’Allemagne. Sa variété de gauche a été particulièrement virulente à cet égard : en Europe de l’Est, ce sont de grandes cérémonies qui ont célébré la date du 8 mai, et, là où le gouvernement a décidé de rayer cette date du calendrier officiel, la vestale du passé historique de la Patrie, le parti dit « communiste » a « engagé toutes les forces dans une bataille nationale de très grande ampleur », pour faire annuler cette décision « scandaleuse », « monstrueuse », « ignoble et infamante » (cf. L’Humanité du 12 mai 1975). Après avoir catalysé le chauvinisme entre les deux guerres autour de Jeanne d’Arc, le voici qui dispute à la bourgeoisie de droite la palme du culte nationaliste, dénonce la « politique anti-nationale de Giscard d’Estaing », « en appelle à toutes les forces nationales (sic) et démocratiques » pour faire de la lutte contre la décision de Giscard « un devoir national pour tous les patriotes » et rappelle que :
« Les communistes se sont retrouvés dans la Résistance avec les gaullistes. Ils ont pris les mêmes risques. Ils se sont faits ensemble une certaine idée de la France, de son rôle, de son avenir… »
pour en conclure que :
« la politique de M. Giscard d’Estaing conduit bien à trahir le combat commun que communistes et gaullistes ont mené contre le fascisme pour l’indépendance et la grandeur de la France.» (sic !)
Bien plus que les gaullistes à qui il tend la main, il n’y a que le PC pour atteindre aujourd’hui de tels sommets dans l’hystérie nationaliste la plus répugnante.
Pour la fraction de la bourgeoisie au chauvinisme le plus virulent, surtout quand elle se pare de l’antifascisme, l’heure est au recueillement, au souvenir. « Souvenez-vous, dit-elle aux prolétaires, combien vous avez été héroïques dans la défense de nos intérêts ».
Effectivement, SOUVENONS-NOUS !
D’abord, souvenons-nous de la cause de cette guerre, de la crise qui commence en 1929 et qui plonge le monde entier dans une misère insupportable à côté de stocks qui n’arrivent à s’écouler ! Souvenons-nous des dizaines et des dizaines de millions de chômeurs affamés, cherchant de villes en villes un emploi introuvable !
Souvenons-nous de la barbarie fasciste que la bourgeoisie oppose à cette crise ainsi que de l’hystérie antifasciste, qui, toutes deux conduisent les prolétaires d’Espagne, puis des principaux pays du monde au massacre !
Souvenons-nous des camps de concentration staliniens aussi bien qu’hitlériens, où c’est par dizaines de millions que sont exterminés des êtres humains !
Souvenons-nous du pacte de septembre 1939 entre les deux brigands, Hitler et Staline, entre l’Allemagne nazie et la Russie « socialiste », dont la première clause est le partage de la Pologne et qui débouche directement sur la guerre !
Souvenons-nous des massacres de 1939 à 1945 qui, avec 55 millions de morts, constituent de loin le plus grand holocauste de l’humanité !
Souvenons-nous de la façon dont cette guerre s’est terminée : par l’explosion de deux bombes atomiques qui, en une fraction de seconde, ont rasé deux villes japonaises, tuant sans distinction plusieurs centaines de milliers d’individus, immédiatement ou après une agonie atroce !
Souvenons-nous de la « Libération », de « l’épuration », et ses règlements de comptes sordides, des « à chacun son Boche ! », « plus forts les coups sur le Boche chancelant ! », « vive la France éternelle ! » du PCF, des cris de victoire « de la liberté », « contre le fascisme », des trotskistes et des anarchistes, lesquels s’enorgueillissaient du fait que les premiers tanks de la division Leclerc entrés dans Paris arboraient le portrait de Durruti !
Souvenons-nous de la « Reconstruction », de la surexploitation sauvage pour moins qu’une bouchée de pain avec des ministres staliniens disant aux travailleurs : « retroussons nos manches » et des militants du même parti faisant les flics dans les usines !
Prolétaires, souvenons-nous du rôle qu’ont joué les staliniens dans le passé comme bourreaux, flics, tortionnaires, exploiteurs et prenons garde à ce qu’ils nous réservent pour demain si nous ne déjouons pas leurs pièges, ni ceux de leurs compagnons de route « en antifascisme » et « en Résistance » : trotskistes et anarchistes !
Prolétaires, souvenons-nous du passé et regardons ce qui nous attend si nous nous écartons de notre terrain de classe par les chemins de l’antifascisme, du nationalisme, des illusions démocratiques, si nous ne sommes pas capables de nous unir à l’échelle internationale pour affronter et détruire l’État bourgeois !
C.M (mai 1975)
Un texte des ex-membres de la section du CCI en Turquie est disponible (en anglais) sur leur nouveau site web sous le titre : A propos de notre sortie du Courant Communiste International. (https://palebluejadal.tumblr.com/ [106])
Le Courant Communiste International regrette que ces camarades aient démissionné prématurément et n’aient pas attendu de répondre à nos demandes répétées de présenter leurs critiques à l’intérieur de l’organisation, conformément à la tradition historique des groupes de la Gauche communiste. Nous déplorons aussi que les camarades aient rejeté notre invitation à participer au prochain Congrès international du CCI qui est l’instance suprême de notre organisation pour défendre leurs positions, présenter et essayer de convaincre leurs autres camarades du bien-fondé de leurs critiques.
Nous devons dire clairement qu’en plus de ne pas avoir pris suffisamment leurs responsabilités pour mener un débat politique à l’intérieur de l’organisation, le texte publié aujourd’hui contient une version des faits pour le moins très différente de l’expérience qu’en ont tiré les autres membres du CCI.
Le CCI répondra de manière détaillée à ce texte d’ici quelques semaines.
Nous insistons à nouveau sur le fait que les ex-membres de la section en Turquie doivent avoir un débat sérieux avec nous.
CCI
Dire que le CCI "aura peut-être la prochaine fois davantage de raisons de jouer les victimes" ne peut s’interpréter que d’une seule façon : cet individu projette une agression ou une attaque contre nous. La menace est cependant plus virulente à l’encontre du camarade Stan, signataire de l’article, qui est prévenu "de sérieuses conséquences en ce qui concerne la santé et le bien-être général". Cet euphémisme hypocrite peut se traduire clairement : il veut faire mal au camarade.
Contre ce type de menaces et ce comportement indigne, nous voulons exprimer notre solidarité pleine et entière avec la camarade Stan, et bien entendu nous ne tendrons pas l’autre joue, nous nous défendrons et, pour commencer, nous tenterons de comprendre ce qu’il y a derrière ces menaces.
En septembre 2014, nous avons tenu une réunion publique à Madrid sur le centenaire du début de la Première Guerre mondiale. Dans l’assistance étaient présents cinq individus dont Monsieur John Henry dit que "quatre d’entre eux se revendiquaient de la Gauche italienne," "assistèrent à la réunion, s’assirent et défendirent leurs idées".
La façon de "défendre leurs idées" étaient plus proche d’un programme de télé-poubelle que d’un débat prolétarien, dans la mesure où les intervenants coupaient la parole, haussaient le ton et répétaient comme des perroquets les mêmes balivernes.
Le prolétariat est la première classe sociale de l’histoire dont les seules armes soient la conscience, l’unité, la solidarité et l’organisation, qui sont aussi les principes-mêmes de la société communiste qu’il aspire à instaurer. Le débat est fondamental pour le développement de la conscience. Un débat qui veut participer d’une recherche de la clarté exige une méthode, une organisation de la discussion, un tour de parole, une discipline pour respecter ce que disent les autres et pour exposer arguments et contre-arguments, en s’en tenant au thème en débat, et rejette la tendance à pouvoir dire à tout moment tout ce qui passe par la tête. Nous pouvons à ce titre voir l’expérience historique du prolétariat et concrètement de la Révolution russe où se tinrent de gigantesques débats dans les soviets comme dans les multiples autres organismes de masse (2).
Au lieu de participer au débat qui se proposait d’analyser les causes de la Première Guerre mondiale, de comprendre comment le prolétariat mit fin à la guerre, les méthodes de lutte qu’il employa et les transformations qu’elles signifièrent par rapport à la période antérieure, les "amis de John Henry" s’acharnèrent à répéter obstinément des idées qui étaient hors sujet sur "le besoin de syndicats de classe" et "l’organisation de la lutte immédiate" (3), la petite référence qu’ils firent à la guerre se limitant à deux absurdités : la première étant que la guerre est un montage fabriqué par la bourgeoisie pour résoudre la question de la surproduction et l’autre que la bourgeoisie peut entraîner le prolétariat vers la boucherie impérialiste à n’importe quel moment.
Ces éléments furent à maintes reprises invités à intervenir sur le sujet et dans le cadre du débat en cours, à quoi ils répondirent que c’était de la "philosophie" et du "travail d’érudits", qu’il fallait "en venir au présent" et "défendre les luttes immédiates". Cette attitude si définitivement "pratique" révèle une impatience immédiatiste et un aveuglement pragmatique qui sont aux antipodes de la méthode de la Gauche italienne dont "quatre d’entre eux" prétendent se réclamer.
Cette attitude constitue un obstacle à la clarification mais n’est cependant pas le plus grave. Les "quatre d’entre eux" ne cessèrent d’interrompre les camarades qui avaient la parole, en particulier un de nos militants. Nous avons compté pour le moins quatorze interruptions. Le ton était agressif et menaçant : s’adressant directement à un de nos camarades, l’un d’entre eux hurla que "face à la terreur blanche de la bourgeoisie, il fallait riposter par la terreur rouge de la dictature du prolétariat" (4).
Pourquoi adoptèrent-ils ce comportement ? Nous pensons qu’il y a deux explications possibles. La première, c’est que ces individus qui se réclament d’une "Gauche italienne" d’outre-tombe ne disposent dans leur répertoire que de quatre formules mal digérées qu’ils ânonnent comme des sourates coraniques. Quel que soit le sujet, qu’il s’agisse de la guerre, de l’autogestion ou de la culture du tapioca, leur contribution est toujours la même : "la nécessité d’un syndicat de classe", "l’aristocratie ouvrière est l’alliée de l’impérialisme" et quelques autres phrases du même genre. Leur contribution théorique majeure consiste à répéter inlassablement que les syndicats tels qu’ils sont dans la réalité actuelle "ne sont pas des syndicats" et qu’il faut construire un "vrai syndicat" (5).
Incapables de s’inscrire dans un débat où l’on argumente et réfléchit, qui est la condition pour éclaircir un problème et par conséquent développer la conscience de classe, ces individus sont convaincus que "l’apprentissage se fait à coups de trique" et réduisent le "débat" à des vociférations pour tenter d’atteindre le plus haut niveau de décibels. C’est donc cela les "arguments" et le "marxisme vivant" dont parle John Henry dans son texte !
Dans sa recherche du "marxisme vivant", ils ont certainement lu quelque part que le marxisme est intransigeant et combatif, et ils en ont déduit qu’il fallait être arrogant et imposer "la terreur rouge" par des hurlements et de grossières interruptions.
Il est donc nécessaire de rappeler que l’intransigeance et la combativité du marxisme n’ont rien à voir avec la contrainte et l’arrogance. Déjà en 1843, Marx signalait que "nous ne disons pas au monde : voici la vérité, agenouille-toi". Bien au contraire, elle convie les révolutionnaires à soumettre à la vérification des évènements les positions qu’elle défend actuellement aussi bien que les positions politiques contenues dans ses documents de base. "Certes, notre fraction se réclame d’un long passé politique, d’une tradition profonde dans le mouvement italien et international, d’un ensemble de positions politiques fondamentales. Mais elle n’entend pas se prévaloir de ses précédents pour demander l’adhésion inconditionnelle aux solutions qu’elle préconise pour la situation actuelle. Bien au contraire, elle convie les révolutionnaires à soumettre à la vérification des évènements les positions qu’elle défend actuellement aussi bien que les positions politiques contenues dans ses documents de base" (6). Cet extrait est une des plus claires expressions de cette Gauche italienne dont se réclament tant les "amis de John Henry". Dans sa recherche des principes, le marxisme argumente, examine de façon critique ses positions antérieures, cherche la cohérence et la clarté… exactement à l’opposé des formules simplistes défendues avec des méthodes de voyous.
La seconde explication, qui n’est pas en contradiction avec la première et peut la compléter, est que ces individus – au-delà de la conscience qu’ils peuvent en avoir – venaient faire une action-commando contre un lieu de débat prolétarien où se développait un effort de discussion honnête, patient, méthodique, basé sur l’écoute et le respect mutuel, conditions nécessaires pour une véritable clarification.
Face au spectacle pitoyable que donnèrent les amis de John Henry, pour défendre un lieu de débat prolétarien et se donner les moyens théoriques – qui se complètent nécessairement par des moyens pratiques –, il fut décidé au cours d’une réunion avec des sympathisants proches du CCI d’écrire l’article – que rédigea le sympathisant Stan – dont il est question et qui apportait des arguments sur la nécessité de la culture du débat et de la théorie comme armes indispensables dans la lutte contre le capitalisme.
Tout cela n’est pas du goût de John Henry qui, après l’action de sabotage de septembre, profite de la publication de cet article pour lancer des menaces et remplir son texte de toutes sortes d’insultes et de falsifications. Il parle de "débat endogamique", nous reproche de nous consacrer à des discussions avec des étudiants, et va même dans son délire jusqu’à affirmer que "face aux positions que nous défendions pendant le débat, il y avait celle où se rejoignaient le CCI, les anarchistes et les maoïstes". Soit John Henry était absent, soit il ment délibérément car aucun des présents ne s’est jamais réclamé de l’anarchisme ou du maoïsme (quoique par ailleurs nous soyons totalement disposés à écouter et débattre avec des camarades qui viendraient du camp maoïste ou anarchiste pour peu qu’ils respectent le cadre de la réunion : le sujet choisi, une façon sérieuse et responsable de s’exprimer, etc.).
Il faut choisir : soit le débat prolétarien qui exige un effort pour suivre une méthode organisationnelle, aborder patiemment les thèmes pour parvenir à des conclusions, qui peuvent parfaitement contenir des accords et des désaccords ou des points qui nécessitent une autre discussion, soit les méthodes des "amis de John Henry" qui sont monnaie courante dans les groupes bourgeois de toutes teintes, basées sur la concurrence, le pugilat, les menaces de violence physique, etc.
CCI, 9 mars 2015
1 Nous nous demandons pourquoi cet individu a choisi ce moyen plutôt que s’adresser directement au CCI pour expliquer ouvertement ses récriminations.
2 Deux livres, Histoire de la Révolution russe de Trotski et 10 jours qui ébranlèrent le monde, de John Reed, peuvent servir de référence.
3 Nous organisons des réunions publiques sur un thème particulier. Si les participants ont d’autres préoccupations, nous sommes disposés à organiser une autre réunion sur celles-ci, et d’ailleurs il leur fut proposé d’organiser une réunion pour traiter de la question syndicale et de la lutte revendicative.
4 Dans l’introduction de l’article : "Cultura de la teoría y cultura del debate: necesidades para la lucha contra el capitalismo [108]", nous disions que ces éléments agirent “de façon agressive en interrompant, en menaçant, en insinuant”. Pour être précis, disons que ce fut la seule menace indirecte, les menaces directes n’arrivant que par la suite avec le texte de John Henry.
5 La question syndicale, la négation de la lutte revendicative aux mains des syndicats, la nature du prolétariat, l’existence ou non d’une "aristocratie ouvrière" sont des sujets que nous sommes disposés à aborder avec quiconque est intéressé. On peut aussi lire notre brochure Les syndicats contre la classe ouvrière, notre série d’articles sur le syndicalisme révolutionnaire, notre article récapitulatif : Apuntes sobre la cuestión sindical. (https://es.internationalism.org/node/3103 [109]). En ce qui concerne l’aristocratie ouvrière, voir : L'aristocratie ouvrière : une théorie sociologique pour diviser la classe ouvrière. (https://fr.internationalism.org/rinte25/aristocratie.htm [110])
6 Introduction à Bilan no 1, organe théorique de la Fraction Italienne de la Gauche communiste, novembre 1933.
L'article qui suit révèle des aspects importants de l'intrigue. Nous invitons les lecteurs qui souhaitent préserver l'effet de surprise du film à nous lire après son visionnage.
Le film de Stéphane Brizé récompensé au Festival de Cannes par le prix d'interprétation masculine a rencontré auprès du public un succès inattendu. Il montre le parcours d'un chômeur en fin de droits, Thierry, interprété par Vincent Lindon, contraint d'accepter un emploi de vigile, sorte de "kapo" de supermarché, qui le placera face à de pénibles dilemmes moraux.
Artistiquement, La loi du marché est une réussite indéniable. La scène d'ouverture tranche d'emblée avec les canons cinématographiques : caméra à l'épaule, le film fait volontairement l'effet d'un documentaire et nous plonge brutalement dans le difficile quotidien d'un chômeur. Cette manière originale de réaliser, s'appuyant sur le jeu remarquable de Vincent Lindon et la présence d'acteurs amateurs exerçant souvent le métier qu'ils interprètent à l'écran, donne à l'œuvre un aspect criant de vérité.
La violence du chômage, les humiliations permanentes, l'infantilisation pernicieuse et la peur du lendemain sont parfaitement exposées. Nombreux sont les ouvriers sans emploi à avoir essuyé la condescendance d'un employeur, à se faire recaler pour des raisons stupides, ou à encaisser stoïquement les séances de "coaching" organisées par l'État pour apprendre aux "loosers" à "mieux se vendre", c'est-à-dire à intérioriser la responsabilité de "l'échec" des "entretiens d'embauches". Mais si ce réalisme a certainement contribué au succès du film, la succession de scènes où règnent uniquement le chacun pour soi et la lutte de tous contre tous est symptomatique des limites idéologiques desquelles, en dépit de ses qualités, le film ne peut s'extirper.
La même ambiguïté est visible dans la seconde partie du film, lorsque Thierry finit par décrocher un emploi dans un supermarché. La brutalité de ce secteur est de notoriété publique : l'arrogance, le cynisme et le machiavélisme des cadres très satisfaits d'eux-mêmes est une réalité qu'aucun ouvrier de la grande distribution ne niera. La scène où un DRH, pour déminer toutes expressions de solidarité, explique sans sourciller aux employés que le suicide d'une caissière, qui venait justement d'être licenciée, a pour origine ses problèmes familiaux, fait d'ailleurs échos aux manipulations bien réelles lors de la vague de suicides à France Télécom en 2009.1 Néanmoins, si la véracité de ces situations saute aux yeux, la réalité ne se réduit pas qu'à ce cri de désespoir.
Ce pessimisme et l'absence de perspectives relèvent d'une intention de Stéphane Brizé qu'il exprime très consciemment dans une réalisation, certes remarquablement maitrisée, mais pleine de sens. Pas un plan, hormis le dernier, où l'horizon reste néanmoins bouché par les boutiques dominant un parking, n'a une profondeur de plus de quatre ou cinq mètres. Thierry est littéralement dos au mur en permanence, dans une ambiance claustrophobe qui ne doit absolument rien au hasard et qui cherche à exprimer l'impuissance de la classe ouvrière.
D'ailleurs, la seule expression de lutte collective est présentée, au début du film, sous les traits du syndicalisme, et plus particulièrement, sous ceux de l'inénarrable Xavier Mathieu, le cégétiste vedette qui s'employa en 2009 à enfermer les ouvriers de l'usine Continental dans une lutte corporatiste, stérile et épuisante. Un peu par lassitude, en réaffirmant qu'il était resté aux côtés de ses collègues pour résister tout un temps à la pression destructrice de l'entreprise, Thierry est obligé de se justifier face à la détermination culpabilisante du leader syndical de service. Il fallait qu'à la dure réalité des humiliations notre héros finisse par défendre qu'il n'est pas un "traître" ! Et ce n'est que pour "sauver sa santé mentale" qu'il décide de prendre lui-même en main son sort. Finalement, après bien des déboires et les péripéties ordinaires dignes du parcours du combattant, il trouve la "perle rare" : un emploi précaire de vigile ! De cette histoire triste et banale, on est amené à déduire que la débrouille individuelle s'avère la meilleure conseillère face à la "Loi du marché", c'est à dire celle du système capitaliste". Et c'est d'ailleurs drapé de solitude, face aux injustices, aux humiliations, au flicage imposé à ses propres collègues par la direction que le personnage finit par exprimer son rejet de manière isolée.
C'est en effet totalement seul, dégoûté, en son "âme et conscience", qu'il finira par déposer l'"uniforme" en quittant l'entreprise par la petite porte des vestiaires. Ici, derrière les intentions et l'indignation bien réelle, se trouvent encore les propres limites du film, se heurtant aux préjugés moralisateurs du réalisateur. En effet, la façon de partir de ce cas de conscience moral au niveau individuel induit un choix sacrificiel et surtout sans aucune perspective. Il est certes clair que certains emplois destinés au flicage des bagnes industriels, assumés comme tels, ne conduisent qu'en dehors ou pour le moins à la marge du prolétariat et de sa lutte. Il est clair que pour un prolétaire conscient, certains emplois ouvertement au service de la répression posent en effet clairement ce cas de conscience. Et c'est à ce niveau que réside toute l'ambiguïté du film. La réaction individuelle est rendue presque inévitable, tant la fonction oppose aux autres membres du personnel. Elle s'avère légitime même si sans perspective parce que totalement isolée. Le prisme individuel par lequel le film enferme le personnage n'est absolument pas celui par lequel procède la conscience de la classe ouvrière, même. Dans la réalité, un tel refus est souvent un luxe qu'on ne peut s'offrir que difficilement du fait du contexte de simple survie en temps de crise économique aigüe : d'autant plus quand on a une famille à nourrir avec un enfant handicapé à charge, comme c'est le cas dans le film. Assumer ici un emploi de vigile complique la donne et introduit une notion ouvertement morale. Thierry est amené, en acceptant ce travail, à agir directement du point de vue de la classe dominante par la contrainte, en porte à faux vis-à-vis de ses collègues et même de sa propre nature de classe. Il n'en est pas de même lorsque le travail n'implique pas directement cette responsabilité et ces choix brutaux. Par exemple pour les usines d'armement, la production et l'usage des armes, même si elles posent un cas de conscience, sont les décisions uniques de la bourgeoisie. Ce que les ouvriers ont à produire, ils le ne le décident pas eux-mêmes. Le prolétariat qui, de façon paradoxale, se retrouve obligé par la même contrainte du marché à travailler dans ces usines garde donc sa capacité critique et reste surtout capable de lutter collectivement de manière indépendante.
Le refus individuel contextualisé par le film, qui ne peut inverser le cours des événements, débouche en fin de compte sur la révolte du prolétaire transformé en "citoyen héroïque", celle liée aux préjugés de l'idéal démocratique de la société bourgeoise et probablement du réalisateur. L'acte est autant le produit du refus et de l'indignation légitime que d'une confiance inexistante entre salariés, d'une absence totale de solidarité. Même si, en redevenant chômeur, le personnage regagne la dignité de sa classe, comme simple prolétaire, il disparaît par contre aussitôt de la scène et le film s'achève ainsi. La résistance collective du prolétariat, la lutte de classe, ... tout cela n'a pas sa place ! Après plus de deux décennies de campagnes idéologiques poststaliniennes, deux décennies de propagande martelant la "fin de la lutte de classe" et la "mort du communisme"2, on mesure le sens de cette intense polarisation individuelle. Que signifie la lutte de classe aujourd'hui ? Elle est au musée et dans les poubelles de l'histoire ! Voilà le message confirmé qu'on peut déduire en creux de ce film.
Finalement, il va dans le sens de ce que se plaisent à marteler la bourgeoisie et ses politiciens qui profitent au maximum des faiblesses et des difficultés de la classe ouvrière aujourd'hui. C'est probablement là une des clefs permettant, au-delà de la valeur artistique du film et de la prestation de l'acteur, d'expliquer les raisons de sa promotion très médiatisée.
Chew, 13 juin 2015
Nous avons publié récemment une ‘‘Réponse face aux menaces’’, menaces proférées par un individu qui se fait appeler “John Henry”1. Ce type poursuit son escalade de provocations en atteignant des niveaux répugnants. Dans un texte publié sur Facebook et qui parait avoir été effacé par l’administrateur de ce réseau à cause de son contenu inacceptable, il dévoile des détails intimes d’un camarade proche du CCI en le qualifiant de malade mental, concluant par un raisonnement tordu selon lequel le CCI utiliserait des jeunes inexpérimentés et des malades mentaux pour mener sa politique.
Diffuser publiquement des donnés intimes d’un camarade est une activité policière. Cela fait partie des pratiques les plus pourries du capitalisme. C’est une démarche de “débat” des plus viles et abjectes, pratiques très courantes de la concurrence électorale entre les partis bourgeois, mais intolérables dans le milieu prolétarien.
Nous voulons encore exprimer ici notre soutien total au camarade attaqué, nous lui exprimons notre solidarité la plus profonde et nous sommes conscients du traumatisme et de la déstabilisation qu’une telle attaque directe et brutale, de la part d’un individu nuisible comme John Henry peut provoquer.
Dans une véritable ruée de meute enragée, tout un milieu qui prétend se revendiquer du “communisme” lance contre le CCI les accusations les plus insensées. La dernière est celle de ce monsieur John Henry qui nous traite de ‘‘secte qui manipule des jeunes malades mentaux inexpérimentés’’. Une telle accusation ne peut venir que d’une tête pourrie par l’idéologie capitaliste la plus dégénérée. La caractéristique principale d’une telle accusation est le mépris vis-à-vis des camarades qui recherchent une clarification et se rapprochent du CCI. ‘‘Le salaud pense que tous les autres sont comme lui’’ pour reprendre un vieux proverbe castillan. La seule chose que ce sinistre sire John Henry peut imaginer, c’est un monde avec des manipulateurs et des manipulés, dans son sale cerveau, il n’y a de la place que pour ‘‘des jeunes inexpérimentés malades mentaux’’, proies faciles pour des monstres manipulateurs. Sa vision du monde est celle du capitalisme : pour celui-ci, les ouvriers sont une masse d’écervelés, de perdants et de moins que rien, qu’on peut manipuler à volonté pour les presser comme des citrons par le biais d’une exploitation féroce.
Chez John Henry il y a, en plus, une vision hygiéniste. Tout camarade qui souffrirait d’un quelconque trouble mental devrait être considéré comme inutile pour la lutte communiste. Seuls les ‘‘parfaits’’, ceux qui ne présentent pas la moindre tâche dans leur ‘‘dossier médical’’ seraient considérés ‘‘aptes’’. Voilà une sinistre vision qui en rappelle d’autres, comme celle du nazisme.
Cependant, si on regarde la réalité du capitalisme des cent dernières années, on s’aperçoit que le renforcement de l’exploitation, du totalitarisme étatique, lequel lorsqu’il est drapé de ses habits démocratiques est particulièrement cynique et manipulateur, l’extrême marchandisation de la société, ont eu comme conséquence la prolifération des maladies mentales. Selon les critères de John Henry, il faudrait exclure la plupart des militants communistes, parce que rare est celui qui n’a pas subi un trouble mental ou psychologique quelconque quand on voit les conditions d’exploitation et d’existence que nous subissons sous le capitalisme.
Une des raisons pour lesquelles le prolétariat est la classe révolutionnaire de la société est le fait que sur ses épaules se concentre, sous sa forme la plus extrême et universelle, le poids des souffrances psychiques et physiques causées jour après jour par le mode de production capitaliste. Contrairement à la vision qui peut se déduire du comportement de ce John Henry, les troubles psychiques, les maladies au sein du prolétariat, ne sont pas une cause d’exclusion ou de raillerie contre ceux qui en souffrent, mais un stimulant pour la prise de conscience, l’indignation, la lutte et la solidarité, qui sont les forces qui cimentent le combat historique de notre classe et qui seront la base de la société future qu’elle aspire à instaurer.
La dernière action de John Henry nous amène à poser une question à tous ceux qui se revendiquent de la Gauche Communiste et de la lutte du prolétariat. Jusqu’à quand va-t-on accepter ces comportements nauséabonds typiques du capitalisme ? Jusqu’à quand va-t-on tourner la tête de l’autre côté chaque fois que des types du genre John Henry se livrent à leurs provocations ?
Une déclaration claire et ferme, de la part de tous les groupes et des éléments qui se revendiquent de la Gauche communiste, est nécessaire face à de tels comportements. Quant à nous, nous les condamnons avec toute notre énergie et nous appelons à les rejeter et à ne pas accepter le moindre débat, ni le moindre rapport avec des individus qui dissimulent leur bassesse sous leur prétendu ‘‘communisme’’ pour mener leurs activités répugnantes.
Aujourd’hui, au sein de la Gauche communiste, on accepte n’importe qui proclamant quatre idées à consonance ‘‘communiste’’, sans s’arrêter pour réfléchir sur son comportement. On n’établit pas une frontière indispensable face à ceux dont la pratique est faite de calomnies, de provocations, d’accusations tous azimuts, de menaces, de travail policier en publiant des données personnelles de militants etc. Ces gens-là doivent être dénoncés sans ménagement parce qu’ils salissent avec leur vilenie l’ensemble de la Gauche communiste, en étant aussi un cheval de Troie du capitalisme qui sert à bloquer la clarification et l’avancée des positions communistes.
En 1914, les révolutionnaires d’alors –Lénine, Rosa Luxemburg, Trotski etc. – dessinèrent une ligne rouge définie par l’internationalisme, en rompant tout contact, en dénonçant sans concession tous ceux qui, au nom du mouvement ouvrier, soutenaient la guerre impérialiste. Il est aujourd’hui nécessaire d’expliciter clairement une autre frontière, une autre ligne de démarcation, celle qui sépare les révolutionnaires de ce grenouillage parasitaire qui utilise le nom de la Gauche communiste pour justifier ses comportements ignobles.
Sans cette claire démarcation, la Gauche communiste n’aura pas la conviction et la cohérence nécessaire pour défendre les positions du prolétariat et finira par être considérée comme les autres forces politiques qui défendent ce système pourri : des beaux idéaux dans les discours, mais des manœuvres et des actions indignes dans les faits.
La Gauche communiste lutte depuis presque 100 ans, d’abord en combattant contre la dégénérescence opportuniste des partis de l’Internationale Communiste, et par la suite, en tirant le bilan et les leçons de la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-23, en combattant toujours le stalinisme et tous les autres courants qui défendent le capitalisme au nom du “communisme”. Ce combat, avec tous les acquis qu’il nous a apporté, pourrait être complètement démoli si l’on tolère au sein de la Gauche communiste la présence de tout ce panier à vipères rempli de parasites, de supplétifs de police et autres individus méprisables dont John Henry est l’un des exemples le plus pestilentiel. Il faut les dénoncer, les exclure du terrain de la Gauche communiste et les remettre à leur place : celle de serviteurs du capitalisme.
Une réflexion finale nous parait indispensable. Dans les réseaux sociaux d’Internet pullulent toute une série de francs-tireurs embusqués qui font leur miel, des spectateurs pervers qui voient les rapports entre les groupes comme un match de boxe, des dilettantes en tout genre et des spéculateurs de salon. Ce moyen favorise l’irresponsabilité organisationnelle, l’absence d’engagement, il constitue un terrain où des parasites et des supplétifs de police, tel le sinistre John Henry, peuvent sévir sans contraintes. La Gauche communiste doit se donner des moyens propres et sérieux, la responsabilité et l’engagement exigés pour la défense des positions de la classe ouvrière.
CCI, 31-5-15
1 Article traduit en français : En défense du débat prolétarien : notre réponse face aux menaces, paru dans RI n° 452 (mai-juin 2015) et sur notre site : https://fr.internationalism.org/icconline/201505/9210/defense-du-debat-proletarien-notre-reponse-face-aux-menaces [112].
84 avions... c'est fait ! L'État français, dirigé par le Parti Socialiste, vient de vendre pour la première fois en 20 ans, le fleuron de sa production militaire, l'avion de chasse Rafale : tout dernièrement au Qatar pour 24 appareils, après en avoir également vendu 24 exemplaires à l'Égypte et 36 à l'Inde. Les politiciens et les médias n'ont pas eu de mots assez forts pour exprimer leur "fierté nationale" devant un tel événement. Car il est vrai qu'à l'exception de l'armée française, cet avion n'avait, jusqu'à présent, jamais trouvé preneur. Et à quel prix ! Pratiquement cent millions d'euros l'unité ! Ceci a rebuté pas mal de pays, les amenant à se tourner vers des appareils moins onéreux comme les avions américains, suédois, russes ou européens.
Cent millions d'euros, c'est à peu près 7800 années de salaire ouvrier investies dans un seul avion au service de la guerre. On a beau savoir que ce matériel hautement technologique a toujours coûté cher, il est effarant d'imaginer de telles sommes dépensées par les États capitalistes, avec des milliers et des milliers d'heures de recherche sur les matériaux, l'électronique, la physique, la chimie pour… la guerre.
Alors que le monde capitaliste en décomposition est miné par la crise économique, l'amorce d'un désastre climatique annoncé, où chaque journal télévisé relate des centaines de morts chez des migrants tentant de fuir des pays sinistrés par des conflits armés, nous voyons des milliards d'euros ou de dollars dépensés dans cette industrie de pointe dédiée à la destruction et à la mort. Un petit rappel quand même : les ventes d'armes par la France depuis le début de l'année représentent près de 15 milliards d'euros. Au niveau mondial, le chiffre du commerce des armes se monte, lui, à près de 100 milliards d'euros, en augmentation de près de 40% depuis ces 5 dernières années. Et ces chiffres, en croissance constante, n'incluent même pas la vente des munitions, drones ou autres hélicoptères, ni les activités civiles qui couvrent en réalité des objectifs militaires.
Malgré les sommes colossales déboursées par les gouvernements, on incite chacun d'entre nous, à longueur de temps, images atroces à l'appui, à faire des dons et réagir à telle ou telle catastrophe humanitaire, à participer financièrement à telle ou telle action contre la faim dans le monde, contre le handicap, pour tel programme sanitaire d'urgence. Cela, faute de moyens pour assumer ces interventions !1 Cette aberration répond néanmoins parfaitement à la logique du capitalisme décadent : c’est une priorité absolue pour chaque État d’assurer sa survie dans l'arène mondiale faite de rivalités, d'intérêts et de concurrence impérialiste exacerbée.
Une telle contradiction, une telle hypocrisie ne peut qu'amener au dégoût, à l'indignation. Face à un raisonnement à ce point inhumain, la dénonciation du militarisme et de la guerre viennent immédiatement à l'esprit. Et, de suite, nous sommes taxés d'irresponsables, d'inconscients face à ce monde instable où "la paix doit être préservée", où la force du "bien" doit être le "rempart contre le terrorisme international" ! Ne pas cautionner cet effort guerrier, douter de ces buts, c'est être considéré comme les "complices objectifs" des terroristes eux-mêmes, être, au mieux, le pire des "indifférents". Voilà le discours moralisateur et accusateur que l'on nous sert plus ou moins explicitement. Et cela, d'autant plus facilement, en France, depuis le 7 janvier et les attentats contre Charlie Hebdo.
Et si cela ne suffisait pas, on nous vante aussi les dizaines de milliers d'emplois qui sont à la clé de cette industrie d'armement. Selon une étude du ministère de la Défense et du Conseil des industries de défense (Cidef), fin 2014 : "les exportations de défense génèrent 40 000 emplois, soit 25% de l'ensemble du secteur (165 000), qui plus est non "délocalisables" et hautement qualifiés pour la plupart.".
Aux dires de tous les idéologues patentés, de gauche comme de droite, cette industrie guerrière serait une véritable "bouffée d’oxygène" pour une économie en crise. En réalité, outre la perte sèche et le gaspillage que la production d'armement génère du point de vue du capital global, cette question de l'emploi n'est ici qu'un alibi hypocrite, une sordide feuille de vigne destinée à masquer les objectifs guerriers de l'impérialisme français.
Ces "efforts" d'armement, demandés depuis des lustres par le capitalisme et tous ses partis politiques, qu'ils soient de droite ou de gauche, se font toujours au nom de la "paix". Avec des trémolos dans la voix, au nom de la défense de la veuve et de l'orphelin, de la sécurité de la "patrie", l'État cherche à nous enrôler grâce à un lavage de cerveau médiatique dans sa logique de concurrence et de confrontation meurtrière. Quand ce n'est pas sur le terrain économique et commercial, c'est directement sur celui du terrain armé où de jeunes gamins sont appelés avec force publicités pour servir la "paix" et trouver un "sens" à leur vie : "Pour moi, pour les autres, s'engager", "En plus d'apprendre un métier, vous apprendrez beaucoup sur vous-mêmes", "Devenez vous-même" !
Sur le plan idéologique, face à la classe ouvrière, tout est bon pour dénoncer les "vrais" fauteurs de guerre, les apprentis-sorciers dictateurs, les régimes corrompus non démocrates, etc. Les va-t'en guerre eux-mêmes ne cessent de clamer qu'ils ne veulent la guerre que pour mieux rétablir la "paix". La bourgeoisie française est la championne de ces discours humanitaires et plus particulièrement ses fractions de gauche qui sont les plus aptes à mettre en avant une idéologie "pacifiste" ou de "nobles causes" pour justifier, en définitive, l'injustifiable, comme, par exemple, sa responsabilité directe dans le génocide et les massacres au Rwanda en 1994 du temps d'un autre président socialiste nommé Mitterrand, ou les livraisons d'armes à Saddam Hussein, à Kadhafi, à l'époque où ils étaient des alliés et donc forcément "respectables".
Depuis quelques mois, le gouvernement français de gauche, après avoir tenté de faire applaudir, dans la manifestation du 11 janvier, flics et troupes de choc suite aux attentats, s'est permis de renforcer tout son effort guerrier contre le terrorisme de l’État islamique, de Boko Haram ou assimilés. Et par la même occasion, il se permet de narguer l'impérialisme américain du fait de ses tentatives de rapprochement avec l'Iran, en signant des contrats avec le Qatar, l'Égypte ou l'Inde. Si l'intervention militaire continue au Mali, elle a aussi repris en République Centrafricaine et les livraisons d'armes s'accélèrent au Liban ou en Égypte. Le porte-avions Charles de Gaulle a été envoyé dans le Golfe persique pour des bombardements intensifs sur la Syrie. Que ce matériel serve également à permettre la répression sanglante comme en Égypte, il y a quelques mois, ne fait apparemment "ni chaud ni froid" à la gauche au pouvoir en France. Cela n'est pas nouveau : les gouvernements de gauche ont toujours été aux avant-postes des aventures guerrières et ont mis le plus grand zèle militaire à défendre les intérêts impérialistes de la nation que ce soit en Irak, en Afghanistan, en Bosnie, au Kosovo, au Liban, en Libye, en Syrie et les expéditions guerrières en Afrique (au Tchad, RCA, Côte d'Ivoire, au Sahel...)
Et même quand le gouvernement français se drape d'une morale humanitaire de pacotille avec ses discours de fermeté, particulièrement adressés à d'autres pays européens ou aux États-Unis, en refusant de livrer deux bâtiments de guerre à la marine russe pour protester contre l'intervention russe en Ukraine, il ne fait que monter d’un cran les tensions impérialistes en Europe, en se mettant en avant comme acteur politique de premier plan avec lequel il faut compter.
Même s’il va lui en coûter financièrement d’assumer désormais deux navires dont personne d'autre ne veut, y compris la marine française, tout en remboursant la Russie avec les indemnités d'annulation, sa posture de fermeté par rapport à la Russie s'adresse avant tout aux autres grandes puissances concurrentes. Elle est dictée par une stratégie et un engrenage qui traduisent toute l'irrationalité du capitalisme décadent, une course folle qui ne peut qu’imposer la terreur et les destructions.
Tout cela est cohérent avec la logique de défense du capital national et la vertigineuse fuite en avant dans le militarisme, dans la domination du "chacun pour soi" lié à la concurrence impérialiste exacerbée.
François Hollande, le président qui proclamait "plus jamais ça !" lors de son investiture, a confirmé le budget militaire de 31,4 milliards prévus en 2015. Mais, cerise sur le gâteau, au nom de la "défense de la civilisation contre la barbarie", il a décidé une rallonge de 3,8 milliards d'euros jusqu'à la fin de la loi de programmation militaire en 2019.
Ainsi, tous les efforts demandés pour réduire les dépenses de fonctionnement de l’Etat face à la crise ne s’appliquent pas à la défense nationale : l’investissement militaire se renforce. L’Etat français fourbit ses armes, au sens propre et au figuré, pour faire valoir ses intérêts sur la scène mondiale, pour de nouvelles interventions armées prévisibles. Comme le dénonçait déjà Rosa Luxemburg dans sa Brochure de Junius publiée en 1916, en plein cœur de la Première Guerre mondiale : "Souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, couverte de crasse ; voilà comment se présente la société bourgeoise, voilà ce qu'elle est. Ce n'est pas lorsque, bien léchée et bien honnête, elle se donne les dehors de la culture et de la philosophie, de la morale et de l'ordre, de la paix et du droit, c'est quand elle ressemble à une bête fauve, quand elle danse le sabbat de l'anarchie, quand elle souffle la peste sur la civilisation et l'humanité qu'elle se montre toute nue, telle qu'elle est vraiment."
En fait, tout le monde capitaliste veut prétendument la "paix". Mais cette paix s'avère celle des tombes. Et cela vaut pour tous les pays, petits ou grands. Tous épousent cette même logique impérialiste. Mais les plus va-t'en-guerre sont désormais les grandes puissances "pacificatrices" : États-Unis, Chine, Grande-Bretagne, Russie et France en tête. Ils possèdent pour cela le meilleur alibi au monde : celui de la "lutte contre le terrorisme".
Stopio, 9 juin 2015
1 En sus de nous faire volontairement culpabiliser au nom du « il y a pire ailleurs » et de dévoyer la générosité et la solidarité ouvrières de la lutte de classe, vers des actions ne cherchant surtout pas à remettre en cause la source même de ces malheurs : le système capitaliste.
En fin d'année se tiendra à Paris un nouveau sommet international sur les changements climatiques. Sous le patronage du président français, François Hollande, presque l'ensemble des dirigeants de la planète devraient se réunir avec l'objectif "d'aboutir, pour la première fois, à un accord universel et contraignant permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique et d'impulser/d'accélérer la transition vers des sociétés et des économies résilientes et sobres en carbone." Depuis plusieurs décennies, les conférences environnementales "décisives" se succèdent, les promesses et les accords se multiplient sans qu'aucune mesure probante ne soit appliquée en faveur de l'environnement. Les "bons chiffres" et les réalisations parfois avancés pour justifier la bonne foi des États et des entreprises sont systématiquement tronqués, quand ils ne relèvent pas de la magouille pure et simple. La Conférence de Paris (COP 21) n'échappe bien entendu pas à cette logique. S'agirait-il de préserver l'atmosphère terrestre pour les générations futures ? Allons bon ! Même les médias bourgeois ne cachent pas que les gesticulations de François Hollande en vue de la COP 21 relèvent de la basse manœuvre politicienne et de la navrante campagne de com'.
Quelques faits suffisent d'ailleurs à mesurer la réalité de l'engagement de la classe dominante en faveur de l'environnement. En 1997, était signé à Kyoto un premier accord international, qualifié d'historique, visant la réduction de 5% de la concentration de gaz à effet de serre à l'horizon 2012. Ce ridicule et bien insuffisant objectif "historique", signé par 184 États, s'est conclu, en 2013, par un rapport de l'Organisation météorologique mondiale1 démontrant que la concentration de gaz à effet de serre n'avait jamais été aussi élevée dans l'atmosphère. Depuis 1990, année de référence du protocole de Kyoto, elle a même augmenté de 45% selon le GIEC !
Le climat n'est pas l'unique domaine environnemental où la bourgeoisie peut exercer ses talents de bonimenteur : selon l'Organisation des Nations unies, pour l'alimentation et l'agriculture, environ 13 millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année sur terre, en dépit de la réglementation et des dispositifs prétendument "durables" de la gestion des ressources. De la même façon, selon une étude publiée en juin 2015 par des experts des universités américaines de Stanford, Princeton et Berkeley, la disparition d'espèces animales est telle que nous assisterions actuellement à la sixième vague d'extinction de masse après celle des dinosaures ! Pourtant, quel politicien n'a pas poussé son cri d’alarme en faveur des ours polaires ?
Gestion désastreuse des déchets, pollution à grande échelle des océans, pillage insensé des ressources naturelles, stérilisation des terres arables,… : nous pourrions multiplier les exemples de la nocivité du mode de production capitaliste pour la planète. Car, contrairement aux discours tranquillisants de la bourgeoisie assurant qu'il est encore possible de tout arranger avec un peu de bonne volonté et que la capitalisme aurait tout à gagner d'une "transition écologique", la réalité de la crise environnementale est extrêmement préoccupante et menace de plus en plus sérieusement la survie de l'espèce humaine.2 Avec la systématisation accélérée du pillage et l'exploitation à très grande échelle, la pollution et la destruction des ressources naturelles qui en découlent ont pris une dimension planétaire. C'est donc, non plus comme par le passé, à l'échelle d'un espace géographique ou d'une société que la menace environnementale pèse, mais bien sur l'ensemble de l'humanité.
Cependant, le développement des forces productives ne signifie pas nécessairement que l'humanité est intrinsèquement incapable de les maîtriser. Alors pourquoi se montre-t-elle à ce point impuissante ? En réalité, ce sont les contradictions du système capitaliste qui sont à l'origine des problèmes écologiques les plus déterminants, indépendamment de l'irresponsabilité ou de la bonne volonté de tel ou tel acteur bourgeois. Comme l'écrivait déjà au début du XXe siècle Rosa Luxemburg, le capitalisme n'existe que par la destruction de l'environnement : "la croissance incessante de la productivité du travail, qui est le facteur le plus important de l'augmentation du taux de la plus-value, implique et nécessite l'utilisation illimitée de toutes les matières et de toutes les ressources du sol et de la nature. Il serait contraire à l'essence et au mode d'existence du capitalisme de tolérer quelque restriction à cet égard."3 En effet, le capitalisme se développe sous la forme d'une accumulation toujours plus grande de marchandises qui a pour conséquence logique le pillage croissant des ressources naturelles à une échelle elle-même toujours plus grande. Un des effets notoires de ce mode de production est la surproduction et son corollaire de plus en plus choquant : le gaspillage généralisé des ressources.
Si les problèmes écologiques sont alarmants et coûteux, ils sont surtout instrumentalisés par l'Etat et ses cliques en vue de manœuvres commerciales et politiciennes. Plus encore, leur mise en avant permet seulement de relancer des campagnes médiatiques destinées à orchestrer un véritable enfumage de la conscience dans la classe ouvrière. Il faudrait, nous dit-on, plus de législations, plus de traités, de régulation. En réalité, l'État cherche à masquer qu'il est le principal responsable des catastrophes majeures ! S'il coordonne sa production, légifère, c'est toujours pour mieux défendre son capital national au sein de l'arène internationale et s'assurer le droit de polluer davantage (à condition, naturellement, de taxer davantage les populations !). Son but est essentiellement de mieux répondre à une concurrence exacerbée afin de protéger ses propres intérêts. Pour cela, il ne peut faire autrement que de continuer ses pillages, ses gaspillages et pollutions en tous genres. C'est ce que font tous les Etats industrialisés les plus démocratiques qui, au-delà des discours hypocrites, cherchent une issue désespérée face à la crise économique mondiale et à la faillite historique de leur système. Cela, ils le font au mépris total de l'humanité et de son avenir.
R.B. (23 juin)
1 Afin d'éviter toute contestation, l'article ne mentionnera que les données officielles validées par les institutions bourgeoises, bien que de nombreux scientifiques affirment régulièrement que ces chiffres sont en deçà de la réalité.
2 Cf. Le monde à la veille d'une catastrophe environnementale, Revue internationale n°135.
3 Rosa Luxemburg, L'accumulation du Capital (Les conditions historiques de l'accumulation. La reproduction du capital et son milieu)
« Et si le temps n'existait pas ? », le titre du livre1 du physicien Carlo Rovelli2 pose une question qui peut sembler de prime abord fort étrange, voire absurde. Chaque jour, l'homme perçoit, éprouve même, le temps qui passe. Les horloges, les réveils et les montres omniprésents et égrenant les secondes. Le train que l'on voit partir depuis le quai, tout essoufflé, plié en deux et les mains sur les hanches. Les enfants qui grandissent. Ou les rides aux coins des yeux. Tout, absolument tout, semble justifier sans discussion possible l'existence implacable du temps et de ses effets.
Vraiment ? Pour celui qui voyage peu, la terre ne semble-t-elle pas plate, ornée de quelques bosses et creux ? L'idée d'une terre ronde avec « dessous » des gens qui marchent « la tête en bas » sans « tomber », n'est-elle pas également contraire à l'intuition ? Et que dire de cette terre qui tourne autour du soleil alors que nous voyons tous et chaque jour, le soleil se « lever » à l'Est et se « coucher » à l'Ouest ?
L'histoire de la science a confirmé ce que les philosophes grecs avaient déjà compris il y a plus de 2500 ans : nos sens peuvent nous tromper ; il est nécessaire d'aller au-delà de la perception sensible immédiate pour accéder à la vérité. Alors peut-être l'hypothèse de Carlo Rovelli vaut-elle la peine d'être considérée sérieusement. Pour quelles raisons ce scientifique affirme-t-il que le temps n'est fondamentalement qu'une illusion ?
Depuis Einstein, l'humanité sait qu'il y a un hic au tic-tac de nos pendules : le temps est relatif. Il ne s'écoule pas partout de la même manière. Plus la vitesse de déplacement est grande ou la gravité forte, plus l'écoulement du temps ralentit. Le film à très grand succès de Christopher Nolan sorti en 2014, Interstellar, a justement mis au centre de son histoire cette découverte scientifique : les protagonistes vieillissent différemment selon qu'ils sont sur terre ou qu'ils voyagent dans l'espace ou qu'ils s'installent sur telle ou telle autre planète pourvue d’une gravité différente. Le héros, un cosmonaute envoyé dans l'espace en début de film, retrouvera ainsi à la fin de l'aventure sa fille restée sur terre sous les traits d'une très vieille dame, alors que lui-même n'a vécu que quelques mois. S'il s'agit là de science-fiction, il est néanmoins exact et vérifié expérimentalement que le temps est effectivement relatif. Par exemple : si deux horloges atomiques (les plus précises à l’heure actuelle) sont déclenchées simultanément, puis que l'une reste sur la terre ferme alors que l'autre part faire un tour en avion afin de s'éloigner de 10 km de la masse de la terre et de sa gravité, alors les cadrans indiqueront deux résultats différents, celle qui s'est momentanément éloignée aura « vécu » moins longtemps de quelques milliardièmes de secondes que son homologue.
Le temps n'est donc pas ce tic-tac régulier, immuable et implacable. Mais Carlo Rovelli va plus loin encore en avançant l'hypothèse que le temps en réalité n'existe pas : « ...nous ne mesurons jamais le temps lui-même. Nous mesurons toujours des variables physiques A, B, C,… (oscillations, battements, et bien d’autres choses), et nous comparons toujours une variable avec une autre. Et pourtant, il est utile d'imaginer qu'il existe une variable t, le 'vrai temps', que nous ne pouvons jamais mesurer, mais qui se trouve derrière toute chose. [...] Plutôt que de tout rapporter au 'temps', abstrait et absolu, ce qui était un 'truc' inventé par Newton, on peut décrire chaque variable en fonction de l’état des autres variables […]. Tout comme l’espace, le temps devient une notion relationnelle. Il n’exprime qu’une relation entre les différents états des choses. » Et donc : « L’espace et le temps usuel vont tout simplement disparaître du cadre de la physique de base, de la même façon que la notion de 'centre de l’Univers' a disparu de l’image scientifique du monde » (pp. 100 à 103). Le temps n'existerait pas fondamentalement, mais proviendrait d'une illusion due à notre connaissance ou à notre perception limitée de l'Univers : « ... le temps est un effet de notre ignorance des détails du monde. Si nous connaissions parfaitement tous les détails du monde, nous n'aurions pas la sensation de l'écoulement du temps. » (pp. 104-105).
Autrement dit, l'Univers est constitué d'interactions permanentes, d'une série infiniment complexe de causes et d'effets. A modifie B qui modifie à son tour C mais aussi peut-être A lui-même, etc. Ainsi l'Univers est en mouvement, se modifie sans cesse et ce sont ces changements, ces interactions que nous percevons. Seulement, notre existence se déroulant avec peu de variables fondamentales, toujours sur terre ou à proximité et à des vitesses extrêmement modestes comparées à celle de la lumière, toutes ces interactions nous apparaissent comme dictées selon une composante physique de l’Univers que l'homme a appelé « le temps ». A notre échelle, le tic-tac de la pendule est imperturbable ; nous ne percevons jamais les différences de quelques milliardièmes de seconde qui peuvent intervenir ici ou là sur terre selon notre vitesse de déplacement ou notre altitude. Newton lui-même a intégré cette notion « temps » comme une composante fondamentale de l'ensemble de sa physique. Seulement, ce que nous dit Carlo Rovelli c'est que, lorsque nous observons le pendule de l'horloge se balancer, nous avons l'illusion d'observer l'écoulement de « secondes » alors que nous ne faisons que mesurer un enchaînement d'interactions au sein du mécanisme de l'horloge. Et c'est pourquoi la physique moderne peut se passer intégralement de la notion « temps » au sein de ses équations : « au lieu de prédire la position d'un objet qui tombe 'au bout de cinq secondes', nous pouvons prédire sa chute 'après cinq oscillations du pendule'. La différence est faible en pratique, mais grande d'un point de vue conceptuel, car cette démarche nous libère de toute contrainte sur les formes possibles de l'espace-temps » (p. 115).
Il n'est ni de la compétence de l'auteur de cet article ni du rôle d'une organisation révolutionnaire comme le CCI de valider ou d’invalider une hypothèse en cours de débat dans le monde scientifique. En revanche, au-delà de l'intérêt nécessaire pour les avancées de la pensée en général, la méthode et l'approche de la science qui sous-tendent ces avancées sont aussi une base nécessaire à assimiler pour essayer de comprendre le monde et la société. Le temps existe-t-il ? Nous ne pouvons trancher mais la démarche de Carlo Rovelli est une source d'inspiration pour la réflexion. Car il y apparaît un trésor bien plus grand que le résultat de ses recherches, à savoir le chemin qui l'y a mené : une pensée en mouvement.
De la conception d'un univers en constante évolution constitué d'une série d'interactions d'une infinie complexité découle une vision dynamique de la science et de la vérité. Si l'Univers est en mouvement, pour le comprendre la pensée doit l'être aussi : « Avec la science, j’ai découvert un mode de pensée qui d’abord établit des règles pour comprendre le monde, puis devient capable de modifier ces mêmes règles. Cette liberté, dans la poursuite de la connaissance, me fascinait. Poussé par ma curiosité, et peut-être par ce que Frederico Cesi, ami de Galilée et visionnaire de la science moderne, appelait 'le désir naturel de savoir', je me suis retrouvé, presque sans m’en rendre compte, immergé dans des problèmes de physique théorique » (p. 5). Carlo Rovelli s’inscrit donc en faux contre une vision figée de la science, qui établirait des vérités absolues et éternelles. Au contraire, pour lui, « La pensée scientifique est consciente de notre ignorance. Je dirais même que la pensée scientifique est la conscience même de notre grande ignorance et donc de la nature dynamique de la connaissance. C’est le doute et non pas la certitude qui nous fait avancer. C'est là, bien sûr, l'héritage profond de Descartes. Nous devons faire confiance à la science non parce qu'elle offre des certitudes mais parce qu'elle n'en a pas » (pp. 70-71).
Carlo Rovelli nous montre ainsi que l'évolution de la pensée scientifique est absolument opposée à l’approche scientiste du XIXème siècle. Celle-ci a cru à une évolution continue jusqu’à la connaissance complète des lois de l’Univers. Ainsi dans la deuxième moitié du XIXème siècle, la plupart des scientifiques pensaient que toutes les lois fondamentales de la nature avaient été, pour l’essentiel, découvertes. Il ne suffisait plus qu’à déterminer quelques constantes universelles pour faire le tour définitivement des sciences physiques. Deux théories fondamentales vont balayer de fond en comble ce bel édifice presque parfait à peine cinq ans après le tournant du siècle : la théorie de la relativité restreinte (complétée par celle de la relativité générale) d’Einstein et celle de la mécanique quantique encore plus profonde en termes de remise en cause de l'appréhension du monde. Ainsi Carlo Rovelli nous montre que la méthode scientifique commence toujours par prendre en compte puis remettre en cause les bases des anciennes théories pour en élaborer de nouvelles, plus larges, plus profondes et plus générales. Les avancées permises par les nouvelles théories permettent un progrès. Ce dernier nous amène dans un nouveau contexte qui devient lui-même contradictoire dans son développement. Ainsi la mécanique quantique et la relativité générale ont ouvert la possibilité de mieux comprendre la dynamique de l’Univers inaccessible à la physique classique, cette dernière ne pouvant décrire qu'un état stable et définitif. Mais ces deux grandes théories n’ont pas apporté pour autant, elles non plus, un point final à l’histoire de la physique ni une réponse totale et définitive aux mystères de l’Univers. Bien au contraire. De nouvelles contradictions sont apparues : « La mécanique quantique, qui décrit très bien les choses microscopiques, a bouleversé profondément ce que nous savons de la matière. La relativité générale, qui explique très bien la force de la gravité, a transformé radicalement ce que nous savons du Temps et de l’Espace. […] Or, ces deux théories mènent à deux manières très différentes de décrire le monde, qui apparaissent incompatibles. Chacune des deux semble écrite comme si l’autre n’existait pas. Nous sommes dans une situation de schizophrénie, avec des explications morcelées et intrinsèquement inconsistantes. Au point que nous ne savons plus ce que sont l’Espace, le Temps et la Matière. […] Il faut, d’une façon ou d’une autre, réconcilier les deux théories. Cette mission est le problème central de la gravitation quantique » (pp. 10-13). Et gageons que si la théorie de la gravitation quantique atteint un jour sa mission historique, que s’offre ainsi à l’humanité la possibilité de comprendre « la fin de la vie d’un trou noir ou les premiers moments de la vie de l’Univers » (p. 11), alors de nouvelles questions émergeront à la conscience humaine. Et c’est justement l’existence même de ces contradictions infinies qui ont mené Carlo Rovelli à sa passion pour la science, cette immense et perpétuelle énigme : « Je pense que c'est précisément dans la découverte des limites des représentations scientifiques du monde que se révèle la force de la pensée scientifique. Celle-ci n'est pas dans les 'expériences', ni dans les 'mathématiques', ni dans une 'méthode'. Elle est dans la capacité propre de la pensée scientifique à se remettre toujours en cause. Douter de ses propres affirmations. N'avoir pas peur de nier ses propres croyances, même les plus certaines. Le cœur de la science est le changement » (pp. 56-57).
Mais cette approche relative de la vérité et de la science ne signifie nullement que Carlo Rovelli tombe dans le relativisme. Bien au contraire. Il montre dans quelles aberrations mène le relativisme en prenant l’exemple des États-Unis où le créationnisme fait d’énormes dégâts, en particulier dans l’enseignement : « Ces visions déformées de la science ont pour conséquences une diminution de son aura et la pensée irrationnelle gagne du terrain… Aux États-Unis par exemple (le Kansas ‘rural’ mais aussi la très civilisée Californie), les enseignants n’ont pas le droit de parler correctement de l’évolution à l’école. Les lois qui interdisent d’enseigner les résultats de Darwin sont justifiées par le relativisme culturel : on sait que la science se trompe, et donc une connaissance scientifique n’est pas plus défendable qu’une connaissance biblique. Interrogé récemment sur ce sujet, un candidat à la présidence des États-Unis a déclaré ‘qu’il ne savait pas si les êtres humains ont vraiment des ‘ancêtres communs’. Sait-il seulement si c’est la terre qui tourne autour du soleil ou le soleil qui tourne autour de la terre ?» (pp. 53-54).
Plus généralement : « L’obsession scientifique de remettre toute vérité en question ne mène pas au scepticisme, ni au nihilisme, ni à un relativisme radical. La science est une pratique de la chute des absolus qui ne tombe pas dans le relativisme total ou le nihilisme. Elle est l’acceptation intellectuelle du fait que les connaissances évoluent. Le fait que la vérité puisse toujours être interrogée n’implique pas que l’on ne puisse pas se mettre d’accord. En fait la science est le processus même par lequel on arrive à se mettre d’accord » (p. 71).
Pour « se mettre d'accord », pour que nos connaissances aient une « nature dynamique », il est impératif que les hypothèses se confrontent, qu'un débat d'idées dans le seul but de faire progresser la vérité anime l'ensemble des sciences. C'est pourquoi tout au long de son livre, Rovelli fustige tous les scientifiques qui sabotent ce débat, préférant défendre leurs intérêts particuliers, en ne partageant pas leurs travaux et hypothèses, en concevant la recherche comme un terrain de course vers la renommée individuelle, en étant animés par l'esprit de concurrence, avec toutes les bassesses, la mauvaise foi et autres procédés déloyaux que cela implique : « Le monde de la science, comme j'ai pu le découvrir ensuite avec tristesse, y compris à mes dépens, n'a rien à voir avec un conte de fée. Les cas de vol d'idées d'autrui sont permanents. Beaucoup de chercheurs sont extrêmement soucieux d'arriver à être les premiers à formuler des idées, quitte à les souffler aux autres avant que ceux-ci ne parviennent à les publier, ou à réécrire l'histoire de manière à s'attribuer les étapes les plus importantes. Cela génère un climat de méfiance et de suspicion qui rend la vie amère et entrave gravement les progrès de la recherche. J'en connais beaucoup qui refuseront de parler à qui que ce soit des idées sur lesquelles ils sont en train de travailler avant de les avoir publiées » (p. 44).
La démarche de Carlo Rovelli est toute différente. Lui qui, étudiant en Italie dans les années 1970, s’est d’abord révolté contre les injustices de cette société avant de prendre conscience, comme une très large partie de sa génération, que la révolution n’était pas encore à l’ordre du jour, a choisi de ne pas abdiquer, de ne pas renoncer à ses rêves, mais d’investir ses aspirations aux changements dans la science : « Pendant mes études universitaires à Bologne, ma confusion et mon conflit avec le monde adulte ont rejoint le parcours commun d’une grande partie de ma génération. […] C’était une époque où l’on vivait de rêves. […] Avec deux de ces amis, nous avons rédigé un livre qui raconte cette rébellion étudiante italienne de la fin des années soixante-dix. Mais rapidement les rêves de révolution ont été étouffés et l’ordre a repris le dessus. On ne change pas le monde si facilement. A mi-chemin de mes études universitaires, je me suis retrouvé encore plus perdu qu'avant, avec le sentiment amer que ces rêves partagés par la moitié de la planète étaient déjà en train de s’évanouir […]. Rejoindre la course à l'ascension sociale, faire carrière, gagner de l'argent et grappiller des miettes de pouvoir, tout cela me semblait bien trop triste. […] La recherche scientifique est alors venue à ma rencontre – j'ai vu en elle un espace de liberté illimité, ainsi qu'une aventure aussi ancienne qu'extraordinaire […]. Aussi, au moment où mon rêve de bâtir un monde nouveau s'est heurté à la dure réalité, je suis tombé amoureux de la science. […] La science a été pour moi un compromis qui me permettait de ne pas renoncer à mon désir de changement et d'aventure, de maintenir ma liberté de penser et d'être qui je suis, tout en minimisant les conflits que cela impliquerait avec le monde autour de moi. Au contraire, je faisais quelque chose que le monde appréciait » (pp. 2-6). Chez Carlo Rovelli, l'esprit subversif, le désir de changement et la science s’entremêlent ainsi constamment : « Tandis que j'écrivais avec mes amis mon livre sur la révolution étudiante (livre que la police n'a pas aimé et qui m'a valu un passage à tabac dans le commissariat de police de Vérone) : 'Dis-nous les noms de tes amis communistes !'), je m’immergeais de plus en plus dans l'étude de l'espace et du temps » (p. 30) ; « Chaque pas en avant dans la compréhension scientifique du monde est aussi une subversion. La pensée scientifique a donc toujours quelque chose de subversif, de révolutionnaire » (p. 138).
Ce qui attire particulièrement Carlo Rovelli est la dimension internationale et cosmopolite de la « communauté » scientifique, se mettant parfois à rêver d'une association mondiale, désintéressée et s'enrichissant des différences : à l'Impérial Collège de Londres, « j'ai rencontré pour la première fois le monde coloré et international des chercheurs de physique théorique : des jeunes en costume-cravate se mêlaient avec le plus grand naturel à des chercheurs aux pieds nus et aux longs cheveux sortant de bandeaux colorés ; toutes les langues et toutes les physionomies de monde se croisaient, et l'on y percevait une espèce de joie de la différence, dans le partage d'un même respect de l'intelligence » (p. 34).
Pourtant, les îlots paradisiaques ne peuvent exister dans ce capitalisme barbare. Si elle révèle une profonde aspiration pour un monde réellement humain, uni et solidaire, cette vision est idéaliste, comme le reconnaît Carlo Rovelli lui-même dans son livre.
Et donc, pour porter la connaissance de la vérité plus loin, il prône le débat ouvert et franc, la confrontation saine, désintéressée des hypothèses :
« Je parle librement de mes idées à qui veut les entendre, sans rien cacher, et j'essaie de convaincre mes étudiants d'en faire autant » (p. 45).
« Pour peu qu'on reste dans une exactitude scientifique, la polémique, même rude, est un ingrédient à la fertilité et à l'avancement de la connaissance » (p. 125).
« Chaque chercheur a ses idées et convictions (j'ai les miennes) et chacun doit défendre ses hypothèses avec passion et énergie : la discussion animée est la meilleure façon de chercher la connaissance » (p. 128).
« Les règles de base de la recherche scientifique sont simples : tout le monde a le droit de parler. Einstein était un obscur commis au bureau des brevets lorsqu'il a produit des idées qui ont changé notre vision de la réalité. Les désaccords sont bienvenus : ils sont la source du dynamisme de la pensée. Mais ils ne sont jamais réglés par la force, l'agression, l'argent, le pouvoir ou la tradition. La seule façon de gagner est d'argumenter, de défendre son idée dans un dialogue et de convaincre les autres. Bien sûr, je ne suis pas en train de dépeindre ici la réalité concrète de la recherche scientifique dans sa complexité humaine, sociale et économique, mais plutôt les règles idéales auxquelles la pratique doit se rapporter. Ces règles sont anciennes ; nous les trouvons décrites avec passion dans la fameuse Septième Lettre de Platon, où celui-ci explique comment on peut chercher la vérité : 'Or, après beaucoup d'efforts, lorsque sont frottés les uns contre les autres ces facteurs pris un à un : noms et définitions, visions et sensations, lorsqu'ils sont mis à l'épreuve au cours de contrôles bienveillants et de discussions où ne s’immiscent pas l'envie, vient tout à coup briller sur chaque chose la lumière de la sagesse et de l'intelligence, avec l'intensité que peuvent supporter les force humaines'. » (pp. 136-137).3
« Galilée et Newton, Faraday et Maxwell, Heisenberg, Dirac et Einstein, pour ne citer que les exemples les plus importants, se sont nourris de philosophie, et n’auraient jamais pu accomplir les sauts conceptuels immenses qu’ils ont accomplis s’ils n’avaient eu aussi une éducation philosophique. » Effectivement. Et Carlo Rovelli lui-même a une approche de la science fortement « nourrie de philosophie ». C'est pourquoi il n'a pas adopté une vision statique pour comprendre le monde tel qu'il est (comme s'il examinait une photo) mais, au contraire, il a adopté une vision en mouvement pour comprendre le monde tel qu'il devient. La première approche voit les choses exister indépendamment les unes des autres, pour elles-mêmes et pour toujours ; il s’agit là de l’une des sources du mysticisme. La seconde voit les choses en termes de relations contradictoires, donc dans leur dynamique et leur devenir, ce qui ouvre la voie à la dialectique.
Carlo Rovelli tente d'user de cette même méthode pour comprendre aussi la société humaine. En racontant au début du livre sa jeunesse, sa révolte face aux injustices de cette société, en s'affirmant « révolutionnaire », il démontre qu'il ne croit pas en un capitalisme éternel. « Mon adolescence fut de plus en plus une période de révolte. Je ne me reconnaissais pas dans les valeurs exprimées autour de moi. [...] Le monde que je voyais autour de moi était très différent de celui qui m'aurait semblé juste et beau. […] Nous voulions changer le monde, le rendre meilleur » (pp. 2 et 3). Nous ne partageons pas les propositions politiques concrètes que Carlo Rovelli avance ensuite dans son livre. D’ailleurs, sur ce plan et comme il l’avoue lui-même, Carlo Rovelli tente d’explorer quelques pistes pour évoluer vers un monde plus humain non pas en s’appuyant sur une rigoureuse démarche scientifique mais selon ses « rêves » et ses « fantasmes » (p.146).4 Mais cela n’enlève rien à l’importance de ses recherches et de ses apports. User de la méthode scientifique pour comprendre l'homme et son organisation sociale est certainement ce qu'il y a de plus ardu ; toute réflexion sur la science, son histoire et sa méthode est donc pour cette raison aussi un bien extrêmement précieux. Voilà ce que nous dit à ce sujet Anton Pannekoek, astronome, astrophysicien et militant de la Gauche communiste de Hollande (1873-1960) : « La science naturelle est considérée avec justesse comme le champ dans lequel la pensée humaine, à travers une série continue de triomphes, a développé le plus puissamment ses formes de conception logique... Au contraire, à l’autre extrême, se trouve le vaste champ des actions et des rapports humains dans lequel l’utilisation d’outils ne joue pas un rôle immédiat, et qui agit dans une distance lointaine, en tant que phénomène profondément inconnu et invisible. Là, la pensée et l’action sont plus déterminés par la passion et les impulsions, par l’arbitraire et l’improvisation, par la tradition et la croyance ; là, aucune logique méthodologique ne mène à la certitude de la connaissance (...) Le contraste qui apparaît ici, entre d’un côté la perfection et de l’autre l’imperfection, signifie que l'homme contrôle les forces de la nature ou va de plus en plus y parvenir, mais qu’il ne contrôle pas encore les forces de volonté et de passion qui sont en lui. Là où il a arrêté d’avancer, peut-être même régressé, c’est au niveau du manque évident de contrôle sur sa propre 'nature' (Tilney). Il est clair que c’est la raison pour laquelle la société est encore si loin derrière la science. Potentiellement, l’homme a la maîtrise sur la nature. Mais il ne possède pas encore la maîtrise sur sa propre nature. »5 Et là n'est pas la seule raison de la difficulté à comprendre l'âme humaine et la société, s'ajoute la pression idéologique permanente pour justifier le statu quo, le monde tel qu'il est. Le capitalisme a besoin du progrès scientifique pour le développement de son économie et l'encourage donc dans une certaine mesure (dans une « certaine mesure » seulement car la recherche n'échappe pas à l'esprit borné de la concurrence et de l’intérêt particulier). Mais l'avancée de la pensée en ce qui concerne l'homme et sa vie sociale rentre immédiatement et frontalement en conflit avec les intérêts de ce système d'exploitation, particulièrement depuis que celui-ci est devenue décadent, obsolète et que l'intérêt de l'humanité exige sa disparition et son dépassement. Ainsi, la science de l'homme est sans cesse contenue par l'idéologie dominante qui tente de lui imposer ses propres œillères. C’est aussi pourquoi l'humanité a besoin de chercheurs et de scientifiques comme Carlo Rovelli, car ils lui fourbissent les armes de la critique, leurs travaux constituant une partie des flammes du feu de Prométhée. Cet ouvrage (comme le précédent) participe au développement d’une connaissance indispensable de l’histoire de la science et de la philosophie et permet donc non pas seulement de passer du bon « temps » mais aussi de nourrir la réflexion critique et révolutionnaire.
Ginette (juillet 2015)
1 Et si le temps n'existait pas ?, éditions Dunod, 2012. Nous avons déjà consacré un article au précédent livre de Carlo Rovelli, Anaximandre de Milet ou la naissance de la pensée scientifique (article publié dans RI N°422 et disponible sur notre site Internet à cette adresse : https://fr.internationalism.org/ri422/la_pensee_scientifique_dans_l_hstoire_humaine_a_propos_du_livre_anaximandre_de_milet.html [117]). Carlo Rovelli vient aussi de publier un nouvel essai : Par-delà le visible : La réalité du monde physique et la gravité quantique », chez Odile Jacob.
2 Carlo Rovelli est le principal auteur, avec Lee Smolin, de la théorie de la gravitation quantique à boucles. Cette théorie propose une unification de la relativité générale et de la mécanique quantique. Derrière cette appellation, certainement barbare pour les néophytes, se cache le problème le plus fondamental de la science actuelle : rendre compatibles nos descriptions de l'infiniment grand et de l'infiniment petit.
3 Souligné par nous.
4 Les « rêves », comme la démarche artistique et nombre d’autres aspects de l’activité et de la pensée humaine, font partie intégrante des sources d’inspiration de ceux qui veulent changer le monde. Mais ils ne peuvent être à la fois le point de départ et le point d’arrivée de la conscience révolutionnaire ; ils ont à et peuvent s’intégrer et entrer en résonance avec la démarche scientifique. C’est alors que les rêves deviennent possibles.
5 Anton Pannekoek, Anthropogenesis, A study in Origin of Man, 1944. Traduit de l'anglais par nous et déjà cité dans notre article « Marxisme et Éthique » (https://fr.internationalism.org/book/export/html/2593 [118]).
Malgré le fait qu’elle ait été annoncée dans tous les sondages récents, l’élection de Jeremy Corbyn à la direction du Parti travailliste anglais a constitué une surprise pour beaucoup. Les dirigeants précédents, Kinnock, Blair et Brown, avaient tous prévenu que l’élection de Corbyn entraînerait une déroute du Parti travailliste aux élections législatives de 2020 et son incapacité à revenir au gouvernement pour une génération. Après son discours à la Conférence du Parti travailliste, Corbyn a été accusé de ne s’adresser qu’aux « activistes » et il a été souvent répété que, sous sa direction, le parti travailliste serait seulement réduit à un rôle de parti contestataire.
Pourtant, la promotion de Corbyn n’était pas un accident, elle répond en fait aux besoins politiques globaux du capitalisme britannique.
Lors des élections générales de mai dernier, les différences entre les programmes d’austérité des principaux partis était encore plus minces que d’habitude. Contre la politique proposée par la coalition des conservateurs et des libéraux, le parti travailliste proposait lui aussi un peu plus qu’une « austérité à minima ». Après les élections, le Parti travailliste a ouvertement soutenu au Parlement les nouvelles coupes dans les aides sociales mises en place par le nouveau gouvernement conservateur. Dans ce contexte, Corbyn s’est placé comme un adversaire de l’austérité, mettant en avant l’équité et l’égalité, ainsi que la perspective de croissance et l’intervention de l’État comme alternative à la brutalité d’un gouvernement qui favorise un petit nombre de personnes au détriment des masses.
Des comparaisons ont été faites avec le gouvernement populiste grec de Syriza. Syriza se fait également le champion de la lutte anti-austérité, bien qu’après avoir remporté une nette majorité contre les conditions du plan de sauvetage proposé par la « troïka », Syriza a accepté des conditions pires que celles qui avaient été acceptées par les précédents gouvernements de droite comme de gauche. Cependant, le sentiment que l’arrivée de Corbyn exprimait un rejet radical de l’austérité comme le rejet claironné par Syriza et par Podemos en Espagne, reste populaire. Ceci est lié à l’idée que l’austérité constitue un choix politique et non quelque chose qui est imposé à tous les gouvernements capitalistes par la réalité de la crise économique capitaliste.
Alors que le capitalisme d’État est au cœur des régimes régissant chaque pays du monde moderne, Corbyn et le chancelier de l’Echiquier du cabinet fantôme, John Mc Donnell, ont rendu explicite leur collaboration dans le renforcement du rôle de l’État capitaliste dans la vie sociale et économique au Royaume-Uni. Les plans d’investissement de l’État pour « faciliter la vie des gens », pour la nationalisation des banques, la renationalisation des chemins de fer et d’autres mesures similaires montrent que la domination du capital en Grande-Bretagne est entre de bonnes mains. Il est vrai que le ministre de l’énergie de ce cabinet fantôme a jeté une certaine ombre sur ce tableau en annonçant que le parti travailliste « ne veut pas nationaliser l’énergie. Nous voulons faire quelque chose de bien plus radical : nous voulons la démocratiser ». Mais cela signifie apparemment qu'« il ne faudrait pas empêcher toute entreprise privée dans ce pays de posséder sa propre source d’approvisionnement énergétique ».
Afin de prouver qu’ils ne sont pas des « négationnistes du déficit », la nouvelle direction Corbyn a même signé la charte budgétaire du chancelier George Osborne et insisté pour que la Grande-Bretagne « vive en fonction de ses moyens ». Corbyn et McDonnell ont aussi nommé un comité consultatif économique, comprenant le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, l’auteur à la mode Thomas Piketty et l’ancien membre du comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre, Danny Blanchflower pour fournir des idées sur le thème de la réforme du rôle de l’État capitaliste. Cela ne peut signifier que de petites modifications formelles dans un système économique qui repose essentiellement sur l’exploitation de la force de travail de la classe ouvrière.
Au niveau de l’impérialisme britannique, Corbyn a été beaucoup critiqué pour avoir dit que s’il devenait Premier ministre, il n’aurait pas recours aux armes nucléaires. Mais cela doit être remis dans son contexte : dans son discours à la Conférence du Parti travailliste, il a dit « la Grande-Bretagne n’a pas besoin de forces militaires et de sécurité fortes et modernes » et « les valeurs britanniques (…) sont la raison fondamentale pour laquelle j’aime ce pays et son peuple. » Son patriotisme ne peut être contesté. Son soutien à « l’autorité du droit international et aux institutions internationales » démontre un attachement au fondement impérialiste qui est la base des relations internationales. Comme pour l’armement nucléaire, ses paroles favorables à la politique du président américain Barack Obama ne révèlent aucun antagonisme avec le commandant en chef de la plus grande force nucléaire de la planète.
Toutes les attaques reprise par les médias contre le nouveau chef du Parti travailliste, insistant sur les "dangers" de sa politique, ne servent qu’à valoriser son image radicale. Cela est renforcé par les discours de la gauche. À la Conférence du Parti travailliste, Matt Wrack, le secrétaire général du syndicat des sapeurs-pompiers, a déclaré que Corbyn et McDonnell « représentaient un sérieux défi pour l’ordre établi, en réalité pour la classe dominante » et que « les services secrets, le M15, la Special Branch et la CIA ont tous observé et analysé cette conférence et la formation d’un cabinet fantôme dans l’intention de saper ses effets. » Le Socialist Worker du 15 septembre 2015 a reconnu que « Corbyn affronte l’opposition de la grande majorité de ses collègues députés ainsi que celle de la classe dirigeante et de la majeure partie des médias. Ils vont tout tenter pour le faire tomber. » La gauche et la droite sont unanimes pour déclarer que Corbyn représenterait une menace pour le statu quo. Et beaucoup de gens ont été attirés par la Parti travailliste ou ont eu envie d’y revenir, parce qu’ils ont l’illusion que, d’une certaine façon, Corbyn apporterait un air plus frais de changement ou représenterait un retour aux valeurs fondamentales du socialisme, au lieu d’être un produit conformiste typique de l’appareil du Parti travailliste.
En réalité, un Parti travailliste dirigé par Corbyn va jouer un rôle très utile dans le cadre de l’appareil politique du capitalisme. Face à la nécessité d’opérer des coupes claires dans les services et autres attaques sur le niveau de vie, la classe dominante est consciente du mécontentement que cela peut entraîner chez ceux qui sont le plus touchés. Il n’est pas nécessaire d’en arriver tout de suite à la lutte ouverte pour que ce soit un sujet de préoccupation pour la bourgeoisie. Le Parti travailliste va être en mesure de se présenter comme une alternative radicale pour les victimes d’un programme continu d’austérité et de paupérisation. Au stade actuel, l’existence d’un "parti protestataire" (qui ne remet pas en cause les principes fondamentaux du système capitaliste, mais souligne seulement son impact négatif sur les ‘masses’) rendra bien service au capitalisme britannique.
Au cours des cent dernières années, le Parti travailliste a montré qu’il était un rouage essentiel de la superstructure du capitalisme, à la fois au sein du gouvernement et dans l’opposition.
En 1914, aux côtés des partis sociaux-démocrates d’Europe, le Parti travailliste, main dans la main avec les syndicats, est venu au secours de l’impérialisme britannique, en agissant en tant que recruteur pour le bain de sang de la Première Guerre mondiale et en veillant à ce que les actions ouvrières ne sapent pas l’effort de guerre. Face aux mutineries et à l’agitation qui ont suivi la guerre, le Parti travailliste a agi en parti « responsable » et, en 1918, il a adopté une constitution avec l’engagement explicite d'effectuer des nationalisations et autres mesures capitalistes d’État qui avaient déjà caractérisé la gestion de la vie sociale pendant la guerre. Contre les aspirations de ceux qui avaient été enthousiasmés par la Révolution russe, il offrait des garanties de stabilité, de contrôle de l’État et une opposition résolue à tout bouleversement social.
Tout au long de la période de l’entre-deux guerres, le Parti travailliste proposa une « planification socialiste » contre l’anarchie de la concurrence capitaliste. Dans les années 1930, aux côtés de francs-tireurs conservateurs comme Winston Churchill, il s’opposa à la politique d’apaisement et prépara la guerre contre l’impérialisme allemand. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Parti travailliste constitua une clé de la coalition d’union nationale, ce qui entraîna son incorporation "naturelle" dans les gouvernements d’après-guerre.
La période 1945-1951, avec le gouvernement de Clement Attlee, est souvent présentée comme l’âge d’or du Parti travailliste. En réalité, cette présidence a représenté une période de grande austérité où les forces de l’ordre ont été utilisées contre les ouvriers grévistes. Le rôle de l’État a été en même temps renforcé dans de nombreux domaines de la vie économique et sociale. Parallèlement, l’impérialisme britannique a continué à déployer ses forces militaires et s’est lancé dans le développement d’armes nucléaires, à une époque où la Grande-Bretagne était le plus fidèle lieutenant dans le bloc impérialiste dominé par les États-Unis.
Les gouvernements travaillistes ultérieurs de Wilson et Callaghan ont été capables de remplacer les administrations conservatrices dans tous les postes-clés de l’État. Le gouvernement travailliste de 1974 a été amené au pouvoir pour faire face à une vague de luttes, répandant l’illusion qu’il serait différent de ses prédécesseurs. En fait, dans les années 1970, les travaillistes et les syndicats ont fait baisser les salaires en imposant leurs conditions d’exploitation. Sous Callaghan commença la politique monétariste et le programme de réduction des dépenses publiques qui ont ensuite été repris par Margaret Thatcher. Les grèves et les manifestations de « l’hiver des mécontents », en 1978-79, s’opposaient à un gouvernement travailliste et non pas conservateur.
Dans les années 1980, parti d’opposition, le Parti travailliste critiqua d’une manière « radicale » le « thatcherisme », proposant une prétendue « alternative » à un moment où les ouvriers étaient engagés dans des luttes massives. Par la suite, les gouvernements de Blair et Brown ont joué leur rôle de gestionnaires de l’économie capitaliste ; au niveau des relations internationales, les interventions en Irak et en Afghanistan ont fourni une preuve supplémentaire de l’engagement ferme du Parti travailliste dans le noyau militariste des conflits impérialistes.
Ceci résume l’histoire de la défense des « valeurs britanniques » par le Parti travailliste au siècle précédent, comme parti de gouvernement et comme parti d'opposition. Dans la période à venir, quand les attaques contre la classe ouvrière vont conduire à une remise en question de la base-même de la société et pas seulement de la politique d'un gouvernement particulier, le Parti travailliste se révélera encore être une arme précieuse au service de la domination de la bourgeoisie en Grande-Bretagne.
WR, organe de presse du CCI au Royaume-Uni, 3 octobre 2015
Nous publions ici une lettre écrite par le CCI en réponse à un article publié sur le site Internet de la Ligue Communiste de Tampa, un groupe récemment apparu aux Etats-unis (« Pourquoi nous avons besoin d’un Parti mondial »). Dans l’intérêt du débat public entre révolutionnaires, les camarades nous ont demandé de publier notre lettre sur notre site et nous ont informés qu’ils travaillent à une réponse qui sera à son tour publiée sur leur site.
A la Ligue Communiste de Tampa de la part du Courant Communiste International :
« Chers camarades,
Nous suivons votre site avec intérêt. Nous sommes enthousiasmés par l’apparition d’un groupe qui, d’une certaine façon, se définit en accord avec les positions de la Gauche Communiste et qui énonce clairement le besoin pour les révolutionnaires de s’organiser politiquement.
Nous pensons qu’il serait utile d’engager un dialogue politique avec votre groupe et, compte-tenu de l’importance de la question organisationnelle pour les révolutionnaires, nous proposons comme point de départ de notre échange, le texte : Pourquoi nous avons besoin d’un Parti mondial. Nous comprenons que ce texte ne représente pas une déclaration « programmatique » de votre groupe et qu’il peut être l’objet de désaccords parmi vous : c’est une raison de plus, nous pensons, pour vous soumettre nos analyses sur ce texte et contribuer à la discussion.
Comme déjà mentionné, un texte qui appelle à la constitution d’un parti mondial semble aller à contre-courant dans un milieu dominé par l’anarcho-syndicalisme, le conseillisme, la théorie de la communication et toutes les variantes de l’individualisme qui fleurissent dans un monde de plus en plus régi par le principe bourgeois du « chacun pour soi ». L’affirmation assumée du besoin de se réunir et de s’organiser en groupes politiques distincts, non seulement pour les révolutionnaires, mais aussi pour préparer le futur parti révolutionnaire mondial est une position courageuse étant donné le poids énorme de la suspicion qui pèse sur la conception marxiste de l’organisation révolutionnaire. Des medias traditionnels aux anarchistes, l’idéologie dominante nous susurre que les organisations révolutionnaires ne peuvent dépasser le stade de la secte et qu’elles sont inexorablement entachées par l’expérience toxique du stalinisme. Cela ne doit pas nous surprendre, car tout comme la classe ouvrière est « une classe de la société civile qui n’est pas une classe de la société civile », l’organisation révolutionnaire, qui est un produit de celle-ci, est un corps étranger dans la société capitaliste, et ses militants ne doivent pas être rebutés par l’inévitable hostilité qu’ils rencontrent chez les représentants de l’idéologie dominante, sous toutes ses formes. Nous voyons donc un accord de principe se dégager dans le titre de votre article, et dans le thème du texte ainsi que dans les critiques que vous faites sur les arguments des anarcho-syndicalistes et conseillistes contre les organisations politiques et le parti politique. Nous avons quelques désaccords avec les formulations sur la possibilité de former des syndicats « révolutionnaires » mais c’est un problème que nous pourrons traiter plus tard, peut-être dans une discussion sur les « Positions communes » au sein du groupe Tampa.
Tout aussi important (car la classe ouvrière est une classe internationale et sa révolution ne peut vaincre qu’à l’échelle internationale) est le fait que le texte voit le parti comme un parti mondial, et qu’il doit se préparer dès aujourd’hui, à travers un processus de discussions et d’activités partagées au sein des groupes révolutionnaires partout dans le monde. Ainsi, alors que, comme vous le dites, il est parfaitement vrai que « former le parti mondial n’est pas réalisable immédiatement », il est vrai aussi que ce n’est pas un objectif purement abstrait qui se réalisera tout seul dans le futur : ce que les révolutionnaires font et disent aujourd’hui joue un rôle actif dans le processus qui mènera à la formation du parti (ou, négativement dans l’échec à former ce même parti, chose qui est certainement une possibilité et un danger). Cela ne signifie pas que nous soyons nécessairement d’accord sur le type d’organisation que nous devons développer maintenant (nous y reviendrons plus tard).
Tout d’abord, nous voulons relever quelques questions au sujet de conceptions du texte sur le parti qui nous semblent incorrectes. Premièrement, le texte parle de « parti de masse » comme opposé à l’idée de « parti de l’avant-garde » basé sur une « ligne idéologique/théorique serrée imposée aux militants ». De notre point de vue, l’idée d’un parti de masse, qui s’est développée dans le mouvement ouvrier à la fin du XIXe siècle était liée à la vision du parti comme une sorte de gouvernement en attente qui aurait pris en mains les rênes de la société, sans doute à la faveur d’élections parlementaires ; des idées similaires ont perduré dans le mouvement révolutionnaire qui a surgi à partir de la social-démocratie officielle pendant la Première Guerre mondiale. L’exemple le plus évident est le parti bolchevique, dans la Révolution russe, qui a pensé que son rôle était de former un gouvernement après avoir remporté la majorité dans les soviets.
N’êtes-vous pas d’accord avec l’idée que la conception du parti de masse développée au XIXe siècle était liée à la montée de l’opportunisme dans le mouvement ouvrier ? Que la tentative de construire une base massive aussi vite que possible a conduit à la dilution des principes et à des compromis avec la classe dominante, à la fois dans les partis de la Deuxième Internationale et dans les partis communistes après 1920-21 ? Et nous ajouterons que ce n’était pas un hasard si les principaux adversaires de l’opportunisme dans les deux Internationales appartenaient à des courants qui avaient commencé à élaborer une critique de l’idée de parti de masse : premièrement les bolcheviks, après le fameux débat sur « qui est membre d’une organisation révolutionnaire » au congrès du POSDR en 1903 ; ensuite, les communistes de Gauche en Italie et en Allemagne dans la Troisième Internationale, qui prirent le meilleur du bolchevisme, en argumentant que, dans la nouvelle époque de révolution prolétarienne, le parti devait être constitué de révolutionnaires engagés sur la base d’une adhésion (non « imposée ») à un haut niveau d’unité programmatique. Dans la période allant jusqu’à et même pendant la révolution, une telle organisation serait nécessairement formée autour d’un noyau (une « avant-garde », si vous voulez) du prolétariat.
Nous pensons aussi que l’adhésion du texte à l’idée de parti de masse montre une régression vers les idées sociales-démocrates au sujet des relations entre le parti et les conseils, ou tout au moins à une position très ambigüe sur la prise du pouvoir par le parti. Le texte fait plusieurs références au parti prenant le pouvoir, à l’idée que « les règles du conseil sont essentiellement les règles du parti ». Bien que le danger de substitutionnisme soit identifié, le texte semble voir le principal remède à tout cela dans le fait que le parti « partage le pouvoir avec l’ensemble du mouvement révolutionnaire ainsi qu’avec d’autres tendances révolutionnaires avec lesquelles il peut être allié ».
Pour nous, cette vision n’échappe pas à la vision parlementaire des règles du soviet qui a paralysé le mouvement en 1917. Nous sommes totalement d’accord sur l’idée que le but du parti est de se battre pour son programme1 à l’intérieur des conseils, qui seront un champ de bataille entre différents points de vue politiques qui, tous, représentent en dernière analyse, des intérêts de classe différents ; ces points de vue peuvent aussi renfermer les confusions qui vont encore peser lourdement sur le prolétariat au cours de la révolution. Mais le rôle du parti n’est pas de prendre le pouvoir ou de mélanger sa fonction avec les organes réels du pouvoir : les conseils. N’êtes-vous pas d’accord que la leçon principale à tirer de la Révolution russe est la suivante : l’identification du parti bolchevique à l’État et sa tendance à substituer ses décisions à celles des Conseils a conduit à la dégénérescence non seulement du pouvoir des Soviets mais aussi du parti lui-même ? Nous pensons que la clarté sur cette question est maintenant un point-clé dans la plateforme de l’organisation révolutionnaire et donc finalement dans le parti lui-même. Nous vous renvoyons à une polémique que nous avions avec la CWO dans les années 1970 et serions intéressés par une réponse de votre part sur cette question.
Nous passons à la conception du texte sur le type d’organisation qui doit être construite aujourd’hui pour préparer le terrain pour le parti de demain : comme nous ne voyons pas le parti comme un parti de masse, mais comme une minorité organisée autour d’un programme clair, nous pensons que les organisations qui peuvent servir de pont vers le parti de demain doivent aussi avoir un niveau élevé de cohérence politique et théorique, basé sur une plateforme reconnue qui soit plus que seulement une liste de points élémentaires. Cela ne signifie pas que de telles organisations, pas plus que le futur parti, doivent être monolithiques ; au contraire, une organisation marxiste vivante est celle qui se livre à un débat interne permanent et aussi avec d’autres tendances dans le mouvement ouvrier. Mais nous pensons vraiment que ces organisations sont plus que des cercles de discussion et doivent être imprégnées de ce que Lénine appelait « l’esprit de parti », même si elles ne sont pas le parti. De plus, elles doivent être construites dès le départ sur une base internationale, parce que le futur parti n’est pas (comme cela avait été conçu dans le passé, même dans la Troisième Internationale jusqu’à un certain point) une fédération de sections nationales mais une organisation mondiale unique. De cette manière, l’expérience organisationnelle sera essentielle pour le fonctionnement du futur parti.
Cette vision des organisations actuelles comme un pont vers le futur Parti est fortement influencée par le concept de Fraction tel qu’il a été développé par la Gauche Italienne dans les années trente. La notion de Fraction est, tout d’abord, fondée sur la conviction que les organisations révolutionnaires ne viennent pas de nulle part, mais font partie d’une tradition dans le mouvement ouvrier, tradition sans laquelle elles n’existeraient pas ; cette réalité doit être assimilée en profondeur et en même temps, de façon critique, basée sur les nouveaux enseignements tirés de l’expérience de la lutte prolétarienne et de la pratique des organisations révolutionnaires du passé. Le but de ce travail est de préparer les principes programmatiques et organisationnels qui seront la base du nouveau parti. Nous pensons qu’une des faiblesses du texte sur la question du parti est précisément que, excepté quelques lignes à la fin, il ne fait pas suffisamment référence à l’expérience du passé et, plus important encore, aux tentatives des générations et des organisations révolutionnaires précédentes pour répondre à la question posée dans le texte : comment les révolutionnaires d’aujourd’hui vont ils s’organiser pour préparer le terrain du parti de demain ?
Nous avons récemment réédité ce que nous considérons comme être un texte important sur le Parti, écrit en 1948 par un groupe qui était l’héritier de la tradition de la Gauche italienne : la Gauche Communiste de France. Nous serions là aussi intéressés par vos réactions à ce texte, et aussi par vos réactions à la lecture des commentaires et critiques contenus dans cette lettre. Nous espérons sincèrement que cette lettre sera le point de départ d’une discussion fructueuse entre nous, qui permettra de clarifier les questions non seulement entre nos organisations mais aussi pour le mouvement politique prolétarien en général.
Salutations communistes.
Alf pour le CCI, 22 août 2015
1 En ce qui concerne la question du programme du Parti, les différents commentaires postés par les internautes à la fin de l’article indiquent qu’une certaine confusion a été causée dans le texte par l’idée que les mesures, telles la destruction de l’État bourgeois et la création d’un nouveau pouvoir prolétarien, feraient partie d’un « programme minimum ». Le dernier terme n’évoque-t-il pas le souvenir des anciens partis sociaux-démocrates avec leur programme de revendications à mettre en œuvre au sein de la société capitaliste ? Cependant, nous ne pensons pas que la question de la terminologie soit la plus importante : la vraie question concerne le contenu des mesures (qui nous semble correct) et le fait qu’elles seraient en effet constitutives d’un programme que le parti défend dans les assemblées et dans les conseils.
Pendant des milliers d’années, les gens ont été forcés de fuir la guerre, la persécution, la famine et les catastrophes naturelles telles que la sécheresse, les inondations, les éruptions volcaniques, etc… Mais ces mouvements n’étaient pas un phénomène permanent et ils affectaient le plus souvent une petite partie de la population déjà sédentaire. Avec le début de l’agriculture, la culture des plantes et la domestication des animaux, l’humanité a développé pendant des milliers d’années un mode de vie sédentaire. Sous le féodalisme, les paysans étaient attachés à la terre, et restaient serfs, de la naissance à la mort, sur la terre qui appartenait à leur seigneur. Mais, avec l’apparition du capitalisme, autour des XIVe et XVe siècles, les conditions ont changé radicalement.
Le capitalisme s’est propagé par la conquête, par la violence intense et massive à travers le globe. Tout d’abord en Europe, où le fait de clôturer les terrains communaux a forcé les paysans qui vivaient en autarcie à quitter la terre communale pour s’agglutiner dans les villes à la recherche d’un emploi dans les fabriques. Marx a décrit l’accumulation primitive comme le procès de « la séparation radicale du producteur d’avec les moyens de production… De grandes masses d’hommes ont été soudainement dépouillés de leurs moyens de subsistance et propulsés comme ‘vendeurs d’eux-mêmes’ sur le marché du travail ».1 Cette séparation du paysan d’avec son sol, d’avec ses moyens de production, a signifié le déracinement de millions de personnes. Parce que le capitalisme a besoin de « l’abolition de toutes les lois qui empêchent les travailleurs de se déplacer d’une sphère de la production à une autre et d’une production à une autre ».2
En même temps que le capitalisme en Europe obligeait les paysans à vendre leur force de travail, il a commencé à étendre son règne colonial dans le monde entier. Et, pendant des siècles, les chasseurs d’esclaves ont enlevé des millions de personnes, principalement en Afrique, afin de fournir de la main d’œuvre bon marché pour les plantations et les mines, principalement en Amérique. Lorsque l’esclavage a pris fin, beaucoup d’esclaves travaillant sur les plantations ont été remplacés par des travailleurs sous contrat. Tout au long de son expansion, le capitalisme a déraciné et déplacé des gens, soit en les forçant à quitter leur campagne pour trouver à vendre leur force de travail à un capitaliste, soit en enlevant la force de travail et en la transformant en esclaves bons à échanger sur un autre continent. De la même manière que le capitalisme a besoin d’une mobilité très grande sinon infinie pour ses produits, et du libre accès au marché, il imposa également la plus grande mobilité dans l’accès à la main-d’œuvre. Le capitalisme doit pouvoir mobiliser la force de travail mondiale sans restriction afin d’utiliser toutes les forces productives de la planète (dans les limites imposées par un système de production de plus-value). « Ces forces de travail, cependant, sont la plupart du temps liées aux traditions rigides des formes de production précapitalistes ; le capitalisme doit d’abord les en ‘libérer ‘ avant de pouvoir les enrôler dans l’armée active du capital. Le processus d’émancipation des forces de travail des conditions sociales primitives et leur intégration dans le système de salaire capitaliste sont l’un des fondements historiques indispensables au capitalisme ».3 La mobilité a une signification particulière pour le capitalisme. « Le capitalisme crée nécessairement de la mobilité au sein de la population, chose qui n’était pas requise dans les systèmes économiques précédents, et qui aurait été impossible à mettre en œuvre à une grande échelle ».4
Le prolétariat est ainsi obligé de se déplacer sans cesse, toujours à la recherche d’une occasion, d’un endroit pour vendre sa force de travail. Être un salarié implique d’être obligé de se déplacer sur de longues et de courtes distances, et même de se déplacer dans d’autres pays ou continents, partout où un ouvrier peut vendre sa force de travail. Que ce soit sous des formes violentes ou par « simple » coercition économique, le capitalisme, depuis ses débuts, a exploité la force de travail de l’ensemble de la planète, il a été global. En d’autres termes : la classe ouvrière, de par la nature des conditions du capitalisme, est une classe de migrants, et c’est pourquoi les ouvriers n’ont pas de patrie. Toutefois, les distances que doit parcourir un ouvrier migrant dépendent de la situation économique et d’autres facteurs tels que la famine, la répression ou la guerre.
Tout au long du XIXe siècle, dans la phase ascendante du capitalisme, cette migration avait lieu principalement vers les zones d’expansion économique. La migration et l’urbanisation allaient de pair. Dans de nombreuses villes européennes, au cours des années 1840-1880, la population doublait en 30-40 ans ; en quelques décennies et parfois moins, des petites villes concentrées autour de mines de charbon, de fer ou de nouvelles usines se gonflaient en villes énormes
Dans le même temps, alors que le capitalisme est en permanence en proie à des crises économiques, un « surplus » de force de travail grossit la masse de chômeurs à la recherche d’un emploi. Dans la phase ascendante, les crises du capitalisme étaient principalement cycliques. Lorsque l’économie entrait en crise, beaucoup de travailleurs pouvaient émigrer, et, quand une nouvelle phase d’expansion arrivait, l’industrie avait besoin de travailleurs supplémentaires. Des millions d’ouvriers pouvaient émigrer librement, sans restriction majeure (principalement parce que le capitalisme était encore en expansion), particulièrement aux États-Unis. Entre 1820 et 1914, quelque 25,5 millions de personnes en provenance d’Europe ont émigré aux États-Unis ; au total, environ 50 millions ont quitté le continent européen. Mais ces vagues de migrations principalement économiques ont ralenti considérablement avec la Première Guerre mondiale, avec la modification des conditions historiques globales, en particulier lorsque la crise économique (qui jusque-là était conjoncturelle) est devenue durable sinon permanente. De massive et presque sans entraves, la migration a été progressivement filtrée, sélectionnée, de plus en plus difficile, voire illégale. Depuis la Première Guerre mondiale, s’est ouverte une période de contrôles plus stricts aux frontières, pour les migrants économiques.
Pourtant, nous devons distinguer la migration économique et celle pour fait de guerre : chaque réfugié est un migrant, mais chaque migrant n’est pas un réfugié. Un migrant est quelqu’un qui quitte sa région à la recherche d’un travail. Un réfugié est quelqu’un dont la vie est menacée immédiatement et qui se déplace pour trouver un endroit où il sera plus en sécurité.
Les guerres et les pogroms ne sont pas un phénomène nouveau. Toute guerre implique la violence, obligeant les gens à fuir les lieux de combat pour rester en vie. Ainsi, les réfugiés de guerre existent depuis que les guerres existent et les réfugiés de guerre sont apparus bien avant que le capitalisme n’oblige les ouvriers à migrer économiquement. Cependant, la guerre a changé quantitativement et qualitativement avec la Première Guerre mondiale. Jusque-là, le nombre de réfugiés de guerre était relativement faible. Le nombre de victimes de pogroms, tels les pogroms contre les Juifs (en Russie ou ailleurs) était également assez faible. Dans les siècles précédents, le problème des réfugiés était un problème temporaire et limité. Depuis le début du XXe siècle, avec l’avènement de la décadence du capitalisme, à chaque guerre mondiale et, après 1989, avec la multiplication des guerres « locales » et « régionales » sans fin, la question des réfugiés de guerre a pris une autre dimension. Le nombre de réfugiés et de migrants économiques dépend ainsi des conditions historiques, des à-coups de la crise économique et à quel point la guerre se généralise.
Nous prévoyons de publier un certain nombre d’articles sur la question des réfugiés et des migrants, qui vont examiner ces questions sous plusieurs angles. Nous avons déjà publié un article sur la migration et nous avons le projet de revenir sur cette question de manière plus détaillée ultérieurement. Nous commençons cette série avec le développement de la spirale de violence au XXe siècle et ses conséquences qui se traduisent par une fuite en avant dans la guerre, en examinant plus précisément les différentes phases qui vont de la Première à la Seconde Guerre mondiale, et ce que cela a entraîné ; puis, nous examinerons la période qui va de la Guerre Froide à nos jours. Dans un autre article, nous examinerons de plus près la politique de la classe dirigeante et quelles sont les conséquences qui en découlent pour la lutte de la classe ouvrière.
1 Karl Marx, Le Capital, volume I, chapitre XXVI, Le secret de l’accumulation primitive.
2 Marx, Le Capital, volume III, chapitre X.
3 Rosa Luxemburg, L’accumulation du capital, chapitre XXVI.
4 Lénine, Le développement du capitalisme en Russie, La ‘mission’ du capitalisme.
« Une chose est certaine, la guerre mondiale représente un tournant pour le monde (…) à la suite de l'éruption du volcan impérialiste, le rythme de l'évolution a reçu une impulsion si violente qu'à côté des conflits qui vont surgir au sein de la société et à côté des taches qui attendent le prolétariat socialiste dans l'immédiat, toute l'histoire du mouvement ouvrier semble n'avoir été jusqu'ici qu'une époque paradisiaque. » (Rosa Luxemburg Brochure de Junius, 1916)
L'impulsion brutale et violente du capitalisme décadent évoquée par Rosa Luxemburg se vérifie notamment par le sort tragique des populations civiles du XXe siècle soumises à des faits d'une ampleur sans précédent : enfermement dans les camps, déplacements, déportations et liquidations massives. L'effet combiné des guerres, de la crise économique et des conditions de l'oppression dans la décadence capitaliste ont libéré un engrenage irrationnel, une violence aveugle faite de pogromisme, de « nettoyages ethniques » et de militarisation à outrance. Le XXe siècle est bien un des plus barbares de l'histoire !
L'année 1914 et son hystérie chauvine ouvrent une spirale de violences sans précédent. Si, dans les sociétés du passé, les guerres conduisaient à des massacres souvent locaux et à l'oppression, jamais elles ne provoquaient les grands exodes massifs, le parcage des populations et la paranoïa poussant à vouloir à tout prix un contrôle absolu de ces dernières par les États. La guerre moderne est devenue totale. Elle mobilise désormais pendant des années la totalité de la population et la machine économique des pays belligérants, elle réduit à néant des décennies de travail humain, fauche des dizaines de millions de vies, jette dans la famine des centaines de millions d'êtres humains. Ses effets ne sont plus limités aux simples conquêtes, avec leurs cortèges de viols et de pillages, mais aux destructions gigantesques à l’échelle du monde entier. Au déracinement, à l'exode rural provoqués par les rapports sociaux capitalistes, la guerre totale ajoute la mobilisation et la plongée brutale de toute la société civile au service du front ou directement dans les tranchées. Il s'agit d'un véritable saut qualitatif. Les populations, dont une majeure partie de la jeunesse, se retrouvent déplacées de force comme soldats, contraintes de s'affronter dans un bain de sang. Les civils à l'arrière sont saignés à blanc pour l'effort de guerre et les prisonniers des nations ennemies se retrouvent dans les premiers camps. S'il n'existe pas encore durant la Grande Guerre de camps d'extermination, nous pouvons néanmoins déjà parler d'enfermement et de déportations. Tout étranger devient forcément suspect. Au Royaume-Uni, par exemple, des étrangers sont parqués dans le champ de course de Newbury ou sur l'ile de Man. En Allemagne, les prisonniers et les civils sont enfermés dans les camps d’Erfurt, de Munster ou de Darmstadt. En France, 70 camps d'enfermement sont en service de 1914 à 1920 sur le littoral ouest (comme dans la rade de Brest) et dans les départements du sud de l'hexagone. Il s'agissait au départ de bâtiments existants ou de périmètres surveillés et entourés de barbelés. Le transfert d'un camp à l'autre se faisait déjà dans des wagons à bestiaux et toute révolte était matée avec violence. Inutile de préciser que le moindre militant communiste était interné comme le furent par exemple des femmes « compromises avec l'ennemi » et autres « indésirables ». Un camp comme celui de Pontmain permettait d'enfermer des Turcs, des austro-hongrois ou des Allemands (les plus nombreux). Il s’agit d’une préfiguration de l'univers concentrationnaire qui allait se mettre en place dans les années 1930 et atteindre les sommets de la Deuxième Guerre mondiale. Alors qu'étaient encouragés les préjugés xénophobes, les indigènes des contrées lointaines étaient en même temps chassés vers l'Europe par les recruteurs, enrôlés de force et utilisés pour se faire trouer la peau. À partir de 1917-18, sous les ordres de Clemenceau en France, 190 000 Maghrébins seront envoyés au front. 170 000 hommes de l'Afrique de l'Ouest, les célèbres « tirailleurs sénégalais », seront la plupart du temps mobilisés de force. Des Chinois étaient aussi mobilisés par la France et des Britanniques. L'Angleterre enverra au casse-pipe Africains et Hindous (1,5 millions pour le seul sous-continent indien). Les belligérants, comme le montrent également les « divisions sauvages » du Caucase de l'armée russe, fabriqueront de la chair à canon spécialisée, avec tous ces « métèques », pour les entreprises militaires les plus périlleuses. En dehors des soldats déplacés, plus de 12 millions d'Européens seront amenés à fuir la guerre, à devenir des « réfugiés ».
Ce fut le cas des populations arméniennes qui subirent une des tragédies les plus marquantes de la guerre, considérée comme le premier véritable génocide du XXe siècle. Au cours du XIXe siècle déjà, la volonté d'émancipation des Arméniens (comme celles des Grecs) allait devenir un des principaux motifs de persécution de la part des Ottomans. Un mouvement politique, celui dit des « jeunes Turcs », s'accommodant d'un puissant nationalisme et de l'idéologie panturque, allait préparer cette terrible catastrophe. Devenu des boucs-émissaires tout désignés durant la guerre, notamment au moment de la défaite contre les Russes, les Arméniens furent la proie d'un massacre préalablement planifié et programmé d’avril 1915 à l'automne 1916. Après avoir arrêté les intellectuels dans un premier temps, le reste de la population arménienne fut systématiquement déporté et décimé en masse par l’États turc. Les femmes et les enfants étaient transportés par bateaux et noyés au large des côtes ou vendus comme esclaves. Le chemin de fer et la ligne vers Bagdad allaient servir à la déportation massive vers le désert ou les camps, dont certains allaient déjà être utilisés à des fin d'extermination. Bon nombre d'Arméniens finissaient par mourir de soif dans le désert de Mésopotamie. Ceux qui purent réchapper au massacre devenaient des réfugiés misérables, comprenant des milliers d'orphelins. Ils allaient constituer une véritable diaspora (un bon nombre se sont par exemple tournés vers les États-Unis où il existe aujourd'hui encore une communauté significative). Tout cela, bien entendu, fut très rapidement oublié par les « grandes démocraties ». Il y eut pourtant plus d'un million d'Arméniens tués !
L'effondrement des derniers grands empires, durant cette guerre terrible, allait générer une multitude de tensions nationalistes aux conséquences également désastreuses pour de nombreuses autres minorités. La formation des États-nations qui s'est achevée avant la Première Guerre mondiale s'accompagna ensuite d'une fragmentation des vieux empires moribonds. Ce fut notamment le cas pour les Empires austro-hongrois et ottoman aux populations bigarrées et réparties comme des mosaïques, entourées de vautours affamés comme l'étaient les puissances impérialistes européennes. En luttant pour leur propre survie, ces empires en ruines, dans un ultime sursaut, se sont mis à fortifier leurs frontières, à déployer des alliances militaires désespérées et à procéder à des échanges de populations, des tentatives d'assimilations forcées générant des divisions accrues et des « nettoyages ethniques ». Le conflit gréco-turc, souvent présenté comme la conséquence d'une réaction « spontanée » des foules turques, fut parfaitement orchestré par le nouvel État naissant et son dirigeant moderne Mustapha Kemal Atatürk. Il allait fonder une nation turque et mener une guerre longue et meurtrière contre les Grecs. Durant ce conflit, les Grecs s'étaient livrés à de véritables pillages, des groupes de civils allant même en bandes jusqu'à incendier les villages turcs et commettre toutes sortes d'atrocités contre leurs habitants. De leur côté, de 1920 à 1923, les forces turques commettaient également toutes sortes d'exactions et de massacres d'une grande cruauté contre les Grecs et contre les Arméniens. Dès le début, on assistait à des transferts de populations, de Grecs de Turquie et vice-versa (1 300 000 Grecs de Turquie contre 385 000 Turcs de Grèce). En 1923, le traité de Lausanne entérinait ces pratiques violentes par tout un ensemble de procédures administratives. Des milliers de Grecs et de Turcs étaient donc expulsés par cet échange officiel et bon nombre d’entre eux sont morts en plein exode.
Plus généralement, dans ces conditions, de tels déplacements et une concentration de populations affaiblies et affamées sur tout le continent, il n'est pas étonnant que des foyers d’infections pathogènes se soient multipliés. L'Europe centrale et orientale fut rapidement touchée par le typhus. Plus spectaculairement, le monde allait être foudroyé par la « grippe espagnole » qui, en se propageant rapidement du fait de la promiscuité occasionnée par la guerre, a fait de 40 à 50 millions de morts. Le pire souvenir avait été auparavant le choléra du XIXe siècle. Il fallait remonter au Moyen-Âge, avec la grande peste d'Occident, pour retrouver des épidémies de si grande ampleur (30% de la population avait été décimée).
Cette réalité barbare n'avait pu voir le jour que parce que la classe ouvrière avait été embrigadée dans le nationalisme et saoulée par le patriotisme. Et c'est face à ces conditions atroces que le prolétariat avait relevé la tête, avait prouvé par sa force que lui seul pouvait mettre fin au carnage en enrayant la machine de guerre. C'est suite aux mutineries de 1917 et à la vague révolutionnaire qui allait débuter en Russie, aux soulèvements ouvriers en Allemagne (révoltes des marins de Kiel en 1918 et soulèvements dans les grandes villes, comme à Berlin) que les principaux belligérants furent contraints de signer l'armistice. Il fallait donc mettre fin au conflit face à la menace d'une révolution mondiale imminente.
La classe dominante n'avait plus qu'une obsession face aux désertions, à la démobilisation et surtout au risque d'embrasement social : écraser les foyers de la révolution communiste. Pour écraser le prolétariat, une nouvelle vague de violence allait partout se déchaîner. Une haine puissante allait pousser la réaction à encercler la Russie bolcheviste avec les troupes de l'Entente. La terrible guerre civile des « armées blanches » était lancée. Les armées des États capitalistes d'Europe, des États-Unis et du Japon à travers leur guerre contre la classe ouvrière en Russie, tout cela faisait de nombreuses victimes. Un véritable blocus allait provoquer une grande famine en Russie même. Le prolétariat était devenu l'ennemi commun de toutes les puissances capitalistes. Devant la menace prolétarienne, il fallait « coopérer ». Mais contrairement à celle des pays vainqueurs, la bourgeoisie et surtout la petite-bourgeoisie des pays vaincus, comme en Allemagne, allaient développer un sentiment profond, celui d'avoir reçu un « coup de poignard dans le dos », d'avoir été « humiliés » par « l'ennemi de l'intérieur ». Les conditions drastiques du traité de Versailles allaient précipiter la recherche de boucs-émissaires conduisant au développement de l'antisémitisme et au déclenchement d’une véritable chasse à l'homme contre les communistes, eux aussi rendus responsables de tous les maux (comme la chasse ouverte aux Spartakistes). Le point culminant fut celui de la Commune de Berlin en 1919 et sa succession de massacres d'une extrême sauvagerie : « Ainsi couverts, les bouchers se mirent à l'œuvre. Alors que des pâtés de maisons entiers s'effondraient sous le feu de l'artillerie et des mortiers, enterrant des familles entières sous les décombres, d'autres prolétaires tombaient devant leurs habitations, dans les cours d'école, dans les écuries, fusillés, assommés à coups de crosse, transpercés par les baïonnettes, le plus souvent dénoncés par d'anonymes délateurs. Mis dos au mur, seuls, en couples, en groupes de trois et plus ; ou achevés d'un coup de revolver dans la nuque, en pleine nuit, sur les rives de la Spree. Pendant des semaines, le fleuve rejeta des cadavres sur les rives. »1
Les défaites ouvrières successives étaient ponctuées par l'assassinat des grandes figures du mouvement ouvrier dont les plus célèbres étaient Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Dans les années 1920, la répression féroce contre toute forme d'opposition se déploya d'autant plus facilement que la contre-révolution stalinienne, par les expulsions et le meurtre, la création de ses camps de travail et d'internement, les goulags, fera la chasse aux révolutionnaires et emprisonnera de plus en plus systématiquement les groupes et les ouvriers suspectés de « menées séditieuses ».
Dans le cadre de la décadence capitaliste et celui du contexte de cette contre-révolution, la haine du communisme et l'assimilation au Juif apatride allaient alors contribuer à un changement qualitatif des pogroms antisémites. Au XIXe siècle, il y avait déjà eu toute une série de pogroms contre les Juifs, en Russie notamment, suite à l'annexion de la Pologne. Des flambées de violences étaient par exemple récurrentes à Odessa contre les Juifs dans toute la première moitié du XIXe siècle. Entre 1881 et 1884, de violents pogroms aboutissaient à des massacres. Les populations locales étaient incitées et encouragées par les autorités à se livrer aux pillages, viols et assassinats. En 1903, une terrible vague de pogroms frappait la ville de Kichinev, les Juifs étant accusés de façon complétement irrationnelle et obscurantiste de « pratiquer des crimes rituels ». De 1879 à 1914, près de 2 millions de Juifs sont devenus des réfugiés. Au début des années 1920, une nouvelle vague de pogroms allait toucher l'Europe. Durant la guerre civile en Russie, des dizaines de milliers de Juifs étaient massacrés par les « armées blanches », en Ukraine et en Biélorussie, notamment, en particulier celle des troupes de Denikine.2 Durant cette période, les pogroms dans l’ex-empire Russe auraient fait entre 60 000 et 150 000 morts.3
La défaite du prolétariat en Allemagne allait générer des tensions croissantes envers les Juifs, comme un peu partout en Europe, poussant aux premiers exodes. Le programme du NSDAP (le parti nazi) datant du 24 février 1920 pouvait se permettre ainsi de souligner que « pour être citoyen, il faut être de sang allemand, la confession importe peu. Aucun Juif ne peut donc être citoyen ».
Avec la préparation et l'entrée dans la guerre, une nouvelle ère s'était ouverte : celle du capitalisme en déclin et sa tendance universelle au capitalisme d'État. Désormais, chaque État était amené à exercer un contrôle bureaucratique sur l'ensemble de la vie sociale. Au fur et à mesure, les durcissements aux frontières, les contrôles et les exactions contre les populations exilées et les réfugiés se multipliaient au nom des intérêts militaires ou de la sécurité des États. Contrairement à la période qui a précédé la Première Guerre mondiale, les migrations font désormais l'objet de restrictions. C'est à ce moment que se mettent en place les principaux outils administratifs anti-migrants. Les déplacements de populations pendant la guerre ont conduit les États à établir un véritable contrôle policier des identités et à systématiquement suspecter et ficher les étrangers. En France, par exemple : « la création d'une carte d'identité est en 1917 un véritable bouleversement des habitudes administratives et policières. Nos mentalités aujourd'hui ont intégré cet estampillage individuel dont les origines policières ne sont plus perçues comme telles. Il n'est pourtant pas neutre que l'institution de la carte d'identité ait d'abord concerné les étrangers, dans un but de surveillance, et ce en plein état de guerre ».4 D'emblée, les armées ont perçu les déplacements des civils (spontanés ou provoqués) comme une réelle menace, un « encombrement » pour l'activité des troupes et la logistique militaire. Les États ont dès le départ cherché à donner des ordres d'évacuation, instrumentalisant parfois le sort des civils ou réfugiés pour s'en servir d'arme de guerre, comme ce fut le cas lors du conflit gréco-turc. La « solution » qui tendait à se développer et à s'imposer de plus en plus était celle de la multiplication des camps d'enfermement, comme nous l'avons vu plus haut. Lorsque les réfugiés ont dû fuir les zones de combats (comme ce fut le cas des Belges en 1914 face à « l'envahisseur ») bien qu'ils aient pu bénéficier de la solidarité et du travail des associations, bon nombre de civils étaient directement sous la coupe des autorités et terminaient leur pénible exode dans des camps. Les prisonniers étaient répartis par nationalité ou « dangerosité » dans une grande promiscuité. Ce sont les décisions des États défendant leurs sordides intérêts capitalistes, les plus « démocratiques » en tête, qui furent les véritables bourreaux des populations civiles transformées en otages.
Au lendemain de la guerre, après la défaite idéologique et physique du prolétariat, un nouveau pas dans la vengeance allait ouvrir une période préparant un nouveau conflit encore plus barbare et meurtrier. Dans un champ de ruines, les États en Europe étaient dans une situation difficile du fait d'une importante destruction de leur force de travail. Des accords allaient donc permettre de favoriser l'émigration économique. Dans les années 1920, la France a par exemple recruté des immigrés italiens, polonais et tchécoslovaques, prélude à de nouvelles campagnes xénophobes du fait de la crise économique et de la terrible dépression qui allait suivre, juste avant le cours ouvert à une nouvelle guerre mondiale.
WH (28 juin 2015)
L'ouverture d'un deuxième holocauste mondial allait porter la barbarie à des sommets inouïs pour les populations civiles et les réfugiés. Dans une deuxième partie, nous aborderons cette tragédie.
1 Fröhlich , Lindau, Schreiner, Walcher, Révolution et contre-révolution en Allemagne 1918-1920, Ed. Science marxiste.
2 Suite à ces pogroms, notre camarade MC, par exemple, avait dû s'exiler avec une partie de sa famille pour se réfugier en Palestine (voir Revue internationale n°65 et n°66. 2e et 3e trimestre 1991).
3 Selon Le livre des pogroms, antichambre d'un génocide, sous la direction de Lidia Miliakova.
4 P.J Deschodt et F. Huguenin, La République xénophobe, Ed. JC Lattès)
Dans la lutte pour former un Parti communiste en Grande-Bretagne au cours de la vague révolutionnaire de 1917-23, l’aile gauche, dirigée par le petit groupe autour de Sylvia Pankhurst et du Workers’ Dreadnought1, était la plus clair sur le danger que représentait le Parti travailliste pour la révolution ouvrière.
Après quelques hésitations initiales en 1914, le Parti travailliste rejoignit les rangs des « social-chauvins » et devint le partisan de l'impérialisme britannique dans le massacre. Cet extrait d'un article2 écrit par Sylvia Pankhurst en 1920 qualifie toujours le Parti travailliste de « réformiste » plutôt que de parti capitaliste, mais il dénonce très clairement son rôle contre-révolutionnaire dans l'État capitaliste.
En opposition au programme social-patriotique du Parti travailliste, le Workers’ Dreadnought défendit le nécessaire renversement du capitalisme et la dictature de la classe ouvrière à travers les soviets comme une étape vers l'abolition du salariat et l’avènement du communisme.
« Les partis réformistes sociaux-patriotes, comme le Parti travailliste britannique, ont partout aidé les capitalistes à maintenir le système capitaliste, pour l'empêcher de se briser sous le choc de la Grande Guerre qu’il a causé et l'influence croissante de la Révolution russe. Les partis sociaux-patriotiques bourgeois, qu’ils appellent eux-mêmes travaillistes ou socialistes, travaillent partout contre la révolution communiste, et ils sont plus dangereux pour elle que les capitalistes agressifs parce que les réformes qu'ils cherchent à introduire peuvent maintenir le régime capitaliste pendant un certain temps. Lorsque les réformistes sociaux-patriotiques arrivent au pouvoir, ils se battent contre la révolution ouvrière avec une détermination aussi forte que celle affichée par les capitalistes, et même plus efficacement car ils comprennent les méthodes, les tactiques et certains idéaux de la classe ouvrière.
Le Parti travailliste britannique, comme les organisations social-patriotiques d'autres pays, parviendra, avec le développement naturel de la société, inévitablement au pouvoir. Il est nécessaire que les communistes bâtissent les forces qui renverseront les sociaux-patriotes, et dans ce pays nous ne devons ni retarder ni avoir la moindre hésitation face à cette tâche.
Nous ne devons pas dissiper notre énergie en permettant au Parti travailliste de se renforcer ; sa montée en puissance est inévitable. Nous devons nous concentrer sur la construction d’un mouvement communiste qui le vaincra.
Le Parti travailliste formera bientôt un gouvernement ; l'opposition révolutionnaire doit se préparer à l'attaquer. »
Extrait de : Vers un Parti communiste, Workers' Dreadnought, le 21 février 1920.
1 Le Workers' Dreadnought était un journal fondé par le courant de Sylvia Pankhurst et publié entre 1914 et 1924.
2 Traduit par nous de l’anglais.
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/RI366_supplement2.htm
[2] https://fr.internationalism.org/french/rint/107_decomposition.htm
[3] https://fr.internationalism.org/rinte64/decompo.htm
[4] https://fr.internationalism.org/tag/5/36/france
[5] https://fr.internationalism.org/tag/7/287/terrorisme
[6] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-sociale-belgique
[7] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote1sym
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[12] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote5sym
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[44] https://fr.internationalism.org/rinte65/marc.htm
[45] https://fr.internationalism.org/rinte66/marc.htm
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[58] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote12anc
[59] https://fr.internationalism.org/rinte58/gh.htm
[60] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote13anc
[61] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote14anc
[62] https://www.leftcommunism.org/spip.php?article368
[63] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote15anc
[64] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote16anc
[65] https://www.memri.org/
[66] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote17anc
[67] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote18anc
[68] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote19anc
[69] https://fr.internationalism.org/ri330/ficci.html
[70] https://fr.internationalism.org/node/2245
[71] https://fr.internationalism.org/node/1885
[72] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote20anc
[73] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201405/9086/communique-a-nos-lecteurs-cci-attaque-nouvelle-officine-l-etat
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[77] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote23anc
[78] https://fr.internationalism.org/node/715
[79] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin#sdfootnote24anc
[80] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/defense-lorganisation
[81] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/resolutions-congres
[82] https://fr.internationalism.org/files/fr/oct-1905.jpg
[83] https://fr.internationalism.org/rint/120/revolution_russie_1905.htm
[84] https://fr.internationalism.org/revue-internationale/200501/167/revue-internationale-no-120-1er-trimestre-2005
[85] https://fr.internationalism.org/rint/122_1905
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[89] https://fr.internationalism.org/rint125/1905_iii
[90] https://fr.internationalism.org/rint125
[91] https://fr.internationalism.org/files/fr/militarisme.jpg
[92] https://fr.internationalism.org/rint33/Internationalisme_chef_genial.htm
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[94] https://fr.internationalism.org/book/export/html/2192
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[100] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/lanarchisme-internationaliste
[101] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/anarchisme-officiel
[102] https://fr.internationalism.org/tag/5/60/russie-caucase-asie-centrale
[103] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/prises-position-du-cci
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[106] https://palebluejadal.tumblr.com/
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[108] https://es.internationalism.org/content/4061/cultura-de-la-teoria-y-cultura-de-debate-necesidades-para-la-lucha-contra-el
[109] https://es.internationalism.org/node/3103
[110] https://fr.internationalism.org/rinte25/aristocratie.htm
[111] https://fr.internationalism.org/files/fr/loidumarche.jpg
[112] https://fr.internationalism.org/icconline/201505/9210/defense-du-debat-proletarien-notre-reponse-face-aux-menaces
[113] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/france
[114] https://fr.internationalism.org/tag/7/458/sommet-du-climat
[115] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/decomposition
[116] https://fr.internationalism.org/files/fr/rovelli.jpg
[117] https://fr.internationalism.org/ri422/la_pensee_scientifique_dans_l_hstoire_humaine_a_propos_du_livre_anaximandre_de_milet.html
[118] https://fr.internationalism.org/book/export/html/2593
[119] https://fr.internationalism.org/tag/30/395/carlo-rovelli
[120] https://fr.internationalism.org/tag/5/37/grande-bretagne
[121] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/immigration
[122] https://fr.internationalism.org/tag/7/466/refugies
[123] https://fr.internationalism.org/tag/30/467/sylvia-pankhurst