La bourgeoisie de tous les pays les plus développés, chacune pour la défense de leurs propres intérêts impérialistes, y compris aux Etats-Unis a salué la sortie du plan Baker sur la politique extérieure américaine, élaboré par un groupe d’étude comprenant de hauts responsables politiques américains : conservateurs et démocrates. Après l’échec cuisant du président Bush et de son administration aux dernières élections américaines pour renouveler les chambres des représentants, provoqué essentiellement par l’échec total de la politique impérialiste des Etats-Unis en Afghanistan et plus encore en Irak, la bourgeoisie américaine se devait de tenter de réagir. L’enlisement toujours plus grand de son armée en Irak, l’absence totale de perspectives, et un chaos s’agrandissant sans cesse ne sont que des manifestations de l'affaiblissement accéléré de la première puissance impérialiste. Dans une impasse totale, la bourgeoisie américaine travaillait très officiellement depuis plusieurs mois à une nouvelle orientation qui se voulait plus crédible et mieux adaptée à la défense de ses intérêts impérialistes. Telle est la raison de la constitution de la commission d’enquête sur l’Irak, qui vient, sous les feux des projecteurs et des médias, de publier son rapport.
Ce plan aborde toute la politique impérialiste des Etats-Unis. Il part d’un constat, visible par tous, de l’absence totale de possibilités de réussite de la politique de guerre américaine en Irak. Mais bien plus encore, il souligne la montée en puissance de la résistance de la politique anti-américaine et anti-israélienne, partout, au Proche et au Moyen-Orient. Ce rapport semble ainsi prendre le contre-pied de la politique suivie depuis plusieurs années par les Etats-Unis dans toute cette partie du monde. Il préconise un retrait progressif des troupes américaines d’Irak et le renforcement massif de l’armée irakienne qui devrait passer sous la direction du premier ministre Nouri Kamal Al-Maliki. Alors que les attentats se succèdent tous les jours de manière de plus en plus meurtrière, avec un gouvernement totalement impuissant et une armée américaine retranchée dans des camps fortifiés, une telle proposition apparaît immédiatement pour ce qu’elle est : irréaliste, inapplicable et en dehors de toute réalité. Ceci est à ce point la vérité que le plan Baker se garde bien de préciser la date butoir d’un retrait des troupes américaines d’Irak. Tel est également le cas de toutes les autres propositions avancées par ce rapport. Ce qui frappe également à la lecture du rapport, ce sont les propositions de renouer un dialogue officiel avec la Syrie et l’Iran. Le rapport précise même : « L’Iran doit recevoir des propositions incitatives, telle que le rétablissement des relations avec les Etas-Unis, et dissuasives pour stopper le flots d’armes à destination des milices irakiennes. Le pays doit être intégré au Groupe d’étude sur l’Irak. » (Courrier International du 14 décembre 2006) Cette proposition du rapport est tellement irréaliste qu’elle montre clairement l’impasse totale des Etats-Unis en Irak, et pire encore, leur incapacité croissante à limiter la montée des exigences syriennes et iraniennes. L’impossibilité pour l’armée américaine de résoudre la situation en Irak pousse même la bourgeoisie américaine à envisager d’associer l’Iran dans une tentative de maîtriser le chaos irakien. Cette alternative politique ne pourrait se traduire que par des exigences accrues de l’Iran, en matière de développement de son arme nucléaire, mais également sur le terrain, dans l’ensemble du Proche et du Moyen-Orient. Autant d’exigences et de pas en avant de l’impérialisme iranien que ni Israël, ni les Etats-Unis eux mêmes, ne seraient en mesure de supporter. Il est fort possible que, dans les mois à venir, la tonalité des discours américains en matière de politique internationale soient plus mesurés et fassent plus appel à une « collaboration internationale », dans ce que la bourgeoisie appelle sa lutte contre le terrorisme international. Au cas fort improbable où celle-ci passerait, un chaos tout aussi important se développerait dans tout le Proche et Moyen-Orient. Le ton est d’ailleurs donné par la déclaration du roi d’Arabie Saoudite Abdallah au vice président américain Dick Cheney, en visite il y a quelques semaines à Riyad : « L’Arabie Saoudite a fait savoir à l’administration Bush qu’en cas de retrait des troupes américaines le royaume pourrait apporter un soutien financier aux Sunnites en Irak dans n’importe quel conflit qui les opposerait aux Chiites. » (Courrier International du 13 décembre 2006) En Irak, les Etats-unis sont totalement coincés. Aucune des options envisagées sur le plan militaire n’est satisfaisante pour l’impérialisme américain. La montée en puissance de la contestation de la suprématie américaine non seulement par l’Iran, mais également par des puissances impérialistes telles que la France, l’Allemagne ou encore la Russie, ne peut pousser dans l’avenir les Etats-Unis, par delà l’évolution de leur politique en Irak, que dans une fuite en avant guerrière, toujours plus meurtrière et barbare. De la part de ce capitalisme en pleine décomposition, les actes militaires les plus destructeurs et les plus irrationnels, sont encore et plus que jamais devant nous.
Rossi
L'année 2006 est venue confirmer l'existence d'une remontée significative de la combativité de la classe ouvrière et de ses luttes à l'échelle internationale. Il faut dire que partout dans le monde, ses conditions de vie se dégradent et que les attaques pleuvent. Tous les Etats, avec à leur tête des gouvernements de gauche comme de droite, que ce soit en Grande-Bretagne, en Chine, en Allemagne, au Brésil, en Argentine ou ailleurs, mènent une politique anti-ouvrière féroce. La faillite historique dans laquelle se trouve le capitalisme pousse la classe dominante de tous les pays à baisser le coût de la main d'œuvre, en diminuant les salaires réels et en augmentant les charges de travail. C’est un pur mensonge que de dire que les ouvriers anglais - dont 17 % vivent en dessous du seuil de pauvreté - espagnols, chinois ou américains peuvent espérer voir leur situation s’améliorer. La réalité, c'est bien que, sous le capitalisme, la misère s’aggrave et va continuer de s'aggraver partout pour la classe ouvrière. Il en est de même en France où tous les prolétaires sont touchés par des attaques incessantes : les actifs, les chômeurs, les retraités. L'accroissement de la précarité, les plans de licenciements, les suppressions de postes, le blocage des salaires, la chute de mois en mois plus dramatique du pouvoir d'achat, l'abandon des couvertures sociales, la détérioration accélérée des conditions de travail dans tous les secteurs, dans le public comme dans le privé, poussent partout les prolétaires à se mobiliser contre ces attaques. Ils n'ont pas d'autre choix.
Récemment encore au Brésil, la grève des employés de banques en a fourni une claire illustration (voir RI n°373 [2], novembre 2006). De façon plus significative encore, une lutte comme celle qui s'est produite au mois de mai à Vigo, en Espagne, autour des métallurgistes et suivie en solidarité par les ouvriers des chantiers navals, a su pendant quelques jours rompre l'enfermement syndical et corporatiste par l'organisation d'assemblées générales en-dehors des usines et ouvertes à la population de la ville (voir Internationalisme n°326 [3], juin 2006). Après des années sombres, sans réaction, la classe ouvrière est en train de retrouver progressivement le chemin de sa lutte et de reprendre en main l'organisation de ce combat.
Evidemment, la bourgeoisie a parfaitement conscience de cette dynamique. Partout, dans tous les pays, elle tente de l'endiguer en dévoyant la réflexion, en sabotant les luttes, et parfois même en les réprimant, comme à Oaxaca, au Mexique (voir RI n°374 [4]).
En France, la classe dominante déploie une énergie considérable pour endiguer toute éventuelle riposte du prolétariat. Sur le terrain de la lutte, ce sont les syndicats qui sont chargés de ce sale boulot. Encadrer et saboter les grèves ouvrières, voilà quelle est toujours et partout la fonction des syndicats. Depuis trois mois, ceux-ci égrènent un chapelet de journées d'action épuisantes, démoralisantes, tantôt à la SNCF, tantôt dans les transports publics de telle ou telle ville, tantôt chez les pompiers civils, tantôt chez les fonctionnaires, noyant, saucissonnant et isolant systématiquement chaque lutte avec des revendications spécifiques par centre, par secteur, par corporation, par catégorie. Ainsi, dans l'Education nationale, le grève du 18 décembre ne fut proposée qu'au seul corps enseignant, excluant d’emblée les personnels administratifs et de service, ainsi que (comme de bien entendu) tout le reste des travailleurs.
Mais la bourgeoisie ne se contente pas de diviser les ouvriers grâce à ses chiens de garde syndicaux. En permanence, elle leur bourre le crâne de sa propagande, martelant encore et toujours le même message : "Votez, votez et revotez !". Ainsi, après avoir confisqué aux ouvriers l'organisation de leur lutte, elle fait tout pour les empêcher de réfléchir par eux-mêmes. Depuis plus de six mois, il n'est question dans les médias que des échéances électorales d’avril 2007. Toute la bourgeoisie s'efforce de faire gober à travers cet intense matraquage idéologique, contre toute évidence, que le sort de la classe ouvrière dépendrait du "choix" de tel ou tel candidat. Un battage monstre est organisé partout pour pousser les nouvelles générations de prolétaires à aller s'inscrire sur les listes électorales ; les rappeurs, les chanteurs, les sportifs et artistes en tous genres font du racolage tous azimuts envers les "jeunes". Ils nous chantent sur tous les tons "si tu veux que ça change, mon pote, utilise ton bulletin de vote" (voir notre article dans ce même numéro).
Mais ce barouf n'a rien d'étonnant. Si la bourgeoisie française déploie autant d'effort à saboter les luttes au risque de décrédibiliser ses syndicats, à pourrir la réflexion en usant jusqu'à la corde la mystification électorale, c'est parce que c'est justement en France que s'est produite la lutte la plus importante pour le prolétariat, non seulement pour 2006, mais de ces vingt dernières années : le mouvement anti-CPE.
Toute la bourgeoisie est aujourd'hui liguée pour tenter d'effacer des mémoires qu'au printemps dernier, un mouvement social dont les méthodes de lutte et d'organisation s'inspiraient du meilleure de la tradition ouvrière a été capable de faire reculer les attaques gouvernementales non seulement en France, mais aussi en Allemagne où l'Etat a été obligé de freiner la mise en œuvre du frère jumeau du CPE par peur de voir le mouvement de lutte s’étendre.
Les luttes de 2006 constituent une expression de la maturation et du développement de la lutte de classe à l'échelle internationale. Alors que les conditions de vie et de travail des ouvriers partout dans le monde ne cessent de se dégrader, alors que l’avenir que nous offre le système capitaliste est chaque jour plus sombre, alors que la barbarie s’étend sur une partie toujours plus grande de la planète, la classe ouvrière et en particulier ses nouvelles générations ont mené des luttes qui montrent le chemin et indiquent comment développer le combat de classe contre le capitalisme ! Voilà pourquoi la bourgeoisie déploie une telle débauche d'énergie pour tenter de les faire oublier.
W (16 décembre)
En 2005, la commémoration des cent ans de la SFIO a pu servir à rappeler l'attachement des socialistes français à la social-démocratie. Avec le grand cirque des primaires au PS en 2006, le terme "social-démocratie" a été là encore remis au goût du jour au gré des candidats à la candidature, lui collant tour à tour les épithètes de "moderne" ou de "social". Quoi qu'il en soit, le PS ne rate pas une occasion de rappeler "son" vieil héritage. Pour la bourgeoisie, l'opportunité est trop belle pour ne pas revendiquer "l’appartenance" de sa "gauche gouvernementale" à un mouvement né dans le 19e siècle au sein même de la classe ouvrière. Cette prétendue continuité historique qui irait de Bebel à Royal en passant par Jaurès, Blum et Mitterrand aurait de quoi séduire… encore aurait-il fallu que nous soyons frappés d'un Alzheimer foudroyant.
En effet, s'il y a un rapport évident et historique entre la social-démocratie et le mouvement ouvrier, ce rapport a volé en éclats il y a près d'un siècle, dans une rupture définitive en forme d’aller sans retour, au cours de la Première Guerre mondiale. Et depuis, le curriculum vitae de la social-démocratie n’a cessé de se remplir de nouveaux faits d'armes, aussi bien dans les périodes de responsabilité gouvernementale que lorsqu’elle était dans l'opposition, faisant ainsi la preuve de son attachement viscéral au camp anti-ouvrier.
La social-démocratie voit le jour en Allemagne avec la fondation en 1875 du SPD (Sozialistische Partei Deutschlands), issu de la fusion entre les partisans de Karl Marx et de Ferdinand Lassalle. Très rapidement, ce premier parti de masse de l'histoire va constituer le phare théorique et politique du mouvement ouvrier, même après la fondation de l'Internationale Socialiste, deuxième Internationale, en 1889. Cependant, la gangrène opportuniste fera très tôt son funeste travail et les dissensions entre révolutionnaires et réformistes trouveront une première réponse au congrès d'Erfurt en 1899, où le courant réformiste emmené par Bernstein sera battu par la majorité représentée par Bebel. Beaucoup de sociaux-démocrates de nos jours considèrent le congrès d'Erfurt comme le moment fondateur de la social-démocratie moderne. L'Histoire, quant à elle, ne tardera pas à trancher le différend de manière radicale, en plaçant le SPD devant le choix entre d'une part l'internationalisme prolétarien qu'il défendait encore un an avant le conflit, et le soutien à l’effort national en vue de la préparation à la guerre. Si le combat fut rude, il aboutira à la trahison de l'internationalisme par le vote de la majorité du SPD en faveur des crédits de guerre au parlement le 4 août 1914. En France, la SFIO se rallie aussi au même moment à la politique de défense nationale, alors qu'à la mi-juillet de la même année, elle votait une motion quasi-unanime en faveur d'une réponse de classe à la guerre qui se préparait.
Laissant peu de répit à ses nouvelles recrues, la bourgeoisie ne tarde pas à placer des sociaux-démocrates dans les gouvernements, histoire de parfaire la trahison et de renforcer le profond désarroi que provoquent ces brutales volte-faces des principaux partis européens. Plusieurs dirigeants social-démocrates accèdent à des maroquins ministériels, et pas n'importe lesquels : en Allemagne, Gustav Noske, futur boucher de la révolution allemande en 1919, est nommé... ministre de la guerre ; en France, Jules Guesde est nommé ministre d'Etat dès le 27 août, Marcel Sembat devient ministre des travaux publics et Albert Thomas, après avoir organisé la production de guerre pour le gouvernement, devient en 1916... ministre de l'armement !
Ainsi, la social-démocratie n'aura pas mis longtemps à mettre sur le terrain les principes ayant présidé à sa trahison en livrant le prolétariat à la première boucherie impérialiste.
Parallèlement à la guerre qui tire à sa fin, la bourgeoisie internationale doit gérer la première vague révolutionnaire mondiale dont un poste avancé campe en Allemagne. Et là, face au soulèvement ouvrier, c'est un social-démocrate, Friedrich Ebert, qui est promu à la présidence de la République, afin d’organiser la répression sanglante de la révolution allemande et d'ordonner l'assassinat des révolutionnaires Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, tâche abjecte dont se chargeront les corps francs, avec une barbarie qui démontre toute leur haine pour le prolétariat révolutionnaire.
Sitôt la classe ouvrière vaincue, la bourgeoisie ne tardera pas à se confronter, dans les années 1930, à une crise économique telle que la perspective d'un second conflit impérialiste généralisé devient inévitable. En Allemagne, le délitement économique et social phénoménal et la situation d'écrasement physique et idéologique du prolétariat permet la mise en place d'une solution dictatoriale. Mais en France par exemple, c'est de nouveau la social-démocratie qui est mise à contribution pour préparer le terrain d’une prochaine guerre mondiale.
En mai 1936, le Front Populaire fondé moins d'un an plus tôt emporte les législatives et conduit Léon Blum à la Présidence du Conseil. Composé majoritairement des radicaux de gauche et de la SFIO, avec le plein soutien significatif des staliniens du PCF, il va construire sa politique autour de l'anti-fascisme et, partant de là, de la préparation à la guerre. C'est par un enfermement progressif de la classe ouvrière dans l'idéologie démocratique et nationaliste que le Front Populaire va s'illustrer en premier lieu, en agitant devant les ouvriers en grève le "danger fasciste" qui n'attend qu'un "affaiblissement de la nation française" pour "déferler sur le pays".
La classe dominante cherche à enrôler le prolétariat dans la guerre, et d'ores et déjà, à le soumettre aux conditions intensives de travail nécessitées par la préparation de cette guerre. Et finalement, ces mesures ne s'éloigneront que par leur vernis idéologique des mesures économiques mises en oeuvre dans les années 1930 par l'URSS stalinienne ou l'Allemagne nazie. Cette similitude n'est pas un hasard ni un accident : c'est la manifestation flagrante que toute la bourgeoisie, confrontée à une crise généralisée de son système, s'engage dans la seule voie possible pour elle, la guerre.
On pourrait toujours rétorquer que les augmentations de salaires, les congés payés et autres "avantages" acquis sous la pression des grèves de 1936 ont contribué dans la durée à améliorer les conditions de vie de la classe ouvrière. A cela, nous ne pourrons pas mieux dire que Léon Blum lui-même pour apporter un démenti définitif. Lors du procès de Riom, fantaisie vichyste destinée à faire porter la responsabilité du gouvernement social-démocrate dans la défaite de 1940, "l'homme de 36" défend sa politique avec ferveur en rappelant comment les mesures sociales ont servi à masquer, accompagner et rendre possible l'intensification du travail nécessitée par le développement de l'économie de guerre : "Ne croyez-vous pas que cette condition morale et physique de l’ouvrier, toute notre législation sociale était de nature à l’améliorer : la journée plus courte, les loisirs, les congés payés, le sentiment d’une dignité, d’une égalité conquise, tout cela était, devait être, un des éléments qui peuvent porter au maximum le rendement horaire tiré de la machine par l'ouvrier".
Les deux premières expériences de la social-démocratie au pouvoir offrent un bilan sans appel : écrasement du prolétariat révolutionnaire dans le sang, et enrôlement dans la préparation de la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, d’autres terrains vont s’offrir à la social-démocratie "moderne" qui pourra, au pouvoir comme dans l'opposition, continuer son sale boulot contre la classe ouvrière.
Il serait trop long de revenir sur tous les faits remarquables de la social-démocratie au service du capital. Mais il faut tout de même évoquer les années 1970, où la gauche française va commencer à jouer un rôle important, cette fois dans l'opposition.
Tout commence en 1971 avec le mythique congrès d'Epinay-sur-seine, qui marque la mue de la vieille social-démocratie dans ses nouveaux habits. François Mitterrand y fait forte impression à la tribune en ce dimanche 13 juin, au point qu'il termine le congrès à la tête de ce PS "d'union de la gauche" avec un mandat, conclure un accord de gouvernement avec le PCF. Le ton est donné par Mitterrand dans son discours : il y parle de "révolution", de "rupture anti-capitaliste" et de "front de classe".
Pendant toutes les années 1970, cette social-démocratie moderne incarnée par le PS de Mitterrand va fourbir ses armes dans l'opposition. Mais loin d'être passive, cette opposition va permettre au PS d'apporter une contribution fondamentale à la bourgeoisie, en encadrant la colère ouvrière provoquée par les attaques de la droite, en se présentant comme une alternative crédible pour accéder au pouvoir, ce qui permet d'entretenir au passage l'illusion démocratique et parlementaire dans les rangs ouvriers.
En 1981, Mitterrand est élu président, le moment est logiquement venu de mettre en oeuvre concrètement cette "rupture anti-capitaliste" tant scandée au congrès d’Epinay, de faire cette "révolution".
L’illusion ne durera pas longtemps. Après une petite année "de grâce", les masques ne tiennent déjà plus. Le programme d'austérité établi dès 1982 par Pierre Mauroy est brutal : fin de l'indexation des salaires sur les prix alors même que depuis 1981 l'inflation ne pouvait être contenue, restructurations dans les grandes entreprises entraînant la suppression de centaines de milliers d'emplois dans tous les grands secteurs d'activité, développement du travail précaire avec l'invention des premiers contrats précaires publics (les TUC en 1984). Au final, le chômage se développera sans cesse pendant ces années, alors même que son indemnisation sera toujours plus réduite.
Le deuxième septennat de Mitterrand est du même tonneau : renforcement du flicage de la société, développement de la chasse aux immigrés clandestins, premières réflexions sur la réforme des retraites dont la philosophie générale sera reprise dans la réforme de 2003.
Sur le front de l'emploi, pour réduire encore et toujours l'indemnisation du chômage, la gauche a créé le RMI. Présenté comme une mesure sociale, il est au contraire tout à la fois une façon plus économique d'assurer la survie de ceux que le système ne peut plus intégrer, et un formidable aveu d'impuissance de la bourgeoisie face à l'avancée de sa crise.
A l'étranger, les sociaux-démocrates se sont toujours illustrés, au gouvernement, par la défense de l'intérêt national, en particulier en Afrique. Pour défendre son pré-carré, la gauche n'a jamais reculé devant aucun massacre, aucun amoncellement de cadavres : du Tchad au Zaïre, les raids militaires s'enchaînent et le génocide du Rwanda, ce déchaînement de barbarie planifié par Mitterrand 1 [7], se met en place. Sans oublier que la France a tenu son rang dans la première guerre du Golfe contre l'Irak.
Enfin, le tableau de l’œuvre social-démocrate ne serait pas complet si nous n’évoquions l'une des plus grandes attaques portées contre la classe ouvrière depuis la fin de la deuxième guerre mondiale : les 35 heures. Cette loi portée par Martine Aubry, ministre de l'emploi de Jospin, a touché et continue de toucher l'ensemble de la classe ouvrière en introduisant un maximum de flexibilité dans l'exploitation, tout en contribuant à bloquer les salaires.
La voilà donc cette social-démocratie qu'on nous dit "pleine d'avenir" ! La voilà donc cette "nouvelle façon de faire de la politique". A la rigueur, nous pourrions concéder au PS d'aujourd'hui un certain talent pour faire du neuf avec du vieux. Mais cette entourloupe de brocanteur véreux ne trompera personne, le vernis ne tient pas ! La social-démocratie, depuis sa trahison de l'internationalisme en 1914, n'a plus aucun lien avec le mouvement ouvrier. Au contraire, elle a eu d'innombrables occasions de faire la joie de sa mère adoptive, la bourgeoisie. Au pouvoir comme dans l'opposition, elle n'aura fait que servir les intérêts de sa classe et de l'Etat, sans hésiter, quand il le faudra, à y mettre elle-même les mains, quitte à les enduire du sang de la classe ouvrière. Hier encore, elle était au pouvoir et montrait la même détermination à attaquer le prolétariat dans ses conditions de travail et ses conditions de vie. Aujourd'hui, elle s'apprête à reprendre du service avec exactement les mêmes objectifs 2.
Mais demain, elle devra s'attendre à trouver sur sa route une classe ouvrière déterminée à lui arracher son masque et à l'envoyer avec le reste de la bourgeoisie dans les oubliettes de l'histoire.
GD (15 décembre)
1 [8] Voir notre article [9] à ce sujet.
2 Lire « En costume ou en tailleur, le PS reste un ennemi de la classe ouvrière » [10] dans RI n° 374.
Le rapport 2006 de la Fondation Abbé Pierre sur le "mal logement" est sans appel : la France est en proie à une "crise sans précédent". Comme les Restos du cœur, submergés d’année en année de nouvelles demandes d’aide alimentaire 1 [12], les Compagnons d’Emmaüs font à leur tour le constat de leur propre impuissance. Le long cortège des sans-abri, mal-logés, mal nourris ne cesse de s’étirer de par le monde telle une interminable muraille de Chine et l’ombre énorme des bidonvilles tentaculaires de Rio, Nairobi, Port au Prince ou Bombay, plane désormais ostensiblement au-dessus des têtes des travailleurs des pays les plus riches. Pour exemple, un recensement commandé par le gouvernement britannique vient de faire le sinistre constat de l’existence à Londres de plus de 60 000 familles sans domicile fixe, contraintes de vivre dans des hôtels miteux ou des foyers sociaux.
Le phénomène n’est certes pas nouveau. Le termes de "slum" (bidonville) est lui-même apparu pour la première fois à Londres au 19e siècle lorsque les prolétaires, tout juste sortis des campagnes, allaient se concentrer, pêle-mêle, à la ville où fabriques et usines les attendaient (tels de monstrueux alchimistes) pour changer en or leur sueur et leur sang. Depuis, la classe ouvrière s’est organisée et a mené le combat pour l’amélioration de ses conditions de vie. L’époque de la pleine vitalité du système capitaliste rendait cela encore possible et la perspective était alors celle de la transformation des banlieues sordides de Manchester, magistralement dépeintes par Engels, vers des conditions de logement plus humaines ou, dans un premier temps, moins indignes. En revanche, avec l’entrée fracassante du capitalisme dans sa période de faillite historique, à partir du 20e siècle, cette dynamique se renverse et ce monde, ne sachant plus propager autre chose que la misère, condamne l’humanité entière à un seul et même avenir… la planète bidonville !
De ce point de vue, la situation des ouvriers en France est on ne peut plus emblématique du sort réservé à l’ensemble de la classe ouvrière.
Loin de l’image d’Epinal d’un Archimède le Clochard, réfractaire et marginal interprété par Jean Gabin à la fin des années 1950, ou à l'opposé de celle du philosophe grec Diogène ayant élu domicile dans un tonneau pour trouver le bonheur, la réalité est avant tout celle d’une masse croissante d’ouvriers, chômeurs ou non, se heurtant à l'impossibilité de se loger décemment. Retraités, étudiants, jeunes travailleurs, chômeurs, salariés de la "grande distribution", fonctionnaires de l’Education Nationale ou des collectivités territoriales, ce sont des pans entiers de la classe ouvrière qui se retrouvent dans l’incapacité croissante de faire face à cette dépense répondant pourtant à une nécessité vitale…
Le choix que laisse le capitalisme à un nombre toujours plus grand de prolétaires se résume entre périr dans l’incendie d’un taudis insalubre, ou mourir de froid l'hiver sous une tente de sans-abri.
Et l’Abbé Pierre de lancer son cri : "Mon Dieu…Pourquoi ?". Mais il est bien inutile de jeter un regard interrogatif vers le ciel pour trouver une réponse improbable quand celle-ci nous crève les yeux ici-bas.
En 20 ans, le nombre de contrat à durée déterminée (CDD) a été multiplié par 6, le temps partiel subi gagne chaque année en ampleur, les 2/3 des jeunes accèdent au travail sous une forme précaire (intérim, stage, CAE…) et 1/5 sont au chômage. Entre emploi précaire et chômage, on compte en France 15 à 20 millions de personnes en état de survie.
Pas besoin d’aller chercher, avec l’Abbé, midi à 14 h sur la grande horloge céleste, pour se rendre compte que le capitalisme n'est plus capable de faire vivre ses esclaves autrement qu’avec des salaires de misère et dans la précarité.
Dans ces conditions, accéder à un logement, payer un loyer et en assumer les charges (eau, gaz, électricité…) devient un problème insurmontable, révélateur de la gangrène du système. Le poids du loyer dans le budget des ménages est à ce point insupportable qu’il est souvent inévitable pour ceux-ci de se serrer la ceinture en économisant sur la nourriture et les soins médicaux. Et lorsque ce n’est pas possible, que la somme restante est trop dérisoire, alors il ne reste plus qu’à renoncer aux formes "traditionnelles" de l’habitat pour se retourner vers des solutions de fortune. Le logement "atypique" fait de bric et de broc : squat, hébergement chez des proches, sur-entassement façon boîte à sardines, construction de cabanes avec 3 planches et une bâche dans les sous-bois de la région parisienne (où se réfugient des retraités dont les pensions misérables ne permettent plus de régler le loyer), ou encore le camping à l’année qui accueillent du côté de Toulouse (et ailleurs) les caravanes de salariés en contrat précaire. Le camping se fait aussi sauvage, sous les ponts et bretelles du périphérique parisien où des familles (au grand complet) s’installent et où poussent, tels des champignons, des camps de travailleurs (bulgares, roumains…). Enfin, sur les sites de production automobile de Peugeot Ile-de-France et Citroën à Rennes, les responsables avouent (sans en faire mystère) que les rémunérations de bon nombre de leurs salariés ne leurs permettent pas de se loger à proximité du lieu de travail. Pour ceux-là, il reste l’hôtel miteux, les structures d’urgence ou bien vivre dans leur voiture ! Voilà comment, un peu partout, les bidonvilles réapparaissent.
La situation des jeunes travailleurs est particulièrement symptomatique de cette société aux promesses d’avenir bien sombres. Traditionnellement, le jeune prolétaire débute dans la vie avec une situation inconfortable, sorte de période de transition vers une plus grande stabilité. A présent, il n’en n’est plus question. Les jeunes ne parviennent plus à se sortir des solutions d’habitat bricolées… elles sont là pour la vie ! Le rapport de la Fondation Abbé Pierre le pose avec beaucoup de lucidité : "la jeunesse est devenu un temps d’apprentissage de la précarité" qui marquera le reste de l’existence du sceau de l’incertitude. De là, tout projet de vie aussi simple que fonder une famille, avoir des enfants se trouve irrémédiablement compromis.
Evidemment, la bourgeoisie tient à nous faire savoir qu’elle fera tout pour désamorcer ce qu’elle a elle-même appelé "la crise du logement". Mais dans les faits, elle essaie surtout de nous embobiner en rejetant la faute sur "la folie des bailleurs" qui réclament des loyers toujours plus prohibitifs. La solution est donc toute trouvée… l’intervention de l’Etat "justicier" pour faire "rendre gorge" à ces "gougnafiers" mais aussi pour contraindre les maires à respecter le quota de 20% de logements sociaux dans leurs communes. Piètre supercherie… L’unique politique du logement menée par la classe dominante, poussée par la crise de son système, consiste à supprimer, purement et simplement, ce qu’il reste des aides au logement. Celles-ci permettent actuellement de rendre solvables plus de 6 millions de familles en France qui, sans elles, se retrouveraient manu militari à la rue. Or, depuis l’année 2000, les économies réalisées ont provoquées la sortie du dispositif de plusieurs dizaines de milliers de ménages. Cette évolution pousse d’ailleurs la revue Habitat et Société (n°39) à se demander si nous ne sommes pas engagés dans un processus conduisant à passer "de l’aide à la personne à l’aide à personne" …
Finalement, la "crise du logement" se résume au fait qu’une part croissante de la classe ouvrière ne dispose plus d’un revenu suffisant pour échapper à la pauvreté. "Le travailleur devient un pauvre et le paupérisme s’accroît… Il est donc manifeste que la bourgeoisie est incapable de remplir plus longtemps son rôle de classe dirigeante… Elle ne peut plus régner, parce qu’elle est incapable d’assurer l’existence de son esclave…" (Le Manifeste communiste).
C’est pourquoi l’appel de l’abbé Pierre à "l’insurrection de la Bonté", variante chrétienne de l’antienne gauchiste "partageons les richesses mais ne touchons pas aux sacro-saints rapports d'exploitation capitaliste" ne nous sera d’aucun secours. Le renversement du capitalisme et la révolution du prolétariat à l'échelle mondiale sont les seuls moyens capables d'ouvrir un avenir à l’humanité et de fonder de nouveaux rapports sociaux permettant à chacun de vivre en fonction de ses besoins.
Jude (17 décembre)
1 [13]En vingt ans, la misère a explosé. Les Restos du cœur distribuaient 8,5 millions de repas en 1985, aujourd'hui c'est plus de 66,5 millions !
Le "jeune" est devenu depuis quelques temps le cœur de cible privilégié de la campagne électorale pour les prochaines présidentielles. De Ségolène Royal à Nicolas Sarkosy, chacun sort sa panoplie de meilleur ami de la jeunesse en s’exhibant avec les starlettes (fraîchement recrutées) du moment : Sarko parade avec son Doc Gynéco quand Ségo prend la pose avec le chanteur pop-rock, Cali. Comme le dit Jack Lang, fin connaisseur en la matière, il s’agit d’une véritable opération de "drague vers les jeunes".
Cela étant, l’engouement pour la fleur de l’âge n’a rien d’une lubie. Attirer la jeunesse dans les filets de l’électoralisme est devenu un objectif majeur de la classe dominante afin de couper court à toutes formes de réflexions portant sur l’avenir que réserve le monde capitaliste.
Ainsi, à côté de l’effort de séduction que fournissent les partis politiques pour racoler le plus grand nombre et en plus de la campagne gouvernementale appelant par voie d’affichage, jusque dans les lycées, au "civisme" électoral, une opération phénoménale est actuellement menée au niveau national à travers la contribution d’artistes à la mode pour appeler les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales et à "aller voter". Chanteurs, humoristes, acteurs, sportifs, tous les emplumés du show bizz défilent, à la queue leu leu, sur les plateaux de télévision et de radios, des trémolos dans la voix, pour mieux persuader la jeunesse de France (et de Navarre) de la nécessité d’apporter sa pierre à l’édifice démocratique.
Pour donner encore plus d’écho à ce cirque, TF1 n’a pas hésité a financer et à diffuser, du 15 au 31 décembre, une série de mini-films où une ribambelle de "people" se succèdent pour marteler l’idée selon laquelle : "S’inscrire, c’est voter. Voter, c’est exister." donc "si tu votes pas, t’es mort !" Admirable syllogisme qui parvient à faire d’une planche pourrie une planche de salut !
Le concours de l’artiste qui farcira de purée électoraliste le plus de jeunes cerveaux est ouvert, et c’est dans la grande famille du rap français que l’on trouve les meilleurs compétiteurs.
Ainsi, Joe Star, ex-leader du groupe NTM, connu pour son radicalisme "anti- système" et ses brutalités en tous genres, appelle "férocement" à voter. Monsieur Morville, de son vrai patronyme, ne reculant devant rien est même allé pousser la chansonnette sur le prime time de la Star Academy pour faire son office de bourrage de crâne : "n’oubliez pas d’aller voter"… "n’oubliez pas de vous inscrire"… "n’oubliez pas d’aller voter"… Le disque devait être rayé ce soir-là !
D’autres, comme Diam’s, nous chante "Ouvre-la"… dans l’isoloir, confirmant par là (et bien malgré elle) ce que nous savions déjà : "Si la dictature, c’est ferme ta gueule, la démocratie, c’est cause toujours" !
On voit même aujourd’hui l’ancien groupe de rock Trust, célèbre en son temps, reprendre du service pour participer à la grande foire électoraliste. Ainsi, à chacun de ses concerts, s’inscrit en lettres de lumière, au-dessus de la scène, le titre de leur album : "Soulagez-vous dans les urnes."
Un tel rouleau compresseur lancé contre la conscience des plus jeunes est totalement inédit dans l’histoire des campagnes électorales françaises. Et il ne s’explique pas par le seul besoin des présidentiables de récolter un maximum de suffrages.
Il s’agit avant tout d’une opération de décervelage répondant aux interrogations quant au futur que prépare cette société et qui se développent en profondeur depuis plusieurs années dans toute la classe ouvrière et en particulier dans les rangs de ceux qui formeront les prochaines générations de travailleurs. La mobilisation des lycéens en 2005 et le mouvement des étudiants contre le CPE au printemps dernier ont une signification que la classe dominante a très bien perçue. Tous ces jeunes sont dans un âge où il est normal de se demander "quel sera mon avenir ?", "quel métier vais-je trouver ?", "quels choix professionnels?"…or, les choix qu’offre ce système en crise ne sont guère reluisants. "Précarité à toutes les sauces", voilà le menu affiché par la bourgeoisie.
Dès lors, le risque pour cette dernière est, bien évidemment, que cette foule de questionnements n’aboutissent à une remise en cause de fond en comble de son système.
D’où cette frénésie propagandiste, sollicitant tous les canaux susceptibles de parvenir aux oreilles de ces jeunes, afin qu’ils se soulagent l’esprit de l’idée de lutte en se défoulant dans la cellule capitonnée de l’isoloir.
De plus, au son de la trompette anti-extrême droite et anti-Sarko, on leur répète à satiété qu’il existe, grâce à cette "démarche citoyenne" un espoir : celui de changer l’avenir, qu’ils vont ainsi construire une société "meilleure"… Foutaises !
Les élections sont d’abord le terrain de nos exploiteurs, ceux qui font ce monde tel qu’il est.
Ce monde d’horreurs et de misère ne changera pas par la "magie" du bulletin de vote. Bien au contraire, il n’en sera que mieux consolidé. Seule la lutte de la classe ouvrière porte l’espoir d’une société nouvelle.
Mulan (20 décembre)
Depuis un mois, l’impérialisme français intervient militairement au Tchad et en Centrafrique, mobilisant tous ses dispositifs militaires dans la région, à savoir 1200 soldats basés au Tchad, 800 hommes au Gabon et des centaines d’autres soldats présents en Centrafrique avec aussi des avions Mirage, des hélicoptères et d’autres engins de mort.
Officiellement, l'Etat français intervient au Tchad et en Centrafrique pour "accentuer la coopération des forces de paix"et prêter "main- forte"aux pauvres forces de l’Union africaine au Darfour. Voilà un gros mensonge, tellement énorme qu'un autre justificatif plus "présentable », moins cynique, est mis en avant. Celui qui consiste à dire que la France serait intervenue uniquement pour protéger des "régimes amis", dont Paris est lié par des "accords de défense mutuelle", agressés par des forces extérieures : le Soudan et ses alliés. Mais il s'agit là aussi d'une ignoble mystification pour mieux masquer le but de l’intervention de l’impérialisme français.
Quelles que soient les "raisons"avancées, l’intervention de Paris est une réponse à l'exportation au Tchad et en Centrafrique du conflit qui ravage le Darfour depuis plusieurs années. Les dissensions aggravées entre les fractions dites "rebelles"opposées à Khartoum et les forces du gouvernement soudanais appuyées par les bandes armées, les "djanjawids", à sa solde ont provoqué une situation de plus en plus incontrôlable. Entre l'exode massif de plus d'un million et demi de gens depuis trois ans, la dispersion des forces "rebelles"au-delà de la frontière même du Soudan, avec les tensions qui se manifestent ouvertement en Ethiopie et en Somalie, avec un redémarrage des guerres dans cette région, les risques sont grands pour la France de se voir rapidement débordée. Aussi, ce n'est nullement pour venir soutenir les forces de paix de l'Union africaine et de l'Europe, ni pour aider une population qu'elle laisse crever depuis des années que le gouvernement français vient apporter son soutien logistique militaire : c'est pour essayer d'endiguer les risques de perte de contrôle d'une région stratégiquement fondamentale dans sa position impérialiste en Afrique. En effet, l'extension actuelle du conflit au Darfour vient clairement mettre en cause la stabilité des régimes du Tchad et de Centrafrique, qu'elle soit voulue ou non par le Soudan et derrière lui éventuellement les Etats-Unis. Voilà les vraies raison de l'intervention musclée de l'Etat français. "Si la France maintient une forte présence militaire au Tchad (1 350 soldats, 6 avions de chasse Mirage et 3 hélicoptères), c’est pour des raisons historiques, stratégiques et diplomatiques. A deux reprises, de 1980 à 1984 et 1985-1986, elle a décidé de se retirer et chaque fois, elle a dû renvoyer un contingent militaire à N’Djamena. Depuis l’indépendance en 1960, tous les présidents tchadiens, du Français Tombalbaye au général Maloum, d’Hissène Habré à Idriss Déby, ont entretenu des rapports étroits avec Paris." (Le Monde du 17 avril 2006)
Et pour mieux se faire comprendre face à ses ennemis impérialistes, la France a dû dépécher sur place, à N’Djamena (en novembre dernier), Mr de Villepin, son premier ministre, afin de notifier à tous la volonté de Paris d’user de tous les moyens pour se défendre. Ce message s’adresse d’abord aux grands concurrents des Français au Tchad, c'est-à-dire aux Américains et aux Libyens, dont la forte présence dans ce pays sonne comme une volonté d’éjecter Paris de son ancien pré carré. "En attendant, fidèles à leurs habitudes, les Américains ne se sont pas fait prier pour renforcer leur présence dans le pays. Déjà présents sur le champ pétrolier du bassin de Doba (200 000 barils/J de brut) avec la firme américaine Exxon Mobil, qui détient 40% du consortium d’exploitation, c’est dans la foulée de la visite de Donald Yamamoto (sous–secrétaire d’Etat aux affaires africaines) qu’un accord dit' ciel ouvert' a été signé le 31 mai 2006." (Jeune Afrique du 2 décembre 2006) La riposte de l'Etat français et de ses alliés est donc massive : "Kadhafi vient en effet de prêter à Idriss Déby Itno, confronté aux rebelles de Mahamet Nouri, cinq avions d’attaque au sol italiens Machetti, deux appareils russes de transport de troupes- le tout équipage compris- et un important stock d’armes, dont certaines se sont aussitôt retrouvées entre les mains des milices zaghawas du Darfour, qui combattent l’armée soudanaise sous la houlette de Daoussou, le propre frère du président tchadien."(idem)
Le contrôle du Tchad et de sa région constitue donc l’enjeu principal de la guerre entre les divers vautours impérialistes. C’est cela qui les pousse à régler leurs comptes dans cette région. Voilà pourquoi le Tchad et ses voisins sont à feu et à sang depuis des décennies, ruinés à jamais et qu'ils n’ont jamais connu la "paix"depuis leur "indépendance ».
Parallèlement à leurs confrontations indirectes mais sanglantes sur le terrain, les brigands impérialistes se battent à l’ONU comme des chiffonniers à coups d’innombrables "résolutions de paix"sur le Darfour. En réalité, leurs résolutions ne sont que des masques visant à cacher les abominables crimes qu’ils commettent sur le terrain. En clair, pendant leurs interminables bavardages hypocrites à l‘ONU, les mêmes puissances impérialistes, France et Etats-Unis en tête, laissent sciemment les bandes criminelles qu’ils téléguident poursuivre tranquillement les massacres et les mutilations des populations. C’est ainsi qu'en trois ans, on dénombre au Darfour des centaines de milliers de morts et des millions de réfugiés. Et on vient d’apprendre, au moment où nous écrivons ces lignes, que l’offensive en cours a déjà tué, en quelques jours, des centaines de civils et provoqué l’exode de 80 000 personnes.
Amina (15 décembre)
Chaque jour, les médias bourgeois font des articles et des reportages sur la tragédie que vit actuellement le Liban. Il n’y a là aucun souci pour la vie humaine. Les préoccupations des bourgeoisies de tous les pays, sont autrement plus sordides. Le Liban est un tout petit pays de quatre millions d’habitants et, contrairement à bien d’autres Etats du Moyen-Orient, son sous-sol ne contient aucune ressource stratégique et économique particulière : pas de pétrole, pas de gaz, rien qui puisse aiguiser, en apparence, l’appétit de tous les prédateurs impérialistes de la planète. Et pourtant beaucoup d’entre eux, du plus petit au plus puissant, sont impliqués dans la crise majeure que connaît ce pays. D’où vient cet intérêt de la part de toutes ces puissances impérialistes ? Quel avenir peut-il y avoir pour la population du Liban, prise dans l’étau mortel du développement des tensions inter- impérialistes ?
Le dimanche 10 décembre, Beyrouth, capitale du Liban, a vu la tenue de manifestations massives, entraînant une foule surexcitée et prête à toutes les exactions. C’est la première fois dans ce pays, à l’histoire déjà très tourmentée, qu’une telle foule est rassemblée. Dans un des quartiers de la ville, ce sont plusieurs centaines de milliers de chiites, partisans du Hezbollah pro-syrien, rejoints par les chrétiens fidèles au général Aoun, ayant lui-même à son tour épousé la cause chiite, qui ont étalé une haine violente envers la communauté sunnite.
Cette foule, encadrée par des miliciens en armes, a réclamé à cor et à cri la démission du gouvernement. Dans le même temps, à Tripoli, une foule tout aussi nombreuse et tout aussi excitée, formée essentiellement de Sunnites, clamait son soutien à ce même gouvernement. Durant ce mois de décembre, le Hezbollah, renforcé politiquement et militairement après ce qui est apparu comme une victoire sur l’armée israélienne et indirectement sur le "grand Satan américain" lors de la dernière confrontation armée, au mois d’août dernier, a tout simplement organisé le siège du Sérail, haut-lieu du premier ministre Fouad Siniora.
Des dizaines de tentes ont été dressées dans le centre ville de Beyrouth, bloquant tous les accès au Sérail et l’encerclant de toutes parts, sans que l’armée libanaise ne puisse intervenir. De leur côté, des groupes armés sunnites menacent d’assiéger le parlement et de prendre en otage son président chiite Nabil Berri. Les routes reliant Beyrouth à la plaine de la Bekaa et au Sud-Liban, siège des fiefs du Hezbollah, sont menacés d'être coupées.
A ce stade de tensions entre les différentes fractions dont les Druzes eux-mêmes ne sont pas écartés, la moindre étincelle provoquerait un embrasement généralisé de tout le pays. Lors d’un entretien télévisé tout récent, le général Michel Aoun a proposé : "Un plan de l’opposition pour former un nouveau gouvernement" et "des réflexions du président de la République Emile Lahoud et du président du Parlement Nabih Berri sur la manière de faire tomber le gouvernement de Fouad Siniora." (cité par Courrier International du 14 décembre 2006)
Il est même question de former de la part du Hezbollah et des Chiites, ainsi que de leurs alliés, un gouvernement provisoire, clairement pro-syrien. Et tout cela avec la bénédiction de la partie chiite de l’armée libanaise.
Ainsi, le bras de fer s’accélère au Liban entre les différentes communautés, chacune inféodée à des requins impérialistes plus puissants qu’eux.
Il serait erroné de penser que, lorsque des centaines de milliers de personnes font le siège du gouvernement de Fouad Siniora, il ne s’agit là que de faire tomber le gouvernement. L’enjeu est bien plus vaste et implique directement de nombreux Etats de la région, derrière lesquels se cachent les plus puissants pays impérialistes de la planète. Ce que veulent en réalité les Chiites et les partisans du général Aoun, c’est tout simplement un retour en force de la Syrie au Liban.
Pour Damas qui, à l'égal de l’Iran, soutient politiquement et militairement le Hezbollah, il s’agit de profiter au maximum de l’affaiblissement de l’Etat israélien et de son allié américain pour faire valoir ses appétits sur le Liban et indirectement sur la région du Golan, occupée par l’Etat hébreu. Depuis le retrait forcé de ses troupes du Liban en 2005, jamais la Syrie ne s’est retrouvée dans une situation apparemment aussi favorable. Mais l’Iran, qui est actuellement un allié de circonstance de la Syrie au Liban, n’a lui-même aucunement renoncé à renforcer sa présence et son influence politique dans ce pays. Pour l'Etat iranien, peser sur le Liban, au travers de la communauté chiite, c’est de fait renforcer son influence sur cette même communauté en Irak et s’affirmer toujours plus comme un acteur incontournable dans toute la région, face à Israël et aux Etats-Unis.
D'autre part, apparemment inquiètes d’un renforcement du rôle dans la région de l’Iran chiite, qui finance le Hezbollah, l’Egypte, l‘Arabie Saoudite et la Jordanie, dirigées par des Sunnites, ont apporté ces derniers jours leur soutien au gouvernement de Siniora. Ces Etats arabes, particulièrement influencés par la politique impérialiste américaine, expriment ainsi directement leur inquiétude devant la montée en puissance du frère ennemi iranien.
Aussi, ce qui se profile, c’est une cassure irrémédiable au sein de l’ensemble du monde musulman. Et cette montée en puissance des tensions au sein du monde arabe ne présage rien de bon dans l’avenir pour toute cette région.
Et cette brèche ouverte est une opportunité pour des puissances telles que l’Allemagne et la France, cette dernière étant déjà présente militairement sur le terrain. Le mardi 5 décembre, ces deux pays ont ainsi fait savoir dans une déclaration commune qu’ils ne souhaitaient aucune ingérence extérieure au Liban ; ils ont même précisé qu'il fallait que la Syrie " s’abstienne d’apporter son soutien aux forces qui recherchent la déstabilisation du Liban et de la région, et établisse avec le Liban, une relation égalitaire et respectueuse de la souveraineté de chacun ". (Libération du l5 décembre 2006) Pour tout requin impérialiste qui se respecte, l’ennemi de mon allié du moment est mon propre ennemi. La France notamment, qui ne peut s’appuyer pour l’heure au Liban que sur la majorité chrétienne ennemie de la Syrie n’a de cesse de critiquer cette dernière.
La montée des tensions guerrières dans toute la région, dont la crise libanaise est une tragique expression, vient de s’exprimer directement et spectaculairement dans ce que la presse bourgeoise a appelé hypocritement "le vrai-faux lapsus nucléaire" du premier ministre israélien Ehoud Olmert. Maintenir l’ambiguïté sur son arsenal nucléaire était une règle d’or de la politique internationale de l’Etat d’Israël. Pourtant lors d’une interview accordée le 12 décembre à une chaîne de télévision allemande, ce même premier ministre, critiquant les tentatives de justifications de l’Iran en matière de recherche et de développement nucléaire, a laissé directement entendre qu’Israël posséderait l’arme nucléaire, au même titre que la France, la Russie ou encore les Etas-Unis. Cette affirmation prend tout son sens, quand on la relie au fait que quelques jours plus tôt, Robert Gates, nouveau ministre de la défense américain, a cité Israël, dans une audition devant le Congrès, parmi les pays possédant la bombe nucléaire. Il n’y a à ce niveau aucune erreur ni de lapsus. C'est un avertissement clair et net à l’Iran qui remet à sa juste place le plan Baker et le rapport du Groupe d’étude sur l’Irak dont nous parle actuellement sans relâche la bourgeoisie. Selon le quotidien pan-arabe Al-Quds-Arabi, ceci serait également "une préparation pour un éventuel recours au nucléaire, si jamais Israël se décide à attaquer les sites nucléaires iraniens". (cité par Courrier International du 13 décembre 2006) Cette éventualité n’est malheureusement plus à écarter. Marx, il y a près de cent cinquante ans, constatait que le capitalisme était né dans la boue et le sang. Aujourd'hui, en pourrissant sur pied, l'agonie de ce système se prépare à faire plonger l’humanité dans un enfer autrement plus terrifiant.
Tino (15 décembre)
Malgré la spirale de haine nationaliste qui paralyse la plupart du temps la lutte de classe en Israël et en Palestine, les sévères privations économiques résultant de l’état de guerre permanent ont poussé les ouvriers des deux camps antagoniques à se battre pour leurs propres intérêts de classe. En septembre, en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, des grèves et des manifestations ont été organisées pour exiger que le gouvernement du Hamas règle plusieurs mois de salaires impayés, suite au blocus des fonds internationaux par l'Etat israélien, rejoignant ainsi les revendications d'une bonne partie des 170 000 fonctionnaires en grève. Ainsi, les enseignants des écoles se sont mis en grève depuis le 4 septembre avec des taux de grévistes atteignant de 80 à 95%, de Rafah (sud de la bande de Gaza) à Jénine (nord de la Cisjordanie).
Ce mouvement s'est propagé jusque dans la police palestinienne et surtout début octobre dans le secteur de la santé où la situation sanitaire est dramatique, y compris en Cisjordanie. Les fonctionnaires du ministère de la Santé n'ont reçu que trois paiements partiels en sept mois et ils ont décidé une grève illimitée pour réclamer le paiement de leur dû.
Parallèlement, le 29 novembre, le site d’information Libcom.org rapportait qu’une grève générale avait surgi dans le secteur public israélien, comprenant les aéroports, les ports, et que les bureaux de poste étaient tous fermés. 12 000 employés des services municipaux ainsi que les pompiers se sont mis en grève à l'appel de la centrale syndicale Histadrout (la Fédération Générale du Travail) en réponse aux violations des accords entre les syndicats et les autorités locales et religieuses. Histadrout a ainsi déclaré que ces dernières ont des arriérés de salaires à payer et que l’argent des employés qui devaient être versés en fonds de pension avait disparu.
La guerre impérialiste amplifie la ruine économique et la misère des prolétaires dans la région. La bourgeoisie des deux camps est de plus en plus incapable de payer ses esclaves salariés.
Ces deux luttes ont fait l’objet de toutes sortes de manipulations politiques. En Cisjordanie et à Gaza, la fraction d’opposition nationaliste, le Fatah, a essayé de se servir des grèves comme d’un moyen pour faire pression sur ses rivaux du Hamas.
En Israël, Histadrout a une longue tradition d’appels à des « grèves générales » hyper-contrôlées pour rabattre la colère des ouvriers sur le terrain bourgeois et au profit de telle ou telle fraction. Mais il est significatif qu’en Israël, la grève générale d'Histadrout (qui a été arrêtée au bout de 24 heures) a été précédée d’une vague de grèves moins bien contrôlées parmi les bagagistes, les enseignants, les professeurs d’université, les employés de banque et les fonctionnaires.
La désillusion devant le fiasco militaire d’Israël au Liban a sans aucun doute alimenté ce mécontentement grandissant. Pendant la grève de septembre dans les territoires palestiniens, le gouvernement du Hamas dénonçait l’action des fonctionnaires comme étant contraire à l’intérêt national et tentait de dissuader les enseignants grévistes: "Si vous voulez manifester, manifestez contre Israël, les Américains et l'Europe !".
En effet, la lutte de classe s’affirme comme contraire à l’intérêt national et s’oppose de ce fait à la guerre impérialiste.
Amos (2 décembre)
En septembre 2006, le CCI a eu l'occasion de présenter, devant un auditoire de 170 étudiants d'une université brésilienne, son analyse de la conjoncture mondiale et de l'alternative historique. Cette présentation1 [20] était organisée autour des axes suivants : la guerre, la lutte de classe et le rôle des élections. Nous publions l'essentiel des débats auxquels elle a donné lieu2 [21].
Avant tout, nous voulons souligner la manière dont les participants se sont situés par rapport à notre présentation, dont le contenu n'était pas "habituel" pour eux puisqu'il dénonçait les élections comme étant totalement au service de la bourgeoisie et mettait en évidence la perspective du développement de la lutte de classe internationale. Malgré cela, loin de provoquer hostilité ou scepticisme, nos analyses ont au contraire suscité un grand intérêt, et souvent même un soutien explicite.
La présentation avait peu développé sur le rôle et la nature des syndicats. Une intervention sur cette question a été particulièrement bienvenue puisqu'elle a mis en évidence que ceux-ci sont des appendices des partis bourgeois et qu'ils constituent un tremplin pour ceux qui veulent faire partie de la haute bureaucratie de l'Etat.
Il nous a été demandé si nous estimions que le gouvernement de Lula était de gauche ou de droite. Nous avons répondu, "de gauche, sans le moindre doute". Le fait qu'il se soit comporté au gouvernement comme un ennemi du prolétariat ne change en rien cette réalité, vu que la gauche est élue avec la même mission que la droite : défendre les intérêts du capital national, ce qui ne peut être réalisé qu'au détriment du prolétariat.
Quel que soit le discours, plus ou moins radical, de Bachelet au Chili, de Kirchner en Argentine, de Chàvez au Vénézuela ou Morales en Bolivie, ils sont tous les mêmes. Le plus "radical" d'entre eux, Chàvez, qui se confronte aux secteurs de la bourgeoisie nationale qui gouvernaient jusqu'en 1988 et qui ne rate pas une occasion pour dénoncer publiquement l'impérialisme des Etats-Unis -et de renforcer sa propre zone d'influence dans les Caraïbes- n'hésite pas à organiser, avec la même brutalité, l'exploitation des prolétaires vénézuéliens.
Si nous disons que la gauche et la droite défendent toutes les deux les intérêts du capital national contre le prolétariat, cela ne signifie pas pour autant qu'elles sont identiques. En effet, de façon générale, les prolétaires ne se font pas d'illusion sur les intentions de la droite qui défend ouvertement les intérêts de la bourgeoisie. Mais malheureusement, ce n'est pas le prolétariat dans son ensemble qui parvient à la même clarté en ce qui concerne le rôle de la gauche. Ceci signifie que la gauche, et encore plus l'extrême gauche, disposent d'une plus grande capacité pour mystifier le prolétariat. Pour cette raison, ces fractions de l'appareil politique de la bourgeoisie constituent un ennemi plus dangereux pour le prolétariat.
Quelques interventions sont revenues sur les élections dont le rôle avait été largement développé dans la présentation. "Est-ce que c'est vraiment impossible de les utiliser en faveur d'une transformation sociale ?" Sur cette question, notre position n'a rien de dogmatique, mais reflète une réalité mondiale qui existe depuis le début du 20e siècle. À partir de ce moment, non seulement "Le centre de gravité de la vie politique quittait définitivement le parlement", comme disait l'Internationale communiste, mais en plus le cirque électoral ne peut qu'être une arme idéologique entre les mains de la bourgeoisie contre le prolétariat.
"Si les élections ne sont pas un moyen de la lutte de classe, comment le prolétariat va-t-il faire pour lutter ?"
Les luttes que le prolétariat a développées depuis 1968 n'ont pas été des "luttes électorales". Bien qu'elles n'aient pas été capables de tracer explicitement une perspective révolutionnaire, elles ont pourtant été suffisamment fortes pour empêcher une guerre mondiale du temps de la Guerre froide et – depuis - des chocs frontaux entre grandes puissances. Le prolétariat continue à être un frein au déchaînement de la guerre. Le prolétariat, et la population exploitée en général, ne sont pas mobilisés derrière les bannières des différentes bourgeoisies nationales. L'impossibilité actuelle des Etats-Unis à recruter des soldats pour servir de chair à canon dans les conflits en Irak et en Afghanistan, illustre une telle situation.
Refusant de se soumettre à la loi de la détérioration constante de ses conditions de vie résultant de l'aggravation de la crise, le prolétariat mondial va nécessairement amplifier ses luttes. En particulier depuis deux ans, ses luttes, qui se développent à l'échelle mondiale, présentent de manière croissante des caractéristiques qui constituent des ingrédients nécessaires au développement futur d'un processus révolutionnaire :
• le caractère massif de la lutte, comme nous venons de voir avec la grève de deux millions d'ouvriers au Bangladesh ;
• la solidarité démontrée par les prolétaires de l'aéroport de Heathrow à Londres et des transports à New York en 2005 ;
• la capacité de faire surgir, au sein de la lutte, des assemblées massives ouvertes à tous les ouvriers, comme dans la grève des métallurgistes à Vigo en Espagne au cours du dernier printemps ;
• la capacité de la lutte des étudiants en France, durant ce même printemps, à donner naissance à des assemblées générales souveraines, capables de préserver l'indépendance de la lutte par rapport aux syndicats et partis de la bourgeoisie qui essayaient de la contrôler pour l'affaiblir.
A propos de ce dernier mouvement, il s'est exprimé une insistance afin que nous en parlions davantage, ce que nous avons fait brièvement. Ce ne sont pas les salariés qu'il a essentiellement mobilisés mais, cependant, ceux qui étaient en lutte faisaient déjà partie du prolétariat. En effet, une très grande proportion des étudiants est contrainte de travailler pour survivre, de même qu’un très grand nombre d'entre eux va intégrer, à la fin de leurs études, les rangs du prolétariat. Les étudiants se sont mis en lutte pour la révocation d'une loi qui, parce qu'elle aggravait la précarité, constituait une attaque contre tout le prolétariat. C'est donc en toute conscience que la grande majorité du mouvement a pris en charge la recherche de la solidarité de l'ensemble du prolétariat et des tentatives de le mobiliser dans la lutte. A différentes reprises, il y a eu des manifestations massives qui ont mobilisé 3 millions de personnes le même jour dans différentes villes de France. Dans la plupart des universités en grève, il y avait régulièrement des assemblées générales souveraines qui constituaient le poumon de la lutte. La solidarité se trouvait au centre de la mobilisation alors que, dans le même temps, s'exprimait dans la population et dans le prolétariat en particulier, un énorme courant de sympathie en faveur de cette lutte. Tout ceci a obligé le gouvernement à reculer devant la mobilisation afin d'éviter qu'elle ne s'amplifie davantage.
Quelques interventions ont exprimé des préoccupations concernant les difficultés objectives du développement de la lutte de classe : "Est-ce que la dissolution des unités de production ne posera pas un obstacle à ce développement ?" De manière générale, nous assistons à une diminution du prolétariat industriel comme résultat, à la fois, des mutations dans le processus de production (qui a également comme conséquence qu'un nombre croissant de prolétaires travaillent dans le secteur dit tertiaire), de la crise économique et des délocalisations de secteurs de production vers des pays où la main-d'œuvre est moins chère, comme la Chine, qui a connu un développement important ces dernières années. Ce phénomène constitue une difficulté pour le prolétariat mais celui-ci a déjà montré qu'il est capable de la surmonter. En effet, le prolétariat ne se limite pas à la classe ouvrière industrielle. Le prolétariat inclut tous ceux qui, en tant qu'exploités, n’ont que leur force de travail à vendre comme source de leur survie. Le prolétariat existe partout et son lieu privilégié pour se regrouper et s'unir est la rue, comme l'a à nouveau illustré le mouvement des étudiants en France contre la précarité.
La délocalisation de secteurs d'activité vers des pays comme la Chine a créé une division entre le prolétariat chinois, hyper exploité avec des conditions de vie terribles, et le prolétariat des pays centraux qui, à cause de la disparition de secteurs importants de production, souffre des conséquences d'un chômage accentué. Mais ceci n'est pas une situation exceptionnelle. En effet, depuis le début de son existence, le capitalisme a mis les prolétaires en concurrence les uns contre les autres. Et, dès le début, la nécessité de résister collectivement à cette concurrence a contraint les ouvriers à surmonter celle-ci par la lutte collective. Il vaut la peine en particulier de signaler que la fondation de la Première Internationale a correspondu à la nécessité d'empêcher la bourgeoisie anglaise d'utiliser des ouvriers de France, Belgique ou Allemagne afin de briser les grèves des ouvriers anglais. Aujourd'hui, malgré des luttes importantes du prolétariat chinois, celui-ci n'est pas capable, à lui seul, de rompre son isolement. Cela met en évidence la responsabilité du prolétariat des pays les plus puissants pour impulser, à travers ses luttes, la solidarité internationale.
Le développement de la lutte de classe sera marqué par la capacité croissante du prolétariat à contrôler ses luttes et à prendre en charge lui-même leur organisation. Pour cela, la pratique des assemblées générales souveraines, qui élisent des délégués révocables par elles-mêmes, tendra à se généraliser. Cette pratique précède le surgissement des conseils ouvriers, futurs organes de l'exercice du pouvoir du prolétariat. Ce type d'organisation est le seul permettant aux prolétaires de prendre collectivement un contrôle croissant sur la société, sur leur existence et sur le futur.
Un tel objectif ne saurait être atteint au moyen de formes organisationnelles qui ne rompent pas avec le cadre de l'organisation de la société bourgeoisie, telle que, par exemple, la "démocratie participative" qui, soi-disant, corrigerait les défauts de la démocratie représentative classique. Une intervention nous a demandé notre position à ce sujet. Pour nous, la démocratie participative n'est rien de plus qu'un moyen permettant de faire en sorte que les exploités et les exclus gèrent eux-mêmes leur propre misère, et visant à les tromper quant aux pouvoirs qui leur seraient ainsi réellement conférés au sein de la société. En fin de compte, la démocratie participative n'est rien de plus qu'une pure mystification.
Il est nécessaire d'asseoir les perspectives du développement de la lutte de classe sur l'expérience historique du prolétariat. A ce propos, la question suivante nous a été posée : "Pourquoi la Commune de Paris et la Révolution russe ont-elles été défaites ? Et pourquoi la Révolution russe a-t-elle dégénéré ?"
La Commune de Paris n'était pas encore une "vraie révolution", c'était une insurrection victorieuse du prolétariat limitée à une ville. Ses limites ont été essentiellement le résultat de l'immaturité des conditions objectives. En effet, à cette époque, d'un côté, le prolétariat ne s'était pas encore suffisamment développé pour pouvoir confronter, dans les principaux pays industrialisés, le capitalisme pour le renverser. De l'autre côté, le capitalisme n'avait pas encore cessé de constituer un système progressif, capable de développer les forces productives sans que ses contradictions se manifestent d'une manière chronique et encore plus brutale. Cette situation a changé au début du 20e siècle, avec le surgissement en Russie en 1905 des premiers conseils ouvriers, organes de pouvoir de la classe révolutionnaire. Peu après, le déclenchement de la Première Guerre mondiale constituait la première manifestation brutale de l'entrée du système dans sa phase de décadence, dans sa "phase de guerre et de révolutions" comme la caractérisait l'Internationale communiste. En réaction au déclenchement de la barbarie à une échelle inconnue jusqu'alors, une vague révolutionnaire s'est développée au niveau mondial, dans laquelle les conseils ouvriers ont de nouveau fait leur apparition. Le prolétariat parvenait à prendre le pouvoir politique en Russie, mais une tentative révolutionnaire en Allemagne en 1919 fut défaite grâce à la capacité de la social-démocratie de tromper les prolétaires. Cet échec a considérablement affaibli la dynamique révolutionnaire mondiale qui, en 1923, était déjà presque éteinte. Isolé, le pouvoir du prolétariat en Russie ne pouvait que dégénérer. La contre-révolution s'y est manifestée par l'ascension du stalinisme et à travers la formation d'une nouvelle classe bourgeoise personnifiée par la bureaucratie étatique. Mais, contrairement à la Commune de Paris qui n'avait pu s'étendre à cause de l'immaturité des conditions matérielles, la vague révolutionnaire mondiale fut défaite à cause de la conscience insuffisante, au sein de la classe ouvrière, des enjeux historiques et de la nature de classe de la social-démocratie qui avait définitivement trahi l'internationalisme prolétarien et le prolétariat au moment de la Guerre Mondiale. Les illusions persistantes dans les rangs prolétariens vis-à-vis de cet ennemi de classe ne lui ont pas permis de démasquer ses manœuvres visant à défaire la révolution.
Moins d'une année après avoir fait une présentation à l'université de Vitòria da Conquista, devant plus que 250 étudiants, sur le thème "La Gauche communiste et la continuité du marxisme", cette dernière réunion nous permet de vérifier avec beaucoup de satisfaction que, en lien avec un rejet croissant de la misère matérielle, morale et intellectuelle de ce monde en décomposition., il existe un intérêt croissant de la part des nouvelles générations pour le devenir de la lutte de classe Nous invitons tous ceux qui étaient présents à cette réunion ou qui ont l'opportunité de lire le présent article à continuer le débat commencé et de se manifester par écrit à propos des questions qui ont été présentées.
CCI (12 octobre 2006)
1 [22] Disponible en portuguais ici : “La conjoncture mondiale et les élections” [23]
Depuis le mois de juin, un des Etats les plus pauvres du Mexique, celui d’Oaxaca, connaît une situation sociale particulièrement dramatique (voir RI n° 373 [28] et 374 [4]). Les derniers évènements ont eu pour épilogue une répression féroce orchestrée par l’Etat mexicain qui a envoyé le 27 octobre dernier les FPF (Forces de la Police Fédérale) à la rescousse des milices du gouverneur Ulizes Ruiz confronté à une forte agitation de la population. Depuis une quinzaine de jours, on compte des dizaines de morts et des centaines d’emprisonnement. Voilà le vrai visage de la démocratie bourgeoise : assassinats et répression de masse ! Mais, pour que cette réponse de la classe dominante puisse avoir lieu, il a fallu auparavant que d'autres forces bourgeoises lui aient ouvert la voie. Syndicalistes, gauchistes et populistes de tous poils se sont ainsi mis à l’œuvre, sous prétexte de "soutien" au mouvement des enseignants, afin de pourrir la réflexion qui pouvait se mener au sein de ce mouvement. Parti initialement sur des revendications salariales et l’amélioration des conditions de travail des enseignants d’Oaxaca, le mouvement a été rapidement détourné sur des revendications populistes et interclassistes, se fixant non plus sur la défense des intérêts ouvriers mais sur celui de la défense de la démocratie et de l’opposition au gouverneur Ruiz. Dans cette entreprise de sabotage du mouvement des enseignants, on a vu se précipiter tout ce que le pays compte de groupes et groupuscules prêts à "soutenir" le mouvement comme la corde soutient un pendu. C’est ce travail de sape qui a permis d’ouvrir le temps de la répression contre le mouvement.
Nous reprenons ci-dessous un article de Revolucion Mundial [29] qui dénonce le travail de sabotage que, parmi d’autres, les groupes trotskistes ont mené pendant le mouvement.
Les groupes trotskistes voudraient nous faire croire qu’on se trouverait dans une situation révolutionnaire, avec des soviets, un double pouvoir (caractéristiques de la révolution prolétarienne) et presque en situation de prise du pouvoir par les travailleurs. Il est, bien sûr, regrettable que ce ne soit pas le cas, mais en mettant cela en avant, ces groupes ont semé la confusion et ont poussé les travailleurs à faire confiance à des actions clairement éloignées de leur terrain de classe.
Voici une affirmation mise en avant dans un tract du groupe trotskiste El Militante 1 [30]: “La décomposition sans précédent de l’appareil d’Etat est l’un des symptômes les plus clairs du fait que nous nous trouvons aux portes d’un processus ouvertement révolutionnaire. L’élément le plus important (…) est la disposition des masses pour la lutte et la volonté de mener cette lutte jusqu’au bout. Il ne manque que cette volonté de lutte soit dirigée vers la prise du pouvoir par les travailleurs et la destruction totale de l’appareil d’Etat bourgeois; c’est pour cela que le programme, la stratégie et la tactique qui seront décidés par la Convención Nacional Democrática (CND) 2 [31] seront déterminantes pour le futur mouvement”.
Il est d’abord nécessaire de clarifier une chose : le développement d’une grande combativité ne veut pas dire qu’au sein de la classe il y ait une conscience claire sur ce qu’on doit faire et vers où l'on va. Combativité et conscience ne vont pas forcément de pair dans le développement des luttes. C’est pour cela qu’il y a beaucoup d’expressions combatives qui finissent en révoltes sans lendemain. La combativité et la conscience ont tendance à se rejoindre au fur et à mesure qu’une situation révolutionnaire mondiale commence à poindre à l’horizon. La révolution est une œuvre consciente avant tout. Mais il faut surtout bien souligner que cette "volonté de lutte" dont parle El Militante est totalement soumise aux orientations d’une fraction de la bourgeoisie, parce que la CND est un défenseur de la démocratie, de l’Etat et, bien évidemment, elle ne mettra jamais en question le moindre aspect de la dictature du capital sur le travail.
Les travailleurs et les masses non exploiteuses prises dans la nasse des illusions du cirque électoral, ont beaucoup de difficultés pour voir clairement quelle direction prendre, par où il faut aller. Ainsi, lorsque El Militante affirme que "nous nous trouvons aux portes d’un processus ouvertement révolutionnaire", il cherche à mystifier les travailleurs en leur donnant de faux espoirs, pour ainsi les désarmer et les mettre sous contrôle de la fraction de la bourgeoisie représentée par Obrador, le PRD et la CND.
Face à ces évènements, un groupe trotskiste, la Ligue des travailleurs pour le Socialisme-A Contre-courant (LIT-CC), dans son journal Estrategia Obrera nº 53 (16-09-2006) joue son rôle d’instrument de la confusion. Tout en semblant dénoncer le PRD, il ne fait qu’apporter de l’eau au moulin de la bourgeoisie : "…la combinaison d’une forte crise au sommet, l’existence d’un mouvement démocratique de masse et la commune d’Oaxaca, ouvrent une situation prérévolutionnaire, qui pourrait être le préambule de la deuxième révolution mexicaine, ouvrière et socialiste."
L’expression "Commune d’Oaxaca" est typique de ces phrases démagogiques dont le seul but est de créer la confusion chez les travailleurs. C’est un mensonge. D’abord parce que ce qui se passe à Oaxaca est l’expression d’une masse qui n’est pas dirigée par le prolétariat, mais à laquelle c’est lui qui est soumis aussi bien sur les objectifs que dans les décisions prises. Mais, surtout, parce que si la Commune de Paris a légué une leçon au mouvement ouvrier, une leçon que le marxisme a toujours défendue, c’est bien qu’il ne s’agit pas de "conquérir" la machine étatique mais de la détruire de fond en comble. Demander la destitution du gouverneur Ulises Ruiz est non seulement aux antipodes de la destruction de l’Etat mais représente surtout une manœuvre pour détourner la lutte des travailleurs vers un objectif bourgeois. Aussi, prétendre qu’à Oaxaca, il y aurait eu une "Commune" est une manière sournoise de faire passer pour prolétarien un mouvement qui a migré entiérement en dehors du terrain de la classe ouvrière.
La prétendue "Révolution mexicaine" relève de la même falsification de l’histoire du mouvement ouvrier. Les références à Lénine, pour caractériser une situation révolutionnaire, disant que "ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner", n’ont rien à voir avec ce qu’on est en train de vivre à Oaxaca. Dans cette région existait effectivement un processus de radicalisation des masses, mais qui a été détourné vers des actions stériles et désespérées de défense des objectifs bourgeois de l’APPO, sans autre objectif que de sortir du gouvernorat le satrape Ulises Ruiz.
Pour un autre groupe trotskiste, Germinal (Espagne), l’APPO n'est rien de moins que "l’embryon du possible Etat ouvrier 3 [32], l’organe de nature soviétique le plus développé qu’on a pu voir depuis des décennies sur toute la planète" (13 septembre 2006). Une telle affirmation est une véritable épine dans le pied des ouvriers d’Oaxaca. Il s’agit d’une déformation délibérée pour faire en sorte que les travailleurs voient un soviet là où il n’y a qu’un vulgaire front interclassiste. Un soviet, ou conseil ouvrier, est une organisation qui germe dans une période prérévolutionnaire ou directement révolutionnaire, où participent tous les travailleurs, avec des assemblées qui sont l’âme et la vie de l’insurrection, avec des délégués élus et révocables. Dans l’APPO se sont enkystés des "leaders" dont la proximité avec les structures du pouvoir sont bien connues (comme les porte-parole de l’APPO : Rogelio Pensamiento, bien connu pour ses liens avec l’encadrement du PRI, l’ex-député du PRD, Flavio Sosa ou le syndicaliste du SNTE, Rueda Pacheco, dont on sait très bien qu’il a reçu pendant longtemps des "soutiens économiques" de la part du gouvernement d’Ulises Ruíz lui-même). Si, en plus, on regarde la composition de ce prétendu "soviet", on constate sur le premier compte-rendu de l’APPO que celle-ci s’est constituée avec 79 organisations "citoyennes", 5 syndicats et 10 représentants des écoles et de parents d'élèves. Cet amalgame permet l’expression de tout, excepté celle de l’indépendance et de l’autonomie du prolétariat.
Les décisions de ce pseudo “soviet” ou de cette prétendue “commune” dont parlent les trotskistes ne se distinguent pas, dans la pratique, de celles prises par n’importe quel organe préoccupé par la bonne marche des affaires capitalistes. Le groupe Germinal lui-même le fait remarquer pour l’applaudir des deux mains : "Une police municipale propre a été créée (le ‘corps de topiles’)" et "le 3 septembre, en même temps qu’il a été approuvé de convoquer à la constitution d’assemblées populaires dans tous les états du Mexique, il a été décidé : (…) que dans les ordonnances on envisage la réactivation de l’économie, de la sécurité citoyenne, de la propreté et de l’embellissement de la ville, une ordonnance pour le transport urbain et suburbain, une ordonnance pour attirer le tourisme et une autre pour la vie en commun harmonieuse". Voilà les faits qui leur font affirmer que c’est l'organe prolétarien "le plus développé qu’on a pu voir depuis des décennies sur toute la planète", autrement dit, la défense pure et simple d’un meilleur fonctionnement économique, politique et social du capitalisme !
Le soulèvement à Oaxaca était on ne peut plus justifié, les instituteurs se trouvent dans une misère noire, la même que des millions de leurs frères de classe dans le reste du pays et du monde entier, mais leur colère a été récupérée et dévoyée par la bourgeoisie. Voilà pourquoi l’APPO n’est pas un exemple de ce qu’il faut faire, mais de ce qu’il ne faut surtout pas imiter. La question vitale de l'autonomie de la lutte du prolétariat est toujours un problème qui reste à résoudre.
Marsan (10 octobre 2006)
1 [33] Ce groupe se dit être la "voix marxiste des travailleurs", ce qui ne l’empêche pas de se proclamer courant "cofondateur du Parti de la Révolution Démocratique", le PRD de Lopez-Obrador.
2 [34] La Convention National Démocratique, coalition de la gauche mexicaine qui ne reconnaît qu’Obrador comme président "légitime", et qui, à l'initiative de ce dernier, organise régulièrement des grands rassemblements à Mexico (comme le 1er décembre pour contrer l'investiture "officielle" de Calderon) afin de maintenir la "pression populaire".
3 [35] Ajoutons au passage que pour le CCI "Etat ouvrier" est un contresens. Les ouvriers devront détruire l’Etat et ce n’est pas en y ajoutant le qualificatif "ouvrier" qu’on va changer sa nature. Voir à ce sujet notre brochure L’État de la période de transition.
L'annonce en pleine période pré-électorale de la nécessité de poursuivre et de renforcer les attaques sur les retraites en dit long sur la profondeur de la crise et à quel point la bourgeoisie est prise à la gorge. Le Conseil d'Orientation des Retraites a sorti le 11 janvier dernier un rapport commandité par l'actuel gouvernement. Ce rapport préconise d'une part un nouvel allongement de la durée des cotisations à 42 ans pour tous afin de pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein, d'autre part une remise en cause des régimes spéciaux. Les régimes spéciaux permettent à certaines catégories de travailleurs de partir à la retraite dès 55 ans, en fonction de la pénibilité du travail (les marins, les mineurs, le secteur de l'imprimerie…) ou en fonction d'accords avec certains secteurs nationalisés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (à EDF-GDF, à la SNCF, à la RATP, chez les militaires). Pour faire passer la pilule, on montre du doigt les autres Etats de l'Union Européenne où "c'est pire" : de fait, ces nouvelles attaques sur les retraites, qui se préparent à porter l'âge moyen du droit à la retraite de 65 à 67 ans en Allemagne ou de 67 à 68 ans en Grande-Bretagne, illustrent clairement la faillite générale et globale du système capitaliste incapable de nous payer une retraite décente à l'issue d'une vie d'exploitation. Déjà, en France, le recours croissant à des emplois "seniors" sous-payés montre la voie. Sous prétexte de "l'inexpérience" des uns, ou du "manque de productivité" des autres, toutes les tranches d'âge paient le tribut d'une crise permanente qui les plonge toujours davantage dans la précarité, le chômage, la misère. Depuis la parution du "livre blanc" du socialiste Rocard en 1991 préconisant toutes les mesures ultérieures, droite et gauche se sont relayées sans relâche pour repousser l'âge de la retraite et surtout diminuer le montant des pensions :
- en 1993, le gouvernement Balladur avait porté à 40 ans la durée de cotisations dans le secteur privé ;
- en 1995, le plan Juppé avait mis à l'ordre du jour la suppression des régimes spéciaux ;
- une large partie de ces régimes ont été progressivement supprimée par les gouvernements Jospin puis par celui de Villepin, notamment à la Banque de France, dans les assurances, à La Poste et à France-Télécom ;
- enfin, la "réforme" de 2003 sur les régimes de retraites a étendu à toute la fonction publique l'attaque de 1993 en allongeant aussi à 40 ans la durée des cotisations pour ces travailleurs
Et tout cela va se poursuivre. La droite comme la gauche se préparent déjà à de nouvelles attaques pour l'après-mai 2007. Il y a 6 mois, le ministre Fillon a relancé le bouchon sur la suppression totale des régimes spéciaux (ou plutôt ce qu'il en reste), puis le candidat Sarkozy a inclus cette attaque dans ses priorités au "nom de l'équité sociale". Plus discrètement mais tout aussi sûrement, la candidate de la gauche, madame Royal, propose exactement le même programme : "Il y a un chantier d'harmonisation à conduire dans le système de réforme des retraites". Et le mentor du PS, Hollande renchérit : "Bien sûr qu'il faudra réformer ces régimes : ça se fera dans un cadre concerté au moment où le rendez-vous a été fixé." Quant à celui qui se présentait naguère comme le champion de l'aile gauche du PS Fabius, il a déclaré également : "Il faut rouvrir le dossier des régimes spéciaux." Le futur "ministre de l'économie" de l'équipe, DSK, a d'ailleurs proposé de financer les dépenses des caisses de retraite par la CSG (Contribution Sociale Généralisée), autrement dit par une nouvelle augmentation de cette taxe qui va toucher tout le monde, y compris les retraités eux-mêmes qui paieront ainsi doublement leurs droits de pension. Le seul "truc" du PS, c'est de chercher à camoufler l'attaque en se réfugiant derrière l'hypocrite "décision prise à l'issue d'une négociation démocratique avec tous les partenaires sociaux", autrement dit, les syndicats. Alors qu'on connaît d'avance la partition musicale, la CFDT, sur qui repose la gestion des caisses de retraites, jouant à fond la carte de la réforme, la CGT et les autres faisant mine de s'opposer à elle pour pouvoir encadrer la contestation et l'isoler branche par branche, secteur par secteur.
Mais ce n'est pas tout : en plus des plans de licenciements qui pleuvent de plus belle (voir article sur Airbus en page 2), il est prévu d'éliminer à nouveau en 2007, 25 000 postes dans la Fonction publique. Parmi ceux-ci, 5000 emplois d'enseignants seront supprimés à la prochaine rentrée. Par un curieux paradoxe, l'Etat français se vante de détenir le ruban bleu (ou rose) du record de naissances en Europe et son gouvernement d'accueillir de moins en moins d'enfants dans les écoles. Cherchez l'erreur ! Pour l'Education nationale par exemple, l'attaque ne s'arrête pas là puisque la "gaffe calculée" de madame Royal sur le projet d'extension des 35 heures hebdomadaires aux enseignants montrait la voie. Elle est relayée aujourd'hui par la suppression de la rémunération d'une à trois heures de décharge d'enseignement hebdomadaire, contribution quasi-obligatoire au travail administratif de l'établissement. Les enseignants se retrouvent ainsi contraints d'accepter de donner des heures de cours supplémentaires sous peine de perdre entre 1000 et 1600 euros par an. D'autre part, le projet de loi du ministère prévoit de généraliser la "bivalence" : faire assurer l'enseignement dans deux disciplines distinctes par un même prof dans les lycées et collèges. Tout cela se traduit par une détérioration des conditions de travail, une précarisation accrue et une chute du niveau de vie dans le secteur de l'Education nationale. Le Monde daté du 21 janvier titrait sur la paupérisation des profs. Celle-ci est étayée par une étude révélant que les enseignants du secondaire et les profs d'université ont perdu 20% de leur pouvoir d'achat entre 1981 et 2004 et de 9% pour les instituteurs (soit dit en passant, cette érosion des salaires a commencé dès l'arrivée de la gauche au gouvernement). 2007 voit aussi la poursuite des suppressions de postes dans les autres services publics. Ainsi à la SNCF, le fait qu'il y ait "seulement" 4500 emplois prévus en moins (au lieu de plus de 5000 en 2006) est quasiment présenté comme une "bonne nouvelle". La bourgeoisie ne recule devant aucun effet de manches.
Pas d'illusions ! Le choix des urnes ne changera absolument rien au menu des attaques. Ce n'est pas par la voie électorale, atomisés dans les isoloirs, que les prolétaires pourront se défendre contre de telles attaques. Face à un gouvernement qui, quel qu'il soit, se prépare à cogner toujours plus fort, les ouvriers n'ont pas d'autre choix que de développer leurs luttes sur un terrain de classe.
W (23 janvier)
D’après un sondage commandé début décembre par l’association Emmaüs, près d’un Français sur deux craint de devenir un jour sans domicile.
Loin de la paranoïa ou du fantasme collectif, ce sentiment aigü de fragilité face à l’existence n’a rien d’étonnant et trouve même son entière légitimité dans un monde capitaliste parvenu aujourd’hui au stade suprême où plus aucune de ses promesses n’a de sens hormis celle de la pauvreté pour tous. Chômage, travail et revenus précaires, accès d’autant plus improbable au logement et aux soins ; l’avenir est devenu pour bon nombres de travailleurs un gigantesque point d’interrogation.
Avec ou sans travail, jeunes ou vieux, de plus en plus d’ouvriers vivent avec la peur au ventre, la menace sourde de se retrouver du jour au lendemain jetés à la rue comme de vulgaires chiens galeux. Les prolétaires ont d’excellentes raisons de s’inquiéter de l’avenir qui leur est réservé ainsi que de celui qui se prépare pour leurs enfants.
La réapparition et l’extension de bidonvilles dans un alignement de caravanes et de tentes sur les quais ou sous les ponts des grandes villes sont là pour en attester ; le capitalisme impose une marche ininterrompue vers la misère.
Il est bien difficile, dès lors, de ne pas être ulcéré par les conditions de vie inhumaines dans lesquelles se débattent des franges toujours plus grandes d’hommes, de femmes, voire de familles entières, privés de logement.
Comment ne pas être révolté contre un système qui laisse mourir ses esclaves parce qu’il est, de plus en plus, incapable de fournir le strict minimum pour assurer leur survie ?
Evidemment, la bourgeoisie (soucieuse de la conservation des bases sur lesquelles repose son monde) ne peut laisser l’indignation et la colère monter dans les rangs ouvriers.
Autant dire que l’arrivée sur la scène médiatique des Enfants de Don Quichotte au beau milieu du mois de décembre a été, pour elle, une occasion en or pour faire mine de "désamorcer" ce qu’il est convenu d’appeler désormais la crise du logement.
En effet, avec une rapidité fulgurante l’association des Don Quichotte, fraîchement mise sur pattes par la famille Legrand, est devenue le défenseur n°1 des sans-abri après l’installation d’un campement de 250 tentes le long du Canal Saint Martin à Paris. Le fils de cette sainte famille, Augustin, "le grand frère des pauvres", nouvelle coqueluche des médias habillée par ces derniers en Abbé Pierre collection hiver 2006/2007, s’explique : "Je me suis dis, je vais organiser une révolution pour leurs donner [aux SDF] la possibilité de s’exprimer et faire venir des bien-logés pour manifester"… "on s’est dit que si des milliers de personnes campaient dans la rue, le gouvernement serait bien obligé d’agir."
En voilà une drôle de révolution où il faut s’agenouiller et supplier le gouvernement de ceux qui nous exploitent pour que cesse la misère !
Quoi qu’il en soit, on ne devient jamais superstar sur un simple mal entendu… ça se mérite ! De ce point de vue, il faut bien dire que le discours de la famille Legrand a constitué un savoureux pain béni pour la classe dominante.
Pourquoi avoir choisi la célèbre figure de Don Quichotte ? Est-ce parce qu’il s’agit du "combat de l’impossible" ? Pas tout à fait puisque Augustin Legrand n’a eu de cesse d’invoquer les grands principes de la démocratie et de ses droits : "je suis fier d’être Français parce qu’on a les Droits de l’Homme avec nous." Extraordinaire espoir !
Ainsi, la messe est dite. Plus besoin finalement d’aller faire la révolution, le capitalisme se suffit à lui-même… il n’y a plus qu’à mettre un peu d’huile de coude, de la bonne volonté pour faire appliquer la loi, les droits et voilà le tour est joué… Don Quichotte est devenu Merlin l’Enchanteur.
Evidemment, l’irruption de la question du logement en pleine campagne présidentielle a également conduit la plupart des partis bourgeois (montés sur leur poulain, pouliche, ou vieille carne respectivement) à se bousculer et jouer des coudes pour signer la Charte du Canal Saint Martin pour l’accès de tous à un logement dans un grand élan… d’hypocrisie.
Ainsi, Nicolas Sarkozy (empruntant à Jospin la formule du "zéro SDF") a promis, lors de son déplacement à Charleville-Mézières le 19 décembre, que «plus personne ne sera obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid" (à condition qu’il soit élu) car "le droit à l’hébergement est une obligation humaine" (toujours à la même condition !). De son côté Ségolène Royal, qui promet elle aussi monts et merveilles aux mal logés, déclare dans une envolée lyrique "que la grande pauvreté existe encore dans un pays comme le nôtre, voilà le scandale". Bayrou, Besancenot, Hollande, Boutin, Buffet… les uns après les autres, sont venus souffler dans les voiles du moulin à promesses en signant la Charte des Don Quichotte et par là répondre à l’inquiétude grandissante des ouvriers leur faisant croire que la solution pour demain est contenue dans le système capitaliste lui-même.
Plus fort, le gouvernement Villepin (poussé par les vœux du président) est allé jusqu’à donner dans le concret en annonçant l’adoption prochaine d’une loi faisant du "droit au logement", inscrit dans la constitution de 1946, un droit "opposable". Xavier Emmanuelli, membre du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, chargé de la rédaction du fameux projet de loi explicite ce charabia juridique : "Le droit au logement opposable consiste à mettre le citoyen en situation de s’adresser à une autorité responsable et à lui ouvrir des voies de recours."
En somme, «si tu n’as plus de logement, fait appel à la Justice pour qu’elle te trouve un toit».
La classe ouvrière vient donc de gagner le droit de se plaindre (ou d’aller se faire voir, c’est quif quif)… belle affaire !
Désormais, le droit au logement sera "opposable" au même titre que le droit aux soins, nous dit-on triomphalement. Mais lorsque l’on jette un œil sur la politique de santé menée depuis quelques années (déremboursement des médicaments, sous effectifs et suppressions de lits dans les hôpitaux) on mesure mieux la valeur de cette nouvelle loi… à savoir, nettement moins qu’un pet de lapin.
Voilà ce que la bourgeoisie ose présenter comme une "victoire" et une "sortie de crise" pour les sans-abri et les mal logés. Et notre Don Quichotte national de se dire, au 13h de France 2 le 3 janvier, "très satisfait" des annonces de Villepin car "bien sûr c’est la loi qui va réinsérer ces gens là, on est en train de faire appliquer des mesures d’urgence qu’on peut appliquer très vite par décret de loi que le gouvernement va prendre et ça on est formel, ils vont le faire… c’est une question de Droit de l’Homme…"
"Bien sûr"… dormez braves gens, l’Etat veille sur vous !
Ainsi, Augustin Legrand peut "héroïquement" faire lever le camp le 8 janvier. C’est fini, "Un changement radical de politique concernant les sans-abri…nous conduit à une sortie de crise immédiate"… "nous démarrons immédiatement le processus qui nous conduira à la fin de tous les campements". "Et hop…circulez, plus rien à voir" ; "rentrez chez vous messieurs dames" ; "on a gagné, faut remballer». Les SDF se regardent dubitatifs à l’annonce du patron des Don Quichotte… "partir ? oui, mais où ?". Evidemment, rien n’a été réglé et les campements du Canal Saint Martin et d'ailleurs n’ont pas bougé d’un seul centimètre.
"Mes amis au secours… une femme vient de mourir gelée cette nuit à 3 heures sur le trottoir du boulevard Sébastopol… Chacun de nous peut venir en aide aux sans-abri. Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain, 5000 couvertures, 300 grandes tentes… Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse, ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris. Merci." Cet appel aurait très bien pu être celui des Don Quichotte de 2007 mais ce n’est pas le cas. Ici c’est l’Abbé Pierre qui donne de la voix et nous sommes le 1er février 1954. Cinquante ans plus tard, il y a comme un goût de déjà vu et pourtant ce n’est pas la guerre qui est venue cette fois balayer les hommes et leurs logements. Il faut dire que la faillite du capitalisme a plus d’un tour dans son sac pour anéantir la vie. Ainsi, le retour de la crise économique depuis la fin des années 1960 (après un bref instant de répit) n’a cessé de répandre la misère à travers le monde. A ce jour, la France compte 7 millions de travailleurs pauvres, 3 millions de sans abris dont 30% ont un boulot mais cherchent pourtant soir après soir un endroit où dormir …
L’idée donquichottesque selon laquelle "les moyens existent" pour "un plan Marshall d’éradication de la pauvreté" est dans le meilleur des cas une chimère.
Ne pas voir la réalité de ce monde mais le fantasmer tel qu’il ne sera jamais est exactement l’effet que la bourgeoisie cherche à produire sur les cerveaux ouvriers pour qu’ils oublient leur révolte et s’éloignent de la tentation révolutionnaire.
Les enfants de Don Quichotte et après eux (pourquoi pas ?) les petits-enfants d’Emile Zola, avec leurs suppliques adressées à l’Etat, ne peuvent rien pour sauver les indigents toujours plus nombreux dans ce monde…à part donner l’occasion à la classe dominante de nous bercer d’illusions.
Seuls les fils d’Octobre 1917 portent avec eux l’espoir d’en finir avec la misère, parce qu’ils portent en eux la perspective d’un autre monde, celui du communisme.
Jude (21 janvier)
Pour prononcer ses "bons vœux" aux salariés d'Airbus, Louis Gallois, nouveau dirigeant de cette société aéronautique et ex-"tueur" d'emplois à la SNCF, a annoncé que les "grandes lignes" de la restructuration qui menace l'entreprise depuis octobre 2006 seraient décidées début février. Ce plan, baptisé "Power 8", ou "Energie 8", a été en réalité décidé et tenu au chaud depuis l'été dernier. Il prévoit clairement une vaste réorganisation de la production de l'avionneur européen, actuellement dispersée sur 16 sites en Europe, et des suppressions d'emplois, en vue de réduire les coûts de 2 milliards d'euros par an à l'horizon 2010. Il s'agit d'une attaque en règle contre tous les emplois touchant de près ou de loin la construction de l'Airbus, dans un contexte d'aggravation aiguë de la concurrence qui fait rage entre les plus grands constructeurs de l'aviation.
Cette crise, qui touche l’industrie aéronautique européenne à travers Airbus (face à son concurrent principal Boeing) est un exemple frappant de la guerre commerciale que se livrent les nations capitalistes. Ainsi, pour renforcer leur compétitivité, les bourgeoisies européennes concernées tentent de diminuer au maximum le coût de fabrication de l'A380 tout en accélérant sa finalisation. Ce qui se traduit pour la classe ouvrière, en termes de licenciements et d'exploitation accrue touchant des centaines de milliers d’ouvriers en Europe.
Alors que la direction d'Airbus prétend que les mesures du plan de restructuration prendront effet après février 2007, l'attaque a de fait déjà commencé . Le grand mot d’ordre est : "Il faut réduire les coûts de production." Depuis l’annonce de la crise (septembre 2006) les contrats précaires (CDD, intérim) ne sont plus renouvelés, ce qui signifie 1000 emplois supprimés sur chacun des sites d’Hambourg et de Toulouse depuis l'automne 2006.
Ces 2000 licenciements ont pour conséquence une augmentation des charges de travail qui se traduit déjà par des heures supplémentaires imposées. Mais si l’attaque a déjà commencé, elle va toucher dans un premier temps, les sous-traitants. 56 000 personnes, dont le nombre doit être réduit de 80%, sont concernées pour la seule région Midi-Pyrénées. Les chiffres annoncés sont d'une rare brutalité : "Le report du calendrier va coûter près de 5 milliards d'euros à l'avionneur Airbus, qui vient d'annoncer une réduction du nombre des sous-traitants de 3000 à 500. Un sur deux sera installé dans un pays à bas coût de main-d'œuvre." (La Nouvelle République du 14 novembre 2006)
Toutes ces mesures d’économies sont inévitables pour "restaurer" la compétitivité d'Airbus. Aussi, afin de bien "remettre Airbus sur les rails", ses dirigeants ont aussi préparé un plan d’austérité impitoyable pour les ouvriers d’Airbus eux-mêmes, plan que la direction a commencé à mettre en place depuis bien avant les récentes déclarations de Gallois : "Airbus compte notamment réduire de 30% ses frais de fonctionnement"(AFP du 3 octobre 2006) ; il faut gagner "20% de productivité dans toutes les usines dans les 4 prochaines années » et réduire "les coûts de 5 milliards d'euros jusqu'en 2010"(Libération du 9 octobre 2006). Enfin, "à partir de 2010, l’entreprise doit économiser 2 milliards d’euros par an pendant 3 ans"et "diminuer le nombre de fournisseurs"pour tenter de trouver de nouveaux capitaux.
Le nouveau PDG a réuni depuis le mois de septembre tous les "acteurs"du sommet de l’Etat au Comité Central d’Entreprise, c’est-à-dire les syndicats. Dans cette situation, ces derniers ont tous eu le même langage, celui de minimiser la gravité de ce qui se préparait, s'inscrivant pleinement dans les mensonges de la direction et des différents Etats concernés. Dès le début, FO, syndicat majoritaire, a fait semblant de dénoncer les commentaires des médias qui amplifieraient la crise : "Il faut arrêter de déstabiliser notre entreprise au risque d’aggraver dangereusement la situation !" (tract du 10 octobre). De son côté, la CGT minoritaire dénonçait les actionnaires comme fauteurs de la crise : "Ce sont bien les actionnaires avec leurs exigences de rentabilité immédiate qui sont à l’origine des difficultés actuelles et à venir dans cette industrie..."(octobre 2006). Ils sont même allés jusqu’à féliciter les salariés, comme le font les patrons, d’avoir accepté des sacrifices dans l’intérêt de l’entreprise. Les syndicats ont montré, par là, qu’ils sont bien les garants de la bonne gestion de l’entreprise. Tous les syndicats ont donc appliqué les consignes de discrétion soi-disant pour ne pas "déstabiliser l’entreprise vis-à-vis de la concurrence". Ceci est confirmé par cette déclaration du secrétaire de la section syndicale FO à Toulouse : "Si je laisse filer un quelconque document ou si je dis un mot de travers, ça peut se retrouver le lendemain dans la presse américaine ou anglaise. Et je ne voudrais pas être à l'origine d'un effondrement du titre EADS en Bourse." Les syndicats des sites de Nantes et Saint-Nazaire, ainsi que tous les élus de la région (qui ont eux aussi été mis au courant depuis belle lurette), peuvent bien à présent se "mobiliser" et crier leur "indignation"contre la menace de licenciement qui risque de frapper 16 000 emplois en Pays de Loire, tout ce beau monde savait ce qu'il en était depuis des mois.
Aux sacrifices supplémentaires que demande la direction et les "partenaires sociaux", il faut répondre par la lutte. Pour être forts et unis, pour faire reculer les attaques, nous devons rejeter la division entre ouvriers d'EADS et sous-traitants, entre ouvriers français et ouvriers d'Europe ou d’Amérique. La concurrence et le profit sont les maîtres-mots des patrons, de l'Etat et des syndicats, pas les nôtres! La classe ouvrière doit au contraire cultiver ce qui fait sa force, celle de la lutte collective qui seule peut faire reculer une exploitation toujours plus féroce.
Pour développer la lutte, il ne faut pas faire confiance aux organisations syndicales qui créent la division et font passer les attaques. Les récents combats menés par d'autres ouvriers, qu'il s'agisse des jeunes générations lors du mouvement contre le CPE en France, ou de la grève des ouvriers métallurgistes à Vigo en Espagne, montrent l'exemple du chemin à suivre, par la solidarité ouvrière et la volonté de tenir les luttes en mains dans les assemblées générales les plus massives possibles, en-dehors et contre les syndicats.
Damo
Il y a près de 40 ans, les spécialistes de l’environnement mettaient en garde contre le risque à venir d’une crise écologique majeure et la classe dirigeante de ce monde se réunissait déjà (comme à Stockholm en 1972) pour se poser la question : "que faire ?"… sans jamais trouver de réponse qu’elle puisse se permettre d’appliquer.
Aujourd’hui, le danger a mûri pour devenir une réalité indiscutable et meurtrière. Ce n’est un secret pour personne, le mode de production capitaliste pollue l’air et l’eau de ses divers rejets toxiques et réchauffe le climat 1 par l’émission de gaz à effet de serre (CO2). Les conséquences sont désastreuses pour la vie et en premier lieu celle de l’espèce humaine. Inondations, ouragans, canicules, maladies 2… ne sont qu’un avant-goût de ce que prépare la dégradation continue de l’environnement.
Dans ce contexte, le succès d’un Nicolas Hulot, nouveau pape de l’écologie en France, n’a rien d’étonnant.
Après la tournée mondiale d’Al Gore et de son film Une vérité qui dérange, Monsieur Hulot tire à son tour la sonnette d’alarme : "L’heure n’est plus à la réflexion, aux analyses ou aux querelles de chapelles. Agissons ensemble avant qu’il ne soit trop tard." Pour cela, il s’est bruyamment invité dans la campagne présidentielle ; "l’occasion de placer l’écologie au cœur du débat politique" mais aussi "d’élire un candidat capable d’infléchir la trajectoire qui nous mène vers l’abîme."
C’est ainsi que Monsieur Hulot, le globe-trotter de la Maison Bouygues, pose sur la table les 259 pages d’un "programme d’action, à la fois ambitieux et réaliste" : le pacte écologique.
La vedette de TF1 n’est pas tombée du ciel avec la dernière pluie, il sait pertinemment qu’une solution crédible implique la "refondation d’une autre société", "d’autres façon de produire…de consommer…de se déplacer, de se nourrir, de se chauffer, de se loger…"… "Une révolution ? Oui !". Pas de panique, que tout le monde se rassure, Monsieur Hulot n’est pas, non plus, tombé sur la tête. Il reste bien l’homme d’une seule classe, celle de son vieil ami Chirac et du futur président français à qui son pacte s’adresse. C’est pourquoi cette "autre société" n’est rien moins que le rêve fumeux d’un capitalisme propre, non polluant, capable de se préoccuper des hommes et de leur environnement plutôt que de ses profits. Bref, une de ces bestioles improbables tout droit sortie d’un livre de mythologie antique qui n’a d’existence possible que dans le cerveau étriqué d’un Nicolas Hulot, telle une marmite bouillonnante sur laquelle reposerait un couvercle de plomb.
Outre le mythe moyenâgeux du retour à la terre, présent dans son pacte sous la forme d’une société "sobre et économe" pratiquant la réduction drastique des déplacements et "l’augmentation de la population agricole", il n’en reste pas moins une série de mesures tout à fait valable pour lutter efficacement contre la pollution : le développement des transports en commun, le train plutôt que le transport routier ; la conception de logement moins énergivores car mieux isolés, le développement d’énergies non polluantes (éolien, solaire…) ; la production de biens recyclables dotés d’une durée de vie plus longue…
Les solutions ne manquent pas mais Monsieur Hulot semble éluder une question de taille : le capitalisme est-il capable de les mettre en œuvre ? Il est pourtant évident que non. En effet, toutes ces mesures nécessiteraient une telle réorganisation de l’appareil productif que le coût de ce chambardement pour chaque nation serait insupportable. Les dépenses de conversion aux énergies propres, de recherches et mise en place de nouveaux procès de fabrication, de conception et production de marchandises non pas au rabais mais de qualités pour qu’elles soient capables de durer dans le temps, seraient exorbitantes. Aucun capitaliste, aucune économie nationale ne peut supporter un tel coût sans signer en même temps son acte de décès. Le système capitaliste ne vit que pour une chose : faire du profit. Si demain, comme le demande Nicolas Hulot, la France adopte toutes ces mesures de protection de l’environnement afin de servir d’exemple et d’entraîner dans une réaction en chaîne le reste du monde, alors la bourgeoisie française est sûre de se faire sauvagement piétiner sur le marché mondial par les nations concurrentes qui auront gardé leur compétitivité intacte en continuant à polluer à moindre frais.
Depuis les années 1970, les conférences internationales et les traités pour la sauvegarde de la planète prolifèrent (Montréal, Rio, Kyoto)… sans résultats. La classe dominante a conscience du fait que son mode de production conduit à la catastrophe écologique. Elle voudrait sûrement qu’il en soit autrement mais il lui est impossible d’aller à l’encontre des lois qui régissent son monde. Le capitalisme emmène l’humanité droit dans le mur et il y va en klaxonnant. Le pacte de Nicolas Hulot s’inscrit lui aussi dans ce récurrent aveu d’impuissance.
Au final, le présentateur d’Ushuaïa a choisi de "faire confiance à la parole des candidats" qui ont signé son pacte et de ne pas se présenter lui-même à l’élection présidentielle… Pas folle la guêpe. Elle sait bien que le discrédit est assuré.
Le péril écologique ne pourra jamais être dépassé dans le cadre du capitalisme, simplement parce que c’est précisément ce cadre qu’il s’agit de défaire pour instaurer une autre société capable d’orienter toutes ses forces vers la préservation de la vie. Et cette autre société, c’est exactement le projet de la classe ouvrière.
Azel (22 janvier)
1 "Cinq degrés de différence sur la moyenne de la température actuelle, c’est ce qui sépare notre époque de la dernière période glaciaire… A la sortie de l’âge glaciaire, il a fallu plusieurs milliers d’années pour que la température moyenne remonte de cinq degrés et que s’établisse le climat que connaît la planète depuis environ dix mille ans. Les perturbations climatologiques que notre société industrielle a déclenchées conduisent à un phénomène de même ordre, c’est-à-dire un changement d’ère climatique. Mais, cette fois, le mouvement se déroulerait sur un siècle, soit cinquante fois plus vite que dans le passé, ce qui risque de provoquer un choc considérable pour la vie…" (extrait de Pour un pacte écologique)
2 Selon un rapport de l’OMS du 16 juin 2006, près du quart des maladies à travers le monde sont dues à l’évolution des conditions environnementales.
C’était écrit, la belle aventure de la "gauche de la gauche" a fait long feu, cette "gauche anti-libérale" issue du "Non" à la constitution européenne de 2005. Les rats ont quitté le navire les uns après les autres, après s'être copieusement entre-déchirés, sans pouvoir choisir de candidat.
Olivier Besancenot, premier à appeler de tous ses vœux ce rassemblement au printemps dernier, a aussi été le premier à s'éclipser dès novembre. Celui qui frétillait d'espoir dans un article du quotidien Le Monde intitulé : "Marie-George, Arlette, José…, si on causait ?" sur la perspective de "s'opposer à la droite et résister au social-libéralisme" (Le Monde du 28 avril 2006), n'a plus pour ambition que de rassembler "les voix de la réelle gauche anticapitaliste" autour de la LCR.
Dans cette chronique d’une cacophonie annoncée, José Bové, chantre de l’écologisme radical altermondialiste, valeureux coupeur de têtes… de maïs, s'est lui aussi distingué. Après avoir répondu présent à l’appel de Besancenot, pour mieux proposer ses services de candidat potentiel dès cet été, puis après s’être retiré en novembre de la compétition, "dégoûté" des querelles de chapelle, "militant" ensuite en faveur d’un consensus regroupant la LCR et le PCF pour agréger les forces de cette gauche du "changement de société" et "faire" plus de voix, le revoilà se hissant pour son propre compte sur le podium des candidats avec ses 28 000 signatures de soutien au sein de la Confédération paysanne.
Passons les innombrables petites phrases assassines qui ont émaillé les considérations des uns par rapport aux autres au sein de ce "rassemblement de l'espoir", et qui n'ont pas dérogé à la règle de tous les partis bourgeois : la foire d'empoigne. C'est d'ailleurs bien cette ligne directrice qui a guidé les "antilibéraux" dans leur prétendue quête du Graal "unitaire". Pour exemple significatif, les 9 et 10 décembre, réunis afin de "choisir" "leur" candidat, les 1500 délégués des "collectifs locaux" représentant la "coalition antilibérale" se sont copieusement écharpés et insultés, exhibant à l'envie leurs divisions et leurs dissensions. Le seul point faisant l’unanimité a été l'opposition à l'OPA tentée par le PCF pour s'approprier la représentation de cette gauche ainsi que l'hostilité ouverte à la candidature de Marie-George Buffet.
Car c'est là que se trouve la pierre d'achoppement principale, celle qui tue : le PCF et sa candidate. Il faut dire que ni l'un ni l'autre ne sont particulièrement attractifs, sentant tous deux puissamment l'odeur de naphtaline des uniformes staliniens qu'ils conservent dans leurs placards, malgré leurs tentatives désespérées de se "moderniser" aux yeux des jeunes en particulier. La tentative de passage en force de la "candidate" Marie-George (déjà tout un programme) pour le compte de la "gauche antilibérale" a profondément déplu et n'a fait qu'attiser les oppositions. Son intronisation par l'appareil du PCF, avant même que les délégués ne soient réunis, a attisé une situation qui était en substance explosive.
La candidature de Buffet pour le PCF se présentait comme une gageure pour la secrétaire nationale. On sait qu'à l'occasion de la Fête de L'Humanité de septembre 2006, cette dernière avait dû faire face à une puissante contestation avec de multiples oppositions et pressions qui s'étaient manifestées pour qu'elle ne soit pas la représentante du PCF et donc encore moins de la gauche "anti-libérale". Le conflit qui scinde le parti entre les "conservateurs" et les ""rénovateurs" s'était à cette occasion fortement ravivé. Plusieurs outsiders s'étaient même mis en avant, dont Patrick Braouezec, rénovateur, mais surtout la jeune louve Clémentine Autain.
Au sein même du Parti communiste, de nombreuses voix, dont un collectif de 350 cadres du PCF, s'étaient même faites entendre pour demander le retrait de Marie-George, au profit si nécessaire de Clémentine Autain ou bien encore de José Bové.
Alors pourquoi un tel acharnement du parti "communiste" pour s'afficher comme le représentant de la gauche antilibérale et pour présenter une candidate dont les chances ne sont pas les meilleures ? La réponse se trouve en premier lieu dans les efforts désespérés que fait le PCF pour survivre. Cette survie est liée au nombre d'élus locaux et de députés qu'il pourra conserver dans l'avenir et qui dépend de ce que voudra bien lui accorder le PS en fonction du nombre de voix obtenues aux présidentielles. C'est ce qui explique l'appel du PCF à voter PS au deuxième tour, discussion qui a été une des principales pommes de discorde dans la coalition antilibérale. Mais le PC doit aussi prendre des airs "révolutionnaires", se prétendre le représentant des forces d'opposition, pour continuer à justifier son existence, de plus en plus maigre, sur l'échiquier politique de la bourgeoisie française. C'est donc ce qui explique aussi la ténacité dont il a fait preuve pour manger la laine sur le dos des petits copains de la "gauche de la gauche" et vouloir s'imposer, quitte à alimenter, sinon provoquer, la pire zizanie dans ce "rassemblement" de contestataires.
Maintenant, pourquoi Marie-George Buffet ? Son élection comme dirigeante du PC après un Robert Hue encore trop marqué par le style "école du parti" avait représenté une tentative de ce dernier pour se donner une coloration moins stalinienne, plus social-démocrate. Cela a été peine perdue. Le passé stalinien du PCF est inscrit dans ses gènes, et les caciques de ce parti sont congénitalement incapables d'avoir l'air d'autre chose que ce qu'ils sont : des produits du stalinisme. Les magouilles minables consistant à créer des "collectifs locaux" bidons pour blinder les voix en faveur de Marie-George Buffet, les pressions en douce pour imposer cette dernière comme candidate de la coalition, etc., ont été autant d'éléments montrant s'il en était encore besoin la nature du PCF, parti bourgeois dont les méthodes d'existence tiennent toujours d'un mode de fonctionnement hérité directement de l'oppression et de la répression qui prédominaient dans les pays de l'ex-bloc soviétique.
L'explosion de "l'union" anti-libérale n'a donc rien d'étonnant. Tous ces groupes de gauche ou d'extrême gauche jouent des coudes quand vient l'heure d'aller à la soupe, défendant leurs misérables intérêts de cliques bourgeoises concurrentes. Tous se battent pour une place de choix dans l'arène de la politique de la bourgeoisie française. Mais cette désunion, aussi grotesque soit-elle, ne signifie pas que ses acteurs s'apprêtent à baisser les bras, tant dans leur combat pour aller à la soupe gouvernementale que pour jouer leur rôle de sabotage de la réflexion dans les rangs ouvriers. Car si toutes ces officines sont aujourd'hui dispersées lors de l'assaut électoral, elles ne manqueront pas demain de travailler toutes de concert idéologiquement contre la classe ouvrière. Main dans la main, elles tenteront d'enfoncer dans le crâne des ouvriers la même camelote idéologique frelatée : cette idée que tous les maux des travailleurs sont dus aux méfaits de la mondialisation libérale. Car finalement, derrière leurs querelles de chapelles, ces champions de l'antilibéralisme seront tous unis demain pour prétendre qu'il faut s'en remettre à un Etat protecteur, plus juste et plus social pour instaurer un capitalisme plus humain et démocratique et finalement pour empêcher les prolétaires de développer leurs luttes sur un terrain de classe.
Mulan (25 janvier)
L'exécution précipitée de Saddam Hussein illustre les sanglants règlements de compte entre fractions rivales de la bourgeoisie. Elle est une confirmation du cynisme et de la duplicité des grandes puissances qui ne prétendent apporter la paix et rétablir davantage de justice ou de démocratie aux populations que pour masquer la défense de leurs sordides intérêts impérialistes concurrents, facteur prépondérant de l'aggravation des conflits et de l'accumulation de la barbarie guerrière du capitalisme
Le jugement et l'exécution de Saddam Hussein ont été salués spontanément par Bush comme une "victoire de la démocratie". Il y a une part de vérité dans cette déclaration : c'est souvent au nom de la démocratie et de sa défense présentée comme l'idéal de la bourgeoisie que celle-ci a perpétré ses règlements de compte ou ses crimes. Nous avons déjà consacré un article de notre Revue Internationale à le démontrer (Lire Revue Internationale n°66, 3e trimestre 1991, "Les massacres et les crimes des grandes démocraties"). Avec un cynisme sans bornes, Bush a également osé déclarer le 5 novembre 2006, à l'annonce du verdict de la condamnation à mort de Saddam Hussein, alors qu'il était lui-même en pleine campagne électorale dans le Nebraska, que cette sentence pouvait apparaître comme une "justification des sacrifices consentis par les forces américaines" depuis mars 2003 en Irak. Ainsi, pour Bush, la peau d'un assassin valait celle de plus de 3000 jeunes Américains tués en Irak (soit davantage de victimes que la destruction des Twin Towers), la plupart dans la fleur de l'âge ! Et il ne compte pour rien la peau de celles des centaines de milliers d'Irakiens depuis le début de l'intervention américaine. En fait, depuis l'occupation des troupes américaines, il y a eu plus de 600 000 morts côté irakien que le gouvernement irakien vient d'ailleurs de décider de ne plus décompter pour ne pas "saper le moral" de la population.
Les Etats-Unis étaient au plus haut point intéressés à ce que l'exécution de Saddam Hussein ait lieu avant que ne se tiennent les procès suivants. La raison en est qu'ils ne tenaient en rien à ce que soient évoqués trop d'épisodes compromettants pour eux. Il s'agit de faire le maximum pour ne pas rappeler le soutien total des Etats-Unis et des grandes puissances occidentales à la politique de Saddam Hussein entre 1979 et 1990, à commencer par la guerre entre l'Irak et l'Iran (1980 -88).
En effet, un des multiples chefs d'accusation requis contre Saddam Hussein dans l'un de ces procès concernait le gazage à l'arme chimique de 5000 Kurdes à Halabjah en 1988. Ce massacre intervenait dans le cadre et à la fin de la guerre entre l'Irak et l'Iran, qui a fait plus de 1 200 000 morts et deux fois plus de blessés et d'invalides. C'était alors les Etats-Unis et, derrière eux, la plupart des puissances occidentales qui soutenaient et armaient Saddam Hussein. Prise par les Iraniens, cette ville avait été reprise par les Irakiens qui avaient décidé d'une opération de représailles à l'encontre de la population kurde. Ce massacre n'était d'ailleurs que le plus spectaculaire au sein d'une campagne d'extermination baptisée "'Al Anfal" ("le butin de guerre") qui fit 180 000 victimes parmi les Kurdes irakiens entre 1987 et 1988.
Lorsque, à l'époque, Saddam Hussein déclenche cette guerre en attaquant l'Iran, il le fait avec le plein soutien de toutes les puissances occidentales. Face à l'avènement d'une république islamiste chiite en 1979 en Iran où l'ayatollah Khomeiny se permettait de défier la puissance américaine en qualifiant les Etats-Unis de "Grand Satan" et que le président démocrate de l'époque, Carter, avait échoué à le renverser, Saddam Hussein a joué le rôle de gendarme de la région pour le compte des Etats-Unis et du camp occidental en lui déclarant la guerre et en la faisant durer pendant 8 ans, pour affaiblir l'Iran. La contre-attaque iranienne aurait d'ailleurs amené ce pays à la victoire si l'Irak n'avait pas bénéficié du soutien militaire américain sur place. En 1987, le bloc occidental sous la houlette des Etats-Unis avait mobilisé une formidable armada dans les eaux du Golfe persique avec le déploiement de plus de 250 bâtiments de guerre en provenance de la quasi-totalité des pays occidentaux, avec 35 000 hommes à leur bord et équipés des avions de guerre les plus sophistiqués de l'époque. Cette armada, présentée comme une "force d'interposition humanitaire", a détruit, notamment, une plate-forme pétrolière et plusieurs des navires les plus performants de la flotte iranienne. C'est grâce à ce soutien que Saddam Hussein a pu signer une paix le ramenant sur les mêmes frontières qu'au moment où il avait déclenché les hostilités.
Déjà, Saddam Hussein était parvenu au pouvoir, avec le soutien de la CIA, en faisant exécuter ses rivaux chiites et kurdes mais aussi les autres chefs sunnites au sein du parti Baas, accusés à tort ou à raison de fomenter des complots contre lui. Il a été courtisé et honoré pendant des années par ses pairs comme un grand homme d'Etat (devenant par exemple le "grand ami de la France", et de Chirac et Chevènement en particulier). Le fait qu'il se soit distingué tout au long de sa carrière politique par des exécutions sanguinaires et expéditives en tous genres (pendaisons, décapitations, tortures des opposants, gazage à l'arme chimique, charniers de populations chiites ou kurdes) n'a jamais gêné le moindre homme politique bourgeois jusqu'à ce que l'on "découvre", à la veille de la guerre du Golfe de 1991 qu'il était un affreux tyran sanguinaire1, ce qui lui valut à cette époque le "titre" de "boucher de Bagdad" qui ne lui avait pas pourtant été "décerné" lorsque précédemment il était l'exécutant sanguinaire de la politique occidentale.
Il faut également rappeler que Saddam Hussein était tombé dans un piège quand il a cru bénéficier du feu vert de Washington lors de son invasion du Koweït à l'été 1990, fournissant le prétexte aux Etats-Unis pour engager la plus monstrueuse opération militaire depuis la Seconde Guerre mondiale. C'est ainsi qu'ils ont monté la première guerre du Golfe, en janvier 1991, en désignant dès lors Saddam Hussein comme l'ennemi public n°1. L'opération montée sous la houlette américaine et baptisée par eux "Tempête du Désert ", que la propagande a voulu faire passer comme une guerre propre avec ses images de "war game" en vidéo, aura fauché près de 500 000 vies humaines en 42 jours, opéré 106 000 raids aériens en déversant 100 000 tonnes de bombes, expérimentant toute la gamme des armes les plus meurtrières (bombes au napalm, à fragmentation, à dépression, obus à l'uranium…). Elle avait pour but essentiel de faire une démonstration de la suprématie militaire écrasante des Etats-Unis dans le monde et de forcer leurs anciens alliés du bloc de l'Ouest, devenus leurs plus dangereux rivaux impérialistes potentiels, à y participer derrière eux. Il s'agissait ainsi de donner un coup d'arrêt à la tendance de ces derniers à vouloir se dégager de la tutelle américaine depuis la dissolution du bloc de l'Ouest et des alliances qui le sous-tendaient.
Avec le même machiavélisme, les Etats-Unis et leurs "alliés" ont ourdi une autre machination. Après avoir appelé les Kurdes au Nord et les Chiites au Sud à se soulever contre le régime de Saddam Hussein, ils ont laissé dans un premier temps intactes les troupes d'élite du dictateur pour lui permettre cyniquement de noyer dans le sang ces rébellions, n'ayant aucun intérêt à voir remettre en cause l'unité du pays, la population kurde en particulier étant livrée une nouvelle fois à d'atroces massacres.
Les médias européens aux ordres et jusqu'au très pro-américain Sarkozy en France lui-même peuvent hypocritement dénoncer aujourd'hui "le mauvais choix", "l'erreur", "la maladresse" que constituerait l'exécution précipitée de Saddam Hussein. Pas plus que la bourgeoisie américaine, la bourgeoisie des pays d'Europe occidentale n'a intérêt à ce que soit rappelée la part qu'elle a pris à tous ces crimes, même au travers du prisme déformant des "procès" et "jugements". Il est vrai que les circonstances de cette exécution débouchent sur un regain d'exacerbation des haines entre communautés : elle s'est déroulée alors qu'avait débuté la période de l'Aïd, la plus grande fête religieuse de l'année pour l'islam, ce qui pouvait plaire à la partie la plus fanatisée de la communauté chiite vouant une haine mortelle à la communauté sunnite à laquelle appartenait Saddam Hussein ; elle ne pouvait par contre qu'indigner les Sunnites et choquer la plupart des populations de confession musulmane. De plus, Saddam Hussein a pu être présenté, auprès des générations qui n'ont pas connu sa férule, comme un martyr.
Mais toutes les bourgeoisies n'avaient pourtant pas d'autre choix car elles partagent le même intérêt que l'administration Bush à cette exécution hâtive qui permet de masquer et de faire oublier leurs propres responsabilités et leur entière complicité face à ces atrocités qu'elles continuent à alimenter aujourd'hui. Les sommets de barbarie et de duplicité atteints au Moyen-Orient ne sont en fait qu'un concentré révélateur de l'état du monde, ils constituent le symbole de l'impasse totale du système capitaliste qui est de mise partout ailleurs.2
Wim (10 janvier)
1 D'ailleurs, un autre tyran de la région, le Syrien Hafez-el-Assad, éternel rival de Saddam, lui, sera resté au-delà de ses funérailles un "grand homme d'Etat", en compensation de son ralliement au camp occidental à l'époque des blocs, malgré une carrière aussi sanguinaire et l'usage des mêmes procédés que Saddam Hussein.
2 Certains plumitifs de la bourgeoisie sont même capables de constater la nausée que provoque cette accumulation insoutenable de barbarie dans le monde actuel : "La barbarie châtiant la barbarie pour enfanter à son tour la barbarie. Une vidéo circulant sur Internet, dernière contribution au festival d'images de l'innommable, depuis les décapitations orchestrées par Zarkaoui jusqu'à l'amoncellement de chairs humiliées à Abou Ghraïb par les GI (…) Aux terribles services secrets de l'ex-tyran succèdent les escadrons de la mort du ministre de l'Intérieur dominés par les brigades Al-Badr pro-iraniennes. (...) Qu'ils se réclament de la terreur ben-ladiste, de la lutte contre les Américains ou qu'ils se disent les relais du pouvoir (chiite), les meurtriers qui enlèvent les civils irakiens ont un trait commun : ils opèrent sous la loi de la pulsion individuelle. Sur les décombres de l'Irak pullulent les charognards de toutes espèces, de tous clans. Le mensonge étant la norme, la police pratique le rapt et le brigandage, l'homme de Dieu décapite et éviscère, le Chiite applique au Sunnite le traitement qu'il a lui-même subi" (l'hebdomadaire français Marianne daté du 6 janvier). Mais cela est mis sur le compte de la "pulsion individuelle", et finalement de "la nature humaine". Ce qu'ils ne peuvent pas reconnaître et comprendre, c'est que cette barbarie est au contraire un produit éminemment historique, un produit du système capitaliste et qu'il existe historiquement une classe sociale tout aussi capable d'y mettre un terme : le prolétariat.
Depuis des décennies, les différentes organisations gauchistes, et en particulier les trotskistes, soutiennent "la juste lutte du peuple palestinien" contre "l'impérialisme américain et israélien" au nom du caractère "progressiste" des "luttes de libération nationale". Aujourd'hui, les territoires palestiniens sont plongés en plein chaos par des luttes intestines. Depuis que le président de l’Autorité palestinienne a annoncé le 16 décembre dernier la tenue d’élections présidentielles et législatives anticipées, des affrontements armés ont lieu à Gaza entre factions rivales mettant aux prises d'un coté les islamistes du Hamas à la tête du gouvernement et de l'autre le Fatah du président Mahmoud Abbas. Les affrontements entre ces milices armées sont sanglants : combats de rue, attentats à la voiture piégée, enlèvements à répétition. Leurs règlements de compte meurtriers sèment la terreur et la mort parmi les populations de la bande de Gaza, déjà réduites à la misère.
Face à un tel déchaînement de violence et de barbarie, comment se positionnent les organisations trotskistes, telles Lutte Ouvrière (LO) ou bien encore la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) ?
Sans jamais avoir varié d’un iota, LO et LCR montrent du doigt les seuls coupables selon elles, à savoir les Etats-Unis et "l’Etat sioniste israélien". LO dans l’article de son hebdomadaire du 6 octobre 2006 déclare : «Chaos et affrontement sont les conséquences directes des sanctions financières décrétées par l’Union Européenne, le gouvernement des Etats-Unis et celui d’Israël. » ou encore : "Or, c’est bien Israël et ses principaux tuteurs occidentaux qui sont les responsables de la situation désastreuse dans laquelle vivent les Palestiniens" (Lutte Ouvrière n°2003 du 22 décembre 2006). L'impérialisme est inhérent à la vie de chaque fraction nationaliste bourgeoise et s'exprime à travers une lutte pour la défense de l'intérêt du capital national entre tous les Etats concurrents, du plus grand au plus petit, du plus puissant au plus faible. A noter (n'en déplaise aux groupes trotskistes) que si le Fatah peut compter sur le soutien d'Israël, des Etats-Unis et de l'Union Européenne et que le Hamas est appuyé financièrement et armé par l'Iran et la Syrie, c'est justement en tant que cliques bourgeoises palestiniennes.
Ainsi, en soutenant soi-disant "tous les Palestiniens", LO encourage en fait la classe ouvrière à se ranger derrière des cliques bourgeoises et à s’enrôler comme chair à canon au nom de la défense de la patrie palestinienne. C'est toujours ce que défend cette organisation qui, comme l'ensemble des groupes trotskistes, ne désigne comme impérialistes que la politique de certaines nations, de certains Etats.
Quant à la LCR, elle ne s'encombre pas de formulations hypocrites en clamant tout haut son soutien direct non au "peuple palestinien" en général mais directement à telle ou telle fraction, à telle ou telle milice. Au lendemain des élections dont le Hamas est sorti victorieux, un communiqué de la LCR du 26 janvier 2006 déclarait : "Fondamentalement, les gouvernements israélien, celui de Sharon en tête, et les USA portent une lourde responsabilité dans ce que certains appellent 'un séisme politique'. Cette politique musclée de Mrs Bush et Sharon ont déconsidéré les dirigeants du Fatah et fait le jeu du Hamas." Les organisations trotskistes ont un besoin viscéral de choisir constamment un camp bourgeois en présence, dans toutes les guerres, dans tous les conflits. Et cette politique tourne ici purement au ridicule. C'est ainsi qu’on a assisté en un an à un glissement progressif de ce soutien du Fatah vers le Hamas de la part de la LCR : "Les États-Unis et Israël tentent de renforcer le président de l'Autorité palestinienne, (...) afin d’affaiblir le gouvernement Hamas, massivement élu et toujours soutenu par la majorité des Palestiniens" ou encore plus explicitement, "C’est l’arrière-fond des confrontations sanglantes à Gaza de ces dernières semaines entre des militants du Fatah et des militants du Hamas, et dont le Fatah porte l’entière responsabilité" (souligné par nous).
Cette politique de girouette crée un désarroi dans le courant trotskiste, ce dont témoignent les furieuses empoignades sur le forum des marxistes révolutionnaires (forumtrots.agorasystem.com/lcr animé et contrôlé en sous-main par la LCR). Alors que la guerre fait rage entre fractions palestiniennes, la préoccupation des intervenants consiste à choisir l’une de ces fractions afin que le peuple palestinien, dans la boue et le sang, puisse enfin trouver le chemin de sa "libération nationale". Pour certains, il faudrait soutenir le Fatah qui serait progressiste. Pour d’autres, au contraire, et pour les mêmes raisons, il faudrait soutenir le Hamas.
Petit florilège, l’un avance : "L'une des fractions est nationalistes bourgeoises et l'autre représente le fascisme vert. Je préfère le Fatah !" Un autre lui répond : "Ce qu'on voit de façon assez claire dans cette crise, c'est quand même le Fatah passant un seuil dans le rôle de supplétif de l'impérialisme, en condamnant le gouvernement Hamas […] et en cherchant par tous les moyens à le déstabiliser".
Un troisième point de vue s’exprime : "Le Hamas ne défend pas la bourgeoisie ni le fascisme mais bien un système féodal basé sur l'obscurantisme religieux tandis que la Fatah, nationaliste laïque […] défend un Etat souverain dirigé par une bourgeoisie nationale […]. Moi, je choisis le FPLP."
Un autre sympathisant trotskiste renchérit : "Même si le FPLP soutient le Hamas ?" Réponse du précédent : "En l'absence d'une organisation marxiste et révolutionnaire capable de peser sur le cours des événements j'apporte mon soutien critique à qui je peux ! Et donc au FPLP en l'occurrence..."
Au nom de la démocratie, la LCR laisse cyniquement ces arguments sans réponse. Et pour cause, la cacophonie du débat n’est que le reflet de leurs propres contradictions.
Internationalisme prolétarien contre nationalisme bourgeois
Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire évitent soigneusement de poser la question : où se trouve la défense des intérêts de la classe ouvrière, en Palestine, en Israël, ou ailleurs dans le monde ? L’exploitation féroce de la classe ouvrière par la bourgeoisie palestinienne et israélienne a, comme par enchantement, disparu. La "défense de la patrie palestinienne, au nom des justes droits des Palestiniens" est martelé comme un mot d’ordre mobilisateur à destination de la classe ouvrière dans le bourbier inter-impérialiste. De ce fait, les officines trotskistes déversent le pire poison nationaliste dans les consciences ouvrières. Chaque bourgeoisie, palestinienne comme israélienne, appelle les ouvriers vivant sur son sol à participer à la guerre. D’un côté, il faudrait lutter pour "la juste cause du peuple palestinien", de l’autre, il faudrait, "défendre Israël contre la menace du fanatisme du monde arabo-musulman." Quelles sont les conséquences pour les ouvriers qui vivent en Palestine, comme en Israël, d’une telle position ? Quelle doit être l’attitude des ouvriers partout dans le monde face à ce conflit ? L’idéologie nationaliste est-elle une arme de combat de la bourgeoisie ou de la classe ouvrière ? Ces questions et les réponses qui en découlent ne sont pas secondaires pour la lutte de classe, bien au contraire, elles sont vitales pour le développement du combat de classe et de la conscience prolétarienne.
Partout les ouvriers ont les mêmes intérêts à défendre, contre la même classe d’exploiteurs. Cela ne signifie qu’une seule chose pour la classe ouvrière : aux guerres impérialistes et nationales de la bourgeoisie, le prolétariat ne peut opposer que sa guerre de classe et son unité internationale. Rosa Luxembourg, une des plus grandes figures du prolétariat révolutionnaire, l’affirmait déjà haut et fort il y a près d’un siècle : "A l’époque de l’impérialisme déchaîné, il ne peut y avoir de guerre nationale. Les intérêts nationaux ne sont qu’une mystification qui a pour but de mettre les masses populaires laborieuses au service de leur ennemi mortel : l’impérialisme." 1 Sous couvert de bons sentiments et au nom de la défense d’une patrie palestinienne où les droits du peuple seraient respectés, voilà à quel sale travail s’attellent des organisations comme LO ou la LCR. Pire ! Quand elles ont en face d’elles des organisations défendant de façon réelle et vivante l’internationalisme prolétarien, elles les traitent "d’indifférentistes". La seule position marxiste et révolutionnaire possible est celle que réaffirme un sympathisant des positions de la Gauche communiste intervenant dans le Forum trotskiste : "Ce qui se passe à Gaza montre encore une fois le danger que représente l'idéologie nationaliste pour la classe ouvrière. Quand la classe ouvrière est empoisonnée par cette idéologie, cela amène toujours celle-ci à s'entretuer entre elle pour des intérêts qui ne sont pas les siens. On l'a vu en 1914, lors de la deuxième guerre mondiale, lors des conflits entre le bloc de l'Est et le bloc de l'Ouest. Aujourd'hui avec la dislocation de l'Autorité palestinienne, on amène les ouvriers palestiniens à s'entretuer entre eux au nom du fait que tel ou tel camp serait progressiste. Alors que tous les camps en présence défendent une cause nationale qui n'est pas le terrain de la classe ouvrière. Face à cette situation encore une fois le cri de guerre du mouvement ouvrier doit être mis en avant : LES PROLETAIRES N'ONT PAS DE PATRIE."
Tino (22 janvier)
1 Thèses sur la démocratie internationale.
La Somalie est sous le feu des gangs et des puissances impérialistes depuis plus de 15 ans .
Au bout d’une semaine d’affrontements sanglants (fin décembre 2006), les troupes éthiopiennes, épaulées par l’armée américaine, ont mis en déroute les bataillons des Tribunaux islamiques qui ont dû fuir la capitale, Mogadiscio, en allant se réfugier dans les environs emportant leurs armes lourdes. Mais ces derniers sont loin d’être vaincus et livrent déjà une guérilla contre les forces d’occupation éthiopiennes et leur allié, le gouvernement fédéral.
En clair, sous l’égide de leurs parrains impérialistes respectifs, les rapaces qui s’affrontent en Somalie mènent une de ces guerres des plus sordides, par exemple, en allant jusqu’à enrôler de force des enfants, dont beaucoup ont moins de 10 ans, armés jusqu’aux dents pour tuer et se faire tuer. Par ailleurs, certains récits soulignent les atrocités et la barbarie du comportement de certains tueurs et autres violeurs qui profèrent des menaces particulièrement odieuses envers leurs victimes, du genre : " on va ôter aux jeunes filles leur virginité à coups de baïonnette". Pour les victimes, on parle de plusieurs milliers de morts en quelques jours.
Le "volcan somalien" sort donc de son lit pour se répandre dans tous les pays de la région, à commencer par l’Ethiopie et l’Erythrée qui en profitent pour poursuivre leur vieux et sanglant règlement de compte en terre somalienne. Et chacun de ces deux gangsters impérialistes a massé plusieurs milliers d’hommes en s’appuyant sur les deux principales cliques somaliennes en guerre. De son côté, le Kenya est d’ores et déjà impliqué dans le conflit du fait, notamment, de la présence sur son sol de dizaines de milliers de réfugiés. Et Nairobi est en train de refouler militairement des milliers de Somaliens qui fuient les combats sous prétexte d’empêcher l’incursion sur son territoire de "groupes terroristes".
La guerre se généralise ainsi, alors que la Somalie baigne toujours dans le chaos terrifiant dans lequel elle a été plongée par les divers chefs de guerre locaux téléguidés par les puissances impérialistes qui se disputent le contrôle de la région depuis les années 1990. En effet, depuis le renversement en 1991 de l’ancien président Siad Barré, les divers clans sanguinaires se succédant au pouvoir à coups de massacres incessants des populations, procèdent systématiquement à la destruction du pays. C’est ainsi que l’Etat central a disparu et le pays est coupé en régions sous le contrôle des factions maffieuses, à l’image de la capitale, Mogadiscio, morcelée en plusieurs zones entre les mains des bandes rivales, où chacune défend son territoire à coups de rackets, de viols, d’assassinats à grande échelle. Cela veut dire que ces zones constituent un véritable enfer pour les populations qui subissent toutes sortes de sévices sans aucun secours possible.
Non content d’avoir armé et encadré l’armée éthiopienne qui vient de chasser du siège du pouvoir les Tribunaux islamiques, le Pentagone a mené mi-janvier des raids aériens en Somalie provoquant plusieurs dizaines de morts. Il s’agit d’une nouvelle offensive militaire des Etats-Unis dans ce pays après l’échec cuisant de leur précédente intervention de 1993.
En effet, sous le prétexte fallacieux de l’opération "Restore Hope" ("Rendre espoir"), les Etats-Unis (en compagnie de la France et de l’Italie) visaient à contrôler la situation à leur profit en envoyant des dizaines de milliers de soldats et armements lourds sur place. Et, en 1994, les Etats-Unis ont dû plier bagages précipitamment sous le feu nourri des forces adverses, non sans continuer à téléguider, en sous-main, leurs pions criminels sur place face aux autres concurrents.
Selon l’Administration Bush, le but de l’engagement militaire des Etats-Unis en Somalie est de lutter contre le "terrorisme islamique des partisans de Ben Laden".
Grossière tromperie, car les Etats-Unis étaient déjà intervenus militairement en Somalie, bien avant l’existence d’Al-Qaida. En réalité, les Etats-Unis font la guerre dans cette région pour défendre leurs intérêts stratégiques impérialistes :
"La Corne de l’Afrique est d’une importance grandissante pour l’administration américaine. La région est considérée comme stratégique à la fois pour contenir le terrorisme islamiste et empêcher des ‘ Etats défaillants ‘, comme la Somalie, de devenir un sanctuaire pour Al-Qaida et, plus classiquement, pour contrôler les abords du golfe Persique et protéger le trafic pétrolier." (Le Monde du 4 janvier 2007)
Comme on le voit, le véritable but de la guerre que livre Washington est bien le contrôle des abords du golfe Persique, tout en tentant de se rendre maître de l’approvisionnement de l’or noir. Justement la Somalie est en face du golfe et constitue de fait un point stratégique pour toutes les puissances impérialistes qui se disputent le contrôle de la zone. D’ailleurs, c’est dans ce but que les Etats-Unis ont décidé de créer un sixième et nouveau commandement régional spécifique pour l’Afrique, appelé "US Africa Command". En fait, les Etats-Unis cherchent à élargir leur dispositif de surveillance dans les environs alors qu’ils possédaient déjà une base militaire à Djibouti et une autre à Diego Garcia sur l’Océan indien, en face de la Somalie. Dès lors, il est clair que les prétentions américaines ne peuvent que se heurter aux ambitions des puissances impérialistes rivales, qui, comme les Etats-Unis, instrumentalisent les diverses bandes locales en vue de leurs confrontations majeures qui se profilent dans la région.
Tant que les bras armés du capitalisme mondial ne seront pas brisés, la perspective pour la Somalie est plus que jamais à un nouveau plongeon dans la profondeur du chaos. En tous cas, c’est bien ce que la bourgeoisie avoue à travers un rapport de l’ONU, cité par la presse mondiale, dont Le Monde du 16 novembre 2006 :
"Victime d’une militarisation à outrance, la Somalie se dirige, selon les experts de l’ONU, inéluctablement vers une guerre de grande ampleur qui menace d’entraîner les pays de la région. (…) Les Tribunaux islamiques consolident leur emprise sur le pays en raison du soutien militaire de l’Erythrée, mais aussi de l’Iran, de la Syrie,, du Hezbollah libanais, de l’Egypte, de la Libye, de l’Arabie saoudite et de Djibouti.
Le gouvernement de transition, internationalement reconnu mais réfugié à Baidoa, bénéficie du "soutien agressif" de l’Ethiopie, de l’Ouganda et du Yémen. Selon le rapport, le gouvernement (de transition) ne fait toutefois pas le poids face aux islamistes, qui contrôlent la capitale, Mogadiscio, ainsi que la plupart du centre et du sud du pays, et sont capables de transformer la Somalie en un scénario de type irakien, avec attentats et assassinats."
Certes, les Tribunaux islamiques viennent d’être chassés de la capitale somalienne, mais ils ne sont pas loin et peuvent compter sur un nombre ahurissant de soutiens impérialistes pour mener des raids de grande ampleur contre leurs adversaires notamment américains. En clair, il est plus que probable que le pays se dirige tout droit vers un processus de "type irakien" : des tueries massives et aveugles par attentats et kamikazes contre rafles et bombardements massifs. Ou alors de "type congolais", à savoir, l’occupation du pays par un ensemble d’autres pays qui s’entretuent tout en se taillant, chacun, un territoire sous sa coupe.
La Somalie a beau être extrêmement pauvre et délabrée, elle n’en reste pas moins particulièrement convoitée par les vautours impérialistes. En cela, elle illustre la réalité la plus barbare du chaos et de la décomposition du capitalisme en Afrique.
Amina (13 janvier 2007)
Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un courrier de lecteur qui s'interroge sur le devenir des luttes ouvrières. La préoccupation centrale du camarade est de comprendre comment et où vont se développer les futurs combats de la classe ouvrière.
« Chaque année environ 1% de la population chinoise (soit 13 000 000 de personnes, voire plus, soit une population au moins égale ou supérieure à celle de la Belgique) quitte les campagnes pour les villes. Ce phénomène est le même qu'a connu l'Europe au 19e siècle, sauf que les proportions ont changé et constituent une première historique.
La "classe moyenne", distinction de la sociologie bourgeoise, augmente numériquement, à vitesse grand V, et nous ne sommes qu'au début de ce processus. Mais ceci nous renseigne sur la taille du marché intérieur qui augmente tous les jours en Chine et qui est une convoitise de l'impérialisme unitaire. La Chine est dans sa phase de maturité impérialiste et une "aristocratie ouvrière" se forme déjà et se formera durant la prochaine génération. L'Inde ne la suit qu'avec quelques années de retard, on parle du tiers de l'humanité.
Ce sont ces 1% qui caractérisent notre époque. Ils sont la substance inflammable des futures luttes de classes qui seront d'abord juste économiques. Puis viendront les luttes politiques du prolétariat dont les rangs croissent très vite. L'impérialisme est réactionnaire sur toute la ligne c'est certain, mais cela ne veut pas dire que les capacités productives ne se développent plus.
A défaut de se développer d'un point de vue qualitatif (capacités destructives et crises), elles se développent d'un point de vue quantitatif. Il ne faut pas sous-estimer la capacité de putréfaction de l'impérialisme qui voit ses contradictions augmenter et qui connaît des crises partielles ou locales elles-mêmes fruit de ce développement […]. Car DANS SON ENSEMBLE, le capitalisme trouve aujourd'hui des solutions et c'est pour cela qu'il n'y a pas de crise aiguë et qu'on connaît une telle passivité sociale dans les métropoles opulentes de l'impérialisme (les luttes de classe en Europe et aux States sont très faibles aujourd'hui) […]. »
Les trois idées fondamentales défendues par ce riche courrier sont donc:
1. Le capitalisme ne connaît que des "crises partielles ou locales" car "dans son ensemble", il "trouve aujourd’hui des solutions" lui évitant toute "crise aiguë". Mieux, des pans entiers du globe, comme la Chine et l'Inde, sont en plein boom économique.
2. Cette bonne santé du capital expliquerait la "passivité" des ouvriers d'Europe et d'Amérique du nord, douillettement installés dans le confort des "métropoles opulentes".
3. Ainsi, à l'avenir, l'espoir reposerait sur les épaules de la masse ouvrière des régions d’Asie, véritable "substance inflammable des futures luttes".
Tenter de comprendre comment a évolué le capitalisme ces dernières décennies, comme le fait le camarade, est évidemment primordial. La physionomie de la classe ouvrière a bien changé depuis la Seconde Guerre mondiale. L'Europe, et en partie les Etats-Unis, se sont progressivement désindustrialisés. Aujourd'hui, les ouvriers, lorsqu’ils ne sont pas au chômage, travaillent majoritairement dans le tertiaire. Par contre, en Amérique latine et surtout en Asie, la classe ouvrière industrielle a connu une très forte croissance numérique, jusqu'à représenter 80% des travailleurs de ce secteur.
Mais toutes ces mutations sont-elles réellement le fruit de la vitalité économique du capitalisme au niveau mondial, comme aimerait nous le faire croire la propagande bourgeoise? Evidemment, non. Au contraire ! C’est bien à cause de l’aggravation inexorable de la crise économique depuis la fin des années 1960 que la bourgeoisie des pays centraux a fermé les usines, délocalisé dans les pays du Tiers-Monde, là où la main d’œuvre est moins chère, et jeté sur le pavé des millions de prolétaires. La tendance à la disparition des ouvriers du secteur industriel en Europe s’est soldée par des charrettes de licenciements et par le surgissement du chômage massif dans les "métropoles opulentes".
Le capitalisme, comme un tout, est un système agonisant. Au milieu de la concurrence effrénée que se livrent toutes les nations, au gré des enjeux géostratégiques, des alliances, des fuites dans l'endettement et des déréglementations monétaires, certains pays durant quelques années peuvent connaître une forte croissance. Mais chaque fois, implacablement, la crise ressurgit plus forte encore, balayant toutes les illusions véhiculées par les médias sur ces prétendus "miracles économiques". Tel fut le sort de l'Argentine et du Brésil dans les années 1980, des « tigres et des dragons » dans les années 1990. Tel sera le sort de la Chine et de l'Inde dans les années à venir 1. Contrairement à ce que pense notre lecteur, le processus de prolétarisation de la classe exploitée en Asie n'est absolument pas "le même que celui qu’a connu l’Europe au 19e siècle". Aucune "aristocratie ouvrière" 2 ne "se forme" et aucune ne se "formera durant la prochaine génération". En Chine, comme en Inde, la tendance réelle est à la paupérisation extrême de la classe ouvrière. L'exploitation y est forcenée. Les usines sont de véritables "bagnes industriels" : les ouvriers mangent et dorment sur place, travaillent plus de 70h par semaine… tout cela pour être au bout de quelques mois tout simplement jetés sur le trottoir, épuisés 3. Et si dans la période d’ascendance du capitalisme, les ouvriers de la vieille Europe au 19e siècle voyaient peu à peu leurs conditions de vie s'améliorer au fil des réformes résultant de leurs luttes, les prolétaires d'Asie n’ont, quant à eux, qu’une seule perspective : encore et toujours plus de surexploitation et de misère. Aujourd’hui, les conditions de vie de tous les ouvriers, sur les cinq continents, sont marquées du sceau de la décadence du capitalisme, de sa crise économique insurmontable et toujours plus aiguë.
En qualifiant la classe ouvrière d'Europe de "passive" et celle d'Asie de "substance inflammable", le camarade sous-entend que l'avenir du combat dépend des travailleurs de Chine et d'Inde. Ce serait cette partie du prolétariat qui pourrait entraîner derrière elle ses frères de classe pour l'instant trop apathiques dans les pays d’Europe occidentale et d’Amérique. Il est vrai que face à leurs conditions de vie effroyables, les ouvriers d'Orient entrent en luttent massivement quand ils déclenchent une grève, comme en mai et juin 2006, au Bengladesh, quand deux millions d'ouvriers du textile ont mené une lutte spectaculaire par son ampleur et sa combativité. Mais au-delà du nombre et de la colère, l'aspect central du développement des luttes futures est la conscience.
En effet, pour la première fois de l'Histoire, la classe révolutionnaire est une classe exploitée. Ne disposant d'aucun pouvoir économique dans la société, elle tire sa force non seulement de son nombre et de sa concentration sur les lieux de production, mais aussi et surtout de son éducation et de sa conscience. Sa capacité à s'organiser collectivement dans la lutte, à se reconnaître en tant que classe, à développer en son sein, entre les différents secteurs et entre les différentes générations, l'unité et la solidarité… voila ce qui constitue la puissance du prolétariat. Ce n'est donc pas par hasard si c'est aujourd'hui au cœur de l'Europe que la classe ouvrière redécouvre la prise en main de ses luttes par les assemblées générales souveraines, comme ce fut le cas durant la lutte contre le CPE en France ou pendant la grève des métallurgistes de Vigo, en Espagne, au printemps 2006. Certes, ces luttes sont encore bien insuffisantes en comparaison des guerres et des famines qui ravagent la planète. Mais le plus significatif n'est pas tant l'ampleur de ces luttes que la réflexion dans les rangs ouvriers qu’elles révèlent. Il ne faut pas s'y tromper, une lutte comme le mouvement des jeunes générations de la classe ouvrière contre le CPE indique clairement que notre classe a ouvert une perspective la menant, à terme, vers les luttes de masses. Et c'est justement cette dynamique que la bourgeoisie tente par tous les moyens de cacher, ne reculant devant aucun mensonge sur les luttes quand elle ne les passe pas tout simplement sous silence. La grève exemplaire des métallurgistes de Vigo fut ainsi écrasée sous une véritable chape de plomb médiatique.
Les ouvriers d'Europe ont une expérience, une histoire qui leur confèrent la responsabilité d'être la référence principale des luttes internationales. Evidemment, les ouvriers des pays d'Asie ou d'Amérique du Sud sont confrontés à des conditions de vie terribles, et leur colère ne peut être qu'immense. Mais c'est en Europe que le capitalisme est né. C'est en Europe, sur finalement un tout petit territoire, que des millions d'ouvriers vivent depuis deux siècles, accumulant les expériences de lutte, la confrontation aux pièges les plus sophistiqués de la bourgeoisie, au sabotage syndical ou à la mystification démocratique. C'est aux ouvriers d'Europe que revient la tâche de montrer le chemin, en indiquant les buts et les méthodes qui permettent le développement de l'unité, de la solidarité et de la confiance au sein du prolétariat.
Le capitalisme est un système en faillite. Il attaque dans tous les pays la classe ouvrière. En Allemagne, aux Etats-Unis, en Chine ou ailleurs, le seul avenir qu'il nous réserve c'est toujours plus d'exploitation et toujours plus de misère. Mais face aux coups de boutoir de la crise économique, le prolétariat relève peu à peu la tête, resserre les rangs, pour aller uni au combat. La lutte de la classe ouvrière est par essence internationale : elle est comme un tremblement de terre dont les ondes se propagent aux quatre coins du globe. L'épicentre de ce séisme se situe en Europe, dans le berceau du capitalisme. Ce prolétariat, le plus expérimenté, chargé d'histoire, a la possibilité et la responsabilité de développer ses luttes, d'entraîner derrière lui tous ses frères de classe des autres régions du monde. Pour cela, il va devoir continuer son travail de ré-appropriation de son propre passé, masqué derrière le fatras idéologique et les mensonges de la bourgeoisie. Quant aux révolutionnaires, l'une de leurs tâches est de transmettre dans tous les pays le meilleur de la tradition de la lutte ouvrière, passée, présente et à venir. C'est ce que fit, par exemple, le CCI lors du mouvement anti-CPE en France en rompant le black-out international orchestré par la bourgeoisie.
Pawel
1 Nous ne pouvons ici, en quelques lignes, développer suffisamment ce que représente réellement la croissance économique en Chine, pourquoi sa nature révèle, elle aussi, la faillite du capitalisme. Nous reviendrons sur cette question importante dans de futurs articles et nous encourageons tous nos lecteurs à participer à ce débat, à venir l'enrichir de leurs questions, doutes et analyses en nous écrivant.
2 Le terme "aristocratie ouvrière" renvoie à une conception particulière de la classe ouvrière avec laquelle nous sommes en total désaccord. Pour en savoir plus, lire notre article : "Aristocratie ouvrière: une théorie sociologique pour diviser la classe ouvrière", disponible sur notre site Internet, www.internationalisme.org [42]
3 Pour se faire une idée des conditions effroyables de vie et d'exploitation en Chine, lire "Temps moderne, horaires antiques" de Pietro Basso.
La campagne électorale officielle pour les présidentielles en France ne commence que le 19 mars alors que depuis des mois tous les médias mettent le paquet et nous bourrent quotidiennement le crâne pour nous pousser vers les urnes, tentent de nous polariser sur de prétendus enjeux de société dont dépendrait ce "choix" pour l'avenir, à coups de shows télévisés, d'interviews, de débats, de commentaires, de sondages, de pronostics. La chaîne TF1 se félicite déjà de programmer huit fois plus de temps d'antenne pour ces élections qu'en 2002. Le dernier chic des candidats pour appâter le futur électeur, c'est de conclure un "pacte" avec les Français. La mode a été lancée par Nicolas Hulot avec son "pacte écologique", Sarkozy lui a emboîté le pas avec son "pacte républicain". Et voilà Ségolène Royal qui y va de son "pacte présidentiel". La montée en puissance de cette propagande s'est traduite ces dernières semaines par de spectaculaires "rebondissements" censés nous tenir en haleine : il y a eu "l'effet Ségolène", puis "l'effet Sarko", suivi de "l'effet Bayrou" dans les sondages. Sans oublier l'épouvantail Le Pen qui reste à l'affût… Et celui qui caracole en tête peut dégringoler du jour au lendemain, au gré des manipulations médiatiques de "l'opinion publique", maintenant intact cet "insoutenable suspense" à double détente : qui sera présent au second tour ? Qui sera le prochain président (ou la présidente) ? On voit ainsi Sarkozy se lancer dans des promesses sociales, Bayrou se présenter comme un "homme de gauche". Quant à l'ineffable Madame Royal, égérie de la "modernité", de l'écoute des aspirations populaires via ses "débats participatifs", qui ambitionne de devenir la première présidente de la République de l'histoire de France, après avoir martelé la nécessité de bousculer les conventions, elle finit par s'entourer de son pack d'éléphants du PS au grand complet, alors que la plupart d'entre eux, de DSK à Fabius en passant par Jospin, étaient naguère ses pires concurrents.
Et tous les candidats nous inondent de belles promesses. Alors qu'une flopée de "petits candidats" sont en chasse de parrainages, chacun des "grands", la main sur le cœur, se dit prêt à nous choyer (mais, attention, "sans tomber dans l'assistanat"), à nous sortir du marasme économique par le dynamisme de ses propositions, à nous donner un toit, à nous procurer du travail, à mieux nous payer, à mieux assurer notre protection et notre éducation. Le rêve ! Dans ce domaine, la candidate du PS n'hésite pas à faire de la surenchère, depuis son discours programme de Villepinte du 11 février, lançant les "100 propositions" de son pacte présidentiel, issu de ses 5000 débats de la "démocratie participative" jusqu'à sa prestation à l'émission de TF1 "J'ai une question à vous poser". Personne n'est oublié dans la distribution : du travail pour tous, hausse des salaires et du pouvoir d'achat, revalorisation des "petites retraites", des logements sociaux aux mal-logés, de l'insertion et de la formation pour "aider les jeunes", des crédits supplémentaires pour les éducateurs, les chercheurs, les enseignants, les fonctionnaires, les PME, les paysans, les artisans, les commerçants, les handicapés… Le tout ponctué par des envolées messianiques et patriotardes : "Je veux remettre la maison France debout (…). Je veux être la présidente de la France qui entreprend et qui gagne (…), il faut réconcilier les Français avec leurs entreprises (…). Je suis la mieux à même de relancer la machine économique." Poudre aux yeux ! Et quelle "modernité", vraiment… : le recours à la vieille recette de la gauche qui lui a maintes fois servi déjà de pur leurre électoral : la relance de l'économie du pays par le développement de la "consommation populaire". Comme l'a souligné malicieusement un concurrent, "l'ordre juste", ce sera juste l'ordre ! Quant au reste, l'emprunt de mesurettes qui "marchent" dans d'autre Etats européens présentés comme modèles, ce ne sont que des gadgets destinés à masquer la détérioration globale des conditions de vie et de travail de la classe ouvrière partout dans le monde. Et comment croire qu'un pays comme la France deviendrait d'un coup de baguette magique la locomotive de la relance mondiale ?
Loin du miroir aux alouettes de la "Ségosphère", tous les prolétaires seront confrontés dès demain, quel que soit l'élu de la République, à la même politique anti-ouvrière que son gouvernement mettra inévitablement en œuvre. Il n'y aura qu'un seul programme, le même à gauche ou à droite pour la classe dominante : attaquer la classe ouvrière toujours davantage.
Il n'y a même plus de trêve électorale à l'heure où Airbus-EADS, Alcatel-Lucent, PSA, etc. annoncent de nouvelles charrettes de milliers de licenciements. Il n'y a aucune illusion possible : passé le cirque électoral, les coupes budgétaires prévues seront appliquées, les suppressions d'emploi déjà annoncées dans la fonction publique seront effectives, la suppression des régimes spéciaux des retraites, la réduction des pensions et l'allongement de la durée des cotisations sont déjà sur leurs rampes de lancement, tous les budgets sociaux seront de plus en plus amputés, comme ailleurs. Les lois du capitalisme sont inexorables, poussant chaque capital national, chaque gouvernement à accroître toujours davantage la flexibilité et la précarisation du travail, à prescrire la réduction du coût du travail, la diminution des salaires et l'intensification de l'exploitation pour faire face à la concurrence. Et ce système fait tout pour masquer sa faillite qui se révèle dans son incapacité croissante à nourrir, à loger, à soigner ceux qu'il exploite ou licencie.
La classe ouvrière ne peut se permettre d'entretenir la moindre illusion sur une possibilité de voir son sort s'améliorer ni par les urnes, ni en faisant confiance à ceux qui prétendent répartir autrement les richesses. C'est exactement le contraire. Elle ne peut que s'enfoncer dans une misère de plus en plus insupportable. La voie électorale est un piège, une impasse totale depuis bien longtemps (voir l'article [43] dans ce même numéro et dans Internationalisme no. 331). Seul le développement de ses luttes pour renverser ce système à l'échelle mondiale peut lui permettre de s'ouvrir une autre perspective.
Wim (24 février)
Il y a quelques semaines, aux Etats-Unis, la victoire des Démocrates aux dernières élections au Congrès et au Sénat avait répandu un vent d’optimisme dans les médias bourgeois. Cet optimisme avait été renforcé par les propositions du fameux plan Baker, conseiller de Bush Junior. L'opinion publique américaine désormais majoritairement anti-guerre pouvait rêver à un retrait des troupes dans un délai raisonnable. Peut-être même, à la fin de la guerre en Irak. Tout cela n’était que pure illusion ! Les Démocrates n’ont de fait aucune politique alternative à proposer. La réalité est venue immédiatement et dramatiquement confirmer qu’il ne peut plus y avoir de paix en régime capitaliste dans cette région du monde. Le projet de budget, présenté par l’administration américaine, prévoit au contraire une nouvelle augmentation des dépenses militaires. Il sera alloué 622 milliards au Pentagone, dont 142 milliards pour l’Irak. Englué dans le bourbier irakien, la fuite en avant de l’impérialisme américain ne peut que se poursuivre. 21 500 soldats supplémentaires devraient être rapidement envoyés sur le terrain des opérations. L’armée américaine, en coopération avec les bataillons de la police gouvernementale de Bagdad, s’apprête à lancer une offensive généralisée sur la capitale. Celle-ci a officiellement pour but de nettoyer les secteurs occupés par des milices armées anti-américaines. Cette nouvelle offensive, comme les précédentes depuis quatre ans, ne peut se solder que par des massacres supplémentaires et un chaos encore plus grand. Elle ne fera que pousser encore plus ces groupes armées et ceux qui les rejoindront dans une surenchère de plus en plus violente . Il y a une dizaine de jours, un hélicoptère des marines de type CH-46 s’est écrasé dans la province sunnite d’Al-Anbar, à l’Ouest de Bagdad, faisant sept morts parmi les membres de l’équipage. Cela fait maintenant officiellement six appareils de ce type qui sont abattus, en moins de trois semaines. Dans cette guerre infâme, les moyens de destruction utilisés sont ainsi de plus en plus meurtriers. L’armée américaine affirme que l’Iran fournit des armes aux insurgés en Irak. Et ceci est, sans aucun doute, tout à fait exact. C’est pour cela que les forces américaines viennent de boucler les frontières de l’Irak avec la Syrie et l’Iran. Mais comme le dit le Washington Post, daté du 12 février dernier et cité par Courrier International : "Ce même genre d’affirmation et de mise en scène, mais à propos d’armes de destruction massive, avait été le prélude à l’invasion américaine de l’Irak, avant que cela se révèle être une manipulation."
La perte de contrôle accélérée de la puissance américaine au Moyen-Orient aiguise férocement l’appétit de tous les impérialismes de la région. L’Iran s’affirme de plus en plus comme une puissance régionale aux dents longues. Au Liban, en Irak, partout où cela est possible, elle pousse en avant ses "pions chiites" , participant ainsi elle-même activement à la guerre et aux massacres en cours. Les Etats-Unis sont actuellement en train d’amener dans le Golfe persique la deuxième formation navale américaine, conduite par l’US-Stennis. La montée accélérée des tensions impérialistes dans tout le Moyen-Orient provoque une course nouvelle au nucléaire dans les pays de l’ensemble de la région. En décembre dernier, les pays membres du conseil de coopération du Golfe, Arabie saoudite, Koweït, Emirats Arabes Unis, Qatar, Bahreïn, Oman ont annoncé, à l’issue de leur sommet annuel, qu’ils envisageaient un programme nucléaire civil commun. Ces pays du Moyen-Orient étaient rejoints, au mois de janvier, par la Jordanie et le Yémen. Autant de pays qui possèdent des réserves importantes de pétrole et donc d’énergie civile. Mais à l’égal de l’Iran derrière l'alibi du nucléaire civil, ce sont inévitablement les programmes nucléaires militaires qui progressent partout. Pour ces pays arabes du Golfe, la montée en puissance de l’Iran chiite est intolérable. Tout le Moyen-Orient à l’image de l’Irak est en train de se scinder en deux. Communautés chiites et sunnites se retrouvent de plus en plus face à face et, à l'intérieur de chaque camp, des bandes rivales s'entre-déchirent déjà. Les risques non seulement d'éclatement de l'Irak mais aussi de propagation de la guerre civile dans toute la région comme il y a quinze ans dans l'ex-Yougoslavie sont désormais une menace concrète. Le capitalisme en pleine crise de sénilité n’est plus en mesure de freiner le développement de la barbarie et du chaos. Bien plus, il est en train de masser dans cette région du monde de quoi y anéantir la quasi-totalité de la population.
Tino (17 février)
Les annonces de restructurations se succèdent à un rythme infernal. Tous les secteurs sont touchés. Sur les chaînes de montages, dans les bureaux ou les laboratoires, dans les écoles… Face à ces attaques massives, les "spécialistes de la lutte" ne restent pas sans réaction ; au contraire, dans la plus pure tradition syndicale, ils s'activent, déployant toute leur énergie à organiser la lutte… une lutte corporatiste, cloisonnée, morcelée et donc fatalement impuissante.
Parmi les classiques syndicaux pour semer la division, l'opposition public-privé fait figure de best-seller. C’est ainsi que le jeudi 8 février, une journée de grève et de manifestation a été planifiée contre la baisse du salaire réel et les suppressions de postes à l’attention des seuls agents de la fonction publique. Pourtant, de tels mots d'ordre concernent incontestablement l’ensemble de la classe ouvrière, du public comme du privé !
Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, les syndicats ont poursuivi leur sale boulot de désunion au sein même du corps fonctionnaire. Lors de cette fameuse journée du 8 février, tout a été entrepris pour limiter la mobilisation et surtout isoler quelques branches. Les tracts syndicaux appelant à manifester ont été diffusés le plus discrètement possible. Seules trois corporations furent réellement encouragées à l'action : les cheminots, les agents des impôts et les enseignants. Et là encore, comme si cela ne suffisait pas, les organisations syndicales ont poussé au chacun pour soi. A Paris, trois lieux de rendez-vous, avec trois horaires bien distincts, furent fixés… tout un symbole ! Ainsi, pour focaliser les esprits sur la défense de "leur ministère", les agents des impôts durent se rassembler à 10 heures devant le ministère des Finances, à Bercy, alors que la manifestation "unitaire" se déroulait l'après-midi à la gare d'Austerlitz ! Mais le piège le plus sophistiqué, c'est aux enseignants qu'il fut tendu. L'Etat, les médias et les syndicats se sont en effet parfaitement coordonnés pour qu'il y ait le plus de professeurs possible dans cette journée d'action sans lendemain. Cette cible n'a pas été choisie par hasard. Parmi les 15 000 suppressions d'emplois programmés pour 2007, 8500 concernent l'Education Nationale. Les conditions de travail, déjà très difficiles dans les écoles, vont tout simplement devenir insupportables à la rentrée de septembre. Il était donc important pour la bourgeoisie de mobiliser les enseignants dès maintenant dans une lutte parfaitement contrôlée et démoralisatrice. Pour cela, la concertation Etat-syndicats accoucha d'une date de manifestation bien choisie : précisément la semaine durant laquelle tombait l'annonce des nouvelles dotations en moyens humains par établissement, moyens revus considérablement à la baisse. De plus, une étude universitaire mettant en avant une perte de 20% du pouvoir d'achat en 25 ans pour les professeurs a été judicieusement publiée en première page du Monde une quinzaine de jours plus tôt. Résultat : des enseignants dans la rue par milliers, mais finalement bien seuls, sans la plupart des salariés des autres secteurs pour discuter, débattre, se rendre compte que c'est partout la même histoire, les mêmes attaques, la même dégradation du niveau de vie.
Ces dernières semaines, les médias ont encore annoncé des restructurations de grande ampleur chez Renault et Peugeot-Citroën, 1500 suppressions d'emplois chez Alcatel (12 500 dans le monde), 350 chez Lagardère (990 dans le monde), 500 chez Reuters (10 000 dans le monde) et 10 000 chez Airbus (à "partager" entre les usines situées en Allemagne, en Angleterre et en France). Et ici aussi, les syndicats tentent d'endiguer toute possibilité d'unité et de solidarité dans la lutte en attachant les ouvriers à "leur usine". Chez Airbus, pour manifester le "mécontentement" et "l'inquiétude" des salariés tout en faisant preuve de "responsabilité" et "d'attachement à l'entreprise" (pour reprendre la terminologie syndicale), les centrales ont proposé le 6 février… un débrayage d'une heure. Belle "protestation" quand 10 000 ouvriers et leur famille vont tout perdre. Pire ! C'est bien le poison nationaliste que ces organisations syndicales répandent sur les travailleurs quand elles clament: "Nous savons aussi qu'Airbus ne pourra affronter l'avenir qu'avec ses personnels et des moyens industriels robustes, productifs et adaptés à nos produits. Et nous, organisations syndicales, affirmons qu'Airbus France (souligné par nous) répond déjà à ces exigences." Autrement dit, tant pis pour les ouvriers des autres pays, si leur site n'est pas compétitif, c'est normal que ce soit eux qui paient les pots cassés. Voici comment, à travers un tract diffusé par l'intersyndicale le 5 février sur le site de Toulouse, les ouvriers de France sont incités à défendre "leur" compétitivité et sont mis en concurrence avec leurs frères de classe exploités de l'autre côté des frontières !
Derrière les syndicats, il n'y a rien à gagner. Depuis longtemps déjà, ces organismes sont devenus les chiens de garde du capital. Prise entre l'Etat, ce chef d'orchestre des attaques, et les syndicats, ces saboteurs professionnels des luttes, la classe ouvrière doit desserrer l'étau. Pour cela, il faut s'inspirer du mouvement contre le CPE. Si le gouvernement a alors reculé, ce fut grâce à la dynamique d'unité qui se faisait jour dans les rangs ouvriers. Les étudiants, ces travailleurs de demain, en appelant les ouvriers à les rejoindre, avaient réussi à déclencher un véritable élan de solidarité et de combativité. C'est ce terrain de classe qui constitue notre force !
Pawel (20 février)
Participant à la grande kermesse électorale, Lutte Ouvrière (LO) inonde depuis quelques semaines les façades des quartiers populaires de ses affiches de campagne. A l'effigie d'Arlette Laguiller, en toute simplicité, celles-ci interpellent le passant par un slogan choc "Qui d'autre peut sincèrement se dire dans le camp des travailleurs ?" .
Il faut dire que LO est sans aucun doute la grande organisation d'extrême gauche à la façade la plus radicale, celle qui est peinte avec le rouge le plus vif. Cette officine trotskiste n'hésite pas, en effet, à faire flèche de tout bois envers les "socialistes", les "communistes", les altermondialistes… bref, les "réformistes" de tout poil. Sa presse ne manque pas de condamnations explicites et sans appel. Ainsi, Lutte Ouvrière peut constater "la complète intégration de la social-démocratie au pouvoir d'Etat de la bourgeoisie" , affirmer que "le stalinisme a déformé ou vidé de sens la plupart des objectifs du mouvement ouvrier" et que "le courant altermondialiste n'est que le dernier avatar de ce type de courant", pour conclure : "nous devons nous démarquer clairement et fermement de ces courants, lever les ambiguïtés de leur langage et dénoncer leur politique qui, derrière des aspects contestataires, est fort respectueuse de l'ordre social. " (Lutte de Classe, N°101, Décembre 2006-Janvier 2007). Même ses amis trotskistes telle la LCR en prennent pour leur grade. Celle-ci est jugée pas assez "révolutionnaire" et trop compromise par ses tentatives d'acoquinage et ses concessions opportunistes envers ces différents courants.
Mais LO est-elle vraiment la "douche froide" cinglante qui viendrait remettre en question le monde capitaliste, le gouvernement ou les partis de la gauche réformiste intégrés à l'Etat ?, Fait-elle, comme elle le prétend, trembler le "grand capital" et les "riches" en assénant "en toute sincérité" des "vérités" qui dérangent?
Lorsque les échéances électorales sont lointaines, LO se permet de critiquer sans détour le cirque démocratique, scandant la primauté de la lutte sur le vote. Ainsi, en décembre 2005, alors que toutes les stars du show-biz à la mode encourageaient, main dans la main avec les partis de gauche, les jeunes des banlieues à s'inscrire sur les listes électorales, LO se démarquait en rappelant qu' "aucun bulletin de vote ne changera jamais la vie de la jeunesse des banlieues (…). Pas plus qu'aucun bulletin de vote n'a jamais changé la vie des travailleurs, la vie des exploités." Pourquoi ? Parce que "les élections et toute leur organisation sont, comme tous les autres aspects de la société, sous la coupe du grand capital." Le message est clair : "ce sont les luttes collectives qui permettent de changer les choses." (Lutte Ouvrière n°1951 du 23 décembre 2005).
Mais derrière les beaux discours, il y a la réalité des actes. Arlette Laguiller est aujourd'hui la doyenne des candidats. Depuis les présidentielles de 1974, elle est de toutes les campagnes électorales. Et cette participation active au cirque électoral ne se limite pas aux présidentielles. LO n'a jamais manqué de répondre "présent" pour les législatives, les municipales ou les européennes.
Pour ceux qui se rendraient compte de cette flagrante contradiction, l'organisation trotskiste a préparé une argumentation en béton, toujours la même, servie inlassablement à chaque soupe électorale : "le bulletin de vote peut non seulement contribuer à dire ce que l'on pense, mais il peut servir à se compter. Et plus nombreux seront ceux qui diront qu'ils refusent de considérer le chômage et les licenciements comme des fatalités et l'exprimeront par leurs votes, plus cela pourra contribuer à renforcer le moral des classes populaires et à inverser le rapport de forces en leur faveur." (Lutte de classe n°64, février 2002). Voici donc l'argument massue : les travailleurs doivent se compter, non dans la lutte, dans les rues ou dans les assemblées générales… mais dans les isoloirs !
De deux choses l’une : soit "le bulletin de vote n'a jamais changé la vie des travailleurs", soit il peut contribuer "à renforcer le moral des classes populaires et à inverser le rapport de forces en leur faveur". Le double langage de LO est ici manifeste. Ses phrases grandiloquentes sur la lutte, entre les périodes électorales, ne servent qu'à mieux rabattre les travailleurs vers les urnes le moment venu au nom de cette dérisoire comptabilité des "voix révolutionnaires". D'ailleurs, "faire voter" n'est pas une activité annexe de LO. C'est un devoir inscrit dans le marbre de son programme: "il est du devoir des communistes révolutionnaires [de continuer] à nous présenter aux élections" (LO, Les Fondements programmatiques de notre politique, 20 octobre 2003) !
Pour LO, "seul, le premier tour permet d'exprimer un choix politique" (Lutte de Classe n°64). Et elle n'a pas de mots assez durs contre l'allégeance du parti socialiste au "grand patronat". Dans le journal hebdomadaire de LO, des articles entiers sont consacrés à la dénonciation de la politique et du programme Royal. Renvoyant "presque" dos à dos PS et UMP, les titres sont en eux mêmes explicites: "Celui [Sarkozy] qui est ouvertement au service du grand patronat et celle [Royal] qui n'ose pas y toucher." (Lutte Ouvrière n°2011 du 16 février 2007). Est-ce à dire que LO limite sa participation à la seule mystification électorale du premier tour ? Qu'au second tour, elle retourne de nouveau sa veste (jusqu'à ce qu'elle craque de tous côtés ?), pour condamner sans ambiguïté la politique anti-ouvrière de la gauche ?
Pas du tout ! LO a soigneusement pris la précaution de laisser la fenêtre ouverte pour y laisser de nouveau entrer ce qu'elle a fait sortir à grands fracas par la porte : "La bourgeoisie qui, elle, a une véritable conscience de classe, surtout la grande, préfère, tous comptes faits, la droite à la gauche". Le sous-entendu est à peine voilé, si la bourgeoisie préfère la droite, la classe ouvrière doit certainement avoir pour intérêt de lui préférer la gauche. Logique implacable ! Quand elle joue les rabatteurs pour la gauche, LO déploie en effet une incroyable ingéniosité pour glisser, au milieu d'une bouillie de phrases alambiquées son message ( quasi subliminal) : "Bien moins que les autres fois, nous ne savons ce que nous ferons ou dirons au deuxième tour. En effet, entre appeler à voter blanc, dire que nous ne donnerons pas de consignes de vote ou que nous nous abstiendrons mais que nous ne ferons rien pour empêcher le candidat de gauche d'être élu, ou encore que nous appellerons à voter pour lui (ou pour elle), il y a des nuances importantes » (Lutte de Classe n°101, Décembre 2006-Janvier 2007).
Incroyable mais vrai ! LO peut à la fois affirmer "la complète intégration de la social-démocratie au pouvoir d'Etat de la bourgeoisie " pour, après mille détours, mieux appeler à voter PS et rabattre vers les urnes les plus récalcitrants, ceux qui savent que la gauche au pouvoir pendant des années en France a attaqué à tour de bras les salaires et toutes les conditions de vie de la classe ouvrière. LO prépare ainsi déjà le terrain pour pousser son "électorat", ses "voix révolutionnaires" à se mobiliser pour rallier le chœur qui proclamera bientôt "tout sauf Sarkozy !"
Car LO se donne pour tâche non pas de rappeler au prolétariat les hauts faits d'armes anti-ouvriers du parti socialiste, mais au contraire de les faire oublier, en les passant sous silence. Elle affirme ainsi: "[dans cette campagne] nous devrons considérer que nos critiques principales devront être dirigées contre la droite parce que c'est elle qui dirige le pays actuellement... et qui représente politiquement les intérêts du grand patronat". Pire ! Elle fait l'apologie de l'amnésie : "Nous devons cependant éviter de nous appuyer trop sur le passé, même récent (sic!), du gouvernement de la gauche plurielle . Le passé s'oublie, de jeunes électeurs ne l'ont pas vécu et au rappel des gouvernements de gauche qui ont précédé Jospin, sous la présidence de Mitterrand, seuls les militants sont sensibles" (Lutte de classe n° 100, Octobre 2006). LO ne veut surtout pas "effrayer" les ouvriers et les jeunes avec le rappel du travail bourgeois des "éléphants" et des "mammouths" du PS et du PC : Mauroy, Fabius, Joxe, Hernu, Rocard, Cresson, Fiterman... etc. C'est vraiment prendre les ouvriers et les jeunes pour des imbéciles !
LO avait d'ailleurs usé du même stratagème en 1974 et en 1981, comme elle l'avoue elle-même: "la droite était au pouvoir depuis 16 ans, dont plus de dix ans de pouvoir de De Gaulle. Mitterrand avait, en 1974, frisé la victoire. En 1981, c’était pire, la droite était au pouvoir depuis sept ans de plus, c’est-à-dire 23 ans. Toutes les classes d’âge qui avaient 18 ou 20 ans en 1958, et celles d’après, n’avaient connu que la droite.". Les "jeunes électeurs" ne connaissaient donc pas la gauche au pouvoir et devait, pour LO, faire leur propre expérience et c'est pourquoi "au deuxième tour, nous (LO) avons quand même appelé à voter Mitterrand devant le sentiment populaire." Cette politique de "rabatteur radical" n'est pas une abstraction, elle est une réalité tangible, se matérialisant dans le type de manchettes reproduites ci-dessous.
Mitterrand avait promis de "changer la vie" , poussant nombre d'ouvriers à descendre dans la rue pour faire la fête place de la Bastille au soir de son élection, le 10 mai 1981. Nous connaissons la suite. Très rapidement, dès 1982, la gauche a montré son vrai visage menant pendant des années les attaques sur les salaires, la santé, les grands plans de licenciements (sidérurgie, métallurgie, textile…), la flexibilité et la précarisation de l'emploi à travers les lois Aubry sur les 35 heures, la sécurité sociale, les retraites, l'éducation et bien d'autres questions touchant les conditions de vie ouvrières. Ces attaques furent possibles en grande partie du fait des illusions de la classe ouvrière sur la nature du parti socialiste…, illusions que LO avait grandement contribué à propager.
26 ans après, LO persiste et signe... toujours en invoquant l'amnésie de la classe ouvrière, la nécessité pour les travailleurs de faire leur propre expérience… Avec LO, la classe ouvrière doit repartir sans cesse de zéro. Cela est révélateur du mépris avec lequel cette organisation considère toujours le prolétariat comme une espèce de "poisson rouge" qui, tournant en rond dans son bocal avec sa mémoire n’excédant pas les 20 secondes, dirait, à chaque tour (électoral) sourire aux lèvres à ses exploiteurs: "bonjour, enchanté, qui êtes-vous ? ".
Lutte Ouvrière peut toujours prétendre qu'elle est dans le camp des travailleurs, en tenant des discours radicaux sur le capitalisme ou en formulant des critiques sur les autres partis de gauche, sa véritable fonction, c'est de recrédibiliser le cirque électoral en ramenant chaque prolétaire tenté de s'en détourner dans les isoloirs. LO est un spécialiste du rabattage électoral, qui ne cesse de semer des illusions tant sur le pouvoir du vote que sur la nature des partis de gauche. Si elle refuse de signer un chèque en blanc au PS et au PC, c'est tout simplement parce qu'ils ont un compte commun.
Les plus grands ennemis de la classe ouvrière sont ceux qui avancent masqués. La classe ouvrière doit retrouver sa mémoire pour confondre de tels "faux amis" qui sont autant d'entraves pour le développement de sa conscience.
Ross (17 février)
Depuis le 10 janvier dernier, la Guinée connaît une situation sociale explosive marquée par un mouvement de grèves sans précédent dans un pays qui connaît pourtant depuis des années des grèves à répétition. La classe ouvrière de Conakry, suivie par celle de plusieurs grandes villes comme Kankan, soutenue activement par l'ensemble de la population, s'est lancée dans un mouvement de protestation qui exprime un gigantesque ras-le-bol. Dans ce pays soumis à la poigne de fer du président-général Lansana Conté, successeur du pro-stalinien Sekou Touré, la population vit une situation de misère phénoménale et irrémédiablement croissante. Les prix à la consommation augmentent de 30% par an depuis 1995. La politique d'inflation délibérée menée par le gouvernement a plongé les Guinéens dans une misère chaque jour plus insupportable. Entre 2001 et 2007, le franc guinéen a été divisé par trois : de 2000 FG pour un dollar en 2001 on est passé à 6000 FG pour un dollar en 2007. Un Guinéen sur deux vit avec moins d'un dollar par jour, le salaire annuel d'un ouvrier est de moins de 20 dollars (c'est-à-dire 120 000 FG) alors que le sac de riz, denrée de base de la population, était de 150 000 FG en janvier, pour passer à 250 000 FG depuis la grève du 10. Ecrasés d'un côté par une exploitation sans retenue, soumis de l'autre à la répression policière et militaire toute-puissante des hommes de main de Lansana Conté, les ouvriers de Guinée se sont lancés avec toutes leurs forces dans la lutte pour réclamer la baisse du prix du riz et des augmentations de salaire. L'an dernier déjà, lors d'un précédent mouvement de grève en juin, Conakry avait été le théâtre d’affrontements violents sporadiques entre étudiants en grève et forces de l'ordre qui avaient fait plus de trente morts. Cependant, la répression n'a pas fait baisser les bras des grévistes et a au contraire renforcé leur détermination. Comme disait un manifestant, "on est déjà mort alors on n'a plus rien à perdre". Quant à la reprise du travail, on pouvait entendre : "Quel travail ? Il n'y en a pas. Et ceux qui ont un salaire ne peuvent même pas acheter un sac de riz." (rapporté par Jeune Afrique) Devant cette détermination et devant le jusqu'au-boutisme exprimés par la population et les ouvriers, les syndicats se sont faits fort de se poser en leader du mouvement afin de le dénaturer. Ainsi, l'intersyndicale, principalement menée par l'Union générale des travailleurs de Guinée (USTG), ajoutait aux revendications sur les salaires et le prix du riz, lors de la déclaration de grève du 10 janvier, le retour en prison du "patron des patrons guinéens", Mamadou Sylla, en butte à des accusations de magouilles en tous genres mais soutenu par le général-président. Cette focalisation sur la corruption dans le gouvernement, même si elle est parfaitement réelle, permettait dans un deuxième temps aux syndicats de mettre en avant la nomination d'un nouveau premier ministre comme exigence à l'arrêt de la grève et non plus les revendications ouvrières initiales. Face à une montée en puissance du mouvement qui voyait l'arrêt de tout trafic de marchandises dans le port de Conakry, excepté le riz et le sucre, l'intersyndicale pouvait de cette façon faire cesser la grève le 28 janvier, tandis que la répression et ses 60 morts n'avaient fait que renforcer la détermination des grévistes.
Le 9 février, après 12 jours de trêve larvée, Lansana Conté, sans avoir respecté aucun engagement sur les revendications salariales ni sur le paiement de jours de grève, nommait Eugène Samara, un de ses proches, ouvrant la porte à une flambée de colère dans la population, au redémarrage de la grève et à une nouvelle vague de répression de l'Etat guinéen qui instaurait l'état de siège le 12. Dans une telle situation, les syndicats avaient beau jeu de focaliser encore plus sur la question du gouvernement et de la présidence, appelant alors au départ de Lansana Conté dont les forces de l'ordre, appuyées par des troupes libériennes et bissau-guinéennes, faisaient de nouveau plus de 50 morts à Conakry mais aussi dans d'autres villes gagnées par le mouvement et où les symboles du pouvoir sont systématiquement attaqués : Coyah, Maferinya, Boké, Dalaba, Labé, Pita, Siguiri, N'zérékoré, etc.
A l'heure actuelle, la Guinée est dans une situation de crise politique qui s'intensifie jour après jour. Signe des temps, le 24 février, le parlement, pourtant à la botte du président guinéen, a refusé de reconduire l'état de siège. La presse locale et internationale parle de plus en plus clairement de putsch militaire en préparation et, dans cet état de fin de règne quasiment annoncé, la France est assez inquiète d’avoir envoyé le "Sirocco", cargo militaire dans le golfe de Guinée pour évacuer ses ressortissants tandis que Chirac envisage l'intervention des troupes françaises stationnées dans la région. La Guinée a été, avec le Darfour, au centre des discussions du dernier sommet franco-africain à Cannes. La Cedeao, l'UA et l'ONU n'ont pas cessé d'adresser des messages appelant au calme et au règlement "pacifique" d'un conflit qui risque de déstabiliser toute la région.
Bien que cette préoccupation soit réelle de la part des bourgeoisies de la région et du monde, elles aimeraient surtout voir finir cette grève qui paralyse le transport de la bauxite dont la Guinée est le premier exportateur mondial.
Les ouvriers de Guinée doivent savoir que si les bonnes fées du capitalisme se penchent en ce moment avec attention sur leur sort, ce n'est nullement pour voir aboutir leurs revendications. Si Lansana Conté est éjecté, comme cela semble se dessiner, la situation de misère qui est la leur ne va pas s'améliorer, mais les syndicats font tout pour leur faire croire que cette perspective d'un "nouveau gouvernement" est la solution à leurs maux et faire passer ainsi la pilule de la reprise du travail, sans rien avoir obtenu… que des promesses pour demain.
Cependant, au-delà de la nécessité pour la classe ouvrière, en Guinée comme partout ailleurs dans le monde, de savoir s'opposer à ces faux amis que sont les syndicats et à lutter en dehors et contre eux, il est certain que l'isolement des ouvriers et le matraquage idéologique auxquels ils sont soumis rendent plus difficile le développement de la lutte sur son propre terrain. C'est pour cette raison qu'il appartient au prolétariat des pays développés du capitalisme, là où il est concentré et puissant, de catalyser la conscience et les expressions autonomes de la lutte ouvrière sur l'ensemble de la planète.
Mulan (24 février)
Il y a tout juste 80 ans, en mars 1927, les ouvriers de Shanghai se levèrent dans une insurrection triomphante et prirent le contrôle de la ville tandis que l'ensemble de la Chine était en effervescence. En avril, cette insurrection était totalement brisée par les forces du Kuomintang, parti nationaliste dirigé par Tchang Kai-Chek, que le Parti communiste chinois (PCC) avait élevé au rang de héros de la "révolution nationale" chinoise.
Derniers sursauts de la grande vague révolutionnaire qui avait débuté en 1917 en Russie, la défaite des luttes prolétariennes en Chine de 1925 à 1927 (comme celles du prolétariat allemand en 1921 et 1923) a accentué l’isolement international de la Russie révolutionnaire et ainsi accéléré le mouvement vers une longue période de contre-révolution.
Après 1924, la fraction stalinienne progressivement maîtresse de la Russie, devait peser de tout son poids dans cet écrasement de l’insurrection chinoise. Mais avant même cette date, la politique des bolcheviks en Chine avait déjà semé les graines des futures défaites. En 1922, le représentant du Comintern en Chine, H. Maring (alias Sneevliet) avait posé, après des discussions amicales avec Sun-Yat-Sen, les éléments d'une alliance entre le PCC et le Kuomintang. Le but était de faire une sorte de "front uni anti-impérialiste" pour la libération nationale de la Chine, dans laquelle le premier problème est de lutter contre les seigneurs de la guerre qui contrôlent de grandes parties de la Chine, spécialement au Nord. L'alliance incluait que les militants du PCC rejoignent le Kuomintang individuellement tout en maintenant une autonomie politique nominal en tant que parti. En pratique, cela signifiait la totale soumission du PCC aux objectifs du Kuomintang.
Le 30 mai 1925, les ouvriers et les étudiants manifestèrent à Shanghaï en solidarité avec une grève dans une usine de fabrication du coton appartenant au Japon. La police municipale dirigée par la Grande-Bretagne tira sur les manifestants, faisant 12 victimes. La réponse ouvrière fut immédiate. En deux semaines, Shanghai, Canton et Hong-Kong furent paralysées par une grève générale. A Shanghaï, la grève était conduite par l’Union General Labour dominé par le PC. Mais à Canton et Hong-Kong, l’organisation de la grève fut assumée par un soviet embryonnaire, la « Conférence des délégués des grévistes». Soutenue par 250 000 ouvriers, qui élirent un délégué pour 50 ouvriers, la Conférence mit sur pied 2000 piquets de grève et prit en charge les hôpitaux, les écoles et l’administration de la justice.
La réponse des puissances impérialistes fut, comme on pouvait s’y attendre, hystérique.
Mais cette puissante confirmation de la mobilisation du prolétariat eut aussi un effet significatif sur la «bourgeoisie nationaliste» organisée au sein du Kuomintang. Ce parti avait toujours été une alliance trouble d’industriels, de militaires, d’étudiants et de rêveurs petits-bourgeois –en fait toutes les couches de la bourgeoisie, sauf celles les plus liées aux propriétaires terriens et aux seigneurs de la guerre (la plupart de ces dernières devaient d’ailleurs rejoindre par la suite le Kuomintang lorsque le vent tourna contre elles)... Sous la conduite de Sun-Yat-Sen, le Kuomintang avait initialement le sentiment qu’il pouvait se servir d’une alliance avec le PCC, car ce dernier pouvait mobiliser le prolétariat urbain en faveur de la «révolution nationale». Tant que les luttes ouvrières étaient dirigées contre les compagnies étrangères et la domination impérialiste de l’étranger, la bourgeoisie du pays était toute prête à les soutenir. Mais quand les grèves commencèrent à s’étendre aux entreprises nationales, cette même bourgeoisie chinoise découvrit que les ouvriers s’engageaient dans des «excès stupides», que c’était «une chose d’utiliser les ouvriers… mais tout à fait une autre de les laisser mordre plus qu’ils ne pouvaient mâcher» (cité de la Revue chinoise hebdomadaire, mars et avril 1926, dans le livre de H. Isaacs, La Tragédie de la Révolution chinoise). Très rapidement, les capitalistes chinois apprirent qu’ils avaient beaucoup plus de choses en commun avec les «impérialistes étrangers» qu’avec «leurs» ouvriers.
Ces événements provoquèrent une rupture au sein du Kuomintang, entre une aile gauche et une aile droite. La droite représentait les intérêts de la grande bourgeoisie qui voulait mettre fin à la lutte ouvrière, se débarrasser des communistes, et arriver à un compromis avec les impérialismes établis. La gauche, principalement animée par des intellectuels et les rangs subalternes de l’armée, voulait garder l’alliance avec la Russie et le PCC. Ce ne fut pas par hasard si le principal boucher du prolétariat chinois, le général Tchang Kai-Chek, se posa lui-même en représentant de la gauche. En fait, Tchang, bien qu’il ait toujours agi pour assouvir son insatiable ambition personnelle, symbolisait l’ensemble du jeu mené par la bourgeoisie chinoise dans cette période. D’un côté, il flattait le régime soviétique et faisait des discours enflammés en faveur de la révolution mondiale. De l’autre, il multipliait secrètement les accords avec les forces réactionnaires. Comme les nouveaux dirigeants de Russie, il se préparait à utiliser la classe ouvrière chinoise comme d’un bélier contre ses ennemis immédiats, mais tout cela alors qu’il se préparait systématiquement à supprimer tout «excès» (c’est-à-dire tout signe de lutte autonome de la classe ouvrière).
En mars 1926, Tchang déclencha sa première offensive d’envergure contre le prolétariat de Canton. Les communistes et autres militants de la classe ouvrière furent arrêtés, et les quartiers généraux des comités de grève de Canton-Hong Kong attaqués. La grève durait depuis des mois mais fut rapidement brisée par la force soudaine de la répression. La réponse de l’IC à ce changement brutal dans la position de Tchang fut le silence, ou plutôt un déni de toute répression à l’encontre de la classe ouvrière chinoise.
Tchang avait organisé son coup militaire à Canton comme préliminaire à une expédition clé contre les seigneurs de guerre du Nord, mais aussi comme la première étape devant mener aux événements sanglants de Shanghaï. Les troupes de Tchang firent de spectaculaires avancées contre les militaires nordistes, largement grâce aux vagues de grèves ouvrières et de révoltes paysannes qui aidèrent à désintégrer par l’arrière les forces du Nord. Le prolétariat et les paysans pauvres se battaient contre leurs horribles conditions de vie avec l’illusion qu’un Kuomintang victorieux améliorerait matériellement leur sort. Le parti communiste, loin de lutter contre ces illusions, les renforçait au maximum, non seulement pour appeler les ouvriers à se battre pour la victoire du Kuomintang, mais aussi pour freiner les grèves ouvrières et les réquisitions de terre par les paysans quand elles menaçaient d’aller trop loin.
Alors que le PCC et l’IC travaillaient à empêcher les "excès" de la lutte de classe, Tchang s’efforçait de briser les mêmes forces prolétariennes et paysannes qui avaient assisté ses victoires. Ayant interdit toute revendication ouvrière durant la durée de la campagne du Nord, il réprima les mouvements ouvriers de Canton, Kiangsi, et d’autres villes au fur et à mesure de son avancée. Dans la province de Kwantung, le mouvement paysan contre les seigneurs de la guerre fut violemment écrasé. La tragédie de Shanghai ne fut que le point culminant de ce processus.
Shanghaï, avec ses ports et ses industries, abritait la fine fleur du prolétariat chinois. Elle était alors sous le contrôle des seigneurs de la guerre. Comme l’armée du Kuomintang avançait vers la ville, le General Labour Union (GLU-Syndicat Général du Travail) mené par le PCC publia un appel à la grève générale pour renverser la clique dirigeante et donc « soutenir l’armée de l’expédition du Nord» et «saluer Tchang Kaï-Chek» Cette première tentative fut brutalement battue en brèche après de durs combats de rue. Les autorités de la ville établirent un règne de terreur contre la population ouvrière, mais l’état d’esprit combatif de celle-ci restait intact. Le 21 mars, les ouvriers se soulevèrent à nouveau, mieux organisés cette fois, avec une milice forte de 5000 ouvriers et entre 500 000 et 800 000 ouvriers participèrent activement à la grève générale et à l’insurrection. Les postes de police et les garnisons furent pris d’assaut et les armes distribuées aux ouvriers. Le matin suivant, toute la ville était aux mains du prolétariat.
Une période menaçante s’ensuivit. Tchang arriva aux portes de Shanghaï et, confronté à une classe ouvrière armée en plein soulèvement, prit immédiatement contact avec les capitalistes locaux, les impérialistes et les gangs criminels afin de préparer la répression, tout comme il l’avait fait dans toutes les autres villes «libérées». Et de nouveau, alors que les intentions de Tchang étaient plus que claires, l’IC et le PCC continuaient à conseiller aux ouvriers de faire confiance à l’armée nationale et à souhaiter la bienvenue à Tchang en tant que «libérateur». Cependant, le souvenir de la répression exercée par celui-ci avait alerté une minorité de révolutionnaires sur la nécessité pour la classe ouvrière de se préparer à le combattre de même que les seigneurs de la guerre. En Russie, Trotsky exigeait la formation de soviets d’ouvriers, de paysans et de soldats comme base pour une lutte armée contre Tchang et pour l’établissement de la dictature du prolétariat. En Chine, un groupe dissident de représentants de l’IC –Albrecht, Nassonov et Fokkine – prirent une position identique. Au sein du PCC lui-même, la pression montait pour une rupture avec le Kuomintang. Mais la direction du parti restait fidèle à la ligne de l’IC stalinisée. Au lieu d’appeler à la formation de soviets, le PCC organisa un "gouvernement municipal provisoire" dans lequel il s’installa en minorité aux côtés de la bourgeoisie locale. Au lieu d’avertir les ouvriers des intentions de Tchang, le PCC accueillit à bras ouverts ses forces dans la ville. Au lieu d’accentuer la lutte des classes, seul moyen valable de défense et d’attaque pour le prolétariat, le GLU s’opposa aux actions de grèves spontanées et se mit à restreindre le pouvoir des piquets ouvriers armés qui avaient le contrôle effectif des rues. Tchang put ainsi préparer soigneusement sa contre-attaque. Le 12 avril, quand il lança ses mercenaires et ses bandes criminelles (la plupart d’entre eux habillés en "ouvriers" en représentants des syndicats "modérés" nouvellement formés, l’Alliance Syndicale des Ouvriers), les ouvriers furent pris par surprise. Malgré la courageuse résistance des ouvriers, Tchang rétablit vigoureusement "l’ordre" dans un bain de sang où l’on vit les ouvriers se faire décapiter en pleine rue. La colonne vertébrale de la classe ouvrière chinoise avait été brisée.
Quelque temps après cette tragédie, Staline et ses hommes de main admirent que la révolution avait échoué devant "l’obstacle", tout en insistant sur le fait que la politique suivie par le PCC et l’IC avait été correcte !
Les défaites de 1927 ont pavé le chemin d’un nouvel épisode de la guerre impérialiste en Chine, de même que la défaite de la classe ouvrière a ouvert la voie vers un autre carnage impérialiste mondial. Dans tous ces conflits, le PCC s’est montré comme un serviteur fidèle du capital national, mobilisant les masses pour la guerre contre le Japon dans les années 1930 puis dans la guerre mondiale de 1939-45. Il gagnait ainsi sa légitimité à devenir le maître de l’Etat capitaliste après 1949 et le fossoyeur en chef de la classe ouvrière chinoise.
Le prolétariat chinois comme l’ensemble du prolétariat mondial payait son immaturité et ses illusions au prix fort. La politique criminelle et désastreuse du PCC fut en partie le reflet du fait que la classe ouvrière chinoise dans son ensemble n’avait pas pu gagner l’expérience nécessaire pour rompre avec l’étranglement idéologique du Kuomintang et du nationalisme. Elle n’a pas pu non plus s’affirmer comme classe autonome appelée à jouer un rôle historique particulier et déterminant avec ses propres buts révolutionnaires, ni se doter des organes politiques et unitaires nécessaires pour accomplir cette tâche : les conseils ouvriers et une avant-garde révolutionnaire. Mais, en dernière analyse, le sort de la Révolution chinoise s’était décidé dans les rues de Petrograd, de Berlin, de Budapest et de Turin. L’échec de la révolution mondiale ne pouvait que laisser les ouvriers chinois dans l’isolement et la confusion.
Leurs luttes massives et spontanées (ultimes sursauts du prolétariat mondial) purent ainsi être dévoyées sur un terrain bourgeois et finalement écrasées.
CDW
Le dimanche 22 avril, des millions d'ouvriers se rendront, un par un, aux bureaux de vote. Chacun tirera derrière lui le rideau de l'isoloir pour se retrouver, seul, avec son dilemme "pour qui vais-je voter ?". En glissant ainsi un petit bout de papier dans l'urne, les plus optimistes souhaiteraient que les choses changent, mettre fin aux charrettes de licenciements et à la hausse du chômage, dire stop à la paupérisation croissante… Quant aux plus pessimistes, ils veulent au moins éviter ce qu'ils pensent être le pire : voir Le Pen arriver une nouvelle fois au second tour ou Sarkozy (ce politicard antipathique, arriviste et brutal) devenir président le 6 mai au soir.
La hausse spectaculaire des inscriptions sur les listes électorales, annoncée en grandes pompes ces derniers jours dans tous les médias, est le produit de cette profonde inquiétude face à l'avenir. Tous les candidats à cette élection, du centre à l'extrême gauche, ont pris en compte ce ras-le-bol et cette volonté de changement en rivalisant de promesses. François Bayrou s'est ainsi fait le champion de la "sociale-économie". Voulant redonner espoir dans la solidarité, il promet plus de moyens et de postes pour la santé, la justice, l'enseignement… Ségolène Royal, pour rester dans la course, s'est évidemment empressée de surenchérir en certifiant que si elle est élue, il n'y aura pas de baisse d'effectifs des fonctionnaires, pas d'allongement de l'âge de la retraite et qu'au contraire les "petites retraites" augmenteront et que le SMIC passera à 1500 euros. Plus à gauche, Marie-George Buffet, Olivier Besancenot et Arlette Laguiller, voire José Bové, se présentent comme "anti-capitalistes" et les amis des travailleurs en exigeant, entre autres, l'interdiction des licenciements dans les entreprises qui font du profit et une augmentation de 300 euros pour tous et tout de suite. Cette gauche de la gauche jure qu'en étant forte d'un maximum de voix, en symbolisant par les urnes la volonté des travailleurs, elle se bagarrera et fera pression sur le futur gouvernement pour le contraindre à "faire du social". Preuve que nous avons cette fois-ci rendez-vous avec l'Histoire, tous les candidats s'engagent à respecter par écrit leurs belles promesses… tous signent des "pactes" avec les Français !
Pourtant, malgré toutes ces propositions, tous ces engagements, on ne peut pas dire qu'il y ait une vague d'enthousiasme. Une inquiétude, oui ! … mais ces élections ne déclenchent ni passion, ni grands espoirs.
Et pour cause ! Depuis des années, la droite et la gauche ne cessent de se succéder aux commandes du pouvoir, et si les gouvernements changent, la politique anti-ouvrière demeure. Les ouvriers savent donc bien ce que valent toutes ces promesses et tous ces "pactes". Comme l'avait cyniquement dit le roublard Charles Pasqua en son temps : "les promesses électorales n'engagent que ceux qui les croient" !
En 1981, autour de l'élection de François Mitterrand, il y avait eu pour le coup, au sein de la classe ouvrière, de grands espoirs. Après trente ans de règne de la droite, l'arrivée du PS devait tout changer. Mais la politique menée les années suivantes s'était chargée d'apporter un cinglant démenti à ces illusions. Ce fut la "grande désillusion". Les ouvriers n'ont pas oublié que c'est sous Mitterrand que le chômage a explosé, que la productivité (et donc l'exploitation) a connu la plus forte hausse de ces cinquante dernières années, que le forfait hospitalier et la CSG ont été instaurés. Et pour ceux qui avaient la mémoire courte, il y a eu la piqûre de rappel jospinienne : gel des salaires, augmentation de la flexibilité, recours systématique aux emplois précaires, etc.
Sans même remonter ainsi dans le temps, simplement en prenant un peu de recul et en regardant autour de nous, on s'aperçoit qu'au-delà des frontières hexagonales, toutes les couleurs politiques sont représentées et que c'est quand même toujours les mêmes mesures anti-ouvrières qui sont prises : paupérisation, chômage, destruction (dans les pays où il y en a encore) de toutes les couvertures sociales (sécu, retraite, indemnités…). Il suffit de regarder ce que font les socialistes Blair en Angleterre et Zapatero en Espagne. Et franchement, quelle différence y a-t-il en Allemagne entre le Schroeder d'hier et la Merkel d'aujourd'hui ? Même ceux qui se réclament être à la gauche de la gauche montrent qu'au pouvoir ils n'ont qu'une seule priorité : attaquer et attaquer encore les conditions de vie de la classe ouvrière. Les Chavez, Morales, Lula et tous leurs compères d'Amérique du Sud en sont la preuve vivante !
Bref, à chaque élection on nous promet la Lune… mais a-t-on déjà vu la société changer après des élections ? Cela arrive, effectivement. Mais quand il y a un changement, c'est toujours en pire !
La bourgeoisie a bien conscience de cette usure de la stratégie de l'alternance. Et c'est pour cela qu'elle parle tant du renouveau de la classe politique, de l'aspect novateur des candidats en lice aujourd'hui. "Attention avec Bayrou, ce n'est ni la droite, ni la gauche, c'est le centre !" En fait, son idée neuve, sa découverte, son innovation, c'est de prendre les meilleurs… de la droite et les meilleurs… de la gauche. En somme, la quintessence des politiciens les plus habiles à diriger les affaires de la bourgeoisie et à mener campagne contre la classe ouvrière. Belle promesse, en effet ! Quant à Royal, son originalité c'est… d'être une femme. La belle affaire, Thatcher aussi était une personne du beau sexe et sa politique n'était pas réputée pour être particulièrement humaine (rappelons juste son surnom : "la dame de fer", tout un symbole). Il est décidément bien difficile de marcher dans de telles combines.
Au final, aujourd'hui, ce qui pousse principalement les gens à aller voter, ce n'est pas l'espoir, mais la peur, la crainte, la volonté "d'éviter le pire". Quand la gauche ne fait pas rêver, que les gadgets estampillés "New" ne font pas recette, il reste cette idée : tout sauf Sarko ou Le Pen.
C'est vrai que les discours de Sarkozy sur les banlieues, le "tout sécuritaire" ou l'immigration ont de quoi faire froid dans le dos. C'est vrai que les discours de Bayrou ou de Royal sont plus "softs", moins choquants à l'oreille… mais ce n'est qu'un enrobage ! Imaginez Madame Royal (ou n'importe quel autre candidat) venir à la tribune d'un meeting et dire avec sa voix vibrante d'émotion : "Si je suis président(e), je défendrai l'intérêt du capital national, j'accentuerai la férocité de l'exploitation, je jetterai les ouvriers par milliers sur le pavé, je réduirai les dépenses en attaquant les chômeurs, je finirai de démanteler le système de santé et les retraites… car l'intérêt de ma patrie, l'intérêt de ma classe, je les tiens là, chevillés au corps". Aucun homme ou femme politique ne tiendra jamais de tels propos. Et pourtant, c'est bien cette politique là qui se cache derrière tous les discours. C'est bien cette politique là qui sera mise en place après le 6 mai, quel que soit l'élu. Ce discours imaginaire, c'est ce qui reste quand l'enrobage a fondu.
Sarkozy pire que Royal ? La gauche aurait une âme, au fond, bien cachée, plus humaniste ? Demandez aux 300 immigrés de Vitry dont le foyer a été détruit au bulldozer le 24 décembre 1980 sur ordre du maire "communiste" s'ils ont apprécié leur cadeau de Noël. Demandez à tous ceux qui furent renvoyés à une mort probable, dans leur pays d'origine, par des charters du parti "socialiste", s'il y a dans cette organisation bourgeoise l'once d'un sentiment humain. A la vérité, la gauche a les mains couvertes de sang et n'a rien à envier à la barbarie de la droite dite "dure". Un seul exemple : le génocide rwandais de 1994, durant lequel l'armée française, sous les ordres de Mitterrand, a été complice du massacre (à la machette !) de près d'un million de personnes, hommes, femmes et enfants !
Décidément, il n'y a aucun moyen d'éviter le pire par les urnes, car c'est forcément la bourgeoisie qui en sort vainqueur, tel un diable de sa boîte. La classe ouvrière n'a rien à gagner en participant aux élections, juste des illusions !
La bourgeoisie sait très bien qu'elle n'a rien à craindre des ouvriers quand ils sont dans les isoloirs. Isoloir ! C'est un mot significatif. Un isoloir, c'est fait pour isoler. Isoler les ouvriers les uns des autres, les diviser, cultiver l'illusion qu'ils peuvent s'en sortir seuls et non par l'action collective et solidaire. Ce n'est pas pour rien que Royal se demande si le vote ne doit pas devenir une action citoyenne obligatoire comme en Belgique. Ce n'est pas pour rien si l'Etat dépense des millions en spots publicitaires à la télé pour marteler : "votez, votez pour qui vous voudrez, mais votez" !
Par contre, la bourgeoisie se met à trembler quand les ouvriers commencent à discuter et à s'organiser collectivement au boulot, en Assemblée Générale, dans la rue pour manifester… car elle sait que c'est là que son ennemi, la classe ouvrière, est réellement fort, qu'il peut réellement résister aux attaques 1. Car c'est bien là le cœur du problème : l'intensité des attaques ne dépend pas de la présence de la gauche ou de la droite au pouvoir mais bel et bien du rapport de forces entre les classes, du niveau de lutte et de résistance qu'est capable de produire la classe ouvrière.
Les élections sont le terrain de la bourgeoisie. La lutte collective, dans la rue ou en AG, voici le terrain du prolétariat !
Régis (26 mars)
1 Lire notre article sur le mouvement contre le CPE [47] .
Licenciements, suppressions d'emplois, fermeture d'usines, précarisation, délocalisations… : de plus en plus de salariés subissent la terrible réalité de l'accélération de la crise capitaliste . Ce sont les mêmes attaques, en Europe pour le groupe EADS-Airbus , à Alcatel-Lucent, Volkswagen, Deutsche Telekom, Bayer, Nestlé, Thyssen Krupp, IBM, Delphi… et sur le continent américain, avec Boeing , Ford, General Motors, Chrysler… Dans le seul secteur privé en France, il y a eu officiellement 10 000 suppressions d'emplois en 2006 et 30 000 sont déjà prévues d'ici fin 2008. Ces plans désormais à l’échelle mondiale, sont de plus en plus massifs et ne touchent plus seulement des secteurs en perte de vitesse ou archaïques, mais des secteurs de pointe comme l'aéronautique, l'informatique, l’électronique… Ils ne concernent plus seulement les petites et moyennes entreprises, mais s'étendent à tous les grands groupes leaders de l'industrie et leurs sous-traitants, ils ne se limitent plus aux ouvriers sur les chaînes de production mais visent aussi les ingénieurs, les cadres commerciaux, les secteurs de la recherche.
Chaque Etat, chaque dirigeant d'entreprise sait bien que cette situation pousse tous les salariés, du privé comme du public où les prolétaires subissent exactement le même sort à se poser de plus en plus de questions angoissés sur l'avenir qui leur est réservé et encore davantage sur l'avenir de leurs enfants. Il est de plus en plus évident que les prolétaires de tous les pays sont embarqués dans ce même bateau qui prend l'eau de toutes parts. Dans ce contexte inédit, la préoccupation principale de la bourgeoisie n'est pas seulement de tenter de colmater les brèches béantes qui s'ouvrent dans son système mais aussi de gagner du temps, d'empêcher les prolétaires de prendre conscience de cette réalité.
C’est pourquoi les syndicats dont la fonction spécifique au sein de l'appareil d'Etat est d'encadrer et de contrôler la classe ouvrière prennent partout les devants et occupent le terrain social pour couper l'herbe sous le pied de toute tentative de mobilisation unitaire des ouvriers face à ces attaques massives et frontales. Leur tâche essentielle aujourd'hui est de prendre l'initiative de la lutte pour faire passer ces attaques en entretenant la concurrence et la division des ouvriers par atelier, par site, par entreprise, par secteur, par pays .
Les syndicats, le gouvernement, la direction, toute la classe politique et les médias ont polarisé l'attention sur les 10 000 suppressions d'emplois à Airbus (jusqu'ici présenté comme un fleuron "prospère") où ils ont multiplié les manœuvres pour organiser la division des ouvriers entre eux, disperser leur colère et défouler leur combativité.
Ainsi, les syndicats ont commencé par faire croire qu'ils n'étaient pas au courant de ce qui se tramait, qu'ils défendaient les emplois et les intérêts des ouvriers alors que pendant des mois, ils étaient pleinement associés au fameux plan Power 8. En effet, la direction avait créé pour cela "un comité de pilotage" constitué de la Direction des Ressources Humaines et des syndicats, afin justement de "se préparer à tout impact social que ses mesures pourraient avoir" (d'après une note de la direction à l’intérieur de l’usine de Toulouse-Blagnac). Les syndicats ont tous tenu le même langage, celui de minimiser l’attaque au moment où elle était dans sa phase préparatoire, s'inscrivant pleinement dans les mensonges de la direction et des différents Etats concernés. Ensuite, ils ont fait reprendre le travail aux ouvriers à Méaulte qui étaient partis spontanément en grève 48 heures avant l'annonce officielle du plan Power 8 en prétendant que l'usine ne serait pas revendue, alors que la direction faisait savoir ensuite qu'aucune décision n'était pour l'instant arrêtée sur le sujet.
Suivant les usines, s’adaptant à chaque situation particulière, les syndicats ont organisé la division, comme à Toulouse, entre les secteurs touchés et ceux épargnés. Plus fort encore, pendant des mois, ils ont martelé l'idée selon laquelle, si Airbus est dans cette situation, c’est "la faute aux Allemands". En Allemagne, le discours syndical était parallèle : "C'est la faute aux Français". Aussi, les syndicats n'ont cessé d'exalter le "patriotisme économique". Dans un tract du 7 mars cosigné par FO-Métaux (syndicat largement majoritaire à Toulouse), la CFE-CGC (syndicat des cadres) et la CFTC, ils déclarent par exemple : "C'est tout l'intérêt de l'économie française, locale et régionale qui est en jeu (…) Restons mobilisés (…) pour défendre Airbus, nos emplois, notre outil de travail, nos- compétences et notre savoir-faire au bénéfice de toute l'économie locale, régionale et nationale." Cette répugnante propagande poussant les ouvriers à se rallier à la logique concurrentielle du capital se retrouvait déjà lors d’une mobilisation des syndicats des différents pays d’Europe où sont implantées les usines Airbus : "Défendons notre outil de travail ensemble, salariés Airbus, sous-traitants de tous les sites d'Airbus d’Europe" (tract commun à tous les syndicats du 5 février 2007).
Après les manifestations du 6 mars, ils ont fait miroiter une riposte européenne pour le 16 et annoncé une grande manifestation à Bruxelles pour ensuite l’annuler trois jours avant en la remplaçant par des manifestations toujours présentées comme une "journée de mobilisation européenne" mais limitée aux salariés d'Airbus et éparpillées sur les différents sites locaux . Et le pompon était à voir du côté de Toulouse où les syndicats ont cueilli les ouvriers à la sortie de l'usine dans des bus de ramassage pour les amener dans un lieu de rassemblement totalement excentré et les faire marcher jusqu'au siège de Blagnac où les attendait une nuée de caméras de télé pour médiatiser à fond "l'événement". Sitôt arrivés là, on les faisait remonter dans les bus pour regagner l'usine et reprendre le travail1.
Les syndicats comme l’ensemble de la bourgeoisie ne tenaient certainement pas, dans ce contexte d'attaques tous azimuts, à voir une large mobilisation ouvrière à l'échelle européenne où les ouvriers pouvaient se rassembler, se rencontrer entre eux, discuter et échanger leurs expériences. D’autant plus que la coupe des attaques déborde : suppressions de plus de 6000 emplois chez Bayer et allongement de la durée des cotisations pour la retraite jusqu’à 67 ans en Allemagne, mise en place d’une nouvelle attaque contre le secteur de la santé en Grande-Bretagne, 3000 licenciements à Volkswagen-Forest en Belgique .
Il n’était pas question non plus pour les syndicats que la manifestation à Paris des salariés d’Alcatel-Lucent pour dénoncer le plan de restructuration du groupe qui prévoit 12 500 suppressions de postes, dont au moins 3200 en Europe, d'ici 2008, soit organisée en même temps. C’est pourquoi elle a été appelée la veille, le 15 mars. Elle se présentait comme unitaire et européenne, mais il n’y avait que 4000 personnes, venues de tous les sites français touchés, en particulier de Bretagne, mais aussi de pays voisins avec des délégations symboliques exclusivement syndicales d'Espagne, d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, d'Italie. Elles étaient d'ailleurs noyées dans une forêt... de drapeaux bretons et la manifestation cadencée au son du biniou ! Dans une série de plus petites grèves en France comme à Peugeot-Aulnay, c'est sur des hausses salariales que les syndicats ont entraîné les ouvriers dans une grève longue et exténuante. Tandis qu'à l'usine Renault du Mans, 150 ouvriers ont été entraînés derrière la CGT dans une grève restée très minoritaire contre un nouveau contrat de flexibilité signé par les autres syndicats. Cependant, quand on sait que PSA comme Renault s'apprêtent à annoncer à leur tour prochainement des plans de licenciements, on s'aperçoit que ces grèves et ces actions lancées par les syndicats n'ont pour but réel que d'épuiser au maximum auparavant la combativité ouvrière pour faire passer ces attaques. De même, si les enseignants ont été appelés à une énième journée d'action le 20 mars, c'est avec le même objectif de les épuiser pour leur imposer plus facilement ensuite toutes les attaques dont ils sont la cible.
Les ouvriers n'ont aucun intérêt commun à défendre avec leur bourgeoisie, par contre la situation les pousse à reconnaître les intérêts qu’ils ont en commun face aux mêmes attaques (massives et simultanées) auxquelles ils sont partout confrontés. Une telle situation favorise le développement de questionnements, de réflexions, qui posent de plus en plus clairement les besoins d'extension de la lutte, d'unité et de solidarité au sein du prolétariat qui seront les clés des luttes à venir. Même si les syndicats parviennent à l'heure actuelle à imposer sans obstacle visible leurs manœuvres de sabotage, de division, d'isolement, d'enfermement des prolétaires, ils sont appelés à se discréditer de plus en plus ouvertement aux yeux de la classe ouvrière. C'est aujourd'hui que mûrissent les conditions qui permettront demain aux ouvriers dans leurs luttes de discuter ensemble, de se rassembler, de confronter leurs expériences, de s'organiser eux-mêmes en dehors des syndicats et au-delà des frontières nationales.
Wim (24 mars)
1 Le lendemain, Libération du 17 mars titrait son article : "Radicalisation jamais vue contre la direction de l'avionneur - Airbus : les salariés de tous les pays se sont unis".
Il y a un an, les amphithéâtres, hauts lieux de l'ennui magistral, étaient brutalement sortis de leur torpeur par le retentissement de discussions enflammées sur le chômage, la précarité, l'exploitation et l'avenir. La jeunesse ouvrière – lycéens et étudiants – se dressait comme un seul homme contre une énième attaque de l'Etat, le Contrat Première Embauche, rebaptisé malicieusement Contrat Poubelle Embauche. Après trois mois de cette lutte effervescente, devant la massivité de la mobilisation, le gouvernement devait plier et retirer son projet de loi inique.
De telles victoires sont rares dans la lutte de classe. La bourgeoisie s'attache toujours à infliger à la classe ouvrière la plus cinglante des défaites, afin de la démoraliser et de lui faire passer le goût du combat. Cette politique systématique fut parfaitement exprimée par l'ex-premier ministre Raffarin qui en 2003 face à la colère des enseignants après une nouvelle réforme des retraites) avait affirmé avec arrogance "ce n'est pas la rue qui gouverne". En 2006, les jeunes générations ont donc fait ravaler ses propos à la bourgeoisie française en montrant clairement que les clefs de l'avenir appartiennent bel et bien à la lutte de classe.
Si la bourgeoisie a ainsi cédé, c'est parce qu'elle a su reconnaître dans ce mouvement un vrai danger.
Les étudiants ont redécouvert l'importance vitale des assemblées générales souveraines. Ces AG ont véritablement constitué le poumon du mouvement. Elles ont en effet permis aux étudiants de se rassembler, de débattre et de s'organiser collectivement. Ils ont ainsi pu prendre conscience, grâce à ces débats ouverts, que leur combat n'était pas un combat particulier mais qu'il appartenait à toute la classe ouvrière. C'est pourquoi ils ont ouvert leurs assemblées générales et leurs amphithéâtres aux lycéens, aux chômeurs, aux travailleurs et aux retraités, accueillant chaque fois les interventions de ces participants par des tonnerres d'applaudissements. Afin d'entraîner dans la lutte le plus grand nombre de travailleurs, ils ont su, consciemment, mettre de côté des revendications spécifiques au milieu universitaire telle que l'abolition de la réforme LMD 1 pour mettre en avant au contraire ce qui était commun à tous les opprimés : la paupérisation croissante. Les étudiants avaient parfaitement compris que l'issue de leur combat était entre les mains des travailleurs salariés. Comme l'a dit un étudiant dans une réunion de la coordination francilienne du 8 mars "si on reste isolés, on va se faire manger tout cru". Les banderoles déployées par les étudiants au dessus de la tête des manifestants portaient des slogans particulièrement révélateurs de cet état d'esprit unitaire: "Étudiants, lycéens, chômeurs, travailleurs précaires, du public et du privé, même combat contre le chômage et la précarité !"
Cette démarche a eu progressivement, au fil des semaines, pour résultat de mobiliser toujours plus d'ouvriers. Les cortèges de manifestants croissaient lentement mais sûrement. Le gouvernement a pourtant tenté toutes les manœuvres -provocations policières et violences, manipulations médiatiques,… – piètres tentatives. En se mobilisant, la classe ouvrière n'exprimait pas une solidarité superficielle et charitable envers la jeunesse, elle se reconnaissait dans ce combat qu'elle faisait sien. En répondant à l'appel à la lutte des nouvelles générations, les ouvriers ont montré que s'il leur était encore difficile de se dresser tous ensemble contre les attaques quotidiennes, ils refusaient par contre catégoriquement que leurs enfants subissent le même sort. L'idée d'un avenir encore et toujours plus sombre pour la jeunesse, symbolisé par ce nouveau Contrat Pour Esclave, leur a été tout simplement insupportable et révoltante. Le mouvement contre le CPE est ainsi peu à peu devenu la lutte de toute la classe ouvrière et pour toute la classe ouvrière.
Nous touchons donc ici du doigt ce qui a tant fait peur à la classe dominante. La bourgeoisie a choisi de reculer pour ne pas laisser se répéter des manifestations contenant le risque que la classe ouvrière reprenne à son compte les méthodes de lutte mises en lumière par les étudiants. Le malaise bourgeois était tel que jusqu’en Allemagne (où la même attaque était en gestation) le gouvernement Merkel a préféré retirer son projet plutôt que de voir les travailleurs descendre dans la rue et (abomination suprême) unir leur forces à celles de le frères de classe outre-Rhin.
Rien n'aurait été pire, à ce moment, pour la bourgeoisie que de voir les ouvriers redécouvrir la prise en main des luttes par les assemblées générales souveraines et l'importance des mots d'ordre unitaires. Surtout, ce mouvement était un terrain bien trop fertile au développement de la solidarité entre les secteurs et entre les générations ouvrières. Pour la bourgeoisie, il fallait donc absolument mettre un terme à cette bouillonnante expérience de lutte durant laquelle les ouvriers avaient sous leurs yeux l'exemple de cette nouvelle génération enthousiaste et énergique.
Mais en reculant, la bourgeoisie n'a fait que retarder l'échéance. Les attaques contre les conditions de vie ne connaissent pas de répit. Et grâce à des luttes comme celle du printemps 2006 en France, la classe ouvrière reprend internationalement peu à peu confiance en elle. Les ouvriers (au travail, au chômage, à la retraite ou dans les amphis) se reconnaissent progressivement à nouveau comme appartenant à une classe, comme ayant des intérêts communs et la possibilité de s'organiser collectivement.
Sur tous les continents, l'avenir appartient à la lutte de classe !
Pawel (13 mars)
1 LMD = Licence-Master-Doctorat, nouveau cycle universitaire rallongeant la durée des études.
La droite n’a pas le monopole de la nation ! La gauche aussi a le droit d’aimer la patrie. Qui le conteste ? Et pourtant, journalistes et politiques (de gauche et d’extrême gauche) jouent la stupeur à l’écoute des récentes déclarations dégoulinantes de chauvinisme de Ségolène Royal pour laquelle "Tous les Français devraient avoir chez eux le drapeau tricolore comme dans d’autres pays où les drapeaux sont sortis aux fenêtres les jours de fête nationale."
Pour une fois qu’un candidat à la présidence parle avec son cœur, en toute franchise, qu’il nous tient le langage de la vérité, celui de ce nationalisme passionnel qui colle aux tripes de tout bourgeois qui se respecte, voilà qu’on s’interroge, l’air circonspect voire outré. Ainsi José Bové (à grands renforts d’hypocrisie) renvoie la candidate PS à sa copie en lui apprenant "que le chauvinisme et le nationalisme n’ont jamais été des valeurs de gauche. Le fait de vanter le ‘sang impur qui abreuve nos sillons’, c’est plutôt attiser la haine que préparer la paix". Belle leçon de la part d’un maître dans l’art du démontage de Mac Do, pourfendeur de multinationales américaines pour la promotion franchouillarde du Roquefort maison. Mais quelle rigolade ! En effet, voilà plus de quatre-vingt-dix ans que le chauvinisme et le nationalisme sont devenus les valeurs phares de la social-démocratie. Depuis les premiers jours d’août 1914 où le "Non à la guerre" des socialistes s’est transformé en "Défense nationale d’abord", ces derniers ont quitté définitivement le camp prolétarien pour rejoindre le banc des nations capitalistes.
Et que dire du Parti Communiste Français (souligné par nous) qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, a frénétiquement déversé sur la classe ouvrière (par citernes entières) son jus patriotique : "A la Libération, le Parti communiste a beaucoup joué sur le sentiment national. Il avait même un journal qui s’appelait ‘France d’abord !’" (J.J. Becker, historien interrogé par Libération du 26 mars 2007). Pour défendre son titre du parti de gauche le plus ouvertement chauvin, Marie-George Buffet s'est empressée d'éclabousser à son tour les travailleurs du vieux poison nationaliste : "Ces deux symboles de la République [le drapeau et la Marseillaise] appartiennent au peuple…». Tel le coq tricolore, son porte-parole, Olivier Dartigolles s'est même gonflé d'orgueil pour affirmer qu'au PCF "on joue la Marseillaise en premier et l'Internationale en second depuis 1936" (Libération du 27 mars 2007) !
L’amour patriotique de ces gens-là n’a pas de borne et confine même jusqu’au délire comme l’illustre à nouveau Madame Royal : "Je l’avais déjà dit quand j’étais ministre de l’Enseignement scolaire, … j’avais imaginé des ateliers de couture dans les écoles, où les élèves auraient pu réaliser des drapeaux" (Libération du 26 mars 2007).
"Travail, famille patrie", Pétain en a rêvé, Royal l’a presque fait !
La défense du drapeau national n’a jamais servi qu’au massacre des prolétaires pour les seuls intérêts du capital. Partout, sur tous les continents, les ouvriers sont des frères. Ils subissent le même joug, la même exploitation. Ils ont un seul et même combat : en finir avec ce monde barbare. Loin de la puanteur du nationalisme, le cœur de la classe ouvrière bat pour un monde uni et fraternel, sans frontières ni nations. Son étendard, c'est l'internationalisme prolétarien ; son cri de ralliement, c'est "LES PROLETAIRES N'ONT PAS DE PATRIE ! PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ VOUS !"
Jude (28 mars)
Quand Sarkozy dit "Chanter la Marseillaise n’est pas ringard. S’émouvoir devant le drapeau tricolore n’est pas démodé. Aimer sa partie n’est pas dépassé.", Arlette Laguiller lui répond tout de go "Non, ce n’est pas ringard, mais elle représente une révolution du passé… de la bourgeoisie… aujourd’hui, c’est une autre révolution qu’il faudrait… Et si une telle révolution se produisait, un autre chant plus humain, plus fraternel devrait remplacer la Marseillaise révolutionnaire et guerrière qui fait dire aux enfants, aux élèves et même aux footballeurs : ‘Qu’un sang impur abreuve nos sillons’". (Le site d’Arlette Laguiller dans la rubrique Sarko, Royal et compagnie).
Depuis le Manifeste communiste de 1848, le mouvement ouvrier sait que les prolétaires n’ont pas de patrie, , cela est un fait marqué au plus profond de leur identité de classe. Alors quand Arlette s’affiche en 4×3 sur les murs de nos grandes villes pour se demander (comme la reine de Blanche-Neige à son miroir) qui d’autre qu’elle-même "peut sincèrement se dire dans le camp des travailleurs", quoi de plus logique pour la Marianne de Lutte Ouvrière que de hisser (au son du clairon) le pavillon internationaliste comme gage de cette "authenticité" ?
Fort heureusement pour Arlette, les belles paroles ne coûtent rien (raison supplémentaire pour ne pas s’en priver).
Certes, LO a toujours su se débrouiller pour faire mine de protester énergiquement contre les mots d'ordres nationalistes (ceux-là même qui envoient les ouvriers se faire étriper pour des intérêts qui ne concernent finalement que leurs exploiteurs) mais diable qu’il y a loin de la coupe aux lèvres ! C’est en tout cas ce que vient illustrer, fort à propos, l’édito du journal Lutte Ouvrière en date du 28 janvier dans lequel on peut lire : "Depuis 1946, le gouvernement [français] avait dépensé des millions pour mener la sale guerre d’Indochine… En 1954, débutait une autre sale guerre, celle d’Algérie… Alors, il n’y avait pas assez d’argent pour loger les sans logis. Mais ceux qui dirigent le pays ont su en trouver pour créer la "force de frappe", et dépensent toujours des fortunes pour construire [aujourd’hui] un nouveau sous-marin (2,4 milliards d’euros) et un nouveau porte-avions nucléaire. Et pour se défendre contre qui ? Aucun Etat ne menace la France…" (souligné par nous).
Avons-nous bien entendu ? Mais oui, pas de doute, c’est bien ça : si un jour, comme par le passé, un Etat belliqueux venait à menacer l’intégrité de la nation en pointant le bout de ses canons sur les frontières de France, alors là (et seulement là), les dépenses militaires deviendraient justes et légitimes ! "L’internationalisme en temps de paix, oui… pour le reste on peut toujours en discuter." Et voilà LO fin prête à voter les prochains crédits de guerre au cas où il s’agirait de sauver la patrie en danger comme l’ont fait ses illustres prédécesseurs : les sociaux-chauvins de la Deuxième Internationale en 1914 ou encore (à leur façon) les PC stalinisés se vautrant dans les préparatifs guerriers des années 1930.
Faut-il s'en étonner ? Pas vraiment… Déjà, au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’ancêtre de LO, le groupe Barta 1 avait copieusement versé dans le registre nationaliste (comme l’ensemble de la IVe Internationale trotskiste d’ailleurs) en braillant aux travailleurs "…vous tous qui n’avez que vos chaînes à perdre et un monde à gagner : EMPECHEZ PAR TOUS LES MOYENS LA MACHINE DE GUERRE IMPERIALISTE DE FONCTIONNER CONTRE L’URSS." (Vive l’armée rouge, tract rédigé par le groupe Barta le 30 juin 1941).
Encore et toujours la fameuse défense de la "patrie socialiste" ou, dit autrement, des intérêts impérialistes du bastion stalinien et, par ricochet, du camp allié poussant les ouvriers à rejoindre le mouvement de Résistance à l’occupation allemande : "Si vous ne voulez plus être la chair à canon de cette guerre, il faut non seulement résister à Vichy et à l’impérialisme allemand, mais le faire sous votre propre drapeau de classe, le drapeau rouge… Dans les groupes de résistance, dans le maquis, exigez votre armement…" (La Lutte de classe n°24 du 6 février 1944) 2.
Le drapeau rouge dilué… fondu… broyé… ratatiné dans les couleurs des nations capitalistes, voilà de quel "internationalisme" sont faits le groupe Barta et sa fille légitime : Lutte Ouvrière.
Et depuis, dans les différents conflits de l’après-guerre, cette dernière n’aura de cesse de suivre la même logique guerrière et hypocrite en direction des travailleurs, les incitant à choisir un camp impérialiste contre un autre. Particulièrement contre l’impérialisme américain et israélien, les ouvriers seront inlassablement encouragés à préférer la "patrie" palestinienne ou irakienne venant s’inscrire (qui plus est depuis l’effondrement de l’URSS) dans la droite ligne de la politique pro-arabe et anti-américaine de l’impérialisme français.
"Aimer sa patrie", "chanter la Marseillaise" (mais uniquement sur la musique de l’Internationale), "Non, ce n’est pas ringard" pour Arlette Laguiller, à plus forte raison lorsqu’on se trouve (bien au-delà des apparences de façade) pétri d’un nationalisme viscéral.
Azel (18 mars)
1 Voir notre article La véritable origine bourgeoise de "Lutte Ouvrière" [49] [49] dans RI n°343.
2 La Lutte de classe, feuille de propagande publiée par le groupe Barta pendant la Seconde Guerre mondiale.
Dans la nuit du 19 au 20 mars 2003, une série de bombardements était lancée sur Bagdad. C’était le début de l’opération "Liberté en Irak". La deuxième guerre d’Irak venait de commencer. Cela fait à présent quatre ans que cette boucherie impérialiste ravage le pays. Depuis, les affrontements armés, les attentats aveugles, les massacres de populations civiles n’ont fait que croître inexorablement. A Bagdad, comme dans tout l’Irak, l’horreur se vit au quotidien. La population irakienne, réduite à la pire misère, est prise dans l’étau infernal que constituent les différentes fractions armées : sunnites, chiites, kurdes, forces gouvernementales ou américaines. Les morts irakiens se chiffrent probablement par centaines de milliers. Dans le pays, deux millions de déplacés et autant de réfugiés sont dénombrés depuis le début de la guerre. L’armée américaine a perdu quant à elle plus de 3200 GI’s, pour la grande majorité de jeunes soldats, engagés dans cette horreur pour échapper à la misère et au chômage dans leur propre pays et espérer mettre quelques dollars de côté. Mais déjà, plusieurs milliers de ces jeunes recrues ont déserté et fui cet enfer permanent, se terrant au Canada ou ailleurs. Ces quatre années débouchent sur un chaos sanglant, sans qu’aucune perspective ne permette d’espérer une quelconque nouvelle stabilisation du pays et de la région. Les protestations contre la guerre se multiplient : environ 50 000 personnes se sont mobilisées le 17 mars à Washington, sous la bannière "Stop à la guerre en Irak, pas de guerre contre l’Iran". Des manifestations similaires ont eu lieu le même jour dans plusieurs grandes villes américaines, notamment à New York, Los Angeles, San Francisco, avec à leur tête des milliers de vétérans, pour réclamer le retrait des troupes d'Irak. En Espagne, 400 000 personnes se sont rassemblées à Madrid, à la fois en commémoration des victimes des attentats meurtriers à la gare d'Atocha et pour réclamer la fin de cette guerre. D'autres manifestations similaires étaient organisées dans le pays, de Barcelone à Cadix. Un peu partout, dans le monde, en particulier en Turquie, en Corée du Sud, en Hongrie, des rassemblements plus ou moins nombreux réclamaient le retrait des contingents nationaux d'Irak.
Il y a quelques jours, la première visite du nouveau secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon a été une sorte de baptême du feu : il a été (bien malgré lui devant toutes les télévisions du monde) l’illustration vivante que plus aucune force ne contrôle réellement la capitale irakienne. En effet, c’est lors d’une conférence télévisée, en présence du nouveau secrétaire général de l’ONU qui se tenait dans une "zone verte", secteur considéré comme le plus sécurisé du pays, qu’a éclaté à quelques mètres un obus de mortier. Alors même que le président irakien venait tout juste de déclarer qu’il considérait la visite de Ban Ki-moon comme "un message destiné au monde, qui confirme que Bagdad est à nouveau en mesure d’accueillir des personnalités mondiales importantes parce qu’il a fait d’importants progrès sur la voie de la stabilité."
Quatre années après le début de la guerre, plongée dans le plus grand des désarrois, l’administration américaine ne sait plus comment se sortir du bourbier irakien. Ce qui était encore totalement impensable il y a quelques semaines s’avère aujourd’hui possible. Ainsi, " la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, a annoncé que le gouvernement irakien allait réunir dans une quinzaine de jours une conférence internationale sur l’Irak à laquelle les Etats-Unis ont décidé de participer, bien que l’Iran et la Syrie soient invités." (Le Monde du 1er mars 2007). Cette conférence, présentée par beaucoup de commentateurs bourgeois comme une des dernières chances pour la paix, n’a été en réalité qu’un moment supplémentaire d’affrontements entre les deux puissances qui se font face indirectement en Irak : l’Iran et les Etats-Unis. Cette confrontation a connu, seulement quelques jours après la tenue de cette conférence, une nouvelle manifestation qui ne laisse planer aucun doute sur le niveau de tension existant, entre les deux pays. En effet, 15 marins et fusiliers britanniques, faisant partie de la coalition militaire en Irak, sous direction américaine, se sont faits prendre par la marine iranienne, au large de Fao, dans le Chatt- al-Arab, le confluent du Tigre et de l’Euphrate qui marque la frontière entre l’Irak et l’Iran. Que ce soit en Irak même ou dans le Golfe persique, et malgré l’incroyable armada maritime des forces de la coalition, les Etats-Unis ne sont plus en mesure d’assurer la sécurité des troupes de cette même coalition. Cette perte de contrôle de la situation aujourd’hui avérée traduit l’affaiblissement irréversible de la première puissance impérialiste du monde, justement dans une région qu'elle prétend "mettre au pas" depuis quatre ans.
Il n’y a pas d'espoir pour les Etats-Unis de se retirer du Moyen-Orient sans une perte de crédibilité énorme. La bourgeoisie américaine est ainsi face à une contradiction aujourd’hui insoluble. "Les Américains maintiennent pourtant un double langage, regrette le quotidien de Téhéran (Kayhan). Condoleezza Rice, secrétaire d’Etat américaine, affirme d’un côté qu’elle est prête à s’entretenir directement avec l’Iran sur les sujets qui concernent les deux pays, et de l’autre, affiche une fermeté indiscutable sur les dossiers comme le nucléaire. Mais les Américains ont besoin de l’Iran plus que jamais. Cette attitude ambivalente montre la confusion et le désespoir qui règnent dans l’administration Bush" (Courrier international du 12 mars 2007). Les Etats-Unis sont acculés à faire un choix entre deux "solutions" de toutes façons désastreuses : soit ils font un compromis humiliant avec l’Iran, soit ils optent pour une nouvelle fuite en avant guerrière. L’Iran, aujourd'hui en situation de force dans la région et soutenant massivement les fractions chiites d’Irak, pose très clairement les termes de ce marchandage sordide entre ces deux nations impérialistes. Une "aide" éventuelle de l’Iran pour tenter de rétablir l'ordre en Irak devra se payer au prix fort par l’administration américaine, principalement par l’acceptation de fait du programme nucléaire iranien. Mais il n’est pas non plus à exclure que l’administration Bush, déjà fortement discréditée, veuille jouer son va-tout et attaque l’Iran, prenant le risque insensé de pratiquer la politique de la terre brûlée. Une telle offensive signifierait une formidable accélération du chaos régional et mondial, sans pour autant que les Etats-Unis en tirent le moindre bénéfice impérialiste.
La guerre en Irak (au terme de ces quatre années d’enfoncement dans un bourbier fait de massacres et de misère galopante) aura déjà participé directement à radicaliser et à développer la haine entre les communautés chiites, sunnites et également kurdes à un point tel que tout retour en arrière semble désormais totalement improbable. Ce conflit a concrétisé non seulement l'incapacité grandissante des Etats-Unis à régler le problème irakien mais aussi, et bien au-delà, à s’imposer en tant que gendarme du monde. En effet, les interventions répétées et l'accroissement des forces militaires de la première puissance mondiale, produits de l'engrenage des rapports de force inter-impérialistes et de ses contradictions, n'ont fait que développer la terreur et le chaos non seulement en Irak mais dans la majeure partie du monde.
Cette guerre, déjà pleine de monstruosités en tous genres, n'est pas achevée, loin de là. Elle est porteuse des pires massacres pour l'avenir, loin des promesses faites par tous ses pseudo-"libérateurs".
Rossi (26 mars)
Ils disent que l'économie espagnole va "à plein tube", ils disent que l'économie mondiale va de l'avant. Les gouvernements, les experts, les économistes, les chefs d'entreprises et syndicaux, nous présentent un "monde" qui n'a rien à voir avec le monde réel que nous subissons tous les jours. Dans leur monde, il y a des édifices éblouissants, des technologies merveilleuses, des résultats économiques "formidables"...
Cependant, dans notre monde, le monde réel, il se passe des choses très différentes : des licenciements à la pelle, des contrats précaires, des pensions de retraite à chaque fois plus réduites et plus difficiles à obtenir, une augmentation de la pauvreté, l'impossibilité d'accéder à un logement digne, un fonctionnement désastreux des services de santé qui sont débordés en permanence, le chaos dans les transports (pour donner un exemple criant, le désastre dans le fonctionnement des trains de banlieue de Barcelone...)
Ce "monde réel" est subi par les travailleurs du monde entier, par l'immense majorité de l'humanité. En nous limitant uniquement au fléau des licenciements, rappelons-nous qu'aux États-Unis, General Motors projette de licencier 30 000 de nos camarades et Ford 10 000 ; en Allemagne, Volkswagen prévoit 10 000 autres licenciements ; en Allemagne et en France, 10 000 suppressions de poste à Airbus avec des répercussions probables en Espagne. Ce ne sont que quelques cas au milieu d'une liste interminable de licenciements qui touche les travailleurs des grandes et des petites entreprises et de nombreux pays.
A Delphi1, avec l'accord du gouvernement régional d'Andalousie et des syndicats, il avait été établi un plan industriel qui, en échange de sacrifices importants des travailleurs, "garantirait l'emploi au moins jusqu'en 2010". Ce fut le énième plan de sauvetage de l'entreprise semblable à celui de SEAT, des chantiers navals et de tant d'autres.
Le mécanisme est toujours le même : les gouvernements, le patronat et les syndicats nous proposent de "sauver l'entreprise". Pour cela ils nous demandent de faire des sacrifices (en nous baissant les salaires, en nous demandant de faire des heures supplémentaires, d'accepter des préretraites et des départs "volontaires") pour avoir un "plan d'avenir". Delphi est la énième démonstration que ces promesses sont uniquement de la poudre aux yeux. Accepter les sacrifices aujourd'hui mène à des sacrifices encore pires et plus nombreux avec comme résultat final les LICENCIEMENTS MASSIFS.
En Allemagne nous avons eu la même situation : en 2003, à Volkswagen, le patronat et les syndicats ont décidé un plan draconien (48 heures de travail par semaine avec 10% de baisse de salaire) pour "empêcher les licenciements". Le résultat : en 2006 et aujourd'hui en 2007, le patronat a décidé plus de 16 000 licenciements.
A SEAT, en décembre 2005, ils ont dit que les 660 licenciements qu'ils ont réussi à imposer avec la complicité effrontée des syndicats seraient "les derniers". Ils ont mis moins d'un an pour se dédire et, aujourd'hui, l'entreprise impose une nouvelle série de licenciements, que les syndicats se contentent de juger "inopportuns" !
Nous devons nous poser la question : pourquoi se passe-t-il toujours la même chose ? Pourquoi les sacrifices n'apportent-ils que de nouveaux sacrifices ? Où allons-nous aboutir ? Les "plans d'avenir" instaurés par le patronat, les syndicats et les partis politiques servent-ils à quelque chose ? Ces "plans d'avenir" ne sont-ils pas la carotte avec laquelle on nous conduit de sacrifice en sacrifice jusqu'au licenciement final de tout le personnel ? Ces "plans d'avenir" sont-ils une alternative réaliste ou bien, ce qui est plus réaliste, s'agit-il de comprendre que le capitalisme n'a pas d'avenir ?
Le capitalisme comme système mondial est dans une situation à chaque fois plus critique. En témoignent la fermeture continue d'entreprises productives, l'interminable cascade de licenciements, le fonctionnement toujours plus désastreux des infrastructures, le fait que pour amortir les coups de la crise en réduisant les coûts de production on transfère des parties importantes de la production en Chine, en Inde, etc., dans des pays transformés en ateliers du monde à bas prix puisque là-bas les conditions de travail sont insupportables.
Les politiciens, les syndicalistes et les économistes se lamentent sur le fait que les multinationales démantèlent les industries pour les transférer en Chine. Mais quelle est la solution qu'ils mettent en avant ? Eh bien d'accepter une dégradation de nos conditions de travail et de vie jusqu'à nous mettre en situation de pouvoir faire concurrence aux prix de la Chine ! Voilà l'avenir que nous offre le capitalisme ! Nous ramener au niveau de nos camarades en Chine qui supportent jusqu'à 70 heures de travail par semaine, des salaires de misère, sans sécurité sociale ni pension garantie et en logeant dans des taudis infects !
L'avenir que nous offre le capitalisme c'est la précarité, le chômage chronique, la perte des pensions, une vie de misère indescriptible et, en même temps, des guerres impérialistes, le désastre des infrastructures, des catastrophes écologiques, la barbarie morale. L'avenir que le capitalisme offre à l'humanité c'est la barbarie.
La seule alternative qu'ont les travailleurs, c'est la lutte. La lutte massive et solidaire. La solidarité est vitale. Face à la menace des licenciements qui pèse sur nos camarades et leurs familles à Puerto Real, tous les ouvriers doivent discuter, sur les lieux de travail, dans les quartiers, sur tous les lieux possibles de réunion, de la nécessité de lutter, de développer la solidarité, de lutter ensemble et de façon unie.
Il y a un an, quand les ouvriers de SEAT ont arrêté spontanément le travail en solidarité avec leurs camarades menacés de licenciement, dans un tract où nous appelions à la solidarité des autres travailleurs sans distinction de secteur, de région ou de race, nous disions : "le problème de SEAT ne se réduit pas aux 660 licenciements ; c'est un problème de TOUT LE PERSONNEL. Mais ce n'est pas seulement le problème des ouvriers de SEAT, mais de TOUS LES TRAVAILLEURS, tant des fonctionnaires avec la 'garantie de l'emploi' (jusqu'à quand ?) que des entreprises privées, tant des sans papiers que de ceux qui ont des papiers, tant des entreprises qui font des bénéfices que des entreprises en déficit. Nous sommes ou serons tous dans la même situation que les camarades de SEAT !"
La réalité montre que NOUS SOMMES TOUS DANS LA SITUATION DES CAMARADES DE DELPHI. C'est pour cela que la réponse est la SOLIDARITE DE CLASSE de tous les travailleurs, la solidarité de tous les exploités.
Nous saluons le commencement de la lutte à Delphi et le fait que ce soit les femmes et les familles qui, de façon solidaire, ont pris l'initiative à travers des manifestations quotidiennes. Nous saluons le fait qu'à l'usine d'Airbus et à Bazan ils ont commencé à faire preuve de solidarité.
Une manifestation a été convoquée pour le 1er mars à Cadix. Plus les travailleurs seront nombreux à y participer, tant à Cadix qu'à Puerto Real comme dans d'autres régions, d'autres entreprises, d'autres secteurs, PLUS LES CAMARADES DE DELPHI AURONT DE FORCE ET PLUS DE FORCE NOUS AURONS TOUS.
La solidarité est une question de vie ou de mort que nous devons discuter et impulser partout.
Nous devons distinguer la FAUSSE SOLIDARITÉ, la "solidarité" du bourreau et de ses complices, de la VÉRITABLE SOLIDARITÉ, qui ne peut être que la SOLIDARITE DE TOUS LES TRAVAILLEURS, DE TOUS LES EXPLOITÉS, exprimée de façon directe et massive.
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est la solidarité du gouvernement d'Andalousie qui pousse des cris d'orfraie parce que l'entreprise "ne lui a rien communiqué" alors qu'il lui avait versé des subventions à la pelle, et avait déroulé un tapis rouge devant elle en échange d'une limitation des salaires des travailleurs et de l'amélioration de leurs conditions de travail en leur faisant du chantage avec le refrain bien connu : "se sacrifier pour obtenir des créations d'emplois".
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est celle du gouvernement PSOE, qui par la bouche de Madame Fernandez de la Vega (vice-présidente du gouvernement) a déclaré solennellement qu'elle "travaille avec le gouvernement d'Andalousie pour faire en sorte qu'il n'y ait aucune famille qui souffre des conséquences d'un processus de cette nature", ce qui signifie tout simplement : il faut accepter les licenciements (appelés par euphémisme "le processus") et se contenter de quelques broutilles. Quelle solidarité pouvons-nous attendre d'un gouvernement qui vient d'augmenter de 12 à 15 ans la durée de travail minimale pour avoir droit à une pension et qui a été l'organisateur des licenciements de 2005 dans les chantiers navals ?
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est celle des organisations syndicales qui, dans le silence des bureaux, signent tout ce que le gouvernement, la CEOE (l'organisation patronale) et les patrons concernés leur mettent sur la table et qui ensuite, pour la galerie, "protestent", "se lamentent". Quelle alternative nous offrent-elles ? Un nouvel "accord" avec de nouveaux sacrifices pour "préserver l'emploi". Accord qui consiste à accepter le licenciement de beaucoup de camarades, la dégradation des conditions des "bienheureux" qui restent en poste et la prolongation de l'agonie pour un ou deux ans jusqu'à ce que la Direction, implacable et renforcée par une telle capitulation, annonce une autre série de licenciements qui sera présentée comme la dernière.
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est celle des partis, PSOE, PP (Parti Populaire) et IU (Gauche Unie), celle des maires de la région, qui appellent à la "mobilisation citoyenne" dans laquelle on veut diluer et paralyser une riposte forte, unie et solidaire des travailleurs.
La véritable solidarité réside dans la lutte massive et indépendante des travailleurs à laquelle peuvent et doivent s'associer tous les opprimés et exploités. Nous avons un exemple récent à Vigo, en mai 2006 ; les travailleurs du secteur de la métallurgie ne sont pas tombés dans ces pièges de la fausse solidarité et ont mis en pratique la véritable solidarité en luttant massivement, avec la participation aux manifestations des différentes usines, en établissant le contact direct et la lutte directe des ouvriers eux-mêmes. Ils ont organisé chaque jour une ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ouverte aux autres travailleurs et à toute personne qui voulait soutenir la lutte et y participer.
A Delphi se pose la nécessité de rester dans l'usine pour éviter que les installations ne soient fermées pendant la nuit dans le dos des ouvriers. Mais en même temps se pose la nécessité, encore plus vitale, de gagner la solidarité directe des autres travailleurs, de Bazan, d'Airbus, de la baie de Cadix... Pour répondre à ces deux nécessités, il faut s'inspirer de l'exemple des camarades de Vigo : il faut organiser des assemblées massives à la porte de l'usine où peuvent se joindre les femmes, les familles, les autres travailleurs... Tous ont quelque chose à apporter, tous unis nous serons forts pour arrêter les licenciements.
Tract d'Accion Proletaria,
organe du CCI en Espagne (25 février 2007)
1 Equipementier pour l’automobile américain ayant plusieurs usines en Espagne et en Europe. C’est l’usine de Puerto Real, en Andalousie, qui a été fermée provoquant la perte de 1600 emplois directs et 4000 indirects.
La véritable débauche de haine, les émeutes accompagnées d'incendies et de pillages, qui s'est déchaînée contre les Caucasiens et les Tchétchènes à Kondopoga, petite ville industrielle proche de la frontière russo-finlandaise, a eu un large retentissement au plan national, en Russie, et même internationalement.
Les événements de Kondopoga sont loin d'être un cas isolé. Surtout depuis la guerre en Tchétchénie qui a commencé en 1994. Mais ces derniers mois, des pogroms ont éclaté dans plusieurs régions de Russie. Au mois de mai 2006, à Novossibirsk, 20 autochtones ont incendié une dizaine de maisons tsiganes sous prétexte de lutte contre le trafic de drogue ; dans la ville de Kharagun (région de Tchita), des heurts ont opposé Russes et Azerbaïdjanais, résultat : un mort ; dans la région d'Astrakhan, à la suite du meurtre d'un jeune Kalmouke lors d'une bagarre avec des Tchétchènes, 300 Kalmoukes ont agressé les Tchétchènes et ont incendié leurs maisons. Un mois après, dans le village de Targuis (région d'Irkoutsk), un pogrom anti-Chinois s'est conclu par l'expulsion de 75 Chinois. Quelques jours plus tard, c'est contre les Daghestanais que les habitants de Salsk (région de Rostov) se sont mobilisés ; les troubles ont fait un mort. Le 21 août, une bombe a explosé sur le marché Tcherkizovo à Moscou, où la plupart des commerçants viennent d'Asie centrale ou d'Extrême-Orient ; bilan : 12 morts et plus de 40 blessés. Les Tchétchènes, cherchant refuge contre la guerre, concentrent sur eux la plus forte hostilité, ainsi que les Tsiganes.
A Kondopoga, le pogrom anti-Caucasiens a pris une intensité sans précédent. Pendant cinq jours, du 30 août au 5 septembre 2006, une foule de plusieurs centaines d'individus (en majorité des jeunes hommes de 15 à 20 ans) se déchaîne. Elle porte sa vindicte d'abord contre le marché de la ville où, comme dans toutes les villes de Russie, des Caucasiens tiennent les stands de fruits et légumes. Les stands sont dévastés, les commerces pillés et incendiés. Puis, les émeutes se répètent plusieurs nuits de suite, attaquant échoppes, garages et voitures appartenant aux Caucasiens, à coups de pierres, de bouteilles et de cocktails Molotov. On tente aussi d'incendier l'école où plusieurs familles d'Asie centrale avaient trouvé refuge ! Plusieurs mouvements nationalistes se sont impliqués et ont publiquement appelé à la "déportation" immédiate des Caucasiens. Les troubles se sont terminés par un départ massif de la population immigrée de la ville prise de panique. 200 Caucasiens et des dizaines de Tchétchènes ont quitté les lieux et trouvé refuge dans une autre ville à 50 kilomètres de là, pour protéger leur vie.
De nombreuses voix ont stigmatisé la responsabilité des ultranationalistes du Mouvement contre l'immigration illégale (DPNI). Venus de Moscou et de Saint-Pétersbourg, les militants de ce groupuscule xénophobe pro-slave, épaulés par des néo-nazis, ont joué un rôle central pour chauffer à blanc les jeunes cerveaux et pour organiser les manifestations dans le pogrom qui a déferlé sur Kondopoga. Cependant, s'ils ont pu agir ainsi, c'est parce qu'ils n'ont pas agi seuls. Leur action n'a été possible qu'avec l'aval des autorités et de la bourgeoisie locales. Le leader ultranationaliste du DPNI, Belov, s'est même rendu sur place à l'invitation du député local du parti populiste LDPR, Nikolaï Kourianovitch, appelant à la formation d'une milice d'anciens combattants russes en Tchétchénie pour y rétablir l'ordre !
Les autorités publiques font des Caucasiens les boucs émissaires responsables de tous les maux qui accablent la population. Elles stigmatisent leur "richesse ostentatoire" et "leur Mercedes roulant à tombeau ouvert" sans parler de leurs "combines mafieuses" ou des pots-de-vin versés à la police pour qu'elle ferme les yeux. Le gouverneur de la région, Katanandov, membre de Russie Unie, le parti de Poutine, étalant le racisme ordinaire propre à sa classe, a largement contribué à souffler sur les braises pour attiser la vindicte et l'irrationalité pogromistes : "La raison principale [des troubles] est que des représentants d'un autre peuple se sont conduits de façon impertinente et provocatrice, ignorant la mentalité de notre peuple." Les Caucasiens auraient ainsi pris l'habitude "de ne pas faire la queue au contrôle technique" en cas d'accident de voiture, "montrant que tout leur est permis" [sic]1 Il en rajoute dans la surenchère nationaliste, justifiant le pogrom en dénonçant "ces jeunes gens venus du Caucase et d'autres régions" qui se comportent "en occupants" pour clamer : "Ils font profil bas ou ils partent."2
La collusion entre les autorités officielles et les groupes néo-nazis n'est pas un dérapage de sous-fifres locaux des échelons inférieurs de l'État. En vérité, l'État russe possède lui-même ses propres raisons pour faire des Caucasiens des boucs émissaires. L'atmosphère de pogrom entre parfaitement dans l'intérêt de l'État russe. Elle est en réalité directement encouragée par la grande bourgeoisie et l'Etat. C'est l'un des moyens les plus répugnants utilisés dans la défense de ses intérêts impérialistes. Les groupes néo-nazis, s'ils ne sont pas directement des émanations du pouvoir, sont largement manipulés par le Kremlin. D'une part, celui-ci se sert d'eux comme d'une police officieuse et parallèle pour leur sous-traiter la sale besogne de la répression contre tout genre d'opposition. D'autre part, ils constituent de précieux auxiliaires pour propager au sein de la population la haine et l'hystérie nationalistes, propices aux exactions barbares de l'impérialisme russe en Tchétchénie.
Dans le bras de fer entre requins impérialistes qui oppose Géorgie et Russie, c'est en attisant cette atmosphère pogromiste que l'État russe a pris des mesures de rétorsions contre les Géorgiens présents en Russie, pour exercer ses représailles contre Tbilissi, suite à la brusque aggravation des tensions entre les deux Etats après l'arrestation de quatre officiers russes accusés d'espionnage, le 27 septembre. Ainsi Poutine, début octobre, donne-t-il lui-même dans la dénonciation des "groupes criminels ethniques" qui régissent le commerce de détail exigeant que l'on "mette de l'ordre" sur les marchés, qualifiés de lieux les "plus ethniquement pollués" du pays, pour défendre "les intérêts des producteurs russes et de la population autochtone"3 afin de procéder à l'expulsion du territoire russe de plusieurs milliers de Géorgiens, "criminalisés" et prétendument en situation irrégulière.
L'autre utilité, et non la moindre, que trouvent la bourgeoisie et l'État en attisant l'esprit de pogrom, c'est le moyen de semer la division dans les rangs de son ennemi mortel, le prolétariat, et pour empêcher les classes opprimées de voir où se trouvent leurs réels ennemis. Ces campagnes abjectes répétées contre les immigrés qui "volent le travail aux Russes et les pervertissent" (credo de l'État comme des groupes ultranationalistes) constituent l'arrière-plan idéologique des attaques et des multiples agressions physiques dont sont victimes les immigrés. Faire porter sur les immigrés la responsabilité du déclin général des conditions de vie de la classe ouvrière, pour en faire les boucs émissaires, est consciemment destiné à saper l'identité et la solidarité de classe du prolétariat.
L'instigation des pogroms par l'État s'inspire directement d'une longue tradition nationale, notamment des crimes du tsarisme envers les Juifs. L'État russe, qui institue la xénophobie comme idéologie officielle, ne fait que remettre au goût du jour la sinistre ‘tradition' des "règlements provisoires destinés à soustraire les Chrétiens de l'exploitation juive" d'Alexandre III (1882) dans la défense de la domination de classe de la bourgeoisie. Prévoyant qu'"un tiers de Juifs émigrera, un tiers se convertira, un tiers périra" , ceux-ci ont été promulgués en grande partie dans le but d'attiser le déchaînement de pogroms antisémites, pour servir de dérivatif afin de paralyser et empêcher toute lutte contre le pouvoir monarchique. C'est pourquoi le mouvement ouvrier dénonçait dans les pogroms le rôle de l'État et de "l'autocrate de toutes la Russie qui sert de protecteur suprême à cette camorra à demi-gouvernementale de brigands et de massacreurs, soutenue par la bureaucratie officielle (...) et qui a pour état-major la camarilla des courtisans" (Trotsky, 1905). Les têtes couronnées ne servent plus de décorum à l'État capitaliste mais celui-ci préside toujours aux mêmes scénarios barbares !
Dans une prise de position, "Kondopoga - un soulèvement populaire qui tourne au pogrom", publiée sur Internet en septembre 20064 et dont nous ne savons pas si elle constitue une initiative individuelle de son auteur (M. Magid) ou si elle reflète la position officielle de l'organisation dont il se revendique (section russe de l'AIT) se trouvent développées de dangereuses confusions tant concernant la nature de classe du mouvement que sur les perspectives dont il est porteur. Bien plus, l'auteur s'évertue même à en faire un mouvement, si ce n'est de la classe ouvrière elle-même, à tout le moins utile à son combat. "Partout, ou presque partout dans la province russe se répand la destruction causée par les bandits de toutes les nationalités qui contrôlent les marchés locaux, les entreprises et les banques. (...) A Kondopoga, nous avons assisté à une tentative des gens pour mettre sur pied un organe d'auto-administration, une assemblée régulière populaire qui prendrait des décisions que les autorités devraient exécuter conformément à l'opinion des gens. Mais les émeutes se sont transformées en émeutes nationalistes. (...) Est-ce que ce mouvement était sous la conduite ou à l'initiative des fascistes ou des négociants locaux ? Non, cette assertion est un mensonge des médias officiels. C'était une émeute populaire, des travailleurs, qui s'est développée dans une direction nationaliste, sans danger pour les autorités, en partie à cause des événements eux-mêmes, en partie à cause de l'initiative des commerçants locaux."
Au final, l'auteur institue les moyens utilisés, l'émeute et le pogrom, comme des armes valables que le prolétariat peut utiliser. Le seul regret critique qu'il émet, c'est le qu'il aurait fallu ne pas se contenter de cibler ceux qu'il nomme les bandits caucasiens mais élargir l'action aux bandits russes. Le plus frappant, c'est qu'il prend sans barguigner pour argent comptant les campagnes nationalistes de l'État capitaliste faisant des Caucasiens "tous des mafieux". A aucun moment il ne lui vient à l'idée que cela pourrait être une idée fausse. C'est clairement céder aux mensonges répugnants de l'État, lui apporter sa caution en se faisant le complice de la désignation raciste des Caucasiens comme boucs émissaires.
Cette attitude est en complète contradiction avec celle que doivent prendre les révolutionnaires en continuité du mouvement ouvrier. Face au pogrom antisémite de Kichinev en 1903, le Congrès de fondation du POSDR recommandait aux militants "d'utiliser tous les moyens en leur possession pour combattre de tels mouvements et pour expliquer au prolétariat la nature réactionnaire et classiste des incitations antisémites ou national-chauvines en général." L'attitude de la classe ouvrière et des révolutionnaires a toujours été d'apporter sa solidarité aux victimes des pogroms et de leur offrir sa protection. C'est une partie du rôle exercé par les soviets en 1905 et 1917 : "Le soviet organisait les masses ouvrières, dirigeait les grèves et les manifestations, armait les ouvriers, protégeait la population contre les pogroms." (Trotsky, 1905) Sous la direction des conseils, dans un grand nombre de villes, les ouvriers organisèrent des milices armées pour réprimer les débordements des voyous pogromistes. Les bolcheviks eux-mêmes se sont constamment et fortement impliqués dans la formation de groupes révolutionnaires armés pour s'opposer à eux. Voici un exemple de l'action bolchevique dans la ville d'Odessa : "Là, je fus témoin de la scène suivante : un groupe de jeunes hommes, âgés de 20 à 25 ans, parmi lesquels se trouvaient des agents de police en civil et des membres de l'Okhrana, raflait quiconque ressemblait à un Juif - hommes, femmes, enfants - les dépouillant de leurs vêtements et les battant sans merci... Nous organisâmes immédiatement un groupe de révolutionnaires armés de revolvers... Nous courûmes à eux et fîmes feu sur eux. Ils déguerpirent. Mais, entre les pogromistes et nous, apparut soudain un solide mur de soldats armés jusqu'aux dents et nous faisant front. Nous battîmes en retraite. Les soldats s'en allèrent et les pogromistes réapparurent. Cela se produisit plusieurs fois. Il était clair pour nous que les pogromistes agissaient de concert avec l'armée." 5 Aujourd'hui, le prolétariat n'a pas la force d'adopter de telles mesures, mais pour retrouver sa force, c'est cette attitude des bolcheviks qu'il faut adopter, et non pas celle que nous propose M. Magid. Si les ouvriers se laissent diviser et se laissent entraîner dans des pogroms, ils courent à leur perte. Pour la classe ouvrière, c'est une véritable question de vie ou de mort.
La vision, que développe Magid, qui autorise la désignation de boucs émissaires sur lesquels on fait porter la responsabilité de la situation insupportable créée par la crise économique capitaliste, procède d'une vision complètement étrangère au prolétariat. Cette ambiguïté sur la nature des pogroms condamne ceux qui l'acceptent à faire le jeu politique de l'État. Ce qui explique ces errements, c'est l'absence de critères de classe pour aborder la réalité de la société capitaliste et les luttes qui la traversent, dissolvant le prolétariat dans le tout indifférencié du "peuple" ainsi que le culte bakouniniste de la violence et du déchaînement des passions destructrices, conçu comme le viatique de la révolution, typiques de l'anarchisme. C'est dans ses fondements mêmes que résident les racines de ces confusions dangereuses pour le combat de classe et les bases qui en font le soutien du pogromisme.
Le prolétariat ne peut parvenir à assumer son avenir révolutionnaire qu'en développant sa solidarité et qu'en rejetant toutes les formes de divisions que le capitalisme lui impose. Toutes les formes de nationalisme et de racisme ne peuvent qu'affaiblir son combat pour son émancipation. La révolution n'est pas et ne peut pas être une vengeance exercée contre une partie de la population rendue responsable de sa situation. La lutte de la classe prolétarienne se développe en vue de la destruction du capitalisme comme système, basé sur l'exploitation du travail salarié dans le cadre des rapports de production capitaliste. Son objectif final est la transformation de l'ordre des choses existant dans la société afin de "créer des conditions de vie pour tous les êtres humains tels qu'ils puissent développer leur nature humaine avec leurs voisins dans des conditions humaines, et ne plus avoir peur que de violentes crises bouleversent leurs vie"6
A bas tous les pogroms !
A bas le système capitaliste qui les engendre et les utilise pour sa préservation!
Vive la solidarité internationale de tous les travailleurs!
1 Libération du 8 septembre 2006.
2 Le Monde du 21 septembre 2006.
3 Le Figaro du 17 novembre 2006.
4 En russe sur avtonom.org ; en anglais sur https://libcom.org/forums/thought/kondopoga-a-popular-uprising-turned-to... [51].
5 Piatnitsky, O., Zapiski Bol'shevika, (Mémoires d'un bolchevik), Moscou, 1956.
6 Engels, Deux discours à Eberfeld, 1845.
Après les multiples forums sociaux organisés par les altermondialistes ces dernières années pour affirmer contre l’idéologie néolibérale"qu’un autre monde est possible", leur leader principal, l’association ATTAC, a produit à l’occasion des élections en France en 2007 un manifeste. A l’image des sept péchés capitaux de la religion catholique, ATTAC a identifié"les sept piliers du néo-libéralisme qu’il faut abattre pour construire un monde démocratique, solidaire et écologique". Ce manifeste, fort d’une centaine de propositions, se veut être un"stimulant au débat public", une aide, entre autres,"aux choix que doivent faire les citoyens".
Le manifeste commence par rappeler que"dès sa fondation en 1998, ATTAC a identifié les politiques néolibérales menées partout dans le monde, et particulièrement en Europe et en France (quels que soient les gouvernements), comme la cause principale de la montée des inégalités, de la dislocation des sociétés par le chômage et la précarité, de l’insécurité sociale, de la prolifération des conflits militaires, etc." Ce néo-libéralisme qui date du début des années 1980 serait la cause essentielle de toutes les calamités que vit l’humanité car"ses méthodes sont bien connues : marchandisation généralisée, liberté d’action des patronats et des investisseurs, extension à l’ensemble de la planète du terrain de chasse des entreprises transnationales." Autrement dit, si on arrive à chasser les prédateurs, ceux qui détiennent le capital, on pourrait arriver à"une mondialisation solidaire contre le libre-échange et la libre circulation des capitaux". Pour mettre cela en œuvre, ATTAC propose une multitude de mesures pour réguler le commerce mondial. Mettre l’OMC sous le contrôle de l’ONU, réformer le FMI, la banque mondiale, créer une organisation mondiale de l’environnement, contrôler les changes, taxer la circulation des capitaux, contrôler les échanges de marchandises de façon équitable, réhabiliter les impôts directs, réduire les inégalités avec une mesure "révolutionnaire" qui serait "la fixation d’un écart maximal entre les revenus des gestionnaires des entreprises et ceux des salariés les moins rémunérés". Contre la logique du profit et le règne de la concurrence, contre les politiques des gouvernements au service des propriétaires du capital, le manifeste d'ATTAC défend la nécessité de préserver des"biens publics mondiaux et des services publics" et "oppose un principe fondateur d’un nouveau monde : les droits des êtres humains et les droits des peuples, les droits sociaux, écologiques, économiques, culturels, politiques." Autrement dit, pour le manifeste des altermondialistes, il n’y a pas de crise économique, mais simplement une mauvaise politique qui fait la part belle aux profits et qui ne pense qu’au pouvoir de l’argent. Si on contrôle tout cela de façon citoyenne, qu’on régule, qu’on réforme, qu’on taxe, que les Etats mènent de bonnes politiques publiques et qu’on mette en œuvre les principes fondamentaux de la démocratie, alors tout devrait aller pour le mieux.
Au bout du compte, ATTAC se paie de mots pour jouer un rôle primordial dans la conservation de ce monde en faisant croire aux exploités qu’il est possible de se battre pour un capitalisme plus"égalitaire", plus"humain" et que finalement un capitalisme sans profit… c’est possible !
Contrairement aux délires mensongers de nos chevaliers altermondialistes, pourfendeurs du néo-libéralisme, l’exploitation capitaliste et le processus de marchandisation pour extraire toujours plus de profit n’a pas commencé au début des années 1980. Le marxisme a déjà mis en avant depuis plus de cent cinquante ans que la course au profit constitue l'essence même de ce système. Comme le soulignait Rosa Luxembourg au début du siècle dernier dans la continuité des travaux de Marx sur le capital :"Le processus de production capitaliste est déterminé par le profit. Pour chaque capitaliste la production n’a de sens et de but que si elle permet d’empocher tous les ans un"bénéfice net"… Mais la loi fondamentale de la production capitaliste à la différence de toute autre forme économique fondée sur l’exploitation n’est pas simplement la poursuite d’un profit tangible mais d’un profit toujours croissant" (extrait de Critique des critiques). Il n'y a donc rien de nouveau sous le soleil capitaliste, contrairement à ce que voudrait faire croire ATTAC pour mieux faire passer sa marchandise idéologique frelatée selon laquelle le capitalisme serait réformable. Il faut être clair et affirmer qu'aucun changement quelconque de politique économique ne pourra jamais remettre en cause l'exploitation capitaliste et les méfaits grandissants qu'il provoque sur toute la planète. Comme le disait encore Rosa Luxembourg :"Le mode de production capitaliste a cette particularité que la consommation humaine qui, dans toutes les économies antérieures, était le but, n’est plus qu’un moyen au service du but proprement dit : l’accumulation capitaliste. La croissance du capital apparaît comme le commencement et la fin, la fin en soi et le sens de toute la production… Le but fondamental de toute forme sociale de production : l’entretien de la société par le travail, la satisfaction des besoins, apparaît ici complètement renversé et mis la tête en bas, puisque la production pour le profit et non plus pour l’homme devient la loi sur toute la terre et que la sous-consommation, l’insécurité permanente de la consommation et par moments la non-consommation de l’énorme majorité de l’humanité deviennent la règle." (Rosa Luxembourg, Introduction à l’économie politique).
C’est cette loi d’airain, cette logique immuable qui fonde la nature du capitalisme. Par conséquent, demander aux capitalistes et à leurs Etats respectifs de redistribuer équitablement les profits reviendrait tout simplement à leur demander de se suicider !
C’est pourquoi il n’est pas surprenant de voir les entreprises et les Etats nationaux adopter des comportements toujours plus féroces et prédateurs, dans une concurrence de plus en plus acharnée entre nations, pour satisfaire leurs besoins toujours croissants de profit. C'est ce qu'ATTAC "dénonce" avec virulence comme étant du "néo-libéralisme", alors qu'il ne s'agit ni plus ni moins que de la norme de fonctionnement du mode de production capitaliste. Et leur avidité est d’autant plus forte que la crise économique s’aggrave irrémédiablement, rendant par là même les conditions de l’accumulation du capital toujours plus incertaines, ce qui explique l'exploitation chaque jour plus forcenée à laquelle sont soumis les prolétaires de par le monde.
Constatant l'aggravation des conditions de vie et de travail devenues la règle générale, ATTAC ne manque ni de propositions, ni de solutions. Seulement, dans l'énumération de ces nombreux moyens dont il faudrait se doter pour "changer le monde", on ne trouve en réalité qu'une liste de mesures appelant l’État au secours. Des mesures qui, certes, sont enrobées du verbiage égalitaro-citoyen à la mode altermondialiste mais qui, à part les vœux pieux et les tapes amicales à destination du prolétariat, ne sont qu'un appel à plus d'Etat.
Ce que veut faire oublier ATTAC, c’est que c'est l’Etat qui régit l'économie capitaliste et qui est le garant du fait que la machine capitaliste puisse réaliser du profit. ATTAC défend donc l’Etat comme le nec plus ultra de la lutte contre le profit et pour améliorer le sort de la population et des ouvriers, alors que c’est justement ce dernier qui est le principal artisan et le chef d'orchestre des principales attaques anti-ouvrières. L’Etat n’est pas un organe neutre au-dessus des classes, ou garant de plus de justice sociale. Au contraire, comme l’écrivait déjà au 19ème siècle Engels,"de tout temps, le but essentiel de cet organisme a été de maintenir et de garantir par la violence armée, l’assujettissement économique de la majorité travailleuse par la stricte minorité fortunée" (Lettre à Ph. Von Patten du 18 avril 1883, Editions 10/18).
ATTAC fustige dans la même veine les transnationales (l’équivalent moderne de ces multinationales tant décriées par la gauche dans les années 1970 et 1980) et le secteur privé qui s’approprieraient pour eux seuls les bénéfices de la production au détriment du bien-être de la population. ATTAC en brandissant ces épouvantails cherche à nous faire croire que l’État aurait pour rôle de répartir équitablement les richesses de la nation. L'Etat serait en quelque sorte le garant du communisme ! Mais ces transnationales ne représentent pas exclusivement les intérêts de capitaux et de bourgeois privés, elles ne sont pas "sans nationalité". Ce sont le plus souvent des grandes entreprises affiliées aux Etats les plus puissants, quand elles ne sont pas des instruments au service des intérêts commerciaux, politiques et militaires de ces mêmes Etats. Même s’il peut exister des divergences entre les Etats et certaines de ces grandes entreprises, cela ne remet nullement en cause le fait qu’elles doivent agir au bout du compte en cohérence et dans le sens de la défense de l’intérêt national et de l’Etat des pays dont elles dépendent. C’est l’Etat qui réglemente les prix, les conventions collectives, les taux d’exportation, de production, etc. C’est lui qui, à travers la politique fiscale, monétaire, de crédit, etc., dicte les conditions du"libre marché", tant aux secteurs financiers que productifs. C’est encore l’Etat et ses institutions les plus"respectables" qui se transforment en véritables croupiers d’une économie de casino pour gérer l’agonie du système capitaliste. Dès la fin des années 1960, avec la réapparition de la crise économique, c’est l’Etat qui a été responsable des grands plans de licenciements au nom de la restructuration industrielle dans la sidérurgie, les mines, les chantiers navals, l’automobile, et l’hémorragie se poursuit toujours aujourd’hui dans l’aéronautique, l’automobile, les télécommunications, etc. C’est l’Etat qui a supprimé des milliers d’emplois dans les postes, à la SNCF, dans les hôpitaux, et il continue dans la fonction publique, l’Education nationale, etc. C’est lui qui réduit en permanence les minima sociaux, favorise l’accroissement de la pauvreté, de la précarité, fait des coupes claires dans les budgets sociaux (logements, retraites, santé, éducation). C’est l’Etat, le principal responsable de l’indigence de milliers d’ouvriers qui se retrouvent sans logement, à survivre dans la rue. Vouloir opposer, comme le fait ATTAC, la gestion à la sauce"libérale" qu'il faudrait "dépasser" au dirigisme des années 1970 et son Etat"providence", c’est réinventer de toutes pièces une réalité mensongère et vouloir gommer la relation indissociable qui existe entre l'Etat et le secteur dit privé.
Les propositions"alternatives" de ce manifeste altermondialiste ne représentent aucun danger pour la classe dominante, car elles ne sortent pas du cadre de la société capitaliste. Par contre, elles constituent un rideau de fumée cachant la seule perspective capable de mettre fin à la barbarie et à la misère : le renversement du capitalisme moribond par la révolution prolétarienne.
« Un autre monde est possible", nous serine ATTAC, mais quel monde ? Un monde de "citoyenneté" et de "démocratie", un monde de "droits des êtres humains", des "peuples", des "travailleurs", etc. L'histoire de l'enfer capitaliste est pavée de ces bonnes intentions en tous genres qui n’ont d’autre fonction que de masquer la réalité de ce monde et faire espérer qu'on pourrait le faire "changer"… mais surtout pas en touchant au système capitaliste lui-même et en le détruisant. A l'instar de nos bourgeoisies développées qui, par l'intermédiaire de l'ONU et de l'UNICEF, publient d'une main une kyrielle de chartes pour les droits des enfants, des femmes dans le monde, etc., et bombardent, déciment, écrasent, polluent ce même monde de l'autre main, ATTAC jette de la poudre aux yeux. C'est pour cela et uniquement pour cela qu'elle existe. En son temps, dans les années 1980, Bernard Tapie avait décrété "le droit au travail et l'interdiction du chômage". Le bateleur de foire avait fait rire devant l'inanité de son propos. ATTAC en revanche, avec un programme sur le fond aussi stérile et sans perspective, veut se prendre et être prise bien plus au sérieux. Ses appels répétés à la "démocratie" sont une preuve des plus tangibles de cette volonté d'être mise dans le sac des organisations "responsables" aux yeux de la bourgeoisie. Cependant, comme elle veut ratisser large et aussi fournir la preuve de ces valeurs "révolutionnaires" qu'elle prétend prôner, ATTAC n'hésite pas à s'emparer de Marx pour mieux saboter la pensée marxiste. Ainsi, cerise sur le gâteau avarié de l'altermondialisme, cette phrase du manifeste d'ATTAC :"il s’agit d’explorer des voies multiples, des terrains disparates afin de remettre fondamentalement en cause le modèle néolibéral par un mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses" (souligné par nous). Ceci n’est qu’un mauvais plagiat, une imposture empruntant frauduleusement à Marx ce passage de L'Idéologie allemande :"le communisme n’est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses" (souligné par nous).
Voici qui résume bien ce qu'est ATTAC et la finalité de son manifeste : falsifier la réalité du capitalisme moribond et illusionner les jeunes et les ouvriers qui se posent des questions en les entraînant dans une voie de garage et en brouillant au maximum leur conscience des véritables enjeux de la situation actuelle.
Donald (21 mars)
Comme un jour d'affluence aux caisses d'un supermarché, les bureaux de vote du premier tour de l'élection présidentielle en France avaient eux aussi leurs files d'attente. Et pour cause : le taux de participation s'est envolé pour atteindre un des niveaux de participation les plus importants de la 5e République et même égalant presque le record de 1965, année de l'instauration de l'élection présidentielle au suffrage universel. Ces élections présidentielles, quel qu'en soit le résultat final, nous auront été surtout présentées comme une belle victoire de la démocratie... d'après les médias et ses commentateurs avisés.
La bourgeoisie a pleinement de quoi se satisfaire de cet engouement citoyen qui sonne toujours à son oreille comme un doux plébiscite à l'égard de son système.
Cerise sur le gâteau, on nous racontait au soir du 22 avril que cette forte mobilisation électorale avait permis de barrer la route à Le Pen. Depuis des mois, la bourgeoisie martelait l'appel "Votez, votez !" dont les agents recruteurs, mouvements associatifs ou citoyens, personnalités en particulier de gauche et d'extrême-gauche en tous genres -rappeurs, chanteurs, footballeurs, acteurs inclus- n'ont cessé de sillonner les banlieues depuis un an. Elle s'est vantée d'avoir poussé à l'inscription sur les listes électorales 3 millions de nouveaux électeurs, en particulier les jeunes.
Y a-t-il lieu de se réjouir ? Qu'avons-nous gagné dans ce vote, derrière la défense de cette démocratie ?
Il faut se souvenir des élections de 2002 où la gauche, au nom de cette démocratie et de sa défense, avait appelé à se mobiliser massivement et à voter Chirac précisément pour "barrer la route à l'extrême-droite" et à "choisir le moindre mal". Pour quel résultat ? Cinq années dominées notamment par l'attaque contre le régime des retraites en 2002, la série de remises en cause des dépenses de santé et l'accélération du démantèlement de la protection sociale depuis 2003, le "contrat nouvelle embauche" (CNE) en 2005, accélérant la précarité, les provocations policières débouchant sur l'explosion des banlieues, la tentative de faire passer en force le CPE en 2006, qui a jeté des centaines de milliers de jeunes (et de moins jeunes) dans la rue, les plans de licenciements à la pelle, le blocage des salaires et la diminution du pouvoir d'achat tout au long de ces années, la prolifération des sans-abri et des mal-logés et un bouquet de nouvelles lois répressives animées par Sarkozy en tant que ministre de l'Intérieur.
Aujourd'hui, elle vient nous refaire le même coup avec son mot d'ordre pendant toute la campagne électorale: "Tout sauf Sarkozy !" C'est pourtant la gauche, en appelant à se rallier à la clique Chirac en 2002, qui a favorisé la promotion de ce même Sarkozy pour nous effrayer et nous pousser vers l'isoloir.
Cela n'est pas nouveau. Dans les années 1980, c'était bien Mitterrand et le PS qui avaient favorisé l'apparition du "phénomène" Le Pen et l'ascension du Front National (FN) en instituant une dose de proportionnelle dans les élections législatives permettant au FN de constituer un groupe parlementaire afin de mettre les bâtons dans les roues de la droite. Bien avant, c'est la social-démocratie au pouvoir au sein de la "république de Weimar" qui a fait le lit du nazisme en écrasant dans le sang la révolution en Allemagne dans les années 1919-1923 et préparé ainsi l'accession légale d'Hitler au pouvoir au nom de la démocratie. La gauche a toujours été le marchepied nécessaire à la montée de la droite et de l'extrême-droite.
Croire qu'il faudrait toujours choisir "le moindre mal" prôné par la gauche et les gauchistes, c'est une pure illusion. La bourgeoisie s'appuie aujourd'hui sur le sentiment de crainte qu'inspire Sarkozy, notamment parmi beaucoup de jeunes, dans les banlieues comme ailleurs. Pour eux, l'élection de Sarkozy signifie plus de chômage et de précarité, la suppression des retraites et de la Sécurité sociale, plus de répression. Cette inquiétude est tout à fait légitime. Ces derniers temps, une large partie des médias bourgeois ont montré Sarkozy du doigt en disant : cet homme-là est dangereux. Et c'est vrai. Le personnage est antipathique, brutal, violent, imbu de lui-même, cynique, autoritaire, voire despotique. Le problème, c'est que les attaques anti-ouvrières ne sont nullement une question de personnalité mais c'est la logique même du capitalisme qui pousse ses politiciens à adopter telle ou telle mesure.
De manière générale, les fractions de droite de la bourgeoisie sont plus aptes à manier un langage de vérité et à mettre en avant plus crûment les besoins réels du capital national qu'elles imposent à la classe ouvrière au nom de la loi et de la défense de l'ordre public. Une des caractéristiques propres aux fractions de gauche, et en particulier chez les sociaux-démocrates, consiste à s'appuyer sur un discours beaucoup plus idéologique, mystificateur et hypocrite pour parvenir aux mêmes fins. En réalité, la gauche n'a rien à envier à la droite en matière de brutalité. Souvenons-nous que c'est Mitterrand qui affichait le pire des cynismes dans sa défense des intérêts de l'impérialisme français en Afrique quand il déclarait, après avoir poussé au déclenchement des massacres au Rwanda en 1994 : "Les génocides dans ces coins-là, ça n'a pas tellement d'importance." La formule de Rocard : "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde" a servi de modèle à toute la politique anti-immigration et à justifier l'expulsion des travailleurs clandestins pour tous les gouvernements successifs qu'ils soient de gauche ou de droite. En matière de répression, les quartiers des mineurs dans les prisons se sont retrouvés déjà totalement saturés sous Jospin.
Il en est de même pour la détermination dans toutes les attaques que la gauche a portées contre la classe ouvrière quand elle était au pouvoir. Il n'y a pas de différence et l'expérience a largement montré que droite et gauche agissent en pleine continuité. En fait, les prolétaires ont tout autant à craindre de la gauche que de la droite. C'est sous l'ère de Mitterrand et des gouvernements PS-PC que le chômage a connu une brutale accélération et que les grands plans de licenciements industriels ont été pilotés et poursuivis. Les lois Aubry sur les 35 heures étaient un masque pour généraliser la flexibilité et rendre les prolétaires plus corvéables. C'est encore la gauche qui, à chaque fois qu'elle était au pouvoir, a bloqué les salaires et provoqué la diminution du pouvoir d'achat, notamment chez les fonctionnaires. C'est encore Rocard qui a publié "le livre blanc" sur les retraites, rampe de lancement à l'attaque de 2002 ; c'est son gouvernement qui a institué la Contribution Sociale Généralisée au nom de la "solidarité nationale" ; c'est un ministre "communiste" qui a introduit le paiement obligatoire d'un forfait hospitalier ; c'est la gauche qui a développé et multiplié les "stages parkings" pour les jeunes fournissant aux entreprises de la main-d'œuvre gratuite ou sous-payée. De même, c'est au sein de gouvernements de gauche ou dans le cadre de la "cohabitation" qu'ont été mises en place les mesures contre les chômeurs, les économies sur les dépenses de santé ou l'aggravation de la précarité des emplois.
Quel que soit le résultat du second tour, cela montre à quoi vont faire face les prolétaires. le vainqueur du 6 mai ne pourra que continuer à appliquer un seul et même programme, seule réponse que puisse donner le capitalisme face à l'aggravation de sa crise économique comme le font tous les gouvernements de gauche comme de droite dans tous les pays : attaquer toujours davantage la classe ouvrière. La bourgeoisie n'attend plus que la fin de la période électorale pour se lancer à corps perdu dans de nouvelles vagues de licenciements et de suppressions d'emploi, pour mettre en œuvre la suppression des régimes spéciaux sur les retraites et pour annoncer dans les mois à venir un nouvel allongement de la durée des cotisations avec des pensions de retraite encore plus réduites, pour poursuivre de plus belle le démantèlement de toute protection sociale, pour relancer de nouvelles formes du CPE (dont le fameux "contrat première chance" imaginé par Royal donne un avant-goût), etc. Il ne fait aucun doute que la classe ouvrière sera attaquée simultanément sur tous les plans.
Dans le faux choix « droite-gauche » du cirque électoral, seule la bourgeoisie a la parole et le pouvoir de décision. C'est toujours la bourgeoisie qui gagne les élections et les prolétaires n'ont rien, absolument rien à attendre de cette mascarade. Ils n'ont qu'une seule façon de faire entendre leurs voix et d'exprimer leurs intérêts et leurs besoins contre les attaques toujours plus fortes que la bourgeoisie cherchera à leur imposer toujours davantage. C'est seulement à travers le développement de leurs luttes, en manifestant leur profonde solidarité de classe, en exprimant l'unité de leurs intérêts de classe exploitée qu'ils peuvent édifier ensemble un rapport de force capable de faire reculer les attaques capitalistes, comme l'ont montré les jeunes prolétaires qui l'an dernier ont contraint la bourgeoisie à retirer son projet de CPE.
Ce chemin se situe diamétralement à l'opposé de ce qui leur est proposé aujourd'hui au nom de la pseudo-"mobilisation citoyenne" et de la "défense de la démocratie" qui ne les conduit qu'à l'atomisation dans les isoloirs de la bourgeoisie.
Wim (28 avril)
On aurait pu croire l'horreur réservée au Moyen-Orient, à l'Irak ou à la Palestine, sans oublier les génocides quotidiens d'Afrique noire ou du Sud du Caucase. Mais non, la réalité capitaliste est toujours pire que tout ce que l'on peut s'imaginer. Le Maghreb est venu nous rappeler qu'il ne fallait pas l'oublier lui non plus. Là aussi, la barbarie sévit au quotidien. Souvent passée volontairement sous silence par les médias français, la «guerre civile» en Algérie aurait fait au cours des années 1990 plus de 150 000 morts. Mais en ce printemps ensoleillé, la réalité barbare du capitalisme est de nouveau revenue dramatiquement sur le devant de la scène.
Mercredi 11 avril, deux attaques kamikazes à la voiture piégée ont été perpétrées à Alger. Il y aurait officiellement 33 personnes tuées et plus de 220 blessées. Dès le lendemain, la télévision Al-Jezira a annoncé avoir reçu un appel téléphonique dans lequel un interlocuteur se présentant comme un porte parole du mouvement Al-Qaïda au Maghreb revendiquait ces attentats.
En Algérie, depuis quelques années, les groupes terroristes, minés par les guerres entre fractions et traqués par une partie de l'armée et le gouvernement sanguinaire du président Bouteflika, étaient sur la défensive. Ceux qui ne s'étaient pas réfugiés dans les régions montagneuses avaient officiellement déposé les armes. Les redditions de l'AIS (Armée Islamique du Salut, aile militaire du Front Islamique du Salut) et des derniers éléments survivants du GIA ( Groupe Islamiste Armé) semblaient promettre une accalmie sur le front des attentats et des massacres terroristes. Mais tout cela n'était que pure illusion.
A nouveau, les groupes salafistes resurgissent, les armes à la main. Ils sont désormais prêts à utiliser les moyens militaires les plus traditionnels mais également à appliquer les méthodes et la logistique propres à la nébuleuse Al-Qaïda. Cette remontée en puissance du terrorisme ne concerne pas que l'Algérie mais également le Maroc et la Tunisie. Son terreau, c'est avant tout la misère, le chômage et le désespoir de masse. Ce sont tous ces jeunes qui s'entassent dans les bidonvilles de Tunis ou d'Alger. En Algérie, le taux de chômage des jeunes dépasse largement les 50%. Al-Qaïda peut alors puiser sans vergogne dans les rangs de cette jeunesse totalement déboussolée et sans avenir.
«Les relations entre la France et l'Algérie peuvent être bonnes ou mauvaises, en aucun cas elles ne peuvent être banales». Cette déclaration prononcée par l'ancien président algérien Houari Boumediene en 1974 traduit parfaitement que depuis la fin de la colonisation de l'Algérie par la France en 1962, jamais les impérialismes algérien et français n'ont cessé d'avoir des relations politiques extrêmement resserrées. Dans ce pays, depuis son indépendance, l'armée a toujours été la pièce maîtresse du pouvoir par-delà la succession des différents chefs d'Etat. L'histoire interne de l'Algérie, depuis plus de 40 ans, est faite de coups d'Etat et de putschs militaires, exprimant la faiblesse et la division historique de la bourgeoisie algérienne. Même le FLN (Front de Libération Nationale), issu de la guerre coloniale, et son aile armée l'ALN n'ont pas échappé à cette instabilité croissante. Durant toutes ces décennies, au milieu du marasme, la France va défendre bec et ongles ses intérêts dans un pays qu'elle considère comme faisant partie de sa chasse gardée.
Mais au début des années 1990, la bourgeoisie française, malgré tous ses efforts, va peu à peu céder du terrain face à une offensive de son plus grand ennemi, la bourgeoisie américaine. En effet, cette décennie est marquée par une aggravation meurtrière des tensions inter-impérialistes entre la France et les Etats-Unis. Depuis lors, jamais les Etats-Unis n'ont relâché leurs efforts en Algérie afin de tenter d'y renforcer leur influence au détriment direct de l'impérialisme français. Leur soutien actif aux brigades armées islamistes va ainsi s'imposer publiquement.
En 1992, le gouvernement algérien, en réaction à cette situation, décrètera alors l'état d'urgence. Face aux tueries aveugles des terroristes, instrumentalisés par les Etats-Unis, les forces de «l'ordre» algériennes feront disparaître de 1992 à 1998 plus de 7000 personnes. En faisant ainsi couler le sang, la France reprendra alors peu ou prou la main, le début des années 2000 étant marqué par l'apparence de la paix et de la stabilité.
Si ces toutes dernières années, l'impérialisme américain semblait donc moins pouvoir s'impliquer en Algérie, il apparaît clairement que cette situation est à nouveau en train de connaître une dramatique évolution. En effet, début mars, le général d'armée Raymond Hénault, président du Comité militaire de l'Alliance Atlantique, effectue une visite officielle en Algérie. «Le but de cette visite va être immédiatement connu par la réaction du gouvernement algérien. L'Algérie déclare alors par la voix de son ministre des Affaires étrangères que son territoire ne servira pas de base à l'armée américaine. On imagine donc aisément l'objet de cette visite officielle et la position du gouvernement algérien, craignant d'affronter un véritable problème de souveraineté nationale. Sur le plan militaire du moins.» (Ahmed Saifi Benziane, cité par Courrier international du 19 avril 2007). A son tour interrogée au sujet d'éventuelles bases américaines au Maghreb, Condoleeza Rice (secrétaire d'Etat du gouvernement américain) avait déclaré : «Nous essayons juste d'établir une plate-forme de coopération avec ces pays à travers l'échange du renseignement et l'organisation d'exercices militaires avec les gouvernements pour lutter efficacement contre le terrorisme.» (ibid.) Les intentions américaines ne peuvent pas être plus clairement énoncées. L'affaiblissement accéléré de la première puissance mondiale, son enlisement dans le bourbier irakien n'amenuisent en rien ses appétits impérialistes et sa fuite en avant sur le plan militaire. Malgré l'ampleur de ses difficultés, depuis l'Algérie au nord du continent africain jusqu' aux portes du Golfe persique et au Moyen-Orient, rien ne peut laisser les Etats-Unis indifférents.
Le cheval de bataille de la politique impérialiste américaine dans le monde est la lutte contre le terrorisme. C'est sous ce prétexte fallacieux que les Etat-Unis défendent en Algérie et partout dans le monde leurs sordides intérêts.
Pourtant, il est évident que les derniers attentats qui viennent de se dérouler à Alger profitent pleinement à l'Amérique. De manière cynique et hypocrite, le 6 février dernier, les Etats-Unis ont fait état de leur intention de créer un commandement chargé de l'Afrique au Pentagone pour mettre prétendument un terme à l'implantation des groupes terroristes au Maghreb. Le 14 avril, soit trois jours après les attentats d'Alger, l'ambassade américaine dans ce pays déclarait officiellement : «Selon des informations non confirmées, des attentats pourraient être planifiés à Alger le 14 avril dans la zone pouvant inclure entre autres la grande poste et le siège de l'ENTV (télévision publique), dans le boulevard des Martyrs». Ces déclarations de l'ambassade américaine ont été immédiatement comprises pour ce qu'elles sont par la presse algérienne : «Que les Américains veuillent se substituer aux services de renseignements algériens, il y a comme une faute de goût. A moins que les Américains n'aient d'autres idées derrière la tête en voulant instaurer un climat de psychose» (Le Jour d'Algérie, cité par Le Monde du 15 avril 2007). Que les Américains aient d'autres idées dans la tête, c'est une évidence. Celles-ci sont parfaitement claires et peuvent s'énoncer ainsi : «Ce que l'on ne peut pas contrôler, il s'agit tout simplement de le déstabiliser ou même de le détruire.»
La bourgeoisie algérienne, son gouvernement ainsi que les mouvements terroristes, tous instrumentalisés chacun à leur tour par un impérialisme ou un autre, se moquent totalement des souffrances infligées à la population en Algérie. Le nouveau développement au Maghreb des tensions impérialistes, de la barbarie et du chaos, va ainsi faire un lien géographique continu depuis le Moyen-Orient jusqu'aux régions les plus éloignées de l'Afrique centrale et de l'Est.
Tino (26 avril)
Après les annonces de 10 000 suppressions d'emploi ces derniers mois chez Airbus et autant dans le groupe Alcatel-Lucent, l'accélération de la crise économique mondiale contraint la bourgeoisie de tous les principaux pays industrialisés à d'autres plans de licenciements massifs qui se préparent à toucher tous les secteurs, en particulier l'automobile. En France, les restructurations des grands groupes qui sont en train de tomber préfigurent le niveau des attaques auxquelles va être confrontée la classe ouvrière au lendemain des élections.
Paru sur son site informatique, l'article de la revue économique Capital dont nous publions un extrait a fait l'effet d'une petite bombe : "Christian Streiff, le nouveau PDG de PSA, met la dernière main à un plan de restructuration conduisant à la suppression en France et en Europe de 10 000 emplois dans le groupe et parmi ses sous-traitants. Il aurait souhaité le mettre en œuvre "avant la campagne présidentielle" car, dit-il en privé, "il en va de la survie de PSA", mais sous la pression de certains de ses administrateurs et de Matignon, il s'est dit résolu à attendre le lendemain de cette élection (...) A peine arrivé, début février, à la tête de PSA, Christian Streiff a lancé un audit du constructeur automobile. Tout en demandant, dans le même temps, au gouvernement "un geste" pour aider les sous-traitants qui risquaient de se retrouver rapidement "sur le carreau". Ce qui fut fait : avec l'aval de Dominique de Villepin, il déposa très vite un dossier auprès de la Commission européenne pour que les sous-traitants de PSA puissent bénéficier des aides européennes pour "les victimes de la mondialisation". (...)En contrepartie de "son geste", Streiff s'engagea auprès de Gérard Larcher, le ministre délégué à l'Emploi et au Travail à ne pas "annoncer ces charrettes en pleine période de campagne présidentielle", ces suppressions de postes étant "d'autant plus sensibles électoralement" qu'elles risquaient de toucher en France les sites d'Aulnay en région parisienne ou de Rennes. Voire les deux. Le hic, c'est qu'il affirme aujourd'hui en privé que "la mise en œuvre de son plan ne peut plus attendre l'été". Et sans doute même pas le deuxième tour des législatives fixé au dimanche 17 juin. Ajoutant : "l'idéal serait d'annoncer ces suppressions d'emplois après le deuxième tour de la présidentielle". C'est-à-dire après le 6 mai. Quel que soit le prochain président de la République." On sait aujourd'hui que malgré les démentis officiels de la direction, la "nouvelle" s'est propagée très vite. Si bien que l'annonce de la suppression de 4800 emplois en France (qu'on promet comme uniquement sur base "de départs à la retraite ou de départs volontaires") était faite dès le 25 avril sans attendre la réunion du conseil d'administration prévue le 9 mai. Ce plan vient s'ajouter aux 10 000 suppressions d'emploi en cours d'exécution depuis fin 2006, notamment en Grande-Bretagne. Dans la foulée, un éditorialiste de La Tribune déclarait que la situation se présentait de façon aussi critique pour les mêmes motifs chez le constructeur Renault et aurait les mêmes conséquences avec à la clé des réductions d'effectifs comparables. En fait, tout le secteur automobile est au cœur de la tourmente. Dans la même période, le 18 avril, était annoncée la suppression de 1700 emplois à Bochum chez Opel pour le compte de General Motors (3 ans après un précédent plan de restructuration où près d'un tiers des effectifs avaient été supprimés). En même temps, ces suppressions d'emplois qui concernent certaines branches d'activité et pas d'autres sur un site qui marche bien (comme on l'a vu aussi chez Airbus) tentent de relancer la concurrence entre ouvriers et d'alimenter un chantage à la délocalisation et à l'acceptation de contrats d'embauche nouveaux à plus bas salaires.
Une étude du 16 mars intitulée "Les défis de la restructuration mondiale du secteur automobile" commandité à un groupe d'experts économiques à l'assureur Euler-Hermes dressait un tableau sans appel : 117 000 emplois ont disparu de la filière automobile européenne entre 2000 et 2006 (dont 70 000 depuis 2004). En France, 28 000 emplois salariés ont été perdus dans la même période chez les constructeurs et leurs équipementiers dont 9000 dans la seule année 2006. Entre 20 000 et 30 000 emplois devraient disparaître dans les 3 ans chez les constructeurs tandis que les équipementiers devraient sacrifier 5000 emplois par an. Et les chiffres sont encore plus impressionnants dans l'industrie automobile américaine, notamment avec ses géants : General Motors, Ford ou Chrysler. Au total, 300 000 emplois supprimés entre 2000 et 2006 et pour la période 2006-2009, 285 000 le seront à leur tour.
L'automobile n'est pas le seul secteur touché. Dans l'électronique, Philips a supprimé 41 000 emplois entre 2004 et 2006 dans le monde. Le groupe pharmaceutique allemand Bayer a annoncé le mois dernier la suppression de 5000 emplois.
Récemment, BN Amro, première banque des Pays-Bas, et la britannique Barclays, ont annoncé lundi 23 avril leur fusion qui créera la deuxième banque européenne et la cinquième mondiale, avec 220 000 employés et 47 millions de clients ... A quel prix ? La fusion des deux banques va entraîner la suppression de 12 800 emplois, tandis que 10 800 autres seront sous-traités.
Les services publics ne sont pas en reste : dans les télécoms, les transports (comme notamment à la SNCF) ou chez les fonctionnaires, des milliers d'emplois disparaissent chaque année. En France, il y a eu entre 6000 et 9000 suppressions d'emplois à La Poste en 2006, et 874 bureaux de poste ont été supprimés. D'ici 2010, toujours à la Poste 30 000 suppressions d'emplois seraient d'ores et déjà prévues.
Voilà l'avenir que le capitalisme réserve aux prolétaires et à leurs enfants. Seul le développement des luttes ouvrières à l'échelle internationale pourra s'y opposer.
W (27 avril)
A l'heure où nous mettons sous presse, et au lendemain du premier tour des présidentielles, nous apprenons que les ouvriers des usines Airbus ont de nouveau exprimé leur colère contre les attaques du capital.
Mercredi 25 avril, la direction annonce le montant des primes pour cette année: 2,88 euros ! 1 L'année dernière, ces mêmes primes se situaient autour de 4500 euros. La perte de salaire est brutale, il s'agit d'une coupe claire dans les budgets de ces familles ouvrières.
Se sentant traités comme des chiens à qui on daigne jeter quelques miettes, les salariés d'Airbus ont immédiatement réagi. A Toulouse d'abord, dans les ateliers, la colère s'est transformée en lutte. Une chaîne décide d'arrêter spontanément et sans préavis le travail, puis les ouvriers demandent aux autres ateliers de les suivre jusqu'au bureau de la direction. D'atelier en atelier, le courage et la volonté de ne pas se laisser faire se répandent. Un ouvrier raconte ainsi ce qu'il a vécu : "Hier en arrivant à 16h00, tous les gens de ma vacation ont pris connaissance de la prime de 2,88 euros. Les compagnons ont refusé de bosser, et un mouvement spontané de grève a démarré. Toute la FAL [atelier de montage] a suivi". Et ce gréviste pointe avec insistance la spontanéité de la réaction contre l'avis des syndicats : "Un responsable syndical a d'ailleurs pris la parole [...] pour tenter de nous faire reprendre le travail, en disant que le symbole de ce mouvement avait été noté, mais que maintenant c'était bon il fallait gentiment revenir bosser". Ce que dévoile clairement ce témoignage, c'est que les syndicats sont des saboteurs patentés de la lutte et que les ouvriers vont être contraints de plus en plus à ne compter que sur eux-mêmes pour développer leurs ripostes. Ainsi, un responsable syndical s'inquiétant de son manque de maîtrise, a tenté de s'informer "discrètement" auprès de ses syndiqués sur l'ampleur de la combativité en leur demandant implicitement de calmer leurs ardeurs : "Cette action n'était pas à l'initiative d'un syndicat, il faut faire attention à ce que l'on fait [sic !].Veuillez nous donner un peu la tendance de ce matin".
Même scénario sur les sites de Saint-Nazaire et de Nantes. L'indignation se répandant comme une traînée de poudre, les ouvriers ont suivi leurs collègues de Toulouse en réalisant à leur tour des débrayages "sauvages". Ils sont alors sortis massivement de l'usine pour en bloquer l'entrée. Et là encore, ce fut sans et même contre les officines syndicales : "Ce n'est parti d'aucun syndicat. Ça vient d'un ras-le-bol des salariés eux-mêmes" a affirmé un salarié aux journalistes. Sur ces deux sites, là aussi, l'annonce d'une prime dérisoire a été reçue comme une véritable insulte, faisant rejaillir les souffrances et les pressions quotidiennes : "On nous demande de faire des heures supplémentaires le samedi alors que toutes les embauches sont fermées et les contrats intérimaires ne sont pas renouvelés" témoignait, la rage au ventre, un autre ouvrier. 2,88 euros... ce chiffre est devenu pendant quelques heures le symbole de l'inhumanité de la condition ouvrière.
Évidemment, à Toulouse comme à Saint Nazaire, les syndicats n'étant pas parvenus à empêcher l'explosion de colère des ouvriers, ont très rapidement repris le contrôle de la situation en prenant le train en marche. Ainsi, comme l'a fait remarquer un travailleur de l'usine Airbus de Toulouse : "quelques heures plus tard, avant le repas de midi dans mon atelier, FO a organisé un simulacre de débrayage en évitant d'inviter tous les ouvriers".
En se dressant collectivement contre leurs exploiteurs, en refusant d'être traités comme du bétail, les travailleurs d'Airbus ont montré ce qu'est la dignité de la classe ouvrière. Ils viennent de rappeler que, face aux attaques incessantes, dans toutes les boîtes, des patrons et de l'État, il n'y a pas d'autre solution que de lutter tous unis. Malgré toutes les manœuvres de la bourgeoisie visant à monter les ouvriers les uns contre les autres, à développer la concurrence entre eux, la situation sociale est marquée par une tendance croissante à la solidarité active entre les prolétaires. Un ouvrier de Saint-Nazaire l'a d'ailleurs dit explicitement : "On voulait être aussi solidaire du mouvement à Toulouse" ! En se propageant ainsi de chaîne en chaîne, d'atelier en atelier, puis de site en site, cette réaction des travailleurs d'Airbus a montré le chemin que doit prendre toute la classe ouvrière face aux attaques et aux provocations incessantes de la bourgeoisie. Elle a mis en évidence que les syndicats sont bel et bien des forces d'encadrement de l'ordre capitaliste. Dans les mois et les années à venir, les ouvriers n'auront pas d'autre choix que de se confronter toujours plus fortement au sabotage syndical, pour pouvoir développer leur solidarité et leur unité dans la lutte.
Enfin, ces explosions de colère à Airbus (de même que la multitudes de petites grèves dans l'automobile, à la Poste, chez les enseignants, etc.) viennent de révéler que, malgré le battage électoral et le "triomphe de la démocratie", il n'y a pas de trêve réelle dans la lutte de classe.
Béatrice (28 avril)
1 Cette annonce particulièrement scandaleuse pourrait être une provocation pour mieux faire passer l'annonce le 27 avril du détail des suppressions de postes sur les sites. Il n'en demeure pas moins que la réaction spontanée des ouvriers est exemplaire.
Au soir du premier tour électoral, la joie des journalistes, des analystes, des responsables politiques était visible, presque palpable. Tous avaient au coin des lèvres le sourire des bienheureux. Pour cause, ils célébraient leur victoire commune, celle de la participation massive des « citoyens français ». Pour sa part, et malgré des scores au ras des pâquerettes (excepté pour Olivier Besancenot), « la gauche de la gauche » n'a pas été étrangère à cette belle réussite du camp... du capital. Elle y a même grandement contribué en allant dans les quartiers populaires et les usines faire croire aux ouvriers qu'ils pouvaient se faire entendre par les urnes, pour « protester », pour « résister", pour « faire pression », pour « exprimer leur ras-le-bol »... Tout fut bon pour véhiculer en réalité un seul et même message : « pour votre avenir, pour lutter contre les attaques et la dégradation des conditions de vie..., votez !!! ».
La tournée des banlieues de tous les représentants de cette gauche « anti-libérale » n'avait d'autre but que de faire le plein de jeunes pour les envoyer, le moment venu, dans les isoloirs comme du bétail que l'on convie au saloir. C'est pourquoi, Olivier Besancenot, le facteur « jovial et sympathique », s'est appliqué consciencieusement « à parler jeune et à se référer aux rappeurs plutôt qu'à l'orthodoxie trotskiste » (Libération). Les programmes d'éveil à la citoyenneté de l'Education nationale peuvent en prendre de la graine...
Ainsi, c'est avec zèle et dextérité que l'extrême gauche a tenu son rôle de rabatteur vers les urnes électorales et, à l'heure du second tour, vers le vote socialiste organisé sous couvert de « référendum anti-Sarkozy ».
Avant le 22 avril, les Buffet, Bové, Laguiller et Besancenot, tous ces chantres du « 100% à gauche », critiquaient sévèrement la gauche « molle et timorée » de Ségolène Royal, une « gauche du renoncement » « inféodée aux intérêts du capital ». Tout cela pour quoi ? Simplement pour mieux appeler au second tour, dans un magnifique élan d'hypocrisie collégiale, à voter pour cette même candidate socialiste à l'image d'une Marie-George Buffet qui « sans hésitation [a appellé] tous les hommes et toutes les femmes de gauche, toutes et tous les démocrates, à voter et à faire voter le 6 mai, Ségolène Royal. »
Mais, ce que peut dire sans détour la chef de file d'un PCF qui s'est, à n'en plus compter, allègrement compromis au pouvoir avec le PS, doit être évidemment amené avec plus de tact et de subtilité par les organisations de la gauche « anti-capitaliste » peintes d'un vernis plus « radical ».
Ainsi, la LCR d'Olivier Besancenot n'appelle pas à voter « pour Royal » mais « contre Sarkozy » : « Le 6 mais nous serons du côté de ceux et celles qui veulent empêcher Nicolas Sarkozy d'accéder à la présidence de la République. » Belle nuance, en effet !
Quoi qu'il en soit, ce tortueux effort de rhétorique n'en reste pas moins une façon de rendre plus présentable aux yeux des travailleurs le soutien indéfectible de la gauche « radicale » à la vieille social-démocratie... car, au bout du compte, c'est bien de cela qu'il s'agit : faire croire à la classe ouvrière que « quelque part la gauche, c'est quand même pas pareil que la droite ». D'ailleurs, en 1981, la LCR ne s'encombrait pas de tant de manières quand elle appelait sans scrupule dans son journal Rouge à « VOTEZ MITTERRAND pour chasser Giscard ».
Si aujourd'hui, la LCR fait mine de paraître plus intransigeante, afin de séduire une jeunesse au mécontentement grandissant, le fond, lui, reste le même.
Au lendemain des résultats du premier tour, un auditeur de la station RMC livrait son témoignage : « j'ai voté Besancenot parce qu'il parle vrai... quand il vous cause, c'est dans les yeux... ». Il faut ajouter ici, pour être tout à fait complet, que depuis sa consigne de vote pour le 6 mai, le regard louche furieusement (à s'en faire exploser les orbites) du côté de Ségolène Royal. Et pourtant, c'est bien le même Besancenot qui n'a cessé depuis des mois de justifier sa présence dans la course présidentielle et l'avortement d'une candidature unique du camp dit « anti-libéral » (LCR, PCF, altermondialistes) par le fait que son « profil et [sa] candidature présentent une spécificité par rapport à toutes les autres : elle incarne avec le plus de netteté le renouvellement, l'indépendance vis-à-vis du PS... » (Rouge du 25 janvier ), parce qu'« entre la politique défendue par Royal et celle que [LCR] nous appelons de nos vœux, il n'y a pas le plus petit commun dénominateur. » (Rouge du 12 avril).
Voilà, en tout cas, qui résume assez bien le genre de sincérité de ceux qui se targuent à tout bout de champ d'être d'authentiques partisans du camp des travailleurs.
Ainsi, Arlette Laguiller, pour son dernier tour de piste présidentielle, n'a pas manqué l'occasion de faire à nouveau la preuve de la constance politique de son organisation (Lutte Ouvrière) qui pousse, chaque fois que nécessaire, les ouvriers dans les bras de la gauche : « ... je souhaite de tout mon cœur que Sarkozy soit battu... Je voterai donc pour Ségolène Royal. Et j'appelle tous les électeurs à en faire autant. Mais si je fais ce choix, c'est uniquement par solidarité avec tous ceux qui, dans les classes populaires, déclarent préférer ‘tous sauf Sarkozy'. » Ce dévouement fut vite récompensé par Ségolène Royal en personne qui, lors de son meeting à Valence, a pris soin de faire acclamer Arlette Laguiller pour qui elle a eu "une pensée particulière", la salle en effervescence se mettant alors à scander "Arlette, avec nous!" (Le Nouvel Observateur du 25 avril 2007 sur Internet). On ne pouvait rêver plus belle sortie ! Elle symbolise d'ailleurs à la perfection toute la ligne politique suivie par LO depuis sa fondation.
Arlette Laguiller finit en effet sa carrière de candidate comme elle l'avait commencé, en appelant à voter socialiste. En 1974, le journal Lutte Ouvrière inscrivait sur sa première page « le 19 mai tous les travailleurs doivent voter MITTERRAND ». Puis en 1981, Lutte Ouvrière titrait à nouveau en pleine Une « le 10 mai sans illusion mais sans réserve VOTONS MITTERRAND ».
A l'époque, il s'agissait selon LO d'un mal nécessaire pour que la classe ouvrière fasse l'expérience, dans sa chair, de la véritable nature anti-ouvrière du Parti socialiste. Bref, « tire-toi une balle dans le pieds, tu verras comme ça va faire mal... », l'argument vole en éclats !
Aujourd'hui, après le passage au pouvoir de la gauche mitterrandienne puis jospinienne, les socialistes ont amplement fait étalage de leur appartenance au camp bourgeois en attaquant massivement les conditions de vie de la classe ouvrière (vagues de licenciements, suppressions de postes dans la fonction publique, précarisation de l'emploi, réforme du système de santé...). Et malgré cela, Arlette Laguiller revient à la charge avec, à peu de choses près, la même formule qu'en 1981 : « Alors, si c'est sans réserve que j'appelle à voter Ségolène Royal, c'est absolument sans illusion... ». S'agit-il là encore de faire l'expérience de la gauche au pouvoir ?
Décidément, c'est une vieille habitude chez les trotskystes que de prendre les ouvriers pour des pigeons de la veille.
Si avant le premier tour, le « camp anti-libéral » à grands renforts de « collectifs unitaires » n'a pas réussi à s'entendre pour présenter une candidature unique, force est de constater, qu'après le 22 avril, tous ce petit monde (y compris LO) se trouve réuni pour chanter religieusement et à pleins poumons que « sans hésitation » et « de tout notre cœur » il faut voter Royal.
Souvenons-nous, pour notre part, qu'à chaque fois que le PS est arrivé au pouvoir pour frapper à grands coups de massue la classe ouvrière, l'extrême gauche s'est empressée de se faire le « critique radical » de « cette gauche vendue au patronat » dans l'unique espoir de faire oublier à la fois le soutien mutuel qu'ils se portent et le lien infaillible qui les relie.
Mitterrand, à sa façon, avait d'ailleurs salué ce lien lorsque, s'adressant à Cambadélis (ex-trotskyste devenu membre influent du PS), il lui dit : « Vous avez évolué et agi en parallèle avec nous ».
La bourgeoisie a toujours su à qui adresser ses meilleurs remerciements.
Azel (26 avril)
Dans l’hebdomadaire Marianne du 14 avril, une brève intitulée "Expulsion pas ordinaire" nous apprend que "les sans- papiers qui occupaient la Bourse du Travail du 10e arrondissement de Paris, depuis le début du mois de février, ont été expulsés." Jusque-là rien de nouveau sous le triste ciel capitaliste. En revanche, ce qui l’est nettement plus, c’est que la plupart de ces pauvres diables "ont été expulsés par les syndicats CGT, CFDT et FO qui ne pouvaient plus utiliser leurs locaux.".
Le monde s’est-il mis subitement à tourner à l’envers ? Les syndicats marcheraient-ils désormais la tête en bas pour envoyer leurs militants faire évacuer séance tenante des sans-papiers ? Et tout ça "parce qu’ils avaient transformé plusieurs salles de la Bourse en squat" selon la déclaration de Didier Niel, secrétaire général de l’Union départementale de la CGT de Paris, à l’agence de presse Reuters.
Les syndicats, "forces vives du progrès social", prétendus "avocats des faibles contre les puissants", ne sont évidemment pas devenus fous mais nous donnent à voir ici un témoignage poignant de l’humanisme qui les habite.
Ironie du sort, c’est dans cette même Bourse du Travail à Paris que le 26 juin 2004 fut fondé (avec la participation de la CGT, de la CFDT et le soutien de FO) le Réseau Education Sans Frontières (Resf) en faveur de la régularisation des sans-papiers scolarisés et en opposition aux lois anti-immigrés de Sarkozy. Et ce sont encore les mêmes que l’on retrouve dans la liste des membres du collectif "Uni(es) contre une Immigration Jetable" dont l’appel dénonce solennellement "les politiques mises en œuvre par le gouvernement à l’encontre des sans-papiers… faites de répressions, rafles, rétentions, condamnations, expulsions, ce qui fait vivre des conditions inhumaines à de nombreuses familles." Au prochain festival de l’hypocrisie, il ne faudra pas chercher bien loin à qui décerner la palme d’or.
Habituellement, ce sont les forces de l’ordre qui donnent la chasse aux travailleurs immigrés, maintenant on sait qu’il y a aussi les syndicats.
"Comprenez bien", nous implore Didier Niel, « ce n’est pas dans nos habitudes d’appeler la police. »… alors ils font le boulot eux-mêmes !
Non contents d’inciter les sans-papiers à aller se faire recenser auprès des préfectures comme l’été dernier (voir notre article "Expulsion de sans-papiers : quand la gauche prête main forte à la droite" paru dans RI n°371 et disponible sur notre site Internet
www.internationalism.org [54]), les syndicats passent à l’action… : expulsion manu militari des "indésirables".
Si nos préfets viennent un jour à manquer de bras pour leurs futures rafles et ratonnades contre les travailleurs immigrés et leurs familles, ils sauront toujours vers qui se tourner !
La gauche syndicale peut bien crier haro sur un Sarkozy "dernier des salopards", le fait est qu’elle ne vaut guère mieux.
Jude (28 avril)
Mercredi 18 avril fut un jour ordinaire à Bagdad. Ce jour-là, comme presque tous les jours de la semaine, des bombes ont explosé en Irak. Ces attentats ont tué plus de 190 personnes, essentiellement des femmes et des enfants. Comme bien souvent auparavant, la cible principale était un marché, celui d'Al-Sadriyah, tout près d'un chantier où travaillaient des ouvriers, venus gagner, au péril de leur vie, le salaire de misère nécessaire à la survie de leur famille. Ces attentats, qui comptent parmi les plus sanglants depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, ont été perpétrés sur le même marché qui avait déjà été frappé le 3 février dernier et qui avait fait 130 morts. La volonté de ceux qui perpètrent de tels crimes est de tuer un maximum de personnes. Leur seul objectif est la destruction, l'annihilation d'autres êtres humains, dont l'existence seule est perçue comme celle d'ennemis. C'est le règne de la haine, de la bestialité, d'une société de plus en plus ravagée, dominée par la sauvagerie et la décomposition sociale.
Au mois de février dernier, l'administration américaine annonçait à grands renforts de déclarations médiatiques un nouveau plan de sécurité pour Bagdad, dénommé Fardh al-Qanoon (Imposer la loi). On allait assister alors à un nouveau déploiement spectaculaire de 85 000 soldats américains et irakiens, dont 30 000 arrivant directement des Etats-Unis. Ce plan avait abouti à l'arrestation de plus de 5000 personnes recherchées par le gouvernement irakien et les Etats-Unis. Pendant quelques semaines, les sanguinaires et tristement célèbres « escadrons de la mort et autres milices lourdement armées » avaient comme par miracle disparu des faubourgs de Bagdad, sans que cela ne ralentisse réellement le rythme des attentats. L'échec de ce dernier plan de sécurité de Bagdad est criant de vérité, à savoir que les assassinats à la chaîne vont pouvoir reprendre leur terrifiant rythme de croisière. Après les attentats au marché d'Al-Sadriyah, lorsque les forces de l'ordre irakiennes ont tenté de se rendre sur place, en principe pour aider la population, elles ont été reçues par des jets de pierre, de la part d'une population totalement désespérée et qui tente, lorsqu'elle le peut, de prendre le chemin de l'exil. Toute la nuit, des affrontements armés ont eu lieu, dans le quartier sunnite d'Al-Adhamiya, sans que personne ne soit en mesure de les interrompre. Le gouvernement américain vient d'annoncer une nouvelle stratégie qui démontre s'il en était encore besoin l'inhumanité et l'impasse totale de la situation. En effet, le 10 avril, l'armée américaine a commencé la construction d'un mur de béton à Bagdad. Les forces américaines érigent depuis de nombreux mois des barrières autour de bastions d'insurgés, comme autour de la ville de Tal Afar, à la frontière avec la Syrie. Mais il s'agit là de la première tentative d'emmurer complètement des quartiers entiers de Bagdad, tels que celui de Dora. Ces murs ne peuvent que nous rappeler ceux qui existent déjà à Gaza ou en Cisjordanie et qui n'ont jamais conduit à un arrêt de la violence et n'ont fait que l'exacerber à une puissance sans cesse renouvelée. Par contre, ils permettent d'y enfermer et d'y laisser crever des populations entières sous le contrôle de la soldatesque de tel ou tel pays ou fraction de la bourgeoisie mondiale.
Le chef de la majorité démocrate au Congrès américain, Harry Reid, a reconnu pour la première fois officiellement le jeudi 19 avril « [qu'il] croyait que la guerre en Irak était perdue et que l'envoi de renforts décidé en janvier ne parvenait à rien » ( Le Monde du 19 avril 2007). La bourgeoisie américaine est aujourd'hui plus divisée que jamais, devant l'impasse totale de toute politique constructive pour elle-même, en Irak. Le Congrès essentiellement démocrate doit voter la semaine prochaine la loi destinée à financer les opérations militaires en Irak et en Afghanistan pour 2007, texte qui prévoit un retrait programmé dans le temps des troupes américaines d'Irak. Mais, d'ores et déjà, l'administration du président Bush a affirmé qu'elle opposerait à ce vote son droit de veto, réagissant immédiatement à la nouvelle vague d'attentats à Bagdad par l'envoi précipité, le jeudi 19 avril, du secrétaire à la défense américain, Robert Gates. A propos de toutes ces violences, celui-ci a cyniquement déclaré : « Les rebelles vont augmenter la violence pour convaincre le peuple irakien que ce plan est voué à l'échec, mais nous avons l'intention de persister et de prouver que ce ne se sera pas le cas. » (Ibid.) Le message est clair, nous allons poursuivre la même politique en Irak.
Il y a quelques jours, le chef religieux et militaire chiite Sadr a fait retirer ses six ministres du gouvernement irakien pour appeler, quelques jours après, à des manifestations massives contre la construction de murs à Bagdad. Ces gestes politiques sont autant de gages irréfutables de l'accélération des combats, massacres et attentats que l'Irak va subir dans les semaines à venir. L'unité nationale de l'Irak relève du passé. La confrontation entre les différentes communautés vivant dans ce pays, et notamment sunnites et chiites est appelée à se développer. Il est maintenant bien connu de tous que l'Iran participe activement au développement de la guerre en Irak, et ceci notamment en armant massivement de très nombreuses milices chiites. Et ceci dans le seul but de défendre ses propres intérêts impérialistes dans la région face aux Etats-Unis. L'Iran ne néglige aucun effort pour entretenir la haine entre les communautés chiites et sunnites, dans un Irak déjà complètement ensanglanté. C'est la très grande majorité du monde arabo-musulman qui est ainsi en train de se scinder en deux camps ennemis. La montée accélérée et totalement folle des tensions dans l'ensemble de la région et plus particulièrement entre l'Iran et les Etats-Unis, aux côtés d'Israël, ouvrent la voie à la pire fuite en avant dans la guerre, la barbarie et un chaos généralisé.
Rossi
« A l'image de ces cavaliers de l'Apocalypse, qui fondent à l'aube sur les villages rebelles en ne laissant de leur passage qu'une trace des cases brûlées, tout, dans ce conflit, est en clair-obscur. Combien de morts depuis quatre ans ? Dix mille selon les autorités soudanaises, quatre cents mille selon les ONG. Comment qualifier la tragédie du Darfour ? Guerre de contre-insurrection, dit-on à Khartoum ; crime de guerre, estime l'ONU ; crime contre l'Humanité, assure l'Union européenne ; premier génocide du XXIe siècle, renchérissent les intellectuels occidentaux, auteurs récemment d'un appel à leurs gouvernements respectifs. Quelle solution pour y mettre un terme ? Désarmer les forces rebelles, assène le général-président Omar el-Béchir ; armer les forces rebelles rétorquent les intellectuels et les lobbies ; négocier et sanctionner le régime soudanais, soutient l'ONU...De ce maelström de passions, d'arrière-pensées, de manipulations et parfois d'irresponsabilités émergent cependant quelques certitudes. » (Jeune Afrique du 1er au 14 avril 2007).
En effet, il y a certitude sur les responsables de ces crimes : il s'agit des grandes puissances impérialistes et de leurs bras armés locaux, le gouvernement de Khartoum et les rebelles. Ce sont ces brigands capitalistes (en particulier les Chinois et, alliés objectifs et de circonstance quand ils s'étripent ailleurs, les Américains et les Français) et leurs valets locaux qui ont commis et commettent impunément encore ces odieux massacres, qui sont des « crimes contre l'humanité ».
« Face à cette chronique d'un désastre annoncé, l'Organisation des Nations unies (ONU) et l'Union africaine adoptent essentiellement des mesures symboliques et dilatoires. Depuis deux ans, une force interafricaine de sept mille cinq cents hommes, la Mission de l'Union africaine au Soudan (MUAS, en anglais African Union in Sudan ou AMIS) est déployée au Darfour. (...) Cette force s'est révélée parfaitement inefficace. En effet, ses effectifs sont trop faibles : il faudrait au moins trente mille hommes pour couvrir les cinq cents mille kilomètres carrés du Darfour. En outre, la MUAS, sous-équipée, ne dispose que d'un mandat ridiculement restrictif : les soldats n'ont pas le droit d'effectuer de patrouilles offensives, ils doivent se limiter à « négocier» et se contentent, en fait, de recenser les tueries.(...) Les soldats africains, désolés, déclarent eux-mêmes en privé : « Nous ne servons à rien. » (Le Monde diplomatique de mars 2007).
S'il en était encore besoin, ce propos illustre l'ignoble hypocrisie des puissances impérialistes qui gouvernent le monde, qui étalent au grand jour au Darfour leur vrai visage de cyniques barbares capitalistes. Ces dirigeants qui votent des « résolutions de paix » et envoient, sous les couleurs de l'ONU, des soldats au Darfour dont la mission consiste, en fait, à « recenser les tueries » et non celle de les empêcher comme annoncé en tamtam. Mais qu'attendre de plus de l'ONU, ce repaire où se retrouvent tous ces brigands, ces vautours immoraux qui se battent pour les restes d'une Afrique en putréfaction ?
Là, le masque tombe, mais le comble du cynisme, c'est quand les bourgeoisies des grandes puissances s'efforcent de camoufler leurs vraies responsabilités dans la tragédie du Darfour à coups de «pèlerinages » médiatiques incessants au milieu des victimes agonisantes.
Pour mieux étouffer toute réflexion et toute prise de conscience par rapport aux buts réels de leurs agissements au Darfour, les « grandes démocraties » organisent régulièrement des « safaris humanitaires » au Darfour et des meetings dans les métropoles en « soutien aux victimes du génocide soudanais ». En effet, dans le sillage des stars hollywoodiennes (comme George Clooney et compagnie), le 20 mars dernier, un meeting a été organisé à Paris à l'initiative d'un collectif d'associations baptisé « Urgence Darfour », composé principalement de célébrités médiatiques (Bernard Kouchner, Bernard-Henri Lévy, Romain Goupil et autres représentants de lobbies nationaux «humanitaires ») se fixant « l'objectif de mettre le Darfour sur l'agenda des présidentiables ». Et effectivement ces derniers (Ségolène Royal, François Bayrou en tête) ont répondu à l'appel en signant un texte qui préconise (entre autres mesures) l'intervention des troupes françaises (en action au Tchad et en Centrafrique), pour faciliter la mise en place « de corridors humanitaires » au Darfour. Et en grands démagogues, les présidentiables en question ont voulu aller plus loin dans le cynisme :
« D'une fermeté inédite en France, le document n'a pas empêché certains prétendants à l'Elysée d'aller plus loin, à l'instar de Ségolène Royal (Parti socialiste) et de François Bayrou (UDF) qui ont proposé de boycotter les Jeux Olympiques de Pékin en 2008 pour faire pression sur la Chine, présentée comme le principal soutien de Khartoum au Conseil de sécurité des Nations unies. » (Jeune Afrique)
Quels hypocrites, quels mystificateurs sans scrupule, cette classe bourgeoise française ou américaine ! Bref, ces défenseurs déguisés des intérêts de leur propre impérialisme, qui font comme si la France n'était pas déjà impliquée en tant qu'alliée puis aujourd'hui, par son soutien au régime tchadien, adversaire du régime soudanais « génocidaire ». D'ailleurs, c'est bien le sens de l'appel des lobbies « politico-humanitaires » en préconisant ouvertement l'intervention de l'armée tricolore pour ouvrir prétendument « un corridor humanitaire » dans la zone des combats. Et ce n'est pas par hasard si la Chine est nommément dénoncée comme le « principal soutien » de Khartoum, car : « Loin derrière les Etats -Unis et la Chine, la France se démène dans l'ombre pour aider ses clients locaux régionaux que le régime soudanais menace. Paris a longtemps protégé Khartoum de l'hostilité « anglo-saxonne », mais cela ne lui a guère valu de gratitude de la part du régime islamique. Les permis pétroliers de Total dans le sud du Soudan demeurent toujours bloqués par des arguties juridiques, et les miliciens du régime s'emploient à déstabiliser, à partir du Darfour, les alliés de la France : le président tchadien Idriss Déby Itno et son homologue centrafricain François Bozizé. » (Le Monde diplomatique de mars 2007).
Et pour finir, certains secteurs de la bourgeoisie française se demandent carrément si, en équipant les milices à la solde de Khartoum qui sont parvenues jusque dans les faubourgs de N'Djamena, Pékin ne chercherait pas à renverser les régimes pro-français en place dans la zone de l'Afrique centrale. Et, effectivement, Pékin est aujourd'hui le premier fournisseur d'armes et le premier acheteur du pétrole soudanais. On voit là pourquoi la Chine ne veut pas voir appliquer une telle résolution qui ne « respecte pas la souveraineté nationale soudanaise » dont elle se contrefiche.
Voilà un élément supplémentaire d'inquiétude pour l'impérialisme français, qui explique le but véritable des mobilisations « médiatiques et humanitaires » contre les autres impérialismes concurrents, la Chine et les Etats-Unis. Il est vrai que ces derniers ne sont pas en reste et excellent aussi dans le cynisme outrancier. Ainsi, Bush a donné, le 18 avril dernier, « une dernière chance au gouvernement soudanais de tenir très vite ses engagements pour mettre fin au ‘génocide' au Darfour ».
Dans les faits, on sait que, tout en fermant les yeux sur les atrocités des cliques sanguinaires, Washington ménage Khartoum, son partenaire dévoué dans la « lutte antiterroriste ». En clair, ce ne sont là que des manœuvres pour tendre la main à une alliance renforcée avec le Soudan tout en ayant l'air de le menacer.
Au bout du compte, ce qui se cache derrière les discours et les actions de « paix » et autres « corridors humanitaires » pour le Darfour, ce sont en réalité de sordides luttes de charognards capitalistes au milieu des cadavres qui s'accumulent infiniment.
Amina (23 avril)
Trois morts au Technocentre de Renault de Guyancourt en quatre mois, quatre chez EDF-GDF à la centrale de Chinon en trois ans, une chez le restaurateur Sodexho début avril, encore un dans une usine PSA du Nord de la France dans le courant du même mois. Ce bilan, c'est celui de la vague de suicides qu'ont connu certaines entreprises récemment. A chacun d'entre eux, ce sont la pression et le harcèlement des chefs, la peur du chômage et le chantage au licenciement systématisé, la surcharge de travail grandissante qui sont invoqués. Rien de moins étonnant. Avec les licenciements massifs des années 1980 et 1990, dans toutes les entreprises et les services, les cadences ont été multipliées par deux ou trois, et, avec cette "grande victoire" de la gauche qu'a représenté la loi sur les 35 heures, cela n'a fait qu'empirer. Car cette dernière a permis de justifier une accélération terrible de l'exploitation et une aggravation sans précédent des conditions de travail. Les centres de production capitalistes ont toujours été des bagnes, ils sont aujourd'hui clairement des enfers où les ouvriers sont plus que jamais condamnés à rôtir puis à être jetés au rebut. "Marche ou crève !", voilà bien la devise immuable de cette société d'exploitation et de misère.
Au Technocentre de Renault-Billancourt par exemple, le "contrat 2009" décidé par l'entreprise exige des salariés, cadres, techniciens, ouvriers à la chaîne, des cadences de travail infernales, avec à la clé des licenciements secs si les "objectifs" ne sont pas respectés. Tout est bon pour réduire les coûts de production. Ainsi, un projet baptisé "nouveaux environnements de travail", adopté à l'unisson par les syndicats CFDT, CGC, CFTC et FO, a mis en place le télétravail lié à une nouvelle notation, dont dépend le salaire, qui double aux résultats de chaque salarié et de la "façon" dont il les a obtenus. Il s'agit en fait d'un véritable flicage dont la pression sur chacun est énorme et porteuse de désastres psychologiques pour certains.
Chez EDF-GDF, c'est la concurrence entre les CDD et les employés en CDI qui est la règle, la direction demandant aux employés "fixes" de s'aligner sur le rythme de travail exigé envers ceux qui espèrent être embauchés et "donnent donc le meilleur d'eux-mêmes".
Mais au-delà de ces entreprises en particulier, les exemples de l'aggravation des conditions d'exploitation partout, dans tous les secteurs, sont innombrables. Les pressions des directions et des petits chefs pour contraindre les ouvriers à accepter de se rendre corvéables à merci se transforment en véritable harcèlement, avec l'utilisation de plus en plus généralisée des méthodes les plus méprisables comme la menace ouverte du chômage ou les "mises au placard" pour faire pression sur les récalcitrants. C'est le règne de la peur, la règle étant encore de diviser pour mieux régner, mettant certains employés à l'index et en quarantaine, quitte à les pousser au suicide, pour mieux effrayer les autres et les rendre plus dociles. Dans certaines entreprises, l'insulte quotidienne, presque la menace physique, sont même la tasse de thé de l'encadrement.
Selon l'Inserm, 12 000 personnes se suicident chaque année en France, sur les 160 000 tentatives répertoriées dans l'ensemble de la population. Parmi ceux-ci, 300 à 400 le sont sur leur lieu de travail, sans exclure que de nombreux autres suicides "hors travail" sont directement liés aux conditions de travail et plus généralement à leur répercussion immédiate sur les conditions de vie. Jusqu'il y a peu, les études effectuées par les spécialistes des risques suicidaires se tournaient ainsi essentiellement vers les "populations à risque", principalement les toxicomanes, les homosexuels, les chômeurs ou encore les adolescents. Le phénomène d'épuisement professionnel décrit par un psychanalyste américain, ou "burn out" (1), apparu à la fin des années 1970 et au début des années 1980, n'est plus une curiosité de chercheur, c'est une réalité endémique.
Alors que, grâce à la mise en place de réseaux médico-sociaux permettant un dépistage plus précoce dans la population, il n'y a pas d'augmentation globale du suicide, le nombre de suicides au travail et de ceux liés directement aux conditions de travail est en constante augmentation. Ainsi, les onzièmes journées nationales pour la prévention du suicide qui ont eu lieu début février 2007 se sont particulièrement intéressées à ce "phénomène nouveau" apparu officiellement il y a une vingtaine d'années, et "en augmentation depuis dix ans et en croissance régulière depuis quatre à cinq ans", selon le vice-président du Conseil économique et social, Christian Larose.
Autre fait "nouveau" : alors que jusqu'il y a dix ans, seules certaines professions étaient particulièrement touchées, comme les agriculteurs et les salariés agricoles croulant sous les dettes, aujourd'hui toutes les catégories professionnelles sont concernées, avec une exposition plus fréquente pour les cadres, les enseignants, les personnels de santé, les gardiens de prison, les policiers, ou encore les pompiers, et les salariés du secteur privé, c'est-à-dire la plus grande proportion des salariés de l'Hexagone.
Cette vague de suicides liés au travail n'est pas une spécificité franco-française, loin de là. S'il est difficile de pouvoir obtenir des estimations précises, on sait par exemple qu'en Europe, 28% des gens avouent que leur travail est source de stress grave. En Chine, le nombre de suicides a littéralement explosé avec l'industrialisation sauvage et les conditions de vie inhumaines des ouvriers. Ainsi, 250 000 personnes entre 18 et 35 ans se sont suicidées en 2006, c'est-à-dire une partie représentative des forces vives au sein de la classe ouvrière chinoise.
La bourgeoisie essaie bien sûr de se servir de ce "malaise social" pour démoraliser la classe ouvrière : elle veut nous faire croire que le désespoir et la concurrence font partie de la "nature humaine" et que la classe ouvrière ne peut qu'accepter cette situation comme une fatalité. Les révolutionnaires, quant à eux, doivent mettre en avant que c'est la barbarie du capitalisme qui est responsable des suicides. Le fait que des prolétaires soient aujourd'hui acculés à se donner la mort à cause des conditions de travail est une révolte désespérée contre la sauvagerie de leurs conditions d'exploitation. Cependant, nous ne devons pas voir dans la misère que la misère : les conditions d'exploitation et la concurrence que connaît aujourd'hui le prolétariat dans le monde n'ont pas comme seule perspective le désespoir individuel, les suicides ou les dépressions. Car la dégradation vertigineuse des conditions de vie des prolétaires porte avec elle la révolte collective et le développement de la solidarité au sein de la classe exploitée. L'avenir n'est pas à la concurrence entre les travailleurs mais à leur union grandissante contre la misère et l'exploitation. L'avenir est à des luttes ouvrières de plus en plus ouvertes, massives et solidaires.
Ainsi, dans le Manifeste Communiste de 1848, Marx et Engels écrivaient : "Parfois les ouvriers triomphent ; mais c'est un triomphe éphémère. Le résultat véritable de leurs luttes est moins le succès immédiat que l'union grandissante des travailleurs. (...) Cette union grandissante du prolétariat en classe (...) est sans cesse détruite de nouveau par la concurrence que les ouvriers se font entre eux. Ainsi elle renaît toujours chaque jour plus forte, plus ferme, plus puissante."
Mulan (28 avril)
1 Phénomène dépressif grave : « incendie intérieur », en référence à un feu qui aurait pris à l'intérieur, ne laissant plus que le vide.
En mai 2006, deux sympathisantes du CCI en Allemagne sont venues à Paris afin "d'éprouver personnellement sur le terrain l'énergie et le sérieux avec lesquels les étudiants et les travailleurs s'engageaient dans le mouvement [contre le CPE]". Participant à l'une de nos réunions publiques consacrées à cette lutte, l'une d'elle a affirmé "j'ai été très touchée par ce que j'ai entendu et vu ; il y avait là l'optimisme et la conscience, qui m'ont été communiqués, que la classe ouvrière n'est pas morte" ou encore "Nous avons pu à nouveau constater à quel point le débat mutuel est important. Comme nous sommes si souvent isolées au quotidien dans notre conviction politique, constamment à contre-courant, à Paris, vivre cette atmosphère, où beaucoup de travailleurs et d'étudiants se rassemblent et discutent de façon vivante, nous a tout particulièrement impressionnées."
Le mouvement des étudiants du printemps 2006 en France appartient à toute la classe ouvrière, il est un exemple pour toutes les luttes à mener, sur tous les continents. Ces camarades venues d'Allemagne l'expriment parfaitement : "Nous avions le désir de témoigner notre attitude internationaliste aux étudiants, aux lycéens et aux travailleurs et de les assurer de notre solidarité sans restriction." Et pour que justement cette leçon de lutte traverse les frontières, elles ont pris la plume et ont exprimé toutes deux à leur façon ce qu'elles ont perçu et retenu de ce mouvement. C'est ce texte, traduit de l'allemand et déjà diffusé largement dans nos publications que nous reproduisons ci-dessous presque intégralement. Ce soutien internationaliste est d'une grande importance, il révèle une fois encore que la classe ouvrière n'a pas de patrie, qu'elle a partout les mêmes intérêts et le même combat. Elle seule est capable d'éprouver ainsi un profond sentiment de solidarité par-delà les frontières, les couleurs de peau ou les religions !
Le mouvement des étudiants était spontané. Les étudiants se sont mobilisés contre le projet du CPE, qui devait autoriser le licenciement sans motif et sans préavis des jeunes travailleurs de moins de 26 ans. Dans leur lutte, ils ont laissé de côté les revendications spécifiquement estudiantines et engagé le combat contre l'attaque de la bourgeoisie dirigée contre la classe ouvrière dans son ensemble. C'est ainsi qu'ils purent gagner la solidarité de toute la classe ouvrière et convaincre les travailleurs de lutter avec eux, ensemble. Ce que les travailleurs firent ensuite aussi en France. Par centaines de milliers, ils ont participé aux manifestations des 18 et 19 mars. [...] C'est là que réside le secret du succès de cette lutte. Les étudiants se sont conçus comme une partie de la classe ouvrière ; très souvent déjà, ils travaillent pendant leurs études comme prolétaires et savent ainsi quel avenir les attend. Ils ont une conscience profonde du fait qu'ils feront partie du prolétariat. C'est l'expression de la solidarité et de l'unité de la classe qui a contraint la bourgeoisie à la capitulation. Le projet du CPE a été retiré le 10 avril. [...]
Les assemblées générales des étudiants ont été ouvertes aux différentes couches de la classe ouvrière et de la population (travailleurs, retraités, parents, grands-parents, chômeurs). Tous ont été invités et encouragés à prendre la parole, à faire des propositions et à apporter leurs expériences de lutte. La jeune génération a écouté avec attention et grand intérêt. Cet échange et ce type de rapports entre les gens ont établi spontanément une relation solidaire entre les générations de combattants.
La bourgeoisie s'efforce dans le monde entier de minimiser l'importance de ce mouvement en le présentant comme une particularité de la France. Le fait que tactiquement la bourgeoisie française n'a justement pas agi de façon intelligente, en voulant imposer cette loi par tous les moyens, peut avoir contribué en partie à ces événements. Mais le plus important est quand même que ce mouvement ne constitue en rien une particularité de la France, mais une expression de la maturation souterraine mondiale dans la classe ouvrière. Avec l'aggravation de la crise mondiale, dans laquelle le système capitaliste s'enfonce depuis désormais plus de 30 ans, les conditions de vie qui deviennent de plus en plus dures pour la classe ouvrière contraignent les travailleurs à réfléchir à leur situation. Les étudiants prennent conscience de ce que sera leur avenir professionnel, avec des contrats de travail de plus en plus précaires. Ce qui est caractéristique des nouvelles luttes de défense de la classe ouvrière (comme la lutte des étudiants en France), c'est la solidarité et la reconnaissance que ce qui concerne une partie de la classe ouvrière, concerne la classe ouvrière dans son ensemble. Il ne s'agit pas ici seulement des étudiants en France. Cette lutte s'inscrit dans toute une chaîne de luttes de défense des travailleurs, depuis celle des ouvriers du métro à New York jusqu'à celle des employés de l'aéroport d'Heathrow à Londres. La classe ouvrière est une classe internationale, c'est pourquoi sa lutte de défense ne peut connaître aucune frontière nationale. C'est pourquoi il est moins important de voir dans quel pays ces luttes ont lieu, que de voir qu'elles ont lieu et qu'elles sont menées par la classe ouvrière.
Les luttes en France ne sont pas isolées. Aux USA, en Angleterre, en Allemagne, etc. il y a eu une série de luttes ces dernières années contre la crise croissante et ses effets sur les travailleurs [...]
Les camarades ont souligné que le mouvement possède la plus haute importance pour la classe ouvrière internationale ce que la bourgeoisie cherche naturellement à minimiser. Cela montre, en plus des exemples cités, que la classe ouvrière est prête à engager la lutte contre l'intensification de la crise. Cela présage l'expression de la solidarité internationale, pour les générations suivantes avec le message : on peut combattre. On peut gagner. Qui ne combat pas, ne peut pas gagner.
Les jeunes des banlieues sont venus aux manifestations à Paris, principalement pour se battre avec la police 1. Dans les manifestations, les syndicats les ont refoulés à coups de matraque dans les bras de la police. À la différence des syndicats, les étudiants ont envoyé de fortes délégations dans les banlieues, pour parler avec les jeunes et pour leur expliquer que les étudiants ne défendent pas de quelconques intérêts spécifiquement estudiantins mais des revendications générales de la classe ouvrière, qui sont aussi dans l'intérêt des jeunes des banlieues. Il était important pour les étudiants de convaincre les jeunes de l'absurdité des émeutes et de se démarquer de ces formes de luttes. Les étudiants ont ainsi exprimé le principe prolétarien, de n'user d'aucune violence au sein de la classe ouvrière.
Il n'y a pas d'organisations de chômeurs. [...] Lorsque les luttes de la classe ouvrière iront plus loin, les chômeurs s'y intégreront. Les chômeurs constitueront en effet une partie importante des luttes. Ils ne sont reliés à aucune entreprise, ils peuvent donc ainsi s'opposer à toute division de la classe. Vu qu'ils reçoivent directement leur soutien de l'État, leur lutte pour l'existence prend directement un caractère politique. Par leur propre situation, l'absence de perspective dans le système capitaliste, les chômeurs se heurteront très rapidement aux racines du mal capitaliste. La lutte des chômeurs provoquera alors une radicalisation, une nouvelle extension et une importante dynamique dans la lutte des classes.
Les femmes se sont activement associées, se sont montrées très intéressées à la discussion. Dans la discussion ne se sont exprimés ni une mise en relief particulière du rôle de la femme ni aucun rabaissement. Les étudiantes ont participé au mouvement. Elles ont apporté des contributions particulièrement importantes, là où il s'est agi d'un travail de conviction d'argumentation, d'explication, d'organisation, de discipline ou de réflexion collective. Parce que les étudiantes dans les manifestations, mises à part quelques exceptions, n'utilisèrent pas la violence, malgré les provocations de la police, les femmes n'ont pas non plus été reléguées au rôle « d'infirmières des barricades » qui leur était encore très typiquement réservé dans le mouvement étudiant de 1968. Ce sont surtout les femmes qui ont fait de l'agitation parmi les policiers des brigades anti-émeute françaises, les CRS, et qui ont bien ébranlé leur assurance. Le fait que les femmes dans ces luttes ont joué un tel rôle, témoigne de la profondeur du mouvement. [...]
Les camarades du CCI étaient dès le début dans le mouvement, dans les manifestations, y compris celles qui ont été organisées par les syndicats. Ils y ont distribué leur presse et sont intervenus dans les différentes discussions avec beaucoup d'étudiants et travailleurs intéressés. [...] Le CCI, dans son soutien, s'était donné deux tâches essentielles. D'abord, il s'agissait de rompre la politique de black-out et les mensonges concernant la nature des discussions dans les assemblées générales. Puis de faire l'analyse précise du mouvement avec pour objectif de tirer les principaux enseignements de ces importantes expériences pour les perspectives des luttes futures.
Les médias officiels ont essayé de présenter les choses de telle sorte que les syndicats auraient dirigé et contrôlé le mouvement. [...] Il y a eu des manœuvres de sabotage par exemple de la part du syndicat étudiant UNEF qui a essayé de verrouiller les assemblées générales, de refuser de les ouvrir à tous les intéressés et d'interdire à certaines organisations [...] d'y prendre la parole. Cette attitude a surtout amené les étudiants non organisés dans des syndicats ou sans appartenance à une organisation politique, à empêcher avec détermination ces manœuvres. Ainsi, les étudiants ont-ils pris, là où ils étaient les plus avancés, leur lutte eux-mêmes en main.
1 Note du CCI : en réalité, ce comportement fut le produit d'une minorité de jeunes ; les lycéens des banlieues ont au contraire participé de plus en plus massivement à la lutte, au fil des manifestations... grâce au travail de solidarité réalisé par les étudiants décrit fort justement par nos camarades.
C'est le retour à la dure réalité pour la classe ouvrière après un battage incessant pour pousser chacun vers les urnes en lui faisant miroiter pendant des mois les illusions "d'un changement", "d'une rupture" par la voie électorale. Tout cela pour quoi ? Le gouvernement Sarkozy est en place, déjà en "ordre de marche" et la bourgeoisie n'a même pas eu besoin d'attendre les législatives pour annoncer la couleur de l'avenir qu'elle nous réserve : des attaques, encore des attaques, toujours des attaques. Son programme n'est pas seulement celui d'une "droite décomplexée", c'est celui de la défense pure et simple des intérêts de toute la bourgeoisie nationale, c'est celui que le PS et sa candidate auraient de toutes façons appliqué. La seule présence de transfuges de la gauche et du centre agrégés dans l'équipe gouvernementale démontre qu'il n'existe aucune barrière réelle entre le programme des uns et des autres, que tous défendent l'intérêt du capital national.
Pour la classe dominante, l'avantage réel de cette situation, à travers un gouvernement ouvertement marqué à droite, bénéficiant d'une large majorité dans tous les rouages de l'appareil d'Etat, c'est de pouvoir pratiquer un langage de vérité, sans s'embarrasser de détours ni de fioritures.
Le gouvernement peut ainsi se permettre d'attaquer plus vite et plus fort. Il a d'ailleurs, aussitôt annoncé un édifiant calendrier de ces attaques :
Le gouvernement a annoncé clairement son intention de tailler de plus belle dans les effectifs de la Fonction publique. Les plans de licenciements et de suppressions d'emploi vont continuer de pleuvoir.
Ceci ne constitue ouvertement qu'un préambule à une poursuite de l'attaque sur l'ensemble des retraites qui sera "revu" et corrigé pour l'occasion dans son ensemble avec le but avoué de repousser jusqu'à 67 ans l'âge requis comme en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
Tout cela s'accompagne sans surprise de l'accentuation immédiate de l' appareil répressif : dès le lendemain des élections, les expulsions des clandestins sans papiers ont repris avec zèle, une première mesure du nouveau parlement sera de faire voter une loi fixant des peines-planchers pour les délinquants récidivistes.
"L'ère Sarkozy" qui se prépare à accroître fortement les inégalités sociales s'apparente déjà par beaucoup d'aspects à la politique de Reagan aux Etats-Unis ou encore davantage à celle de Thatcher en Grande-Bretagne au cours des années 1980...
Si les prolétaires, et en particulier les jeunes générations ouvrières, ont pu au cours de ces derniers mois être influencés par le matraquage idéologique de la gauche et de l'extrême gauche qui ont cherché à exploiter la peur de Sarkozy alors que ce dernier cristallisait leurs angoisses devant l'avenir, pour les engluer dans des illusions électoralistes et dans la mystification démocratique, ils ne doivent pas céder à la panique face à la perte de ces illusions qui s'ouvre devant eux. Leur conviction que le capitalisme ne leur réserve qu'un avenir de plus en plus sombre et bouché, ne peut que se renforcer aujourd'hui.
Ces jeunes générations de prolétaires ont déjà prouvé l'an dernier en France dans leur lutte contre le CPE leur capacité de s'opposer efficacement aux attaques de la bourgeoisie, de les faire reculer. Elles ont su mettre en avant que cette attaque était une attaque contre tous les prolétaires. Elles ont cherché à mettre en œuvre et à faire vivre, sans en avoir toujours clairement conscience, les véritables méthodes de la lutte prolétarienne dans les universités : AG ouvertes non seulement aux enseignants et au personnel de l'Education nationale mais à tous les ouvriers, en activité comme au chômage, nomination de délégués élus et révocables à tout moment par l'AG, interventions ou tracts d'appel aux travailleurs salariés pour rejoindre la lutte. Les prolétaires doivent renouer avec cette expérience qui démontre que le développement de la lutte de classe est la seule réponse possible aux attaques de ce système qui condamne tous les prolétaires à une exploitation et à une misère grandissantes. Le développement de ces luttes dépend de la capacité d'affirmer l'union et la solidarité active de tous les ouvriers au-delà de l'usine, de l'entreprise, du secteur et des frontières nationales.
Pour mener à bien les coups qu'il nous prépare, le gouvernement s'est engagé à pratiquer une large "politique préalable de concertation sociale" avec les syndicats. Qu'est ce que cela signifie ? Que ces derniers seront étroitement associés au gouvernement pour faire passer la pilule. On voit déjà comment ce scénario a été amorcé. Tous les leaders syndicaux (Le Duigou ou Maryse Dumas pour la CGT, Mailly pour FO et Chérèque pour la CFDT) se sont relayés sur les plateaux de télé pour proclamer "on est prêts au dialogue et à la négociation". Ils se sont félicités à leur sortie de l'Elysée du "climat positif de coopération" du gouvernement. Et pour cause ! S'ils proclament haut et fort leur "intransigeance" sur le respect "de principe" du "droit de grève", ils martèlent en même temps déjà l'idée que dans la pratique, concernant par exemple le projet d'un "service minimum" : "les problèmes sont à examiner au cas par cas, branche par branche". Ils sont bel et bien sur la même longueur d'ondes que le gouvernement Sarkozy qui ne se livre à cette parodie de "concertation" que pour empêcher une mobilisation unitaire et d'ensemble face à ses attaques et pour permettre précisément aux syndicats de diviser ainsi les ouvriers secteur par secteur.
La bourgeoisie craint la réaction des prolétaires à toutes ces attaques. Elles frappent en effet l'ensemble de la classe ouvrière. Plus clairement que jamais se pose donc le développement de sa riposte dans une unité plus grande et une solidarité plus active.
C'est pourquoi les syndicats sont appelés à occuper sur le devant de la scène un rôle de premier plan, qui leur est assigné par toute la bourgeoisie dans le sabotage des luttes.
Gouvernement et syndicats se partagent le travail pour éviter toute mobilisation d'ouvriers, susceptible par l'exemple qu'il donnerait par leur lutte, d'entraîner d'autres ouvriers d'autres secteurs à les suivre sur la même voie.
Face aux luttes, l'Etat peut compter sur les syndicats pour tout mettre en oeuvre afin de stériliser par leurs manoeuvres toute expression de solidarité ouvrière en confinant les réactions des ouvriers dans le cadre corporatiste, de l'entreprise, comme à Alcatel, Airbus ou dans le secteur de l'automobile.
Souvenons-nous comment en 2003 les syndicats ont causé la défaite de la mobilisation générale contre la "réforme des retraites" en organisant l'isolement du secteur de l'Education nationale.
Les mois qui viennent vont démontrer que "l'homme de fer" Sarkozy n'est pas le seul ennemi de la classe ouvrière : il ne fait aucun doute que son rôle consiste à attaquer la classe ouvrière pour la défense ouverte des intérêts du capital national. L'ennemi le plus dangereux, ce sont les faux amis, les syndicats, qui sabotent en permanence nos luttes et nous mènent à la défaite afin de permettre au gouvernement et au patronat de faire passer leurs attaques.
W. (1er juin)
Les luttes spontanées, en dehors de toute consigne syndicale qui se sont affirmée fin avril et début mai sur plusieurs sites d'Airbus démontrent toute la combativité et la détermination de la classe ouvrière. Pour la plupart, ce sont de jeunes ouvriers, une nouvelle génération de prolétaires qui ont pris la part la plus active dans ces luttes, notamment à Nantes et Saint-Nazaire, où s'est avant tout manifestée une réelle et profonde volonté de développer une solidarité active avec les ouvriers de la production de Toulouse qui avaient cessé le travail la veille (le 26 avril) en réponse à une véritable provocation de la direction.
Face à cette provocation, les ouvriers ont spontanément débrayé. Le caractère provocateur du montant dérisoire de la prime est une évidence. Les ouvriers se sont sentis traités comme des chiens à qui on jette un tout petit os à ronger. C'était d'autant plus une incitation directe à partir en lutte qu'elle était lancée au milieu d'un double scandale : celui du parachute doré de l'ancien PDG Forgeard parti avec plus de 8 millions d'Euros d'indemnités et celui de la mise en cause de ses principaux dirigeants (Lagardère et Forgeard) fortement suspectés de "délit d'initiés".
L'annonce du versement de cette "prime" ne s'est pas faite en catimini, mais au contraire a fait l'objet d'une bruyante publicité de la part des syndicats pour tous les employés d'Airbus.
Il saute aux yeux que les syndicats ont été un vecteur actif de cette provocation. Et pourtant les syndicats, après avoir soufflé le vent, ont tout fait pour étouffer la tempête. Ils ont cherché à freiner au maximum la mobilisation et à s'opposer par tous les moyens aux débrayages spontanés en appelant immédiatement à la reprise du travail. Pourquoi cette réaction ?
Les syndicats et la direction savaient qu'un réel mécontentement couvait parmi le personnel et il fallait éviter qu'il s'exprime suite à l'annonce des licenciements, qu'il se focalise sur cette question des licenciements qui étaient le cœur de l'attaque. Ces licenciements concernaient essentiellement les postes administratifs, une partie au siège d'Airbus à Toulouse, une partie dans les autres centres administratifs et une partie concernant les sous-traitants.
Il s'agissait pour eux :
• D'abord de tester le niveau de combativité des ouvriers, surtout des jeunes, en les faisant partir sur la question des primes, pour amener cette combativité à s'épuiser. A Nantes et Saint-Nazaire, la colère qui s'est exprimée sur la question des primes était d'autant plus forte que les ouvriers savaient qu'ils allaient être sacrifiés quand leur usine serait reprise par un sous-traitant. La colère et la combativité se sont exprimées à travers la reconduction de la grève alors que le mouvement à Toulouse est globalement rapidement retombé. A Nantes en particulier, les grévistes étaient très remontés contre des syndicats vite débordés qui cherchaient uniquement à leur faire reprendre le travail. Sur les sites de Nantes et Saint-Nazaire, des comités de grève ont surgi, très rapidement transformées en "coordination" entre les deux sites. Une telle "coordination" exprimait donc une volonté de la part d'ouvriers combatifs d'organiser leur mouvement, en ne comptant que sur leurs propres forces. Mais en même temps, fait significatif des faiblesses de ce mouvement, des militants de LO revêtus de la casquette syndicaliste de base de la CGT ont pu récupérer immédiatement cette initiative dans le but de ramener les ouvriers derrière les syndicats. Un membre de cette coordination déclarait en effet : "Notre mouvement veut essayer de recréer une connexion entre le personnel et les syndicats. Il doit disparaître après" (Ouest-France du 4 mai 2007). Un militant de LO dans un forum sur Airbus le 27 mai organisé lors de la traditionnelle fête annuelle de cette organisation avouait lui aussi naïvement : "Je suis allé trouver les syndicats en leur disant : qu'est ce que vous foutez ? Si vous n'intervenez pas pour prendre le contrôle de la lutte, il y aura demain un nouveau Mai 68 qui vous pétera au nez !" Après quelques jours d'existence, cette coordination passait effectivement le relais à une "intersyndicale" pour reprendre le contrôle de la grève sur les deux sites jusqu'au moment où, à la suite des propositions de la direction pour casser le mouvement, la plupart des syndicats ont appelé à la reprise du travail à l'exception de la CGT minoritaire qui a entrepris de coller au mouvement jusqu'au vote général de la reprise du travail.
Entre temps, les syndicats avaient négocié avec la direction et Sarkozy l'octroi d'une prime portée à 800 Euros et des augmentations de salaire équivalentes à 2,7% de la masse salariale avec une augmentation minimum prévue de 40 Euros que les syndicats ont prétendu avoir "arraché" grâce à leur "attitude responsable de coopération" ; mais bien entendu ces "compensations" sont réservées aux ouvriers de la production. Pour la bourgeoisie, il fallait isoler les éléments partis en lutte tout en tentant de recrédibiliser momentanément les appareils syndicaux.
Il s'agissait de faire accréditer l'idée que partir en lutte hors des syndicats ne mène à rien, alors qu'avec des syndicats "responsables", on peut obtenir quelque chose.
• Il fallait également faire en sorte que la question des licenciements ne soit pas au centre de la lutte, et pour cela, entretenir la division entre "cols blancs" et "cols bleus". Il fallait que le scandale des primes masque le scandale bien plus grand des licenciements.
A travers son résultat, on perçoit mieux les buts de cette stratégie qui a permis de casser la dynamique de solidarité bien présente dans cette lutte :
• Tout a été fait pour entretenir la division entre les ouvriers à la production et les ouvriers administratifs (qui ne sont pas entrés en lutte parce que c'est sur eux que planait principalement la menace de licenciement).
Il est frappant de constater qu'à aucun moment dans tous ces mouvements, il n'y a pas eu le moindre appel à la solidarité entre "cols blancs" et "cols bleus", c'est-à-dire entre le personnel administratif, qui va être lourdement touché par les licenciements et les ouvriers à la production, qui eux ne seront pas touchés par ces mêmes licenciements, mais vont voir les cadences de travail encore s'accélérer.
• Ensuite en focalisant sur la prime, les syndicats ont poussé à séparer les "Airbusiens" et les ouvriers des entreprises sous-traitantes, menacés également de licenciements comme n'ayant pas les mêmes intérêts à défendre.
• Il s'agissait encore de renforcer le climat idéologique pourri de concurrence et de compétitivité nationalistes entre ouvriers français et allemands, laissant entendre que les ouvriers allemands, allaient toucher, eux, une prime plus conséquente.
• Cela permettait encore un enfermement sur les sites Airbus eux-mêmes et de pousser à fond "l'esprit de défense de l'entreprise" en mettant en avant des revendications spécifiques pour empêcher tout lien et toute solidarité avec les autres luttes (comme notamment à Alcatel et dans le secteur automobile chez qui les mêmes licenciements tombaient simultanément), alors qu'en Allemagne à Hambourg, les ouvriers d'Airbus ont rejoint dans une manifestation des ouvriers d'autres secteurs en grève (Sieta, Still, Blohm & Voss), de même à Berlin, ceux de BMW et ceux de Siemens ont pu manifester ensemble. En Espagne, des salariés d'une usine Airbus en Espagne sont également venus apporter leur solidarité dans une manifestation avec les licenciés de l'équipementier automobile Delphi.
A travers la combativité et la volonté de se battre en dehors même des consignes syndicales, dans cette lutte s'est ouvertement posée la question : comment développer la lutte, comment se battre pour résister efficacement aux attaques de la bourgeoisie ? Tant que les ouvriers se battront dans le cadre de leur entreprise, de leur secteur, des frontières nationales, ils continueront à subir licenciements et défaite boîte par boîte comme c'est le cas non seulement à Airbus, mais à Alcatel ou dans l'automobile
La peur que la lutte s'étende comme à Airbus a amené la bourgeoisie à "acheter la fin du mouvement" aux ouvriers à travers une prime et une augmentation de salaire. Il s'agissait d'empêcher les ouvriers de tirer la leçon que les syndicats poussent les ouvriers dans la division et le sabotage de la lutte. Il est nécessaire d'élargir et d'étendre la lutte en direction des ouvriers des autres entreprises, en particulier ceux qui subissent les mêmes attaques.
Le véritable combat de la classe ouvrière, c'est de se battre sans exclusive contre toutes les attaques qu'elle subit : contre les licenciements, pour des augmentations de salaires, pour des primes, contre l'augmentation des cadences... Etendre et développer ces luttes, c'est l'affaire de tous les ouvriers, quel que soit leur secteur d'activité. Dans chaque lutte, pour pouvoir affirmer leur solidarité active, les ouvriers ont à faire vivre des AG ouvertes à tous. L'exemple de cette lutte est porteuse d'espoir pour l'avenir si les ouvriers renforcent leur volonté d'être solidaires dans leurs combats. Ils ne pourront le faire que s'ils brisent le carcan de l'enfermement sur l'entreprise.
Wu (1er juin)
Une élection s'achève, une autre commence. Après les présidentielles du mois de mai, c'est au tour des législatives d'occuper le terrain de la campagne électorale. A peine le temps de reprendre son souffle et voilà le brave citoyen à nouveau mis à contribution.
Fort heureusement, pour prévenir tout risque d'indigestion, au beau milieu de ce gargantuesque gavage démocratique, la bourgeoisie sait qu'elle peut compter sur les services d'une extrême-gauche toujours prompte à ranimer l'appétit citoyen et convier les ouvriers à se joindre au grand banquet républicain.
Ainsi, Lutte ouvrière et la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), chacune dans un registre différent, ont ressorti leurs tambourins pour battre, à grand bruit, le rappel vers les bureaux de vote.
"Il est évident que la victoire de Sarkozy est une très mauvaise nouvelle et qu'on a pris un coup sur la tête le 6 mai. Mais ce n'est pas la fin de l'histoire" (Rouge 17 mai). Attention, personne ne descend du manège, c'est reparti pour 2 tours ! Contrairement à LO, sa vieille cousine, la LCR n'y va pas par quatre chemins et décide d'afficher sans détour son démocratisme façon "extrême gauche décomplexée" en allant, au culot, faire avaler aux ouvriers que le meilleur moyen de se défendre contre les attaques à venir, c'est encore de voter pour des représentants qui, une fois dans les assemblées (ou ailleurs), constitueront "une force anticapitaliste déterminée à lutter pied à pied contre la droite et le patronat... une force qui choisira toujours les salaires contre les profits". Bref, les ouvriers sont cordialement invités à mettre en sourdine leurs luttes ou, du moins, à remettre leur sort entre les mains des institutions démocratiques, celles là même qui ont été édifiées pour défendre les intérêts de la seule classe dominante de ce système : la bourgeoisie.
"Voter pour les candidats de la LCR, le 10 juin, ce sera dire [...] votre volonté de ne pas vous laisser faire. Ce sera un geste en faveur d'une autre répartition des richesses, pour reconstruire la solidarité et l'espoir. Ce sera un vote qui dira clairement qu'il est possible de faire reculer Sarkozy, un vote pour une gauche de lutte" (tract LCR du 29 mai).
Si les meilleures soupes se font dans les vieilles marmites, c'est toujours avec de jeunes carottes. Il est donc bien normal que la vieille LCR avec son jeune Besancenot nous resserve de cette mixture réformiste si efficace pour éloigner la classe ouvrière de sa perspective révolutionnaire en lui faisant espérer qu'un monde nouveau peu sortir des urnes républicaines.
Pour LO, par contre, ç'en est assez de ce cirque électoral... il est temps d'ouvrir les yeux.
"Tout dépend du monde du travail, de sa détermination et de la conscience qu'il aura que le bulletin de vote n'est qu'un chiffon de papier et que seules les luttes peuvent payer" (LO du 11 mai). Voilà que LO hausse le ton...
"Notre avenir est, en fait, entre nos mains. Pas par la grâce d'un bout de papier à glisser dans l'urne..." (LO du 25 mai). Et oui, les élections ne servent pas les intérêts de la classe ouvrière, mais uniquement ceux de la bourgeoisie, le prolétariat ne dispose pas d'autres moyens de défendre ses intérêts que sa lutte, sur son terrain de classe. Et pourtant, LO n'a jamais hésité a imprimer le nom d'Arlette Laguiller sur des millions de ces "chiffons de papier", et cela depuis 1974 !
Comment expliquer cette contradiction apparente ? Le plus simplement du monde, puisque à en croire LO, il n'y en a aucune !
"Les votes pour les grands partis ne changeront rien à rien, si ce n'est renforcer les illusions et les faux espoirs électoraux. [C'est pourquoi] ... les votes pour les candidats de Lutte ouvrière exprimeront au moins qu'une partie, fut-elle petite, de l'électorat ouvrier ne fait pas confiance aux bulletins de vote pour changer son sort" (LO du 25 mai).
Pour dire à la bourgeoisie qu'on "ne fait pas confiance au bulletin de vote" pour changer le monde, il faut... glisser un bulletin de vote dans l'urne ! On reconnaît bien là le double langage de LO qui nous dit d'un côté que voter ne sert à rien pour mieux nous appeler dans la même phrase à faire notre devoir de citoyen. Que l'on ne s'y trompe pas, tout ceci est on ne peut plus logique... du moins pour une organisation qui défend (tous compte fait et sous couvert de radicalisme révolutionnaire) les intérêts du capital, en invitant la classe ouvrière à exprimer sa colère à travers un moyen purement bourgeois et totalement dénué de la moindre efficacité pour remettre en cause l'ordre établi.
C'est à chaque élection que les trotskistes se prêtent à ces petits jeux. A chaque élection, ils font la promotion de la démocratie, cette mystification selon laquelle le "peuple" exercerait le pouvoir politique. Mais le seul pouvoir auquel la classe ouvrière puisse prétendre, c'est celui qu'elle prendra par ses luttes après avoir détruit tout l'appareil démocratique qui sert aujourd'hui à la bourgeoisie pour exercer sa dictature et maintenir le règne de l'exploitation.
GD (24 mai)
Tout ouvrier qui se rend à la CRAM (Caisse de retraite et d'assurance maladie) pour faire valoir ses droits à un départ "anticipé" risque d'avoir une très mauvaise surprise. En effet, il y a loin du discours bourgeois à la réalité ! Avoir "le droit" parait-il de bénéficier d'un des dispositifs de la loi du 21 août 2003 qui permet de partir à la retraite de manière anticipée est une chose, savoir qui et combien d'ouvriers peuvent y prétendre en est une autre ! Et ce dispositif n'est vraiment pas un cadeau de la part de la classe exploiteuse. La règle générale est la suivante : il faut avoir travaillé très jeune avant ses 16 ans et pendant 168 trimestres pour pouvoir prétendre à un repos légèrement anticipé et bien mérité. Ce dispositif de la loi Fillon de 2003, correspond à l'article L 351-11-1, du Code de la Sécurité sociale n'est en plus accessible qu'à la condition que les ouvriers eux mêmes fassent les démarches, sans qu'aucun organisme officiel ne les préviennent de son existence ! Bon nombre d'entre eux continuent ainsi à travailler, alors qu'ils pourraient être à la retraite. Pourtant, les ouvriers qui ont commencé à travailler à l'époque à 14 ans sont très majoritairement ceux qui ont effectués toute leur vie les travaux les plus pénibles et les plus usants. Il n'y a aucune illusion à se faire pour nos exploiteurs, il s'agissait à l'époque avec le saupoudrage de ce dispositif particulier et très limité par le nombre d'ouvriers concernés de faire passer au mieux l'ensemble de l'attaque sur les retraites et notamment l'allongement du temps de travail, pour la très grande majorité d'entre nous. En plus et mensongèrement cet article de loi ne comportait apparemment aucune limite dans le temps. Il était prévu d'en faire le bilan et de réexaminer le dispositif en 2008. Mais tout cela est du langage de technocrate bourgeois. En effet c'est depuis la mise en place du dispositif Fillon, que la "suspension" de la possibilité de départs anticipés pour carrières longues avait été programmée. En premier lieu la possibilité d'intégrer, comme temps travaillé, la période du service militaire, ou au titre d'une indemnisation pour maladie, maternité, accident du travail n'est valable que jusqu'au 31 décembre 2008. En second lieu les conseillers de la branche retraite sur la demande de la CRAM, ne peuvent en aucun cas s'engager au delà de décembre 2008. En réalité, il est dit clairement aux travailleurs qui viennent faire valoir leur droit à la retraite que ce dispositif ne va pas au delà de l'année 2008. Bien sur rien n'est dit officiellement pour le moment sur ce sujet. Ce qui est plutôt mis en avant, cyniquement c'est la suppression des régimes spéciaux, au nom de l'égalité entre tous les ouvriers ! Franchement, cette classe d'exploiteurs se moque totalement de nous. Si nous laissons faire cette classe de charognards c'est l'égalité dans la misère qui attend toute la classe ouvrière.
Tino
Et rebelote, pas de repos pour les braves électeurs. Les "citoyens français" sont à nouveau conviés à se rendre aux urnes, les 10 et 17 juin, afin d'élire cette fois ces dames et ces messieurs députés de l'Assemblée nationale.
Décidément, les enjeux électoraux auront été cette année au cœur de toutes les préoccupations, omniprésents à la télévision, à la radio et dans la presse. L'intérêt suscité par tout ce remue-ménage semble bien réel puisque les taux de participation aux présidentielles ont atteint des sommets. Voter, ce "geste citoyen", est aujourd'hui ressenti par la très grande majorité de la population comme un véritable devoir. Dans le climat actuel, celui qui ose avouer à ses collègues ou à son entourage qu'il ne vote pas, s'attire instantanément les foudres et la désapprobation générale.
S'inquiéter pour l'avenir, vouloir mettre un terme à la dégradation continuelle de nos conditions de vie est tout à fait légitime. Mieux, c'est une nécessité. Mais est-ce vraiment en se mobilisant ainsi massivement sur le terrain électoral que les ouvriers pourront faire face ensembles à toutes ces attaques ?
Officiellement, le droit de vote est un bien précieux. Grâce à lui, chaque citoyen a entre ses mains le pouvoir de choisir la politique à mener dans sa commune, son département, sa région, sa nation. C'est le fondement de la démocratie. Mais ce "pouvoir" n'est-il pas qu'une farce ?
A chaque élection, des projets différents pour l'avenir de la société sont censés s'affronter. Ainsi, pour ces législatives toutes proches, le Parti socialiste martèle qu'il faut absolument éviter la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d'un seul homme, Sarkozy. En donnant du poids à la gauche dans l'hémicycle de l'Assemblée, le PS pourrait, soi-disant, s'opposer à la politique d'austérité de la droite et se battre en faveur de mesures sociales. Du vent ! La politique menée par les socialistes depuis des décennies et ressentie dans sa chair par la classe ouvrière, ne diffère en rien de celle de la droite. D'ailleurs, toutes les attaques à venir du gouvernement Fillon faisaient aussi parti du "plan d'action" de Ségolène Royal : réforme des retraites et des régimes spéciaux, démantèlement progressif des couvertures de santé, augmentation des charges de travail... Et il ne pouvait en être autrement. Toutes ces mesures sont nécessaires pour la compétitivité de l'économie nationale et, donc, toute fraction au pouvoir a pour mission de les mettre en place.
La propagande électorale est justement là pour cacher cette vérité toute crue en faisant croire à l'éventualité d'une alternative: "oui, une autre politique est possible... à la condition de bien voter". Mensonges et poudre aux yeux! Que signifie ce nouveau gouvernement, cette "équipe de France" teintée du rose des transfuges socialistes tels Kouchner ou Besson, si ce n'est que tous ces gens là appartiennent bel et bien à la même famille... la bourgeoisie. Les différences qui séparent les partis bourgeois ne sont rien en comparaison de ce qu'ils ont en commun : la défense du capital national. Pour ce faire, ils sont capables de travailler très étroitement ensemble, surtout derrière les portes fermées des commissions parlementaires et aux plus hauts échelons de l'appareil d'Etat. Ce n'est qu'un petit bout des débats de la bourgeoisie qui se montre au parlement. Et les membres du parlement sont en fait devenus des fonctionnaires d'Etat qui de temps à autres gesticulent dans l'hémicycle devant les caméras de France 3 pour feindre l'indignation face à telle ou telle mesure, tel ou tel mot "déplacé" d'un autre député... tout ceci afin d'épater la galerie et faire croire à l'intensité de la vie démocratique.
Les élections n'offrent donc en vérité aucune véritable alternative, aucune issue de secours. La possibilité de faire entendre sa voix par les urnes n'est qu'une illusion savamment entretenue.
Si la classe ouvrière n'a rien à gagner sur le terrain électoral, la bourgeoisie, quant à elle, remporte la mise à tous les coups. En transformant les ouvriers en citoyen-électeur, elle les dilue dans la masse de la population, les isole les uns des autres. Seuls et donc impuissants, elle peut ainsi leur bourrer le crâne à sa guise.
"Tous les hommes naissent libres et égaux en droit" comme cela est gravé dans le marbre de la déclaration universelle des droits de l'homme. Pour ce faire, chaque citoyen a un droit inaliénable, celui de voter. Cette idéologie peut se résumer en une simple équation : un individu = un vote. Mais le problème, c'est justement que cette belle déclaration de principe n'est que virtuelle. Dans le monde réel, les hommes sont tout sauf égaux. Dans le monde réel, la société est divisée en classes. Au dessus et dominante, tenant les rênes, il y a la bourgeoisie; en dessous, il y a toutes les autres couches de la société et en particulier la classe ouvrière. Dans la pratique, cela signifie qu'une minorité détient l'Etat, les capitaux, les médias... La bourgeoisie peut ainsi imposer au quotidien ses idées, sa propagande.
Ce rouleau compresseur médiatique passe et repasse sur le corps électoral depuis plus d'un an. Pas une seule minute la propagande n'a cessé. Les magazines, les journaux, les émissions spéciales se sont succédées à un rythme infernal afin que jamais, oh grand jamais, les ouvriers puissent réfléchir un instant par eux-mêmes. Ce bourrage de crâne n'est pas nouveau, le premier congrès de l'Internationale communiste affirmait déjà en 1919: "[la liberté de la presse] est un mensonge, tant que les meilleurs imprimeries et les plus gros stocks de papier sont accaparés par les capitalistes [...]. Les capitalistes appèlent liberté de la presse la faculté pour les riches de corrompre la presse, la faculté d'utiliser leurs richesses pour fabriquer et pour soutenir la soi-disant opinion publique" 1.
Revenons à notre pauvre bougre qui dans un élan inconscient de témérité osa "avouer" à ses collègues son peu de foi dans le cirque électoral, recevant immédiatement en récompense d'autant de sincérité une volée de bois vert. Le dialogue à couteaux tirés est facile à imaginer. Lui, la goutte au front, bégayant que ça fait des années que nous nous faisons avoir, qu'ils sont tous pareils ces politiciens, que lui refuse de choisir entre la peste et le choléra. Tous les autres coupant court à la discussion puisque ne pas voter c'est... faire le lit du Front national !
En s'appuyant sur la peur du fascisme, telle une ombre planant de façon lointaine au dessus des têtes, la bourgeoisie insiste inlassablement sur la fragilité de la démocratie, sur la nécessité pour tous de la défendre et de la faire vivre. Elle est ainsi parvenue à annihiler d'avance toute discussion potentiellement honnête et constructive sur la question électorale. Le ressort de l'argumentaire est simple: même si la démocratie n'est pas parfaite, elle permet à chacun de se faire entendre. Il est donc interdit de gâcher cette chance.
Mais à y regarder de plus près, là encore, la réalité est toute autre. La démocratie bourgeoise sert de masque à la dictature qu'exerce le capital. Voter donne l'illusion d'agir. L'électeur est acteur juste pendant 3 secondes, le temps de glisser le bulletin dans l'urne, et encore un acteur contraint de jouer un script écrit par un autre. Une fois "le responsable politique" élu, l'électeur n'est plus qu'un spectateur.
La classe ouvrière se doit de développer une façon de vivre, d'agir et de décider collectivement radicalement différente. Dans la démocratie bourgeoise, une fois tous les cinq ans, la société fait semblant d'avoir un grand débat collectif où tout le monde est impliqué. Dans la lutte, au contraire, cette implication de tous est réelle. Dans les assemblées générales authentiquement prolétariennes, la parole est partagée, les débats y sont ouverts et fraternels et, surtout, les délégués sont révocables. Cette révocabilité est importante, elle signifie que le pouvoir reste entre les mains des masses. Si le délégué ne défend plus l'intérêt général, eh bien on en change. La lutte en Pologne en 1980 est un exemple frappant de cette vie ouvrière en action, de cette volonté d'agir réellement collectivement. Quand le comité de grève se réunissait, constitué des délégués élus, la foule écoutait dehors, grâce à des micros et des hauts-parleurs, l'avancée des discussions et manifestait par des cris son approbation ou son mécontentement ! Il n'était pas question de laisser une poignée décider pour tout le monde 2.
C'est donc un gouffre qui sépare la démocratie bourgeoise de la vie politique prolétarienne. D'un côté, les manœuvres, les manipulations, le pouvoir au main d'une minorité dominante. De l'autre, la solidarité, le débat ouvert et fraternel, le pouvoir entre les mains des masses ! Depuis des décennies, les élections se suivent et se ressemblent. Le temps de la campagne, les candidats rivalisent de promesses, jurant la main sur le cœur qu'avec eux, l'avenir sera meilleur. Une fois élus, de gauche ou de droite, toutes leurs belles paroles s'envolent pour retomber sous la forme d'attaques brutales. Toujours la même politique anti-ouvrière, toujours la même austérité. Ces "désillusions", la classe ouvrière en a soupé jusqu'à la nausée.
Le terrain électoral est LE terrain de la bourgeoisie. Sur ce champ de bataille, toutes les armes sont entre les mains de la classe dominante. Elle en sort chaque fois victorieuse et le prolétariat chaque fois vaincu. Par contre, dans la rue, dans les usines, en assemblée générale, les ouvriers peuvent s'unir, s'organiser et se battre collectivement. La solidarité de la classe ouvrière est une des clés de l'avenir contrairement à ces petits bouts de papiers nommés bulletins de vote !
Pawel
1 Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne présentées par Lénine le 4 mars 1919.
2 Lire notre brochure "Sur la Pologne" (non disponible en ligne à ce jour) .
Réunis pour la troisième fois à Bangkok (du 30 avril au 3 mai) les 120 délégations nationales composant le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) se sont finalement accordées pour livrer, au terme des débats, leur "résumé à l'attention des décideurs" portant sur les "mesures d'atténuation" à prendre d'urgence pour lutter contre le réchauffement climatique.
Précédemment, dans le volet "scientifique" de leur 1er rapport (rendu à Paris en février) ces experts en tous genres avaient posé le constat d'un risque majeur d'élévation des températures mondiales comprise entre 2 et 4 °C d'ici 2100 "dû à l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre engendrées par l'homme" 1.
Quant aux conséquences meurtrières de cette hausse des températures encore jamais vue dans l'histoire de la Terre (du moins sur une si courte période), elles ont été répertoriées par le groupe II du GIEC (réuni en avril à Bruxelles) dans une série de scénarios catastrophes tous plus apocalyptiques les uns que les autres : inondations, sécheresses, ouragans plus fréquents et plus violents, montée du niveau des mers, immersion de terres habitées ou encore extinction de 20 à 30% des espèces animales et végétales. Bref, si le réchauffement climatique continue sa course la planète deviendra à ce point hostile que de nombreuses formes de vie, et en premier celle des hommes, seront impossibles.
C'est ici qu'entre en scène Ogunlade Davidson (co-président du groupe III du GIEC) pour signaler que si les nouvelles contenues dans les deux premiers rapports n'étaient "pas bonnes", le 3e rapport assure que "des solutions sont possibles et que vous pouvez le faire à un coût raisonnable".
Ouf ! Le monde est sauvé. Il fallait bien ça pour trouver un happy end à ce film catastrophe.
Après s'être échiné en février à évacuer la responsabilité du mode de production capitaliste en rejetant la faute (de façon grotesque mais par ailleurs très commode) sur "l'Homme" 2, cet "incorrigible égoïste" qui "saccage", "piétine" la vie et tout ce qui l'entoure depuis la nuit des temps, le GIEC boucle son plaidoyer à Bangkok par une nouvelle pirouette. En effet, au bout du compte, ce groupe d'experts nous invite à bien comprendre que le système capitaliste (et ce quelque soit sa "part" de responsabilité dans le bouleversement climatique) a les moyens de mettre en œuvre une politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et cela pour un coût tout à fait modique, voir un bénéfice économique en matière (nous dit-on) de dépenses de santé ou de créations d'emploi.
Faut-il que la bourgeoisie soit si bête pour ne pas y avoir songé plus tôt ? Ou bien est-ce à nouveau notre guignol's band d'"experts" du climat qui continue à nous prendre pour des imbéciles ? C'est en tout cas ce que laisse entendre l'intervention clownesque du président du GIEC (Rajendra Pachauri) lorsqu'il invite les individus à adopter un mode de vie plus respectueux de la nature en suivant le conseil de l'ancien président des Etat-Unis, Jimmy Carter, qui dans les années 1970 recommandait au bon citoyen de baisser le chauffage à la maison en hiver et de porter un chandail plutôt qu'un T-shirt. Dans la foulée, Monsieur Pachauri n'a pas oublié de féliciter le premier ministre japonais qui a encouragé les cadres à renoncer à la cravate pour pouvoir réduire la climatisation dans les bureaux. Enfin, une autre option à prendre en considération a ajouté ce bon Dr Pachauri (de toute évidence gros contributeur d'émission de gaz à effet hilarant dans le monde)... devenir végétarien ! "Si les gens mangeaient moins de viande, ils seraient peut-être en meilleure santé. Et en même temps, ils contribueraient à réduire les émissions générées par l'élevage bovin." En résumé, pour sauvegarder l'environnement il faut mettre un chandail l'hiver, enlever la cravate l'été et devenir végétarien. A ce compte là c'est sûr, la lutte contre le réchauffement climatique ne risque pas de coûter bien cher !
Plus "sérieusement", il demeure dans le rapport du GIEC des mesures plus concrètes pour enrayer la menace d'un changement brutal du climat : développer les énergies non polluantes (éolien, solaire), construire des habitations mieux isolées donc moins énergivores, généraliser l'utilisation des biocarburants, amorcer une transition des transports routiers vers le rail et les voies fluviales, ou encore développer les technologies de "captage et de séquestration" du CO2 pour limiter les émissions des centrales électriques utilisant la houille par exemple. Voilà des mesures qui paraissent être efficaces. Mais dans ce monde, une grave préoccupation hante l'esprit du capitaliste, et la question fuse comme une balle : "Combien ça coûte ?"
"Et bien, des clopinettes !" répondent en chœur les experts du GIEC toujours soucieux de ne pas mettre en porte à faux le mode de production capitaliste.
"Une stabilisation des concentrations en équivalent CO2 (...) entraînerait une diminution de 0,1% du taux de croissance moyen annuel d'ici à 2030" (GIEC III).
Une goutte d'eau dans un océan, nous répète-t-on à l'envi. Et pourtant, elle n'en reste pas moins une goutte de trop.
Ce n'est pas pour rien si la question du coût des politiques à mettre en œuvre contre le réchauffement climatique a dominé les 5 jours de discussions du GIEC à Bangkok suscitant, entre les différentes délégations nationales, d'âpres débats.
Si, comme semble croire Stephan Singer, du fonds mondial pour la nature (WWF), "aucun gouvernement ne peut [au vu des derniers travaux du GIEC] faire valoir que ça nuirait à son économie" c'est tout simplement parce que ces choses là ne se disent pas en public, bien que certains ne s'en soient pas privé. Ainsi, James Connaugthon (président du conseil de la Maison Blanche sur la qualité environnementale) a estimé que les mesures préconisées à Bangkok "représentent un coût extrêmement élevé" pouvant aller jusqu'à "entraîner une récession". Faisant écho à l'inquiétude américaine, Jacques Chirac (pourtant l'un des plus fervent soutien aux conclusions du GIEC) a précisé que le coût des mesures à prendre seraient "non négligeable". En effet, celles-ci nécessiteraient une telle réorganisation de l'appareil productif que le coût de ce bouleversement serait insupportable, non pas en soi mais au regard de la compétitivité de chaque économie nationale face à ses concurents.
Le capitalisme n'a pas d'autres raison d'être que d'engranger des profits. Si demain un pays se mettait a financer la réduction de ses émissions de CO2 afin de rendre son économie "propre", alors il se ferait impitoyablement balayer du marché mondial par les nations concurrentes qui auront gardé intact leur niveau de compétitivité en continuant à produire à moindre frais.
Réduire les coûts de production au minimum pour être aussi compétitif que possible est la règle incontournable de ce monde. Dans la lutte acharnée que se livrent les rats capitalistes pour se maintenir sur le marché, le coût des mesures visant à endiguer la pollution industrielle (aussi "limité" ou "raisonnable" soit-il) devient un handicap intolérable.
Alors, qui prendra le risque de faire le nettoyage de son économie le premier ? Bien évidemment personne. Chacun sait que cela lui serait fatal. C'est pourquoi toutes les conférences sur l'environnement sont vouées à l'échec comme cela c'est vu dans le passé à Rio ou à Kyoto et comme cela se verra avec le nouvel accord climatique international qui se prépare pour la prochaine conférence ministérielle de l'ONU à Bali en décembre 2007.
Le comportement général du système capitaliste fait penser à celui de ce monstre légendaire dont l'appétit et la stupidité étaient si grands qu'apercevant le bout de sa queue il s'en saisit, commença à la manger et continua jusqu'à ce qu'il se fût entièrement dévoré. La différence entre cette créature et le capitalisme est que ce dernier n'est pas stupide, il n'a tout simplement pas le choix.
Son appétit insatiable pour le profit (but ultime de son existence) le conduit inévitablement à fouler aux pieds toutes les lois humaines. La vie et le bien être des hommes ne font pas le poids devant l'impérieuse nécessité de la rentabilité économique.
Le capitalisme est incapable d'éviter la crise climatique qui s'annonce. Parce qu'il produit sans se soucier des hommes et de leur milieu naturel, obsédé par la compétitivité économique, il est devenu l'unique artisan du chaos à venir.
L'urgence, plus que jamais, réside donc dans la mise à bas de ce monde afin de faire naître une nouvelle société où la vie sera enfin le bien le plus précieux.
Jude (15 mai)
1 Les émissions des gaz à effet de serre rejetées dans l'atmosphère ont en effet augmenté de 70% entre 1970 et 2004.
2 Lire notre article "Réchauffement climatique : le capitalisme ne peut que continuer à détruire la planète" dans RI n° 377.
"Nous touchons les limites de l'inhumanité, nous ne sommes plus en état de continuer à assumer ce travail si important pour le pays dans les conditions où nous sommes dirigés et traités. Nous n'avons plus confiance ni en nos équipements ni en ceux qui nous gouvernent. Nous travaillons les fusils braqués sur nous...". C'est ce message dramatique qu'ont adressé les contrôleurs aériens de Brasilia, de Curitiba, de Manaos et de Salvador dans un Manifeste avant de paralyser le service le 30 mars, d'entamer une grève de la faim et de s'enfermer dans les locaux pour faire pression sur les autorités du Commandement de l'Aéronautique, organe militaire responsable du contrôle du trafic aérien au Brésil 1. A 14 heures, à la fin de leur journée de travail, les contrôleurs de l'équipe du matin du Cindacta-1 (Centre intégré de défense aérienne et contrôle du trafic aérien) de Brasilia, qui contrôle 80 % du trafic aérien du pays et regroupe 120 contrôleurs, décident d'occuper les locaux pour poursuivre le mouvement. Face aux mesures répressives du Commandement de l'Aéronautique, qui ordonne l'arrestation de 16 contrôleurs et menace "d'appliquer le règlement" qui punit d'emprisonnement les "mutins", les contrôleurs décident d'amplifier le mouvement vers d'autres centres de contrôle ; le vendredi, à 18 h 50, ils paralysent 49 des 67 aéroports du pays. La grève est suspendue le samedi 31 à 0 h 30, après que le gouvernement ait annulé les ordres d'emprisonnement de grévistes et se soit engagé à étudier les revendications formulées, principalement la démilitarisation du service des contrôleurs aériens.
Depuis la collision d'avions au Mato Grosso, dans le centre ouest du pays, qui fit 154 victimes le 29 septembre, les contrôleurs ont déjà effectué plusieurs débrayages pour protester contre les accusations du gouvernement et des autorités militaires qui les en rendent responsables. Dans leur Manifeste, les travailleurs se défendent contre ces calomnies : "Six mois après la collision du 29 septembre, aucun signe positif n'a été fait pour résoudre les difficultés rencontrées par les contrôleurs aériens. Au contraire, ces difficultés ne font que s'aggraver. Comme si les difficultés d'ordre technique et de conditions de travail ne suffisaient pas, on nous accuse de sabotage dans le seul but de masquer les failles de gestion du système...". La grève exprime l'indignation des contrôleurs aériens face à la riposte du gouvernement et du haut commandement militaire : "Les mesures de représailles prises par le haut commandement militaire contre les sergents contrôleurs ont provoqué un tel mécontentement que nous ne supporterons plus de nous taire dans un tel contexte d'injustice et d'impunité des véritables responsables du chaos".
Cette grève met à nu toute l'hypocrisie de l'ensemble de la bourgeoisie brésilienne et sa responsabilité dans la crise des transports aériens, tant de la part de la gauche aujourd'hui au gouvernement que de la droite. Celle-ci dénonce l'incapacité du gouvernement Lula et son essaie d'occulter que la détérioration du système de contrôle aérien vient de très loin, bien avant son arrivée au pouvoir. Quant à Lula, il est aussi responsable de la situation, étant de notoriété publique qu'au lieu de travailler à répondre aux besoins de l'ensemble du système aérien, il a accordé la priorité aux investissements du Groupe de transports spéciaux (GTE) qui s'occupe de l'Airbus présidentiel et des vols des hauts dignitaires du gouvernement, civils et militaires. La bourgeoisie tente d'occulter aussi que le déchaînement de la concurrence entre compagnies aériennes, la politique de baisse des coûts, la survente de billets et l'augmentation du nombre de vols conduit le système de contrôle aérien à s'effectuer dans des conditions extrêmes.
L'action des travailleurs a mis le doigt là où ça fait mal. Elle a rendue publique une situation qui restait occulte quand elle n'était pas déformée pour l'ensemble des travailleurs du secteur aérien, des passagers et plus généralement de la population. Cette grève, brève mais ayant un puissant impact, est une manifestation de solidarité des contrôleurs aériens avec les autres travailleurs du secteur et avec la population qui peut être affectée par les accidents aériens. Elle exprime que le prolétariat, par sa lutte consciente, politique et organisée, possède la capacité de réaliser des actions contre le capital en faveur du travail et de l'ensemble de la société, qu'il a les moyens de dépasser l'impuissance à laquelle nous condamne la bourgeoisie.
Syndicats et gouvernement ont été surpris et débordés par les événements. Les autorités aéronautiques croyaient dur comme fer que les contrôleurs reculeraient devant les menaces d'emprisonnement et d'application de la discipline militaire. Ces mesures n'ont fait que radicaliser le mouvement. Face à cette radicalisation qui pouvait avoir des conséquences imprévisibles, Lula lui-même a dû intervenir (alors qu'il se trouvait lui-même dans son confortable Airbus, en route pour aller rencontrer son collègue Bush), faisant appel à toute son expérience de "pompier social" des luttes ouvrières, accumulée quand il était leader syndical à l'ABC de Sao Paulo. Ce n'est pas par "démocratisme" ni parce qu'il est un "président ouvrier" que Lula a obligé les hautes sphères des Forces aériennes brésiliennes à négocier avec les grévistes, mais parce qu'il a une forte expérience de syndicaliste, c'est-à-dire d'agent de l'Etat capitaliste dans le milieu ouvrier. Il a compris que les travailleurs étaient décidés à pousser le conflit jusqu'à ses dernières limites. Il sait très bien que quand se manifeste la colère des travailleurs, elle peut s'étendre comme une traînée de poudre. Il fallait d'abord désamorcer le mouvement.
Les syndicats et associations n'ont rien fait pour soutenir les travailleurs en lutte. Le "Sindicato Nacional dos Trabalhadores de Proteção ao Vôo" (SNTPV), qui regroupe les contrôleurs civils, s'est vu forcé de publier le Manifeste2 sur son site internet. Dans une tentative de diviser les contrôleurs, son président, Jorge Bothelo, est allé jusqu'à déclarer que "le Manifeste avait été signé par les contrôleurs militaires", alors que les contrôleurs civils s'étaient joints à la grève malgré l'opposition du syndicat. Quant aux syndicats des autres secteurs du service aérien, contrôlés par le PT, ils ont soigneusement évité de se prononcer pour ne pas gêner leur chef suprême en voyage à Washington.
Il existe cependant encore beaucoup d'illusions et de pièges autour de ce mouvement. Le Manifeste en exprime certaines quant à l'ouverture "démocratique" du gouvernement et à sa "transparence" : "Le Brésil vit des moments inédits de démocratie et de transparence grâce à la sauvegarde des valeurs éthiques de respect dans les affaires publiques". Les travailleurs ne doivent pas se laisser éblouir par les belles paroles de la gauche, par ses promesses. Elle est la gauche du capital, et utilise en tant que telle l'hypocrisie de la classe dominante. Droite comme gauche alimentent la démocratie bourgeoise, mécanisme politico-idéologique qui permet de maintenir la dictature du capital sur le travail.
Quelques jours après la grève, le gouvernement a déclaré illégal l'accord signé par ses propres représentants et les grévistes, accord qui donnait satisfaction aux revendications. Dans un violent discours adressé à la presse et à la population, le Président Lula a accusé les contrôleurs d'être des "irresponsables" et des "traîtres", pour n'avoir pas respecté les institutions et la hiérarchie militaire : "Les gens doivent savoir que dans un régime démocratique, il est fondamental de respecter les institutions et la hiérarchie" (Folha Online, 5-4-08). Ce discours a ouvert la voie de la répression ouverte, renforçant la volonté des organes militaires de punir, y compris d'incarcérer, les éléments les plus combatifs (ce qu'ils avaient déjà tenté de faire au début du mouvement lorsque 18 contrôleurs avaient été emprisonnés). Les négociations exigées par Lula n'avaient comme but que d'épuiser le mouvement et gagner du temps.
Il est évident que nous ne sommes pas le moins du monde surpris, car les gouvernements, qu'ils soient de droite comme de gauche, ainsi que les syndicats, ne sont que des instruments utilisés par la bourgeoisie pour sauver les intérêts de la classe dominante. Les prolétaires, au Brésil comme partout ailleurs, doivent apprendre quoi qu'il leur en coûte qu'en faisant confiance aux soi-disant libertés démocratiques, aux promesses des patrons et des gouvernants, ils permettent non seulement à la bourgeoisie de combattre les mouvements de lutte, mais qu'ils s'exposent désarmés à de vastes offensives avec leurs cortèges de répressions, de représailles, de licenciements et de violences.
L'explosion du mouvement des contrôleurs nous montre que ni les baïonnettes, ni les syndicats - qu'ils soient contrôlés par des partis de droite ou de gauche - ne peuvent empêcher la lutte du prolétariat. Cette lutte montre que si la gauche du capital, sous les ordres de Lula, est parvenue jusqu'ici à repousser dans le temps les luttes ouvrières, elle ne les a pas fait disparaître. Malgré l'action anti-ouvrière du PT et de la CUT, le prolétariat brésilien vit encore. Dans ce sens, les réformes du travail avancées par le gouvernement Lula peuvent provoquer des réactions dans le prolétariat brésilien 3.
Pour atteindre ses véritables objectifs, le prolétariat doit tirer les leçons de ses propres luttes, des luttes de l'ensemble de la classe, il doit faire la critique de ses illusions sur la capacité d'une société divisée en classes à trouver une issue contre la dégradation des conditions de vie. La grève des contrôleurs aériens a mis en évidence que la force du prolétariat n'est pas seulement quantitative, elle est surtout qualitative. Bien qu'ils ne soient pas plus de 3000, grâce à leur sens élevé de la solidarité, à leur organisation et à leur politisation, et parce qu'ils bénéficiaient du soutien implicite d'importants secteurs de la classe ouvrière, les contrôleurs aériens sont parvenus à s'affronter victorieusement à l'Etat le plus puissant d'Amérique du Sud.
1 Dans leur grande majorité, les contrôleurs aériens au Brésil sont des fonctionnaires militaires ayant le grade de sergent. Sur 2289 contrôleurs, il n'y a que 154 civils.
2 Le texte complet du Manifeste des contrôleurs peut se trouver sur les site du "Sindicato nacional dos trabalhadores de proteção Ao Vôo" (SNTPV), https://www.sntpv.com.br/principal.php [58], qui regroupe les contrôleurs aériens civils. Le syndicat, bien qu'il n'ait pas appelé à la grève, s'est vu obligé de publier le Manifeste sous la pression du mouvement.
3 Le gouvernement développe une réforme législative du droit du travail et des syndicats, sous prétexte de "créer des emplois". Ces réformes, en réalité, ne font que flexibiliser le travail, accentuant la précarisation du prolétariat brésilien pour le plus grand bénéfice du capital national.
Depuis bientôt une quinzaine de jours, des combats d'une violence chaque jour plus exacerbée ont éclaté dans le nord du Liban. Officiellement, on dénombre plus de 90 morts, parmi les soldats libanais et les combattants du Fatah al-Islam, mais aussi dans la population civile palestinienne du camp de Nahr al-Bared, l'un des douze que compte le pays et dans lesquels survivent 400 000 Palestiniens, "réfugiés" de la guerre israélo-arabe de 1969 ! Sur les 31 000 personnes de ce camp, 26 000 ont fui les affrontements, certains pour s'entasser dans le camp voisin de Baddaoui, d'autres dans une errance incertaine, passant de la misère et de la soumission aux lois maffieuses opérés par les groupes palestiniens qui les "protègent" à l'état de bêtes parquées ici et là sous la surveillance de la Croix Rouge et de l'ONU. Pour les 5000 Palestiniens restants, c'est purement et simplement l'horreur. Pris sous le feu croisé des forces libanaises qui encerclent et mitraillent ou bombardent à coups de missiles le camp, et de celles du Fatah al-Islam qui s'en servent de boucliers humains, hommes, femmes, enfants sont étranglés dans une terrible souricière.
Ce sont la décision de l'ONU de constituer un tribunal "à caractère international" chargé de juger les assassins de Rafic Hariri et la perspective d'élections présidentielles au Liban qui ont été les éléments déclencheurs de cet engrenage dans une violence jamais vue depuis le début des années 1970, au plus fort de la Guerre froide. Evidemment, la Syrie est particulièrement visée. L'apparition récente du groupe Hamas al-Islam, scission apparentée à Al-Qaïda d'un groupe pro-syrien, le Hamas Intifada, lui-même issu du vieux FPLP de George Habache opposé à Yasser Arafat et basé à Damas, ne peut que jeter la suspicion sur le rôle de l'Etat syrien dans la situation actuelle. Et cela d'autant que ce groupuscule ne présente aucune revendication palestinienne. De plus, le refus radical de création de ce tribunal par la Syrie, qu'elle rejette d'autant plus violemment que des responsables syriens ont été officiellement mis en cause, vient montrer à nouveau du doigt son implication dans le meurtre d'Hariri. Souvenons-nous que l'assassinat du dirigeant libanais en 2005 avait eu pour conséquence le départ des forces syriennes du Golan que revendique historiquement la Syrie et qui est une pomme de discorde permanente dans les relations entre Damas et Beyrouth.
Bien sûr, la "communauté internationale" s'émeut d'une telle situation, dans un pays qui compte 4500 casques bleus, cette "armée internationale de la paix", c'est-à-dire la plus grande concentration des forces de l'ONU au monde. Et ce sont la France et les Etats-Unis, pour cette fois apparemment sur la même longueur d'onde, qui ont été les plus prompts à proposer leurs bons offices. "Le gouvernement libanais fait ce qu'il a besoin de faire pour combattre un groupe terroriste très dangereux et pour rétablir la loi et l'ordre dans le pays", entendait-on à Washington le 25 mai. Et dans la même foulée, six avions-cargos américains bourrés d'armes et de munitions arrivaient donc au Liban afin de "soutenir" l'action de l'armée de Beyrouth.
Dans sa visite de "solidarité" au Liban, l'indispensable "french doctor" Kouchner, intangible amoureux des caméras, déclarait quant à lui que "la politique française [était] inchangée" et proposait sans réserve la fourniture d'équipements et d'armements militaires, bien sûr "humanitaires", au gouvernement libanais.
C'est clair, ces deux requins impérialistes ne font qu'attiser les affrontements guerriers et y participent même directement. La France et les Etats-Unis sont en effet directement intéressés à intervenir dans la situation au Liban.
Pour les Etats-Unis, qui avaient laissé le Golan à la Syrie au début des années 1990 pour lui rétribuer sa collaboration avec Washington tout en coupant le pied aux velléités impérialistes françaises au Liban, il s'agit de faire payer à la Syrie son soutien aux forces sunnites pro-irakiennes et aux terroristes d'Al-Qaïda qui sont stationnés et soutenus par la Syrie depuis l'invasion américaine en Irak. Aussi, la Maison Blanche ne va pas lésiner sur les moyens offerts à Beyrouth pour taper fort contre l'incursion effectuée par la Syrie à travers le Fath al-Islam.
Pour la France, dont les intérêts au Moyen-Orient sont toujours principalement passés par le Liban, il s'agit de tenter par tous les moyens de faire un retour dans le pays. Après le départ forcé en 1992 du général pro-français Michel Aoun, que les Etats-Unis avaient contraint de partir pour mieux permettre à la Syrie de s'installer dans le Golan et aux rênes de l'Etat libanais via des hommes dévoués à sa cause, l'Etat français n'a cessé de faire des pieds et des mains pour rétablir son influence dans la région.
Aussi, il n'est nullement question de voir une alliance entre l'Amérique et la France en vue d'instaurer la paix au Liban comme dans l'ensemble de la région. Tout au contraire, c'est une véritable concurrence impérialiste qui anime leurs intentions, concurrence qui n'augure strictement rien d'autre que de nouveaux affrontements et une nouvelle accélération des conflits guerriers dans cette zone du monde.
Leurs discours mensongers voudraient nous faire croire qu'un objectif commun les pousserait à régler la question. Loin s'en faut. S'ils ont le même intérêt à voir la Syrie et les terroristes du Hamas al-Islam reprendre leurs billes du Liban et déguerpir, il n'en va pas de même pour le Liban qui restera un enjeu d'importance pour ces deux concurrents impérialistes au Moyen-Orient. Pour les Etats-Unis, la stabilisation du Liban leur permet de contrôler la Syrie et de maintenir la pression sur ce pays qui est une base arrière des forces anti-américaines en Irak. Pour la France, c'est à la fois la question de continuer à prétendre au statut de puissance impérialiste mondiale "qui compte" dans la question moyen-orientale et aussi de continuer à détenir un appui dans cette région pour saboter la politique militaire et stratégique des Etats-Unis, que ce soit en Irak comme dans l'ensemble du Proche et du Moyen-Orient.
La poudrière que constitue le Proche et le Moyen-Orient n'est pas prête de s'éteindre. Les évènements au Liban ont leur pendant dans les territoires occupés de la Bande de Gaza que pilonne l'armée israélienne depuis des semaines. Et l'on retrouve les mêmes protagonistes des pays développés, bons samaritains toujours prêts comme le "Quartette pour la paix au Proche-Orient" (Union européenne, Etats-Unis, Nations unies et Russie) qui appelle en vain à l'arrêt des violences entre Israël et le Hamas dans la Bande de Gaza, comme celles entre le Hamas et le Fatah dans le Nord du Liban.
La véracité des déclarations de bonnes intentions de tous ceux qui gouvernent le monde est à mesurer à l'aune de ce qu'ils font subir partout aux populations et à la classe ouvrière : misère, sueur et sang. C'est le seul langage de la bourgeoisie, c'est le langage du capitalisme.
Mulan (2 juin)
Le 4 mai et les jours suivants se commémorait le 70e anniversaire des tragiques événements de mai 1937 où le gouvernement de la République - avec la complicité directe des dirigeants de la CNT et du POUM 1 - ont massacré les ouvriers de Barcelone qui s'étaient soulevés, exaspérés par une exploitation brutale accrue par "l'effort" de guerre. Nous pensons qu'un large débat est indispensable aujourd'hui pour tirer les leçons de ces événements-là et pour y contribuer, nous reproduisons ci-dessous l'article d'intervention que nos prédécesseurs, la Gauche communiste d'Italie et de Belgique avaient publié à cette époque dans la revue Bilan (1933-1938). Nous espérons ainsi susciter un débat sincère et ouvert allant jusqu'au fond des choses, permettant aux générations actuelles de la classe ouvrière de tous les pays qui n'ont pas vécu cette tragédie de se renforcer dans leur lutte contre un capitalisme chaque fois plus barbare et inhumain.
Courant communiste international (1er mai 2007)
1) Le Parti ouvrier d'unification marxiste (ou POUM, en espagnol Partido obrero de unificación marxista) était une organisation espagnole proche des trotskistes, créée en 1935 et dissoute en 1937, qui a participé activement à la Guerre d'Espagne contre le général Franco.
A peine investi, le gouvernement Fillon-Sarkozy démarre sur les chapeaux de roue et prouve aux travailleurs que son titre de « droite décomplexée » n'est pas une plaisanterie. En effet, le nouveau gouvernement n'a même pas attendu la fin des élections législatives pour mettre en chantier une série d'attaques lourdes : heures supplémentaires, obstacles à l'accès aux soins, hausse des impôts indirects, suppressions massives de postes dans la fonction publique (notamment entre dix et vingt mille chez les enseignants)... Bref, un avant-goût pour l'avenir qui traduit finalement en acte ce « changement de vie » tant annoncé par la classe politique française tout au long des campagnes électorales de 2007.
« Travailler plus pour gagner plus » : l'annonce phare du candidat Sarkozy sera donc le premier coup de boutoir.
En effet, depuis le 6 juin, un texte préparant la défiscalisation des heures supplémentaires a été déposé pour être adopté cet été et appliqué dès le 1er octobre. Avec cette détaxation, les heures supplémentaires coûteront aux employeurs (privé/public) presque la même chose que des heures ordinaires. Il serait dommage de ne pas en profiter ! La porte est donc grande ouverte et le signal donné aux employeurs pour qu'ils utilisent au maximum le contingent de 220 heures supplémentaires autorisées par an. Les salariés seront vite contraints dans ces conditions aux dépassements horaires mais, « gracieuse compensation », pour « gagner plus »... quelques euros de plus ! Les ouvriers de l'usine Kronenbourg à Obernai, en grève début juin, ont bien compris de leur côté qu'il s'agissait en fait de «Travailler plus pour mourir plus vite ». Alors que la loi facilitant le recours aux heures supplémentaires n'est pas encore entrée en vigueur, les salariés de Kronenbourg enchaînent, depuis le mois de mai, les semaines de 50 heures et ont l'impression de « passer leur vie au boulot ». « Cela fait quatre semaines que j'arrête de travailler à 6 h du matin le dimanche et que je reprends lundi à 6 h », expliquait un salarié.
Cette politique de défiscalisation, visant à alléger les charges patronales a toutefois son revers : où l'Etat va-t-il puiser ses recettes ? Très simple, il suffit de pressurer davantage la classe ouvrière. C'est Jean-Louis Borloo qui (bien malgré lui) a lâché le morceau sur le plateau de TF1 au soir du 1er tour des législatives : « On va regarder l'ensemble des sujets, y compris l'éventualité de la TVA. » L'augmentation de l'impôt indirect sur la consommation impliquant, de facto, une baisse drastique du pouvoir d'achat des ménages.
Aussi, en matière de soins, l'instauration d'une nouvelle franchise d'ici l'automne prochain viendra accentuer la longue marche de démolition du système de santé mise en œuvre à tour de rôle par la droite et la gauche.
Ainsi, chaque année, lors de la première visite chez le médecin ou à l'hôpital, lors du premier examen en laboratoire ou du premier achat de médicament, le malade devra payer une franchise avant de prétendre à un remboursement par la Sécu.
L'objectif ici est sans équivoque, faire des remboursements médicaux un parcours du combattant tel que les malades finiront par renoncer tout simplement à se soigner. En effet, d'ores et déjà, les réformes en vigueur depuis 2004 (déremboursement de médicaments, franchise de 1 euro sur tout acte médical 1, augmentation du forfait hospitalier qui atteint aujourd'hui 18 euros par jour) amènent de plus en plus de personnes à retarder leurs soins ou à accumuler des dettes vis-à-vis de l'hôpital.
Et si la gauche avait gagné les élections, l'avenir n'aurait-il pas été plus radieux... ou moins âpre ? Loin s'en faut !
Pour s'en convaincre, il suffit de voir l'échafaudage du gouvernement en charge de toutes ces attaques. En effet, dans celui-ci, quelques têtes (et pas des moindres) de la gauche (politique et associative) côtoient fraternellement les figures de la droite sarkozyste. Illustration, on ne peut plus brillante, de la formule de campagne de Ségolène Royal, le « gagnant, gagnant » ! Ainsi, non contente d'avoir endigué la vague bleue redoutée au 1er tour des législatives, la gauche se paye le luxe de gagner des sièges... au sein même du gouvernement Fillon II.
Jusqu'à présent, gauche et droite se succédaient au pouvoir tout en assurant la continuité des attaques sur les grands dossiers (santé, retraite, emploi, etc.). Aujourd'hui, le « nouveau style » présidentiel veut que ces coups contre la classe ouvrière soient portés collégialement par un gouvernement de droite où le confrère de gauche a sa place : Kouchner (l'humanitaire sans frontières), Jouyet (l'intime de l'ex-couple Hollande/Royal), Hirsch (le petit frère des pauvres qui a vite compris que charité bien ordonnée commence par soi-même) jusqu'aux derniers entrants du maire PS de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, à Fadela Amara (présidente de l'association « Ni Putes Ni Soumises », mais tout compte fait un peu « pute » quand même). La bourgeoisie avait pourtant insisté pour nous faire croire que la gauche et la droite « ce n'est pas blanc bonnet et bonnet blanc ». Une députée PS des Deux-Sèvres déclarait ainsi avant le 1er tour présidentiel que « la gauche et la droite, ce n'est pas la même chose... ce sont deux façons de voir le monde, deux façons de distribuer le fruit du travail ». Ben voyons !
Aussi, l'extrême gauche dans l'entre deux tour, sur le thème du "Tout Sauf Sarkozy", nous avait fait passer exactement le même message.
Tant d'efforts, d'acharnement idéologique et patatras... des élus de la gauche font leur « coming out » en embrassant goulûment Sarkozy.
Le PS peut toujours expliquer que ce ne sont là que des Judas, de vils traîtres qui ont vendu leur « idéal social » au diable pour un plat de lentilles . Il n'empêche que la greffe n'aurait jamais été possible sans une compatibilité certaine.
Sarkozy n'aura eu d'ailleurs que l'embarras du choix dans le grand magasin de la gauche. Encore aujourd'hui les dirigeants historiques, et parmi les plus influents du PS, les DSK, Fabius ou Jack Lang, donnent la patte et remuent la queue sur le péron de l'Elysée dans l'espoir d'être honorés de quelque poste clef (présidence du FMI) ou autres missions ministérielles.
Malek Boutih (ancien président de SOS Racisme et membre du PS) s'est lui aussi habilement positionné en tête de gondole en accueillant la nomination de Fadela Amara comme une « bonne nouvelle » ! « On ne peut pas, au nom des clivages politiciens, condamner les personnes. »
Mais de quel clivage parle-t-il ? S'agit-il de celui opposant une gauche « historiquement ancrée dans le social », « étrangère » et « ennemie héréditaire» d'une droite « attachée aux patronat »... franchement, la supercherie qui avait déjà bien du plomb dans l'aile, vole désormais aussi bien qu'une enclume.
La hâte de ces quelques élus socialistes ou associatifs de gauche à rejoindre le gouvernement Fillon, après avoir mené campagne (férocement) contre Sarkozy, de même que la récente déclaration de Ségolène Royal avouant n'avoir jamais cru au programme du PS qu'elle défendait (notamment sur le SMIC à 1500 euros) en dit long sur le genre de convictions qui animent ces vedettes de la gauche, prétendus défenseurs de la classe ouvrière et des pauvres.
Finalement, la seule chose dont ils sont convaincus, et dont nous devons nous convaincre, c'est de leur appartenance, corps et âme, à la classe exploiteuse.
Jude (28 juin)
1 Le directeur de la CNAM vient de présenter par ailleurs un plan de redressement des comptes de la Sécu prévoyant de réaliser 1,455 milliard d'euros d'économie. Ainsi, la Sécu ne remboursera plus qu'à 50% les actes médicaux délivrés à des patients ne passant pas par un médecin traitant référent et le forfait de 1 euro qui ne pouvait être prélevé que pour un seul acte par jour pourrait l'être jusqu'à 4 actes par jour dans la limite d'un plafond annuel de 50 euros.
"Pour un Etat palestinien libre et autonome"... voici le mot d'ordre scandé depuis des décennies par tous les gauchistes de la planète. Dénonçant la politique barbare de l'Etat d'Israël et les conditions de vie inhumaines des populations de Gaza ou de Cisjordanie, leur "solution" a toujours été de souhaiter la création d'une vraie nation palestinienne, avec son Etat, son armée, sa bourgeoisie.
Les populations de cette région du monde sont effectivement en proie en permanence à la misère, à la répression violente et à la guerre. Mais, contrairement aux apparences, toutes les "bonnes intentions" avancées par les gauchistes, leurs larmes et leur cris humanistes ne font que justifier toujours plus d'horreur et de morts. La perspective d'un Etat palestinien autonome est une impasse. Pire, elle a toujours été un mythe servant à embrigader les populations palestiniennes dans des combats sanguinaires, utilisant leur colère et leur désespoir pour alimenter en chair à canon la boucherie impérialiste du Moyen-Orient.
Les combats inter-palestiniens de ces dernières semaines en sont une nouvelle preuve flagrante. La population est prise entre le feu de deux fractions corrompues et surarmées, censées construire ensemble ce bel "Etat autonome plus humain". La guerre qui fait rage entre le Hamas et le Fatah plonge en fait la population encore un peu plus dans la faim, la terreur et le chaos.
Pourquoi qualifier le vœu d'un Etat autonome palestinien de mythe? Le processus de paix enclenché après la première Intifada de 1987 n'a-t-il pas prouvé le contraire ? En effet, à la fin des années 1980, des discussions officielles entre Israël et des représentants de la bourgeoisie palestinienne furent ouvertes. L'Organisation de Libération de la Palestine (OLP 1) fut reconnue "représentant du peuple palestinien" par l'Organisation des Nations Unies. Cette organisation palestinienne négocia ensuite les accords d'Oslo avec le gouvernement israélien de Yitzak Rabin, donnant naissance à l'Autorité palestinienne. Ayant proclamé en 1988 un Etat de Palestine, l'OLP va siéger à l'ONU en tant qu'observateur permanent. En 1996, l'OLP modifie même sa charte qui visait la destruction de l'Etat d'Israël. Mais en réalité, tout ce processus montre justement qu'il ne peut y avoir d'Etat palestinien autonome. Tous ces accords, toutes ces "avancées", ces "reconnaissances" se sont faites sous l'autorité américaine. Pendant ces années, l'Etat américain avait, en tant que super-puissance, les moyens de freiner les velléités impérialistes de tous les rapaces impliqués dans cette région du globe, y compris l'Etat d'Israël. Son intérêt était alors d'avoir sous sa coupe et sa domination une Palestine la plus calme possible.
Et c'est toujours pour défendre ses intérêts impérialistes qu'à la fin des années 1990, les Etats-Unis vont être contraints de changer de stratégie et de mener, aux côtés de la bourgeoisie israélienne, une politique toujours plus offensive en direction de la bourgeoisie palestinienne. Immédiatement, le « peuple » palestinien va se retrouver dans la misère et le désespoir.
La seconde Intifada, en 2000, mettra cruellement en lumière cet état de dénuement. Qui ne se souvient pas de ces gosses en haillons jetant des pierres aux chars israéliens ! Qui ne se souvient pas de ces populations parquées et assassinées dans des camps ! Il n'en fallait pas plus à l'Autorité palestinienne et à l'OLP pour déverser à flot son poison nationaliste comme aux gauchistes de tout poil pour crier de plus belle au droit des palestiniens à avoir un Etat bien à eux ! Ce langage nationaliste n'hésitait pas à cacher tous les scandales, escroqueries et assassinats auxquels se livraient les différentes fractions bourgeoises palestiniennes composant l'OLP, dont le Fatah et le Hamas.
Aujourd'hui, ce conflit entre le Hamas et le Fatah ne peut plus être caché. Il s'est transformé en une guerre totale où l'ennemi doit être exterminé. Et chacune de ces deux fractions bourgeoises s'est alliée à des puissances impérialistes étrangères. Voilà le vrai visage, celui du sang, de la guerre et des alliances impérialistes, des fractions bourgeoises de la Palestine que nos chers gauchistes voudraient nous faire soutenir !
Gaza est aujourd'hui aux mains du Hamas, et est rebaptisé le « Hamastan ». Cette fraction, créée en 1978 par le Cheikh Yassine, est de tendance sunnite. Sa branche militaire est connue sous le nom de Moudjahidin. On retrouve des camps d'entraînement de ses combattants au Liban, au Soudan et en Iran chiite. En apportant leur soutien, la Syrie et surtout l'Iran espèrent profiter de l'affaiblissement américain et avancer leurs pions.
Quant au Fatah, ce n'est pas un hasard si ses combattants armés ont pu fuir en Egypte ou en Jordanie. Dans les pays arabes, les communautés Chiites et Sunnites sont de plus en plus prêtes à l'affrontement. Des pays à majorité sunnite tels que l'Egypte, la Jordanie ou encore l'Arabie Saoudite sont particulièrement inquiets de la montée en puissance de l'Iran chiite. Ces nations s'empressent donc d'apporter leur soutien au gouvernement moribond de Mahamoud Abbas. Toute cette agitation n'a rien à voir avec un quelconque souci pour les populations palestiniennes de Gaza. En effet l'inquiétude est telle que l'Egypte vient de proposer l'idée d'un déploiement d'une force internationale à Gaza, qui pourrait se faire sans l'accord de la « Palestine » et d'Israël.
Tous ces requins impérialistes, du plus gros aux plus petits, se sont réunis ces derniers jours pour tenter d'enrayer le développement de ce chaos. A Charm el-Cheick, en Egypte, vient de se tenir un sommet réunissant MM Abbas et le chef du gouvernement israélien Olmert, le président égyptien Hosni Moubarak et le roi Abdallah de Jordanie. Tout ce beau monde se retrouve afin de voir comment soutenir les lambeaux restants du pouvoir du Fatah, notamment en Cisjordanie. M Olmert n'a pas hésité ce jour-là, afin d'aider au mieux le gouvernement de M Abbas, de proclamer la libération prochaine de 250 prisonniers du Fatah.
Le drame de Gaza est le révélateur que toute la région d'Asie du Sud-Ouest est au bord du gouffre. Dans cette région, il existe aujourd'hui quatre épicentres de conflits et de tensions : l'Irak, l'Iran, la Syrie, et le Liban, sans oublier le conflit israélo-palestinien. Tout en développant leur propre logique guerrière et barbare, ces conflits sont en train désormais de s'entremêler de telle manière qu'il est désormais impossible de séparer leur dynamique profonde. Quelques semaines avant la guerre interpalestiniene à Gaza, les affrontements entre l'armée libanaise et les milices armées du Fatah Al-Islam, probablement soutenues par la Syrie, dans le camp palestinien de Nahr El bared au nord du Liban, en furent une concrétisation sanglante. Et le Courrier International du 5 juin dernier dans une revue de la presse israélienne peut alors avancer froidement : « La presse israélienne commente l'opportunité de déclencher des opérations militaires contre Damas dès cet été et interpelle les responsables politiques afin de prendre une décision. ». Le chaos de Gaza ne peut que s'étendre dans tous les camps palestiniens, au Liban et en Cisjordanie. Le gouvernement palestinien de Mahmoud Abbas qui ne règne plus que sur quelques camps de Cisjordanie est appelé à s'affaiblir toujours plus. Et l'affrontement entre le Fatah et le Hamas, malgré les paroles apaisantes de ces derniers jours, va s'amplifier. La cause de la nation palestinienne n'a toujours été qu'une mystification aux mains des différentes fractions bourgeoises palestiniennes, pour entraîner le prolétariat et la population dans des boucheries qui ne les ont jamais concernés. Avec la guerre à outrance que se livrent maintenant sans retenue le Hamas et le Fatah, il apparaît clairement où mène une telle politique : à la barbarie et au néant.
Rossi (6 juillet)
1 L'OLP fut créée en 1964 et composée de plusieurs organisations dont le Fatah, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et le Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP).
Après tout le battage autour du film documentaire d'Al Gore Une vérité qui dérange, après les sommets du GIEC de Paris à Bangkok, tous les grands de ce monde déclarent haut et fort leur volonté d'agir pour protéger l'environnement et assurer l'avenir des générations futures. Cependant, malgré les précédentes déclarations enflammées du sommet de la Terre à Rio (1992) ou les résolutions du Protocole de Kyoto (1998), c'est à vue d'œil qu'augmente la pollution et que les menaces liées à un dérèglement climatique s'amplifient.
Dans l'enchevêtrement de ces déclarations et campagnes mystificatrices, les causes réelles de ce phénomène dramatique sont habilement cachées et les questions sur les solutions possibles demeurent inlassablement sans réponse .
Pour stimuler le processus de réflexion sur les dangers et les racines du réchauffement climatique, le CCI a organisé différentes réunions publiques. Ce fut entre autres le cas à Bruxelles, le 17 mars dernier. Nous publions ci-dessous l'exposé introductif de cette réunion, ainsi que les grandes lignes du débat qui l'ont suivi.
C'est maintenant officiel: le rapport de l'ONU sur le climat nous dit qu'en ce moment des changements climatiques menaçants sont à l'œuvre et seront encore plus sensibles à l'avenir. La chose est certaine et nous pouvons nous attendre aux plus graves scénarios-catastrophes : disparition d'écosystèmes entiers, sécheresse et vagues de chaleur mortelles, tempêtes toujours plus fréquentes et intenses, apparition d'une migration d'un nouveau genre, les « réfugiés climatiques », etc.
Ces changements climatiques sont-ils dus à "l'Homme", à "l'humanité", comme nous le suggère le rapport de l'ONU ? Le journal De Morgen titre : "C'est presque certain : c'est notre faute", en se référant au rapport des Nations Unies où il est dit que "l'Homme" est presque certainement responsable du réchauffement de la terre à cause de l'utilisation des combustibles fossiles. "L'humanité" ? Un monstre d'égoïsme, incapable de penser aux générations suivantes ? Non, la cause du phénomène n'est pas "l'Homme" ou "l'humanité".
Alors, la cause des changements climatiques est-elle l'individu ? Nous utiliserions trop d'énergie, trop d'eau, nous roulerions trop en voiture. C'est ce que nous racontent toujours les médias. Serait-ce à chaque individu d'adapter son comportement de consommateur ou sa consommation d'énergie ? Mais dans la société actuelle, on ne peut choisir qu'entre une voiture polluante et une moins polluante, entre un moyen de chauffage polluant mais meilleur marché et des panneaux solaires, plus chers. Pourquoi travaillons-nous la nuit, à la lumière artificielle, au lieu de travailler de jour, à la lumière du soleil ? Non, la faute n'incombe pas plus aux individus.
La source du phénomène est-elle l'industrie ? En elle-même, l'industrie n'est pas quelque chose de mauvais. En effet, pour la première fois dans l'histoire, le développement des forces productives offre la possibilité de produire suffisamment pour tous. Grâce à l'industrie, les besoins de base de tous les hommes peuvent potentiellement être satisfaits.
La responsabilité des changements climatiques incombe à la société capitaliste, au système de production capitaliste. La véritable origine des changements climatiques n'est effectivement pas dans la "nature destructrice de l'homme", ou dans les "comportements consciemment ou inconsciemment polluants de l'individu", ou enfin dans l'appareil de production en tant que tel, mais dans la manière dont l'industrie, la science et la technique sont aujourd'hui utilisées et développées, donc dans le système de production actuel. Car si les techniques actuelles et les connaissances scientifiques nous permettent de limiter, voire d'éviter la catastrophe écologique, alors pourquoi la société capitaliste ne nous offre-t-elle pas cette possibilité ?
Pouvons-nous résoudre le problème du changement climatique au sein de la présente société capitaliste, des structures économiques, politiques et sociales actuelles ? L'Etat, ou une association d'Etats peuvent-ils résoudre le problème ? C'est la question suivante qu'il faut se poser. Est-ce que le capitalisme peut sauver l'humanité, par exemple au travers de ses structures politiques, de son Etat ? On peut légitimement en douter. Vera Dua, présidente de Groen!, écrivait en mars 2007 sur le site de ce groupe: "On émet à peine moins de CO2 qu'au début des années 1990. Alors qu'il est maintenant clair que dans la période d'après Kyoto, des efforts encore beaucoup plus importants devront être faits". C'est donc très clair : même la bourgeoisie concède que son protocole "révolutionnaire" de Kyoto n'apporte rien. Et que signifient concrètement ces "efforts beaucoup plus importants" ? Payer plus cher les sacs-poubelles, l'électricité et l'eau ? Céder une part du salaire de chacun "pour l'environnement" ? Les Etats du monde entier peuvent-ils s'unir par-dessus les frontières et former un bloc pour prévenir cette catastrophe ? Si les pourparlers entre Etats produisent des résultats au même rythme qu'au récent sommet européen sur le climat, c'est mal parti.
Au sens large, ce problème écologique en revient à poser la question de savoir si le capitalisme peut satisfaire les besoins humains, et donc aussi s'il est capable d'assurer à chacun un environnement sain. Si ce système d'exploitation existait pour satisfaire les besoins humains, on n'aurait pas en même temps une surproduction de nourriture et des famines, on utiliserait depuis longtemps des moyens de transport non polluants, et on développerait la science dans d'autres directions que la production d'armes.
La dernière question, peut-être la plus importante à laquelle il faudrait répondre, est : quelle alternative à la société capitaliste, qui semble être à l'origine de cette misère écologique ? Le débat est ouvert.
Rapidement, la discussion a tourné autour de la question "Quelles sont alors les causes? La nature humaine ? L'individu ? Le capitalisme ?". Le deuxième rapport du GIEC désigne l'homme et l'individu consommateur comme un pollueur: "chacun participe à la problématique (voiture, sacs plastique, chauffage...)", c'est comme ça qu'il pose le problème. Mais tout est individualisé, bâti selon les règles de la concurrence mortelle, et n'a donc pas de solution individuelle, ont répondu les participants. Ce rapport n'apporte qu'un sentiment de culpabilité.
Différents intervenants ont essayé de montrer qu'effectivement, l'homme modifie son environnement, la nature, et que les modifications climatiques ne sont pas seulement un phénomène naturel, mais sont de plus en plus provoquées par l'activité humaine. Lorsque le système capitaliste est entré en décadence au début du vingtième siècle, les ravages sur le milieu naturel ont pris une autre dimension. Ils deviennent impitoyables, comme est impitoyable la lutte que se livrent entre eux les rats capitalistes pour se maintenir sur le marché mondial. Réduire les coûts de production au minimum pour être aussi concurrentiel que possible devient une règle incontournable pour survivre. Dans ce contexte, les mesures visant à endiguer la pollution industrielle deviennent naturellement un surcoût inacceptable. Le capitalisme ne s'est jamais beaucoup préoccupé du bien-être de la planète ou de l'humanité, mais avec sa faillite historique, c'est devenu beaucoup plus grave et le processus s'accélère. L'accumulation de capital est le but premier de la production capitaliste, et le sort imposé à l'humanité ou à l'environnement n'a aucune importance... : tant que ça rapporte, c'est bon. Le reste est finalement quantité négligeable, un détail sans importance.
Les campagnes idéologiques qui sont menées actuellement à grand bruit cherchent à empêcher la prise de conscience du fait que la logique capitaliste est l'unique responsable de ce réchauffement climatique. Plus fort, le problème est exploité pour exiger des sacrifices, non de la part de la bourgeoisie, mais de celle de la classe ouvrière. Sous différentes formes, des mesures d'austérité et des impôts "pour l'environnement" sont mis en œuvre par des moyens détournés (journée pull-overs, dimanches sans voiture, journée du vélo, taxe sur les vieilles voitures, sur les sacs plastique, sur le chauffage...). Mais ce n'est pas tout. La problématique est également utilisée dans la bataille concurrentielle avec d'autres pays. Ainsi, on essaye d'imposer des normes écologiques à la Chine pour protéger ses propres marchés.
La participation active au débat de la majorité des participants a fait qu'il ne restait plus de temps pour une discussion approfondie sur les alternatives et les solutions durables. Différents participants ont tout de même montré par de nombreux exemples que, déjà avec le niveau actuel de la science et de la technologie, beaucoup de choses sont possibles avec des conséquences beaucoup moins nuisibles. C'est ainsi entre autres qu'on a parlé de projets spectaculaires mis en oeuvre dans différentes parties du monde par un bureau d'architectes de New York. Mais la discussion a rapidement montré qu'aujourd'hui, de telles expériences ne voient le jour qu'à la condition de mener à un profit suffisant. Dans un certain nombre de cas, ces projets ne servent qu'à donner une image de "bonne volonté" pour pallier la mauvaise réputation d'entreprises polluantes (par exemple, Shell, Nike, Monsanto...). Mais cette discussion a révélé qu'implicitement, sur le plan scientifique et technologique, les jalons d'une autre manière de produire et de vivre sont présents. Les intervenants étaient d'accord que la seule entrave à la réalisation de cette alternative était celle du capitalisme et des lois du marché, pas les limites de la technologie ou de la science.
La plupart étaient d'accord sur la nature et la gravité des problèmes, et aussi avec l'analyse globale développée par le CCI. Et surtout, tous étaient d'accord que la création d'une société centrée sur l'homme et son avenir est devenue un besoin urgent.
D'après Internationalisme n°331, publication du CCI en Belgique
L'objectif du projet de réforme des universités ne fait pas mystère. Derrière l'hypocrite intitulé "développement de l'autonomie" et contrairement à ce qu'il prétend, l'Etat français veut réduire les dépenses et coupe encore un peu plus le robinet à l'enseignement supérieur. En se contentant de financer quelques pôles universitaires de haut rang, capables d'alimenter la recherche et les innovations industrielles, il condamne les autres à devenir de véritables "facs poubelles". En perspective, cette attaque contient évidemment aussi la hausse progressive des frais d'inscription : quitte à ce que les enfants d'ouvriers fassent des études qui ne débouchent sur rien, autant qu'elles leur coûtent un maximum.
Pour mieux faire passer cette attaque, l'Etat a pu une nouvelle fois compter sur ses chiens de garde, les syndicats... en l'occurence, les syndicats étudiants. Ces derniers ont parfaitement joué leur rôle, gonflant le torse devant le gouvernement Fillon juste ce qu'il faut pour être crédibles et focaliser l'attention sur une quantité d'alinéas sans importance de la loi (tel que le nombre de représentants étudiants aux Conseils d'administration). Mais le pire est sans conteste le fait qu'ils aient mené ce sale boulot en revendiquant la paternité du mouvement anti-CPE.
Parfois, les journalistes nous en racontent de bien bonnes. N'hésitant pas à ré-écrire l'histoire, les médias ont en effet présenté les jeunes bonzes syndicaux assis à la table des négociations gouvernementales comme les chefs légitimes du mouvement du printemps 2006. Bruno Julliard, président de l'Union Nationale des Etudiants de France (Unef, véritable marionnette du Parti socialiste) est ainsi élevé par ces plumitifs au rang de "leader [...] de la révolte anti-CPE", un « combattant » qui n'hésite pas à menacer Sarkozy en personne : "Le leader anti-CPE tient Sarkozy et sa réforme de l'université en ligne de mire"[1] [2].
Halte-là et bas les pattes ! Si une chose est sûre, c'est que la lutte contre le CPE n'appartient pas aux syndicats ! L'UNEF, la Confédération étudiante, la Fédération Syndicale Etudiante (FSE), tous n'ont eu de cesse, derrière leurs beaux discours, de mettre des bâtons dans les roues aux étudiants en lutte, d'endiguer l'extension du mouvement vers l'ensemble de la classe ouvrière.
Les plus grandes résistances à l'ouverture des assemblées générales aux travailleurs, aux retraités, aux chômeurs, sont venues explicitement des membres patentés du syndicat étudiant Unef. Lors d'une réunion de la coordination nationale le samedi 4 mars à l'université Jussieu à Paris, des militants du CCI se retrouvent parmi une trentaine d'ouvriers bloqués devant les portes de l'amphithéâtre. Les militants de l'UNEF refusent de nous laisser entrer sous prétexte de "protéger l'assemblée et de veiller à son bon déroulement". Un Rmiste, venu de Lyon tout spécialement pour témoigner sa solidarité, en reste sidéré. Il faudra que les étudiants se revendiquant "non syndiqués" affirment et ré-affirment pendant plus de deux heures à la tribune de l'AG leur volonté de nous laisser entrer (tout en venant nous informer régulièrement de l'état de la discussion) pour qu'enfin les portes s'ouvrent. Ce sabotage caractéristique de la part d'officines syndicales n'est pas une simple anecdote, un fait isolé. Au fur et à mesure du développement du mouvement, de plus en plus d'étudiants ont pris conscience du véritable rôle de l'Unef. Ainsi, scandé par des dizaines de jeunes, a retenti dans l'amphithéâtre de l'université de Tolbiac à Paris un message sans ambiguïté: "UNEF-MEDEF... UNEF-MEDEF !..."
L'UNEF a transmis à toutes ses sections dès le début de la lutte une véritable recette pour le noyautage des AG et leur sabotage. Ce document édifiant intitulé "CPE : Fiche pratique de mobilisation" [3] a circulé entre les mains de centaines d'étudiants. En voici un petit extrait : "La tribune [...] est un outil technique important pour le bon déroulement de l'AG, il faut donc la maîtriser parfaitement. [...] Il faut donc absolument que l'UNEF y soit représentée et même majoritaire si possible. [...] Le président de séance : le mieux c'est que ce soit la personne de l'UNEF." Pourquoi vouloir à tout prix maîtriser la tribune ? Pour "le bon déroulement de l'AG" ? Pas du tout, puisqu'il s'agit en fait de "limiter dès le début le temps d'intervention pour tous et intercaler un mec UNEF et autres forces mais sans que cela soit visible" et toujours plus fort "il faut absolument un ou deux cadres qui soient chargés de gérer la salle, faire intervenir les camarades pour que l'UNEF ou des proches UNEF interviennent dans notre sens, aller parler aux gauchistes ou droitiers pour les occuper et minimiser leur prise de parole" (souligné par nous).
Ces méthodes crapuleuses pour accaparer le contrôle des AG sont à l'opposé de la nature réelle du mouvement anti-CPE, marqué par la volonté des étudiants de débattre, de façon ouverte et fraternelle, entre eux et avec toute la classe ouvrière. Ce travail de sape de l'UNEF avait pour but de limiter l'extension du mouvement, d'en faire un problème purement estudiantin, pour que surtout les ouvriers ne se joignent pas à la lutte. En voici une nouvelle preuve toujours tirée de la fameuse "Fiche pratique" : "Les AG doivent débattre du CPE et pas de toutes les réformes gouvernementales ou du bonheur sur la terre, il faut axer nos interventions sur ce qui touche les étudiants." (souligné par nous) Fort heureusement, les étudiants ne sont pas tombés dans le panneau et ont, au contraire, mis de plus en plus en avant les revendications communes à toute la classe ouvrière : le chômage, la paupérisation, etc.
Voilà le vrai visage de l'UNEF et de son président, celui que les journalistes ont hissé au titre de "leader de la révolte anti-CPE" !
La lutte contre le CPE a montré l'importance de voir derrière chaque attaque, la paupérisation générale de toute la classe ouvrière. La réforme actuelle des universités, si elle vise en particulier les jeunes générations, s'inscrit elle aussi dans le flot continuel d'attaques qui touchent toute la classe ouvrière. C'est cette vérité-là que les officines syndicales étudiantes, tout comme leurs grandes sœurs, tentent de cacher. Tout ce qu'ils ont dit ou fait durant ces négociations est un véritable bras d'honneur au mouvement de 2006.
Ne laissons pas ces chefs syndicaux récupérer frauduleusement une victoire de la classe ouvrière et de ses nouvelles générations ! Ne les laissons pas dénaturer les leçons vitales de cette lutte !
Pawel (2 juillet)
1. 20 Minutes du 22 juin 2007
2. C'est tout un art des médias que d'imposer aux esprits ce genre d'icones toutes faites et d'idées tout aussi préfabriquées qui permettent de dénaturer le sens profond d'un mouvement. Julie Coudry par exemple, gauchiste et présidente de la Confédération étudiante (filiale de la CFDT), avait été sacrée l'an dernier "égérie de la contestation anti-CPE"... en toute simplicité.
3. Ce texte a été reconnu très officiellement par le président de l'Unef dans Le Monde du 14 février 2007. En voici le contenu :
ATTENTION : le nombre de personnes présentes à la 1ère AG dépend du nombre de personnes que vous aurez rappelé et donc de votre nombre de pétitions avec n° de tel. En gros si vous rappelez efficacement 1500 personnes vous aurez 150 personnes à l¹AG donc pas de précipitation une AG se prépare !
De même si vous avez plusieurs facs, n¹hésitez pas à centrer sur une seule pour après étendre le mouv¹ !
-Avoir fait une information massive sur le CPE, il faut donc faire campagne largement avant la tenue de l¹AG
La journée type où l¹on apparaît en tant qu¹UNEF, c¹est très important !
- Diff à 7h45
- Coller partout l¹affiche accompagnée d¹un bandeau local avec date de l¹AG
- Tenue de tables
- Interv en amphi avec diff massive à l¹entrée du tract (+ flyer AG) et circulation de pétition. C¹est ce qui permet de toucher le plus de monde et donc d¹avoir des AG massives
- Passage en cité U (porte à porte)
- Rappels + taper fichier tous les soirs à partir de 18h
Il faut en plus :
- Le week-end qui précède l¹AG : faire des rappels massifs : adhérents, contacts pétition
- LUNDI : organiser le Collectif d¹AGE avec les plus motivés que vous avez rencontrés. Ce collectif doit être : préparé (répartition des interv, préparer un point d¹analyse en amont), dynamique (plusieurs personnes doivent prendre la parole), efficace (prévoir un planning militant à l¹avance sur lequel les gens peuvent s¹inscrire) et concret (fixer avec les étudiants une date de 1ère AG d¹information).
- Le soir qui précède le jour de tenue d¹AG : envoyer un texto à tous les numéros de portables récoltés à programmer pour le lendemain matin 10h.
-La fac doit avoir un aspect de mouv¹ : affiche partout, banderolle, etc
-Le soir qui précède faire une réunion spéciale préparation de l¹AG avec les camarades pour se répartir les rôles, les interv¹, l¹ODJ (voir organisation de l¹AG) uniquement avec les cadres et cadres intermédiaires.
Les différents éléments d¹une AG :
-la tribune
-l¹ordre du jour
- l¹assemblée en elle même
C¹est éléments ont une importance différentes en fonction des autres forces présentes. Ils varieront donc en fonction (gauchistes veulent être ou non à la tribune, autres mobilisation qui se font en parrallèle)
- la tribune :
La tribune sert à éviter que les AG soient trop bordéliques. Elle est un outil technique important pour le bon déroulement de l¹AG, il faut donc la maîtriser parfaitement. Sa fonction est d¹organiser les débats. Il faut donc absolument que l¹UNEF y soit représentée et même majoritaire si possible. Elle peut être composée de 3 personnes aux taches différentes :
* Le président de séance : le mieux c¹est que ce soit la personne de l¹UNEF.
Il lance le débat en introduisant les différents points à l¹ordre du jour et distribue la parole. Il doit gérer l¹AG ( énervement, confusion, enthousiasme, longueurs ) et rythmer le déroulement de celle ci. Sa fonction la plus difficile est d¹essayer tout au long de l¹AG de récapituler les
différents points de vue et de formuler des propositions. Quand cela est nécessaire il doit aussi faire passer aux votes sur des propositions claires.
Il est fondamental que cette personne sache s¹imposer, qu¹elle est un sens "politique " de la situation, qu¹elle sache où elle veut arriver à la fin de l¹AG, qu¹elle connaisse parfaitement la tête de toutes les autres forces,
qu¹elle soit assez intelligente pour gérer une liste d¹inscrits. (limiter dès le début le temps d¹interv¹ pour tous et intercaler un mec UNEF et autres forces mais sans que cela soit visible)
* Les 2 preneurs de notes : il faut mieux qu¹il y en ait un des deux qui soit de l¹UNEF Ils prennent en notes les débats propositions et décisions de l¹AG qui seront ensuite proposées par le président de séance
Pour aider, le camarade qui tient la présidence, il faut absolument un ou deux cadres qui soient chargés de gérer la salle, faire intervenir les camarades pour que l¹UNEF ou des proches UNEF interviennent dans notre sens, aller parler aux gauchistes ou droitiers pour les occuper et minimiser leur prise de parole, gérer tout événement perturbateur puisque celui qui est à la tribune ne peut pas le faire.
Il faut aussi un camarade qui soit en charge spécifiquement de faire passer une feuille de présence pour récupérer les coordonnées. Il ne doit pas quitter la feuille des yeux et la récupérer obligatoirement à la fin. Ces contacts sont la chose la plus précieuse de l¹AG.
- l¹ordre du jour
Afin que l¹AG soit bien organisée, il est utile de proposer un ordre du jour. Il faut toujours commencer par un point sur le projet CPE et ces conséquences pour les jeunes et les salariés (Cela permet que si de nouvelles personnes viennent à chaque AG elles soient informées et donc capables d¹en parler après autour d¹elle). Il faut toujours faire un point sur l¹état de la mobilisation (sur la fac et ailleurs) et le calendrier.
L¹ordre du jour doit être inscrit au tableau et les points rayés au fur et à mesure de leur traitement.
- l¹assemblée générale
Une assemblée est toujours longue. C¹est une chose que l¹on ne pratique pas souvent. Les débuts sont souvent chaotiques. C¹est pourquoi elle doit être organisée très en amont. Il faut se placer dans la salle non pas tous ensemble (bien au contraire) mais éparpillés dans l¹amphi pour discuter avec
les gens autour. Il faut avoir préparé des interventions des camarades en amont pour que l¹AG soit dynamique et que nos mots d¹ordre et rythmes passent dans l¹AG. Lorsque l¹on prend la parole il est important de s¹adresser avant tout à l¹AG et non pas à la tribune ce sont les étudiants
dans la salle qu¹il faut convaincre pas les autres forces.
Tous les documents d¹analyse doivent être présents à l¹AG
Attention , les gauchistes vont vouloir voter la grève le plus tôt possible. Lorsqu¹on vote la grève il faut pour voir l¹organiser, donc il faut que l¹AG soit massive. On ne vote pas la grève à 50 ni même à 300. Une prochaine fiche arrivera sur la gestion de la grève.
Voici l¹ensemble des commissions qui peuvent être crées mais les deux plus importantes sont le comité de mobilisation et la presse. Dans l¹idéal la commission presse ne doit pas exister et c¹est l¹UNEF qui doit gérer cela mais si insistance bien mettre un mec de l¹UNEF dans cette
commission. Surtout ne jamais donner le fichier presse de l¹UNEF à qui que ce soit, seul le président ou le responsable presse doivent l¹avoir.
- Comité de mobilisation
Il coordonne les commissions et prépare les assemblées générales. Il peut notamment proposer un calendrier pour la semaine
-Commission Action
Elle propose au comité de mobillisation des actions (manifestations , occupations, évènements artistiquesŠ) qui seront ensuite votées par l¹AG, et les organise.
Cette commission s¹occupe donc de plusieurs groupes de travail :
- Confection de banderoles, pancartes, etc(confection)
- Commission chants / slogans
- Service d¹ordre et parcours des manifs
C¹est la commission dans laquelle s¹investissent le plus les gauchistes: il faut donc la blinder pour ne pas se retrouver avec des occupations.
- Commission Externe
Elle s¹occupe de diffuser l¹information à l¹extérieur de l¹université, et est donc divisée en sous groupes :
- Presse (plusieurs personnes peuvent s¹occuper d¹écrire les communiqués de presse qui doivent se terminer par le numéro du président d¹AGE, mais une seule doit être le référent auprès des journalistes)
- Lycées : organise l¹envoi de délégations dans les lycées pour y faire de l'information et appeler aux manifs, ce qui est essentiel car ce sont les lycéens qui permettent de rendre très massives les manifestations. Un tract spécifique doit être fait pour eux.
- Autres universités : envoi de délégations pour lancer la mobilisation dans les autres facs de la ville, quand c¹est nécessaire
- Commission interne
Elle gère l¹information et les actions à l¹intérieur de l¹université. Elle permet de centraliser toutes les informations et de les mettre à disposition
- Point information : Le point information doit être un point central de l¹université, vers lequel on renvoie tous les étudiants. Il met à disposition des étudiants : les tracts de l¹AG et des différentes organisations, les textes de loi, la revue de presse de la mobilisation. Il s'occupe de centraliser et d¹afficher les différents rendez-vous : comité d¹action, commissions, groupes de travail, actions et prochaine AG. Il peut organiser des amphis d¹informations
- Organisation des piquets de grève : lorsque les piquets de grève sont mis en place, un référent doit en permanence organiser la rotation sur les piquets. Des réunions avec les IATOS s¹occupant de la gestion des locaux et de la sécurité permettent de décider quelles portes sont fermées (par la fac ou par des tables et chaises) et quelles portes sont filtrées par les piquets de grève. Cette sous-commission peut également proposer à l¹AG une liste de filières qui ont le droit de faire cours (genre prépas concours)
- Caisse de mobilisation : Composée si possible d¹un militant de l¹UNEF et d¹un étudiant lambda (ce qui empêche que l'on accuse l¹UNEF de quoi que ce soit), elle s'occupe de récupérer de l¹argent pour la grève, et d'autoriser
les dépenses. Elle rend des comptes au comité de mobilisation
- Si il y a d¹autres forces, l¹UNEF se met à disposition du mouvement et des étudiants quand elle estime que les revendications sont aussi les siennes.
Pas la peine d¹apparaître en tant qu¹UNEF absolument (autocollants), les étudiants savent que vous êtes à l¹UNEF. Par contre les militants de l¹UNEF doivent être toujours présents, faire des propositions.
- Les AG doivent débattre du CPE et pas de toutes les réformes gouvernementales ou du bonheur sur la terre, il faut axer nos interventions sur ce qui touche les étudiants
- Il faut donc voter des appels courts uniquement sur le CPE. S¹il y a d¹autres revendications, il faut les voter à part. L¹argument pour ne jamais élargir les mots d¹ordre c¹est de rester sur le plus petit dénominateur commun qui fait l¹unité de tous : le retrait du CPE.
- Les documents d¹analyse du CPE doivent être largement utilisés.
- Dans chaque ville universitaire, il faut qu¹il y ait un référent pour les étudiants mobilisés qui est à la tribune de l¹AG, c¹est le président de séance, celui qui va répondre à la presse..
- Dans les AG où des mobilisations sont votées où les étudiants sont très nombreux, il faut mettre en place des commissions (action, réflexion, extérieurŠ) qui préparent les AG.
- Si certains s'amusent à taper sur l¹UNEF, il faut en appeler à l'unité pour le retrait du CPE
" Nous, étudiants de XXXX, réunis en Assemblée Générale le XXXX, exigeons le retrait pur et simple du CPE
- Il permet de faire des jeunes un main d¹¦uvre corvéable et jetable en permettant que l¹employeur puisse licencier pendant deux ans sans motif quasiment sans préavis et sans indemnités les jeunes employés sous ce type de contrat
- Il empêche les jeunes de faire des projets d¹avenir (logement, naissance, prêt,...) et d¹organiser un parcours professionnel
- Il constitue un véritable cadeau aux grandes entreprises
- Il déréglemente entièrement le Code du Travail
- Il ne permettra pas de résoudre le chômage
Nous, étudiants de XXXX, refusons d¹être un main d¹oeuvre corvéable et jetables Nous exigeons le retrait pur et simple du CPE. En ce sens, nous appelons l¹ensemble de la communauté universitaire française et les salariés de ce pays à se mobiliser pour le retrait du Cpe et à participer aux actions allant dans ce sens "
+ rajouter appel à la manif ou autres AG en fonction
Lors de sa traditionnelle fête de la Pentecôte à Presles, Lutte Ouvrière (LO) a, comme à son habitude, organisé deux types de débats : "forums politiques" et "forums d'entreprises".
La distinction n'est pas gratuite. Pour LO, il s'agit avant tout de séparer les discussions d'ordre " général " (conflits sociaux à l'étranger, histoire du mouvement ouvrier ou actualité politique...) confinées, soit dit en passant dans un espace ridiculement petit et confidentiel nommé " Cité politique ", des questions prétendument particulières à telle ou telle entreprise, disséminées en une multitude de forums aux quatre coins de la fête, consacrés exclusivement, tour à tour, à Alcatel, Peugeot-Citroën, la Sécurité sociale, etc.
Ainsi, lors d'un de ces " forum de boîte " intitulé "De Peugeot-Citroën à Renault, les travailleurs de l'automobile face aux suppressions de poste et aux pressions patronales", le CCI est intervenu pour mettre en avant la nécessité de briser l'enfermement corporatiste dans les luttes en s'appuyant sur le fait que, dans la plupart des secteurs, les ouvriers sont confrontés en même temps exactement aux mêmes attaques : à la fois aux suppressions massives d'emploi, à la question des salaires et à la détérioration des conditions de travail. Pour montrer qu'il n'était pas possible de s'en tenir au seul secteur de l'automobile, nous avons illustré nos propos par les exemples édifiants d'Airbus et d'Alcatel. Aussitôt, un militant de LO a rétorqué qu'il "ne fallait pas tout mélanger" et qu'ici c'était "un forum sur les problèmes de l'automobile" : "Si tu veux parler de l'aéronautique ou d'Alcatel, il y a d'autres forums prévus pour cela." Voilà bien une réaction caractéristique de la méthode et du rôle de LO ! Derrière des slogans comme "Tous ensemble !" et des phrases ronflantes dans sa presse ou ses discours sur "l'unité et la solidarité des travailleurs", dans sa pratique, LO n'a de cesse de morceler et diviser les ouvriers, cherchant à isoler, à enfermer, à engluer chacun d'eux dans les problèmes particuliers de "son" entreprise, de "son" secteur.
Mieux encore, au moment même où se tenait ce forum sur "l'automobile française", LO organisait séparément une autre discussion "sur la situation politique et sociale en Espagne" centré sur les suppressions d'emplois chez l'équipementier automobile Delphi à Puerto Real ! Cette lutte, sans conteste, concernait pourtant bien le secteur de l'automobile mais ce qui prévalait là, selon LO, c'était les "spécificités nationales". Rien à voir avec la France puisque, là-bas, de l'autre côté de la frontière, les attaques sont menées sous la houlette du gouvernement "socialiste" de Zapatero (sic !). LO met en avant cette "spécificité" dans le seul but de masquer ce que révèle à l'évidence la lutte des ouvriers de Delphi : droite ou gauche au pouvoir, ce sont les mêmes attaques qui pleuvent sur la classe ouvrière. Cette vérité toute nue est aujourd'hui fort gênante pour LO, faisant tomber l'alibi essentiel de son appel à voter pour la candidate socialiste Ségolène Royal : "faire barrage aux mesures de la droite sarkozyste"1. Quand le CCI est intervenu dans ce débat pour souligner l'unité du combat de la classe ouvrière, rappelant que dans cette région d'Espagne les ouvriers d'Airbus avaient commencé à se joindre à la lutte et à développer une solidarité ouvrière2, la seule réponse de LO a été que cette mobilisation n'avait servi à rien puisqu'elle n'avait pas suffi à empêcher les licenciements. C'est pourquoi LO prônait "une autre orientation politique" : il fallait plutôt "faire pression sur le gouvernement pour réclamer l'expropriation des employeurs qui licencient et demander l'ouverture et le contrôle des livres de compte de l'entreprise".
Quelle surprise ! On reconnaît là un des refrains favoris entonnés par LO tout au long de sa campagne électorale en France. Les recettes de LO pour saboter la solidarité ouvrière ne connaissent certes pas de frontières. Chaque fois que le prolétariat affirme et développe quelque part la solidarité dans ses luttes, LO s'y oppose toujours et partout plus ou moins directement sous prétexte que "ce n'est pas le lieu", ni le "bon moment", ni encore la "bonne stratégie". Cette organisation dévoile ainsi sa véritable nature et sa véritable fonction : diviser et saboter les luttes aux côtés des autres organes bourgeois chargés d'encadrer la classe ouvrière.
W (21 juin)
1 Rappelons en passant que le CCI se trouve interdit de stand depuis 1992 pour avoir osé brandir les Unes de LO appelant à voter Mitterrand en 1974 et en 1981.
2 Lire notre article "Fermeture de l'usine Delphi en Espagne : Nous ne serons forts que dans la lutte massive et solidaire" publié dans RI n°378 d'avril et disponible sur notre site Internet www.internationalism.org [54]
Trois tentatives d'attentats à la voiture piégée lors du dernier week-end du mois de juin, dans le centre de Londres et à Glasgow, suivi par l'interpellation éclair des poseurs de bombes, auront suffi pour exposer à la face du monde l'incroyable efficacité des services de police de Sa Majesté. Mais si Scotland Yard a pu remonter aussi vite la piste des coupables ce n'est pas grâce au flair ou à l'œil acéré de quelque Sherlock Holmes en puissance mais plutôt grâce aux milliers de caméras de vidéosurveillance high-tech qui scrutent, 24h sur 24, jusqu'au moindre recoin des plus insignifiantes ruelles de Londres.
De quoi faire pâlir d'envie, de l'autre côté de la Manche, une bourgeoisie française très en deçà des 4,2 millions de caméras du Big Brother anglais (soit une caméra pour 14 habitants).
Le réveil de la menace terroriste, via l'Angleterre, constitue donc pour la France une sérieuse aubaine afin de moderniser son dispositif policier. Avec 330 caméras dans ses rues « Paris n'est pas au niveau de Londres », forte (pour sa part) de 65 000 caméras ! Voilà donc la grande leçon que les médias français n'ont cessé de mettre en exergue, préparant par là le terrain justifiant une « remise à niveau ». Ainsi, d'après le nouveau préfet de Paris, Michel Gaudin, « La capitale doit de toute urgence rattraper son retard en matière de vidéosurveillance ».
Cependant, il n'est pas du tout évident de faire accepter à une population, surtout lorsqu'elle vit dans un des pays centraux du monde capitaliste, la surveillance quasi-permanente de ses moindres faits et gestes... l'illusion démocratique de vivre dans un monde libre en serait instantanément écornée. C'est pourquoi, si la France, sous couvert de lutte anti-terroriste, s'est dotée depuis 2005 d'un arsenal juridique offrant la possibilité d'implanter davantage de caméras, leur installation effective est plus délicate. Fort heureusement, au regard du glorieux succès de l'enquête menée par la police britannique, c'est en toute décontraction que le gouvernement français a pu faire l'annonce de la mise en place d'un « plan de grande ampleur de caméras en France », (déclaration du porte parole de Matignon, Laurent Wauquiez, le 4 juillet).
« Moins de liberté pour plus de sécurité»... la lutte contre le terrorisme est indéniablement le meilleur prétexte pour légitimer le flicage tous azimuts. Il faut dire qu'avec la bourgeoisie, la qualification de « terroriste » est aussi souple que vaste. Ainsi, tout ce qui bouscule ou remet un tant soit peu en cause l'ordre établi de son système est immédiatement associé au « terrorisme fanatique » ou au « grand banditisme ». Nous ne sommes pas dupes, il est clair que le but ultime de ces caméras omniprésentes est moins de déjouer d'éventuels attentats concoctés par des fous de Dieu que la surveillance de son ennemi mortel, la classe ouvrière. Le Figaro, en date du 4 juillet, nous en donne d'ailleurs un aperçu : « Sur certains sites, de simples webcams suffisent, pour visionner les foules ou les embouteillages. Mais pour l'identification judiciaire, il faut du matériel beaucoup plus performant. Lors du mouvement contre le CPE, la police a même expérimenté le renvoi des images par satellite considéré comme une solution d'avenir. »
Parce que la bourgeoisie sait que seule la classe laborieuse est une classe dangereuse pour la survie de son système d'exploitation, elle se fait un devoir de la surveiller avec autant d'attention qu'une casserole de lait sur le feu.
Azel (6 juillet)
Depuis son indépendance en 1956, la population du Soudan n'a connu que la guerre et la misère. Mais à partir de 2003, une odeur de sang et de mort va se répandre au Darfour comme jamais auparavant. Cette province du Soudan, à peu près grande comme la France, ne compte que 200 kilomètres de route asphaltée, aucune infrastructure. On n'y trouve rien, si ce n'est du pétrole ! De fait, cette région n'est qu'un immense mouroir, livré aux pires atrocités. "L'histoire de cet homme qui a fui le village de Kurma, à 65 kilomètres d'El-Fasher, résume à elle seule, ce que veut dire la vie au Darfour ! En février 2004, des Janjawids, ces cavaliers armés, ont fondu sur ce village d'agriculteurs, brûlé les maisons, violé les femmes." (Courrier International du 24 juin). La presse bourgeoise déverse jusqu'à la nausée ces témoignages de massacres. Aucun être humain normalement constitué ne peut rester indifférent devant autant d'horreur. En quatre ans, il y aurait eu 200 000 morts et deux millions de déplacés. Plus de 230 000 d'entre eux auraient fui de l'autre côté de la frontière tchadienne, vivant dans des camps sans aucune ressource et en proie à la violence quotidienne de bandes armées sans foi ni loi.
Et, comme d'habitude, tous les vautours impérialistes participent frénétiquement à la curée, le plus répugnant étant sans nul doute les discours humanitaires déclamés sur un ton indigné par les "grands de ce monde" afin de justifier leur politique barbare. L'humanitaire est toujours le parfait alibi pour les campagnes guerrières.
Même s'il en prend les apparences et que ces apparences sont amplifiées médiatiquement, même si c'est localement que la population souffre, le conflit au Darfour n'est pas en soi un événement local ou régional. Ce sont les intérêts impérialistes à l'échelle de la planète qui déterminent les enjeux de ce drame.
Depuis plus de 50 ans, le Tchad, l'Erythrée ou l'Ouganda, la France, Israël ou les Etats-Unis, tous se vautrent à tour de rôle ou simultanément dans des conflits qui ravagent le Soudan. Ce pays, proche de la péninsule arabique, borde les eaux de la mer Rouge et a pour pays frontalier l'Egypte. Sa position lui confère donc une importance géostratégique qui attise les convoitises impérialistes. Et aujourd'hui, ce qui déclenche une telle flambée guerrière est sans aucun doute l'arrivée d'un nouveau venu dans l'arène, la Chine. En effet, profitant de l'affaiblissement américain, suite au fiasco de la guerre en Irak, la Chine avance ses pions partout où elle le peut. La Chine ne peut pas encore rivaliser avec les plus grandes puissances pour se faire une place significative au Moyen-Orient. Elle est donc pour l'instant contrainte de se rabattre sur les zones de seconde importance, notamment en Afrique. Et sur ce continent, le Soudan est pour ce nouveau vautour impérialiste une cible stratégiquement primordiale. Il faut savoir que le Soudan possède les plus vastes ressources de pétrole inexploitées d'Afrique. L'exploitation de l'or noir y a débuté en 1960, mais ce n'est qu'en 1993 que la production a véritablement commencé. Actuellement, il y est produit près de 750 000 barils par jour. Toutes les grandes puissances de ce monde ont besoin de pétrole pour faire tourner leur économie. Mais surtout, aujourd'hui plus que jamais, le pétrole est une arme stratégique.
Pour chacune des grandes puissances, contrôler les zones d'approvisionnement en pétrole, c'est en priver directement les principaux adversaires, c'est affaiblir d'autant leur puissance guerrière et impérialiste. Pour la France ou les Etats-Unis notamment, ce qui ne peut pas être contrôlé doit tout simplement être détruit. Telles sont les raisons cachées du génocide en cours au Darfour.
Plus concrètement, la Chine protège aujourd'hui sans vergogne le régime soudanais d'Omar El-Béchir et les milices armées "janjawids", en place depuis 1989. C'est pourquoi, depuis 1997 et l'embargo décrété à l'égard du Soudan par les Etats-Unis pour cause de lutte contre le terrorisme, ce pays s'oppose à toute mesure de rétorsion à son égard. Il est de notoriété publique que la Chine fournit massivement des armes au régime de Khartoum. Le 10 mai dernier, Pékin promettait encore d'envoyer sur place 275 ingénieurs militaires. De l'autre côté, les Etats-Unis veulent mettre à mal le pouvoir soudanais, qu'ils ne peuvent pas contrôler, par une manœuvre claire qui consiste à soutenir militairement tous les mouvements armés qui s'opposent au régime d'El-Bachir. Quant à la France, déjà massivement implantée militairement aux alentours directs du Soudan par la présence de 1200 soldats au Tchad et des centaines d'hommes surarmés et suréquipés en République centrafricaine et au Gabon, il s'agit maintenant directement de tenter de renforcer son rôle et sa présence au Darfour, tout en tentant d'empêcher le chaos de s'étendre dans ses zones d'influence limitrophes.
La cause humanitaire a toujours constitué un alibi de choix des puissances impérialistes pour justifier leurs interventions militaires et occulter les massacres qui s'en suivent.
Pour alimenter cette macabre mise en scène, la bourgeoisie a, d'ailleurs, toujours pu compter sur la participation active des guignols du « show-business ». Conscients ou non de leur rôle, marionnettes ou cyniques arrivistes, les acteurs, les chanteurs et autres bonnes âmes célèbres s'empressent toujours d'envahir les écrans de télévision pour pleurer sur le sort des populations et appeler à la réaction internationale. On se souvient des années 1980 marquées par l'engagement des artistes américains pour l'Afrique (le célèbre « USA for Africa ») auquel la France avait réagi avec orgueil en chantant quelques mois plus tard pour l'Ethiopie. Vingt ans après, on mesure le succès de ces opérations à l'aune de la misère et de la barbarie qui ont continué imperturbablement de ravager le continent.
Aujourd'hui, France et Etats-Unis se retrouvent ponctuellement ensemble dans un bras de fer diplomatique les opposant à la Chine afin de faire reconnaître officiellement à la communauté internationale l'existence d'un génocide au Darfour, reconnaissance qui offrirait à ces carnassiers un blanc-seing pour déployer leurs forces dans la région et participer à la boucherie générale.
Dans cette bataille, les Julien Clerc, Samuel Le Bihan et autres Brad Pitt prennent leur place en lâchant leurs larmes de crocodiles en même temps que leur supplique... « Save Darfour ! » Plus directement encore, l'actrice Angelina Jolie, ambassadrice du Haut Commissariat pour les Réfugiés à l'ONU (ce repaire de brigands impérialistes), en visite au Tchad, a reçu pour mandat d'« alerter l'opinion publique », suivie en cela de près par George Clooney, auteur du reportage Urgences Darfour. Dans ce dernier, l'acteur hollywoodien se montre très persuasif : « Qu'on ne s'y trompe pas, c'est le premier génocide du 21e siècle, et si l'on permet qu'il se poursuive ce ne sera pas le dernier ». D'où la nécessité d'envoyer les troupes... et le massacre de continuer.
Dans un cadre encore plus officiel, le ministre français des affaires étrangères, le très médiatique et narcissique Bernard Kouchner, commis voyageur de l'impérialisme tricolore, a entrepris sous couvert d'humanitaire (sa grande spécialité) un périple qui l'a conduit du Mali au Tchad pour terminer sa tournée à Khartoum afin d'y présenter officiellement ce qui a été baptisé "l'initiative française". Il est proposé, sous couvert de mise en place de corridors humanitaires au Darfour, d'envoyer au sein d'une force internationale, un contingent de soldats français qui assureraient ainsi de fait le maintien d'une forte présence de l'impérialisme français dans cette province soudanaise.
Dernier acte en date de cette répugnante comédie : la rencontre internationale à Paris du 25 juin. En effet, tous avaient à la bouche les belles déclarations d'intentions sur l'aide nécessaire aux peuples pour, en réalité, sous ce langage diplomatique, s'écharper et défendre bec et ongles leurs propres intérêts. Par conséquent, derrière le discours officiel de Kouchner nous déversant immédiatement après la réunion son auto-satisfaction accompagnée de son habituel poison humanitaire, il est clair qu'aucune position commune et de paix ne pouvait sortir de cette conférence. Au contraire ! Cette rencontre au sommet n'aura permis que d'exacerber encore un peu plus les tensions et les velléités guerrières, la France y réaffirmant particulièrement sa volonté renouvelée de s'engager militairement.
Il est parfaitement visible que personne n'est en mesure aujourd'hui de contrôler le Soudan. La période de domination sans partage de ce pays par des puissances extérieures, comme cela a pu exister par le passé, est totalement révolue. Dans cette région du monde, comme dans le reste de l'Afrique noire, la tendance inexorable est au développement de l'instabilité et du chaos. Ethiopie, Somalie, Zaïre, région des Grands Lacs, la liste s'égrène et les massacres deviennent permanents. Pour toutes les puissance impérialistes, y compris la Chine, la France ou les Etats-Unis, la seule politique durable en Afrique est celle de la terre brûlée, des puits de pétrole en feu, de la destruction et de la barbarie.
Tino (26 juin)
Les projets du gouvernement américain de mettre en place un système de défense anti-missiles en Pologne et une base de radars en République tchèque ont relancé récemment un climat d'hostilité entre les Etats-Unis et la Russie. Ainsi, le président russe avait pu déclarer à la veille du G8 en Allemagne début juin : «Si le potentiel nucléaire américain s'étend sur le territoire européen, nous devrons nous donner de nouvelles cibles en Europe.» Les petites phrases ont alors fusé, Bush critiquant l'état des libertés en Russie et Poutine comparant l'Amérique au «3e Reich».
Evidemment, le souvenir de la Guerre froide est revenu dans toutes les têtes, cette période où les ex-blocs de l'Ouest et de l'Est se tenaient prêts à en découdre à coups de bombes nucléaires. La menace de la destruction de régions, voire de pays entiers, sans compter toutes les conséquences "collatérales" et secondaires à de tels événements, étaient alors une réelle éventualité. La course aux armements, qui faisait rage entre les deux superpuissances de l'époque, était justifiée au nom d'un "équilibre de la terreur", prétendue "garantie de la paix", alors qu'en fait une véritable épée de Damoclès était suspendue au-dessus de l'humanité.
Mais avec l'effondrement du bloc de l'Est en 1989, puis de l'URSS l'année suivante, la situation change : le bloc américain se délite et la Russie revoit brutalement à la baisse ses prétentions impérialistes. La bourgeoisie en profite alors pour nous débiter de grandes phrases sur l'avènement d'un "nouvel ordre mondial", de "paix". Ces déclarations mensongères feront long feu, la "nouvelle période" s'ouvrant très symboliquement dès 1991 par... la guerre du Golfe. Toute la période des années 1990, puis des années 2000, sera marquée en effet par une aggravation et une explosion des tensions guerrières sur des zones de plus en plus larges du globe, sans espoir d'amélioration. De nouvelles puissances nucléaires apparaissent comme le Pakistan, l'Iran et la Corée du Nord, tandis que d'autres, comme la Chine et l'Inde, renforcent leurs capacités destructrices. N'étant plus bridés par la discipline de bloc, les appétits impérialistes se révèlent partout, le "chacun pour soi" devient la règle. La remise en cause des prétentions des Etats-Unis à rester le gendarme du monde s'est donc généralisée sur tous les continents.
Aussi, il est évident que la course aux armes de destruction massive ne s'est pas ralentie mais s'est accélérée et que le monde capitaliste de l'après-1989 est devenu plus dangereux que jamais. Les Etats-Unis n'ont pas cessé de moderniser et sophistiquer leur armement, sous prétexte de se "défendre" contre les éventuelles attaques des Etats-voyous. Ainsi, la justification officielle du projet de défense anti-missile est la prétendue menace que font peser sur les Etats-Unis les missiles à longue portée de l'Iran et de la Corée du Nord. Il est clair qu'il s'agit d'un faux prétexte car ces deux pays n'ont aucunement la capacité de mettre en danger Washington. Ce bouclier est de toute évidence bien plus destiné à asseoir les positions stratégiques américaines sur l'Europe et à tenir en respect en particulier la Chine et la Russie. Les États-Unis poussent ainsi à sa mise en œuvre aujourd'hui, alors que Moscou s'est engagé dans une modernisation de sa capacité nucléaire qui doit lui permettre d'ici à 2015 de disposer des moyens offensifs et défensifs nécessaires pour contrecarrer une éventuelle attaque aérospatiale.
Face à cette montée des tensions américano-russes, l'Europe réagit évidemment non pas de façon unie, mais en ordre dispersé, chaque pays défendant ses propres intérêts. D'importantes frictions sont apparues en effet au sein de l'Union européenne, la Grande-Bretagne soutenant pleinement le projet américain, la France essayant mollement de s'y opposer, tandis que l'Allemagne, qui n'y adhère pas, joue la carte de l'apaisement.
Malgré le "happy end" médiatique de juillet entre les deux présidents russe et américain réunis au ranch de Bush, toutes les conditions sont réunies pour une nouvelle phase de la course aux armements nucléaires et d'accélération des tensions impérialistes, avec tous les risques d'escalade et de dérapage qui les accompagnent.
C'est la seule perspective qu'offrent les dirigeants de la planète et leur système capitaliste décomposé.
Mulan (5 juillet)
Nous informons nos lecteurs de la création d'un noyau du CCI au Brésil. C'est pour nous un événement de grande importance qui vient concrétiser le développement de la présence politique de notre organisation dans le premier pays d'Amérique latine, avec les plus grosses concentrations industrielles de cette région du monde et qui comptent aussi parmi les plus importantes à l'échelle mondiale..Il existe également dans ce pays un milieu d'éléments attirés par les positions révolutionnaires, de même que des groupes politiques prolétariens. Parmi ceux-ci, nous avons déjà signalé dans notre presse et sur notre site en portugais l'existence de l'Opposition Ouvrière (OPOP) à propos des évènements suivants : tenue de réunions publiques communes et réalisation en commun d'une prise de position sur la situation sociale ; publication, sur notre site en langue portugaise du compte-rendu d'un débat entre nos deux organisations sur le matérialisme historique ; publication sur notre site de certains textes de OPOP que nous jugeons particulièrement intéressants. Expression de cet intérêt réciproque entre nos organisations, OPOP a aussi participé, en tant que groupe invité, aux travaux du XVIIe congrès de notre section en France et à ceux de notre XVIIe congrès international.
Existe aussi dans l'Etat de São Paulo un groupe en constitution, influencé par les positions de la Gauche communiste, avec lequel nous avons établi plus récemment des relations politiques régulières, dont la tenue de réunions publiques en commun.
Nous espérons évidemment que la collaboration avec ces groupes sera de plus en plus étroite et fructueuse, perspective qui n'est nullement contradictoire avec notre volonté de développer spécifiquement la présence politique du CCI au Brésil. Bien au contraire, notre présence permanente dans ce pays permettra que se renforce encore la collaboration entre nos organisations, d'autant plus qu'entre notre noyau et OPOP existe déjà une longue histoire commune, faite de confiance et de respect mutuels.
La création de notre noyau est la concrétisation d'un travail engagé par le CCI de façon ponctuelle, il y a plus de 15 ans et qui s'est intensifié ces dernières années à travers la prise de contact avec différents groupes et éléments, la tenue de réunions publiques dans différentes villes, dont certaines dans des universités ayant suscité un grand intérêt de la part d'une assistance nombreuse. Il ne s'agit évidemment pas pour nous d'un aboutissement mais d'une étape significative dans le développement de la présence des positions de la Gauche communiste sur le continent sud-américain. Loin de constituer une exception brésilienne, cet événement fait partie du même phénomène d'apparition de groupes partout dans le monde et qui est le produit, dans une dynamique de reprise des combats de classe à l'échelle internationale, de la tendance de la classe ouvrière à sécréter des minorités révolutionnaires.
CCI (Juin 2007)
Les évènements de juillet 1917 à Petrograd, connus sous le nom de « journées de juillet », constituent un des épisodes les plus importants de la Révolution russe. Dans une situation de bouillonnement particulièrement intense dans les rangs des ouvriers et des soldats qui poussaient à l'insurrection contre le Gouvernement provisoire, le Parti bolchevique sut éviter une confrontation prématurée contre les forces de la bourgeoisie. En effet, à ce moment du processus révolutionnaire, toute tentative de prise du pouvoir ne pouvait qu'aboutir à une tragique défaite et à l'échec de la révolution. Les leçons de ces évènements sont exemplaires et restent vitales pour le prolétariat d'aujourd'hui.
L'insurrection de février 1917 à Petrograd, alors capitale de la Russie, menée spontanément par les ouvriers rejoints rapidement par les soldats, avait conduit au renversement du tsarisme et à la constitution d'un Gouvernement provisoire. Mais une situation de double pouvoir s'était alors instaurée : d'un côté la classe ouvrière, organisée dans les soviets, des délégués des ouvriers, des soldats et des paysans pauvres, dont le plus important et le plus prolétarien était celui de Petrograd, et de l'autre la bourgeoisie, représentée par le Gouvernement provisoire et soutenue par les « conciliateurs » mencheviks et socialistes-révolutionnaires, majoritaires dans le Comité exécutif du Soviet de Petrograd. Plus la révolution se développait et plus cette situation devenait intenable.
La classe ouvrière était pleine d'illusions sur les capacités des démagogues mencheviks et socialistes-révolutionnaires à répondre à leurs revendications principales : la paix, la journée de 8 heures, le problème agraire, etc. Mais au fil du temps, surtout à Petrograd puis à Moscou, l'exaspération des masses grandissait devant l'irrésolution et les atermoiements du Comité exécutif du Soviet et leur confiance dans ce dernier s'émoussait du fait du soutien toujours plus ouvert des conciliateurs au sein du Soviet à l'égard du Gouvernement provisoire. Il devenait de plus en plus clair que le Comité exécutif agissait comme un rempart en faveur des objectifs du Gouvernement provisoire, c'est-à-dire d'abord et avant tout pour le rétablissement de l'ordre au front comme à l'arrière afin de pouvoir continuer la guerre. A travers ses bastions les plus radicaux, la classe ouvrière commençait à sentir confusément qu'elle était dupée et trahie par ceux-là même en qui elle avait placé sa confiance pour diriger les conseils.
La radicalisation des ouvriers, leur souci grandissant de comprendre ce qui était en jeu, s'étaient une nouvelle fois exprimés à la mi-avril, suite à une note provocatrice du ministre libéral Milioukov réaffirmant la volonté de la Russie de continuer la guerre. Déjà exaspérés par toutes sortes de privations, les soldats et les ouvriers répondirent immédiatement par des manifestations spontanées et des assemblées massives dans les quartiers et les usines. Le 20 avril, une manifestation monstre poussa Milioukov à la démission. La bourgeoisie fut obligée de reculer momentanément dans ses plans de guerre. Les bolcheviks furent très actifs dans ce soulèvement prolétarien et ils gagnèrent en influence sur les ouvriers. La radicalisation du prolétariat s'était ainsi forgée autour du mot d'ordre mis en avant par Lénine dans ses "Thèses d'avril" : "Tout le pouvoir aux soviets !" Durant le mois de mai, ce slogan inspirera de plus en plus d'ouvriers, tandis que le Parti bolchevique était de plus en plus considéré comme le seul parti aux côtés de la classe ouvrière. Partout en Russie, le ferment révolutionnaire s'exprimait dans un développement frénétique de soviets d'ouvriers et de paysans et les agitateurs bolcheviques connaissaient un succès grandissant. A Petrograd, si le Parti bolchevique avait moins d'un tiers des voix dans la section ouvrière du Soviet de Petrograd en avril, bien que les comités d'usine aient été déjà dominés dans la même période par les bolcheviks, cette proportion atteignit de façon significative les deux-tiers au début juillet.
En juin, l'agitation politique continua, de même que l'ascension irrésistible du bolchevisme. Celle-ci devint évidente lors de la manifestation géante du 18. Initialement appelée par les mencheviks, les socialistes-révolutionnaires et le Comité exécutif du Soviet pour soutenir le Gouvernement provisoire, qui venait de lancer une nouvelle offensive militaire "décisive", elle se retourna directement contre les conciliateurs... Lors de cette manifestation du dimanche 18 juin, la tension était telle que les bolcheviks avaient dû faire tous leurs efforts pour qu'elle reste pacifique et ne soit pas armée. Aussi, lorsque les conciliateurs installés dans leur tribune virent passer les manifestants, ils purent prendre la mesure de leur échec car l'immense majorité des quatre à cinq cent mille manifestants, loin de saluer la nouvelle offensive militaire et la coalition gouvernementale ou de reprendre les slogans officiels, scandaient les mots d'ordre bolcheviques : "A bas les dix ministres capitalistes ! A bas l'offensive ! Tout le pouvoir aux soviets ! Ni paix séparée avec les Allemands, ni traités secrets avec les capitalistes franco-anglais ! Le droit de vivre est au-dessus du droit de propriété ! Paix aux chaumières, guerre aux châteaux !" (Cité dans La révolution russe de Marcel Liebman)
Maxime Gorki, bien qu'à l'époque opposé à Lénine, notait ainsi que "la manifestation de dimanche a dévoilé le complet triomphe du bolchevisme dans le prolétariat pétersbourgeois". (Ibid.)
L'effervescence révolutionnaire ne cessait de grandir. Les ouvriers de l'usine Poutilov1 et des autres districts de Petrograd étaient en grève quasi-permanente. Les soldats des casernes de Petrograd, particulièrement chez les mitrailleurs, votaient des résolutions contre l'envoi d'unités au front. Il était de plus en plus patent et connu dans la capitale que l'offensive militaire déclenchée le 18 juin était un véritable échec. Devant les fraternisations toujours plus fréquentes entre soldats allemands et russes et devant la déroute, les chefs de l'état-major russe donnaient l'ordre de fusiller les « traîtres ». Ces informations arrivant dans la capitale, elles ne pouvaient que raviver les flammes et radicaliser ouvriers et soldats qui tenaient des meetings communs quotidiennement.
Arrive début juillet : quatre ministres cadets2 démissionnent du Gouvernement provisoire. Alors que les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires avaient justifié jusque-là leur refus du mot d'ordre "tout le pouvoir aux soviets" par la nécessité de collaborer avec ces représentants de la "bourgeoisie démocratique" qu'étaient les cadets, le retrait de ces derniers de la coalition ne pouvait que provoquer, parmi les ouvriers et les soldats, une relance des revendications pour le pouvoir immédiat aux soviets. Il s'agissait en effet d'une tentative de la bourgeoisie libérale de pousser les ouvriers et les soldats à l'affrontement. "Supposer que les cadets pouvaient ne pas prévoir les répercussions de leur acte de sabotage déclaré à l'égard des soviets, ce serait résolument sous-estimer Milioukov. Le leader du libéralisme s'efforçait évidemment d'entraîner les conciliateurs dans une situation critique qui n'aurait d'issue que par l'emploi des baïonnettes : en ces jours-là, il croyait fermement que, par une audacieuse saignée, l'on pouvait sauver la situation." (Trotsky, Histoire de la Révolution russe)
Les esprits sont chauffés à blanc ; le 3 juillet, soldats et ouvriers décident massivement de manifester, cette fois armes à la main, pour chasser le Gouvernement provisoire et exiger des dirigeants du Soviet qu'ils prennent le pouvoir.
Des milliers d'ouvriers et de soldats se rendent au siège du Parti bolchevique, tandis que des dizaines de milliers d'autres assiègent le Palais de Tauride où se tenaient les réunions du Comité exécutif du Soviet. Dans le même temps, les soldats et marins casernés sur l'île voisine de Kronstadt se préparent à descendre sur la capitale dans le même esprit d'exigence. La nuit du 3 au 4 juillet est décisive pour la révolution. Les bolcheviks sont dans une situation difficile. Pressés par les masses d'appeler à la prise du pouvoir, mais considérant que le moment est loin d'être propice à l'insurrection, ils décident après différents atermoiements de prendre la tête du mouvement, mais en appelant les ouvriers et les soldats à leur sens des responsabilités et à faire en sorte que la manifestation garde un caractère pacifique. Principalement, aucune directive immédiate n'est donnée au mouvement mais les bolcheviks rappellent cependant inlassablement, à l'instar de Lénine, que le mot d'ordre "Tout le pouvoir aux soviets" sera "finalement vainqueur" et appellent à la persévérance et à la fermeté.
Dans les rues, les manifestants essuient de nombreuses attaques des partisans de la bourgeoisie, ses agents provocateurs tirant sur la foule, voire sur les troupes de cosaques fidèles au gouvernement, afin de mieux discréditer le mouvement et de pousser aux affrontements armés.
Cependant, la fermeté des bolcheviks et leur influence sur les ouvriers et les soldats empêchent que le mouvement ne dégénère dans un bain de sang. Car si l'on dénombre quelques dizaines de morts et de blessés, la bourgeoisie espérait alors opérer une véritable saignée dans les rangs du prolétariat le plus avancé de Russie.
Au soir du 4 juillet, tandis que le Comité exécutif fait traîner des débats exprimant l'irrésolution et le désarroi grandissant des mencheviks et des socialistes-révolutionnaires qui cherchent à gagner du temps, les trente mille ouvriers de l'usine Poutilov, surexcités, exigent qu'on leur livre Tseretelli, chef de file menchevik au Soviet de Petrograd. C'est alors qu'intervient Zinoviev, membre du Comité central du Parti bolchevique, afin de calmer les esprits. En conclusion de son discours, il prie les ouvriers "de se disperser aussitôt, pacifiquement, en maintenant un ordre parfait et en ne se laissant, en aucun cas, provoquer à des gestes agressifs. Les hommes assemblés se mettent en rangs et commencent à se disperser". (Zinoviev, cité par Trotsky dans La Révolution russe)
Laissons Trotsky conclure : "Cet épisode illustre au mieux, et l'acuité du mécontentement des masses, et l'absence en elles d'un plan d'offensive, et le rôle réel du parti dans les évènements de Juillet."
Les journées de Juillet s'étaient achevées dans un calme et un sérieux exemplaires. Les semaines qui suivirent virent alors fondre la réaction bourgeoise qui lança une répression violente contre les ouvriers radicaux et les bolcheviks. Ces derniers avaient montré qu'ils étaient les véritables représentants de la classe ouvrière qui était prête à les suivre, il fallait qu'ils le paient. Ainsi, tandis que les ouvriers et les soldats regagnaient leurs faubourgs et leurs casernes, les agents provocateurs de la bourgeoisie avaient produit au sein de régiments arriérés et restés neutres des documents "prouvant" que Lénine était un espion à la solde de l'Allemagne, les faisant basculer du côté de la réaction.
L'été 1917 verra donc le déchaînement des forces de la bourgeoisie et la tentative de prise du pouvoir par ses éléments les plus rétrogrades avec Kornilov à leur tête. Cependant, Lénine sut voir la signification de cette période dès son ouverture : "Une nouvelle phase commence. La victoire de la contre-révolution déclenche la déception au sein des masses vis-à-vis des partis socialiste-révolutionnaire et menchevik, et ouvre la voie au ralliement de celles-ci à la politique qui soutient le prolétariat révolutionnaire." (Lénine, « Sur les illusions constitutionnelles », Oeuvres complètes)
Ces journées de juillet révèlent l'importance des responsabilités du Parti. Trotsky résume ainsi admirablement le rôle des révolutionnaires et leur lien avec l'ensemble de la classe ouvrière : "Si le parti bolchevik, s'entêtant à juger en doctrinaire le mouvement de Juillet 'inopportun', avait tourné le dos aux masses, la demi-insurrection serait inévitablement tombée sous la direction dispersée et non concertée des anarchistes, des aventuriers, d'interprètes occasionnels de l'indignation des masses, et aurait épanché tout son sang dans de stériles convulsions. Mais aussi, par contre, si le parti, s'étant placé à la tête des mitrailleurs et des ouvriers de Poutilov, avait renoncé à son jugement sur la situation dans l'ensemble et avait glissé dans la voie des combats décisifs, l'insurrection aurait indubitablement pris une audacieuse ampleur, les ouvriers et les soldats, sous la direction des bolcheviks, se seraient emparés du pouvoir, toutefois et seulement pour préparer l'effondrement de la révolution. La question du pouvoir à l'échelle nationale n'eût pas été comme en Février résolue par une victoire à Petrograd. La province n'eût pas suivi de près la capitale. Le front n'eût pas compris et n'aurait pas accepté le changement de régime. Les chemins de fer et le télégraphe auraient servi les conciliateurs contre les bolcheviks. Kerenski et le Grand Quartier Général auraient créé un pouvoir pour le front et la province. Petrograd eût été bloqué. Dans ses murs aurait commencé une désintégration. Le gouvernement aurait eu la possibilité de lancer sur Petrograd des masses considérables de soldats. L'insurrection aurait abouti, dans ces conditions, à la tragédie d'une Commune de Petrograd. En juillet, à la bifurcation des voies historiques, c'est seulement l'intervention du parti des bolcheviks qui élimina les deux variantes d'un danger fatal : soit dans le genre des Journées de Juin 1848, soit dans le genre de la Commune de Paris de 1871. C'est en prenant hardiment la tète du mouvement que le parti obtint la possibilité d'arrêter les masses au moment où la manifestation commençait à se transformer en un engagement général de forces armées. Le coup porté en juillet aux masses et au parti fut très grave. Mais ce coup n'était pas décisif. On compta les victimes par dizaines, mais non point par dizaines de milliers. La classe ouvrière sortit de l'épreuve non décapitée et non exsangue. Elle conserva intégralement ses cadres de combat, et ces cadres avaient beaucoup appris." (Histoire de la révolution russe, Trotsky).
WM
1 La plus grande concentration ouvrière de Russie qui avait déjà été la première usine à se mettre en grève dès le 9 janvier lors de la révolution de 1905.
2 Parti cadet : parti libéral représentant la bourgeoisie industrielle et qui s'était distingué dans la répression des ouvriers du Soviet de Petrograd et des soldats de Kronstadt en 1905.
"Travailler plus pour gagner plus” nous avait promis Sarkozy tout au long de sa campagne électorale. Travailler sept jours sur sept, c’est ce qu’on avait exigé des salariés de Goodyear depuis quelques mois pour qu’ils puissent préserver leur emploi. Qu’est-ce qu’ils ont gagné ? Cinq cent d’entre eux sont aujourd’hui mis à la porte de l’entreprise. Travailler plus, mais pour gagner moins, c’est le sort réservé à la plupart d’entre nous avec également moins d’effectifs, des cadences accrues, des conditions de travail de plus en plus dégradées comme les 22 700 emplois devant être supprimés dans la Fonction publique et le non remplacement d’un départ à la retraite sur deux dont 11 200 dans le seul secteur de l’Education nationale. Déjà là, il y a 8000 emplois en moins pour cette rentrée scolaire (5000 l’année précédente). On nous raconte qu’en compensation, il y aurait un millier de créations d’emplois pour l’intégration des handicapés dans ce secteur. C’est de la poudre aux yeux car cela s’accompagne d’une destruction systématique des structures spécialisées pour handicapés devenues beaucoup trop onéreuses pour l’Etat. Gagner plus ? En pleine campagne électorale, était mis en avant que la perte du pouvoir d’achat était, après la crainte du chômage, une des préoccupations majeures des salariés. Chiffres à l’appui, une étude avait montré que les fonctionnaires avaient vu sur 25 ans dégringoler leur pouvoir d’achat, en particulier dans le secteur de l’enseignement. Aujourd’hui les salaires sont toujours quasiment bloqués et pas seulement dans le secteur public mais pour tous les prolétaires. Quant aux fameuses heures sup’, elles ne sont qu’une arnaque supplémentaire qui, même valorisées, ne sont pas prises en compte dans le calcul des retraites. La seule hausse, celle-là vertigineuse, qui nous attend dans cette rentrée, c’est celle des prix de tous les produits de base et de première nécessité avec la flambée du cours des produits agricoles : + 41 % en un an sur le blé, 32 % sur le maïs, 60 % sur l’huile de tournesol, 26 % sur les oeufs et une vaste spéculation sur l’agro-alimentaire qui entraîne une terrible dégradation du niveau de vie.
Un déluge ! Entre 5 et 8 centimes de plus sur l’emblématique baguette alors que le pain avait déjà augmenté de 3 centimes en début de mois. En 2 ans, les produits de boulangerie ont augmenté entre 25 et 50%. On nous dit que l’essor des bio-carburants dope les prix sur le marché des céréales. Résultat : le prix des pâtes doit être majoré de 15 %. Cela se répercute sur l’alimentation du bétail et de l’élevage : la volaille (+ 14 %), la viande de porc et les produits de charcuterie sont en hausse de 6,5%.
C’est aussi une envolée de 15% en moyenne sur tous les produits laitiers dont on invoque aujourd’hui la pénurie après des années de surproduction au sein de la CEE : beurre (+ 40 % en un an), yaourts, fromages, crèmes, glaces (+ 30 % cet été). Pour la flambée des prix sur les légumes et les fruits, on invoque de mauvaises récoltes, sécheresse ou pluies trop abondantes, une hausse de taxes à l’exportation… Et cette valse des étiquettes, qui n’a pas attendu les annonces de ces derniers jours, ne fait que commencer. Il faut y ajouter la hausse des tarifs des transports en commun (SNCF, RATP depuis le 1er juillet), celle des factures d’EDF après celle du gaz, la montée des prix des carburants, une nouvelle hausse du tabac de 5% et par dessus le marché la poursuite de l’escalade continue des loyers en augmentation de près de 4% par an depuis 1999, soit plus de 30% qui rend de plus en plus dramatique la question du logement pour des millions de foyers de prolétaires.
La baisse des impôts ? Esbroufe ! La plupart des salariés ont vu une augmentation de leur troisième tiers provisionnel. Pire, pour l’an prochain, sous prétexte de justice et de traque aux “niches fiscales”, sera présenté mi-octobre un projet de création d’une imposition minimale sur le revenu, avancé et soutenu d’avance par le rapporteur général de la Commission des finances, le “socialiste” Migaud. Finis, les avis de non imposition sur les plus faibles revenus !
Dans la droite ligne de ses prédécesseurs, le gouvernement prétend s’attaquer au chômage par une intensification des tripatouillages continuels en tous genres des statistiques officielles, par des sanctions contre les chômeurs refusant deux offres d’emploi et par des radiations accélérées des fichiers de l‘ANPE. La fusion des services de l‘ANPE et de l‘UNEDIC d‘ici décembre va encore amplifier ce mouvement. Mais si le chômage se retrouve officiellement au niveau le plus bas depuis 20 ans comme s‘en félicite Le Monde, c’est surtout à cause de la multiplication et de la généralisation des emplois précaires. Un nombre croissant de prolétaires et leurs familles sont en train de plonger en dessous du seuil de pauvreté.
Et pour ceux qui sont réduits à toucher le RMI, celui-ci sera transformé en octobre en RSA (revenu de solidarité active), à l’initiative du secrétaire d’Etat Martin Hirsch, ex-président de l’association caritative Emmaüs, dont l’octroi sera en contrepartie d’un “travail social” : un nouveau réservoir de main d’œuvre quasi-gratuite…
C’est au nom de la solidarité avec les malades d’Alzheimer et non plus seulement du trou de la Sécurité sociale qu’une nouvelle série d’attaques est annoncée : franchise médicale de 50 euros par an à la charge de l’assuré, 50 centimes sur chaque boîte de médicaments et sur chaque acte paramédical ainsi que 2 euros pour les transports en ambulance. Prendrait-on tous les prolétaires pour des victimes de cette maladie de la mémoire pour oublier que cela se cumule avec la liste toujours plus longue de médicaments ayant fait l’objet d’un déremboursement total ou partiel prise par tous les ministres de la santé depuis Martine Aubry ? Que le forfait hospitalier institué par l’ex-ministre communiste Ralite n’a cessé d’augmenter ? Que les soins et les examens médicaux de plus de 90 euros sont déjà frappés depuis 2004 par une franchise de remboursement de 18 euros ? D’ores et déjà, les plus démunis sont privés de tous recours aux soins médicaux. Et cela ne va pas s’arrêter : on nous promet une hausse de 0,3 % de la contribution au remboursement de la dette sociale (CDRS) au 1er janvier 2008 et une nouvelle hausse identique, prévue début 2009, tandis que le gouvernement n’a pas renoncé à son projet d’instauration d’un “TVA sociale” à nouveau préconisée par le transfuge socialiste Besson (devenu secrétaire d’Etat).
Le gouvernement a clairement réaffirmé sa détermination à supprimer les régimes spéciaux sur les retraites d’ici 6 mois et a décidé, dans la foulée, un nouvel allongement de la durée des cotisations pour le droit à la retraite (allant de 62 à plus de 65 ans) pour tous les salariés, entraînant une réduction dramatique des pensions. La seule perspective qui nous est réservée, c’est un enfoncement accéléré dans une pauvreté, une précarité et une exploitation de plus en plus intolérables.
La fameuse “ouverture” de Sarkozy à “des personnalités de gauche”, les DSK, Lang, Rocard, Attali, Fadela Amara et consorts, sans oublier “l’effarant” docteur Kouchner, démontre, qu’aussi bien que la gauche, les partis de droite ont besoin aujourd’hui de s’adapter et de recourir à un enrobage idéologique pour tenter de légitimer des attaques de cette envergure afin de pouvoir les mener à bien. En même temps que la facilité avec laquelle ils se laissent débaucher pour “aller à la soupe” démontre le faible niveau de conviction de ces personnalités au sein du PS, l’appel à ces spécialistes du “vernis social” traduit une préoccupation essentielle de l’appareil politique bourgeois qui sait bien que l’ampleur de ses attaques va provoquer inévitablement des réactions ouvrières et des mouvement sociaux dans les mois à venir. Dans cette perspective, le soutien essentiel sur lequel table en priorité l’équipe Sarkozy, ce sont les syndicats. Non seulement, ils ont été les premiers à être reçus à l’Elysée et le gouvernement ne cesse de multiplier les consultations avec eux mais l’édifiant projet de loi sur le service minimum dans les transports vise, dans les grèves futures, à les renforcer et les faire reconnaître comme les seuls interlocuteurs possibles et les seuls capables de mener une grève en contraignant les ouvriers à passer par eux pour décider d’une grève, pour l’organiser et pour en contrôler le déroulement (voir article page 2). La bourgeoisie mise ainsi prioritairement sur l’encadrement syndical pour museler les ouvriers et pour enfermer les prochaines luttes dans un corset de fer.
La classe ouvrière ne doit pas se laisser intimider par ces tentatives, elle n’a qu’une seule possibilité pour se défendre : développer ses luttes face aux attaques grandissantes de la bourgeoisie. La défense de ses propres intérêts est totalement à l’opposé et inconciliable avec l’acceptation des “sacrifices” toujours plus lourds qu’exigent la bourgeoisie, son gouvernement et ses syndicats.
Wim (30 août)
Après son passage devant le Parlement au mois de juillet, la loi sur “le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs”, autrement dit, la mise en place d’un service minimum en cas de grèves dans les transports en commun, a finalement été adoptée le 2 août en vue de son application pour janvier 2008.
“Le service minimum, disait Sarkozy sur TF1 à la veille de la présentation de son projet de loi, voilà vingt ans qu’on en parle et vingt ans qu’on ne le fait pas. Nous le ferons.” C’est donc (nous dit-on) au nom du service public et pour en finir avec la “prise en otage systématique des usagers” au cours de conflits sociaux que le gouvernement s’est décidé à resserrer le cadre légal de la grève dans les transports. Ainsi, parmi les principales dispositions, on trouve désormais l’obligation pour chaque salarié de déclarer 48 heures à l’avance son intention de participer à la grève. Une fois passé ce délai et la grève entamée, il sera impossible aux “non-déclarés” de rejoindre le mouvement sauf à risquer une sanction disciplinaire (encore à définir). Aussi, au bout de 8 jours de grève, un vote à bulletin secret, sorte de référendum, pourra être organisé par la direction de l’entreprise pour recueillir les avis sur la nécessité de poursuivre le mouvement, bien que cela n’empêche pas une minorité de grévistes de continuer leur action. Enfin, “la rémunération d’un salarié participant à une grève” sera “réduite en fonction de la durée non travaillée”. Mesure on ne peut plus provocatrice visant à opposer les travailleurs les uns contre les autres étant donné qu’aucun salarié (pas plus dans le public que dans le privé) n’est payé lorsqu’il fait grève (les enseignants mobilisés en 2003 contre la réforme des retraites peuvent en témoigner).
Si le gouvernement semble soucieux de garantir un service minimum dans les transports, ce n’est évidemment pas pour les beaux yeux ou le bien être des usagers. Ce qui importe en premier lieu pour le capitaliste, c’est le bon fonctionnement de l’économie et les transports en sont un point névralgique. Les marchandises doivent arriver à bon port (la nouvelle loi devrait par la suite s’appliquer au transport aérien, maritime et le fret), de même que les “usagers” à savoir la force de travail. Il faut que la “France qui se lève tôt” puisse se rendre sans embûches au boulot pour “travailler plus”. Pendant sa campagne présidentielle, Sarkozy en avait fait la promesse : “Je garantirai trois heures de transport en commun pour aller au travail, et trois heures pour en revenir. Il est inacceptable que les Français soient pris en otages par les grèves.” Le gouvernement Fillon ne fait au bout du compte que traduire une vieille préoccupation de la bourgeoisie… que l’ouvrier soit présent à l’heure où commence son exploitation. Mais le service minimum est-il vraiment une nouveauté ? Un système d’alerte sociale (préavis, informations sur les train et bus en circulation) était pourtant déjà en place. Alors à quoi rime ce show médiatique ?
A en croire la gauche politique et syndicale, quelque chose de bien plus grave est en effet en train de s’ourdir dans la coulisse : la suppression pure et simple du droit de grève !
Voilà quel serait au fond le fin mot de l’agitation gouvernementale autour du service minimum, le premier ministre ayant déjà laissé entendre que la loi, qui ne concerne pour l’instant que les transports, pourrait servir de modèle pour être étendue à d’autres domaines dont l’Education nationale.
Et la CGT de répondre dans son point presse du 8 août : “Le véritable objectif de cette loi est d’apporter de nouvelles restrictions à l’exercice du droit de grève en anticipant sur les mécontentements qui pourraient naître des mesures gouvernementales actuelles et à venir […] Nous réaffirmons que cette loi est hypocrite parce qu’elle attaque le droit constitutionnel de grève”.
La veille, les députés PS et PC avaient pour leur part déposé un recours devant le Conseil constitutionnel contre cette loi qui selon eux vise à “interdire implicitement l’exercice du droit de grève.”
Ajoutons à cela la décision du 9 août d’un tribunal de travail à Nuremberg, en Allemagne, interdisant aux conducteurs de la compagnie ferroviaire Deutsche Bahn, emmenés par le principal syndicat de conducteurs (le GDL), de faire grève jusqu’au 30 septembre, et le décor est en place pour que commence la farce : “un spectre hante l’Europe… l’abolition du droit de grève !”
Certes, on ne peut exclure que dans le sac à fantasmes du bourgeois, le monde idéal ressemble à une économie exploitant des ouvriers dociles à souhait, incapables d’exprimer la moindre revendication. Le capitalisme sans luttes de classes… le paradis bourgeois sur Terre en somme. Cela étant, sortie de sa moelleuse alcôve, la classe dominante n’est pas assez stupide pour confondre rêves et réalité. Elle sait pertinemment ainsi que ses fidèles chiens de garde, ces spécialistes hors pair de l’encadrement et du sabotage des luttes que sont les syndicats, qu’il est impossible d’interdire aux ouvriers d’entrer en lutte quand leurs conditions de vie sont menacées. Bien plus efficace est leur institutionnalisation dans le cadre syndical afin de mieux les contrôler et les faire mourir sur des voies de garage. Pour la bourgeoisie, il n’existe rien de pire que de voir les ouvriers déborder l’encadrement syndical, ses cordons sanitaires, ses services d’ordre et d’intoxication, pour prendre eux-mêmes la direction de leurs luttes.
La classe dominante cherche beaucoup de choses mais certainement pas à se suicider en rendant la grève illégale et a fortiori incontrôlable. Comme le rappelait Xavier Bertrand (ministre du Travail), le 30 juillet : “Dans notre pays, le droit de grève est un droit constitutionnel et ce projet de loi n’entend nullement le remettre en cause.” Alors qu’entend-il au juste ? A travers ce cirque organisé autour du service minimum et du “risque” de voir un beau jour disparaître le droit de grève, la bourgeoisie tient avant tout à faire pénétrer au plus profond des cervelles ouvrières que la lutte ne peut naître nulle part ailleurs que “dans le cadre fixé par la loi” (c’est-à-dire sur un terrain choisi et des règles dictées par elle).
Ainsi, la complexification procédurière de l’exercice du droit de grève, renforce en premier lieu l’image du syndicat comme expert juridique de la lutte et, de fait, l’idée selon laquelle il est impossible d’entamer la moindre grève sans recours à son savoir et ses compétences en matière de législation. La manoeuvre sera d’autant plus complète que les ouvriers penseront que l’enjeu pour eux est de définir, via les syndicats, les modalités de ce cadre législatif alors qu’il s’agit au contraire de s’en émanciper. 3 semaines ou 5 jours de préavis, vote à bulletin secret ou à mains levées pour la poursuite d’une grève… tout cela n’a rien d’essentiel pour le législateur qu’est l’Etat bourgeois. Ce qui compte avant tout c’est que les ouvriers apprennent qu’en dehors des syndicats, la lutte n’existe pas ! Mieux encore… que la question ne se pose même pas ! Pour l’information des salariés du bagne capitaliste, la classe dominante donne un éblouissant coup de projecteur sur le point le plus important du “règlement” de sa prison syndicale : “Il est formellement interdit de quitter les locaux de la prison” (ce que la bourgeoisie appelle “le droit constitutionnel” de faire grève).
Au vu des attaques qui se préparent contre la classe ouvrière (dont la prochaine remise en cause des régimes spéciaux de retraite) le gouvernement aura grand besoin, il est vrai, de s’appuyer sur des syndicats crédibles, en pleine possession de leur force de mystification, pour encadrer la colère des travailleurs.
Azel (23 juillet)
Coup de tonnerre à l’extrême-gauche du capital. le porte-parole de la ligue communiste révolutionnaire a récemment déclaré : “la LCR n’a plus vocation à exister”. Olivier Besancenot souhaite créer un nouveau parti rassemblant “tous les anticapitalistes et tous les partisans d’un changement de société”. La coqueluche des médias fixe même la date de ce possible “grand rassemblement” : “Le congrès constitutif pourrait intervenir l’an prochain”.
Que signifie tout ce remue-ménage ? Pour tous ceux qui veulent sincèrement “un changement de société”, est-il en train de naître un nouvel espoir, une nouvelle force politique authentiquement révolutionnaire ? Pas vraiment… Profitant de l’espace laissé par un PS décrédibilisé et un PC à l’agonie, Olivier Besancenot et sa clique espèrent rafler la mise et faire fructifier leur capital de 4,08% de voix aux dernières élections présidentielles. Le leader de la LCR ne s’en cache d’ailleurs pas en affirmant vouloir fédérer autour de sa personne puisque “dans la rue et dernièrement dans les urnes, la LCR a su montrer qu’elle était devenue un point de repère”.
A n’en pas douter, si l’auberge “rouge” de Besancenot parle de ravalement de façade, cela vise surtout à attirer plus efficacement les ouvriers à sa table. Mais, comme à chaque fois avec les bouis-bouis trotskistes, le menu si alléchant à l’entrée fait de luttes, d’internationalisme et de révoltes, se révèle être la même bouillie infâme, réformiste et nationaliste, servie depuis toujours. C’est Olivier Besancenot lui-même qui lâche le morceau sur la vraie nature de ce nouveau “parti anticapitaliste” : “La nouvelle direction devra être à l’image et aux couleur du pays”. Après le communisme bleu-blanc-rouge du PCF, voici le communisme black-blanc-beur de la LCR… un nationalisme new-look et dans le vent en quelque sorte. Cocorico !
Régis (29 août)
“Le retour du plein emploi est possible !”. Dans la continuité des effets d’annonce du ministre prestidigitateur Borloo et du président Sarkozy, les médias aux ordres évoquent régulièrement un recul du chômage.
Pourtant… 10 000 suppressions de postes à Airbus, 10 000 dans l’éducation nationale, suppressions de postes en masse dans l’industrie, délocalisations, fermetures d’usines, non remplacement des départs en retraites, etc. Quelle est donc l’explication du succès annoncé auquel il est très difficile de croire dans un tel contexte ?
Depuis la publication du rapport Malinvaud (alors directeur général de l’INSEE) qui préconisait en 1986 “une modification du mode de calcul du chômage”, les manipulations statistiques et la propagande se sont fortement accentuées 1.
Ainsi, les modes de calcul statistique actuels ne “tiennent pas compte des demandeurs d’emplois immédiatement disponibles à la recherche d’un CDI à temps plein et qui ont travaillé moins de 78 heures dans le mois”. Elles excluent “ceux qui, faute de mieux, se contentent (sic !) de missions d’intérim, temps partiels ou CDD, les chômeurs des départements d’outre mer, les chômeurs en arrêt maladie ou en formation, les licenciés économiques en convention de reclassement personnalisé (CRP), en contrat de transition professionnelle (CTP), les chômeurs âgés dispensés de recherche d’emploi (DRE)” 2. Les chômeurs touchant le RMI ne sont pas plus pris en compte alors que leur nombre a augmenté de 20 % depuis 2002 !
En parallèle, le harcèlement contre les chômeurs s’est intensifié, notamment avec la réforme du mode de contrôle mis en œuvre depuis le 2 août 2005. Résultat en 2006 : triplement des sanctions contre les chômeurs, 579 558 “radiations administratives” de la liste des demandeurs d’emplois. Et cela n’a rien de nouveau. En 1993, la socialiste Martine Aubry, alors ministre du Travail, avait fait convoquer 900 000 chômeurs de longue durée à l’ANPE. Comme prévu, 10 % d’entre eux ne se sont pas présentés au rendez-vous et ont été radiés ! Poussés à la “faute” par une multiplication de convocations bidons et la proposition d’emplois sous-payés, de nombreux chômeurs se retrouvent donc brutalement et massivement rayés des listes et privés de ressources… disparaissant comme par magie des statistiques ! Culpabilisés, traités de “fainéants” et “d’assistés”, les victimes sont taxées de “profiteurs du système”. Cela permet alors de justifier les milliers de chômeurs également exclus chaque mois du système d’indemnisation. La part des “chômeurs invisibles” a ainsi été multipliée par 4 ces 25 dernières années.
Et l’exemple du “plein emploi” à l’anglaise auquel la bourgeoisie française tient tant ne présage rien de meilleur pour notre avenir. En effet, le nombre de pauvres y est de dix points supérieur à celui de la France ; 25% de l’emploi total est fait de temps partiels et de petits boulots ; 2 millions d’enfants de 6 à 16 ans ont un travail régulier ; 500 000 enfants de moins de 13 ans travaillent dans les services et l’industrie. Et pour camoufler le tout, le gouvernement a modifié 32 fois le mode de calcul du taux de chômage en 18 ans ! Comme ailleurs, l’accroissement du nombre de travailleurs précaires et le bidouillage permanent des chiffres sont les seuls moyens pour les économies capitalistes de prétendre au “plein emploi”. On comprend alors beaucoup mieux le sens de la “réussite” de Tony Blair, dont le bilan politique cache de plus en plus mal la croissance d’une légion de miséreux !
Au-delà des promesses, de tous les mensonges et des falsifications, c’est bien la réalité du chômage de masse et surtout de la paupérisation croissante de la population que la classe dominante cherche à masquer avec inquiétude. Mais la réalité est là, toute nue : bas salaires, contrats précaires et chômeurs représentent déjà 50 % de la population active en France. Voilà les résultats de la “politique pour l’emploi !”.
Loin d’une vision idyllique d’un avenir radieux, le capitalisme en faillite ne peut offrir que la précarité, l’insécurité, le chômage et la répression. Face à cela, la classe ouvrière doit prendre conscience de sa force et opposer sa résistance solidaire. Elle devra imposer sa perspective, son projet politique ; un projet où le monde sera enfin libéré du mensonge institutionnalisé, de la misère et de la barbarie.
WH
1) Les statisticiens de la DARE –organisme du ministère Borloo – se sont même mis en grève pour contester la publication des chiffres du chômage du mois de mars dernier.
2) Source : www.hns-info.net [69]. Voir également les travaux du collectif acdc.
Le chiffre vient de tomber : 11 200 postes vont être supprimés à l’Education nationale en 2008 ! Le gouvernement Fillon frappe fort sur un secteur qui subit déjà depuis de nombreuses années les foudres de la bourgeoisie. C’est l’ancien ministre socialiste Claude Allègre qui avait sonné la curée en annonçant en 1997 qu’il fallait “dégraisser le mammouth”. Il ne restera bientôt plus que les os à ronger. En dix ans, le nombre de surveillants a été divisé par dix. Les infirmières scolaires, les assistantes sociales et les conseillers d’orientation sont une espèce en voie de disparition. Le personnel administratif, toujours moins nombreux, est confronté à des charges de travail insurmontables. Et puisqu’il faut “travailler plus pour gagner moins”, tous ces ouvriers ont perdu officiellement plus de 20% de pouvoir d’achat ces 25 dernières années.
Seule la lutte permettra d’endiguer ces attaques, mais à condition d’éviter un piège mortel : le corporatisme. C’est en effet ce poison qui a mené, en 2003, des milliers d’enseignants à une défaite cinglante.
Cette année-là, une énième réforme du régime des retraites est annoncée : dorénavant les travailleurs du public devront, comme dans le privé, trimer au minimum quarante annuités pour gagner le droit de prendre leur retraite. Des manifestations monstres éclatent immédiatement. Plus d’un million de personnes se retrouvent dans la rue pour la seule journée du 13 mai 2003.
Dans la foulée et volontairement, le gouvernement annonce une mesure touchant seulement le secteur de l’Education nationale : au nom de la décentralisation, des centaines de milliers de postes d’ATOS sont menacés. Cette double attaque est une véritable provocation. La bourgeoisie connaît parfaitement le niveau de ras-le-bol et de colère grondant au sein de ce secteur. Depuis plusieurs mois déjà, dans les collèges et les lycées de la banlieue parisienne, des assemblées générales et des grèves spontanées se multiplient. C’est donc sciemment que la bourgeoisie en rajoute une couche. La manœuvre est simple. Pour masquer l’attaque sur les retraites, une attaque qui touche toute la classe ouvrière, elle harcèle un secteur spécifique avec une mesure spécifique.
C’est ici que les syndicats rentrent en scène. Refoulant la question des retraites au second plan, ces officines mettent en avant la revendication particulière du combat contre la décentralisation. Ainsi, le secteur de la classe ouvrière le plus touché, au lieu de devenir la locomotive d’un mouvement plus large et global, s’enferme dans le piège du corporatisme. Résultat : les enseignants se retrouvent isolés et donc impuissants. Les syndicats finiront d’épuiser les éléments les plus combatifs en les entraînant dans des actions désespérées et stériles tel que le blocage des examens de fin d’année.
La démoralisation sera à la hauteur de la défaite. Aujourd’hui encore, les enseignants n’ont pas oublié qu’ils se sont mobilisés, lors de ce fameux printemps 2003, pendant des semaines, voire pour certains des mois, sans rien obtenir. Pire ! Afin de parachever le travail de sape, la bourgeoisie prendra un malin plaisir à annoncer à grand renfort de publicité que pas un seul jour de grève ne sera payé. Le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, pourra ainsi, en guise de conclusion, ressortir son message adressé à toute la classe ouvrière : “ce n’est pas la rue qui gouverne”.
Le corporatisme est décidément un piège mortel. “Diviser pour mieux régner”, tel est le vieil adage de la classe dominante. Quant à nous, ouvriers, notre force réside dans notre unité et notre solidarité sans faille. La défaite du printemps 2003 montre que seuls, nous ne sommes rien, mais la victoire du mouvement contre le CPE du printemps 2006 prouve qu’au contraire, en luttant ensemble, nous pouvons résister aux coups de boutoirs de la bourgeoisie et même la faire reculer. La force de la classe ouvrière, c’est sa solidarité !
Pawel (30 août)
Au mois de juin, une grève de quatre semaines a eu lieu en Afrique du Sud. Entre 600 000 et 1 million d’ouvriers ont cessé le travail, entraînant la fermeture de la plupart des écoles et de nombreux bureaux, l’arrêt de certains transports publics et le remplacement du personnel des hôpitaux par du personnel militaire. Ce mouvement de la classe ouvrière est le plus important depuis la fin de l’apartheid en 1994. Durant ces grèves, le syndicat COSATU et le SACP (Parti Communiste d’Afrique du Sud), qui font partie de la coalition gouvernementale au pouvoir avec l’ANC. se sont efforcés de briser les forces ouvrières et de faire passer les attaques contre le pouvoir d’achat.
La fin de l’apartheid n’a rien changé
Les conditions de vie et de travail en Afrique du Sud se sont terriblement détériorées pour la majorité de la population. L’espérance de vie, le degré d’alphabétisation, l’accès aux soins ont décliné. Il y a maintenant, en Afrique du Sud, 5,5 millions de patients atteints du Sida, le chiffre le plus élevé au monde.
Les syndicats et les commentateurs de gauche et gauchistes accusent régulièrement la politique “pro-business” et particulièrement cupide du président Thabo Mbeki. Mais ce n’est pas à cause de la cupidité ou de politiques économiques particulières que le gouvernement ANC/SACP/COSATU attaque les conditions de vie des ouvriers et des autres couches non exploiteuses en Afrique du Sud. Un gouvernement capitaliste ne peut être autre chose que “pro-business” et donc contre la classe ouvrière. La seule “libération” qui soit survenue en 1994 a été celle d’un petit nombre d’activistes politiques noirs pour occuper une position plus importante dans l’appareil politique de la classe dominante et mieux tromper la classe ouvrière. Les élections qui ont eu lieu depuis ont ainsi renforcé l’idée que quelque chose de fondamental avait changé dans la société sud-africaine avec l’arrivée d’une plus large démocratie. Le Socialist Worker (9 mai 2007) a rapporté les propos d’un ouvrier dans une manifestation à Pretoria : “Nous pensions que le gouvernement nous soutiendrait comme ouvriers parce que nous les avons mis au pouvoir, mais c’est comme s’il nous avait oubliés.” Cette sorte d’illusions est constamment nourrie par les syndicats et les gauchistes, qui sont heureux de parler des concessions de l’ANC au néo-libéralisme mais qui ne l’étiquette jamais ouvertement comme étant une partie pleine et entière de la bourgeoisie.
Perspectives pour les luttes futures
Quelques commentateurs, en Afrique du Sud, ont vu la récente grève comme un signe que les syndicats allaient jouer un rôle plus indépendant et que cela encouragerait les ouvriers à entrer dans de futures actions. En réalité, c’est à cause du mécontentement croissant parmi la classe ouvrière que les syndicats essaient de prendre leur distance vis-à-vis du gouvernement. Dans Socialist Workers (23 juin 2007), un membre de l’organisation gauchiste South Africa’s Keep avance l’idée selon laquelle cette “ambiance ouvre la porte à une renaissance de l’auto-activité durant les grèves”. Ce qui est certain, c’est que tous les prétendus défenseurs de la classe ouvrière (syndicats et autres) s’opposeront de toutes leurs forces à l’émergence d’une réelle auto-activité des ouvriers. Une réelle lutte autonome signifierait que les ouvriers seraient parvenus à prendre en charge eux-mêmes leurs luttes, hors des syndicats. Cela n’a pas été les cas.
La lutte présente, bien que significative, n’est nullement un fait inédit depuis 1994. En août 2005, 100 000 ouvriers des mines d’or ont fait grève pour des revendications salariales. En septembre 2004, il y a eu la plus importante journée en nombre de grévistes de l’histoire de l’Afrique du Sud, impliquant 800 000 à 250 000 ouvriers selon qu’il s’agit des chiffres fournis par les syndicats ou ceux du gouvernement. Les enseignants étaient particulièrement en colère puisqu’ils n’avaient pas eu d’augmentation salariale depuis 1996. En juillet 2001, il y avait une vague de grèves dans les industries minières et énergétiques. En août 2001, il y a eu une grève de trois semaines impliquant 20 000 ouvriers de l’automobile. En mai 2000, les grèves dans l’industrie des mines se sont étendues au secteur public. Durant l’été 1999, il y a eu une vagues de grèves incluant les ouvriers des postes, des mines d’or et du secteur public avec les enseignants, les hospitaliers et d’autres travailleurs du public.
Implicitement, toutes ces luttes ont amené les ouvriers à se dresser contre l’ANC et le gouvernement sud-africain. Mais la dernière vague de grèves a montré la nécessité pour la classe ouvrière de développer une prise de conscience de la véritable nature bourgeoisie de ses faux-amis et de la signification globale de ses propres luttes.
D’après World Revolution,
section du CCI en Grande-Bretagne.
L’été 2007 a encore confirmé l’aggravation de l’horreur et du chaos guerrier dans de nombreuses parties du monde. Si la situation s’est relativement et tout à fait momentanément apaisée au Liban, l’Afghanistan a vu une recrudescence des combats et des attentats terroristes talibans et c’est encore particulièrement l’Irak qui s’enfonce dans l’épouvantable. Les morts s’y comptent quotidiennement par dizaines, dans les affrontements armés comme dans les attentats-suicide et les massacres organisés de populations. Cette violence aveugle et folle s’exacerbe et s’étend sur ce pays dans un mouvement de véritable fuite en avant qui est devenu incontrôlable. 500 personnes de la communauté yazidie1 ont ainsi été assassinées en quatre attentats successifs au mois d’août, alors que se déchaînent avec une brutalité sans précédent les exactions entre Kurdes, Sunnites et Chiites, souvent en leur sein même. En juillet seulement, 1650 civils irakiens ont été tués et le bilan du mois d’août s’annonce encore plus lourd.
Ce qui n’empêche pas le président irakien de déclarer : “Il n’existe pas de guerre chiite-sunnite, mais des divisions à l’intérieur de ces communautés”2. Rien de plus, rien de moins !
Depuis 2003, plusieurs dizaines de milliers d’Irakiens sont morts directement des effets de la guerre, la population est affamée, sans système de soins, l’électricité est devenue un luxe, tout comme l’eau. Bagdad s’est transformé en une collection de ghettos emmurés, abritant les bandes rivales et les communautés ennemies, tandis que des familles entières sont totalement séparées.
Plus de deux millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, sans perspective autre que d’échapper immédiatement au massacre, et le même nombre a fui à l’étranger pour un avenir tout aussi incertain.
Quant à l’armée américaine, elle dénombre plus de 3000 morts “officiels”, certaines sources hospitalières américaines officieuses parlant de 10 000, sans compter les cas de suicides qui ont frisé la centaine en 2006, et les rumeurs de foyers de révolte au sein de l’armée qui se font tous les jours plus précises.
Voilà “l’héritage” immédiat de la grande lutte de l’équipe Bush, et de la coalition qui l’a suivie, contre le terrorisme, dans une guerre que 58% d’Américains dénoncent aujourd’hui.
C’est dans le contexte de cette inhumanité hurlante que Kouchner, fervent défenseur de la guerre en Irak comme partout dans le monde du moment que cela se fait pour la “bonne cause”, est venu s’ingérer à Bagdad, “par surprise” et pour apporter “un simple message d’amitié”, en porteur du flambeau international de l’humanitaire. Cet inlassable voyageur et convoyeur de l’impérialisme français a demandé aux Irakiens “de la patience” car on était juste au “début, (il) espère, de la fin de la crise”. Quel fin visionnaire ! Cependant, au-delà des aspects un tant soit peu ridicules et vains de ce voyage, il a pour signification une intention de la France de revenir sur la scène irakienne, où elle aimerait pouvoir y retrouver une influence. Il est évident que la France n’est d’aucun poids réel dans la situation irakienne, à l’image de celui d’une ONU à l’engagement de laquelle appelle Kouchner de tous ses vœux. Que ce soit dans le contexte du retrait éventuel des Etats-Unis ou dans celui de la continuation de leur présence, alors même que la Grande-Bretagne organise ses préparatifs de départ, on voit mal quel pourrait être l’apport objectif de Paris, qui voudrait “aider les Etats-unis à trouver une porte de sortie en Irak"3, tandis que les services de renseignements français ne cessent de rapporter au président français les éléments du chaos et du désastre grandissant que connaît l’armée américaine. De plus, une implication de la France la mettrait une nouvelle fois en ligne de mire des terroristes.
Mais il faut cependant souligner l’ignominie et le cynisme du gouvernement de l’hexagone et de ses représentants qui, drapés du manteau de la paix et de l’humanitaire, utilisent les monstruosités de la guerre pour s’en horrifier en apparence et faire passer au fond leurs besoins impérialistes et militaires.
Pour ce qui est des Etats-Unis et de leur croisade anti-terroriste, l’échec est total et a mené Washington dans une véritable impasse. Les différentes options qu’elle peut à l’heure actuelle envisager lui sont toutes défavorables. Bush a été incapable de mettre en place un gouvernement un minimum crédible, qui n’est que l’expression directe des dissensions Chiites et Sunnites, gouvernement dont les représentants ont détourné au profit de leurs cliques respectives la moitié des armes livrées aux autorités officielles irakiennes par le Pentagone depuis trois ans. Sans compter avec une police dont de nombreux éléments permettent l’accès des camps militaires américains aux terroristes-kamikazes. Voilà pour la fiabilité des instances et des hommes mis en place par les Etats-Unis sur le territoire irakien. Que ces derniers restent ne changera rien à la situation sinon l’aggraver encore sur place et exciter davantage l’opposition anti-guerre aux Etats-Unis. Quant à un départ, qui ne pourra se faire que sur de nombreux mois avec la présence de 150 000 hommes et de leur matériel, il est humainement périlleux pour l’armée américaine elle-même, en ouvrant la route d’une explosion de la terreur guerrière tous azimuts encore pire que celle existante et les portes de l’Irak à un Iran qui attend son heure. Et ce ne sont pas les 90 hommes que l’ONU se projette de dépêcher sur place, au lieu des 65 déjà présents, qui vont faire contrepoids !
Cependant, la perspective du retrait au moins partiel est désormais envisagée par l’administration Bush. Et c’est en ce sens, et pour contrebalancer les velléités hégémoniques de Téhéran, qu’elle s’efforce de mettre sur pied un bloc des pays arabes alliés de l’Amérique en leur offrant le renforcement de leur potentiel militaire : 20 milliards d’armement ultra-sophistiqué en dix ans pour l’Arabie saoudite, le Qatar, Bahreïn, le Koweït, les Emirats arabes unis et 13 milliards de dollars pour la même période à l’Egypte. Mais il y a un hic, car Israël a exigé sa propre contrepartie, du fait qu’il ne pouvait voir sa supériorité militaire dans le Moyen-Orient remise en cause ainsi que son rôle de “gendarme” de la région. Aussi, les Etats-Unis lui ont-ils fourni une “compensation” de 30 milliards de dollars d’armes, c’est-à-dire une augmentation particulièrement significative de 25 % de leurs fournitures militaires à Tel-Aviv.
On voit en définitive l’Amérique organiser elle-même une surenchère à l’armement dans une région déjà à haut risque et en direction d’un pays comme l’Arabie Saoudite accusée à Washington même de soutenir les terroristes sunnites, voire Al-Qaïda. Dans un monde où la règle est le “chacun pour soi”, la réponse que tente d’y donner la première puissance mondiale ne fait qu’aggraver l’accélération de ce chacun pour soi et les tensions guerrières.
De façon plus large, c’est une sorte de fièvre de la course aux armements qui se développe significativement depuis fin 2006, et s’élargit à de nombreuses puissances. Et dans cette accélération dans la folie guerrière capitaliste, le nucléaire est de plus en plus en pointe. Ce n’est pas une surprise en soi. Les essais nucléaires de la Corée du Nord début 2006, les achats répétés de technologie nucléaire et de missiles à la Russie par l’Iran depuis un an, les velléités de pays secondaires comme le Brésil de reprendre leur programme nucléaire, etc., étaient des signes annonciateurs du fait que chaque pays ne se contente plus d’être sous le “parapluie” nucléaire de telle ou telle grande puissance mais exprime la volonté de se défendre lui-même.
Les Etats-Unis, en réponse à la destruction par un missile chinois d’un satellite météo en janvier 2007, destruction spatiale venant montrer la faiblesse potentielle américaine quant à sa capacité de diriger ses armes aériennes, navales et terrestres dans un conflit lointain, ont été une fois encore à l’origine de cette accélération par la proposition de renforcer leur bouclier anti-missile quasiment à la frontière de la Russie. Celle-ci ne pouvait évidemment que répondre, et n’attendait que cela, par la vague menace de viser l’Europe puis par celle plus concrète d’installer des missiles à Kaliningrad, en mer Baltique, juste entre la Pologne et la Lituanie, à deux pas du bouclier américain.
Mais la course à l’armement nucléaire ne concerne plus seulement les grandes puissances. On voit en effet une ceinture nucléarisée se développer au Moyen et au Proche-Orient jusqu’en Asie de l’Est. Si l’on compte l’Iran, force potentielle, on peut suivre un arc de cercle quasiment continu bourré de missiles nucléaires, d’Israël à la Corée du Nord en passant par le Pakistan, l’Inde et la Chine, le tout chapeauté par l’arsenal russe. En bref, une véritable poudrière atomique, en particulier dans certaines régions qui sont, déjà, des poudrières et des lieux de conflits guerriers permanents.
Dans le contexte de prolifération de conflits en tous genres d’aujourd’hui, le fil qui tient l’épée de Damoclès nucléaire sur nos têtes se fait toujours plus ténu. Ce ne sont pas les accords Salt ou autres qui garantissent quoi que ce soit. C’est seulement le développement massif des luttes ouvrières jusqu’au renversement de cette société capitaliste qui est une nécessité pour en finir avec la menace guerrière, terroriste ou nucléaire, et ouvrir la voie à un futur pour l’humanité.
Mulan (30 août)
1) Les Yazidis sont une communauté religieuse considérée comme hérétique pour l’orthodoxie musulmane sunnite. Un grand nombre d’entre eux sont des Kurdes.
2) Le Monde du 22 août 2007.
3) Cité par Le Canard Enchaîné du 22 août 2007.
Depuis le début des années 2000, la crise du capitalisme s’est profondément aggravée. Et c’est évidemment la classe ouvrière qui en subit les conséquences dramatiques. Dans tous les pays industrialisés, les prix flambent, les accès aux soins se réduisent comme peau de chagrin, les salaires sont gelés, les indemnités permettant aux sans-travail de survivre disparaissent.
Chaque année est pire que la précédente. 2006 et début 2007 ont ainsi vu se multiplier les charrettes de licenciements partout dans le monde. Le secteur de l’automobile, particulièrement mal en point, a détruit des dizaines de milliers d’emplois. Dernière annonce en date, le constructeur Fiat va supprimer 12 300 postes. Mais il n’y a pas que les secteurs traditionnels de l’industrie qui sont aujourd’hui touchés. Signe des temps, les entreprises de pointe virent, elles aussi, à tour de bras. Nous avons tous en tête le plan de restructuration “Power 8” chez Airbus, fleuron de l’économie française et allemande, et ses 10 000 suppressions de postes. Les entreprises de haute technologie ou de communication ne sont pas en reste : 2290 postes en moins chez Nokia-Siemens, 3000 pour l’audiovisuel en Espagne et 9400 chez Microsoft Word. La liste pourrait ainsi être poursuivie pratiquement indéfiniment !
Mais tout ceci n’est rien en comparaison de la nouvelle tourmente qui s’annonce. L’accélération de la crise économique qui a débuté cet été va entraîner une violente vague d’attaques contre la classe ouvrière.
La crise de l’immobilier aux Etats-Unis risque de jeter à la rue, dès cet automne, près de trois millions d’ouvriers incapables de rembourser des prêts exorbitants et dont les maisons seront tout bonnement réquisitionnées par les banques ! Mais cette crise a des répercussions bien plus larges encore. En effet, à peine la crise financière commencée, les suppressions d’emplois et autres licenciements massifs tombent dru.
Le journal 20 Minutes a ainsi titré : “Crise des subprimes: licenciements en masse dans la finance” (le 22/08/2007). Depuis le début août, il y a eu aux Etats-Unis, pays le plus touché actuellement par la crise de l’endettement et du crédit, 21 000 licenciements dans le secteur de la finance et, en particulier, dans les établissements de crédit. La banque d’affaire Sun Trust en a annoncé 2400 et des sociétés de crédit telles que First Magnus Financial, Countrywide ou Capital One, 8640. Au total, depuis le début 2007, les licenciements annoncés dans ce secteur s’élèvent à 87 962, soit le double de l’année précédente. “Nous avons ici une photo de la situation qui montre que les réductions d’effectifs explosent au fur et à mesure que la crise s’aggrave”, a indiqué John Challenger, un spécialiste interrogé par Bloomberg.
Mais le secteur de la finance n’est pas le seul touché. Au contraire, la crise qui s’est déclenchée cet été a déjà des répercussions importantes sur toute l’économie. Toutes les entreprises savent que l’heure de l’austérité a sonné, la consommation des ménages américains va se réduire fortement. Anticipant la récession qui s’annonce, les plans de restructurations se multiplient. Dans l’informatique, Dell va supprimer 8800 postes. La société Monster dont, ironie de l’histoire, le slogan publicitaire affirme à grandes trompettes “Monster.fr Leader mondial de l’emploi sur Internet !!!” se propose aujourd’hui de supprimer à son tour 800 emplois, soit 15 % de ses effectifs mondiaux. Le spécialiste du recrutement champion du licenciement… tout un symbole pour les temps à venir ! L’édition américaine n’est pas en reste, puisque la réduction de ses effectifs sera de 5000 salariés. La crise n’ayant pas de frontière, tous les pays vont être touchés. Unilever le groupe d’agro-alimentaire anglo-néerlandais vient d’annoncer 20 000 licenciements !
La crise financière en court, qui commence déjà à se propager à toute l’économie, va conduire ainsi directement dans les mois à venir à une véritable explosion des licenciements partout dans le monde.
Les prix de l’alimentation de base vont connaître, avec cette crise, une violente augmentation. Il faut s’attendre, au niveau mondial, à des hausses de plus de 10% pour tous les produits de première nécessité ! Le lait, le pain, les céréales, le riz, le blé, les pâtes, tous ces produits indispensables à la vie de tous , vont être ceux qui vont subir les plus grosses augmentations. Par effet de contagion, la viande même de qualité médiocre et les fruits vont suivre.
Si on cumule l’explosion des licenciements qui s’annonce et l’augmentation violente des prix de la nourriture, on se rend compte aisément de ce qui attend la classe ouvrière partout dans le monde dans la période à venir.
Françoise (31 août)
Une fois encore, les mœurs crapuleuses de la bourgeoisie se sont dévoilées en plein jour. Avec l’affaire des “infirmières bulgares”, les grandes démocraties ont démontré qu’elle n’avaient rien à envier aux plus ignobles dictatures.
Pour la plus grande gloire de la Nation, les médias français se sont répandus en photos montrant ces otages libérés, après neuf longues années de captivité et de torture par le régime libyen, se jeter dans les bras de la nouvelle égérie française, Cécilia Sarkozy. Plus fort encore que Kouchner tenant dans ses bras des enfants somaliens mourant de faim !
Il n’y a aucune illusion à avoir, la vie de ces infirmières bulgares et du médecin palestinien emprisonné avec elles n’a pas plus de valeur aux yeux des Sarkozy, et de toute la bourgeoisie française, qu’à ceux du sanguinaire Kadhafi. Si la diplomatie tricolore s’est démenée pour obtenir leur libération, c’est pour des raisons bien différentes de l’humanisme et de la bonté d’âme.
D’abord, évidemment, tout ce cirque médiatique a permis au nouveau président français de se faire un bon coup de pub et de travailler son image d’homme de cœur bombant le torse. Mais bien plus cynique encore, derrière cette libération se cachent des tractations militaires ! Le 25 juillet, cet “exploit” de la diplomatie française se concrétisera en effet sans ambiguïté dans de sordides négociations : deux accords entre la France et la Libye sur la vente de nombreux armements et la fourniture d’un réacteur nucléaire à Tripoli.
Pascale (31 août)
Cette prise de position sur le dernier tremblement de terre au Pérou nous a été envoyée par un contact de ce pays. Elle respire l’indignation face aux conséquences qui en résultent pour les ouvriers et, de façon générale, pour les miséreux alors que, en ce qui la concerne, la bourgeoisie étale son hypocrisie et sa cupidité. Nous partageons bien sûr la vision que le capitalisme est responsable de ces conséquences et que seule sa destruction pourra permettre d’instaurer et de développer des conditions de vie vraiment humaines.
"C’est une épreuve de plus que Dieu, dans l’au-delà, nous envoie” (Alan Garcia Perez, Président du Pérou)
Il est parfaitement évident que la bourgeoisie tire profit de cette “épreuve divine”. Ces derniers mois, la bourgeoisie locale a dû s’affronter à la combativité de millions de prolétaires mobilisés pour leurs revendications, une combativité qui a favorisé, surtout au sein du prolétariat des mines, le développement d’un haut niveau de solidarité prolétarienne. […]
La manœuvre de Alan Garcia contre la bourgeoisie chilienne 1 avait fait long feu et n’avait eu de résultats que dans la presse aux ordres et dans la bouche des intellectuels à la solde de l’État. Alors qu’une nouvelle vague de luttes menaçait d’exploser sur divers fronts, le 15 août à 18 h 40, la terre a tremblé avec une puissance de 7,5 sur l’échelle de Richter à près de 60 kilomètres de Pisco, qui se trouve à près de deux heures de Lima. Des centaines de milliers d’habitants ont tout perdu en 70 secondes, en particulier à Pisco, Chincha et Ica. Ces villes ont été complètement détruites. A Lima, la capitale, l’onde de choc a causé des dommages importants. L’essentiel des dommages se situait par conséquent au nord de Lima et dans tout le département d’Ica et ceux limitrophes à celui-ci.
L’appareil de l’Etat paraissait en plein désarroi ; il n’a pas réagi durant des heures. Négligeant sa fameuse élégance, le président Garcia posait dans son bureau en manches de chemises, aux côtés de ses acolytes qui allaient envoyés pour évaluer l’ampleur du désastre. Personne ne pouvait y arriver par voie de terre, la route panaméricaine étant impraticable à plusieurs endroits, mais quelques journalistes parvinrent à atteindre Chincha, Pisco et Ica, les principales villes dévastées, et ils commencèrent immédiatement à envoyer leurs reportages. A Ica, l’église du Seigneur de Luren s’était effondrée, écrasant des dizaines de fidèles sous les décombres. A Tambo de Mora (le port de Chincha), les murs de la prison se sont effondrés et 600 prisonniers ont pu s’échapper. Le jeudi matin, on comptait déjà 500 morts et plus de mille blessés.
Ce même jour, le président Alan Garcia fit son apparition, accompagné par le premier ministre Jorge del Castillo, le ministre des armées Alan Wagner et le président du Congrès Gonzales Posada. Pendant la campagne électorale, ce dernier s’était engagé à reconstruire l’aéroport de Ica, promesse qu’il n’avait bien sûr pas tenue ; aujourd’hui, les secours ne peuvent toujours pas atteindre cette ville... inaccessible sinon par la voie des airs.
Les premiers signes de colère se sont exprimés dans la population. Quelques exemples de manifestations de mécontentement ont pu filtrer malgré le chaos des informations et la mainmise des médias sur celles-ci, qui montrent la véritable et profonde raison à l’origine du désastre : la misère. Dans les endroits où les villes ont été dévastées, la population construisait ses habitations en torchis et bien sûr sans la moindre précaution antisismique. Par ailleurs, beaucoup de maisons étaient très vieilles et ne purent résister au séisme.
Voici un exemple illustratif : à Pisco, une ville qui possède un port proche et une station balnéaire pour millionnaires, Paracas, la portée de la catastrophe fut très inégale. Les constructions en dur et les villas de plage des riches résistèrent au séisme, alors que toute la ville de Pisco et le port furent totalement détruits. La nature ne fait pas de différences ni n’accorde de privilèges, c’est la division de la société en classes qui les perpétue. C’est cette perpétuation qui a provoqué la catastrophe actuelle dont l’ampleur ne cesse d’augmenter. C’est la misère provoquée par la société capitaliste qui a provoqué autant de destructions, car les pauvres ne pourront jamais vivre dans des maisons solides, construites avec du matériel de bonne qualité et suivant des plans tenant en compte les exigences des zones sismiques. Mais l’ignominie du capitalisme n’en reste pas là, la bourgeoisie se frotte les mains en pensant déjà aux bénéfices qu’elle pourra tirer de la reconstruction du pays.
L’armée, qui compte dans ses rangs des centaines d’ingénieurs experts en construction et possède le matériel lourd nécessaire, reste pour l’heure dans ses casernes car la spéculation financière sur la construction a déjà commencé. Les diverses fractions de la bourgeoisie se disputent en ce moment les prochains marchés. L’exemple le plus significatif a été donné par l’alliance entre la journaliste Cecilia Valenzuela et la compagnie d’assurances La Positiva qui souhaite reconstruire la région.
Les billets d’avion pour cette zone ont déjà augmenté de 400 %, et Alan Garcia s’est contenté de protester à la télévision, car tout doit s’incliner devant les règles du libre-marché. La Banque de Crédit, avec à sa tête Dioniso Romero, a ouvert un compte pour capter les fonds d’aide à la région, un nouveau revenu pour une banque qui veut montrer qu’elle est la plus performante du pays, qu’elle a le sens des affaires inscrit dans ses gènes. La Coopération espagnole a aussi fait son apparition, de même que Pompiers sans Frontières, tout l’appareil d’aide sociale commence à montrer le bout de son nez alors que le gouvernement central, les gouvernements régionaux et locaux laissent la reconstruction aux mains des entreprises privées. Mais les prolétaires savent déjà que l’Etat, sous le capitalisme, ne peut être que l’Etat des capitalistes.
L’ONU a déjà envoyé un million de dollars et la Banque interaméricaine de développement (BID), qui avait prêté 80 millions à la corporation Wong avec l’aval du Fujimori, n’a envoyé pour sa part que 200 000 dollars. Caritas n’est pas en reste et a aussi mais tardivement ouvert son compte. Les affaires ne doivent bien sûr pas s’interrompre, c’est la leçon essentielle que les bourgeoisies locales ont tirée de la tragédie.
Celle que nous devons tirer pour notre part est que même si la force colossale de la nature peut causer de grands malheurs, la véritable puissance destructive se trouve dans les rapports sociaux auxquels sont soumis des millions d’êtres humains sur la terre. Ces rapports les condamnent à vivre misérablement, dans les pires conditions de logement. Ce n’est que leur disparition, la disparition des rapports sociaux bourgeois, la disparition du capitalisme au niveau mondial qui pourra permettre des conditions de vie décentes et humaines à toute la population de la planète, c’est la seule issue pour la survie que nous ayons dans le futur.
H
(17 août 2007)
1 L’Etat péruvien avait publié une carte affichant ses prétentions sur les eaux territoriales. La bourgeoisie chilienne avait saisi la balle au bond et envoyé immédiatement son armée effectuer des manœuvres au nord du Chili, dans la zone frontière avec le Pérou. On constate une fois de plus que les revendications nationalistes des Etats ne sont que des manœuvres pour prolonger et renforcer leur pouvoir au prix de millions de travailleurs qui pourraient être envoyés se battre contre leurs frères de classe d’un autre pays. L’ennemi des travailleurs péruviens, c’est la bourgeoisie péruvienne, comme la bourgeoisie chilienne est l’ennemie du prolétariat chilien.
"J'ai été élu pour mettre en œuvre des réformes profondes, pour moderniser la France, et ces réformes se feront" déclarait encore Sarkozy lors de son interview télévisée du 20 septembre. Il est clair que dans la bouche des hommes d'Etat, "réformer" signifie attaquer et attaquer sans cesse les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière. L'enchaînement de ces attaques énoncées quelques jours auparavant est impressionnant :
Il s'agit là d'une série d'attaques massives touchant toutes les catégories de la classe ouvrière que le gouvernement Sarkozy dit vouloir réaliser en quelques mois, voire quelques semaines.
Pourquoi enchaîner en rafales des attaques d'une telle ampleur ?
Tout simplement parce que se profile une croissance catastrophique, ramenée à 1,5%, avec une dette publique vertigineuse qui contraint la bourgeoisie française à tenter de combler son retard par rapport à ses principaux rivaux et à donner un sérieux tour de vis. Quand le premier ministre Fillon déclare de façon alarmiste que l'Etat "est en situation de faillite", cela veut dire en clair que la bourgeoisie veut faire payer à la classe ouvrière la faillite de son Etat.
Si la bourgeoisie a décidé de s'attaquer en priorité aux régimes spéciaux de retraites, ce n'est pas pour des raisons purement économiques : ces mesures ne peuvent représenter qu'une part dérisoire dans le budget. Par contre, dans la série de toutes les attaques prévues, c'est celle qui permet de mieux tenter de diviser la classe ouvrière, d'enfoncer un coin pour déclencher ensuite d'autres attaques encore plus lourdes. C'est au nom de l'équité et de la justice sociale que cette "réforme" est mise en avant. On cherche à présenter les catégories d'ouvriers qui en bénéficient encore comme des privilégiés. Il faut rappeler pourquoi, ces régimes spéciaux ont été octroyés il y a 60 ans. Il fallait convaincre les ouvriers de "retrousser les manches" comme l'exhortait le PCF au profit de la "reconstruction nationale" d'après guerre. Ainsi, les salariés d'EDF ou de GDF ont en échange été astreints de travailler dans l'urgence, de nuit comme de jour sur des lignes à haute tension ou sur des canalisations, dans des conditions particulièrement dangereuses. Une autre contrepartie est que leurs salaires ont été maintenus à des niveaux relativement modestes. De même, à la SNCF ou à la RATP, la pénibilité des horaires ou du métier se double d'un haut niveau de responsabilité vis-à-vis des passagers. La classe ouvrière n'a rien à gagner à la suppression des régimes spéciaux qui touche déjà directement de larges parties des familles de prolétaires mais il doit être particulièrement clair que laisser passer ces mesures, c'est surtout laisser la porte ouverte à toutes les autres attaques qui s'annoncent encore plus féroces. Demain, ce sera le tour des fonctionnaires d'être dans le collimateur et présentés comme des nantis, comme les ouvriers réduits au chômage ou les salariés en arrêt maladie désignés comme des profiteurs, etc.... Cette logique qui prétend agir au nom de l'intérêt collectif, de la solidarité et de la justice sociale ne débouche que sur toujours plus de sacrifices pour les prolétaires. Elle a déjà permis d'imposer l'allongement de la durée des cotisations et de diminuer les pensions de retraite, elle entraîne vers le démantèlement de toute protection sociale, elle n'offre pas d'autre perspective que de faire plonger dans la misère une partie croissante des ouvriers. Il s'agira toujours de travailler plus pour gagner moins.
Pour en sortir, il ne faut nullement compter sur la gauche et le PS qui défendent les mêmes objectifs que le gouvernement. François Hollande lors des Universités d'été de La Rochelle déclarait "la France, globalement, doit travailler plus, mais en s'organisant autrement", Ségolène Royal elle aussi lors de la campagne présidentielle était intervenue pour préconiser "une remise à plat du système des retraites". Quant au "jeune loup" du PS, Manuel Valls, il plagie carrément Sarkozy lors d'une interview dans le journal Les Echos : "Les régimes spéciaux doivent être alignés sur le régime général." Il ne faut pas oublier que c'est le socialiste Rocard et son fameux Livre Blanc en 1986 qui a commencé à s'attaquer à la question des retraites, et tous les gouvernements, de gauche comme de droite, s'en sont par la suite largement inspiré.
Face à toutes ces attaques, il n'y a qu'un seul chemin permettant de lutter contre la dégradation continuelle des conditions de vie : se réunir, se rassembler, dépasser et refuser la division concurrentielle entre secteurs, catégories, entreprises dans laquelle la bourgeoisie cherche à nous enfermer. Les besoins de la classe ouvrière en lutte, ce sont les assemblées générales ouvertes à tous les travailleurs, du privé comme du public, en activité, retraités ou réduits au chômage, ce sont aussi les manifestations les plus larges et les plus massives où les ouvriers d'autres secteurs sont entraînés dans la lutte. C'est seulement de cette manière que les prolétaires seront capables d'imposer collectivement un rapport de forces susceptible de faire reculer les attaques de la bourgeoisie, comme l'a démontré la lutte des étudiants et lycéens contre le CPE au printemps 2006 que la bourgeoisie cherche aujourd'hui à faire oublier.
Est-ce ce type de riposte unie et solidaire que les "spécialistes de la lutte", les syndicats, sont en train de préparer ? Evidemment non ! La réelle "spécialité" de ces organes d'encadrement et de quadrillage de la classe ouvrière depuis des décennies, c'est bien la division des rangs ouvriers et le sabotage des luttes ! Ils déploient leur énergie pour que l'abolition des régimes spéciaux ne soit surtout pas l'étincelle d'une lutte plus générale contre toutes les attaques anti-ouvrières. Ainsi, une fois encore, les syndicats poussent les prolétaires à accepter de négocier au cas par cas, secteur par secteur, branche par branche. Ce n'est pas la réforme elle-même qu'ils critiquent (avec laquelle plusieurs leaders syndicaux, Chérèque de la CFDT ou Mailly de FO en tête, ont publiquement manifesté leur accord sur le fond) mais c'est uniquement "la méthode Sarkozy" qui prétend passer en force. C'est de la pure hypocrisie car il y a un partage du travail entre le gouvernement et les syndicats. Il n'y a jamais eu autant de rencontres et de concertation entre les syndicats et les ministres. Leur but, c'est de focaliser l'attention des ouvriers sur la méthode de négociation, ce qui permet d'occulter le contenu de l'attaque. Alors, les syndicats freinent des quatre fers la mobilisation pour ne pas attiser la colère des travailleurs : c'est un mois après l'annonce officielle de la réforme des régimes spéciaux qu'ils programment une journée d'action le 18 octobre. Chaque syndicat y va de son couplet pour faire entendre qu'ils ne sont pas vraiment d'accord entre eux : la CFDT et FO ont manifesté leur réticence à "mélanger les problèmes" sous prétexte que la SNCF et la RATP n'auraient pas les mêmes statuts que les gaziers3 et les électriciens et que chacun devrait faire entendre ses propres revendications, la CGT met en avant la nécessité d'une riposte unitaire pour le 18 octobre (et seulement pour le 18) mais elle se distingue à la RATP en refusant de mettre en avant le maintien des 37,5 annuités pour le départ à la retraite tandis que Sud-Rail et les autonomes de la RATP appellent à une grève illimitée dans leur secteur à partir du 18 octobre. Le choix de cette date n'est pas fortuit : la date de "bouclage" de la réforme (15 jours) sera passée et les syndicats pourront prétexter qu'ils sont mis devant le fait accompli, ce qui renforcera leur protestation contre la "méthode Sarkozy" mais ils pourront aussi justifier par la suite qu'il faudra se plier devant la loi. C'est un jour de semaine, donc, la paralysie des transports impliqués - SNCF, RATP - relancera le débat autour du "service minimum" récemment adopté par le gouvernement et devrait favoriser la division entre public et privé. Enfin, cette paralysie des transports devrait empêcher les ouvriers de se retrouver trop nombreux ensemble dans la rue.
Car ce que redoutent par-dessus tout les syndicats comme l'ensemble de la bourgeoisie, c'est que les ouvriers expriment à travers une mobilisation massive leur unité et leur solidarité de classe !
W (26 septembre)
1) La Grande-Bretagne sert de modèle à l'avenir qui nous attend en matière de retraites : il y a actuellement 10 millions de retraités, 20% vivent au dessous du seuil de pauvreté, 2,5 millions perçoivent moins de 50% de leur salaire d'actif. Face à cette paupérisation, beaucoup sont obligés d'accepter, tant qu'ils en ont la force, quantité de "petits boulots". Les départs à la retraite se font après 44 ans d'activité, ce qui fait pour les hommes un départ à 65 ans, le rapport Turner prévoit de passer cet âge de départ à 67, voire 68 ans.
2) Comme cela vient de se passer en Allemagne à Deutsche Telekom où les salariés pour conserver leur emploi ont été "revendus" à des entreprises privées, moyennant une amputation de 50% de leurs salaires.
3 Ceux-ci sont d'ailleurs invités à protester avant tout contre leur privatisation et contre la fusion récente entre GDF et Suez.
Tout irait très bien. Ce ne serait pas grave. Il ne faudrait pas s’affoler. Que de discours hypocrites et mensongers. La bourgeoisie le mois dernier, au moment où éclatait la nouvelle phase d’accélération de la crise économique mondiale du capitalisme, appelée crise des “subprimes”, désirait à tout prix nous vendre sa salade idéologique, qui se voulait tout particulièrement rassurante. La crise financière ne serait que passagère. Elle serait même salutaire et souhaitable, afin de corriger certains excès spéculatifs de quelques requins de la finance mal intentionnés. Seulement voilà, depuis lors et en quelques semaines seulement, la réalité est venue balayer en un tour de main tous les discours de ces bonimenteurs appointés par la bourgeoisie.
En effet, il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour voir cette crise de l’endettement et du crédit se propager à toute l’économie. Comme il était prévisible que l’économie américaine entrerait alors très rapidement en récession. Ceci est déjà un fait acquis. Dans ce pays, l’économie perd 100 000 emplois par mois. Les employés des banques sont fortement touchés, et les licenciements massifs pleuvent quotidiennement.1 D’ailleurs, même en Suisse, pays symbole de l’aisance du niveau de vie en régime capitaliste, les licenciements sont à l’ordre du jour, comme vient de l’annoncer l’organisme bancaire le Crédit Suisse. Aux Etats-Unis, dans le seul secteur de la construction, les suppressions de postes se chiffrent d’ores et déjà par dizaines de milliers. Ce secteur est, sans aucun doute pour le moment, le plus touché par la crise. Les constructions de bâtiments et de maisons neuves face à un stock croissant d’invendus, viennent de connaître un violent ralentissement, alors que ce secteur était un des piliers majeurs de la croissance. L’inhumanité et l’indifférence de la bourgeoisie n’ayant pas de limite quand il s’agit de son intérêt, ce sont près de 500 000 ouvriers émigrés travaillant dans ce secteur qui ont vu brutalement leur emploi supprimé. Ces travailleurs de nationalité mexicaine vont se voir, eux et leurs familles lorsque celles-ci ont pu les rejoindre aux Etats-Unis, reconduire à la frontière sans autre forme de procès. Cette pratique infecte de la part de la bourgeoisie préfigure le type de comportement dont est capable cette classe d’exploiteurs, lorsqu’elle n’a plus besoin des ouvriers. Mais le prix que doit dès maintenant payer la classe ouvrière à la crise capitaliste ne s’arrête pas là !
Qui aurait pu imaginer il y a quelques semaines encore, voir des ouvriers former des files d’attentes dans les rues devant des agences bancaires, venir dès l’aurore tenter de retirer en catastrophe leurs économies de toute une vie ? Ceci se passe aujourd’hui à Londres devant les succursales de la Northern Rock, huitième institution financière d’Angleterre et troisième plus gros prêteur sur le marché immobilier. Incapable de rembourser sa montagne de dettes, cette institution financière en appelait à la banque d’Angleterre et au gouvernement afin de ne pas se retrouver instantanément en faillite. Ceux-ci se portaient immédiatement garants et assuraient publiquement que tous ceux qui avaient déposé de l’argent dans cette banque seraient remboursés intégralement. En fait, tous ces capitalistes se moquent totalement qu’après une vie de travail et de privation, des milliers d’ouvriers se retrouvent du jour au lendemain sans un sou. Leur peur est ailleurs. Nothern-Rock n’est que la première victime après Countrywide aux Etats-Unis et plusieurs autres banques en Allemagne, de cette crise généralisée de l’endettement et du crédit. Ce que craignent tous ces messieurs, c’est l’effet de contagion. Toutes les banques partout dans le monde en grands prédateurs qu’elles sont, ont plus ou moins utilisé les économies déposées à leurs guichets afin de spéculer sans vergogne, prenant toujours plus de risques afin de ramasser toujours plus gros. Pire encore, s’endettant elles-mêmes à tour de bras, elles ont poussé encore et encore à ce que des familles ouvrières avec de tout petits salaires s’endettent sans limite pour consommer. Que se passerait-il si tous ceux qui ont placé leurs économies en banque, pris de panique à juste titre, se précipitaient à tous les guichets pour réclamer leur argent ? Malgré les promesses de la bourgeoisie, rien ne leur serait rendu. C’est pour cela qu’il y a des files d’attentes devant la Northern Rock.
C’est bien face à la crainte des faillites de tout le système bancaire que la bourgeoisie a réagi. En Grande-Bretagne et à l’image des Etats-Unis, la dette des ménages est supérieure à 100% du produit intérieur brut et est constituée à 80% par les emprunts immobiliers. Autrement dit, tout le travail accumulé pendant un an dans tout ce pays, sans rien consommer ne suffirait même pas à rembourser ! Après l’explosion de la bulle spéculative et immobilière en août aux Etats-Unis et en attendant celle des autres pays développés, c’est maintenant au tour de l’Angleterre de connaître le même sort.
Les principales banques centrales du monde et notamment la Réserve fédérale américaine ainsi que la Banque centrale européenne avaient déjà injecté au mois d’août des sommes colossales pour soutenir l’économie et empêcher autant que possible les faillites à la chaîne.
Mais tout cela n’a pas suffi. Au cours des dernières semaines les bourses étaient toujours à la baisse et l’activité américaine en plein ralentissement. La banque centrale américaine a alors baissé en une seule fois le taux auquel elle prête de l’argent à toutes les banques et autres institutions de crédit de 0,50 point de base. En termes clairs, et comme par magie, elle vient de créer artificiellement une somme colossale d’argent nouveau, qu’elle sort de nulle part si ce n’est de ses ordinateurs. De manière immédiate et à très court terme cela a certes un impact très limité sur l’économie. Mais cela n’empêchera pas la phase de crise actuelle de continuer à se développer. Bien plus, cette politique d’un endettement toujours plus profond et généralisé, qui est à la base de l’actuelle accélération de la crise, ne peut pour demain que préparer des catastrophes économiques toujours plus violentes et profondes.
Tino
Lors de sa visite à l'usine Liebherr en Alsace (Colmar), au début du mois de septembre, Nicolas Sarkozy a affirmé qu'il allait engager "un gigantesque plan contre la fraude" aux allocations chômage. Il a déclaré par ailleurs : "ce n'est pas normal que quand on est au chômage on refuse un emploi qui correspond à votre qualification, parce que ce sont les autres qui paient". Avec sa volonté accrue de masquer les chiffres réels du chômage (voir RI n° 382), le gouvernement augmente d'un cran sa politique de flicage. Accusés de "fraude" et d'être des "profiteurs du système", les chômeurs sont dans les faits systématiquement fichés et traqués par les services de l'Etat. Le rapprochement des fichiers UNEDIC et de l'ANPE, à cet effet, constitue un véritable mouchard. Comme le confie avec indignation un agent de l'ANPE sous anonymat : "Le vrai bouleversement, c'est le suivi mensuel des chômeurs fondé idéologiquement sur une logique de résultat. Tout le monde s'attend à ce que la multiplication des convocations entraîne des radiations et des cessations d'inscriptions" 1. Par le recoupement de renseignements, "Big-brother" pourra exercer une pression constante plus forte. L'objectif est double : radier un maximum de chômeurs afin de ne plus les indemniser et les faire disparaître des statistiques, utiliser pour le reste un volant de main d'oeuvre servile aux coûts extrêmement bas. Toutes les informations recueillies sur la vie du chômeur seront non seulement à la disposition des boîtes d'intérim et de prestataires privés, qui peuvent eux aussi effectuer un contrôle au nom de leur appartenance au "service public pour l'emploi", mais également à disposition de la police et de la justice. Entre autres renseignements, ces fichiers attestent de la présence de l'allocataire sur le territoire, de sa situation familiale, des revenus de son conjoint, son nombre d'enfants à charge, sa disponibilité comme demandeur d'emploi. Grâce au DUDE (Dossier unique du demandeur d'emploi) et son "service personnalisé plus rapide", tout un arsenal d'intimidation et de stigmatisation passe ses victimes à la moulinette. Tous les chômeurs sont soumis à une véritable "chasse à l'homme", particulièrement les chômeurs de longue durée qui sont en ligne de mire car davantage suspectés de vivre "aux crochets de la société", de même que les enfants d'immigrés - car estampillés "délinquants" - ainsi que les familles pauvres - car trop "assistées" - menacées en permanence de mise sous tutelle de leurs allocations familiales. Au bout de six mois de chômage, le bureaucratique "parcours de type 3" de l'ANPE déclenche déjà un véritable harcèlement : tous les huit jours, le chômeur est convoqué par un "référent", obligé de se déplacer parfois des centaines de kilomètres dans la journée pour un rendez-vous bidon, induit dans un "parcours" qui doit "aboutir à un résultat" : c'est-à-dire offre pourrie, déqualification, CDD, intérim, stage ou... radiation (laquelle s'applique dès le deuxième refus d'un emploi "correspondant à la qualification du demandeur d'emploi et pas trop loin de son domicile", éléments subjectifs s'il en est) ! Afin d'obtenir la "flexibilité" souhaitée, le chantage à la perte des droits et revenus sera encore accentué ! Les chômeurs n'apparaissent plus depuis longtemps comme tels, ils ne sont, pour l'Etat, que des " fainéants" qui refusent de se "prendre en charge" ! Dans le langage de l'administration, un chômeur est un DE (demandeur d'emploi), bref, une sorte de "quémandeur". L'ANPE et l'UNEDIC, dont les agents sont progressivement transformés et regroupés en véritable "brigade anti-chômeurs", sont partie prenante d'un engrenage répressif d'autant plus insidieux qu'il "dématérialise" les victimes : tout est fait par la hiérarchie pour qu'on ne voit plus, derrière une énième procédure de radiation, un être humain en détresse, mais simplement, dans le langage bureaucratique professionnel des initiés, un dossier "GL2" ou encore "202" ! Bien entendu, afin de saper toute démarche de révolte chez les victimes, les mécanismes de la culpabilité, l'isolement et la détresse, sont exploités à outrance par l'infâme propagande d'Etat et ses médias. La logique du capitalisme en crise se doit, afin d'assurer son ordre et sa rentabilité, de "transformer les chômeurs en précaires , en coupables, coupables de ne pas faire l'effort de réinsertion (la "réinsertion" étant le terme réservé antérieurement aux condamnés), ces efforts consistant à se soumettre aux injonctions de l'ANPE, présence à toutes les convocations, quels qu'en soient les motifs, participation à des stages absurdes et vides de sens, acceptation de travailler gratuitement, sans aucune excuse pour s'y soustraire, pas plus la garde d'un enfant malade que le manque de moyen de locomotion, ou, le comble, que quelques heures de travail le jour de la convocation".2 Il n'est pas étonnant que lorsque l'ANPE rémunère un cabinet privé pour évaluer un chômeur, seules les évaluations qui le desservent sont prises en compte. Le chômeur n'a pas de véritable choix : ou il accepte des travaux pénibles, peu rémunérés et il sombre davantage dans la précarité ; ou alors il refuse ces mêmes travaux proposés et il plonge sans aucune ressource dans l'exclusion totale. Cette pression terrifiante permet de mettre en concurrence sauvage les chômeurs afin de faire baisser partout les salaires bloqués depuis des années et rognés de toutes parts maintenant par le retour de l'inflation.
Avec de telles méthodes, il serait étonnant que les chiffres du chômage ne parviennent pas à baisser. Mais pour qu'ils continuent à diminuer, malgré le rejet croissant d'ouvriers hors de la production capitaliste, il faudra sans cesse que la bourgeoisie accentue son arsenal répressif et pousse les chômeurs à l'épuisement.
Il n'y a aucune illusion à se faire, derrière le masque hypocrite de la démocratie, de la "lutte pour l'emploi", la dictature implacable du capital s'exerce impitoyablement par son Etat tentaculaire et policier. Un Etat qui ne peut que multiplier les intimidations et les attaques massives du fait de l'enfoncement dans une crise économique sans issue. Le véritable choix, pour les chômeurs comme pour les autres ouvriers, c'est donc de résister et de mener un combat uni et solidaire. Seule la lutte de classe pourra en effet briser l'isolement et offrir à terme une perspective autre que celle de la misère et de l'exploitation.
WH
1) Témoignage sur le site CQFD [72].
2) Témoignage sur le site Rue 89 [73].
Dans la nuit du 7 au 8 septembre dernier, à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, près d'une centaine de squatters ivoiriens ont été délogés du campement qu'ils avaient établi depuis le mois de juillet à la suite d'une première expulsion de quelques familles de leur logement occupé illégalement, et en solidarité avec elles. Cette brutale opération policière est le résultat d'une décision de justice obtenue par la municipalité d'Aubervilliers quelques jours auparavant.
Jusque là, cet événement tragique et inhumain reste malheureusement un fait divers que la décomposition sociale a fait entrer dans la banalité. Les discours fermes et décidés de Nicolas Sarkozy sur la nécessité de produire des résultats tangibles en matière de lutte contre l'immigration clandestine trouvent là leur traduction immédiate au plan local. Sauf que ce qui aurait pu paraître cohérent de la part d'une municipalité UMP l'est déjà moins de la part de la mairie d'Aubervilliers, dirigée par le PCF, qui a toujours été parmi les premiers à dénoncer vigoureusement les politiques de l'immigration des gouvernements de droite, et qui s'est toujours fait le fer de lance à gauche de la promotion d'une politique du logement humaine et respectueuse des besoins des plus démunis.
En 2005 le PCF "[refusait] l'expulsion des immigrés et [appelait] l'ensemble des forces démocratiques à résister" (www.pcf.fr [74]) et en 2006, le même parti écrivait : "Expulsions : Sarkozy veut du chiffre. (...) Il faut que les avions partent à l'heure, il faut que les pilotes n'aient pas d'état d'âme et que les passagers ne disent mot et consentent. Il faut s'il est besoin menotter les élus. La machine à expulser doit fonctionner. Elle fonctionne jusqu'à l'absurde" (Ibid).
Que la bourgeoisie se rassure : d'état d'âme, il n'y en a pas quand c'est le PCF lui-même qui est aux commandes. La dénonciation d'une logique "absurde" s'efface derrière les "procédures contrôlées et démocratiques" d'attribution de logements sociaux, selon les propres termes du maire d'Aubervilliers, et que la clique stalinienne au pouvoir dans la commune entend bien faire respecter par la justice et par la force, cette même justice et cette même force qui sont pourtant aux mains d'un Sarkozy honni par son inhumanité et sa brutalité aveugle.
Les femmes et les enfants traînés violemment par les forces de l'ordre apprécieront cette fermeté "communiste" à sa juste valeur. Mais peut-être n'est-il pas inutile de leur rappeler qu'en la matière, le parti stalinien n'est est pas à son coup d'essai. Loin de là ! En 1979, des maliens qui refusaient d'être expulsés d'un foyer de Vitry-sur-Seine avaient goûté à la délicate intervention d'un bulldozer. En 1992, c'est à Montreuil-sous-Bois, autre fief du PCF, que des ouvriers immigrés était jetés dans la rue, pendant que dans la plupart des communes de la "ceinture rouge" parisienne (nom donné en raison de l'encerclement de Paris par des communes de banlieue aux mains des staliniens), le PCF participait comme tout parti bourgeois à faire raser les quartiers d'ouvriers pour réaliser en fait des profits dans la construction immobilière.
Cette politique n'est ni circonstancielle, ni liée à quelques corrompus qui occuperaient les mairies en question. La politique anti-immigrés pratiquée par le PCF relève de son attachement ancien à la défense du capital national. Voici ce que nous écrivions à ce sujet il y a presque dix ans : "Au nom du "travailler français", il organise des actions-commandos contre le minerai "allemand" et exige le refus d'embauche de main-d'oeuvre "étrangère" (notamment lors de la grève des marins, en novembre 78). Faisant de la surenchère sur les mesures anti-immigrés adoptées par le ministre Stoleru, il réclame carrément au gouvernement Giscard "l'arrêt de la politique d'immigration" et pousse aux expulsions d'immigrés dans les communes qu'il dirige en réclamant la fixation d'un "quota d'immigrés". Le chauvinisme du parti stalinien passe par des campagnes racistes et xénophobes qui n'ont rien à envier à ce que mettra bientôt en avant à son tour le Front National. Ainsi, plusieurs maires staliniens de la région parisienne prennent des initiatives contre l'augmentation du nombre d'immigrés dans leur commune. (...) en février 1981, le si "démocrate" et "débonnaire" secrétaire général actuel, Robert Hue organise une manifestation dans sa commune de Montigny-lès-Cormeilles pour faire expulser une famille marocaine sur laquelle il a fait courir la fausse rumeur qu'elle se livrait à du trafic de drogue" (voir Le PCF contre la reprise de la lutte de classe (1968-1989) dans RI n° 283, 284 et 285, octobre à décembre 1998).
Et quand il s'agit d'obtenir du soutien dans sa politique, le PCF peut compter sur tous les courants de sa classe pour voler à son secours. La ministre du logement, d'abord, Christine Boutin qui a rappelé qu' "une décision de justice doit être appliquée, sinon nous ne sommes plus un Etat de droit". Et quand Rama Yade, la froide Cruella mascotte du gouvernement, vient verser ses larmes de crocodile auprès des familles dont elle ne peut qu'ignorer la profonde détresse qu'ils vivent, c'est Lutte ouvrière qui vient tancer la vilaine Rama en lui rappelant que la plupart des communes UMP de la banlieue parisienne ne respectent pas les 20 % de logements sociaux imposés par la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) et qu'"elle ignore donc volontairement l'attitude de ses amis politiques sur ce terrain-là pour ne consacrer son temps et ses critiques qu'aux communes dirigées par le Parti communiste !" (LO du 14 septembre). Une honte, en effet : après tout, les communes staliniennes, si elles ne font pas mieux que leurs voisines de droite, elles ne font pas pire non plus ! Elles prennent et appliquent simplement les décisions rendues nécessaires par les intérêts d'un capital en crise, qui jette toujours plus de prolétaires à la rue, sans aucun moyen de survivre et sans s'en soucier le moins du monde.
Cette politique menée depuis des décennies par le PCF ne peut que pousser au dégoût quand on voit qu'ils osent encore imprimer l'Humanité tous les jours sur leur journal historique. Il y a bien longtemps que le sort de l'humanité ne figure plus dans la liste des préoccupations d'une clique politique certes moribonde mais qui défendra son camp et sa classe, la bourgeoisie, sans fléchir, jusqu'à son dernier souffle.
G (24 septembre)
L'identification du communisme avec le stalinisme constitue le plus grand mensonge du siècle dernier ! Ce régime barbare ne fut absolument pas le successeur mais bien le fossoyeur de la Révolution d'octobre 1917.
Durant la Première Guerre mondiale jusqu'à la fin des années 20, la lutte de la classe ouvrière s'est répandue à travers le globe. La révolution russe, par son insurrection victorieuse, constitua le plus haut point atteint par cette vague internationale1. Mais comme l'annoncèrent les spartakistes et bolcheviks "c'est ici que commence la fatalité de la Révolution russe. La dictature du prolétariat en Russie est, au cas où une révolution internationale prolétarienne ne viendrait pas la soutenir à temps, condamnée à une défaite exemplaire auprès de laquelle la fin de la Commune de Paris ne serait qu'un divertissement2" (Lettres de Spartacus n°8, août 1917). Et effectivement, la "révolution internationale prolétarienne ne [vint] pas la soutenir à temps", la vague fut brisée, la lutte cessa de s'étendre et la bourgeoisie triompha finalement dans un bain de sang immonde. Et c'est tout naturellement en Russie que la contre-révolution se fit la plus brutale, haineuse et revancharde !
La bourgeoisie mondiale réussit en effet à contenir ce mouvement gigantesque de la classe ouvrière qui ébranlait la planète. Surmontant la frayeur que lui inspirait la perspective de sa propre disparition, elle a réagi tel un fauve blessé, jetant toutes ses forces dans la bataille, ne reculant devant aucun crime. Par la ruse et la répression, les mensonges et les massacres, elle a vaincu les masses ouvrières insurgées. Elle a écrasé dans le sang les prolétaires en Allemagne en 1919, en 1921, en 1923, n'hésitant pas à assassiner froidement des militants tel que Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht ou Léo Jogiches. En même temps, elle entourait la Russie révolutionnaire d'un "cordon sanitaire" sous la forme d'un blocus livrant à la pire des famines des dizaines de millions d'êtres humains (famines qu'elle s'est évidemment empressée de mettre sur le compte du mouvement révolutionnaire lui-même). Par un soutien massif en hommes et en armements aux armées blanches du tsarisme déchu, elle y a déchaîné une guerre civile effroyable, provoquant des millions de morts et détruisant totalement l'économie.
Cette contre-révolution engendra un monstre : le stalinisme. Alors que tous les révolutionnaires et la classe ouvrière pensaient qu'une défaite serait synonyme d'un écrasement du pouvoir prolétarien par les armées blanches, ce n'est pas seulement de "l'extérieur" mais aussi de "l'intérieur" qu'a surgi et finalement triomphé l'ennemi. Le dénouement de la Commune de Paris en 1871 fut tragique mais clair : les troupes de la bourgeoisie française ont massacré et repris le pouvoir en main. Par contre, en Russie, la bourgeoisie mit un masque : au nom du socialisme, elle écrasa... le socialisme, au nom des ouvriers, elle massacra et réduisit à la misère des millions... d'ouvriers, au nom du parti bolchevik, elle exécuta et déporta des milliers de militants... du Parti bolchevik !
Il est important de se rappeler que pendant les semaines cruciales d'octobre 1917, comme durant les mois précédents, il s'est manifesté au sein même du parti bolchevik un courant qui reflétait le poids de l'idéologie bourgeoise en s'opposant à l'insurrection et que Staline en était déjà un dangereux représentant. Pendant l'insurrection elle-même, l'aventurier politique Staline "disparut", en réalité pour voir de quel côté le vent allait tourner. La lutte de Lénine et du parti bolchevik contre le "stalinisme" en 1917, contre les manipulations, contre le sabotage hypocrite de l'insurrection devait reprendre au sein du parti dans les années suivantes mais, cette fois, dans des conditions historiques infiniment moins favorables.
Non, le stalinisme n'est décidément pas le produit de la révolution d'Octobre 17 ! Il en est son bourreau ! De concert avec toutes les autres bourgeoisies, il a déchaîné la plus sanglante et la plus terrible contre-révolution de l'histoire. Non content d'imposer une exploitation forcenée de la classe ouvrière, d'exercer sa terreur, de remplir ses geôles, de livrer à la déportation et à la mort des dizaines de millions de prolétaires sur plusieurs générations, tout ce qui pouvait subsister d'Octobre 17 a été férocement piétiné, décimé, anéanti sous ses coups. Cet acharnement s'est traduit en particulier par l'élimination systématique au sein du parti bolchevik de tous les révolutionnaires défendant les principes révolutionnaires et internationalistes d'Octobre 17. La déclaration officielle en 1927 du "socialisme dans un seul pays" par Staline, symbole du triomphe de la bourgeoisie et de son nationalisme viscéral, fut le coup de poignard mortel anéantissant la nature même de la lutte de millions d'ouvriers à travers le monde : l'internationalisme et la solidarité de classe !
Pour triompher, le stalinisme est passé sur le corps de la classe ouvrière et sur l'âme de la révolution prolétarienne !
Beatrix
1) Lire l'article de ce journal Octobre 1917 : La révolution prolétarienne est nécessaire et réalisable.
2) L'insurrection des ouvriers parisiens en 1871 se termina par "la semaine sanglante" et l'écrasement de la Commune par les troupes versaillaises. Les insurgés payèrent un prix élevé : 25 000 d'entre eux furent exécutés sommairement et 10 000 condamnés légalement (sic !) à mort.
Le Japon fait partie des plus grandes puissances économiques du monde. La classe ouvrière y est exploitée depuis des décennies de façon extrêmement féroce et brutale. Dans une société totalement déshumanisée, les ouvriers sont mis perpétuellement en concurrence ; ils passent des journées interminables à leur bureau ou à la chaîne et n'ayant pas le temps matériel de rentrer chaque soir, ils passent souvent la nuit dans des sortes de chambres-lits sarcophages placées à côté des lieux de travail. Néanmoins, jusqu'à maintenant, tout cela tenait par la promesse d'un travail à vie, stable et pas trop mal rémunéré.
Mais depuis une dizaine d'années, la récession s'est installée. La paupérisation et la précarité sont venues frapper de plein fouet cette classe ouvrière pressurisée, en particulier les derniers venus sur le "marché du travail" : les jeunes. Cette frange de la population se faisant nommer le "précariat", compilation très parlante de "précarité" et "prolétariat", a aujourd'hui des conditions de vie totalement insupportables.
Au Japon, comme partout ailleurs, le lot quotidien des jeunes est fait de boîtes d'intérim et de suite de petits boulots précaires et mal payés. Dans le meilleur des cas, quand ils parviennent à enchaîner tout un mois de petits contrats, ils peuvent "espérer" gagner 600 euros. Et ce sont des cadences infernales qui les attendent contre ces salaires de misère, ils effectuent à 3 le travail de 10. Pour une frange entière de la classe ouvrière, se loger ou même se nourrir devient une tâche chaque jour plus impossible.
Dans ces conditions, les cafés manga1 sont devenus des sortes de refuge surréalistes contre la fatigue et le froid. Les jeunes s'y entassent, juste pour dormir, sans pouvoir ni manger ni boire : "En janvier 2007, un garçon de 20 ans a été arrêté pour n'avoir pas payé ses consommations dans un café manga [...], où il avait passé trois jours. Il avait en tout et pour tout 15 yens (10 centimes d'euro) en poche. Il était entré dans l'établissement pour se protéger du froid et n'avait mangé en trois jours qu'un plat du jour et une assiette de frites. L'employé d'un autre café manga m'a raconté qu'une fois un client était resté une semaine et que, pendant ce temps, il n'avait rien consommé en dehors de quelques boissons"2.
Le plus ignoble de l'affaire est la pression culpabilisante de la classe dominante. Là-bas aussi, les chômeurs et les précaires sont accusés par la bourgeoisie d'être des fainéants, des bons à rien profiteurs du système. Soumis à cette propagande nauséabonde que "chacun est responsable de son sort", cette jeunesse jetable et corvéable à merci est rongée par la culpabilité de n'arriver à rien. Cette pression est telle qu'elle se traduit par des vagues de suicides massives et d'automutilation. Au Japon, le suicide est devenu la première cause de décès des jeunes de 20 à 39 ans !
Néanmoins, depuis 2002, les jeunes japonais commencent à redresser progressivement la tête et à exprimer leur colère. Des manifestations de révoltes éclatent régulièrement contre cette société. En 2006, une importante fronde pour la gratuité des logements s'est levée. Dans le cortège des manifestants, on pouvait lire des slogans comme "Nous habitons des immeubles vétustes", "Nous logeons dans des pièces de 4 tatamis et demi [environ 7,4 m2]", "Nous ne pouvons plus payer notre loyer !", "Des logements gratuits !"....
Comprendre que leur situation n'est pas due à leur paresse mais à une crise profonde de cette société est une nécessité vitale et c'est ce début de réflexion qui est en train de se développer dans les rangs de cette jeunesse ouvrière : "Il est évident que, si la vie des jeunes est devenue aujourd'hui à ce point précaire, cela n'a rien à voir avec un problème psychologique personnel ou avec leur volonté, mais cela est dû au désir malsain des entreprises, qui veulent continuer à profiter d'une main-d'œuvre jetable qui leur permet de rester compétitives à l'échelle internationale".
Néanmoins, une étape décisive manque encore pour pouvoir ouvrir réellement des perspectives de lutte : la capacité à se reconnaître comme une partie d'un tout beaucoup plus large, la classe ouvrière. C'est seulement alors que les luttes pourront dépasser le stade de la réaction immédiate et impuissante. Pour l'instant, se sentant isolés et coupés du reste de la classe ouvrière, la colère de tous ces jeunes précaires ne peut déboucher que dans l'impasse et le désespoir. De façon significative, la chanson tournant en boucle lors des manifestations, crachée par les hauts-parleurs, est celle du groupe des Sex Pistols, No future.
La jeunesse du Japon n'est pas une exception. En Allemagne, les jeunes se voient contraints d'accepter les jobs gouvernementaux à un euro de l'heure. En Australie, par exemple, "un quart des Australiens entre 20 et 25 ans ne sont ni engagés dans un travail à plein temps ni dans les études, soit 15% de plus qu'il y a 10 ans et peu de choses auront changé quand ils auront 35 ans"3. En France, en 2006, la bourgeoisie a tenté d'imposer un nouveau type de contrat d'embauche facilitant les licenciements sans préavis ni indemnités, le fameux CPE (Contrat première embauche rebaptisé malicieusement par la jeunesse Contrat poubelle embauche4). Mais cette fois là, la jeunesse ouvrière sut déclencher une large mobilisation. Cette lutte fut victorieuse et enthousiasmante, la bourgeoisie fut contrainte de retirer son attaque. Elle démontre que la perspective existe pour les jeunes générations de se relier au combat collectif de leur classe.
Map
1) Cafés ouverts 24 h sur 24 où les clients lisent des bandes-dessinées et surfent sur Internet.
2) Courrier international du 5 juillet 2007.
3) La Tribune 10/08/07.
4) Lire notre article "Le mouvement contre le CPE en 2006 : une lutte exemplaire pour la classe ouvrière [47]".
Nous publions ci-dessous l’adresse envoyée au 17e Congrès du CCI par le groupe Internasyonalismo des Philippines, dont une délégation a été invitée au Congrès mais n’ a malheureusement pas pu y assister pour diverses raisons matérielles. Les camarades sont en contact avec le CCI depuis plus d’un an, et ont entrepris de développer une présence de la Gauche communiste aux Philippines, dans des conditions matérielles extrêmement difficiles. C’est grâce à leurs efforts que le CCI a pu ouvrir son propre site en langue Filipino [77], et nos lecteurs peuvent suivre et participer dans les discussions des camarades d’Internasyonalismo (en anglais et en Filipino) sur leur blog.
Le Congrès a fortement salué cette adresse. Elle est non seulement une expression de la solidarité communiste internationale envers le CCI et les autres groupes qui étaient présents au Congrès. Elle a apporté une contribution importante aux débats et aux travaux du Congrès, notamment sur la question syndicale telle qu’elle s’exprime dans des pays comme les Philippines, et sur la question du développement de la Chine en tant que puissance impérialiste en Orient.
Camarades,
(...) Depuis presque 100 ans, les ouvriers aux Philippines ne savaient rien au sujet des positions de la Gauche communiste, et encore plus, les révolutionnaires ici n’avaient pas la possibilité de les lire ou les étudier, spécialement dans les années 1920 et 1930. Maintenant, même si nous sommes très peu de communistes internationalistes aux Philippines, nous ferons de notre mieux pour contribuer aux débats et discussions collectives dans le Congrès du CCI à travers ce texte.
Nous avons étudié et discuté collectivement les trois projets de documents pour le XVIIe Congrès. Pouvons-nous présenter ce qui suit au Congrès ?
D’une manière générale, nous avons été d’accord avec les positions et le contenu des trois projets de documents -le projet de rapport sur la lutte de classe, le rapport sur l’évolution de la crise du capitalisme, le rapport sur les conflits impérialistes. Les documents sont basés sur l’internationalisme et la dynamique présente du système en décomposition et la lutte des classes, aussi bien que sur les interventions actuelles des minorités révolutionnaires à l’échelle mondiale. Ceux-ci sont conformes avec la méthode matérialiste historique du marxisme.
« Qu’avec l’actuelle évolution des contradictions, la question la plus critique pour l’humanité est la cristallisation d’une conscience de classe suffisante pour l’émergence de la perspective communiste » et “l’importance historique de l’émergence d’une nouvelle génération de révolutionnaires ». (Rapport sur la lutte de classe pour le 17ème Congrès international).
Dans l’ensemble, nous sommes d’accord que la solidarité de classe est la chose la plus importante pour nous en tant que révolutionnaires. La maturation de la conscience de classe peut être mesurée au niveau de la solidarité de classe parce que cette dernière est l’expression concrète de l’auto-organisation et du mouvement indépendant du prolétariat.(...)
Aujourd'hui, ce qui est le plus important est de chercher les chemins de la solidarité de classe pour s’élever sur les bases de l’internationalisme et d’un mouvement de classe indépendant. Mais, nous voulons proposer au Congrès de souligner ce qui suit :
1. La nature réactionnaire des syndicats dans le capitalisme décadent pourrait retenir le vrai développement de solidarité à l’échelle internationale.
Dans les pays avancés, les syndicats (de gauche et de droite) ont été exposés aux yeux des ouvriers ; dans les pays où le capitalisme est plus faible, les syndicats de gauche sont encore de fortes mystifications pour les ouvriers parce que généralement les patrons capitalistes sont anti-syndicats. Pour ces ouvriers, les syndicats gauchistes sont des expressions d’engagement et de défense des intérêts ouvriers même si un nombre croissant de la classe se pose des questions sur les promesses et les résultats de ces syndicats gauchistes.
A l’époque de lutte massive, quand les assemblées ouvrières sont la forme appropriée des organisations de la classe, ouvrir ces assemblées aux syndicats par solidarité, c’est mettre en péril la lutte indépendante de la classe et aussi risquer que ces assemblées se transforment en instruments des syndicats, aussi bien que de tomber victime des conflits entre syndicats des différentes organisations gauchistes.
Dans les années 1970 jusqu’aux années 1980, les luttes ouvrières massives aux Philippines n’étaient pas menées par les syndicats mais par les alliances d’ouvriers constituées dans les luttes. La composition de ces alliances étaient des ouvriers syndiqués et non syndiqués avec le soutien des classes moyennes. Les syndicats étaient avec les alliances, mais ils n’étaient pas décisifs. Les ouvriers non syndiqués étaient décisifs parce qu’ils étaient majoritaires dans les alliances.
Mais les syndicats, menés par les gauchistes, organisaient les ouvriers non syndiqués dans les alliances, augmentant donc leurs membres en l’espace de quelques années. Durant la vague de luttes suivante au milieu des années 1980 et jusqu’à maintenant, les alliances ont été soit transformées en fédérations syndicales ou ont été placées sous le contrôle des syndicats.
2. Il devrait être souligné que, main dans la main pour rechercher la solidarité de classe, il y a la vigilance et la résistance opportune contre toutes manœuvres et sabotage des syndicats dans les assemblées ouvrières afin de ne pas faire dérailler la généralisation de la lutte, spécialement dans une situation comme celle des Philippines où le sectarisme et la concurrence dans les différentes fédérations syndicales et les différentes organisations gauchistes sont très forts.
3. Dans la recherche de la solidarité de classe, les larges masses d’ouvriers devraient être mises aussi en garde contre les dangers du syndicalisme tout comme nous mettons toujours en garde les ouvriers des dangers de toute sorte de réformisme et gauchisme.
Nous sommes complètement d’accord avec l’analyse de l’évolution de la crise du capitalisme. Toutefois, nous aimerions insister sur les points suivants :
1. L’augmentation de l’industrie appelée centrale est aussi une manifestation de la crise dans les pays capitalistes avancés, spécialement les USA. Cette outsourcing industrie loue des centaines de milliers de jeunes travailleurs à la fois aux Philippines et en Inde. Presque tous ces ouvriers sont contractuels ou ont des postes précaires et travaillent de longues heures.
2. La Chine aussi envahit l’économie philippine, mais nous sommes encore en train de rassembler des informations pour savoir dans quelle ampleur et si elle supporte une faction de la classe dirigeante de Filipino pour rivaliser contre la politique de contrôle des USA.
Des RTW fabriqués en Chine, des micro plaquettes et même un projet ferroviaire d’un multi-billion de dollars ont pénétré le pays. Beaucoup de grosses entreprises philippino-chinoises investissent en Chine et beaucoup d’officiels gouvernementaux, du niveau local au niveau national, sont allés en Chine pour le marché. Beaucoup de ces membres officiels regardent la Chine comme un modèle de développement.
L’impérialisme américain est bien conscient de cela et il exerce des pressions sur le gouvernement Arroyo sur cette question.
Ce rapport est compréhensif et détaillé. Nous sommes d’accord qu’aujourd’hui, le chaos et la barbarie empirent jour après jour, mais que la capacité du prolétariat international n’est pas encore suffisante pour les arrêter et pour balayer finalement le capitalisme international. Par conséquent, il y a un besoin urgent pour la Gauche communiste du monde entier de déployer plus d’efforts dans leurs interventions dans les luttes prolétariennes. Avec tous ces rapports, il y a, aujourd’hui, le besoin urgent que tous les communistes internationalistes dans le monde devraient coordonner leurs activités et leurs interventions à l’échelle mondiale. Le prolétariat pourra seulement hâter son accumulation de force et élever sa conscience de classe à travers les efforts communs des minorités révolutionnaires dans le monde. Par conséquent, le sectarisme des autres organisations de la Gauche communiste est très dommageable pour le prolétariat international dans son combat contre son puissant ennemi de classe (...)
Pour le succès du XVIIe Congrès International du CCI.
Internasyonalismo 21 mai 2007
L’ineffable French doctor Kouchner est de retour. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Sarkozy n’a de cesse de vouloir crever l’écran et de faire parler de lui, comme son nouveau patron.
Après sa visite “surprise” aussi bien que stérile à Bagdad, il s’est empressé de critiquer le premier ministre irakien et d’appeler à son départ en l’accusant de ne pas travailler à la stabilisation de son pays. En fait, ce voyage à Bagdad fin août se voulait un élément marquant d’une offensive diplomatique française et cherchait à donner plus de coffre à la voix de la France dans l’arène internationale et en particulier au Moyen-Orient. Mieux encore, il s’est permis de menacer directement l’Iran d’un recours à la guerre si cet Etat s’obstinait à poursuivre son programme nucléaire militaire. Kouchner n’a rien fait d’autre que de reprendre les propos de Sarkozy qui avait appelé fin août à des “sanctions croissantes” contre Téhéran, mais “hors ONU” et au sein de l’Union Européenne pour mieux afficher ses prétentions de leader de l’Europe.
Evidemment, la présence de Kouchner dans le gouvernement Sarkozy, après avoir mangé au râtelier stalinien du PCF puis à celui de Mitterrand, n’a rien d’étonnant. Mais aujourd’hui, il dévoile la vraie nature de “va-t-en guerre”, de son engagement “socialiste” et de “grand humaniste”. Depuis 1968, il n'a cessé d’être présent dans nombre de conflits, en Afrique et dans les Balkans en particulier, comme représentant patenté d’organisations humanitaires médicales, puis comme représentant de “l’ingérence humanitaire” de la France. En fait, il a toujours été un des meilleurs “VRP” de l’impérialisme français. Une caméra à l’horizon d’un champ de bataille et de misère et… surgit Kouchner, un sac de riz sur le dos en Somalie ou un enfant famélique dans les bras au Darfour. C’est de cette image de chevalier blanc justicier dont se sert encore Sarkozy. N’oublions pas que c’est le socialiste Mitterrand qui a créé le concept “d’ingérence humanitaire” pour mieux faire passer la pilule de l’intervention militaire, dont ne s’est pas privée la France en ex-Yougoslavie, au Kosovo, en Afrique ou au Moyen-Orient. En cela, Kouchner est resté fidèle à son ancien maître, pour faire vivre dans les médias ses “convictions”, et son image de “combattant de la paix”, mais aussi et surtout pour mieux servir et adapter les intérêts de l’impérialisme français au style Sarkozy.
Mulan (29 septembre)
Depuis peu, le CCI organise des réunions publiques à Caen, ville qui fut l'un des berceaux du mouvement de Mai 1968. Notre organisation a toujours eu à cœur de faire de ses réunions des lieux de discussion ouverts et fraternels où la classe ouvrière exprime ses questions, ses doutes, son combat. Ainsi, lors de la réunion de juin, la discussion fut particulièrement riche et animée.
Néanmoins, même si ce débat fut foisonnant, un point a fait l'objet d'un intérêt particulier. Les participants nous ont en effet demandé "comment expliquer simplement ce que le CCI appelle la 'décadence du capitalisme' ?". Il est évident aujourd'hui que la société "déraille", que tout dans le capitalisme tourne à la catastrophe. Mais au-delà de ce constat, pour comprendre en profondeur les causes des charrettes de licenciements et du chômage massif, des guerres et des famines... il faut effectivement se demander pourquoi le capitalisme est un système décadent et condamné historiquement à mourir.
Toute société de classes naît, vit et meurt. Son histoire se divise toujours en une période d'ascendance où elle développe ses potentialités, et une période de décadence, où elle devient un frein au progrès de l'humanité. L'esclavagisme antique s'est développé durant quelques millénaires pour ensuite péricliter lentement et être balayé par le féodalisme. L'effondrement de l'empire romain est un exemple de décadence connu de tous. Le féodalisme ou, autrement dit, le servage, a lui aussi connu une longue expansion suivie d'une descente aux enfers répandant peste, choléra et famine.
Le capitalisme, qui s'est développé à partir du 16e siècle, a suivi la même trajectoire ascendante puis décadente, mais à une vitesse incroyable. Le dynamisme de cette société d'exploitation fut en effet remarquable. Marx écrivait à son propos :
"C'est elle qui, la première, a fait voir ce dont est capable l'activité humaine. Elle a créé de toutes autres merveilles que les pyramides d'Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques ; elle a mené à bien de toutes autres expéditions que les invasions et les croisades"1.
En l'espace de deux siècles, les xviiie et le xixe siècles, "la bourgeoisie envahit toute la surface du globe ; partout elle doit s'incruster, partout il lui faut bâtir, [...] elle démolit toutes les murailles de Chine et obtient la capitulation des barbares les plus xénophobes. Elle contraint toutes les nations, sous peine de courir à leur perte, d'adopter le mode de production bourgeois ; elle les contraint d'importer chez elle ce qu'elle appelle la civilisation, autrement dit : elle en fait des nations de bourgeois. En un mot, elle crée un monde à son image"2.
Quelle force a poussé le capitalisme à conquérir si rapidement toute la planète en une sorte de boulimie frénétique ? La nécessité de vendre ses marchandises "à l'extérieur" ! En effet, le capitalisme ne peut jamais absorber lui-même toutes les marchandises qu'il produit. La raison en est simple : la bourgeoisie ne peut vendre qu'une partie, et une partie seulement, de ses marchandises à la classe ouvrière.
"La demande émanant du travailleur productif lui-même ne peut jamais suffire à toute la demande, parce qu'elle ne recouvre pas entièrement le champ de ce qu'il produit. Si c'était le cas, il n'y aurait plus aucun bénéfice ni, donc, de raison pour le faire travailler. L'existence même d'un profit réalisé sur une marchandise quelconque implique une demande autre que celle émanant du travailleur qui l'a produite"3. En clair, la bourgeoisie ne gagne rien en vendant ses produits à la classe ouvrière ; c'est seulement son propre argent qui lui revient après être passé dans la poche des travailleurs. Pour faire du profit, elle se doit de vendre une partie de sa production aux paysans, aux artisans... à toutes les couches de la société qui, aux quatre coins du globe, n'ont pas encore "adopté le mode de production bourgeois". C'est pourquoi lorsque, au 19e siècle, les conquêtes n'étaient pas assez rapides et que par conséquent les marchés "extérieurs" devenaient insuffisants, la surproduction apparaissait et la crise éclatait :
"Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s'abat sur la société, - l'épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée ; on dirait qu'une famine, une guerre d'extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance ; l'industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d'industrie, trop de commerce"4.
Le capitalisme a donc dû étendre son marché au monde entier. Mais en absorbant ainsi progressivement les marchés "extérieurs", il réduisit d'autant les débouchés dont il avait besoin pour vivre. Prenons une image pour mieux comprendre. Un poussin se développe à l'intérieur de l'œuf en absorbant le blanc qui l'entoure. Une fois formé, quand le poussin occupe tout l'espace et que sa nourriture commence à manquer, il se libère en brisant sa coquille. La société capitaliste se développe en quelque sorte de la même manière ; son "blanc", ce sont les marchés extra-capitalistes. Seulement, une fois tout l'espace conquis, elle n'a nulle coquille à briser. Elle essaye donc de croître dans cet espace devenu trop petit. Chaque partie (les nations) tente de survivre au détriment de l'ensemble de l'organisme. C'est exactement ce qui s'est passé au début du xxe siècle, le capitalisme est devenu un monstre, une société décadente, et la Première Guerre mondiale a éclaté !
En effet, à la veille de 1914, "pour la première fois, le monde se trouve partagé entièrement, si bien qu'à l'avenir il pourra uniquement être question de nouveaux partages, c'est à dire du passage d'un "possesseur" à un autre, et non de la "prise de possession" de territoires sans maître5».
Toutes les régions du globe étant conquises par le capitalisme, chaque capital national n'a plus d'autre ressource que de prendre un marché à un autre capital.
Le xixe siècle, période d'ascendance du capitalisme, n'a pas été un siècle de paix... loin s'en faut. Des guerres parfois dévastatrices, comme les guerres napoléoniennes ou la Guerre de Sécession, ont eu lieu ; elles ont parfois mobilisé des ressources économiques et humaines considérables. Les armes se sont sophistiquées et, déjà lors de la Guerre de Sécession (1860-65), les armes automatiques et canons de gros calibre, les cuirassés et sous-marins font leur apparition. Mais la différence fondamentale avec la période de décadence et les guerres du 19e siècle est que les guerres de l'ascendance ne concernaient que des régions peu étendues et non tous les continents du globe comme les deux guerres mondiales. Elles n'ont jamais eu un caractère permanent contrairement aux conflits depuis 1945. La Première Guerre mondiale marque de ce point de vue un tournant ; l'absurdité du conflit, aboutissant à exterminer des classes d'âge entières, mobilisant toutes les énergies des belligérants jusqu'à les ruiner, n'était que la préfiguration de tous les conflits qui ont eu lieu depuis.
Aujourd'hui, l'état de guerre permanent se traduit par des dépenses militaires énormes dans tous les pays, atteignant directement et indirectement la moitié ou plus des ressources de tous les États. Des sommes inouïes, jamais vues, sont englouties dans la production d'outils de destruction toujours plus sophistiqués. La science, l'industrie, les médias, en bref toute la société est directement ou indirectement au service de l'économie de guerre. La fascination de la société capitaliste pour le militarisme et la guerre est l'indubitable signe de l'agonie de ce système.
Tout comme la guerre, la crise économique change radicalement de nature avec la décadence. Avant la Première Guerre mondiale, la crise de surproduction constituait un palier entre chaque phase d'expansion du marché, un "battement de cœur d'un système en pleine santé". Par contre, en décadence, la surproduction devient un phénomène chronique.
Plus personne ne se souvient de la crise des années 1882-1886, bien qu'elle a abouti à la faillite d'une partie des compagnies ferroviaires américaines et à la manifestation du 1er Mai 1886 à Chicago, si durement réprimée que le 1er Mai est devenu la Fête du Travail. La crise de 1890-95 n'a guère laissé plus de souvenir, malgré les 15 000 faillites, dont celles de 600 banques, enregistrées aux Etats-Unis au cours de la seule année 1893 6. Par contre, la crise de 1929 est restée dans l'histoire. La différence est simple : les deux premières n'ont pas duré longtemps et l'expansion qui les a suivies a effacé leur souvenir des mémoires. Il n'en est rien pour la crise de 1929, vu la catastrophe planétaire qu'elle a générée et les conséquences les plus absurdes qu'elle a entraînées : on se souvient des traders de Wall Street qui se suicidaient après le "Jeudi noir", des locomotives brésiliennes brûlant le café invendable, de la moitié des Etats américains revenant au troc faute d'argent et de banques, toutes en faillite, de l'exode vers le mirage californien des paysans américains ruinés7. En Allemagne, le souvenir de la catastrophe monétaire de 1923, lorsqu'il fallait une valise de billets pour aller acheter son pain, existe toujours et les 6 millions de chômeurs de 1932 sont encore dans les mémoires. Et enfin, tout le monde connaît l'épouvantable dénouement de cette crise, la Seconde boucherie impérialiste mondiale.
Surtout, jamais une crise au xixe siècle n'a duré plus de quatre ans. Que dire alors de la crise actuelle, qui vient de fêter ses quarante ans ? Aujourd'hui, ce sont les périodes d'expansion qui deviennent rares et la crise économique, la règle. Cette crise permanente se traduit, phénomène nouveau par rapport au 19e siècle, par un chômage de masse. Et le slogan du président américain Hoover, celui de la Grande dépression de 1929, qui disait que "la prospérité est au coin de la rue", ne fait que montrer l'aveuglement de la bourgeoisie par rapport à son propre système économique : la croissance repartira bien un jour !
Depuis 1929, il n'y a certes plus eu de krach d'une telle ampleur, un tel arrêt de l'économie. Il est vrai que la bourgeoisie a su tirer les leçons de la "Grande dépression" en "interdisant" le protectionnisme, en organisant les flux financiers à l'échelle internationale et, surtout, en ayant recours à un endettement systématique et massif. Pour autant, elle n'a en rien résolu le problème du manque de débouchés et de la surproduction. Elle n'a fait qu'étaler sa crise historique dans le temps, aux récessions succédant d'autres récessions toujours plus brutales. Il y a eu ainsi d'importantes crises ouvertes en 1970, en 1974-1975, en 1980-1982. Au début des années 80, les économies des pays du tiers-monde se sont effondrées. Dans les années 1990, dont le début était marqué au fer par l'effondrement de l'ancien bloc soviétique, la crise économique est venue à nouveau frapper violemment les pays les plus puissants de la planète, en particulier les Etats-Unis et la Grande Bretagne, dès 1992. Les différents "miracles" dont la bourgeoisie s'enorgueillissaient ont successivement fait faillite comme l'ont montré la crise asiatique de 1997 et l'éclatement de la bulle Internet en 2001. Et nous sommes aujourd'hui de nouveau, en cette fin d'année 2007, au commencement d'une nouvelle phase récessive qui promet d'être particulièrement violente. Face à toutes ces crises, la bourgeoisie n'a eu pour seule "solution" que de poursuivre encore et toujours plus sa folle fuite en avant dans l'endettement, préparant ainsi chaque fois une nouvelle récession plus profonde et généralisée. L'endettement mondial est devenu faramineux. En 2002, le montant total des dettes étatiques à l'échelle de la planète était de 60 000 milliards de dollars, soit le double du produit mondial brut annuel ! Et encore, depuis lors, cette folle course vers cet endettement n'a fait que s'emballer.
Au milieu de ce monde de ruines et de convulsions s'est développé comme un cancer l'organe garant de la conservation sociale : l'Etat. Celui-ci s'est immiscé dans les rouages les plus intimes de la société et en particulier dans sa base économique. Tel le dieu Moloch de l'Antiquité, sa machine monstrueuse, froide et impersonnelle a dévoré la substance de la société civile et de l'homme. Et loin de constituer un quelconque "progrès", le capitalisme d'Etat qui s'est emparé de l'ensemble de la planète est une des manifestations les plus brutales de la putréfaction de la société capitaliste.
Pas un domaine social, politique, économique, culturel n'échappe à sa domination. Toute l'économie nationale est aujourd'hui régie par l'État. C'est lui qui est en général un des plus gros employeurs du pays, qui dicte ses conditions aux banques en déterminant les conditions du crédit, gère l'économie via ses propres besoins de financement et la gestion de la monnaie, accorde ou pas son soutien aux exportateurs, autorise ou pas les importations. C'est lui qui négocie avec les autres États les conditions du commerce mondial, qui détermine en partie les salaires directs et l'ensemble du salaire social via les assurances-maladie ou vieillesse, les retraites, quand il ne fixe pas carrément la production et son prix, comme dans les anciens Pays de l'Est !
Dans toutes les périodes de décadence, le développement hypertrophié, boursouflé, de l'État est une caractéristique des plus marquantes. Le militarisme et la police s'infiltrent sensiblement dans tous les domaines ; la police secrète, l'espionnage des citoyens, de l'adversaire potentiel autant que de l'ennemi de classe, sont des activités intenses de l'État capitaliste. Le résultat en est d'ailleurs qu'aucun organisme officiel de quelque ampleur ne saurait échapper à la tutelle de l'État, que ce soit les partis politiques officiels ou les syndicats, tous financés par la manne étatique, de façon directe ou indirecte.
Derrière le masque de la démocratie bourgeoise, on ne trouve de fait que le totalitarisme d'une classe qui impose sa domination sans partage à la société toute entière.
La société capitaliste a toujours été beaucoup plus intéressée par le profit immédiat que par le bien-être de l'humanité. Au prix de la barbarie et de la misère, elle est malgré tout parvenue au xixe siècle à générer un progrès pour l'humanité, la mettant en théorie à l'abri de la pénurie matérielle, mais aussi lui faisant mieux comprendre son propre monde et sa propre nature. Mais aujourd'hui, ce système moribond n'est plus capable que d'entraîner l'humanité dans sa propre autodestruction. Sa fin n'est donc pas une belle utopie, c'est une absolue nécessité ! Etre idéaliste, c'est croire qu'il y a encore un avenir au sein de cette société ! Pourtant, si l'avenir promis par ce capitalisme est chargé de nuages noirs et de douleur, la classe ouvrière n'a pas à être prostrée et à se réfugier en d'impuissantes lamentations.
Il ne faut pas voir dans la misère que la misère ! La crise est la meilleure alliée du prolétariat. C'est elle qui va accélérer le processus de prise de conscience de l'impasse du monde actuel. C'est elle qui, à terme, va précipiter de plus en plus massivement dans le combat la classe ouvrière !
Bart
1) Le Manifeste du Parti communiste.
2) Idem.
3) Marx, Fondement de l'économie politique.
4) Idem.
5) Lénine, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme.
6) C. Fohlen et F. Bédarida, Histoire générale du travail, t.3.
7) Exode immortalisé par Steinbeck dans son roman les Raisins de la colère.
Toutes les organisations syndicales se sont félicitées en présentant la journée de grève du 18 octobre dernier contre la remise en cause des régimes spéciaux de retraites comme un "grand succès". A l’avance, le gouvernement avait prévenu que ce serait une "journée noire" et que la grève serait largement suivie. Et, en effet, avec 73% de grévistes à la SNCF (davantage que les 68% de la "grande grève contre les régimes spéciaux" de 1995 sous le gouvernement Juppé) et 59% à la RATP, cette grève a largement mobilisé. Pourtant, les manifestations organisées dans une trentaine de villes, n’ont rassemblé que 200 000 personnes environ (dont seulement 25 000 à Paris). C’est peu en comparaison de 1995 où le plan Juppé avait rassemblé contre lui plus d’un million de personnes dans la rue comme lors des grandes manifestations contre la réforme des retraites dans la fonction publique en 2003. Pourquoi ce décalage ?
La bourgeoisie française a le plus grand mal depuis 1968 à imposer des attaques frontales et massives, comme l’a démontré encore la mobilisation des jeunes prolétaires contre le CPE en 2006 qui est parvenue à faire reculer le gouvernement. La stratégie des gouvernements successifs en France depuis près de 15 ans est donc de masquer cet aspect frontal des attaques qui touche l’ensemble des prolétaires en se concentrant chaque fois sur un secteur particulier et imposer ses attaques paquets par paquets. Il en est de même aujourd’hui où le gouvernement cible un secteur particulier de la classe ouvrière en isolant les régimes spéciaux des autres attaques. Il a misé sur la propagande assénée depuis des mois pour présenter cette attaque comme "inévitable" et les bénéficiaires des régimes spéciaux comme des privilégiés, des profiteurs montrés du doigt. Mais contrairement aux fois précédentes, cette manœuvre de division n’est pas si bien passée. Les prolétaires ont de plus en plus clairement conscience que derrière les régimes spéciaux, c’est la voie ouverte à la poursuite de l’attaque contre le régime général des retraites et à toutes les autres.
C’est pourquoi le 18 octobre a été longuement préparé à l’avance comme "défouloir" par le gouvernement et les syndicats pour désamorcer le mécontentement et la combativité montante au sein de la classe ouvrière. Dans leurs tracts, les syndicats ont mis en avant la nécessité d’une large et forte mobilisation au-delà des régimes spéciaux mais dans la réalité, ils ont au contraire fait tout pour l’empêcher et pour s’y opposer. En effet, même si plusieurs syndicats avaient fini sous la pression du mécontentement par appeler à la grève le même jour et sur d’autres revendications (contre la vie chère, contre les suppressions d’emplois dans la fonction publique, contre la fusion ANPE-ASSEDIC, etc.) ils l’ont fait de façon très sélective chez les fonctionnaires, dans les hôpitaux, dans les écoles, les collectivités territoriales, comme dans le privé, dans certains établissements et pas dans d’autres. Les syndicats ont réussi à limiter l’expression du mécontentement par une série concomitante de manœuvres. En particulier, profitant du fait que les transports publics étaient au cœur de l’attaque, ils ont organisé de concert avec la direction de la SNCF et de la RATP autour de la capitale, le blocage et la paralysie quasi-totale des trains, des bus, des principales lignes de métro : la plupart des stations de métro à Paris étaient même carrément fermées. Ce qui a massivement découragé et dissuadé de nombreux ouvriers de se rendre à la manifestation parisienne et à se résigner à rester à la maison. Le cortège syndical s’est souvent déroulé dans une ambiance de kermesse bruyante (dominé par les chansons à tue-tête et la sono de la CGT à fond, conditionnement privant les salariés de tout moyen de discuter, d’échanger leurs expériences, de communiquer et de réfléchir).
De plus, si les syndicats ont lancé "un appel unitaire" à se mobiliser pour le 18 dans les seules entreprises directement concernées par la suppression des régimes spéciaux, on a assisté immédiatement après au spectacle de la division syndicale portée à son paroxysme. A chaque syndicat, sa tactique : la CFDT n’a appelé ce jour-là que les seuls cheminots à faire grève et à manifester, pour "ne pas mélanger tous les problèmes et toutes les revendications", selon les déclarations de son secrétaire général Chérèque ; la CGT s’est limitée à une journée de grève "carrée" de 24 heures (tout en laissant les unions départementales prendre des "initiatives" pour prolonger la grève) alors que SUD et FO appelaient de leur côté à une grève reconductible. Mais le coup de poignard dans le dos le plus décisif, prévu à l’avance1, fut porté par la FGAAC (syndicat des conducteurs de train très minoritaire représentant 3% des agents dans l’ensemble de la SNCF mais 30% de cette corporation). La FGAAC, après avoir appelé, elle aussi, à une "grève reconductible", s’empressait le soir même de la manifestation de négocier avec le gouvernement la promesse d’un "compromis" et d’un statut particulier pour tous les "roulants" présenté comme une "victoire" (retraite à 55 ans - soit 5 ans de plus qu’auparavant) en appelant à la reprise du travail dès le lendemain matin et d’endosser le rôle du "traître" de service. Alors que la SNCF était traditionnellement le secteur de pointe dans les grèves des transports, la dynamique de la lutte, touchée au cœur, était cassée. Dès lors, tout l‘éventail de la division, entre corps de métiers, entre ouvriers d’un même secteur, entre grévistes et non grévistes, entre ouvriers des transports publics et travailleurs usagers, était déployé pour briser l’image d’une grève que la propagande médiatique et gouvernementale n’était pas jusque là parvenue à rendre vraiment impopulaire. SUD et FO ont alors joué les premiers rôles pour chercher à prolonger minoritairement la grève. Dans les jours qui ont suivi le 18, beaucoup de travailleurs ont été désagréablement surpris en se rendant à leur travail de voir que les transports publics sont restés très perturbés ou avec des retards très importants alors que plus de 90% des grévistes avaient repris le travail. Dans plusieurs villes de province, comme à Marseille, la campagne d’intox a été telle que la direction annonçait que tel ou tel train avait été supprimé alors qu’en réalité il circulait normalement. Dans le même temps, dans les dépôts, des AG en vase clos, totalement isolées avaient lieu, tournant régulièrement à de virulentes empoignades entre syndicats, s’accusant mutuellement de saboter le mouvement. Les syndicats les plus "radicaux" cherchaient à semer l’illusion parmi les ouvriers grévistes qu’ils étaient l’avant-garde d’une grande mobilisation et d’une période d’ébullition sociale en cours. C‘est dans un tel contexte que Thibault a eu le culot d’affirmer "qu‘on a un rapport de force pour nous". Dans le mois qui vient, tous les régimes spéciaux vont être à présent disséqués, découpés en rondelles, pour évaluer le degré de "pénibilité" du travail et moduler en conséquence les nouvelles règles d’application du régime de retraité agrémenté ou non de pseudo-"compensations" négociées entreprise par entreprise, branche par branche, "métier par métier", comme l‘avait décidé le gouvernement. Certains syndicats comme la CGT peuvent bien menacer de relancer le mouvement … dans 3 semaines en faisant miroiter une grève cette fois reconductible à partir de la mi-novembre tandis que tous les syndicats lancent d’ores et déjà un appel à une grève dans la fonction publique le 20 novembre prochain. La ficelle est un peu grosse à l’approche des élections syndicales interprofessionnelles, début décembre, qui les poussent à se redonner une image plus positive.
La colère des ouvriers n’est pas éteinte pour autant ni leur combativité désarmée, malgré le sentiment d’écœurement vis-à-vis des syndicats2. Ils ne doivent pas être dupes : la fonction de la gauche et des syndicats sera toujours de chercher à diviser les ouvriers pour aider l’ensemble de la bourgeoisie à faire passer ses attaques. Le but réel de ces manœuvres de division et de ce partage des tâches doit être d’autant plus clair que pour la bourgeoisie cette attaque sur les régimes spéciaux ne va rapporter que des économies dérisoires (850 millions d’Euros) et ne peut avoir aucune efficacité réelle pour combattre le déficit budgétaire colossal ni celui vertigineux de sa balance commerciale. Cela signifie que malgré le poids de ce qui frappe les prolétaires aujourd’hui et dans les mois qui viennent (les franchises médicales où les plus pauvres des travailleurs sans couverture mutualiste seront dans l’impossibilité de se soigner dès janvier 2008, la poursuite des réductions massives d’effectifs dans la fonction publique et les services publics, les plans de licenciements, la hausse vertigineuses des produits alimentaires de base et la chute du pouvoir d’achat, la chasse aux ouvriers émigrés dont la loi particulièrement inhumaine et "dégueulasse" d’Hortefeux est un symbole3), ce qui est devant nous s’annonce encore bien pire. La classe ouvrière ne peut nourrir aucune illusion sur l’avenir qui lui est réservé.
La bourgeoisie française va être contrainte de mettre les bouchées doubles : non seulement avec l’aggravation palpable de la crise économique mondiale mais parce qu’elle a pris un retard énorme à combler sur ses concurrents (le régime général des retraites vient par exemple de passer à 67 ans en Allemagne et il a été porté à 68 ans en Grande-Bretagne). Cela donne la mesure des "nouveaux chantiers de réformes" tous azimuts que le gouvernement prépare au lendemain des élections municipales, car il est manifeste qu’il a choisi de freiner ses assauts jusqu’à cette échéance.
Les prolétaires n’ont pas d’autre choix que de lutter. Pour pouvoir empêcher efficacement son ennemi de classe de donner libre cours à ses attaques, l’unité et la solidarité de la classe ouvrière est le seul moyen de développer la lutte et de déjouer les pièges et les manœuvres inévitables de division de la gauche et des syndicats.
W (25 octobre)
1 Le Journal du Dimanche du 21 octobre a révélé que des contacts entre la direction de la SNCF et la FGAAC avaient été pris dès le 10 octobre, immédiatement après la présentation officielle de la réforme, pour négocier à part et secrètement avec ce syndicat et que ces propositions avaient été transmises par écrit au ministère du travail qui les avaient validées.
2 Le sale travail de sabotage et de division joué par les syndicats dans cette grève a été évident pour beaucoup d’ouvriers combatifs : la pilule a gardé un goût très amer et nombre d’entre eux ont déchiré avec rage leur carte d’adhérent à tel ou tel syndicat.
3 La bourgeoisie tente même d’enrôler les travailleurs dans l’exercice de leur fonction pour le flicage et le fichage des sans-papiers clandestins avec la directive applicable depuis le 1er octobre demandant aux employés de l’ANPE et des ASSEDIC de transmettre systématiquement aux préfectures une copie des titres de séjour et de travail des demandeurs d’emploi étrangers.
Pour plus d’informations sur la signification de cette loi, lire notre article : "Non à l‘État policier ! Solidarité de tous les travailleurs avec les immigrés ! [82]"
L'amendement Mariani, soutenu par le gouvernement, qui prévoit un test ADN pour toute demande de regroupement familial de la part de travailleurs immigrés résidant en France, est abject, ignoble, révoltant. C'est vrai qu'il est parfaitement "dégueulasse" d'instrumentaliser la question de l'immigration comme l'a affirmé la secrétaire d'État Fadela Amara1.
Ces tests qui permettraient la "traçabilité" des familles de travailleurs immigrés marquées comme du bétail, comme des bêtes d'abattoir, sont une nouvelle illustration que les progrès de la science sont de plus en plus mis au service du Capital, de son État et de son appareil de répression. Ce traitement jusque-là réservé aux criminels évoque le marquage au fer rouge des bagnards du 19e siècle. C'est l'empreinte d'un État de plus en plus totalitaire qui cherche à contrôler et à fliquer les êtres humains en général et les travailleurs en particulier dans tous les moments de leur vie avec les moyens les plus modernes et les plus coûteux, avec le recours aux progrès scientifiques et l'appel à la technologie dernier cri. Alors que les progrès de la génétique sont utilisés contre les travailleurs immigrés, d'autres applications des avancées scientifiques sont déjà au service de l'État bourgeois contre l'ensemble de la classe exploitée. Ainsi, des dispositions récentes sont en train d'imposer les moyens les plus sophistiqués de la police "scientifique" et de l'armée : la ministre de l'Intérieur, Madame Alliot-Marie se propose, par exemple, de tripler le nombre des caméras de vidéosurveillance sur tout le territoire et de les installer notamment dans les artères des grandes villes, dans les stations de métro et dans les cités de banlieue en suivant le modèle britannique. Et cela au nom de la lutte contre d'éventuels agissements terroristes ainsi que pour prévenir, de façon plus générale, les "troubles de l'ordre public". Le récent salon de la police et de l'armée a mis en vedette des drones, ces petits avions sans pilote de l'armée (déjà mis en service dans les guerres) que l'État français entend désormais utiliser comme instrument de surveillance dans les manifestations de rue afin de pouvoir cibler et repérer les "fauteurs de troubles"2. Dans le même sens, un hélicoptère muni de caméras infrarouges a été testé aux alentours du stade de France à Saint-Denis lors de la coupe du monde de rugby. Depuis, l'outil informatique et Internet jusqu'à l'électronique et à la médecine, la classe dominante dispose aujourd'hui d'un formidable arsenal technologique de surveillance et d'encadrement de la classe exploitée de même que pour terroriser et intimider les populations (non seulement en France, mais également dans d'autres pays comme par exemple la "très démocratique" Grande-Bretagne).
C'est le règne de "Big Brother" et la réalité dépasse désormais la fiction du roman de George Orwell, 1984.
Le test ADN a provoqué une véritable levée de boucliers au sein de la classe politique : d'une partie de la droite (Villepin, Balladur...) à la gauche et à l'extrême gauche, c'est un tollé. Le 14 octobre, à l'appel de SOS-Racisme, de Charlie Hebdo et de Libération, plus de 6000 personnes se sont rassemblées dans la salle du Zénith à Paris pour proclamer "Touche pas à mon ADN !" sur le modèle du fameux "Touche pas à mon pote !" avec de multiples personnalités artistiques comme Isabelle Adjani ou Josiane Balasko et un vaste front commun unissant le villepiniste Goulard, le centriste Bayrou et le "socialiste" Hollande. Tous ces gens-là ne sont que des hypocrites !
En particulier, derrière leur fausse indignation, les partis de la gauche "plurielle" cherchent à se refaire une virginité à bon compte. Ils ont démontré qu'ils ont toujours été à la pointe des mesures répressives et de la lutte contre l'immigration clandestine, en particulier contre les immigrés qui cherchaient une "terre d'asile" pour fuir la misère et la barbarie guerrière de leur pays d'origine. C'est sur la déclaration du "socialiste" Rocard "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde" que la classe dominante s'est toujours appuyée pour justifier sa politique répressive en matière d'immigration. C'est Mitterrand, avec son Premier ministre Edith Cresson et son ministre de l'Intérieur Pierre Joxe, qui a inauguré et mis en service la politique d'expulsion par charters. Avec un succès jamais interrompu. Les fameux accords de Schengen et la mise en place d'un "bouclier européen contre l'immigration clandestine" ont été signés par Jospin, alors Premier ministre. Tout ce beau monde encense le président socialiste espagnol Zapatero qui, avec sa police, ne cesse de traquer les migrants africains, en les poussant à s'empaler sur des clôtures grillagées à Ceuta ou Mellila ou en les escortant (avec la complicité de la police marocaine) dans le désert saharien pour les abandonner et les condamner à crever de soif et de faim.
Les partis de gauche profitent du caractère scandaleux des tests ADN pour s'en servir comme d'un leurre. Leur fausse indignation, c'est l'arbre qui cache la forêt. Les larmes de crocodile de la gauche plurielle ne servent en réalité que deux objectifs. Ce qui intéresse la gauche, c'est d'abord et avant tout d'exploiter l'indignation des citoyens pour préparer le cirque électoral des élections municipales. C'est celui qui criera le plus fort "Au loup !" qui raflera la grosse mise.
Par ailleurs, les cris d'orfraie de notre très "morale" gauche plurielle sur la question de l'ADN aboutissent à éclipser les autres mesures de la loi Hortefeux qui vont passer en douce alors que, elles aussi, sont une véritable crapulerie : tout étranger de plus de 16 ans demandant à rejoindre la France au titre du regroupement familial "sera soumis avant son départ à une évaluation de la connaissance de la langue française et des valeurs de la République". Autrement dit, les femmes de travailleurs émigrés devront suivre sur place des cours de français alors qu'il n'y a pratiquement pas de structure éducative... (et les rares qui existent sont souvent payantes). D'autre part, les ressources exigées pour un regroupement familial seront indexées sur la taille de la famille (par exemple pour une famille de 6 personnes, il faudra avoir des revenus un tiers au-dessus du SMIC). A ce tarif-là, beaucoup de familles "françaises de souche" seraient, elles aussi, exclues du regroupement familial. De même, les parents devront conclure avec l'État un "contrat d'accueil et d'intégration pour toute la famille". Autrement dit, au moindre démêlé ou accroc avec la police ou la justice d'un membre de la famille, ce sera l'expulsion immédiate. Par ailleurs, l'OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), dont les services dépendaient jusque-là du Quai d'Orsay, passera sous la tutelle directe du ministère de l'immigration. La politique d'immigration "choisie" s'opérera désormais à partir de quotas nationaux. Le ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, Monsieur Hortefeux, s'est donné le même objectif que celui déjà donné par l'ex premier flic de France, Nicolas Sarkozy dans sa politique "d'immigration choisie" : l'expulsion de 25 000 immigrés en situation irrégulière par an. Et il met les bouchées doubles pour l'atteindre d'ici la fin de l'année. Bref, il s'agit de "faire du chiffre" en matière de politique de contrôle des flux migratoires. Tout cela s'accompagne déjà d'une multiplication des contrôles d'identité, de la chasse au faciès, d'une intensification de rafles de parents à la sortie des écoles, d'expulsions de squats de travailleurs qui ne peuvent plus être logés décemment, de traque aux clandestins, de "chasse à l'homme". Cette politique ignoble et inhumaine pousse de plus en plus d'immigrés à des actes désespérés, tel le cas de cette femme sans papiers d'origine asiatique qui s'est défenestrée, et qui est morte, parce qu'elle pensait être concernée par une perquisition dans l'immeuble où elle était logée. Et pour accompagner cette politique répugnante, le "copain" de Nicolas Le Petit, Brice Hortefeux est bien décidé à réprimer tous ceux qui abritent ou hébergent des immigrés clandestins. 3
L'inhumanité profonde de ces mesures4, c'est celle d'un système capitaliste historiquement condamné, un système en putréfaction qui ne peut apporter que de plus en plus de barbarie.
Le test ADN de la loi Hortefeux n'est pas une nouveauté. Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, avait déjà proposé un test ADN pour dépister le "gène" de la délinquance chez les enfants qui entrent à l'école maternelle. Et il avait suggéré cette même mesure pour débusquer le "gène" de la pédophilie. 5 Mais au-delà de son ignorance dans le domaine scientifique, ses prises de position avaient pour avantage de caresser dans le sens du poil l'électorat de Le Pen, c'est-à-dire les secteurs les plus arriérés idéologiquement de la société française, les plus affectés par les préjugés racistes et xénophobes6.
Ce type de préjugés n'est pas nouveau. Il date principalement de la colonisation, lorsqu'il fallait à la bourgeoisie "justifier" les crimes qu'elle perpétrait contre les populations indigènes. Mais le développement de ces préjugés à la fin de 20e siècle, en même temps que la montée des intégrismes religieux, révèle un pourrissement sur pieds d'une société qui était déjà entrée en décadence depuis la Première Guerre mondiale, une décadence qui a trouvé avec le nazisme et le stalinisme ses expressions les plus tragiquement caricaturales. Évidemment, Sarkozy et son ami Heurtefeux ne sont pas Hitler ou Staline. Ce sont des "démocrates". De même, la situation d'aujourd'hui n'est pas celle des années 30 et 40, marquées par la guerre mondiale. Mais l'obsession des deux comparses pour "faire du chiffre" en matière d'expulsion des immigrés a des relents de celle de Hitler et de Staline qui, eux aussi, demandaient à leurs fonctionnaires de "faire du chiffre" en matière de déportations. Ils sont les sinistres exécuteurs des basses oeuvres d'un système capitaliste dont l'impasse historique ne peut qu'exacerber toujours plus le caractère inhumain, dont l'irrationalité croissante ne peut que favoriser la montée des idéologies obscurantistes issues de la nuit des temps.
Les prolétaires "français de souche" doivent affirmer haut et fort leur solidarité envers leurs frères de classe immigrés, victimes de l'ignominie du gouvernement Sarkozy-Fillon-Hortefeux et consorts. Si les immigrés ont fui leur terre natale, en laissant leur famille au pays, ce n'est certainement pas pour venir "manger le pain des français" ou pour leur "voler leur emploi" ou "profiter" de l'État providence (avec sa "sécurité" sociale et ses allocations familiales) comme le prétend Le Pen avec la caution de Sarkozy, Hortefeux et tous leurs complices. S'ils sont venus en France, c'est tout simplement parce que "chez eux", la vie était devenue un enfer. Ils cherchaient une terre d'asile. Malheureusement pour eux, la "douce France", "terre d'asile", n'est pas disposée à "accueillir toute la misère du monde", comme disait si bien Michel Rocard. C'est le capital en crise qui dicte sa loi. Si on veut bien faire venir des immigrés, il faut que ce soit "rentable". C'est pour cela que Sarkozy veut une "immigration choisie", qu'il essaie, autant que possible, de limiter la venue des familles des travailleurs immigrés, qu'il n'a de cesse de s'attaquer à la dignité de ces derniers.
La solidarité est la seule force qui puisse rendre à l'homme sa dignité, cette dignité que le capitalisme lui a retirée en le traitant comme une marchandise qu'on peut maintenant "choisir" dans le grand magasin du marché mondial. Avec l'aggravation de la crise économique, le sort que subissent aujourd'hui les immigrés, c'est celui qui attend demain tous les travailleurs "français de souche".
La seule solidarité réelle envers les travailleurs immigrés victimes de la répression féroce du Capital et de son État policier, c'est la lutte la plus large, la plus solidaire et unie possible. Une lutte contre toutes les attaques que porte aujourd'hui la bourgeoisie à la classe ouvrière (retraites, frais de santé, baisse du salaire réel, conditions de travail, etc.). Une lutte qui permette à l'ensemble de la classe ouvrière, dans tous les pays, de développer la force et la conscience pour être en mesure de renverser ce système barbare et de construire une nouvelle société, sans classe, sans exploitation et sans frontières nationales. Plus que jamais est à l'ordre du jour le vieux mot d'ordre des exploités :
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Courant Communiste International (16 octobre 2007)
1 Cela n'empêche pas l'ex-présidente de l'association "Ni putes ni soumises" de se déclarer à l'aise dans ce gouvernement sous la tutelle d'un premier ministre qui a lui-même qualifié de "détail" aux relents lepénistes cette mesure. Il y a des limites à l'insoumission... même s'il n'y en a pas à l'arrivisme. Il y a quelques mois, le journal Le Prolétaire qualifiait avec raison l'association de Fadela de "Mi-putes, mi-soumises". Aujourd'hui, Fadela ne fait plus les choses à moitié.
2 Un des prétextes est de "protéger" les manifestants contre les "casseurs" dont on sait pertinemment qu'ils sont souvent manipulés pour discréditer les véritables mouvements de la classe ouvrière. Ce n'est pas un hasard si, pendant le combat contre le CPE au printemps 2006, les images de la télévision, particulièrement à l'étranger, en rajoutaient sur les quelques actions violentes des jeunes des banlieues (lesquels sont provoqués quotidiennement par les forces de police) au détriment notamment des images des assemblées générales.
3 L'hypocrisie de la classe régnante n'a pas de limites : alors même qu'elle célèbre comme des héros ceux qui ont caché des familles juives pendant l'occupation, elle considère comme des criminels ceux qui, aujourd'hui, offrent leur protection à des clandestins sans papiers.
4 Une inhumanité qui n'a pas l'air de scandaliser beaucoup ce grand spécialiste de "l'humanitaire", le docteur Kouchner, qu'on n'entend guère sur la question des tests ADN et qui, depuis la gaffe de ses déclarations jusqu'auboutistes sur l'Iran, semble surtout préoccupé de tout faire pour ne pas déplaire à son maître.
5 On ne peut pas reprocher à Sarkozy de n'avoir pas fait d'études scientifiques ; il n'avait pas la "vocation". Il était plus brillant dans le domaine de la magouille politique (il avait tout juste 28 ans lorsqu'il a rafflé la mairie de Neuilly-sur-Seine à Pasqua, pourtant orfèvre en matière de coups tordus).
6 Des secteurs qui ont beaucoup de mal à admettre que leurs ancêtres, avant les gaulois, venaient tous d'Afrique.
Nous avons reçu un courrier d’un de nos contacts en province qui illustre le climat actuel de mécontentement grandissant et le potentiel de solidarité ouvrière face à la pénurie d’effectifs et à la détérioration des conditions de travail dans les centres administratifs dits "de service public" de la Sécurité Sociale. Cette situation et cet état d’esprit combatif sont loin d’être spécifiques à ce seul secteur.
C’est pourquoi nous livrons ce compte rendu et les réflexions qu’il suscite, notamment à travers la confrontation au travail de sabotage et de division des syndicats, comme exemple encourageant d’un mûrissement incontestable des conditions d’un développement ultérieur de la lutte et de la solidarité.
Le 17 septembre dernier, suite à des incidents dans la file d’attente des assurés sociaux, le personnel d’un bureau de Sécurité Sociale a décidé de mener des actions pour demander une augmentation des effectifs et une meilleure formation pour les jeunes qui ont été affectés dans cette unité.
Depuis plusieurs mois, les conditions de travail se sont dégradées. Ce centre de Sécurité Sociale est entièrement consacré à l’accueil des assurés sociaux. Il est situé dans des arrondissements très difficiles (le centre ville de Marseille) avec un très grand nombre d’étrangers en situation précaire, souvent sans papier, avec comme seul revenu des petits boulots pour certains, les ASSEDIC, pour d’autres le RMI, avec un très grand nombre de CMU. Mais y sont concentrés aussi des services centralisés (Accidents de Travail, Invalidité, Service Médical, Assistantes sociales, Plate-forme téléphonique). Près de 1000 personnes viennent quotidiennement pour régler leurs problèmes administratifs. C’est le plus gros centre de Sécurité Sociale de France. Aux étages, il y a d’autres unités de travail, c’est donc près de 500 personnes qui travaillent dans l’immeuble et beaucoup sont des jeunes. Depuis plusieurs mois donc, le nombre d’agents affectés à l’accueil se réduit, comme d’ailleurs les effectifs de l’ensemble des services du site. De plus, les jeunes sont très peu formés, que ce soit pour la législation, mais aussi pour la communication et la gestion des conflits. Et ils gagnent à peine le SMIC alors que l’intensité du travail devient de plus en plus stressante. C’est l’effet des "35 heures" mises en place par la gauche. Pour les assurés, la situation est tout aussi stressante, attendant plus d’une heure dans la file pour aller dans les différents box. Un assuré y passe la moitié d’une journée pour régler les problèmes. Une telle situation est source de tensions. Pour y faire face, la direction n’a rien trouvé de mieux que de mettre deux vigiles. Et c’est justement une altercation entre les vigiles et des jeunes du quartier qui a été la goutte qui a fait déborder le vase. Suite à cela, le cadre responsable décide de fermer le centre, les jeunes employés refusant de travailler dans ces conditions. Les syndicats ont été informés de la situation, mais très vite, ce sont les employés eux-mêmes qui ont pris leurs affaires en main. Et ce n’est pas la première fois puisque cet hiver il y a eu aussi des réactions des employés pour demander des effectifs qui ne sont pas arrivés. L’été a été particulièrement pénible, mais la situation s’est aggravée depuis la rentrée. Ce sont les jeunes employés eux-mêmes qui décident de se réunir et d’établir un cahier de revendications. Comme les esprits étaient assez échauffés, ni la direction ni les syndicats n’ont montré le bout de leur nez. Le seul délégué cégétiste sur place a dit "prenez vos affaires en main et le syndicat vous aidera". C’est le lendemain que la direction fait son apparition et c’est tout le centre en délégation qui lui a remis les revendications. Réaction du directeur : "Vous me mettez dans une situation difficile par rapport au Directeur Général alors que je me bats pour vous". Le lendemain, une note paraît qui précise que 2 nouveaux employés seront affectés, 6 autres d’ici la fin de l’année. Pour les employés, ce n’était pas suffisant mais ils décidaient d’attendre pour voir ce que vaut cette promesse, et en cas de retour de sources de tension, alors ils se réuniraient pour mener des actions.
Les syndicats ont tout fait pour que ce qui se passe sur ce site ne soit pas trop connu dans le reste des unités de travail où, là aussi, les problèmes sont identiques. Parallèlement, une grève s’est engagée sur un autre site, beaucoup plus petit, prévu dans un plan de restructuration à la fermeture. La direction s’est déplacée pour annoncer cyniquement qu’il n’y aura pas de nouvelles affectations d’emploi. Colère et grève immédiate. La CGT réagit vite et prend la tête de la grève. Cela se passe le 19 septembre et la CGT fait tout pour isoler les 2 mouvements qui se menaient simultanément. Sachant très bien que sur le site où s’est déclenché le premier mouvement de colère, la direction a reculé, la CGT, le 26/09 fait une parodie de solidarité. Une délégation de grévistes, syndicat en tête, décide d’y aller. Sur place, l’assemblée générale rencontre peu d’écho, quelques employés y participent. Un débat s’enclenche sur comment créer un rapport de force, car sur le site qui a démarré en premier, les employés sont démobilisés dans l’attente d’effectifs supplémentaires promis par la direction ; elle a donc très bien joué la division. Si la petite assemblée réunie a déclaré sa solidarité avec les grévistes, certains employés sont intervenus pour dire que la grève n’est pas le seul et unique moyen de lutte. Il a été donc proposé de décider d’un après-midi d’action où tous les centres ( il y en a plusieurs répartis aux quatre coins de la ville) se réuniraient pour discuter des revendications et d’un planning d’action, car c’est en élargissant le mouvement que l’on pourra créer un rapport de force mais, pour cela, la discussion la plus large possible est nécessaire. Les syndicalistes CGT présents ont tout fait pour saboter la discussion, et ce de manière agressive, en martelant l’idée que la lutte c’est la grève et rien d’autre. En fait, ce simulacre de solidarité a permis à la CGT de montrer que les employés sont divisés, contribuant ainsi à créer un malaise général, un sentiment de culpabilité de ceux qui continuaient à travailler. Et ce sabotage de la CGT a si bien marché qu’un employé s’en est pris aux grévistes disant qu’il était obligé de renseigner "leurs" assurés, rendant plus difficiles les conditions de travail. Déstabilisés malgré tout par la discussion, les cégétistes se sont montrés menaçants contre ceux qui posaient le problème de savoir comment construire un rapport de force avant de partir pour faire la tournée des services. Ponctuellement la CGT a réussi son coup. Deux jours après, elle sort un tract pour appeler à la solidarité financière avec les grévistes, sans parler bien sûr de ce qui s’est passé ailleurs où les employés eux-mêmes ont pris leur combat en mains. C’est ainsi que dans un autre bureau, lors d’une réunion, la CGT a été prise en flagrant délit : appelant à la solidarité avec le bureau en grève sans mentionner ce qui s’était passé ailleurs, certains employés, au courant des événements qui se sont produits sur le premier site, ont dénoncé le rôle de diviseur et de saboteur du syndicat, suscitant tout un questionnement sur comment lutter. Même si la grève continue sur le petit centre de manière isolée, il y a un tel climat de mécontentement général que la situation risque de ne pas en rester là. Alors il y aura toute une réflexion sur comment mener une lutte, comment faire face aux manœuvres de division de la direction...et des syndicats. Chez les employés, les jeunes en particulier, il existe une méfiance vis-à-vis des syndicats qui se traduit par cette réflexion : "Ils ne font pas ce qu’ils doivent faire, c’est donc à nous d’agir". Comment prendre contact avec l’ensemble des unités de gestion et de service, comment élargir le mouvement, voilà les questions. De toute façon, pour agir, il faut réfléchir, se réunir et discuter, il n’y a pas à foncer tête baissée. C’est ce sentiment qui existe. Et lorsque les employés se réunissent pour discuter et agir le plus collectivement possible, la direction et la CGT font tout pour saboter des initiatives qui vont dans ce sens, pourquoi ? Parce qu’ils ont peur que les travailleurs ne prennent véritablement leurs luttes en main, qu’il y ait de véritables assemblées générales avec des prises de décision sur comment mener la lutte, ce qui a commencé à être fait par une poignée de jeunes employés.
Sébastien, Marseille (1er octobre)
Fin septembre, éclatait en France un mini-scandale mettant en lumière le lien étroit du patronat et des syndicats.
Retour sur l’affaire. Tout commence par l’alerte de quelques employés de banque de la BNP intrigués par des retraits en liquide colossaux (entre 150 000 et 200 000 euros) de Denis Gautier-Sauvagnac, le président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM). La boîte de Pandore venait de s’ouvrir. Les enquêteurs annoncent successivement se pencher sur des retraits suspects représentant 5,6 millions, puis 9,6 millions et, aujourd’hui, 20 millions d’euros ! La question est alors : à qui était destiné tout cet argent ?
Très vite la réponse apparaît comme une évidence. Un secret de polichinelle est révélé : une grande partie de cet argent va dans la poche… des syndicats. Denis Gautier-Sauvagnac avoue lui-même que ces fonds servent à « fluidifier les relations sociales » (et quoi de mieux, en effet, que des liquidités pour « fluidifier les relations sociales »). Et, il n’y a ici rien d’étonnant ou d’exceptionnel. Denis Gautier-Sauvagnac n’est pas spécialement un pourri, en tout cas pas plus que les autres. Il ne faisait ici que perpétuer ce qui ce fait depuis près d’un siècle. Le président de l’UIMM de 1994 à 1999, Daniel Dewavrin, a ainsi affirmé avoir lui aussi eu recours à cette forme de financement syndical. Le président du Conseil national du patronat français (CNPF) de 1981 à 1986, Yvon Gattaz, a assuré « Il était de tradition dès 1984 qu’il y eût une caisse qui alimentait les syndicats […]. Ce n’était pas arroser pour peser [dans les négociations salariales], c’est un financement normal ». Enfin, François Ceyrac, un autre ancien président de l’UIMM et du CNPF, a écrit à son collègue aujourd’hui inquiété (lettre publiée dans Le Monde) : « Je suis bien placé pour savoir que les actions que l’on vous reproche, consistant à donner des aides en espèces à divers partenaires dans la vie sociale sont dans la continuité historique de l’UIMM dans sa mission de recherche de dialogue » (sic !). Pour reprendre les termes de la présidente actuelle du Medef, ces liens financiers étroits entre patronat et syndicats sont un « secret de famille ». Oui, il s’agit d’un « financement normal » ! Oui, patronat et syndicats font bel et bien partis de la même « famille » ! Une famille qui se nomme bourgeoisie !
Face à toutes ces « révélations », la protestation syndicale fut, pour le moins, molle et discrète. Pourtant, nous connaissons tous à notre travail un délégué syndical nous encourageant régulièrement à nous syndiquer, à « adhérer à la cause », au moins pour soutenir financièrement la lutte… syndicale. Qui n’a pas eu droit à ce couplet classique « le syndicat, c’est un organisme qui te défend au quotidien et qui t’appartient. C’est grâce aux cotisations des travailleurs, à ta cotisation, qu’il peut le faire » ? Le syndicat, organe de lutte des travailleurs, financé par les travailleurs… voici l’un des piliers de l’idéologie syndicale. Et pourtant, quand une affaire vient mettre à mal cette propagande, ébranler ce pilier, les syndicats se font tout petits. Pourquoi ?
Il suffit de mener une toute petite enquête sur le Net, via Google, pour le comprendre. Des affaires et des témoignages de ce genre de financement occulte y pullulent. Voici quelques exemples piochés au hasard.
En 2000, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) met les pieds dans la Caisse de retraite interentreprises (CRI), une retraite complémentaire du régime des salariés (Arrco). Le pot aux roses est découvert : "Cette enquête effectuée entre février et mai 1999 à mis en lumière 'tout un système de financement direct ou indirect des syndicats' […] Selon ce rapport, le CRI aurait versé entre 1995 et 1999, 34,3 millions de francs aux syndicats, en salaires pour certains permanents, présentés dans les comptes comme des 'délégués extérieurs' ou en 'convention d'assistance technique' prévoyant des honoraires et des remboursements de frais." Quatre ans plus tard, l'Igas remet les pieds dans le plat, cette fois-ci sur la délicate question des "mises à disposition". Des milliers de salariés gracieusement mis au service des syndicats par des entreprises publiques ou des administrations. En termes voilés, cela donne l'analyse suivante des inspecteurs de l'Igas [83]: "Il est pourtant de notoriété publique que de très nombreux permanents syndicaux sont mis à disposition par l'Etat, les organismes de Sécurité sociale et des entreprises privées ou publiques sans aucune base juridique."1 L’hebdomadaire Marianne2 fournit lui aussi quantité d’exemples : « La CGT a dû admettre, voilà 4 ans, qu’elle avait touché de l’argent de Vivendi sous forme de publicité sur-payée (120 000 euros la page) dans l’hebdomadaire ‘La vie ouvrière’, en 2001. […] Dans le même ordre d’idée, pourquoi les industriels comme Thalès ou Dassault, qui n’ont absolument rien à vendre au grand public, achètent-ils au prix fort des pages de publicités dans ‘Le métallo CFTC’ ? […] Récemment, les représentants de l’Union Fédérale des Transports ont expliqué aux députés comment la CGT incluait dans les accords sur le service minimum une centaine de permanents à rémunérer sur les fonds des entreprises ! »
Officiellement, sans même compter toutes ces magouilles, en ne considérant donc que la partie émergée de l’iceberg, l’Etat finance déjà très largement les syndicats, à coups de subventions publiques. La CGT, par exemple, perçoit 145 millions « hors cotisations » sur un budget de 220,6 millions d’euros de budget3. Soit 66% payé par la bourgeoisie ! Pourquoi la classe dominante entretiendrait-elle ainsi des « organes de lutte » ? C’est d’ailleurs l’Etat lui-même qui encourage les salariés à se syndiquer en les appâtant par une déduction fiscale sur le montant de leurs cotisations syndicales. Pourquoi financerait-elle « ses pires ennemis » ? Il ne s’agit pas là de corruption de quelques bureaucrates. Yvon Gattaz a tout à fait raison d’affirmer que cet argent n’a pas pour but de « peser » dans les négociations salariales mais qu’il s’agit tout simplement d’ « un financement normal ». Les syndicats appartiennent à la bourgeoisie : idéologiquement et financièrement. Elle a besoin de ces structures comme d’un cheval de Troie, pour saboter de « l’intérieur » le développement des luttes et de la réflexion ouvrière. C’est donc tout naturellement qu’elle prend soin de bien nourrir, entretenir et toiletter ses syndicats, véritables chiens de gardes du capital !
Pawel (26 octobre)
2 Marianne du 20 au 26 octobre 2007
3 in la revue Société civile
« Et si le Grenelle de l‘environnement constituait une pure et simple supercherie ? » lançait Le Canard Enchaîné le 10 octobre dernier. La question est légitime mais ce grand carrefour de l‘écologie est bien plus que cela.
Jean-Louis Borloo, champion de la gouaille gouvernementale, ne tarit pas de superlatifs sur l‘initiative qu‘il a repris de son prédécesseur Alain Juppé. Pour lui, c‘est une « révolution » qui est en marche, pas moins, et quand le terme est lié à un « Grenelle », on ne met pas longtemps à faire le lien avec les célèbres accords de la rue du ministère du Travail, en 1968.
Mais de quelle révolution s‘agit-il ? Est-on en train de fonder les bases d‘un capitalisme propre et soucieux de son environnement ? Va-t-on enfin trouver les moyens de réduire les pollutions, les déforestations, les déchets industriels et nucléaires ? Va-t-on enfin trouver les moyens de produire des véhicules moins polluants et de remplacer les vieux tacots fumants du siècle dernier ? La bourgeoisie prend-elle enfin conscience que son système met en danger l‘humanité et qu‘il importe d‘y remédier même si le remède doit coûter cher au capitalisme et aller à l‘encontre de sa propre logique ?
Réveillons-nous... Certes, la bourgeoisie n‘ignore pas que la course folle de son système englué dans la crise est en train de détruire notre environnement et pose la perspective d‘une destruction de la planète. Mais elle sait également qu‘elle n‘a pas les moyens d‘y remédier totalement, ni d‘aller contre sa propre logique de profit. Elle sait qu‘un certain nombre de mesures intéressent des industriels qui y voient de nouveaux terrains de développement pour leur activité, mais que cette même activité n‘offre pas la moindre garantie de respect environnemental. Elle sait aussi que l‘efficacité de la quasi-totalité des mesures proposées par son « Grenelle » est remise en cause par les spécialistes et les scientifiques sérieux.
Alors, la bourgeoisie fait ce qu‘elle fait encore de mieux : elle ment. Elle culpabilise. Elle manipule. Tout le battage autour de ces tables rondes « démocratiques », auquel le scandaleux Prix Nobel de la Paix attribué à Al Gore1 et au GIEC vient rajouter encore quelques paillettes, n‘aboutit qu‘à la même conclusion : l‘avenir de la planète appartient à chacun de nous, la révolution, c‘est chacun de nos comportements modifiés mis bout à bout. C‘est la fin des ampoules à incandescence, le retour des tramways, les maisons chauffées à 19° au lieu de 20°. Et pourquoi ne pas promouvoir les voitures à pédales pendant qu‘on y est ? On se moque littéralement de nous. Confrontée à sa propre incurie, à sa propre impuissance devant la folie destructrice de son système, la bourgeoisie nous exhorte quasiment à fermer le robinet quand on se savonne les mains. Et c‘est censé sauver la Terre, c‘est censé compenser toutes les blessures infligées à l‘environnement par les menées guerrières de la bourgeoisie et l‘exploitation industrielle déraisonnée, motivée par la recherche d‘un profit mis à mal par une concurrence toujours plus rude dans un marché toujours plus restreint.
« Plus ils parlent de paix et plus ils préparent la guerre », disait Lénine. Aujourd‘hui, plus ils parlent d‘écologie et plus ils détruisent la planète.
C‘est donc bien plus qu‘une « pure et simple supercherie », c‘est une grande opération idéologique destinée à cacher derrière une prétendue responsabilité partagée, les vraies responsabilités du capitalisme dans la dégradation fulgurante de notre milieu naturel. Tous les « Grenelles », « sommets de la terre » et Al Gore sentencieux du monde ne changeront rien à cette situation. L‘avenir de la planète est dans les mains de la classe ouvrière.
G (19 octobre)
1 Ce prétentieux est surtout un opportuniste : on se rappelle bien sa position contre la guerre en Irak, mais on oublie qu‘il a voté pour la première guerre du Golfe en 1990, qu‘il n‘a jamais critiqué, loin de là, les menées guerrières de Clinton en Afrique ou en Yougoslavie quand il était à la vice-présidence. Depuis son engagement, tout jeune, dans l‘armée pour partir comme journaliste au Vietnam, la paix n‘a jamais été son obsession. La guerre est effectivement bien connue pour ses vertus écologiques : destruction et pollution massive !
En Algérie, rien ne sera épargné à une population pourtant déjà réduite à la misère, dans sa grande majorité. L’année 2006 avait déjà connu une nouvelle vague d’attentats tous plus barbares et inhumains les uns que les autres. Mais, au cours de cette année, et notamment pendant la fin de l’été, on a vu une nouvelle recrudescence de la violence aveugle, faisant craindre le pire à une population vivant dans une peur permanente.
Au mois de février dernier, des explosions quasi-simultanées ont eu lieu dans un rayon d’une trentaine de kilomètres, à Boumerdès et à Tizi-Ouzou en Kabylie. Ces attentats ont été immédiatement revendiqués par un groupe proclamant appartenir à la branche d’Al-Qaïda au Maghreb. C’est aussi apparemment ce même groupe qui aurait perpétré des attaques à la voiture piégée au mois d’avril contre le Palais du gouvernement, faisant plusieurs dizaines de morts et 162 blessés. Le 6 septembre dernier, c’est le cortège du président Bouteflika qui a été pris pour cible lors de son voyage dans la région des Aurès. Cet attentat ne toucha pas le président, mais a fait à nouveau plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés. L’histoire récente de l’Algérie est ainsi une triste suite d’attentats, de meurtres en séries et de tueries atroces, visant bien souvent sciemment femmes et enfants.
Peut-être que les jeunes générations ouvrières, en France et en Algérie, n’ont pas en mémoire le drame que fut la tristement célèbre guerre d’Algérie. En 1952, une fraction de la bourgeoisie algérienne livre bataille contre la France, pays colonisateur, entraînant la population dans une guerre sans merci. Massacres et tortures furent pendant toute cette période le lot quotidien de la population, une population sans défense, prise au piège dans cette lutte à mort que se livrent la bourgeoisie française et la bourgeoisie naissante de l’Algérie.
Après dix années de conflit meurtrier (plus de 23 000 tués parmi les appelés du contingent français et surtout au moins 400 000 morts au sein de la population algérienne, massacrée des deux côtés), l’armée française se retire, vaincue. Mais la déclaration officielle de « l’indépendance » de l’Algérie n’a en rien signifié le répit et la paix. Pour la population de cette région, ce fut tout simplement une bourgeoisie qui en chassa une autre, elle ne fit que changer de maître, d’exploiteur et d’oppresseur. Pire, ce fut une bourgeoisie algérienne particulièrement brutale et sanguinaire qui prit les rênes du pouvoir : une caste militaire issue du FLN. Cette caste fit dès lors supporter de tout son poids la corruption généralisée à tous les travailleurs et la répression systématique pour les récalcitrants. Cela a été le prix, durant des années, de la “paix sociale” algérienne dont les détracteurs étaient jetés en prison ou éliminés, avec la bénédiction de… l‘Etat français qui gardait évidemment, bon an mal an, un certain contrôle partagé de l‘Algérie.
En 1992, même ce faux-semblant de « paix » s’écroule. Après l’effondrement de l‘URSS et le mouvement international de “démocratisation” lancé à l’époque sous la pression de l’Etat américain, le pouvoir algérien organise des élections “libres”. Le score historique des islamistes du FIS (Front Islamique du Salut), qui ne pouvait déboucher que sur l‘éviction des vieux caciques militaires algériens, pousse ces derniers à annuler le résultat de ces élections législatives. L‘Algérie rentre à nouveau dans une guerre civile qui n’a cessé depuis lors.
Les attentats de ces derniers mois sont donc un énième épisode sanglant de cette histoire tragique. Dans ce pays, les organisations armées terroristes changent de nom mais la barbarie demeure. Hier, c‘était les GIA (Groupes Islamistes Armés) qui semaient la mort. Aujourd’hui, c’est sous les coups de l’ex-GSPC (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat) qui semble avoir fait allégeance au réseau d’Oussama Ben Laden, que tombe la population.
Cela dit, il n’est pas certain, loin s‘en faut, que d’autres fractions de la bourgeoisie algérienne ne soient pas mêlées plus ou moins directement à tous ces massacres. En effet, on sait que, depuis 1992, bien des crimes, des attentats, des viols et des enlèvements en masse ont parfaitement été identifiés comme ayant été perpétrés par des fractions du pouvoir et de l‘armée algérienne elle-même. Ces fractions de l‘armée se sont servis de l‘état de guerre “contre le terrorisme islamiste” pour d‘un côté en rajouter dans la terrorisation de la population et justifier les mesures de répression et, d‘un autre côté, régler des conflits internes au sein de la junte militaire au pouvoir. Dans ce panier de crabes que constitue l‘Etat algérien, qui fait subir à la population toutes sortes de rackets et de menaces, perpétrer des attentats et autres massacres afin de pouvoir en accuser une fraction rivale est ainsi devenu monnaie courante.
Il est donc difficile de savoir quelle fraction de la bourgeoisie algérienne a été l’auteur de la dernière vague d’attentats. Mais s’il est un fait certain, c‘est que jamais toute cette horreur n’aurait pu prendre une telle ampleur sans la participation active des grandes puissances impérialistes mondiales.
Depuis maintenant plus de quinze ans, la France et les Etats-Unis se disputent le contrôle de l’Algérie. L’impérialisme américain est ainsi venu chasser sur des “terres” traditionnellement sous influence française. Tel est par exemple le sens du projet actuel de libre-échange prévu entre l’Algérie et les Etats-Unis. Ce projet entre dans le cadre de la tentative américaine de renforcer son influence dans toute l’Afrique du Nord en passant par des accords commerciaux avec le gouvernement algérien qui se vend au plus offrant. Hier encore, soutenant ouvertement les groupes armés islamistes anti-gouvernementaux dans ce pays, les Etats-Unis semblent aujourd’hui avoir changé leur fusil d’épaule. La preuve en est qu’ils ont signé, au mois de juin dernier, un accord sur le nucléaire qui prévoit ni plus ni moins une collaboration directe entre les laboratoires algériens et américains du Commissariat à l’énergie atomique. On est loin ici du discours sur la question du nucléaire iranien ! Bien entendu, l’impérialisme français ne pouvait pas rester sans réaction devant un tel pied de nez venant des Etats-Unis. La France s’est donc tout naturellement empressée de faire des propositions analogues au gouvernement algérien. Mais les impérialismes français et américain ne sont plus aujourd’hui les seuls à courtiser ainsi l’Algérie. Pas plus la Russie de Poutine que la Chine ne veulent rester à l’écart de tout ce sordide marchandage. En 2006, pendant la visite de Poutine à Alger, le président russe a effacé d’un trait de plume la dette estimée à 4,7 milliards de dollars contractée par l’Algérie envers la Russie pendant les années 1960 et 1970 en échange de vente d’armes.
Ce que représente l’Algérie pour tous ces prédateurs impérialistes, au-delà de la question immédiate du pétrole, devient clair lorsque l’on se réfère au projet américain de réaliser le Grand Moyen-Orient du président Bush. Certes, les ambitions américaines ne peuvent qu’être fortement revues à la baisse dans ce domaine face à leur lamentable échec en Irak et à l’affaiblissement accéléré de leur leadership. Mais le projet américain, même s‘il est probablement devenu irréalisable, de construire une zone de contrôle allant de la mer Caspienne à l’Afrique du Nord, en passant par le Moyen-Orient, exprime l’importance stratégique de cette région pour quiconque veut tenter de contrôler le bassin méditerranéen1.
Il n’y a, par conséquent, pas de pause à attendre dans l’explosion de l’horreur dans ce pays ! La déstabilisation en cours de l’ensemble du monde arabo-musulman, sous les coups de boutoir du déchaînement des rivalités impérialistes grandes ou petites, ne peut que plonger toujours un peu plus cette région du monde dans le chaos.
Tino
1 De même que le rêve concurrent démesurément prétentieux de Sarkozy d‘instaurer sous la houlette de la France une “Union de la Méditerranée” déjà très contestée en Europe, notamment par l‘Allemagne.
Wilma (le 26 octobre)
Des grèves qui durent depuis plusieurs mois, au cours desquelles s’expriment la solidarité entre les ouvriers, une colère immense contre la dégradation de leurs conditions de vie et une combativité exemplaire, voilà ce que veut nous cacher la bourgeoisie. A peine quelques articles dans la presse ou sur Internet, nous sommes loin du compte. Quels sont les ouvriers en France ou ailleurs qui sont au courant de ce que font leurs frères de classe en Egypte ?
Pourtant déjà, la grève massive de décembre 2006 à l’usine textile Ghazl Al-Mahalla avait ouvert la voie à une vague de protestation sans précédent dans tout le pays. L’article de Révolution Internationale n° 380 de juin 2007 titrait « La solidarité de classe, fer de lance de la lutte » et montrait la détermination que les ouvriers ont affichée dans cette lutte mais aussi la force d’entraînement qui s’est manifestée à partir de cette lutte dans le textile.
De fait, les luttes ne se sont jamais arrêtées depuis lors. De décembre 2006 à mai 2007, il y a eu des grèves impliquant des milliers d’ouvriers d’autres usines textiles, notamment à Kafr el Dawwa (11 700 travailleurs), à Zelfia Textile Co. à Alexandrie (6000 grévistes) et à l’usine textile d’Abul Mukaren. Ce sont aussi de nombreux autres secteurs de la classe ouvrière qui étaient entrés en lutte : 3000 ouvriers en grève de deux jours à l’usine de conditionnement de volailles Cairo Poultry Co., 9000 grévistes dans une minoterie à Gizeh ainsi que les éboueurs de cette même ville, occupation de l’usine Mansoura Spanish Garment Factory par 300 ouvrières et grève des transports du Caire avec blocage de la ligne Le Caire-Alexandrie, soutenue par des conducteurs du métro du Caire. Et aussi de nombreuses actions comme un sit-in à la poste principale du Caire, des grèves de boulangers, dans des briqueteries, d’employés du Canal de Suez, de dockers, d’employés municipaux, de personnels des hôpitaux… « Fin juin, un communiqué d’un syndicat américain annonçait que 200 grèves étaient terminées, mais ne disait rien sur celles qui pouvaient encore être en cours. » Mondialism.org. Il y a eu 220 grèves spontanées en 2006 en Egypte, chiffre qui sera largement dépassé en 2007.
En effet, depuis le 23 septembre 2007, les 27 000 ouvriers et ouvrières de l’entreprise publique de textile de Ghazl Al-Mahalla, à une centaine de kilomètres du Caire, ont repris le combat quelques mois seulement après la première vague de luttes dont ils étaient déjà le cœur. La promesse du gouvernement de verser à chacun l’équivalent d’un mois et demi de salaire avait alors mis fin à la grève. Mais c’était encore trop payé pour le gouvernement qui n’a pas tenu ses engagements, cette somme n’ayant été versée que très partiellement et au compte goutte. Quel cynisme ! Des salaires de misère de 200 à 250 livres égyptiennes (soit 25 à 30 euros), des loyers d’environ 300 livres égyptiennes et des denrées de base qui ont augmenté de 48% depuis l’an dernier, voilà la réalité des ouvriers qui ne savent plus comment se loger, se nourrir, se soigner eux et leurs familles.
En juillet 2007, alors que la grève menaçait de nouveau de s’étendre, le gouvernement a immédiatement promis de payer l’équivalent de 150 jours de salaire en guise de part des bénéfices actuels de l’entreprise. Somme qu’il tardait de nouveau à payer. C’est ce qui a relancé la colère des ouvriers dont la combativité était toujours intacte. « ‘On nous a promis 150 jours de prime, nous voulons seulement faire respecter nos droits ‘ explique Mohamed el-Attar, qui a été arrêté quelques heures par la police mardi dernier. ’Nous sommes déterminés à aller jusqu‘au bout’ affirme-t-il. » (Le Figaro du 1/10/07). A la grille d’entrée de l’usine, une affiche proclame : « Vous entrez en territoire libre. » Des enfants ont rejoint leur mère car ils ont été renvoyés des écoles par défaut de paiement des frais scolaires ou impossibilité d’achat des manuels. Pour tenter une nouvelle fois de casser le mouvement, la direction a décrété une semaine de congé afin de rendre l’occupation de l’usine illégale et laisser planer la menace d’une intervention militaire.
Dans cette lutte, face aux ouvriers, le gouvernement n’est pas seul ; il est épaulé par ses fidèles chiens de garde, passés maîtres dans le sabotage : les syndicats. Mais là aussi, les ouvriers ne semblent pas vouloir se laisser manipuler si facilement : « Le représentant du syndicat officiel, contrôlé par l’Etat, venu demander à ses collègues de stopper la grève, est à l’hôpital, après avoir été passé à tabac par des ouvriers en colère. ‘Le syndicat est aux ordres, nous voulons élire nos vrais représentants’ expliquent les ouvriers » (Libération du 1/10/07).
Peu à peu, la classe ouvrière prend conscience que sa force réside dans sa solidarité et son unité, au-delà des secteurs et des corporations. Les ouvriers des usines textiles de Kafr Al-Dawar déclaraient en décembre dernier : « Nous sommes dans le même bateau que vous et embarquerons ensemble pour le même voyage » et reprenaient à leur compte les revendications de Mahalla. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant qu’ils aient de nouveau manifesté leur solidarité dès la fin septembre et entamé une grève. Et d’autres aussi comme les ouvriers de minoterie au Caire qui ont entamé un court sit-in et ont envoyé un communiqué soutenant les revendications des ouvriers. Ils les ont qualifiées de légitimes surtout celles de la fixation par le gouvernement d’un salaire minimum qui soit indexé sur les prix actuels. Les ouvriers des usines de Tanta Linseed and Oil ont suivi l’exemple de Mahalla et posé aussi leurs revendications.
C’est bien parce que le gouvernement redoute en premier lieu que la lutte continue à se développer qu’il apparaît aujourd’hui comme hésitant. Il agite le bâton ou la carotte suivant les situations. Au cours de ces derniers mois, il s’en est pris aux juges ou aux journalistes qui s’opposaient à lui en les menaçant ou en les emprisonnant. Mais face à des milliers d’ouvriers en lutte, il se doit d’être plus prudent (même si le recours à une répression n’est pas à exclure).
Pour le moment, face à la force montante du mouvement, le gouvernement est obligé de proposer aux ouvriers textiles de Mahalla 120 jours de prime et des sanctions contre la direction. Mais les ouvriers n’arrivent plus à croire aux promesses du gouvernement, promesses qui sont d’ailleurs inférieures à leurs revendications. Non, ces grèves ne sont pas organisées par les Frères musulmans comme l’Etat aurait aimé le faire croire, c’est une vraie lame de fond ouvrière qui secoue l’Egypte et celui-ci a bien raison d’avoir peur. La classe ouvrière d‘Egypte est la plus importante du Proche et du Moyen-Orient et ses luttes ne peuvent qu’inspirer les ouvriers de la région et du reste du monde.
Map (22 octobre)
Ce développement de la combativité et de la conscience, ce refus de la misère et cette méfiance envers les syndicats… tout ceci s’exprime clairement à travers les revendications mêmes des ouvriers de Ghazl Al-Mahalla :
• Recevoir l’équivalent de 150 livres égyptiennes du salaire de base en profits annuels.
• Retirer la confiance au comité syndical ainsi qu’au PDG de l’entreprise.
• Inclure les primes dans le salaire de base comme pourcentage fixe non lié à la production.
• Augmenter les primes pour la nourriture.
• Allouer une prime pour le logement.
• Fixation d’un salaire minimum conformément aux prix actuels.
• Fournir un moyen de transport pour les ouvriers qui habitent loin de leur entreprise.
• Améliorer les services médicaux.
Fin septembre, aux Etats-Unis, le syndicat UAW (United Auto Workers) appelait les 73 000 salariés de General Motors à la grève. Un tel mouvement ne s‘était pas vu, depuis 1988, sur les sites au Canada et au Mexique et, depuis 1970, au niveau national américain. Les médias, spécialisés dans le black-out des conflits sociaux, ont pris soin cette fois de souligner cette initiative syndicale spectaculaire, présentée comme un des moments phare de défense des salariés. Qu’en est-il en réalité ?
Tout nous montre que cette grève, exploitant un authentique sentiment de ras-le-bol et de colère, a été déclenchée pour être instrumentalisée par le syndicat UAW et la direction de Général Motors. Ceci afin de porter de nouvelles attaques contre les ouvriers. Alors que le précédent accord salarial avait expiré depuis peu, un round de négociations entamé depuis des mois devait aboutir à un nouvel accord applicable pour tout le secteur automobile, avec pour objectif une baisse des coûts de la force de travail : licenciements, réduction des pensions de retraite et baisse drastique des salaires, forte détérioration de la couverture santé… Certaines mesures du nouvel accord, restées très discrètes, révèlent d’ailleurs ces intentions du syndicat et de la direction de Général Motors : "Greg Shotwell, un membre dissident de l’UAW, a diffusé sur le site Internet Soldiers of Solidarity, des extraits du projet d’accord UAW-GM contre lequel il milite. Ainsi, on y découvre que l’UAW a donné son accord pour la fermeture de deux usines situées à Indianapolis et à Livonia près de Détroit." 1
Ce coup de poignard dans le dos des ouvriers n’a rien d’étonnant et correspond bien à la pratique des syndicats. Depuis 2005, les "big three", c‘est-à-dire les trois plus grandes entreprises automobiles, Général Motors, Ford et Chrysler, sont dans le rouge et enregistrent des pertes qui s’élèvent aujourd’hui à 26 milliards de dollars. Face à une crise économique plus aiguë, à l’agressivité et à la pénétration du marché par les concurrents asiatiques, en particulier le japonais Toyota, il devient plus qu’urgent pour le patronat américain de baisser encore les coûts de la force de travail au nom de la sacro-sainte compétitivité. Ceci d’autant qu’une nouvelle récession se profile à l’horizon avec pour corollaire une fragilisation supplémentaire de tout l’édifice industriel. Le moment était donc crucial pour "remettre les choses à plat", pour ouvrir un dossier particulièrement "épineux" sur la table avec la complicité des syndicats ! C’est cette nécessité urgente qui explique le déclenchement d’une manœuvre de grande ampleur sous la houlette syndicale dans cette entreprise.
Cette grève déclenchée fin septembre à Général Motors devait servir de test, de ballon d’essai, pour faire passer les mesures d’austérité dans les deux autres grandes firmes que sont Ford et Chrysler. Test réussi !
Tout a commencé par une sorte "d’ultimatum" où un communiqué syndical s’est chargé de polariser l’attention sur "la sécurité de l’emploi". L’ultimatum était censé "faire pression" pour "accélérer le processus des négociations" sur cette seule question, alors que tout le reste de l’attaque (le financement des retraites, la couverture santé et les salaires) a été soigneusement mis au second plan. Dès lors, la direction syndicale pouvait donner ses consignes pour lancer la grève et organiser les débrayages. La "pression" syndicale a été telle que la direction de General Motors… a menacé de fermer une dizaine de sites et de "délocaliser" en Asie !
Pour les médias, il était alors temps de souligner la "position délicate du syndicat", conseillant de ne "pas courir le risque des délocalisations". Au nom du "moindre mal", le syndicat pouvait alors soutenir aisément la position consistant à "accepter l’accord" (dont les modalités étaient prévues et ficelées de longue date).
Profitant du mécontentement des ouvriers, direction et syndicat ont focalisé sur cette question des menaces de délocalisations pour coincer les salariés en les contraignant à accepter les sacrifices sur les retraites, sur la santé et une baisse du salaire horaire, en "échange" d’une prime et de la création d’un fonds géré par le syndicat UAW, fonds destiné à assurer une couverture des dépenses maladie et des retraites, prétendument “à moindres coûts”. Vous avez bien lu : ce sont dorénavant directement les syndicats qui vont gérer l’accès aux soins et les retraites des ouvriers ! Autrement dit, ce sont eux qui auront la responsabilité directe de réduire le coût des dépenses de santé et celui des pensions de retraite !
Pour l’entreprise, ce principe d’un transfert de gestion de fonds (appelés VEBA) au syndicat UAW, moyennant le versement d’une somme de départ, lui permet de réduire ses coûts annuels de 3 milliards de dollars. Pour les salariés, en revanche, cela implique d’une part une plus grande incertitude, l’expérience de VEBA ayant déjà fait faillite2, d’autre part, une hausse des cotisations d’assurance maladie. En même temps, cette mesure a permis d’accélérer les départs anticipés et de recruter des jeunes, là encore à moindres coûts, avec en réalité l’objectif d’une baisse effective des salaires pour tous. Le tarif horaire de la force de travail passe ainsi de 25 à 6 dollars. Quelle avancée ! Voilà la réalité de cette nouvelle "convention collective" !
Forte de sa victoire sonnante et trébuchante et d’une si habile manœuvre, la bourgeoisie américaine ne pouvait s’arrêter en si bon chemin. Une fois rodée, l’opération a été reproduite à Chrysler début octobre, où, grâce à une "grève éclair de 7 heures", il a été possible de "déboucher sur un accord" de la même eau.
Dans cette affaire, les ouvriers ont tout perdu. Loin d’être une sinécure, la nouvelle gestion syndicale avec les VEBA sera inexorablement soumise aux impératifs du capitalisme en crise. Ce qu’ont gagné les ouvriers avec le syndicat, c’est qu’il faudra payer plus pour moins de garanties ! De fait, l’accord entérine la politique de restructuration amorcée, avec des suppressions de postes à la clé : Chrysler annonce déjà qu’il va supprimer 1500 postes de plus que prévu. Et ce n’est pas tout ! L’attaque aura nécessairement des répercussions sur l’ensemble des ouvriers, notamment ceux des entreprises sous-traitantes. Il s’agit là d’un encouragement pour toute la bourgeoisie à porter des attaques toujours plus cinglantes, même si elle sait que cela comporte des dangers, notamment celui du développement d’une réflexion et la colère des ouvriers.
Le syndicat UAW a été l’outil privilégié pour faire passer une attaque violente. Pour cela, il a su créer un rideau de fumée sur les vraies intentions de la bourgeoisie et des firmes automobiles, s’est servi du mécontentement bien réel et légitime des salariés afin de le stériliser, en poussant ces derniers dans le piège d’un accord où ils ont été dupés.
WH (11 octobre)
1 lefigaro.fr [85]
2 On a vu ce que valaient ces VEBA avec leur effondrement en 2005 dans l’entreprise Caterpillar.
Il y a quelques mois déjà, nous avons reçu sur notre boîte Internet1 deux messages concernant Che Guevara d’un camarade se nommant E.K. Nous publions ici la lettre que nous lui avons envoyée début avril tout en saisissant cette occasion pour compléter et élargir notre réponse aux questions restées alors en suspens. Nous rendons publique cette correspondance parce que, comme EK le dit lui-même, on est "dans les célébrations des 40 ans de sa mort au combat" et il s’agit pour nous, CCI, non pas de nous ajouter à la ronde de célébrations mais, bien au contraire, d’essayer de comprendre si Che Guevara était réellement un révolutionnaire et si la classe ouvrière et les jeunes générations doivent se revendiquer ou non de son action.
Pour le camarade EK, Che Guevara est un authentique combattant pour la cause des peuples opprimés. En effet, pour lui, "l‘internationalisme du Che est hors de doute. Il est le modèle du combattant international et de la solidarité entre les peuples". Il serait ainsi l’un des rares révolutionnaires à avoir osé critiqué le régime de l’URSS : "Lors du second séminaire de solidarité afro-asiatique, le Che critique sans ambages les positions conservatrices et exploiteuses de l‘URSS". Enfin, EK expose dans ce premier courrier sa vision du prolétariat et du rôle des révolutionnaires : "Quant à l‘agent historique de la transformation sociale, il n‘y a pas, me semble-t-il, de raison de réduire le concept de prolétariat aux seuls ouvriers, négation absolue de la condition humaine. (…) La tâche des intellectuels est d‘introduire dans le prolétariat la conscience de sa situation par des moyens éminemment politiques."
Suite à notre réponse, le camarade E.K nous a envoyé très rapidement un deuxième message dans lequel il tient à se démarquer d’emblée de tous ceux qui transforment le Che en icône, en multipliant les T-shirts et autres posters à son effigie : "La mythification du Che à travers la duplication de son image a tendance à occulter sa vie et son oeuvre.". Mais surtout, il y réaffirme que "poursuivant des objectifs distincts, le Che sera amené fort logiquement à se départir du modèle social-impérialiste de l‘URSS. La CIA et le KGB coopéreront même pour s‘en débarrasser lors de sa tentative révolutionnaire en Bolivie". Et le camarade de conclure : "Ernesto Che Guevara a payé sa probité intellectuelle de sa vie. Lui rendre hommage, c‘est lire ses textes ; perpétuer sa mémoire, c‘est continuer la lutte ; lui rendre justice, c‘est soutenir ses valeurs. A l‘aube des célébrations des 40 ans de sa mort au combat, il est plus que temps de redonner vigueur à sa pensée et vie à ses idées".
Nous te remercions pour ton message de début avril. Excuse-nous pour le retard de ce complément de réponse. Nous voulons faire ici une critique de ce que tu nous écris. Cette critique ne signifie pas pour nous une "fin de non-recevoir", bien au contraire. Nous sommes toujours disposés à répondre à tes questions et à tes points de vue. Nous voudrions répondre à ce que tu dis à propos de Che Guevara en étudiant le plus sincèrement et sérieusement possible ce que furent réellement, comme tu le demandes, "ses valeurs", "ses idées" et "sa lutte".
En ce mois d’octobre, on célèbre le 40e anniversaire de la mort de Che Guevara, tué par l’armée bolivienne, encadrée par la CIA américaine.
Depuis 1967, "le Che" est devenu le symbole de l’éternelle "jeunesse révolutionnaire romantique" : mort jeune, les armes à la main, luttant contre l’impérialisme américain, grand "défenseur des masses pauvres d’Amérique latine". Tout le monde a en tête cette image du Che avec son béret étoilé, regard triste et lointain.
Ses fameux Carnets de voyage ont grandement contribué à populariser l’histoire de ce révolté, venant d’une bonne famille un peu bohème d’Argentine, qui se lance dans un aventureux voyage à moto sur les routes d’Amérique du Sud, utilisant son savoir médical pour aider les pauvres... Il vit au Guatemala à un moment (1956) où les États-Unis fomentent un énième coup d’Etat contre un gouvernement qui ne leur convient pas. Cette mainmise permanente sur les pays d’Amérique latine de la part des États-Unis va nourrir toute sa vie une haine implacable contre ces derniers. Par la suite, il rejoint au Mexique le groupe cubain de Castro, réfugié dans ce pays après une tentative avortée de renversement du dictateur cubain, Batista, longtemps soutenu par les États-Unis2. Après une série d’aventures, ce groupe s’installe dans les montagnes de Cuba jusqu’à la défaite de Batista, début janvier 1959. Le noyau idéologique de ce groupe est le nationalisme, le "marxisme" n’étant qu’une enveloppe de circonstance à une "résistance" anti-yankee exacerbée, même si quelques éléments, dont Guevara lui-même, se considèrent comme "marxistes". Le Parti communiste cubain, qui d’ailleurs en son temps avait soutenu Batista, envoie un de ses dirigeants, Carlos Rafael Rodríguez, auprès de Castro en 1958, quelques mois seulement avant la victoire de ce dernier.
Cette guérilla n’est pas du tout l’expression d’une quelconque révolte paysanne, encore moins de la classe ouvrière. Elle est l’expression militaire d’une fraction de la bourgeoisie cubaine qui veut renverser une autre fraction pour prendre sa place. Il n’y a aucun "soulèvement populaire" dans la prise de pouvoir de la guérilla castriste. Elle se présente, comme souvent en Amérique latine, sous la forme de la substitution d’une clique militaire par une autre formation armée dans laquelle les couches exploitées et miséreuses de la population de l’île, enrôlées ou non par les combattants putschistes de la guérilla, ne jouent pas un rôle important, sinon d’acclamer les nouveaux maîtres du pouvoir. Face à la résistance plutôt faible de la soldatesque de Batista, Guevara apparaît comme un intrépide guérillero, dont la détermination et le charisme grandissant apparaissent rapidement susceptibles de faire de l’ombre à son maître Fidel. Après la victoire sur Batista, Fidel Castro va charger le Che de mettre en place les "tribunaux révolutionnaires", une mascarade sanglante dans la meilleure tradition du règlement des comptes entre fractions des différentes bourgeoisies nationales, en particulier en Amérique latine. Che Guevara prend son rôle vraiment à cœur, par conviction et avec zèle, en mettant en place une justice "populaire" où, en guise de défoulement collectif, on juge les anciens tortionnaires de Batista, mais aussi on prend du "tout venant" sur simple dénonciation. D’ailleurs, Guevara s’en revendiquera plus tard à l’ONU, en réponse à des représentants latino-américains, bonnes âmes "démocratiques" qui s’offusquent de ces méthodes, en disant : "Nous avons fusillé, nous fusillons et nous continuerons à fusiller tant que ce sera nécessaire". Ces pratiques n’ont rien à voir avec la défense maladroite d’une quelconque justice révolutionnaire. Ce sont là, répétons-le, les méthodes typiques d’une fraction de la bourgeoisie qui a pris le dessus sur une autre par la force des armes.
Alors, on peut toujours s’identifier en rêve au "héros" austère de la Sierra Maestra, au "guérillero héroïque" qui mourra quelques années plus tard dans la montagne bolivienne mais, dans le monde réel, il n’a en fait tenu qu’un rôle d’exécuteur de basses oeuvres dans la mise en place d’un régime qui n’a de communiste que le nom.
Tu nous dis : "l’internationalisme du Che est hors de doute" et "Lors du second séminaire de solidarité afro-asiatique, le Che critique sans ambages les positions conservatrices et exploiteuses de l‘URSS" pour affirmer enfin "le Che sera amené fort logiquement à se départir du modèle social-impérialiste de l‘URSS".
Le régime nationaliste de Castro s’est vite enrobé du qualificatif "communiste", autrement dit, ce régime s’est rallié… au camp impérialiste régenté par l’URSS. Cuba étant située à quelques encablures des côtes américaines, ceci ne pouvait évidemment qu’inquiéter la tête du bloc de l’Ouest. Le processus de stalinisation de l’île, avec une présence importante de personnel civil, militaire et des services secrets des pays du bloc de l’Est, trouvera son point d’orgue en 1962 au moment de "la crise des missiles".
Dans ce processus, Che Guevara, maintenant ministre de l’Industrie (1960-61), pour souder la nouvelle alliance avec le "camp socialiste", est envoyé par Castro dans les pays de ce camp, où il se répand en discours dithyrambiques sur l’URSS : "ce pays qui aime si profondément la paix", "où règne la liberté de pensée", "la mère de la liberté"… Il célèbre tout autant "l’extraordinaire" Corée du Nord ou la Chine de Mao où "tout le monde est plein d’enthousiasme, tout le monde fait des heures supplémentaires" et ainsi de suite pour l’ensemble des pays de l’Est : "les réalisations des pays socialistes sont extraordinaires. Il n’y a pas de comparaison possible entre leurs systèmes de vie, leurs systèmes de développement et ceux des pays capitalistes". Un véritable VRP du modèle stalinien ! Nous reviendrons plus loin sur le "désamour" de Guevara avec l’URSS. Mais, contrairement à ce que tu affirmes, le Che n’a jamais émis le moindre doute de principe sur le système stalinien. Pour lui, l’URSS et son bloc étaient le camp "socialiste, progressiste" et sa propre lutte s’intégrait pleinement dans celle du bloc russe contre le bloc occidental. Le mot d’ordre lancé par Guevara "Créer un, deux, plusieurs Vietnams", n’est pas un mot d’ordre "internationaliste" mais bel et bien nationaliste et favorable au bloc russe ! Son critère réel n’est pas le changement social, mais la haine de l’autre tête de bloc, les États-Unis.
En effet, après la Seconde Guerre mondiale, le monde s’est trouvé divisé en deux blocs antagonistes, l’un régenté par la puissance américaine, l’autre par l’URSS. La "libération nationale" s’avéra alors une mystification idéologique parfaite pour justifier régulièrement l’embrigadement militaire des populations. Dans ces guerres, ni la classe ouvrière ni les autres classes exploitées n’avaient rien à gagner, servant de masse de manœuvre pour les différentes fractions de la classe dominante et de leurs parrains impérialistes. Le partage du monde en deux blocs impérialistes après les accords de Yalta a signifié que toute sortie d’un bloc ne pouvait signifier que la chute dans le bloc adverse. Et, justement, il n’y a pas de meilleur exemple que celui de Cuba : ce pays est passé de la dictature corrompue de Batista, sous la coupe directe de Washington, de ses services secrets et de toutes sortes des mafia, à la mainmise du bloc stalinien. L’histoire de Cuba est un concentré de l’histoire tragique des "luttes de libération nationale" pendant près d’un demi-siècle !
Alors, à la base, avant de dire quand et comment Guevara s’est prétendument plus ou moins "écarté" de l’URSS, il faut bien être clair sur la nature de l’URSS et de son bloc. Derrière la défense d’un Che Guevara révolutionnaire, il y a l’idée que l’URSS, peu ou prou, qu’on le veuille ou non, malgré ses défauts… était le "bloc socialiste, progressiste". C‘est là le plus grand mensonge du 20e siècle. Il y a bien eu une révolution prolétarienne en Russie, mais elle a été défaite. La forme stalinienne de la contre-révolution s’est donnée un mot d’ordre : la "construction du socialisme en un seul pays", mot d’ordre se situant à l’exact opposé du socle naturel et fondamental du marxisme. Pour le marxisme, "les prolétaires n’ont pas de patrie"3 ! C’est cet internationalisme, bien réel celui-là, qui a servi de boussole à la vague révolutionnaire mondiale qui a débuté en 1917 et à tous les révolutionnaires de l’époque, de Lénine et des bolcheviks à Rosa Luxemburg et aux Spartakistes4. L’adoption aberrante de cette "théorie" d’une "patrie socialiste" à défendre a eu pour corollaire le recours systématique à une méthode bourgeoise : la terreur et le capitalisme d’Etat, ce talon de fer, expression la plus totalitaire et la plus féroce de l’exploitation capitaliste !
À l’origine des critiques du Che vis-à-vis de l’URSS, il y a "la crise des missiles", en 1962. Pour l’URSS, sa mainmise sur Cuba fut une aubaine. Enfin, elle pouvait rendre la pareille aux États-Unis, qui menaçaient directement l’URSS depuis les pays voisins de celle-ci, tels que la Turquie. L’URSS commence à installer des rampes de lancement de missiles à tête nucléaire à quelques miles des côtes américaines. Les États-Unis ripostent en mettant en place un embargo total de l’île, obligeant les bateaux russes à faire demi tour. Khrouchtchev, le maître du Kremlin de l’époque, est finalement obligé de retirer ses missiles. Pendant quelques jours d’octobre 1962, les affrontements impérialistes entre ceux qui se présentaient comme "le monde libre" et ceux qui se présentaient comme le "monde socialiste progressiste" ont failli mettre toute l’humanité au bord de l’abîme. Khrouchtchev est alors considéré par les dirigeants castristes comme une "lavette" qui n’a pas les "couilles" d’attaquer les États-Unis. Dans un accès d’hystérie patriotarde, où le slogan castriste "La patrie ou la mort" prend son sens le plus sinistre, ils sont disposés à sacrifier le peuple (ils diront que c’est le peuple qui est disposé à se sacrifier) sur l’autel de la guerre atomique. Dans ce délire pervers, Guevara ne peut être qu’à l’avant-garde. Il écrit : "Ils ont raison [les pays de l’OEA5 d’avoir peur de la ‘subversion cubaine’], c’est l’exemple effrayant d’un peuple qui est disposé à s’immoler par les armes atomiques pour que ses cendres servent de ciment aux sociétés nouvelles, et qui, lorsqu’un accord est conclu sur le retrait des fusées atomiques sans qu’on l’ait consulté, ne pousse pas un soupir de soulagement, n’accueille pas la trêve avec reconnaissance. Il se jette dans l’arène pour […] affirmer […] sa décision de lutter, même tout seul, contre tous les dangers et contre la menace atomique elle-même de l’impérialisme yankee"6. Ce "héros" a décidé que le peuple cubain était disposé à s’immoler pour la patrie… Ainsi, la base de la "déception", de la critique vis-à-vis de l’URSS n’est pas la perte de foi dans les vertus du "communisme soviétique" (le capitalisme stalinien en termes vrais), mais, au contraire, c’est le fait que ce système n’allait pas jusqu’au bout de sa logique guerrière d’affrontement, au paroxysme de la période de la "guerre froide". Et le discours d’Alger de Che Guevara sur lequel tu t’appuies pour affirmer que le Che "s’est départi du modèle social-impérialiste de l‘URSS" ne change rien en réalité à cet attachement de Guevara aux positions staliniennes. Au contraire ! Durant ce fameux discours, il met certes en cause le "mercantilisme" dans les rapports entre les pays du bloc de l’URSS mais il les appelle toujours socialistes et "peuples amis" : "Les pays socialistes sont, dans une certaine mesure, les complices de l‘exploitation impérialiste [...]. [Ils] ont le devoir moral de liquider leur complicité tacite avec les pays exploiteurs de l‘Ouest. ». Au-delà de son apparence radicale, une telle critique est donc bien celle de quelqu’un de l’intérieur du système stalinien. Pire, elle émane d’un responsable qui a participé de toutes ses forces à la mise en place d’un tel système de capitalisme d’Etat à Cuba ! D’ailleurs, par la suite, Guevara ne fera jamais plus officiellement la moindre critique à l’URSS.
Che Guevara, au moment où il a été assassiné par le CIA et l’armée bolivienne en 1967, fut la victime non seulement de l’impérialisme américain, mais aussi de la nouvelle orientation politique du Kremlin dite de "coexistence pacifique" avec le bloc occidental. Nous n’allons pas traiter ici les raisons qui ont poussé la direction de l’URSS et son bloc à prendre ce "tournant". Mais ce "tournant" n’a rien à voir avec une quelconque "trahison" envers les peuples qui voulaient "se libérer" de l’impérialisme, ni envers le prolétariat. La politique de la classe dominante stalinienne a souvent changé de cap en fonction de ses intérêts comme classe dominante et, justement, l’affaire des missiles a montré aux dirigeants de l’impérialisme stalinien qu’ils n’ont pas les moyens de défier la tête de l’autre bloc à ses propres portes et qu’il leur faut être prudents en Amérique latine. C’est ce que Guevara et une fraction des dirigeants cubains ne veulent pas comprendre, au point de devenir gênants non seulement pour l’URSS, mais même pour leurs propres amis cubains. A partir de là, le destin de Che Guevara était scellé : après la désastreuse aventure au Congo7, il finira par se retrouver seul en Bolivie, avec une poignée de compagnons d’armes, abandonné par le PC bolivien, qui, finalement, se retrouve sur la ligne de Moscou. Pour les factions les plus "moscovites", les tenants de la tactique du "foco" (foyer de guérilla) étaient des petits-bourgeois en mal d’aventures, "coupés des masses". Et pour les factions des PC favorables à la lutte armée, avec leurs soutiens critiques de toutes sortes, les "officiels" des PC étaient des "révolutionnaires de salon", des bureaucrates embourgeoisés… eux aussi "coupés des masses". Pour nous, qui nous réclamons de la Gauche Communiste, ce sont là deux formes de la même contre-révolution, deux variantes du même grand mensonge du siècle, celui d’avoir fait passer la contre-révolution stalinienne pour la continuatrice de la révolution d’Octobre et l’URSS comme communiste.
Pour toi, la tâche des intellectuels serait "d’introduire dans le prolétariat la conscience de sa situation…". Tu sembles ici reprendre à ton compte la vision de Che Guevara sur "l’élite révolutionnaire". Mais cette position du Che ne cache t-elle pas en réalité un profond mépris pour la classe ouvrière ? Que révèlent réellement ses envolées lyriques sur "l’homme nouveau dans la révolution cubaine" ?
L’unité prolétarienne révolutionnaire a une base pratique très concrète : la solidarité de classe. C’est cette solidarité spontanée dans l’organisation de la lutte, faite d’entraide et de fraternité qui nourrit les qualités de dévouement du prolétariat révolutionnaire. Mais ce "dévouement" dans la bouche de Guevara, sonne, dans le meilleur des cas, comme un appel quasi-mystique au martyre suprême (il faut lui reconnaître qu’il a été toujours prompt au sacrifice, et sans doute il était disposé à devenir un "martyre" de la cause impérialiste qu’il défendait avec tout le peuple cubain "volontaire" au moment de la crise des missiles)... Au-delà de son propre comportement "exemplaire", reste sa vision du "sacrifice" ou de "l’héroïsme" (de la même eau que l’idéalisme patriotard exalté et diffusé par les staliniens dans la "Résistance" au cours de la Seconde Guerre mondiale) qui devrait s’imposer par le haut, pour les besoins de l’Etat et sous la férule d’un "líder máximo". Cette vision repose sur un mépris de l’intellectuel petit-bourgeois vis-à-vis de la "masse prolétarienne" qu’on regarde de haut, qui prétend qu’il faut "l’éduquer" pour qu’elle comprenne les "bienfaits de la révolution". "La masse, a déclaré avec condescendance Guevara, n’agit pas comme un doux troupeau. Il est vrai qu’elle suit sans hésiter ses dirigeants, surtout Fidel Castro…" "Si on regarde les choses superficiellement, on pourrait penser que ceux qui parlent de soumission de l’individu à l’Etat ont raison, mais les masses réalisent avec enthousiasme et discipline sans égal, les tâches que le gouvernement établit, qu’elles soient économiques, culturelles, de défense ou sportives… L’initiative vient en général de Fidel ou du haut commandement de la Révolution et elle est expliquée au peuple qui la fait sienne" (Le socialisme et l’homme à Cuba, 1965).
En fait, quand tu nous dis "qu’il n’y a pas de raison de réduire le concept de prolétariat aux seuls ouvriers", ton raisonnement puise certainement et involontairement ses racines dans cette vision méprisante de la classe ouvrière8. En effet, une des caractéristiques communes des avatars du stalinisme (du maoïsme au castrisme), c’est leur méfiance et leur mépris vis-à-vis de la classe ouvrière, faisant d’une mythique paysannerie pauvre "l’agent de la révolution" dirigée par des intellectuels qui, eux, possèdent la conscience et "l’introduisent" dans les cerveaux des masses. Dans le meilleur des cas, la classe ouvrière était, pour ces neo-staliniens, une masse de manœuvre qui leur servait de référence historique, une comparse de leur révolution. On ne trouve jamais dans les écrits de ces pseudo-révolutionnaires la moindre référence à une classe ouvrière organisée comme telle et aux organisations du pouvoir de classe, les soviets. Ces clones du stalinisme n’ont plus besoin de déguiser leur idéologie capitaliste d’Etat et de parler des conseils ouvriers ou des autres expressions de la vie prolétarienne dans la révolution russe. Il n’y a plus que l’État dirigé par des gens "éclairés" et en bas la masse, à qui on laisse parfois faire preuve "d’initiative", encadrée dans des "comités de défense de la révolution" et autres organismes de surveillance sociale.
Et à Cuba, l’un des premiers organes d’encadrement et de direction de la classe ouvrière fut une fois encore et sans surprise les syndicats. Les syndicats cubains (CTC) étaient déjà des syndicats à la manière américaine, parfaitement intégrés au "capitalisme libéral" et à sa corruption. Ils vont être ainsi très rapidement transformés par la direction cubaine, en 1960, en syndicats à la sauce stalinienne, sur un mode bureaucratique et étatique. Les premières décisions du régime castriste seront de les charger d’encadrer l’alignement des salaires par le bas et de faire respecter l’interdiction de la grève dans les entreprises, en flics patentés ! Et là encore, cette attaque contre la classe ouvrière sera justifiée par l’idéologie anti-américaine et la "défense du peuple cubain". Profitant à l’époque d’une grève contre les baisses de salaire d’ouvriers d’entreprises appartenant à des capitaux américains, les dirigeants castristes stigmatisent cette grève des "nantis" et en profitent pour déclarer la "grève à la grève" par la bouche du nouveau dirigeant castriste de la CTC.
Dans les semaines qui viennent de s’écouler, on a été servi en controverses sur la vie et l’œuvre du Che. D’un coté, dans la lignée des apôtres de la "mort du communisme", les fractions droitières de la bourgeoisie ont réchauffé ce plat avec l’aide servile de quelques historiens, toujours prêts à mettre en exergue le rôle "anti-démocratique" du Che, son rôle d’exécuteur en chef en tant que responsable des tribunaux "révolutionnaires" au tout début de l’ère castriste, en déblatérant les uns et les autres sur la question de savoir si ces exécutions furent "excessives", s’il y a eu "un bain de sang" ou non, si ce fut une justice "modérée" ou "arbitraire". Pour nous, comme nous le disions plus haut, il a tout simplement bien joué son rôle nécessaire pour la mise en place d’un nouveau régime tout aussi bourgeois et répressif que le précédent. D’un autre coté, on nous a asséné des mensonges et des demi-vérités à sa gloire. Il n’y a qu’à voir comment la Ligue Communiste Révolutionnaire qui, avec sa volonté de remplacer le Parti Communiste Français et devenir le premier parti "anticapitaliste" de France, porte aujourd’hui aux nues "Le Che" et exploite son image "jeune et rebelle"9.
Cher camarade EK, la réalité est là : chez tous ces jeunes qui portent un T-shirt à l’effigie du Che, il y a certainement un cœur généreux et sincère, voulant combattre les injustices et les horreurs de ce monde. D’ailleurs, si on met le Che en avant, c’est bien pour stériliser l’enthousiasme qui nourrit la passion révolutionnaire. Mais le Che, lui, n’est qu’une des figures de la longue cohorte des dirigeants nationalistes et staliniens, plus avenant que les autres peut-être, mais représentatif tout de même de cet avatar tropical de la contre-révolution stalinienne qu’est le castrisme.
Malgré toutes nos divergences, camarade EK, la discussion reste évidemment ouverte… plus que cela, nous t’y encourageons même chaleureusement.
Courant Communiste International
1 Voir à cette page [86]
2 En fait, l’entreprise couronnée de succès de renversement de Batista par Castro et Guevara a bénéficié de l’appui des États-Unis et de la bienveillance d’une partie de la droite qui dénonçaient la corruption du régime. L’embargo sur les armes décidé par le gouvernement américain à l’encontre de Cuba a privé de façon décisive Batista des moyens de lutter contre la guérilla. Ce n’est qu’au bout de quelques mois d’exercice du nouveau pouvoir que les relations avec les États-Unis se sont détériorées et c’est face à la menace d’intervention de ces derniers que Castro s’est tourné vers le bloc russe.
3 Citation célèbre du Manifeste communiste de 1848, écrit par Marx et Engels.
4 Lire nos articles sur ”Octobre 1917”, notamment : “Les masses ouvrières prennent leur destin en main [87]” (Revue internationale n°131) et “Le stalinisme est le fossoyeur de la Révolution russe [88]” (RI n°383).
5 Organisation des États Américains, instance continentale au service des intérêts de “l’oncle Sam” pour exercer leur contrôle sur les autres États d’Amérique latine, dont Cuba castriste a été exclu.
6 Écrit au moment de "la crise des missiles", ne sera publié qu’en 1968 par une revue de l’armée cubaine. Reproduit dans la biographie du Che de Pierre Kalfon.
7 En 1965, peut-être pour mettre en pratique le slogan "Deux, trois Vietnams…", quelques dizaines de Cubains se pointent à l’est de la République du Congo (ex-Zaïre) pour organiser un "foco anti-impérialiste", le tout patronné par les services secrets cubains avec l’accord de l’URSS (peut-être aussi pour se débarrasser du Che…). C’est, depuis le début, un désastre annoncé : Guevara se retrouve sous les ordres politiques d’une bande de dirigeants congolais (dont Kabila, futur président-dictateur sanglant du Zaïre dans les années 1990), des aventuriers qui mènent grand train de vie grâce aux subsides soviétiques et chinois. Quant à la population, censée recevoir ses libérateurs les bras ouverts, elle était plutôt interloquée à la vue de ces gens venant d’on ne sait où. C’était une anticipation de ce qui allait arriver en Bolivie l’année suivante. Il faut aussi noter que, toujours pour le compte de l’impérialisme russe, des milliers de Cubains ont continué de servir "d’instructeurs militaires" dans de nombreuses "guerres de libération nationale" sur le sol africain (Guinée-Bissau, Mozambique, Angola,…) jusqu’à l’effondrement de l’URSS et de son bloc au début des années 1990.
8 Nous n’allons pas développer ici ce qu’est le prolétariat ou la classe ouvrière, pour nous deux expressions équivalentes. Disons, cependant, que notre vision de la classe ouvrière n’a rien à voir avec la sociologie ni les images d’épinal de l’ouvrier en bleu de travail.
9 Le leader de la LCR, Olivier Besancenot, a affirmé qu’aujourd’hui son parti s’identifie bien plus au Che qu’à Trotski, alors que depuis sa naissance, cette organisation légitimait frauduleusement son appartenance à la classe ouvrière en se revendiquant avant tout de ce grand militant bolchevik.
Marx se plaisait à souligner les ironies de l’histoire. C’en est une des plus mordantes de constater que cette nouvelle propagande de la LCR, en voulant à tout prix faire jeune et dans le vent afin d’attirer à elle les nouvelles générations de la classe ouvrière, est en train de se revendiquer d’un héritier déclaré de la clique stalinienne et de son idéologie, cette même clique qui assassina il y a plus de soixante ans un révolutionnaire quant à lui authentique, un certain… Léon Trotski !
La grèvedes travailleurs des transports (SNCF et RATP) qui s’est terminéele 22 novembre (et s’est déroulée simultanémentavec la lutte des étudiants contre la loi “d’autonomie desuniversités” visant à accentuer les inégalitésentre les enfants de la classe ouvrière et ceux de labourgeoisie) constitue la première riposte significative de laclasse ouvrière en France contre les attaques du gouvernementSarkozy/Fillon/Pécresse et consorts. Le démantèlementdes régimes spéciaux des retraites n’étaitqu’un début puisque le gouvernement a annoncéclairement que la perspective était à l’allongementde la durée des cotisations pour tous. En ce sens, et lapresse était assez claire aussi là-dessus, il étaitde première importance pour la bourgeoisie de réussir àfaire passer cette première attaque sous peine de compromettrela réussite de toutes les suivantes. C’est pour cela que lestravailleurs des transports ont rejeté la réforme enexigeant non seulement le maintien de leurs régimes spéciauxmais aussi l’abolition de ce “privilège” qui ne peut quemettre les travailleurs en concurrence les uns avec les autres. Lemot d’ordre des cheminots et travailleurs de la RATP étaitdonc : “37,5 annuités POUR TOUS !”
L’attaquecontre les régimes spéciaux a fait l’objet d’unconsensus de toutes les forces du capital. Le PS ne s’en estd’ailleurs pas caché : il a clairement affirméqu’il était favorable à la réforme. La seule“divergence” avec le gouvernement portait sur la forme (commentla faire passer ?) et non pas sur le fond. Pour faire passercette attaque et préparer le terrain à celles qui vontvenir, la bourgeoisie se devait de monter une gigantesque manœuvrepour casser les reins de la classe ouvrière et lui fairecomprendre que “lutter ne sert à rien”. Et pour fairemieux passer ce message, la classe dominante s’est donnéeégalement comme objectif d’effacer dans la conscience desprolétaires les leçons de la lutte des jeunesgénérations contre le CPE au printemps 2006.
Labourgeoisie savait que ce passage en force allait se heurter àla résistance de la classe ouvrière. Cela s’estconfirmé lors de la journée d’action du 18 octobre(utilisée par le gouvernement et les syndicats pour “prendrela température”) où s’est manifestée unetrès forte combativité : taux record departicipation à la grève des transports et, malgrécelle-ci, participation importante des travailleurs de tous lessecteurs aux manifestations. A pied, en vélo ou en utilisantle “co-voiturage”, il fallait montrer le refus des mesures dugouvernement.
Pour brisercette combativité, la bourgeoisie s’y est prise en deuxtemps.
Face àla volonté des travailleurs de poursuivre la grèveaprès la journée du 18 octobre, la CGT a freinédes quatre fers et a dit : “Une journée et pas plus”,en programmant une deuxième journée d’action pour le13 novembre. L’objectif du 18 octobre était de “lâcherun peu de vapeur” pour éviter l’explosion de lacocotte-minute. De ce fait, la grève du 13 novembre, malgréson fort taux de participation, a été moins suivie quecelle du 18 octobre.
Pour casserles reins de la classe ouvrière et empêcher ses luttesfutures, la bourgeoisie a utilisé une stratégieclassique (qui avait fait la preuve de son efficacité dans lesannées 1980 et 1990) : elle a “choisi” un secteurcible pour développer sa manœuvre, celui des transports etnotamment la SNCF. Un secteur numériquement assez minoritaireet dont la grève ne peut que créer une gêne pourles autres travailleurs (les “usagers”). L’objectif viséétait de rendre la grève des transports impopulaireafin de monter les “usagers” contre les grévistes, diviserla classe ouvrière, briser la solidarité au sein decelle-ci, empêcher toute tentative d’élargissement dela lutte et culpabiliser les grévistes. La deuxièmeraison pour laquelle la bourgeoisie a décidé d’attaquerspécifiquement les secteurs disposant d’un “régimespécial” c’est que, dans ces derniers, les syndicats (etnotamment la CGT) sont particulièrement forts, permettantainsi de garantir un plus grand contrôle de la combativitéet d’éviter tout “débordement”. Enfin, latroisième raison justifiant le choix de ces secteur “cibles”résidait dans le fait qu’ils sont traditionnellement marquéspar un fort esprit corporatiste (notamment à la SNCF) qui atoujours été alimenté par les syndicats.
Labourgeoisie devait jouer “très serré” car elle aporté des attaques de façon simultanée contretous le secteurs de la classe ouvrière (franchises médicales,loi Hortefeux, loi sur “l’autonomie” des universités,régimes spéciaux des retraites, augmentation des prix,suppressions de postes dans la fonction publique et notamment dansl’Éducation nationale, etc.). La classe dominante s’estdonc préparée à faire face au danger d’unesimultanéité des luttes dans plusieurs secteurs. Enparticulier, les étudiants étaient déjàmobilisés lorsque les travailleurs des transports sont entrésen lutte.
La manœuvrede division et de saucissonnage des luttes devait donc se déroulersuivant un calendrier très précis :
- Lajournée d’action des fonctionnaires du 20 novembre avaitcomme objectif non seulement d’être une “soupape desécurité” face au mécontentement qui montedans leurs rangs mais aussi de servir de journée d’enterrementde la grève des cheminots et des travailleurs de la RATP ;des “funérailles nationales” en quelque sorte ;
- Ilfallait que chaque syndicat joue sa propre partition dans ce concert.Dans un premier temps, jusqu’à la journée du 18octobre, il fallait donner un sentiment de “force” aux cheminotsen jouant la carte de l’unité de tous les syndicats. Aprèscette journée, les syndicats ont commencé àabattre les cartes de la division. C’est à la FGAAC(syndicat strictement corporatiste de conducteurs) qu’il revient defaire le premier pas : elle signe avec la direction un accordséparé au bénéfice des seuls conducteurset appelle à la reprise du travail. Il s’agit de semer lazizanie parmi les cheminots. Dans certains dépôts, lesautres conducteurs explosent : “les autonomes nous ontlâchés !”. Ce premier coup bas a étéévidemment très bien relayé par les médias ;
- Ledeuxième coup est porté à la veille de la grèvequi a démarré le 13 novembre. Alors que les cheminotset les travailleurs de la RATP commencent à comprendre lamanœuvre de division (et exigent “37,5 annuités pourTOUS” !), Bernard Thibault, secrétaire généralde la CGT annonce qu’il renonce à une négociationglobale de tous les secteurs concernés par les régimesspéciaux et propose de négocier entreprise parentreprise. Ce mauvais coup ne peut qu’affaiblir la riposte descheminots ;
- Letroisième acte peut alors se dérouler : le frontsyndical se désunit, notamment avec l’appel à lareprise du travail lancée par la CFDT mais aussi avec leclivage entre la CGT, majoritaire, qui accepte (sans le claironner)le principe du passage aux 40 annuités et les syndicats“radicaux”, Sud et FO, qui continuent d’exiger le retrait decette mesure. En même temps, Fillon, le premier ministre,affirme qu’il est hors de question qu’il recule sur les 40annuités tout en posant comme préalable àl’ouverture des négociations la reprise du travail. Cettepolitique de maître chanteur n’est pas nouvelle : lesgrévistes sont appelés à d’abord déposerles armes (et accepter la “loi du plus fort”) avant de “négocier”quelques miettes. C’est inacceptable pour les travailleurs en luttemais cela va permettre aux syndicats de présenter “l’ouverturedes négociations” comme une première victoire. C’estlà un “grand classique” du partage des tâches entrepatrons et syndicats. En réalité, les dés sontpipés à l’avance puisque syndicats et patronatn’attendent pas les “négociations” officielles pourdiscuter en permanence dans le dos des travailleurs : il s’agitnotamment pour les syndicats de rendre compte aux patrons de la“température” afin de définir ensemble dans quelsens il faut manœuvrer. Lors de cette dernière lutte, cesmanœuvres se sont vues comme le nez au milieu de la figure, au pointqu’elles ont été relatées en détail parcertains organes de la presse bourgeoise !1
C’estpourquoi l’ouverture des “négociations” reportéeau 21 novembre, après la journée de grève de lafonction publique, était totalement bidon. Si la CGT et legouvernement avaient repoussé le début des discussionsofficielles, c’était non seulement pour que cette journéed’action puisse servir d’enterrement à la grève destraminots parisiens et des cheminots mais aussi pour “faire durer”le mouvement afin de le “pourrir” en montant les ouvriers les unscontre les autres, tout cela sur fond de campagne médiatiquede criminalisation des grévistes afin de rendre la grèveimpopulaire.
De cettetable des “négociations”, la CGT en sort en annonçantdes “avancées importantes” avec la mise en placed’un “calendrier de négociations” jusqu’au… 20décembre. Prévoir de faire durer celles-ci pendant unmois, c’est donner le signal de la reprise du travail : lescheminots ne sont évidemment pas disposés àpoursuivre leur mouvement 4 semaines supplémentaires. La CGT,syndicat majoritaire chez les cheminots, annonce qu’elle “laisse”les assemblées “décider elles-mêmes”. Ellen’appelle pas officiellement à la reprise du travail maisc’est tout comme.2
De leurcôté, Sud et FO appellent, dans un premier temps àpoursuivre le mouvement dans la mesure où la revendicationprincipale, le maintien des 37,5 annuités, n’a pas étésatisfaite.
Mais lareprise se fera progressivement dépôt par dépôtpour la SNCF et ligne par ligne pour la RATP.
Cetteopposition entre syndicats “modérés” et syndicats“radicaux” n’a rien de nouveau ni d’improvisé. C’estune vieille tactique qui s’est révéléeefficace dans toutes les luttes ouvrières depuis la fin desannées 1960. Une tactique qui avait étéexpérimentée déjà en 1968 (et dont le“vieux sage” Chirac, ainsi que l’ex-maoïste Kouchner, sesouviennent parfaitement). Ainsi à la fin du mouvement de laclasse ouvrière de 1968, la CGT, majoritaire, a déjàjoué le rôle du “modéré” en appelant àla reprise du travail. Et c’est à la CFDT (!), minoritaire,qu’il est revenu de jouer celui du “radical” en s’opposant àla reprise. L’expérience des ouvriers de la vieillegénération montre que ce n’est pas parce qu’unsyndicat est plus “radical” qu’il ne participe pas auxmanœuvres de division et de sabotage. Ce n’est pas parce qu’onest “jusqu’au boutiste” qu’on défend les intérêtsde la classe ouvrière. Car ce qui fait la force des ouvriers,ce ne sont pas des mouvements minoritaires prolongés danslesquels on perd inutilement son énergie et énormémentd’argent, tout en renforçant la division (entre ceux quitravaillent et ceux qui ne travaillent pas) et la rancœur de ceuxqui se sont battus avec le sentiment que les autres les ont “lâchés”.La force de la classe ouvrière, c’est d’abord et avanttout son unité. C’est la massivité etl’extension du mouvement et non pas l’enfermement jusqu’auboutiste d’une minorité (qui peut conduire certains ouvriersà des réactions de désespoir, telles que lesabotage de l’outil de production, ouvrant la porte à descampagnes de criminalisation des grévistes). Dans tous lessecteurs, du public comme du privé (de même que chez lesétudiants), les prolétaires seront nécessairementamenés à comprendre que le “radicalisme” desyndicats minoritaires qui préconisent des actions isoléesn’en fait pas plus des “vrais défenseurs” de la classeouvrière que les appels à la reprise des grandescentrales les plus influentes.
Cettegigantesque manœuvre visant à casser les reins de la classeouvrière a été couronnée par laplanification de la manifestation-enterrement du 20 novembre qui arassemblé 750 000 travailleurs. La stratégie desdirections syndicales a consisté à appeler lestravailleurs de la fonction publique à descendre dans la rue(notamment pour protester contre la réduction des effectifs etla perte du pouvoir d’achat) tout en sabotant leur mobilisation.Ainsi, les syndicats ont lancé des appels à participerà cette manifestation dans des tracts qui sont arrivéssur les lieux de travail … après le 20 novembre ! Dansla plupart des hôpitaux, ils ne se sont même pas donnésla peine d’indiquer l’heure et le lieu du rendez-vous. Poursavoir si cette manifestation avait bien lieu comme prévu, ilfallait se débrouiller pour aller chercher les informations(sur Internet, dans les journaux ou par le bouche à oreille).Pourquoi un tel sabotage ? Parce que le “thermomètre”indiquait que la température dans la fonction publique avaitmonté. La grève des cheminots et des travailleurs de laRATP, loin d’être impopulaire (malgré toutes lescampagnes diffusées à la télé) gagnait aucontraire de plus en plus la sympathie de nombreux “usagers”. Lesmédias et le gouvernement (avec ses déclarations deplus en plus “musclées”, relayées par les proposridicules des présidents d’université accusant lesétudiants grévistes d’être des “Khmersrouges”) en ont un peu trop fait. Plus le gouvernement brandissaitle bâton contre les grévistes, plus la grèvesuscitait de la sympathie (et même le sentiment qu’il fallaitêtre “solidaires” et ne pas se laisser “entuber par lesmanipulations des médias à la solde de Sarkozy”).D’autre part, les contorsions de Thibault étaient siévidentes qu’il passait partout pour le grand “collabo”de service, le “traître”3.Si les syndicats ont dû saboter la mobilisation desfonctionnaires, c’est pour éviter que tous les secteurs dela fonction publique ne se retrouvent côte à côteet unis dans la rue. Par contre, tous les syndicats de la policenationale avaient mobilisé un maximum leurs troupes4 :le 20 novembre, c’était la première fois qu’onvoyait autant de flics manifester dans Paris5.De plus, les directions syndicales (qui ont organisé cettemanifestation avec la préfecture de police) avaient pris soinde placer le cortège des flics en plein milieu de lamanifestation. Ainsi, beaucoup de travailleurs et d’étudiantsqui ne voulaient pas défiler derrière les forces derépression avaient préféré ne pas sejoindre à cette mascarade et étaient restés surles trottoirs. En particulier, c’était un bon moyen pourdissuader les étudiants, qu’on avait de plus obligésde faire le pied de grue pendant trois heures sous la pluie, de fairela “jonction” avec les salariés.
Lors de sonintervention télévisée du 29 novembre,“l’omniprésident” Sarkozy a rendu “hommage àtous les partenaires sociaux”, saluant TOUS les syndicats pour“leur sens des responsabilités” et précisantqu’il “avait besoin d’eux pour réformer”6(ou, dit plus clairement, qu’il avait besoin d’eux pour mener àbien toutes les attaques prévues pour 2008). Il savait de quoiil parlait et, pour une fois, nous ne dirons pas qu’il mentait.
La grèvedes travailleurs des transports, en ce mois de novembre 2007, estvenue confirmer une nouvelle fois ce que les révolutionnairesaffirment depuis de nombreuses décennies : TOUS lessyndicats sont des organes de défense des intérêtsnon pas de la classe ouvrière, mais de la bourgeoisie.
Sofiane (30novembre)
1 Voir notamment Mariannen° 553, “Pourquoi Sarkozy veut sauver la CGT”.Chérèque, le patron de la CFDT, a lui-même vendula mèche : “Ily a une forme de coproduction entre le gouvernement et la CGT pourmontrer ses muscles”.C’est vrai que ses propres troupes acceptaient mal qu’il aitjoué le rôle du “traître”.
2 Une des raisons pour lesquellesle mouvement a pu être “suspendu” (comme le dit BernardThibault), réside dans le fait que la CGT a “négocié”des “avancées” sur la pénibilité du travailpermettant de gagner quelques miettes : des augmentations desalaires en fin de carrière (cela ne mange pas de pain :d’ici là, tout le monde sait que les salaires et le pouvoird’achat vont encore baisser !). Encore une grosse arnaquepour justifier la reprise et tenter de sauver les meubles car labourgeoisie a encore besoin de la CGT. Si le gouvernement n’avaitpas prévu de “lâcher” cette aumône, le patronde la CGT n’aurait pas pu claironner : “ily a eu des avancées”.Et cette obole avait également été discutéeà l’avance, à travers les coups de téléphonedestinés à mettre au point et ajuster les mesurespermettant à la CGT de continuer à faire son travailde sape. Ainsi, bien avant la rencontre entre la CGT et legouvernement, Thibault avait déjà annoncé lareprise. Ce qui montre bien que les annonces faites par les patronset le gouvernement dans les “négociations” n’étaientque du pipeau !
3 D’autant que des délégationsd’étudiants sont allées un peu partout àParis comme en province faire ce qu’ils appelaient la “jonction”avec les salariés pour qu’il y ait une “convergencedes luttes”.
4 En effet, les étudiantsn’ont envoyé aucune délégation dans lescommissariats et les autres services du ministère del’Intérieur pour faire la “jonction” avec les flics carils ont pu se rendre compte par eux-mêmes que lesfonctionnaires de la police ne sont pas de leur côté.
5 Même le syndicat dedroite “Alliance”, proche de l’UMP (et qui avait entonnéLa Marseillaiseau début de la manifestation) était massivementprésent aux côtés du syndicat UNSA (proche duPS).
6 Toutes ces citations sontdisponibles sur lemonde.fr.
Après une lutte massive de plus d’une semaine, les cheminots et les travailleurs de la RATP ont repris le travail alors que, pour sa part, le mouvement étudiant semble prendre fin. Pourtant, le gouvernement n’a reculé sur aucun point important. Toutes les attaques sont maintenues et Sarkozy a même annoncé dans son discours présidentiel du 29 novembre que le rythme des réformes (c’est-à-dire des attaques) allait s’accélérer en 2008.
Est-ce pour autant une victoire de la bourgeoisie ? Certainement pas ! La reprise du travail à la SNCF et à la RATP de même que la tendance vers le “retour au calme” dans les universités est une victoire à la Pyrrhus de la classe dominante. L’ordre de la matraque, du chantage, de l’intimidation et du mensonge organisé a dévoilé au grand jour le vrai visage de la démocratie bourgeoise : celui de la terreur implacable du capital. Si l’Etat n’a pas reculé ni sur la réforme des régimes spéciaux ni sur la LRU, c’est au prix fort d’un discrédit croissant de ses principales institutions, notamment les médias et surtout les syndicats, dont il n’a pas encore mesuré les conséquences.
Les travailleurs et les étudiants doivent se regrouper et discuter ensemble et avec d’autres ouvriers d’autres secteurs pour mieux comprendre quelle est la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Des liens ont déjà été tissés, il faut les élargir et les resserrer. Il faut échanger et partager les expériences, il faut en discuter collectivement afin d’en tirer toutes les leçons et préparer les luttes à venir.
D’abord, la classe ouvrière doit tirer un premier enseignement de la lutte des cheminots : si le gouvernement a été obligé de céder quelques miettes aux cheminots, c’est parce que ces derniers se sont battus. Mais là n’est pas l’essentiel : les miettes concédées par la bourgeoisie, de toutes façons, seront reprises plus tard. La pire défaite aurait été de ne pas se mobiliser : dans le lutte de classe entre bourgeoisie et prolétariat, la première victoire pour les travailleurs, c’est la lutte elle-même, c’est le refus d’accepter la loi du capital, c’est faire l’expérience de la solidarité des exploités face à toutes les tentatives de les diviser entreprise par entreprise, secteur par secteur. Malgré leurs difficultés, les cheminots (de même que les étudiants en lutte contre la LRU) se sont battus avec un courage remarquable. En revendiquant “37,5 annuités pour tous”, ils ont montré que la solidarité de la classe exploitée est le seul chemin qui puisse ouvrir une perspective pour les luttes futures. La grève des cheminots a permis que s’exprime de façon croissante l’idée de la nécessité de lutter tous unis. C’est ce que le mouvement des étudiants a exprimé en manifestant sa solidarité avec les cheminots (comme l’a révélé leur plateforme revendicative dans laquelle était inscrite non seulement le retrait de la LRU mais aussi le rejet de toutes les attaques du gouvernement). L’idée que les différents secteurs de la classe ouvrière doivent se soutenir mutuellement est quelque chose qui avait été apprise par les jeunes générations dans la lutte du printemps 2006 contre le CPE1. C’est ce qui s’est illustré aussi dans le fait que c’est parmi les jeunes cheminots qu’on a rencontré le plus la volonté de se défaire du corporatisme qui pèse sur leurs aînés.
Ensuite, en obligeant la classe dominante à déployer à grande échelle son arsenal syndical, ils ont contribué à dévoiler au grand jour que les syndicats sont des organes de maintien de l’ordre capitaliste (même s’il existe encore beaucoup d’illusions sur la possibilité de réformer les syndicats). C’est bien ce dont témoigne le taux de désyndicalisation massive qui touche d’ores et déjà plusieurs secteurs de la fonction publique et la méfiance croissante envers les syndicats. La fuite sans gloire de Chérèque lors de la manifestation du 20 novembre face aux ouvriers le stigmatisant comme “traître”, les apostrophes essuyées par le patron de la CGT au même endroit : “Thibault vendu ! Ce n’est pas toi qui diriges, c’est nous !” ou le lendemain de la part de syndiqués de la CGT : “on va faire tomber Thibault”2 ne sont que la partie émergée d’un mécontentement profond des travailleurs envers les organes qui prétendent les défendre.
Enfin, les cheminots et les ouvriers de la RATP ont été capables de déjouer le piège du pourrissement et de l’isolement où cherchaient à les enfermer les syndicats “jusqu’auboutistes” comme Sud ou FO en ne votant pas dans les AG la reconduction de la grève.
Voici quelques leçons immédiates mais essentielles de la lutte qui vient de se dérouler. Mais ce simple constat soulève des questions bien plus larges et profondes auxquelles la classe ouvrière doit, par le débat collectif, essayer de trouver des réponses :
Face à la trahison des syndicats, l’alternative est-elle de virer les bureaucraties pourries, ou de s’affilier à des syndicats plus “radicaux” et moins directement liés au patronat ou encore de construire de nouveaux syndicats “de combat” ?
Le “radicalisme”, le caractère très “combatif” d’un syndicat ou l’honnêteté de ses délégués n’a jamais été une preuve que c’est un organe de défense des ouvriers.
Ce qui nous importe aujourd’hui, ce n’est pas de reconstruire de nouveaux syndicats, mais d’abord de comprendre quels moyens nous devons nous donner pour construire un rapport de forces en faveur de la classe ouvrière face à la bourgeoisie.
Vouloir rénover la vieille coquille syndicale ou construire de nouveaux syndicats plus combatifs avec des permanents moins corrompus, plus honnêtes (qui deviendront un jour, comme Thibault, des spécialistes de la “négociation” et de la magouille) est une pure illusion et un piège dans lequel il ne faut pas tomber. Toutes les luttes ouvrières du passé ont montré que depuis 1914 les syndicats ont été définitivement intégrés à l’appareil d’État de la bourgeoisie.
L’idéologie syndicaliste est basée sur l’illusion que le capitalisme est :
ce qui veut dire que les ouvriers ne pourront jamais en finir avec l’exploitation. L’idéologie syndicaliste est en réalité une idéologie fataliste, de capitulation et de soumission à la loi féroce du capital.
Aujourd’hui de plus en plus d’ouvriers sont en train de prendre conscience qu’il ne faut plus s’en remettre à des spécialistes de la “négociation” secrète pour diriger leurs luttes. C’est l’ensemble des travailleurs mobilisés qui doit décider de la conduite du mouvement. Les assemblées générales dirigées par les syndicats se contentent de faire voter pour ou contre la reconduite de la grève sans aucun réel débat préalable. Et une fois que l’AG est terminée, ce sont les syndicats qui s’occupent de tout sans aucun contrôle des grévistes.
Les AG ne doivent pas être une simple chambre d’enregistrement de la reprise ou non du travail. Ce sont les organes de la prise en main collective de la lutte par les travailleurs eux-mêmes. Cela veut dire que :
Bref, les AG doivent être des hauts lieux de “politisation”, n’en déplaise à Monsieur Thibault.
Dans le cas des transports, le blocage total des trains, des métros ou des bus devient un certain obstacle à l’élargissement de la lutte. En effet, ce blocage total peut favoriser le jeu de la bourgeoisie visant à monter les travailleurs les uns contre les autres en déchaînant ses campagnes sur la “prise en otage des usagers”. De plus, ce blocage total des transports limite la mobilité des travailleurs qui ne peuvent se déplacer pour apporter leur solidarité aux grévistes (en se rendants à leurs AG ou en participant aux manifestations) et rend difficile le déplacement des délégations de grévistes vers les autres entreprises. En fait, le blocage total favorise l’enfermement dans le corporatisme et l’isolement. Les luttes ouvrières les plus avancées n’ont jamais conduit au blocage des transports, au contraire. Lors de la grève de masse des ouvriers de Pologne en août 1980, tous les transports fonctionnaient gratuitement. L’argument que mettent toujours en avant les syndicats, c’est que la gratuité des transports est “illégale”. Mais les ouvriers savent très bien que l’opposition aux lois de l’exploitation capitaliste est toujours “illégale” car les lois de la classe dominante sont faites par et pour le capital, par et pour ceux qu’il exploite. Les sanctions au nom du respect de la “légalité” font partie de la répression des luttes ouvrières, de même que les licenciements. Les menaces de répression n’ont pas empêché la classe ouvrière de lutter pour défendre ses conditions de vie face aux empiétements du capital. C’est grâce aux combats des premières générations de prolétaires que les ouvriers d’aujourd’hui ont pu obtenir une baisse de la durée de la journée de travail, des augmentations de salaires, des congés hebdomadaires, une amélioration de leur condition de logement, le droit d’association, la liberté d’expression, etc. Le gouvernement britannique a adopté une loi rendant toute grève de solidarité illégale. Cela n’a pas empêché, pendant l’été 2005, les bagagistes de l’aéroport de Londres de se mettre en grève en solidarité avec les ouvriers des entreprises de restauration de l’aéroport d’Heathrow licenciés massivement3.
Le meilleur moyen d’éviter la répression, c’est la plus grande unité et solidarité possible. La véritable force de la classe ouvrière, c’est sa solidarité face aux attaques du capital. Plus la classe ouvrière courbera l’échine et cédera à l’intimidation, plus la bourgeoisie aura les mains libres pour attaquer et réprimer. Parce que la classe ouvrière est la seule force de la société qui puisse ouvrir une perspective pour l’ensemble de l’humanité, cette solidarité contre l’oppression capitaliste n’est pas “négociable”. Comme l’ont mis en avant les ouvriers de Pologne en 1980, si la bourgeoisie touche à un seul cheveu des grévistes, les autres secteurs doivent immédiatement se mettre en grève et ne pas accepter la répression.
La lutte des travailleurs des transports et des étudiants en France a donc constitué une avancée significative pour le prolétariat : elle a ouvert le chemin vers une tendance croissante à la politisation des luttes de la classe ouvrière. En particulier, elle a constitué une expérience riche d’enseignements pour les jeunes générations de la classe ouvrière qui vont se retrouver bientôt sur le marché saturé du travail. Face à l’aggravation des attaques de la bourgeoisie, ces jeunes générations n’auront pas d’autre choix que de reprendre le flambeau des combats menés par les générations de prolétaires qui les ont précédées.
Pour pouvoir mener à bien ces luttes futures, la classe ouvrière doit avant tout continuer à prendre confiance en elle-même, en ses propres forces et en sa capacité bien réelle (et maintes fois prouvée par l’histoire) à prendre en main sa lutte et son destin. Elle peut et doit avoir confiance dans la perspective historique que portent ses combats : celle de l’abolition de l’exploitation et de l’oppression bestiale du capitalisme en vue de la construction d’une nouvelle société.
Ce chemin n’est pas aisé. Il est fait d’avancées et de reculs. Cela avait déjà été mis en évidence dès le milieu du 19e siècle :
Abel (30 novembre)
2 Propos rapportés par Marianne n° 553.
3 Lire nos articles sur cette lutte sur notre site web : www.internationalism.org [54]
La grande presse nationale1 s’en émeut : Lutte Ouvrière (LO), symbole français du radicalisme révolutionnaire, forteresse vertueuse et intransigeante, défendant la pureté de son programme trotskiste, à l’image de son icône virginale, l’indéfectible Arlette, LO donc, s’apprête à conclure des accords avec le PCF et le PS, et l’a même déjà fait, en vue des prochaines élections municipales. « Une première pour l’organisation trotskiste, jusqu’ici prompte à fustiger la gauche ‘qui trahit’ » énonce Le Monde du 28 novembre. A Aubervilliers ou à La Courneuve, les accords sont pris avec les maires PCF sortants de ces communes de la « banlieue rouge » de Paris. « Ils ont même accepté l’hypothèse d’une fusion de liste avec le PS au second tour » constate le maire de La Courneuve (ibid.). Il en est de même par exemple à Saint-Brieuc où les cadres locaux de LO ont écrit dans le même sens aux édiles du PS avec la bénédiction de la direction nationale.
Lutte Ouvrière ne cache pas ces accords. Au contraire, elle les justifie : d’un côté, il s’agit « de ne pas nuire au PCF là où le PS veut lui prendre la mairie » (ibid.), d’un autre côté, LO, « ne [veut] pas que, dans la situation politique actuelle [ses] listes puissent nuire aux listes de gauche » (LO du 22 novembre) et opte donc de soutenir le PS quand il est menacé par l’UMP. Mais tout cela ne serait, pour l’organisation trotskiste qu’un « fait mineur » (ibid.). Car : « L’élection de Sarkozy et son offensive générale contre les travailleurs ont changé la donne » cherche à expliquer Georges Kaldy de la direction de LO (ibid.). En réalité, tout cela n’est que du baratin : quelle que soit la “donne”, LO a toujours su servir de « roue de secours » à la gauche.
Ainsi, LO n’a pas tort sur un point. En effet, n’en déplaise aux journaleux toujours à l’affût d’un scoop, ce n’est effectivement vraiment pas la première fois que LO va draguer le PCF et le PS à l’approche d’élections. Passons sur les désormais classiques appels à voter Mitterrand en 1974 et en 1981 et le plus récent vibrant soutien d’Arlette à Ségolène Royal, et penchons nous plutôt sur d’autres faits moins connus : en 1988, LO propose une alliance au PCF pour les élections législatives (qui avait encore à l’époque de beaux restes !) ; en 1995 LO et le PCF font liste commune dans trois villes aux municipales, parmi lesquelles Sochaux, bastion ouvrier de l’est. En 2004, LO se réjouit de la victoire de la gauche aux élections régionales en clamant bien fort : « beaucoup se sont dit que la droite est pire que la gauche. C’est vrai ! » (LO du 26 mars 2004).
Certes, tout cela peut paraître contradictoire avec ce que peut proclamer parfois LO à propos de la gauche, comme « la complète intégration de la social-démocratie au pouvoir d’État de la bourgeoisie » ou l’affirmation selon laquelle « le stalinisme a déformé et vidé de sens la plupart des objectifs du mouvement ouvrier » (Lutte de Classe n°101, décembre 2006-janvier 2007). De même, que croire quand cette organisation raconte que « ni LO ni la LCR ne sont des partis électoralistes, même s’ils se présentent aux élections. Car ils ne cherchent aucune place dans l’appareil d’État, qui ne peut être qu’au service de la bourgeoisie » (LO du 26 mars 2004) alors qu’elle déclare par ailleurs avec le même aplomb : « Gérer une municipalité ne nous gène pas » (Le Monde du 28 novembre) ?
Comment se fier à ce que prétend LO ? C’est justement sur le jeu des apparences et du double langage que LO fonde sa précieuse participation à la mystification électorale en apportant sa caution radicale au reste de la bourgeoisie. Et ce, à chaque élection, sans - jamais trahir.
G (29 novembre)
1 1 Le Parisien, Libération et Le Monde notamment.
Leporte-parole de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), Olivier Besancenot, le pimpant postier au visage poupin, a le vent enpoupe. Et pour cause, un peu à la manière de Sarkozy,on le voit partout : avec les cheminots en grève, auxcôtés des étudiants, dans les manifs, lesmeetings, les banlieues et surtout sur les plateaux des télés.Alliant le simplisme démagogique et la rouerie politique, ilproclame à tout va qu’il suffit de taxer les grossesfortunes du patronat et de prendre l’argent dans la poche descapitalistes pour instaurer plus de justice sociale avec son fameuxslogan électoral, « Nosvies valent plus que leurs profits »,tout comme il vante la démocratie et l’illusion d’uncapitalisme à visage humain. Dans son éclectisme et sa volonté de ratisser large, etsurtout à portée des jeunes générationsqu’il rêve de conquérir, outre flatter l’engouementpour le romanesque « Che », notre pétulantGavroche en peau de lapin ne recule devant aucun moyen de racolageet met volontiers en avant un autre héros digne de BD ou demangas : le turbulent super-président vénézuélienChavez, « terreur des Amériques »,apôtre de « la nouvelle révolutionbolivarienne du 21esiècle ».
Mais, dansson zèle de matamore, le dictateur populiste Chavez quimultiplie les rodomontades et les gesticulations sur la scèneinternationale, s’est octroyé le rôle de « médiateur »dans « l’affaire » de la députéefranco-colombienne Ingrid Betancourt, otage des guérilleroscolombiens des FARC depuis six ans. Et c’est à ce titrequ’il était reçu en grandes pompes à l’Elyséepar un Sarkozy souriant, faisant ami-ami avec lui et lui tapotantostensiblement l’épaule sous l’œil des caméras dumonde entier.
Patatras! Voilà qui mettait à mal la crédibilitéde notre grand pourfendeur du “sarkozysme” ! Ce copinageintempestif et cette connivence affichée entre un de sesmodèles et Sarkozy, son “pire ennemi”, venait lui couperl’herbe sous les pieds. Il déclarait alors avec embarras :“Je ne suis pas le facteur duchavisme”, tout en cherchant àjustifier, en toute mauvaise foi , ses éloges envers Chavez enaffirmant notamment : « L’argentdu pétrole qu’il ne donne plus aux Américains, il leplace désormais au service des Vénézuéliens ».Cet argument est pourtant totalement démenti par la réalité :la population vénézuélienne continue de creverde faim et de misère (voir notre article sur notre site web :“le ‘socialisme” à la Chavez: l’art de redistribuer lamisère”).
Dequoi éprouver de sérieux doutes sur lavedette-caméléon de la LCR quand elle brigueambitieusement à son tour pour l’an prochain de devenir le« lider maximo »1d’un « nouveau parti », d’une « véritableopposition de gauche anticapitaliste ».
W (29novembre)
1Référence au maître de Che Guevara; le “grandchef” Fidel Castro, autre “pote” de Chavez.
Début novembre, Istanbul recevait la deuxième réunion des pays voisins de l’Irak, auxquels s’étaient adjoints les cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU et les représentants des pays du G8. Cette rencontre faisait suite à celle des 3 et 4 mai derniers où le “Pacte international pour l’Irak” avait été lancé à Charm el-Cheikh pour construire la “stabilité” de l’Irak. On se doute bien que tout ce beau monde, qui ne cesse d’afficher ses divisions et dont les intérêts sont toujours plus opposés (en particulier les grandes puissances, c’est-à-dire celles-là mêmes qui ont œuvré à l’ouverture d’un des pires chaos de l’histoire), va s’atteler à la noble tâche de “stabiliser” l’Irak. En réalité, il s’agit d’une de ces énièmes rencontres de la “paix” dans lesquelles ne s’expriment que les rapports de forces et les oppositions impérialistes et d’où ne sortent que des “résolutions” débouchant à plus ou moins court terme sur l’aggravation de la barbarie guerrière. Ainsi, alors que l’Irak menace d’exploser de toutes parts, résultat de l’invasion américaine auquel s’additionnent les pressions exercées par la Syrie et surtout l’Iran, la Turquie est venue en rajouter une couche en menaçant d’intervenir militairement au Kurdistan irakien, contre les attaques du PKK qui avaient récemment enlevés douze soldats turcs.
Le discours et le comportement musclé de l’Etat turc en direction de la population kurde n’est pas une nouveauté. C’est en fait depuis la création en 1920 par les alliés d’un Kurdistan autonome que la Turquie revendique ses “droits” sur une population kurde qu’elle n’a jamais reconnue et qu’elle appelle officiellement “turque des montagnes”. Pour les vainqueurs de la Première Guerre mondiale, une telle création, accompagnée d’autres nombreuses mesures, participait de parachever le dépeçage de l’empire ottoman par un démantèlement en règle de la puissance turque, qui payait par la même occasion son alliance avec l’Allemagne.
L’Etat kurde envisagé ne verra cependant jamais le jour et toute cette région va rester une zone permanente de déstabilisation et de conflits, les grandes puissances tout comme les puissances régionales, Irak, Syrie, Turquie et Iran, se servant des différentes cliques kurdes au gré de leurs besoins respectifs.
Ainsi, le PKK (Parti des “Travailleurs” Kurdes d’Abdullah Öcalan, apparu dans une région où la classe ouvrière est quasi-inexistante) apparaît à la fin des années 1970 et vient à point nommé servir les intérêts de l’URSS en semant le désordre dans une région que dominent les Etats-Unis et le bloc occidental, qui soutient de son côté le PDK (Parti Démocratique du Kurdistan) de Moustafa Barzani. Le PKK, considéré comme “terroriste” par les Etats-Unis et l’Europe, va aussi bien servir les intérêts russes que ceux de l’Iran de Khomeiny qui sera pendant des années sa base arrière, en particulier pendant la guerre Irak-Iran entre 1980 et 1988.
Si les difficultés que le PKK occasionne à la Turquie sont bien réelles, elles sont par là-même l'occasion, le prétexte tout trouvé pour justifier les interventions militaires turques et l’affirmation de sa volonté de domination sur la population kurde, soumise aux raids destructeurs de l’armée.
En proclamant ses intentions d’investir la région autonome kurde irakienne, l’Etat turc passe à une autre dimension de ses appétits impérialistes. Il ne s’agit plus seulement de contrôler les Kurdes établis en Turquie mais d’avancer des pions au-delà de ses propres frontières. Cela n’est pas nouveau. Déjà, au printemps 2003, sous couvert de l’intervention militaire américaine en Irak, le gouvernement avait établi un plan d’invasion militaire du nord du pays, pour son propre compte. Ce n’est que sous la pression de Washington qu’Ankara avait au dernier moment abandonné cette perspective. Et, retour de bâton, le gouvernement turc avait refusé aux Etats-Unis l’utilisation de ses bases militaires et le stationnement des troupes américaines sur son territoire, contrairement à la Guerre du Golfe de 1990-1991, et empêchant l’éventuelle ouverture d’un second front au Nord de l’Irak.
Ce changement d’attitude de la Turquie, jusqu’alors alliée quasi-inconditionnelle des Etats-Unis, est symptomatique de l’affaiblissement de la première puissance mondiale sur l’arène internationale et de l’exacerbation des tensions impérialistes qui poussent cet Etat à s’affirmer plus haut et fort comme une puissance régionale qui doit compter.
Mais une telle situation est aussi significative de la montée considérable du chacun pour soi et de la folie guerrière irrationnelle du capitalisme. Envahir la région autonome du Kurdistan irakien ne reviendrait en effet qu’à créer un foyer de chaos supplémentaire, dans une des rares régions d’Irak encore à peu près stable. C’est en s’appuyant sur cette peur du chaos que la Turquie exerce son chantage sur les Etats-Unis, et fait monter les enchères en jouant ainsi contre eux un rapprochement avec une Union européenne qui lui fait en bonne partie les yeux doux. Cependant, même si la Turquie n’intervient pas au Kurdistan irakien, les soldats turcs ayant été libérés sous la pression américaine1, et d’autant que l’hiver interdit les opérations militaires dans les montagnes qu’occupe le PKK, cette perspective à plus long terme n’est pas impossible. Et cette menace brandie par l’Etat turc nous éclaire encore mieux sur l’avenir monstrueux qui attend l’Irak et les difficultés des Etats-Unis à organiser leur retrait d’un pays qui n’aura plus d’autre perspective que la curée générale de tous ses “voisins” et des “grandes puissances”.
Il faut le réaffirmer avec force : le capitalisme, c’est le chaos et la guerre, sans autre futur que la barbarie généralisée.
Wilma (30 novembre)
1 Ce qui en dit long une fois encore sur ces groupes terroristes et leurs accointances avec les Etats, dont ceux qui prétendent mener la “guerre contre le terrorisme”.
Mi-novembre,tandis que les ouvriers à Dubaï retournaient au travailaprès une révolte spontanée et massive, lapresse et les journaux télévisés faisaient leurUne avecune information de « toute première importance »…le prince et milliardaire Al-Walid Ibn Talal, neveu du roi Abdallah,s’était acheté un Airbus A380 pour son usagepersonnel !
Pas un motsur ce mouvement de grève massif ! Pas un mot pourévoquer la rébellion ouverte de ces centaines demilliers d’ouvriers surexploités ! La bourgeoisie aentouré une nouvelle fois une lutte du prolétariat desa chape de plomb médiatique et internationale, suivant labonne vieille méthode du black-out.
Dubaïest devenu en quelques années une sorte d’immense chantierpermanent sur lequel poussent, comme des champignons, des gratte-cieltous plus invraisemblables les uns que les autres. Cet Émiratest l’un des symboles, pour la bourgeoisie, du « miracleéconomique » de l’Orient et du Moyen-Orient. Maisderrière la vitrine se cache une toute autre réalité :non pas celle des touristes et des hommes d’affaires, mais celle dela classe ouvrière suant sang et eau pour bâtir ces« rêves d’architectures ».
Sur lemillion d’habitants de cet Émirat, près de 80% sontdes ouvriers d’origine étrangère, en majoritéindiens mais aussi pakistanais, bangladais et depuis peu… chinois.Ils sont, paraît-il, plus corvéables encore que lestravailleurs d’origine arabe ! Et en effet, de la main-d’œuvrecorvéable à merci, il en faut pour pouvoir fairefonctionner les nombreux chantiers de la ville 24h/24h et… pourpresque rien ! Les ouvriers gagnent l’équivalent de 100à 150 euros par mois. Ils construisent ces palaces ou cestours prestigieuses mais, eux, dorment dans des cabanons àplusieurs par chambre et en plein désert. Ils s’y rendentdans des bétaillères appelées bus. Tout ceci,bien sûr, sans soins médicaux, ni retraites, cela vasans dire… Et pour brider toute initiative de lutte, l’employeurconserve les passeports... au cas où… Naturellement, rienn’est prévu pour les familles qui doivent rester dans lepays d’origine. Les travailleurs ne peuvent rejoindre leur femme etleurs enfants que tous les 2 ou 3 ans tant il leur est difficiled’épargner pour l’argent du voyage.
Mais on nepeut pas indéfiniment et impunément se servir d’êtreshumains comme on se sert de serpillières !
Lorsde l’été 2006, les ouvriers de Dubaï avaientdéjà démontré leur capacité àrentrer massivement et collectivement en lutte1.Malgré la répression qui s’en était suivie,ils ont aujourd’hui à nouveau osé se dresser contreleurs exploiteurs et tortionnaires. Mieux encore, à traversces dernières luttes, ils ont montré leur courage, leurextraordinaire combativité, leur capacité àdévelopper la solidarité, à s’unir pour luttercontre cette vie de misère, à refuser l’esclavage.Comme leurs frères de classe en Égypte2,ils ont bravé le pouvoir établi malgré lesrisques encourus. Car dans les Émirats, les grèves sontinterdites et la sanction est immédiate : retrait dupermis de travail, expulsion sur le champ et bannissement àvie !
Etpourtant,ne supportant plus de ne plus être payés depuisplusieurs mois, «le samedi 27octobre, plus de 4000 ouvriers du bâtiment sont descendus dansla rue, ont bloqué des routes d’accès à lazone industrielle de Jebel Ali et ont jeté des pierres sur lesvoitures de police. Ils demandaient davantage de bus pour les amenersur les lieux de travail, des logements moins surpeuplés etdes salaires leur permettant de vivre dignement. »(CourrierInternational du 2 novembre 2007). Sereconnaissant dans cette lutte massive, des milliers d’ouvriersd’autres entreprises se sont joints aux grévistes.
Sanssurprise, la bourgeoisie et son État ont alors réagiviolemment. Avec des canons à eau, les forces anti-émeutesont dispersé les manifestants qui s’en étaient priségalement à des voitures des forces de l’ordre.« Dénonçant ‘uncomportement barbare’, le ministèredu Travail leur a donné à choisir entre la reprise dutravail et l’abrogation de leurs contrats, le bannissement àvie du pays et la privation de leurs indemnités de fin deservice » (LeMaroc.org).Malgré cette répressionpolicière et ces menaces du gouvernement, le mouvement degrève a continué de s’étendre à troisautres zones à Dubaï, prouvant l’ampleur de lacombativité de cette partie du prolétariat mondial.Suivant une dépêche de l’AssociatedPress du 5 novembre, il y a eu jusqu’à400 000 ouvriers en grève !
Les menacesde sanction et de répression ont été immédiatessous prétexte que quelques voitures de police ont étécaillassées : inadmissible pour l’ordre bourgeois !Mais de quel coté se trouve réellement la pire desviolences ? La réponse est évidente : du cotéde ceux qui transforment la vie quotidienne de centaines de milliersd’ouvriers en un véritable enfer.
ADubaï, le prolétariat a montré sa force et sadétermination à ne pas se laisser malmener. Labourgeoisie a même dû faire mine momentanément dereculer, abandonnant ponctuellement sa tactique exclusivementrépressive. Ainsi, après avoir annoncél’expulsion des 4000 travailleurs asiatiques à l’originedu mouvement, « le ton étaitplutôt à l’apaisement le mercredi »(AFP). La massivité de cette lutte a eu de quoi « faireplier le gouvernement de DubaÏ qui a ordonné auxministres et aux entreprises de construction de revoir les salaireset d’envisager la création d’un salaire minimum »…officiellement, évidemment. Dans la réalité, labourgeoisie va continuer de cogner. Les sanctions contre les meneurssemblent être maintenues. Et nul doute que la bourgeoisiecontinuera à exercer d’une main de fer son ignoblesurexploitation sur cette partie de la classe ouvrière.
Néanmoins,même face à ce prolétariat démuni, sansexpérience de lutte, la classe dominante doit tenir compte decette montée de la combativité. C’est pourquoi elleessaye d’ajouter une corde à son arc : en plus de larépression, elle voudrait aussi étoffer sonencadrement idéologique. En ce sens, sa premièremanœuvre fut aussi caricaturale qu’inefficace. En effet, devant lamultiplication des conflits au cours de ces deux dernièresannées, « les autorités ont crééau sein de la police une commission chargée des questionsouvrières et mis à la disposition des ouvriers unnuméro de téléphone gratuit pour faire étatde leurs plaintes, la plupart ayant trait au non-paiement dessalaires. » (Le Berry.fr). Il est difficile defaire plus provocateur. Faire ses doléances directement auxforces de répression, autant monter directement dans uncharter ! Par contre, beaucoup plus adroite est la volontédu gouvernement de former des syndicats dans les entreprises pourservir de pare-feu, de « l’intérieur »,aux luttes à venir.
La questionn’est pas la perspective de la lutte dans un Etat en modèleréduit comme Dubaï, mais bien en quoi cette lutteparticipe d’un mouvement beaucoup plus large : la lutteinternationale de la classe ouvrière. « Lesprolétaires n’ont pas de patrie »proclamaient dès 1848 Marx et Engels dans Le Manifestecommuniste. Les luttes actuelles des prolétaires sontreliées à la même chaîne de l’exploitationcapitaliste. C’est aussi une chaîne de solidarité dansle même combat. De l’Inde à Dubaïen passant par la Chine, l’Egypte, le Moyen-Orient, le continentafricain ou l’Amérique latine, comme dans les pays d’Europeet de l’Amérique du Nord, la classe ouvrièredéveloppe son combat. Ce caractère international de lalutte de classe exprime une combativité exemplaire et contientdes éléments de solidarité qui permettent unemassivité grandissante de la lutte. C’est un formidableencouragement pour que les prolétaires du monde entier et enparticulier ceux des pays développés et surtoutd’Europe développent leurs luttes. Car c’est à cesderniers, dont l’expérience de la lutte est la plus forte etla plus ancienne, que revient la tâche de montrer que laperspective est le renversement de ce système d’exploitation,de faire partager son expérience historique accumulée,de montrer en pratique comment prendre en mains et organiser lesluttes, de montrer pourquoi il n’est pas possible de faireconfiance aux syndicats et aux forces de gauche pour cela.
C’estpour éviter ce partage des expériences et la prise deconscience qui en découle que la bourgeoisie et ses médiasaux ordres font tout pour que les nouvelles des luttes qui sedéroulent aux quatre coins du monde ne circulent pas àl’échelle internationale. Les luttes de Dubaï etd’ailleurs sont en effet la preuve vivante que partout la classeouvrière subit les effets dévastateurs de la criseéconomique et surtout que, partout, elle redresseprogressivement la tête, elle développe sa combativité,sa solidarité et sa conscience.
Map (18novembre)
2 Lirenotre article sur les luttes en Égypte [91] , RévolutionInternationale n° 384de novembre 2007.
Toutaugmente ! La flambée des prix de l’énergiealourdit les factures de chauffage et renchérit le coûtdes déplacements domicile-travail. Le prix des produits depremière nécessité, comme le pain et le lait,explose littéralement. Au supermarché, le mêmebudget remplit de moins en moins le chariot ! Tout augmente…sauf les salaires.
« Leproblème est universel. Pour la première foispeut-être, que l’on habite un pays riche ou pauvre, on parlela même langue : les Italiens s’inquiètent duprix des pâtes, les Guatémaltèques de celui de lagalette de maïs, les Français et les Sénégalaisde celui du pain. »1Le prix du porc, la viande la plus consommée en Chine, apresque doublé en un an, tandis que s’envolent les cours desautres produits agricoles comme la volaille et les œufs. Au Japon,dépendant à 60% de produits importés, la flambéedes prix touche presque tous les aliments.
Pourla bourgeoisie, l’explication principale résiderait dans…une trop bonne santé de l’économie asiatique :« La diminution de laproduction (aggravée par la sécheresse et le boom dubiogazole, entre autres) et l’augmentation de la demande (provenantsurtout de pays émergents comme l’Inde et la Chine, désireuxd’imiter le mode alimentaire occidentale) ont alors entraînéune flambée de prix tout aussi extraordinairequ’inattendue. »2Bref, un problème ordinaire dedéséquilibre entre l’offre et la demande !
Pureintox ! Les hausses de prix découlent directement de lacrise économique. Elles constituent le premier contrecoup, surles conditions de vie de la classe ouvrière mondiale, de lacrise des désormais célèbres subprimes3qui a débuté cet été aux Etats-Unis, .Pour faire face au « trounoir » des dettes du marchéaméricain, toutes les banques centrales n’ont eu pour seuleréponse que d’injecter massivement de l’argent àbas coût (en prêtant aux spéculateurs avec destaux très faibles), espérant ainsi limiter la contagionet les dégâts à court terme. Mais cette politiquen’est même pas un cautère sur une jambe de bois ;elle est une énième fuite en avant dans l’endettement4qui ne fait, en réalité, qu’alimenter et aggraverencore la crise elle-même. En déversant une immensemasse de monnaie sur les banques menacées de faillite et lesbourses, à coups de centaines de milliards de dollars, labourgeoisie, les banques centrales n’ont fait que relancer uneprofonde spirale inflationniste au niveau international5.
Maispourquoi ce « processus inflationniste »touche-t-il particulièrement les matières premièreset les denrées alimentaires de base, indispensables àdes millions d’êtres humains ? La réponse est àl’image de ce système en putréfaction :inhumaine. « Les matièrespremières attirent les spéculateurs, qui alimentent lahausse en cherchant, après la crise de l’immobilieraméricain cet été, des débouchésporteurs sur d’autres marchés. »6.Ainsi « l’exubéranceirrationnelle » de laflambée des carburants s’explique par les investissementsspéculatifs « qui sesont retirés de certains marchés (actions, obligations,monnaies) pour se rabattre sur les ‘commodities’,notamment le pétrole. »7Même chose concernant les céréales : aprèsle krach d’août, « Goldman-Sachset Marc Faber, suivis de pratiquement tous les groupes despéculateurs, conseillent d’investir sur les marchésagricoles, avec des instruments de levier pour pouvoir jouerplusieurs fois sa mise. »8Pour sauver leur capital, tous ces vautours n’hésitent pas àse transformer en véritables affameurs ! Comme l’avoueavec un cynisme sans bornes l’un d’entre eux, « sinous vivons un ralentissement mondial, ça n’affectera pasles produits agricoles car les gens mangent quand même »9 !
L’ONUestime que « nous allonsperdre du terrain face à la faim. »10Doux euphémisme ! Dans les82 pays les plus pauvres, où les dépenses alimentairesreprésentent couramment 60 à 90% du budget, la hausseattendue du blé de 20% condamne à la famine pure etsimple – et donc à la mort – toute une partie de lapopulation ! Depuis 2006, au Mexique, au Yémen, auBrésil, au Burkina Faso, ou encore au Maroc, des émeutesde la faim ont déjà éclaté. En Chine,« la valse des étiquettesremet en question l’amélioration des conditionsd’existence. »11Dans les pays occidentaux, se nourrir correctement devient un luxe.En France, quand la consommation d’environ 400 grammes de fruits etde légumes (préconisée par l’OMS) par personneet par jour représente entre 5 et 12% du SMIC, il est clairque de nombreux ouvriers ne seront plus en mesure de faire face àla satisfaction des besoins les plus élémentaires.
Alire la presse, il est clair que le spectre du krach de 1929 et de laGrande Dépression hante toute la bourgeoisie, avec uneangoisse : « Va-t-onvers un nouveau 1929 ? ».
Il est vraiqu’hier et aujourd’hui présentent des analogies : lesbourses qui vacillent et dont les mouvements de yoyo masquent mal lachute ; les montagnes de dettes qui se révèlentinsolvables, la crise de confiance entre les banques qui,toutes, multiplient les pertes ; la panique des petitsépargnants formant devant leur banque d’interminables queuespour retirer leurs économies, aux Etats-Unis, en Allemagne eten Angleterre ; la perspective pour toute une partie de laclasse ouvrière aux Etats-Unis de se retrouver du jour aulendemain privée à la fois de toit et d’emploi.
En1929, le krach de la Bourse de New York, le célèbre« jeudi noir »(24 octobre 1929), a inauguré la première criseéconomique majeure du capitalisme en déclin, la GrandeDépression des années 1930. Cet effondrement révélala crise de surproduction de marchandises chronique dans la phase dedécadence du capitalisme. Cette crise de 1929 a pris la formed’un effondrement complet qui a marqué les mémoiresparce que la bourgeoisie a appliqué les vieilles recettes quiavaient prouvé leur efficacité lors des crises… du19e siècle (c’est à dire quand le capitalisme étaitencore en plein développement, en période d’ascendance)mais qui là, non seulement restèrent sans effets, maisjouèrent un rôle aggravant dans la nouvelle situationhistorique (la décadence du capitalisme). Concrètement,la restriction par la Banque Fédérale américainede la quantité de monnaie sur le marché a eu pourconséquence la faillite de la plupart des banques, le recul ducrédit et un coup de frein énorme sur l’activitééconomique. Les mesures protectionnistes en faveur del’économie nationale, bientôt imitées partout,ont eu pour conséquence la fragmentation de l’économiemondiale, le blocage du commerce international et, finalement, unrecul encore plus grand de la production.
Depuis lacrise des années 1930, si la bourgeoisie n’a pas trouvéde réelle solution à la crise économiquehistorique de son système12,elle s’est par contre adaptée à cet état decrise permanente, en parvenant à l’étaler dans letemps. En quelque sorte, son vaisseau continue de sombrer, mais pluslentement. Elle a ainsi compris comment utiliser les mécanismesétatiques pour faire face aux crises financières enjouant sur les taux d’intérêts et l’injection deliquidités dans le système bancaire. C’est pourquoila crise économique actuelle qui fait rage depuis 1968, n’apas pris la forme de l’effondrement brutal de 1929. Le déclina été plus graduel. La crise a titubé d’unerécession à l’autre, encore plus grave et plusétendue, passant d’une pseudo-reprise à l’autre,plus brève et plus limitée encore. Celissage de la crise dans une spirale descendante a permis à labourgeoisie de nier l’existence même de la crise et de lafaillite de son système, mais au prix d’une surcharge dusystème capitaliste sous des montagnes de dettes et del’accumulation de contradictions de plus en plus dangereuses pourle capitalisme. La fragilisation extrême du systèmefinancier mondial témoigne de l’usure de tous ces palliatifsutilisés par la bourgeoisie.
Lacrise actuelle n’engendrera donc certainement pas un arrêtbrutal de l’économie comme en 1929. Pourtant, à biendes égards, elle est encore plus grave et profonde. Dans lesannées 1930, aux Etats-Unis, lorsque le NewDeal inaugure le programme de relancede l’économie pour tenter de faire face à sa crise desurproduction, le financement de l’ensemble des mesures àcrédit par des emprunts d’Etat ne représente qu’unepart infime du revenu national annuel (l’équivalent de moinsde trois mois de dépenses militaires lors de la Seconde Guerremondiale) ! Aujourd’hui, la dette américaine atteintdéjà 400% de son PNB ! La certitude de certainsmilieux capitalistes « que la‘Très Grande Dépression US(…) va avoir des conséquencessans commune mesure avec la crise de 1929,(…) même si 1929 reste ledernier point de comparaison possible dans l’histoire moderne »13témoigne de l’inquiétudede la bourgeoisie ! La crise de 2007 a un impact directementmondial. « Commela contagion à l’économie réelle est déjàen cours non seulement aux Etats-Unis mais également surl’ensemble de la planète, c’est désormaisl’effondrement des marchés immobiliers britannique, françaiset espagnol qui est au programme de cette fin d’année 2007,tandis que l’Asie, la Chine et le Japon vont devoir faire facesimultanément à la chute de leurs exportations vers lemarché américain et à la baisse rapide de lavaleur de tous les actifs en dollars US (devise US comme bons dutrésor, actions d’entreprises US, etc.) »14
Cetteperspective d’une sévère récession assortied’une poussée de l’inflation va se traduire par unedégradation brutale des conditions de vie et d’exploitationpour la classe ouvrière partout dans le monde et unepaupérisation croissante irréversible. Malgrétoutes les promesses des politicards de tous bords, le capitalisme,ayant épuisé ses palliatifs, est aujourd’huiincapable de trouver la moindre porte de sortie et de masquer safaillite ouverte. La seule perspective qu’il puisse offrir àl’humanité, c’est encore et toujours plus de misère.L’avenir, l’espoir et le salut de l’humanitéappartiennent à la lutte de la classe ouvrière !
Scott (26novembre)
1 LeMonde du17 octobre 2007.
2 LaRepublica,cité par CourrierInternational n°888.
3Subprimes :crédits hypothécaires à risques.
4 Aprèsl’éclatement de la bulle spéculative Internet en2000-2001 et face au risque d’un plongeon brutal dans larécession, l’État américain a, àl’époque, délibérément et consciemmentcréé de toute pièce une nouvelle bulle poursoutenir la consommation, la bulle immobilière, ensystématisant les prêts aux ménages américainsles plus pauvres. Il aura suffit de quelques années pour quecelle-ci éclate à son tour, avec des risques bien plusgrands encore pour l’économie mondiale (lire notre article« Lacrise immobilière, un symptôme de la crise ducapitalisme »sur notre site web : internationalism.org).
5 « Lamasse de l’argent circulant est déterminée par lasomme des prix des marchandises (pour une valeur constante de lamonnaie), et cette somme des prix par la masse des marchandises encirculation. »(Engels, Surle capital)L’augmentation de la quantité de monnaie en circulationsans augmentation de la production de marchandises constitue unedévaluation ; les prix (expression monétaire dela valeur) doivent donc augmenter dans la même proportion pourexprimer la valeur des marchandises, qui, elle, ne change pas.
6Libération,2 novembre 2007.
7 LeMonde,20 octobre 2007.
8Nouvelle solidarité,3 septembre 2007.
9Bloomberg,19 aoüt 2007.
10 J.Sheeran, directrice exécutive du programme alimentairemondial des Nations Unies.
11Nanfang Zhoumo,journal de Canton.
12 Etpour cause, puisqu’il n’en existe nulle autre que la destructiondu capitalisme !
13GlobalEurope Anticipation,bulletin
n°17.
14 Id.
Le dimanche 25 novembre, à Villiers-le-Bel, dans unebanlieue au nord de Paris, deux adolescents sont morts dans unecollision entre leur minimoto et une voiture de police. Aussitôt,ce drame a déclenché une vague de violences faisantpenser à celles de l'automne 2005. Des centaines de jeunesde la commune et des villes environnantes ont laissé éclaterleur haine contre les forces de répression d'abord, maisaussi contre tout ce qui pouvait représenter à leursyeux, de près ou de loin, l'Etat ou ses institutions. Lebilan témoigne de l'importance de cette déflagrationdestructrice : 120 policiers blessés dont quatregrièvement, ce à quoi il faut ajouter une écolematernelle et une bibliothèque brûlées ainsi quedes centaines de voitures.
Même si ces émeutes n'ont duré que deuxjours, la violence fut beaucoup plus importante qu'en 2005. Cettefois-ci, des coups de feu ont été tirés contrela police.
Comment des gamins de 14, 15 ou 16 ans peuvent ainsi êtreemportés par une telle rage destructrice ? La réponseest simple : ce système les a broyés. C'esttoute une partie de la jeunesse qui, dans les cités-ghettos,est complètement déboussolée, sans repèreautre que la haine du flic et du « système ».Et comment pourrait-il en être autrement ? Ce mondecapitaliste ne leur offre aucune autre perspective que le chômageet la galère des petits boulots précaires etsous-payés, avec, en prime, pour beaucoup d'entre eux, desvexations permanentes à propos de la couleur de leur peau.Leur quotidien est sinistre : s'il n'y a pas de boulot, il ya des flics, partout. Les contrôles sont de plus en plusfréquents et violents. Les gardes à vue se multiplient,pour rien, pour un délit de faciès, pour un regard detravers...
Néanmoins, il faut être clair. Si la violence de cesjeunes est liée à leur désespoir, si elle est unproduit de l'inhumanité de cette sociétéd'exploitation, elle n'en reste pas moins un coup porté enpremier lieu à la classe ouvrière.
D'abord, ce sont leurs parents, leurs grands frères etleurs grandes sœurs qui sont souvent les premières victimesde ces explosions de violence. A qui appartiennent les voituresbrûlées ? Qui est privé le matin du bus,parti en fumé dans la nuit, pour aller au boulot ?Certainement pas la grande bourgeoisie qui copine avec Sarkozy !
Ensuite, ce sont leurs petits frères et leurs petites sœursqui se retrouvent terrorisés, marqués par la vision deleur école incendiée, détruite.
Enfin et surtout, de tels actes ont toujours constitué leprétexte parfait pour renforcer encore et partoutl'Etat-policier. Au nom de la sécurité, de laprotection des « travailleurs », l'Etatutilise chaque fois ce genre d'émeutes pour fliquerdavantage... les travailleurs. C'est d'ailleurs ce que s'estempressé d'annoncer Sarkozy dans son discours présidentieldu 29 novembre.
Ce système d'exploitation est en pleine décomposition.Il ne peut plus offrir que ce genre de spirale infernale : auxjeunes sans avenir et victimes d'une répression permanente,le capitalisme proposera toujours moins d'avenir et toujours plusde répression !
Seule la classe ouvrière peut proposer une véritableperspective1(à cette jeunesse comme à l'ensemble de l'humanité),en opposant à ce pourrissement sur pied de la sociétéses propres valeurs : l'unité et la solidaritéde tous les exploités !
Pawel (1er décembre)
1Pour une analyse plusapprofondie sur la nature des violences émeutières,lire notamment notre article :« Emeutes sociales : Argentine 2001, France 2005, ...Seule la lutte de classe du prolétariat est porteused'avenir [92] ».
Comme nousl’avons déjà dénoncé dans notre presse,l’attaque que subissent les ouvriers de la RATP, de la SNCF ou EDFcontre les régimes spéciaux de retraites n’est qu’unepremière étape des attaques contre les conditions devie de la classe ouvrière. Demain, ce sera au tour de tous lesouvriers de voir leur régime de retraite remis en cause. Enmême temps, les attaques contre la protection sociale sontmises en place avec les franchises sur le remboursement desmédicaments.
Lesétudiants en lutte l’ont bien compris et c’estpourquoi ils ont élargi leurs revendications, non seulement auretrait de la loi de réforme des universités, maisaussi à la défense des régimes spéciauxet au retrait des franchises médicales.
Le spectrede la lutte contre le CPE est réapparu durant quelquessemaines et les syndicats tant ouvriers qu’étudiants ontfait tout leur possible pour qu’une telle dynamique ne puisse pass’enclencher à nouveau, dynamique capable de donner uneperspective au combat de toute la classe ouvrière en Francemais aussi à l’échelle internationale.
Nosinterventions, partout où nos forces nous l’ont permis, dansles assemblées générales (AG) ouvrièreset dans les universités, ont toujours soulignél’importance de la solidarité et de l’unité de tousles secteurs de la classe ouvrière, ce qui a rencontrésouvent le soutien et la sympathie de beaucoup d’ouvriers etd’étudiants. C’est ainsi qu’en province un groupe dejeunes étudiants 1 est venu discuter avec nos camarades et nous a transmis un écritde leur propre expérience du sabotage syndical.
Ce que cescamarades ont vécu dans la lutte est révélateurdu mépris de ces prétendues « organisationsouvrières » pour le mouvement lui-même. Laseule chose qui compte pour elles est que ce mouvement n’échappepas à leur contrôle et qu’il ne puisse pas constituerune véritable force autonome qui permettrait aux ouvriers etaux étudiants de développer une véritablesolidarité et une confiance accrue dans leur lutte commune.
Nous avonssoutenu dans l’AG la proposition de ces camarades d’envoyer unedélégation étudiante la plus large possible auxAG des cheminots. Cette proposition a été votéepar l’assemblée étudiante. Mais déjà,le présidium, autoproclamé, a fait savoir qu’iln’était pas possible d’aller massivement aux AG descheminots, en prétextant les nombreuses actions à menersimultanément. Au final, ce ne sont donc que trois étudiantsqui ont reçu mandat de l’AG pour cette délégation :un militant de l’AGET-FSE, un militant de la JCR et « uneindépendante », comme l’écrivent lescamarades. Eux-mêmes s’étaient présentésau vote de l’AG pour constituer la délégation mais,n’étant pas connus face aux figures syndicales présentesdans l’AG, ils n’avaient aucune chance d’être mandatés.
Maislaissons la parole à ces camarades :
« Noussommes quand même allés aux AG des cheminots, d’unepart parce que nous y étions invités par des camaradesde la gare, d’autre part parce que nous voulions écouter lesinterventions de nos délégués. Mais nous n’avonspas pu les entendre. Nous sommes allés à quatre desassemblées générales et nous ne les avons pastrouvées. Nous avons demandé aux camarades de Sud-Railet à d’autres s’ils les avaient vus dans les autresassemblées générales. Ilsn’y étaient pas. End’autres termes, les délégués étudiants,élus en assemblées générales, n’ont pasrespecté leur mandat. Nous sommes allés le soir aucomité de lutte pour demander pourquoi nos déléguésn’étaient pas venus aux assemblées généralesdes cheminots. Un membre de l’AGET-FSE nous a répondu queles délégués ne savaient nioù ni quand étaientces AG....
Ily eut un précédent. Le 18 octobre, je fus moi aussidélégué étudiant auprès des AG decheminots. Il y avait cinq autres délégués.Personne n’était là au début de l’AG, saufmoi. Seulement deux autres délégués sont arrivésquand l’AG se finissait. A la deuxième AG, j’étaisà nouveau le seul délégué présent.Aucun autre délégué n’avait respectéson mandat. Et là aussi, on nous a dit qu’on n’avait pasles renseignements !
Celafait plus de huit jours que se tiennent des assembléesgénérales de cheminots. Nous ne pouvons pas croire quedes organisations comme l’AGET-FSE et la JCR sont incapablesd’ouvrir leur carnet d’adresses pour trouver le numéro detéléphone d’un syndicat. Nous qui venons àpeine de nous organiser, nous avons pu le faire ! »
Pris lamain dans le sac (un sac à main rempli de magouilles et demanœuvres !), l’AGET-FSE n’a rien trouvé de mieuxque de reprocher aux camarades d’avoir pris des initiatives,prétendument au nom des AG étudiantes. C’est en leurnom propre que ces camarades sont allés aux assembléesgénérales des cheminots, où ils ont étébien accueillis et ont pu prendre la parole, proposant aux cheminotsde venir dans les AG étudiantes (ce qui a étéfait), proposant une distribution de tracts commune au métro.
Comme ledisent ces camarades :
« Alorsque ces opérations ont été des succès,qu’elles ont enfin pu concrétiser le rapprochement desétudiants et des cheminots, on nous reproche d’avoir pristrop d’initiatives, d’avoir outrepassé l’assembléegénérale ! En allant aux assemblées généralesdes cheminots, nous n’avons fait qu’appliquer la décisionvotée depuis bien longtemps par les assembléesétudiantes : se rapprocher des travailleurs. Et en tant quecommunistes, c’est notre devoir de travailler de toutes nos forcespour l’unité pratique de la lutte ! Tout ce que nousavons fait, nous l’avons faitau vu et au sude l’assemblée générale. Nous ne lui avonsrien caché. Ceux qui voulaient participer à nos actionsl’ont fait, ceux qui ne voulaient pasne l’ont pas fait. Nousn’avons jamais rien imposé à l’AG.Seulement nous sommes indépendantsdes organisations qui dirigent actuellement le mouvement.»
Lasolidarité naissante entre ouvriers et étudiants, lefait que des retraités non-cheminots ou des travailleursd’autres secteurs aient pu prendre parfois la parole dans des AG decheminots, tout cela montre les avancées de cette lutte :le combat des cheminots n’est pas leur combat mais celui de laclasse ouvrière, qu’elle soit encore sur les bancs de la facou qu’elle soit retraitée. Cela, les syndicats ne peuventpas l’accepter et ont tout fait pour que de telles manifestationsde solidarité ne se propagent pas plus largement.
Le 22novembre, les camarades ont participé à lamanifestation étudiante dans les rues de Toulouse.Laissons-leur encore la parole :
« Anotre AG, Y. a appelé les étudiants à participerà l’assemblée générale à laMédiathèque, à 15h30, lieu de rassemblement decheminots, électriciens et gaziers. Malheureusement, la CGT ajugé bon d’avancer le rassemblement et de saboter toutetentative d’assemblée générale. Avait-elle étéréellement organisée et par qui ? Toujours est-il quela CGT n’a pas attendu les étudiants et qu’ils se sontbarrés vite fait. Lorsque les étudiants, accompagnésde lycéens, sont arrivés, nous les avons appelésà rejoindre les travailleurs, mais le service d’ordre desétudiants nous a rembarré. De l’autre côté,la CGT a décidé de lever le camp, d’autant plus quecertains travailleurs faisaient des gestes amicaux vers les étudiantset leur demandaient de venir. La manifestation des étudiantsest passée à 50 mètres de la manifestation destravailleurs » !
La force dela lutte, c’est la lutte elle-même. Ces quelques élémentsrapportés ci-dessus nous le montrent. D’un côté,un mouvement qui commence à poser dans la pratique lanécessité de la solidarité dans la lutte de tousles ouvriers, des étudiants jusqu’aux retraités. Dansla continuité de luttes comme le CPE en France, seule l’unitéla plus large des ouvriers peut permettre de constituer unrapport de force capable de faire reculer la bourgeoisie dans sesplans d’austérité et de misère qu’elle nousréserve. Face à cela, la bourgeoisie et son Etat ontmis en place leurs syndicats et les organisations gauchistes commeles JCR. Ces quelques exemples montrent que cette perspective est enmarche. Une importante victoire pour la classe ouvrièresera de reconnaître quels sont ses véritables ennemis.C’est ce qu’elle a commencé à faire dans cettelutte.
RI(29 novembre)
1Un membre de ce groupe se dit trotskiste bien que ne faisantpas partie d’aucune organisation et ils signent leurs écrits« Descommunistes : branche Marx, Lénine, Trotsky ».
Nous publions ci-dessous un courrier qui nous a été adressé par un étudiant de l’université de Caen qui a assisté à une assemblée générale pourrie de sa faculté. Ce courrier constitue un témoignage vivant de la façon dont les syndicats ont tenté de verrouiller les universités en enfermant les étudiants dans une lutte spécifique, isolée de toute la classe ouvrière. Il fait la preuve que les syndicats, dans les universités comme dans les entreprises, se dévoilent de plus en plus clairement comme des chiens de garde de l’ordre capitaliste.
“Chers camarades,
J’ai assisté ce matin au spectacle effrayant de l’assemblée générale de l’université de Caen. La seule organisation des débats suffit à donner la mesure du sabotage syndicale. Je précise d’abord qu’il m’était possible de déterminer l’appartenance, ou non, d’un intervenant à une organisation syndicale, non pas parce qu’il annonçait qu’il en faisait partie mais parce qu’une personne, membre du PCF, m’informait de qui était syndicaliste et de qui ne l’était pas.
La présidence, constituée de trois personnes, était entièrement aux mains de syndicalistes et n’était nullement soumise à un vote de désignation, et encore moins à un vote de destitution. C’est-à-dire que nous avions en face de nous des syndicalistes sans aucune légitimité. Il en allait bien sûr de même des commissions. Il faut noter cependant qu’une seule commission a demandé un mystérieux “vote de confiance” qui portait sur des individus qui ne se sont pas présentés, et ce, avant même que soient prises les décisions de l’AG. Les débats étaient monopolisés quasi-exclusivement par des syndicalistes, notamment ceux de la FSU, et lorsque nous demandions la parole, la présidence nous rétorquait que, je cite, ‘les listes de prise de parole sont closes’, sauf bien entendu lorsque l’un de ses amis syndicalistes demandait la parole. Me voilà dans ce contexte à proposer l’envoi de délégations massives dans les entreprises pour nous solidariser avec les luttes actuelles des travailleurs et ne pas nous isoler. L’assemblée fût d’ailleurs plutôt convaincue par ma proposition puisque de nombreux applaudissements (interdits par la présidence) conclurent mon propos. Mais, chose incroyable, à la fin de l’AG ma proposition n’a même pas été soumise au vote. Et lorsque je pris la parole, au milieu de la cacophonie, pour protester, un syndicaliste m’apostropha brutalement pour me signaler que l’AG n’avait, je cite encore, ‘pas à voter ce genre d’action’ et quand je lui dis que finalement, on passait ‘ma proposition sous le tapis’, voici ce qu’il répondit (tenez-vous bien à votre écran1) : ‘Oui!’
Voilà le récit du triste spectacle dont je voulais vous faire part. Excusez la lourdeur de mon style, et peut-être, les quelques fautes d’orthographes. Le temps malheureusement me manque et ma colère empêche toute concentration.
Fraternellement,
V (Caen, le 8 novembre)”.
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[58] https://www.sntpv.com.br/principal.php
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