Kermesse de "Lutte Ouvrière" : un discours radical pour mieux tromper les ouvriers

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Lutte Ouvrière a tenu, comme chaque année lors du week-end de Pentecôte, sa grande fête dans le parc de son château. Cet événement est toujours une sorte d’immense kermesse où règnent barbe à papa, chamboule-tout et autres réjouissances. Mais encore une fois, l’attraction principale fut sans conteste les inimitables discours contorsionnistes tenus par LO, maniant d’un côté une phraséologie radicale et combative pour de l’autre saper toute volonté de lutte en rabattant les ouvriers vers les ‘solutions’, en forme d’impasse, de la gauche. Il fallait entendre les envolées made in LO (l’organisation partie prenante de toutes les élections et de tous les combats syndicaux) fustigeant sans pitié PS, PC, Verts et syndicats, dénonçant les élections comme un piège ou applaudissant les “jeunes” qui, dans le mouvement contre le CPE, ont pu faire reculer le gouvernement.

 

Lutte Ouvrière soutient les étudiants comme la corde soutient le pendu

Les centaines de milliers d’étudiants auparavant en lutte étaient évidemment absents de cette fête, témoignant par là même leur indifférence voire leur méfiance à l’égard d’Arlette et de sa bande. Seule une poignée d’étudiants ont participé aux différents débats. La fameuse “Cité politique” était cette année un ghetto relégué aux fins fonds du terrain, bien à l’écart de tous les stands. Quant aux nombres de débats, ils étaient réduits comme peau de chagrin. Cette morosité contrastait ainsi furieusement avec l’effervescence des manifestations et les discussions enflammées des AG qui se tenaient seulement quelques semaines plus tôt dans les universités.

Le résultat de tout son travail de racolage parmi les étudiants est plutôt maigre pour LO qui avait pourtant fait une large publicité dans les facs autour de la présence de la compagnie de théâtre “Jolie Môme” qui est venue donner un spectacle autour de chants révolutionnaires (et gauchistes).. C’est donc avec d’autant plus de véhémence que l’organisation trotskiste a mené une véritable “opération séduction” envers les rares proies venues à elle. Ainsi, lors du forum du dimanche intitulé “Après le mouvement anti-CPE, quel bilan ?” et constituant le débat phare du week-end, LO a salué très chaleureusement la lutte contre le CPE, vantant même l’ingéniosité et la combativité des étudiants. Pas une seule critique ne fut formulée. Le présidium est allé jusqu’à organiser le tour de parole comme le faisaient les étudiants dans leurs AG en donnant 3 minutes à chaque intervenant alors que dans tous les autres forums LO laissait parler et surtout coupait les intervenants… à sa guise. Mais à y regarder de plus près, c’est-à-dire en déchirant ce voile de flagorneries, c’est en fait à une véritable entreprise de démolition de la signification de la lutte des étudiants que LO s’est attelée.

Pas un mot sur les assemblées générales qui ont constitué le poumon du mouvement, le lieu où les étudiants ont pris en main leur lutte, ont discuté et se sont organisés collectivement. Pas un mot sur l’ouverture de ces AG aux travailleurs actifs ou retraités. Pas un mot non plus, sur le choix des revendications communes à tous les ouvriers. LO a donc mis sciemment de côté tout ce qui constituait la force du mouvement contre le CPE. Par contre, le présentateur en a fait des tonnes sur des questions totalement secondaires, focalisant ainsi l’attention, par exemple, sur la tactique du blocage des facultés (question qui, sous la houlette gauchiste, a déjà paralysé des AG durant des heures pendant le mouvement).

L’hypocrisie de LO fut d’ailleurs vite révélée par les interventions des quelques étudiants n’appartenant ni à LO ni à la LCR. Un étudiant qui avait participé à la lutte s’est ainsi fortement étonné d’entendre l’organisation trotskiste soutenir ici en parole la volonté et les tentatives d’extension du mouvement des étudiants aux travailleurs salariés alors que dans les faits cette même organisation s’y était opposée dans certaines universités. Ainsi, cet étudiant nous a appris (ce qui n’était pas pour nous étonner) qu’à la faculté de Jussieu à Paris, une délégation d’étudiants avait en effet pour mandat d’aller chercher la solidarité chez les travailleurs du bâtiment qui travaillaient dans les locaux de la fac. Des militants de LO les ont découragés en s’opposant ouvertement à cette initiative avec l’argument suivant lequel cette lutte n’était pas une grande lutte et qu’elle ne concernait pas toute la classe ouvrière ! Cet exemple de sabotage de l’extension du mouvement aux travailleurs est on ne peut plus parlant et dévoile ouvertement la nature anti-ouvrière et la duplicité de l’organisation d’Arlette Laguiller.

 

 

Lutte Ouvrière divise pour mieux régner

Ce sabotage de l’extension n’est pas une erreur locale ou individuelle, elle résulte de la politique générale et permanente de LO. Cette organisation de l’extrême gauche du capital, malgré ses beaux discours, a toujours cherché à diviser les ouvriers, en les enfermant dans leur secteur ou leur entreprise (comme ce fut le cas par exemple lors de la grève de la SNCF en 1986 ou celle des hôpitaux en 1988). Les forums de boîte organisés lors de cette kermesse annuelle en sont encore une illustration : les “débats” étaient disséminés aux quatre coins de la fête et polarisés sur une entreprise particulière et sur “ses” problèmes particuliers.

Par exemple, lors de la discussion dans le forum de l’usine Citroën d’Aulnay, il n’était absolument plus question du CPE et de la lutte des étudiants. Pourtant les interventions du CCI ont rappelé l’importance de ce mouvement pour toute la classe ouvrière, y compris pour les ouvriers de l’usine Citroën d’Aulnay. La réponse de LO fut intraitable : “Ce qu’ont fait les étudiants c’est très bien, mais ce n’est absolument pas possible pour le reste de la classe ouvrière car les ouvriers ne sont pas prêts à se battre”. Et nous pouvons ajouter : surtout quand il sont encadrés par LO ! Les AG souveraines, la nécessité de se battre de façon unie et solidaire quels que soient les secteurs… tout cela fut rejeté d’un revers de main par les porte-parole de LO. Et notre intervention rappelant la lutte des ouvriers métallurgistes de Vigo, en Espagne, où les travailleurs ont mis en pratique les méthodes de lutte des étudiants en France et sont allés chercher la solidarité par délégations massives de 600 ouvriers auprès de l’usine la plus proche, à savoir Citroën 1 ( !), tout cela fut purement et simplement ignoré comme quantité négligeable par LO. Mieux encore, dans ses interventions suivantes, LO a lourdement insisté sur l’absence de combativité de l’usine Citroën d’Aulnay, et sur les efforts “herculéens” qu’il faut aux syndicats pour simplement réussir à faire débrayer “les gars” une heure. Notons au passage que toutes les actions préconisées dans ce forum de boîte soulignaient la nécessité d’utiliser les syndicats alors qu’une centaine de mètres plus loin, devant les étudiants, LO sortait la version radicale de son discours, allant même jusqu’à affirmer que les syndicats sont des organes réactionnaires appartenant à la bourgeoise et cela… “depuis trois quart de siècle !”. Voilà encore un bel exemple du double langage de LO.

 

LO et les élections : “voter ne sert à rien mais surtout votez quand même”

Ne reculant devant aucun mensonge et autre manipulation, LO a sorti la grosse artillerie tant contre l’ensemble de la gauche que sur les élections.

Dans son forum consacré à juin 1936, LO a dénoncé la politique anti-ouvrière des forces de gauche sous le Front populaire, sous Mitterrand, sous Jospin…, affirmant qu’il ne fallait avoir aucune illusion de ce côté pour l’avenir. Rappelons brièvement, et entre autres exemples de collaboration, que LO a appelé à voter Mitterrand en 1974 et en 1981 ! Poussant le bouchon encore un peu plus loin, lors du traditionnel débat de sa kermesse entre LO et la LCR, l’organisation de Laguiller a critiqué avec une grande virulence la participation de la LCR, en pleine lutte contre le CPE, à des meetings unitaires réunissant le PS, le PC, la LCR, les Verts, alors qu’elle-même était présente à cette communion de la gauche “plurielle” comme on a pu le voir par exemple à Toulouse et à Lyon ! 2 C’est preuve à l’appui que nous avons dénoncé ces mensonges éhontés en sortant par deux fois, durant les débats, les affiches de ces fameux meetings au bas desquels le logo “LO” apparaissait au côté de ceux de toutes les autres organisations de gauche et d’extrême gauche .

Quant à la question électorale, l’hebdomadaire de LO vendu à la fête étalait en titre : “Le changement ne viendra pas par les urnes”. Cela prête évidemment à sourire quand on sait que l’icône Arlette est de toutes les élections depuis 1974. Finalement, LO a faite sienne la maxime chiraquienne “plus c’est gros, mieux ça passe”. Le but de ce titre si “radical” est en fait d’emmener les plus sceptiques vers les urnes, mine de rien. Les discours quotidiens de Madame Laguiller lors de cette fête n’ont d’ailleurs cessé de marteler l’objectif de 2007, récolter le plus de voix possible, en maniant à merveille le double langage : “Les élections à venir l’année prochaine, présidentielle et législatives, sont un épiphénomène. Mais c’est une occasion de défendre devant un public large les objectifs politiques qui aujourd’hui correspondent aux exigences et aux aspirations des travailleurs et à leurs intérêts politiques” ou encore “plus ils [les ouvriers] seront nombreux [à voter], plus cela aidera les luttes indispensables”.

Les élections ne sont pas un “épiphénomène” ; elles sont l’instrument majeur de la bourgeoisie pour faire croire à la classe ouvrière que grâce au vote, elle peut s’exprimer et changer les choses. Les élections ne sont pas un moyen pour préparer les luttes, elles en sont au contraire le frein principal. C’est pourquoi la bourgeoisie et son Etat font autant de bruit autour des élections ; c’est pourquoi des pubs passent à la télé proclamant “votez, votez pour n’importe qui, mais votez”. LO participe ici pleinement à cette propagande. Le message qu’elle ne va cesser de marteler durant les 12 mois qui nous séparent de l’élection présidentielle de 2007 sera donc en chuchotant “le changement ne viendra pas par les urnes” pour mieux clamer haut et fort “alors surtout votez” !

 

Telle est la politique bourgeoise de Lutte Ouvrière. Si cette aile gauche du capital se tape aujourd’hui si fort sur la poitrine en criant “vive la lutte !” devant les éléments les plus combatifs de la classe ouvrière, en particulier les jeunes générations, c’est pour mieux saper la confiance et l’unité de l’ensemble du prolétariat, sur le terrain, en répétant quotidiennement dans les boîtes qu’il ne se passe rien ailleurs, que les “gars” ne sont pas motivés et que finalement, pour rependre LO, “dans ces conditions, il ne reste plus qu’à s’en remettre aux syndicats pour organiser quelques débrayages et aller voter pour se faire entendre”.

Mais la réalité, c’est bien au contraire que la classe ouvrière est en train de retrouver le chemin de sa lutte, que partout sur la planète elle développe sa solidarité et sa combativité, n’en déplaise à LO.

Pawel

 

 

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