17e Congrès de RI : l'organisation révolutionnaire à l'épreuve de la lutte de classe

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Le 17e congrès de la section du CCI en France s’est tenu au moment précis où se déroulait le mouvement de lutte des jeunes générations ouvrières contre la généralisation de la précarité. Le mouvement des étudiants contre le CPE exprime à ce jour le point le plus haut atteint par la reprise internationale des luttes ouvrières, qui vient de se confirmer à nouveau à Vigo en Espagne (voir Internationalisme n° 326).

La lutte de classe est entrée maintenant dans une nouvelle période. Face à cette situation, notre organisation se devait, en priorité, d’axer les travaux de ce congrès sur l’analyse et les exigences que posent une situation aussi importante. Le CCI se devait d’en saisir la dimension historique et internationale.

Les travaux de ce congrès se sont ainsi orientés clairement vers la compréhension de toutes les implications que cette lutte pouvait avoir sur notre activité, en particulier sur notre intervention. Dans cette situation, conscient de ses responsabilités, le congrès a pleinement rempli son devoir et ses tâches.

La présence à ce congrès, et sur notre invitation, d’une organisation révolutionnaire venue du Brésil prend alors toute sa signification politique. Il est indéniable que le milieu politique prolétarien est en train d’entrer dans une nouvelle phase de développement après celle que nous avons connue à la fin des années 1960 et au début des années 1970. C’est une donnée essentielle de la nouvelle période historique. Et c’est afin d’être à la hauteur des nécessités de cette nouvelle situation que notre organisation a proposé d’inviter le groupe brésilien Opposition Ouvrière1 (OPOP) à l’ensemble des travaux du congrès.

 

Le 17e congrès de RI tire les leçons de la lutte des jeunes générations

Dès 2003, nous mettions en relief qu’un tournant s’est effectué dans la lutte de classe internationale. Comme nous l’écrivions à l’époque, "les mobilisations à grande échelle, du printemps 2003 en France et en Autriche représentent un tournant dans la lutte de classe depuis 1989. elles sont un premier pas significatif dans la récupération de la combativité ouvrière après la plus longue période de reflux depuis 1968" (Revue Internationale n°119). Cette reprise de la lutte de classe s’avérait certes difficile, mais elle vient de connaître avec le mouvement des étudiants en France une avancée politique très importante. A l’issue de longues et riches discussions, le congrès a souligné toute l’importance de ce premier combat des jeunes générations de la classe ouvrière dans un texte rassemblant l’ensemble des caractéristiques et des leçons de ce mouvement. Les "thèses sur le mouvement des étudiants du printemps 2006 en France" furent ainsi adoptées par le 17e congrès de RI. Celles-ci mettent en avant que "Cette classe [la bourgeoisie] ne pourra supprimer toute l’expérience accumulée pendant des semaines par des dizaines de milliers de futurs travailleurs, le réveil politique et leur prise de conscience. C’est un véritable trésor pour les luttes futures du prolétariat, un élément de premier plan de leur capacité à poursuivre leur chemin vers la révolution communiste." ("Thèses" Revue Internationale n° 125). La dimension internationale de ce mouvement a clairement été développée dans les débats du congrès. Il en va de même bien sûr pour les leçons et l’expérience à en tirer. OPOP, pendant le congrès, s’est situé entièrement dans ce cadre : "… [la] préoccupation [de] l'internationalisme prolétarien (…) a été explicite dans la plupart des discussions, vu que la lutte de classe a été abordée, dans la plupart des interventions, sous un prisme internationaliste, même lorsqu'il s'agissait de la situation en France" (prise de position de OPOP sur les travaux du congrès de RI).

 

Solidarité et culture des débats : le CCI développe l’expérience de la Gauche communiste

Cette capacité à comprendre profondément la signification historique et internationale de la lutte des jeunes générations en France a trouvé également une concrétisation dans le renforcement de la cohésion interne du CCI. Ce congrès a manifesté une volonté profonde de clarification de la part de toutes les délégations du CCI et de tous les militants. Mais cette clarification n’est pas possible sans une vision et une vie prolétarienne interne toujours plus solide, marquée par un esprit profond de camaraderie dans les débats.

La solidarité, la confiance des camarades entre eux et envers l’organisation sont indispensables à une véritable culture prolétarienne des débats. Cette culture du débat, la volonté de confronter les arguments a été, pendant le congrès, tout particulièrement saluée par la délégation d’OPOP qui a pu, grâce à un climat fraternel dans les discussions, s’inscrire tout naturellement dans les débats : "Nous pensons que, suite aux débats qui ont déjà eu lieu entre nos deux organisations tant au Brésil qu'en France, il existe à présent des éléments permettant une activité commune, ou au moins des travaux communs, à chaque fois que cela sera possible et s'inscrira dans le développement de nos deux organisations avec en vue le développement de la conscience et de l'organisation des travailleurs du monde entier."

Une telle capacité de s’inscrire clairement dans l’activité du milieu politique prolétarien, comme on l’a vu au congrès, a été accueillie avec enthousiasme par notre organisation. Il est en effet nécessaire, malgré les désaccords qui peuvent persister entre organisations, que tout groupe du milieu politique prolétarien participe activement à la clarification, à l’élaboration théorique sur les problèmes centraux posés au prolétariat. Comme il est indispensable que doive être développée, face à des situations cruciales pour le prolétariat, une intervention commune. Contre tout sectarisme, immobilisme, opportunisme, et aux côtés du CCI, OPOP a manifesté une compréhension riche de promesses pour l’avenir : "Malgré quelques différences que nous avons perçues, traitées et approfondies dans les discussions et rencontres appropriées, nous tenons à mettre en évidence les points que nous avons en commun : nous sommes deux organisations qui appartiennent au camp du prolétariat, qui ne cherchent pas à disputer l'espace politique bourgeois, qui ne se font pas d'illusions sur les organisations syndicales qui sont enchaînées à l'Etat capitaliste mais qui les combattent." La démarche politique que manifeste OPOP dans ce passage de sa prise de position sur les travaux du congrès est sans équivoque. C’est cette même démarche que nous avons mise en avant depuis la fondation du CCI. C’est encore cette démarche qui, à l’image d’OPOP, va traverser les nouveaux groupes prolétariens , à l’opposé de celle qui a gangrené le milieu issu de la Gauche communiste depuis la reprise historique de la lutte de classe à la fin des années 1960.

 

Le congrès face aux responsabilités des révolutionnaires

Sur la base de ces débats notre organisation, tout en continuant d’être partie prenante du mouvement des jeunes générations contre le CPE, n’a pas manqué de tracer des perspectives d’activité pour l’avenir. Le congrès a clairement affirmé que c’est l’intervention qui doit orienter l’activité du CCI dans la période de remontée de la lutte de classe au niveau international. Mais dans ce domaine tout particulièrement, le présent ne s’oppose pas à l’avenir. La mobilisation intensive de l’organisation pour l’intervention dans les assemblées générales des étudiants comme dans les manifestations, a été un élément déterminant pour inscrire nos perspectives d’activité dans les besoins historiques de la lutte du prolétariat. Comme le démontre concrètement la lutte dans les universités et dans les lycées, les jeunes générations tout en luttant contre la dégradation des conditions de vie de toute la classe ouvrière ont immédiatement et simultanément posé des questions politiques plus larges : quelles perspectives offre le capitalisme à l’humanité ? Pourquoi le monde s’enfonce-t-il dans la misère et la guerre ? Répondre à ce questionnement qui se développe au sein des nouvelles générations doit être une des priorités de l’activité des révolutionnaires. Le congrès s’est fermement inscrit dans cette orientation d’activité. Ce sont ces orientations et ces discussions sur la lutte internationale du prolétariat et ses exigences tant de manière immédiate qu’à plus long terme qui ont été tout particulièrement soulignées par OPOP : " … nous sommes reconnaissants qu'il nous ait été permis de participer à une réunion où les préoccupations et les discussions ont été déterminées par la lutte de classe au niveau international, où s'est vérifié le fait que nous étions, depuis un certain temps déjà, en train de vivre une période historique de reprise du développement de la conscience de la classe ouvrière à l'échelle mondiale, et où enfin a été mise en évidence l'importance du rôle des nouvelles générations, qui n'ont pas été affectées par les faiblesses et les conditionnements politiques des précédentes, dans les luttes futures des travailleurs du monde entier. OPOP partage la vision qu'il existe une dynamique de reprise de la conscience, engendrée par l'aggravation de la crise du capitalisme et par la nécessité de réagir face à la précarisation engendrée par le système et qui est mise massivement en application au moyen des différentes réformes promulguées par l'Etat aux quatre coins de la planète.

Nous nous gardons cependant d'une vision trop optimiste à court terme, laquelle a peut-être existé au sein d'un congrès qui se déroulait à la chaleur de la lutte des étudiants et des travailleurs en France." Il est parfaitement clair qu’OPOP partage avec le CCI la compréhension de la reprise internationale de la lutte de classe amorcée en 2003, comme l’importance grandissante en son sein des jeunes générations. Par contre, nous voulons ici signaler le fait que notre organisation ne partage pas l’idée que le CCI, lors de ce congrès, aurait été trop "optimiste". Nous ne pouvons, dans le cadre de cet article, développer une réelle réponse à la remarque d’OPOP. Nous invitons les camarades à lire attentivement nos thèses qui développent et argumentent largement sur l’importance historique et internationale de ce mouvement à long terme. Cependant, nous voudrions dès à présent attirer l’attention sur la signification politique de la peur qu’a ressentie la bourgeoisie face à la possibilité d’extension du mouvement à l’ensemble de la classe ouvrière courant avril. C’est bien face à ce danger et à l’exemple qu’il pouvait représenter pour le prolétariat dans d’autres pays que la bourgeoisie a développé sa contre-offensive politique. En France, elle a été obligée de retirer le CPE après la grande manifestation du 4 avril. Dans d’autres pays d’Europe telle l’Allemagne, la classe dominante a dû mettre de côté, au moins pour un temps, les projets de lois équivalents au CPE. Cette réalité démontre le contenu hautement prolétarien de ce mouvement, son importance de façon immédiate mais plus encore pour les luttes futures.

 

La lutte de classe doit s’approprier la morale prolétarienne

Dans ce congrès, une discussion particulière a été développée sur l’évolution dans l’organisation d’un débat interne commencé au niveau international en juin 2004 sur les questions de l’éthique et de la morale prolétarienne. Cette discussion se révèle être cruciale pour le combat de l’ensemble de la classe ouvrière, mais également pour le renforcement de la vie de ses minorités révolutionnaires. Notre organisation, dès sa fondation, s’est préoccupée de ces questions. Mais cette préoccupation s’est manifestée d’une manière plus intuitive que consciemment assumée. Il nous aura fallu être confrontés aux comportements de voyous et de mouchards d’une petite association de malfaiteurs auto-proclamée de façon mensongère "Fraction Interne du CCI" pour que nous comprenions la nécessité de nous affronter théoriquement à la question de l’éthique en lien avec celle du comportement politique des révolutionnaires.

La dégénérescence des moeurs dans la société capitaliste, la montée du chacun pour soi et la décomposition du tissu social ont provoqué un développement indéniable du pessimisme sur les qualités humaines, un rejet, voire même un déni, de l’importance des valeurs morales qui distinguent l’espèce humaine du monde animal. L’Homme aurait toujours été et sera à jamais un loup pour l’Homme selon la célèbre formule de Hobbes. A cette vision nihiliste de la bourgeoisie à propos de la "nature humaine", les révolutionnaires se doivent d’opposer celle du prolétariat. A la vision de la négation de toute morale de la part de ce capitalisme décadent doit être opposée à la morale prolétarienne. C’est pour cela que depuis maintenant deux années, sur ce sujet, notre organisation développe en profondeur une réflexion et un débat théorique. Pour le marxisme, l’origine de la morale réside dans la nature entièrement sociale et collective de l’humanité. Connaître les origines de la morale, son évolution à travers l’Histoire est indispensable pour la capacité du prolétariat à développer la morale prolétarienne sous tous ses aspects. Dans ce sens, il est donc également nécessaire de se réapproprier la lutte du marxisme contre la "morale" bourgeoise.

C’est sur l’avancée de l’approfondissement théorique déjà effectué par l’organisation sur ces questions que le congrès a travaillé. Il a décidé de poursuivre ce débat afin que le fruit de cette élaboration théorique collective puisse être répercuté dans notre presse et transmise à l’ensemble de la classe ouvrière.

L’importance de la question de l’éthique et de la morale prolétarienne pour le combat de classe n’a pas échappé à OPOP. Cette organisation a manifesté pendant le congrès, à travers sa délégation, le désir de participer concrètement à ces discussions. Nous avons accueilli avec le plus grand intérêt cette initiative de OPOP : "Un autre aspect à souligner a été la discussion sur l'éthique. Il est salutaire qu'une organisation du prolétariat se préoccupe et s'implique dans la formation de ses militants, formation politique générale mais également concernant le comportement militant. Bien que nous n'ayons assisté qu'à des discussions relatives à des conclusions partielles d'une discussion qui (comme cela nous a été dit) se développe déjà depuis deux ans, nous avons pu percevoir une tentative d'approfondissement du sujet, qui est néanmoins exposée au risque d'une certaine fragmentation (ceci dit, nous n'avons pas connaissance de l'ensemble des discussions en cours)." OPOP exprime ici dans sa prise de position une compréhension en profondeur de l’importance politique de cette question. Il souligne avec raison qu’il a existé une certaine dispersion dans ce débat sur l’éthique pendant le congrès. Mais ce qui a pu apparaître fragmenté dans cette discussion est en fait le reflet de l’immensité de la tâche théorique à mener. Les questions de l’éthique et de la morale prolétarienne, celles sur la "nature humaine" nécessitent d’investiguer le champ des sciences afin d’en retenir ce qui peut enrichir la vision marxiste. Cela a toujours été une préoccupation du marxisme que de se tenir au courant et d’assimiler les avancées scientifiques et techniques de la civilisation humaine. Le travail d’Engels dans "La dialectique de la nature" en est, entre autres, une claire illustration. C’est ce même type de travail théorique que notre organisation s’est engagée à poursuivre aujourd’hui sur la question de la morale prolétarienne 2.

 

Les nouveaux groupes prolétariens surgissant dans cette période de remontée des luttes ouvrières exige du CCI qu’il assume pleinement ses responsabilités d’organisation de la Gauche communiste. L’organisation prolétarienne Opposition Ouvrière, qui a surgi dans les années 1980, est portée, dans sa dynamique, dans son ouverture au débat et à la confrontation sérieuse et fraternelle comme dans l’intervention commune des révolutionnaires, par la dynamique profonde de ce nouveau milieu. Face à l’émergence de ce nouveau milieu prolétarien, le CCI continuera à assumer ses responsabilités, dans le même état d’esprit qu’il l’a fait dans ce congrès et que OPOP a salué : "Nous avons eu le très grand honneur de participer, au printemps de cette année, au congrès de la section du CCI en France. Nous avons assisté, en tant que groupe invité, au déroulement des travaux du congrès que nous avons suivis attentivement, avec la possibilité d'intervenir à chaque fois que nous l'avons jugé nécessaire."

Le CCI se doit d’être un élément moteur du pôle de clarification et de regroupement pour les forces révolutionnaires dans l’avenir. L’expérience accumulée par le CCI en matière de conception de l’organisation et de fonctionnement est un élément indispensable aux nouvelles organisations prolétariennes. Un congrès est un moment essentiel de la vie d’une organisation révolutionnaire dans lequel se manifeste concrètement la conception organisationnelle de celle-ci. "A l'ordre du jour du congrès du CCI figurait un bilan de l'activité de l'organisation, discussion grâce à laquelle nous avons pu découvrir grandement le fonctionnement de cette organisation, avec la possibilité d'en retirer des enseignements pour notre propre vie politique, comme la manière dont on traite de la presse révolutionnaire, l'importance et l'utilité d'Internet, un instrument supplémentaire au service de la propagande et d'une intervention réellement prolétarienne" (OPOP). C’est cette expérience de notre vie interne que le congrès s’est efforcé de transmettre à OPOP.

Après plus de dix années de tendance à l’isolement des groupes issus du courant de la Gauche communiste, le développement actuel de la vague internationale de luttes ouvrières ouvre la perspective d’un nouveau pôle de regroupement à l’échelle internationale. La présence d’OPOP au 17e congrès de RI, sa participation fraternelle aux débats, sa volonté de poursuivre la discussion avec le CCI, constituent une claire illustration de la dynamique de remontée de la lutte et de la conscience de classe à l’échelle internationale.

CCI

 

 

 

1 Ce groupe, avec lequel le CCI développe une relation de discussion et collaboration politiques, appartient clairement au camp du prolétariat du fait en particulier de son engagement dans le combat internationaliste en vue de la victoire du communisme. Il démontre par ailleurs une clarté significative concernant la nature des syndicats et la mystification démocratique et électoraliste. Pour consulter son site : opop.sites.uol.com.br

2 Le compte-rendu que nous pouvons faire ici de ces deux années de débat, sur lequel le congrès a fait le point, ne peuvent évidemment pas être développé dans le cadre de cet article. Le CCI publiera très prochainement un texte reflétant les premières avancées de son débat sur cette question.

Conscience et organisation: 

Courants politiques: