Révolution communiste ou destruction de l'humanité

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Jamais dans l'histoire les enjeux n'ont été aussi dramatiques et décisifs que ceux d'aujourd'hui. Jamais une classe sociale n'a dû affronter une responsabilité comparable à celle qui repose sur le prolétariat.
"Le Communisme est mort !", "Ouvriers, il est inutile d'espérer mettre fin au capitalisme, ce système a terrassé définitivement son ennemi mortel". Voilà ce que la bourgeoisie répète sur tous les tons depuis que s'est effondré le bloc de l'Est. Ainsi, le plus grand mensonge de l'histoire, l'identification du communisme avec le stalinisme, c'est-à-dire une des formes les plus barbares de l'exploitation capitaliste, nous est servi une nouvelle fois au moment où ce même stalinisme se disloque dans la boue et le chaos. Pour les classes dominantes de tous les pays, il s'agit de convaincre leurs exploités qu'il est vain de lutter afin de changer le monde. "Il faut se contenter de ce que nous avons, car il n'y rien d'autre. Et gare si le capitalisme était renversé : la société qui lui succéderait serait encore pire". La capitulation sans gloire du stalinisme à partir de 1989, l'effondrement ignominieux du bloc qu'il dominait nous ont été présentés comme une "grande victoire de la Démocratie et de la Paix". Ils devaient annoncer "un nouvel ordre mondial", pacifique et prospère, où les "droits des hommes" seraient enfin respectés.
Alors que la salive de ces discours n'était pas encore sèche, les grands pays qui se veulent "civilisés" ont, en 1991, déchaîné une barbarie guerrière sans nom au Moyen-Orient, écrasant sous les bombes des centaines de milliers d'êtres humains, transformant l'Irak en un champ de ruines et de cadavres, faisant subir de façon monstrueuse aux populations de ce pays la "punition" qu'ils prétendaient infliger aux dirigeants qui exploitent et oppriment ces mêmes populations.
"Mais maintenant c'est fini" nous assure la bourgeoisie la main sur le coeur. "Cette guerre était nécessaire, nous dit-elle, pour qu'il n'y en ait jamais d'autre ; en faisant respecter le Droit international, elle a ouvert la porte d'un monde enfin solidaire, où les conflits pourront se régler de façon pacifique sous l'égide de la Communauté Internationale et autres Nations-Unies".
Face à ces bouleversements, face à ce déferlement de barbarie et de mensonges, le prolétariat mondial est resté paralysé. La classe dominante aurait-elle gagné la partie de façon définitive ? Aurait-elle une fois pour toutes surmonté les contradictions qui assaillent son système depuis ses origines, et particulièrement ces dernières décennies ? Aurait-elle exorcisé le spectre de la révolution communiste qui hantait ses nuits depuis plus d'un siècle ? C'est bien ce qu'elle veut faire croire aux exploités. Mais il ne faut pas s'y tromper. Le monde qu'elle nous propose, et qu'elle nous appelle à préserver, ne sera pas meilleur mais bien pire encore que celui d'aujourd'hui. Pour sa part, la classe ouvrière n'a pas dit son dernier mot. Même si elle a été momentanément baillonnée, elle continue de porter en elle la force pour mettre fin au capitalisme et à la barbarie qu'il engendre. Plus que jamais, son combat constitue le seul espoir pour l'humanité, pour que celle-ci se libère de ses chaînes, de la misère, des guerres et de toutes les calamités qui l'ont accablée jusqu'à présent.
Voilà ce que les révolutionnaires doivent dire à leur classe. Voilà ce que veut affirmer le présent manifeste.

Face aux campagnes répugnantes de la propagande bourgeoise, le premier devoir des révolutionnaires est de rétablir la vérité, de rappeler au prolétariat ce que fut réellement, et ce que sera, la révolution communiste qu'on se plait aujourd'hui à charger de tous les maux dont souffre l'espèce humaine. En particulier, il leur appartient de dénoncer ce monstrueux mensonge présentant comme "communistes" les régimes qui ont dominé toute une partie du monde pendant des décennies et montrer pourquoi ces régimes n'étaient pas les enfants, même bâtards, de la révolution prolétarienne, mais bien ses fossoyeurs.

LE STALINISME N'EST PAS L'ENFANT DE LA REVOLUTION

Au début de ce siècle, pendant et après la première guerre mondiale, le prolétariat a livré des combats titanesques qui ont failli venir à bout du capitalisme. En 1917, il a renversé le pouvoir bourgeois en Russie. Entre 1918 et 1923, dans le principal pays européen, l'Allemagne, il a mené de multiples assauts pour parvenir au même but. Cette vague révolutionnaire s'est répercutée dans toutes les parties du monde, partout où il existait une classe ouvrière développée, de l'Italie au Canada, de la Hongrie à la Chine. C'était la réponse qu'apportait le prolétariat mondial à l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence dont la guerre mondiale avait constitué la première grande manifestation. C'était la confirmation éclatante de toutes les prévisions mises en avant par les révolutionnaires depuis la moitié du XIXe siècle : l'heure était venue pour le prolétariat, comme l'avait annoncé le Manifeste communiste de 1848, d'exécuter la sentence prononcée par l'histoire contre le capitalisme, contre un système de production désormais incapable d'assurer le progrès de l'humanité.

La défaite de la classe ouvrière et la contre-révolution capitaliste

Mais la bourgeoisie mondiale a réussi à contenir ce mouvement gigantesque de la classe ouvrière qui ébranlait la planète. Surmontant la frayeur que lui inspirait la perspective de sa propre disparition, elle a réagi telle un fauve blessé, jetant toutes ses forces dans la bataille, ne reculant devant aucun crime.

En un tournemain, elle a fait taire les antagonismes impérialistes qui l'avaient déchirée pendant quatre années de guerre afin d'opposer un front uni face à la révolution. Par la ruse et la répression, les mensonges et les massacres, elle a vaincu les masses ouvrières insurgées. Elle a entouré la Russie révolutionnaire d'un "cordon sanitaire" en forme d'un blocus livrant à la pire des famines des dizaines de millions d'êtres humains, famines qu'elle s'est évidemment empressée de mettre sur le compte du mouvement révolutionnaire lui-même. Par un soutien massif, en hommes et en armements, aux armées blanches du tsarisme déchu, elle y a déchaîné une guerre civile effroyable, provoquant des millions de morts et détruisant totalement l'économie. Sur ce champ de ruines, isolée par l'échec de la révolution mondiale, décimée par les combats et la famine, la classe ouvrière de Russie, bien qu'elle ait réussi à repousser et vaincre les armées de la contre-révolution, n'a pu conserver le pouvoir qu'elle avait pris entre ses mains en octobre 1917. Elle pouvait encore moins "construire le socialisme". Battue dans les autres pays, et particulièrement dans les grandes métropoles industrielles d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord, elle ne pouvait être que vaincue en Russie même.

La victoire de la contre-révolution à l'échelle du monde s'est répercutée dans ce pays, non pas sous la forme d'un renversement de l'Etat qui avait surgi après la révolution, mais par une dégénérescence de cet Etat. Dans un pays qui, du fait du maintien du pouvoir bourgeois au niveau mondial, ne pouvait pas se libérer du capitalisme, c'est l'appareil de cet Etat qui a constitué la nouvelle forme de la bourgeoisie chargée d'exploiter la classe ouvrière et de gérer le capital national. Le parti bolchévik, après avoir été à l'avant-garde de la révolution en 1917, a subi pour sa part également cette dégénérescence en s'identifiant de plus en plus avec l'Etat. En son sein, les meilleurs combattants de la révolution ont été progressivement écartés des responsabilités, exclus, exilés, emprisonnés, puis finalement exécutés par toute une couche d'arrivistes et de bureaucrates qui a trouvé en Staline son meilleur représentant et dont la raison d'être n'était plus de défendre les intérêts de la classe ouvrière mais, au contraire, d'exercer sur elle, par le mensonge et la répression, la plus ignoble des dictatures afin de préserver et consolider la nouvelle forme de capitalisme qui s'était instaurée en Russie.

Les autres partis de l'Internationale, les partis "communistes", ont suivi le même chemin. L'échec de la révolution mondiale et le désarroi qui s'en est suivi dans les rangs ouvriers ont favorisé le développement de l'opportunisme au sein de ces partis, c'est-à-dire d'une politique qui sacrifie les principes révolutionnaires et les perspectives historiques du mouvement de la classe ouvrière à d'illusoires "succès" immédiats. Cette évolution des partis communistes a permis la montée en force des éléments qui pensaient plus à faire carrière dans les rouages de la société bourgeoise, au Parlement ou dans les municipalités, qu'à combattre aux côtés de la classe ouvrière et à défendre ses intérêts. Infestés par la maladie opportuniste, tombés sous le contrôle de bureaucrates arrivistes, soumis à la pression de l'Etat russe qui, par le mensonge et l'intimidation, a promu ces bureaucrates aux organes de direction, ces partis, après avoir chassé de leurs rangs les éléments fidèles au combat révolutionnaire, ont fini par trahir et passer avec armes et bagages dans le camp de la bourgeoisie. Au même titre que le parti bolchévik dominé par le stalinisme, ils se sont convertis en avant-garde de la contre-révolution dans leurs pays respectifs. Ce rôle, ils ont pu le tenir d'autant mieux qu'ils ont continué à se présenter comme les partis de la révolution communiste, les héritiers de l'Octobre rouge. De même que Staline, pour asseoir son pouvoir dans le parti bolchévik dégénérescent, pour en éliminer les militants les plus sincères et dévoués à la cause du prolétariat, s'était paré de tout le prestige de Lénine ; de même, les partis staliniens, pour saboter plus efficacement les luttes ouvrières, ont usurpé le prestige qu'avaient acquis, aux yeux des ouvriers du monde entier, la révolution russe de 1917 et les combattants bolchéviks.

L'identification entre le stalinisme et le communisme, qu'on nous ressert de nouveau aujourd'hui, constitue certainement le plus grand mensonge de l'histoire. En réalité, le stalinisme est le pire ennemi du communisme, sa négation même.

Le communisme ne peut être qu'internationaliste,
le stalinisme, c'est le triomphe du chauvinisme

Ainsi, depuis ses origines, la théorie communiste a placé l'internationalisme, la solidarité internationale de tous les ouvriers du monde, à la tête de ses principes. "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous", tel était le mot d'ordre du Manifeste communiste rédigé par Marx et Engels, les deux principaux fondateurs de cette théorie. Ce même manifeste affirmait clairement que "les prolétaires n'ont pas de patrie". Et si l'internationalisme a toujours eu une telle importance pour le mouvement ouvrier, ce n'est pas à cause des idées utopiques de quelques faux prophètes, mais parce que la révolution du prolétariat, qui seule peut mettre fin à l'exploitation capitaliste et à toute forme d'exploitation de l'homme par l'homme, ne peut avoir lieu qu'à l'échelle internationale.

C'est bien cette réalité qui était exprimée avec force dès 1847 : "La révolution communiste (...) ne sera pas une révolution purement nationale ; elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés (...) Elle exercera également sur tous les autres pays du globe une répercussion considérable et elle transformera complètement et accélèrera le cours de leur développement. Elle est une révolution universelle ; elle aura, par conséquent, un terrain universel." (F. Engels, Principes du communisme).

C'est encore ce même principe qui fut défendu bec et ongles par les bolchéviks au moment de la révolution en Russie : "La révolution russe n'est qu'un détachement de l'armée socialiste mondiale, et le succès et le triomphe de la révolution que nous avons accomplie dépendent de l'action de cette armée. C'est un fait que personne parmi nous n'oublie (...). Le prolétariat russe a conscience de son isolement révolutionnaire, et il voit clairement que sa victoire a pour condition indispensable et prémisse fondamentale, l'intervention unie des ouvriers du monde entier" (Lénine, 23 juillet 1918).

C'est pour cela que la thèse de la "construction du socialisme dans un seul pays", mise en avant par Staline en 1925, après la mort de Lénine, n'est rien d'autre qu'une trahison éhontée des principes élémentaires du mouvement ouvrier. A la place de l'internationalisme, pour lequel les bolchéviks et tous les révolutionnaires avaient toujours combattu, particulièrement au cours de la Première Guerre mondiale qui avait pris fin justement grâce à l'action des prolétaires en Russie et en Allemagne, Staline et ses complices se font les porte-parole du nationalisme le plus abject.

En Russie, on reprend, sous prétexte de défense de la "patrie socialiste", les vieilles campagnes chauvines qui avaient servi de drapeau aux armées blanches dans leur combat contre la révolution prolétarienne, quelques années auparavant. Et, lors de la seconde guerre mondiale, Staline se glorifie de la participation de son pays à la boucherie impérialiste, des 20 millions de soviétiques morts pour la "victoire de la Patrie". Dans les autres pays, les partis staliniens se font un devoir de mêler les hymnes nationaux aux accents de L'Internationale, le chant universel du prolétariat, de mélanger le drapeau rouge, étendard des combats ouvriers depuis presque un siècle, à tous les torchons nationalistes arborés par les flics et les militaires lorsqu'ils massacraient les travailleurs. Et dans l'hystérie chauvine qui se déchaîne à la fin de la Deuxième Guerre mondiale dans les pays occupés par les armées allemandes, les partis staliniens revendiquent fièrement la première place, et ne veulent laisser à personne d'autre qu'eux le soin d'assassiner comme "traitres à la patrie" ceux qui tentent de faire entendre une voix internationaliste.

Nationalisme contre internationalisme, voilà bien la preuve, s'il n'en fallait qu'une, que le stalinisme n'a rien à voir avec le communisme. Mais ce n'est pas tout.
Le communisme, c'est l'abolition de l'exploitation, grâce à la dictature du prolétariat, le stalinisme, c'est la dictature sur le prolétariat afin de maintenir son exploitation.

Le communisme ne peut s'établir qu'avec la dictature du prolétariat, c'est-à-dire par le pouvoir de la classe des travailleurs salariés sur l'ensemble de la société. Ce pouvoir, la classe ouvrière l'exerce grâce aux conseils ouvriers, c'est-à-dire les assemblées souveraines de travailleurs à qui revient la responsabilité des décisions essentielles concernant la marche de la société et qui contrôlent en permanence ceux qu'elles délèguent pour les tâches de centralisation et de coordination. C'est bien sur ces principes que s'était mis en place le pouvoir des "soviets" ("conseils" en russe) en 1917. Le stalinisme représente la négation totale d'un tel régime. La seule dictature qu'il connaisse n'est pas celle du prolétariat mais, au nom de cette dernière, la dictature sur le prolétariat d'une petite minorité de bureaucrates, s'appuyant sur la terreur la plus monstrueuse, sur les flics, la délation, les camps de concentration et les massacres des ouvriers qui osent se révolter contre lui, comme on l'a encore vu en Hongrie en 1956, en Pologne en 1970 et en 1981.

Enfin le communisme signifie l'abolition de l'exploitation de l'homme par l'homme, la fin de la division de la société entre des classes privilégiées et des classes exploitées dont le travail sert avant tout à engraisser les premières. Dans les régimes staliniens, les ouvriers n'ont pas cessé d'être exploités. Leur travail, leur sueur et leurs privations n'ont d'autre objectif que de permettre aux membres dirigeants de l'appareil du Parti-Etat de continuer à jouir de leurs privilèges, de bénéficier de résidences luxueuses alors que les familles ouvrières s'entassent dans des logements minables, de disposer de magasins spéciaux où il ne manque rien alors que les magasins destinés aux travailleurs sont désespérément vides et qu'il faut faire des heures de queue pour avoir une chance de trouver un petit bout de viande à moitié avarié. En outre, dans la société communiste, la production est fondamentalement orientée vers la satisfaction des besoins humains : bel exemple de société "communiste" - ou "en transition vers le communisme" - que celle de l'URSS et des autres pays du même type où, plus encore que dans les pays officiellement capitalistes, le meilleur de la production est destiné aux armements, aux moyens de destruction les plus sophistiqués et meurtriers.

En fin de compte, les régimes qui ont régné pendant des décennies sur toute une partie du monde au nom du communisme, du socialisme ou de la classe ouvrière, présentent toutes les caractéristiques essentielles du capitalisme. Et cela pour la bonne raison que ces régimes sont parfaitement capitalistes, même s'il s'agit d'une forme particulièrement fragile de capitalisme, même si la bourgeoisie "privée", telle qu'on la connaît dans les pays occidentaux y a été remplacée par une bourgeoisie d'Etat, même si la tendance universelle au capitalisme d'Etat, qui affecte le système capitaliste dans tous les pays depuis qu'il est entré dans sa phase de décadence, y a pris ses formes les plus caricaturales et aberrantes.

Les "démocraties", complices du stalinisme

Et c'est bien parce que le régime qui se met en place en Russie après l'échec de la révolution n'est qu'une variante du capitalisme, et même le fer de lance de la contre-révolution, qu'il reçoit un soutien chaleureux de toutes les bourgeoisies qui avaient combattu férocement, quelques années auparavant, le pouvoir des soviets. En 1934, en effet, ces mêmes bourgeoisies acceptent l'URSS dans la Société des Nations (l'ancêtre de l'ONU) que les révolutionnaires comme Lénine avaient qualifiée de "repaire de brigands" lors de sa fondation. C'est le signe que Staline est devenu "respectable" aux yeux de la classe dominante de tous les pays, la même qui présentait les bolchéviks de 1917 comme des barbares avec le couteau entre les dents. Les brigands impérialistes ont reconnu en ce personnage un des leurs. Ceux qui, désormais, subissent les persécutions de la bourgeoisie internationale, ce sont les révolutionnaires qui s'opposent au stalinisme. Ainsi, Trotsky1 , un des principaux dirigeants de la révolution de 1917, devient-il un proscrit dans le monde entier. Chassé d'URSS en 1929, puis expulsé de pays en pays, soumis à une surveillance policière de tous les instants, il doit en outre faire face aux campagnes de calomnies les plus crapuleuses que les staliniens déchaînent contre lui et qui sont complaisamment répercutées par les bourgeoisies d'Occident. Ainsi, lorsque Staline organise, à partir de 1936, les ignobles "procès de Moscou", où l'on voit les anciens compagnons de Lénine brisés par la torture s'accuser des crimes les plus abjects et réclamer eux-mêmes un châtiment exemplaire, cette même bourgeoisie laisse-t-elle entendre "qu'il n'y a pas de fumée sans feu". C'est donc avec la complicité de la bourgeoisie de tous les pays que Staline accomplit ses crimes monstrueux, qu'il extermine, dans ses prisons et dans ses camps de concentration, des centaines de milliers de communistes, plus de dix millions d'ouvriers et de paysans. Et les secteurs bourgeois qui font preuve du plus grand zèle dans cette complicité, ce sont les secteurs "démocratiques", et particulièrement la social-démocratie, les mêmes secteurs qui aujourd'hui dénoncent avec la plus extrême virulence les crimes staliniens et qui se présentent comme des modèles de vertu.
La complicité des "Démocraties" envers les abjections du stalinisme, complicité qu'elles prennent soin maintenant de bien dissimuler, ne constitue pas son seul crime. En réalité, la démocratie bourgeoise est autant experte en atrocités que les autres formes de régime capitaliste, le stalinisme ou le fascisme.

LA "DEMOCRATIE" EST LE MASQUE HYPOCRITE
DE LA DICTATURE SANGUINAIRE DE LA BOURGEOISIE

Depuis toujours, les révolutionnaires ont dénoncé le mensonge de la "Démocratie" dans la société capitaliste. Cette forme de gouvernement où, officiellement, le pouvoir appartient au "peuple", à tous les citoyens, n'a jamais été que l'instrument du pouvoir sans partage de la bourgeoisie sur les classes qu'elle exploite.
Dès ses débuts, la Démocratie bourgeoise acquiert ses lettres de noblesse dans son sale travail. Ainsi, la Grande Démocratie américaine, celle des Washington, Jefferson et compagnie, présentée comme un modèle pour toutes les autres, maintient-elle l'esclavage jusqu'à 1864. Et lorsqu'elle décide de l'abolir, parce l'exploitation des ouvriers est plus rentable que celle des esclaves, c'est une autre démocratie exemplaire, celle d'Angleterre, qui soutient les Etats du Sud des Etats-Unis qui veulent perpétuer l'esclavage. Durant cette même période, l'autre grand représentant de la démocratie bourgeoise, la République française héritière de la révolution de 1789 et de la "déclaration des droits de l'homme", se distingue par l'écrasement de la Commune de Paris qui, fin mai 1871, se concrétise par le massacre, en une semaine, de plusieurs dizaines de milliers d'ouvriers.
Mais ces crimes des régimes démocratiques ne sont que des broutilles si on les compare à ceux qu'ils ont perpétrés tout au long du XXe siècle.

Les crimes de la démocratie bourgeoise au cours du XXe siècle

Ce sont en effet des gouvernements parfaitement "démocratiques" qui constituent les principaux protagonistes, avec le soutien zélé de la plupart des partis "socialistes", de la Première Guerre mondiale où sont fauchés près de vingt millions d'êtres humains. Ce sont ces mêmes gouvernements, avec la complicité ou même sous la direction des "socialistes", qui écrasent de façon sanguinaire la vague révolutionnaire qui avait mis fin à la boucherie guerrière. A Berlin, en janvier 1919, c'est en prétextant une tentative d'évasion que la soldatesque aux ordres du "socialiste" Noske se livre à l'exécution sommaire des deux principaux dirigeants de la révolution : Karl Liebknecht est assassiné d'une balle dans la nuque, Rosa Luxemburg à coups de crosse. Au même moment, le gouvernement social-démocrate fait massacrer des milliers d'ouvriers grâce aux 16 000 mitrailleuses restituées en toute hâte par la France victorieuse à l'Allemagne vaincue. Ce sont les mêmes "démocraties", notamment les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, qui apportent, dès 1918, un soutien sans faille aux troupes tsaristes, c'est-à-dire liées à un des régimes les plus brutaux et rétrogrades de cette époque, afin de combattre le prolétariat révolutionnaire de Russie.

L'entre-deux guerres n'allait pas être avare de crimes commis par la vertueuse "Démocratie". Les massacres coloniaux, entre autres, y foisonnent, et c'est la très démocratique Angleterre qui, la première, va inaugurer en 1925 une des atrocités qu'on reprochera par la suite au "boucher de Bagdad", Saddam Hussein : l'utilisation des gaz asphyxiants contre les populations Kurdes. Mais là où les démocraties donnent toute leur mesure, c'est au cours de la Seconde Guerre mondiale qu'elles ont prétendu mener comme une croisade contre la dictature et les horreurs nazies.

La propagande des "alliés" au lendemain de cette guerre était intarissable sur les "crimes de guerre" commis par les autorités allemandes. Elle avait évidemment la partie facile : avec une dictature policière et des camps d'extermination dignes du stalinisme, le nazisme a représenté, avec ce dernier, un des sommets dans la barbarie engendrée par le capitalisme décadent. Mis en place de façon "démocratique" et parlementaire par la même bourgeoisie allemande qui avait porté au pouvoir la social-démocratie pour qu'elle écrase la révolution ouvrière, enfant de la contre-révolution déchaînée par celle-ci contre le prolétariat dix ans auparavant, il a constitué, notamment avec l'holocauste de six millions de juifs, le symbole de l'horreur dans laquelle la classe dominante peut se vautrer lorsqu'elle s'est sentie menacée. Les auteurs des crimes nazis sont passés devant le tribunal de Nuremberg et certains ont été exécutés. En revanche, il n'y avait aucun tribunal pour juger Churchill, Roosevelt ou Truman ainsi que les militaires "alliés", qui s'étaient rendus responsables, entre autres, des bombardements systématiques des villes allemandes, et particulièrement des quartiers ouvriers de celles-ci, faisant à chaque fois des dizaines de milliers de victimes civiles. Pas de tribunal - parce qu'ils appartenaient au camp des vainqueurs - pour ceux qui ont ordonné de transformer, les 13 et 14 février 1945, Dresde en un immense brasier tuant en quelques heures 200 000 personnes, alors que la guerre était déjà gagnée et que cette ville n'abritait aucune installation militaire, ce qui en avait fait un lieu d'accueil pour des centaines de milliers de réfugiés et de blessés. C'est également la grande démocratie américaine, qui pour la première fois, et unique fois jusqu'à présent, dans l'histoire, a utilisé, en août 1945, la bombe atomique contre les villes japonaises de Hiroshima et Nagazaki, faisant en une seconde 75 000 et 40 000 morts, et bien plus encore par la suite après d'atroces souffrances

Ce sont ces mêmes démocrates, les Churchill et les Roosevelt, qui, parfaitement au courant de l'extermination de millions de juifs par le régime nazi, n'ont rien fait pour les sauver, allant même jusqu'à refuser catégoriquement toutes les propositions que leur ont faites le gouvernement allemand et ses alliés d'en libérer des centaines de milliers. Et c'est avec le plus grand cynisme que ces "humanistes" ont justifié leur acte : transporter et accueillir tous ces juifs aurait ralenti l'effort de guerre.

Après la Seconde Guerre mondiale, la "démocratie" perpétue ses crimes

Après la guerre, alors que les vainqueurs arborent partout le drapeau de la morale, de la liberté, du droit des peuples et des droits de l'homme, qu'ils opposent à la barbarie des nazis, ils ne dédaignent à aucun moment d'utiliser les mêmes méthodes qui sont reprochées à ces derniers. Par exemple, les représailles massives contre la population civile, ne sont pas le monopole des accusés de Nuremberg, elle sont le quotidien des guerres coloniales ou néo-coloniales menées par différents pays "démocratiques", tels les Etats-Unis, phare du "monde libre", ou la France, "patrie des droits de l'homme". Ainsi, le jour où capitule l'Allemagne hitlérienne, le 8 mai 1945, le gouvernement français, où siègent démocrates chrétiens," socialistes" et "communistes", fait tuer sous les bombes plus de 20 000 personnes dans les villes algériennes de Sétif et Constantine où une partie de la population avait pris à la lettre les discours de ce gouvernement sur la "libération nationale". Deux ans plus tard, le même gouvernement renouvelle son exploit à Madagascar, faisant cette fois plus de 80 000 morts.

Quant à la torture utilisée par la Gestapo, quant aux "disparitions" qu'on reproche maintenant aux "gorilles" d'Argentine ou du Chili, les mêmes autorités françaises les ont pratiquées pendant des années en Indochine et en Algérie à un point tel que de nombreux policiers et militaires en sont écoeurés et démissionnent. De même, les massacres répugnants déchaînés par l'armée américaine au Vietnam sont encore dans les mémoires : les villages brûlés au napalm, les paysans mitraillés par les hélicoptères, l'extermination de tous les habitants de My Laï, femmes, enfants, vieillards y compris, voilà les hauts faits d'armes des champions de la "démocratie". En fin de compte, la démocratie ne se distingue pas sur le fond des autres formes de gouvernement de la bourgeoisie. Elle n'a rien à leur envier lorsqu'il s'agit d'opprimer les exploités, de massacrer les populations, de torturer les opposants, de mentir à ceux qu'elle gouverne. Et c'est justement là où elle se montre supérieure aux régimes de dictature ouverte. Si ces derniers, si le fascisme et le stalinisme utilisent de façon systématique le mensonge pour gouverner, la démocratie va encore plus loin : elle commet exactement les mêmes crimes que ces régimes, elle ment comme eux à grande échelle, tout en prétendant faire le contraire, tout en se parant des habits de la Vertu, du Droit et de la Vérité, tout en organisant le spectacle de sa propre "critique" par des gens "responsables", c'est-à-dire par ses propres défenseurs. Elle n'est pas autre chose que la feuille de vigne qui masque aux yeux des exploités la dictature implacable et sanguinaire de la bourgeoisie.

Et c'est pour cela qu'elle représente un grand danger pour la classe ouvrière. C'est pour cela qu'aujourd'hui les ouvriers doivent refuser de se laisser berner par les campagnes sur la prétendue "victoire de la démocratie sur le communisme" comme ils doivent refuser de se faire piéger par les mensonges sur le "nouvel ordre mondial" qu'annoncerait cette victoire.

PLUS QUE JAMAIS, LA BARBARIE GUERRIERE
EST LA SEULE "PERSPECTIVE"
QUE PUISSE NOUS OFFRIR LE CAPITALISME

La guerre du Golfe entre l'Irak et la "coalition" dirigée par les Etats-Unis nous a montré une nouvelle fois ce que valent les beaux discours démocratiques. Une nouvelle fois, nous avons pu voir à l'oeuvre les grands pays "civilisés" : des centaines de milliers de morts en Irak, l'utilisation des armes les plus meurtrières et barbares comme les bombes de sept tonnes et les bombes "fuel air combustible" qui asphyxient leurs victimes, encore plus "efficacement" que les gaz employés par Saddam Hussein. Nous avons pu voir comment ces pays "démocratiques" et "avancés" ont provoqué à grande échelle la famine et les épidémies pour les survivants en détruisant systématiquement toutes sortes d'objectifs civils tels les silos à grain, les usines d'aliments, les stations d'épuration d'eau ou les hôpitaux. Nous avons pu apprendre, après coup, comment les fameuses images de la "guerre propre", diffusées à satiété pendant des semaines par les médias aux ordres, masquaient en réalité une guerre aussi "sale" que les autres : les soldats qu'on a enterrés vivants par dizaines de milliers, les "tapis de bombes" qui, trois fois sur quatre, manquaient leurs cibles mais provoquaient un véritable carnage dans la population du voisinage, l'assassinat de 800 personnes dans un abri civil de Bagdad, le massacre à grande échelle des soldats en fuite ou même des civils, comme sur la route Koweït-Bassorah, le dernier jour de la guerre. Nous avons pu constater aussi à quel niveau de cynisme peut se hisser la bourgeoisie "démocratique" lorsqu'elle a laissé le boucher Saddam exterminer les populations Kurdes qu'elle avait auparavant poussées à se soulever derrière les cliques nationalistes ; de quel degré d'hypocrisie elle savait faire preuve en organisant ensuite, lorsque le massacre était terminé, une prétendue "aide humanitaire".

Les mensonges de la bourgeoisie

La guerre du Golfe nous a permis aussi de vérifier combien étaient mensongers les discours dont se gargarisent les gouvernements démocratiques sur la "liberté de la presse", sur le "droit à l'information". Pendant toute la durée de la guerre, il n'y a eu qu'une seule vérité : celle des Etats, qu'un seul type d'images : celui fourni par les états-majors militaires. La prétendue "liberté de la presse" est apparue pour ce qu'elle était : un simple ornement hypocrite. Dès que les premières bombes ont été larguées, elle a ouvertement cédé la place dans tous les médias, comme dans n'importe quel régime totalitaire, à l'exécution scrupuleuse et servile des consignes gouvernementales. Encore une fois, la Démocratie a montré sa véritable nature, celle d'un instrument de la dictature sans partage de la classe dominante sur les exploités. Et, parmi tous les mensonges crapuleux dont nous avons été abreuvés, la palme revient à celui qui présentait ce carnage comme une "guerre pour la paix", destinée à instaurer enfin un "nouvel ordre mondial prospère et pacifique".

C'est un des mensonges bourgeois les plus odieux et éculés. Chaque fois que le capitalisme décadent s'est lancé dans une nouvelle boucherie impérialiste, la bourgeoisie nous a chanté la même chanson. La Première Guerre mondiale, avec ses vingt millions de morts, devait être la "der des ders" ; vingt ans plus tard, la guerre était encore plus abominable : cinquante millions de morts. Les vainqueurs de cette guerre l'ont présentée comme une "victoire définitive de la civilisation" : les différentes guerres qui l'ont suivie ont fait depuis autant de morts au total, sans compter toutes les calamités qu'elles ont provoquées, comme les famines et les épidémies.

La classe ouvrière doit refuser de tomber dans ce piège : il ne peut y avoir de fin à la guerre dans le capitalisme. Ce n'est pas une question de "bonne" ou "mauvaise" politique des gouvernements, celà ne dépend pas de la "sagesse" ou de la "folie" de ceux qui dirigent les Etats. La guerre est devenue inséparable du système capitaliste, d'un système basé sur la concurrence entre différents secteurs du capital. Un système dont la faillite économique définitive le conduit à des rivalités croissantes entre ces différents secteurs, dans lequel la guerre commerciale que se livrent toutes les nations ne peut déboucher que sur la guerre des armes. Il ne faut pas s'y tromper : les causes économiques qui ont provoqué les deux guerres mondiales n'ont pas disparu. Au contraire, jamais l'économie capitaliste ne s'est trouvée dans une telle impasse. Cette impasse signifie que le système capitaliste a fait son temps, qu'il doit être renversé comme l'ont été les sociétés qui l'ont précédé : la société féodale et la société esclavagiste. La survie de ce système est une totale absurdité pour la société humaine, une absurdité à l'image de la guerre impérialiste elle-même qui mobilise toutes les richesses de la science et du travail humain non pas pour apporter le bien être à l'humanité, mais au contraire pour détruire ces richesses, pour accumuler les ruines et les cadavres. Et qu'on n'aille pas nous raconter que l'effondrement de l'empire russe, la fin de la division du monde en deux blocs ennemis signifie la disparition des guerres. Une nouvelle guerre mondiale opposant deux grandes puissances et leurs alliés respectifs n'est pas, pour le moment, à l'ordre du jour. Mais la fin des blocs n'a pas mis fin aux contradictions du capitalisme. La crise est toujours là. Ce qui a disparu c'est la discipline que ces puissances imposaient à leurs vassaux. Et comme les antagonismes entre nations ne peuvent que s'exacerber avec l'aggravation irrémédiable de la crise, la seule perspective n'est sûrement pas celle d'un "nouvel ordre mondial" mais bien celle d'un "désordre mondial" toujours plus catastrophique.

L'avenir du capitalisme : toujours plus de barbarie guerrière

Ce qui s'annonce pour la société, c'est le déchaînement des appétits impérialistes de tous les pays, petits et grands, le "chacun pour soi" de toutes les bourgeoisies tentant, par tous les moyens, et notamment les moyens militaires, de sauvegarder leurs intérêts au détriment des autres, de leur disputer le moindre marché mais aussi le moindre bout de territoire, la moindre zone d'influence. En réalité, l'avenir que le capitalisme propose à l'humanité est celui du plus grand chaos de l'histoire. Et lorsque la première puissance mondiale se propose de faire le "gendarme" afin de "préserver l'ordre", la seule chose qu'elle sache faire c'est de déchaîner de nouveaux désordres et une barbarie sanguinaire, comme on l'a vu au Moyen-Orient au début de l'année 1991. La croisade des Etats-Unis contre l'Irak se présentait comme celle du "Droit", de la "Loi internationale" et de "l'Ordre mondial". Elle s'est révélée comme une expédition punitive permettant au gangster le plus puissant, les Etats-Unis, d'afficher son droit de tuer au détriment des autres gangsters, tel Saddam Hussein, afin d'imposer sa propre loi, la loi du plus fort, la loi du milieu. La seule différence c'est que les gangsters classiques se tuent entre eux, et en petite quantité, alors que ceux qui dirigent les Etats tuent en priorité les populations gouvernées par leurs adversaires du jour et qu'ils le font à grande échelle. Quant à "l'ordre mondial", on a pu voir, depuis la Guerre du Golfe, comment il a été "sauvegardé". Au Moyen-Orient même, la guerre a engendré de nouveaux désordres comme le soulèvement des chiites et des kurdes qui menaçait la stabilité de toute la région, de l'Iran, de la Turquie, de la Syrie, du sud de l'URSS et dont la menace n'a été écartée qu'au prix du massacre de ces populations. Dans le reste du monde, le chaos n'a cessé de croître comme sur le continent Africain qui s'enfonce dans les affrontements ethniques et les massacres sans compter les famines et les épidémies que ces troubles ne font qu'attiser. Un chaos qui n'épargne plus l'Europe elle-même où la Yougoslavie se disloque dans le feu et le sang, où le mastodonte qu'était l'URSS connaît les convulsions de l'agonie, un putsch comme dans les républiques bananières, la sécession de la plupart de ses républiques, l'explosion des nationalismes et s'achemine vers des affrontements à la yougoslave à l'échelle d'un continent, avec, en sus, des dizaines de milliers de charges atomiques qui risquent de tomber entre les mains des secteurs les plus irresponsables de la bourgeoisie, sinon des mafias locales.

Enfin, les différentes puissances de l'ancien bloc occidental commencent elles-mêmes à s'entre-déchirer. C'est ainsi qu'on a pu voir la bourgeoisie allemande, avec la complicité de sa consoeur autrichienne, jeter de l'huile sur le feu en Yougoslavie en appuyant les mouvements indépendantistes slovènes et croates, alors que les autres bourgeoisies occidentales tentaient de miser sur le maintien de l'unité de ce pays. Entre les alliés d'hier, entre ceux qui, avec l'effondrement de l'URSS et de sa puissance militaire, n'ont plus besoin désormais de serrer les rangs, les rivalités impérialistes, la quête avide de la moindre zone d'influence, économique, politique et militaire ne peut conduire qu'à une foire d'empoigne de plus en plus acharnée. C'est bien pour cela, en fin de compte, que les Etats-Unis ont infligé de telles destructions à l'Irak. Ce pays était loin d'être le seul visé. L'étalage de la puissance militaire américaine sans commune mesure avec celle du pays vaincu, l'exibition obscène des armes les plus sophistiquées et meurtrières, s'adressaient bien au delà de l'Irak ou d'autres pays de second plan tentés d'imiter ce dernier. C'est en fin de compte à leurs propres "alliés", à ceux qu'ils ont entraînés dans la guerre (comme la France, l'Italie ou l'Espagne, par exemple) ou qu'ils ont contraint d'en supporter les frais (tels le Japon et l'Allemagne) que les Etats-Unis adressaient fondamentalement leur "message" : gare à tous ceux qui s'aviseraient de troubler "l'ordre mondial", qui songeraient à remettre en cause le rapport de forces actuel, c'est-à-dire, en fin de compte, à contester la suprématie de la première puissance mondiale.

Ainsi, le monde se présente comme une immense foire d'empoigne où, derrière les grands discours sur "l'ordre mondial", la "paix" et la "coopération" entre nations, la "solidarité" et la "justice" envers les peuples les plus défavorisés, se développe le "chacun pour soi", l'exacerbation des rivalités impérialistes, la guerre de tous contre tous, la guerre économique mais aussi, de plus en plus, la guerre des armes. Et face à ce chaos sanglant, qui est déjà présent dans le monde mais qui ne fera que s'aggraver, le maintien de "l'ordre mondial" n'a d'autre signification que l'utilisation de plus en fréquente et brutale de la force militaire, le déchaînement des massacres par les grandes puissances impérialistes, et en premier lieu, par le pays phare de la "démocratie", le gendarme du monde, les Etats-Unis.

En fin de compte, tout ce chaos qu'on voit se développer à l'heure actuelle, le déchaînement des conflits guerriers, la plongée de pays entiers dans les affrontements sanglants entre nationalités, les massacres aussi barbares qu'absurdes, tout cela nous révèle que le monde d'aujourd'hui a basculé dans une nouvelle période historique dominée par des convulsions d'une ampleur inconnue jusqu'à présent.

En particulier, la bourgeoisie "démocratique" veut nous faire croire que l'effondrement brutal des régimes staliniens, qu'elle nous présente comme "communistes", résulte uniquement de l'impasse dans laquelle se trouvaient ces régimes, de la faillite définitive de leur économie.
Encore une fois elle ment !

C'est vrai que la forme stalinienne du capitalisme d'Etat était particulièrement aberrante, fragile et mal armée face à la crise économique mondiale. Mais un évènement historique d'une telle ampleur, l'explosion de tout un bloc impérialiste en quelques semaines, durant l'automne 1989, et maintenant la dislocation tout aussi soudaine de son chef de file, l'URSS, qui était il y a moins de deux ans encore la deuxième puissance mondiale, révèle le degré de pourrissement atteint non seulement par les régimes staliniens, mais encore et surtout par l'ensemble du système capitaliste.
La décadence du capitalisme, telle que le monde l'a connue depuis le début du siècle, se révèle dès à présent comme la période la plus tragique de l'histoire de l'humanité.

Jamais la société humaine n'avait connu des boucheries de l'ampleur de celles des deux guerres mondiales. Jamais les progrès de la science n'avaient été utilisés à une telle échelle pour provoquer la destruction, les massacres et le malheur des hommes. Jamais, une telle accumulation de richesses n'avait côtoyé, n'avait provoqué de telles famines et de telles souffrances comme celles qui se sont déchaînées dans les pays du tiers-monde depuis des décennies. Mais il apparaît que l'humanité n'avait pas encore touché le fond. La décadence du capitalisme signifie l'agonie de ce système. Mais cette agonie elle-même a une histoire : aujourd'hui nous avons atteint sa phase terminale, celle de la décomposition générale de la société, celle de son pourrissement sur pied.

LA DECOMPOSITION,
PHASE ULTIME DE LA DECADENCE DU CAPITALISME

Car c'est bien de putréfaction de la société qu'il s'agit maintenant. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme avait réussi à repousser vers les pays sous-développés les manifestations les plus barbares et sordides de sa décadence. Aujourd'hui, c'est au coeur même des pays les plus avancés que ces manifestations de barbarie se développent. Ainsi, les conflits ethniques absurdes où les populations s'entre-massacrent parce qu'elles n'ont pas la même religion ou la même langue, parce qu'elles perpétuent des traditions folkloriques différentes, semblaient réservés, depuis des décennies, aux pays du "tiers-monde", l'Afrique, l'Inde ou le Moyen-Orient.

Maintenant, c'est en Yougoslavie, à quelques centaines de kilomètres des métropoles industrielles d'Italie du Nord et d'Autriche, que se déchaînent de telles absurdités. Et qu'on aille pas nous dire que les mouvements nationalistes tels que ceux qui se développent dans ce pays, mais aussi dans l'ancien empire russe, représentent une "juste revendication pour la liberté", pour l'établissement d'un Etat national "progressiste" libéré des chaînes qui entravaient auparavant son développement.

Au siècle dernier, certaines luttes nationales avaient effectivement un tel caractère progressiste dans la mesure où elles ouvraient la voie à la constitution d'entités territoriales viables permettant de surmonter le morcellement et toutes les entraves particularistes légués par le régime féodal. Ce fut notamment le cas des différents mouvements qui permirent la constitution d'un Etat national en Allemagne et en Italie. Mais depuis le début de ce siècle, avec l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence, les luttes "d'indépendance nationale" ont perdu tout caractère "progressiste" en devenant, avant tout, des pions dans l'affrontement entre les grandes puissances, entre les blocs impérialistes. Aujourd'hui, même si certains mouvements nationalistes qui se développent dans les balkans ou en Europe centrale sont attisés en sous main par telle ou telle puissance, l'ensemble de ces mouvements révèle une absurdité encore plus grande : à l'heure où l'économie a atteint un degré de mondialisation inconnu dans l'histoire, où la bourgeoisie des pays avancés essaye, sans y parvenir, de se donner un cadre plus vaste que celui de la nation, comme celui de la CEE, pour gérer son économie, la dislocation des Etats qui nous avaient été légués par la Seconde Guerre mondiale en une multitude de petits Etats est une pure aberration, même du point de vue des intérêts capitalistes. Quant aux populations de ces régions, leur sort ne sera pas meilleur qu'avant mais pire encore : désordre économique accru, soumission à des démagogues chauvins et xénophobes, règlements de comptes et pogroms entre communautés qui avaient cohabité jusqu'à présent et, surtout, division tragique entre les différents secteurs de la classe ouvrière. Encore plus de misère, d'oppression, de terreur, destruction de la solidarité de classe entre prolétaires face à leurs exploiteurs : voila ce que signifie le nationalisme aujourd'hui. Et l'explosion de celui-ci à l'heure actuelle est bien la preuve que le capitalisme décadent a franchi un nouveau pas dans la barbarie et le pourrissement.
Mais le déchaînement de l'hystérie nationaliste dans certaines parties de l'Europe n'est pas la seule manifestation, loin de là, de cette décomposition qui voit gagner les pays avancés par la barbarie que le capitalisme avait auparavant repoussé à sa périphérie.

La barbarie gagne le coeur du capitalisme

Ainsi hier, pour faire croire aux ouvriers des pays les plus développés qu'ils n'avaient pas de raisons de se révolter, les médias allaient dans les bidonvilles de Bogota ou sur les trottoirs de Manille pour faire des reportages sur la criminalité et la prostitution des enfants. Aujourd'hui, c'est dans le pays le plus riche du monde, à New-York, Los Angeles, Washington, que des enfants de douze ans vendent leur corps ou tuent pour quelques grammes de crack. Dans ce même pays, c'est maintenant par centaines de milliers que se comptent les sans-abris : à deux pas de Wall Street, temple de la finance mondiale, des masses d'êtres humains dorment dans des cartons sur le trottoir, comme à Calcutta. Hier, la concussion et la prévarication érigées à l'état de loi apparaissaient comme des spécialités des dirigeants du "tiers-monde". Aujourd'hui, il ne se passe pas un mois sans que n'éclate un scandale révélant les moeurs d'escrocs de l'ensemble du personnel politique des pays "avancés" : démissions à répétition des membres du gouvernement au Japon où trouver un politicien "présentable" pour lui confier un ministère devient une "mission impossible" ; participation en grand de la CIA au trafic de la drogue ; pénétration de la Mafia au plus haut sommet de l'Etat en Italie, auto-amnistie des députés français pour s'éviter la prison que méritaient leurs turpitudes... Même en Suisse, pays légendaire de la propreté, on a trouvé un ministre de la Police et de la Justice compromis dans une affaire de blanchîment de l'argent de la drogue. La corruption a toujours fait partie des pratiques de la société bourgeoise, mais elle a atteint un tel niveau à l'heure actuelle, elle est tellement généralisée, que là aussi il faut constater que la décadence de cette société a franchi une nouvelle étape dans la pourriture.

En fait, c'est l'ensemble de la vie sociale qui semble s'être complètement détraqué, qui s'enfonce dans l'absurde, la boue et le désespoir. C'est toute la société humaine, sur tous les continents, qui, de façon croissante, suinte la barbarie par tous ses pores. Les famines se développent dans les pays des tiers monde, et bientôt atteindront les pays qu'on prétendait "socialistes", alors qu'en Europe occidentale et en Amérique du Nord on détruit les stocks de produits agricoles, qu'on paye les paysans pour qu'ils cultivent moins de terres, qu'on les pénalise s'ils produisent plus que les quotas imposés. En Amérique latine, les épidémies, comme celle du choléra, tuent des milliers de personnes, alors qu'on avait chassé ce fléau depuis longtemps. Partout dans le monde, les inondations ou les tremblements de terre continuent de tuer des dizaines de milliers d'êtres humains en quelques heures alors que la société est parfaitement capable de construire des digues et des maisons qui pourraient éviter de telles hécatombes. Au même moment, on ne peut même pas invoquer la "fatalité" ou les "caprices de la nature", lorsque, à Tchernobyl, en 1986, l'explosion d'une centrale atomique tue des centaines (sinon des milliers) de personnes et contamine plusieurs provinces, lorsque, dans les pays les plus développés, on assiste à des catastrophes meurtrières au coeur même des grandes villes : 60 morts dans une gare parisienne, plus de 100 morts dans un incendie du métro de Londres, il y a peu de temps. De même, ce système se révèle incapable de faire face à la dégradation de l'environnement, les pluies acides, les pollutions de tous ordres et notamment nucléaire, l'effet de serre, la désertification qui mettent en jeu la survie même de l'espèce humaine.

En même temps, on assiste à une dégradation irréversible de la vie sociale : outre la criminalité et la violence urbaine qui ne cessent de croître partout, la drogue exerce des ravages toujours plus effrayants, particulièrement parmi les nouvelles générations, témoin du désespoir, de l'isolement, de l'atomisation qui gagnent toute la société.


Le capitalisme dans l'impasse
ne peut conduire qu'à la destruction de l'humanité

Si la société est parvenue à un tel degré de putréfaction, si le désespoir, le "no future", est devenu à ce point le sentiment dominant en son sein, c'est bien parce que le capitalisme, à un niveau bien plus élevé encore que par le passé, est incapable d'offrir la moindre perspective à l'humanité. Depuis plus de 20 ans, ce système est frappé par une crise aiguë et insurmontable de son économie. Dans les années 1930, la crise économique avait débouché sur la guerre mondiale. Ce n'était pas une "solution" à la crise, mais dans la mesure où la classe ouvrière, qui venait de subir la plus terrible défaite de son histoire, n'était pas en mesure d'entraver les plans de la bourgeoisie, celle-ci avait pu organiser l'ensemble de la vie sociale, ses forces politiques et économiques, en vue de la boucherie impérialiste. Mais aujourd'hui, une telle possibilité à été interdite au capitalisme. Dès que la crise a commencé à se manifester, à la fin des années 1960, elle a immédiatement provoqué une gigantesque riposte de la classe ouvrière mondiale : la grève de 9 millions d'ouvriers en mai 1968 en France, le "mai rampant" de 1969 en Italie, le soulèvement des ouvriers de Cordoba en Argentine la même année, les grèves massives des ouvriers polonais de la Baltique durant l'hiver 1970-71, et bien d'autres luttes encore de grande envergure dans de nombreux pays. C'était la preuve que la classe ouvrière avait surmonté la contre-révolution, qu'elle était désormais capable, par ses combats et par son refus d'accepter les privations que lui demandait la bourgeoisie, de barrer la route d'une nouvelle guerre mondiale, dans la mesure où des ouvriers qui rejettent les sacrifices pour l'économie nationale sont encore moins prêts à faire le sacrifice suprême, celui de leur vie.

Mais si le prolétariat avait la force d'empêcher le déchaînement d'une nouvelle boucherie généralisée, il n'avait pas encore celle de mettre en avant sa propre perspective : le renversement du capitalisme et l'édification de la société communiste. Ce faisant, il n'a pu empêcher la décadence capitaliste de faire sentir toujours plus ses effets sur l'ensemble de la société.

Dans ce blocage momentané de la situation mondiale, l'histoire ne s'est pas arrêtée pour autant. Pendant deux décennies, la société a continué de subir l'accumulation de toutes les caractéristiques de la décadence exacerbées par l'enfoncement dans la crise économique alors même que, chaque jour plus, la classe dominante faisait la preuve de son incapacité à surmonter cette dernière. Le seul projet que cette classe puisse proposer à l'ensemble de la société est celui de résister au jour le jour, au coup par coup, et sans espoir de réussite, à l'effondrement irrémédiable du mode de production capitaliste.

Privée du moindre projet historique capable de mobiliser ses forces, même le plus suicidaire comme la guerre mondiale, la société capitaliste ne pouvait que s'enfoncer dans le pourrissement sur pied, la décomposition sociale avancée, le désespoir généralisé.

Et ce désespoir ne peut que s'accroître alors que le monde actuel démontre chaque jour un peu plus qu'il n'offre aucune perspective à l'ensemble de l'humanité, sinon celle d'une barbarie croissante avec, au bout, sa propre mort. Car il ne faut pas se faire d'illusions !
Si on laisse le capitalisme en place, il finira, même en l'absence d'une guerre mondiale, par détruire définitivement l'humanité : à travers l'accumulation des guerres locales, des épidémies, des dégradations de l'environnement, des famines et autres catastrophes qu'on prétend "naturelles".

Prolétaires, jamais la prévision des révolutionnaires du siècle dernier n'a été aussi actuelle. "Socialisme ou barbarie" disaient-ils. En l'absence de révolution mondiale du prolétariat, la barbarie est maintenant généralisée et elle menace la survie même de l'humanité. Plus que jamais, le seul espoir, le seul avenir possible pour celle-ci réside dans le renversement du système capitaliste, dans l'instauration de nouveaux rapports sociaux libérés des contradictions qui étranglent la société.


LA REVOLUTION COMMUNISTE, SEUL ESPOIR POUR L'HUMANITE

Si le capitalisme s'enfonce dans une crise économique irrémédiable qui constitue la cause ultime des convulsions actuelles, s'il plonge des masses croissantes d'êtres humains dans la misère et la famine alors qu'il ne trouve pas de débouchés pour sa production, alors qu'il ferme les usines, stérilise les champs et licencie les ouvriers, c'est qu'il ne produit pas pour satisfaire les besoins mais pour vendre sur le marché, afin de réaliser un profit. Ce marché est aujourd'hui saturé, non pas que les besoins de la société soient satisfaits, mais parce qu'elle ne dispose pas des moyens d'acheter les marchandises produites, et que le capitalisme est incapable, à moins de se nier lui-même, de lui fournir de tels moyens : un capitalisme qui donnerait à ses acheteurs l'argent pour acquérir sa production, qui donnerait donc sa production, ne serait plus du capitalisme. Et le crédit dont on abuse depuis des années n'y peut rien : en provoquant un endettement généralisé, il ne fait que reporter les contradictions tout en les rendant plus explosives encore. Les campagnes idéologiques bourgeoises nous chantent aujourd'hui les louanges du marché sensé résoudre tous les problèmes que rencontre l'économie mondiale. C'est une sinistre supercherie ! C'est bien parce que le capitalisme est basé sur la production de marchandises, de valeurs d'échange et non de valeurs d'usage, que son économie plonge dans le gouffre de manière irréversible. Si les économies staliniennes ont essuyé un tel échec, ce n'est pas pour avoir aboli le capitalisme et le marché, c'est pour avoir tenté de tricher à grande échelle avec leurs lois alors qu'elles n'en étaient jamais sorties. La seule façon pour la société de surmonter la crise du capitalisme n'est pas de "faire plus de capitalisme" ou "moins de capitalisme" ou de réformer ce système. C'est de mettre à bas les lois qui le gouvernent, c'est d'abolir le capitalisme lui-même.

Seul, le prolétariat peut venir à bout du capitalisme

Et un tel bouleversement, seule la classe ouvrière est en mesure de le réaliser. Elle seule dans la société est réellement intéressée à s'attaquer radicalement aux fondements du capitalisme et en premier lieu à la production marchande qui se trouve au coeur de la crise de ce système. Car c'est justement le marché, la domination de la marchandise dans la production capitaliste, qui est à la base de son exploitation. Le propre de la classe ouvrière, contrairement à d'autres catégories de producteurs comme les propriétaires agricoles ou les artisans, c'est d'être privée des moyens de production et d'être obligée, pour vivre, de vendre sa force de travail aux détenteurs de ces moyens de production : les capitalistes privés ou bien l'Etat. C'est parce que, dans le système capitaliste, la force de travail elle-même est devenue une marchandise, et même la principale de toutes les marchandises, que les prolétaires sont exploités. C'est pour cela que la lutte du prolétariat contre l'exploitation capitaliste porte avec elle l'abolition du salariat et, partant, l'abolition de toute forme de marchandise. En outre, cette classe produit, dès à présent, l'essentiel des richesses de la société. Elle le fait dans un cadre collectif, grâce au travail associé développé par le capitalisme lui-même. Mais ce système n'a pu poursuivre jusqu'au bout la socialisation de la production qu'il avait entrepris au détriment de la petite production individuelle.

C'est bien là une des contradictions essentielles du capitalisme : sous son règne la production a acquis un caractère mondial, mais les moyens de production sont restés dispersés entre les mains de multiples propriétaires, patrons privés ou Etats nationaux, qui se vendent et s'achètent les marchandises produites. L'abolition du marché passe donc par l'expropriation de tous les capitalistes, par la prise en main collective par la société de l'ensemble de ces moyens de production. Et cette tâche, seule la classe qui ne possède aucun moyen de production, alors que c'est elle qui les met en oeuvre de façon collective, peut la réaliser.

Une telle idée n'est pas nouvelle : depuis un siècle et demi, elle a constitué le drapeau des combats ouvriers contre l'exploitation. "L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes" : c'était le mot d'ordre central du programme de l'Association Internationale des Travailleurs, la première Internationale, fondée en 1864. Depuis, il a été repris avec la même force par les autres internationales : l'Internationale socialiste fondée en 1889, l'Internationale communiste née en 1919 au milieu de la vague révolutionnaire et tuée en 1928 par le stalinisme. A l'heure actuelle, les campagnes bourgeoises essaient de faire croire qu'il s'agissait d'une simple utopie, une utopie dangereuse puisqu'on lui devrait, à leurs dires, l'horreur du stalinisme. Mais de la bourgeoisie et de ses médias, on ne peut attendre que des mensonges. En réalité, ce qui a été affirmé par le mouvement ouvrier depuis ses origines est resté entièrement valable. En se transformant, le capitalisme n'a pas fait disparaître la classe ouvrière comme le prétendent certains sociologues aux ordres. Ce système continue de vivre, c'est son essence même, de l'exploitation du travail salarié. Et la classe des producteurs salariés, qu'ils travaillent dans des usines ou dans des bureaux, dans des écoles ou dans des hôpitaux, continue d'être le seul porteur de l'avenir de l'humanité.

Et la preuve même que la révolution communiste du prolétariat conserve toute son actualité, c'est l'ampleur des campagnes déchaînées par la bourgeoisie sur le thème de la "fin du communisme" et la "mort du marxisme", c'est-à-dire la théorie révolutionnaire du prolétariat. Si la classe bourgeoise n'éprouvait plus aucune crainte à l'égard de ses exploités, si elle pensait réellement que la classe ouvrière ne pourra jamais plus jouer un rôle sur la scène de l'histoire, elle ne se donnerait pas tant de mal pour convaincre les prolétaires qu'ils n'ont rien à attendre de la révolution, elle n'essaierait pas, par tous les moyens, de leur donner un tel sentiment d'impuissance.


Les difficultés d'aujourd'hui n'ont pas abattu le prolétariat,
il conserve toutes ses forces pour renverser le capitalisme

C'est vrai que la gigantesque campagne orchestrée autour des événements de ces deux dernières années, l'explosion de l'ex-bloc "socialiste", l'effondrement du régime stalinien en URSS elle-même, l'éclatement de ce pays qui avait vu la révolution prolétarienne il y a trois quarts de siècle, tout celà a affaibli la classe ouvrière. Le stalinisme avait été le fer de lance de la contre-révolution bourgeoise ; avec sa mort, il rend un dernier service à la bourgeoisie en faisant respirer à la classe ouvrière la puanteur de son cadavre, alors qu'elle était déjà confrontée aux difficultés que la décomposition générale du capitalisme suscitait en son sein. Aujourd'hui, beaucoup d'ouvriers sont victimes des campagnes bourgeoises et ont abandonné tout espoir de pouvoir un jour transformer le monde et d'abolir l'exploitation capitaliste. Dans les pays de l'ex-bloc de l'Est, ceux où les prolétaires ont subi les formes les plus extrêmes de la contre-révolution, ils n'ont pas la force de s'opposer au déchaînement des illusions bourgeoises, même les plus archaïques : pour prendre le contre pied de l'"internationalisme prolétarien" dont le stalinisme avait recouvert sa politique impérialiste, ils sont submergés par l'hystérie nationaliste ; en réaction contre l'athéisme proné par les staliniens, ils sont précipités dans les bras de l'Eglise. Mais ce ne sont pas là les secteurs les plus décisifs du prolétariat mondial. Ces secteurs, c'est dans les pays capitalistes les plus avancés d'Occident qu'ils se trouvent. C'est dans cette partie du monde, et particulièrement en Europe occidentale, que vivent, travaillent et luttent les bataillons les plus concentrés, mais aussi les plus expérimentés du prolétariat mondial. Et cette partie du prolétariat n'a pas été défaite. Si elle est désorientée par les mensonges actuels, elle n'a pas été embrigadée derrière les drapeaux bourgeois, nationalistes ou démocratiques. En particulier, lors de la Guerre du Golfe, la bourgeoisie des pays développés n'a utilisé que des professionnels : c'était la preuve qu'elle était consciente que les soldats du contingent (là où il existe), c'est-à-dire les ouvriers sous l'uniforme, ne sont pas prêts à donner leur vie pour la "défense du droit ou de la démocratie". Et cette guerre s'est chargée de dévoiler plus clairement aux yeux de la classe ouvrière ce que signifiaient la démocratie et ses mensonges sur le "nouvel ordre mondial".

A l'heure actuelle, les célébrations des grand-messes démocratiques que sont les élections sont de plus en plus désertées par les prolétaires. Il en est de même des syndicats, ces organes de l'Etat bourgeois chargés d'encadrer les exploités pour saboter leurs luttes. En outre, l'aggravation inexorable de la crise économique se chargera de plus en plus de balayer les illusions sur la "supériorité" de l'économie capitaliste en même temps qu'elle obligera la classe ouvrière à reprendre le chemin des combats de plus en plus vastes et unis. Un chemin dans lequel elle n'avait cessé de progresser depuis la fin des années 1960, et particulièrement au milieu des années 1980, mais que les événements de ces deux dernières années lui ont fait momentanément quitter. Le marxisme, que la bourgeoisie s'est empressée d'enterrer avec des soupirs de soulagement prouve dès à présent qu'il n'a pas fait faillite, bien au contraire : l'aggravation actuelle de la crise, que lui seul a pu prévoir et expliquer, montre à quel point cette théorie est bien vivante. Et sa vitalité ne pourra que se conforter du ressurgissement des luttes ouvrières.

Dans cet effort de la classe ouvrière pour développer ses luttes et sa conscience, le rôle de ses éléments les plus avancés, les véritables communistes, sera de toute première importance et décisif. Aujourd'hui comme hier, "dans les différentes phases de la lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie", les communistes ont pour tâche "de mettre en avant et de faire valoir les intérêts communs du prolétariat tout entier, sans considération de nationalité", de représenter "toujours l'intérêt du mouvement dans son ensemble" (Manifeste Communiste).
C'est pourquoi, face aux enjeux et la gravité de la situation historique présente, face au déchaînement des mensonges bourgeois et en vue de contribuer réellement à la maturation de la conscience du prolétariat ainsi qu'au développement de ses luttes, il appartient aux faibles forces révolutionnaires qui existent à l'heure actuelle, de surmonter leurs anciennes divisions et tout esprit de chapelle, d'ouvrir entre elles un débat fraternel leur permettant de clarifier leurs analyses et de participer de façon de plus en plus unie à la défense des positions communistes dans le prolétariat.

Si le prolétariat a besoin d'unité pour mener sa lutte, c'est le même esprit d'unité, qui ne peut se réaliser que dans la clarté, qui doit animer ses forces d'avant garde, les communistes.


Prolétaires,

Jamais dans l'histoire les enjeux n'ont été aussi dramatiques et décisifs que ceux d'aujourd'hui. Jamais une classe sociale n'a dû affronter une responsabilité comparable à celle qui repose sur le prolétariat. Si celui-ci n'est pas en mesure d'assumer cette responsabilité, il en sera fini de la civilisation, et même de l'humanité. Des millénaires de progrès, de travail et de pensée seront anéantis à tous jamais. Deux siècles de luttes prolétariennes, des millions de martyrs ouvriers n'auront servi à rien. Pour repousser toutes les manoeuvres criminelles de la bourgeoisie, pour déjouer ses mensonges odieux et développer vos luttes en vue de la révolution communiste mondiale, pour abolir le règne de la nécessité et accéder enfin à celui de le liberté,

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

Juillet-Septembre 1991

(*) La rédaction de ce Manifeste a été achevée en septembre 1991. Son principe et son contenu ont été adoptés par le 9e Congrès du CCI en juillet 1991 (Revue Internationale n° 67, oct.-déc. 1991).

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