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Effondrement du Stalinisme

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Effondrement du Stalinisme - Introduction

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Depuis deux ans la bourgeoisie déchaîne contre la classe ouvrière, dans le monde entier, une attaque idéologique d’une rare violence. S’appuyant sur un déploiement médiatique considérable et au moyen d’un bourrage de crâne intensif, elle cherche à faire passer l’idée mensongère selon laquelle l’effondrement des régimes staliniens serait celui du communisme.

Si la bourgeoisie s’attaque ainsi directement et spécifiquement à la classe ouvrière c’est parce que celle-ci constitue la seule force dans la société qui représente un danger mortel pour sa domination. Face à la faillite avérée et insoluble du système capitaliste, qui entraînera l’humanité à sa destruction totale s’il n’est pas renversé avant, la classe ouvrière est la seule force qui soit capable de proposer une issue, une alternative.

L’ignominieuse assimilation du stalinisme au communisme, qui est faite depuis toujours, et surtout, aujourd’hui, le battage écœurant qui nous est assené sur « la mort du communisme » constituent, pour la bourgeoisie, les fondements d’une gigantesque entreprise d’affaiblissement de la classe ouvrière et d’anéantissement de sa conscience. La bourgeoisie cherche ainsi à tuer dans l’œuf toute velléité de remettre en cause radicalement et définitivement sa domination et toute idée qu’il puisse exister une alternative à son système barbare. En bref, elle cherche à anéantir la perspective prolétarienne. Voilà pourquoi elle ne cesse de traîner dans la boue le mouvement ouvrier, ses heures de gloire (octobre 1917), ses organisations révolutionnaires (le parti bolchevique) et ses grandes figures (Marx, Lénine).

Et si « le communisme est mort », par contre, toujours selon la bourgeoisie, on assisterait aujourd’hui au « triomphe de la démocratie et du capitalisme libéral ». Pour tenter de nous en convaincre, lors de la chute du mur de Berlin, elle a exploité à fond les scènes de liesse de ces masses libérées du joug stalinien ainsi que les images de ces ouvriers de l’Est déambulant dans les rues de Berlin Ouest, ivres d’illusions sur le « paradis occidental ». A propos de la Roumanie, elle a même poussé jusqu’à falsifier la réalité des évènements, à travers des informations montées de toutes pièces pour appuyer sa campagne idéologique : souvenons-nous de la grossière mise en scène du charnier de Timisoara et de la chute de Ceausescu qu’elle a fait passer pour une « révolution populaire », alors que ce ne fut qu’un vulgaire putsch de palais. En août 1991, elle a continué à exploiter le même type de procédé : elle a présenté comme un « formidable mouvement populaire » « pour la démocratie contre le communisme » le coup d’état en URSS -un épisode supplémentaire du chaos inextricable dans lequel s’enfonce ce pays- qui a mis aux prises deux fractions rivales de la bourgeoisie au sein de l’Etat soviétique. Enfin elle se délecte des manifestations légitimes de haine contre tout ce qui symbolise aux yeux des populations à l’Est l’oppression stalinienne. Elle jubile sans retenue lorsque ces mêmes populations, trompées sur la cause de leurs souffrances, déboulonnent les statues de Lénine.

Si la bourgeoisie est capable de conférer à ses campagnes actuelles une efficacité redoutable c’est parce que, une fois de plus, elle a recours à l’une des supercheries les plus énormes de l’histoire, celle que toutes ses fractions, des PC à l’extrême droite en passant par les sociaux-démocrates, ont de façon complice montée et entretenue depuis plus de 60 ans (sans oublier le courant trotskiste qui apporte sa contribution depuis la seconde guerre mondiale) : le stalinisme serait la continuité du régime politique issu de la révolution de 1917 en Russie. Le stalinisme serait donc du communisme.

La bourgeoisie récrit ainsi l’histoire de façon falsificatrice, mais la réalité est toute autre:

  • Le stalinisme, en tant que régime politique, n’est que la forme particulière prise par le pouvoir du capital en Russie, suite à la défaite de la grande vague révolutionnaire qui a secoué le monde au début de ce siècle. C’est la bourgeoisie de tous les pays qui a réussi à vaincre la révolution mondiale, avant qu’elle ne se généralise, en liguant contre elle les forces de ses différentes fractions nationales qui, la veille encore, s’affrontaient dans la première guerre mondiale. C’est elle qui, en étouffant la révolution russe par le blocus de ses frontières, a hâté son processus de dégénérescence et la perte progressive, par le prolétariat, de son pouvoir politique. C’est ainsi qu’objectivement elle a favorisé la victoire en Russie du stalinisme.
  •  Le stalinisme a été l’artisan de la contre-révolution en Russie où il s’est imposé par la répression systématique et massive de la classe ouvrière, par l’élimination au sein du parti bolchevique, de ceux qui avaient été les principales figures d’Octobre 1917. Loin de représenter une continuité avec le mouvement révolutionnaire, le stalinisme a été, au contraire, son principal bourreau. Dans les années 30, partout dans le monde il a été, à travers les PC, le bras armé de la contre-révolution au sein du prolétariat, se chargeant de la répression et de l’élimination des militants révolutionnaires et surtout de l’embrigadement des masses ouvrières sur le terrain bourgeois du nationalisme pour les mener à s’entretuer dans la deuxième guerre mondiale. Depuis, ces partis qui se disent « communistes » n’ont cessé de figurer partout parmi les plus ardents défenseurs des intérêts de leur capital national contre la classe ouvrière.
  • Le stalinisme n’est qu’une forme particulière et caricaturale du capitalisme d’Etat et s’est distingué dès le début par une exploitation forcenée de la force de travail. La classe dominante qui s’est développée à partir de la bureaucratie de l’appareil d’Etat, s’y est appropriée, tout comme dans tout autre pays capitaliste, la plus-value résultant de l’exploitation de la classe ouvrière. Ce qui diffère avec d’autres pays capitalistes, c’est que cette appropriation s’y effectue collectivement à travers l’appareil d’Etat, du fait de la disparition de la propriété individuelle.
  • Le stalinisme n’a rien à voir avec le communisme, il en est même une négation. Le communisme ne peut exister qu’à l’échelle mondiale. Ainsi parler de « patrie socialiste » ou revendiquer « le socialisme dans un seul pays » est non seulement une aberration du point de vue du prolétariat mais surtout un mensonge et une mystification bourgeoise. Les Etats dits socialistes qui se sont créés et maintenus sur une base nationale ne sont que des Etats capitalistes.De plus, alors que le communisme, en tant que société sans classe, exige l’abolition de l’Etat, les régimes staliniens, eux, n’ont connu qu’un développement hypertrophique de ce même état, et sa domination par la terreur sur l’ensemble de la société.

Enfin, alors que le communisme c’est l’abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme, c’est la pleine satisfaction des besoins humains, le stalinisme n’a été, en particulier pour la classe ouvrière, qu’exploitation féroce, pénurie, rationnement et misère noire.

Si aujourd’hui, la bourgeoisie démocratique n’a pas de mots assez durs pour dénoncer le stalinisme, c’est pour mieux souiller le communisme, mais aussi pour mieux nous faire croire qu’elle a toujours été son ennemi juré. L’hypocrisie et le mensonge atteignent ici des sommets. Ces mêmes démocraties n’ont jamais répugné à collaborer avec Staline et les siens quand leurs intérêts fondamentaux le leur commandaient. Souvenons-nous que, durant les années 20 et après, elles l’ont soutenu dans la traque et l’élimination de tous les opposants (« vieille garde bolchevique », « opposition de gauche », « gauche communiste ») à son régime. Souvenons-nous que, durant la deuxième guerre mondiale, ils se sont alliés à lui pour la défense de leurs intérêts impérialistes contre le bloc d’Hitler. Souvenons-nous comment, à la fin de la guerre, ils ont favorisé l’occupation russe partout où avaient surgi des révoltes ouvrières (notamment à Varsovie et Budapest après les massacres commis par les troupes hitlériennes) pour mieux assurer la répression et le maintien l’ordre. Souvenons-nous comment Roosevelt et Churchill ont récompensé Staline à Yalta pour tous les services rendus.

Dans le mouvement ouvrier le combat contre le stalinisme -en tant que falsification de la perspective prolétarienne et en tant qu’ennemi mortel de la classe ouvrière- n’est pas une "nouveauté" Il s’est développé dans le parti bolchevique même et au sein des PC dès les années 20. Ensuite, il s’est poursuivi dans les groupes de la Gauche communiste en particulier. C’est un combat d’une importance capitale pour le prolétariat et, le CCI, en tant qu’héritier de cette gauche, l’a repris, dés sa fondation, en le plaçant au centre de ses positions programmatiques : « Les soi-disant « pays socialistes » (Russie, Bloc de l’Est, Chine, Cuba, etc.) sont une expression particulière de la tendance universelle au capitalisme d’Etat, lui-même expression du déclin du capitalisme. Il n’y a pas de « pays socialistes » dans le monde; ces pays ne sont que des bastions capitalistes que le prolétariat devra détruire, tout comme n’importe quel autre Etat capitaliste. »[1]. Dans ce combat le CCI a toujours trouvé, et trouve encore, face à lui, les groupes trotskistes qui présentent la Russie comme un « Etat ouvrier dégénéré », c’est à dire un état non capitaliste, pour la défense duquel la classe ouvrière devait se battre afin de préserver de soi-disant acquis « socialistes ».

Le stalinisme en crevant rend un dernier grand service à la bourgeoisie en lui permettant de développer son ignoble campagne sur la « mort du communisme ».

Par cette campagne idéologique sans précédent -pour laquelle elle a mobilisé toutes ses forces, de l’extrême droite à l’extrême gauche- elle attaque la classe ouvrière en profondeur au niveau de sa conscience, cherchant ainsi à la soumettre définitivement à sa domination. Voilà pourquoi elle s’évertue à lui faire renier sa propre histoire et à l’écarter de sa propre perspective. Voilà pourquoi elle veut faire croire que le capitalisme est le seul système viable et que la démocratie bourgeoise est le régime politique idéal. La classe ouvrière n’a pas d’autre choix que de tout faire pour repousser cet assaut redoutable de l’ennemi. En mettant en relief la réalité profonde du stalinisme, de son effondrement, en combattant la campagne et les mensonges assenés par la bourgeoisie, c’est à cette tâche prioritaire que veut contribuer cette brochure[2].

Face au chaos grandissant et à la barbarie qu’engendre le capitalisme partout dans le monde -dont l’effondrement des Etats staliniens a été une manifestation et un puissant facteur d’accélération- il est de la première importance que le prolétariat prenne conscience des responsabilités immenses qui sont les siennes pour sauver l’humanité de l’anéantissement vers où l’entraîne ce système en décomposition. Les enjeux sont plus clairs que jamais et se résument toujours ainsi : « SOCIALISME OU BARBARIE », « REVOLUTION PROLETARIENNE MONDIALE OU DESTRUCTION DE L’HUMANITE ».

Pour mener ce combat vital et le mener jusqu’à la victoire, la classe ouvrière doit prendre conscience de ses capacités gigantesques notamment en se réappropriant sa propre histoire, en se souvenant qu’à travers sa mobilisation internationale sur le terrain révolutionnaire, elle a contraint la bourgeoisie, au début de ce siècle, à mettre un terme à la première boucherie mondiale, et elle a ébranlé son système jusque dans ses fondements. Elle doit en particulier se revendiquer de l’expérience inestimable qu’a constitué la prise du pouvoir d’Octobre 1917 en Russie qui n’a rien à voir avec la contre révolution stalinienne.

En rejetant les mensonges que déverse aujourd’hui la bourgeoisie, elle doit affirmer haut et fort, avec Rosa Luxembourg[3], que « l’avenir appartient partout au bolchevisme ».

CCI. Novembre 91

 

[1] Extrait du résumé de nos positions, dans la forme qu’il avait avant son actualisation récente, nécessitée par l’effondrement des régimes staliniens, et figurant au dos de toutes les publications di CCI

[2] constituée à partir d’articles ou d’extraits d’articles des différentes presses territoriales du CCI ou de sa Revue Internationale.

[3] In "la révolution Russe"

 

I - L'EFFONDREMENT DES RÉGIMES STALINIENS EST CELUI D'UN PAN DU MONDE CAPITALISTE

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Contrairement à ce que vomissent hystériquement les propagandistes de l'ordre établi, ce n'est pas le communisme qui se meurt en URSS, mais le stalinisme, plongeant dans un marasme encore plus grand un pan entier du capitalisme. Les violentes secousses qui ébranlent le plus grand pays du monde ne sont même pas celles d'une «révolution démocratique bourgeoise » annonçant une nouvelle jeunesse du capitalisme, mais les premiers craquements du système mondial dans ses maillons les plus faibles. Le vent dévastateur de la décomposition capitaliste accélère ses ravages sans offrir d'autre perspective que l'accélération du chaos.

Ainsi, la crise économique et politique qui frappe les pays du bloc de l'Est ne peut être comprise que dans le contexte historique de l'enfoncement du capitalisme dans sa période de décadence, de sa crise ouverte à la fin des années 60 et de l'accélération brutale de celle-ci au cours des années 80. Elle est avant tout une conséquence de l'impasse historique, de la faillite totale du mode de production capitaliste. Face aux convulsions insurmontables du système, ce sont évidemment les pays les plus sous-développés qui sont les premières victimes de cet effondrement général de l'économie mondiale. Dans le lot des pays arriérés, ceux de l'ex bloc de l'Est occupent une place particulière. En effet, l'arriération économique, notamment dans le pays anciennement tête de bloc, l'URSS, n'est pas le seul facteur qui permette de comprendre la gravité de telles convulsions, et en particulier l'extrême rapidité avec laquelle elles se développent aujourd'hui.

Une telle situation ne peut s'expliquer qu'à partir des particularités qui caractérisaient l'économie de ces régimes notamment la forme spécifique qu'avait pris le capitalisme d'Etat dans ces pays.

Ex-URSS : ce n’est pas le communisme qui s’effondre, c’est le chaos capitaliste qui s’accélère

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(d'après la Revue Internationale N°67; le 20/9/1991)

  • Le torrent de chaos et de décomposition qui balaie le monde vient de faire craquer les murailles fissurées d'un des principaux bastions du capitalisme mondial. La deuxième puissance impérialiste dont l'arsenal nucléaire permettrait à lui seul de détruire plusieurs fois la planète, «le pays du grand mensonge», où les responsables cyniques de la plus sanguinaire répression anti-communiste de ce siècle ont gouverné pendant des décennies au nom du communisme, le modèle éculé de l'exploitation capitaliste sous sa forme la plus étatisée s'effondre sur lui-même dans les convulsions des suites d'un coup d'Etat mort-né.

Un gouvernement qui ne sait pas quels sont ses pouvoirs ni sur quoi il gouverne; un pays qui ne sait pas quelles sont ses frontières parce qu'il explose en autant de républiques autonomes; une armée de 4 millions d'hommes, disposant de 30.000 têtes nucléaires, mais dont le commandement est paralysé par la menace d'une purge de 80% de ses effectifs et qui parfois ne sait plus a quel gouvernement obéir; une économie moribonde bloquée par la paralysie des organes de décision et étranglée par les conflits entre républiques. Telle est la situation de l'URSS au lendemain du coup d'Etat manqué des «conservateurs» et du triomphe des «forces démocratiques».

Prévu de longue date, annoncé comme une menace imminente par les leaders «réformateurs» tels Chevardnadze et Yakovlev, le coup d'Etat entrepris par les fractions conservatrices de la Nomenklatura, nostalgiques de l'ancienne grandeur de l'Empire, a enfin eu lieu. L'échéance fatidique de la signature par Gorbatchev du Traité de l'Union, prévue pour le 20 août, qui devait entériner un pas irréversible dans la dislocation de l'URSS, semble avoir été" l'élément déterminant qui a contraint les «conservateurs» à se jeter désespérément dans une aventure sans issue[1] [2]. Mais le coup de force n'a été qu'un fiasco ridicule qui aura surtout permis aux fractions «réformatrices» de reprendre l'offensive. Le carcan stalinien, ou ce qu'il en restait, a volé en éclats en quelques jours, laissant s'échapper dans toute sa puissance le chaos de plus en plus mal contenu par l'ancienne machine d'Etat.

Après l'effondrement du bloc de l'Est, c'est au coeur même de l'ancien empire que le stalinisme s'écroule. L'ouragan déclenché par l'affaiblissement de l'URSS et qui pendant deux ans a dévasté les forteresses staliniennes d'Europe centrale, de Varsovie à Bucarest, de Berlin à Prague, revient au centre, à Moscou et Leningrad, sans avoir perdu de sa puissance destructrice, au contraire. Mais ici le phénomène apparaît plus clairement et prend une signification majeure. Dans les pays de l'Est européen, les bouleversements politiques qui ont accompagné la fin du stalinisme, étaient fortement marques par des spécificités locales : le sentiment anti-russe et l'impression qu'il suffirait de se débarrasser de la griffe de l'ours soviétique pour que tout aille mieux, le fait que le stalinisme n'y était pas apparu à la suite d'une contre-révolution locale mais importé par les chars de l'armée russe, la présence active de forces politiques et économiques occidentales impatientes de récupérer les lambeaux de l'empire en décomposition, tout cela atténuait quelque peu la spécificité anti-stalinienne des événements. La Russie constitue en revanche le berceau du stalinisme et le lieu de la révolution d'Octobre 1917. Ici la décrépitude stalinienne apparaît dans toute sa sordide vérité, toute sa putréfaction.

De ce fait, la campagne idéologique déclenchée il y a deux ans, consistant à présenter la faillite du stalinisme comme celle du communisme, du marxisme, de la lutte de classe, connaît avec les événements de Russie de nouveaux sommets d'ignominie.

La bourgeoisie du monde entier exulte à montrer les photos de «foules» en train de détruire, dans la «patrie du communisme», les statues de Lénine, Marx et Engels : des travailleurs en train de cracher sur les images de ceux qui ont affirmé qu'on pouvait bâtir un monde sans classes ni exploitation ; le souvenir de la plus grande révolution que les classes exploitées aient jamais entrepris, dénaturé par son identification avec la contre-révolution stalinienne et foulé aux pieds dans les rues mêmes d'où jadis les prolétaires en armes «ébranlèrent le monde» ; la presse bourgeoise internationale se permettant de titrer en cinq colonnes à la une : «Le communisme est mort !»

En Russie, comme ailleurs, le stalinisme, pétri dès ses origines dans la falsification, ne pouvait crever que dans le mensonge.

Les événements du 19-24 août à Moscou qui ont marqué le basculement du stalinisme, font eux-mêmes l'objet d'une série de falsifications : mensonge sur la nature des affrontements, décrits comme une «révolution populaire» ; mensonge sur l'enjeu des combats, présenté comme «une lutte contre le communisme» ; mensonge sur l'avenir ouvert par ces événements, dessiné comme un monde qui (après quelques secousses et sacrifices inévitables) connaîtra paix et prospérité grâce aux vertus miraculeuses de la libre concurrence et du jeu électoral de la démocratie bourgeoise.

UNE REVOLUTION POPULAIRE ?

«On a gagné ! Ce sont les moscovites, et en particulier les jeunes qui ont fait échouer le coup d'Etat, permis la victoire de la démocratie sur la réaction et sauvé l'URSS.» Eltsine[2] [3].
«Ce que nous voyons aujourd'hui c'est une véritable révolution populaire. La liberté a enfin triomphé.» Yakovlev[3] [4].

Voilà comment Eltsine et Yakovlev, deux figures de proue des bureaucrates «réformateurs», présentent les événements de Moscou. C'est la version reprise par l'ensemble des médias internationaux : face a une tentative de coup d'Etat impulsée par les éléments les plus attachés aux anciennes formes du stalinisme, le «peuple», les travailleurs moscovites, à l'appel du grand Eltsine se sont soulevés comme un seul homme. Certains journalistes améliorent cette version en allant jusqu'à définir ces événements comme une «une nouvelle révolution française de 1789» et parlent d'Eltsine comme du «nouveau Danton».

Où est la vérité ? Quelle a été la participation des millions de prolétaires de la banlieue de Moscou ? Qui a fait échouer le coup d'Etat ?
L'image d'Eltsine, le jour du coup d'Etat, debout sur un char, dénonçant «l'illégalité de l'action des putschistes» et appelant à la grève générale, a été diffusée dans le monde entier jusqu'à la nausée. Ce qui a été moins divulgué, c'est le fait que l'appel d'Eltsine n'a été que peu suivi par les travailleurs de Moscou et d'URSS, et que la mobilisation dans les manifestations a, elle aussi, été pour le moins timorée.
«S'il n'y a pas de chauffage cet hiver, ce n'est pas Gorbatchev qui me réchauffera, ni Ianaïev, ni Eltsine ! A mon avis, ils jouent tous ensemble un jeu dont le seul perdant, comme toujours, sera le peuple.» Cette citation d'une «mère de famille»[4] [5] commentant les événements le jour même du putsch, exprime bien deux sentiments qui caractérisent actuellement les travailleurs en Russie : l'inquiétude face à la dégradation sans nom des conditions matérielles d'existence ; une sourde méfiance, longuement enracinée par des décennies d'expérience, à l'égard de tout ce qui vient du monde de la Nomenklatura et de ses apparatchiks[5] [6]. La prédominance de cet état d'esprit explique en grande partie la faiblesse de la mobilisation «populaire» pour répondre aux exhortations d'Eltsine.

Il est plus que probable que si les affrontements avaient gagné en importance, si, par exemple, le Parlement de Russie avait effectivement été attaqué par des corps d'armée fidèles aux putschistes, il y aurait eu une plus large participation des ouvriers moscovites et d’ailleurs en URSS. Les illusions sur la démocratie bourgeoise, sur le nationalisme, sur les vertus du «capitalisme de marché» pèsent encore lourdement sur ces travailleurs pour oui, de toutes façons, «rien ne peut être pire que le stalinisme». Mais cette fois-ci, à part quelques exceptions dans les mines russes (où est fortement implanté un syndicat aux ordres d'Eltsine) et certaines entreprises dans les grandes villes, comme à Moscou, il n'y a pas eu une mobilisation massive, «populaire» (dans la mesure où ce terme bourgeois y inclut la classe ouvrière).

Contrairement à la fable officielle, ce n'est pas une «révolution populaire» qui a fait échouer le coup d'Etat mais le délabrement de l'ensemble de l'appareil politique et les divisions au sein de la classe dominante. Les soldats dans les chars qui protégeaient le Parlement de Russie n'avaient pas rompu avec la hiérarchie militaire pour fraterniser avec les manifestants : ils obéissaient aux ordres du général Lebedev qui dépendait lui même du commandant en chef des forces de l'air, Shaposhnikov[6] [7] passé du côté d'Eltsine. Si l'offensive militaire contre le parlement de Russie n'a pas eu lieu, ce n'est pas tant parce que, comme le prétendit par la suite leur chef Ianaïev, les putschistes craignaient un bain de sang, mais parce que des officiers de haut rang, aussi bien dans l'armée que dans le KGB n'ont pas obéi aux ordres de certains de leurs supérieurs. Les 300 voitures et les cars utilisés pour faire des barricades autour du Parlement ne furent pas arrachés à la circulation par les manifestants mais fournis par des banques, des firmes, la bourse du commerce de Moscou. Si la liaison du Parlement russe avec l'extérieur a pu être maintenue, ce n'est pas parce que les travailleurs du téléphone ont imposé qu'il en soit ainsi, mais parce que la compagnie américaine Sovamer Trading a mis gracieusement à disposition son canal de liaison téléphonique via la Finlande[7] [8].

Les véritables protagonistes des affrontements de Moscou, ce furent deux fractions de la classe dominante. Cinq ans de Perestroïka hésitante n'ont fait que diviser en profondeur les rangs des apparatchiks et fait surgir une couche de gérants d'entreprises qui ne sont plus directement intégrées à la structure étatique. Le camp des dits «conservateurs», celui représenté par Guénadi Ianaïev, Pougo, Yazov et les autres putschistes, regroupe cette fraction de la Nomenklatura qui résiste au démantèlement des anciennes formes staliniennes d'organisation parce qu'elle y voit un suicide pour elle-même et pour l’empire[8] [9]. Elle se recrute, tout comme sa rivale «réformatrice», dans toutes les institutions, car la fissure traverse toute la machine du système : dans le complexe militaro-industriel, dans le KGB, dans l'état-major de l'armée et surtout dans le gigantesque appareil du PCUS. La fraction adverse, dont Eltsine constitue le plus flambant porte-drapeau, provient aussi des mêmes égouts bureaucratiques, comme l'a mis en évidence l'échec même du putsch. Elle inclut en outre les représentants de «l'autre économie» et les dirigeants des nouvelles structures économiques. «En URSS, le secteur non étatique est déjà bien plus important qu'on ne le croit.» déclarait récemment Arkadi Volski, un des hommes les plus représentatifs de la clique réformatrice[9] [10]. Le credo de ce rassemblement d'apparatchiks repentis et d'hommes d'affaires, c'est la destruction des rigidités staliniennes afin de tenter de sauver la machine d'exploitation, c'est-à-dire leur propre situation d'exploiteurs.

Ce n'est donc pas à une révolution du «peuple» contre des «putschistes réactionnaires» qu'on a assisté, mais à l'affrontement entre deux cliques d'une même classe réactionnaire, depuis longtemps condamnée par l'histoire, infestée jusqu'à la moelle par les divisions et les trahisons, cherchant désespérément une issue dans son navire qui coule inexorablement.

Il faut toute la stupidité corrompue des propagandistes intéressés pour voir dans les événements de Moscou une «révolution populaire», une «nouvelle prise de la Bastille», et dans le président de la Russie un «nouveau Danton». Les héros bourgeois de 1789 en France avaient la dimension historique de ceux qui participent à l'accouchement révolutionnaire d'une nouvelle société. A côté d'eux, les apparatchiks à la Eltsine ne sont que des nabots de l'histoire, fleurons de la Nomenklatura stalinienne, une des formes les plus monstrueuses et dégénérées qu'ait jamais pris la classe capitaliste, confrontés à la tâche impossible de maintenir un «ordre» en pleine putréfaction.

UN COMBAT CONTRE LE COMMUNISME ?

Mais le mensonge principal, le plus pernicieux, la clé de voûte de la gigantesque campagne idéologique qui accompagne l'effondrement du stalinisme en URSS, consiste a présenter les gorilles putschistes de Guénadi Ianaïev comme «les derniers défenseurs du communisme». Ce communisme dont Marx et Engels définirent les principes, pour lequel les prolétaires de Russie, avec à leur tête Lénine et le parti bolchevik, se battirent en même temps que leurs frères de classe en Allemagne, Hongrie, Italie.

Seule l'ignorance et des décennies de mensonge totalitaire, scientifiquement organisé et diffusé dans tous les pays, expliquent que l'identification du stalinisme avec le communisme puisse rencontrer encore aujourd'hui un tel crédit. La plus élémentaire confrontation entre la réalité du stalinisme et les principes communistes révèle immédiatement l'énormité d'une telle falsification.

Le point de départ de la Révolution russe de 1917 fut la lutte contre la guerre, c'est-à-dire la lutte contre l'embrigadement des prolétaires derrière leurs drapeaux nationaux. A la différence des pleurnichards pacifistes, qui comme toujours rêvaient de patries capitalistes pacifiques, la lutte révolutionnaire contre la guerre se fit sous la bannière des principes du Manifeste Communiste de Marx et Engels : «Les prolétaires n’ont pas de patrie ! Prolétaires de tous les pays unissez-vous !» Les bolcheviks l'ont clamé mille fois : «La révolution n'est qu'un détachement de l'armée socialiste mondiale, et le succès et le triomphe de la révolution que nous avons accomplie dépendent de l'action de cette armée. C'est un fait que personne parmi nous n'oublie (...) Le prolétariat russe a conscience de son isolement révolutionnaire, et il voit clairement que sa victoire a pour condition indispensable et prémisse fondamentale, l'intervention unie des ouvriers du monde entier.» Lénine (le 23 juillet 1918). Depuis ses origines, le communisme des marxistes, comme lutte et comme objectif, ne se conçoit qu'à l'échelle mondiale. Le stalinisme, en revanche, naît comme courant dans l'histoire par le rejet, après la mort de Lénine, des principes internationalistes et en se faisant le porte parole de la théorie du «socialisme en un seul pays». Il s'est vautré dans le nationalisme et le patriotisme les plus abjects : pendant la seconde guerre mondiale Staline s'enorgueillit, acclamé par ses alliés «démocratiques» pour son «génie militaire», que l'URSS ait versé 24millions de cadavres sur l’autel de la boucherie impérialiste.

Alors que la société communiste se définit par l'abolition du salariat et de toute forme d'exploitation, le stalinisme restera dans l'histoire comme un des régimes où l'exploitation salariale aura atteint des degrés d'intensité et de barbarie sans précédent. Dans le Manifeste Communiste, Marx et Engels écrivaient : «L'ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses conflits de classes, fait place à une association où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous.» En Russie, l'épanouissement de la Nomenklatura, la bourgeoisie étatique, s'est faite au prix de la misère la plus noire pour tous les prolétaires.

Alors que dans la conception marxiste, la lutte pour le communisme passe par une phase de «dictature du prolétariat» dont la condition première est la participation massive et active de tous les prolétaires au pouvoir politique ; alors que les ouvriers de Russie ont créé spontanément en 1905 et instauré en 1917 «la forme enfin trouvée» de cette dictature, (les «soviets», conseils de délégués élus et révocables à tout moment par les assemblées d'usines et de quartiers), le stalinisme se développe sur le cadavre de ces organes dont il ne gardera le nom que pour déguiser les institutions de la dictature totalitaire du capital[10] [11].

Le stalinisme n'est pas la négation du capitalisme mais le capitalisme étatisé jusqu'à l'absurde[11] [12]. La Nomenklatura «conservatrice» d'aujourd'hui n'est pas la dernière expression du communisme, mais, tout comme la fraction «réformatrice», l'héritière directe des bourreaux staliniens qui se sont chargés de massacrer tous les protagonistes authentiques de la révolution communiste d'Octobre[12] [13].

Le conflit qui oppose les cliques de bureaucrates en URSS n'a rien à voir avec le communisme. Le véritable antagonisme ne porte que sur la façon de gérer l'exploitation des prolétaires et des paysans d'URSS : misère et pénurie sous la botte stalinienne ou misère et chômage sous le fouet des «hommes d'affaires».

Les classes exploitées ne peuvent participer à ce conflit que comme chair à canon. S'engager derrière les «forces démocratiques» ou derrière les «forces conservatrices », c'est courir au massacre et c'est tourner le dos à la seule lutte qui puisse offrir une issue au cauchemar capitaliste : la lutte révolutionnaire du prolétariat mondial contre toutes les fractions de la classe exploiteuse.

  • DES PERSPECTIVES DE PROSPERITE, LIBERTE ET PAIX ?

La prospérité ?

Au centre des mensonges démagogiques des «vainqueurs» se trouve la question économique : Eltsine n hésitait pas avant le putsch à promettre qu'il sortirait le pays du marasme «en 500 jours».

Et pour cause. La situation économique de l'URSS n'a cessé de se dégrader au cours des cinq années de Perestroïka, et cette dégradation connaît une violente accélération depuis le début de 1991[13] [14]. Au cours des derniers 6 mois, la production intérieure de l'URSS a chuté de 10 % ; les importations de 50% et les exportations de 23,4%. L'inflation, en août 1991, atteignait déjà le rythme de 100% annuel. Sur le plan financier, l'URSS ne parvient plus à rembourser ses dettes. Volski déclarait début septembre que le pays était «au bord d'un effondrement financier»[14] [15], alors que l'oxygène des capitaux occidentaux -rendus de plus en plus méfiants par le développement du chaos- ne cesse de se raréfier. L'économie subit les conséquences de l'instabilité politique et sociale : les conflits entre républiques, et entre groupes nationaux au sein des républiques, aboutissent à des étranglements réciproques dans des guerres où les moyens de pression économique (tels les blocages des voies de communication) sont couramment employés comme armes ; l'instabilité institutionnelle et politique, (et depuis le putsch, la peur des purges), conduisent à une totale paralysie de la bureaucratie dans les centres de décision économique. La famine menace pour cet hiver.

La crise économique est effectivement au centre de la situation en URSS. Ce n'est pas par hasard que le premier organisme de pouvoir central crée par les «vainqueurs» a été un Comité pour la gestion de l'économie, et que c'est ce même comité qui a été chargé de constituer un nouveau gouvernement pour l'URSS, ou ce qu'il en reste.

Mais quel est l'avenir, maintenant que l'homme des «500 jours» est au pouvoir ? Depuis que Iavlinski, l'auteur du fameux plan d'Eltsine, participe directement à ce qui sert de gouvernement à l'ex-URSS, le projet est devenu un «plan pour... 5 ans». Son contenu ? Une «thérapie de choc», «à la bolivienne», comme disent les experts du FMI : «vérité des prix», ce qui veut dire explosion de l'inflation (on prévoit déjà 1.000% d'inflation pour dans quatre mois) ; privatisation accélérée de l'économie[15] [16] ce qui veut dire licenciement des travailleurs dans les entreprises considérées comme non compétitives (on prévoit trente millions de chômeurs pour 1992) ; une augmentation du nombre de personnes vivant au dessous du niveau de pauvreté, au rythme de 170.000 de plus par mois.

Tel est l'avenir annoncé. La réalité sera certainement plus dramatique : les guerres civiles qui ensanglantent et ensanglanteront les républiques, les exodes de populations civiles qu'elles provoqueront, ne pourront qu'aggraver le désastre et la misère. La fameuse sortie du marasme ne pourra se produire ni dans 500 jours ni dans 5 ans, non seulement du fait de la perspective économique de la situation mondiale, mais encore parce que le chaos politique et social dans lequel s'enfonce ce qui était l'URSS rendent toute maîtrise de la machine économique illusoire.

La liberté ?

«La liberté a enfin triomphé !», proclamait Yakovlev, le «père de la Perestroïka», lorsque l'échec du putsch fut certain. Mais, de quelle liberté parlait-il sinon de celle des nouveaux requins : les apparatchiks reconvertis, les hommes d'affaires, les trafiquants du marché noir, les hommes des puissantes mafias, toute cette racaille qui, à la mode reagannienne, se trouve élevée au rang de «héros» dans le culte de la «libre entreprise». Pour les prolétaires et les paysans pauvres en quoi consiste cette «liberté» qui «a enfin triomphé» ? Que veut dire la liberté pour un chômeur ? Que veut dire la liberté lorsqu'on passe l'essentiel de son temps à faire la queue devant des magasins vides ? Que veut dire la liberté quand la vie reste enchaînée à la lutte pour la survie quotidienne dans un chaos incontrôlé ? La liberté dans la misère n'est qu'un cynique mensonge. La seule chose qui changera pour les travailleurs soviétiques, et encore seulement dans les zones les plus industrialisées, sera l'organisation chaotique d'une caricature de démocratie bourgeoise : au lieu des falsifications grossières de la propagande stalinienne, ils auront droit à la sophistication du mensonge démocratique (électoral, médiatique et syndical), celui qui laisse faire sa «critique» par ses propres professionnels, «en toute liberté», pour mieux étouffer la voix des critiques véritables qui grondent dans la société, celui qui nourrit un réseau «crédible» d'organisations syndicales et politiques dans les rangs de la classe ouvrière, pour mieux en saboter les combats de l'intérieur.

La paix au sein de l'ex-URSS ?

En même temps que l'URSS se retirait de l'Afghanistan et perdait son emprise sur les pays de l'Europe de l'Est, le feu des guerres nationalistes se développait en son sein. Les républiques périphériques s armaient déjà et proclamaient leur autonomie par rapport au centre et par rapport à toute autre république.

Les nouveaux vainqueurs ont aussi un plan (sans dates cette fois-ci) pour ramener paix et harmonie à la maison : les «traités de l'Union» qui permettraient de donner la liberté à tous, en établissant de nouveaux liens, à l'amiable, fondés sur une coopération volontaire. L'impulsif Eltsine a bien laisse échapper des menaces explicites contre ceux qui iraient trop loin (renégociation des frontières), mais ce ne fut que pour se reprendre immédiatement.

Le putsch voulait empêcher la signature du Traité de l'Union mis au point par Gorbatchev et quelques républiques consentantes. L'échec du putsch et le triomphe des «démocrates» ont eu comme principal effet immédiat de faire exploser le peu qui restait de cohérence dans les rapports entre les républiques[16] [17]. En quelques jours la carte du monde a commencé à être redessinée sans que personne ne sache où cela s'arrêtera : les trois pays baltes voient leur indépendance reconnue par les puissances occidentales ; toutes les autres républiques proclament tour à tour leur indépendance. En quelques jours, l'URSS a cessé d'exister.

La plupart des républiques cherchent à constituer ou à renforcer leurs propres institutions politiques, leur propre armée. L'anarchie, qui dans ce domaine avait déjà atteint des degrés catastrophiques13 se généralise. Entre républiques, les antagonismes ne cessent de s'intensifier, comme entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie à propos du Haut Karabakh. Et, au sein de chaque république, les mêmes tendances centrifuges s'expriment, accroissant et généralisant le désordre. Qu'il s'agisse de russes[17] [18], ou de populations, «nationalités» et «ethnies», autres que celles prédominant dans les républiques, tous affirment leur «autonomie», posant au niveau de chaque république le problème qui se pose au niveau de l'ensemble de l'URSS. Le cas de la Moldavie est particulièrement significatif : les nouvelles autorités locales ont déclaré leur intention d'intégrer leur région directement dans l'Etat Roumain, mais elles se heurtent à la résistance active des «autorités» du Dniestr (où la population est formée en majorité de Russes et d'Ukrainiens) qui menacent de «sanctions économiques» la partie roumaine de la Moldavie[18] [19] ; celle-ci doit en outre tenir compte de la Gagaouzie, une zone peuplée de Turcs de religion orthodoxe russifiés ; en Géorgie, les populations Ossètes subissent une impitoyable 'répression de la part des autorités locales ; la petite zone de Crimée, partie intégrante de l'Ukraine, se proclame «autonome» par rapport à celle-ci, déclarant que «Seul le peuple de Crimée a le droit de posséder et d'utiliser ta terre et ses richesses.»[19] [20].

Il n'y aura pas de retour à la paix dans ce qu'était l'URSS. Les forces de fond qui y font exploser les antagonismes nationalistes ne sont autres que celles qui plongent la planète entière dans le chaos. La paralysie économique, le développement de la misère et la désagrégation des tissus sociaux qu'elle provoque, l'explosion des antagonismes entre toutes les fractions du capital, tout ce cours de décomposition de «l'ordre capitaliste» est devenu irréversible, en URSS comme ailleurs. Il ne sera arrêté que par l'action révolutionnaire du prolétariat mondial.

La paix dans le monde ?

Dans la panoplie de mystifications des «forces démocratiques», la promesse de la paix tient une place importante. Annoncer la réduction des dépenses militaires grâce à une politique internationale plus conciliatrice, constitue, en URSS plus qu'ailleurs, un argument propagandiste efficace. Les «réformateurs» ne s'en privent pas, qui annoncent la poursuite de la politique de Gorbatchev.

C'est un argument qui fait de nécessité vertu : si l'URSS sous Gorbatchev est moins menaçante, c'est parce qu'elle ne peut pas faire autrement. La période où l'URSS tenait tête aux USA en imposant une victoire de ses alliés au Vietnam est bien loin. L'attitude du gouvernement de Gorbatchev pendant la guerre du Golfe, subissant impuissant les diktats de Bush, est éloquente. Sur la scène internationale, les dirigeants du Kremlin en sont réduits au rôle de mendiants qu'on fait attendre à la porte des réunions des «grands». Dans ces conditions, l'URSS pourrait difficilement mener une politique directement agressive.

La victoire des «réformateurs» n'est pas pour autant porteuse de paix. Au contraire. Les conséquences internationales de l'effondrement du pays le plus étendu du monde sont incalculables. Tout au long d'une frontière qui s'étend du nord du Pacifique à la mer baltique, c'est une gigantesque traînée de poudre qui a été semée. L'avidité des pays frontaliers mais aussi des grandes puissances, s'exacerbe à la vue des proies lâchées par l’«ours russe». Même si celles-ci sont parfois sans grande valeur économique, la guerre que se livrent en permanence tous les pays sous l'impérialisme, et plus particulièrement les puissances dominantes, les contraint à se battre ne fut-ce que pour empêcher les concurrents de se renforcer. En outre, l'instabilité politique, tout comme les tendances centrifuges nationalistes sont contagieuses.

Longue est la liste des foyers de tension que crée ou ravive l'effondrement de l'empire : les îles Kouriles, prises au Japon par l'URSS à la fin de la seconde guerre mondiale[20] [21] sont réclamées par le Japon avec une nouvelle insistance ; la frontière entre la Chine et l'URSS, la plus longue du monde, constitue une des plus grandes concentrations militaires de la planète et 'objet de nombreux litiges qui ne peuvent que se réveiller ; la Chine, dernier grand bastion du stalinisme, est elle-même soumise à de puissantes tensions politiques et nationalistes internes qui ne pourront échapper au choc ; les antagonismes entre le Pakistan et l'Inde, qui n'ont cessé de s'aggraver dans les dernières années, se trouvent intensifiés ; les zones des frontières avec l'Iran et la Turquie, soumises déjà aux tensions qui déchirent le Caucase (Azerbaïdjan, Arménie, Géorgie), risquent de s'enflammer à nouveau déstabilisant les minorités nationales au-delà des frontières ; enfin, toute la zone frontalière avec l'Europe centrale, de la Roumanie aux pays baltes est un véritable puzzle de «nationalités» diverses imbriquées les unes dans les autres (Roumains, Hongrois, Allemands... et Russes), traversée par des jalousies et de vieux antagonismes archaïques qui créeront autant de nouveaux centres de tension.

La secousse se fait et se fera sentir au-delà des zones limitrophes de l'empire. Le processus de dislocation de l'ex-bloc de l'Ouest, entamé avec l'effondrement du bloc de l'Est, ne peut qu'être accéléré par la disparition de «l'ennemi commun» et par l'exacerbation des antagonismes qui les opposent dans la convoitise des lambeaux de 1’URSS. Même jusqu'à Cuba parviennent les effets de l'ébranlement.

Le caractère mensonger des promesses de paix faites par les gouvernements, il y a deux ans, à la suite de la chute du mur de Berlin, est apparu dans toute son évidence sous le feu des bombes de la guerre du Golfe. Les nouvelles promesses de paix à l'occasion de l'effondrement de l'URSS ne sont pas moins creuses. L'onde de choc du cataclysme soviétique ne fait que commencer à faire sentir sa puissance déstabilisatrice et accoucheuse de guerre.

La guerre civile qui ensanglante la Yougoslavie est une criante illustration des tendances dévastatrices qui balaient le capitalisme et que l'écroulement de l’URSS ne peut qu'accélérer. La dislocation de la Yougoslavie est, en partie, une conséquence du mouvement de déstabilisation commencé il y a deux ans avec la fin du bloc de l'Est et des blocs en général. L'échec du putsch lui-même a eu dés répercussions sur son cours en encourageant les tendances séparatistes croates. Mais cette tuerie nationaliste est surtout la concrétisation des tendances destructrices et omniprésentes du capitalisme : les tendances au chacun pour soi, à la dislocation de l'organisation capitaliste sous la pression de la crise économique, la tendance à recourir à la barbarie guerrière pour «résoudre» les problèmes[21] [22].

La Yougoslavie n'est pas « un cas particulier», c'est l'avenir de l'URSS, mais aussi de la planète, si le mode d'organisation sociale capitaliste n'est pas détruit, si la classe ouvrière mondiale ne met pas un terme à l'agonie de ce système qui conduit au suicide.

 

[1] [23] D'autres facteurs immédiats contribuent à expliquer la décision des putschistes : la violente accélération de la crise économique, sensible depuis le début de 1991 et la crainte des nouvelles déstabilisations qu'elle entraînera, en particulier au cours de l'hiver prochain ; le rapprochement de Gorbatchev vis à vis d'Eltsine au cours des derniers mois, qui menaçait directement les positions reconquises l'hiver dernier par les « conservateurs » au gouvernement.

[2] [24] Le Monde, 24/8/1991.

[3] [25] International Herald Tribune, 23/8/1991.

[4] [26] Libération, 21/8/1991.

[5] [27] Les prolétaires russes savent que les héros de l'anti-stalinisme d'aujourd'hui ne sont que des ex-staliniens, parvenus aux places qu'ils occupent pour avoir été maîtres dans l'art de naviguer dans le cloaque de la machine bureaucratique. Ils savent qu'Eltsine n'a pas hésité dans sa carrière à flirter avec des représentants de l'organisation anti-sémite Pamiat ; que Chevarnadze était un général trois étoiles du KGB ; que l'appui déterminant de la carrière de Gorbatchev ne fut autre que Sousiov, ancien favori de Staline.

[6] [28] Nezavissimaïa Gazeta, 22/8/1991. Un article du même numéro précisait : «Les troupes dites d'élite ont probablement posé le plus de problèmes aux putschistes»

[7] [29] Libération, 27/8/1991.

[8] [30] Voir «Thèses sur la crise économique et politique en URSS et dans les pays de l'Est», septembre 1989, Revue Internationale n° 60 et publiées en annexe (et aussi en annexe [31] de notre brochure "Effondrement du Stalinisme").

[9] [32] Arkadi Volski a fondé il y a un an L'union scientifique et technique, censée regrouper les principaux industriels du pays et qui prétend représenter 60 % de l'industrie soviétique. Cette association, sorte de syndicat des patrons d'industrie et de banque, constitue, avec l'Union des entrepreneurs et preneurs de bail, un véritable fer de lance des adeptes du marché. Son rôle pendant les événements du putsch et par la suite n'a cessé de croître. Volski est, tout naturellement, co-fondateur, avec Alexandre Yakovlev et Edouard Chevamadze, du Mouvement pour l'union des forces de la démocratie et des réformes.

[10] [33] Pour une analyse de la nature de la révolution d'Octobre et du stalinisme, voir en particulier notre brochure : Russie 1917, début de la révolution mondiale.

[11] [34] Le capital est possédé par l'Etat et géré par la bureaucratie. Les revenus de la Nomenklatura sont faits de la plus-value extirpée aux prolétaires. Ce profit n'est pas distribué sous forme de revenus d'actions ou de propriétés privées, mais sous celle de «salaires»et d'avantages de fonction.

[12] [35] La persécution des «vieux bolcheviks», traqués, déportés, poussés au suicide, assassinés, fusillés par le stalinisme ; les monstrueux procès de Moscou des années 1930, organisés avec les mêmes méthodes spectaculaires des Nazis et consciencieusement répercutés dans le reste du monde par les médias des «démocraties», exhibant de vieux leaders bolcheviks, condamnés à mort après avoir été contraints à s'auto-accuser des pires crimes, tout cela demeurera comme une des pages les plus noires et sanglantes de l'histoire du mouvement ouvrier. Lorsque Trotsky est assassiné par la Guépéou - ancêtre du KGB - en 1940, il ne reste plus un seul des membres du comité central du parti bolchevik de 1917 vivant... à l'exception de Staline.

[13] [36] Voir "L'URSS en miettes [37]" dans le numéro 66 de la Revue Internationale.

[14] [38] International Herald Tribune, 2/9/1991.

[15] [39] La «privatisation» de l'économie soviétique se heurte à des difficultés autrement plus importantes que dans les autres pays de l'Est. Ici tout l'appareil productif, toute la vie sociale est orientée vers un seul but : la puissance militaire. Que peut signifier «privatiser» la seule chose que l'économie sache produire : les armes, la recherche militaire et spatiale, l'entretien de millions de soldats et leur équipement militaire, chars, avions, bateaux, sous-marins, missiles, satellites, etc. ?

[16] [40] Il en a découlé au niveau central un chaos politique et institutionnel d'autant plus dramatique qu'il s'accompagnait de la mise hors la loi de la colonne vertébrale du pouvoir : le PCUS. La constitution était déjà devenue illisible au cours des années de Perestroïka, à force d'avoir subi révisions et contre-révisions au gré des rapports de force entre les fractions de l'appareil politique. Elle était quotidiennement bafouée, aussi bien par les divers gouvernements de républiques, déclarant les unes après les autres leur autonomie ou indépendance, que par le pouvoir central incapable de suivre une quelconque ligne cohérente. Les institutions centrales, au lendemain du coup d'Etat, ont plongé dans le monde du «provisoire» sans savoir si elles en reviendront. Et cela aussi bien pour l'URSS que pour chacune des nouvelles républiques qui s'attachent à improviser de nouvelles régies dans le chaos.

[17] [41] Il y a prés de 25 millions de russes qui habitent dans les différentes républiques de l'URSS.

[18] [42] Le Dniestr contrôle près de 80% de l'approvisionnement en gaz et en électricité de la Moldavie.

[19] [43] International Herald Tribune, 6/9/1991.

[20] [44] En théorie, l'URSS et le Japon sont toujours en guerre depuis 1945.

[21] [45] Voir "Militarisme et décomposition [46]", octobre 1990, dans Revue Internationale n° 64.

Géographique: 

  • Russie, Caucase, Asie Centrale [47]

Questions théoriques: 

  • Décomposition [48]
  • Décadence [49]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Capitalisme d'Etat [50]
  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

Les causes de l’effondrement du stalinisme

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(D'après Révolution Internationale N°184; le 15/10/89)

  • L'emprise de l'Etat sur l'économie n'est pas un phénomène propre aux régimes staliniens. C'est un phénomène qui relève avant tout des conditions de survie du mode de production capitaliste dans la période de décadence[1] [52]. "Si la tendance au capitalisme d'Etat est donc une donnée historique universelle, elle n'affecte cependant pas de façon identique tous les pays" (Revue Internationale n° 34).

Le capitalisme d’États dans le bloc de l'Est, une monstruosité de l’histoire

Ainsi, dans les pays de l'Est, la forme particulière que prend le capitalisme d'Etat, se caractérise essentiellement par le degré extrême d'étatisation de leur économie. C'est sur cette caractéristique qu'a d'ailleurs reposé le mythe de leur nature "socialiste" distillé pendant des décennies par l'ensemble de la bourgeoisie mondiale, qu'elle soit de gauche ou de droite. L'étatisation de l'économie à l'Est n'est pas un acquis d'Octobre 17, comme le prétendent les staliniens et les trotskystes de tous bords. C'est un produit monstrueux de la contre-révolution stalinienne (qui s'est imposée avec la défaite de la révolution russe) qui trouve sa source dans les circonstances historiques de la constitution de l'URSS. En effet, contrairement au reste du monde, le développement du capitalisme d'Etat en URSS n'est pas un produit direct de l'évolution "naturelle" du capitalisme dans la période de décadence. "L'État capitaliste en URSS se reconstitue sur les décombres de la révolution prolétarienne. La faible bourgeoisie de l'époque t saris te a été complètement éliminée par la révolution de 1917 (...) De ce fait, ce n'est ni elle, ni les partis traditionnels qui prennent en charge en Russie-même l'inévitable contre-révolution résultant de la défaite de la révolution mondiale. Cette tâche est dévolue à l'Etat qui a surgi après la révolution et qui a rapidement absorbé le parti bolchevik (...) Par ce fait, la classe bourgeoise s'est reconstituée, non à partir de l'ancienne bourgeoisie (...) ni à partir d'une propriété individuelle des moyens de production, mais à partir de la bureaucratie du Parti-État et de la propriété étatique des moyens de production" (Revue Internationale 34)[2] [53]. Telles sont les circonstances particulières qui expliquent qu'en URSS la tendance universelle au capitalisme d'Etat ait pris cette forme extrême, caricaturale où la classe dominante s'est complètement confondue avec l'appareil d'Etat. C'est cet avatar du capitalisme décadent où tout le pouvoir économique et politique a été concentré entre les mains d'une bureaucratie parasitaire, qui est à l'origine des convulsions actuelles des régimes staliniens. Contrairement à la classe dominante dans les pays du bloc occidental, la bureaucratie stalinienne est une bourgeoisie dont le seul souci n'est pas de faire fructifier le capital en tenant compte des critères de compétitivité sur le marché, mais de se remplir les poches au détriment des intérêts de l'économie nationale. C'est ce mode de "gestion" aberrant, fondé sur une distorsion permanente, phénoménale, de la loi de la valeur, (dont l'origine se trouve dans la situation de relative autarcie du capital russe avant sa participation à la deuxième guerre mondiale) qui explique l’anarchie totale de toute l'infrastructure économique de l'URSS et qui a rendu ce pays particulièrement vulnérable face à l’aggravation considérable de la crise tout au long des années 80. C'est ce mode de "gestion" que l'URSS a exporté dans ses pays satellites, en pillant leur économie et en leur imposant par la force armée le même type de régime au lendemain de la seconde guerre mondiale.

De plus, cette faiblesse congénitale résultant de la structure-même du capitalisme d'Etat dans les pays à régime stalinien, s'est trouvée accentuée encore par le poids considérable des dépenses d'armements que l'URSS a été contrainte d'intensifier face à la pression du bloc occidental depuis le début de cette décennie. En obligeant le capital russe à accélérer son effort de guerre, l'offensive militaire déployée par le bloc US après la chute du Shah d'Iran et dont l'objectif visait à encercler l'URSS à l'intérieur des frontières de son glacis direct, a constitué un facteur supplémentaire qui a précipité la banqueroute totale de ce pays[3] [54].

C'est face à cette situation de catastrophe économique que le rétablissement des mécanismes du marché, préconisé par les secteurs les moins irresponsables de la bureaucratie stalinienne, est devenu une nécessité vitale aujourd'hui afin de tenter de maintenir un tant soit peu l'économie à flot. C'est bien à cette nécessité impérieuse que s'efforce de répondre le programme de la perestroïka dans les pays du bloc de l'Est.

Les convulsions du stalinisme à l’agonie

Cependant, la mise en application de telles réformes économiques comporte des obstacles pratiquement insurmontables. Non seulement, parce que les mesures d'austérité draconiennes qu'elle implique (politique de "vérité des prix" et fermeture des entreprises non rentables) risquent de provoquer des explosions sociales dont les grèves massives des mineurs de Sibérie l'été dernier ne sont qu'un signe avant-coureur, mais, de plus, un tel programme ne peut que se heurter à la résistance acharnée de toute la clique des apparatchiks qui vont tenter de défendre bec et ongles le maintien de leurs privilèges.

C'est pour cela que cette transition vers le rétablissement d'une économie de marché ne peut se faire de façon progressive, harmonieuse, dans la mesure où c'est l'identité-même du régime stalinien, sa raison d'être qui risque d'être remise en question. L'instauration d un nouveau mode de gestion de l'économie qui soit plus apte à affronter la concurrence mondiale implique nécessairement la disparition de la bourgeoisie sous sa forme actuelle en même temps que celle du parti unique avec lequel elle s'est confondue. Face à un tel enjeu, on comprend les résistances de la fraction conservatrice des partis staliniens. C'est le parti comme corps, comme entité sociale et comme classe dominante qui s'exprime à travers ces résistances. Car si un parti peut se suicider, une classe dominante, elle, ne se suicide pas. Ainsi, toute tentative de réforme économique ne peut absolument pas se faire sans une remise en question de toute la structure politique de l'appareil d'Etat et de l'idéologie qui la cimente. C'est pour cela que la perestroïka (la réforme économique) s'accompagne nécessairement de la "glasnost"(la réforme politique). En ce sens, la démocratisation de ces régimes ne constitue pas seulement un moyen de mystification du prolétariat face aux mesures d'austérité contenues dans le programme de la perestroïka, mais elle est aussi et surtout un levier sur lequel s'appuient les réformateurs pour déboulonner la vieille garde conservatrice intéressée à maintenir le statu quo. La mise en oeuvre effective de telles réformes économiques ne peut, par conséquent, conduire qu'à un conflit ouvert entre les deux secteurs de la bourgeoisie, la bourgeoisie "d'Etat" et la bourgeoisie "libérale" (même si cette dernière se recrute également dans l'appareil d'Etat).

L'effondrement d’un système basé sur la terreur

La violence de ces convulsions ne se limitera pas au seul conflit entre les différentes cliques bourgeoises au sein de l'appareil d'Etat. C'est toute la société dans cette partie du monde qui va être aspirée dans de telles convulsions. En effet, l'indispensable démocratisation du régime, en permettant que s'exprime un mouvement de contestation risque de cristalliser l'énorme mécontentement qui existe au sein d'un prolétariat et d'une population soumis depuis des décennies à la plus brutale des contre-révolutions. Lorsque l'étau de la terreur se relâche, lorsque la force armée perd de sa crédibilité, toute la haine accumulée pendant plus d'un demi-siècle vis-à-vis de ce régime risque d'exploser avec une violence à la mesure de toute l'oppression subie par la population. C'est ce qu'illustrent les mouvements nationalistes qui secouent depuis plusieurs mois les républiques du Caucase, les pays baltes, la Moldavie, l'Ukraine, de même que le caractère spectaculaire des luttes ouvrières de cet été en URSS.

Et dans la mesure où c'est également sur la force militaire que l'URSS a pu maintenir la cohésion interne de son bloc, l'incapacité actuelle de ce pays à déchaîner la répression comme c'était le cas dans le passé entraîne une dynamique d'éclatement du bloc. C'est pour cela que les forces centrifuges qui poussent à la sécession d'avec le pouvoir central de Moscou dans les pays satellites (tels la Hongrie et, dans une moindre mesure, la Pologne) peuvent aujourd'hui s'exprimer sans que les armées du Pacte de Varsovie ne soient à même d'intervenir avec la brutalité sanguinaire qu'on connaît comme c'était le cas, notamment en 53 en RDA, en 56 en Hongrie, en 68 en Tchécoslovaquie. Telle est la véritable signification des discours "pacifistes" de Gorbatchev de "non ingérence dans les affaires intérieures" de ces pays. Ainsi, l'incapacité actuelle de l'URSS de maintenir la cohésion de son bloc signifie que c'est tout son empire qui est en train de s'effondrer. Ce phénomène de dislocation, d'implosion interne du bloc de l'Est, résulte des convulsions qui ravagent sa puissance dominante.

La Perestroïka a donc ouvert une véritable boîte de Pandore en créant des situations de plus en plus incontrôlables. La politique centriste de Gorbatchev est, en réalité, un exercice de corde raide, d'équilibre instable entre les deux tendances dont l'affrontement est inévitable. La conclusion sanglante de cet affrontement, telle qu'on l'a vue récemment en Chine, donne une image de la brutalité des convulsions qui vont frapper à leur tour les pays du bloc de l'Est. Et ces affrontements seront d'autant plus violents que, en URSS comme dans ses pays satellites, se sont accumulées des quantités incroyables de haine au sein de la population à l'égard de la camarilla stalinienne synonyme de terreur, de massacres, de tortures, de famines et d'une arrogance cynique phénoménale.

Ainsi, dans ces pays s'est ouverte une période d'instabilité, de secousses, de chaos sans précédent dont les implications dépasseront très largement leurs frontières. En particulier, les convulsions qui vont encore s'accentuer dans le bloc de l'Est, en retirant à l'URSS son statut de puissance mondiale, ouvrent les portes à une déstabilisation des constellations impérialistes qui étaient sorties de la seconde guerre mondiale avec les accords de Yalta.


[1] [55] Voir notre brochure "La décadence du capitalisme"

[2] [56] L'effondrement de l'intérieur de la révolution en URSS au cours des années 20 a constitué une aubaine pour l'ensemble de la bourgeoisie mondiale. D'une part, cet effondrement signifiait la fin de la menace représentée par l'URSS des premières années qui ont suivi la révolution d'Octobre 17 et contre laquelle s'était mobilisée l'ensemble de la bourgeoisie en soutien des armées blanches. D'autre part, cette contre-révolution venue de l'intérieur permettait d'accréditer le mensonge de la nature “socialiste” du régime stalinien qui, pendant des décennies, a permis de dévoyer, de paralyser les luttes du prolétariat et de faire de l'idée même d'une révolution socialiste un véritable repoussoir. C'est le même mensonge que la bourgeoisie occidentale continue d'exploiter aujourd'hui en présentant la mort du stalinisme comme la "mort du communisme.

[3] [57] Voir la Revue Internationale n'44, 51, 52, 53.

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

II - LE STALINISME FER DE LANCE DE LA CONTRE-RÉVOLUTION MONDIALE

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La vague révolutionnaire du prolétariat mondial qui a surgi au cours et au lendemain de la première boucherie impérialiste  est l'épisode qui a été le plus loin dans la confrontation historique, dans la lutte à mort, entre les deux classes antagoniques de la société capitaliste : la bourgeoisie et le prolétariat. En effet, durant ces quelques années, la classe ouvrière a été bien près de renverser la bourgeoisie et son système d'exploitation car, sans conteste, celle-ci s'est retrouvée avec le couteau du géant prolétarien sur la gorge, ce qui l'obligea à redoubler de ruse, de violence, pour sauvegarder son système pourtant absurde et barbare jusqu'à l'inouï.

C'est au prolétariat russe que revint l'insigne honneur de relever la tête en premier. A partir de 1917, refusant la guerre, ses privations, il se lança à l'assaut du ciel en affirmant la perspective historique de la classe ouvrière : la révolution communiste, véritable salut de toute l'humanité.

Prise à la gorge, menacée d'être renversée par le flot impétueux de la révolution qui gagnait inexorablement l'Europe, la bourgeoisie se vit contrainte d'interrompre la guerre pour mieux faire face au danger prolétarien.

A la fin de l'année 1918, le prolétariat allemand se lançait à son tour à l'assaut, s'attelant à la tâche de porter en Europe de l'ouest la flamme de la révolution que le prolétariat russe avait allumée en 1917. Ce soulèvement d'un bataillon décisif du prolétariat international fut impitoyablement écrasé par l'Etat bourgeois allemand dirigé par la social-démocratie et cela avec la complicité active des "grandes démocraties". Les tentatives d'étendre la vague révolutionnaire échouèrent avec cette défaite. La bourgeoisie mondiale était désormais capable de parachever sa contre-offensive en concentrant toutes ses forces contre la révolution russe.

Isolée par l'échec de la révolution mondiale, décimée par les combats et les disettes, la classe ouvrière de Russie n'a pu conserver le pouvoir qu'elle avait pris entre ses mains en octobre 1917. Elle pouvait encore moins construire le socialisme. C'est la victoire de la contre-révolution à l'échelle mondiale qui va donner naissance à la contre-révolution stalinienne en Russie même.

Contrairement, donc, à tous les mensonges bourgeois véhiculés depuis soixante-dix ans, le stalinisme n'est pas le produit de la révolution d'Octobre mais bel et bien le fils naturel du capitalisme décadent et de la contre-révolution bourgeoise.

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

Le stalinisme bourreau de la Révolution d'Octobre

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(D'après Révolution Internationale N° 187; février 1990)

  • Jusque dans sa mort, le stalinisme continue à servir le capitalisme comme il n'a jamais cessé de le servir tout au long des soixante et quelques années de son existence.
  • Une nuée de charognards se précipite aujourd'hui autour de son cadavre puant et parmi ceux-ci, les pires fripouilles, les plus pourris d'entre les pourris, les Revel, Kahn, July, Daniel et consorts, idéologues professionnels les plus représentatifs de l'hexagone, serviles passe-plats comme de coutume de toutes les fractions de la bourgeoisie "libérale" et "démocratique" ne lésinent pas sur les moyens pour proclamer "la fin, la mort du communisme".

L'univers du grand mensonge, c'est le capitalisme

Ces canailles savent bien que c'est eux qui perpétuent depuis plus de 50 ans et propagent à l'heure actuelle le plus grand et le plus répugnant mensonge, non seulement du siècle mais aussi de toute l'histoire de l'humanité, l'identification monstrueuse du communisme à sa plus totale négation, le stalinisme. Cela n'est pas nouveau. Cette gigantesque mystification idéologique s'est imposée à travers la plus effroyable contre-révolution de son histoire qu'ait traversé et subi la classe ouvrière à la suite de l'écrasement et de la défaite de la révolution prolétarienne au niveau mondial. Cette formidable duperie a été édifiée par toute la bourgeoisie directement contre le prolétariat pour l'entraîner, l'enchaîner et l'asservir au triomphe de la contre-révolution, elle est le pur produit d'une falsification éhontée et délibérée de la réalité historique.

Sous le titre-choc de "l'Evénement du Jeudi" du 28.12.89, "Dracula était communiste", c'est l'image éculée du "bolchevik au couteau entre les dents" que la bourgeoisie fait ressurgir. D'autres ont recours à des procédés plus retors qui rappellent étrangement les perfides assertions de l'époque cherchant à faire passer Lénine pour un agent provocateur à la solde de l'impérialisme allemand. Telle est, par exemple, la diatribe fielleuse d'un J.F. Revel dans "Le Point" du 25.12 sur "la mort historique de Lénine" qui se résume à une longue suite d'affirmations crapuleuses pour discréditer tous les soi-disant "projets machiavéliques de Lénine" : "La décomposition avérée ou imminente du communisme à la fois en tant que mode de gouvernement (sic !) et que conception du monde ne nous permet guère d'hésiter sur l'homme que nous devons sacrer grand mort historique de l'année, lauréat hors concours de la plus colossale faillite planétaire des temps modernes, peut-être de tous les temps (...). En vain, tous les disciples et imitateurs dirigent-ils sur eux-mêmes abusivement la lumière noire de l'échec absolu. C'est à Lénine seul que revient la paternité "objective" de la formule infaillible qui devait y conduire. Ses successeurs n'ont fait que l'appliquer (...). En vain, l'orgueil des copistes rattache-t-il à de prétendues déviations de leur cru un long chapelet de catastrophes dont l'encrage initial remonte à la féconde matrice léniniste d'origine. Un caractère frappant du soviétisme est d'avoir réalisé point par point pendant 70 ans le contraire exact de ce qu'il annonçait et prétendait faire. Or c'est là l'essence du léninisme". A "l'appui" de ce torrent de vomissures, quelques citations tronquées que le bonimenteur maison se garde d'étayer par des références et de donner les sources. Nos immondes pisse-copies patentés du capital ne sauraient reculer devant aucune bassesse, aucune calomnie !

La véritable préoccupation de la bourgeoisie qui oriente et détermine tout le battage mensonger qu'elle organise transparaît sous la plume d'un de ses idéologues les plus crapuleux, J.F. Kahn, dans "l'Evénement du Jeudi" du 28.12.89 qui prétend répondre par avance aux objections soulevées par cette campagne : "Attention, rétorqueront cependant quelques nostalgiques de la pureté perdue, il ne faut pas confondre le communisme et le stalinisme qui en est la perversion ! Trois mois de chambardements à l'Est ont eu raison de cette illusion : il n'y a pas d'un côté un communisme authentique et de l'autre sa dérive stalinienne. Il y a simplement un stalinisme plus ou moins criminel, plus ou moins dément, disons pour tempérer le propos, plus ou moins civilisé. Le stalinisme n'est pas une excroissance monstrueuse du léninisme. Il en constitue l'autoprotection mécanique... D'où cette évidence : on peut sortir du stalinisme dur par le stalinisme mou mais on ne peut pas sortir du stalinisme par le communisme. L'issue de secours, c'est au mieux la social-démocratie qui l'offre, l'intégrisme nationaliste au pire. Au milieu, s'ouvre l'improbable voie néo-libérale. (...) Où étaient en ces jours de chaos à Bucarest les fils spirituels des assaillants du Palais d'Hiver ? (...) Ils n'ont pu demeurer révolutionnaires qu'en devenant anticommunistes." Plus hypocrite, tu meurs ! Contrairement à ce que serinent nos trotskystes avec qui un Kahn est en mesure de polémiquer pour mieux noyer le poisson... et les ouvriers dans cette vase visqueuse, le stalinisme n'a jamais été une perversion, une excroissance ou une caricature du communisme. Il n'a rien de commun avec lui, aucun lien de parenté. Il n'existe aucune continuité entre l'Octobre prolétarien et le stalinisme, mais il y a une rupture radicale, complète, un fossé de classe gorgé de sang entre les deux.

Le stalinisme c'est la contre-révolution bourgeoise

L'instauration de ce régime de terreur sanguinaire et de barbarie n'a été rien d'autre que la contre-révolution triomphante qui s'est installée comme une véritable chape de plomb sur les ruines de la révolution en Russie avec la défaite au niveau mondial de la première vague révolutionnaire de 1917-23, défaite provoquée grâce à l'union sacrée de toutes les fractions de la bourgeoisie à l'échelle internationale.

C'est l'isolement dramatique du prolétariat en Russie permis par l'écrasement sanglant et décisif de la révolution en Allemagne dont la social-démocratie, à peine intronisée dans les rangs de la bourgeoisie a été le fer de lance, qui a porté le coup mortel au pouvoir des soviets en Russie. La révolution en Russie n'a jamais prétendu être autre chose que le premier pas en direction de la révolution prolétarienne mondiale.

Lénine et les bolcheviks n'ont jamais eu d'autre objectif que celle-ci en toute fidélité au marxisme : "Ou bien la révolution éclatera dans les pays capitalistes immédiatement ou à brève échéance, ou bien nous sommes perdus" disait Lénine au lendemain de la victoire d'Octobre 17 (cité par G. Walter, "Lénine" p. 507). De tous temps, depuis sa naissance, l'internationalisme prolétarien a été le premier principe, fondamental et intangible des combats de la classe ouvrière et du programme des révolutionnaires. "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous" comme "Les prolétaires n'ont pas de patrie" qui s'inscrivent en lettres de feu dans "Le Manifeste communiste" de Marx et Engels ont toujours été le cri de ralliement des ouvriers et de leurs organisations révolutionnaires.

C'est ce principe que Lénine et les bolcheviks ont constamment défendu.

C'est ce principe qui a toujours constitué la pierre de touche de l'activité et des luttes du prolétariat parce que toute remise en cause de l'internationalisme prolétarien a toujours été synonyme de rupture avec le camp prolétarien et d'adhésion au camp du capitalisme. Par exemple, dès 1914, l'adhésion des partis de la social-démocratie et de la II° Internationale à la guerre impérialiste derrière leurs bourgeoisies nationales respectives signifiait pour le prolétariat et pour tous les révolutionnaires le passage irréversible avec armes et bagages de la social-démocratie dans le camp de l'ennemi de classe et signait la mort de la II° Internationale. Cette trahison et ce passage définitif dans le camp bourgeois ont été dénoncés et combattus comme tels à longueur de temps par Lénine et les révolutionnaires de l'époque. C'est en étant armé de ce principe essentiel que le prolétariat, en prenant le pouvoir en Russie, a pu contraindre la bourgeoisie à mettre fin au premier carnage impérialiste mondial, appelant les autres prolétaires dans tous les pays belligérants à cesser un combat fratricide qui n'était pas le leur et à transformer cette guerre impérialiste en guerre de classe.

Voilà une réalité bien insupportable pour un Revel qui appelle, bien sûr, cela une "contradiction flagrante" : "Lénine prêche le désarmement pour armer à tour de bras" ("Le Point", article déjà cité).

L'avenir de la révolution a toujours été clairement lié pour les révolutionnaires, au surgissement de la révolution ailleurs, et notamment dans les pays les plus développés du capitalisme, dans les plus forts et les plus expérimentés bataillons du prolétariat mondial. C'est pour cela qu'en juillet 1918, Lénine proclamait hautement devant les ouvriers russes lors de la conférence des comités d'usines : "Le prolétariat russe a conscience de son isolement révolutionnaire et il voit clairement que sa victoire a pour condition indispensable et prémisse fondamentale, l'intervention des ouvriers du monde entier". C'est pour cela qu'est née la IIIème Internationale en janvier 1919, comme organe indispensable qui devait guider et orienter cette révolution mondiale. C'est pour cela que l'écrasement du prolétariat allemand à Berlin a été ressenti comme une véritable tragédie dès le 1er Congrès de l'IC. Les nouveaux échecs révolutionnaires essuyés ensuite en Hongrie, en Bavière, dans d'autres parties de l'Allemagne..., comme l'incapacité du prolétariat à se soulever dans les pays européens où les bourgeoisies nationales sortaient de la guerre en "vainqueurs" isolaient inexorablement le prolétariat en Russie. Dans une lettre à Clara Zetkin en 1923, Lénine écrivait : "La première vague de la révolution s'est retirée, la deuxième ne s'est pas encore levée. Il serait dangereux de nous faire des illusions là-dessus". Elle n'est pas venue, il ne restait plus à la révolution russe qu'à être asphyxiée et à s'effondrer de l'intérieur. C'est là qu'intervient précisément le stalinisme, en totale rupture avec la révolution lorsqu'après la mort de Lénine, Staline s'empare des rênes du pouvoir et, dès 1925, met en avant sa thèse de "la construction du socialisme en un seul pays" grâce à laquelle va s'installer dans toute son horreur la contre-révolution.

Dès lors, l'URSS n'a plus de "soviétique" que le nom. Non seulement le mot d'ordre de toute la période révolutionnaire : "Tout le pouvoir aux soviets" est abandonné et banni, mais la dictature du prolétariat, à travers le pouvoir des conseils ouvriers qui avait été le moteur et l'âme de la révolution et qui révulse et chagrine si fort nos chers "démocrates" d'aujourd'hui déplorant qu'on "prétende respecter la volonté des masses" quand on "dissout par un coup de force l'Assemblée constituante en janvier 1918" (Revel dixit), quand on touche au parlementarisme bourgeois, est totalement détruite, devient une coquille vide de sens, laissant la place à une implacable dictature du parti-État sur le prolétariat.

L'abandon dès le début du règne de Staline de l'internationalisme signe définitivement l'arrêt de mort de la révolution. La politique de l'Internationale dégénérescente devient partout une politique contre-révolutionnaire de désarmement et d'asservissement du prolétariat, de défense des intérêts capitalistes sous couvert de défense de "la patrie socialiste."

Quand l'intarissable baratineur sans scrupules Revel, entend amalgamer le programme du prolétariat défendu par Lénine dans "l'Etat et la Révolution" à la politique anti-ouvrière du fossoyeur de la révolution, Staline, il ironise sur les mesures préconisées par ce programme : "suppression de l'armée, abolition de la police, extinction de la bureaucratie" : "de la part du fondateur de l'Etat le plus militarisé, le plus policier et le plus bureaucratisé de l'Histoire, ce programme, annoncé un mois à peine avant la prise bolchevik du pouvoir total, donne la clé d'un trait fondamental du communisme : la dissociation quasi schizophrénique entre les actes et les discours". Alors que c'est précisément l'énormité de cette dissociation, cette antinomie absolue qui donne la mesure du fossé infranchissable entre Lénine, les révolutionnaires, le contenu révolutionnaire prolétarien d'octobre 17 et toute l'entreprise stalinienne, que veut nous faire avaler ce charlatan ? Que la drogue démocratique dont il fait un usage si immodéré produise des effets schizophréniques à ce point puissants qu'il deviendrait lui-même un chaud partisan, un vrai défenseur de la "suppression de l'armée, de l'abolition de la police, de l'extinction de la bureaucratie" ? Allons donc ! Lui et ses confrères "démocrates" et "libéraux" de ce siècle ont toujours été les plus fidèles alliés du stalinisme contre le prolétariat.

En 1927, la politique d'alliance de Staline en Chine avec des fractions nationalistes de la bourgeoisie entraîne le prolétariat chinois à sa perte et à l'écrasement brutal et massif des ouvriers insurgés à Shanghai et à Canton par les troupes de Tchang Kaï-Chek, proclamé membre d'honneur de l'internationale stalinisée.

En Russie même, Staline et l'essaim grandissant de bureaucrates arrivistes dont il s'entoure engagent une lutte à mort contre toute la vieille garde bolchevik. Face à tous ceux qui s'élèvent contre cette politique nationaliste, la contre-révolution stalinienne déchaîne sa hargne sanguinaire : tous les bolcheviks qui tentent de défendre les principes d'Octobre reniés et bafoués par Staline sont exclus du Parti puis déportés par milliers, pourchassés, traqués par la Guépéou, enfin froidement exécutés lors des grands procès de Moscou ou lâchement assassinés avec la bénédiction et la complicité active des Etats "démocratiques".

C'est sur les décombres de la révolution de 1917 que le stalinisme a pu asseoir sa domination. C'est grâce à cette négation la plus radicale du communisme constituée par la doctrine monstrueuse du "socialisme en un seul pays" totalement étrangère au prolétariat et à Lénine que l'URSS est redevenue non seulement un Etat capitaliste à part entière mais aussi un Etat où le prolétariat a été soumis plus brutalement et plus férocement qu'ailleurs aux intérêts du capital national rebaptisés "intérêts de la patrie socialiste".

Ainsi, autant le pouvoir des conseils ouvriers avait été capable de donner le coup d'arrêt à la guerre impérialiste mondiale, autant la contre-révolution stalinienne en anéantissant toute pensée révolutionnaire, en opposant son talon de fer à toute réaction ouvrière à travers la terreur et la militarisation de toute la vie sociale, annonçait la participation de l'URSS au nouveau carnage impérialiste que toute la bourgeoisie préparait.

Aujourd'hui, tous ceux qui profitent de l'effondrement des régimes staliniens pour cracher si violemment sur Octobre 17 et la révolution prolétarienne révèlent le sort qu'ils entendent eux-aussi réserver au prolétariat. Ce n'est pas pour rien qu'en défigurant l'histoire, ils en viennent à faire l'apologie de la social-démocratie. Ils savent bien qu'ils poussent ainsi le prolétariat vers ceux qui ont su être "les chiens sanglants", les bras meurtriers du capitalisme qui en écrasant dans un bain de sang la révolution en Allemagne, ont assassiné de manière décisive la révolution prolétarienne mondiale et ont permis à la contre-révolution et à ses monstres comme le fascisme et le stalinisme, de surgir et de s'imposer sur la scène de l'Histoire.

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

Lénine : un combattant du prolétariat ; Staline : un agent du capitalisme

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(D'après Révolution Internationale N° 189; avril 90)

  • Aujourd'hui encore plus que par le passé, il importe de rétablir la vérité sur le rôle véritable de Lénine et de ses compagnons bolcheviks, de mettre en évidence que toute sa vie fut consacrée à la lutte pour l'émancipation de la classe ouvrière et non à l'établissement sur celle-ci d'une des formes les plus barbares d'exploitation et d'oppression comme l'a été le stalinisme.

Avant même que de se faire connaître par l'établissement d'une terreur policière sans commune mesure dans l'histoire, le stalinisme a commencé sa carrière comme défenseur de la thèse de la "construction du socialisme dans un seul pays". Dès 1925, Staline se fait le porte-parole de cette conception qui s'inscrit complètement en faux avec toute la vision qui avait été défendue auparavant dans le mouvement ouvrier. En effet, dès ses origines, celui-ci se présente comme un mouvement international dans la mesure où, comme l'écrivait Engels dès 1847 : "La révolution communiste (...) ne sera pas une révolution purement nationale ; elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés (...) Elle exercera également sur tous les autres pays du globe une répercussion considérable et elle transformera complètement et accélérera le cours de leur développement. Elle est une révolution universelle ; elle aura, par conséquent, un terrain universel" ("Principes du Communisme"). Ce n'est nullement un hasard, non plus, si le mot d'ordre qui conclut le "Manifeste Communiste" de 1848 est "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous". De même, la première organisation importante du prolétariat est l'"Association Internationale des Travailleurs" (1864-1872) ou 1ère Internationale. Par la suite, ce sont aussi des internationales (Internationale socialiste, 1889-1914 ; Internationale communiste, 1919-1928) qui ponctuent le développement et les combats de la classe ouvrière à l'échelle mondiale. Enfin, il est également significatif que l'hymne du mouvement ouvrier soit, dans tous les pays, l'"Internationale".

En fait, un des critères décisifs de l'appartenance d'une formation politique au camp du prolétariat est l'internationalisme. Ainsi, en 1914, lorsqu'éclate la guerre mondiale, la participation à l'"Union sacrée" et à la "Défense nationale" des secteurs dominants de la plupart des partis socialistes d'Europe (les "social-chauvins" comme les appelait Lénine) signe leur trahison vis-à-vis de la classe ouvrière et leur passage à la bourgeoisie.

C'est pour cela que la thèse du "socialisme en un seul pays" constitue une véritable trahison des principes de base de la lutte prolétarienne et de la révolution communiste, trahison contre laquelle ceux qui continuent de défendre le programme prolétarien, tel Trotsky dans le parti communiste d'Union soviétique, engagent un combat sans merci. En particulier, cette thèse, présentée par Staline comme un des "principes du léninisme", constitue l'exact contraire de la position de Lénine :

"La révolution russe n'est qu'un détachement de l'armée socialiste mondiale, et le succès et le triomphe de la révolution que nous avons accomplie dépendent de l'action de cette armée. C'est un fait que personne parmi nous n'oublie (...). Le prolétariat russe a conscience de son isolement révolutionnaire, et il voit clairement que sa victoire a pour condition indispensable et prémisse fondamentale, l'intervention unie des ouvriers du monde entier." ("Rapport à la Conférence des comités d'usines de la province de Moscou", 23 juillet 1918).

Lénine, défenseur exemplaire de l'Internationalisme Prolétarien

L'internationalisme intransigeant de Lénine, marque de son adhésion totale au combat du prolétariat pour son émancipation, est une constante de toute sa vie. Il s'exprime en particulier en 1907, lors du Congrès de Stuttgart de l'Internationale socialiste, lorsque, en compagnie de Rosa Luxemburg, le plus grand nom du prolétariat d'Allemagne et de Pologne durant tout le début du 20ème siècle, Lénine mène le combat pour faire adopter par les délégués un amendement durcissant la résolution contre la guerre impérialiste. De même, Lénine participe activement au combat de la gauche de l'Internationale pour faire du Congrès extraordinaire de Bâle en 1912 une manifestation retentissante contre la menace de guerre. Mais c'est au cours de la 1ère guerre mondiale que l'internationalisme de Lénine trouve toute sa mesure. Sa dénonciation des "social-chauvins", mais aussi des "centristes" qui ne savent opposer à la boucherie impérialiste que des gémissements pacifistes, fait partie des pages les plus lumineuses de l'histoire du mouvement ouvrier. En particulier, à Zimmerwald, en septembre 1915, Lénine est l'animateur de la gauche de la conférence rassemblant les délégués des différents courants socialistes qui, en Europe, s'opposent à la guerre. Sa position se distingue de celle du "Manifeste" adopté par la conférence en affirmant clairement que "la lutte pour la paix sans action révolutionnaire est une phrase creuse et mensongère" et en appelant à la "transformation de la guerre impérialiste en guerre civile"..."mot d'ordre... précisément... indiqué par les résolutions de Stuttgart et de Bâle".

L'internationalisme de Lénine ne s'éteint pas avec la victoire de la révolution en Octobre 1917. Au contraire, il conçoit celle-ci uniquement comme premier pas et marchepied de la révolution mondiale. C'est pour cela qu'il prend un rôle déterminant, en compagnie de Trotsky, dans la fondation de l'Internationale Communiste, en mars 1919. En particulier, c'est à Lénine qu'il revient de rédiger un des textes fondamentaux du congrès de fondation : les "Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature du prolétariat".

Du temps de Lénine, l'I.C. n'avait rien à voir avec ce qu'elle est devenue par la suite sous le contrôle de Staline : un instrument de la diplomatie de l'Etat capitaliste russe et le fer de lance de la contre-révolution à l'échelle mondiale. A son premier congrès, l'I.C. s'affirme et agit pratiquement comme "l'instrument pour la république internationale des conseils ouvriers, l'Internationale de l'action de masse ouverte, de la réalisation révolutionnaire,l'Internationale de l'action" ("Manifeste de l'I.C.", rédigé par Trotsky).

Mais la vie militante de Lénine ne saurait se résumer à son internationalisme inflexible. Sur pratiquement toutes les questions importantes qui se posaient à la classe ouvrière, les positions de Lénine figuraient parmi les plus claires et intransigeantes.

Les combats de Lénine pour la Révolution

Dès le début de son activité militante, à la fin du 19ème siècle, Lénine se distingue dans le mouvement socialiste en Russie par son combat en profondeur contre le "populisme" et le "socialisme agraire". Pendant des années, ce courant avait fait reposer l'élimination du joug tsariste sur l'action de petites minorités d'intellectuels révoltés adeptes de l'action terroriste, et avait idéalisé la paysannerie comme agent de la régénération de la société en Russie. Aux billevesées d'un mouvement qui, en 1917-18, allait se retrouver, avec les "socialistes révolutionnaires", aux côtés de la bourgeoisie, Lénine oppose la vision marxiste qui fait du prolétariat la seule classe capable, non seulement de conduire le renversement du tsarisme, mais aussi de réaliser la seule alternative possible au capitalisme, la révolution socialiste. Durant la même période, Lénine est également à l'avant-garde de la lutte contre le "marxisme légal" qui, au nom de la nécessité du développement du capitalisme en Russie comme condition de la constitution d'un prolétariat fort, conduit à se mettre à la traîne et à la solde de la bourgeoisie libérale.

Cette action déterminée en faveur du combat de classe, Lénine la poursuit au début du siècle lorsqu'il oppose (en particulier dans "Que faire") à l'opportunisme des "économistes" (qui préconisent de se mettre à la queue des illusions réformistes pesant sur les ouvriers) la vision d'une lutte politique pour la prise de conscience dans le prolétariat de ses objectifs révolutionnaires. Cette même détermination, nous la retrouvons, lors du 2ème congrès du "Parti Ouvrier Social-démocrate de Russie, en 1903, dans la défense par Lénine et les "bolcheviks" du parti révolutionnaire en tant qu'organisation de combat composée de militants convaincus et déterminés. En cette circonstance, Lénine s'oppose aux "mencheviks" qui proposent une conception floue et opportuniste du parti et qui véhiculent, en réalité, l'idéologie petite bourgeoise caractéristique des éléments intellectuels pour qui l'action révolutionnaire est conçue comme une sorte de "hobby". Ce combat contre les "mencheviks" se poursuit lors de la révolution de 1905, en Russie. Ces derniers, considérant que les conditions de la révolution prolétarienne ne sont pas encore mûres dans ce pays, n'ont rien d'autre à proposer aux ouvriers que de constituer une force d'appoint pour la bourgeoisie "démocratique", c'est-à-dire à renoncer à la défense de leurs intérêts de classe. En revanche, même s'ils ne sont pas encore tout à fait clairs sur la nature de la révolution de 1905 (révolution démocratique bourgeoise contre le tsarisme ou "répétition générale" de la révolution prolétarienne), Lénine et les bolcheviks ont le mérite de mettre en avant la nécessité pour le prolétariat de préserver et défendre fermement son indépendance et ses intérêts de classe. De plus, au cours de cette révolution, Lénine est un des premiers (avec Trotsky) à avoir compris, contre la majorité des bolcheviks (et notamment de Staline) que les "soviets", c'est-à-dire les conseils ouvriers, que s'était donnés la classe ouvrière dans son combat, constituaient l'organe de sa prise de pouvoir, "la forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat".

Après l'écrasement de la révolution, alors que la démoralisation et le désarroi pèsent sur la classe ouvrière et son avant-garde, alors que se développe dans le parti le courant des "liquidateurs" qui tend à renoncer à la nécessité d'une organisation politique du prolétariat, Lénine se retrouve de nouveau aux avant-postes dans le combat pour la défense de l'organisation. Ainsi, comme en 1903, sa lutte pour la construction d'une organisation militante constitue le complément indissociable de la lutte pour l'indépendance de classe du prolétariat, pour sa prise de conscience des buts et des moyens de son combat.

Cette lutte permanente de Lénine, nous la retrouvons, comme nous l'avons vu, tout au long de la guerre mondiale qu'il analyse comme la manifestation de l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence mettant à l'ordre du jour la révolution prolétarienne internationale. Elle va s'intensifier encore, évidemment, lorsqu'éclate la révolution de février 1917, en Russie. Dès que Lénine réussit à retourner dans ce pays, il mène le combat pour la préparation de la révolution communiste. En particulier, ses "Thèses d'Avril" constituent le véritable programme de la révolution : aucun soutien, même "critique", de la guerre impérialiste et du gouvernement provisoire bourgeois qui s'est mis en place suite à la révolution de février ; seul le renversement du capitalisme peut mettre fin à la guerre ; contre la république parlementaire : tout le pouvoir aux soviets ; nécessité d'une propagande patiente du parti auprès des masses ouvrières pour les convaincre de ces nécessités ; "prendre l'initiative de la création d'une Internationale révolutionnaire, d'une Internationale contre les social-chauvins et le 'centre'".

Ce combat, Lénine doit le mener d'abord au sein du parti bolchevik qui, sous la conduite de Staline et de Kamenev, s'était retrouvé aux côtés des socialistes révolutionnaires et des mencheviks dans le soutien au gouvernement provisoire. S'appuyant sur la base ouvrière du parti, il réussit à le gagner à ses positions et à l'armer politiquement pour la révolution.

Ensuite, toute l'action de Lénine consiste à préparer les conditions d'une insurrection victorieuse, y compris en s'opposant à une insurrection prématurée, en juillet. Mais lorsque la situation est mûre, il mène un nouveau combat déterminé en faveur de la prise du pouvoir immédiate par les soviets. En même temps, il rédige un de ses livres fondamentaux, "L'État et la révolution", dans lequel il rétablit la conception marxiste de l'Etat, falsifiée par les opportunistes. Il insiste sur le fait que la classe ouvrière ne peut, en aucune façon, utiliser l'Etat bourgeois pour ses propres desseins ; qu'elle doit le détruire de fond en comble et mettre en place la dictature du prolétariat organisé en conseils ouvriers ; que l'Etat qui surgit de la révolution doit être basé sur la plus large démocratie des masses ouvrières et semi-prolétariennes, lesquelles doivent contrôler en permanence les fonctionnaires qu'elles ont élu et pouvoir les révoquer aussitôt qu'ils s'écartent du mandat reçu ; que ces fonctionnaires ne peuvent bénéficier d'aucun privilège particulier ; que cet Etat constitue, en fait, un "demi-Etat" voué, non à son renforcement, mais à son extinction à mesure que la révolution avancera.

On est là bien loin de la conception de l'Etat policier, de la terreur sur les masses exploitées, des privilèges pour les "apparatchiks" sur lesquels s'est établi le stalinisme. En fait, il existe autant de différence entre Lénine et le stalinisme qu'entre la révolution et la contre-révolution.

D'ailleurs, après la prise du pouvoir par les soviets, en Octobre 17, Lénine va être conduit à mener le combat contre les premières manifestations de ce qui allait devenir le stalinisme.

La lutte de Lénine contre l'essor du stalinisme

La guerre civile déchaînée par les "blancs" avec le soutien de toute la bourgeoisie mondiale, l'effondrement économique et la famine qui en résultent, l'isolement tragique dans lequel la défaite du prolétariat mondial plonge la révolution en Russie ne peuvent que mener celle-ci dans une impasse. L'État qui a surgi après la révolution échappe de plus en plus au contrôle d'une classe ouvrière désarticulée par la guerre civile et la catastrophe économique. Il tend à absorber de façon croissante le parti bolchevik au sein duquel le poids des bureaucrates se fait sentir toujours plus.

Staline est justement le représentant le plus éminent de cette couche de bureaucrates dont le pouvoir et les privilèges naissants entrent en opposition avec la révolution à l'échelle mondiale. C'est pour cela qu'il se fait le porte-drapeau du "socialisme en un seul pays" : il ne s'agit plus de faire de l'URSS un levier de la révolution internationale, mais de se replier sur le renforcement de l'économie nationale et de son Etat. Et dans un monde dominé par le capitalisme, l'une et l'autre se développent nécessairement sur le terrain capitaliste.

La défaite internationale du prolétariat ne pouvait conduire qu'à la contre-révolution bourgeoise en Russie-même. Staline et sa clique se sont faits les agents de cette contre-révolution. Et si, en Russie, celle-ci a pris les formes les plus barbares qu'on puisse imaginer : la terreur policière, les déportations massives, les "procès de Moscou" contre les anciens dirigeants du parti, l'extermination de toute la génération de 1917, c'est justement qu'il fallait extirper jusqu'à la moindre trace tout ce qui pouvait rappeler l'esprit et la grandeur d'Octobre.

Avant sa mort, en janvier 1924 (en fait il était déjà impotent depuis mars 1923), Lénine, pas plus que n'importe quel révolutionnaire, ne pouvait imaginer ce que serait le stalinisme. Cependant, il est conscient d'un certain nombre des dangers qui se profilent. C'est ainsi que, dès 1920, dans le débat au sein du parti bolchevik à propos des syndicats, Lénine affirme que : "Notre Etat est tel aujourd'hui que le prolétariat totalement organisé doit se défendre, et nous devons utiliser ces organisations ouvrières [les syndicats] pour défendre les ouvriers contre leur Etat..." ("Les syndicats, la situation actuelle et les erreurs de Trotsky", 30/12/1920). Jusqu'à la fin de sa vie, Lénine a mis en garde contre le danger de la gangrène bureaucratique, même s'il était incapable de proposer une parade efficace contre un phénomène inéluctable. De même, dans les derniers jours de sa vie active, il tente (notamment dans son "testament" du 4 janvier 1923) d'écarter Staline du poste de Secrétaire général où il est en train d'accumuler un pouvoir énorme dont il abuse de façon brutale. Mais cette tentative est vaine : Staline contrôle déjà la situation, même s'il n'est pas encore le satrape, le tyran sanguinaire qu'il deviendra par la suite.

Lénine combattant marxiste du prolétariat

Aujourd'hui, la plupart des plumitifs de la bourgeoisie, en établissant une identité entre le stalinisme et le communisme, rangent dans le même sac Staline, Lénine et Marx. Mais il se trouve, de temps à autre, un "expert" pour affirmer que si Lénine est tout entier à jeter aux poubelles de l'histoire, il n'en est pas de même de Marx, dont certaines analyses sont encore "utiles" et "pertinentes". Cette opposition (dont sont friands les conseillistes) entre l'oeuvre de Lénine et celle de Marx, ne constitue rien d'autre, sous couvert d'"objectivité" qu'une crapulerie supplémentaire pour essayer d'enterrer la perspective communiste. En effet, toute l'activité militante de Lénine se situe sur le terrain du marxisme, c'est-à-dire du point de vue du prolétariat. L'internationalisme, le rejet des conceptions populistes et réformistes, la lutte pour une organisation politique du prolétariat basée sur un programme clair, la mise en avant de la nécessité de détruire l'Etat bourgeois et de l'exercice du pouvoir par les masses ouvrières, la capacité-même de tirer les leçons de l'expérience vivante de la classe ouvrière (notamment le rôle des soviets à partir de 1905), toutes ces caractéristiques de l'activité de Lénine appartiennent pleinement à l'héritage de Marx. La différence majeure entre ces deux révolutionnaires, c'est que le premier vivait à une époque où la révolution prolétarienne n'était pas encore à l'ordre du jour, alors que le second s'est justement trouvé aux avant-postes de celle-ci. C'est dans la pratique vivante de la révolution que Lénine a appliqué les enseignements du marxisme. Et c'est bien cela qui chiffonne nos "experts". Tant que le "marxisme" reste "théorique" (en fait, pour les révolutionnaires, il a toujours constitué un guide pour l'action, même quand la révolution n'était pas encore à l'ordre du jour), on peut toujours en faire une discipline universitaire. Mais lorsqu'on doit l'appliquer à la révolution elle-même (à l'exemple de Lénine), on fait la fine bouche car, de révolution réelle, on ne veut surtout pas.

Comme tous les révolutionnaires, comme Marx lui-même, Lénine a commis des erreurs. Mais de la même façon qu'on ne peut critiquer les erreurs de Marx qu'en se situant dans le cadre du marxisme, on ne peut faire la critique de celles de Lénine qu'en partant des apports considérables qu'il a donnés au mouvement ouvrier, tant sur le plan théorique que sur le plan pratique. Ces apports, en même temps que l'ensemble du marxisme, le prolétariat devra les refaire siens s'il veut être en mesure de mettre fin à la barbarie capitaliste et de s'acheminer vers la société communiste.

 

 

Histoire du mouvement ouvrier: 

  • Révolution Russe [58]

Courants politiques: 

  • Stalinisme [59]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

III - DEMOCRATES, STALINIENS, TROTSKISTES : ILS SONT TOUS CONTRE LA CLASSE OUVRIERE

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La gigantesque campagne idéologique actuelle -assimilant le stalinisme à la perspective prolétarienne- est un ignoble mensonge qui vise à désarmer et à démoraliser la classe ouvrière. L'ensemble des forces politiques du capital, depuis les PC eux-mêmes jusqu'aux "démocrates" de tous bords en passant par les trotskistes, y participent activement. Tous ces falsificateurs cherchent à faire croire que c'est le prolétariat révolutionnaire qui a enfanté ce monstre qui se prétendait communiste mais qui n'était, en fait, que son fossoyeur. Ils cherchent, en particulier, à masquer le fait que le stalinisme a toujours fait partie de la "famille bourgeoise" et que, depuis des décennies, ils ont été à ses côtés à chaque fois qu'il fallait soumettre ou écraser la classe ouvrière. Souvenons nous que les "grandes démocraties" occidentales, qui n'ont cessé de fustiger "l'empire du mal" n'ont eu aucun scrupule, par le passé, à s'acoquiner avec Staline au point d'en faire un "allié" de marque lors de la seconde guerre mondiale; de même elles n'ont pas hésité à utiliser les services des PC contre le prolétariat allant jusqu'à leur donner une place à la tête de l'Etat bourgeois comme en France à la "libération".

Ces mêmes partis staliniens occidentaux ont, aujourd'hui, le culot de dénoncer les "erreurs" de Staline et de ses successeurs en jurant tous leurs grands dieux qu'"on les avait trompés". Ils espèrent sauver leur peau en essayant de faire oublier tous les soutiens enthousiastes qu'ils ont apportés, à maintes reprises, aux pires entreprises anti-ouvrières de l'URSS stalinienne, sans parler de ce qu'us ont accompli, eux mêmes, contre la classe ouvrière au nom des intérêts de leurs "nations" respectives. Les PC sont bien des partis du capital. Ils ne cessent de le prouver depuis 60 ans. En effet après la défaite de la vague révolutionnaire du début du siècle, dans le sillage au parti bolchevique stalinisé, les PC, à l origine partis du prolétariat, ont dégénéré pour ensuite passer dans le camp de l'ennemi.

Quant aux groupes trotskistes qui se disent révolutionnaires, ils ont rejoint le camp bourgeois et la contre révolution stalinienne lors de la seconde guerre mondiale (Cf. notre brochure, "le Trotskisme contre la classe ouvrière"). Depuis cette période ils n'ont jamais cessé de défendre l'Etat soviétique sous prétexte que, bien que "dégénéré", il restait un "Etat ouvrier". Aujourd'hui encore ces dévoyeurs de la conscience ouvrière regrettent encore les soi-disant acquis dont cet Etat restait malgré tout, selon eux, le dépositaire.

Quand les démocraties soutenaient Staline pour écraser le prolétariat

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(D'après Révolution Internationale N°185; décembre 89)

Toute la bourgeoisie "démocratique" d'Occident apporte aujourd'hui son soutien à la politique de l'URSS. Partout, les médias occidentaux ne ratent jamais une occasion de saluer la "perestroïka" comme la condition enfin réalisée d'un dialogue avec un régime qui fut présenté pendant près d’un demi-siècle comme 1'"Empire du mal". En fait, et contrairement à ce que cherche à nous faire croire la propagande bourgeoise, les bouleversements actuels dans les relations internationales ne traduisent nullement un antagonisme de fond entre les formes démocratiques et les formes totalitaires de l'Etat capitaliste. Les embrassades entre Bush et Gorbatchev, de même que les mea culpa des partis staliniens dénonçant aujourd'hui les horreurs et les "erreurs" du stalinisme, ne sont rien d'autre que la reconnaissance ouverte d'un état de fait : l'effondrement irrémédiable du bloc militaire russe issu de la seconde guerre mondiale. Ainsi, la sympathie de la bourgeoisie occidentale pour Gorbatchev trouve sa signification essentiellement dans la nouvelle configuration de l'arène impérialiste mondiale et non dans une quelconque aversion pour l'Etat stalinien. Il suffit, pour s'en convaincre, de se souvenir des articles élogieux dédiés par toute la presse occidentale à la Chine lorsque cette dernière s'est intégrée dans le bloc occidental après la guerre du Vietnam. Que la Chine ne se soit pas "démocratisée", que ce pays soit toujours domine par la terreur stalinienne, cela n'a provoqué (jusqu’au "printemps de Pékin") aucun état d'âme à la bourgeoisie occidentale.

Tous ceux qui, au nom de la "liberté" et de la "démocratie, saluent aujourd'hui l'effondrement d'un empire basé sur la terreur n'ont pas toujours été aussi scrupuleux en matière de "respect des droits de l'homme". Car ce sont bien ces mêmes démocrates qui, dans le passé, ont su apporter à Staline et à ses acolytes un soutien inconditionnel lorsqu'il s'agissait de défendre les intérêts du capitalisme mondial face au danger prolétarien.

La "démocratie" n'a jamais été autre chose que le masque hypocrite avec lequel la bourgeoisie a recouvert le visage hideux de sa dictature de classe. Cette hypocrisie, nous la retrouvons tout au long de l'histoire de la bourgeoisie "démocratique", à commencer par sa "déclaration des droits de l'Homme", il y a deux siècles. Mais là où cette hypocrisie s'est surpassée dans l'abjection, c'est bien dans l'attitude qu'elle a adoptée à l'égard de l'URSS tout au long de 1’histoire de ce pays. Déjà, dans les premières années qui ont suivi la révolution prolétarienne d'octobre-17, les grandes "démocraties" occidentales, telles que la France, la Grande-Bretagne, les USA et la toute nouvelle république d'Allemagne, n'avaient pas éprouvé le moindre scrupule à soutenir militairement les armées blanches, conduites par la racaille des généraux tsaristes, qui essayaient de noyer dans le sang le pouvoir des "soviets". Mais dès que la révolution a commencé à refluer à l'échelle mondiale, notamment à la suite des tragiques défaites du prolétariat en Allemagne entre 1919 et 1923, dès que l'URSS n'a plus constitué une menace immédiate pour la bourgeoisie d'Occident, celle-ci s'est empressée de desserrer le "cordon sanitaire" qui encerclait et isolait ce pays afin de faciliter sa réinsertion dans le monde capitaliste (la bourgeoisie occidentale savait, en effet, qu'inévitablement la révolution russe, en l'absence d'un relais par la révolution dans les autres pays, ne manquerait pas de s'effondrer par une dégénérescence de l'intérieur).

Les démocraties occidentales, complices de Staline dans l’extermination des combattants d'Octobre

Ce revirement dans l'attitude de la bourgeoisie occidentale à l'égard de l'URSS va surtout se concrétiser ouvertement à partir de 1925 à travers son soutien sans réserve à la lutte de Staline contre l'opposition de gauche qui, au sein du parti bolchevik, tentait de maintenir une politique internationaliste contre la thèse de la "construction du socialisme en un seul pays". Cette thèse, adoptée par le parti bolchevik, sous la houlette de Staline, à partir de 1925, correspondait à la démarche d'insertion de l'URSS, dans le capitalisme mondial, elle signifiait tout simplement l'abandon de la perspective de la révolution communiste.

Dans l'imagerie de la presse "démocratique", "l'homme au couteau entre les dents" allait désormais céder la place au respectable "Monsieur Staline".

L'ensemble du monde capitaliste avait en effet reconnu en Staline' l'homme de la situation, celui qui allait éradiquer les derniers vestiges de la révolution d'Octobre et auquel il fallait apporter tout le soutien nécessaire pour briser, exterminer la génération de prolétaires et de révolutionnaires qui, en pleine guerre mondiale, avaient osé engager la lutte à mort contre l'ordre capitaliste. C'est bien pour cela que la Sainte Alliance de tous les Etats "démocratiques" d'Occident se reconstitue non pas contre l'URSS mais au coude à coude avec celle-ci contre l'Opposition de gauche qui se développe en URSS sous l'égide de Trotsky et qui constituait le principal représentant de cette tradition révolutionnaire, delà fidélité aux principes de l'Octobre prolétarien. Ainsi, alors que face au danger représenté par cette opposition, Staline avait dispersé les principaux membres de celle-ci en les envoyant comme ambassadeurs dans les pays d'Europe occidentale, à partir de 1927, une fois l'opposition affaiblie, il les rapatrie afin de pouvoir mieux les contrôler sur place et les éliminer.

Dans ces basses oeuvres de la contre-révolution montante, Staline a pu bénéficier de la sympathie et du soutien actif de tous ceux qui, aujourd'hui, se font les ardents défenseurs de la "démocratie" contre le "totalitarisme", les gouvernements des Etats occidentaux, à commencer par celui de là France, lequel n'a pas hésité en 27 à exiger de l'URSS le rappel de son ambassadeur à Paris, Christian Rakovski, déclaré "persona non grata" par le gouvernement français pour avoir signé la plateforme de l'opposition de gauche. En le remettant entre les mains de ceux qui allaient le liquider, voilà comment le très "démocratique" gouvernement français a, le premier, offert ses bons et loyaux services à Staline en participant ainsi à faire condamner Rakovski au 3ème procès de Moscou en 1938. Tous les Etats "démocratiques" en renvoyant les uns après les autres les ambassadeurs d'URSS appartenant à l'Opposition, en livrant à leurs bourreaux cette génération de révolutionnaires qui symbolisait la continuité avec Octobre-17 ont apporté leur petite contribution aux grandes purges staliniennes qu'ils dénoncent aujourd'hui à cor et à cri afin de nous faire oublier leurs propres exactions.

Parmi celles-ci, il faut encore rappeler la politique de tous les pays face au principal symbole encore vivant d'Octobre-17 et dirigeant de l'opposition de gauche, Trotsky. Ainsi, lorsque Trotsky est expulsé d'URSS en 1928, le gouvernement de Turquie (dont l'hostilité au bolchevisme était particulièrement féroce), de mèche avec Staline, le laisse pénétrer dans ce pays, sans passeport, en sachant pertinemment que les résidus des armées blanches, particulièrement nombreux à Constantinople, l'attendaient de pied ferme pour lui faire la peau (on sait aujourd'hui que Trotsky a échappé de justesse à plusieurs tentatives de meurtre). Et lorsque Trotsky quitte la Turquie, c'est également d'un commun accord avec Staline, que toutes les "démocraties" d'Europe occidentale refusent de lui accorder le droit d'asile. Pourchassé par les assassins à la solde de Staline ou des vestiges des armées blanches, Trotsky sera ainsi condamné à errer d'un pays à l'autre jusqu'au milieu des années 30, le monde entier étant devenu pour l'ancien chef de l'Armée Rouge une "planète sans visa". Et dans ce gigantesque complot du capitalisme mondial contre Trotsky, c'est la social-démocratie dont les Mitterrand, Gonzalez et consorts ne sont que les sinistres rejetons, qui a constitué un des serviteurs les plus zélés du stalinisme. Entre 1928 et 36 tous les gouvernements occidentaux dirigés par la Social-démocratie (parti social-démocrate en Allemagne et en Norvège, Labour Party en Grande-Bretagne, gouvernement du front populaire en France) collaborent avec Staline et ferment leurs frontières à Trotsky sous des prétextes fallacieux ou le mettent sous résidence surveillée (comme ce fut le cas pour la Norvège) en lui interdisant toute activité politique, toute critique du régime stalinien.

Ainsi, dans cette chasse aux sorcières menée de concert avec Staline, toute la bourgeoisie démocratique n'avait pas hésité alors à fouler aux pieds ses grands principes "humanitaires" et "sacrés" du droit d'asile aux réfugiés politiques dont elle se revendique aujourd'hui encore avec tant de fierté. C'est dans la même tradition des Noske, Scheidemann, Ebert dont ils étaient les dignes héritiers que les sociaux-démocrates se sont comportés comme des chiens sanglants aux côtés de Staline contre tout ce qui représentait la dernière lueur d'Octobre-17.

A partir de 1936, lorsque, avec les grands procès de Moscou, se déchaîne dans toute son horreur la barbarie sanguinaire du stalinisme, c'est encore avec la bénédiction et la complicité directe des "démocraties" occidentales que Staline procède à l'extermination systématique des derniers combattants de la révolution d'Octobre. Toute la presse occidentale participe à sa façon à la propagande stalinienne de délation des opposants accusés d'être des agents d'Hitler. Non seulement aucun journal bourgeois ne met en doute la validité des procès, mais tous s'efforcent encore de les justifier en s'appuyant sur les "aveux" arrachés aux victimes sous la torture et en affirmant avec le cynisme le plus crapuleux "qu'il n'y a pas de fumée sans feu" (et dans cette hystérie générale du monde capitaliste, le journal "L'Humanité" se trouve, bien entendu, en première ligne, en appelant ouvertement au meurtre des "hitléro-trotskystes"). Non seulement la bourgeoisie "démocratique" applaudissait des deux mains la liquidation en URSS de la vieille garde révolutionnaire de 1917(Zinoviev, Kamenev, Rakovski, Radek, Boukharine...) et des millions d'ouvriers qui avaient participé à la révolution d'Octobre, mais elle permettait encore aux agents du Guépéou de pénétrer sur le territoire européen pour massacrer les opposants à Staline en exil. Aux tueurs recrutés directement dans le Guépéou ou dans les armées blanches réfugiées en Europe les gouvernements occidentaux (et notamment celui du Front Populaire en France) avaient alors laissé carte blanche en leur accordant, à eux, un visa à durée illimitée !

De même, en Espagne, au cours de la guerre civile, le gouvernement républicain (composé de staliniens et de sociaux-démocrates) s'est déchaîné contre tous ceux qui se trouvaient à la gauche du PC. Andrès Nin et tant d'autres seront kidnappés à leur domicile et sauvagement assassinés dans les geôles secrètes des staliniens avec la complicité directe du gouvernement "socialiste" de Caballero qui ferme pudiquement les yeux. C'est ainsi que, en mai-37, va se monter en Espagne le même type de procès que ceux de Moscou contre les dirigeants du POUM qui seront jugés et condamnés comme "agents de Franco".

Voilà comment les démocraties occidentales -la France de Léon Blum en tête- ont apporté leur petite pierre à tout l'édifice de la plus effroyable contre-révolution de l'Histoire. Et ce sont ces mêmes gouvernements démocratiques, ces mêmes partis "socialistes" qui s'affichent aujourd'hui en donneurs de leçons contre la barbarie du régime stalinien alors qu'hier ils ont eux-mêmes trempé dans les pires crimes de Staline. Nos démocrates n'ont décidément aucune pudeur : il leur suffit de relire leur propre presse d il y a cinquante ans pour se rappeler à quelle ignominie ils se sont abaisses lorsqu'ils léchaient les bottes de Staline en le couvrant d'éloges. Tous ces gangsters qui n'ont à la bouche que les mots de "liberté", de "démocratie", de "respect des droits de l'Homme" sont ainsi bien mal placés pour jouer les justiciers aujourd'hui.

En particulier la très "démocratique" république française n'a vraiment rien à envier aux méthodes sanguinaires du stalinisme car c'est depuis plus d'un siècle et demi qu'elle se vautre, elle-même dans le sang des prolétaires. Qu'on se souvienne de ces dizaines de milliers d'ouvriers tombés sous les balles du gouvernement républicain en 1848, ou encore des combattants de la Commune de Paris sauvagement abattus par le gouvernement "démocratique" de Versailles, sans compter les tortures et les massacres de la population civile perpétrées lors des croisades impérialistes de la France en Algérie ou au Vietnam.

L'URSS et l'Occident "démocratique" dans l’arène impérialiste

Après avoir exterminé les derniers représentants d'Octobre-17 tout au long des années 30, après avoir laminé la fine fleur du prolétariat mondial, le capitalisme avait alors les mains libres pour s'occuper de ses "propres affaires" sur la scène impérialiste. En s'intégrant dans le capitalisme, l'URSS était devenue un partenaire à part entière pour toute la bourgeoisie.

Lorsqu'au début des années 30, la question de repartage du marché mondial commence a se poser de plus en plus clairement, pour l'ensemble du capitalisme en crise, l'URSS devient un enjeu central dans la constitution de nouveaux blocs impérialistes. Toute la bourgeoisie occidentale s'efforce alors de se concilier les bonnes grâces de Staline. En 33, l'Allemagne quitte la SDN. Un an plus tard, Churchill accueille avec enthousiasme l'adhésion de l'URSS au sein de cette institution internationale issue de la première guerre mondiale et que Lénine qualifiait de repaires de brigands". Toute la bourgeoisie "libérale", de droite comme de gauche, exulte de joie, tandis que la presse occidentale n'a pas de mots assez élogieux pour saluer l'ouverture de l'URSS au "monde démocratique". Et dans ce concubinage obscène de la démocratie avec le stalinisme, c'est encore la France qui va se trouver en première ligne lorsque le 15 mai 34, son ministre des Affaires Etrangères, Laval, se rend à Moscou et signe un pacte de "sécurité mutuelle"' avec l'URSS. C'est ainsi que Laval déclarera dans un communiqué publié le lendemain : "Monsieur Staline comprend et approuve pleinement la politique de défense nationale faite par la France pour maintenir sa force armée au niveau de sa sécurité". C'est cette politique d'alliance avec l'URSS qui va permettre, au lendemain du pacte Laval-Staline, la constitution du "Front Populaire" en France, signant la réconciliation du PCF avec la social-démocratie pour les besoins du capital français dans l'arène impérialiste : Staline s'étant prononcé en faveur de l'armement de la France, du coup, le PCF vote à son tour les crédits militaires et signe un accord avec les radicaux et la SFIO.

Mais lorsqu'il s'agit des antagonismes entre les fractions de la bourgeoisie internationale, les alliances ne peuvent être que circonstancielles et soumises aux marchandages entre les différents requins impérialistes. Ainsi, lorsque Staline dont la politique consistait à vendre la neutralité de l'URSS au plus offrant, s'acoquine avec Hitler au début de la seconde guerre mondiale en échange de la Moldavie, des pays baltes et d'une partie de la Pologne, on assiste alors au déchaînement de toute la bourgeoisie démocratique contre la "barbarie" dés régimes "totalitaires", qu ils soient d'obédience fasciste ou stalinienne. En France, le PCF interdit et chassé du Parlement, redécouvre alors, comme par enchantement, les principes de "l'internationalisme prolétarien" et ira même jusqu'à appeler les ouvriers a lutter sur leur propre terrain de classe à travers le mot d'ordre de... "Défaitisme révolutionnaire" !

Lorsqu'en 41, Staline, suite à l'attaque de l'Allemagne contre l'URSS, réintègre le giron du bloc impérialiste adverse, ce sont de nouveaux les grandes embrassades entre l'Alliance démocratique et l'Etat stalinien. En particulier, c'est dans la plus chaleureuse fraternité que s'organise la coopération militaire entre la “France libre" et l'URSS (par exemple à travers la création de l'escadrille d'aviation franco-russe Normandie-Niemen). Le PCF retrouve alors sa fibre chauvine et, jetant une nouvelle fois aux poubelles de l'histoire ses principes "révolutionnaires internationalistes" redécouverts pour la circonstance en 39, se lance à corps perdu, à travers la "Résistance", dans la boucherie impérialiste mondiale au nom de la défense de la "patrie socialiste" et de la "France éternelle".

L'URSS, gendarme du capitalisme occidental en Europe

La défaite du prolétariat qui a conduit à la 2ème boucherie impérialiste n'avait pas pour autant éliminé toutes les inquiétudes de la bourgeoisie face à la lutte de classe. Depuis la première vague révolutionnaire, la bourgeoisie mondiale était hantée par le spectre d'un nouveau surgissement révolutionnaire du prolétariat. C'est pour cela qu'elle devait se donner toutes les garanties pour éviter, notamment à la fin de la seconde guerre mondiale, une situation semblable à celle de 1917-18. Après la chute d'Hitler (qui, lui aussi, avait bénéficié à son heure, au début des années 30, du soutien des démocraties occidentales lorsqu'il s'agissait de parachever par la terreur la défaite sanglante du prolétariat allemand), il fallait un nouveau gendarme pour l'Europe face à toute tentative de soulèvement prolétarien.

Staline ayant fait ses preuves comme bourreau du bolchevisme tout au long des années 30, c'est à lui que la bourgeoisie des pays "démocratiques" va enfin confier la responsabilité du maintien de l'ordre social en Europe. Après avoir été l'homme de la contre-révolution en URSS au milieu des années 20, Staline va être reconnu et salué comme l'homme de la "Libération". Ainsi, dès la fin de la guerre, les Alliés favorisent l'occupation russe partout où ont surgi des révoltes ouvrières notamment à Varsovie et à Budapest[1] [60]. Car l'Armée Rouge était la mieux placée pour ramener l'ordre dans ces pays soit en massacrant le prolétariat, soit en le détournant de son terrain de classe au nom du "socialisme". C'est bien pour cela que toute la bourgeoisie "démocratique" des pays vainqueurs non seulement offre en pâture à Staline les territoires à "haut risque social", mais appelle les PC au gouvernement dans la plupart des pays européens (notamment en France et en Italie) en leur dédiant une place de premier ordre dans les différents ministères (Thorez en France sera nommé vice-président du Conseil en 1944).

Cette politique pro-russe du bloc des "Alliés" à la "Libération" constituait la meilleure carte que pouvait jouer la bourgeoisie face au risque d'explosions ouvrières : seules les fractions staliniennes étaient en mesure de soumettre un prolétariat exsangue et affamé aux intérêts du capital national. Seuls ceux qui, dans les rangs ouvriers, colportaient l'ignoble mensonge de la "Russie communiste" pouvaient contrer toute velléité de soulèvement prolétarien en amenant les ouvriers enrôlés dans la "Résistance" à déposer les armes qui leur avaient été confiées pour massacrer leurs frères de classe.

Ainsi, jusqu'à la fin de la guerre, toute la bourgeoisie "démocratique" sera cul et chemise avec l'impérialisme russe et il sera conclu, en 44, entre Churchill, Roosevelt et Staline le fameux traité de Yalta où les "Alliés" accorderont à ce dernier, pour le prix du sang de ses 20 millions de victimes dans la guerre, non seulement les territoires obtenus lors du pacte germano-soviétique, mais encore la Pologne, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Roumanie et une partie de l'Allemagne, comme zone d'influence exclusive de l'URSS, faisant de ce pays une super-puissance impérialiste antagonique au bloc US. Voilà comment Staline a pu se faire payer les 20 millions d'êtres humains massacrés sur le front russe pour le compte des "démocraties" occidentales dans la plus abominable boucherie qu'ait connue l'humanité.

En agonisant, le stalinisme rend un dernier service à la bourgeoisie "démocratique"

Ainsi, l'histoire de ces soixante dix dernières années montre que 1' attitude des "démocraties" occidentales vis-à-vis du stalinisme n'a nullement été déterminée par une quelconque position de principe ou par un quelconque antagonisme inconciliable à l'égard du régime stalinien.

Aujourd'hui, la bourgeoisie "démocratique" n'a pas de mots assez durs pour dénoncer l'horreur qu'a représentée le stalinisme. Elle cherche à nous faire croire qu'elle a toujours abhorrer ses méthodes sanguinaires alors qu'elle en a été le meilleur allié lorsque ce régime de terreur servait ses intérêts de classe ou ses appétits impérialistes.

C'est avec la même duplicité, la même dégoûtante hypocrisie que la bourgeoisie "démocratique" d Occident salue en Gorbatchev l'homme qui a "osé mettre fin à plus d'un demi-siècle de dictature stalinienne". En témoignant aujourd'hui à Gorbatchev la même sympathie qu'elle avait, hier, témoignée à Staline, elle ne vise en réalité qu'un seul objectif: perpétuer le même mensonge consistant à identifier le stalinisme avec le communisme. Si, pendant la période la plus noire de la contre-révolution, ce mensonge a pu être exploité pour embrigader des millions d'ouvriers sous les drapeaux du capital grâce au mythe de la "patrie socialiste", aujourd'hui, au bout de 20 ans de reprise historique des combats de classe, toute cette campagne abjecte sur le thème de la "victoire du capitalisme sur le communisme" poursuit, en réalité, le même but : en continuant à assimiler le communisme au stalinisme, il s'agit, pour la bourgeoisie d'utiliser ce dernier comme repoussoir afin d'enterrer une nouvelle fois le communisme et effacer de la mémoire du prolétariat le souvenir d'Octobre, non pas pour son passé comme c'était le cas dans les années 30, mais pour l'avenir qu'il représente.

 


[1] [61] Dans ces deux villes, alors qu'elle se trouvait déjà dans leurs faubourgs, l'Armée "rouge* laissera écraser par l'armée allemande, sans bouger le petit doigt, les insurrections visant à chasser celle-ci. Staline confiait ainsi à Hitler le soin de massacrer des dizaines de milliers d'ouvriers en armes qui auraient pu contrarier ses plans. Le même cynisme avait d'ailleurs été affiché auparavant parles "démocraties occidentales vis-à-vis de l'Italie. En 43, alors que Mussolini avait été renversé et remplacé par le maréchal Badoglio, favorable aux Alliés, et que ces derniers contrôlaient déjà le Sud du pays, ils n'ont rien fait pour avancer vers le Nord. Il s'agissait de laisser les fascistes régler leur compte aux masses ouvrières qui s'étaient soulevées, sur un terrain de classe, dans les régions industrielles d'Italie du Nord. Interpellé pour cette passivité, Churchill répondra : "Il faut laisser les italiens mijoter dans leur jus".

 

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

PCF : l’agonie d’un bourreau du prolétariat

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(D'après Révolution Internationale N°204; septembre 91)

A la suite du PCUS, le PCF va-t-il se désintégrer à son tour ?

Telle est l'une des grandes questions qui agitent aujourd'hui la bourgeoisie française. En son sein, nombreux sont ceux qui s'en inquiètent et que cette éventualité angoisse. Que la bourgeoisie nationale de l'extrême droite à l'extrême gauche se préoccupe autant du sort d'une de ses fractions les plus "méritantes", les plus actives et les plus efficaces dans ses entreprises anti-ouvrières, il n'y a là rien d'étonnant. L'ensemble de la bourgeoisie n'ignore pas que le parti stalinien demeure une des seules forces -avec sa courroie de transmission, la CGT- susceptible d'accomplir sa mission essentielle : encadrer le prolétariat, saboter et dévoyer les combats des ouvriers hors de leur terrain de classe, surtout à travers le rôle qu'il assume à l'heure actuelle, dans l'opposition.

C'est pourquoi la bourgeoisie est prête à soutenir par  tous les moyens n’importe quelle initiative réformatrice" ou "refondatrice" lancée par un quelconque Fiterman ou Le Pors pour tenter de "sauver la mise du PCF face à un appareil totalement sclérosé.

Le prolétariat, lui, n'a rien à faire de toute cette agitation. Il ne doit jamais oublier ce que furent les innombrables états de service du PCF contre la classe ouvrière. Nous ne pouvons ici qu'en rappeler certains parmi les plus éloquents :

  • quand, en 1935, le PCF dénonçait comme "provocateurs" et "agents à la solde des fascistes" les ouvriers des arsenaux de Brest et de Toulon en grève contre les décrets rabaissant les salaires, mis en oeuvre par un gouvernement qui annonçait le Front Populaire (et qu'en 1984, le ministre des Transports, Fiterman, remettait au goût du jour contre les ouvriers de la SNCF en grève à la gare Saint-Lazare) ;
  •  quand le secrétaire général du PCF, Thorez, "enseignait" aux ouvriers en 1936 qu'il "fallait savoir arrêter une grève" pour défendre l'économie nationale ;
  • quand, en 1944, "L'Humanité" poussait les ouvriers à s'entre-tuer dans la boucherie inter-impérialiste mondiale avec la plus répugnante propagande chauvine : "A chacun son boche" ou "Plus fort les coups sur le boche chancelant", envoyant ainsi des dizaines de milliers d'ouvriers au massacre, au nom de la défense aussi bien de la "patrie française" baptisée "Résistance" que de la "patrie du socialisme" ;
  • quand, dans le gouvernement d'"union nationale" à la fin de la guerre, en 1945, il cautionnait le bombardement des populations civiles à Sétif et Constantine pour mater leur révolte ;
  • quand Thorez appelait les ouvriers à "retrousser leurs manches" en 1946-1947 pour la "reconstruction de la patrie et de l'économie nationale";
  • quand le PCF soutenait tous les massacres d'ouvriers perpétrés par son "grand frère soviétique" en Allemagne de l'Est en 1953, en Hongrie et Pologne en 1956, quand il cautionnait en 1968 l'entrée des chars russes en Tchécoslovaquie et approuvait encore l'invasion de l'Afghanistan en 1979 ;
  • quand, dans les années 70 et 80 (et encore aujourd'hui), le PCF ne cessait de brailler "produisons français, travaillons au pays" dans son rôle jamais démenti de contremaître et de garde-chiourme au service du capital national ;
  • quand ces pseudo-champions de 1'"internationalisme prolétarien" envoyaient en 1979 -ce qu'un Le Pen n'a jamais osé- un bulldozer détruire à Vitry-sur-Seine un foyer d'immigrés maliens ;
  • quand, aux côtés du PS au gouvernement, ils imposaient les licenciements massifs à Talbot, Citroën, Renault, et votaient tous les crédits des expéditions militaires de l'impérialisme français, du Tchad au Liban.

Sans compter leur abjecte politique constante et quotidienne menée depuis des décennies, sur fond 'intimidation et de racket, pour saboter et dévoyer toutes les luttes ouvrières.

Qu'ils crèvent donc ces charognards, ces zélés larbins des oeuvres les plus ignobles de la bourgeoisie ! La classe ouvrière ne les pleurera pas et ne s'en plaindra pas.

Courants politiques: 

  • Stalinisme [59]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

La "libération" de 1944 : le PCF parachève l’écrasement du prolétariat

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(D'après Révolution Internationale N°122; juillet 1984)

  • Sachets de sable, éclats d'obus, drapeaux tricolores et autres grigris bradés à tous les étalages au son des fanfares militaires  Voilà l'ignoble fête sabbatique que vient d'organiser la bourgeoisie mondiale pour le 40ème anniversaire de la "Libération". Commémoration en grande pompe où la frénésie nationaliste, le fétichisme guerrier le plus immonde de la bourgeoisie décadente ont transformé les plages sanglantes du Débarquement en champ de foire. Faisant de ce carnage une marchandise, voilà que le capital se met à exploiter aujourd'hui le sang dans lequel il s'est vautré hier! Voilà la plus grande victoire que la bourgeoisie mondiale vient de célébrer : celle de l'enrôlement de dizaines de millions d'ouvriers dans la 2ème boucherie impérialiste !
  • Aujourd'hui, face à un prolétariat qui a relevé la tête, insoumis au drapeau national, ce n'est que sous forme de farce que le capital peut se permettre de répéter la tragédie du 6 juin 44.

Non ! Le jour J ne fût pas un jour de gloire pour le prolétariat décimé par la contre-révolution victorieuse ! Ce jour, de triste mémoire, ce fût un jour d'horreur où 20.000 cadavres des deux camps se sont échoués sous la mitraille capitaliste (et en 3 semaines, ce sont 250.000 soldats allemands qui ont été exterminés !), où des centaines de milliers de prolétaires, venus des contrées les plus "civilisées", les plus industrialisées du monde, sont allés au massacre, la peur au ventre, pataugeant dans la boue et le sang, pour une cause oui n'était pas la leur !

Non ! La guerre n'est pas un carnaval ! La guerre impérialiste, ultime issue à la crise du capital moribond, c'est le couronnement de la plus grande défaite du prolétariat, c'est le massacre de la seule force porteuse du devenir de l'humanité ! Non ! La "Libération" ne fût pas celle du prolétariat ! La "Libération" ce fût son enchaînement  à  "sa propre" bourgeoisie nationale, pour la défense d'un bloc contre un autre. Ce fût la libération des bombes sur Dresde, Hambourg, Hiroshima !

Et si, en ce jour de gloire pour la bourgeoisie, le PCF est resté par la force des choses discrètement dans les coulisses, s'il n'a pas été invité aux festivités aux côtés de ses complices Mitterrand, Thatcher, Reagan, Trudeau et consorts, on peut être sûr qu'il va se rattraper lors de la commémoration de la Libération de Paris qui constitue un de ses plus grands faits d'armes, celui qu'il revendique avec le plus d'arrogance, de répugnante fierté.

L'hystérie chauvine du PCF

  • "Vive la France immortelle ! Plus fort les coups sur le boche chancelant!" (l'"Humanité", 25/08/44).
  • "Pas un boche ne doit sortir vivant de Paris insurgé!"(l'"Humanité", 10/08/44).
  • "Pour en finir avec l'envahisseur exécré, à chaque parisien son boche!" (l'"Humanité", 24/08/44).

Jamais l'histoire de la lutte de classe n'avait vu succomber sous une telle hystérie chauvine les fractions les plus décisives du prolétariat ! Usurpateur d'un titre appartenant aux épisodes les plus glorieux de l'Internationale Communiste, c'est le PCF qui a entraîné des millions de prolétaires dans la barbarie capitaliste au nom de la lutte contre la barbarie. L'appel revanchard du PC à l'extermination de tous ceux qui, sous l'uniforme nazi, étaient pour bon nombre des prolétaires brisés par l'écrasement de la révolution en Allemagne, voilà ce que fût la "Libération" de la France ! Il est vrai qu'en appelant le prolétariat français à abattre comme du bétail le "boche indigne", le PC prétendait rendre leur "dignité d'homme" aux juifs persécutés !

Au moment même où des mouvements de désertion commençaient à se manifester chez les soldats allemands, au moment même où, .avec la déroute de la bourgeoisie hitlérienne, les ouvriers d'Allemagne pouvaient espérer voir se desserrer l'étau de la contre-révolution[1] [62], les slogans fratricides, patriotards du PCF ont réussi à désamorcer toute possibilité de fraternisation, enfouissant sous les décombres de la guerre, et pour des décennies, le mot d'ordre du Manifeste Communiste : "Les prolétaires n'ont pas de patrie, prolétaires de tous les pays unissez-vous!".

C'est à la "Libération" que le venin idéologique de l'anti-fascisme, inoculé par le PCF, est apparu dans sa nudité la plus scandaleuse, anesthésiant jusque dans ses moindres fondements la conscience de classe du prolétariat. Ceux qui ont prétendu renier les Noske et Scheidemann[2] [63] quelques 20 ans plus tôt, ceux qui sont devenus à leur tour les chiens de garde les plus serviles du capital, ont traîné une fois encore dans la boue et le sang l'appel des Bolcheviks à "transformer la guerre impérialiste en guerre civile". C'est, en effet, au nom de ce mot d'ordre, vidé de tout contenu révolutionnaire, que le PCF a présenté la "Libération" de Paris comme une grande insurrection populaire. Non! Ce n'est pas sur leur terrain de classe que les ouvriers de Pans se sont insurgés ! La grève générale de l'été 44, ce n'était pas la guerre civile que prônait la Gauche de Zimmerwald à l'heure où un Cachin[3] [64] lors de la 1ère guerre mondiale, abdiquait le drapeau rouge pour la bannière tricolore de l'Union Sacrée ! Non ! Le PCF n'a pas exhorté les prolétaires parisiens à retourner leurs armes contre "leur propre" bourgeoisie, mais contre leurs frères de classe, le "boche exécré"?

Un "Internationalisme" de façade

C'est à croire qu'en lançant ses mots d'ordre revanchards, le PCF a eu la mémoire bien courte ! N'a-t-il pas, au début de l'occupation, lui-même proclamé cet appel émouvant à la "fraternisation" avec ceux qu'ils appellent désormais "l'envahisseur exécré"?

  • "Il est particulièrement réconfortant en ces temps de malheur de voir de nombreux travailleurs parisiens s'entretenir amicalement avec les soldats allemands, soit dans la rue, soit au bistrot du coin. Bravo camarades, continuez, même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants ! La fraternité des peuples ne sera pas toujours une espérance, elle deviendra une réalité vivante!" (l’Humanité" du 4/07/40).

Telle fût l'ignoble hypocrisie d'un parti "ouvrier" qui s'est prostitué au capital : ce n'était pas à la fraternisation avec les prolétaires d'Allemagne que le PCF appelait, mais en réalité à la soumission à la bourgeoisie hitlérienne, alliée momentanée de l'URSS. Et ce n'est que sous la pression de l'impérialisme russe que le PCF s'est trouvé contraint, à son corps défendant, de ravaler pour un temps (le temps que durera le pacte germano-soviétique) ses slogans nationalistes au profit de mots d'ordre qu'avec sa chute dans le camp bourgeois il avait piétines, enterrés à tout jamais. Fidélité à la "patrie socialiste" obligeait !

Il suffit de rappeler, pour exemple, comment le PCF a enchaîné à leurs exploiteurs ces 100.000 mineurs du Nord-Pas-de-Calais qui s'étaient mis spontanément en grève au printemps 41, contre les conditions de travail imposées par le STO[4] [65]. D'abord en enfermant la grève dans le carcan syndical grâce à la reconstitution clandestine de la CGT qui, bénéficiant de l'auréole du martyr, a conduit les mineurs à la répression nazie (alors qu'au même moment se déroulait une grève identique de l'autre côté de la frontière, en Belgique) ; en appelant ensuite au calme, à la reprise du travail, usurpant et falsifiant le véritable contenu du défaitisme révolutionnaire : "Vous tous, mineurs, qui avez combattu côte à côte, restez unis et dites-vous bien que ce n 'est pas dans la victoire d'un impérialisme sur un autre que réside notre salut commun", pérorait l'"Humanité" du 20/06/41.

Deux jours plus tard, Hitler envahit l'URSS, libérant le PCF de ses états d'âme. Il va enfin pouvoir concilier ouvertement sa vocation nationaliste avec sa fidélité à Staline, enchaîner de nouveau le prolétariat au capital national en organisant la résistance armée contre le démon fasciste. Et tout cela au nom de la défense de cette '"patrie socialiste" qui, la veille encore, l'avait cocufié en flirtant honteusement avec le "boche "exécré" !

Quelle "libération" pour le prolétariat ?

Ce déferlement de chauvinisme à la "Libération", ce ne fût pas seulement l'extermination implacable de l’“ennemi extérieur".

Ce fût aussi, dans la logique tortionnaire de la Guépéou, la vindicte contre "l'ennemi intérieur", le meurtre organisé de tous ceux que la vermine stalinienne taxait de "collabo", d'"hitléro-trotskistes", de tous ceux qui hésitaient ou se refusaient à marcher au pas derrière les bannières des FFI. Avec l'épuration de la France "libre", francs-tireurs et partisans du PCF parachevaient leur besogne anti-ouvrière destinée au maintien de l'ordre bourgeois, à la sauvegarde de l'unité nationale contre toute déviation internationaliste. Ainsi ces pourvoyeurs de guerre pouvaient-ils oeuvrer à la reconstruction du capital national en appelant de nouveau les ouvriers à retrousser les manches, à "travailler partout avec ardeur, avec abnégation, en particulier dans les usines de guerre, à accroître sans cesse leur rendement, à dépasser les plans de production prévus" (Frachon).

Ainsi, en 44 comme en 36, Thorez appelait-il de nouveau les ouvriers à resserrer les rangs derrière le Front National : "Faire la guerre, créer une puissante armée française, reconstruire rapidement l'industrie, travailler et se battre, préparer effectivement dans l'union des coeurs et des cerveaux la renaissance de notre patrie, telles sont les tâches immédiates pour faire une France libre, forte et heureuse". (Thorez : "Oeuvres choisies").

La soumission à l'esclavage salarié, à la production de guerre était pour le PCF la forme la plus élevée du "devoir de classe". Telle fût la grande victoire "populaire" de la "Libération" : pour tous ces prolétaires saignés à blanc, abusés par les phrases sonores du Front Populaire, assujettis aux idéaux bourgeois jusqu'au sacrifice de leur vie, il y eût "de l'eau bénite d'abord, des injures ensuite, de la mitraille enfin, de la misère toujours" (Blanqui).

Il est vrai que le PCF s'était sauvagement battu dans la Résistance pour en finir avec "l'exploitation honteuse des ouvriers français par les hordes hitlériennes".

Il est tout aussi vrai que, dans la logique nationaliste du PCF, l'exploitation aux couleurs de la France "libre" n'avait désormais plus rien de honteux !

La grande "victoire" de la "Libération", ce fût aussi pour le prolétariat affamé comme jamais il ne l'a été sous l'occupation, la répression des grèves qui éclateront dès l'automne 44 ; répression organisée par le PCF au gouvernement, partageant avec De Gaulle la gestion du capital national. Voilà ce qui se tramait derrière la politique de "liquidation des traîtres" : la condamnation des grèves, considérées comme une "arme des trusts", comme une capitulation devant le "boche", fomentées par les "hitléro-trotskystes" !

Il faut dire que la bourgeoisie était loin d'avoir oublié la gigantesque vague révolutionnaire qui avait ébranlé tout l'édifice capitaliste à la fin de la 1ère guerre mondiale.

Pour que cela ne se reproduise pas, la bourgeoisie s'était assurée de l'écrasement complet du prolétariat avant de déclencher la 2ème guerre mondiale et, à la fin de celle-ci, elle avait pris toutes les précautions pour étouffer dans l'oeuf, par un quadrillage militaire systématique, tout surgissement de classe. En ce sens, dans la Sainte Alliance des "Libérateurs" de l'Europe, le PCF a largement contribué à chasser le spectre de la révolution, méritant bien l'hommage que De Gaulle lui rendra dans ses "Mémoires": "Les communistes n'essaieront aucun mouvement insurrectionnel. Bien mieux, tant que je gouvernerai, il n'y aura pas une seule grève".

Ainsi, après avoir fait trembler le monde bourgeois au lendemain de la 1ère guerre mondiale, jamais le prolétariat n'avait connu un tel désespoir, une telle honte. Jamais le capital moribond, broyant dans ses mâchoires les partis ouvriers, n'avait accouché de tels monstres. Jamais un parti de l'Internationale n'avait consommé sa trahison avec une telle arrogance.

Si, aujourd'hui encore, la bourgeoisie présente la plus grande défaite du prolétariat comme une victoire, le resurgissement historique de la lutte de classe, auquel nous assistons depuis 68, ne peut que la faire déchanter : le géant prolétarien s'est ressaisi. Il est revenu confirmer ce que Rosa Luxembourg annonçait en janvier 19, lors de la semaine sanglante en Allemagne :

"L'ordre règne à Berlin, sbires stupides ! Votre ordre est construit sur du sable. Dès demain, la Révolution se dressera de nouveau avec fracas, proclamant à son de trompe pour votre plus grand effroi : j'étais, je suis, je serai!".


[1] [66] En effet, vers la fin de la guerre éclatèrent dans toute l'Allemagne de nombreux mouvements insurrectionnels (mutineries de soldats, émeutes ouvrières à Berlin, Kiel, Brème) écrasés tant par le gendarme nazi que par les bombardements des Alliés sur les quartiers ouvriers.

[2] [67] Dirigeants du Parti Social-démocrate allemand, responsables à la tète du gouvernement de l'écrasement de la révolution allemande en 1919.

[3] [68] Dirigeant de la SFIO ; dès 1914, "jusqu'auboutiste", membre du gouvernement de l'Union Sacrée lors de la 1ère guerre mondiale; fondateur et grand orateur du PCF.

[4] [69] Service du Travail Obligatoire institué sous le régime de Vichy.

Courants politiques: 

  • Stalinisme [59]

PCF au gouvernement : 3 ANS DE LOYAUX SERVICES POUR LE CAPITAL ; Nous ne l'oublierons pas !

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  • Nous ne l'oublierons pas !

(D'après Révolution Internationale N"124; juillet 84)

  • Hier, en 81, le PCF entrait au gouvernement pour construire une France "socialiste".
  • Aujourd'hui, il en sort : il ne serait plus d'accord avec la politique qu'il a pratiquée pendant 3 ans. Pourtant, cette politique n'a rien de nouveau ni d'exceptionnel pour lui : ce n'est pas la première fois que le PCF participe à un gouvernement : il y a été avec De Gaulle après la guerre. Et c'est bien la même politique qu'il a menée il y a 40 ans.
  • Une politique capitaliste.
  • Une politique anti-ouvrière.

Demain, ouvriers, il ne faudra pas oublier, quand le PCF parlera de la "défense des travailleurs", ce qu'il a toujours fait.

Il faudra garder bien en tête le travail effectué ces trois dernières années par ce parti qui se dit "communiste", mais dont la pratique n'est que la défense des intérêts de sa classe : la bourgeoisie.

Rappelons-nous sa participation à la politique militariste de la France, son soutien à l'augmentation énorme des budgets d'armement, à l'engagement dans les guerres du Liban et du Tchad. Il était au pouvoir. Il a approuvé et soutenu ces décisions. Rappelons-nous les premières mesures anti-ouvrières, dès 81, le plan Delors en 82, le deuxième plan Delors après les municipales en 83.

Il les a élaborées et il les a exécutées.

Rappelons-nous que les plans de licenciement jusqu'en 1988 sont déjà prêts.

Il était là pour les signer avant de partir.

Demain, quand il verra appliquer leurs plans et leurs mesures, il poussera un grand cri : "C'est un scandale !" Ils peuvent dire ce qu'ils veulent, de toutes façons, ce sera pour les besoins de la politique du capital, contre les intérêts de la classe ouvrière.

Nous n’oublierons pas ces trois années !

Le PCF dans la guerre

Comme toute la bourgeoisie, de l'Est à l'Ouest, c'est sous couvert de la paix que le PC a dit OUI aux votes des budgets militaires. Il peut s'enorgueillir, par exemple, d'avoir participé en janvier à la meilleure vente d'armements français jamais réalisée à l'Arabie Saoudite. Meilleur marchand de canons que la droite!

Il était là quand, au nom de la paix, le bloc US assassinait à Sabra et Chat Ila pour mieux légitimer sa présence au Moyen-Orient ensuite. Il était au gouvernement pendant trois ans de massacres au Liban, en Irak, en Iran...

Il était là aussi quand les troupes françaises, envoyées par son gouvernement, opéraient au Tchad.

C'est normal. N'est-il pas un des plus ardents défenseurs du capital français ? Vaillant patriote, n'a-t-il pas déjà montré sa fidélité au drapeau national en 39-45, n'a-t-il pas crié et appelé à "chacun son boche" à la "Libération" ?.

Demain, quand il dénoncera les guerres, il ne faudra pas oublier qu'il ne le fait que pour mieux nous y conduire.

Le PCF et ses mesures "sociales"... d’austérité

Non, nous n'oublierons pas non plus le dévouement au gouvernement qu'ont montré les 4 ministres PC au pouvoir :

“Je crois que la présence des communistes est utile... indispensable à la majorité pour réussir. C'est une position unitaire, constructive.” a encore affirmé Pierre Juquin en février 84, 5 mois à peine avant la sortie du PC du gouvernement. Les ministres PC ont effectivement bien travaillé aux côtés du PS. Qu'on en juge:

IMPOTS : le PC accepte et vote le 2ème plan Delors en mars 83. 10% d'impôts supplémentaires pour la "solidarité nationale". 1% exceptionnel pour la Sécurité Sociale, reconduit lors du vote pour le budget de 84.

SALAIRES : la gauche a fait ce que partout la bourgeoisie a été contrainte de faire sous la pression de la crise économique, qu'elle soit "de droite" ou "de gauche" : bloquer les salaires. Elle l'a fait lors du premier plan Delors, en 82. CE plan-là, le PC "pour la France", et contre les ouvriers, l'a voté.

Dans cette dégradation des salaires, le ministre "communiste" Le Pors a joué un grand rôle. Un des secteurs les plus touchés a en effet été celui des "nantis", de ceux qui ont le privilège "royal" d'après lui d'avoir la sécurité de l'emploi : les fonctionnaires. Pourtant, ce secteur où la gauche avait promis d'embaucher, enregistre déjà 30 à 40.000 suppressions d'emplois, et 5 à 10.000 sont prévues avant fin 85.

Nos "nantis" ont eu l'immense privilège, sous le ministère Le Pors, d'avoir leurs salaires bloqués, et, pour 84 un blocage de l'augmentation indexée de 5% quel que soit le taux d'inflation.

Merci, patron. Quand demain, le PC organisera des manifestations et des grèves contre la baisse des salaires et du pouvoir d'achat, nous nous rappellerons que c'est lui aussi qui l'a votée et exécutée.

SANTE : là encore, le PCF peut être particulièrement fier de la bonne gestion en ce domaine. Ralite a été ministre de la santé. Son successeur peut le remercier de la justesse de ses analyses, puisqu'après avoir exécuté ses mesures, la Sécurité Sociale est aujourd'hui excédentaire. Nos "justiciers" sociaux ont compris que le déficit provenait du fait qu'il y avait trop de malades et trop d'infirmiers. Qu'à cela ne tienne ! 20F par jour de forfait décourage le malade et le boute plus rapidement hors du lit. Quant au personnel soignant, il y a eu en 84, 1.500 infirmiers recrutés pour 30.000 en 82, et 24.000 mises à la retraite par an !

ALLOCATIONS CHOMAGE : là aussi, la gestion capitaliste a été efficace. Conçue à l'origine pour trouver des emplois aux chômeurs, l'ANPE passe aujourd'hui plus de temps à les évincer de leurs droits qu'autre chose. On ne peut pas à la fois soulager la misère des prolétaires et les finances de l'Etat capitaliste. En novembre 82, le gouvernement PC-PS a réussi à économiser 10 milliards de francs sur ce poste et à éliminer 287.000 chômeurs du régime d'indemnisation.

  • en faisant dépendre la durée du versement des allocations des mois et des années travaillées avant la mise au chômage.
  • en limitant le cumul entre allocations chômage et indemnités de licenciements.
  • en réduisant l'allocation spéciale octroyée pour licenciement économique.

EMPLOI : en 81, rappelons-nous la croisade des chevaliers PC et PS contre le chômage. Que de mots ! Car la réalité, c'est les 2.000 de Talbot, les 24.000 du plan acier en Lorraine dans les 4 ans qui viennent, les 6.000 dans le charbonnage en 84, qui seront suivis de 30.000 autres avant 88 ! Aujourd'hui Citroën et Creusot-Loire, demain Renault. Dégraissage, vidange, quel secteur a été épargné à part "armement ces trois dernières années ?

En avril 84, les statistiques montrent qu'il y a 1800 chômeurs de plus par jour, et augmentation de 11,4% des licenciements sur l’année.

Le Lancelot du licenciement, c'est Ralite. Et demain, quand le PCF viendra nous dire qu'il faut "agir, s'unir contre le chômage", il faudra se rappeler que c’est lui qui était au gouvernement quand les plans de licenciement ont été décidés.

Il faudra se rappeler que ces plans joliment appelés "restructuration industrielle" ont été élabores notamment le 30 janvier 84 à Matignon, où s'étaient réunis 13 ministres, dont Fiterman, Rigout et Ralite.

Ces 3 ans passés à la gestion de l'Etat capitaliste montre le PCF sous son vrai visage, contre les ouvriers. Il a montré sa nature, et quand il protestera dans l'opposition contre des mesures comme celles qu'il a promues, ce ne sera que pour mieux nous empêcher de nous battre contre la classe dont il fait partie, ce sera pour tenter de nous contrôler.

Le PCF contre les luttes ouvrières

Quand il appellera à la lutte, il faudra nous souvenir que dans les premières mesures que son gouvernement a prises en arrivant au pouvoir, il y a eu, sous prétexte de sécurité bien sûr, le renforcement des forces de police. Augmentation de 20% du budget de l'intérieur en 82. 7800 postes supplémentaires dans la police entre 82 et 83.

Et c'est cette police qui est intervenue pour vider des usines occupées par les grévistes à plusieurs reprises. Rappelons-nous Peugeot-Talbot. Rappelons-nous Citroën.

Et quand un journaliste demande à Fiterman, alors ministre des transports, s'il compte recourir à la force contre les grèves d'Air-France, de la RATP et de la SNCF, en octobre 81, il répond: "Je dois veiller aux besoins des usagers. Dans la réalisation de cette tâche, je serai toujours prêt à prendre toutes mes responsabilités". A quoi lui répond Vivien (RPR) : "Je vous félicite. Je veux dire que vous savez prendre les grévistes en main. Continuez..."

Il a continué, il y a deux mois à peine, en organisant une chasse aux sorcières contre les grévistes de la gare St Lazare.

Le PCF est passé maître dans l'art de monter les ouvriers les uns contre les autres : des "faux chômeurs" qui volent leurs allocations aux "vrais chômeurs", aux ghettos immigrés qui "volent leur pain au français" ou des fonctionnaires trop "nantis", tout est bon pour légitimer l'attaque qu'il fera dans le secteur dénoncé. On l'a vu pour légitimer les baisses de salaires des fonctionnaires. On l'a vu pour légitimer les coupes sombres dans les allocations chômage et l'élimination de chômeurs des listes de l'ANPE. On le voit de manière ignoble aussi pour les ouvriers immigrés. Non content de les faire traquer en permanence par la police, le PCF les dénonce comme posant "des problèmes de charges sociales, de scolarité, de chômage"...

Il y a 4 ans, le maire de Vitry (PC) donne l'ordre d'attaquer à coups de bulldozer un foyer immigré de la commune. Aujourd'hui, il a obtenu le droit légitime de déloger de ces taudis les immigrés qui y vivent encore -sans les reloger bien sûr !- mais au-delà de ces méthodes infectes, préconisées et pratiquées par le PCF, le but recherché est d'éjecter le plus d'ouvriers possible de la production : les ouvriers français à la rue, les ouvriers immigrés dans leur pays de misère.

Nous n'oublierons pas que le PCF et le PS ont compté sur nous pour supporter en silence leur crise économique, pour accepter l'exploitation et les licenciements pour les besoins et les profits de LEUR classe.

En 45, Thorez disait aux ouvriers : "si des ouvriers doivent mourir à leur tâche, les femmes les remplaceront pour gagner la bataille de la production". En août 83, Krasucki (membre du comité central du PC) essayait le même coup : "La rigueur pour nous, a un autre sens. La notion d'effort ne nous rebute pas. Les travailleurs y sont aptes. "

Mais les ouvriers ont montré qu'ils n'étaient pas prêts à se laisser licencier et affamer en silence, des charbonnages du nord aux chantiers navals méditerranéens.

En 1950, la bourgeoisie envoie les CRS pour évacuer 500 ouvriers enfermés dans l'usine Renault. L'Humanité présente l'occupation de l'usine par la police comme une grande victoire des ouvriers qui ont su déjouer la provocation". C'était LEUR victoire, contre les ouvriers de Renault.

En décembre 83, le PC présente le résultat des négociations sur le nombre de licenciements à Talbot (1900 au lieu de 3000) comme "satisfaisant", et Ralite, ministre PC comme "intéressant". C'était satisfaisant et intéressant pour eux, pas pour les ouvriers. Ralite ajoute que pour lui, les négociations sont l'aboutissement "d'une consultation constructive marquée par la démarche active et responsable des travailleurs de Talbot et des syndicats".

A ce résultat "intéressant", les ouvriers de Talbot ont répondu de manière sûrement un peu trop "active" au gré du gouvernement ! Les victoires de la gauche, les intérêts de la gauche ne sont pas ceux des ouvriers, et la lutte à Talbot, terminée comme Renault en 1950, par l'envoi des flics pour faire sortir les grévistes de l'usine, restera dans nos mémoires.

Courants politiques: 

  • Stalinisme [59]

TROTSKISTES : Les derniers défenseurs du stalinisme

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(D'après Révolution Internationale N°205; octobre 91)

  • C'est toujours face aux grands événements historiques que se révèle clairement la frontière séparant les véritables organisations révolutionnaires de celles qui n'ont de révolutionnaire que le nom. Ainsi, avec l'effondrement de l'URSS et du régime stalinien, l'heure est maintenant venue pour les organisations trotskistes de rendre des comptes à la classe ouvrière.
  • C'est à cette tâche de déblayage du terrain de classe que les révolutionnaires doivent continuer à s'atteler en rappelant d'abord aux ouvriers ce qu'a été le trotskisme et ce qu'il cherche aujourd'hui à leur faire oublier.

Pendant près de cinquante ans, chiens de garde de la contre-révolution stalinienne

En continuant à se réclamer du fameux "Programme de transition" de la "IVe Internationale" élaboré par Trotski en 1938, les organisations du courant trotskiste n'ont cessé d'inoculer dans les rangs ouvriers l'ignoble mensonge selon lequel l'URSS serait jusqu'à aujourd'hui un "Etat ouvrier", une société "en' transition entre le capitalisme et le communisme" au sein de laquelle n'existerait pas l'exploitation de la classe ouvrière. C'est ainsi que la IVe Internationale, en reprenant à son propre compte cette erreur fatale de Trotski, affirmait toujours, cinquante ans après, par la voix de son "grand théoricien", Ernest Mandel :

  • "L'URSS reste, comme au lendemain de la révolution d'Octobre 1917, une société de transition entre le capitalisme et le socialisme. (...) La bureaucratie n'est pas une nouvelle classe dominante (...) Il s'agit d'une couche sociale privilégiée du prolétariat, qui fonde son pouvoir sur les conquêtes de la révolution socialiste d'Octobre : nationalisation des moyens de production, planification économique, monopole étatique du commerce extérieur. (...) En tant que couche sociale, elle reste adversaire d'un rétablissement du capitalisme en URSS." (E. Mandel, "Introduction au marxisme", 1983.)

De même, Pierre Frank, cet autre grand ponte de l'internationale trotskiste, écrivait, dix ans après l'écrasement du prolétariat en Hongrie par l'Armée rouge en 1956 :

  • "Nous maintenons sans réserve la conception qui a présidé à l'élaboration du programme de 1938, non par simple attachement au passé et piété envers lui, mais parce que cette conception reste plus valable que jamais, pour toutes les parties du monde. " (P. Frank, introduction au "Programme de transition".)

Mais aujourd'hui que le vent tourne, écoutons ce que nous disent les trotskistes de la IVe Internationale :

  • "La Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) a condamné sans réserve dès le 19 août le putsch stalinien dont le but était de rétablir l'ordre bureaucratique. (...) Il faut maintenant aller Jusqu'au bout dans le démantèlement du pouvoir bureaucratique." (Déclaration du comité central de la LCR, dans "Rouge" n° 1461).

Ainsi, après avoir défendu, pendant des décennies, l'idée que la bureaucratie stalinienne était de nature ouvrière, voilà maintenant que ces girouettes cherchent à nous faire oublier leur crime en saluant "sans réserve" la chute de cette bureaucratie avec la même ferveur qu'il mettait naguère à la présenter comme une "couche privilégiée du prolétariat" !

Que les trotskistes, dans le passé, aient été persécutés par Staline et les staliniens, qu'ils aient toujours "dénoncé" la bureaucratie comme une expression de la dégénérescence de I'"Etat Ouvrier", ne change rien à l'affaire. Ce qu'ils ont toujours cherché à faire croire aux ouvriers, c est que cette bureaucratie était malgré tout un moindre mal, voire même un mal "nécessaire", puisqu'elle était la garante de la préservation des "acquis d'Octobre". C'est encore en s'appuyant sur la vision erronée de Trotski selon laquelle “la bureaucratie continue à remplir une fonction nécessaire" puisqu'elle "est la gardienne d'une partie des conquêtes de la classe ouvrière" (Trotski, "La Révolution trahie", 1936) que les trotskistes, pendant toutes ces années, ont cautionné et apporté leur soutien ("critique") à cette clique bourgeoise.

Alors que, dans les mêmes années 30, la Gauche Communiste (dont nous nous revendiquons pleinement) affirmait, elle, qu'il ne subsistait plus en URSS le moindre acquis de la révolution d'Octobre, Trotski, lui, continuait à s'accrocher désespérément à l'espoir illusoire de sauver la révolution russe. C'est cette dangereuse erreur, fondée sur une incompréhension de la période, qui a conduit Trotski à ne pas voir la rupture radicale entre la Russie des soviets de 1917 et l'URSS stalinienne des années 30. Mais ce qui était de la part de Trotski une erreur opportuniste extrêmement grave est devenu de la part de ses épigones de la IVe Internationale une politique ouvertement "contre-révolutionnaire. Malgré son analyse erronée de la nature de l'URSS dans les années 30, et bien qu'il n'ait pas compris que la période n'était pas la même que celle de 1917, Trotski affirmait néanmoins que seule la révolution prolétarienne dans les autres pays, et notamment en Europe occidentale, pourrait sauver la révolution russe. Il affirmait que si le prolétariat européen ne se soulevait pas contre sa propre bourgeoisie dans la deuxième guerre mondiale, alors, cela signifierait que l'URSS redeviendrait un Etat capitaliste.

Cela, les trotskistes de la IVe internationale se sont toujours gardés de le mentionner. Et pour cause ! En tronquant la vision de leur maître à penser, ils pouvaient ainsi utiliser le prestige de 1 ancien chef de l'Armée rouge dans le mouvement ouvrier comme feuille de vigne pour berner les prolétaires et masquer leur propre politique bourgeoise de défense du capital russe dans l'arène impérialiste mondiale.

Une preuve entre toutes les autres qui révèle encore plus clairement la nature bourgeoise de ces chiens de garde du stalinisme réside dans la manière dont ils justifient l'existence d'"acquis ouvriers" en URSS : "planification de l'économie, nationalisation des moyens de production, monopole du commerce extérieur". Une telle vision révèle de toute évidence que ces gens-là ne se situent nullement du point de vue des intérêts de la classe ouvrière, de ses conditions d'existence, mais du point de vue de la gestion de l'économie nationale. Que l'économie soit planifiée ou non, que le commerce extérieur soit un monopole de l'Etat ou qu'il soit entre les mains de capitalistes privés, que les entreprises soient nationalisées ou qu'elles soient privées, cela change-t-il quelque chose pour la classe ouvrière ? Ces apprentis bourgeois ont toujours été bien en peine de répondre à la question, pour la simple raison que les conditions d'exploitation du prolétariat en URSS ont toujours été jusqu'à présent le dernier de leur souci. Et pour cause ! Puisqu'il n'y a pas de bourgeoisie, puisque l'URSS n'est pas un Etat capitaliste, il ne peut y avoir d'exploitation de la force de travail des prolétaires. Quand on sait combien de souffrances et de sacrifices a coûtés à la classe ouvrière cette "économie planifiée" si chère à nos trotskistes (exploitation féroce digne des sociétés esclavagistes, cadences infernales pour réaliser le "plan", misère, pénurie, déportation massive dans les camps de travail), quand on sait que, pendant toute la période stalinienne, les gestionnaires de l'économie planifiée ont glorifié le stakhanovisme comme un exemple de fidélité à la "construction du socialisme", quand on sait que l'URSS a été pendant des décennies un gigantesque camp de concentration, prétendre qu'il s'agit la d'un "Etat ouvrier", ce n'est pas seulement prendre les prolétaires pour des imbéciles, c'est clairement chercher à les enchaîner au char du capital russe et de son effroyable machine d'exploitation et d'oppression.

Quant à l'orientation de l'économie vers la satisfaction croissante des besoins humains qui devrait, pour des marxistes, caractériser une période de transition du capitalisme au socialisme, parlons-en ! Pendant plus d'un demi-siècle, cette fameuse économie planifiée considérée par les trotskistes comme le "nec plus ultra" de la prétendue "société de transition" en URSS s'est essentiellement orientée vers le développement de la production de guerre pour permettre à 'Etat stalinien de se lancer dans la course effrénée aux armements et défendre ses intérêts impérialistes sur la scène mondiale. En absorbant près d'un tiers du PNB de l'URSS, au détriment de l'industrie de biens de consommation, cette économie ("planifiée" !) de guerre n'a fait durant des décennies qu'accentuer toujours plus le degré insupportable de misère et d'exploitation du prolétariat.

Et cette orientation du capital russe vers le développement de la production d'armements a été encore justifiée ainsi par toutes ces sinistres crapules : "Les travailleurs doivent effectivement défendre l'URSS contre toute tentative de l impérialisme d'y rétablir le règne du capitalisme. " (E. Mandel, ouvrage cité.) C'est encore au nom des fameux "acquis d'Octobre" que les trotskistes, pendant toute la période de la "guerre froide", ont appelé les prolétaires à s'entre-tuer pour le succès d'un camp bourgeois contre un autre en avançant le mot d'ordre de "défense inconditionnelle de l'URSS" face à l'impérialisme yankee (ce même impérialisme derrière lequel la IVe Internationale n'avait d'ailleurs pas hésité à se ranger pendant la seconde guerre mondiale lorsqu'elle participait, dans la Résistance, à la lutte contre le fascisme aux côtés de toutes les forces "démocratiques" occidentales dirigées par Roosevelt, Churchill et de Gaulle).

Dans toutes les prétendues "luttes de libération nationale" auxquelles ils ont participé depuis la fin de la guerre, notamment au Vietnam, là non plus, ce ne sont pas les intérêts de la classe ouvrière que défendaient les trotskistes, mais bien ceux de l'impérialisme russe contre le bloc américain.

Quant à la thèse de la prétendue supériorité de l'économie planifiée sur le capitalisme occidental, tant vantée par les trotskistes (qui ont repris l'idée de Trotski d'après laquelle les succès économiques de l'URSS en 1936 seraient "la preuve expérimentale de la viabilité des méthodes socialistes"), elle ne visait qu'un seul objectif : propager le vieux mensonge bourgeois consistant à identifier cette forme monstrueuse de capitalisme d'Etat à du socialisme.

Courants politiques: 

  • Trotskysme [70]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

Les trotskistes persistent et signent dans la défense de l'État stalinien

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(D'après Révolution Internationale N°206; novembre 91)

  • S'il ne reste plus aujourd'hui un seul stalinien pour oser encore entonner l'hymne de la supériorité du modèle économique soviétique, eh bien, semble-t-on se dire chez les trotskistes, c'est nous qui le ferons. Dans cet effort, reconnaissons qu'on aura rarement publié plus monumentale pièce d'abrutissement intellectuel que ces lignes d'un insoutenable lyrisme :
  • "L'économie étatisée et planifiée de l'Union Soviétique était et est encore, au moins virtuellement, un acquis pour tout le prolétariat et pour toute l'humanité."
  • L'auteur d'une si énorme incongruité ?
  • Lutte Ouvrière (LO) et sa revue théorique "Lutte de Classe" (dans l'article "L'URSS après le putsch", p. 25, de la parution d'octobre dernier).

Alors que plus de soixante ans d'"économie étatisée et planifiée" à la Staline débouchent présentement en URSS, au su et au vu de tout le monde, sur un consternant et effroyable tableau de banqueroute totale et de chaos de la société soviétique, avec la plus sordide misère pour la classe ouvrière de ce pays, le déni des réalités que trahissent les amis d'Arlette Laguiller est proprement à couper le souffle. Même un Marchais ne se risquerait plus à prononcer un pareil dithyrambe et il faut être possède, comme LO, d'un fanatisme absolu du capitalisme d'Etat qu'elle baptise "socialiste" pour le crier à tue-tête en 1991. Mais ayant de toute évidence décidé de prendre les ouvriers auxquels elle s'adresse pour de complets crétins, la rédaction de "Lutte de Classe" poursuit son lamentable papier en ces termes : "Aujourd'hui, nous le disons encore, tant que la propriété étatique des entreprises existe, tant que la planification même en crise existe, nous considérons que le prolétariat soviétique comme le prolétariat mondial, ont quelque chose à défendre en URSS et que l'URSS est encore d'une certaine façon un pays qui appartient à tous les prolétaires du monde. " (Article cité, pp. 26-27.)

Un tel discours est avant tout une inqualifiable insulte proférée contre la mémoire des millions et des millions d'ouvriers soviétiques qui, hier, furent les victimes de la féroce exploitation capitaliste de Staline, et jetée à la face de leurs enfants qui, aujourd'hui, sont abaissés au dernier seuil de la pauvreté par les héritiers et les ayants droit du dictateur géorgien, à quelque fraction (conservatrice, réformatrice ou libérale") bourgeoise qu'ils appartiennent. Par rapport au prolétariat mondial, qui subit aujourd'hui la sauvage attaque de la crise économique du capitalisme aux quatre horizons du monde, lui désigner l'Etat russe en ruine comme le patrimoine qu'il faut défendre et considérer malgré tout comme un pas vers le socialisme, c'est, plus qu'une incommensurable imbécillité, un crime.

LO, cependant, n'a pas le monopole trotskiste de cette entreprise volontaire de destruction de l'intelligence ouvrière. Un certain "Groupe pour la reconstruction de la IVe Internationale" adressait en effet à la fin du mois de septembre une lettre publique à la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) ainsi qu'au Parti Communiste Internationaliste[1] [71] où l'on a pu lire cette autre impensable littérature : "Toutes les analyses des trotskistes et de Léon Trotski ont été confirmées, tous les pronostics ont été réalisés. En URSS, c'est la révolution politique qui déferle et impose le respect du dernier combat de Lénine contre le chauvinisme grand-russe, pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (...). Ce sont les masses, et la jeunesse soviétique en premier lieu, qui ont abattu les objets de culte de la bureaucratie stalinienne (...). Le stalinisme se meurt. Le stalinisme ne se relèvera jamais de la révolution politique en URSS."... Illuminisme crapuleux, odieuse menée de démoralisation de la classe ouvrière ourdie sous le nom de Lénine : on sait que, au sein du mouvement a-classiste (bien entendu manipulé par les différentes fractions de l'appareil d'Etat aux prises en URSS) qui abat "les objets de culte de la bureaucratie stalinienne", se trouve nombre d'ouvriers pour couvrir d'ordures les statues de Lénine. De sorte que tout vrai révolutionnaire peut certes parler d'une confusion navrante et d'un déboussolement inévitable, vu le contexte, des prolétaires soviétiques. Il ne peut nullement dire, dans lé sens contraire, que ce mouvement constitue une révolution politique voire une quelconque expression prolétarienne authentiquement et positivement orientée vers les intérêts de la classe ouvrière mondiale. Ou bien l'on se situe du point de vue anti-ouvrier et sciemment falsificateur de la classe dominante. Et c'est bien le cas de tous les trotskistes, ces hommes de terrain désignés par la bourgeoisie pour répandre l'obscurantisme dans les rangs ouvriers.

Au nom des prétendus acquis résiduels de la révolution russe (pourtant définitivement vaincue en 1927), au nom de ce qu'ils appellent toujours l'"Etat ouvrier dégénéré", de la "patrie socialiste" et du progrès humain que réaliserait pour eux 1'"économie soviétique étatisée et planifiée, les épigones de Trotski se sont faits depuis la seconde guerre mondiale jusqu'à aujourd'hui et avec un zèle de tous les instants, les laquais objectifs du stalinisme. Ils ont, de manière critique, peut-être, mais effective, cautionné l'asservissement du prolétariat russe à l'Etat capitaliste d'URSS. A d'innombrables reprises depuis 1939, ils ont invité les prolétaires de Russie et du monde entier à soutenir jusqu'au prix du sacrifice de leur vie les brigandages impérialistes de l'Union Soviétique.

Non contents d'avoir secondé avec zèle la bourgeoisie russe, les trotskistes n'ont cessé de faire croire, et plus que jamais aujourd'hui, aux ouvriers des pays développés que le stalinisme faisait "malgré tout" bel et bien partie de leur patrimoine et de leur être historiques. Ils participent ainsi de la maniéré la plus efficacement bourgeoise à la campagne d'une bourgeoisie occidentale dont le but avéré est de semer ignominieusement la confusion entre le communisme ainsi que l'histoire véritable du mouvement ouvrier révolutionnaire, et cet avatar hideux du capitalisme d'Etat qu'est le stalinisme.

Nous avons ici même consacré le mois passé aux trotskistes, un article détaillé pour dresser le réquisitoire prolétarien contre leurs multiples malfaisances bourgeoises. Nous comprenons bien que la déconfiture de leur idole soviétique sème un trouble profond parmi leurs organisations, de la LCR à LO. Mais on aurait tort de se contenter d'en rire et de railler la bêtise que la déconvenue politique fait émerger d'elles car ce serait induire les ouvriers à sous-estimer l'ennemi de classe mortel qu'elles représentent. Comme l'ensemble de la bourgeoisie, la composante trotskiste, à l'extrême gauche du capital, sait faire de son propre affaiblissement historique et de sa décomposition politique, une arme de confusionnisme contre la classe ouvrière. Veufs ou orphelins de l'"Etat ouvrier dégénéré", PCI, LCR, LO et Cie occupent une place de choix dans le gang des démocrates bourgeois : qui mieux qu'eux peuvent entraver, dévoyer, dénaturer la prise de conscience du prolétariat mondial, dans le rôle d'embaumeur du cadavre du stalinisme honni ?


[1] [72] PCI. Il s'agit du courant qu'on appelait naguère "lambertiste" et dont (si l'on en juge par leur rhétorique) doivent provenir, suite à une récente scission ou à une exclusion, les signataires de ce libellé.

Situations territoriales: 

  • Vie de la bourgeoisie en France [73]

Courants politiques: 

  • Trotskysme [70]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

IV - LES REVOLUTIONNAIRES ONT TOUJOURS COMBATTU LE STALINISME

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Le combat que les révolutionnaires doivent assumer à l'heure actuelle pour contrer la gigantesque offensive  idéologique de la bourgeoisie se situe dans la continuité de la lutte implacable qu'ont mené, dès la fin des années 20, les groupes de la Gauche communiste (dont se réclame le CCI) contre la dégénérescence de la 3ème Internationale et contre le stalinisme. Ce sont les aspects essentiels de la lutte acharnée de cette génération de révolutionnaires pour le maintien et le développement des positions de classe que rappelle dans ses grandes lignes ce chapitre.

Parmi les apports de la Gauche Communiste, il revient au groupe "Internationalisme", dont est issu le CCI, le mérite d'avoir été capable, en s'appuyant sur les travaux théoriques de la fraction italienne de la gauche communiste internationale, de faire toute la lumière sur la nature capitaliste de la Russie. En particulier il fut capable de la comprendre comme une expression particulière de la tendance générale au capitalisme d'Etat que connaît le capitalisme dans sa phase de décadence.

Le combat de la Gauche Communiste

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(D'après Accion Proletaria n°88)

La défaite de la première vague révolutionnaire mondiale de 1917-23 provoqua l'isolement et l'effondrement de la révolution en Russie. Mais la liquidation de cette dernière eut comme principal agent l'Etat russe lui-même et, absorbé par celui-ci, le parti bolchevik dégénérescent[1] [74]

Le stalinisme, expression de cette réaction capitaliste, fut le bourreau du prolétariat mais, le plus perfide de sa trahison fut la falsification complète qu'il fit des principes et des positions ayant permis au prolétariat de faire la révolution. En transformant ces derniers en une idéologie réactionnaire, le "marxisme-léninisme"[2] [75], le stalinisme aida puissamment la contre-révolution à enchaîner le prolétariat mondial derrière des drapeaux qui ne sont pas les siens : défense de la "démocratie", soutien inconditionnel à la Russie "soviétique", lutte pour les nationalisations présentées comme du "socialisme". Un tel embrigadement du prolétariat provoqua d'énormes défaites : accession d'Hitler au pouvoir en 1933, massacre des ouvriers en Autriche en 1934, "Front populaire" en France en 1936 qui instaura l'économie de guerre, massacre du prolétariat en Espagne en 1936-39 avec comme aboutissement la gigantesque boucherie de la seconde guerre mondiale.

LE COMBAT DE LA GAUCHE COMMUNISTE

Cependant, de même que les ouvriers résistèrent héroïquement à l'écrasement de leurs tentatives révolutionnaires, la dégénérescence de l'Internationale Communiste ne resta pas sans réponse : contre celle-ci, se dressèrent les fractions de la Gauche communiste qui défendirent énergiquement les principes abandonnés par l'IC et, en même temps, les développèrent pour répondre, d'une part, aux problèmes que posait l'évolution historique (crise mortelle et décadence du capitalisme, lutte pour la révolution prolétarienne) et, d'autre part, aux questions auxquelles l'IC n'avait pas apporté de réponse claire (les questions syndicale, parlementaire, nationale...).

Ainsi, la Gauche communiste surgit comme une réponse de classe au stalinisme. Les organisations politiques du prolétariat courent toujours le danger de dégénérer et de tomber dans le camp capitaliste (c'est ce qui arriva d'abord aux partis socialistes, puis aux partis communistes) mais, en leur sein, se développe toujours un courant de gauche qui maintient en vie les principes de classe, les élève à un niveau supérieur et mène fermement le combat pour la continuité et l'avancée des intérêts historiques du prolétariat.

  • "Ce fut elle (la Gauche) qui assura la continuité entre la 1ère et la 2ème Internationale à travers le courant marxiste, en opposition aux courants proudhonien, bakouniniste, blanquiste, et autres corporativistes. Entre la 2ème et la 3ème Internationale, c'est encore la gauche, celle qui mena le combat tout d'abord contre les tendances réformistes, ensuite contre les 'social-patriotes', qui assura la continuité pendant la 1ère guerre mondiale en formant l'Internationale communiste. De la 3ème Internationale, c'est encore la gauche, la 'gauche communiste', et en particulier les gauches italienne et allemande, qui ont repris et développé les acquis révolutionnaires foulés au pied par la contre-révolution social-démocrate et stalinienne". (Revue Internationale n°50, "La continuité des organisations politiques du prolétariat".

La position de la Gauche communiste est radicalement différente de celle de l'"Opposition de Gauche" (trotskiste) qui combattit le stalinisme sans aucune position de principe et considérant comme valides les positions adoptées par l'IC stalinisée, ce qui ne fit que favoriser plus encore sa dégénérescence (Front Unique avec la social-démocratie, participation aux syndicats et aux parlements, défense des luttes de "libération nationale" et surtout, défense de la nature "socialiste" de l'URSS).

LES POSITIONS FONDAMENTALES DE LA GAUCHE COMMUNISTE

Les groupes de la Gauche communiste surgirent dès 1920 dans différents pays (Russie, Allemagne, Italie, Hollande, Grande-Bretagne, Belgique...). Ils n'atteignirent pas tous le même niveau de clarté et de cohérence et la majorité d'entre eux ne put résister à la terrible contre-révolution capitaliste. Ils disparurent victimes de l'action conjuguée de la répression des staliniens et des fascistes, de la démoralisation et de la confusion ambiantes. Dans les années 30, seuls les groupes les plus cohérents réussirent à se maintenir et parmi eux la Gauche communiste d'Italie fut la plus claire et conséquente. Le groupe "Internationalisme" (1945-52), issu de cette dernière, parvint à une synthèse critique et cohérente du travail, très dispersé, des différents groupes de la Gauche Communiste[3] [76] :

  • la nature de l'URSS : l'Etat russe n'avait rien de prolétarien ni de "socialiste", il n'exprimait aucune continuité avec la Révolution d'Octobre 1917, mais en était, au contraire, son bourreau ;

L'URSS était un pays aussi capitaliste que les USA ou la Grande-Bretagne exprimant, de façon caricaturale la tendance universelle au capitalisme d'Etat (nationalisation totale de l'économie) ;

  • la décadence du capitalisme : le système institué en URSS n'était en rien un nouveau mode de production ni une forme plus "progressiste" du capitalisme mais, au contraire, une expression de la décadence historique du capitalisme condamné à une spirale infernale de crise-guerre-reconstruction-nouvelle crise... à chaque fois plus mortelle.

Ainsi, pour "Internationalisme", le capitalisme "libéral" de l'Ouest et le capitalisme d'étatisation extrême de l'Est constituent les deux facettes d'un même système décadent que le prolétariat devra détruire d'un côté comme de l'autre ;

  • la "démocratie" et le capitalisme "libéral" : "Internationalisme" était clair sur le fait que l'alternative ne se situait pas entre "démocratie" et fascisme, ou entre "démocratie" et totalitarisme stalinien, mais entre barbarie capitaliste et révolution communiste mondiale, c'est-à-dire entre l'Etat capitaliste, qu'il soit totalitaire ou "démocratique", et la dictature mondiale des conseils ouvriers instaurant le pouvoir direct et collectif des masses ouvrières.

"Internationalisme" clarifia que le capitalisme "libéral" d'Occident était une forme plus efficace et plus subtile du capitalisme d'Etat. La plus grande partie de la production était canalisée vers l'économie de guerre mais avec une plus grande flexibilité, utilisant le marché "libre" grâce à toutes sortes de manipulations (fiscales, monétaires, à travers le crédit) ;

  • l'autonomie du prolétariat, la lutte pour la révolution communiste : à partir de toutes ces positions, "Internationalisme" en déduisait que le capitalisme ne pouvait plus offrir d'améliorations réelles et durables des conditions de vie du prolétariat. La tâche de ce dernier était la lutte pour la révolution communiste. Ses nécessaires luttes de résistance contre l'exploitation ne pouvaient plus se situer dans le cadre de l'obtention de réformes politiques et économiques au sein du capitalisme (comme c'était le cas du temps de la Seconde Internationale où de tels objectifs étaient valables dans la mesure où ils étaient conçus comme une étape historique nécessaire et non comme fin ultime au combat de la classe ouvrière), mais dans la perspective  d'une offensive révolutionnaire pour la destruction du capitalisme dans tous les pays et l'instauration du communisme à l'échelle mondiale.

Pour pouvoir affirmer sa propre perspective, le prolétariat devait garder à tous moments son autonomie de classe sans laquelle il se verrait utilisé comme jouet des différentes bandes capitalistes en conflit et soumis à l'exploitation la plus féroce et aux répressions les plus brutales.

De la même façon, les voies syndicales et parlementaires, en l'enchaînant au capitalisme, le réduisaient encore et toujours à l'impuissance, à la division et à la défaite.

Le prolétariat devait nécessairement s'affirmer, y compris dans ses luttes immédiates, sur le terrain de la lutte directe de masse, de sa solidarité et de son unité de classe, de la défense intransigeante de ses revendications contre l'intérêt du capital national.

Les vingt dernières années de reprise internationale de la lutte de classe ont confirmé de façon éclatante la validité des positions de la Gauche communiste : les ouvriers désertent le terrain électoral, se détournent de plus en plus des syndicats, expriment leur méfiance et même leur hostilité à l'égard des partis "socialistes" et "communistes", croient de moins en moins aux mensonges "démocratiques" et aux prétendues "réformes sociales", ne sont pas prêts à "mourir pour la patrie" dans la guerre impérialiste ni à se sacrifier pour sauver l'économie nationale.

Bien que cette tendance du prolétariat à se dégager de l'emprise de l'idéologie bourgeoise soit nécessaire, elle n'est pas suffisante. Les luttes ouvrières ne peuvent en rester au niveau actuel, essentiellement défensive et économique, elles doivent assumer l'aspect politique-révolutionnaire que contient cette résistance intransigeante à l'exploitation capitaliste et s'unifier dans tous les pays pour passer de la défensive à l'offensive.

Pour ce faire, les positions de la gauche communiste sont le nécessaire point de départ. Expression de la lutte historique du prolétariat, sa réappropriation par les masses ouvrières est la condition indispensable pour que son combat puisse apporter une solution révolutionnaire à la crise sans issue du capitalisme mondial.



[1] [77] Voir les articles "Octobre 1917 : début de la révolution prolétarienne" (Revue Internationale n° 12 et 13) et "Leçons de Cronstadt" et "La dégénérescence de la révolution russe" (Revue Internationale n°3).

[2] [78] cf. RI n° 191, l'article "Le stalinisme est la négation du communisme".

[3] [79] Nous avons publié plusieurs textes d'"Internationalisme" dans la Revue Internationale n° 21, 25, 27, 28, 30, 33, 36, 37 et 59. Nous recommandons également à nos lecteurs nos brochures "Histoire de Gauche Communiste d'Italie" et "Histoire de la Gauche Communiste germano-hollandaise".

Conscience et organisation: 

  • La Gauche Communiste de France [80]

Courants politiques: 

  • Gauche Communiste [81]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

1. INTERNATIONALISME 1946: à propos de l'“expérience russe” (Propriété privée et propriété collective) - Introduction

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(Repris dans la Revue Internationale N°61)

  • Introduction du CCI

L'article que nous reproduisons ci-dessous a été publié par le groupe de la Gauche communiste de France (GCF) dans le n°10 de la revue Internationalisme, paru en mai 1946. Internationalisme se situe comme continuation de Bilan et d'Octobre que la Gauche communiste internationale publiait avant l'éclatement de la deuxième guerre mondiale, dont la GCF provient et dont elle revendique les grandes orientations. Mais Internationalisme n'est pas une simple continuation, c'est aussi un dépassement de Bilan.

La question russe était au centre des préoccupations et des discussions du milieu politique prolétarien du début des années 1930, et ces débats sont allés en s'intensifiant durant la guerre et les premières années de l'après-guerre. Grosso modo, quatre analyses divergentes se dégagent dans ces débats :

1) Ceux qui nient tout caractère prolétarien à la révolution d'Octobre 1917 ainsi qu'au parti bolchevik et pour qui la révolution russe n'était qu'une révolution bourgeoise. Les principaux défenseurs de cette analyse étaient les groupes se réclamant du mouvement conseilliste, en particulier de Pannekoek et de la gauche hollandaise.

2) A l'extrême opposé, nous trouvons l'Opposition de gauche de Trotsky pour qui, malgré toute la politique contre-révolutionnaire du stalinisme, la Russie garde des acquis fondamentaux de la révolution prolétarienne d'Octobre : expropriation de la bourgeoisie, étatisation et planification de l'économie, monopole du commerce extérieur ; en conséquence de quoi, le régime en Russie reste un Etat ouvrier dégénérescent et, à ce titre, doit être défendu chaque fois qu'il entre en conflit armé avec d'autres puissances ; le devoir du prolétariat russe et mondial est de le défendre inconditionnellement.

3) Une troisième position "anti-défensiste" se fondait sur une analyse du régime en Russie selon laquelle ce régime n'était "ni capitaliste ni ouvrier", de même que son Etat, mais un "régime collectiviste bureaucratique". Cette analyse se voulait un complément à l'alternative marxiste : barbarie capitaliste ou révolution prolétarienne pour une société socialiste, y ajoutant une troisième voie, celle d'une nouvelle société, non prévue par le marxisme, la société bureaucratique anti-capitaliste[1] [82]. Ce troisième courant trouvera des adeptes dans les rangs du trotskysme avant et pendant la guerre, et, en 1948, rompra avec le trotskysme pour donner naissance au groupe Socialisme ou Barbarie sous la haute direction de Chaulieu-Castoriadis [2] [83].

4) La Fraction italienne de la Gauche communiste internationale combattit énergiquement cette théorie aberrante d'une "troisième alternative" prétendant apporter une "correction", une "innovation", au marxisme. Mais n'arrivant pas à donner une propre analyse adéquate de la réalité de l'évolution du capitalisme décadent, elle préférera, en attendant, se tenir sur la terre ferme de la formule classique : capitalisme = propriété privée ; limitation de la propriété privée = marche vers le socialisme, se traduisant, pour ce qui concerne le régime russe, dans cette autre formule : persistance de l'Etat ouvrier dégénéré avec une politique contre-révolutionnaire et non-défense de la Russie en cas de guerre.

Cette formule contradictoire, hybride, et ouvrant la porte à toutes sortes de confusions dangereuses, avait déjà suscité des critiques au sein de la Fraction italienne à la veille de la guerre, mais ces critiques avaient été supplantées par une question bien plus urgente, à savoir la perspective de l'éclatement de la guerre impérialiste généralisée, qui était niée par la direction de la Fraction (tendance Vercesi).

La discussion sur la nature de classe de la Russie stalinienne fut reprise, durant la guerre, par la Fraction italienne reconstituée dans le sud de la France en 1940 (reconstitution qui s'était faite sans la tendance Vercesi qui niait toute possibilité d'existence et de vie d'une organisation révolutionnaire au nom de la théorie de la disparition sociale du prolétariat pendant cette guerre). Cette discussion avait vite fait de rejeter catégoriquement toutes les ambiguïtés et les sophismes contenus dans la position sur l'Etat ouvrier dégénéré défendue par la Fraction avant la guerre, et énonçait l'analyse de l'Etat stalinien comme le produit du capitalisme d'Etat[3] [84].

Mais ce fut surtout la GCF qui, à partir de 1945, dans sa revue Internationalisme, approfondit et élargit la notion de capitalisme d'Etat en Russie, en l'intégrant dans une vision globale d'une tendance générale du capitalisme dans sa période de décadence.

L'article que nous republions fait partie des nombreux textes d'Internationalisme consacrés au problème du capitalisme d'Etat. L'article est loin d'avoir épuisé à lui seul la question mais, en le publiant, nous voulons montrer, en plus de son intérêt indéniable, la continuité et le développement de la pensée et de la théorie dans le mouvement de la Gauche communiste internationale dont nous nous réclamons.

Internationalisme en a définitivement terminé avec le "mystère" de l'Etat stalinien en Russie, en mettant en évidence la tendance historique générale vers le capitalisme d'Etat, dont l'Etat stalinien fait partie. Il a également mis en évidence les spécificités du capitalisme d'Etat russe qui, loin d'exprimer "une transition de la domination formelle à la domination réelle du capitalisme", comme le prétendent stupidement nos dissidents de la FECCI, ont leurs sources dans le fait d'être surgies du triomphe de la contre-révolution stalinienne après que la révolution d'Octobre eût anéanti l'ancienne classe bourgeoise.

Mais Internationalisme n'a pas eu le temps de pousser plus loin son analyse du capitalisme d'Etat, et tout particulièrement sur les limites objectives de cette tendance. Même si Internationalisme pouvait écrire : "La tendance économique vers le capitalisme d'Etat, tout en ne pouvant pas s'achever dans une socialisation et une collectivisation dans la société capitaliste, reste néanmoins une tendance très réelle..." (Internationalisme n° 9), il n'est pas allé jusqu'à pousser l'analyse sur les raisons, les limites qui l'empêchent de "pouvoir s'achever". Il appartenait au CCI d'aborder cette question dans le cadre tracé par Internationalisme.

Il nous appartient de démontrer que le capitalisme d'Etat, loin de résoudre les contradictions insurmontables de la période de décadence, ne fait surtout qu'ajouter de nouvelles contradictions, de nouveaux facteurs aggravant finalement la situation du capitalisme mondial. Un de ces facteurs est la création d'une masse de plus en plus pléthorique de couches improductives et parasitaires, une déresponsabilisation de plus en plus croissante de ces agents de l'Etat qui sont paradoxalement destinés à diriger, orienter et gérer l'économie.

L'effondrement récent du bloc stalinien, la multiplication des scandales de corruption qui règnent dans tous les appareils des Etats du monde entier, apportent la confirmation de la "parasitisation" pourrait-on dire, de toute la classe régnante. Il est absolument nécessaire de poursuivre ce travail de recherche et de mise en évidence de la tendance au parasitisme, à l'irresponsabilité de tous les hauts fonctionnaires, tendance accélérée avec le régime du capitalisme d'Etat.

 

[1] [85] Parmi les premiers tenants de cette théorie, il faut citer Albert Treint, qui avait publié en 1932 deux fascicules avec pour titre L'Enigme russe, et qui, sur cette position, avait rompu avec le groupe connu sous le nom de Groupe de Bagnolet. Albert Treint, ancien secrétaire général du PCF, ancien dirigeant du groupe de l'Opposition de gauche L'Unité léniniste en 1927, et du Redressement communiste de 1928 à 1931, avait, après avoir rompu avec le Groupe de Bagnolet, évolué, comme tant d'autres, en adhérant au Parti socialiste en 1935, à la Résistance pendant la guerre. Et en 1945, on le trouve non seulement réintégré dans l'armée avec son grade de capitaine, mais encore à la tête d'un bataillon d'occupation en Allemagne avec le grade de commandant...

[2] [86] Il est à noter que les conseillistes de la gauche hollandaise, et en particulier Pannekoek en personne, partageront les grandes lignes de cette brillante analyse d'une troisième alternative (voir la correspondance Chaulieu-Pannekoek dans Socialisme ou Barbarie).

[3] [87] En 1945, avec la constitution ad-hoc du Parti Communiste International en Italie, la dissolution précipitée de la Fraction, l'arrivée de Bordiga avec ses théories de l'"invariance" du marxisme, de la "révolution double", du "soutien aux libérations nationales", de la distinction des "aires géographiques", de la proclamation de "l'ennemi numéro 1, l'impérialisme US", etc., etc., marquent une nette régression de ce nouveau parti sur la question de la nature de classe du régime stalinien, et une négation de la notion de décadence et de son expression politique : le capitalisme d'Etat.

Histoire du mouvement ouvrier: 

  • Révolution Russe [58]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

2. INTERNATIONALISME 1946 : L'expérience russe

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Internationalisme n° 10, Gauche Communiste de France, 1946

Il n'y a plus de doute possible : la première expérience de la révolution prolétarienne, dans ce qu'elle présente comme acquis positif, et encore plus dans les enseignements négatifs qu'elle comporte, est aujourd'hui à la base de tout le mouvement ouvrier moderne. Tant que le bilan de cette expérience ne sera pas fait, tant que les enseignements ne seront pas mis en lumière et assimilés, l'avant-garde révolutionnaire et le prolétariat seront condamnés à piétiner sur place.

Même en supposant l'impossible, c'est-à-dire que le prolétariat s'empare du pouvoir par un jeu de circonstances miraculeusement favorables, il ne saurait dans ces conditions s'y maintenir. Dans un délai très court, il perdra la direction des événements, et la révolution ne tardera pas à s'engager sur les rails du retour au capitalisme.

Les révolutionnaires ne peuvent se contenter simplement de prendre position par rapport à la Russie d'aujourd'hui. Le problème de la défense ou de la non-défense de la Russie, a, depuis longtemps, cessé d'être un débat dans le camp de l'avant-garde.

La guerre impérialiste de 1939-1945 dans laquelle la Russie s'est montrée sous son vrai jour aux yeux de tout le monde, comme une des puissances impérialistes, la plus rapace, la plus sanguinaire, a définitivement fait des défenseurs de la Russie, quelles que soient les formes sous lesquelles ils se présentent, des agences, des prolongements politiques de l'Etat impérialiste russe dans le prolétariat, au même titre que la guerre de 1914-1918 a révélé la soudure définitive des partis socialistes avec les Etats capitalistes nationaux.

Nous ne comptons pas revenir sur cette question dans la présente étude. Pas davantage nous ne reviendrons ici sur la nature de l'Etat russe, que la tendance opportuniste au sein de la Gauche communiste internationale tente encore à représenter comme une "nature prolétarienne à fonction contre-révolutionnaire", comme un "Etat ouvrier dégénéré". Nous croyons avoir terminé avec cette sophistique subtile d'une prétendue opposition qui existerait entre la nature prolétarienne et la fonction contre-révolutionnaire de l'Etat russe, et qui, au lieu d'apporter la moindre analyse et explication sur l'évolution de la Russie, mène directement au renforcement du stalinisme, de l'Etat capitaliste russe et du capitalisme international. Nous constatons d'ailleurs que depuis notre étude et polémique contre cette conception, parue dans le n° 6 du Bulletin international de la Fraction italienne en juin 1944, les défenseurs de cette théorie n'ont plus osé revenir ouvertement à la charge. La Gauche communiste de Belgique a fait savoir officiellement qu'elle rejette cette conception. Le Parti communiste international (PCI) d'Italie semble n'avoir pas encore pris position. Et si nous ne trouvons pas une défense ouverte, méthodique de cette conception erronée, nous ne trouvons pas non plus son rejet explicite. Ce qui explique que dans les publications du PCI d'Italie, on trouve constamment les termes d'"Etat ouvrier dégénéré", quand il s'agit de l'Etat capitaliste russe.

Il est évident qu'il ne s'agit pas d'une simple question de terminologie, mais de la subsistance d'une fausse analyse de la société russe, d'un manque de précision théorique que nous rencontrons également dans d'autres questions politiques et programmatiques.

L'objet de notre étude porte exclusivement à dégager ce qui nous semble être les enseignements fondamentaux de l'expérience russe. Ce n'est pas une histoire des événements qui se sont déroulés et succédés en Russie que nous nous proposons de faire, quelle que soit leur importance. Un tel travail exige un effort qui dépasse notre capacité. Nous ne voulons que tenter un essai sur cette partie de l'expérience russe qui, dépassant le cadre d'une situation historique contingente, porte un enseignement valable pour tous les pays et l'ensemble de la révolution sociale à venir. Nous comptons ainsi participer et apporter notre contribution à l'étude des questions fondamentales dont la solution ne peut venir que par l'effort de tous les groupes révolutionnaires au travers d'une discussion internationale.

Propriété privée et propriété collective

Le concept marxiste de la propriété privée des moyens de production, comme étant le fondement de la production capitaliste, et partant, de la société capitaliste, semblait contenir l'autre formule : la disparition de la possession privée des moyens de production équivaudrait à la disparition de la société capitaliste. Aussi nous trouvons dans toute la littérature marxiste la formule de la disparition de la possession privée des moyens de production comme synonyme du socialisme. Or, le développement du capitalisme, ou plus exactement, le capitalisme dans sa phase décadente, nous présente une tendance plus ou moins accentuée mais également généralisée à tous les secteurs, vers la limitation de la possession privée des moyens de production, vers leur nationalisation.

Mais les nationalisations ne sont pas du socialisme et nous ne nous arrêterons pas ici à le démontrer. Ce qui nous intéresse, c'est la tendance même et sa signification du point de vue de classe.

Si l'on conçoit que la propriété privée des moyens de production soit la base fondamentale de la société capitaliste, toute constatation d'une tendance vers la limitation de cette propriété nous conduit à une contradiction insurmontable, à savoir : le capitalisme porte atteinte à sa propre condition, sape lui-même sa propre base.

Il serait tout à fait vain de jongler avec des mots et spéculer sur les contradictions inhérentes au régime capitaliste.

Quand on parle par exemple de la contradiction mortelle du capitalisme, à savoir : que celui-ci, pour développer sa production, a besoin de conquérir de nouveaux marchés, mais qu'au fur et à mesure qu'il acquiert ces nouveaux marchés, il les incorpore à son système de production et détruit ainsi le marché sans lequel il ne peut vivre, on signale une contradiction réelle, surgissant du développement objectif de la production capitaliste indépendamment de sa volonté et insoluble pour lui. C'est la même chose quand on cite la guerre impérialiste et l'économie de guerre, où le capitalisme, par ses contradictions internes, produit son autodestruction.

Et ainsi, pour toutes les contradictions objectives dans lesquelles évolue le régime capitaliste.

Mais il en est tout autrement pour la propriété privée des moyens de production où l'on ne voit pas des forces obligeant le capitalisme à s'engager délibérément, consciemment, dans la formation d'une structure qui présenterait une atteinte à sa nature, à son essence même.

En d'autres termes, en proclamant la possession privée des moyens de production comme la nature du capitalisme, on proclame en même temps qu'en dehors de cette possession privée, le capitalisme ne peut subsister. Du même coup, on affirme que toute modification dans un sens de limitation de cette possession privée, signifierait la limitation du capitalisme, serait une modification dans un sens non capitaliste, opposé au capitalisme, anti-capitaliste. Encore une fois, il ne s'agit pas de proportion de la grandeur de cette limitation ! Se réfugier dans des calculs quantitatifs ou voulant démontrer qu'il ne s'agit que d'une grandeur négligeable serait esquiver la question. Cela du reste serait faux par dessus le marché, car il ne suffirait pas de citer l'ampleur de la tendance à la limitation dans les pays totalitaires et en Russie, où elle porte sur tous les moyens de production, pour se convaincre. Ce qui est en question, ce n'est pas la grandeur, mais la nature même de la tendance.

Si la tendance à la liquidation de la possession privée signifie réellement une tendance vers l'anticapitalisme, on aboutit à cette conclusion stupéfiante : étant donné que cette tendance opère sous la direction de l'Etat, l'Etat capitaliste deviendra l'agent de sa propre destruction.

C'est bien à cette théorie de l'Etat capitaliste-anticapitaliste qu'aboutissent tous les protagonistes "socialistes" des nationalisations, du dirigisme économique et tous les faiseurs de "plans" qui, dans la mesure où ils ne sont pas des agents conscients du renforcement du capitalisme, sont néanmoins des réformateurs au service du capitalisme. Tels sont les groupes "Abondance", CETES, etc.

Les trotskystes qui n'ont pas beaucoup de raison dans leurs cerveaux sont évidemment pour ces limitations, car tout ce qui est opposé à la nature capitaliste est forcément prolétarien. Ils sont peut-être un peu sceptiques, mais estiment criminel de négliger la moindre possibilité. Les nationalisations, pour eux, c'est tout de même un affaiblissement de la propriété privée du capitalisme. S'ils ne disent pas, comme les staliniens et les socialistes, que c'est un morceau de socialisme en régime capitaliste, ils sont cependant convaincus que c'est "progressif". Malins comme ils sont, ils comptent faire faire à l'Etat capitaliste un travail qui, autrement, resterait à faire par le prolétariat après la révolution. "C'est toujours ça de pris et de moins à faire", se disent-ils en se frottant les mains, et satisfaits d'avoir roulé l'Etat capitaliste.

Mais "c'est du réformisme !" s'écrie le communiste de gauche du type Vercesi. Et en "marxiste", le voila parti non pas à expliquer le phénomène, mais à le nier tout bonnement, à démontrer par exemple que les nationalisations n'existent pas, ne peuvent exister, qu'elles ne sont que des inventions, des mensonges démagogiques des réformistes.

Pourquoi cette indignation surprenante à première vue, cette obstination dans la négation ? Cela parce que le point de départ est commun avec les réformistes, car c'est là-dessus que repose toute sa théorie de la nature prolétarienne de la société russe. Et puisqu'ils ont le même critère pour apprécier la nature de classe de l'économie, la reconnaissance d'une telle tendance dans les pays capitalistes ne peut signifier pour lui que la reconnaissance d'une transformation évolutive du capitalisme en socialisme.

Ce n'est pas tellement parce qu'il tient à la formule "marxiste" de la possession privée, mais plutôt parce qu'il est tenu par elle, ou plus exactement par sa caricature renversée, c'est-à-dire l'idée que l'absence de la possession privée des moyens de production est le critère de la nature prolétarienne de l'Etat russe, c'est pour cela qu'il est amené à nier la tendance et la possibilité de la limitation de la propriété privée des moyens de production en régime capitaliste. Plutôt que d'observer le développement objectif et réel du capitalisme et sa tendance vers le capitalisme d'Etat, et de rectifier sa position sur la nature de l'Etat russe, il préfère s'en tenir à la formule et sauver sa théorie de la nature prolétarienne de la Russie, et tant pis pour la réalité. Et comme la contradiction entre la formule et la réalité est insurmontable, on niera cette dernière tout simplement, et le tour est joué !

Une troisième tendance tentera de trouver la solution dans la négation du marxisme. "Cette doctrine -dit-elle- était vraie tant qu'elle s'appliquait à la société capitaliste, mais ce que Marx n'avait pas prévu, et en quoi le marxisme est 'dépassé', c'est qu'il a surgi une nouvelle classe qui s'empare graduellement et en partie pacifiquement (!) du pouvoir politique et économique de la société aux dépens du capitalisme et du prolétariat." Cette nouvelle (?) classe serait pour les uns, la bureaucratie, pour les autres, la technocratie, et pour d'autres encore, la "synarchie".

Abandonnons toutes ces élucubrations et revenons à notre sujet. Il est un fait indéniable, c'est qu'il existe une tendance qui va vers la limitation de la possession privée des moyens de production, et qu'elle s'accentue chaque jour dans tous les pays. Cette tendance se concrétise dans la formation générale d'un capitalisme étatique, gérant les branches principales de la production et la vie économique du pays. Le capitalisme d'Etat n'est pas l'apanage d'une fraction de la bourgeoisie ou bien d'une école idéologique particulière. Nous le voyons s'instaurer aussi bien en Amérique démocratique que dans l'Allemagne hitlérienne, dans l'Angleterre "travailliste" que dans la Russie "soviétique".

Il ne nous est pas permis dans le cadre de cette étude de pousser à fond l'analyse du capitalisme d'Etat, des conditions et des causes historiques qui déterminent cette forme. Remarquons simplement que le capitalisme d'Etat est la forme correspondant à la phase décadente du capitalisme, comme le fut le capitalisme de monopole à sa phase de plein développement. Une autre remarque. Un trait caractéristique du capitalisme d'Etat nous semble être son développement plus accentué en rapport direct avec les effets de la crise économique permanente dans les divers pays capitalistes évolués.

Mais le capitalisme d'Etat ne présente nullement la négation du capitalisme, et encore moins la transformation graduelle en socialisme comme le prétendent les réformistes des diverses écoles.

La crainte de tomber dans le réformisme en reconnaissant la tendance vers le capitalisme d'Etat réside dans l'erreur faite sur la nature du capitalisme. Celle-ci n'est pas donnée par la possession privée des moyens de production, qui n'est qu'une forme, propre à une période donnée du capitalisme, à la période du capitalisme libéral, mais dans la séparation entre les moyens de production et le producteur.

Le capitalisme c'est la séparation entre le travail passé, accumulé, entre les mains d'une classe, dictant et exploitant le travail vivant d'une autre classe. Peu importe comment la classe possédante répartit entre ses membres la part de chacun. Dans le régime capitaliste, cette répartition se modifie constamment par la lutte économique ou par la violence militaire. Aussi importante que soit l'étude du fonctionnement de cette répartition du point de vue de l'économie politique, ce n'est pas cela qui nous importe ici.

Quelles que soient les modifications intervenant dans les rapports entre les différentes couches de la bourgeoisie dans la classe capitaliste, du point de vue du système social des rapports entre les classes, le rapport de la classe possédante à la classe productrice reste capitaliste.

Que la plus-value extirpée pendant le procès de production aux ouvriers se répartisse d'une façon ou une autre, que la part revenant respectivement au capital financier, commercial, industriel, soit plus ou moins grande, n'influence en rien et ne modifie en rien la nature même de la plus-value. Pour qu'il y ait production capitaliste, il est absolument indifférent qu'il y ait possession privée ou collective des moyens de production. Ce qui détermine le caractère capitaliste de la production, c'est l'existence du capital, c'est-à-dire du travail accumulé dans les mains des uns et commandant le transfert vivant des autres en vue de produire de la plus-value. Le transfert du capital des mains privées individuelles entre les mains de l'Etat, ne signifie pas une modification, un changement de nature du capitalisme vers le non capitalisme, mais strictement une concentration du capital assurant plus rationnellement, plus parfaitement l'exploitation de la force de travail.

Ce qui est en jeu et faux, ce n'est pas le concept marxiste, mais exclusivement sa compréhension étriquée, son interprétation étroite et formelle. Ce qui donne un caractère capitaliste à la production, ce n'est pas la possession privée des moyens de production. La propriété privée et celle des moyens de production existaient aussi dans la société esclavagiste ainsi que dans la société féodale. Ce qui fait de la production une production capitaliste, c'est la séparation des moyens de production d'avec les producteurs, leur transformation en moyens d'acheter et de commander le travail vivant dans le but de lui faire produire de l'excédent, de la plus-value, c'est-à-dire la transformation des moyens de production perdant leur caractère de simple outil dans le processus de production, pour devenir et exister en tant que capital.

La forme sous laquelle le capital existe, forme privée ou concentrée (trust, monopole ou étatique), ne détermine pas plus son existence que la grandeur de la plus-value, ou les formes qu'elle peut prendre (profit, rente foncière), ne déterminent son existence. Les formes ne sont que la manifestation de l'existence de la substance et ne font que l'exprimer diversement.

A l'époque du capitalisme libéral, la forme sous laquelle existait le capital était essentiellement celle du capitalisme privé individuel. Aussi les marxistes pouvaient sans grand inconvénient se servir de la formule représentant essentiellement la forme pour exprimer et présenter son contenu.

Pour la propagande auprès des masses, cela présentait même l'avantage de traduire une idée quelque peu abstraite dans une image concrète, vivante et plus facilement saisissable.

"Possession privée des moyens de production = capitalisme" et "atteinte à la possession privée = socialisme" étaient des formules frappantes, mais n'étaient que partiellement vraies.

L'inconvénient ne surgit que lorsque la forme tend à se modifier. L'habitude prise de représenter le contenu par sa forme, parce que correspondant pleinement à un moment donné, se transforme en une identification qui n'existe pas, et conduit à l'erreur de substituer le contenu par la forme. Cette erreur, nous la trouvons pleinement dans la révolution russe.

Le socialisme exige un très haut degré de développement des forces productives qui n'est concevable qu'à la suite d'une plus grande concentration et centralisation des forces de production.

Cette concentration se fait par la dépossession privée des moyens de production. Mais cette dépossession, comme la concentration, à l'échelle nationale ou même internationale, des forces de production n'est, après le triomphe de la révolution prolétarienne, qu'une condition de l'évolution vers le socialisme, mais n'est encore en rien du socialisme.

L'expropriation la plus poussée peut tout au plus faire disparaître les capitalistes en tant qu'individus jouissant de la plus-value, mais ne fait pas encore disparaître la production de la plus-value, c'est-à-dire le capitalisme.

Cette affirmation peut, à première vue, paraître paradoxale, mais un examen attentif de l'expérience russe nous montrera la réalité. Pour qu'il y ait socialisme, ou même simplement tendance vers le socialisme, il ne suffit pas qu'il y ait expropriation, mais il est nécessaire que les moyens de production cessent d'exister en tant que capital. En d'autres termes, il faut qu'il y ait un renversement du principe capitaliste de la production.

  • Au principe capitaliste du travail accumulé commandant le travail vivant en vue de la production de la plus-value, doit être substitué le principe du travail vivant commandant le travail accumulé en vue de la production de produits de consommation pour la satisfaction des besoins des membres de la société.

C'est dans ce principe et uniquement en lui que réside le socialisme.

L'erreur de la révolution russe et du parti bolchevik a été de mettre l'accent sur la condition, l'expropriation, qui, par elle-même, n'est pas encore du socialisme ni le facteur déterminant de l'orientation de l'économie dans un sens socialiste, et d'avoir négligé et mis au second plan le principe même d'une économie socialiste.

Il n'y a rien de plus instructif à ce sujet que la lecture de nombreux discours et écrits de Lénine sur la nécessité d'un développement croissant de l'industrie et de la production de la Russie soviétique. Pour Lénine le développement de l'industrie s'identifie avec le développement du socialisme. Il emploiera couramment et presque indifféremment les termes de capitalisme d'Etat et de socialisme d'Etat, sans bien les distinguer. Des formules comme "les coopératives plus l'électricité, voilà le socialisme" et d'autres de ce genre ne font que traduire la confusion et le tâtonnement dans ce domaine des dirigeants de la révolution d'octobre 1917.

Il est très caractéristique que Lénine ait surtout attiré l'attention sur le secteur privé et sur la petite propriété privée paysanne, qui, selon lui, pouvaient faire peser la menace d'une évolution de l'économie russe vers le capitalisme, et ait complètement négligé le danger autrement plus présent et décisif venant de l'industrie étatisée.

L'histoire a complètement démenti l'analyse de Lénine sur ce point. La liquidation de la petite propriété paysanne pouvait signifier en Russie non pas le renforcement d'un secteur socialiste, mais bien d'un secteur étatiste au bénéfice du renforcement d'un capitalisme d'Etat.

Il est certain que les difficultés auxquelles s'est heurtée la révolution russe de par son isolement, et de par l'Etat arriéré de son économie, seront grandement atténuées pour la révolution à l'échelle internationale. C'est à cette échelle seulement que se trouve la possibilité d'un développement socialiste de la société et de chaque pays. Il n'en reste pas moins vrai que même à l'échelle internationale, le problème fondamental réside non pas dans l'expropriation, mais dans le principe même de la production.

Non seulement dans les pays arriérés, mais même dans les pays où le capitalisme a atteint son plus haut développement, subsistera pendant un certain temps et dans certains secteurs de la production, la propriété privée qui ne sera résorbée que lentement et graduellement.

Cependant le danger d'un retour au capitalisme ne viendra pas principalement de ce secteur, car la société en évolution vers le socialisme ne peut retourner vers un capitalisme à sa forme primitive et dépassée par lui-même.

La menace redoutable d'un retour au capitalisme se trouvera essentiellement dans le secteur étatisé. Cela d'autant plus que le capitalisme se trouve ici sous sa forme impersonnelle, pour ainsi dire éthérée. L'étatisation peut servir à camoufler longtemps un processus opposé au socialisme.

Le prolétariat ne surmontera ce danger que dans la mesure où il rejettera l'identification entre l'expropriation et le socialisme, dans la mesure où il saura distinguer entre l'étatisation même avec l'adjectif "socialiste" et le principe socialiste de l'économie.

L'expérience russe nous enseigne et nous rappelle que ce ne sont pas les capitalistes qui font le capitalisme, mais bien le contraire : c'est le capitalisme qui engendre des capitalistes. Les capitalistes ne peuvent exister en dehors du capitalisme mais la réciproque n'est pas vraie.

Le principe capitaliste de la production peut exister après la disparition juridique et même effective des capitalistes bénéficiaires de la plus-value. Dans ce cas, la plus-value, tout comme sous le capitalisme privé, sera réinvestie dans le procès de la production en vue de l'extirpation d'une plus grande masse de plus-value.

Dans un court délai, l'existence de la plus-value engendrera les hommes formant la classe qui s'appropriera la jouissance de la plus-value. La fonction créera l'organe. Qu'ils soient des parasites, des bureaucrates ou des techniciens participant à la production, que la plus-value se répartisse d'une façon directe ou d'une façon indirecte par le truchement de l'Etat, sous la forme de hauts salaires ou de dividendes proportionnels à leurs actions et emprunts d'Etat (comme c'est le cas en Russie), tout cela ne changera en rien le fait fondamental que nous nous trouverons en présence d'une nouvelle classe capitaliste.

Le point central de la production capitaliste se trouve dans la différence existant entre la valeur de la force de travail, déterminée par le temps de travail nécessaire, et la force de travail qui reproduit plus que sa propre valeur. Cela s'exprime dans la différence entre le temps de travail nécessaire à l'ouvrier pour reproduire sa propre subsistance et qui lui est payé, et le temps de travail qu'il fait en plus et qui ne lui est pas payé et constitue la plus-value dont s'empare le capitaliste. C'est dans le rapport entre le temps de travail payé et le temps de travail non payé que se distinguera la production socialiste de la production capitaliste.

Toute société a besoin d'un fonds de réserve économique pour pouvoir assurer la continuation de la production, et de la production élargie. Ce fonds se constitue par du surtravail indispensable. D'autre part une quantité de surtravail est indispensable pour subvenir aux besoins des membres improductifs de la société. La société capitaliste tend à détruire avant de disparaître les masses énormes de travail accumulé sur l'exploitation féroce du prolétariat.

Au lendemain de la révolution, le prolétariat victorieux se trouvera devant des ruines et une situation économique catastrophique, legs de la société capitaliste. Il aura à reconstruire le fond de réserve économique.

C'est-à-dire que la part de surtravail que le prolétariat aura à prélever, sera peut-être au début aussi grande que sous le capitalisme. Le principe économique socialiste ne saurait donc être distingué, dans la grandeur immédiate, du rapport entre le travail payé et non payé. Seule la tendance de la courbe, la tendance au rapprochement du rapport pourra servir d'indication de l'évolution de l'économie et être le baromètre indiquant la nature de classe de la production.

Le prolétariat et son parti de classe auront donc à veiller attentivement. Les plus belles conquêtes industrielles (même où la part des ouvriers serait en valeur absolue plus grande, mais relativement moindre) signifieraient le retour au principe capitaliste de la production.

Toutes les démonstrations subtiles sur l'inexistence du capitalisme privé avec la nationalisation des moyens de production ne sauront cacher cette réalité.

Sans se laisser prendre à cette sophistique intéressée à perpétuer l'exploitation de l'ouvrier, le prolétariat et son parti devraient engager immédiatement une lutte implacable pour stopper cette orientation de retour à l'économie capitaliste, et imposer par tous les moyens leur politique économique vers le socialisme.

En conclusion, nous citerons le passage suivant de Marx, pour illustrer et résumer notre pensée :

  • "La grande différence entre le principe capitaliste et le principe socialiste de la production est celle-ci : les ouvriers trouvent-ils en face d'eux les moyens de production en tant que capital, et ne peuvent-ils en disposer que pour augmenter le surproduit et la plus-value au compte de leurs exploiteurs, ou bien, au lieu d'être occupés par ces moyens de production, les emploient-ils pour produire la richesse à leur propre compte."

 

Histoire du mouvement ouvrier: 

  • Révolution Russe [58]

Courants politiques: 

  • Gauche Communiste [81]

Questions théoriques: 

  • Communisme [88]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

V - LA RESPONSABILITE HISTORIQUE DU PROLETARIAT MONDIAL

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Quelles perspectives pour la classe ouvrière ?

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“Le Communisme est mort !”, “Ouvriers, il est inutile d’espérer mettre fin au capitalisme, ce système a terrassé définitivement son ennemi mortel”. Voilà ce que la bourgeoisie répète sur tous les tons depuis que s'est effondré le bloc de l'Est.

Pour les classes dominantes de tous les pays, il s'agit de convaincre leurs exploités qu'il est vain de lutter afin de changer le monde. “Il faut se contenter de ce que nous avons, car il n’y arien d’autre”.

Alors que la salive de ces discours n'était pas encore sèche, les grands pays qui se veulent “civilisés” ont, en 1990, déchaîné une barbarie guerrière sans nom au Moyen-Orient, écrasant sous les bombes des centaines de milliers d'êtres humains, transformant l'Irak en un champ de ruines et de cadavres, faisant subir de façon monstrueuse aux populations de ce pays la qu'ils prétendaient infliger aux dirigeants qui exploitent et oppriment ces mêmes populations. “Mais maintenant c’est fini” nous assure la bourgeoisie la main sur le coeur.

En réalité, l'avenir que le capitalisme propose à l'humanité est celui du plus grand chaos de l'histoire.

Aujourd'hui, le monde se présente comme une immense foire d'empoigne où, derrière les grands discours sur “l’ordre mondial”, la “paix” et la “coopération” entre nations, la “solidarité” et la “justice” envers les peuples les plus défavorisés, se développe le “chacun pour soi”, l'exacerbation des rivalités impérialistes, la guerre de tous contre tous, la guerre économique mais aussi, de plus en plus, la guerre des armes.

La bourgeoisie “démocratique” veut nous faire croire que l'effondrement brutal des régimes staliniens, qu'elle nous présente comme “communistes”, résulte uniquement de l'impasse dans laquelle se trouvaient ces régimes, de la faillite définitive de leur économie. Encore une fois elle ment !

En réalité un évènement historique d'une telle ampleur, l'explosion de tout un bloc impérialiste, révèle le degré de pourrissement atteint non seulement par les régimes staliniens, mais encore et surtout par l'ensemble du système capitaliste.

Si la société est parvenue à un tel degré de putréfaction, si le désespoir, le “no future”, est devenu à ce point le sentiment dominant en son sein, c'est bien parce que le capitalisme, à un niveau bien plus élevé encore que par le passé, est incapable d'offrir la moindre perspective à l'humanité.

Si on laisse le capitalisme en place, il finira, même en l'absence d'une guerre mondiale, par détruire l'humanité : à travers l'accumulation des guerres locales, des épidémies, des dégradations de l'environnement, des famines et autres catastrophes qu'on prétend “naturelles”.

Plus que jamais, le seul espoir, le seul avenir possible pour celle-ci réside dans le renversement du système capitaliste, dans l'instauration de nouveaux rapports sociaux libérés des contradictions qui étranglent la société. Et un tel bouleversement, seule la classe ouvrière est en mesure de le réaliser. La classe des producteurs salariés, qu'ils travaillent dans des usines ou dans des bureaux, dans des écoles ou dans des hôpitaux, continue d'être le seul porteur de l'avenir de l'humanité.

C'est vrai que la gigantesque campagne orchestrée autour des événements de ces deux dernières années, l'explosion de l'ex-bloc “socialiste”, l'effondrement du régime stalinien en URSS elle-même, l'éclatement de ce pays qui avait vu la révolution prolétarienne il y a trois quarts de siècle, tout cela a affaibli la classe ouvrière.

Dans les pays de l'ex-bloc de l'Est, ceux où les prolétaires ont subi les formes les plus extrêmes de la contre-révolution, ils n'ont pas la force de s'opposer au déchaînement des illusions bourgeoises.

Mais ce ne sont pas là les secteurs les plus décisifs du prolétariat mondial. Ces secteurs, c'est dans les pays capitalistes les plus avancés d'Occident qu'ils se trouvent. C'est dans cette partie du monde, et particulièrement en Europe occidentale, que vivent, travaillent et luttent les bataillons les plus concentrés, mais aussi les plus expérimentés du prolétariat mondial. Et cette partie du prolétariat n'a pas été défaite. Si elle est désorientée par les mensonges actuels, elle n'a pas été embrigadée derrière les drapeaux bourgeois, nationalistes ou démocratiques.

En particulier, la guerre du Golfe s'est chargée de dévoiler plus clairement aux yeux de la classe ouvrière ce que signifiaient la démocratie et ses mensonges sur le “nouvel ordre mondial”. A l'heure actuelle, les célébrations des grand-messes démocratiques que sont les élections sont de plus en plus désertées par les prolétaires. Il en est de même des syndicats, ces organes de l'Etat bourgeois chargés d'encadrer les exploités pour saboter leurs luttes. En outre, l'aggravation inexorable de la crise économique se chargera de plus en plus de balayer les illusions sur la “supériorité” de l'économie capitaliste en même temps qu'elle obligera la classe ouvrière à reprendre le chemin des combats de plus en plus vastes et unis. Un chemin dans lequel elle n'avait cessé de progresser depuis la fin des années 1960, et particulièrement au milieu des années 1980, mais que les événements de ces deux dernières années lui ont fait momentanément quitter.

Jamais dans l'histoire les enjeux n'ont été aussi dramatiques et décisifs que ceux d'aujourd'hui. Jamais une classe sociale n'a dû affronter une responsabilité comparable à celle qui repose sur le prolétariat.

Si celui-ci n'est pas en mesure d'assumer cette responsabilité, il en sera fini de la civilisation, et même de l'humanité. Des millénaires de progrès, de travail et de pensée seront anéantis à tous jamais. Deux siècles de luttes prolétariennes, des millions de martyrs ouvriers n'auront servi à rien.

Mais pour être à la hauteur de cette immense responsabilité que l'accélération de l'Histoire lui confie aujourd'hui, le prolétariat des pays occidentaux doit d'abord refuser à tout prix d'adhérer aux campagnes démocratiques qui se déchaînent à l'heure actuelle, et qui ne visent qu'un seul objectif : extirper de sa conscience la seule perspective porteuse d'avenir pour l'humanité, la révolution communiste. Face à cette gigantesque propagande sur le thème de la "mort du communisme", la classe ouvrière doit non seulement continuer à développer ses luttes contre les attaques incessantes du capital, mais elle doit aussi se réapproprier son propre passé enfoui par plus d'un demi-siècle de contre-révolution. Un passé que toute la bourgeoisie mondiale, qu'elle soit démocratique ou totalitaire a cherché à effacer définitivement de sa mémoire en édifiant sur les décombres de la révolution russe cet effroyable mensonge qu'a été le stalinisme.

Octobre 17 appartient au prolétariat, pas le stalinisme. Face à la barbarie croissante dans laquelle le capitalisme entraîne l'humanité, plus que jamais, il revient au prolétariat de reprendre le cri de guerre de l'Internationale Communiste :

  • SOCIALISME OU BARBARIE !

Plus que jamais reste vivant le mot d'ordre du Manifeste Communiste :

  • "PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !"

Vie du CCI: 

  • Prises de position du CCI [89]

RUSSIE 1917, ALLEMAGNE 1918 : la révolution ouvrière met fin à la guerre impérialiste

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(D'après Révolution Internationale N°199; mars 91)

Contrairement à ce que soutient l'histoire officielle, celle de la bourgeoisie, la première guerre mondiale n'a pas pris fin, le 11 novembre 1918, parce que les forces de l'alliance germano-autrichienne avaient subi une défaite militaire décisive ou se trouvaient hors de mesure de poursuivre le combat. Non, l'armistice fut signé pour la raison que les bourgeoisies des deux camps belligérants devaient alors faire face à l'extension mondiale de la révolution ouvrière. De fait, c'est la menace immédiate de l'insurrection du prolétariat en Europe qui a entraîné l'arrêt forcé de la tuerie capitaliste.

Que la classe ouvrière soit parvenue à un tel résultat découlait bien entendu d'un long processus au cours duquel se construisit progressivement sa force. Dès l'été de 1916, il y avait certes eu des mouvements de masse significatifs, notamment en Allemagne, pour exprimer la colère des ouvriers contre les souffrances, les privations et la misère qu'entraînait la guerre.

Mais le véritable début de la vague révolutionnaire se situe au mois de février 1917, en Russie. A Petrograd, le 23, ce qui aurait dû être une simple journée en hommage à la femme ouvrière dans le cadre des manifestations routinières des partis socialistes, créa en réalité l'occasion de l'explosion de tout le mécontentement accumulé dans les rangs ouvriers - ainsi que dans d'autres couches pauvres de la population - contre le ravitaillement en vivres de jour en jour plus défectueux de la capitale de la Russie d'alors et la surexploitation imposée par l'économie de guerre. De telle sorte que, débordant le 23 février, le mouvement qui criait : "Du pain ! " prend vite les jours suivants les allures d'une insurrection, involontairement aidée par la férocité de la répression tsariste. Le 26, la force de la dynamique ouvrière provoque le ralliement des soldats professionnels ; le 27, le régime capitaliste impérial a vécu et s'installe le gouvernement bourgeois (dit provisoire) de Kerenski tandis que le prolétariat, dans les usines et autres lieux de travail, s'organise en conseils autonomes et envoie des délégués au Soviet central de la ville.

Mais comme le nouveau pouvoir, dans les mois qui succèdent, poursuit la participation à la guerre, au lieu d'apporter des solutions au problème endémique de la famine, et renforce l'économie d'armement qui oblige les ouvriers à travailler bien au-delà de huit heures par jour, il suscite chez ceux-ci des réactions de plus en plus révolutionnaires qu'éclaire leur parti de classe, les bolcheviques. Après de nouvelles journées insurrectionnelles en juillet se tiennent à partir du 22 octobre 1917 des meetings qui rassemblent des foules considérables desquelles, de manière très révélatrice, montent les slogans : "A bas le gouvernement provisoire ! A bas la guerre ! Tout le pouvoir aux conseils ouvriers ! " Le 25, les masses prennent d'assaut le palais d'Hiver, à Petrograd, et chassent Kerenski.

C'est la révolution d'Octobre, dont l'âme, le Congrès des soviets de toutes les Russies, proclame l'avènement en ces termes :

  • "S'appuyant sur la volonté de l'immense majorité des ouvriers, des soldats et des paysans, s'appuyant sur l'insurrection victorieuse des ouvriers et de la garnison qui s'est accomplie à Petrograd, le Congrès prend en main le pouvoir. Le pouvoir des soviets proposera une paix immédiate et démocratique à tous les peuples et un armistice immédiat sur tous les fronts." (Cité par Lénine,"Oeuvres", tome 26, p. 253.) Le 26, en effet, à sa deuxième séance, le Congrès promulgue un "décret sur la paix" et arrête dans le même temps des mesures d'urgence pour soulager la misère encourue par les populations russes.

Les évènements révolutionnaires de Russie eurent bien entendu un retentissement énorme dans tous les prolétariats d'Europe et du monde mais d'abord parmi ceux des pays impliqués directement dans le carnage inter-impérialiste. Ils catalysèrent partout des manifestations contre la guerre et engendrèrent de vibrantes protestations de sympathie en faveur de l'Octobre rouge, provoquant en outre, sur le front, des élans de fraternisation entre soldats d'armées adverses.

C'est cependant en Allemagne, le siège du plus puissant mouvement ouvrier, que les répercussions décisives se produisirent. Là, la révolte ouvrière, après un temps d'incubation durant l'année 1917, grossit tout au long de 1918 pour atteindre son point d'incandescence au début du mois de novembre, le 4 exactement. C'est alors que les ouvriers de Berlin, qu'ils soient revêtus d'habits civils ou d'uniformes et répondant assurément aux appels que leurs frères de classe russes leur adressaient afin qu'ils prennent le relais et la direction de la révolution mondiale, investissent la rue et leur soulèvement entraîne bientôt la rébellion des troupes demeurées jusque-là loyales au gouvernement, au reste dirigé par des socialistes renégats comme Ebert, de la toute nouvelle république de Weimar.

Comme nous l'écrivions dans un article de "RI" n°173 (novembre 1988) consacré à la célébration de ces faits, "Avec leur mouvement insurrectionnel, les ouvriers en Allemagne avaient mis en mouvement la plus grande lutte de masse de leur histoire. Toutes les trêves sociales, que les syndicats avaient signées durant la guerre, et la politique de paix entre les classes volèrent en éclats sous les coups de la lutte de classe. Avec ce soulèvement, les ouvriers se remettaient de la défaite d'août 1914 et relevaient la tête. Le mythe d'une classe ouvrière allemande (ou autre) paralysée par le réformisme était en train de s'effondrer. (...) Dans le sillage du prolétariat de Russie, avec le soulèvement ouvrier et un début de formation de conseils en Hongrie et Autriche l'année suivante (1919), les ouvriers allemands se portaient à la tête de la première grande vague révolutionnaire internationale de luttes nées de la guerre."

Et c'est donc pour ne pas risquer d'être balayée comme en Russie que la bourgeoisie d'Allemagne, certainement encouragée en cela par ses consoeurs et adversaires de guerre, s'est empressée de mettre fin au conflit commencé quatre ans plutôt.

C'est bien pour enrayer le développement de la révolution mondiale ouvrière que toutes les bourgeoisies se sont entendues à conclure très vite entre elles le cessez-le-feu, deux jours seulement après la mutinerie des marins de Kiel contre les autorités militaires allemandes.

Par la suite, on le sait, le mouvement révolutionnaire fut jugulé en Allemagne et cette défaite ouvrière devait plus tard entraîner la mort de la révolution en Russie. Il n'en reste pas moins vrai que, dans ces deux pays, la classe ouvrière mondiale avait fait la preuve qu'elle avait la capacité ‑ et qu'elle seule la détenait pourvu qu'elle luttât sur son terrain de classe ‑ de faire cesser la furie guerrière du capitalisme.

Evènements historiques: 

  • Première guerre mondiale [90]

Questions théoriques: 

  • Guerre [91]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La vague révolutionnaire, 1917-1923 [92]

Seul le prolétariat peut instaurer une autre société

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(D'après Révolution Internationale N°201; mai 1991)

A la fin des années 60, la bourgeoisie des pays développés, à travers ses divers canaux médiatiques syndicalistes et sociologiques, croyait pouvoir prétendre que la classe ouvrière s'était "embourgeoisée". Elle devait déchanter après la soudaine grève massive de 1968. Aujourd'hui encore, les idéologues patentés de la bourgeoisie s'appuient sur le déboussolement momentané de la classe ouvrière pour clamer à tue-tête que celle-ci est en voie de disparition, qu'elle n'est plus cette classe révolutionnaire qui hantait l'Europe au début du siècle.

Abrutis par la télévision, enchaînés par des crédits à vie, limités par un profond esprit corporatiste qui se confond avec un amer "chacun pour soi", transis à l'idée d'un lendemain inquiétant pour leurs enfants, les prolétaires ne vivraient plus, paraît-il, que dans un repli frileux à peine égayé par les matchs de foot télévisés...  Mais en quoi cette triste condition de vie des prolétaires modernes réduirait-elle les ouvriers et employés à une masse informe impuissante, sans perspective ?

Qu'est-ce que la classe ouvrière ?

Au début du XIXe siècle, beaucoup d'écrivains socialistes décrivaient avec indignation la situation de misère du prolétariat, sorti peu à peu de l'artisanat pour être enfermé dans des bagnes industriels. Mais, comme l'a souligné Lénine, Engels - avec son livre "La Situation de la classe laborieuse en Angleterre" - fut le "premier" à montrer que le prolétariat n'était pas simplement une classe de pauvres, mais que, de par la situation économique ignoble dans laquelle on le tient, il était poussé sans cesse à la révolte, et plus encore : à se libérer définitivement de l'oppression capitaliste. Engels démontrait déjà à cette époque que l'action économique et politique de la classe ouvrière lui donne conscience qu'elle n'a pas d'autre voie de salut que de changer la société par le socialisme.

La lutte de classe entre la bourgeoisie et le prolétariat, qui succédait à la lutte entre les maîtres et les esclaves dans l'Antiquité, entre les nobles et les serfs au Moyen Age, s'accentuait dans la mesure même où le prolétariat se développait, où l'exploitation à laquelle il était soumis empirait, et où il prenait conscience de l'opposition radicale qui sépare ses intérêts de classe de ceux de la bourgeoisie. Du développement même du système capitaliste naissait un antagonisme croissant entre le capital et le travail, d'où la division de plus en plus accentuée de la société en deux grandes classes, la bourgeoisie, qui possède les moyens de production, et le prolétariat, démuni et exploité. Dans ces conditions, ne possédant que sa force de travail, le prolétaire est obligé, pour vivre, de se vendre comme une marchandise, ce qui le réduit lui-même à l'état de marchandise et le subordonne aux lois qui régissent la production et la vente des marchandises. Sa condition est encore aggravée par le fait que le travail, au lieu d'être pour lui l'activité libre, productive, par laquelle l'homme peut s'affirmer en tant que tel, est un travail qui lui est imposé. L'esclave était vendu une fois pour toutes : "L'ouvrier doit se vendre chaque jour et même chaque heure.(...) Le prolétaire isolé, propriété, pour ainsi dire, de toute la classe bourgeoise, à qui on n'achète son travail que quand on en a besoin, n'a pas d'existence assurée." (Engels, "Les Principes du communisme".) L'activité salariée du prolétaire n'assure sa vie qu'en le diminuant, et plus la division du travail est poussée, plus il est soumis à des conditions de fatigue et de démoralisation dont il ne peut s'évader. La personnalité du prolétaire lui apparaît sacrifiée "dès sa prime jeunesse, et il n'a aucune chance d'arriver, dans le cadre de sa classe, à des conditions qui lui permettraient d'accéder à une autre classe" (Marx). En 1847, dans l'ouvrage cité quelques lignes plus haut, Engels donne la définition marxiste du prolétariat moderne : "Le prolétariat est la classe de la société qui tire sa subsistance exclusivement de la vente de son travail et non de l'intérêt d'un capital quelconque, dont les conditions d'existence et l'existence même dépendent de la demande de travail, par conséquent de la succession des périodes de crise et de prospérité industrielle, des oscillations d'une concurrence sans fin. Le prolétariat, ou la classe des ouvriers, est, en un mot, la classe laborieuse de l'époque actuelle." Mais Engels prend soin d'ajouter que le prolétariat est à la fois classe exploitée et, surtout, classe révolutionnaire objectivement.

La classe ouvrière s'est-elle embourgeoisée au XXe siècle ?

La question ne peut que faire s'esclaffer la plupart des ouvriers au premier abord. Pourtant, au niveau subjectif, les enquêtes sociologiques, les considérations journalistiques, ne se répandent-elles pas tous les jours sur ce constat imparable : la plupart des ouvriers et employés ne se considèrent pas ou plus comme membres d'une classe sociale, a fortiori révolutionnaire, et ont pour toute perspective de finir de payer leur maison et d'ouvrir un petit commerce... Les pourcentages et les chiffres sont là, sociologiquement. Votre voisin de bureau ou collègue d'usine n'en pense pas moins, sociologiquement !

Pour les marxistes, la condition de prolétaire telle que la définissait Engels n'a pas varié d'un iota en cette fin de XXe siècle. Les prolétaires, ouvriers ou employés, sont toujours obligés de vendre leurs bras et leur tête, chômeurs ou actifs, ils restent soumis aux fluctuations de la crise économique capitaliste ; ils vivent dans l'angoisse perpétuelle de se nourrir, se vêtir, se loger, éduquer leurs enfants pour qu'ils trouvent travail.

La conscience que les prolétaires ont d'eux-mêmes en tant que classe sociale est embrouillée par un aspect subjectif au détriment de la dimension objective, historique, de leur rôle, prouvée par la longue expérience du mouvement ouvrier. Cette vision sociologique veut que les ouvriers ne soient plus  la "couche misérable" du XIXe siècle que dépeignait, non sans quelque déformation populiste d'ailleurs, Emile Zola dans "Germinal" ou "L'Assommoir", oubliant que, si le moteur à explosion avait remplacé la charrette à bras, la place des prolétaires dans la production n'avait pas changé. Cette vision sociologique veut que les "cols blancs" soient devenus majoritaires, les ouvriers abandonnant eux-mêmes leur bleu de chauffe dans les vestiaires de l'usine pour descendre dans le métro. Cette vision sociologique veut que les ouvriers soient considérés comme des médiocres propriétaires (de leur habitation), des actionnaires au petit pied (primes d'intéressement à l'entreprise)... Le travestissement idéologique de la réalité sociale n'avait pas atteint un tel raffinement au XIXe siècle, quoique, dès les années 1890, alors qu'on assistait à l'émergence des "cols blancs", se faisait déjà jour une remise en cause du rôle révolutionnaire de la classe ouvrière au travers des thèses du révisionnisme. Edouard Bernstein, leur principal auteur, écrivait alors : "La formation des sociétés par actions contrecarre la tendance à la centralisation des fortunes qui découle de la concentration des entreprises.(...) Le nombre des possédants augmente.(...) Les classes moyennes ne tombent plus dans le prolétariat."

Contre cette déviation théorique opportuniste qui allait empoisonner la pensée socialiste, la gauche de la IIe Internationale avait immédiatement réfuté point par point Bernstein : l'aggravation de l'exploitation est incontestable, la richesse augmente mais la part du prolétariat dans sa répartition n'augmente pas. La "nouvelle couche moyenne" appelée à effacer les clivages de classes est un leurre ; comme l'avait constaté Marx, la prolétarisation ne cesse pas, les couches petites-bourgeoises continuent à "tomber" dans le prolétariat. Les "cols blancs" sont condamnés à la marginalité. Le capitalisme ne va pas vers une fin de ses crises cycliques, mais va s'enfoncer dans une crise permanente, dramatique. Pour Rosa Luxemburg, l'anarchie croissante de l'économie capitaliste entraînera l'effondrement du capitalisme mais sous les coups de boutoir de l'élément actif de la révolution : la classe ouvrière.

Ainsi, le courant marxiste du mouvement ouvrier maintint l'affirmation selon laquelle la classe ouvrière ne peut être conçue comme une somme d'individus mais comme classe à vocation historique, destinée à s'unifier par-delà toutes les divisions que lui impose le capital et à prendre conscience de son être révolutionnaire dans et par la lutte. Peu importe ce que pense tel ou tel prolétaire, disait Marx, ce qui prévaut, c'est ce que le prolétariat est contraint de faire comme classe.

Les travailleurs seraient-ils trop divisés pour prétendre renverser un jour le capitalisme ?

Parmi les objections les plus couramment répandues par ceux qui, bien que ne pouvant nier l'existence de la classe ouvrière, expriment néanmoins des doutes sur ses potentialités révolutionnaires, il faut en souligner deux :

  • La classe ouvrière n'est plus la même, les ouvriers sont minoritaires face à la masse des employés, les secteurs traditionnels -mines, sidérurgie, automobile- ont été démantelés. Les ouvriers ont toujours considéré les employés comme des pleutres amorphes qui ne font jamais grève.
  • Les ouvriers sont divisés, lorsqu'ils font grève ils luttent sur des objectifs catégoriels et restent enfermés dans leur corporation. C'est le règne du chacun pour soi, de l'individualisme....

 

A la première objection, on peut répondre que dans la vision marxiste, la classe ouvrière n'existe pas comme somme des divers secteurs de l'industrie, des services, de la fonction publique, etc. Elle est certes cela mais plus encore un "mouvement" qui n'existe que par sa lutte économique et politique indépendamment de toute catégorisation professionnelle spécifique ou distinction de race ou de sexe. Au sein de cette classe sociale, les travailleurs de l'industrie ont toujours joué un rôle de fer de lance dans les conflits sociaux - la concentration industrielle favorisant la force ouvrière - mais, particulièrement depuis vingt ans, tant les employés de banque par exemple que les travailleurs des hôpitaux ou des PTT ont montré leur aptitude à lutter sur un terrain de classe. La dynamique des luttes ouvrières qui se sont développées tout au long des années 80, en posant la question de l'extension, montre que la destinée naturelle de l'action ouvrière réside dans le dépassement des clivages corporatifs, dans une union grandissante d'un maximum de secteurs pour contrer les attaques de l'Etat bourgeois.

Le premier patron étant désormais l'Etat, il faut bien constater que, succédant aux secteurs industriels traditionnels (sidérurgie, automobile), l'immense masse des travailleurs des services publics tend depuis 1968 à occuper le centre de l'action déterminante pour l'extension à une multitude d'industries dispersées. En 1936, période ingrate de veille de guerre, seul le secteur privé était en grève ; en 1968, la grève massive du secteur public donna un aspect plus impressionnant au mouvement au point de faire trembler les responsables de l'Etat.

La deuxième objection nous fournit l'occasion de rappeler que, si la classe ouvrière et la bourgeoisie se faisaient simplement face telles deux armées nettement délimitées, tout serait réglé depuis belle lurette, la révolution se serait produite selon la loi du nombre. Mais les travailleurs sont divisés par la hiérarchie des salaires, la concurrence journalière entre eux imposée par le système d'exploitation. Lorsqu'ils entrent en lutte, dépassant souvent très vite les petits corporatismes internes à l'entreprise ou au secteur, ils sont immédiatement confrontés aux lieutenants de la bourgeoisie dans la classe ouvrière, les syndicalistes, les divers syndicats en compétition pour encadrer et museler la dynamique de la lutte. Ces dernières années nous ont montré concrètement que les questions d'extension de la lutte et de contrôle du fonctionnement des assemblées générales n'étaient pas des utopies sorties de la tête des révolutionnaires. Les travailleurs en ordre de combat n'étaient plus cette masse informe impuissante et frileuse que les syndicats auraient eu pour tâche de guider dans les impasses renouvelées du carcan corporatiste. 

Que les déçus à courte vue du prolétariat continuent à se lamenter. Que les ennemis de l'émergence de la force ouvrière soient clairement dénoncés et contrés. La bourgeoisie, elle, n'oublie jamais que la classe ouvrière n'a pas cessé d'exister comme "classe dangereuse", comme son propre fossoyeur. Et elle l'oublie d'autant moins aujourd'hui que l'aggravation catastrophique de la crise économique tend de plus en plus à mettre à nu l'impasse historique de son système. Elle l'oublie d'autant moins que les conditions de misère dans laquelle elle plonge de plus en plus les prolétaires des grandes concentrations industrielles d'Europe occidentale ne peuvent que les contraindre à reprendre massivement le chemin de l'affrontement. C'est bien cette réalité de la lutte de classe qui viendra apporter un démenti cinglant à tous les mensonges bourgeois prétendant que la classe ouvrière est en voie de disparition.

  • "Tout ce qu'un parti peut apporter, en moment historique, en fait de courage d'énergie, de compréhension révolutionaire et de conséquence, les Lénine, Trotsky et leurs camarades l'ont réalisé pleinement" (Rosa Luxembourg, la révolution russe)

VI - LE COMMUNISME EST LE SEUL AVENIR DE L'HUMANITÉ

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Mettre un terme à ce système barbare qui entraîne l'humanité à sa perte est aujourd'hui une nécessité vitale. Comme le montre toute l'histoire de ce siècle faite de guerres, de famines, d'exploitation croissante et sans limite de la force de travail, le capitalisme ne peut être réformé. Seule la classe ouvrière est capable, par sa lutte révolutionnaire, d'instaurer une autre société. Celle-ci, non seulement constitue pour l'humanité la seule alternative à la destruction certaine que lui promet le capitalisme aujourd'hui en décomposition, mais encore réalisera le vieux rêve de l'humanité, celui d'une société où les moyens de production sont mis au service de la satisfaction des besoins humains. Ce chapitre s'attache plus particulièrement à démontrer que ce projet n'a rien d'utopique, mais qu'au contraire, ses bases mêmes ont été créées par le capitalisme : des richesses en quantité suffisante pour subvenir aux besoins de l'humanité et la classe exploitée et révolutionnaire à qui il revient de renverser ce système pour édifier la société communiste, la classe ouvrière. En s'appuyant sur les grandes caractéristiques de la société communiste, il montre que la forme caricaturale de capitalisme d'Etat qui s'était  instaurée en Russie est en tout point antagonique à la transformation communiste de la société.

Perspective du communisme : le communisme est nécessaire et possible

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L'idée d'une société où n'existeraient ni la misère, ni l'oppression, ni les inégalités sociales, ni la propriété privée, d'une société qui serait basée sur la solidarité, où l'homme ne serait plus "un loup pour l'homme", où "le libre épanouissement de chacun serait la condition du libre épanouissement de tous", n'est pas nouvelle. On la trouve dès l'antiquité sous des formes diverses depuis les écrits du philosophe grec Platon (qui, par ailleurs, défendait l'esclavage !) jusqu'à la pensée des premiers chrétiens. On la retrouve au Moyen-Age, notamment dans les mouvements millénaristes, ou, au début du 16ème siècle, chez le moine allemand Thomas Münzer, un des chefs de la guerre des paysans.

Cependant, ce qui donne au communisme son véritable essor, c'est l'apparition dans la société d'une nouvelle classe qui, pour la première fois, porte en elle la possibilité de transformer en réalité ce vieux rêve de l'humanité : le prolétariat. Et c'est au sein même des révolutions bourgeoises du 17ème siècle en Angleterre et de la fin du 18ème en France qu'on voit apparaître des courants politiques qui, de façon plus ou moins explicite, se réclament d'un tel projet. Alors que dans ces pays, le prolétariat est encore embryonnaire, il se donne déjà, avec les "levellers" (niveleurs) ou les "égaux", une expression organisée pour la défense de ses intérêts historiques. Mais c'est vers le milieu du 19ème siècle, avec le développement et la concentration de la classe ouvrière qui accompagne l'apparition de la grande industrie, que le communisme précise ses objectifs et ses moyens, qu'il rompt avec les utopies du passé (dont les plus fécondes sont certainement celles de Fourier, de Saint-Simon et de Owen), qu'il commence à se dégager des pratiques sectaires et conspiratives affectionnées par Blanqui et ses compagnons, ainsi que des références religieuses auxquelles se rattache encore un communiste pourtant aussi lucide que Weitling, un des fondateurs de la "Ligue des justes" qui fut l'ancêtre de la "Ligue des communistes".

Le "Manifeste Communiste", première formulation scientifique de la perspective du communisme

C'est à ce moment-là que la perspective du communisme se donne sa première formulation scientifique et rigoureuse avec le "Manifeste du Parti Communiste" de 1847, document qui jette les bases théoriques de tout le développement ultérieur du mouvement prolétarien. Dans ce texte, le communisme n'est pas présenté comme l'invention de quelques visionnaires qu'il s'agirait ensuite de mettre en application, mais bien comme la seule société qui puisse succéder à la société capitaliste et surmonter ses contradictions mortelles. L'idée essentielle de ce texte est que, comme toutes les sociétés qui l'ont précédé, le capitalisme n'est pas immortel. S'il a constitué une étape progressive dans le développement de l'humanité, notamment en unifiant le monde par la constitution d'un marché mondial, il porte en son sein des contradictions insurmontables qui le plongent dans des convulsions de plus en plus violentes et finiront par l'emporter. En permettant un développement prodigieux des forces productives matérielles de la société, et au premier rang d'entre elles la classe ouvrière, il crée les conditions de son dépassement par une société qui aura pour base cette abondance à travers une révolution dont le sujet est cette même classe ouvrière qui, située au plus bas de l'échelle sociale, ne peut s'émanciper qu'en émancipant toute l'humanité.

Si le "Manifeste Communiste" se trompait, comme ses auteurs Marx et Engels l'ont reconnu plus tard, en donnant l'impression que le capitalisme était déjà parvenu au faîte de son développement et que la révolution communiste était imminente, l'essentiel de la démarche qui est la sienne a été depuis amplement confirmé par les faits, et notamment l'idée que le capitalisme ne peut échapper à des crises économiques de plus en plus violentes.

La décadence du capitalisme met à l'ordre du jour la transformation communiste de la société

Aujourd'hui, une nouvelle fois, la crise économique impose à la société cette aberration typique du capitalisme : des centaines de millions d'individus sont plongées dans la plus terrible des misères non pas parce que la production est insuffisante mais parce qu'elle est... trop importante. Mais cette crise est d'un type différent de celles signalées par le "Manifeste". Les crises du siècle dernier se situaient dans une période de pleine expansion du capitalisme et elles trouvaient une "solution" rapide par l'élimination des secteurs les moins rentables de l'économie et par la conquête de nouveaux marchés. En quelque sorte, elles constituaient les battements de coeur d'un organisme en pleine vigueur. Par contre, depuis la première guerre mondiale, le capitalisme est entré dans sa phase de déclin historique, de crise permanente. Désormais, il n'existe pas de solution réelle à la crise. Le système ne se survit plus que par un cycle infernal où se succèdent les phases de crises aiguës, de guerres, de reconstruction, de nouvelles crises aiguës etc., qu'on ne peut plus comparer à des pulsations mais bien aux râles de son agonie. Comme l'annonçait l'Internationale Communiste, l'ère des guerres impérialistes et des révolutions était désormais ouverte, le communisme était à l'ordre du jour. Depuis, les convulsions successives subies par l'humanité n'ont fait que confirmer chaque fois un peu plus l'urgence du dépassement du mode de production capitaliste devenu une lourde entrave à son développement. Après la première guerre mondiale, la grande crise de 1929 était une autre illustration spectaculaire de la faillite du capitalisme et, à sa suite, l'holocauste de la seconde guerre mondiale repoussait encore bien plus loin les limites de l'horreur qu'on avait cru atteintes avec la première boucherie impérialiste. Au total depuis que le capitalisme est entré dans sa phase de décadence, l'humanité a payé de plus de 100 millions de tués le maintien en vie de ce système sans compter les pertes terribles provoquées par la famine, la malnutrition et toute la misère dans laquelle il maintient et rejette plusieurs milliards d'hommes alors qu'en même temps il se livre au plus colossal gaspillage de richesses et de forces productives qu'on puisse imaginer.

La crise actuelle n'est donc pas la première manifestation de la faillite du capitalisme et de la nécessité de son remplacement par le communisme. Dans bien des domaines, elle ne fait que révéler, à une échelle certes encore plus grande, des contradictions qui avaient déjà explosé dans le passé. Mais, dans la mesure où c'est avec une envergure encore plus grande qu'apparaît le décalage entre les énormes possibilités que détient la société pour permettre une pleine satisfaction des besoins humains et l'usage catastrophique qui en est fait, la nécessité de l'édification d'une autre société se fait sentir aujourd'hui d'une façon encore plus impérieuse que par le passé.

Les grandes caractéristiques de la société communiste

Cette nouvelle société devra être en mesure de surmonter les contradictions qui accablent la société présente : c'est seulement de cette façon qu'elle ne sera pas une construction utopique de l'esprit mais une nécessité objective déterminée.

Ses caractéristiques s'inscrivent donc comme les épreuves positives des négatifs que constituent les lois qui étranglent la société capitaliste.

Les causes profondes des maux qui ruinent le système capitaliste résident dans le fait que le but de la production  n'est pas la satisfaction des besoins humains mais l'accumulation du capital, qu'il ne produit pas des valeurs d'usage mais des valeurs d'échange, que l'appropriation privée des moyens de production se heurte au caractère de plus en plus social de celle-ci. En d'autres termes, le capitalisme se décompose parce qu'il produit pour le marché et que celui-ci se sature de plus en plus, parce qu'il est basé sur l'exploitation du travail salarié et que la plus- value produite par cette exploitation ne trouve plus où se réaliser, c'est-à-dire s'échanger contre des biens qui pourraient entrer dans un cycle de reproduction élargie du capital.

Les caractéristiques économiques du communisme sont donc les suivantes :

  • le seul mobile de la production est la satisfaction des besoins humains ;
  • les biens produits cessent d'être des marchandises, des valeurs d'échange, pour devenir uniquement des valeurs d'usage ;
  • cadre trop étroit pour un processus productif devenu de plus en plus social, la propriété privée des moyens de production, qu'elle soit individuelle comme dans le capitalisme des origines ou étatique comme dans le capitalisme décadent, cède la place à leur socialisation, c'est-à-dire à la fin de toute propriété, partant, de toute existence de classes sociales et, donc, de toute exploitation.

Le communisme : une nécessité et une possibilité historiques

A cette description est souvent opposée l'objection : "puisque ce sont là les caractéristiques d'une société idéale, la plus propice au développement humain, pourquoi une telle société n'est-elle pas déjà apparue dans le passé ? En d'autres termes : pourquoi, aujourd'hui, une telle société serait-elle possible, alors qu'elle ne s'est pas réalisée dans le passé ?".

A cette question, le marxisme donne une réponse sérieuse et rigoureuse. Il explique qu'une des caractéristiques essentielles de l'évolution de l'humanité est le développement de ses forces productives, en d'autres termes de la productivité du travail humain. A chaque niveau de développement de ces forces productives a correspondu un type donné de rapports de production, c'est-à-dire des relations établies entre les hommes dans l'activité de production des biens destinés à satisfaire leurs besoins.

Dans les sociétés primitives, la productivité du travail est tellement faible qu'elle suffit à peine à satisfaire les besoins physiologiques élémentaires des membres de la communauté. De ce fait, l'exploitation et l'inégalité économique sont impossibles dans la mesure où, si certains individus s'appropriaient ou consommaient des biens en quantité plus grande que d'autres, ces derniers seraient incapables de survivre.

L'exploitation, en général sous forme d'esclavage des membres des communautés vaincues dans des conflits territoriaux, ne peut apparaître que lorsque, à grands traits, la production moyenne d'un homme dépasse le minimum physiologique. Mais, entre la satisfaction de ce minimum et une pleine satisfaction des besoins matériels et par suite intellectuels des hommes, il existe toute une marge de développement de la productivité du travail (c'est-à-dire de maîtrise de la nature) qui, historiquement, sépare justement la dissolution du communisme primitif de la possibilité du communisme supérieur.

De la même façon que ce n'est pas parce que l'homme était "naturellement" bon qu'il n'exploitait pas ses semblables dans le premier, ce n'est nullement parce qu'il est "mauvais" qu'il l'a fait depuis et jusqu'à nos jours. L'exploitation de l'homme par l'homme, l'existence de privilèges économiques, ont été possibles parce que la production humaine moyenne était supérieure au minimum physiologique et nécessaires parce qu'elle ne pouvait pas satisfaire pleinement les besoins de la totalité des membres de la société.

Et tant que ce n'était pas le cas, le communisme était impossible. Mais c'est justement une telle situation que le capitalisme a radicalement modifiée. Par l'énorme progrès qu'il a permis de faire faire à la productivité du travail, en exploitant méthodiquement les découvertes scientifiques, en généralisant le travail associé, en mettant en oeuvre les richesses naturelles et humaines du monde entier, mais aussi, évidemment au prix d'une intensification de l'exploitation inconnue jusqu'à lui, il a enfin créé les bases matérielles du communisme. En se rendant maître de la nature, il a créé les conditions pour que l'homme puisse être son propre maître.

Seul le communisme peut sauver la société humaine

Et c'est bien ce que la crise du capitalisme vient démontrer une nouvelle fois. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, une société plonge la plus grande partie de ses membres dans la misère, non pas parce qu'elle ne produit pas assez, mais parce qu'elle produit trop eu égard aux lois qui la régissent.

Avant le capitalisme, l'humanité a connu des crises, mais jamais des crises de surproduction. Aujourd'hui ce mal congénital propre au système capitaliste se révèle avec une ampleur inégalée : la montée inexorable du chômage, le sous-emploi croissant de l'ensemble des moyens de production, leur destruction massive dans des guerres de plus en plus meurtrières et étendues, démontrent que les véritables utopistes sont ceux qui espèrent encore réformer ce système dans le sens d'une plus grande harmonie, d'une meilleure satisfaction des besoins des hommes, sans le bouleverser de fond en comble.

L'ensemble des événements économiques, politiques et militaires depuis une vingtaine d'années témoigne du fait que l'humanité, si elle reste livrée aux lois du capitalisme, s'achemine vers sa destruction. Si l'incroyable puissance destructive des conflits impérialistes passés démontrait que l'homme s'était rendu suffisamment maître de la nature pour établir la société communiste, cette maîtrise de la nature, qui est allée en se renforçant, l'a rendue maintenant capable de détruire l'humanité. Ce n'est donc pas seulement pour assurer l'épanouissement de l'espèce humaine que le communisme est aujourd'hui nécessaire, mais plus simplement pour permettre sa survie.

Conscience et organisation: 

  • Courant Communiste International [93]

Questions théoriques: 

  • Communisme [88]

Le stalinisme est la négation du communisme

  • 2531 lectures

(D'après Accion Proletaria n° 89)

Contrairement à ce que cherche à nous faire croire la bourgeoisie, le stalinisme n'a rien à voir avec le communisme. Ce sont deux mondes, deux types de sociétés complètement antagoniques. La doctrine "communiste" des partis et régimes staliniens constitue une révision et une adultération totales des principes et positions du mouvement ouvrier ainsi que de la lutte pour le communisme.

Le communisme ne peut exister qu'à l'échelle mondiale Les régimes de l'Est se sont constitués sur le nationalisme le plus féroce

Le communisme ne peut exister qu'à l'échelle mondiale. Le socialisme en un seul pays est impossible. Lorsque Staline proclama en 1926 la "construction du socialisme en Russie", les révolutionnaires de la gauche communiste dénoncèrent cette théorie comme une farce et y virent le signe de l'effondrement de la révolution en Russie et de l'intégration de ce pays dans la chaîne capitaliste mondiale.

En 1847, Engels écrivait :

  • "La révolution pourra-t-elle se produire dans un seul pays ? Non. La grande industrie, en créant le marché mondial, a déjà rapproché si étroitement les uns des autres les peuples de la terre, et notamment les plus civilisés, que chaque peuple dépend de ce qui se passe chez les autres. Elle a, en outre, uniformisé dans tous les pays civilisés le développement social à tel point que, dans tous ces pays, la bourgeoisie et le prolétariat sont devenus les deux classes décisives de la société, et que la lutte entre ces deux classes est devenue la principale lutte de notre époque. La révolution communiste, par conséquent, ne sera pas une révolution purement nationale ; elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés, c'est-à-dire tout au moins en Angleterre, en Amérique, en France et en Allemagne (...). Elle exercera également sur tous les pays du globe une répercussion considérable, et elle transformera complètement et accélérera le cours de leur développement. Elle est une révolution universelle ; elle aura, par conséquent, un terrain universel." ("Principes du communisme".)

 

Le marché mondial impose ses lois à tous les pays. Seule la destruction du capitalisme mondial peut permettre l'ouverture d'un processus historique qui conduira au communisme. Pendant ce temps, les pays où la révolution a triomphé ne peuvent être que happés dans le réseau du marché mondial. C'est pour cela que la tâche cruciale du prolétariat de ces pays n'est pas de construire d'illusoires structures communistes, mais d'étendre la révolution au monde entier.

Le communisme est totalement incompatible avec la division du monde en nations, langues, races... Ainsi, la notion même de "nations communistes" est un non-sens total. La société communiste ne peut être que la communauté humaine mondiale.

Le communisme exige l'abolition de l'État Les régimes des pays de l'Est sont fondés sur la terreur et un État policier

Le communisme est une société sans classes et donc sans Etat.

La destruction de l'Etat bourgeois dans tous les pays ouvre le processus de transition du capitalisme au communisme. Durant cette période, dans la mesure où se maintiennent encore des classes sociales (bien que la bourgeoisie soit chassée du pouvoir, il existe cependant encore des classes non exploiteuses comme les paysans, les artisans, etc.) et la loi de la valeur, il continue de subsister un semi-Etat qui tente d'éviter l'éclatement de la société sous l'effet de persistants conflits de classe, avec le danger qu'ils contiennent de restauration du capitalisme.  

Cependant, ce semi-Etat est un instrument conservateur auquel le prolétariat ne peut s'identifier. Il doit le contrôler et, en même temps, au fur et à mesure qu'il va libérer la production des entraves de la loi de la valeur et intégrer en son sein les autres couches sociales, il doit affaiblir ce semi-Etat jusqu'à sa complète et totale extinction. Le communisme est la "substitution du gouvernement des hommes par l'administration des choses" (Engels) et, de ce fait, il n'a rien à voir avec les régimes des pays de l'Est, où domine un Etat bureaucratique et policier, ouvertement dictatorial et totalitaire. Avec le triomphe de la contre-révolution stalinienne à partir de la fin des années 20, l'Etat en Russie, loin de s'éteindre, n'a fait au contraire que s'hypertrophier de façon monstrueuse.

Cette tendance de l'Etat russe n'est pas, comme on a toujours cherché à nous le faire croire, une particularité spécifique aux régimes staliniens. C'est une caractéristique générale de tous les pays capitalistes, qu'ils soient "démocratiques" ou "dictatoriaux".

Le capitalisme décadent nécessite le renforcement extrême de l'Etat pour éviter la dislocation totale de la société et pour encadrer le prolétariat. C'est pour cela que l'Etat est un Etat totalitaire, qu'il prenne ou non une apparence "démocratique".

Le communisme est la pleine satisfaction des besoins humains Les régimes de l'Est c'est la pénurie et le rationnement

Le communisme, c'est la production massive de biens de consommation pour satisfaire pleinement les besoins matériels des hommes. Il n'a rien à voir avec les régimes fondés sur le développement de l'industrie lourde, sur la production d'armements, sur la destruction de l'environnement et le rationnement draconien qui, au cours des soixante dernières années, ont dévasté les pays de l'Est.

La possibilité de satisfaire pleinement et abondamment les besoins de tous les êtres humains, d'abolir les famines et la pénurie, n'est pas une utopie. Le capitalisme a permis le développement des forces productives à un niveau tel qu'il permet d'atteindre cet objectif, mais la nature de ce système fondé sur le travail salarié et sur la production marchande, conduit justement à son contraire : la faim, le chômage, et la destruction.

Précisément, la contradiction fondamentale du mode de production capitaliste, celle qui conduit à la crise et à l'holocauste guerrier, n'est pas la sous-production de biens de consommation mais, au contraire, leur excès, leur sur-production. En revanche, comme le signalait Engels, dans la société communiste, "au lieu de créer de la misère, la production au-delà des besoins actuels de la société assurera la satisfaction des besoins de tous et fera apparaître de nouveaux besoins en même temps que les moyens de les satisfaire. Elle sera la condition et la source de nouveaux progrès qu'elle réalisera sans jeter périodiquement, comme c'était le cas jusqu'ici, le trouble dans tout l'ordre social." ("Principes du communisme")

Les régimes des pays de l'Est sont tout le contraire du communisme : ils constituent une forme extrême et aberrante du capitalisme. Ils sont une illustration caricaturale de la nature même du capitalisme décadent : toutes les ressources, toutes les énergies, la technique, la science, sont totalement consacrées à l'armement, c'est-à-dire au gaspillage et à la destruction.

Les grands pays industrialisés d'Occident, dans la mesure où ils sont plus développés, peuvent consacrer une certaine partie de leurs forces productives à la consommation et au développement de la technologie, ce qui leur permet de dissimuler ce qui est mis à nu dans les pays de l'Est : la subordination radicale de l'économie à la production de guerre et au gaspillage.

Le communisme c'est l'abolition de l'exploitation de l'homme par l'homme

La duperie du stalinisme consiste à faire passer pour du communisme la propriété étatique des moyens de production, laquelle aurait détruit le capitalisme assimilé au capitalisme privé. Mais, comme l'ont démontré Marx et Engels, le capitalisme est avant tout un rapport social de production qui suppose la séparation de l'ouvrier de tout moyen de subsistance et sa soumission, pour pouvoir survivre, au travail salarié, c'est-à-dire au travail consistant à produire pour les propriétaires des moyens de production, qui peuvent être des capitalistes particuliers ou des Etats.

Par ailleurs, les staliniens, de même que les trotskistes, nous ont présenté pendant des décennies la planification centralisée et le monopole étatique du commerce extérieur comme du "communisme". Le capitalisme, à l'échelle nationale, admet une réglementation de l'économie. Dans les pays capitalistes d'Occident, cette planification par l'Etat de la vie économique est omniprésente et, de ce fait, plus efficace et rigoureuse que le système russe de "planification centralisée", où (comme nous l'avons démontré dans différents articles sur l'effondrement actuel du bloc de l'Est), l'Etat central ne contrôle absolument rien.

En réalité, comme l'a affirmé depuis de nombreuses années la gauche communiste, ce contrôle étatique de l'économie est une tendance universelle du capitalisme aussi bien à l'est qu'à l'ouest. La seule différence réside dans le fait qu'à l'ouest le contrôle de l'Etat coexiste avec la bourgeoisie privée et sa domination sur la société ainsi que sur la vie économique s'exerce sous une forme indirecte (manipulation du marché, du crédit, de la monnaie, des impôts, du pouvoir d'achat...), sans qu'il soit nécessaire de recourir à la propriété étatique.

La propriété sociale (et non étatique) est une caractéristique de la société de transition du capitalisme au communisme.

Elle suppose la disposition par l'ensemble de la société, et non par une classe minoritaire s'appuyant sur l'Etat (comme c'est le cas dans les pays de l'Est), de la production sociale. Cela ne peut se réaliser, en premier lieu, qu'à travers le contrôle collectif par l'ensemble de la classe ouvrière de cette production et ce contrôle ne peut s'exercer que par la médiation, non d'un parti ou d'une couche bureaucratique, mais des conseils ouvriers (voir RI n° 190). En second lieu, cet objectif ne peut être atteint que par l'orientation même de la production, qui doit viser à développer massivement les moyens de consommation et à transformer de façon consciente les conditions de vie de l'humanité. Tout cela va complètement à l'encontre du développement de l'industrie lourde, de la production d'armements et du gaspillage qui caractérisent le capitalisme à l'ouest comme à l'est. La planification est un instrument du communisme. Mais il ne s'agit pas de la même planification que celle qui consiste à développer l'économie de guerre pour les besoins du capital national. Il s'agit d'une planification visant à satisfaire les besoins de la communauté humaine entière, à utiliser de façon rationnelle les ressources mondiales et à transformer harmonieusement la nature. 

La planification, dans le communisme, est une activité conçue à l'échelle mondiale, consciente, réalisée collectivement et de façon unitaire par toute la population. La "planification", dans le capitalisme, se réalise à l'échelle nationale (et, par conséquent, de façon anarchique et contradictoire selon les différents pays), de manière aveugle dans la mesure où elle est soumise aux impératifs des lois économiques qui régissent le marché mondial. Sa seule fin réside dans la défense des intérêts de chaque bourgeoisie nationale en concurrence avec ses partenaires des autres pays et en contradiction avec les intérêts de ceux qu'elle exploite.

  • Plus que jamais l'avenir appartient au communisme.

Questions théoriques: 

  • Communisme [88]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

ANNEXE

  • 2795 lectures
  • Les thèses que nous publions ci-dessous furent adoptées par le CCI au début du mois d'octobre 89. Le cadre d'analyse qu'elles développent a constitué un outil particulièrement adapté pour appréhender les bouleversements que le monde allait connaître dans les semaines et les mois qui suivirent. C'est vrai en particulier concernant l'effondrement du bloc de l'Est et de la déstabilisation du système des relations internationales et des blocs impérialistes qui étaient sortis de la seconde guerre mondiale avec les accords de Yalta. C'est également vrai concernant la dislocation de l'URSS, qui est contenue en perspectives dans les thèses, même si celles-ci surestiment la capacité des fractions staliniennes de s'y opposer temporairement.

Thèses sur la crise économique et politique en URSS et dans les pays de l'Est

  • 2036 lectures

(Publiées dans la Revue Internationale N°60; 5/10/1989)

  • Les récents événements dans les pays à régime stalinien, affrontements à la tête du parti et répression en Chine, explosions nationalistes et luttes ouvrières en URSS, constitution en Pologne d'un gouvernement dirigé par Solidarnosc, revêtent une importance considérable. Ce qu'ils révèlent, c'est la crise historique, l'entrée dans une période de convulsions aiguës du stalinisme. En ce sens, ils nous donnent la responsabilité de réaffirmer, préciser et actualiser notre analyse sur la nature de ces régimes et leurs perspectives d'évolution.

1) Les convulsions qui secouent à l'heure actuelle les pays à régime stalinien ne peuvent se comprendre en dehors du cadre général d'analyse, valable pour tous les pays du monde, de la décadence du mode de production capitaliste et de l'aggravation inexorable de la crise de celui-ci. Cependant, toute analyse sérieuse de la situation présente de ces pays doit nécessairement prendre en compte les spécificités de leur régime. Un tel examen des traits particuliers des pays de l'Est a déjà été réalisé à plusieurs reprises par le CCI, notamment à l'occasion des luttes ouvrières de l'été 1980 en Pologne et de la constitution du syndicat "indépendant" Solidarnosc.

Ainsi, en décembre 1980 le cadre général de cette analyse avait été ébauché en ces termes :

"Comme pour l'ensemble des pays de ce bloc (de l'Est), la situation en Pologne se caractérise par :

  • l'extrême gravité de la crise, qui jette aujourd'hui des millions de prolétaires dans une misère proche de la famine ;
  • la grande rigidité des institutions, qui ne laissent pratiquement aucune place pour une possibilité de surgissement de forces politiques bourgeoises d'opposition capables de jouer le rôle de tampons : en Russie, et par suite dans ses pays satellites, tout mouvement de contestation risque de cristalliser l'énorme mécontentement qui existe au sein d'un prolétariat et d'une population soumis depuis des décennies à la plus violente des contre-révolutions, laquelle est à la hauteur du formidable mouvement de la classe qu'elle eut à écraser : la révolution de 1917 ;
  • l'énorme importance de la terreur policière comme moyen pratiquement unique de maintien de l'ordre." (Revue internationale, n° 24, p.2.)

En octobre 1981, deux mois avant l'instauration de l'"état de guerre", au moment où s'accentuait la campagne gouvernementale contre Solidarnosc, nous revenions sur cette question dans les termes suivants :

  • "... les affrontements entre Solidarité et le POUP ne sont pas uniquement du cinéma, comme n'est pas uniquement du cinéma l'opposition entre droite et gauche dans les pays occidentaux. En Occident, cependant, le cadre institutionnel permet, en général, de "gérer" ces oppositions afin qu'elles ne menacent pas la stabilité du régime et que les luttes pour le pouvoir soient contenues et se résolvent dans la formule la plus appropriée pour affronter l'ennemi prolétarien. Par contre, si, en Pologne-même, la classe dominante est parvenue, avec beaucoup d'improvisation, mais momentanément avec succès, à instaurer des mécanismes de ce style, rien ne dit qu'il s'agisse d'une formule définitive et exportable vers d'autres pays 'frères'. Les mêmes invectives qui servent à crédibiliser un partenaire-adversaire, quand celui-ci est indispensable au maintien de l'ordre, peuvent accompagner son écrasement quand il n'est plus utile (...) En la contraignant à un partage des tâches auquel la bourgeoisie d'Europe de l'Est est structurellement réfractaire, les luttes prolétariennes de Pologne ont créé une contradiction vivante. Il est encore trop tôt pour prévoir comment elle se résoudra. Face à une situation historiquement inédite..., la tâche des révolutionnaires est de se mettre modestement à l'écoute des faits". (Revue internationale, n° 27, p.7.)

Enfin, à la suite de l'instauration de l'état de guerre en Pologne et de la mise hors la loi de Solidarnosc, le CCI avait été conduit, en juin 1983 (Revue internationale, n° 34), à développer ce cadre d'analyse. C'est à partir de celui-ci qu'il convient évidemment de compléter, que nous pouvons comprendre ce qui se passe aujourd'hui dans cette partie du monde.

2) "La caractéristique la plus évidente, la plus généralement connue des pays de l'Est, celle sur laquelle repose d'ailleurs le mythe de leur nature "socialiste", réside dans le degré extrême d'étatisation de leur économie. (...) Le capitalisme d'Etat n'est pas un phénomène propre à ces pays. C'est un phénomène qui relève avant tout des conditions de survie du mode de production capitaliste dans la période de décadence  : face aux menaces de dislocation d'une économie et d'un corps social soumis à des contradictions croissantes, face à l'exacerbation des rivalités commerciales et impérialistes que provoque la saturation générale des marchés, seul un renforcement permanent de la place de l'Etat dans la société permet de maintenir un minimum de cohésion de celle-ci et d'assurer sa militarisation croissante. Si la tendance au capitalisme d'Etat est donc une donnée historique universelle, elle n'affecte cependant pas de façon identique tous les pays." (Revue internationale, n° 34, p.4 et 5.)

3) Dans les pays avancés, là où il existe une vieille bourgeoisie industrielle et financière, cette tendance se manifeste en général par une imbrication progressive des secteurs "privés" et des secteurs étatisés. Dans un tel système, la bourgeoisie "classique" n'est pas dépossédée de son capital et elle conserve l'essentiel de ses privilèges. L'emprise de l'Etat ne se manifeste d'ailleurs pas tant par la nationalisation des moyens de production que par l'action d'un ensemble d'instruments budgétaires, financiers, monétaires et réglementaires qui lui permettent à tout moment d'orienter les grands choix économiques sans pour cela remettre en cause les mécanismes du marché.

Cette tendance au capitalisme d'Etat "prend ses formes les plus extrêmes là où le capitalisme connaît ses contradictions les plus brutales, où la bourgeoisie classique est la plus faible. En ce sens, la prise en charge directe par l'Etat de l'essentiel des moyens de production qui caractérise le bloc de l'Est (et dans une large mesure le 'tiers-monde') est en premier lieu une manifestation de l'arriération et de la fragilité de son économie." (Ibid., p. 5.)

4) "Il existe un lien étroit entre les formes de domination économique de la bourgeoisie et les formes de sa domination politique" (ibid.) :

  • un capital national développé, détenu de façon "privée" par différents secteurs de la bourgeoisie, trouve dans la "démocratie" parlementaire son appareil politique le plus approprié ;
  • "à l'étatisation presque complète des moyens de production correspond le pouvoir totalitaire d'un parti unique»( [94]1).

Cependant, "le régime de parti unique n'est pas propre aux pays de l'Est ni à ceux du 'tiers-monde'. Il a existé durant des décennies dans des pays d'Europe occidentale comme l'Italie, l'Espagne, le Portugal. L'exemple le plus marquant est évidemment celui du régime nazi qui dirige entre 1933 et 1945 le pays le plus développé et puissant d'Europe. En fait, la tendance historique vers le capitalisme d'Etat ne comporte pas seulement un volet économique. Elle se manifeste également par une concentration croissante du pouvoir politique entre les mains de l'exécutif au détriment des formes classiques de la démocratie bourgeoise, le parlement et le jeu des partis. Alors que, dans les pays développés du 19e siècle, les partis politiques étaient les représentants de la société civile dans ou auprès de l'Etat, ils se transforment, avec la décadence du capitalisme, en représentants de l'Etat dans la société civile (le cas le plus évident étant celui des anciens partis ouvriers chargés aujourd'hui d'encadrer la classe ouvrière derrière l'Etat). Les tendances totalitaires de l'Etat s'expriment, y compris dans les pays où subsistent les rouages formels de la démocratie, par une tendance au parti unique qui trouve ses concrétisations les plus nettes lors des convulsions aiguës de la société bourgeoise : 'Union nationale' lors des guerres impérialistes, rassemblement de toutes les forces bourgeoises derrière les partis de gauche dans les périodes révolutionnaires, (...).

5) La tendance au parti unique trouve rarement son achèvement complet dans les pays les plus développés. Les USA, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Scandinavie n'ont jamais connu un tel achèvement. Lorsque ce fut le cas en France, sous le régime de Vichy, c'était essentiellement lié à l'occupation du pays par l'armée allemande. Le seul exemple historique d'un pays pleinement développé où cette tendance soit parvenue à son terme est celui de l'Allemagne (pour des raisons que la Gauche communiste a depuis longtemps analysées). (...) Si, dans les autre pays avancés, les structures politiques et les partis traditionnels se sont maintenus, c'est qu'ils se sont révélés suffisamment solides du fait de leur implantation ancienne, de leur expérience, de leur lien avec la sphère économique, de la force des mystifications qu'ils colportaient, pour assurer la stabilité et la cohésion du capital national face aux difficultés qu'ils ont affrontées (crise, guerre, luttes sociales)." (ibid.) En particulier, l'état de l'économie de ces pays, la puissance conservée par la bourgeoisie classique, ne nécessitaient ni ne permettaient l'adoption de mesures "radicales" d'étatisation du capital que seules les structures et les partis dits "totalitaires" sont en mesure de mettre en oeuvre.

6) "Mais ce qui n'existe qu'à l'état d'exception, dans les pays les plus développés, est la règle dans les pays arriérés dans la mesure où il n'existe aucune des conditions qu'on vient d'énumérer et où ces pays sont ceux qui subissent le plus violemment les convulsions de la décadence capitaliste". (Ibid.)

Ainsi, dans les anciennes colonies ayant accédé à l'"indépendance" au cours du 20e siècle (notamment après la seconde guerre mondiale), la constitution d'un capital national a été, le plus souvent, réalisée par et autour de l'Etat, en général sous la conduite, en l'absence d'une bourgeoisie autochtone, d'une intelligentsia formée dans les universités européennes. Dans certaines circonstances, on a même pu voir la juxtaposition, et la coopération, de cette nouvelle bourgeoisie d'Etat avec les vestiges d'anciennes classes exploiteuses pré-capitalistes.

"Dans le lot des pays arriérés, ceux de l'Est occupent une place particulière. Aux facteurs directement économiques expliquant le poids qu'y occupe le capitalisme d'Etat se superposent des facteurs historiques et géopolitiques : les circonstances de la constitution de l'URSS et de son empire. (ibid.)

7) L'Etat capitaliste en URSS se reconstitue sur les décombres de la révolution prolétarienne. La faible bourgeoisie de l'époque tsariste a été complètement éliminée par la révolution de 1917 (...) et par l'échec des armées Blanches. De ce fait, ce n'est ni elle, ni les partis traditionnels qui prennent en charge en Russie même l'inévitable contre-révolution résultant de la défaite de la révolution mondiale. Cette tâche est dévolue à l'Etat qui a surgi après la révolution et qui a rapidement absorbé le parti bolchevik (...). Par ce fait, la classe bourgeoise s'est reconstituée, non à partir de l'ancienne bourgeoisie (sinon de façon exceptionnelle et individuelle) ni à partir d'une propriété individuelle des moyens de production, mais à partir de la bureaucratie du Parti-Etat et de la propriété étatique de ces moyens de production. En URSS, le cumul des facteurs : arriération du pays, débandade de la bourgeoisie classique, écrasement physique de la classe ouvrière (la contre-révolution et la terreur qu'elle subit étant à la mesure de son avancée révolutionnaire), ont donc amené la tendance universelle au capitalisme d'Etat à ses formes les plus extrêmes : l'étatisation presque complète de l'économie, la dictature totalitaire du parti unique. N'ayant plus à discipliner les différents secteurs de la classe dominante ni à composer éventuellement avec les intérêts économiques de ceux-ci, puisqu'il a complètement absorbé la classe dominante, qu'il s'est confondu totalement avec elle, l'Etat a pu donc se passer définitivement des formes politiques classiques de la société bourgeoise (démocratie et pluralisme) y compris comme fiction. (ibid. p. 5 et 6)

8) La même brutalité, la centralisation extrême, avec lesquelles le régime de l'URSS exerce son pouvoir sur la société, se retrouvent dans la façon dont cette puissance établit et conserve sa domination sur l'ensemble des pays de son bloc. C'est uniquement par la force des armes que l'URSS se constitue un empire, soit au cours même de la seconde guerre mondiale (mainmise sur les pays baltes et l'Europe centrale), soit lors des différentes guerres d'"indépendance nationale" qui font suite à celle-ci (comme c'est le cas de la Chine ou du Nord-Vietnam, par exemple), ou bien encore à l'occasion de coups d'Etat militaires (Egypte en 1952, Ethiopie en 1974, Afghanistan en 1978, par exemple). De même, l'utilisation de la force armée (Hongrie en 1956, Tchécoslovaquie en 1968, Afghanistan en 1979, par exemple), ou bien la menace de cette utilisation, constitue la forme pratiquement exclusive du maintien de la cohésion de son bloc.

9) Au même titre que la forme de son capital national et de son régime politique, ce mode de domination impérialiste résulte fondamentalement de la faiblesse économique de l'URSS (dont l'économie est plus arriérée que celle de la plupart de ses vassaux).

"Pays de loin le plus développé de son bloc, première puissance économique et financière du monde, les USA s'assurent leur domination sur les principaux pays de leur empire, qui sont aussi des pays pleinement développés, sans faire appel à tout bout de champ à la force militaire, de la même façon que ces pays n'ont pas besoin de la répression permanente pour assurer leur stabilité. (...) C'est de façon 'volontaire' que les secteurs dominants des principales bourgeoisies occidentales adhèrent à l'alliance américaine : ils y trouvent des avantages économiques, financiers, politiques et militaires (le parapluie américain face à l'impérialisme russe)." (Ibid. p. 7.) En revanche, l'appartenance d'un capital national au bloc de l'Est se traduit en général pour son économie par un handicap catastrophique (du fait, notamment, du pillage direct de cette économie exercé par l'URSS). "En ce sens, il n'existe pas parmi les principaux pays du bloc US de 'propension spontanée' à passer dans l'autre bloc comme on a pu le constater dans l'autre sens (changement de camp de la Yougoslavie en 1948, de la Chine à la fin des années 1960, tentatives de la Hongrie en 1956, de la Tchécoslovaquie en 1968)." (ibid.) La permanence de forces centrifuges au sein du bloc russe, explique donc la brutalité de la domination impérialiste qui s'y exerce. Elle explique également la forme des régimes politiques qui dirigent ces pays.

10) "La force et la stabilité des USA leur permet de s'accommoder de l'existence de toutes les formes de régimes au sein de leur bloc : du régime 'communiste' chinois au très 'anti-communiste' Pinochet, de la dictature militaire turque à la très 'démocratique' Angleterre, de la république française bicentenaire à la monarchie féodale saoudienne, de l'Espagne franquiste à l'Espagne social-démocrate." (Ibid.) En revanche, "le fait que l'URSS (...) ne puisse maintenir son emprise sur son bloc que par la force armée détermine le fait que ses satellites soient dotés de régimes qui, tout comme le sien, ne peuvent maintenir leur emprise sur la société que par la même force armée (police et institution militaire)" (ibid.). En outre, c'est uniquement des partis staliniens que l'URSS peut attendre un minimum (et encore !) de fidélité dans la mesure où, en règle générale, l'accession et le maintien au pouvoir de ces partis dépendent, pour l'essentiel, du soutien direct de l'Armée rouge. "De ce fait, (...) si le bloc américain peut parfaitement 'gérer' la 'démocratisation' d'un régime fasciste ou militaire quand cela devient utile (Japon, Allemagne, Italie, au lendemain de la guerre ; Portugal, Grèce, Espagne, dans les années 1970), l'URSS ne peut s'accommoder d'aucune "démocratisation" au sein de son bloc." (Ibid.) Un changement de régime politique dans un pays "satellite" porte avec lui la menace directe du passage de ce pays dans le bloc adverse.

11) Le renforcement du capitalisme d'Etat est une donnée permanente et universelle de la décadence capitaliste. En revanche, cette tendance, comme on l'a vu, ne s'exprime pas nécessairement sous la forme de l'étatisation complète de l'économie, l'appropriation directe par l'Etat de l'appareil productif. Dans certaines circonstances historiques, cette dernière constitue l'unique voie possible pour le capital national, ou la formule la plus adaptée à sa défense et à son développement. C'est principalement valable pour les économies arriérées, mais, dans certaines conditions (les périodes de reconstruction, par exemple), c'est également valable pour des économies développées, comme celles de la Grande-Bretagne et de la France au lendemain de la seconde guerre mondiale. Cependant, cette forme particulière du capitalisme d'Etat comporte de graves inconvénients pour l'économie nationale.

Dans les pays les plus arriérés, la confusion entre l'appareil politique et l'appareil économique permet et engendre le développement d'une bureaucratie entièrement parasitaire, dont la seule préoccupation est de se remplir les poches, de piller de façon systématique l'économie nationale en vue de se constituer des fortunes colossales : les cas de Battista, Marcos, Duvalier, Mobutu, sont bien connus, mais ils sont loin d'être les seuls. Le pillage, la corruption et le racket sont des phénomènes généralisés dans les pays sous-développés et qui affectent tous les niveaux de l'Etat et de l'économie. Cette situation constitue évidemment un handicap supplémentaire, pour ces économies, qui contribue à les enfoncer toujours plus dans le gouffre.

Dans les pays avancés, la présence d'un fort secteur étatisé tend également à se convertir en handicap pour l'économie nationale à mesure que s'aggrave la crise mondiale. En effet, dans ce secteur, le mode de gestion des entreprises, leurs structures d'organisation du travail et de la main d'oeuvre, limitent bien souvent leur adaptation à la nécessaire augmentation de la compétitivité. "Serviteurs de l'Etat", vestales du "service public", jouissant la plupart du temps de la garantie de l'emploi et assurés que leur entreprise (l'Etat lui-même) ne peut faire faillite et fermer ses portes, la couche des fonctionnaires, même lorsqu'elle ne pratique pas la corruption, n'est pas nécessairement la plus capable de s'adapter aux lois impitoyables du marché. Dans la grande vague de "privatisations" qui affecte à l'heure actuelle la plupart des pays occidentaux avancés, il faut voir, par conséquent, non seulement un moyen de limiter l'étendue des conflits de classe en remplaçant le patron unique, l'Etat, par une multitude de patrons, mais aussi un moyen de renforcer la compétitivité de l'appareil productif.

12) Dans les pays à régime stalinien, le système de la "Nomenklatura", où les responsabilités économiques, dans leur presque totalité, sont liées essentiellement à la place occupée dans l'appareil du parti, développe à une échelle bien plus vaste encore les obstacles à une amélioration de la compétitivité de l'appareil productif. Alors que l'économie "mixte", existant dans les pays développés d'Occident, contraint quelque peu les entreprises publiques et même les administrations, à un souci minimal de productivité et de rentabilité, la forme de capitalisme d'Etat prévalant dans les pays à régime stalinien a pour caractéristique de déresponsabiliser complètement la classe dominante. Face à une mauvaise gestion, la sanction du marché n'existe plus et les sanctions administratives ne sont pas monnaie courante dans la mesure où c'est tout l'appareil, de haut en bas, qui manifeste une telle irresponsabilité. Fondamentalement, la condition du maintien des privilèges, c'est la servilité vis-à-vis de la hiérarchie de cet appareil ou vis-à-vis de telle ou telle de ses cliques. La préoccupation première de la grande majorité des "responsables", tant économiques que politiques (et ce sont en général les mêmes), n'est pas de faire fructifier le capital, mais de mettre à profit leur poste pour remplir leurs poches, ainsi que celles de leur famille et de leurs affidés, sans le moindre soucis de la bonne marche des entreprises ou de l'économie nationale. Un tel mode de "gestion" n'exclut pas, évidemment, une exploitation féroce de la force de travail. Mais cette férocité ne concerne pas en général l'imposition de normes de travail permettant d'augmenter la productivité. Elle se manifeste essentiellement dans le niveau du vie misérable des ouvriers et la brutalité avec laquelle il est répondu à leurs revendications.

En fin de compte, on peut caractériser ce type de régime comme le règne des fayots, des petits chefs incompétents et hargneux, des prévaricateurs cyniques, des magouilleurs sans scrupule et des flics. Ces caractéristiques appartiennent à toute la société capitaliste et ne font que se renforcer avec sa décomposition, mais, lorsqu'elles se substituent complètement à la compétence technique, à l'exploitation rationnelle de la force de travail et à la recherche de la compétitivité sur le marché, elles compromettent de façon radicale les performances d'une économie nationale.

Dans ces conditions, les économies pour la plupart déjà considérablement arriérées de ces pays, sont particulièrement mal armées pour affronter la crise capitaliste et l'exacerbation de la concurrence qu'elle provoque sur le marché mondial.

13) Face à la faillite totale de l'économie de ces pays, la seule issue permettant à celle-ci non pas d'accéder à une réelle compétitivité, mais de garder au moins la tête hors de l'eau, consiste en l'introduction de mécanismes permettant une véritable responsabilisation de ses dirigeants. Ces mécanismes supposent une "libéralisation" de l'économie, la création d'un marché intérieur qui en soit un, une plus grande "autonomie" des entreprises et le développement d'un fort secteur "privé". C'est d'ailleurs bien le programme de la "perestroïka", comme celui du gouvernement Mazowiecki en Pologne et de Deng Xiaoping en Chine. Cependant, bien qu'un tel programme devienne de plus en plus indispensable, sa mise en application comporte des obstacles pratiquement insurmontables.

En premier lieu, un tel programme implique l'instauration de la "vérité des prix" sur le marché ; ce qui veut dire que les produits de consommation courante, et même de première nécessité - qui, aujourd'hui, sont subventionnés - sont appelés à monter de façon vertigineuse : les augmentations de 500% qu'on a vues en Pologne en août 1989 donnent une idée de ce qui attend la population, et particulièrement la classe ouvrière. L'expérience passée (et même présente) de cette même Pologne fait la preuve qu'une telle politique peut provoquer des explosions sociales violentes compromettant sa mise en application.

En deuxième lieu, ce programme suppose la fermeture des entreprises "non rentables" (qui sont légion) ou bien des réductions très sensibles de leurs effectifs. Le chômage (qui, à l'heure actuelle, est un phénomène marginal) se développera de façon massive, ce qui constitue une nouvelle menace pour la stabilité sociale dans la mesure où le plein emploi était une des rares garanties dont disposaient encore les ouvriers et constituait un des moyens de contrôle d'une classe ouvrière excédée par ses conditions d'existence. Encore plus que dans les pays occidentaux, le chômage massif risque de se transformer en véritable bombe sociale.

En troisième lieu, l'"autonomie" des entreprises se heurte à la résistance acharnée de toute la bureaucratie économique dont la raison d'être officielle est de planifier, organiser et contrôler l'activité de l'appareil productif. L'inefficacité notable dont elle a fait preuve jusqu'à présent dans cette mission pourra, en revanche, céder la place à une efficacité redoutable dans le sabotage des "réformes".

14) Enfin, l'apparition, à côté de la bourgeoisie d'Etat, d'une couche de "managers" à l'occidentale, réellement capables de valoriser le capital investi, va constituer pour la première (qui est intégrée dans l'appareil du pouvoir politique) une concurrence inacceptable. Le caractère essentiellement parasitaire de son existence sera mis à nu de façon impitoyable, ce qui menacera, à terme, non seulement son pouvoir, mais aussi l'ensemble de ses privilèges économiques. Pour le parti, comme un tout, dont la raison d'être réside dans la mise en application et la direction du "socialisme réel" (selon la constitution polonaise, c'est "la force dirigeante de la société dans la construction du socialisme"), c'est tout son programme, son identité-même qui seront remis en cause.

L'échec patent de la "perestroïka" de Gorbatchev, comme d'ailleurs de toutes les précédentes réformes allant dans la même direction, rend compte de façon éclairante de ces difficultés. En fait, la mise en oeuvre effective de telles "réformes" ne peut conduire qu'à un conflit ouvert entre les deux secteurs de la bourgeoisie, la bourgeoisie d'Etat et la bourgeoisie "libérale" (même si cette dernière se recrute également dans une partie de l'appareil d'Etat). La conclusion brutale de ce conflit, telle qu'on l'a vue récemment en Chine, donne une image des formes qu'il peut revêtir dans les autres pays à régime stalinien.

15) De la même façon qu'il existe un lien étroit entre la forme de l'appareil économique et la structure de l'appareil politique, la réforme de l'un se répercute nécessairement sur l'autre. La nécessité d'une "libéralisation" de l'économie trouve son expression dans le surgissement au sein du parti, ou en dehors de celui-ci, de forces politiques qui se font les porte-parole de cette nécessité. Ce phénomène engendre de fortes tendances à la scission au sein du parti (comme l'hypothèse en a récemment été évoquée par un membre de la direction du parti hongrois) de même qu'à la création de formations "indépendantes" se réclamant de façon plus ou moins explicite du rétablissement des formes classiques du capitalisme, comme c'est le cas pour Solidarnosc( [95]2).

Une telle tendance à l'apparition de plusieurs formations politiques, avec des programmes économiques différents, porte avec elle la pression en faveur de la reconnaissance légale du "multipartisme" et du "droit d'association", d'élections "libres", de la "liberté de la presse", en bref, des attributs classiques de la démocratie bourgeoise. De plus, une certaine liberté de critique, l'"appel à l'opinion publique", peuvent être des leviers pour "déboulonner" les bureaucrates "conservateurs" qui s'accrochent. C'est pour cela que, en règle générale, les "réformateurs" sur le plan économique le sont aussi sur le plan politique. C'est pour cette raison que la "perestroïka" s'accompagne de la "glasnost". En outre, la "démocratisation", y compris l'apparition de forces politiques d'"opposition", peut, dans certaines circonstances comme en Pologne en 1980 et en 1988, comme en URSS aujourd'hui, constituer une diversion et un moyen d'encadrement face à l'explosion du mécontentement de la population, et particulièrement de la classe ouvrière. Ce dernier élément constitue, évidemment, un facteur supplémentaire de pression en faveur des "réformes politiques".

16) Cependant, de même que la "réforme économique" s'est donnée des tâches pratiquement irréalisables, la "réforme politique" comporte de bien faibles chances de succès. Ainsi, l'introduction effective du "pluripartisme" et d'élections "libres", qui est la conséquence logique d'un processus de "démocratisation", constitue une menace véritable pour le parti au pouvoir. Comme on l'a vu récemment en Pologne, et dans une certaine mesure également en URSS l'an passé, de telles élections ne peuvent conduire qu'à la mise en évidence du complet discrédit, de la véritable haine, qui s'attachent au Parti au sein de la population. Dans la logique de telles élections, la seule chose que le Parti puisse en attendre est donc la perte de son pouvoir. Or c'est quelque chose que le Parti, à la différence des partis "démocratiques" d'Occident, ne peut pas tolérer du fait que :

  • s'il perdait le pouvoir par les élections, il ne pourrait jamais, contrairement à ces autres partis, le reconquérir par ce moyen ;
  • la perte de son pouvoir politique signifierait concrètement l'expropriation de la classe dominante puisque son appareil EST justement la classe dominante.

Alors que dans les pays à économie "libérale" ou "mixte", où se maintient une classe bourgeoise classique, directement propriétaire des moyens de production, le changement du parti au pouvoir (à moins justement qu'il ne se traduise par l'arrivée d'un parti stalinien) n'a qu'un faible impact sur ses privilèges et sa place dans la société, un tel événement dans un pays de l'Est signifie, pour la grande majorité des bureaucrates, petits et grands, la perte de leurs privilèges, la mise au chômage, et même des persécutions de la part de leurs vainqueurs. La bourgeoisie allemande a pu s'accommoder du "kaiser", de la république social-démocrate, de la république conservatrice, du totalitarisme nazi, de la république "démocratique" sans que soit remis en cause l'essentiel de ses privilèges. En revanche, un changement de régime en URSS signifierait dans ce pays la disparition de la bourgeoisie sous sa forme actuelle en même temps que celle du parti. Et si un parti politique peut se suicider, prononcer son auto dissolution, une classe dominante et privilégiée, elle, ne se suicide pas.

17) C'est pour cela que les résistances qui se manifestent, au sein de l'appareil des partis staliniens des pays de l'Est, contre les réformes politiques, ne peuvent être réduites à la crainte éprouvée par les bureaucrates les plus incompétents de perdre leurs postes et leurs privilèges. C'est le parti comme corps, comme entité sociale et comme classe dominante qui s'exprime à travers ces résistances.

Par ailleurs, ce que nous écrivions il y a neuf ans : "tout mouvement de contestation risque de cristalliser l'énorme mécontentement qui existe au sein d'un prolétariat et d'une population soumis depuis des décennies à la plus violente des contre-révolutions", reste valable aujourd'hui. En effet, si les "réformes démocratiques" ont pour un de leurs objectifs de servir de soupape de sécurité à la colère énorme qui existe dans la population, elles comportent aussi le risque de permettre l'émergence de cette colère sous forme d'explosions incontrôlables. Lorsque les manifestations de mécontentement ne sont plus immédiatement passibles d'un écrasement sanglant et d'emprisonnements massifs, elles risquent de s'exprimer ouvertement et violemment. Lorsque la pression est devenue trop forte dans la marmite, la vapeur qu'on veut faire échapper par la soupape risque de faire sauter le couvercle.

Dans une certaine mesure, les grèves de l'été dernier en URSS constituent une illustration de ce phénomène. Dans un autre contexte que celui de la "perestroïka", l'explosion de combativité ouvrière n'aurait pu s'étendre de cette façon ni pour une telle durée. Il en est de même pour ce qui concerne l'explosion présente de mouvements nationalistes dans ce pays et qui met en évidence le danger que la politique de "démocratisation " risque de faire courir à l'intégrité territoriale même de la deuxième puissance mondiale.

18) En effet, dans la mesure même où le facteur pratiquement unique de cohésion du bloc russe est la force armée, toute politique tendant à faire passer au second plan ce facteur porte avec elle l'éclatement du bloc. Dès à présent, le bloc de l'Est nous présente le tableau d'une dislocation croissante. Par exemple, les invectives entre l'Allemagne de l'Est et la Hongrie, entre les gouvernements "réformateurs" et les gouvernements "conservateurs", ne sont nullement du cinéma. Elles rendent compte des réels clivages qui sont en train de s'établir entre les différentes bourgeoisies nationales. Dans cette zone, les forces centrifuges sont tellement fortes qu'elles se déchaînent dès qu'on leur en laisse l'occasion. Et aujourd'hui, cette occasion s'alimente des craintes suscitées au sein des partis dirigés par les "conservateurs" que le mouvement parti d'URSS, et qui s'est amplifié en Pologne et en Hongrie, ne vienne, par contagion, les déstabiliser.

C'est un phénomène similaire qu'on retrouve dans les Républiques périphériques de l'URSS. Ces régions sont en quelque sorte des colonies de la Russie tsariste ou même de la Russie stalinienne (par exemple les pays baltes annexés suite au pacte germano-soviétique de 1939). Mais, contrairement aux autres grandes puissances, la Russie n'a jamais pu procéder à une décolonisation car cela aurait signifié pour elle la perte définitive de tout contrôle de ces régions qui, pour certaines d'entre elles, sont en plus très importantes du point de vue économique. Les mouvements nationalistes qui, à la faveur du relâchement du contrôle central du parti russe, s'y développent aujourd'hui avec près d'un demi-siècle de retard par rapport aux mouvements qui avaient affecté les empires français ou britanniques, portent avec eux une dynamique de séparation d'avec la Russie.

En fin de compte, si le pouvoir central de Moscou ne réagissait pas, nous assisterions à un phénomène d'explosion, non seulement du bloc russe, mais également de sa puissance dominante. Dans une telle dynamique, la bourgeoisie russe, qui, aujourd'hui, domine la deuxième puissance mondiale, ne serait plus à la tête que d'une puissance de second plan, bien plus faible que l'Allemagne, par exemple.

19) Ainsi, la "perestroïka" a ouvert une véritable boîte de Pandore en créant des situations de plus en plus incontrôlables, comme celle, par exemple, qui vient de s'instaurer en Pologne avec la constitution d'un gouvernement dirigé par Solidarnosc. La politique "centriste" (comme la définit Eltsine) de Gorbatchev est en réalité un exercice de corde raide, d'équilibre instable entre deux tendances dont la confrontation est inévitable : celle qui veut aller jusqu'au bout du mouvement de "libéralisation" parce que les demi-mesures ne peuvent rien résoudre, ni sur le plan économique, ni sur le plan politique, et celle qui s'oppose à ce mouvement dans la crainte qu'il ne provoque la chute de la forme actuelle de la bourgeoisie et même l'effondrement de la puissance impérialiste de la Russie.

Dans la mesure où, à l'heure actuelle, la bourgeoisie régnante dispose encore du contrôle de la force policière et militaire (y compris évidemment en Pologne), cette confrontation ne peut conduire qu'à des affrontements violents, et même à des bains de sang, comme celui qu'on vient de voir en Chine. Et de tels affrontements seront d'autant plus brutaux que depuis plus d'un demi-siècle pour l'URSS, et depuis près de 40 ans pour ses "satellites", se sont accumulées des quantités incroyables de haine de la part des populations à l'égard de la camarilla stalinienne synonyme de terreur, de massacres, de tortures, de famines et d'une arrogance cynique phénoménale. Si la bureaucratie stalinienne perdait le pouvoir dans les pays qu'elle contrôle, elle serait victime de véritables pogroms.

20) Mais quelle que soit l'évolution future de la situation dans les pays de l'Est, les événements qui les agitent actuellement signent la crise historique, l'effondrement définitif du stalinisme, cette monstruosité symbole de la plus terrible contre-révolution qu'ait subie le prolétariat.

Dans ces pays s'est ouverte une période d'instabilité, de secousses, de convulsions, de chaos, sans précédent dont les implications dépasseront très largement leurs frontières. En particulier, l'effondrement qui va encore s'accentuer du bloc russe ouvre les portes à une déstabilisation du système de relations internationales, des constellations impérialistes, qui étaient sorties de la seconde guerre mondiale avec les accords de Yalta. Cela ne veut pas dire cependant que soit d'une quelconque façon remis en cause le cours historique aux affrontements de classes. En réalité, l'effondrement actuel du bloc de l'Est constitue une des manifestations de la décomposition générale de la société capitaliste dont l'origine se trouve justement dans l'incapacité pour la bourgeoisie d'apporter sa propre réponse, la guerre généralisée, à la crise ouverte de l'économie mondiale. En ce sens, plus que jamais, la clé de la perspective historique se trouve entre les mains du prolétariat.

21) Cette responsabilité du prolétariat mondial, les événements actuels dans les pays de l'Est confirment bien qu'elle repose principalement sur ses bataillons des pays centraux, et particulièrement ceux d'Europe occidentale. En effet, dans la perspective des convulsions économiques et politiques, des affrontements entre secteurs de la bourgeoisie qui attendent les régimes staliniens, le danger existe que les ouvriers de ces pays ne se laissent embrigader et même massacrer derrière l'une des forces capitalistes en présence (comme ce fut le cas en Espagne en 1936), ou même que leurs luttes soient dévoyées sur un tel terrain. Les luttes ouvrières de l'été 1989 en URSS, malgré leur caractère massif et la combativité qu'elles révèlent, n'ont pas aboli l'énorme retard politique qui pèse sur le prolétariat de ce pays et du bloc qu'il domine. Dans cette partie du monde, du fait de l'arriération économique du capital lui-même, mais surtout du fait de la profondeur et de la brutalité qu'y a prises la contre-révolution, les ouvriers sont encore particulièrement vulnérables face aux mystifications et pièges démocratiques, syndicalistes et nationalistes. Par exemple, les explosions nationalistes de ces derniers mois en URSS, mais aussi les illusions qu'ont révélées les luttes récentes dans ce pays de même que le faible niveau présent de conscience politique des ouvriers en Pologne, malgré l'importance des combats qu'ils ont menés depuis deux décennies, constituent une nouvelle illustration de l'analyse du CCI sur cette question (rejet de la théorie du "maillon faible", cf. Revue Internationale, n° 31). En ce sens, la dénonciation, dans la lutte, de l'ensemble des mystifications démocratiques et syndicalistes par les ouvriers des pays centraux, du fait notamment de l'importance des illusions que se font sur l'Occident les ouvriers des pays de l'Est, constituera un élément fondamental de la capacité de ces derniers de déjouer les pièges que la bourgeoisie ne manquera pas de leur tendre, de ne pas se laisser détourner de leur terrain de classe.

22) Les événements qui agitent à l'heure actuelle les pays dits "socialistes", la disparition de fait du bloc russe, la faillite patente et définitive du stalinisme sur le plan économique, politique et idéologique, constituent le fait historique le plus important depuis la seconde guerre mondiale avec le resurgissement international du prolétariat à la fin des années 60. Un événement d'une telle ampleur se répercutera, et a déjà commencé à se répercuter, sur la conscience de la classe ouvrière, et cela d'autant plus qu'il concerne une idéologie et un système politique présentés pendant plus d'un demi-siècle par tous les secteurs de la bourgeoisie comme "socialistes" et "ouvriers". Avec le stalinisme, c'est le symbole et le fer de lance de la plus terrible contre-révolution de l'histoire qui disparaissent. Mais cela ne signifie pas que le développement de la conscience du prolétariat mondial en soit facilité pour autant, au contraire. Même dans sa mort, le stalinisme rend un dernier service à la domination capitaliste : en se décomposant, son cadavre continue encore à polluer l'atmosphère que respire le prolétariat. Pour les secteurs dominants de la bourgeoisie, l'effondrement ultime de l'idéologie stalinienne, les mouvements "démocratiques", "libéraux" et nationalistes qui bouleversent les pays de l'Est constituent une occasion en or pour déchaîner et intensifier encore leurs campagnes mystificatrices. L'identification systématiquement établie entre communisme et stalinisme, le mensonge mille fois répété, et encore plus martelé aujourd'hui qu'auparavant, suivant lequel la révolution prolétarienne ne peut conduire qu'à la faillite, vont trouver avec l'effondrement du stalinisme, et pendant toute une période, un impact accru dans les rangs de la classe ouvrière. C'est donc à un recul momentané de la conscience du prolétariat, dont on peut dès à présent - notamment avec le retour en force des syndicats - noter les manifestations, qu'il faut s'attendre. Si les attaques incessantes et de plus en plus brutales que le capitalisme ne manquera pas d'asséner contre les ouvriers vont les contraindre à mener le combat, il n'en résultera pas, dans un premier temps, une plus grande capacité pour la classe à avancer dans sa prise de conscience. En particulier, l'idéologie réformiste pèsera très fortement sur les luttes de la période qui vient, favorisant grandement l'action des syndicats.

Compte tenu de l'importance historique des faits qui le déterminent, le recul actuel du prolétariat, bien qu'il ne remette pas en cause le cours historique, la perspective générale aux affrontements de classes, se présente comme bien plus profond que celui qui avait accompagné la défaite de 1981 en Pologne. Cela dit, on ne peut en prévoir à l'avance l'ampleur réelle ni la durée. En particulier, le rythme de l'effondrement du capitalisme occidental - dont on peut percevoir à l'heure actuelle une accélération avec la perspective d'une nouvelle récession ouverte - va constituer un facteur déterminant du moment où le prolétariat pourra reprendre sa marche vers la conscience révolutionnaire. En balayant les illusions sur le "redressement" de l'économie mondiale, en mettant à nu le mensonge qui présente le capitalisme "libéral" comme une solution à la faillite du prétendu "socialisme", en dévoilant la faillite historique de l'ensemble du mode de production capitaliste, et non seulement de ses avatars staliniens, l'intensification de la crise capitaliste poussera à terme le prolétariat à se tourner de nouveau vers la perspective d'une autre société, à inscrire de façon croissante ses combats dans cette perspective. Comme le CCI l'écrivait déjà après la défaite de 1981 en Pologne, la crise capitaliste reste le meilleur allié de la classe ouvrière.



(1) [96] Le fait que, dans un certain nombre de pays de l'Est, il existe plusieurs partis (dans la très "orthodoxe" RDA, il n'y en a pas moins de cinq, dont un parti "libéral" et un parti "chrétien-démo­crate") ne change évidemment rien à la réalité que c'est le parti sta­linien qui détient la totalité du pouvoir, les autres partis n'étant que des appendices et des "faire-valoir".

(2)  [97]C'est ainsi qu'au sein de la direction du parti en Pologne, cer­tains se réclament de la "Social-Démocratie", qu'au bureau poli­tique du parti Hongrois, il se trouve un Imre Pozsgay, candidat dé­signé à l'élection présidentielle prévue en 1990, pour déclarer qu'"il est impossible de réformer la pratique communiste existant actuelle­ment en Union soviétique et en Europe de l'Est... Ce système doit être liquidé". De même, l'apparatchik Boris Eltsine, ancien chef du PC pour Moscou, déclare aux Américains que l'URSS doit apprendre des Etats-Unis et Mazowiecki, dans le discours d'investiture de son gouvernement, ne parle pas une seule fois de "socialisme".

Vie du CCI: 

  • Prises de position du CCI [89]

Courants politiques: 

  • Gauche Communiste [81]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [51]

Conseils de lecture

  • 3068 lectures

TEXTES DU CCI

1) Caractère prolétarien d'Octobre

  • "Défense du caractère prolétarien d'octobre"; Internacionalismo novembre 1965 et Bulletin d'Etude et de Discussion n°4.
  • "Russie 1917, début de la révolution mondiale"; en brochure.

2) Période de transition

  • "Etat et dictature du prolétariat"; Revue Internationale n°8 (décembre 1976).
  • "Résolution sur la période de transition"; Revue Internationale N°11 (septembre 1977).
  • "L'Etat dans la période de transition"; Revue Internationale n°15 (septembre 1978);
  • "La période de transition du capitalisme au socialisme"; Brochure.

3) Perspective du communisme

  • "La perspective du communisme"; série d'articles dans Révolution Internationale N° 60, 62, 63, 64 (avril à août 1979).

4) Sur le capitalisme d'Etat et la nature de l'URSS

  • "Sur le capitalisme d'Etat";  Bulletin d'études et de discussion n°10 et 11 (décembre 1974 et janvier 1975).
  • "Le capitalisme d'Etat et la loi de la valeur"; Révolution Internationale n°3 et N°5.
  • "L'évolution du capitalisme et la nouvelle perspective"; Internationalisme n°46 (été 1952) et Bulletin d'études et de discussion n°8 (1974).
  • "Le Trotskisme contre la classe ouvrière"; Brochure.

LIVRES HORS CCI

1) La Révolution russe

  • "Histoire de la révolution russe"; Trotsky - Ed. Seuil
  • "10 jours qui ébbranlèrent le monde"; J. Reed - Ed Sociales
  • "La révolution bolchévique"; Carr (3 tomes) - Ed. Minuit
  • "La révolution russe"; R. Luxembourg - Ed. Spartacus
  • "Réponse à Lénine 1920"; Gorter - reprint Ed. Spartacus
  • "Histoire du bolchévisme"; A. Rosemberg - Ed. Grasset
  • "Lénine"; G. Walter - Ed. Albin Michel
  • "Moscou sous Lénine"; A.Rosmer - Ed. Maspéro
  • "Le dernier combat de Lénine" (contre Staline); M.Lewin - Ed. Minuit

2) La contre révolution stalinienne et la nature de l'URSS

  • "Staline"; B. Souvarine - Ed. Champ libre
  • "De Lénine à Staline"; L. Schapiro - Ed. Gallimard
  • "16 fusillés à Moscou : Zinoviev, Kamenev." V. Serge - Ed. Spartacus
  • "Hongrie 1956 - les conseils ouvriers"; A. Anderson - Ed. Spartacus
  • "10 ans au pays du mensonge déconcertant"; A. Ciliga - Ed. Champ libre
  • "Communisme et question russe" Barrot - Ed. La tête de feuille.
  • "Parti-Etat, Stalinisme, Révolution" Munis - Ed. Spartacus
  • "Les rapports de production en URSS" Chaulieu - Ed. 10/18, n° 751
  • "Structure économique et sociale de la Russie d'aujour'hui" A. Bordiga, Ed. L'Oubli/Programa
  • "Russie et révolution dans la théorie marxiste" A. Bordiga - Ed. Spartacus

3) La période de transition

  • "Les conseils ouvriers" A. Pannekoek - Ed. Spartacus
  • "Fondements de la production et de la distribution communiste" J. Appel (non publié en français).
  • "L'Etat et la révolution" Lénine, Editions sociales
  • "Programme de Spartacus", Editions Spartacus
  • "Problèmes économiques de la période de transition" Boukharine, Ed. EDI.

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