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Révolution Internationale n° 340 - novembre 2003

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Une seule issue à la faillite du capitalisme : la lutte de classe !

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"Prolétaires, serrez-vous la ceinture ! Travaillez plus, plus longtemps, soignez-vous moins et moins bien ! Etc." Dans tous les pays, c'est le même discours qui est tenu aux ouvriers, et les mêmes attaques qui leur sont portées à travers l'adoption de "réformes" qu'il fallait, nous dit-on, "avoir le courage de prendre". Dans quel but ? Afin de "sauver l'accès pour tous à une retraite digne, aux soins, etc." Au-delà de nuances exprimées pour la forme, la gauche aussi bien que la droite soutiennent ces paroles hypocrites destinées à faire passer une pilule amère pour la classe ouvrière. Toutes les deux sont en faveur de ces attaques et c'est de façon très conséquente qu'elles en assument la mise en place lorsqu'elles se trouvent au gouvernement, au moment où il s'impose de les prendre.
Un tel constat est tout à fait conforme à la nature bourgeoise de ces partis. Si des "réformes" sont nécessaires, c'est-à-dire s'il faut diminuer les dépenses affectées à l'entretien de la force de travail, c'est bien dans l'intérêt de l'économie nationale contre celui de la classe ouvrière, en vue de maintenir la compétitivité nationale sur l'arène internationale. C'est encore la même logique qui est à l'œuvre lorsque, face à la contraction du marché mondial, les entreprises se débarrassent d'une partie de leurs effectifs alors que, dans le même temps, des mesures sont prises partout pour revoir à la baisse les conditions d'indemnisation du chômage. Ici aussi, droite et gauche sont en phase : après les attaques contre l'indemnisation du chômage, au printemps dernier, par l'Etat allemand, gouverné par la gauche, c'est au tour de l'Etat français, gouverné par la droite, de radier par milliers des ouvriers des listes du chômage, en application d'une loi adoptée quelques mois auparavant.
L'évolution de la situation économique ne laisse pas d'autre choix à la bourgeoisie de chaque pays que d'attaquer toujours davantage les conditions de vie des prolétaires, ce qui à terme ne peut qu'aggraver la crise. En effet, la misère croissante dans laquelle la classe ouvrière est plongée va aussi constituer une entrave à l'exploitation, et donc à l'accumulation capitaliste, pour la simple et bonne raison qu'un ouvrier affaibli par l'âge, la maladie ou la sous-alimentation peut d'autant moins être productif qu'un ouvrier en bonne santé. C'est là une illustration de l'impasse totale dans laquelle se trouve le capitalisme. Le phénomène du chômage massif croissant en constitue une autre, plus frappante encore. En rejetant du processus de production une partie de ceux-là mêmes qui constituent la source presque exclusive du profit, la bourgeoisie se prive de la richesse que pourrait procurer leur exploitation. En quelque sorte, elle scie la branche sur laquelle elle est assise. Alors que la fonction historique du capitalisme avait été, pendant toute sa phase ascendante jusqu'au début du 20e siècle, d'étendre les rapports de production capitalistes à l'ensemble de la planète, à travers un formidable développement des forces productives et de la classe ouvrière, ce système constitue au contraire, depuis qu'il est entré dans sa phase de décadence, une entrave croissante à un tel développement. Ainsi donc, le phénomène planétaire du chômage massif, celui de la désindustrialisation des pays les plus développés, n'ont d'autre cause que la crise irréversible du capitalisme.
Les contradictions insurmontables de ce système l'entraînent à sa perte, et avec lui l'humanité tout entière. En effet, la crise économique constitue le soubassement de toutes les autres calamités qui menacent aujourd'hui la survie de l'humanité :
- depuis l'entrée du capitalisme dans la période de décadence au début du 20e siècle, la guerre et le militarisme expriment, avant tout, la fuite en avant des différents pays face à l'impasse économique dans un marché mondial saturé ; ils sont devenus le mode de vie permanent du capitalisme comme en attestent les deux guerres mondiales et la chaîne ininterrompue des conflits locaux, de plus en plus destructeurs, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ;
- dans sa fuite en avant, le capitalisme imprime sa marque à toutes les sphères de l'activité humaine, y inclus ses rapports avec la nature. C'est ainsi que, pour maintenir ses profits, il se livre massivement, depuis plus d'un siècle, au saccage et au pillage à grande échelle de l'environnement. Si bien qu'aujourd'hui, sous l'effet de l'accumulation de pollutions de tous ordres, le désastre écologique constitue une menace tangible pour l'écosystème de la planète.
Afin d'éviter que l'aggravation de la crise et des attaques ne favorise au sein de la classe ouvrière une remise en cause en profondeur du système, la bourgeoisie tente de semer des illusions dans la tête des prolétaires sur les bienfaits d'une future reprise qui aurait comme condition "d'accepter les sacrifices aujourd'hui afin que cela aille mieux demain". Cette vieille rengaine nous est servie régulièrement par la bourgeoisie depuis les années 1970, et depuis lors la situation n'a cessé de se dégrader ! Ses fractions de gauche et d'extrême gauche s'emploient à intoxiquer la conscience des prolétaires en proclamant que des solutions sont possibles au sein du capitalisme, notamment en redonnant à l'Etat le rôle plus central que le libéralisme lui aurait confisqué. Une telle mystification ne résiste pas à la réalité présente où c'est l'Etat lui-même, avec à sa tête des gouvernements de gauche comme de droite, qui orchestre les attaques les plus massives contre la classe ouvrière depuis la fin des années soixante.
La classe ouvrière ne peut et ne doit compter que sur ses propres forces (et ses organisations révolutionnaires, aussi réduites soient elles aujourd'hui), pour avancer dans la voie d'une résistance croissante, à travers la lutte, aux attaques capitalistes et prendre conscience de la nécessité de renverser ce système. Ce n'est qu'ainsi qu'elle sera en mesure de s'affirmer comme la seule force dans la société à même de présenter une autre perspective à l'humanité que l'impasse et la barbarie capitalistes.

Luc (23 octobre)

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La décadence du capitalisme [1]
  • La lutte Proletarienne [2]

Battage autour des 35 heures : la droite continue le sale boulot de la gauche

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Empêtré dans ses déficits publics, le ministre français délégué au budget, Alain Lambert, a relancé récemment la polémique au sujet des 35 heures. Selon lui, certains de ses collègues de la majorité et même quelques socialistes hésitants, la réduction du temps de travail mise en œuvre par le gouvernement Jospin en 1998 et 1999 a déstabilisé l'économie, désorganisé les entreprises, poussé les ouvriers à l'oisiveté pour finalement creuser les déficits publics.
Immédiatement, la gauche a fait entendre sa voix en défendant l'efficacité de sa politique sur l'emploi et la satisfaction d'une majorité d'ouvriers, et en dénonçant une droite libérale prête à détruire ce prétendu grand acquis social.
De leur côté, certains membres du gouvernement de droite, Chirac en tête, ont eux-aussi rapidement réagi pour clairement affirmer que les lois Aubry ne seraient pas remises en cause.
Cette dernière réaction n'est pas plus étonnante que la première : en effet, bien loin de pousser les ouvriers à l'oisiveté et les entreprises à la faillite, les lois Aubry ont au contraire pleinement répondu aux nécessités d'adaptation des entreprises à la crise économique.
Le nom du concept est en lui-même parlant : les lois Aubry ne parlent pas de réduction du temps de travail en tant que telle, mais également, et même en premier lieu, d'aménagement du temps de travail. Et pour cause : le fameux "challenge" des 35 heures tenait dans la possibilité offerte aux entreprises de profiter de ces lois pour réorganiser leurs cycles de production et accroître la flexibilité du travail tout en en réduisant le coût.
Une des façons d'y parvenir est l'annualisation du temps de travail. Cette technique permet en effet d'adapter le temps de travail des ouvriers à la fluctuation de la production : ainsi, les ouvriers peuvent cumuler jusqu'à 48 heures par semaine en période pleine, et ne travailler que de 20 à 28 heures par semaine en période creuse. De cette façon, il n'est plus nécessaire de recourir aux heures supplémentaires pendant le "coup de feu", ni d'utiliser du personnel en deçà de sa productivité maximale lors des périodes plus creuses. Le travail s'adapte alors pleinement au rythme des commandes : c'est ce qu'on appelle la "flexibilité".
Par conséquent, lorsque les lois Aubry contingentaient les heures supplémentaires, ce n'était pas pour contenir les excès du patronat, mais bien pour rester en cohérence avec l'objectif général du dispositif et inciter les entreprises à l'adopter rapidement, en transformant les heures supplémentaires en temps de travail normal, compensé par un repos forcé quand le carnet de commande se vide.
Par ailleurs, les lois Aubry ont aménagé le SMIC, c'est-à-dire le salaire minimum : d'un minimum horaire universel, on est arrivé à cinq modulations selon la date du passage aux 35 heures et les modalités de leur mise en œuvre. A cette mesure s'est ajouté le blocage des salaires sur plusieurs années, censé compenser l'effort fait pour réduire le temps de travail. Le travail s'adapte et, d'un point de vue global, il coûte moins cher.
Dès lors, on comprend que la droite ne soit pas encline à revenir sur ce "progrès", un progrès pour la bourgeoisie qui dispose grâce à ces lois d'une force de travail souple et disponible à la demande sans surcoût. Le résultat à ce jour est d'ailleurs plutôt satisfaisant : pour un coût "modique" d'environ 5 milliards d'euros, la gauche a réussi à inverser une tendance de l'économie en relançant la productivité à la hausse dès 1999 et à maintenir cette hausse jusqu'à aujourd'hui (source : INSEE, comptes nationaux).
Certes, il y a les fameuses "journées ARTT" offertes en contrepartie à certains ouvriers touchés par le dispositif. Mais ces journées ne sont d'ailleurs "données" en contrepartie que dans les secteurs où l'annualisation n'a pas été mise en place. La plupart du temps, il s'agit de secteurs où le niveau de production fluctue assez peu (comme dans l'administration), et où les gains de productivité peuvent plus facilement être atteints par une intensification du rythme sur un temps de travail plus court, compensé par un blocage des salaires. C'est également dans ces secteurs que l'hypothèse est développée de "capitaliser" ces journées ARTT sur des "compte épargne temps", ce qui repousse la réduction effective du temps de travail sine die, quand cette "épargne" pourra être liquidée, c'est-à-dire en général au moment de la retraite.
Finalement, comment donner tort à Martine Aubry, lorsqu'elle affirme que "les 35 heures n'ont donc pas déstabilisé notre économie, ni désorganisé nos entreprises" ? (Le Monde du 9 octobre 2003). En créant les 35 heures, la gauche a mis en œuvre une des plus importantes attaques sur les conditions de travail des ouvriers depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Et cette attaque a payé, puisqu'elle a permis aux entreprises d'augmenter de façon significative leur taux d'exploitation.
En dehors de critiques quasiment isolées, la droite n'a aucunement l'intention, comme elle l'a très clairement dit, de remettre en cause ces dispositions. Au contraire, sur cette base, elle entend bien prolonger l'attaque : après la "journée de solidarité" qui va forcer les ouvriers à travailler un jour de plus pour financer l'aide aux personnes âgées dépendantes, la bourgeoisie se prépare à intensifier les mesures liées aux 35 heures et destinées à accroître l'exploitation : après avoir instauré la flexibilité et le blocage des salaires, la classe dominante va maintenant revenir sur les "jours ARTT" et les limitations du recours aux heures supplémentaires non payées : le beurre avec l'argent du beurre.
Pourquoi aller encore plus loin, alors que les 35 heures ont montré leur efficacité en l'état ? Parce que pendant ce temps, la crise du capitalisme ne cesse de s'aggraver. Dès lors, toutes les solutions, aussi efficaces qu'elles puissent paraître, n'ont qu'une efficacité limitée, tant en ampleur que dans le temps. Il faut donc chaque fois que la bourgeoisie trouve le moyen de frapper un peu plus fort sur la classe ouvrière pour tenir sous la pression croissante de la crise.
Face à cette attaque, il ne faut pas tomber dans le piège de la défense des 35 heures. Il s'agit bien de la même attaque, venant du même ennemi : la bourgeoisie qui, de gauche comme de droite, fait payer au prolétariat le désastre que son système en crise répand sur la planète.

G. (21 octobre)

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [3]

Récent et en cours: 

  • Crise économique [4]

Comment "Lutte Ouvrière" regrette l'âge d'or du stalinisme

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Quand Lutte Ouvrière rend hommage à ses frères d'armes, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'y va pas par quatre chemins. Ainsi, dans son éditorial du 19 septembre 2003, Arlette Laguiller, après avoir salué chaleureusement la sempiternelle fête de l'Humanité qui "a été, une fois de plus un succès", faisant remarquer au passage que "le PCF reste capable de réunir plusieurs centaines de milliers de participants à sa fête, qui est toujours la plus importante des fêtes populaires organisées par un parti politique", en arrive à ce brillant requiem : "Ce n'est cependant pas sur la base de sa politique actuelle que le PCF a conquis une telle audience qui, pendant longtemps, a fait sa force. La politique de sa direction dilapide, au contraire, le crédit que le PCF a hérité du passé(…)".
Quel est ce donc ce "crédit hérité du passé" dont nous parle LO ? Il est à mettre entièrement au compte de la bourgeoisie, mais certainement pas de la classe ouvrière ! Quel était donc cet âge d'or du PCF que regrette tant LO ? Là où son audience était à son comble et sa force sans commune mesure avec la période actuelle, c'est, bien sûr, l'époque bénie des dieux pour la bourgeoisie des années 1930-1940, celles des années sombres de la contre révolution, quand il était "minuit dans le siècle" pour la classe ouvrière. Une période où le PCF s'est révélé un ardent défenseur du capital national doublé d'un féroce prédateur de la classe ouvrière comme en témoigne sa politique active d'embrigadement du prolétariat dans la Seconde Guerre mondiale au nom de l'antifascisme. Les grandes heures du PCF ont aussi été celles de la Résistance et de la Libération où il pouvait donner la pleine mesure de son hystérie chauvine en scandant "A chacun son Boche !" et "Vive la France éternelle !" tout en massacrant impitoyablement tous ceux qui refusaient de marcher derrière le drapeau national en les accusant d'être des "hitléro-trotskistes". Souvenons-nous également des fameux "Retroussez vos manches !" ou "la grève est l'arme des trusts !", lancés par Thorez dans l'immédiat après-guerre à une classe ouvrière exsangue, frappée par la pénurie alimentaire et que l'on poussait encore à se sacrifier pour la "reconstruction nationale". C'était encore ce plus fidèle et zélé apôtre de la contre-révolution stalinienne, bourreau et exploiteur patenté de plusieurs générations de prolétaires (voir notre brochure Comment le PCF est passé au service du capital) qui prit ainsi largement sa part dans la chasse aux révolutionnaires orchestrée par la Guépéou et dont fit notamment les frais à Paris en 1937 le fils aîné de Trotsky, Léon Sédov. C'est donc avec l'aplomb le plus écoeurant que LO, tout en se faisant le supporter de Duclos et de ses tueurs à gages, se proclame en même temps digne héritière de Trotsky.
Voilà sur quoi repose "le crédit que le PCF a hérité du passé" et qui lui vaut l'honneur d'être rangé au Panthéon bourgeois des plus zélés serviteurs du capital. Si LO fait l'éloge d'un si redoutable ennemi de la classe ouvrière, c'est parce que celui-ci bénéficie frauduleusement depuis la fin des années 1920 du prestige de l'héritage de la révolution d'Octobre et de l'Internationale communiste de mars 1919. Et c'est bien entendu sur cette monumentale escroquerie que s'appuie LO pour poursuivre son entreprise de mystification pour le compte de la bourgeoisie auprès de la classe ouvrière.
Entre autres multiples exemples, dans son éditorial du 21 novembre 1998, LO montait déjà au créneau pour défendre la mémoire de feu Georges Marchais (dernier dinosaure stalinien français et légataire de Thorez) contre ses détracteurs posthumes. Pour LO, ce que ces derniers ne supportaient pas, "c'est ce qui rattachait Marchais au mouvement ouvrier et au mouvement communiste." En faisant la promotion prétendument "ouvrière" de Marchais, LO réaffirmait son soutien sans faille aux régimes capitalistes d'Etat staliniens tout en apportant sa contribution à la campagne idéologique de toute la bourgeoisie pour semer la confusion entre la contre-révolution stalinienne et la révolution communiste. Une fois de plus aujourd'hui, en exhumant le fabuleux passé stalinien du PCF, il s'agit de perpétuer ce qui reste du plus grand mensonge du 20e siècle et de confisquer aux ouvriers leur histoire et leur perspective révolutionnaire. Toujours fidèle à elle-même et à son camp, celui de la bourgeoisie, LO nous montre une fois de plus qu'elle sait reconnaître les siens et les défendre.

Azel (13 octobre)

Situations territoriales: 

  • Vie de la bourgeoisie en France [5]

Courants politiques: 

  • Trotskysme [6]

Les zigzags opportunistes du PCI - "Le Prolétaire"

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Dans le numéro 468 du Prolétaire (août-septembre 2003), organe de presse du Parti Communiste International (PCI), nous trouvons un article intitulé "Après les grèves du printemps, se préparer aux luttes futures" dans lequel cette organisation du courant de la Gauche communiste se livre, au passage, à une attaque en règle contre le CCI. Notre organisation y est en effet mise dans le même sac que les organes d'encadrement de l'Etat bourgeois (les syndicats et les groupuscules trotskistes) et est ouvertement dénoncée comme saboteur de la lutte prolétarienne. La réponse que nous apportons dans le présent article se propose de réfuter les "arguments" du PCI et de rétablir la vérité face à ses falsifications calomnieuses.


Mais avant de répondre aux attaques du Prolétaire contre le CCI, il n'est pas inutile d'examiner son analyse du mouvement de grèves du printemps dernier et de s'arrêter au passage sur l'analyse qu'il nous donne aujourd'hui des grèves de décembre 1995.

 

L'incohérence de l'analyse du PCI

Ainsi, dans le numéro 468 du Prolétaire, on peut lire, à propos du mouvement de grèves du printemps dernier : "Par rapport à 1995, il faut cependant noter un fait positif : à l'époque, la grande majorité des grévistes et des participants aux manifestations n'avaient pu se rendre compte du rôle réel des appareils syndicaux et avaient au contraire jugé positivement leur engagement dans la lutte". Et le PCI en tire la conclusion suivante : "le réformisme était ressorti politiquement renforcé de cette grande vague de lutte."
Ainsi, c'est avec huit ans de retard (mais mieux vaut tard que jamais !) que le PCI a fini enfin par comprendre que le mouvement de décembre 1995 n'était pas un remake de mai 1968. En effet, à l'époque, le PCI avait apporté sa petite contribution aux campagnes de la bourgeoisie en affirmant que ce mouvement était "le plus important du prolétariat français depuis la grève générale de mai-juin 1968". (voir Le Prolétaire n°435).

Aujourd'hui le PCI révise son analyse et nous ne pouvons que nous réjouir de l'entendre affirmer que ce n'est pas la classe ouvrière qui a été renforcée par ce mouvement mais bien le réformisme bourgeois (bien qu'il soit dommage qu'une organisation qui a la prétention de se situer à l'avant garde de la classe ouvrière mette huit ans avant de pouvoir adopter une analyse claire !). Néanmoins, il faut quand même signaler que ce ne sont pas seulement les grévistes qui "ont jugé positivement leur engagement dans la lutte". C'est aussi hélas ! le PCI puisque ce dernier, à l'instar de toutes les forces d'encadrement de la bourgeoisie, avait à l'époque présenté cette défaite de la classe ouvrière comme une victoire en saluant la "force" du mouvement qui aurait, à ses dires, imposé un "recul partiel du gouvernement" (Le Prolétaire n°435).
Une organisation révolutionnaire peut se tromper et revoir a posteriori une analyse qu'elle estimait erronée. C'est peut-être le cas pour le PCI concernant le mouvement de grèves de décembre 1995.
Mais lorsqu'on examine son analyse des grèves du printemps dernier contre les attaques du gouvernement Raffarin, on ne peut être que perplexe de découvrir des contradictions qui ne permettent en aucune façon au lecteur de se faire une idée claire de la position du PCI sur ce mouvement. Ainsi, dans le numéro 467 du Prolétaire (juillet-août 2003) nous pouvons lire que "Quelle que soit l'issue du mouvement en cours au moment où nous écrivons, il ne constitue qu'une escarmouche dans l'affrontement social, dans la lutte des classes (…) Mais si cette lutte de classe est menée de façon consciente et scientifiquement organisée du côté de la classe dominante, il n'en est pas de même du côté de la classe dominée (…) Au-delà de l'issue contingente du mouvement actuel (…) un progrès décisif en direction de la reprise de la lutte de classe aura été accompli lorsque des prolétaires d'avant-garde auront su tirer de l'expérience amère des trahisons des prétendus chefs ouvriers et de l'expérience enthousiasmante de la combativité des masses, la conscience et la volonté de s'atteler au travail de réorganisation classiste du prolétariat"
L'analyse que fait le PCI de ce mouvement qualifié à juste raison d'"escarmouche" est malheureusement immédiatement démentie non pas huit ans plus tard (comme ce fut le cas pour son analyse du mouvement de décembre 1995), mais à peine un mois plus tard. En effet, dans le numéro suivant du Prolétaire (août-septembre 2003), le PCI affirme que "Dans ce mouvement du printemps on a vu pour la première fois depuis longtemps des employés de l'Éducation Nationale, des enseignants, se mobiliser et faire grève non pas sur des revendications corporatistes (…) mais en tant que salariés, en tant que prolétaires. Pour la première fois depuis longtemps on a vu les secteurs combatifs essayer de se donner des formes d'organisation nécessaires à leur lutte (souligné par nous) pour contrer les blocages des appareils syndicaux. Il faut saluer et reconnaître ce que cela représente de positif pour les luttes futures (…). C'est dans cette direction, dans la direction indépendante de classe des travailleurs, de l'utilisation des méthodes et des moyens de lutte classistes (souligné par nous) que devra passer et que passera la reprise de la lutte prolétarienne (…) Il appartiendra aux prolétaires d'avant garde, sur la base des bilans des luttes passées, de s'en pénétrer et de s'en faire les vecteurs au sein de la classe."
Ainsi, d'un côté le PCI affirme que les grèves du printemps dernier n'étaient qu'une "escarmouche" puisque, contrairement à la bourgeoisie, la classe ouvrière n'a pas mené la lutte "de façon consciente et scientifiquement organisée", de l'autre il salue le fait que les travailleurs de l'Éducation nationale se soient dotés de "formes d'organisation nécessaires à leur lutte" (et qu'il se sont donc engagés "dans la direction de l'organisation indépendante de classe" !).
Cette analyse à géométrie variable révèle non seulement l'incohérence de la pensée du PCI, mais surtout la vacuité de son analyse.
Et c'est justement parce que le PCI est totalement incapable d'élaborer la moindre analyse du rapport de forces entre les classes qu'il se livre à de telles contorsions. D'ailleurs il reconnaît lui-même l'indigence de sa pensée lorsqu'il écrit dans le numéro 467 du Prolétaire : "En réalité la gouvernement Raffarin était conscient des risques de déclencher des mouvements de protestation et de grève, et il s'est efforcé de préparer le terrain pour faire passer avec un minimum de vagues son projet. Nous n'en ferons pas ici une analyse détaillée" .
Effectivement, si le PCI s'était donné la peine de mener une petite réflexion sur la façon dont le gouvernement a préparé le terrain pour faire passer ses attaques, il aurait peut-être été amené à reconnaître que la bourgeoisie a élaboré une gigantesque manœuvre "scientifiquement organisée" (comme il l'affirme lui-même très justement) pour faire passer l'attaque sur les retraites. Mais la répulsion primaire et viscérale du PCI pour la méthode marxiste consistant à faire une analyse scientifique de la façon dont la bourgeoisie manoeuvre pour affronter la lutte de classe, ne pouvait que le paralyser et le rendre impuissant à faire une "analyse détaillée" des manœuvres de la classe dominante. Le lecteur ne peut que rester sur sa faim. Si le PCI s'était creusé un peu les méninges, il aurait pu éclairer le lecteur et lui démontrer comment, concrètement, le gouvernement Raffarin "s'est efforcé de préparer le terrain pour faire passer avec un minimum de vagues son projet". Peut-être aurait-il alors compris que pour faire passer l'attaque sur les retraites, le gouvernement, avec la complicité des syndicats et des gauchistes, avait réussi à isoler les travailleurs de l'Education nationale en portant une attaque spécifique à ce secteur (la décentralisation) pour noyer l'attaque centrale contre le système des retraites et empêcher une riposte massive et unie de toute la classe ouvrière.

C'est une responsabilité primordiale des révolutionnaires que d'analyser scientifiquement la stratégie manoeuvrière de la bourgeoisie visant à saboter la lutte prolétarienne et à infliger des défaites cuisantes à la classe ouvrière. La démarche sibylline du PCI consistant à dire les choses à moitié, à ne jamais aller jusqu'au bout de son raisonnement, c'est justement celle de l'opportunisme qui a toujours affiché le plus grand mépris pour la théorie et l'approfondissement politique. C'est bien ce mépris propre au matérialisme vulgaire qu'on trouve dans le sarcasme adressé au CCI dans l'article du Prolétaire n°468. Ainsi le CCI aurait "justifié son refus d'appeler les travailleurs à prendre la lutte en main au nom d'une 'savante analyse' selon laquelle on aurait été en présence d'une manoeuvre de la bourgeoisie visant à infliger une défaite cinglante à la classe ouvrière". Ici le PCI ne se contente pas seulement de colporter le grossier mensonge (sur lequel nous reviendrons plus loin) suivant lequel le CCI aurait refusé d'appeler les travailleurs à prendre la lutte en main, mais il se permet encore de faire de l'ironie sur notre "savante analyse" des manœuvres de la bourgeoisie. Quand on est incapable de faire la moindre analyse cohérente comme le révèle les contradictions contenues dans les numéros 467 et 468 du Prolétaire (et c'est d'autant plus grotesque pour une organisation qui se réclame de "l'invariance" de son programme !), on est mal placé pour faire la leçon au CCI. Le PCI n'aime pas les analyses "savantes". C'est le seul "argument" qu'il est capable d'avancer pour réfuter l'analyse du CCI. Le PCI affirme platoniquement que les "prolétaires d'avant-garde" doivent tirer "des bilans des luttes passées" (Le Prolétaire n°468). Ce ne sont malheureusement que des paroles creuses. Quel bilan le PCI peut-il tirer du mouvement du printemps dernier alors qu'il n'est même pas capable aujourd'hui de répondre à cette question élémentaire : cette lutte s'est-elle oui ou non soldée par une défaite pour la classe ouvrière et quelles leçons cette dernière doit-elle en tirer pour ses combats futurs ? Ce B-A/BA du marxisme, le PCI ne l'a, de toute évidence, pas encore assimilé. C'est bien pour cela que, pour cacher l'indigence de sa pensée et l'incohérence de son "analyse", il ne peut que se gausser de la "savante analyse" du CCI. Cela frise l'indécence que de se réclamer du marxisme tout en affichant son mépris pour les "analyses savantes". Pour sa gouverne, il n'est pas inutile de rappeler au PCI que toute sa vie, Marx a bataillé pour donner à la classe ouvrière les instruments théoriques les plus développés, les plus acérés. Comme il le disait lui-même, c'est pour les ouvriers qu'il a écrit Le Capital et tous ses autres textes. De même, il a lutté avec la plus grande énergie contre ceux, notamment les "artisans communistes" (dans la Ligue des Justes), qui méprisaient la réflexion théorique dans le combat du prolétariat 1 [7].

 

Les contorsions opportunistes du PCI

Quant à l'affirmation de nos "artisans communistes" du PCI suivant laquelle les travailleurs de l'Éducation nationale se seraient dotés de "formes d'organisation nécessaires à leur lutte" allant dans la direction d'une "indépendance de classe", elle appelle plusieurs remarques :
- de quelles formes d'organisation s'agissait-il ? Là encore le PCI reste muet, incapable d'en faire la moindre "analyse détaillée". S'il évite de se prononcer clairement c'est encore pour masquer son opportunisme indécrottable sur la question syndicale et son rôle de porteur d'eau du syndicalisme "radical", "à la base";
- en effet, les seules formes d'organisation que nous avons vu apparaître dans ce mouvement (assemblées générales, comités de grève, coordinations) étaient totalement mises en place, contrôlées et dirigés par les syndicats et leurs bases trotskistes. Les AG étaient-elles souveraines ? Les travailleurs en lutte se sont-ils organisés en dehors et contre les syndicats ? Certainement pas ! En se refusant à admettre la réalité des faits, le PCI veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes;
- ce que le PCI dénonce dans sa presse, ce ne sont pas les syndicats et le syndicalisme sous toutes ses formes, mais uniquement les "appareils syndicaux" les "bonzeries syndicales", les "directions syndicales";
- ce faisant, il ne fait rien d'autre que reprendre à son compte le même refrain que les trotskistes. Et c'est justement pour cela qu'il a vu dans ce mouvement des "formes d'organisation nécessaires à la lutte pour contrer les blocages des appareils syndicaux". C'est exactement la position défendue par les amis d'Arlette Laguiller dans le forum qu'il ont tenu à la dernière Fête de LO sur la grève des travailleurs de l'Education nationale. Ce n'est pas un hasard si le PCI (qui était pourtant présent sur les lieux) ne s'est pas donné la peine de faire entendre sa voix dans ce forum pour dénoncer les manœuvres des trotskistes et les "formes d'organisation" (notamment les coordinations) qu'ils avaient mises en place pour les vider de tout contenu de classe et pour empêcher toute tentative de prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes. Faire croire, comme le fait le PCI, que grâce à ces "formes d'organisation", les travailleurs de l'Education nationale se seraient engagés dans la voie de "l'indépendance de classe" est une attitude totalement irresponsable et indigne d'une organisation révolutionnaire. C'est du pur collaborationnisme avec les forces d'encadrement de l'Etat bourgeois !

Lénine disait que "la patience et l'humour sont les principales qualités des révolutionnaires." Pour notre part, nous sommes prêts à donner rendez-vous au PCI dans huit ans : peut-être sera-t-il capable, comme pour le mouvement de décembre 1995, de réviser sa copie et de comprendre que la lutte menée par les travailleurs de l'Éducation nationale était en réalité totalement contrôlée et encadrée par les syndicats et leurs valets trotskistes (et qu'elle n'a pas "renforcé la classe ouvrière" mais le réformisme bourgeois !). Nous ne désespérons pas de voir un jour le PCI surmonter ses ambiguïtés et aller un peu plus loin dans sa réflexion. Avec un peu de chance, peut-être finira-t-il un jour par reconnaître clairement que le mouvement du printemps dernier (tout comme celui de décembre 1995) s'est soldé par une défaite cinglante pour la classe ouvrière qui a permis à la classe dominante, grâce à sa stratégie "consciente et scientifiquement organisée" non seulement de faire passer son attaque sur les retraites, mais encore d'annoncer, sans risque d'explosion sociale, toute une série de mesures anti-ouvrières dès la rentrée de septembre.
Pour notre part, nous estimons que c'est la condition pour que le PCI puisse se hisser à la hauteur de ses ambitions : devenir LE parti "compact et puissant" dont a besoin la classe ouvrière pour remplir sa mission historique de renversement du capitalisme.
Dans la deuxième partie de cet article qui paraîtra dans le prochain numéro de RI, nous répondrons aux calomnies déversées par Le Prolétaire n°468 contre le CCI.

GL


1 [8] C'est sur cette question que s'est produite la rupture entre Marx et Engels d'un côté, et Weitling de l'autre, le 30 mars 1846, lors d'une réunion du comité de correspondance communiste de Bruxelles. Weitling n'était pourtant pas n'importe qui : c'était un des principaux fondateurs de la Ligue des Justes qui devint par la suite la Ligue des Communistes sur mandat de laquelle Marx et Engels ont rédigé rien de moins que le Manifeste communiste. Mais à cette réunion, Weitling avait affirmé que, dans le combat contre la société capitaliste, les ouvriers n'arriveraient à rien par des analyses abstraites (ou des "analyses savantes"). Comme l'écrit un participant à cette réunion : " A ces derniers mots, Marx, absolument furieux, frappa du poing sur la table, si fort que la lampe en trembla et, se levant d'un bond, il s'écria : "Jusqu'à présent l'ignorance n'a jamais servi à personne !'" ( Voir La vie de Karl Marx par Boris Nicolaïevski).

Courants politiques: 

  • Bordiguisme [9]

Répression sanglante en Bolivie : les révoltes interclassistes ne sont pas le terrain de la lutte ouvrière

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Après l'Argentine en 2001/2002, c'est aujourd'hui au tour de la Bolivie d'être le théâtre de sanglantes révoltes "populaires". Avec 70% de la population (constituée de 8,8 millions d'habitants) vivant au dessous du seuil de pauvreté, la Bolivie est l'Etat le plus pauvre de l'Amérique du Sud.

 

La crise économique et sociale en Bolivie

Comme de nombreux pays aujourd'hui, la Bolivie vit sous perfusion des crédits dispensés par le FMI en contrepartie de la mise en place de politiques d'austérité pour rembourser les dettes qui ne cessent de s'accroître. Après l'effondrement de l'économie argentine, manifestation éclatante de la faillite du capitalisme 1 [10], la Bolivie (dont la presse bourgeoise nous dit qu'elle bénéficie d'un programme spécifique d'aide, pour les pays pauvres très endettés) ne cesse pourtant de s'enfoncer dans le marasme. Depuis 1999, le taux de chômage a été multiplié par deux. Dans un contexte où la majorité de la population dispose de moins de 2 dollars par jour, l'exaspération peut basculer à tout moment vers l'explosion sociale. Déjà en janvier-février 2003, l'armée avait réprimé des manifestations ouvrières, faisant plus de 20 morts, suite à l'annonce d'un budget de rigueur et d'un impôt de 12,5 % sur les salaires des 750 000 fonctionnaires que compte le pays.
Cette fois, c'est le projet d'exportation de gaz naturel bolivien vers les Etats-Unis et le Mexique, via le Chili qui a provoqué le soulèvement de la population, les paysans se mobilisant plus particulièrement contre le projet du gouvernement, soutenu par les Etats-Unis, d'éradiquer la culture de la coca. Cette révolte populaire majoritairement paysanne, dans laquelle se sont mêlés des étudiants, des ouvriers de l'enseignement et des mines, a éclaté dans la ville de La Paz, là où siège le gouvernement, et à El Alto, dans la banlieue pauvre de la capitale. Elle s'est ensuite propagée aux principales villes boliviennes. Les affrontements entre la population et l'armée, qui ont duré plus d'un mois, ont donné lieu à un véritable massacre : plus de 80 morts et des centaines de blessés.
Les révolutionnaires ne peuvent que dénoncer une telle barbarie et affirmer leur pleine solidarité, en particulier avec les ouvriers et leurs familles, victimes de cette boucherie. Mais, en même temps, ils doivent affirmer que cette lutte ne constitue pas un renforcement pour le prolétariat dans la mesure où celui-ci a été dilué dans un mouvement de "protestation populaire". La démission du gouvernement de Sanchez de Lozada n'est pas " une victoire pour la Bolivie d'en bas ", comme le titre le journal Libération du 22 octobre, mais une victoire pour les partis de la gauche bourgeoise bolivienne qui ont contrôlé et suscité cette révolte "populaire".

 

Mouvement autonome de classe ou révolte interclassiste ?

Contrairement aux luttes du mois de février, dont la presse bourgeoise a peu parlé, où les ouvriers ont réagi sur leur propre terrain de classe en défense de leurs conditions de vie, cette fois-ci, ils ont été noyés dans un mouvement où ils n'ont aucun intérêt à défendre. C'est la gauche bolivienne qui a entraîné la population et les ouvriers dans la lutte nationaliste pour la défense du gaz bolivien. C'est la centrale ouvrière bolivienne (COB), la confédération syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB) et le mouvement vers le socialisme (MAS) dirigé par Evo Morales (figure de la lutte contre la mondialisation en Amérique du Sud et leader indien défenseur des petits producteurs de feuilles de coca) qui sont responsables de ce bain de sang, au même titre que le gouvernement et son armée. En appelant à manifester sur le thème " le gaz bolivien aux Boliviens " la gauche bolivienne n'a fait que réactiver le séculaire sentiment nationaliste anti-chilien (la Bolivie a perdu au 19e siècle une partie de son territoire et notamment un accès à l'océan Pacifique au profit du Chili, lors d'une guerre opposant ces deux pays) dans la mesure où la construction du gazoduc devait se faire en direction d'un port chilien pour exporter le gaz vers les Etats-Unis 2 [11].
A ce nationalisme abject que la gauche bourgeoise bolivienne répand comme un poison dans la classe ouvrière, il faut ajouter que la question de l'éradication de la coca, même si elle va précipiter encore plus de paysans dans la misère, n'a rien à voir avec le combat de la classe ouvrière, ni en Bolivie ni ailleurs. De même, la convocation prochaine par le nouveau gouvernement bolivien de Carlos Mesa d'une assemblée constituante qui permettrait en fait aux ethnies indiennes d'être beaucoup plus représentées au sein du parlement bourgeois, constitue un renforcement pour la démocratie bourgeoise, mais en aucun cas de la classe ouvrière. C'est dans cette assemblée constituante que seront élaborées, n'en doutons pas, les prochaines mesures d'austérité contre la classe ouvrière au nom de la défense de l'Etat et de la patrie bolivienne.
Ainsi les événements en Bolivie ne représentent en aucune façon une victoire pour le prolétariat mais sont au contraire une victoire pour la démocratie bourgeoise et notamment ses partis de gauche et d'extrême gauche. On ne peut s'empêcher de comparer ce mouvement en Bolivie avec le mouvement de 2001 en Argentine où la classe ouvrière avait été noyée dans un mouvement interclassiste 3 [12].
Ce n'est pas à un mouvement de force du prolétariat entraînant derrière lui les autres couches non-exploiteuses que nous venons d'assister en Bolivie. Au contraire, ce sont notamment les paysans et les "cocaleros" (producteurs de coca), sous l'égide des syndicats et partis de gauche, qui ont dirigé cette révolte. Les ouvriers ont été noyés dans le mouvement dont le résultat ne pouvait être qu'un renforcement de la démocratie bourgeoise.
Dans une révolte "populaire" interclassiste, la classe ouvrière ne peut qu'être utilisée comme chair à canon, ce que vient d'illustrer la récente répression. Sa perspective propre ne peut qu'y être niée. Seule, la lutte autonome du prolétariat, même embryonnaire, ouvre de véritables perspectives et peut représenter une alternative pour les autres couches exploitées de la société.

Donald (24 octobre)


1 [13] Voir l'article : " Révoltes 'populaires' en Argentine : seule l'affirmation du prolétariat sur son terrain de classe peut faire reculer la bourgeoisie [14] " dans notre Revue Internationale n°109, 2e trimestre 2002.

2 [15] On peut citer à ce sujet une prise de position que nous avons reçue ces jours derniers sur " La Révolte bolivienne " d'un groupe argentin qui vient de surgir, le "Nucleo Comunista International : "On a beau essayer de présenter cette "guerre pour le gaz" pour ce qu'elle n'est pas, celle-ci n'a aucun contenu prolétarien ni la moindre tendance vers une perspective contre le capitalisme décadent (…) La nationalisation ou étatisation des puits de gaz, ou la modification de la loi sur les hydrocarbures, tout cela ne signifie absolument pas socialisation des forces productives. Ce sont des politiques de l'Etat capitaliste pour prendre en charge, conserver et maintenir les lois de base du capitalisme et de l'exploitation. "

3 [16] Comme le signale encore le groupe argentin "Nucleo Comunista Internacional" :"Les événements de Bolivie ont une grande ressemblance avec ceux d'Argentine en 2001, dans lesquels le prolétariat s'est retrouvé noyé non seulement sous les mots d'ordre de la petite-bourgeoisie, mais encore sous le fait que de tels "mouvements populaires" ont, dans le cas de l'Argentine, comme dans celui de la Bolivie, une tendance assez réactionnaire lorsqu'ils posent la question de la reconstruction de la nation, ou celle d'expulser les "gringos" et réclament que les ressources naturelles reviennent à l'Etat bolivien."

Géographique: 

  • Amérique Centrale et du Sud [17]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Le "Front Uni" [18]

Courrier de lecteur : l'incapacité chronique de l'anarchisme à comprendre la lutte de classe

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Nous publions ci-dessous des extraits d'un courrier de lecteur qui entreprend de défendre l'anarcho-syndicalisme aujourd'hui et le combat de la CNT durant la guerre d'Espagne en 1936-1939. Nous nous limiterons dans notre réponse aux questions essentielles que soulève ce courrier.

"( …) il est très difficile de dire à des collègues qui ont perdu un mois de salaire environ que ce mouvement isolé a été nocif, mais c'est aussi avec cette sincérité-là que nous pourrons faire reculer la Poste sur ses projets de désorganisation. Il ne s'agit pas de condamner le jusqu'au boutisme comme vous le faites mais de cerner, dès le départ, les revendications sans occulter la stratégie de l'employeur. Ceci en mettant en place tous les principes qui font la force de la démocratie directe (AG souveraines, mandatés révocables sur des revendications précises, syndiqués ou non). C'est ce que tentent de faire les anarcho-syndicalistes partout où ils sont présents. Ce n'est pas la révolution tous les jours mais c'est un moyen de vivre ses idées et de participer au sabotage du profit capitaliste.
Enfin, il serait juste de rappeler que la CNT espagnole a mené le plus loin le mouvement d'auto-émancipation humaine jamais réalisé au XXe siècle en 1936-39, même s'il faut y soulever toutes ses insuffisances. Pour ma part, l'anarcho-syndicalisme n'entre pas en contradiction avec le mouvement des conseils mais doit le favoriser (...)".

 

NOTRE REPONSE

Concernant les luttes ouvrières et l'intervention des révolutionnaires dans ces luttes, notre lecteur fait référence à une grève dans un centre de tri postal de l'agglomération rouennaise dont nous nous étions fait l'écho de façon critique dans RI n° 329 daté de décembre 2002 et qui avait déjà suscité un précédent courrier de lecteur auquel nous avions répondu dans RI n° 333.
Certes, nous ne pouvons qu'approuver quelques remarques de ce lecteur. C'est vrai qu'il n'est pas facile "de dire à des collègues qui ont perdu un mois de salaire environ" dans une grève que ce mouvement a été nocif parce qu'il est resté isolé. Nous sommes totalement d'accord avec lui quand il ajoute que dire la vérité aux autres ouvriers est pourtant le seul moyen de faire reculer la bourgeoisie. Cependant nous nous demandons pourquoi il ne reste pas conséquent avec cette affirmation en nous reprochant aussitôt après "de condamner le jusqu'au boutisme".
Pour nous, le jusqu'au boutisme "est nocif pour la lutte" précisément parce qu'il pousse la lutte dans l'isolement et ne peut entraîner que la défaite la plus amère et démoralisante. Et nous devons toujours avoir la sincérité de dire cette vérité-là à tous les ouvriers.
Notons qu'avec ces propos contradictoires, il est difficile de savoir ce que pense vraiment notre lecteur des positions défendues par le CCI dans cette grève.
Mais les contradictions de notre lecteur sont pourtant révélatrices d'une divergence de point de vue. Le CCI, dans ses prises de position et ses interventions, se revendique clairement du marxisme et de sa méthode. Notre lecteur se réclame, lui, ouvertement de l'anarchisme et plus précisément de l'anarcho-syndicalisme dont il cherche à défendre les positions.
Certes, l'anarchisme se prétend révolutionnaire et proclame bien haut et fort sa volonté de changer le monde. Cependant, l'anarchisme et le marxisme s'opposent sur deux aspects essentiels : d'une part, sur la vision du but à atteindre, c'est-à-dire pour quelle transformation de la société nous nous battons et, d'autre part, sur la conscience du monde dans lequel nous vivons qui implique de comprendre par quels moyens parvenir à le transformer.

 

Ce qui sépare le marxisme et l'anarchisme

Sur le premier point, l'anarchisme se fourvoie sur toute la ligne quant à la perspective de ce qu'est une société sans classes quand il réclame fondamentalement une société égalitaire dont les rapports sociaux seraient fondés sur la liberté individuelle et des principes fédéralistes entre diverses communautés autonomes. Le marxisme se bat dans une tout autre perspective car il a une autre compréhension de la société communiste : il s'agit d'un stade supérieur d'accomplissement de l'humanité. L'organisation même de la société communiste, parce qu'elle est conditionnée par la satisfaction des besoins humains ne peut être assumée que collectivement et de façon centralisée.
Sur le second point, le marxisme met en avant que nous vivons dans une société de classes, une société d'exploitation et que la lutte de classe est le seul moteur possible du combat prolétarien contre la bourgeoisie pour renverser l'exploitation, là où l'anarchisme ne comprend pas la place centrale de la classe ouvrière dans les rapports de production et son rôle historiquement révolutionnaire qui porte en lui l'émancipation des chaînes de l'exploitation pour toute l'humanité. L'anarchisme, au lieu de considérer qu'il existe un rapport de forces entre des classes sociales, préconise pour tout un chacun de se battre avant tout contre des rapports d'autorité d'où qu'ils viennent.
Ce que ne comprennent pas en particulier les anarchistes, c'est la nature révolutionnaire, et par conséquent la dimension politique essentielle du prolétariat comme classe, qui est à la fois fossoyeur du capitalisme et porteur d'un autre projet de société. Les anarcho-syndicalistes séparent les revendications économiques et la dimension politique et, de ce fait, enferment les ouvriers sur un terrain purement revendicatif en les empêchant de faire le lien avec la dimension politique de leurs luttes. Cela revient à ne pas comprendre la nécessité de la révolution prolétarienne, à ne pas reconnaître le rôle émancipateur du prolétariat dans la société. Les marxistes ont toujours combattu le vieux fonds de commerce de l'anarchisme selon lequel la révolution pouvait se décréter. Rosa Luxembourg en particulier a consacré toute une brochure, Grève de masses, parti et syndicats, essentiellement dirigée contre la vision de la grève générale prônée à la fois par Bakounine (vieux credo récurrent du viatique anarchiste) et par tout le courant réformiste au sein de la 2e Internationale. Elle met en avant, à travers l'exemple vivant de 1905 en Russie, la dynamique de la grève de masses qui démontre l'interaction constante entre revendications économiques et affirmation du prolétariat sur le terrain politique. Chaque lutte porte inévitablement à la fois des revendications économiques immédiates et un niveau de réflexion et de maturité politique. Les notions et les principes abstraits mis en avant par l'anarchisme tels que la démocratie directe, le sabotage du profit capitaliste, leurs recettes sur la grève générale ne renvoient pas seulement à une terminologie particulière mais relèvent d'une conception de la lutte par des actions individuelles ou minoritaires totalement étrangère au marxisme. Cela a des répercussions qui ne restent pas dans le domaine abstrait mais qui sont éminemment pratiques.

 

L'anarcho-syndicalisme s'oppose au développement de la lutte ouvrière

L'évolution du capitalisme depuis son entrée en décadence au début du siècle précédent, n'a fait que confirmer l'incapacité pour le prolétariat d'obtenir des conquêtes durables sur le plan économique.
C'est pourquoi la défense de ses intérêts immédiats acquiert d'emblée une dimension politique pour la classe ouvrière, allant dans le sens d'une remise en question de la société capitaliste. Ce qui entraîne non seulement la faillite historique du syndicalisme du point de vue de la défense des intérêts prolétariens mais condamne irrémédiablement celui-ci à être totalement intégré dans les rouages de l'Etat capitaliste et à assumer une fonction essentiellement mystificatrice d'encadrement et de sabotage des luttes ouvrières au service du capitalisme.
Nous ne partageons nullement l'appréciation de notre lecteur qui estime que "l'anarcho-syndicalisme n'entre pas en contradiction avec le mouvement des conseils" et même "le favoriserait". Même si nous accordons une importance de premier ordre aux assemblées générales et au caractère souverain des décisions qu'elles prennent, nous n'y donnons pas du tout le même sens et n'y mettons pas le même contenu que l'anarchisme. Ce n'est pas parce qu'elles seraient l'expression d'un quelconque besoin abstrait d'un "principe de démocratie directe" mais parce qu'elles sont la forme spontanée dans laquelle s'exprime le développement de la lutte de classe, elles sont l'expression de la classe en lutte qui se rassemble et s'organise de façon unitaire et qui tente de se donner les moyens d'affronter la bourgeoisie.
Les AG ne portent pas en soi la conscience de classe mais expriment en fait un degré tout à fait variable de maturité et de conscience. Ce niveau se traduit à travers leurs discussions et leurs décisions concrètes, leurs perspectives, les délégués révocables qu'elles élisent. Elles sont l'expression à un moment donné de la dynamique unitaire et collective de la classe, de la grève de masse. Les AG, parce qu'elles sont une condition indispensable de l'affirmation révolutionnaire du prolétariat en lutte, ouvrent la possibilité de développer la dynamique d'extension de la lutte, la conscience des enjeux et l'unité de la classe au-delà des divisions corporatistes ou sectorielles. Et c'est dans les moments les plus forts de cette dynamique d'extension de la lutte et de confrontation avec son ennemi de classe dans les périodes révolutionnaires, que le prolétariat est capable de s'organiser en conseils ouvriers. Cette expression unitaire et collective de la lutte s'oppose en réalité à la conception fédéraliste des anarchistes. C'est pourquoi les AG et les conseils ouvriers représentent tout autre chose pour le prolétariat qu'un instrument au service d'un simple "sabotage du profit capitaliste". Il ne s'agit pas de réduire les luttes et leurs AG comme le font la plupart du temps les anarcho-syndicalistes à une accumulation additionnelle de grèves juxtaposées, une fédération de grèves autonomes, chacune mobilisée autour de ses propres revendications, quand ils ne la réduisent pas à une couverture falsificatrice qui sert tout bonnement aux agissements d'une minorité syndicale ou gauchiste. Ainsi, la vision anarchiste participe pleinement à la dénaturation du rôle des AG car elle masque que ces AG, comme les autres organes de la lutte de classe, sont à la fois le lieu et l'enjeu d'une confrontation politique dans laquelle le prolétariat doit affirmer et imposer les besoins de sa lutte contre les entreprises bourgeoises de contrôle et de dévoiement du combat de classe.

 

L'absence de vision historique de l'anarchisme

La révolution n'est pas seulement une affaire de sincérité des individus mais le produit d'un rapport de forces et d'un développement de la conscience de classe au sein de la classe ouvrière dans son ensemble. L'hétérogénéité de cette maturation de la conscience au sein du prolétariat détermine l'engagement et le rôle des organisations révolutionnaires dont la responsabilité essentielle est de toujours mettre en avant et défendre les intérêts communs comme les buts historiques de la classe ouvrière et de ses luttes. La conscience de classe n'est pas le seul produit mécanique du développement ou du reflux des luttes ouvrières mais d'une expérience historique, d'une maturation au sein des conditions sociales, historiques, matérielles à un moment donné.
Si notre lecteur admet qu'il faut tenir compte de l'état du rapport des forces entre les classes en énonçant "qu'il ne s'agit pas de faire la révolution tous les jours", il réintroduit aussitôt par la fenêtre ce qu'il vient de faire sortir par la porte en ajoutant qu'on peut au jour le jour "participer au sabotage du profit capitaliste". Pour l'anarchisme, il s'agit non de se battre collectivement, de développer un rapport de forces en tant qu'exploités contre l'exploitation capitaliste mais de "saboter le profit capitaliste", soit individuellement, soit par une minorité combative et déterminée. De ce fait, pour l'anarchisme, la révolution est possible à tout moment. Pour les marxistes, le combat de classe n'est pas "un combat pour faire vivre ses idées", relevant d'un "libre choix individuel". Contre cette vision totalement idéaliste propre à l'anarchisme, nous affirmons que le combat de classe et l'abolition de l'exploitation capitaliste correspondent à une nécessité matérielle pour le prolétariat, dans un monde où l'histoire de l'humanité se confond jusqu'ici avec l'histoire de la lutte des classes.

L'anarchisme en général, et l'anarcho-syndicalisme en particulier, sont incapables de s'appuyer sur une vision historique. Ce point de vue néglige de tirer les leçons des luttes précédentes et ignore superbement l'expérience historique du mouvement ouvrier, qui est le point d'appui essentiel du marxisme. Les intérêts et les positions de classe sont en fait les produits de l'expérience du mouvement ouvrier, de la maturation de la conscience de classe.
C'est pourquoi l'anarchisme, en se privant de la seule véritable boussole permettant de mener le combat de classe, en est réduit à s'accrocher à des principes abstraits, à une vision moralisante quand il entreprend de s'engager dans ce combat. Les anarchistes agissent à partir de jugements de valeur, de principes moraux parce qu'ils ignorent ou méconnaissent les fondements matériels des principes prolétariens. Les corollaires de l'anarchisme, qu'il porte dans son patrimoine génétique, sont toujours l'immédiatisme et l'activisme.
C'est aussi pourquoi, face aux situations concrètes, les anarchistes choisissent toujours ce qui leur paraît être le moindre mal, ce qui en fonction de leurs critères est la solution ou la voie la moins "autoritaire", ce qui les amène à tomber dans tous les pièges tendus par la bourgeoisie, à choisir la "démocratie" contre le "fascisme" et, comme on l'a vu dans la guerre d'Espagne, à s'enrôler activement dans le camp républicain contre Franco. Autrement dit, ils sont le plus souvent amenés à choisir entre deux fractions bourgeoises, et à se laisser happer par l'une d'elles en désertant et en trahissant le camp du prolétariat.
Nous reviendrons dans la deuxième partie de notre réponse (qui paraîtra dans le prochain numéro de RI) sur les appréciations de notre lecteur concernant la CNT et la guerre d'Espagne pour démontrer que le courant anarchiste n'a pas davantage de boussole face à la guerre impérialiste que dans la lutte de classe et nous mettrons en avant les leçons que doivent en retirer les ouvriers sur le rôle réel joué par la CNT pendant la période 1936-39.

Wim.

Vie du CCI: 

  • Courrier des lecteurs [19]

Courants politiques: 

  • Anarchisme officiel [20]

Perspective du communisme (II) : pourquoi le communisme est nécessaire et possible

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Dans la première partie [21] de cet article, nous avons vu que le communisme n'était pas seulement un vieux rêve de l'humanité ou le simple produit de la volonté humaine, mais qu'il se présentait comme la seule société capable de surmonter les contradictions qui étranglent la société capitaliste. Après un formidable développement des forces productives, le capitalisme est entré dans sa phase de décadence au moment où il a conquis le marché mondial. Depuis, le communisme est devenu une possibilité matérielle. La barbarie permanente, les deux guerres mondiales et aujourd'hui la décomposition de la société même font que le communisme est resté plus que jamais nécessaire : pas seulement pour les progrès de l'humanité mais aussi et surtout pour sa survie même. Aussi, contrairement au discours de ceux qui nous ont annoncé en grandes pompes la "mort du communisme" au moment de l'effondrement du stalinisme, ancien bastion du capitalisme décadent, il est impossible "d'adapter" ou de "réformer" le capitalisme pour le rendre "plus humain". Dans cette deuxième partie, nous allons examiner les conceptions de ceux qui, en admettant une critique du stalinisme, pensent que, de toutes façons la société telle que Marx l'envisageait est impossible à réaliser comme l'illustrerait le déchaînement de l'égoïsme, de la soif de pouvoir et le "chacun pour soi", véritables manifestations d'une prétendue "nature humaine".

La nature humaine

Cette "nature" est un peu comme la pierre philosophale que les alchimistes ont recherchée pendant des siècles. Jusqu'à présent, toutes les études sur les "invariants sociaux" (comme le disent les sociologues), c'est-à-dire sur les caractéristiques du comportement humain valables dans tous les types de société ont fait surtout apparaître à quel point la psychologie et les attitudes humaines étaient variables et liées au cadre social dans lequel s'est développé chaque individu considéré. En fait, s'il fallait définir une caractéristique fondamentale de cette fameuse "nature humaine" qui la distingue de celle des autres animaux, c'est bien l'énorme importance de "l'acquis" par rapport à "l'inné", c'est bien sûr le rôle décisif que joue l'éducation, et donc l'environnement social dans ce qu'est l'homme adulte.

"L'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte ; mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche", remarquait Marx. C'est de façon génétiquement programmée que l'abeille possède l'aptitude de construire des hexagones parfaits, comme le pigeon voyageur de retrouver son nid à 1000 km de distance ou que l'écureuil emmagasine des noisettes qu'il est par la suite incapable de retrouver. Par contre, la forme finale de l'édifice que va concevoir notre architecte sera déterminée bien moins par un quelconque héritage génétique que par toute une série d'éléments qui lui seront fournis par la société dans laquelle il vit. Qu'il s'agisse du type d'édifice qui lui a été commandé, des matériaux et des outils utilisables, des techniques productives des divers corps de métier pouvant participer au produit, des connaissances scientifiques auxquels il doit se conformer, c'est le milieu social qui les détermine.

A côté de cela, la part de ce qui revient à un "inné" transmis génétiquement par les parents de l'architecte se mesure essentiellement au fait que le fruit de leur accouplement n'a pas été une abeille ou un pigeon mais, comme eux, un homme, c'est-à-dire un individu appartenant à l'espèce humaine chez qui, justement, la part de l'acquis entrant dans la formation du sujet adulte est de loin la plus importante.

Il en est de la nature des comportements comme de la nature des produits du travail. Ainsi le vol est un crime, c'est-à-dire une perturbation du fonctionnement de la société qui, si elle était généralisée, deviendrait pour elle catastrophique. Celui qui vole ou plus encore, qui menace, enlève ou tue des personnes est un criminel, un être considéré presque unanimement comme malfaisant, asocial, qu'il s'agit "d'empêcher de nuire" (à moins qu'il ne le fasse dans le cadre des lois existantes, auquel cas son habileté à extorquer la plus-value aux prolétaires sera louée et grassement récompensée et son efficacité dans le massacre de ceux-ci lui vaudra galons et médailles). Mais le comportement "vol" et les criminels "voleurs", "ravisseurs" ou "assassins crapuleux" ainsi d'ailleurs que tout ce qui s'y rapporte : lois, juges, policiers, prisons, films policiers, romans de la "série noire", pourraient-ils exister s'il n'y avait rien à voler parce que tous les biens matériels, de par l'abondance permise par le développement des forces productives, seraient à la libre disposition de tous les membres de la société ? Évidemment non ! Et on pourrait multiplier les exemples illustrant à quel point les comportements, les attitudes, les sentiments, les relations entre les hommes sont déterminés par le milieu social.

Des esprits chagrins objecteront que, s'il existe des comportements asociaux, quelle que soit la forme qu'ils revêtent, en fonction des formes de société, c'est qu'il existe au tréfonds de la "nature humaine" une part d'attitude anti-sociale, d'agressivité contre autrui, de "criminalité potentielle". Et de dire : "Bien souvent le voleur ne l'est pas par nécessité matérielle", "le crime gratuit existe", ou bien, si "les nazis ont pu commettre de telles horreurs, c'est que l'homme porte en lui le mal, lequel s'épanouit pour peu que les conditions lui soient favorables". Mais que signifient de telles objections sinon qu'il n'existe pas une "nature humaine" en soi "bonne" ou "mauvaise", mais bien un homme social dont les multiples potentialités s'expriment différemment suivant les conditions dans lesquelles il vit. Les statistiques à cet égard sont éloquentes : est-ce la "nature humaine" qui devient pire lors des périodes de crise de la société où l'on voit se développer la criminalité et tous les comportements morbides ? Le développement d'attitudes "asociales" chez un nombre croissant d'individus n'est-il pas au contraire l'expression d'une inadéquation croissante de la société existante à l'égard des besoins humains, lesquels, éminemment sociaux, ne trouvent plus à se satisfaire au sein de ce qui justement devient de moins en moins une société, une communauté ?

Les mêmes esprits chagrins ou leurs congénères basent leur rejet de la possibilité du communisme sur l'argument suivant : "Vous parlez d'une société qui satisfera vraiment les besoins humains, mais justement la propriété, le pouvoir sur autrui sont des besoins humains essentiels et le communisme, qui les exclut, est vraiment mal adapté pour une telle satisfaction. Le communisme est impossible parce que l'homme est égoïste".

Le besoin de propriété

Dans l'Introduction à l'économie politique, Rosa Luxemburg décrit les émois des bourgeois anglais qui, lors de la conquête de l'Inde, découvrent des peuples qui ne connaissent pas la propriété privée. Ils se consolaient en se disant que c'étaient des "sauvages", mais ceux-là même à qui toute l'éducation avait appris que la propriété privée est "naturelle" étaient bien embarrassés de constater que c'étaient des "sauvages" qui avaient justement le mode de vie le plus "artificiel". De fait, l'humanité avait "un tel besoin naturel de propriété privée" qu'elle s'en est passée pendant plus d'un million d'années. Et dans bien des circonstances, c'est à coups de massacres, comme ce fut le cas des Indiens cités par Rosa Luxemburg, qu'on fit découvrir aux hommes ce "besoin naturel". Il en est de même d'ailleurs du commerce, forme "naturelle et unique" de circulation des biens et dont l'ignorance par des autochtones scandalisait le colonisateur : indissociable de la propriété privée, il apparaît avec elle et disparaîtra avec elle.

L'idée est également courante que si le profit n'existait pas comme stimulant de la production et de son progrès, si le salaire individuel n'était pas la contrepartie des efforts dépensés par le travailleur, plus personne ne produirait. Effectivement, plus personne ne produirait de façon capitaliste, c'est-à-dire dans un système basé sur le profit et le salariat, où la moindre découverte scientifique doit être "rentable", où le travail, par sa durée, son intensité, sa forme inhumaine est devenu une malédiction pour la très grande majorité des prolétaires. Par contre, le savant qui, par ses recherches, participe au progrès de la technique a-t-il besoin d'un "stimulant matériel" pour travailler ? En général, il est moins payé que le cadre commercial qui lui, ne fait faire aucun progrès à la connaissance. Le travail manuel est-il nécessairement désagréable ? A quoi rimerait alors l'expression "amour du métier" ou l'engouement pour le bricolage et toutes sortes d'activités manuelles qui souvent reviennent fort cher ? De fait, le travail, quand il n'est pas aliéné, absurde, épuisant, quand ses produits ne deviennent pas des forces hostiles aux travailleurs, mais des moyens de satisfaire réellement des besoins de la collectivité, devient le premier besoin humain, une des formes essentielles d'épanouissement des facultés humaines. Dans le communisme, les hommes produiront pour leur plaisir.

Le besoin de pouvoir

De l'existence aujourd'hui généralisée de chefs, de représentants de l'autorité, on déduit qu'aucune société ne peut se passer de chefs, que les hommes ne pourront jamais se passer d'autorité subie ou exercée sur autrui.

Nous ne reviendrons pas ici sur ce que le marxisme a depuis longtemps dit sur le rôle des institutions politiques, sur la nature du pouvoir étatique et qui se résume dans l'idée que l'existence d'une autorité politique, d'un pouvoir de certains hommes sur les autres est le résultat de l'existence dans la société d'oppositions et d'affrontements entre groupes d'individus (les classes sociales) aux intérêts antagoniques.

Une société où les hommes se font concurrence entre eux, où leurs intérêts s'opposent, où le travail productif est une malédiction, où la coercition est permanente, où les besoins humains les plus élémentaires sont foulés aux pieds pour la grande majorité, une telle société a "besoin" de chefs (comme elle a besoin d'ailleurs de policiers ou de religion). Mais qu'on supprime toutes ces aberrations, et on verra si les chefs et le pouvoir sont toujours nécessaires. "Oui, répond l'esprit chagrin, l'homme a besoin de dominer autrui ou d'être dominé. Quelle que soit la société, le pouvoir de certains sur les autres existera". Il est vrai que l'esclave qui a toujours porté des chaînes aux pieds a l'impression qu'il ne pourrait pas s'en passer pour marcher. Mais l'homme libre n'a jamais cette impression. Dans la société communiste, les hommes libres ne feront pas comme ces grenouilles qui voulaient un roi. Le besoin pour les hommes d'exercer un pouvoir sur autrui est le complément de ce que l'on pourrait appeler "la mentalité d'esclave" : l'exemple de l'armée où l'adjudant bête et discipliné est en même temps celui qui aboie en permanence après ses hommes, est à cet égard significatif. De fait, si les hommes ont besoin d'exercer un pouvoir sur d'autres, c'est qu'ils exercent bien peu de pouvoir sur leur propre vie et sur l'ensemble de la marche de la société. La volonté de puissance de chaque homme est à la mesure de son impuissance réelle. Dans une société où les hommes ne sont les esclaves impuissants ni des lois de la nature, ni des lois de l'économie, où ils se libèrent des secondes et utilisent de façon consciente les premières à leurs propres fins, où ils sont des "maîtres sans esclaves", ils n'ont plus besoin de ce piètre ersatz de puissance que constitue la domination d'autres hommes.

Et il en est de l'agressivité comme de la "soif de pouvoir". Face à l'agression permanente d'une société qui marche sur la tête, qui lui impose une angoisse perpétuelle et un refoulement constant de ses propres désirs, l'individu est nécessairement agressif : c'est la simple manifestation, bien connue chez tous les animaux, de l'instinct de conservation. Des psychologues savants affirment que l'agressivité serait une pulsion inhérente à toutes les espèces du règne animal, et ayant besoin de se manifester en toutes circonstances : même si c'est le cas, que les hommes aient l'occasion de l'employer à combattre les obstacles matériels qui entravent un épanouissement chaque jour plus grand, et nous verrons s'ils ont encore besoin de l'exercer contre d'autres hommes !

L'égoïsme de l'homme

Le "chacun pour soi" serait une caractéristique de l'homme. C'est incontestablement une caractéristique de l'homme bourgeois, du "self made man", de celui "qui s'est fait tout seul", mais cela n'est qu'une expression idéologique de la réalité économique du capitalisme et n'a rien à voir avec la "nature humaine". Sinon il faudrait considérer que cette "nature humaine" s'est transformée radicalement depuis le communisme primitif ou même depuis le féodalisme avec sa communauté villageoise. De fait, l'individualisme fait une entrée massive dans le monde des idées quand les petits propriétaires indépendants font leur apparition à la campagne (abolition du servage) et à la ville. Petit propriétaire qui a réussi - notamment en ruinant ses voisins - le bourgeois adhère avec fanatisme à cette idéologie et lui décerne le titre de "naturelle". Par exemple, il ne s'embarrasse pas de scrupules pour faire de la théorie de Darwin une justification de la "lutte pour la vie", de la "lutte de tous contre tous".

Mais avec l'apparition du prolétariat, classe associée par excellence, une faille s'ouvre dans la domination sans partage de l'individualisme. Pour la classe ouvrière, la solidarité est en premier lieu un moyen élémentaire d'assurer une défense élémentaire de ses intérêts matériels. A ce stade du raisonnement, on peut déjà répondre à ceux qui prétendent que "l'homme est naturellement égoïste" : s'il est égoïste, il est également intelligent et la simple volonté de défendre son intérêt bien compris le pousse à l'association et à la solidarité dès que les conditions sociales le permettent. Mais ce n'est pas tout encore : chez cet être social par excellence, la solidarité et l'altruisme sont, tant dans un sens que dans l'autre des besoins essentiels. L'homme a besoin de la solidarité des autres, mais il a autant besoin de leur manifester sa solidarité. Et c'est quelque chose qui se manifeste de façon fréquente dans notre société aussi aliénée qu'elle soit et qui est reconnu de façon simple et courante par l'idée que "chacun a besoin de se sentir utile aux autres". Certains diront que l'altruisme est encore une forme d'égoïsme puisque celui qui le pratique se fait en premier lieu plaisir à lui-même. Soit ! Mais c'est là une autre formulation de l'idée défendue par les communistes qu'il n'y a pas par essence opposition - bien au contraire - entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif. Une opposition entre l'individu et la société se manifeste dans les sociétés d'exploitation, dans les sociétés qui connaissent la propriété privée (c'est-à-dire privée aux autres) et il n'y a rien là que de très logique : comment pourrait-il y avoir harmonie entre, d'une part, des hommes qui subissent l'oppression et, d'autre part, les institutions qui garantissent et perpétuent cette oppression. Dans une telle société, l'altruisme ne peut essentiellement se manifester que sous forme de charité ou sous forme de sacrifice, c'est-à-dire de négation de soi-même, et non comme affirmation, épanouissement communs et complémentaires de soi et de l'autre.

Contrairement à ce que voudrait faire croire la bourgeoisie, le communisme n'est donc pas négation de l'individualité : c'est le capitalisme où le prolétaire devient un appendice de la machine qui opère une telle négation et qui la pousse à l'extrême dans cette expression spécifique de son pourrissement, le capitalisme d'État. Dans le communisme, dans cette société débarrassée de cet ennemi de la liberté par excellence qu'est l'État, dont l'existence est devenue sans objet, c'est le règne de la liberté qui s'instaure pour chaque membre de la société. Parce que c'est socialement que l'homme réalise ses multiples potentialités et parce que disparaît l'antagonisme entre intérêt individuel et intérêt collectif, c'est un champ nouveau qui s'ouvre pour l'épanouissement de chaque individu.

De même, bien loin d'accentuer encore la morne uniformité généralisée par le capitalisme, comme le soutiennent les bourgeois, le communisme, parce qu'il permet de rompre avec une division du travail qui fige chaque individu dans un rôle qui lui colle à la peau toute sa vie durant, est par excellence la société de la diversité. Désormais, tout nouveau progrès de la connaissance ou de la technique n'est plus l'occasion d'une spécialisation encore plus poussée, mais au contraire élargit chaque fois plus le champ des multiples activités à travers lesquelles chaque homme peut s'épanouir ! Comme l'écrivaient Marx et Engels : "Dès l'instant où le travail commence à être réparti, chacun a une sphère d'activité exclusive et déterminée qui lui est imposée et dont il ne peut sortir ; il est chasseur, pêcheur, ou berger ou critique critique, il doit le demeurer s'il ne veut pas perdre ses moyens d'existence ; tandis que dans la société communiste, où chacun n'a pas une sphère d'activité exclusive, mais peut se perfectionner dans la branche qui lui plaît, la société réglemente la production générale, ce qui crée pour moi la possibilité de faire aujourd'hui telle chose, demain telle autre, de chasser le matin, de pêcher l'après midi, de pratiquer l'élevage le soir, de faire de la critique critique après le repas, selon mon bon plaisir, sans jamais devenir chasseur, pêcheur ou critique" (l'Idéologie allemande).

Oui, et n'en déplaise aux bourgeois et à tous les esprits sceptiques ou chagrins, le communisme est fait pour l'homme, l'homme peut vivre dans le communisme et le faire vivre !

Reste un dernier argument à examiner : "Oui le communisme est nécessaire et matériellement possible ! Oui, l'homme pourrait vivre dans une telle société ! Mais il est aujourd'hui tellement aliéné dans la société capitaliste que jamais il n'aura la force de réaliser un aussi gigantesque bouleversement que la révolution communiste !" C'est ce que nous ferons dans la suite de cet article.

D'après RI n° 62, juin 1979

 

Questions théoriques: 

  • Communisme [22]

Rubrique: 

Le communisme est nécessaire et possible

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