Fin mars, à l'issue du scrutin, la bourgeoisie française a présenté le résultat des élections régionales et cantonales comme une grande victoire du jeu démocratique, d'une part à travers une participation électorale plus forte que prévue, d'autre part à travers un triomphe écrasant de la gauche (surtout pour le PS) qui enlevait la présidence de 21 régions sur 22 en métropole. Cela marquait surtout un camouflet cinglant pour l'équipe Chirac-Raffarin au gouvernement.
Mais le message de la principale mystification idéologique de la classe dominante était délivré quelques jours plus tard.A peine quelques heures après avoir reconduit Raffarin à la tête d'un "nouveau gouvernement" qui ressemblait beaucoup au précédent à part une valse de portefeuilles ministériels, lors de son interview télévisée, le président Chirac cédait spectaculairement sur un certain nombre de revendications catégorielles jusque là refusées avec intransigeance et qui avaient tenu le haut du pavé au milieu du fort mécontentement social de ces derniers mois. Ainsi, Chirac acceptait de rouvrir le dossier sur le régime de chômage des intermittents du spectacle, comme il promettait l'octroi de crédits supplémentaires permettant de débloquer les 1000 postes réclamés par le secteur de la recherche et surtout il faisait mine de suspendre une partie de l'attaque appliquée depuis le 1er janvier contre les chômeurs qui a fait perdre brutalement le droit de toucher l'allocation Assedic à des centaines de milliers d'entre eux et à leur famille tout en réduisant de plusieurs mois la durée de leur indemnisation.
La bourgeoisie voudrait bien persuader les ouvriers contre toute évidence, 
          que le bulletin de vote serait la principale arme pour faire reculer 
          le gouvernement. En tentant de mettre en avant de fausses leçons 
          tirées de ces élections, l'objectif de la bourgeoisie 
          était bien de jeter de la poudre aux yeux pour jeter le trouble 
          et obscurcir la conscience des prolétaires. Elle peut évidemment 
          renvoyer l'image de l'échec cuisant de la lutte en mai 2003 contre 
          la réforme du régime des retraites en cherchant à 
          faire croire que la mobilisation massive de tous les prolétaires 
          dans la rue ne paie pas, venant cautionner les propos de Raffarin l'été 
          dernier lorsqu'il avait imposé cette attaque : "Ce n'est 
          pas la rue qui gouverne". La bourgeoisie cherche à faire 
          avaler l'idée, que pour faire changer la société 
          et corriger les inégalités les plus criantes, il faut 
          voter. C'est un leurre. Cet appât grossier ne peut longtemps faire 
          illusion et les ouvriers ne doivent pas être dupes.
          Mais à travers les résultats électoraux eux-mêmes, 
          la bourgeoisie insinue qu'il faut également bien voter, c'est-à-dire 
          que les ouvriers auraient tout intérêt à voter pour 
          les partis de gauche pour se défendre. Cette propagande constitue 
          une tentative pour effacer des mémoires le discrédit qui 
          pèse sur la gauche en distillant la mystification que la gauche 
          serait "plus sociale" ou "moins pire" que la droite, 
          bref, qu'elle ne mènerait pas la même politique.
Cette mobilisation électorale traduit-elle pour autant un retour 
          en arrière, un important recul de conscience pour le prolétariat 
          ? Non, car si la bourgeoisie ne peut qu'exploiter au mieux cette situation, 
          elle n'a elle-même pas les moyens d'entretenir la moindre illusion 
          sur ce genre de "victoire" et sur la portée de ses 
          arguments. En fait, la bourgeoisie française voit sa marge de 
          manoeuvre se réduire sérieusement et la politique de ses 
          partis traduit une réelle inquiétude. Son problème 
          est qu'elle est confrontée à un enjeu politique de taille 
          ; le "trou phénoménal" des caisses de sécurité 
          sociale, l'ampleur du déficit budgétaire qui dépasse 
          largement le seuil de Maastricht (4,1% au lieu de 3%) ne lui laisse 
          pas le choix et la pousse dans les prochains mois à porter inévitablement 
          des attaques énormes, massives et générales contre 
          la classe ouvrière. La bourgeoisie française l'a clamé 
          sur tous les tons : "la réforme de la sécurité 
          sociale" est urgente. La France cumule le plus gros déficit 
          européen en matière de dépenses de santé 
          et a un retard énorme à rattraper sur ses concurrents. 
          Mais c'est "un dossier" encore beaucoup plus brûlant 
          que les retraites, dans la mesure où, même sur les retraites, 
          le gouvernement a pu jouer sur la division entre ouvriers du secteur 
          public qui se sont retrouvés en première ligne de l'attaque 
          et ouvriers du secteur privé moins immédiatement concernés, 
          tandis qu'avec l'attaque sur la sécurité sociale, tous 
          les prolétaires dans le privé comme dans le secteur public, 
          vont se retrouver également touchés. Tout le monde est 
          immédiatement concerné.
          Mais pour imposer des attaques aussi lourdes au prolétariat, 
          le dispositif politique de la bourgeoisie française n'est pas 
          le mieux adapté et représente au contraire une hypothèque 
          pour l'avenir, même si elle va faire en sorte de laisser le sale 
          boulot à sa fraction la plus impopulaire. 
          De ce point de vue, elle court le risque d'avoir de sérieuses 
          difficultés à faire face à une mobilisation massive 
          provoquée par ses attaques. Car elle subit un lourd handicap. 
          Elle connaît depuis des années un problème spécifique 
          : l'archaïsme de la fraction qui tient les leviers de commandes 
          de l'Etat tout en étant minoritaire et qui tend à s'agripper 
          au pouvoir de même qu'à faire prévaloir des intérêts 
          de clan. Par ailleurs, elle est confrontée à une montée 
          du populisme, phénomène international lié à 
          sa décomposition qu'elle a du mal à contrôler et 
          qui vient gripper les rouages de son appareil politique. Ces aléas 
          ont déjà bousculé le jeu politique traditionnel 
          lors des élections présidentielles de 2002, évinçant 
          les partis de gauche du second tour. La presse et même le ministre 
          Fillon ont parlé d'un "21 avril à l'envers", 
          face au nouveau déséquilibre politique du jeu entre gauche 
          et droite issu des régionales. La bourgeoisie est parvenue à 
          rattraper le coup momentanément le 21 avril 2002 mais elle est 
          affaiblie et risque de payer l'addition très cher. La droite 
          se trouve en situation d'autant plus délicate que depuis des 
          décennies, ses clans, ses divisions, ses rivalités, ses 
          guerres de chefs incessantes (Giscard-Chirac, Chirac-Balladur, Chirac-Sarkozy), 
          ne cessent de constituer un handicap de plus en plus lourd qui a déjà 
          provoqué des "accidents" en série lors des présidentielles 
          en 1981, en 1995, ou encore en 2002. Il est clair que ce gouvernement 
          a du mal à se parer d'une légitimité et à 
          parler au nom de toute la nation alors qu'il ne représente que 
          20% des voix. Et cela peut difficilement passer pour une grande victoire 
          pour crédibiliser la démocratie. 
          Les faiblesses de l'appareil politique de la bourgeoisie française 
          ont déjà joué un rôle important dans le retard 
          accumulé face à ses principaux concurrents par le capital 
          national pour porter ses attaques contre le prolétariat, notamment 
          dans la remise en cause de la protection sociale, ce qui le contraint 
          à cogner encore plus fort aujourd'hui, dans la logique du capitalisme 
          en crise. Mais l'impopularité de l'équipe gouvernementale 
          actuelle et sa légitimité douteuse du point de vue des 
          règles démocratiques impliquent qu'elle n'est pas la mieux 
          placée pour faire passer les mesures brutales qu'exige la situation. 
          Si la bourgeoisie française peut se prévaloir d'un clair 
          succès dans l'immédiat, la situation réelle est 
          particulièrement difficile à gérer dans l'avenir 
          et peut se retourner contre elle. La défaite de la droite est 
          plus qu'un simple revers électoral, elle traduit en réalité 
          un état de profonde difficulté politique pour toute la 
          bourgeoisie française. C'est incontestablement dans un état 
          de faiblesse relative que celle-ci se trouve placée pour faire 
          face au prolétariat. Même si les difficultés que 
          rencontre son ennemi de classe ne sont pas en toutes circonstances exploitables 
          par la classe ouvrière, elles constituent néanmoins un 
          atout pour l'avenir afin de réaliser une avancée dans 
          le développement de la lutte de classe.
Le PS a hérité de la gestion des régions mais 
          a l'avantage de s'éviter la charge du pouvoir central qui le 
          contraindrait à prendre les mesures les plus impopulaires et 
          à faire face à un énorme mécontentement.
          C'est pourquoi la bourgeoisie en profite pour chercher à redorer 
          le blason de la gauche et pour tenter de faire oublier un passé 
          encore récent aux yeux des ouvriers. C'est pourquoi il est nécessaire 
          de rappeler quelques faits. Rappelons ce que la gauche, qui cherche 
          aujourd'hui à se redonner une image plus sociale, a fait au gouvernement 
          avec la même logique de concurrence et de rentabilité du 
          capital national, avec les mêmes arguments, au nom de la réforme, 
          de la modernisation, de l'adaptation. La gauche au gouvernement a efficacement 
          contribué à la paupérisation croissante de la classe 
          ouvrière et à l'attaquer sur tous les fronts. Les années 
          pendant lesquelles elle a officié à la tête de l'Etat 
          depuis 1981 ont vu une poussée vertigineuse du chômage, 
          une succession ininterrompue de plans de licenciements avec les "restructurations" 
          dans les grandes entreprises modernes comme dans les autres qui ont 
          fait perdre des centaines de milliers d'emplois dans tous les secteurs 
          de l'industrie (sidérurgie, mines, automobile, chantiers navals, 
          textile, etc), mais aussi l'explosion et la généralisation 
          du travail précaire. Sa grande oeuvre reste les lois Aubry sur 
          les 35 heures qui ont représenté une première attaque 
          d'envergure touchant l'ensemble de la classe ouvrière en introduisant 
          un maximum de flexibilité dans l'exploitation tout en contribuant 
          à bloquer les salaires. La gauche a déjà multiplié 
          les coupes claires dans les effectifs de la fonction publique comme 
          dans les différents services publics. C'est elle aussi qui a 
          renforcé le flicage de la société, organisé 
          la chasse aux "travailleurs clandestins", fait voter les premières 
          lois pour réduire drastiquement l'immigration. Rappelons aussi 
          que c'est elle qui s'est faite le défenseur zélé 
          des intérêts impérialistes de la France à 
          travers la multiplication des raids militaires en Afrique, du Tchad 
          au Zaïre, sans parler du génocide au Rwanda déjà 
          organisé et préparé de longue date par Mitterrand 
          à son époque (voir RI 345) et de son implication dans 
          la première guerre du Golfe comme dans les Balkans.
          Quand elle n'a pas porté les attaques elle-même, la gauche 
          a activement préparé le terrain à ses successeurs 
          ; ainsi, sur les retraites, depuis le livre blanc de Rocard dans les 
          années 1980 jusqu'au candidat Jospin qui avant sa veste du 21 
          avril 2002 avait déclaré que "la réforme des 
          retraites serait sa priorité numéro un", en passant 
          par le rapport Charpin, commandé par le même Jospin.
          De façon plus évidente encore, la gauche a massivement 
          réduit les indemnisations des chômeurs. Dès 1982, 
          c'est la gauche qui instituait par décret la limitation de la 
          durée d'indemnisation des chômeurs et instaurait en même 
          temps une hausse de cotisation des actifs tout en abaissant le montant 
          des allocations des chômeurs. En 1992, la ministre du travail 
          Martine Aubry portait de 3 à 4 mois la durée minimale 
          de travail dans les 8 mois précédents ouvrant droit à 
          indemnisation. La même année, était mise en place 
          l'allocation unique dégressive et les contrôles trimestriels 
          des démarches de recherche d'emploi pour tous les chômeurs. 
          Avant le PARE (plan d'aide au retour à l'emploi), c'est encore 
          elle qui en 2000 introduisait une allocation conditionnelle aux chômeurs; 
          tout refus d'offre d'emploi se traduisant par une réduction, 
          une suspension et finalement une suppression de son indemnisation. 
          Quant à la remise en cause de la protection sociale concernant 
          l'accès aux soins, le PS a également joué les pionniers. 
          C'est lui qui a procédé aux suppressions massives de lits 
          d'hôpitaux et des postes dans le secteur de la santé, qui 
          a décrété les restrictions de certains examens 
          médicaux, qui a dressé les premières listes de 
          "déremboursement" des médicaments instituées 
          par Aubry. Auparavant, le forfait hospitalier avait été 
          instauré par le "camarade ministre" Ralite du PCF. 
          C'est le gouvernement Rocard qui a créé la CSG. Mais rétorqueront 
          certains, c'est aussi la gauche qui a institué un certain nombres 
          de mesures "sociales" comme le RMI ou la CMU. Mesures sociales 
          ? Foutaises ! Toujours la loi de la rentabilité capitaliste ! 
          Non seulement le RMI coûte beaucoup moins cher à l'Etat 
          que les indemnités-chômage mais il permet un filtrage très 
          sélectif et un contrôle beaucoup plus étroit de 
          l'absence de ressources des "bénéficiaires". 
          Quant à l'établissement de la CMU elle n'a permis que 
          le déplacement de la prise en charge des soins des plus pauvres 
          de certains organismes (les dispensaires leur assuraient déjà 
          des soins gratuits alors qu'ils ont aujourd'hui disparu) vers d'autres, 
          avec comme conséquence pour les plus démunis d'adhérer 
          à une mutuelle dont ils pouvaient auparavant se passer. D'ailleurs, 
          aucune de ces mesures n'a été remise en cause par la droite 
          au pouvoir.
Les prolétaires n'ont aucune illusion à se faire ni sur 
          la nature antiouvrière de la gauche, ni sur les pseudo-reculades 
          du gouvernement dans ses attaques. Ces attaques ne peuvent que se multiplier 
          massivement et s'intensifier au cours des prochains mois. 
          Aussi, ce n'est qu'en développant des luttes massives, ouvertes, 
          sur son terrain du combat de classe, et en rejetant tous ceux qui comme 
          la gauche et les syndicats prétendent les défendre, que 
          le prolétariat pourra faire reculer les attaques grandissantes 
          actuelles.
Il y a quatorze ans, suite à l'effondrement du bloc de l'Est, 
          George Bush père, avec à sa suite toute la bourgeoisie 
          occidentale, nous promettait un "nouvel ordre mondial" fait 
          de paix et de prospérité. Le moins que l'on puisse dire, 
          et la situation en Irak en constitue certainement l'exemple actuel le 
          plus criant, c'est que c'est bien à un chaos croissant auquel 
          nous assistons depuis lors.
          Depuis le début du mois d'avril, la guerre en Irak se généralise 
          à tout le pays. Le meurtre le 31 mars à Fallouja de quatre 
          employés américains de la compagnie privée de sécurité 
          Blackwater et la mutilation de leurs corps symbolise l'ouverture qualitative 
          d'une nouvelle phase du conflit en Irak. Les armées de la coalition, 
          et en tout premier lieu les Etats-Unis, ont à faire désormais 
          avec la révolte armée des Sunnites, mais encore, et c'est 
          un fait nouveau, avec celle des Chiites, qui se rangent de plus en plus 
          massivement sous la bannière du jeune chef religieux Moqtada 
          Al-Sadr. Le Wall Street journal s'interroge :"Celui-ci serait-il 
          la pièce maîtresse d'un front islamique national unissant 
          les Arabes sunnites et chiites contre les intrus étrangers ?" 
          L'enlisement de la politique guerrière impérialiste des 
          Etats-Unis en Irak risque ainsi de provoquer une alliance de circonstance 
          lourde de conséquences pour toute la région et qui aurait 
          été totalement impensable il y a quelques mois encore. 
          Les perspectives américaines de s'appuyer sur la majorité 
          chiite en Irak pour tenter de calmer un tant soit peu le chaos, et de 
          contrôler le CIG (Conseil Intérimaire de Gouvernement irakien), 
          sont véritablement mises à mal. Ce plan américain, 
          de plus en plus irréaliste, s'appuie en effet sur la capacité 
          de l'ayatollah Al-Sistani de contrôler la population chiite majoritaire 
          en Iran. La réalité de la généralisation 
          de la guerre et du chaos à tout le pays démontre que la 
          situation échappe de plus en plus au contrôle de l'impérialisme 
          américain.
          Malgré la nécessité de continuer à développer 
          la campagne idéologique justifiant leur présence armée 
          en Irak, l'administration d'Etat américaine est bien obligée 
          de reconnaître en partie l'enlisement de ses forces armées. 
          C'est ainsi que Donald Rumsfeld, ministre de la Défense américaine, 
          n'a pu que déclarer : "C'est une dure épreuve 
          pour notre détermination mais nous saurons faire face." 
          Mais il devait aussi admettre à contrecoeur : "La rébellion 
          chiite pose un sérieux problème." De fait, toutes 
          les villes irakiennes comme Fallouja, Bagdad, Nadjaf, Kut sont en proie 
          à la guerre, aux massacres et au chaos. 
          L'affaiblissement du leadership américain s'étale maintenant 
          tous les jours sur tous les écrans de télévision 
          du monde. La politique impérialiste de l'administration Bush 
          est un échec cuisant.
Les Etats-Unis, malgré l'écrasante supériorité 
          militaire qu'ils ont par rapport au reste du monde, n'ont pas les moyens 
          d'imposer leur loi en Irak. Et ceci d'autant plus que l'affaiblissement 
          du leadership américain aiguise, sur la scène internationale, 
          l'appétit féroce de tous les autres impérialismes. 
          Dans la situation de déliquescence de la nation irakienne, des 
          groupes armés et terroristes, prolifèrent dans tout le 
          pays. Ces groupes armés, plus ou moins autonomes, n'obéissent 
          plus qu'à une seule règle, bouter hors d'Irak l'ogre américain. 
          Ces groupes ont d'ailleurs exprimé leur radicalisation par la 
          multiplication de prises d'otages civils, avec menace et mise à 
          exécution d'assassinats si les Etats belligérants ne retiraient 
          pas leurs troupes d'Irak. Au moment ou nous écrivons cet article, 
          un otage italien vient d'être sauvagement assassiné. Mais 
          plus encore, ce qui est caractéristique de l'ensemble des tensions 
          impérialistes, sous l'emprise du chacun pour soi, et qui se concrétise 
          aujourd'hui en Irak, est le rôle joué par Moqtada Al-Sadr. 
          Le lien étroit qu'entretien celui-ci avec l'Iran est bien connu. 
          Il semble très probable que la politique insurrectionnelle des 
          Chiites actuellement en Irak soit soutenue activement par ce pays. L'Iran 
          répond ainsi directement à la pression américaine 
          exercée à son encontre. Malgré cela l'affaiblissement 
          de l'Oncle Sam est tel que ce dernier est amené à demander 
          officiellement l'aide de Téhéran. Afin de mesurer réellement 
          le niveau d'effritement de la puissance américaine, il n'est 
          pas négligeable de se rappeler les déclarations arrogantes 
          jetées à la face du monde au moment de la période 
          d'entrée en guerre en Irak, il y a un an. Le 9 avril 2003 devant 
          la convention annuelle de l'American Society of News Editors, Dick Cheney, 
          vice-président américain, affirma qu'en aucune circonstance, 
          les Etats-Unis ne remettraient à l'ONU le contrôle de l'occupation 
          en Irak : "Le président a clairement fait savoir que 
          nous ne le ferons pas (...) Nous voulons seulement qu'elle y joue un 
          rôle majeur (...) Notre objectif est de créer et faire 
          fonctionner aussi vite que possible une autorité intermédiaire 
          qui soit composée d'Irakiens, et de leur transférer l'autorité 
          à eux et non pas aux Nations Unies ou à tout groupe extérieur." 
          A ce moment là l'Irak était inclus dans un "axe du 
          mal" ou les Etats "voyous" comprenaient notamment la 
          Corée du Nord, la Syrie et l'Iran. Ces pays étaient accusés 
          publiquement de posséder des armes de destruction massive et 
          d'être des organisateurs du terrorisme. Ils étaient alors 
          clairement désignés comme les cibles militaires potentielles 
          de l'après-Irak. Si peu de temps après, on peut voir ce 
          qu'il en est dans la réalité. Ce sont bel et bien les 
          Etats-Unis qui sont en situation de demander assistance à l'Iran. 
          Kamal Kharazi (chef de la diplomatie iranienne ) a affirmé : 
          "Les Etats-Unis ont réclamé l'aide de Téhéran 
          pour tenter de régler la crise et faire baisser la violence grandissante 
          en Irak." (dépéche de l'AFP du 6 avril). De son 
          coté le chef de la délégation iranienne actuellement 
          à Bagdad a déclaré : "Nous sommes ici pour 
          avoir une idée claire de la situation et une meilleure compréhension 
          de ce qui se passe, il n'y a pas de médiation." Les 
          choses sont claires pour tous ces bandits impérialistes. Tout 
          a un prix. Et aujourd'hui, en situation de faiblesse, c'est aux Etats-Unis 
          d'en payer le montant. Le développement de la guerre et du chaos 
          en Irak ne laisse rien présager de bon pour l'avenir. L'armée 
          américaine se doit en priorité de réduire à 
          l'impuissance les chiites qui obéissent à Moqtada Al-Sadr. 
          Pour cela, ils ont massé d'importantes troupes à proximité 
          de Nadjaf et dans la ville proche de Koufa. Une intervention dans la 
          ville sainte de Nadjaf serait un facteur de déstabilisation très 
          important en Irak, mais également au-delà des frontières 
          de ce seul pays. Ce serait un pas important dans l'enfoncement dans 
          la décomposition en cours dans toute la région. Une attaque 
          massive américaine sur Nadjaf se traduirait par le fait que : 
          "Tous les membres chiites du Conseil intérimaire de gouvernement 
          irakien (CIG), y compris les laïcs, se dresseront contre une telle 
          attaque et refuseront de coopérer avec l'Autorité provisoire 
          de la coalition.." (Courrier International du 15 avril) Tel 
          serait également le cas du chef religieux modéré, 
          l'ayatollah Al-Sistani, représentant jusqu'ici le seul appui 
          pour les Etats-Unis dans tout le pays.
          Il ne semble y avoir aucune porte de sortie pour l'impérialisme 
          américain en Irak. Une majorité de la bourgeoisie américaine 
          s'est d'ailleurs rangée à ce point de vue. C'est pour 
          cela que celle-ci pousse en avant, de toutes ses forces, en vue des 
          prochaines élections présidentielles, la candidature du 
          démocrate John Kerry. La bourgeoisie américaine est obligée, 
          pour tenter de limiter la casse en Irak, et d'essayer de légitimer 
          une solution politique (ceci contrairement à la période 
          du déclenchement de la guerre). Elle est contraite de faire appel 
          à ses principaux rivaux impérialistes que sont la France, 
          l'Allemagne ou la Russie au sein de l'ONU. Le temps où les Etats-Unis 
          proclamaient que dans leur lutte contre "l'axe du mal" et 
          les pays "voyous", l'Amérique n'avait besoin de personne, 
          est sans doute révolu. Mais même dans le cas ou John Kerry 
          arriverait au pouvoir et remplacerait l'administration Bush, rien ne 
          serait réglé pour autant. Le New York Times (revue de 
          presse de Courrier International du 8 avril) signale : "John 
          Kerry, lui, était bien présent à Washington, mais 
          il essayait d'esquiver la question irakienne en s'efforçant d'axer 
          ses interventions sur l'économie américaine. Face à 
          l'insistance des journalistes le questionnant sur son avis, il s'est 
          écarté de son discours préparé pour se lancer 
          dans l'une de ses plus virulentes critiques sur la politique de Bush 
          en Irak. Mais il était incapable de préciser ce qu'il 
          ferait s'il était lui-même aux commandes". Cependant 
          la situation des Etats-Unis en Irak oblige John Kerry lui-même 
          a envisager la nécessité de laisser les troupes américaines 
          en Irak. Cette incapacité de la bourgeoisie américaine 
          à entrevoir comment freiner son affaiblissement au plan mondial 
          a également été manifeste dans la conférence 
          de presse de George Bush le mardi 13 avril, le Los Angeles Times note 
          en effet comme significatif le fait que "confronté à 
          une situation en Irak qui lui échappe de plus en plus, Bush ait 
          insisté sur sa détermination à faire de ce pays 
          une démocratie stable, sans dire comment il fallait s'y prendre." 
          Mais plus encore, parlant du désarroi dans lequel est plongée 
          la bourgeoisie américaine, lors de cette même conférence 
          un journaliste lui a demandé quelles leçons il tirait 
          des événements depuis le 11 septembre 2001, raconte le 
          Washington Post "Il (G. Bush) s'est arrêté de parler, 
          a secoué la tête, a paru s'interroger avant de rester sans 
          réponse a une question qu'il avait pourtant dû beaucoup 
          travailler avec ses conseillers en préparant la conférence 
          de presse. Au final, la seule chose qu'il ait pu dire est :"Je 
          suis sûr qu'une réponse va me venir à l'esprit dans 
          les conditions très particulières de cette conférence 
          de presse où il faut toujours avoir réponse à tout. 
          Mais pour l'instant, ça ne vient pas." " (extraits 
          de la revue de presse de Courrier International du 15 avril.)
Quels que soient, d'une part, le prochain résultat des élections 
          américaines et, d'autre part, l'ampleur de la réorientation 
          de la politique impérialiste des alliés, l'accélération 
          de l'affaiblissement de l'impérialisme américain ne peut 
          être qu'un facteur d'approfondissement du chaos en Irak et de 
          la décomposition de toute la société à l'échelle 
          mondiale. Un tel niveau de désarroi et d'aveu d'impuissance de 
          la toute première puissance capitaliste du monde en est un signe 
          flagrant. Les mois qui viennent vont s'inscrire en lettre de sang en 
          Irak. L'entrée en guerre des Chiites dans ce pays est un facteur 
          lourd de conséquences quant à la déstabilisation 
          potentielle de toute la région, de l'Iran à l'Arabie Saoudite 
          où ils représentant une très forte partie de la 
          population. De plus, alors qu'en Afghanistan le gouvernement Karzaï 
          et les troupes américaines ne contrôlent de fait que la 
          capitale Kaboul et ses alentours, l'administration américaine 
          est obligée de faire bonne figure devant la politique expansionniste 
          de Sharon et de l'Etat israélien en Cisjordanie. Le silence embarrassé 
          d'une grande partie de la bourgeoisie américaine à l'ONU 
          face à la dénonciation par l'Allemagne, la France et la 
          Russie de la politique de Sharon en dit long sur les objectifs de ces 
          puissances impérialistes, principales concurrentes des Etats-Unis. 
          Laisser les Etats-Unis s'enliser au maximum en Irak, et en profiter 
          partout dans le monde pour faire avancer leurs propres intérêts, 
          voilà la seule préoccupation de ces derniers.
          L'impuissance de la classe bourgeoise américaine face au bourbier 
          irakien est une concrétisation de la déliquescence générale 
          de cette société capitaliste. Cette dernière va 
          également jusqu'à affecter les bourgeoisies les plus puissantes 
          du monde, y compris sur le plan de la politique guerrière. Le 
          prolétariat se doit de comprendre que cette société 
          capitaliste en décomposition ne peut qu'allumer d'autre Irak 
          aux quatre coins de la planète, y compris au cœur du capitalisme 
          mondial. L'évolution de la situation de ce pays rappelle une 
          nouvelle fois que l'avenir se jouera pour l'humanité entre communisme 
          ou destruction de toute forme de civilisation à la surface de 
          cette planète.
Dans un éditorial signé Arlette Laguiller et titré "Un vote qui fait plaisir, mais qui n'est pas suffisant", l'hebdomadaire trotskyste Lutte Ouvrière du 26 mars lâche deux ou trois petites phrases qui soulèvent pour le moins quelques questions. Après avoir clamé sa satisfaction suite au deuxième tour des élections régionales : "Au bout de deux ans de gouvernement, les électeurs ont dit son fait à Raffarin. Et c'est bien réjouissant!", LO explique sa conception de l'électoralisme : "Les élections ne peuvent apporter le bonheur, elles ne peuvent que redonner le moral. Espérons que celles-ci le feront. En tout cas, ni LO ni la LCR ne sont des partis électoralistes, même s'ils se présentent aux élections. Car ils ne cherchent aucune place dans l'appareil d'État, qui ne peut être qu'au service de la bourgeoisie."
Ces quelques extraits laissent interrogateur : d'abord, qu'entend-on par "un vote qui fait plaisir" ? Cette notion purement morale sous-entend tout de même que ce plaisir vient d'un gain quelconque. Mais qu'a pu donc gagner la classe ouvrière dans les dernières élections ? Que peut, plus largement, gagner la classe ouvrière dans une quelconque élection bourgeoise?
A cela, LO nous répond qu'à défaut d'en avoir tiré du bonheur, le prolétariat a gagné le plaisir de retrouver le moral. On est en plein dans la nuance de vocabulaire. Mais surtout, on est en plein mensonge ! En effet, les élections ne sont certainement pas un moyen de redonner le moral à la classe ouvrière, bien au contraire ! Les élections enferment les ouvriers dans l'illusion d'un quelconque pouvoir, à laquelle succèdent des attaques toujours plus fortes, de la droite comme de la gauche. Appeler les ouvriers à exprimer leur mécontentement sur le terrain électoral, comme le font les trotskystes, ne peut que servir les intérêts de la bourgeoisie. Même si cela fait plaisir à LO que le gouvernement Raffarin ait été sanctionné aux dernières régionales, cela ne change strictement rien pour la classe ouvrière. Les attaques vont continuer à tomber et ce n'est certainement pas le vote sanction du dernier scrutin qui va empêcher la bourgeoisie de mettre en application ses plans d'attaques contre les retraites et la sécurité sociale. Et cela, LO le sait pertinemment !
Mais surtout, qu'est-ce qui fait tant plaisir aux trotskistes dans ces élections ? Est-ce le fait que les "électeurs" se soient assez bien déplacé vers les isoloirs ? Ou est-ce le fait que ces mêmes électeurs ont infligé à la droite une cuisante et "réjouissante" défaite ?
Il n'y a rien d'étonnant à ce que LO se réjouisse que les ouvriers se soient rendus aux urnes en tant que citoyens au lieu de déserter le terrain pourri du cirque électoral pour manifester leur colère sur leur propre terrain de classe, en développant leurs luttes contre les attaques du gouvernement. Les électeurs, cette espèce chère à la bourgeoisie et à ses médias, n'est que l'addition d'individus pêle-mêle, sans distinction de classe, faisant des prolétaires, atomisés dans les isoloirs, l'exact opposé d'une classe unie dans la solidarité et la défense d'intérêts communs contre le capitalisme. Après avoir saboté les luttes du printemps 2003 contre la réforme du système des retraites, LO parachève aujourd'hui son sale travail d'isolement et de dévoiement de la classe ouvrière sur le terrain bourgeois des élections. Et c'est bien cela qui lui a tant fait "plaisir" dans les résultats des régionales.
Une telle joie peut étonner de la part d'une organisation qui répète à l'envi que droite et gauche se valent, qu'il ne peut être question en critiquant la droite d'oublier ce que la gauche a fait à la même place. Pourtant, LO se réjouit bien de ce que la droite a subi lors de ces élections. Droite et gauche identiques ? LO tranche : "Beaucoup se sont dit que la droite est pire que la gauche. C'est vrai !". Une fois encore, LO ne se contente pas seulement de faire croire aux ouvriers qu'ils peuvent se battre sur le terrain électoral. Elle continue à semer l'illusion que la gauche serait moins pire que la droite. C'est avec cet argument que LO a toujours joué son rôle de rabatteur des partis de gauche, comme elle l'a fait en appelant à voter Mitterrand en 1974 et en 1981.
Enfin, quand LO nous dit ne pas être électoraliste, même si elle se présente aux élections, nous devons nous tenir solidement pour ne pas bondir ! Si ce n'est pas par électoralisme, pourquoi se présenter aux élections avec tant de constance (Arlette Laguiller est ainsi la plus ancienne et plus fidèle candidate aux présidentielles depuis trente ans) ? La réponse n'est pas donnée ici, mais on la connaît : LO utiliserait les élections comme une "tribune pour les idées révolutionnaires" et un moyen de comptabiliser leur audience dans l'électorat ouvrier.
Explication séduisante, mais complètement fausse. Depuis le début du 20e siècle, l'idée suivant laquelle le terrain électoral serait une tribune pour défendre les intérêts de la classe ouvrière est devenue caduque. Une organisation qui, comme LO, appelle les ouvriers à voter ou soutenir les partis de la gauche du capital (PC et PS), sous prétexte qu'ils seraient "moins pires" que la droite, n'est pas une organisation révolutionnaire, mais une organisation bourgeoise dont l'objectif n'est pas de renverser le capitalisme mais de semer l'illusion que ce système pourrait encore être réformé (par exemple par une meilleure gestion ou, selon le slogan cher à LO, "en prenant l'argent dans la poche des riches").
De plus, cette fois-ci, LO ne s'est même pas donné la peine, pendant sa campagne électorale de ressortir son vieux slogan suivant lequel le vote permettrait aux ouvriers combatifs de "se compter". Ce qu'elle a mis en avant, c'est qu'il fallait aller voter avant tout, et voter trotskiste pour "protester fort" (dernier slogan entendu avant le premier tour) ! Jamais LO n'est aussi tonitruante, omniprésente, que lors des élections ! Il fallait voir les militants trotskistes sur les marchés accrocher le passant en lui disant : "il faut voter Dimanche ! Il faut voter Dimanche !". Il faudra enfin expliquer pourquoi, si les élections ne sont qu'un moyen de se faire entendre, les élus de LO aux précédentes élections régionales et européennes ont tenu à siéger dans les assemblées. LO nous répond que c'était pour surveiller et dénoncer les magouilles de la bourgeoisie. Mais dans ce cas, pourquoi participer aux votes de ces assemblées (souvenons-nous de ce vote très médiatisé contre la Taxe Tobin de Laguiller et Krivine au parlement européen) et, surtout, pourquoi se plaindre aujourd'hui que le nouveau mode de scrutin, en écartant les petites listes, "[prive] de représentation des millions d'électeurs" ?
Pour LO, les élections sont donc un moyen de représenter politiquement ses électeurs, elles sont aussi en l'occurrence un moyen de battre la droite et de faire gagner la gauche… Bref, les élections ne sont donc pas qu'une tribune, et pour cause : elles peuvent même "redonner le moral" !
Finalement si LO se présente aux élections, c'est tout simplement parce qu'elle est une organisation électoraliste bourgeoise comme les autres !
Tout son travail ne vise qu'à rabattre les ouvriers sur le terrain électoral de l'Etat démocratique bourgeois. Il s'agit là d'un fondement idéologique essentiel du trotskisme. Tout doit être fait pour détourner la classe ouvrière de la lutte sur son propre terrain de classe, pour l'empêcher de comprendre que le jeu démocratique droite/gauche est une fausse alternative. Ainsi, en affirmant que la droite est pire que la gauche, LO s'est bien gardée de rappeler que les attaques massives portées par la droite aujourd'hui ont été préparées par les gouvernements de gauche précédents et qu'elles se situent dans la continuité de toutes les mesures anti-ouvrières prises par le PS lorsqu'il était au gouvernement.
Dans la logique bourgeoise du trotskisme, tout doit être fait pour que le prolétariat ne prenne pas conscience que le seul terrain sur lequel ses intérêts peuvent être défendus est celui de la lutte de classe. Tout est bon, y compris le pire culot, d'une démagogie flirtant avec le populisme, qui amène à se dire non électoraliste, à peine après avoir rangé ses slogans agressifs en faveur d'une mobilisation massive dans les bureaux de vote pour "sanctionner le gouvernement".
Ces quelques phrases disséminées dans cet éditorial d'Arlette sont un petit chef-d'œuvre de synthèse. On ne pouvait pas mieux, en effet, en si peu de mots, résumer le caractère fondamentalement mensonger de LO, et sa capacité à manier le double langage pour tromper la classe ouvrière.
G (18 avril)
Les assassinats des principaux responsables du groupe terroriste Hamas : le cheikh Yassine le 22 mars dernier et son successeur Abdelaziz Al-Rantissi, à la mi-avril, par l'armée de Tsahal, constituent une nouvelle étape dans l'affrontement meurtrier que se livrent depuis plusieurs décennies, les belligérants israéliens et palestiniens.
En tuant, à quelques semaines d'intervalle, le leader islamiste Yassine, puis son héritier, symboles de la résistance armée palestinienne, le gouvernement Sharon enterre de nouveau les "espérances" de paix que la bourgeoisie internationale avait claironné à grand renfort médiatique, notamment l'initiative de la "conférence de paix" de Genève en décembre dernier, ainsi que la fameuse "feuille de route" de l'été 2003, sous la houlette de l'administration Bush. D'ores et déjà, la population israélienne vit dans la peur des inévitables représailles que la mort de ces chefs terroristes va entraîner, d'autant plus que les bandes armées du Hamas se sont alliées pour la circonstance aux brigades du Fatah d'Arafat, au Djihad islamique et aux milices chiites du Hezbollah, avec pour objectif majeur, d'envoyer des dizaines d'innocents, transformés pour les besoins de la cause en "martyrs", commettre des attentats, des bains de sang parmi la population et la classe ouvrière israélienne.
La barbarie de ces cliques terroristes n'est plus à démontrer, néanmoins,
après l'utilisation de femmes porteuses d'explosifs, ces gangsters vont plus
loin encore dans l'horreur en utilisant des adolescents et des enfants pour le
transport de ces charges de la mort. En liquidant les chefs historiques du
Hamas, notamment le cheik Yassine[1] [7] dont
l'autorité politique permettait de juguler les affrontements entre les
différentes cliques palestiniennes, la bande à Sharon sait pertinemment qu'elle
provoque un séisme dans la mouvance terroriste. L'aile militaire du Hamas a
pris la direction du mouvement, ce qui ne peut signifier que davantage
d'attentats suicides contre Israël. Le risque est réel d'un embrasement dans
plusieurs parties du Proche-Orient. Pour la première fois de son histoire, le
sommet de la Ligue arabe prévu en Tunisie, fin mars, a été reporté, compte tenu
des divergences sur le conflit israélo-palestinien et de l'hostilité rampante
envers les Etats-Unis de la part des principaux pays arabes. En Egypte et en
Jordanie, alors que les manifestations sont interdites, le pouvoir politique
n'a pas pu empêcher des manifestations importantes, organisées par les
mouvements islamistes, de même qu'au Liban, les Chiites et le Hezbollah ont
appelé à la guerre sainte contre Israël. De façon plus générale, cette escalade
dans le conflit israélo-palestinien est la conséquence directe de
l'affaiblissement du leadership américain et de son incapacité à imposer son
autorité politique, notamment auprès de Sharon, compte tenu de son enlisement
dans le bourbier irakien. L'enfoncement vers toujours plus de chaos et de
barbarie dans cette région du monde ne fait que confirmer ce que nous
défendions déjà à ce propos, en octobre 2003 : 
"L'échec actuel de la bourgeoisie américaine en Irak constitue en effet
un handicap vis-à-vis de la politique de mise au pas de son turbulent allié
israélien pour lui faire respecter une "feuille de route" qu'il n'a
de cesse de saboter. De telles difficultés de la bourgeoisie américaine pour imposer
ses exigences à Israël ne sont pas nouvelles et expliquent en partie l'échec
des différents plans de paix tentés depuis 10 ans. Néanmoins, elles n'ont
jamais été aussi lourdes de conséquences qu'aujourd'hui. C'est ce qu'illustre
la politique à courte vue qu'un Sharon est capable d'imposer au Moyen-Orient,
basée exclusivement sur la recherche de l'escalade dans la confrontation avec
les palestiniens en vue de les chasser des territoires occupés. Même si, à
l'image du reste du monde, il n'y a pas de paix possible dans cette région, la
carte jouée par Sharon, ne pourra qu'aboutir à des bains de sang qui ne
régleront pas pour autant, pour Israël, le problème palestinien. Au contraire,
celui-ci reviendra, tel un boomerang, notamment à travers une recrudescence du
terrorisme encore plus incontrôlable qu'actuellement. Un telle issue ne pourra
que rejaillir négativement sur les Etats-Unis qui, évidemment, ne pourront pas
pour autant lâcher leur meilleur allié dans la région." ( Revue
Internationale n°115, page 4)
Les récents assassinats des chefs du Hamas et les représailles terroristes à venir, s'inscrivent complètement dans ce cadre d'analyse. C'est dans ce contexte particulièrement défavorable à Washington, que Sharon est venu, mi-avril, pour faire entériner auprès de Bush son projet de "séparation unilatérale" d'avec les Palestiniens. Même si, en acceptant le plan Sharon, Bush espère récupérer les voix des Juifs américains aux prochaines élections, c'est surtout l'incapacité américaine actuelle à imposer sa "paix" au Proche et Moyen-Orient qui oblige l'Oncle Sam à avaliser, en attendant des jours meilleurs, un accord pro-israélien qui représente une véritable déclaration de guerre contre les intérêts de l'Autorité palestinienne. Ainsi, Sharon propose un retrait de l'armée israélienne de la bande de Gaza avec maintien du contrôle militaire sur les accès aérien et maritime, notamment de la frontière avec l'Egypte. En Cisjordanie, en plus du mur de séparation en construction, il maintient les principales colonies juives et prône leur extension, autrement dit, chasser progressivement les Palestiniens de cet endroit et y interdire le retour des réfugiés qui croupissent dans des camps, exilés dans plusieurs pays arabes. Pour ne pas être hors-jeu, Bush salue le retrait de Gaza et laisse entendre à son allié israélien que ce plan est compatible avec la "feuille de route", et en réponse aux critiques du monde arabe et des Européens, il propose de réunir le Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie et Nations unies) qui a élaboré la "feuille de route" affirmant que son accord au plan ne préjuge pas des négociations sur le statut final entre Israéliens et Palestiniens. Ce numéro d'équilibriste sur le plan diplomatique est de la poudre aux yeux et comme le souligne la presse bourgeoise à propos de la politique américaine : "L'élimination de Saddam Hussein devait ouvrir la voie à la résolution du conflit israélo-palestinien. Force est de constater, un an après, que l'Irak est mal parti, que les "progrès" entre Israéliens et Palestiniens sont à sens unique. On ne s'y prendrait pas autrement pour faire du Moyen-Orient une bombe à retardement." (Libération du 19 avril). En effet, la situation est particulièrement grave et la spirale de violence ne semble plus avoir de limites. Aux meurtres des dirigeants du Hamas, les Palestiniens en retour promettent "un volcan de vengeance" et Israël surenchérit en préparant des actions militaires contre les responsables politiques du Hamas qui vivent en Syrie, au risque de faire basculer le Proche-Orient dans la guerre, ce qui ne peut qu'aggraver la situation dans tout le Moyen-Orient. Face à cette accélération vers toujours plus de barbarie et de chaos, les prolétaires palestiniens et israéliens sont soumis à davantage de terreur et de misère et ont tendance à être entraînés derrière le nationalisme palestinien ou celui de l'Etat hébreu. Le poison du nationalisme et l'accumulation de haine consécutifs aux exactions et violences quotidiennes rendent de plus en plus difficile la possible et nécessaire solidarité de classe entre ouvriers israéliens et palestiniens. En l'absence aujourd'hui, au Proche-Orient, d'une possible réponse de classe à la barbarie du capitalisme, c'est aux prolétaires des pays centraux du capitalisme d'affirmer par le développement de leurs combats de classe que c'est la seule réponse possible pour en finir avec la misère, les guerres, le terrorisme et le nationalisme, véritables fléaux d'un système capitaliste en pleine décomposition.
Donald (20 avril)[1] [8] Le "paradoxe" de cet assassinat du dirigeant du Hamas, c'est que celui-ci était à la fois le donneur d'ordres des attentats perpétrés en Israël et en même temps le principal interlocuteur pour négocier les accords de cessez-le-feu avec l'Egypte, l'Union européenne "ou encore avec les observateurs américains résidant sur place. Et, bien plus encore, l'Etat d'Israël !" (Courrier International du 25 au 31 mars 2004). Non seulement le cheik Yassine était un "partenaire" de discussion pour l'Etat hébreu mais il faut rappeler qu'il a même été soutenu par celui-ci. En 1967, Yassine intègre le mouvement des Frères musulmans qui est réprimé par l'Egypte de Nasser. Il se réfugie à Gaza, occupée alors par Israël et fonde une organisation religieuse, Al-Moujammaa al-Islam, ancêtre du Hamas. Israël encourage et favorise cette organisation islamiste dans la mesure où elle concurrence et fait contrepoids aux différents mouvements nationalistes et à ses dirigeants, notamment Yasser Arafat.
Le 16 mars, un fait divers dramatique a rallumé le conflit au Kosovo. Trois
adolescents albanais se sont noyés dans une rivière près de la ville de
Mitrovica. L'accusation a été immédiate : "Ce sont les Serbes". A
Mitrovica vit une grande partie de ce qui reste des Serbes du Kosovo. La ville
est séparée par un pont gardé par les troupes françaises sous mandat de l'ONU.
Des manifestations se sont organisées dans les heures qui ont suivi ce drame.
Pendant trois jours, partout au Kosovo, des groupes bien armés
d'Albano-kosovars ont tué des Serbes du Kosovo, brûlé leurs maisons, détruit
leurs lieux de culte.
 
Difficile cette fois-ci de nous servir encore une fois comme seule et définitive
explication de cette barbarie, les "haines ancestrales", "la
soif de vengeance", "la guerre de religions", etc. La rapidité
de la concentration des bandes armées, la logistique des actions, la précision
des objectifs a obligé à reconnaître, même par les fonctionnaires de l'ONU, que
tout cela était bien préparé à l'avance. Ces bandes avaient même prévu les
bulldozers pour remblayer les terrains une fois détruites les maisons et les
églises. Des milliers de Serbes ont dû être évacués.
Le discours officiel est de dire "ça ne peut que s'améliorer",
"il faut du temps" pour que des gens, qui se sont toujours haïs,
apprennent à vivre ensemble[1] [12]. En
1981, l'ultra-nationaliste serbe Milosevic avait mis en place un véritable
système d'apartheid au Kosovo contre les Albano-kosovars. Par la suite il y a
eu le démembrement de la Yougoslavie et des guerres en série. Depuis 15 ans,
dans une sarabande de sauvagerie et de "nettoyage ethnique",
l'ex-Yougoslavie a vécu dans une barbarie qui n'est pas l'exception mais la
règle, qui n'etait plus seulement l'expression de ces "haines
ancestrales", mais bien l'exemple même du mode de vie du capitalisme dans
sa phase de décomposition. A la suite de la disparition des deux blocs impérialistes,
les grandes puissances : l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et la
Russie vont essayer d'attiser ces guerres "locales" pour avancer
leurs pions, et les Etats-Unis, de leur coté, vont essayer de préserver leur leadership menacé. Le conflit yougoslave
est un modèle du genre. Ce conflit "interne" a été utilisé en 1991
par la bourgeoisie allemande pour tenter une percée de son influence : contre
toutes les autres puissances, elle s'est précipitée pour reconnaître
l'indépendance de ses affidées, la Slovénie et la Croatie. En réponse, la
France, la Grande-Bretagne et la Russie ont soutenu les cliques serbes et,
enfin, les Etats-Unis ont soutenu les Bosniaques.
Pendant les années 1990 et jusqu'à maintenant, sous couvert d'action
humanitaire, les grandes puissances n'ont pas cessé d'intervenir dans ces
différents conflits. 
En 1999, elles ont porté la guerre, sous la bannière de l'OTAN, la Serbie de
Milosevic pour prétendument "libérer" le Kosovo. Une campagne bien
orchestrée, agrémentée de mensonges et de demi-vérités a servi à justifier les
massacres perpétrés à l'époque sur la population serbe. Les Etats-Unis ont armé
et protégé une armée de libération du Kosovo, l'UCK[2] [13]. Le
partage de cette petite province en différentes zones d'occupation par la KFOR
(l'OTAN plus la Russie) n'est pas l'expression de l'unité de vues de "la
communauté internationale", mais de la logique implacable des grands
gangsters impérialistes, chacun surveillant l'autre, chacun essayant de marquer
son territoire. 
De son coté, l'ONU a pris en charge la "pacification multi-ethnique"
de la région où une UCK soi-disant désarmée a trouvé une place de choix. En
fait, elle n'a pas cessé d'attiser les sentiments nationalistes au sein de la
population albanaise. Et, surtout, certains éléments "radicaux" de
cette UCK en lien avec un ramassis de truands, véritable concentré de ce que la
décomposition du capitalisme peut générer, ont créé depuis deux ans une
"Armée Nationale Albanaise" (AKSh). Cette AKSh agit aussi bien au
Kosovo, qu'en Macédoine et au Sud de la Serbie. Elle a été à l'origine de
toutes les attaques anti-serbes depuis 2003, et surtout du dernier pogrom. Sous
le parrainage de l'Albanie, ce sont vraisemblablement les Etats-Unis qui sont à
l'origine de cette nouvelle bande armée qui en deux ans est passée de quelques
mafieux à quelques milliers d'individus qui, en terrorisant la population, agit
à son aise dans les territoires albanais. Au moment de la préparation de la
guerre en Irak, les Etats-Unis ont obtenu le soutien symbolique mais ferme de
l'Albanie. Depuis lors, et grâce au "lobby pro-albanais de
Washington"[3] [14], les Etats-Unis
soutiennent, même si ce n'est pas ouvertement, les indépendantistes kosovars.
En s'attaquant aux Serbes, c'est la France qui allait être touchée, étant donné
que c'est cette puissance qui est censée "protéger" une bonne partie
de cette population. Dans la situation mondiale actuelle, les Etats-Unis ont
tout intérêt à "punir" la France, avec tous les moyens dont ils
disposent et où que ce soit.
Les intérêts contraires des grandes puissances se sont concrétisés, entre
autres, dans une totale indétermination du statut futur du Kosovo. Cette
province fait partie en théorie de la Serbie, mais elle est peuplée à 85%
d'Albanais et bientôt à 100%. Le statut du Kosovo est bien plus qu'une affaire
juridique. Entériner officiellement la séparation du Kosovo de la Serbie, en le
rendant indépendant (autrement dit sous la dépendance de l'Albanie), ce serait
franchir un palier supplémentaire dans le chaos. Il n'est pas envisageable que
la France et la Grande-Bretagne acceptent une telle solution. Mais même les
Etats-Unis qui soutiennent l'Albanie, savent très bien que la
"solution" serait pire que le problème. Par ailleurs, la bourgeoisie
serbe ne peut pas renoncer à sa souveraineté sur le Kosovo. Elle a organisé à
Belgrade des manifestations ultra-nationalistes agrémentées, ici aussi, d'une
chasse à "l'étranger" (Albanais ou Musulman, cette fois-ci) et de
quelques feux de mosquée. Elle, qui tient sous sa pleine influence la minorité
serbe du Kosovo, demande un "découpage en cantons" de la province.
L'indétermination actuelle est source permanente de désordre mais, de plus,
toutes les solutions pouvant être ponctuellement mises en œuvre ne peuvent
déboucher que sur un chaos encore plus grand, car elles auraient des
répercussions immédiates sur la Bosnie et la Macédoine et même la Grèce. En
toile de fond de cette situation, il existe de surcroît une vie sociale de plus
en plus précaire, où sur fond de misère règnent les trafics en tout genre, les
mafias politico-économiques les plus cruelles, les haines nationalistes et
raciales les plus agressives. 
Les "responsables" des classes dominantes de ces puissances ont tous
fait des déclarations du même tonneau : "Nous savions, en nous engageant, qu'un conflit ethnique demande un
certain temps", comme dit le ministre britannique John Straw. Non
seulement ils ne résoudront rien du tout, mais au contraire, plus le temps
passe et plus leurs agissements deviennent des facteurs actifs qui ne servent
qu'à envenimer cette situation de chaos sans issue.
[1] [15] L'ancien gouverneur mandaté par l'ONU au Kosovo, l'inénarrable Kouchner est un spécialiste de ce genre de discours aussi lénifiants que mensongers.
[2] [16] À l'origine, l'UCK s'est sans doute formée en Allemagne et avec l'aide de la bourgeoisie de ce pays qui n'a jamais renoncé à avancer ses pions dans les Balkans. Mais à partir de 1998, et surtout lors du sommet de Rambouillet (1999) sur le Kosovo, ce sont les Etats-Unis qui sont devenus les parrains de l'UCK.
[3] [17] Ramsès-2004, revue de l'IFRI.
L'article que nous publions ci-dessous reprend, de façon très synthétique, les idées essentielles du rapport sur la lutte de classe internationale adopté à l'automne 2003 par l'organe central du CCI[1] [19]
 
Les mobilisations à grande échelle du printemps 2003 en France et en
Autriche sont un premier pas significatif dans la récupération de la
combativité ouvrière après la plus longue période de reflux de la lutte de
classe depuis 1968. Elles mettent en lumière le fait que la classe ouvrière, en
dépit de son manque persistant de confiance en elle, est de plus en plus
contrainte à lutter face à l'aggravation dramatique de la crise et au caractère
de plus en plus massif et généralisé des attaques frappant une nouvelle
génération, non défaite, de prolétaires.
Face au retour du chômage massif à partir des années 1970, la réponse de la
bourgeoisie avait consisté à prendre des mesures capitalistes dites de
"l'Etat providence" (notamment à travers des modalités plus
avantageuses d'accès à la retraite dans certains pays) mais qui constituaient
un non sens du point de vue économique, à tel point qu'aujourd'hui ces mesures
constituent une des principales causes de l'incommensurable dette publique. Le
fait que la bourgeoisie soit désormais amenée à démanteler l'Etat providence
est à présent un facteur de développement de la lutte de classe.
Ce tournant dans la dynamique de la lutte de classe depuis 1989 concerne non
seulement la combativité de la classe ouvrière mais aussi l'état d'esprit en
son sein, la perspective dans laquelle s'inscrit son activité. Il existe
actuellement des signes d'une perte d'illusions concernant non seulement les
mystifications typiques des années 1990 (la "révolution des nouvelles
technologies", etc.), mais aussi de celles qu'avait suscitées la
reconstruction du second après-guerre, à savoir l'espoir d'une vie meilleure
pour la génération suivante et d'une retraite décente pour ceux qui survivront
au bagne du travail salarié. Or, il ne faut pas perdre de vue que le retour
massif du prolétariat sur la scène de l'histoire en 1968 et le resurgissement
d'une perspective révolutionnaire avaient constitué non seulement une réponse
aux attaques immédiates mais surtout une réponse à l'effondrement des illusions
dans un avenir meilleur que le capitalisme d'après-guerre paraissait offrir.
Contrairement à ce qu'aurait pu nous faire croire une déformation vulgaire et
mécaniciste du matérialisme historique, de tels tournants dans la lutte de
classe, même s'ils sont déclenchés par une aggravation immédiate des conditions
matérielles d'existence du prolétariat, sont toujours le résultat de
changements sous-jacents dans sa vision de l'avenir.
Néanmoins, alors que les luttes ouvrières du printemps 1968 avait signifié une
modification du cours historique, celles de 2003 marquent simplement la fin
d'une phase de reflux au sein d'un cours général à des affrontements de classe
massifs. Nous sommes encore loin d'être confrontés à une vague internationale
de luttes massives, comme il en a existé durant les années 1970 et 1980.
Tant à l'échelle internationale que dans chaque pays, la combativité ouvrière
est donc encore à l'état embryonnaire et très hétérogène. Sa manifestation la
plus importante à ce jour, la lutte des enseignants en France au printemps
2003, est en premier lieu le résultat d'une provocation de la bourgeoisie
consistant à ajouter une attaque supplémentaire et spécifique à ce secteur (la
décentralisation) de manière à isoler les enseignants du reste de la classe
ouvrière et empêcher ainsi une riposte massive et générale contre la réforme
des retraites[2] [20].
En France même, le développement insuffisant et surtout l'absence d'une
combativité plus répandue ont fait que l'extension du mouvement au-delà du
secteur de l'éducation n'était pas immédiatement à l'ordre du jour. On a vu des
signes évidents de cette faiblesse dans les luttes en France et qu'il ne faut
pas craindre de reconnaître. C'est la perte de l'identité de classe et la perte
de vue de la notion de solidarité ouvrière qui ont conduit les enseignants en
France à accepter que leurs revendications spécifiques passent devant la
question générale des attaques contre les retraites. Les combats actuels sont
ceux d'une classe qui doit encore reconquérir, d'abord de façon élémentaire,
son identité de classe.
Pour le moment, la classe dominante est non seulement capable de contenir et
d'isoler les premières manifestations de l'agitation ouvrière, mais elle peut,
avec plus ou moins de succès (plus en Allemagne qu'en France), retourner cette
volonté de combattre encore relativement faible contre le développement de la
combativité générale à long terme en entraînant des fractions momentanément
plus combatives mais isolées du prolétariat dans des impasses.
Les mobilisations récentes contre les attaques sur le régime des retraites ne
signifient en aucune manière une modification immédiate et spectaculaire des
affrontements de classe, qui demanderait un déploiement rapide et fondamental
des forces politiques de la bourgeoisie pour y faire face. En effet, plus
significatif que tout ce qui précède quant aux limites actuelles du tournant
dans la lutte de classe, est le fait que la bourgeoisie ne soit pas encore
obligée de retourner à la stratégie de la gauche dans l'opposition[3] [21].
Aujourd'hui, l'aggravation qualitative de la crise économique peut permettre
que des questions comme le chômage, la pauvreté, l'exploitation soient posées
au sein de la classe ouvrière de façon plus globale et politique, de même que
celles des retraites, de la santé, de l'entretien des chômeurs, des conditions
de vie, de l'avenir des générations futures, etc. 
Cette leçon à long terme est de loin la plus importante, elle est d'une portée
plus grande que celle du rythme avec lequel la combativité immédiate de la
classe va être restaurée ; d'autant plus que ce rythme sera nécessairement
lent.
Par ailleurs, la détérioration de la situation économique va contraindre les
syndicats à assumer de plus en plus ouvertement leur rôle de saboteurs des
luttes. Elle va aussi tendre à engendrer de façon plus fréquente des
confrontations spontanées, ponctuelles, isolées entre les ouvriers et les
syndicats, telles que l'ont révélé les grèves sauvages de l'été dernier à
Heathrow, à l'Aérospatiale à Toulouse ou à Puertollano en Espagne. Le
rétablissement de la confrontation aux syndicats ne signifie pas pour autant
que les problèmes se posent dans les mêmes termes que dans les années 1980.
Pendant les années 1980, face aux combats ouvriers, le CCI a appris à
identifier, dans chaque cas concret, quel était l'obstacle à l'avancée du
mouvement et autour duquel l'affrontement avec les syndicats et la gauche
devait être polarisé. C'était souvent la question de l'extension de la lutte
aux autres secteurs. Des motions concrètes, présentées en assemblée générale,
appelant à aller vers les autres ouvriers constituaient la dynamite avec
laquelle nous essayions de balayer le terrain pour favoriser l'avancée générale
du mouvement. Les questions centrales posées aujourd'hui - qu'est-ce-que la
lutte de classe, ses buts, ses méthodes, qui sont ses adversaires, quels sont
les obstacles que nous devons surmonter ? - semblent constituer l'antithèse des
questions posées au cours des luttes des années 1980. Elles apparaissent plus
"abstraites" car moins immédiatement réalisables, voire constituer un
retour à la case départ des origines du mouvement ouvrier. Les mettre en avant
exige plus de patience, une vision à plus long terme, des capacités politiques
et théoriques plus profondes pour l'intervention des révolutionnaires. 
En réalité, les questions centrales actuelles ne sont pas plus abstraites,
elles sont plus globales. Il n'y a rien d'abstrait ou de rétrograde dans le
fait d'intervenir, dans une assemblée ouvrière, pour mettre en évidence que les
attaques actuelles (notamment contre les retraites) révèlent la faillite du
capitalisme et la nécessité d'un changement de société. Le caractère global de
ces questions montre la voie à suivre. Avant 1989, le prolétariat a échoué
précisément parce qu'il posait les questions de la lutte de classe de façon
trop étroite.
Néanmoins, ce n'est pas un boulevard que la lutte de classe va trouver face
à elle. En effet, si la crise économique favorise un questionnement qui tend à
être global, la décomposition de la société qui elle aussi se poursuit, a
l'effet contraire. De plus la classe ouvrière doit compter avec l'action de la
bourgeoisie visant à étouffer dans l'œuf le développement de la lutte de classe.
Ce n'est pas la combativité de la classe ouvrière en tant que telle qui
inquiète la classe dominante, mais bien le risque que les conflits sociaux
alimentent la conscience dans la classe. C'est une question qui aujourd'hui,
plus encore que par le passé, préoccupe la bourgeoisie, précisément parce que
la crise économique est plus grave et plus globale. A chaque fois que les
luttes ne peuvent être évitées, la bourgeoisie cherche d'une part à en limiter
les effets positifs sur la confiance en soi, sur la solidarité et la réflexion
dans la classe ouvrière, d'autre part à faire en sorte que la lutte soit la
source de fausses leçons.
De plus, la gauche et l'extrême-gauche du capital, particulièrement les
gauchistes, sont passées maîtres dans l'art d'utiliser les effets de la
décomposition de la société contre les luttes ouvrières. Ainsi par exemple, les
appels des gauchistes français pour empêcher les élèves de passer leurs examens
en juin 2003, le spectacle des syndicalistes ouest-allemands voulant empêcher
les métallos est-allemands - qui ne voulaient plus faire une grève longue pour
les 35 heures - de reprendre le travail, sont des attaques dangereuses contre
l'idée même de classe ouvrière et de solidarité.
C'est à travers les attaques qu'elle subit que la classe ouvrière comme un tout
commence à comprendre la nature réelle du capitalisme. Ce point de vue marxiste
ne dénie en rien l'importance du rôle des révolutionnaires et de la théorie
marxiste dans ce processus de développement de la conscience de classe du
prolétariat. C'est dans la théorie marxiste que les ouvriers trouveront la
confirmation et l'explication de ce dont ils font eux-mêmes l'expérience. 
[1] [22] De très larges extraits de ce rapport sont publiés dans la Revue Internationale n° 117.
[2] [23] Pour une analyse plus détaillée de ce mouvement, voir notre article "Face aux attaques massives du capital, le besoin d'une riposte massive de la classe ouvrière" dans la Revue internationale n°114.
[3] [24] Cette carte de la gauche dans l'opposition a été déployée par la bourgeoisie à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Elle consiste en un partage systématique des tâches entre les différents secteurs de la bourgeoisie. Il revient à la droite, au gouvernement, de "parler franc" et d'appliquer sans fards les attaques requises contre la classe ouvrière. Il revient à la gauche, c'est-à-dire les fractions bourgeoises qui, par leur langage et leur histoire, ont pour tâche spécifique de mystifier et encadrer les ouvriers, de dévoyer, stériliser et étouffer, grâce à leur position dans l'opposition, les luttes et la prise de conscience provoquées par ces attaques au sein du prolétariat. Pour davantage d'éléments concernant la mise en place d'une telle politique par la bourgeoisie lire la résolution publiée dans la Revue internationale n°26.
Le 28 décembre 2003, le camarade Robert est mort à l'âge de 90 ans. Robert a suivi notre organisation de très près comme un vrai compagnon de route pendant plus de 28 ans. Il a participé dès la constitution du CCI à plusieurs de ses conférences et congrès en tant qu'observateur ainsi que de façon régulière à nos activités publiques en Belgique. Malgré certaines appréciations divergentes, il s'est cependant toujours reconnu dans l'orientation générale de notre organisation et lui a apporté tout son soutien possible. Aujourd'hui nous voulons rendre hommage, non seulement à Robert comme camarade pour avoir conservé sa fidélité, son dévouement et sa passion à la cause révolutionnaire dans les pires moments de l'histoire du prolétariat, mais aussi à toute une génération de militants de la classe ouvrière qui disparaît avec lui en Belgique. En effet, Robert était le dernier communiste révolutionnaire survivant d'un milieu politique en Belgique, de cette génération de militants qui a tenu haut l'étendard de l'internationalisme prolétarien. Il appartenait à la toute petite minorité de militants communistes qui a survécu et résisté à la période turbulente et sombre de la terrible contre-révolution qui s'est abattue sur la classe ouvrière entre les années 1930 et les années 1960.
          C'est dans les quartiers populaires de Bruxelles que Robert découvre 
          dans sa jeunesse toutes les contradictions de la société 
          capitaliste et qu'il est confronté à la dure réalité 
          de la lutte de classe. Bruxelles étant le centre politique de 
          la Belgique, elle concentrait aussi les expressions et débats 
          les plus cruciaux de cette époque qui ont nourri la formation 
          révolutionnaire de Robert : discussions pour savoir s'il fallait 
          un nouveau parti communiste ou faire un travail de fraction, pour analyser 
          la signification de la guerre en Espagne, réfléchir à 
          la validité ou non de la fondation de la 4e Internationale trotskiste, 
          comprendre la nature de classe de l'URSS, la montée du fascisme 
          et défendre l'internationalisme devant l'imminence de la guerre 
          généralisée, etc. Tous ces débats, qui avaient 
          cours dans le milieu politisé de l'époque, étaient 
          animés par les groupes 'trotskystes' de l'Opposition Internationale 
          de Gauche (PSR, Contre le Courant, etc.) et de la Gauche Communiste 
          Internationale (italienne avec la revue Bilan et belge avec la revue 
          Communisme). Robert décide de rejoindre en tant que militant 
          les rangs de l'opposition trotskyste de Vereecken et Renery (Contre 
          le Courant) qui s'est opposée à la fondation de la 4e 
          Internationale, estimant qu'elle était prématurée 
          et que "Trotsky a contribué au découragement et à 
          la dispersion des rares forces révolutionnaires". Ce groupe 
          dénoncera la trahison social-patriote des trotskystes officiels 
          pendant la Seconde Guerre mondiale et pratiquera une politique de défaitisme 
          révolutionnaire à l'égard de tous les impérialismes 
          sans distinction aucune.
          A l'éclatement de la guerre le 1er septembre 1939 et face à 
          la répression et aux arrestations, un certain nombre de militants 
          choisissent l'exode pour continuer le travail politique. Ainsi Robert 
          s'enfuit dans un premier temps vers Paris pour ensuite rejoindre Marseille, 
          ville d'asile provisoire pour beaucoup de révolutionnaires. Mais 
          nombreux étaient ceux qui avaient perdu la conviction aux moments 
          les plus critiques. Robert, quant à lui, gardait toute sa confiance 
          révolutionnaire dans la classe ouvrière et une position 
          internationaliste devant les camps bellicistes en présence.
          Au travers de ses relations politiques avec le milieu des internationalistes, 
          Robert entre en contact avec le cercle animé par notre ancien 
          camarade Marc. Ce dernier, à partir de l'été 1940, 
          était particulièrement actif pour ranimer l'activité 
          politique des Fractions de la Gauche Communiste Internationale entrées 
          en léthargie à la veille de la déclaration de guerre. 
          Dès 1941, les discussions et les contacts se développent 
          à nouveau. En mai 1942, le 'Noyau Français de la Gauche 
          Communiste Internationale' se constitue avec la participation de plusieurs 
          nouveaux éléments dont Robert. C'est par le biais de ce 
          dernier qu'un travail commun avec les RKD (ex-trotskystes autrichiens) 
          et les CR (Communistes Révolutionnaires) va se forger. En effet 
          les RKD, par leurs contacts avec le groupe de Vereecken, rencontrent 
          Robert. Il suscite l'intérêt des RKD par les positions 
          politiques que développe le Noyau Français de la Gauche 
          Communiste. La caractérisation de l'URSS comme une expression 
          de la tendance universelle au capitalisme d'état, l'internationalisme 
          prolétarien par rapport à la guerre, la critique de la 
          4e Internationale trotskyste, etc., autant de points communs qui vont 
          forger les liens politiques. Une action et propagande directe contre 
          la guerre impérialiste adressée aux ouvriers et soldats 
          de toutes les nationalités y compris aux prolétaires allemands 
          en uniforme sera menée en commun.
Le Noyau français dans lequel Robert milite se transforme en 
          décembre 1944 en groupe politique et demande son adhésion 
          au Bureau International des Fractions en tant que 'Fraction Française 
          de la Gauche Communiste Internationale'. Cependant, la Conférence 
          de mai 1945 de la Fraction, suite à l'annonce de la reconstitution 
          du Parti Communiste International en Italie et à l'évocation 
          de la réapparition politique de Bordiga, décide de dissoudre 
          la Fraction italienne et préconise l'adhésion individuelle 
          de ses membres à ce nouveau parti. Notre camarade Marc s'oppose 
          fermement à ce retournement irresponsable sans discussion préalable, 
          ni bilan politique, ainsi qu'à l'intégration dans un parti 
          dont la Fraction ne connaît même pas les positions politiques 
          ! Par la même occasion, le noyau français de la Gauche 
          Communiste Internationale se voit refuser son adhésion et est 
          ainsi forcée de changer son nom pour devenir la GCF (Gauche communiste 
          de France). Par contre, la Fraction Belge, reconstituée après 
          la guerre autour de Vercesi, se rattachera au PCInt de Damen, Maffi 
          et Bordiga.
          Après la guerre, Robert retourne en Belgique et ne veut pas rester 
          seul. Il décide de rejoindre la Fraction belge sans abandonner 
          pour cela toutes ses convictions acquises dans la période précédente 
          au Noyau français de la Gauche Communiste Internationale. Il 
          garde le contact avec la Gauche Communiste de France et Marc en particulier. 
          Le groupe en Belgique restait d'ailleurs fidèle à l'essentiel 
          des positions de 'Bilan' d'avant-guerre et se retrouvait de fait en 
          divergence avec le PCInt. La Fraction belge restera aussi, tout comme 
          elle l'avait fait avant la guerre, beaucoup plus ouverte aux discussions 
          internationales. Ainsi, embarrassée fin 1945 - début 1946, 
          la Fraction Belge demandera des explications complémentaires 
          au PCInt sur les motifs de non adhésion de la Gauche Communiste 
          de France. Robert évidemment a fortement soutenu cette demande. 
          Aussi, elle propose un journal théorique en collaboration avec 
          les trotskystes belges autour de Vereecken avant que ce groupe ne se 
          perde définitivement en s'intégrant dans la 4e Internationale. 
          Cette proposition sera refusée par le PCInt. De même, en 
          mai 1947, elle participera à la conférence internationale 
          de contacts convoquée par le Communistenbond Spartacus des Pays-Bas 
          qui regroupait, pour la Belgique, des groupes apparentés au Spartacusbond, 
          la Fraction belge de la GCI, pour la France, la Gauche Communiste de 
          France, le 'Prolétaire' des CR, les RKD, le groupe 'Lutte de 
          classe' (Suisse) et la Fraction autonome de Turin du PCI.
          En 1950-52 la période n'est plus aux espoirs de reprise des combats 
          révolutionnaires comme lors de la fin de la Première Guerre 
          mondiale. De nombreuses organisations révolutionnaires se disloquent. 
          La Gauche Communiste de France (Internationalisme) se disperse également. 
          Robert gardera des contacts épistolaires réguliers avec 
          Marc qui se retrouvait au Vénézuela et il contribue quant 
          aux informations politiques venant du continent européen sur 
          la vie des groupes du milieu révolutionnaire.
          Après la mort de Vercesi en 1957, le groupe en Belgique refuse 
          de se soumettre aux positions du PCInt mais se disloque peu à 
          peu ensuite. Depuis, Robert participa toujours aux diverses expressions 
          organisées se rattachant aux positions de la Gauche Communiste, 
          dont notamment le cercle d'étude et sa revue Le Fil du Temps 
          de Roger Dangeville (scission d'avec le PCInt qui avait fait partie 
          pendant un certain temps du cercle de discussion à l'initiative 
          de Maximilien Rubel, venant de la Gauche Communiste de France). Finalement, 
          via Marc, il prend contact avec le groupe Révolution Internationale 
          en France dès 1968. Malgré certaines divergences concernant 
          le cours historique et le parti, Robert était conscient de la 
          valeur politique des organisations révolutionnaires et de la 
          nécessité d'en sauvegarder le patrimoine. C'est pourquoi 
          il est resté indéfectiblement fidèle au CCI. Ainsi, 
          il nous a toujours soutenu dans toutes les périodes difficiles 
          en participant même à notre défense par ses prises 
          de position.
          Les militants du CCI qui continuent la lutte révolutionnaire 
          pour laquelle il a vécu et combattu le saluent une dernière 
          fois et garderont vivant son souvenir.
Napoléon, ce grand homme de la bourgeoisie, disait que la meilleure 
          figure de rhétorique était la répétition. 
          C'est ce que font les dirigeants des pays développés qui 
          nous répètent tous les ans que cela ira mieux demain. 
          Les ministres des finances et les dirigeants des banques centrales l'ont 
          encore confirmé lors du dernier sommet du G7, début février, 
          se félicitant que la reprise serait "plus ferme qu'espérée". 
          Trichet, président de la Banque Centrale Européenne, soulignait 
          même que ce sommet était arrivé à "une 
          situation gagnante pour tout le monde", affirmant par là 
          que les perspectives de croissance américaine allaient profiter 
          à tous et en particulier à l'économie européenne.
 
En réalité, depuis trois ans, la bourgeoisie prévoit 
          la croissance économique et, comme Sœur Anne, elle ne voit 
          rien venir. Révisant systématiquement à la baisse 
          les taux d'une croissance espérée comme le messie et, 
          comme lui, fondée sur des espérances quasi-mystiques, 
          les dirigeants des pays développés ont systématiquement 
          cherché à masquer que nous étions dans une période 
          de récession qui s'est avérée être une des 
          plus longues depuis la fin des années 1960. Pour la classe ouvrière, 
          les perspectives optimistes annoncées ne seront pas porteuses 
          d'améliorations car même s'il y a reprise, elle est fondée 
          sur des artifices porteurs d'orages économiques plus violents 
          que jamais pour l'avenir.
        
Les grands spécialistes de l'économie mondiale eux-mêmes 
          sont les premiers à s'inquiéter de ce que l'endettement 
          astronomique de l'Etat américain, locomotive de l'économie 
          mondiale, ne pourra pas durer et qu'il constitue même le facteur 
          majeur d'une aggravation à terme de la crise. Les Etats-Unis 
          se sont ainsi maintenus à flot depuis juin 2003 avec une croissance 
          positive (en rythme annuel) de plus de 8% pour le dernier trimestre 
          2003 et de 3% pour l'ensemble de l'année. Mais à quel 
          prix ? Fin 2003, l'endettement global de l'économie américaine 
          (ménages, entreprises et gouvernement confondus) était 
          d'environ 36 850 milliards de dollars, en augmentation de quasiment 
          10% sur un an. En augmentation explosive de 8000 milliards de dollars 
          depuis 2000, et d'environ 3100 milliards entre 2002 et 2003, cette dette 
          correspond à 5% du Produit Intérieur Brut américain. 
          Et la perspective d'un taux de croissance de 4% prévu pour 2004 
          est en réalité fondée sur une aggravation de ce 
          déficit prévu pour atteindre le sommet historique de 8% 
          du PIB si l'administration Bush poursuit la même politique.
          Avec de telles projections économiques, le président américain 
          prétend pourtant diminuer de moitié le déficit 
          budgétaire d'ici 2007, s'il est réélu. On se demande 
          comment, alors que déjà la production industrielle a diminuée 
          de 0,5% pour le seul mois de janvier 2004 et que le déficit de 
          la balance commerciale, de 490 milliards de dollars pour 2003, se trouve 
          en augmentation de 43,1 milliards, c'est-à-dire de plus 0,9% 
          par rapport à décembre dernier ! De plus, le recours à 
          une politique de remises fiscales aux entreprises les plus performantes 
          et de baisse des taux d'intérêt jusqu'à 1% (des 
          taux aussi bas ne s'étaient pas vus depuis 45 ans) afin de "doper" 
          l'économie, tout en diminuant par la même occasion sa propre 
          dette, ont été un moyen de dépasser les risques 
          de déflation de la mi-2003 mais pour rentrer en fait dans une 
          période inflationniste.
          Quant aux pays européens, dont certains comme la France se targuent 
          de la prévision d'un taux de croissance de 1,7% pour 2004, ils 
          se sont enfoncés dans la récession, ils affichent également 
          des déficits grandissants. Bien que contraints par le Pacte de 
          Stabilité européen de rester sous la barre des 3% de déficit, 
          ce qui restreint leur marge de manœuvre contrairement aux Etats-Unis, 
          les plus importants d'entre eux ont plongé dans l'endettement 
          et le déficit public afin de ne pas couler sous la pression américaine 
          : endettement de 63% du PIB et 4,1% de déficit public pour la 
          France, respectivement de 64% et de 3,9% pour l'Allemagne. Le Royaume-Uni 
          lui-même affiche un déficit public de 3,2%, le double de 
          l'année précédente.
          Outre l'endettement monstrueux des pays développés, une 
          des caractéristiques majeures de la situation économique 
          se voit dans le développement toujours plus intense de la spéculation 
          financière. Les OPA font rage dans tous les secteurs et le gros 
          des investissements se fait toujours plus vers la spéculation 
          boursière ou sur les monnaies. Cette bulle spéculative 
          qui gonfle démesurément est une expression supplémentaire 
          du fait que les profits sur lesquels sont basés les discours 
          sur la "reprise" sont du vent, des bénéfices 
          virtuels car ce n'est que de l'argent qui tourne sur les marchés 
          boursiers sans être injecté dans la production elle-même.
Tous les pays sont intéressés à la reprise économique, 
          mais le capitalisme est un système fondamentalement concurrentiel 
          et sa logique est la suivante : "ce qui me profite fait forcément 
          du tort aux autres". Aussi le battage prétendant que tout 
          le monde va se retrouver derrière la locomotive américaine 
          est un mensonge, car la reprise américaine ne se fera qu'au détriment 
          de ses économies concurrentes. C'est ce qu'on a vu se développer 
          autour de la guerre des taux de change qui s'est menée depuis 
          2002. Ainsi, les Etats-Unis ont baissé de 20% environ la valeur 
          du dollar par rapport à l'euro, la principale monnaie concurrente. 
          C'est donc directement au détriment de l'Europe que Washington 
          a pu réaliser des bénéfices à l'exportation, 
          grâce à un dollar faible. Il faut noter que, malgré 
          la pression sur les puissances économiques rivales permise par 
          la baisse du dollar, les exportations américaines ne représentent 
          toujours que 75% des importations, venant rendre encore plus criante 
          l'insolvabilité de la dette américaine.
          Dans cette guerre économique qui fait rage, et de façon 
          à mettre plus sûrement l'Europe sur la touche, les Etats-Unis 
          se sont appuyés sur la Chine à travers par exemple l'acceptation 
          d'une parité entre le yuan et le dollar, malgré l'échec 
          jusqu'ici des demandes américaines de réévaluation 
          de la monnaie chinoise afin de faire monter le coût des importations 
          européennes. L'économie de l'Empire du Milieu affiche 
          une croissance de 9,1% pour 2003 et fait figure de future deuxième 
          puissance mondiale dans tous les médias. Et en effet, l'augmentation 
          de 122% de ses exportations depuis quatre ans et les excédents 
          commerciaux qui en découlent lui ont donc permis d'acheter massivement 
          des bons du trésor américains comme devises de réserve, 
          soutenant de ce fait le déficit de l'Amérique. Mais une 
          telle situation a mis en même temps la monnaie américaine 
          en état de dépendance aiguë à l'égard 
          de la Chine et donc de la capacité de cette dernière à 
          exporter. Si l'Etat chinois n'est brutalement plus en mesure, ou cesse, 
          d'accumuler des dollars, celui-ci risque un effondrement avec une hausse 
          brutale des taux d'intérêt, mettant en danger les perspectives 
          de reprise économique.
          Le nouveau "miracle" chinois est du même tonneau que 
          le miracle des Tigres et des Dragons des années 1990, miracle 
          fondé sur l'endettement phénoménal d'entreprises 
          qui ont inondé le marché mondial grâce à 
          des coûts de production particulièrement bas et sur une 
          spéculation effrénée en attente de profits qui 
          ne sont pas réalisés. On a vu ce qu'il en est résulté 
          : faillites en chaîne avec des répercussions sur l'économie 
          mondiale, chômage massif, pauvreté aggravée, etc.
          C'est la même perspective, mais encore plus brutale, qui est ouverte 
          devant nous.
Un leitmotiv de la propagande bourgeoise est de faire croire que l'augmentation 
          des dépenses d'armement est un bienfait pour l'économie 
          et que la guerre en Irak a été du pain béni pour 
          l'économie américaine. On nous parlait aussi des profits 
          juteux qu'allaient encaisser les puissances participant à la 
          reconstruction de l'Irak. La Maison Blanche s'est même efforcé 
          de fermer la porte de l'Irak à tous les détracteurs de 
          son intervention militaire. Pas besoin d'avoir fait de hautes études 
          économiques pour compter les bénéfices au vu de 
          la situation de chaos sans fin qui s'offre en Irak.
          Depuis le 11 septembre 2001, le budget de la défense d'outre-Atlantique 
          est passé de 306 milliards de dollars à 429 milliards. 
          L'administration Bush prévoit de l'augmenter par ailleurs de 
          7% jusqu'en 2005. La guerre en Irak coûte un milliard de dollars 
          par semaine, celle en Afghanistan un milliard par mois. A ce poids financier 
          des guerres doit être ajouté le budget de la sécurité 
          intérieure, les deux représentant 3,6% du PIB. Outre toutes 
          les horreurs qu'elles prévoient pour l'humanité, toutes 
          ces dépenses ne sont en rien significatives d'un mieux à 
          venir pour l'économie et pour la classe ouvrière. Derrière 
          les Etats-Unis, toutes les grandes puissances ont profité de 
          la "guerre contre le terrorisme" pour programmer des augmentations 
          de budgets militaires et de police.
          Contrairement à ce que nous raconte la bourgeoisie, ce qui est 
          injecté dans la sphère militaire et le flicage de la population 
          n'est pas destiné à la reproduction de capital productif 
          mais à la destruction pure et simple du capital investi. Cela 
          signifie que le développement du militarisme et l'augmentation 
          des dépenses qui lui sont liées sont un poids supplémentaire 
          ne pouvant qu'accentuer la marasme économique.
          Aussi, en guise de croissance, la situation économique du capitalisme 
          mondial ne peut aller qu'en s'aggravant. La bourgeoisie peut nous faire 
          miroiter des lendemains qui chantent, implacablement, la classe ouvrière 
          va connaître de nouvelles attaques sur ses conditions de vie et 
          de travail. Certains "analystes" bourgeois sont d'ailleurs 
          bien obligés de s'interroger sur cette "reprise sans emplois". 
          Ainsi, alors que l'Etat américain continue d'afficher les projections 
          les plus optimistes, le début de l'année n'a pas vu de 
          création d'emplois aux Etats-Unis, ni d'augmentation de l'activité 
          économique dans les entreprises, même quand elles ne licencient 
          pas.
          De même, le chômage, pourtant masqué par de nombreuses 
          mesures destinées dramatiquement à faire disparaître 
          les chômeurs des statistiques, augmente dans tous les pays, développés 
          ou soi-disant "émergents".
          La poursuite du démantèlement du Welfare State qui est 
          à l'ordre du jour pour toutes les bourgeoisies du monde va entraîner 
          une aggravation formidable de la baisse du niveau de vie et la mise 
          à la rue d'un nombre incalculable de prolétaires, en particulier 
          sur le sol européen.
          Pas d'illusions. Les mensonges sur la reprise ont pour objectif de cacher 
          à la classe ouvrière que ce n'est pas une question de 
          mauvaise gestion ou de bénéfices mal ou frauduleusement 
          détournés dans les poches de patrons, mais que le capitalisme 
          est en totale faillite. Précarisation, paupérisation, 
          coupes drastiques dans les budgets sociaux, licenciements et baisses 
          des salaires sont les maîtres mots de la perspective qui attend 
          les ouvriers du monde entier, sans possibilité d'une quelconque 
          amélioration de leur sort dans le capitalisme.
Liens
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[16] https://fr.internationalism.org/ri346/Kosovo.htm#_ftnref2
[17] https://fr.internationalism.org/ri346/Kosovo.htm#_ftnref3
[18] https://fr.internationalism.org/tag/5/35/europe
[19] https://fr.internationalism.org/ri346/etat_providence.htm#_ftn1
[20] https://fr.internationalism.org/ri346/etat_providence.htm#_ftn2
[21] https://fr.internationalism.org/ri346/etat_providence.htm#_ftn3
[22] https://fr.internationalism.org/ri346/etat_providence.htm#_ftnref1
[23] https://fr.internationalism.org/ri346/etat_providence.htm#_ftnref2
[24] https://fr.internationalism.org/ri346/etat_providence.htm#_ftnref3
[25] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe
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[27] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/leconomie