Nous publions ci-dessous une lettre d’un de nos sympathisant qui a « commis le crime » de rappeler, preuves à l’appui, l’appel à voter Mitterand aux élections présidentielles de 1974 et 1981.
Pour cela, LO l’a purement est simplement interdit d’accès à ses forums !
Une telle pratique de la part de cette organisation d’extrême gauche de la bourgeoisie ne doit pas nous étonner. Comme le rappelle notre sympathisant, c’est à peu de chose près ce qui est arrivé au CCI en 1992 à la fête de LO. Quand nous avons montré ces mêmes premières pages de Lutte Ouvrière LO a immédiatement coupé le micro pour nous faire taire !
Aussi pour mémoire, sous la lettre du camarade, nous publions également les unes du journal de « Lutte Ouvrière », appelant à voter Mitterand.
Chers camarades,
Depuis quelques mois, je me suis lancé dans des discussions politiques sur des forums Internet dont celui des amis de Lutte Ouvrière. En tant que sympathisant du CCI, j’y défends les positions révolutionnaires. Autant dire que dans un forum trotskiste c’est une opération un peu kamikaze. La simple évocation du CCI leur colle des ulcères.
Récemment, j’ai posté un sujet sur le forum de LO que j’ai appelé LO et Mitterrand[1]. En fait, je me suis inspiré de votre article Dix après la mort de Mitterrand, les « trous de mémoire » d’Arlette Laguiller paru sur internet dans le Révolution Internationale de février. J’en ai cité un large extrait pour montrer qu’aujourd’hui LO fait mine de critiquer Mitterrand et la gauche alors qu’en 1974 et 1981 elle appelait en première page de son journal à voter pour ce même Mitterrand.
Cette discussion n’a pas dû leur plaire parce que depuis, l’accès de ce forum m’est interdite. D’ailleurs, la méthode employée par LO pour m’expulser vaut son pesant de cacahuètes : censure et flicage…tout un programme !
Alors que la discussion se développait, j’en ai parlé à un collègue de travail dont je connais la sensibilité pour les idées de LO (en fait, il vote à chaque élection pour cette organisation). Mais il se trouve que par rapport aux épisodes de 1974 et 1981, il m’a exprimé ses critiques à l’égard de LO et particulièrement sur leur appel de 1981 à voter Mitterrand. Au bout d’un moment, j’ai finalement réussi à le convaincre d’intervenir dans la discussion sur le forum pour qu’il exprime ses critiques. Ce qu’il a fait en utilisant, tout comme moi, les ordinateurs du boulot. Résultat somme toute logique, les messages de maurizio (mon pseudo sur Internet) et ceux de Laquille (celui du collègue) sont partis du même réseau informatique. Il n’en fallait pas plus pour les modérateurs, les flics de LO sur le forum, pour nous expulser. Ils ont profité de cette commodité, l’utilisation en commun de postes informatiques, pour nous foutre dehors. Ce serait marrant que LO vienne reprocher aux travailleurs de discuter politique au boulot et de « voler » un peu de temps aux patrons pour profiter d’Internet. Qu’elle vienne leur dire qu’ils sont « malhonnêtes », j’aimerais sincèrement voir ça !
En tout cas, en ce qui me concerne, ils ne se sont pas privés de m’insulter publiquement de « personne malhonnête ». Là, c’est vraiment le monde à l’envers. Le message du modérateur dit ceci : « Note de la modération: ce fil a été créé par Maurizio, qui a également posté des messages sous le nom de "Laquille" au bout d'un moment, pour se donner du crédit. Il faut donc le lire en ayant cette information à l'esprit. Le procédé en dit long ». C’est du grand délire mais c’est surtout franchement dégueulasse. Leur attaque est publique et je devrais avoir un droit de réponse publique, mais visiblement c’est plus commode pour eux de m’insulter sans que je puisse dire quoi que se soit pour me défendre. D’ailleurs, le modérateur du forum n’a même pas indiqué que Laquille et moi étions expulsés sans droit de réponse… laissant ainsi croire à tous les participants que je me serais éclipsé la queue entre les jambes. Un autre participant, lui aussi sympathisant du CCI, à qui j’ai expliqué toute l’affaire, a essayé de répondre à ce procédé puant mais son message a tout simplement été supprimé au bout de quelques minutes !!! Le modérateur a justifié cette mesure en affirmant que tout commentaire sur la modération était interdite donc… « circulez y’a rien à voir ». Il est évident que c’est à partir du moment où le collègue a envoyé les images des premières pages de LO de 1974 et 1981 appelant à voter Mitterrand (images que je vous avais demandé et que je me suis fait un plaisir de lui transmettre) qu’ils ont eu comme un malaise et qu’ils ont envoyé leurs tontons flingueurs pour nous faire fermer nos gueules. Bizarrement, c’est à peu de chose près ce qui est arrivé au CCI en 1992 à la fête de LO puisque c’est lorsque vous avez montré ces mêmes premières pages de Lutte Ouvrière que LO a coupé le micro pour vous faire taire.
Si le modérateur ne veut pas que je donne les explications de pourquoi mes messages et ceux de Laquille sont partis du même endroit, c’est surtout parce qu’il a trouvé là un prétexte pour me virer tout simplement du forum et en finir avec une discussion gênante. Le message d’un participant visiblement ardent défenseur de la politique et des méthodes de LO est d’ailleurs très révélatrice de la volonté de mettre un terme à cette discussion « indésirable » : « ça tourne en rond. Ce qui ne gêne pas les intervenants CCI-RIstes tant ils en ont l'habitude. Il va falloir songer à clore ». Rappeler la vérité, ils n’aiment pas du tout ça chez LO…encore plus si ça vient de sympathisants du CCI.
Flicage des ordinateurs et censure…c’est le menu stalinien des méthodes de LO et c’est plutôt ça qui en dit long.
Merci de bien vouloir me laisser un droit de réponse car je n’ai pas de site internet personnel.
maurizio
[1] Si vous voulez aller voir, voici le lien direct vers le « débat » : forumlo.cjb.net/index.php?showtopic=15969
Les attaques que le gouvernement et l'ensemble de la bourgeoisie française mènent en particulier contre les jeunes générations ouvrières à travers le contrat nouvelle embauche (CNE) ou le contrat première embauche (CPE) sont accompagnées d'une intense propagande idéologique.
Que les sirènes de la bourgeoisie persuadent les uns qu'il s'agit d'une "chance", d'une "occasion à saisir" ou qu'elles poussent les autres derrière les partis de gauche et les syndicats dans de stériles journées d'action défouloirs (comme celles du 7 février ou du 7 mars) en leur faisant miroiter l'illusion d'une autre gestion possible du capitalisme, tout cela n'est que de la propagande. La classe dominante tente de profiter ainsi du fait que les jeunes générations de prolétaires n'ont aucune expérience concrète de la lutte ouvrière, contrairement à leurs aînés qui ont mené le combat dans les années 1980.
L'objectif est de tenter d'empêcher ces jeunes prolétaires de développer leur réflexion en profondeur, d'entrevoir une remise en cause du système capitaliste. Cela, en dévoyant leur réactions soit sur le terrain de la "débrouille" individualiste, soit sur celui de "la mobilisation citoyenne" où la bourgeoisie les empêche de prendre conscience de leurs conditions de prolétaires. Toute cette entreprise mystificatrice est non seulement destinée à diviser au maximum les jeunes prolétaires entre eux, à les déboussoler ; mais surtout, à les cloisonner, les isoler du reste de la classe ouvrière et à créer un fossé entre les générations ouvrières en tentant de faire apparaître le CNE ou le CPE comme un problème spécifique "pour les jeunes".
La bourgeoisie masque ainsi que des attaques comme le CNE et le CPE préparent une généralisation de la précarité à l'ensemble de la classe ouvrière. Le gouvernement Villepin a d'ailleurs annoncé la couleur en dévoilant son projet d'étendre les mêmes dispositions à tous les contrats de travail d'ici l'été prochain. Il s'agit donc d'empêcher la classe ouvrière dans son ensemble de prendre conscience que cette attaque est un révélateur de la faillite du système capitaliste.
C'est pourquoi se battre contre la précarisation croissante de l'emploi n'est nullement un combat réservé "aux jeunes". Il concerne au contraire toute la classe ouvrière.
La bourgeoisie prend ainsi les devants pour éviter une mobilisation massive contre le CNE ou le CPE. Elle tente de dévoyer et d'enrayer le sentiment spontané de sympathie dont bénéficient les jeunes générations ouvrières face à cette nouvelle attaque. L'assassinat barbare et crapuleux d'un jeune homme d'origine juive par une bande de voyous sans scrupules a constitué du pain bénit pour toute la classe politique bourgeoise afin de lancer une gigantesque campagne médiatique. Le but principal de ce battage est de jeter l'opprobre et le discrédit sur la partie de la classe ouvrière la plus déshéritée mais aussi la plus fragilisée et sans doute la moins consciente. Ainsi, les jeunes de banlieue, dont une grande partie sont d'origine immigrée, sont montrés du doigt comme un foyer potentiel de criminels racistes et antisémites. Par ailleurs, la bourgeoisie ne s'est pas privée d'évoquer le spectre des émeutes de novembre dernier et les voitures cramées. Le message est clair : ces jeunes ne sont pas que des "pauvres victimes" de la misère, du chômage, de la précarité, ils peuvent être non seulement des vandales mais aussi des bourreaux en puissance. Ainsi, cette odieuse propagande est destinée d'abord à diviser davantage les prolétaires entre eux mais plus largement à marginaliser et isoler davantage les enfants des cités de banlieue du reste de la classe ouvrière. Nous développons par ailleurs (voir article en page 2) les autres aspects idéologiques de cette campagne qui visent tous à saper la conscience des ouvriers et à paralyser l'expression de toute solidarité de classe.
Cependant, la classe ouvrière a les moyens de réagir. Lors de la grève des transports publics à New York en décembre dernier, par exemple, alors que l'attaque sur les retraites ne visait explicitement que ceux qui seraient embauchés dans le futur, nous avons déjà évoqué et salué la capacité des ouvriers de refuser une telle manœuvre de division (voir RI n°365). La grève a été largement suivie car la plupart des prolétaires avaient pleinement conscience que se battre pour l'avenir de leurs enfants, pour les générations à venir, faisait partie de leur combat de classe. Ce sont de telles manifestations de solidarité qui sont aujourd'hui une nécessité pour développer le combat de classe. C'est aussi la responsabilité des prolétaires les plus expérimentés de ne pas laisser leurs jeunes camarades isolés face aux attaques de la bourgeoisie et de ne pas se laisser piéger et diviser par ses manœuvres idéologiques. La seule réponse possible est dans le développement des luttes massives, toutes générations, tous secteurs de la classe ouvrière confondus.
W (25 février)
Depuis le début de l’année, le gouvernement accélère ses attaques contre toute la classe ouvrière. Sur le terrain de la précarisation des conditions de vie de la classe ouvrière, après le contrat nouvelle embauche de l’automne dernier, Villepin nous a sorti le contrat première embauche, destiné plus spécialement à imposer aux moins de 26 ans des conditions d’exploitation aggravées. Dans la fonction publique, ce sont entre 20 000 et 25 000 emplois qui vont sauter. France Telecom va licencier 17 000 employés et, dans l’ensemble du secteur privé, les fermetures d’entreprises et les licenciements qui les accompagnent sont en constante augmentation. Pendant ce temps, le gouvernement veut faire croire qu'il fait baisser le chômage alors qu'il ne fait qu'accentuer la pression sur les chômeurs et éjecter des milliers d’entre eux des listes de l’ANPE.
Face à cette offensive en règle du capital français, les syndicats sont montés au créneau et ont organisé toute une série de journées d’action, alors qu’ils étaient restés particulièrement silencieux depuis le mois d’octobre.
Le 2 février, nous avons eu droit au spectacle de "l’unité syndicale", CGT, FO, FSU, CFDT, UNSA, CGC, etc. appelant à manifester contre les accords salariaux passés dans la fonction publique… accords déjà entérinés quelques jours auparavant par des négociations entre la CFDT, la CFTC, l’UNSA et le gouvernement.
Le 7, l’ensemble des syndicats ainsi que les organisations lycéennes et étudiantes appelaient à manifester contre le CPE, en pleines vacances scolaires, ce qui n’empêchait pas que le texte soit voté au parlement dans la nuit du 8 au 9 février. Le 16, le 20 puis le 23 février, les appels à des manifestations sur tout le territoire se répétaient, de la part des organisations de jeunesse et de la CGT en particulier. Et c’est encore pour le 7 mars que FO, rapidement suivie par l’ensemble des syndicats, proposait une journée d’action interprofessionnelle pour le retrait du CPE.
Tout cela donne ainsi l’impression d’une riposte en règle de la part des syndicats pour contraindre Villepin à retirer le CPE, pendant que ce dernier multiplie les déclarations provocatrices du type : "Le CPE, c’est plus de chance sur le marché du travail et plus de sécurité dans l’emploi." Il est évident qu’il n’en est rien et que ce "contrat" est un marché de dupes, mais il s’agit de donner du grain à moudre aux syndicats pour mieux donner l’illusion qu’ils se mobilisent pour défendre les intérêts de la classe ouvrière.
En effet, ces journées d’action n’ont aucunement pour objectif de pousser le gouvernement à retirer ses mesures anti-ouvrières mais, tout au contraire, à les faire passer en déboussolant la classe ouvrière et en défoulant une partie de la combativité comme on l’a vu lors de certaines manifestations lycéennes et étudiantes en province.
La multiplication de ces mobilisations syndicales, cet éparpillement d’une prétendue riposte sont des manœuvres de sabotage de la lutte. En mettant en avant des revendications particulières à tel ou tel secteur de la classe ouvrière, les syndicats organisent la division voire l’opposition des ouvriers entre eux. Et même lorsqu’ils font semblant de mobiliser les ouvriers "tous ensemble", c’est pour mieux mettre en avant dans les manifestations des intérêts catégoriels et spécifiques. Les ouvriers ne peuvent rien en retirer qu’un sentiment d’impuissance, de lutte stérile et sans lendemain qui débouche sur la démobilisation et la démoralisation. C’est ce que cherchent les syndicats, qui en rajouteront une couche en cherchant de surcroît à culpabiliser les ouvriers eux-mêmes en les rendant responsables de leurs conditions de misère, parce qu'ils ne se mobiliseraient pas assez dans les journées d'action à répétition.
Le but recherché aujourd’hui est de créer une fausse impression de riposte qui serait menée par les organisations syndicales et de faire barrage à des initiatives de la part de la classe ouvrière. Ceci afin de mieux saboter la prise de conscience de la nécessité pour les ouvriers de prendre leurs luttes en main et que c’est réellement tous ensemble qu’il faut lutter, que l’on soit du privé ou du public, jeunes ou vieux, au chômage ou au travail.
Cependant, cette nécessité commence de plus en plus clairement à germer dans les rangs ouvriers, bien que la réflexion soit encore embryonnaire et limitée à une minorité dans la classe ouvrière.
Ainsi, lors des interventions du CCI dans certaines de ces mobilisations, nous avons eu de nombreuses discussions avec des manifestants. Lors de la manifestation du 2 février à Paris en particulier, dans une ambiance d’encadrement syndical sinistre et apathique, soigneusement organisée par des syndicats qui avaient fait en sorte de saucissonner le défilé en paquets bien encadrés par les différents services d’ordre derrière les banderoles de chaque chapelle syndicale, les critiques fusaient de la part d’ouvriers (dont des syndicalistes) qui suivaient le cortège sur les trottoirs. "On est là mais ça ne sert à rien" "Ce type de manif ne sert à rien." "C’est du sabotage." Ou encore plus précisément : "Ce qu’il faut, c’est la révolution." De telles réflexions sont exemplaires d’un état d’esprit qui se développe dans la classe ouvrière, celui du besoin de lutter pour ne pas se faire avoir, mais pas n’importe comment, ainsi que d’une certaine prise de conscience que les syndicats ne font que nous balader.
Bien qu’elle ne soit que naissante, cette dernière est significative du tournant qui s’opère depuis quelques années dans la classe ouvrière. Et c’est pour cette raison que les gauchistes, trotskistes en tête, montrent autant de dynamisme dans le recrutement de jeunes lycéens et étudiants, comme on a pu le voir dans la manifestation du 7 février, car toute une réflexion en profondeur se développe dans la tête de ces futurs exploités. En particulier, quand une réelle méfiance par rapport aux centrales syndicales existe chez les jeunes, les trotskistes se chargent de la récupérer, non pas pour développer une conscience claire de la nécessité de détruire le capitalisme, mais pour mieux les rabattre dans le carcan du syndicalisme, avec l’illusion mortelle qu’on peut réformer le capitalisme.
Les syndicats et les gauchistes ne sont nullement les ennemis du gouvernement et du patronat, ils sont au contraire les meilleurs alliés de la bourgeoisie et les meilleurs défenseurs de ses attaques anti-ouvrières.
Mulan (25 février)
Entre l'affaire d'Outreau et le fait divers du gang des barbares de Bagneux, l'actualité des dernières semaines fut particulièrement sordide. Torture, meurtre, enfants violés, vies détruites… l'étalement de toutes ces horreurs met à nu le pourrissement de cette société.
Mais ce qui confine à l'écœurement, c'est l'exploitation cynique par la bourgeoisie de ces atrocités. Sans aucune vergogne, les médias et les hommes politiques de tous bords se sont jetés sur ces événements tels des charognards. En braquant ainsi tous les projecteurs sur des monstruosités et des individus en particulier, la bourgeoisie a cherché à jeter une ombre sur la misère et la barbarie générales de son système.
Un battage médiatique au service de la bourgeoisie
Dans la presse, les magazines, les émissions spéciales et les 20 heures, le procès d'Outreau et ses suites tiennent le haut du pavé de l'information. Non seulement, le juge d'instruction tout désigné comme bouc-émissaire a été jeté dans la fosse aux lions pendant des heures sous l'œil de caméras de télévision mais, comment ne pas éprouver un malaise devant l'aspect dégradant, choquant et indécent du spectacle de télé-réalité organisé auquel nous avons été conviés : celui d'hommes et de femmes tardivement innocentés (sans compter le drame de 25 enfants traumatisés à vie et séparés de leurs parents) dont les vies ont été irrémédiablement broyées, saccagées et qui sont jetés en pâture au spectacle télévisuel. Leur désarroi, voire leur désespoir, est exploité pour les balader comme des zombies errants de tribunaux en prétoires, de caméras en micros pour répéter sans fin leur haine parfois, leur incompréhension et leur hébétude. Pourquoi ? A quoi peut bien servir un tel déballage de souffrance ?
Ce flot de propagande pousse chaque "citoyen" à prendre partie et à se prononcer pour savoir qui doit être tenu pour responsable de ce fiasco. On voudrait nous faire croire, soit que l'erreur est à la charge d'un juge d'une immaturité flagrante, soit que la faute incombe à un appareil juridique inadapté. Quelle hypocrisie ! Avec un cynisme incroyable quand on sait qu'à Outreau pas moins de 67 magistrats ont participé au dossier d'instruction en soutenant et cautionnant les décisions du juge Burgaud, la bourgeoisie déploie la politique du bouc-émissaire en faisant porter le chapeau à un magistrat, lâché par ses corélligionnaires et livré au réquisitoire implacable d'une commission d'enquête parlementaire de circonstance. La vrai responsabilité ne repose pas sur tel ou tel individu ni sur une justice imparfaite mais sur l'ensemble de la bourgeoisie. C'est pour défendre ses intérêts, pour développer une propagande mystificatrice qu'elle a jeté en 2001 son appareil judiciaire sur un événement sordide et local stigmatisant la pédophilie.
La focalisation des médias sur un fait divers n'est en effet jamais gratuite. A l'origine, ce gigantesque battage médiatique a permis de frapper les esprits face à la "découverte", particulièrement horrible et monstrueuse, d'un vaste réseau pédophile impliquant une vingtaine de personnes. Le retentissement avait été comparable à l'affaire Dutroux en Belgique en 1996. La publicité était à la mesure de ce qu'on nous présentait avec cynisme comme un des plus "fameux procès du siècle". Alors que les affaires de pédophilie se multipliaient, ce procès devait être "exemplaire" de la fermeté de la justice. L'heure n'était pas à la prudence… les chiens étaient lâchés.
La réalité, c'est que plus un phénomène paraît horrible et monstrueux, plus il sert à masquer l'horreur et la monstruosité du système social qui l'engendre. Car l'objectif principal de cette vaste campagne idéologique était d'empêcher la remise en cause du système capitaliste dans son ensemble. Il s'agissait de masquer que le véritable responsable de la multiplication de pratiques sexuelles perverses et criminelles, notamment contre des enfants, c'est le capitalisme. La misère et la barbarie que le capitalisme porte en lui et qu'il diffuse à profusion tous les jours partout sur la planète sont indissolublement liées à une misère sexuelle et affective grandissante pour l'humanité. La réduction à des rapports humains marchands pousse à la frustration, au sadisme, à la violence et à la perversion. Ce sont les produits contaminés d'une société capitaliste pourrissante et déshumanisée qui s'enfonce dans le fumier de sa propre dégénérescence.
C'est le lien profond entre l'existence du capitalisme et la putréfaction des rapports sociaux que cette propagande médiatique et judiciaire cherchait à masquer. Et il ne faut pas croire qu'à travers toutes les commissions parlementaires actuelles ou les excuses gouvernementales, l'esprit qui anime les dirigeants politiques et les médias est aujourd'hui différent ou plus humain.
Derrière la prétendue remise en cause des institutions judiciaires, la dénonciation des "dysfonctionnements de la machine judiciaire", il s'agit encore et toujours de semer un maximum d'illusions sur la possibilité de réformer la justice.
Une diversion dirigée contre la classe ouvrière
Avec l'affaire du "gang des Barbares", la bourgeoisie utilise de nouveau l'horreur au service de sa propagande.L'enlèvement crapuleux et le meurtre sadique d'Ilan Halimi constituent une nouvelle manifestation édifiante de la décomposition du tissu social et le reflet abject d'un monde où il s'agit de gagner de l'argent par n'importe quel moyen. Mais l'énorme publicité médiatique là encore assurée à cet événement a permis d'en dénaturer le sens. S'il a été bruyamment présenté comme un "crime raciste et antisémite", c'est en fait que la bourgeoisie y trouvait son intérêt. Toute la classe politique a cyniquement exploité et instrumentalisé cet horrible assassinat pour appeler la population à une "union sacrée" autour de la défense des valeurs citoyennes et démocratiques. Ainsi, de l'extrême gauche jusqu'à … Le Pen, tous ont sauté sur l'occasion pour appeler à une grande manifestation à Paris sur le thème de "l'antiracisme". Plus insidieusement, c'est la jeunesse immigrée de banlieue, majoritairement noire ou maghrébine, qui se retrouve potentiellement stigmatisée et sur laquelle on fait retomber le soupçon de racisme et d'antisémitisme. Le déclenchement de cette campagne, elle-même vécue comme une provocation par ceux qui sont ainsi montrés du doigt, ne peut en retour que mettre de l'huile sur le feu, attiser pour de bon des réflexes racistes et développer un climat de haine et de tension entre communautés ethniques.
La fonction idéologique la plus pernicieuse de ce type de propagande est qu'elle participe d'une entreprise systématique pour saper la confiance et la solidarité des prolétaires entre eux. Une partie de la classe ouvrière est opposée à une autre. La bourgeoisie dresse des barrières entre différentes communautés ethniques ou religieuses pour mieux diviser les prolétaires entre eux. Plus largement, la classe dominante a recours à cette méthode pour alimenter une méfiance généralisée envers l'autre, pour susciter un sentiment de peur et d'insécurité envers lui. On pousse chacun à percevoir le collègue de travail, le voisin de palier, l'enseignant, les parents des copains de vos enfants, le quidam qui vous aborde dans le la rue, dans les transports, comme un ennemi potentiel susceptible d'être reconnu demain comme un individu asocial, un assassin monstrueux, un terroriste intégriste ou un dangereux pédophile. Cette entreprise vise à alimenter un sentiment d'isolement, d'atomisation individuelle parmi les exploités. La presse a d'ailleurs enfoncé le clou en multipliant les témoignages de voisins n'ayant rien vu ni rien entendu ou se déclarant sidérés d'avoir côtoyé si longtemps tel ou tel criminel qui paraissait si poli, calme et gentil. Le message ici délivré est qu'en banlieue, les prolétaires vivent cloîtrés, sans se soucier de l'autre. Plus écœurant encore, les commentaires journalistiques insinuaient que même ceux qui savaient n'ont pas réagi par peur et indifférence. Il s'agit d'entretenir à tout prix la division entre les ouvriers. La bourgeoisie et ses médias tentent ainsi d'empêcher les prolétaires de se reconnaître entre eux comme ayant les mêmes intérêts de classe à défendre et de les détourner de la nécessité de lutter ensemble face aux attaques massives du capitalisme. Elle cherche, derrière cette propagande, à briser la force collective que représente la classe ouvrière et à étouffer dans l'œuf tout élan de solidarité potentielle entre prolétaires. Il s'agit en fait de les empêcher de prendre conscience de la force collective qu'ils représentent et de s'opposer à leur unification qui n'est possible qu'à travers le développement de leurs luttes sur un terrain de classe.
Wim (23 février)
Il est aujourd’hui encore très difficile de faire un réel bilan humain de l’épidémie de chikungunya qui frappe depuis près d’un an l’île de la Réunion. Officiellement, nous en sommes à 52 décès ; et 110 000 personnes sur une population totale d’environ 700 000 habitants auraient été touchées ([1] [9]). Soit plus d’un habitant sur sept !
Mais en réalité l’horreur va certainement bien au-delà. Durant l’année 2005, les statistiques notent une augmentation significative de la mortalité sur l’île. Un communiqué publié par le ministère de la santé précise ainsi "On compte [...] en 2005, 396 décès de plus qu‘en 2004, 258 de plus qu’en 2003" (Libération du 17 février). De plus, les scientifiques n’ont pour l’instant aucune idée des conséquences sur les enfants nés de mères infectées. Ils constatent néanmoins d’ores et déjà des pathologies d’encéphalites chez ces bébés.
Et le pire reste encore à venir. Alors que durant toute l’année 2005, ‘seulement’ 10 000 cas avaient été recensés, nous en somme déjà à plus de 100 000 depuis le début 2006. Le rythme de contagion ne cesse de s’accélérer : elle est aujourd’hui de 22 000 nouveaux cas par semaine !
Sous le capitalisme, une vie humaine ne vaut pas grand chose
Comment une situation aussi désastreuse a pu voir le jour ? Le chikungunya est-elle une maladie si virulente et si incontrôlable ? Absolument pas.
Si une cinquantaine de personnes sont mortes au cours de ces derniers mois, c’est tout simplement parce que l’Etat français n’a strictement rien fait pour lutter contre la maladie. Qu’on en juge ! Lors de la déclaration des premiers cas en février 2005, aucune précaution n'a été prise pour procéder à l'isolement réel (hospitalisation) ou seulement virtuel (protection à domicile des porteurs de la maladie). Pourtant, les Aedes (l'espèce de moustiques vecteur de la maladie) devient porteur en piquant un être malade. Une simple mesure de quarantaine aurait donc pu suffire dès le départ à enrayer la propagation. Quand les cas ont commencé à se multiplier, l'Etat a réagi en… attendant l'hiver austral, spéculant sur une extinction spontanée des Aedes. En novembre 2005, alors que les autorités reconnaissent enfin officiellement au Sénat une "véritable catastrophe sanitaire" qui "ravage l'île", le ministère de la santé attend encore un mois pour réagir. Et pour faire quoi ? Pour débloquer la somme de 52 000 Euros et un renfort de 20 personnes pour poursuivre la démoustication. A l'aune de ces quelques deniers, la déclaration de Xavier Bertrand du 30 janvier affirmant sur le sol réunionnais qu'il lance une "stratégie globale de lutte pour ne pas se faire prendre de vitesse" apparaît aussi ridicule que révoltante.
A partir de février 2006, le nombre de morts commence à inquiéter. L'Etat bombe le torse, se veut protecteur et rassurant. Il prend les choses en main en le clamant haut et fort. Le quotidien Libération titre ainsi "La France accentue son effort" (le 9 février 2006). Seulement, encore une fois, la réalité des moyens débloqués est dérisoire. Le 8 février, le ministre Xavier Bertrand annonce que la situation s’est aggravée puis annonce triomphalement une série de nouvelles mesures : augmentation de la capacité d'accueil des hôpitaux de 65 lits et envoi de 30 infirmiers et 20 médecins (Libération du 9 février). Il faut le lire et le relire encore pour le croire : contre 20 000 nouveaux malades chaque semaine, l'Etat 'offre' 65 lits, 30 infirmiers et 20 médecins !
Sous le capitalisme, la recherche médicale est un secteur économique comme un autre
La lenteur de la réaction et la médiocrité des moyens mis en place révèlent quelle valeur a la vie humaine pour la bourgeoisie et son Etat : moins que rien.
Mais le cynisme n'a pas de limite. Les responsables et les médias aux ordres avancent comme excuse la méconnaissance de la maladie. Un communiqué du ministère délégué à la recherche indique ainsi qu'il s'agit maintenant de "mieux comprendre, connaître et surtout mieux combattre cette maladie émergente". Le chikungunya, une maladie émergente, une maladie nouvelle et méconnue ? De qui se moque t-on ? Ce virus est connu de longue date. Il a été identifié la première fois en Ouganda en 1953 ! Il y a plus de 50 ans ! Depuis, il circule en permanence en Afrique de l'Est, en Asie du Sud-Est et dans le sous-continent indien. Et il ne faut pas croire que la recherche scientifique s'est désintéressée depuis tout ce temps de ce virus. Au contraire, des centaines de millions de dollars lui ont été consacrés pour… en faire une arme de guerre. Le 24 septembre 2001, 13 jours après l'attaque des Twin Towers, l'OMS avait établi une liste concernant les agents biologiques susceptibles d'être utilisés à des fins terroristes. Parmi eux figurait en septième position l’inoculation du virus du chikungunya. Plus loin dans le temps, dans les années 1980, l'armée américaine s'était intéressée à en faire une arme bactériologique. Et par contre pas un sou pour la recherche médicale. Aucun vaccin, pas le moindre médicament. Il n’y a aucune rentabilité économique à investir pour soigner des populations misérables.
La mortalité est un produit de la misère
Ce qui surprend le plus le corps médical est la nature mortelle de certaines contaminations. Jusqu' alors, le chikungunya était considérée comme une maladie grave, entraînant des troubles importants et parfois des séquelles mais nullement mortelle. Chikungunya signifie littéralement "marcher courbé". Pourquoi aujourd'hui ce virus tue-t-il ? Les 52 décès officiellement reconnus sur l'île de la Réunion concernaient des patients déjà fragilisés par d'autres pathologies. En d'autres termes, si le chikungunya fait aujourd'hui des ravages, c'est qu'il touche des populations affaiblies. Comme toute les maladies, ce virus trouve dans la misère le terreau le plus fertile à son développement et à sa virulence.
Ce n'est donc pas un hasard si cette épidémie dépasse largement les frontières de la petite île et commence à toucher toutes les régions bordant l’océan Indien : aux Seychelles, à Mayotte, sur l'île Maurice, à Madagascar… Et cette liste ne fait que s'allonger.
La façon dont la maladie touche l’île de Madagascar est particulièrement caractéristique du développement des maladies au fur et à mesure que la capitalisme pourrit sur pied. Dans les hôpitaux, les médecins sont incapables d'établir un quelconque diagnostic quand les malades débarquent aux urgences. Pourquoi ? Tout simplement parce que le nombre de maladies répandues dans la population est considérable. Les symptômes du chikungunya peuvent être ainsi confondus avec ceux du paludisme, de la dengue ou autre arbovirose. Et les médecins en viennent à espérer que le malade soit touché par le chikungunya car c'est la maladie la moins mortelle du lot !
L'avenir du capitalisme, c'est plus de misère et plus d'épidémies
Face au chikungunya, la bourgeoisie a encore une fois montré toute son incurie 3 ans après les 15000 morts de la canicule en France méropolitaine. Cette classe domine un système qui est incapable de protéger la population. Pire, en développant la misère, elle livre sans soin une population affaiblie aux ravages de tous les virus qui passent.
C'est pourquoi tous les discours sur le sacro-saint principe de précaution, sur les mesures préparatoires afin de faire face à la grippe aviaire ne sont que de grossiers mensonges.
Chikungunya, paludisme, sida, retour de la lèpre et de la tuberculose pour des pans entiers du globe, voilà la seule promesse d'avenir que le capitalisme sera capable de tenir !
Pawel (20 février)
[1] [10] Une semaine après l'écriture de cet article, il faut noter que le décompte des victimes est déjà passé à 150 000 malades et 77 morts.
Nous publions ici un bilan de notre intervention dans la lutte des travailleurs de SEAT contre les licenciements ([1] [11]). Cette intervention a eu comme axe principal celui de soutenir le début d’une lutte ouvrière authentique et de dénoncer le sabotage syndical de cette manifestation de combativité et de solidarité ouvrières. Si nous publions un compte-rendu de ce qui a été défendu par notre organisation aux portes des usines de SEAT, lors des assemblées, dans les manifestations, c’est justement pour montrer que l’alternative : ou bien on accepte ce que les syndicats organisent ou bien on reste, démoralisés, à ruminer notre impuissance, est une alternative fausse. Une autre idée fausse est celle qui prétend que l’activité d’une organisation révolutionnaire serait celle d’une espèce de club organisant des débats stériles et distants. Notre intervention chez SEAT a montré que nos positions politiques, fruits des leçons de plus de 200 ans de luttes ouvrières contre l’exploitation, peuvent et doivent se concrétiser en propositions et en orientations pour renforcer la lutte des travailleurs d’aujourd’hui et de demain, et les mettre en garde contre les pièges de leurs ennemis. Nous sommes allés dire aux travailleurs : "Faites des assemblées pour diriger vous-mêmes votre lutte", "Ne vous laissez pas diviser" "Ne laissez pas casser votre combativité avec des mobilisations qui vous affaiblissent et vous isolent, à travers lesquelles ceux qui vous ont trahi essaient de récupérer votre confiance", …
Ainsi, nous avons dit à haute voix ce qu’un bon nombre de travailleurs de SEAT ou de n’importe quel autre secteur ou n’importe quel pays pensent sans oser l’exprimer ouvertement. Et nous continuerons à le faire parce que ce sont les bases de la véritable lutte ouvrière, celle du 23 décembre chez SEAT, dans l’automobile en Allemagne en 2004, en Argentine l’an dernier,… C’est la seule manière pour que la classe exploitée gagne en solidarité, en force, en confiance en elle-même pour s’opposer au capitalisme.
Voici ce que nous avons défendu dès le premier moment de notre intervention comme l'exprime le premier communiqué que nous avons réalisé dans les premiers jours de janvier et dont nous reproduisons ici quelques extraits :
Intervention du CCI en solidarité avec les travailleurs de SEAT
Avec nos forces limitées, nous nous sommes mobilisés pour soutenir les travailleurs de SEAT. Lundi 2 janvier, à 5h30 du matin, premier jour après la parenthèse des vacances, nous sommes allés aux portes de SEAT pour y distribuer notre tract "Pour lutter il faut affronter le sabotage syndical"[2] [12].
Cette action est en continuité avec notre présence active dans la lutte chez SEAT : aux portes de l’usine d’abord depuis le mois d’octobre, dans les manifestations par la suite (voir notre tract : "SEAT: Sauver l’entreprise veut dire : licenciements et contrats poubelle. La réponse c’est la lutte ouvrière !"[3] [13] et le 23 décembre, lorsque la grève spontanée a éclaté.
Aux portes de l’usine il y avait un groupe de licenciés de SEAT. C’est une initiative très positive de ne pas rester chez soi, de s’adresser aux camarades qui tôt ou tard pourront être eux aussi victimes de licenciement. Ils scandaient : "Non aux licenciements", "Aujourd’hui c’est nous, demain ça pourrait être vous", ils dénonçaient les syndicats signataires du pacte des 660 licenciements. Il est important d'éviter la séparation entre les camarades licenciés et ceux qui restent. L’unité est nécessaire et cette action va dans le sens de la défendre. Les licenciés ne doivent pas rester isolés, il faut rejeter fermement toutes les mesures qui vont dans le sens de l’isolement, du chacun pour soi, comme celle de se présenter devant les tribunaux pour exiger le licenciement individuel, cas par cas.
Nous soutenons les camarades : REINTEGRATION DES LICENCIÉS. AUCUN LICENCIEMENT. Une idée qui pourrait être utile : organiser des délégations vers les autres usines, les quartiers, les autres lieux de travail, poser le problème des licenciements chez SEAT, demandant la vraie solidarité : aujourd’hui pour moi, demain pour toi. Lutter aujourd’hui pour empêcher les licenciements chez SEAT c’est développer les forces pour lutter contre de futurs licenciements dans d’autres entreprises, dans d’autres secteurs. Beaucoup de travailleurs sont attentifs à ce que font les camarades de SEAT et ils se sentent stimulés par leur lutte.
D’autres camarades se joignent à notre intervention
Nous avons reçu des lettres de soutien de la part des camarades qui ont montré leur disposition à nous aider dans notre intervention solidaire. Il y a des camarades qui collaborent avec nous dans la distribution des tracts dans les usines et les quartiers. Un camarade nous a envoyé la prise de position suivante :
"Chers camarades : je viens de recevoir aujourd’hui même, 28 [décembre], votre courrier avec votre tract sur SEAT, et je vous répond de suite et brièvement :
Le tract résume, à mon avis, d’une façon approfondie les événements de SEAT. C’est une analyse parfaitement juste, surtout en ce qui concerne l’importance qualitative de la tentative des travailleurs pour entreprendre leur lutte autonome en brisant les brides syndicales et le reste de l’appareil d’Etat et du patronat qui sont derrière les syndicats. Je salue donc votre intervention, je me solidarise avec son contenu et avec les travailleurs qui, malgré la police syndicale, se sont mis en grève spontanée, c’est cela qui est vraiment significatif. Je ne pense pas que la CGT[4] [14] s’en tire, de ce rapport de force, aussi renforcée que certains le prétendent, étant donné que les illusions non seulement sur les syndicats mais aussi sur le syndicalisme sont en train de tomber chez les travailleurs. Etre affilié à un syndicat ne sert même pas de garantie pour ne pas être inclus dans la charrette du dernier "plan social". Il va y avoir une réflexion chez les ouvriers sur cet aspect. Il faut dénoncer très spécialement le syndicalisme radical, proposant même aux travailleurs de demander la démission des délégués du comité d’entreprise et de la table de négociation, etc. Signé : German".
Cette mobilisation de nos camarades est une grande satisfaction pour nous et renforce notre détermination à continuer le combat.
Nous avons pris position sur la "Lettre" que les licencié(e)s de SEAT ont adressée au PDG de l’entreprise :
"Camarades :
Nous voulons d’abord vous exprimer notre solidarité sans faille et ajouter notre voix pour que le cri "réintégration des licenciés, aucun licenciements de plus", se fasse entendre le plus fort possible.
En deuxième lieu, nous vous proposons ceci : Pourquoi ne pas faire une lettre adressée à tous les travailleurs ? Voilà ce que faisaient d’habitude les licenciés lors des luttes des années 70 : c’est une bonne tradition que nous devrions reprendre. Une lettre montrant que les licenciements de SEAT sont le couronnement de bien d’autres qui s’étaient produits auparavant : par exemple chez Gearbox, ou à Unidad Hermética, ou dans Papelera etc., et l’annonce de beaucoup d’autres dans bien d’autres entreprises, SEAT elle-même y incluse, comme le PDG l’a lui-même annoncé avec toute son arrogance hypocrite, une fois signé l’accord de la honte de ce 15 décembre. Une lettre pour dire qu’aujourd’hui c’est vous, mais demain ce sera peut-être le tour de beaucoup d’autres. Une lettre pour demander la solidarité de tous les travailleurs, dans le sens de la vrai solidarité : aujourd’hui pour toi, demain pour moi, aujourd’hui pour les camarades de SEAT de sorte que demain ils aient de la force face aux nouveaux licenciements. Cette solidarité aurait pu se concrétiser dans la convocation d’une manifestation au centre de Barcelone où des travailleurs de toutes les entreprises sans distinction de secteur, sexe ou nationalité, puissent se rendre. Une manifestation unitaire pour dire clairement au patronat, au Gouvernement et aux deux syndicats majoritaires que les ouvriers en ont marre et qu’ils ne se laisseront plus agresser, une manif pour pouvoir sentir dans la pratique la force des travailleurs.
Dans votre lettre apparaît l’idée suivante : "…et laissez [s’adressant au PDG] que SEAT continue à être ce quelle a toujours été, une entreprise espagnole, vraiment compétitive, avec ses problèmes mais sans licenciements.". Nous vivons dans une société où la concurrence est la loi. Les nations se font une concurrence à mort entre elles pour le partage du marché mondial. Le slogan hitlérien "Exporter ou mourir" pourrait être le leur. De la même façon, les entreprises se font une concurrence féroce dans leur secteur. Dans cette concurrence il y a des Etats qui gagnent et d’autres qui perdent, des entreprises qui s’imposent au détriment des autres. Cependant, aussi bien chez les gagnantes que chez les perdantes, il y a ceux qui perdent toujours : les travailleurs et la plupart des humains. Chez les gagnants parce que pour être compétitifs ils vont licencier, étendre la précarité, baisser les salaires, imposer des horaires d’enfer, avec des trucs comme les "bourses d’heures". Chez les perdants, parce qu’on ferme les usines, ils licencient des gens pour se maintenir un peu hors de l’eau. C’est la compétitivité qui est à la base des licenciements, de la précarité, de l’attaque contre nos conditions de vie. Nous, les travailleurs, comme le reste des êtres humains, avons besoin de nous nourrir, nous habiller, de vivre sous un toit, digne d’un avenir pour nos enfants, des nécessités que nous ne pouvons pas faire dépendre du fait que l’Espagne ou l’entreprise soient compétitives. Le capitalisme est un système où la vie est sacrifiée à la production, alors que la société à laquelle les travailleurs aspirent est une société où la production sera au service de la vie. A leur compétitivité nous devons opposer notre solidarité.
Salut, camarades. Solidarité et lutte !"
Dans un autre article : "Leçons de la lutte chez SEAT,..."[5] [15], nous mettons en avant que les syndicats ont tout fait pour retarder et escamoter la vraie lutte et cela depuis septembre, comptant sur la démobilisation des vacances de Noël pour que l’indignation et la combativité du 23 décembre se dilue. La CGT qui avait assumé le "parrainage" des licenciés, s'est arrangée pour que n'ait lieu en tout et pour tout qu'un seul rassemblement des travailleurs de SEAT dans les 10 jours suivant le 23 décembre. Et encore s'agissait-il d'une réunion éloignée de l’usine où ne pouvaient participer que les licenciés. Nous y sommes allés quand même, nous avons diffusé nos tracts, nous avons discuté avec les présents à l’assemblée, et nous avons de suite rédigé un deuxième communiqué sur notre intervention que nous résumons ci-dessous.
L'assemblée du 2 janvier
Ce court texte n’a pas la prétention de faire une analyse, mais d’informer sur comment nous avons continué notre intervention face à la situation générée par les licenciements chez SEAT.
Le 3 janvier une Assemblée de Licencié(e)s de SEAT était convoquée. Elle était organisée par la CGT et elle a été perçue ainsi : "La CGT nous a informé hier que ce sont les camarades licencié(e)s qui assisteront à l’assemblée et c’est eux qui décideront le type d’action à mener. Les autres camarades de la CGT ou d’autres syndicats et organisations anti-capitalistes comprenons que nous devons être présents à l’extérieur du lieu de l’assemblée, pour montrer notre soutien à ces camarades et pour bien monter que, bien que ce soit eux qui doivent mener la lutte, ils ne sont pas seuls… La majorité des camarades consultés pensent qu’une fois que l’assemblée aura décidé des actions à mener, nous pourrons montrer notre solidarité" (Kaosenlared 2-1-06[6] [16]). Dans le forum Internet Alasbarricadas une personne qui signait "Cegetero" (Cégétiste) signalait : "Attention : la convocation à l’assemblée de SEAT n’est pas claire. Sur l’affiche en tête et autour du dessin y est écrit : contre les licenciements de SEAT, sois présent ! Mais sur l’en-tête de la nouvelle dans Rojo y negro[7] [17] il y est dit : Assemblée des licencié(e)s de SEAT. Autrement dit, on ne fait pas appel à tous les effectifs de SEAT, mais seulement aux personnes licenciées. Plus bas il est écrit qu’on ne laissera pas entrer les affilié(e)s de la CGT qui n’appartiennent pas à SEAT".
Il faut que les travailleurs décident par eux-mêmes. Mais cela ne veut pas dire du tout qu’ils ne puissent pas compter sur la participation, l’aide et le soutien d’autres secteurs ou sur les apports de militants organisés etc. La présence d’autres secteurs de la classe ouvrière est encourageante, elle permet d’oser entreprendre des actions dont on ne se sentirait pas capables si on était seuls et isolés. De plus, les affaires d’un secteur de la classe ouvrière sont les affaires de toute la classe ouvrière, parce que ce sont des problèmes qui touchent tout le monde : licenciements, précarité, bas salaires etc.
Et voilà qu’on ne permet même pas l’entrée aux travailleurs de SEAT qui n’ont pas été licenciés ! Quelle unité peut se développer dans de telles conditions ? Et, par ailleurs, même les affilié(e)s d’autres secteurs et d’autres entreprises ne sont pas autorisés à entrer.
L’argument peut paraître très "démocratique" : seuls ceux qui sont touchés doivent décider. Mais, est-ce que les travailleurs n’ont pas la capacité de jugement pour savoir quelles sont les propositions qui leur conviennent ? Pourquoi faut-il les "protéger d’influences extérieures" ?
Tout cela ne conduit qu'à l’enfermement et à l’isolement des licenciés, leur séparation par rapport au reste de la classe ouvrière, en commençant par leurs propres camarades de SEAT. Ceci ne peut que les entraîner vers un sentiment d’impuissance, d’abandon, vers cette idée si répendue dans cette société d’individualisme et de concurrence, comme quoi chacun doit "se débrouiller comme il le peut", vers la méfiance vis-à-vis du "reste du monde" qui ne "devrait pas s’immiscer".
Aux portes de la salle et sur les différents lieux où les ouvriers se réunissaient, nos militants ont distribué notre tract et ont défendu que la seule possibilité pour développer la lutte était que tous les licenciés, ensemble et en bloc, aillent aux portes de l’usine et affirment devant les autres ouvriers (qui demain peuvent aussi subir le chômage) la nécessité d’une lutte commune autour de l’objectif "Réintégration des licenciés. Aucun licenciement". C’était le point de départ de la grève le 23 décembre et c’était la seule possibilité valable pour continuer le combat.
Comment se sont posés les problèmes lors de l’Assemblée ? "En deuxième partie, il a été fait un exposé juridique de la situation et sur comment , d’un point de vue légal, il faudrait mener la lutte pour la défense des postes de travail" (texte relatant l’Assemblée, paru sur Kaosenlared 3-1-06). Ça veut dire quoi ça ? La meilleure réponse est donnée par un camarade qui signe "Travailleur de SEAT" dans un commentaire où il répond au document précédent : "Et maintenant, la CGT fait une assemblée, amène une avocate (qui va être payée comme tout le monde, ce qui est juste car les avocats mangent aussi), accepte les conditions signées par l’UGT et les CO[8] [18] (même si elles sont très mauvaises), en conseillant de s’inscrire à une réadmission qui, selon la CGT, n’existe pas. Là, ou il a quelqu’un qui est dans l’incohérence, ou on veut nous faire avaler des couleuvres. La seule alternative est la mobilisation permanente" (Kaosenlared 3-1-06).
Ce qui a été proposé à l’Assemblée n’était pas du tout de lutter en commun, mais sauve qui peut ! C’est ce qu'exprime parfaitement un commentaire signé, où il est très clairement écrit en majuscule : "Quelle honte !!! Tout ça n’est qu’une manipulation. Epouse d’un ouvrier licencié, je n’ai qu’une chose à dire : Honte à tous les syndicats, UGT, CCOO et CGT. Mon mari était affilié à cette dernière et maintenant il est à la rue parce qu’il est à la CGT. J’aimerais voir plus d’actions de la part de ce syndicat, parce que la réunion d’hier m’a paru un mensonge de plus. La vérité c’est qu’il y a 660 personnes à la rue et les autres sont dedans et il est très facile de parler de l’intérieur, et il est très triste qu’on jette quelqu’un dehors soi-disant par manque de "polyvalence"… !! MENSONGE !!! et maintenant SEAT qui fait des appels à des entretiens pour y être engagé, celui qui comprendra ça peut-il me l’expliquer ?. Arrêtez de profiter des licenciés, arrêtez votre pub et luttez vraiment pour tous ces gens qui sont dans la rue" (Kaosenlared 3-1-06).
Cette camarade a tout a fait raison et elle dit les choses haut et clair. Parce que, à part les réclamations légales, quel genre de mobilisation a été proposé ? Le texte cité plus haut dit que "La troisième partie a été consacrée à préparer la mobilisation ; le débat a été profond et on a décidé de continuer le 12 janvier, même lieu. Les propositions ont été très variées, très suggestives et déterminées. Elles seront rendues publiques au moment approprié" (Kaosenlared 3-1-06). Autrement dit, rien. Attendons donc au 12 janvier. Et, si par hasard on a toujours envie de faire quelque chose, "il a été décidé de participer à la manifestation et à la journée de lutte des travailleurs européens de l’automobile qui aura lieu à Saragosse le 20 janvier".
On nous dit d’impulser une alternative au syndicalisme traître des CO et l’UGT. Mais est-ce vraiment une "alternative" ? N’est pas un peu la même soupe ?
Les travailleurs doivent tirer une leçon claire de cette histoire : aucun syndicat va nous défendre, ni le jaune genre CO-UGT ni le plus ou moins rose genre CGT, ni aucun autre, la seule alternative est : ou bien on organise la lutte nous-mêmes avec des assemblées et des comités élus et révocables, ou, si on laisse nos affaires aux mains de ces "spécialistes", c’est la démobilisation et la défaite.
Notre intervention qui, rappelons-le, proposait des réponses concrètes à la lutte, paraissait avoir gêné un petit cercle de syndicalistes qui se sont avancés vers un de nos camarades nous, ont pris et jeté ses tracts en l’appelant "vendu au patronat" ; après, face au calme du camarade, qui n’est pas tombé dans leurs provocations, ils se sont adressés à une camarade. Celle-ci n’est pas non plus tombée dans leur petit jeu et leur a demandé des arguments pour démonter en quoi nos tracts, nos propositions montreraient que nous étions à la solde du patronat. Finalement, ils ont préféré s’éclipser.
Nous déclarons notre plus totale solidarité avec nos camarades et dénonçons ce comportement de provocation grossière. Nous n’allons pas reculer apeurés. Nous sommes ouverts à la discussion avec des camarades qui ne partagent pas nos positions, mais nous répondrons fermement à toute tentative d’insulte, de calomnie ou de nous faire taire[9] [19].
Avec "l’assemblée" du 3 janvier, la lutte a reçu un coup mortel. On a spolié les licenciés de leur véritable force, c'est-à-dire de la mobilisation unitaire de tous les travailleurs contre les licenciements et, par contre, on va les attacher à une noria "d’actions" plus apparentes qu’efficaces, qui vont permettre à la CGT et ses compères de se présenter comme les champions de la lutte, quand, en fait, ils ont consacré leur temps à la saboter. C’est pour cela que face à l’assemblée convoquée pour le 12 janvier, véritable acte de "liquidation" définitive de la lutte, notre organisation a décidé de ne pas intervenir pour les raisons que nous avons expliqué dans un troisième communiqué que voici :
Pour quoi nous ne sommes pas allés intervenir à "l’Assemblée de Licenciés" du 12 janvier ?
Nous avons été présents lors des manifestations de novembre, nous avons été avec vous le 23 décembre quand on vous a communiqué les 660 licenciements et que vous avez débrayé spontanément (personne ne vous a convoqué, personne ne vous a "organisé") en solidarité avec les licenciés et en révolte contre l’accord signé par l’UGT, les C.O. et le patron. Nous avons été présents le 2 janvier pour voir s’il était possible de continuer avec la même dynamique de lutte. Nous sommes aussi allés à l’Assemblée du 3 dans un local d’Hostafranchs[10] [20]. Nous sommes allés cette même semaine aux portes de l’usine de la Zona Franca de Barcelone et celle de Martorell[11] [21] pour vous montrer encore et toujours notre solidarité face à une attaque contre vos conditions de vie qui nous touche tous, et pour expliquer quelles sont les raisons qui, à notre avis, ont rendu possible ce coup de hache sur les travailleurs. Nous avons assisté à toutes les concentrations et les réunions où il pouvait exister un minimum de dynamique de lutte collective des ouvriers, avec l’objectif de l’impulser comme on peut le voir dans nos communiqués précédents. Par contre, nous ne voulons pas devenir complices d’une réunion dont le but est de renforcer la défaite et l’enterrement qui ont été imposés le 3 janvier.
Le syndicalisme agit de telle manière que, lorsque la force et la combativité des travailleurs sont présentes, toute excuse est bonne pour retarder la lutte, diluer la combativité, l’affaiblir en fin de compte. Par contre, quand la lutte se termine, quand les ouvriers sont abattus et ressentent la réalité de la défaite, alors le syndicalisme devient "radical", lançant des propositions ultra-combatives dont le seul but est, en réalité, d’accroître la démoralisation et l’humiliation des travailleurs.
Le 23 décembre, il y a eu une explosion de solidarité et de combativité des travailleurs contre les 660 licenciements. Qu’est-ce que les syndicats ont fait ? Ne parlons pas de l’UGT et des CO qui se sont évaporées. Mais la CGT elle-même qui prétend "s’engager" dans la lutte contre les licenciements ne voyait que des inconvénients partout : les arrêts de travail sont illégaux, on ne peut rien faire jusqu’au 3 janvier et patati et patata,...
Le 2 janvier il y a toujours dans l’air l’inconnu de savoir si les travailleurs vont poursuivre ce qu’ils ont laissé le 23, ou si, au contraire, ce qui va peser c’est la démobilisation de Noël organisée avec la complicité des syndicats qui, évidemment, se sont bien gardés de convoquer la moindre action ces jours-là. Et que trouvent les ouvriers de SEAT ? Une convocation de la CGT non pas à se rendre aux portes des usines, mais dans un local dans Barcelone. Les syndicats affirment être nécessaires à notre lutte parce qu’ils possèdent une "capacité d’appel", parce qu’ils disposent des locaux et des moyens organisationnels pour les ouvriers. Lors de la lutte chez SEAT, il a été une fois de plus démontré que cet appareil syndical n’est pas au service des travailleurs, mais il est surtout là pour empêcher une véritable lutte.
L’assemblé du 3 janvier fut un coup de massue brutal. Les licenciés ont dû aller aux bureaux de l’entreprise pour y signer le récépissé de leur licenciement En attendant, le nouvel appel à se réunir ce sera pour…dix jours plus tard !, le 12 janvier…Et pendant ce temps ? Nada, rien de rien, mais la CGT présente tout ça, avec le plus grand des cynismes, comme "une forte ambiance de lutte".
Du 3 au 12 janvier, on parcourt le chemin du néant à la misère. Le 12, un mois après l’accord qui jette dehors 660 camarades à la suite du pacte signé par le patron, les syndicats (CO et UGT) et le Gouvernement tripartite[12] [22] de Catalogne, avec le soutien de la plupart des organisations gauchistes, ont fait une grande proposition de solidarité avec les licenciés : la création d’un Comité de Solidarité avec les licenciés de SEAT "unitaire, ouvert aux réseaux, plateformes, organisations, mouvements et entités sociales, syndicales, politiques et citoyennes, avec l’objectif d’organiser la solidarité vis-à-vis des licencié(e)s de SEAT, de se mobiliser pour leur réintégration et s’opposer à l’offensive patronale qui cherche à rendre encore plus précaire l’emploi et meilleurs marchés les licenciements" (publié dans Kaosenlared). À cela s’ajoutent des propositions aussi ridicules que stériles, telles que des "actions" contre les concessionnaires de la marque,…
Bref, éteindre par tous les moyens tout ce qui pourrait rester de la véritable riposte massive et unitaire des travailleurs, et essayer d’enterrer sous une couche de sable les véritables leçons de la lutte de SEAT. Les ouvriers ont pu vérifier avec les 660 lettres de licenciement du 23 décembre, que les "mobilisations" (les manifestations de novembre) pour sensibiliser l’opinion publique n’avaient servi à rien. Eh bien, maintenant ce qu’on leur propose c’est tout simplement un peu plus de la même soupe. Le 23 décembre ou le 2 janvier les travailleurs ont pu se rendre compte par eux-mêmes qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes, sur leur lutte, sur leur solidarité de classe d’abord ; et voilà que maintenant on veut encore leur vendre la même camelote frelatée selon laquelle la médiation des citoyens, des organes politiques et syndicaux, pourraient faire réintégrer les gens licenciés. Et le comble c’est qu’ils prétendent le faire en se ventant d'avoir été au sein de la lutte des ouvriers de SEAT contre les licenciements.
Entre la lutte ouvrière du 23 et la gesticulation du Comité citoyen de Solidarité c’est le jour et la nuit. La première était une tentative authentique et solidaire des travailleurs avec leurs camarades licenciés, la deuxième est une cynique plaisanterie contre la solidarité de classe.
C’est pour cela que nous n’avons pas voulu participer à ce simulacre de solidarité. C’est pour cela que nous défendons que la vraie solidarité avec les licenciés de SEAT consiste à faire en sorte que les travailleurs puissent tirer les véritables leçons de cette défaite. Ces leçons vont nous servir pour préparer de nouvelles luttes, parce qu’il ne faut pas se faire d’illusion : les licenciements vont pleuvoir sur le textile, sur l’automobile, et, entre autre, sur la SEAT encore ; la précarité va se renforcer avec la nouvelle "reforme" du travail. Nous serons obligés de lutter avec force en luttant tout d’abord contre le sabotage syndical.
CCI, 14 janvier 2006.
[1] [23] Faute de place, nous ne publions ici que de larges extraits. La version intégrale en français est reproduite sur notre site.
[2] [24] Lire l’article “Grève spontanée des ouvriers de SEAT en Espagne : Pour développer la lutte, il faut affronter le sabotage syndical” (R.I. nº 365, février 2006)
[3] [25] Ce tract peut être lu en espagnol [26].
[4] [27] La CGT (Confédération Générale du Travail) est une centrale de tendance "syndicaliste révolutionnaire" issue d’une scission "modérée" d’avec la CNT (Confédération Nationale du Travail) anarcho-syndicaliste (NDR)
[5] [28] Cet article « Leçons… » a été publié dans le même numéro de AP que ce « Bilan… » (Acción Proletaria nº 187, janvier-mars 2006 : “Lecciones de la huelga de SEAT: No a las «movilizaciones» sindicales, Sí a la lucha obrera [29]” et “Balance de nuestra intervención en SEAT [30]”
[6] [31] Kaosenlared et Alasbarricadas : Forums alternatifs sur Internet
[7] [32] Rojo y negro est le journal de la CGT.
[8] [33] L’Union Générale des Travailleurs est le syndicat « socialiste » et les Commissions Ouvrières c’est le syndicat lié historiquement au PC et à ses variantes et avatars.
[9] [34] Nous voulons remercier par leur importance, les manifestations de solidarité comme celle exprimée par quelqu’un qui se fait connaître comme “Germán”. La voici : «Solidarité active avec les militants et les sympathisants du « Courant Communiste International » (CCI) et contre les provocations et les menaces de la « pieuvre syndicalei».
Aujourd’hui même je reçoit l’information via Internet, des provocations à l'encontre des militants du CCI de la part d’éléments syndicalistes essayant de réprimer par la force la diffusion d’un tract sur le conflit chez SEAT, un tract que j’ai pu lire et avec lequel je suis d’accord parce qu’il cadre bien les choses, et boycottant, en plus, les interventions orales de ces camarades.
C’est une honte que les « forces spéciales » du syndicalisme aient recours à ces viles méthodes pour faire taire des militants ouvriers. Ceux-ci voulaient se solidariser avec les camarades licenciés et discuter avec eux sur comment lutter contre ces licenciements et contribuer ainsi à la nécessaire clarté devant permettre aux travailleurs de prendre conscience qu’on ne peut pas avec des représentants et des fondés de pouvoir sortis d’élections syndicales convoquées et réglementées par l’Etat capitaliste. Au contraire, nous ne pouvons compter que sur nos propres forces, sur notre auto-organisation, sur l’extension de la lutte, étant donné que l’isolement veut toujours dire défaite et triomphe du patronat et de ses fidèles serviteurs, les syndicats, même ceux qui se prétendent ultra-révolutionnaires. Qu’est-ce qu’ils se croient ces petits messieurs ? Qu’ils ont le monopole et l’exclusivité de la mobilisation ? Pas du tout ! Bien au contraire, il sont les spécialistes émérites dans l’anesthésie des luttes, dans l’enfermement de celles-ci dans une légalité imposée par les capitalistes et leur État totalitaire et dont le premier objectif est de créer chez les ouvriers un sentiment d’impuissance et, en même temps, de dépendance vis-à-vis des syndicats. Je n’ai aucune certitude pour affirmer que les provocateurs soient des dirigeants de la CGT ou d’un autre syndicat, mais je pense que chez les ouvriers en général, y inclus chez ceux qui sont syndiqués, il commence à se faire jour l’impression comme quoi le syndicalisme n’est plus une arme des ouvriers mais du patronat. C’est pour cela que les bonzes syndicaux deviennent nerveux quand des camarades, non seulement ne veulent pas éviter la discussion mais, au contraire, la recherchent parce la discussion ouverte est une arme de la classe ouvrièr. Les bonzes syndicaux craignent, comme le système dans son ensemble, la réflexion des ouvriers. Pourquoi les chefs syndicaux ont si peur qu’on parle publiquement de syndicalisme ? Dorénavant et suite à la lutte dans SEAT, je propose un débat dans tous les forums sur la nature des syndicats aujourd’hui, c'est-à-dire : sont-ils des organes de la classe ouvrière ou bien de l’Etat et du capital ?
Excusez la brièveté de mon intervention. Je voulais faire une prise de position rapide à cause de mon irritation causée par les comportements des chefs syndicaux vis-à-vis des militants qui ont subi ces provocations. Soit dit en passant, est-ce qu’on va voir ce même « courage » de la part des chefs syndicaux pour défendre les travailleurs face au patronat ?
J’envoie ma plus chaleureuse solidarité à tous les camarades de SEAT licenciés et aux militants et sympathisants du CCI provoqués et/ou menacés.
Barcelone, 5/1/2006. German.»
[10] [35] Quartier de Barcelone
[11] [36] Usines de SEAT
[12] [37] Le gouvernement catalan (Généralité) est dirigé par une coalition « de gauche » : PS, PC (avec une étiquette plus « moderne » et catalaniste) et ER (gauche indépendantiste catalane)
Ce qu’il est convenu maintenant d’appeler l’affaire "des caricatures de Mahomet" a envahi l’espace médiatique bourgeois. Chaque jour de nouvelles manifestations pro-islamistes éclatent dans le monde. La simple publication de dessins montrant un Mahomet belliqueux a donné immédiatement lieu à une empoignade généralisée entre les Etats impérialistes, non seulement dans le monde musulman, mais également à l’échelle de la planète. Ces événements sont en réalité une dramatique illustration du niveau de tension existant entre les différentes puissances capitalistes.
Une affaire de gangsters impérialistes
Le 30 septembre dernier, le quotidien danois Jyllands-Posten a publié douze caricatures représentant le prophète Mahomet affublé de bombes, mèches de dynamites et autres ustensiles terroristes. Ces dessins seront repris dans les semaines suivantes par de nombreux journaux, tel France-Soir. La suite, nous la connaissons. Des manifestations, parfois ultra violentes, éclatent à travers l’ensemble des pays dits musulmans. En Afghanistan, certains affrontements se traduisent même par des morts et des blessés graves. Comment quelques caricatures ont-elles pu engendrer une telle déflagration de haine ? Comment et pourquoi de simples dessins d’un journal danois se sont-ils retrouvés au cœur d’une tempête internationale ?
Pourtant au début d’octobre 2005, cette affaire n’avait encore que des répercussions nationales au Danemark. C’est alors que onze ambassadeurs de pays musulmans vont demander un entretien avec Fagh Rasmussen, premier ministre du Danemark et proche du journal Jyllands-Posten. Celui-ci refusant de les rencontrer, une délégation de représentants des associations musulmanes au Danemark va faire une tournée dans de nombreuses capitales du monde musulman, officiellement pour sensibiliser l’opinion publique sur cette affaire. Le résultat ne s’est alors pas fait attendre. Des manifestations commencent à éclater au Pakistan. A partir du mois de janvier, les manifestations vont gagner l’ensemble du "monde musulman" et notamment le Moyen-Orient. Ces manifestations prennent rapidement une ampleur et une violence anti-occidentale qui ne peuvent que surprendre au regard de la banalité apparente que peuvent représenter quelques caricatures journalistiques de Mahomet. Cependant, pour comprendre, il est nécessaire de se souvenir que, depuis la Seconde Guerre mondiale, cette région du monde et plus encore le Moyen-Orient n’ont jamais cessé de connaître un enfoncement dans la guerre et la barbarie. Depuis la fin des années 1980, les tensions deviennent de plus en plus explosives et incontrôlables. Ainsi, la déstabilisation irréversible du monde musulman en Afghanistan, en Irak, au Liban, en Palestine, souvent sous l’effet direct de la fuite en avant militaire et guerrière des grandes puissances impérialistes (au premier rang d’entres elles les Etats-Unis) se traduit aujourd’hui inévitablement par une montée du radicalisme religieux le plus archaïque au sein des populations complètement désorientées de ces régions. L’impasse totale dans laquelle se trouvent ces pays ne peut produire qu’un phénomène de montée en puissance des fractions les plus rétrogrades de la bourgeoisie. Tel est le sens, par exemple, de l’arrivée au pouvoir en Palestine du Hamas, mouvement politique radical, adepte jusqu’à ce jour du fanatisme anti-israélien le plus caricatural. C’est la même réalité du fondamentalisme le plus rétrograde qui explique la présence au pouvoir en Iran du parti ultraconservateur de Mahmoud Ahmadinejad. Les tensions entre chaque puissance de cette région et de celles-ci envers les Etats-Unis s’étalent chaque jour un peu plus. Il est bien évident que dans cette situation de montée des archaïsmes et du chacun pour soi, la bourgeoisie et les différentes cliques armées de cette partie du monde ne pouvaient que se saisir de cette opportunité, offerte par la publication de ces fameuses caricatures, afin de renforcer leurs positions sur place et de participer au mieux de leurs intérêts à la foire d’empoigne généralisée impérialiste au niveau mondial. Derrière ces manifestations apparemment spontanées se trouvent en réalité le bras armé des cliques bourgeoises, locales ou étatiques. Après des attaques d’ambassades danoise ou française, la Libye décide de fermer son ambassade à Copenhague. L’ambassadeur du Danemark au Koweït est convoqué. Les gouvernements Syriens et Irakiens se déclarent publiquement particulièrement choqués. Tout cela n’a rien plus à voir avec la publication de quelques dessins dans la presse bourgeoise occidentale et Jordanienne. Ces caricatures sont en réalité devenues des armes de guerre aux mains des classes bourgeoises dans le monde musulman, répondant ainsi à la politique impérialiste toujours plus agressive de la part des Etats-Unis, de la France, de l’Allemagne ou de l’Angleterre notamment. Comment, par exemple, ne pas faire le lien entre cette utilisation de quelques dessins avec la montée des menaces envers l’Iran à propos de son programme nucléaire de la part de la France ou des Etats-Unis ? La manipulation, à des fins de politique impérialiste, par les différentes bourgeoisies, de populations de plus en plus réduites à la misère, subissant en permanence la guerre, est alors un cynique jeu d’enfant. Ces manifestations violentes de masses croissantes de désespérées ne surgissent donc pas si "spontanément" ou si "naturellement". Elles sont le produit des politiques de guerre, de haine, et d’embrigadement idéologique nationaliste de toutes les bourgeoisies aux quatre coins de la planète.
Alors que les Etats-Unis se font depuis les attentats du 11 septembre 2001, les champions de la défense des valeurs de l’occident, les pourfendeurs du fanatisme religieux musulman et de la lutte contre le mal qu’il est censé incarner, nous assistons à propos des caricatures de Mahomet à une très surprenante compréhension de l’administration Bush face aux réactions en Iran et ailleurs. Pourquoi ? Bien entendu, tout ceci n’a rien à voir avec la défense du droit de chacun à choisir librement sa religion comme ils peuvent le prétendre. La réalité est beaucoup plus cynique. Les Etats-Unis sont bien trop satisfaits de voir des pays impérialistes concurrentiels tels que la France embourbés à leur tour dans une situation d’affrontement politique avec plusieurs états du Moyen-Orient et du monde arabe. Dans ce monde pourri, en guerre perpétuelle, de tous contre tous, chaque Etat capitaliste ne peut que se réjouir de voir des concurrents tomber dans une chausse trappe.
Et la perfidie des fractions bourgeoises et leur volonté d’utiliser tous les aspects de la vie du capitalisme pourrissant sont encore plus criantes quand on regarde le positionnement du Hamas dans cette affaire. Le Hamas, parti radical religieux s’il en est, adepte jusqu’à maintenant de la lutte armée et du terrorisme, propose tout simplement ses bons offices en tant que médiateur dans cette affaire ! Le chef du bureau politique du mouvement palestinien Hamas, Khalel Mechaal déclare en effet à ce propos : "le mouvement est disposé à jouer un rôle pour apaiser la situation entre le monde islamique et les pays occidentaux à condition que ces pays s’engagent à mettre fin aux atteintes aux sentiments des musulmans." (Le Monde du 9 février 2006). Afin de se faire un peu plus reconnaître sur le plan international, le Hamas est ainsi prêt à rentrer momentanément ses griffes.
Au regard de cette véritable foire d’empoigne, où chaque nation et clique bourgeoise attise la haine, toute la propagande des ‘grandes démocraties’ sur la liberté de la presse et le respect des religions apparaît ainsi pour ce qu’elle est : une vaste fumisterie.
Liberté de la presse et respect des religions, deux poisons au service de la bourgeoisie
The Independant, journal anglais cité par le Courrier International, résume très bien la campagne idéologique bourgeoise : "Il ne fait aucun doute que les journaux devraient avoir le droit de publier des dessins que certaines personnes estiment offensants". Voilà ici mis en scène le sacro saint droit de liberté d’expression, dont toute une partie de la bourgeoisie nous rabat les oreilles aujourd’hui. D’un autre côté, affirme immédiatement le même journal, "dans une situation aussi complexe, il est facile de se réfugier dans de banales déclarations sur les droits de la presse libre. Le plus difficile n’est pas de trancher entre le vrai et le faux, mais de prendre une décision qui tienne compte des droits des uns et des autres. Il y a le droit à l’expression libre de toute censure. Mais il y a aussi le droit pour de nombreux musulmans de vivre dans une société plurielle et laïque sans se sentir oppressés, menacés, raillés. Elevé un droit au dessus des autres est le masque du fanatisme." Le piège idéologique, développé par la démocratie bourgeoise contre la classe ouvrière, est ici clairement exposé. Elle se doit de choisir entre ce qui serait un droit, la liberté d’expression, et un devoir moral, le respect des croyances d’autrui. En tout état de cause, le prolétariat est appelé à faire preuve de modération et de compréhension dans cette affaire pour le plus grand bénéfice de… ses maîtres bourgeois ! Voici ce que pensait Lénine dans les thèses sur la démocratie au premier congrès de l’IC ([1] [40]) : "La liberté de la presse est également une grande devise de la ‘démocratie pure’. Encore une fois, les ouvriers savent que les socialistes de tous les pays ont reconnus des millions de fois que cette liberté est un mensonge, tant que les meilleures imprimeries et les plus gros stocks de papiers sont accaparés par les capitalistes, tant que subsiste le pouvoir du capital avec d’autant plus de clarté, de netteté et de cynisme que le régime démocratique et républicain est développé comme par exemple en Amérique." Et encore, Lénine et les communistes de son époque ne connaissaient pas les moyens de matraquage idéologiques d’aujourd’hui, que sont la radio et la télévision.
Quant à l’autre choix, celui du respect des croyances de chacun, il suffit de citer une phrase de Marx pour savoir ce que les communistes en pensent : "La religion est l’opium du peuple." Quelle que soit cette religion, la croyance comme toute forme de mysticisme est un poison idéologique que l’on distille dans la tête des ouvriers. C’est un des nombreux pare-feu que possède la classe bourgeoise contre la prise de conscience du prolétariat.
La liberté de la presse n’est donc rien d’autre que la liberté pour la bourgeoisie d’enfoncer son idéologie dans le crâne des ouvriers ! Et le respect des religions est le respect de la classe dominante pour tout ce qui mystifie le prolétariat !
Il est évident que cette prolifération de manifestation et de violence à partir de quelques dessins publiés dans la presse bourgeoise ne peut laisser la classe ouvrière indifférente. Il est vital que la classe ouvrière ne se laisse pas impressionner par cette levée massive d’agitations anti-occidentale dans le monde musulman. Tout cela ne fait que traduire l’accélération du chaos dans la société capitaliste et rendre plus urgent le développement de la lutte de classe. La réponse du prolétariat ne se trouve pas dans le faux choix proposé par la bourgeoisie. A l’irrationalité grandissante du monde capitaliste, le prolétariat doit opposer la rationalité de la lutte de classe, du développement de sa conscience et du communisme.
Tino (20 février)
[1] [41] Internationale Communiste, Troisième Internationale.
Jacques Attali, le très médiatique ex-conseiller de Mitterrand à l'Elysée, nous a récemment gratifiés d'un bouquin sur la vie de Marx : Karl Marx ou l'esprit du monde. La sortie de ce livre, plus de quinze ans après le début des campagnes de la bourgeoisie sur la mort du communisme et alors que la classe ouvrière commence à relever la tête, n'est pas le fruit du hasard. Face aux interrogations et à la perspective d'un développement des luttes du prolétariat, la bourgeoisie sait que sa meilleure arme est de dévoyer son ennemi sur le terrain de la défense de la démocratie. C'est pour cela qu'aujourd'hui l'un de ses intellectuels les plus en vue cherche à faire de Marx une icône inoffensive aux antipodes du communisme, un des "pères fondateurs de nos démocraties modernes".
Son ouvrage à peine publié, le sherpa de Mitterrand se vantait d'avoir écrit une biographie de "référence", "objective" et "la plus complète possible" (en effet, pas une seule des crises de furonculose du vieux Marx ne nous est épargnée... c'est dire tout le sérieux de l'ouvrage). Evidemment, elle n'a "d'objective" que le point de vue d'un intellectuel bourgeois et de sa classe qui ne peuvent s'empêcher de cracher sur l'un des plus grand combattant de la classe ouvrière.
Sous la plume d'Attali, Marx n'est plus le diable aux idées "sanguinaires", image dont la bourgeoisie a toujours aimé se repaître à l'instar de Françoise Giroud et de son Jenny Marx ou la femme du diable. Non, ici, il est "l'esprit du monde"...mais un esprit totalement démocrate : "journaliste avant tout, la liberté de penser lui paraît le plus sacré des droits ; pour lui la démocratie parlementaire doit être protégée, quoi qu'il arrive." (p. 203) A travers l'utilisation de ce genre de raccourcis, en dehors de tout contexte, notre biographe porte une virulente attaque contre Marx : "Ce livre permet...de réinterpréter ce 19e siècle dont nous sommes les héritiers et de comprendre comment certains de ses successeurs [ceux de Marx] ont crée nos démocraties, pendant que d'autres, récupérant et distordant ses idées, en ont fait la source des deux principales barbaries de l'histoire. " (4e de couverture)
Karl Marx, un authentique militant révolutionnaire
Sous les lauriers, le poignard... et voilà Marx intronisé père spirituel de la démocratie bourgeoise dont l'authentique filiation résiderait dans le réformisme petit-bourgeois qui fleurira au sein de la 2e Internationale autour des révisionnistes de l'acabit de Bernstein.
En somme, Marx n'a jamais été marxiste. Mieux, le marxisme (à savoir la conception révolutionnaire du monde) serait à l'exact opposé de la pensée de Marx : "ce qui deviendra après Marx, contre Marx, le marxisme". Il fallait oser, Attali l'a fait. Mais pour que la sauce d'un Marx "champion du parlementarisme bourgeois" prenne, encore faut-il trouver un ingrédient pour le moins consistant. Attali va donc se servir principalement d'une interview de Marx accordée au journal américain le New York World, en juillet 1871, au sujet du mouvement ouvrier en Angleterre : "Quand le journaliste l'interroge sur les formes démocratiques ou violentes que doit prendre la conquête du pouvoir, il répond que la révolution est inutile en situation démocratique" [suit la déclaration de Marx] "En Angleterre, par exemple, la voie ouvrière qui mène au pouvoir politique est ouverte à la classe ouvrière. Une insurrection serait folie là où l'agitation pacifique peut tout accomplir avec promptitude et sûreté." (p. 351)
Ce qui échappe à Jacques Attali, c'est que Marx n'était pas un "cerveau infaillible". D'ailleurs, le marxisme n'est pas la théorie de la vérité toute faite et tombée directement du ciel ; c'est une méthode de pensée vivante qui se nourrit constamment de l'expérience historique pour se critiquer elle-même, revenir sur ses erreurs et incompréhensions et finalement les dépasser. C'est pourquoi, la pensée de Marx n'était pas à l'abri d'erreurs ([1] [43]) que lui-même ou le mouvement ouvrier ont corrigé par la suite. L'extrapolation abusive des possibilités ouvertes par le développement du mouvement ouvrier en Angleterre constitue typiquement une telle erreur.
Marx passera la moitié de sa vie à Londres en côtoyant le prolétariat le plus développé, engendré par la première puissance industrielle du 19e siècle, et aussi le plus organisé avec ses trade-unions (les premiers syndicats). Il est logique que beaucoup de révolutionnaires, dont Marx, aient porté leurs espoirs sur cette avant-garde du prolétariat mondial. Cependant, elle ne donnera pas les fruits escomptés. Le poids des trade-unions, de la lutte pour la défense des intérêts économiques dans les conditions légales de la démocratie vont miner de l'intérieur le développement politique du mouvement ouvrier en Angleterre. Alors que Marx voyait dans la Première Internationale fondée en 1864 à Londres, l'expression de l'unification du prolétariat mondial, base nécessaire pour la révolution future, les chefs trade-unionistes n'y voyaient que l'immédiate possibilité d'arracher des succès dans la lutte gréviste en empêchant l'introduction en Angleterre de briseurs de grèves.
Toutefois, aussi décevant qu'ait pu être le développement du mouvement ouvrier anglais et malgré son erreur d'en conclure à une particularité de ce dernier, Marx n'a jamais perdu de vue que la lutte de classes était le moteur de l'histoire. Engels, trois ans après la mort de son vieil ami et camarade de combat écrira dans la préface de la traduction anglaise du Capital : "Certes, on devait écouter...la voix d'un homme dont la théorie est le résultat d'une vie consacrée à l'étude des conditions économiques de l'Angleterre ; cette étude l'amena à conclure que, du moins en Europe, l'Angleterre est le seul pays dans lequel l'inévitable révolution sociale pourrait s'effectuer par des moyens légaux et pacifiques. Il n'oubliait jamais d'ajouter qu'il ne s'attendait pas à ce que les classes dominantes de l'Angleterre se soumissent sans 'rébellion esclavagiste' à cette révolution 'pacifique et légale'."
Attali s'exerce en fait à un vrai bidouillage, somme toute classique, ne retenant que certaines déclarations de Marx, en dehors de leur contexte historique. Il est vrai que Marx, depuis la Ligue des communistes de 1848, a combattu l'abstentionnisme, le boycott des élections érigé en principe par les blanquistes et plus tard les bakouninistes, les partisans du "prenons tout, tout de suite". Mais cette politique ne fait certainement pas de Marx un chantre du parlementarisme. Elle correspondait à un des premiers enseignements du socialisme scientifique. La révolution prolétarienne n'est possible que si l'économie capitaliste de par le développement de sa production industrielle pose les conditions matérielles d'une société nouvelle, capable de libérer l'humanité de ses chaînes. La participation aux élections au 19e siècle pour soutenir les fractions les plus progressistes de la bourgeoisie ne visait qu'une chose pour Marx : accélérer le mouvement de l'Histoire, faire tomber les entraves de l'absolutisme, favoriser partout le développement du capitalisme et de la classe ouvrière, et ainsi rapprocher l'échéance de la mise à l'ordre du jour de la révolution communiste mondiale. Et il était très clair pour Marx que celle-ci ne pouvait se faire avec l'assentiment démocratique de la bourgeoisie. Ainsi, malgré l'erreur qu'il commet au sujet de l'Angleterre (comme au sujet de l'Amérique et de la Hollande) il ajoutera de suite "nous devons reconnaître aussi que, dans la plupart des pays du continent, c'est la force qui doit être le levier de nos révolutions ; c'est à la force qu'il faudra en appeler pour un temps, afin d'établir le règne du travail." (discours prononcé à Amsterdam en septembre 1872). On pourrait multiplier les citations qui attestent qu'il s'agit là du sens profond du plus illustre père du socialisme scientifique :
- "Si le prolétariat, dans sa lutte contre la bourgeoisie, se constitue forcément en classe, s'il s'érige par une révolution en classe dominante et, comme classe dominante, détruit par la violence l'ancien régime de production, il détruit, en même temps que ce régime de production, les conditions de l'antagonisme de classe, (...)" (Le Manifeste communiste).
- "Au Moyen-Age, il y avait en Allemagne un tribunal secret, la "Sainte-Vehme", qui vengeait tous les méfaits commis par les puissants. Quand on voyait une croix rouge sur une maison, on savait que son propriétaire aurait affaire à la Sainte-Vehme. Aujourd'hui, la croix rouge mystérieuse marque toutes les maisons d'Europe [autrement dit les nations européennes]. L'histoire elle-même rend la justice, et le prolétariat exécutera la sentence." (discours de Marx prononcé à une fête des chartistes de Londres le 14 avril 1856).
Le mouvement communiste, seul héritier des apports de Karl Marx
Marx "parlementaire et père fondateur de la démocratie moderne" n'est qu'une calomnie. Pourtant, Jacques Attali, qui n'a pas froid aux yeux, persiste dans sa lancée. Finalement, si nous ne connaissons pas ce " Marx démocrate", comme lui le connaît du haut de son érudition bourgeoise, c'est parce que le "grand penseur de la démocratie" a été trahi par son plus fidèle camarade, Friedrich Engels qui (toujours selon Attali) dans son Anti-Dühring "...commence le dévoiement de la philosophie de la liberté que Marx a élaboré dans ses propres textes". (p. 390) C'est donc à Engels que J. Attali pense lorsqu'il dit : "ces idées [de Marx] qui seront un jour, peut-être le pressent-il, accaparées et détournées par des diables...",(p. 286), il fallait bien que le "diable marxiste" ressurgisse de sa boîte.
Attali ne fait pas qu'inventer et sortir de son chapeau un "Marx démocrate", il en fait aussi un schizophrène ! En effet, la plupart des œuvres de Marx et Engels ont vue le jour grâce à une étroite collaboration entre les deux hommes. Il en va ainsi de L'idéologie Allemande, du Manifeste du parti communiste, du Capital....jusqu'à l'Anti-Dühring. Au delà de l'humilité d'Engels, qui s'est toujours considéré comme "un second violon", il y a la réalité d'un travail mené de concert. Ce qu'il décrit dans la préface de son Anti-Dühring en septembre 1885 : "Une remarque en passant : les bases et le développement des conceptions dans ce livre étant dus pour la part de beaucoup la plus grande à Marx, et à moi seulement dans la plus faible mesure, il allait de soi entre nous que mon exposé ne fût point écrit sans qu'il le connût. Je lui ai lu tout le manuscrit avant l'impression et c'est lui qui, dans la partie sur l'économie a rédigé le dixième chapitre."
Attali, en accusant Engels de trahison, arrive nécessairement à cette conclusion absurde : Marx s'est trahi lui-même !
L'acharnement sur Engels est pitoyable, mais soyons en sûrs, si Attali avait pu, il ne se serait pas privé de le faire passer lui aussi pour autre chose qu'un militant révolutionnaire. D'autres, auparavant, ont essayé et s'y sont cassé les dents. Ainsi, le courant révisionniste au sein de la social-démocratie allemande a tenté de travestir Engels en réformiste en trafiquant sa préface au texte de Marx sur Les luttes de classes en France. Rosa Luxembourg, dans son Discours sur le programme s'insurgea contre cette supercherie : "Engels n'a pas vécu assez longtemps pour voir les résultats, les conséquences pratiques de l'utilisation que l'on fit de sa préface (...) Mais je suis sûre d'une chose : quand on connaît les œuvres de Marx et d'Engels, quand on connaît l'esprit révolutionnaire vivant, authentique, inaltéré qui se dégage de leurs écrits, de tous leurs enseignements, on est convaincu qu'Engels aurait été le premier à protester contre les excès qui ont résulté du parlementarisme pur et simple (...) Engels et même Marx, s'ils avaient vécu, auraient été les premiers à s'insurger violemment contre cela, à retenir, à freiner brutalement le véhicule pour empêcher qu'il ne s'enlise dans la boue." Rosa ignore à ce moment là qu'Engels avait déjà vivement protesté contre ces manipulations de bas étage. Le 1er avril 1895, il écrivit à Kautsky pour exprimer son indignation de trouver dans le journal Vorwärts un extrait remaniée de sa préface qui le faisait "apparaître comme un partisan à tout prix de la légalité." Il se plaignit également à Lafargue en ces termes : "[Wilhelm] Liebknecht vient de me jouer un joli tour. Il a pris de mon introduction aux articles de Marx sur la France de 1848-1850 tout ce qui a pu lui servir pour soutenir la tactique à tout prix paisible et non violente qu'il lui plaît de prêcher depuis quelques temps".
Il est vrai que contrairement à Engels, Marx ne vécut pas assez longtemps pour se défendre lui-même. Seul les communistes, ses véritables héritiers, peuvent défendre sa mémoire. Ce que fit naturellement Engels dans le discours qu'il prononça aux funérailles de Marx : "...il était d'abord et avant tout un révolutionnaire. Sa mission dans la vie était de contribuer, d'une façon ou d'une autre, à abattre la société capitaliste et les institutions d'Etat qu'elle a crées pour libérer le prolétariat moderne dont il a été le premier à définir les conditions de l'émancipation. Combattre était son élément. Et il combattait avec une passion, une ténacité et un succès sans rivaux [...]. Marx était l'homme le plus haï et le plus calomnié de son temps. Les gouvernements absolutistes ou républicains l'ont déporté. Bourgeois, conservateurs ou démocrates, se sont unis contre lui. De tout cela il ne s'est pas occupé, sauf en cas d'extrême nécessité. Et il mourut adoré, révéré et pleuré par des millions de camarades révolutionnaires, des mines de Sibérie, en Californie, en Europe et en Amérique." Contrairement aux saloperies déversées par Attali, pour qui le marxisme est né sur la tombe de Marx, ce dernier a été l'un des grands militants révolutionnaires et certainement pas le père du réformisme petit-bourgeois.
"Décidément, la voie de la révolution est inutile, pense Marx"... (p. 315) ou devrait-on dire "pense Monsieur Attali", puisque finalement c'est de cela qu'il s'agit.
Comment prendre au sérieux un seul instant un conseiller élyséen qui prétend s'immiscer dans l'esprit de Marx, pour lui prêter de telles âneries qui n'ont de sens que dans la bouche de Monsieur le conseiller ?
Le Manifeste communiste de 1848, rédigé par Marx et Engels, montre très clairement que le but qu'ils poursuivaient était sans équivoque : "Les communistes ne s'abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leur projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l'ordre social passé. Puissent les classes dirigeantes trembler à l'idée d'une révolution communiste ! Les prolétaires n'ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner."
Azel (1er février 2006)
[1] [44] Notamment en 1848 et 1864 lorsqu'il pensait que les conditions matérielles de la révolution étaient déjà présentes. Il dira par exemple dans une correspondance avec Engels en 1857 : "Je travaille comme un fou pour finir mon livre sur l'économie politique parce que, sinon, le système va s'écrouler avant que j'ai fini mon livre !"
Au cours du périple qui l’a conduit dans de nombreux pays en 2004 (au Brésil, en Uruguay, en Argentine, en Inde, au Qatar et en France), le président Chavez a non seulement démontré son antiaméricanisme, mais il s’est en outre permis de proclamer, face à des auditoires acquis à sa cause, qu’on ne pourrait supprimer la pauvreté du Tiers Monde en restant dans le système capitaliste de libre entreprise, qu’il faudrait pour y parvenir inventer « le socialisme du XXIe siècle ».
Nous allons voir comment cette « invention » n’en est pas vraiment une, qu’elle ne signifie qu’une adaptation du capitalisme d’Etat à des conditions de crise plus aiguë et surtout à des niveaux importants de décomposition de l’ordre capitaliste. Cette situation exige une réadaptation tant des politiques économiques que de l’ensemble de l’arsenal idéologique que doit développer chaque bourgeoisie nationale pour tromper et soumettre le prolétariat. Toutes les bourgeoisies nationales, et plus encore celles des pays de la périphérie, n’ont d’autre perspective que celle de redistribuer la misère. Le « néo-socialisme », proposé par Chavez et applaudi par tous les altermondialistes, le démontre car il est impossible d’éradiquer la misère sans révolution communiste.
Le « projet » chaviste : un projet clairement bourgeois
Le projet « chaviste » trouve ses origines dans le mouvement civico-militaro-bolivarien développé par les idéologues de la guérilla des années 60 qui avaient rompu avec le Parti communiste du Venezuela, projet qui fut repris dans les années 80 par le mouvement MBR-200 ([1] [46]) ; ce projet vise au développement d’une véritable « bourgeoisie nationaliste », diamétralement opposée à la bourgeoisie « oligarchique » qui avait émergé après la déroute de la dictature du général Marcos Perez Jimenez en 1958. Ce mouvement s’inspire du modèle capitaliste d’Etat à la sauce stalinienne (dite « marxiste-léniniste » par la gauche), pimenté par un soupçon de tropicalisme à la mode bolivarienne ; il se situe à l’extrême gauche des forces politiques de la bourgeoisie vénézuélienne et, comme tout projet capitaliste, se nourrit de la plus-value extraite par l’exploitation de la classe ouvrière au Venezuela.
L’irrésistible ascension de Chavez est fondamentalement le fruit du niveau élevé de décomposition qui affecte la bourgeoisie vénézuélienne et qui n’est jamais que l’expression de la décomposition du système capitaliste dans son ensemble. Les secteurs de la bourgeoisie qui avaient gouverné tout au long des dernières décennies du siècle dernier étaient incrustés au pouvoir, protégés par une ambiance d’impunité et de corruption. Ils ont perdu la capacité de mystifier par des illusions les secteurs le plus pauvres de la société : pour pouvoir affronter la crise économique, ils ont progressivement réduit les plans sociaux pour les plus pauvres (grâce auxquels ils avaient pu maintenir la « paix sociale »), provoquant l’explosion de la paupérisation tandis qu’ils ont appliqué de draconiennes mesures d’austérité contre la classe ouvrière, et aussi une envolée du chômage et la chute du pouvoir d’achat des masses travailleuses.
L’incapacité de ces secteurs de la bourgeoisie au pouvoir à gérer une situation explosive fut mise en évidence par les émeutes de la faim en 1989, lorsque des milliers de commerces furent mis à sac, principalement à Caracas, et qu’ils ne furent capables que d’infliger une répression terrible (les chiffres, il est vrai non officiels, parlent de plus de dix mille morts). Malgré ce cri d’alerte et de désespoir lancé par les secteurs paupérisés, la bourgeoisie nationale fut incapable de réaliser le minimum de réformes nécessaires dans ses structures de pouvoir pour contenir le mécontentement social.
Ce contexte a préparé le terrain pour que se concrétise le premier pas du projet chaviste, la tentative de coup d’Etat de 1992 qui, malgré son échec, a permis de mettre au premier plan un parfait inconnu, Chavez. Celui-ci se lança dans l’arène électorale dès sa libération en 1994, faisant une critique dévastatrice des fractions de la bourgeoisie alors au pouvoir. Fort d’un puissant charisme personnel, il adapta petit à petit le projet de « révolution bolivarienne » des années 60 à la nouvelle période historique caractérisée par la disparition des deux grands blocs impérialistes, attirant dans ses rangs des millions de pauvres en leur laissant croire que son accession au pouvoir les sortirait de leur misère.
Après son écrasant triomphe lors des élections de 1998, commence un processus qui domine la scène politique jusqu’à nos jours, marqué par la confrontation de deux fractions du capital national : d’un côté, la « vieille » bourgeoisie représentée par les partis traditionnels (principalement AD, COPEI, quelques secteurs du MAS, etc.), de l’autre la « nouvelle bourgeoisie » (les partis et groupes de gauche, gauchistes militaires, etc.) qui avait été exclue du pouvoir pendant la seconde moitié du siècle dernier. En fait, quand les chavistes et consort disent que le gouvernement bolivarien est celui des « exclus », il ne fait pas référence à l’immense masse croissante des pauvres qui vivent dans ce pays, mais à ces secteurs de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie qui détiennent aujourd’hui le pouvoir et qui se partagent le butin constitué par les recettes de l’Etat, attaquant aujourd’hui avec toute la force de leur rancoeur les autres fractions de la bourgeoisie nationale. Comme leurs prédécesseurs « adecos » et « copeyanos » ([2] [47]), ils n’ont d’autres options que celles d’accentuer les conditions d’exploitation des travailleurs et de s’attaquer à cette masse de pauvres qu’ils prétendent défendre, généralisant la misère, répartissant « socialement » des miettes parmi les secteurs les plus appauvris par le biais de soi-disant « Missions » ([3] [48]) pour tenter de maintenir la « paix sociale », utilisant bien sûr tout un verbiage « révolutionnaire » basé sur la démagogie et le populisme.
Le chavisme : un mouvement décomposé de naissance
Il serait faux de voir le chavisme comme un produit « made in Venezuela », produit de caractéristiques purement nationales. Le « phénomène » chaviste est le produit des contradictions propres au système capitaliste, de la crise qui secoue le capitalisme au niveau mondial depuis la fin des années 60 et qui exige de chaque bourgeoisie nationale l’attaque permanente des conditions de vie des masses travailleuses et de la population dans son ensemble. Mais il est aussi le résultat de la période de décomposition dans laquelle s’enfonce le capitalisme depuis deux décennies, décomposition dont l’expression majeure a été la disparition du système de blocs impérialistes après l’implosion de l’ex bloc « socialiste » en 1989.
Dans le cas particulier du Venezuela, l’apparition du chavisme exprime de façon caricaturale la décomposition de la bourgeoisie nationale, qui atteint de telles proportions que ses conflits d’intérêt ont créé les conditions pour que le gouvernement tombe entre les mains de secteurs de la petite-bourgeoisie gauchiste qui ont clairement l’intention de s’y maintenir à tout prix. Le secteur « chaviste » de la bourgeoisie tente de se différencier « radicalement » de l’idéologie démocratique de la « vieille oligarchie » en adaptant la virulence aigrie de la gauche du capital vénézuélien et du gauchisme aux temps nouveaux de la « fin de l’histoire » ([4] [49]), en se référant :
– au bolivarisme, repris de la guérilla gauchiste des années 60, mêlé de références à l’idéologie zamorienne et robinsonienne ([5] [50]), auxquelles il faut ajouter l’indigénisme et la négritude, saupoudrant le tout d’une dose de mysticisme et de religion qui viennent donner une connotation fondamentaliste à l’idéologie bolivarienne ;
– à la démocratie représentative qui faisait vivre les vieux partis, le chavisme oppose la démocratie « participative et protagoniste » qui serait la base du « socialisme » chaviste.
Pourquoi ?
La « démocratie participative et protagoniste » a permis au chavisme de mobiliser la population pour adapter juridiquement le modèle démocratique bourgeois et contrôler les institutions de l’Etat par l’adoption d’une nouvelle constitution. L’aspect « innovant » de ce modèle bourgeois se trouve dans le fait qu’il renforce la « nouvelle bourgeoisie » chaviste sur deux plans :
– sur le plan économique, le soi-disant « développement endogène » basé sur le coopérativisme, la cogestion et l’autogestion permet de développer les politiques de capitalisme d’Etat par l’attribution des ressources de l’Etat à la nouvelle bourgeoisie chaviste et aux secteurs du capital privé qui soutiennent le projet ;
– sur le plan économique et social, l’attribution des ressources de l’Etat par le biais d’organisations comme les Cercles bolivariens, les Missions, les milices, etc., permet au chavisme un contrôle politique et social des secteur les plus misérables que sont la majorité de la population (le chavisme ne se distingue en rien à ce niveau des régimes staliniens ou fascistes). Et cette attribution des ressources permet surtout au chavisme de distribuer des miettes qui légitiment tous les discours idéologiques sur la « redistribution des richesses » et « l’égalitarisme » de la gauche ; c’est là ce qui, selon le chavisme et l’ensemble de la gauche, ouvrira la voie au « socialisme du XXIe siècle ».
Mais ce « socialisme », avant de « redistribuer les richesses » (vieille rengaine bourgeoise pour justifier sa dictature de classe) se propose en fait la redistribution de la misère, « l’égalisation » de la société par le bas, par la précarité. Le travail des Missions permet en fait d’informaliser les conditions de travail, ce qui « flexibilise » (c’est-à-dire précarise) la force de travail à travers les coopératives dans lesquelles les travailleurs perçoivent des salaires inférieurs au salaire minimum déjà misérable sans bénéficier de la moindre protection sociale. Par ailleurs, toutes les branches de service ou de production dont s’occupent ces Missions en violant allègrement toutes formes de conventions collectives, sont le théâtre d’attaques des conditions de travail des travailleurs réguliers qui sont victimes du chantage au licenciement s’ils n’acceptent pas les conditions imposées par l’Etat. Enfin, dans la mesure où les Missions ont essentiellement comme fonction politique le contrôle social, le militantisme « pro-révolutionnaire » étant exigé pour pouvoir grappiller les miettes distribuées par l’Etat, la qualité des services publics est en chute libre. Au fur et à mesure que grandit la couverture sociale des Missions, la précarité s’étend aussi à l’ensemble de la classe ouvrière et à l’ensemble de la société. Par ailleurs le coopérativisme, la cogestion et l’autogestion, formes d’organisation de la production à laquelle la gauche et les gauchistes prêtent une nature magique « anticapitaliste », n’éliminent en rien l’exploitation des travailleurs par le capital, qu’il soit privé ou étatique : les rapports de production de biens ou de services propres à toutes les formes d’organisation de la production capitaliste sont maintenus, et les biens et services produits par les travailleurs devront tôt ou tard être soumis aux lois du marché. En d’autres termes, c’est ce dernier qui décidera des prix et donc du salaire des travailleurs.
Ici comme ailleurs, la bourgeoisie n’a d’autre choix que de jouer avec la misère, et le chavisme s’est révélé être un maître en la matière. Il tente d’imposer ses idéologies à l’ensemble de la société par le sang et par le feu, créant une ambiance de terreur, de persécution, de chantage et d’attaque permanente sur les conditions de vie des travailleurs à travers le chômage, les salaires de misère, les charges sociales, développant une paupérisation qui se traduit, dans les faits, par une augmentation significative de la pauvreté et de la malnutrition ([6] [51]), de la criminalité et de la prostitution infantile et juvénile, pendant que les nouveaux riches chavistes se répartissent le butin des ressources de l’Etat en s’allouant des traitements et des salaires des dizaines de fois supérieurs à ceux d’un travailleur, promouvant et permettant en outre des niveaux de corruption tels que les régimes antérieurs passent pour des enfants de chœur. Et tout ceci au nom de la soi-disant « supériorité morale » de la gauche du capital, qui n’est rien d’autre que la morale hypocrite bourgeoise hissée à son paroxysme.
Dans ce sens, non seulement le chavisme est un pur produit de la décomposition de la bourgeoisie vénézuélienne, mais il est en outre un facteur accélérateur de ce pourrissement de la classe bourgeoise et de la société vénézuélienne dans son ensemble. Et c’est précisément cette putréfaction que les gauchistes et la gauche dans le monde entier baptisent « révolution » ! Quelle impudence !
Leur radicalisme petit-bourgeois pousse les secteurs gauchistes qui composent le chavisme à baptiser « révolution » un phénomène qui, comme nous l’avons vu, n’est rien d’autre qu’une variante du capitalisme d’Etat : une « nouvelle » forme juridique d’administration de l’Etat bourgeois pour poursuivre l’exploitation du travail par le capital national. Que Chavez et ses disciples et adulateurs l’appellent « socialisme » n’est pas en soi un phénomène nouveau : la gauche et les gauchistes de tout poil n’ont pas cessé, tout au long du XXe siècle, de qualifier de « socialiste » le moindre gouvernement dont l’Etat assume le contrôle de la vie économique, politique et sociale (comme ce fût le cas pour tous ces pays en orbite de la Russie qui formaient le fameux « bloc socialiste » et dont ne survivent que la Chine, la Corée du Nord et Cuba), dans lesquels est éliminé ou tend à l’être le capital privé et que les moyens de production passent sous contrôle de l’Etat et de la bureaucratie. Aujourd’hui, la gauche du capital, en tant que force protectrice des intérêts du capital national, hisse à nouveau le drapeau de ce « socialisme », c’est-à-dire du capitalisme d’Etat, mais sous les nouvelles couleurs des mouvements anti-globalisation et altermondialistes, pour tenter de donner un fond idéologique à son mot d’ordre : « Un autre monde est possible ».
Ce « néo-socialisme » reprend aussi les thèmes populistes auxquels recourt la bourgeoisie dans ses moments de crise économique et politique. La bourgeoisie recourt toujours dans ces cas-là à la manipulation des secteurs les plus pauvres de la population et de la petite bourgeoisie paupérisée, pour tenter de contrôler le mal-être social généré par l’accroissement de la pauvreté et de les utiliser pour maintenir sa domination de classe.
Le chavisme, armé de cette vision du « socialisme du XXIe siècle », nous promet d’éradiquer la misère… à l’horizon de 2021. Il est effectivement possible que le chavisme parvienne pour cette date à créer une société « égalitaire », dans le sens où il aura réussi à plonger la quasi-totalité de la population dans une « égale paupérisation » (à l’exception évidemment des nouveaux riches du chavisme), comme la bourgeoisie est parvenu à le faire à Cuba, en Corée du Nord ou en Chine, ces résidus du vieux « socialisme ». L’accroissement des indices de la misère ne peut plus se déguiser et il est inéluctable : malgré les manipulations éhontées des chiffres par les organismes de l’Etat, l’Institut national de statistiques (INE) indique que l’indice de pauvreté a augmenté de dix pour cent pendant les six années de gouvernement chaviste ([7] [52]).
Cette augmentation de la misère n’est cependant pas due à la mauvaise gestion du chavisme, comme tentent de le faire croire les secteurs de la bourgeoisie dans l’opposition : il est impossible d’éradiquer la misère dans le capitalisme, car ce mode de production non seulement requiert une attaque permanente sur les salaires et les conditions de vie des travailleurs mais, en outre, avec son entrée en décadence, il crée une masse toujours plus grande de prolétaires qui sont laissés à la rue sans qu’existe pour eux la moindre possibilité d’être intégrés à l’appareil productif. La bourgeoisie face à la crise n’a d’autre choix que de rendre toujours plus précaires les conditions de vie du prolétariat pour pouvoir rester compétitive sur le marché mondial et, bien sûr, pouvoir maintenir les privilèges dont elle jouit en tant que classe dominante.
Mais la bourgeoisie chaviste doit compter sur un facteur qui contrariera ses plans : l’approfondissement de la crise du capitalisme et de la décomposition de l’ensemble de la bourgeoisie. Malgré les revenus importants tirés de l’augmentation historique du prix du baril de pétrole sur lesquels compte la bourgeoisie vénézuélienne, ils ne sont cependant pas éternels et par ailleurs sont insuffisants pour répondre au coût de la « révolution ». L’approfondissement de la crise ne tardera pas à faire tourner court l’appareil populiste et les Missions mis en place par le chavisme. Alors les masses se manifesteront de nouveau. Mais ces manifestations seront condamnées à finir dans les impasses de la révolte stérile et de l’impuissance si la classe ouvrière n’a pas la capacité de donner une perspective aux masses les plus pauvres, vers la destruction et le dépassement du capitalisme. Il est donc de la première importance que les travailleurs réagissent par leur lutte contre les attaques faites à leurs conditions de vie et affrontent toute cette idéologie bolivarienne égalitariste.
Dans le capitalisme décadent, la bourgeoisie, de droite ou de gauche, n’a d’autre choix que de recourir à toutes sortes de variantes du capitalisme d’Etat, qu’elle les nomme bolivarisme ou autres noms d’oiseaux. Le « néo-socialisme », ce fameux « socialisme du XXIe siècle » préconisé par Chavez, n’est que l’imposition progressive de conditions de vie toujours plus précaires aux travailleurs et à l’ensemble de la société. Les forces de droite ou de gauche du capital ne peuvent plus réaliser de réformes véritables du système capitaliste, encore moins faire une révolution. L’époque où la bourgeoisie était une classe révolutionnaire est révolue depuis que le mode de production capitaliste a atteint les confins de la planète. L’entrée du capitalisme dans sa phase de décadence avec la Première Guerre mondiale, a mis depuis un siècle un terme à cette période où le prolétariat
Nous ne pouvons ici développer la vision marxiste de la révolution prolétarienne ([8] [53]). Mais nous pouvons affirmer que seul le prolétariat en armes organisé en Conseils ouvriers est à même de donner un caractère révolutionnaire à un mouvement de révolte, en donnant comme perspective la destruction de fond en comble de l’appareil d’Etat de la bourgeoisie et en s’affirmant comme classe dominante de la société, en prenant le contrôle des moyens de production et en incorporant à sa cause les masses non exploiteuses. Là se trouvent les leçons basiques des plus grandes expériences des mouvements révolutionnaires de la classe ouvrière : la Commune de Paris, la Révolution russe de 1905, la vague révolutionnaire internationale qui fut inaugurée par la Révolution russe de 1917. Là se trouve l’unique voie pour passer du règne de la pénurie qu’impose le capitalisme au règne de l’abondance, le communisme.
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[1] [54] Mouvement bolivarien révolutionnaire-200, formé en majorité par les militaires qui participèrent avec Chavez à l’insurrection en 1992.
[2] [55] Partisans des « vieux » partis de la bourgeoisie, AD et COPEI.
[3] [56] Organisations crées et financées par l’Etat, qui travaillent dans des services publics tels que le domaine de la santé, de l’éducation, de la distribution de la nourriture, etc. Ces Missions permettent aussi de développer le travail précaire à travers le coopérativisme. Le réseau tissé par les Missions permet aussi aux partis qui soutiennent le gouvernement d’exercer un réel contrôle social, puisqu’il est exigé de s’engager en faveur de la « révolution bolivarienne » pour pouvoir recevoir des aides de l’Etat.
[4] [57] Un des conseillers de Chavez dans les années 90 était l’argentin Norberto Ceresole, qui avait imaginé un modèle baptisé “post démocratie” qui combinait un ensemble d’idéologies allant du fascisme au bolivarianisme en passant par le stalinisme. Nous voyons là les origines, typiques de la décomposition, du cocktail idéologique de Chavez.
[5] [58] Références faite au « guerrier » Ezequiel Zamora, leader des insurrections paysannes de la moitié du XIXe siècle et à Simon Rodriguez, qui vécut fin XVIIIe et début XIXe siècles, professeur de Bolivar et qui se fit appeler Samuel Robinson ; son modèle avançait que l’Amérique espagnole devait se doter de gouvernements et d’institutions « originaux » hors des modèles donnés par l’étranger.
[6] [59] Une étude récente de l’Institut vénézuélien de recherches scientifiques avance qu’un tiers des enfants entre 2 et 15 ans sondés dans les Etats du centre du pays souffrent d’anémie. Ce niveau terrifiant va jusqu’à 71 % des enfants de moins de 2 ans dans l’un de ces Etats. Il est bon de se souvenir que, dans les années 80, le pourcentage était proche de celui des pays développés.
[7] [60] L’Institut national de statistiques signalait que la pauvreté était passé de 42,8 % en 1999 a 53 % en 2004. Une récente étude de l’entreprise Datos signale cependant que la pauvreté touche 81 % de la population, c'est-à-dire quelques 21 millions de personnes (el Nacional, 31 mars 2005).
[8] [61] Nous invitons nos lecteurs à mieux connaître nos positions et nos analyses sur ce sujet en consultant notre site Internet : www.internaciotionalism.org [62].
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