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« Automne 2025, plus haut que 1968 ! », « Grève générale ! », « Actifs, chômeurs, étudiants, retraités, solidarité! »… Voici ce qu’on a pu entendre dans les cortèges, le 18 septembre dernier, où plus d’un million de personnes sont descendues dans la rue. Ce jour là, partout en France, les manifestants ont exprimé massivement leur colère et leur combativité face aux attaques d’une ampleur sans précédent depuis des décennies.
Quelque chose de nouveau était même perceptible au sein des cortèges, l’idée que « oui, nous luttons, mais ce n’est qu’un début, car ça sera encore plus dur demain ! ».
Comme lors des manifestations qui ont éclaté en Belgique au printemps dernier, les travailleurs affirment aujourd’hui en France, haut et fort, qu’ils refusent de subir dans leur chair toutes nouvelles mesures d’austérité. Peu importe le nom du Premier ministre, Bayrou, Lecornu ou le suivant. Ils attaqueront et nous le refusons. Cette réaction préventive signifie une chose : la conscience qu’il n’y a aucune illusion à se faire sur l’avenir que nous réservent tous les gouvernements, de gauche, de droite ou populistes Et c’est là une prise de conscience à l’échelle internationale : les attaques d’hier et d’aujourd’hui ne sont que le prélude des attaques de demain. Le prolétariat en France, au Royaume-Uni, en Espagne, au Canada, aux États-Unis… affirme que « trop, c’est trop » !
Mais descendre toutes les deux semaines dans la rue ne suffira pas. Pour repousser les attaques, il faudra être en mesure d’imposer un véritable rapport de force. Alors, comment ?
Pour les syndicats, la recette est toujours la même : ils appellent les salariés (presque exclusivement du public) à se regrouper par corporations et centrales, sous leurs banderoles et leurs ballons, lors de « journées de mobilisation », pour prétendument « leur donner la force de négocier avec le gouvernement ». C’est tout le sens de l’appel de l’intersyndicale pour le 2 octobre : se « compter » pour peser et négocier avec Lecornu ! Ces méthodes nous mènent toujours à la défaite. Et les centrales syndicales le savent très bien !
Lors de la lutte contre la réforme des retraites en 2023, nous étions des millions dans la rue, combatifs et en colère, déterminés à nous battre tous ensemble. Six mois durant, l’intersyndicale a égrainé quatorze journées de manifestations. Pour quel résultat ? Les « journées de mobilisation » se sont de plus en plus espacées dans le temps, la mobilisation s’est peu à peu affaiblie… et le gouvernement a pu passer son attaque.
En 2022, en Grande-Bretagne, des milliers de travailleurs ont tenu plus d’un an de grèves, portés par la colère et la volonté de se battre. Mais isolés, derrière leurs multiples piquets de grève, cloisonnés entreprises par entreprises, ils n’ont rien obtenu.
En Belgique, même scénario en 2025 : six mois de mobilisations syndicales « historiques »… sans aucun recul de la bourgeoisie !
Aujourd’hui, il faudrait encore et encore accepter les « balades » syndicales à répétition ? Chacun derrière la banderole de son entreprise, de son secteur, sono à fond, sans discussion, sans débat, sans prise en main de l’organisation de la lutte ? Puis, dispersés par les flics, tout le monde devra rejoindre son domicile. On n’aura plus qu’à attendre la prochaine « journée » que les syndicats voudront bien organiser, et nous laisser démoraliser un peu plus, seuls dans notre coin. Et à la fin : le gouvernement ne reculera pas, les attaques passeront… comme toujours !
De plus en plus d’ouvriers et de fils d’ouvriers ressentent cette impuissance des journées de mobilisations syndicales. C’est pourquoi il y a de plus en plus de monde sur les trottoirs, à l’avant du cortège, en dehors du cadre officiel. Là, les manifestants ne sont plus divisés par corporations ou en centrales, là ils échangent et cherchent. Lors du 18 septembre, à Paris, il y avait autant de monde « à-côté » du cortège que sous les ballons. Et c’est là que notre organisation, le CCI, a diffusé le plus massivement sa presse, a eu les discussions les plus nombreuses et empreintes de la volonté de changer la société. C’est justement pour éviter ce genre de discussion que le ministre de l’Intérieur, Monsieur Retailleau, donne systématiquement l’ordre de disperser les manifestants à la fin du parcours, à coups de matraque et de bombes lacrymo : il ne veut pas que nous nous regroupions pour débattre !
Aux éléments les plus en colère, nous disons de ne pas tomber dans le piège de la provocation policière : les troupes de Retailleau poussent à la violence et à la casse pour justifier la répression et empêcher que nous nous rassemblions et discutions !
L’appel de l’intersyndicale, main dans la main avec les partis de « gauche » (LFI et trotskistes en tête), nous expliquent que nous devons réclamer plus de « justice fiscale », « faire payer les riches ». Ces mots d’ordre sont eux aussi un véritable piège !
Oui, les milliards des grands bourgeois sont à vomir face à la misère qui se répand partout et aux sacrifices qu’ils veulent nous imposer. Mais avec ses discours sur la « justice fiscale », la gauche nous arnaque. Elle nous dit « tout le monde doit participer équitablement à l’effort national », autrement dit « puisque les ultra-riches paient un peu, à vous d’accepter vous aussi les sacrifices ». Voilà la réalité qui se cache derrière ce discours ! Avec ou sans ISF, avec ou sans taxe Zucman… les grands bourgeois seront toujours aussi riches et les prolétaires seront moins nombreux dans les hôpitaux, les écoles, les usines, avec des cadences en hausse et des salaires plus faibles !
C’est ce qu’a fait le PS en France à chaque fois qu’il est arrivé au pouvoir (y compris en coalitions avec des forces « radicales » comme le PCF) ! C’est ce que fait actuellement le « socialiste » Sanchez en Espagne et son allié le Sumar (équivalent hispanique de LFI), ou le travailliste Starmer en Grande-Bretagne ! C’est ce que faisait, hier, Syriza en Grèce et tous les partis de gauche qui, une fois au pouvoir, se sont révélés pour ce qu’ils sont : des défenseurs inconditionnels du capital !
Pourtant, nous avons la force de faire reculer le gouvernement, de freiner ses attaques. Certaines luttes du passé montrent que c’est possible. Comme en Mai 1968 ou en 1980 en Pologne, autant de luttes qui ont fait reculer la bourgeoisie !
En France, la dernière fois où nous avons pu contraindre le gouvernement à reculer, c’était en 2006 contre le « Contrat Première Embauche » (CPE) de De Villepin. Les étudiants précaires avaient organisé, dans les universités, des assemblées générales massives, ouvertes aux travailleurs, aux chômeurs et aux retraités. Pour étendre la lutte à d’autres secteurs, à d’autres générations, ils mettaient en avant des mots d’ordre unificateurs : la lutte contre la précarisation et le chômage. Pas seulement, pour « les étudiants », mais pour « tous les travailleurs », jeunes ou vieux, au chômage ou en activité, avec ce slogan : « Jeunes lardons, vieux croûtons, tous la même salade ! ». Chaque week-end, les manifestations regroupaient de plus en plus de secteurs. Les travailleurs salariés et retraités commençaient à se joindre aux étudiants. L’extension rapide de la lutte et les AG réellement souveraines ont finalement obligé le gouvernement à céder en quelques semaines.
« Tous ensemble ! Tous ensemble ! Et en même temps ! Et jusqu’au bout ! ». Ce slogan qu’on a pu entendre dans les cortèges du 18 septembre est profondément juste. Aujourd’hui, comme hier, pour gagner, il faut nous regrouper, discuter partout sur les lieux de travail et proposer des assemblées générales en essayant de convaincre que ce qui fait notre force, c’est notre unité, notre solidarité de classe.
Contre les impasses que nous imposent des syndicats, contre leur fausse unité, nous devons défendre des AG ouvertes à tous, autonomes, décidant réellement de la conduite du mouvement. Nous pouvons adopter ensemble des revendications de plus en plus unificatrices. Nous pouvons partir en délégations massives pour chercher la solidarité des travailleurs de l’usine, de l’hôpital, de l’établissement scolaire, de l’administration les plus proches.
Seules des AG prolétariennes peuvent constituer la base d’une lutte unie et qui s’étend. Même si nous n’y arrivons pas aujourd’hui, c’est ce qu’il nous faut préparer pour en être capable demain.
Oui, en prenant nos luttes en main, nous pouvons faire reculer les gouvernements. Mais le capitalisme ne va pas cesser de menacer la survie même de la civilisation humaine. La crise économique mondiale va continuer de répandre partout la misère. La guerre et le chaos vont s’étendre et s’amplifier. Et la bourgeoisie exigera toujours plus de sacrifices insupportables.
Face à cela, il faut aussi, y compris en dehors des luttes, nous rassembler, partout où nous le pouvons, pour confronter nos points de vue, débattre, tirer les leçons des luttes d’hier et préparer celles de demain. Même si nous sommes peu nombreux, nous pouvons, par nos débats, préparer ce long combat vers le communisme, renouer avec l’expérience du mouvement ouvrier, tracer une perspective, commencer à penser que nos luttes « défensives » ne suffisent pas, qu’il faut aussi les politiser.
Nos luttes, qu’elles soient victorieuses ou non, ne sont pas vaines ! En relevant la tête tous ensemble, en refusant la résignation, nous préparons les luttes de demain et nous créons petit à petit, malgré les inévitables défaites, les conditions d’un monde nouveau. Ce n’est que par la lutte que le prolétariat peut prendre conscience qu’il est la seule force de la société capable d’abolir l’exploitation capitaliste.
Le chemin qui mène à la révolution prolétarienne mondiale, au renversement du capitalisme, sera long et difficile. Il sera parsemé d’embûches et de défaites, mais il n’y en a pas d’autre.
Courant communiste international, 2 octobre 2025
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Aujourd’hui, les guerres n’en finissent pas de ravager le monde : de l’Ukraine à Gaza, en passant par la Birmanie, le Soudan, le Congo et bien d’autres conflits meurtriers, le chaos guerrier s’aggrave et fauche des centaines de milliers de soldats et de civils. Cette logique meurtrière n’est pas seulement le fait de dictateur sanguinaire ou de l’irrationalité des populistes : c’est la logique du monde capitaliste en putréfaction, de la concurrence de plus en plus exacerbée et meurtrière de toutes les nations, petites ou grandes, de toutes les cliques bourgeoises. Oui ! Le capitalisme c’est la guerre, la destruction et la mort. N’ayons pas d’illusions avec leurs promesses de paix. C’est au nom de la paix que tous les gouvernements nous appellent à toujours plus de sacrifices pour financer leurs armes et préparer les conflits à venir. Cette perspective, la classe ouvrière n’en veut pas ! Et pour cause : les guerres sont toujours un affrontement entre des nations concurrentes, entre des bourgeoisies rivales. Elles sont toujours des conflits dans lesquels meurent les exploités au profit de leurs exploiteurs. « Ukrainiens », « Russes », « Israéliens » ou « Palestiniens », parmi toutes ces nationalités se trouvent des exploiteurs et des exploités. La solidarité des prolétaires ne va donc pas aux « peuples », elle doit aller aux exploités d’Iran, d’Israël ou de Palestine, comme elle va aux travailleurs de tous les autres pays du monde. « Les travailleurs n’ont pas de patrie », ils doivent refuser partout de prendre parti pour un camp bourgeois ou pour un autre. Aujourd’hui, la classe ouvrière n’a pas la force et la capacité d’agir et de peser directement pour arrêter ces guerres impérialistes au Moyen-Orient, en Afrique ou à l’Est, comme elle a pu le faire lors de la Première Guerre mondiale, par exemple. Mais elle a la capacité, dès aujourd’hui, de développer ses luttes contre les sacrifices imposés par tous les États capitalistes. Dans les cortèges du 18 septembre, plusieurs manifestants ont d’ailleurs scandé : « L’argent pour les salaires, pas pour la guerre » ; « Il y a du pognon pour les marchands de canons, mais pour les salariés : il n’y a que l’austérité » ; « De l’argent pour l’hôpital, pas pour la guerre mondiale ! ». En refusant les plans d’austérité et les sacrifices, nous nous attaquons à l’exploitation capitaliste et à toute sa logique de concurrence, nous préparons l’avenir, nous semons les graines d’un monde sans exploitation, sans guerre, ni frontière !
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Les attaques contre nos conditions de vie sont d’une brutalité extrême. Il faut remonter aux années 1930 pour trouver trace de mesures aussi violentes.
Face à cette situation insupportable, la colère est en train de gagner toute la société. Ce mécontentement grandissant se transforme de plus en plus en volonté de lutter, dans tous les pays. Au Royaume-Uni, en 2022, les travailleurs anglais se sont ainsi mobilisés massivement en scandant « Trop c’est trop ! ».
Bayrou a affirmé pendant des semaines, sur tous les plateaux télé, que la dette nous conduisait à la faillite, que nous vivions au-dessus de nos moyens, que les « boomers » étaient des égoïstes et des privilégiés, que nous devions accepter pour l’avenir de nos enfants de renoncer à nos « privilèges ». Quelle honte ! Au moment même où l’État investit des centaines de milliards pour ses dépenses militaires et que les « ultra-riches » engrangent dividendes sur dividendes.
Le gouvernement de Bayrou est tombé, Bayrou a organisé son départ avant la mobilisation d’aujourd’hui pour éviter de donner l’impression que c’est la rue qui gouverne. Mais il ne faut avoir aucune illusion, toutes ces attaques brutales, l’État va continuer d’essayer de nous les infliger, quel que soit le nouveau le gouvernement.
En Belgique, en Italie, en Espagne, aux États-Unis, partout les gouvernements imposent la réduction des budgets sociaux et des salaires, la diminution des effectifs et l’augmentation des cadences. Et tous augmentent les crédits pour la guerre, par milliards.
L’Allemagne, renommée pourtant pour sa stabilité économique, connaît une vague de licenciements sans précédent. Sous la pression directe des tensions commerciales et du fardeau de la guerre, 112 000 emplois ont été supprimés en un an, des milliers d’autres sont menacés. Le gouvernement prévoit une cure d’austérité majeure pour combler le trou de plus de 30 milliards d’euros prévu dès 2027. Et dans le même temps, Friedrich Merz promet de doter l’Allemagne de « l’armée la plus puissante d’Europe ». Le budget de la défense doit croître de 62 milliards d’euros en 2025, à 153 milliards en 2029 (contre seulement 44 milliards en 2019).
« Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur », c’est ce discours de Churchill que reprennent en cœur tous les gouvernements, qu’ils soient de gauche, de droite, démocrates, d’extrême droite ou populistes. Peu importe la couleur politique de ceux qui gèrent l’État, ils défendent tous « l’intérêt national », c’est-à-dire l’intérêt de la bourgeoisie nationale. En ce moment même, les mêmes attaques sont menées en Grande-Bretagne par un gouvernement « travailliste » !
La dette qu’ils veulent nous faire payer n’est pas le symbole de nos prétendus privilèges, mais celui de la crise historique du capitalisme. Voici le seul avenir que peut offrir ce système en faillite : toujours plus de misère, toujours plus de guerre !
Face à une telle brutalité, les ouvriers ne veulent plus courber l’échine. Depuis plus de trois ans, le prolétariat en France, en Grande-Bretagne, en Suède, en Corée, aux États-Unis, au Canada, en Belgique a retrouvé et développé ses capacités à réagir. Les médias en font très peu écho, il y a un véritable black-out.
Pourquoi ? Parce que la bourgeoisie ne veut surtout pas que nous prenions conscience que le problème est global et que la réponse ne peut être que mondiale, elle ne veut pas que les exploités prennent conscience qu’ils ont partout les mêmes intérêts, qu’ils mènent partout les mêmes luttes. Elle craint plus encore qu’ils ne développent leur solidarité et leur unité internationale :
– En Belgique : depuis les « journées d’action » de décembre 2024 jusqu’aux manifestations durant l’été, la combativité ouvrière et la volonté d’unification de la lutte ne se sont pas démenties.
– Au Canada : après les grèves à Montréal, c’est aujourd’hui celles au Québec.
– Aux États-Unis : les grèves chez Boeing, dans le secteur automobile ou dans les ports se sont développées, y compris en pleine campagne électorale.
– En Chine : malgré le féroce carcan policier, des grèves ont éclaté en août dans des secteurs comme l’industrie pharmaceutique, le textile, l’emballage, les pièces détachées.
Toutes ces luttes révèlent que la classe ouvrière n’est plus prête à accepter de se sacrifier sur l’autel de l’intérêt national et de ses exploiteurs !
« Comment lutter ? » est la question qui se pose pour aujourd’hui mais aussi pour demain. Le mouvement actuel propose pour cette lutte de « tout bloquer » pour « faire pression » sur Macron, pour obtenir « une politique plus équitable et juste » du nouveau gouvernement.
Oui, il faut se battre ! Oui, il faut se battre massivement ! Oui, il faut prendre la rue ! Mais ce mouvement « bloquons tout » se conçoit comme un rassemblement des citoyens français, du « peuple », où de nombreuses catégories (petits commerçants, patrons, restaurateurs...) se mobilisent contre les mesures fiscales du gouvernement, contre l’attaque de leur statut ou privilège corporatiste. Que devons-nous attendre d’un mouvement qui veut boycotter la machine économique et nous appelle à réduire notre consommation, à bloquer les transports, à limiter l’utilisation de notre carte bancaire, à nous disséminer sur des ronds-points ? Que peut-on attendre d’un mouvement dont les mots d’ordre sont la désobéissance civile, le Référendum d’Initiative Populaire (celui des gilets jaunes), dont la logique est de se focaliser contre les élites qui gouvernent l’État. Où mène un tel mouvement ? À semer l’illusion que la solution est de faire pression sur les dirigeants et qu’un meilleur gouvernement pour le « peuple » est possible.
Ce n’est pas parce que d’autres parties de la population sont aussi victimes des attaques de la part du gouvernement que la classe ouvrière doit se mettre à la queue d’un tel mouvement où elle se perd en tant que classe. Seule la classe ouvrière, classe exploitée à l’échelle internationale, n’a pas d’intérêts nationaux à défendre. Son combat contre les effets de l’exploitation et la défense de ses conditions de vie n’est pas un combat pour l’amélioration de son statut social mais contient en germe toute la perspective de destruction du système capitaliste lui-même, l’abolition de l’exploitation, de l’État, des classes, des frontières, des nations.
Ce mouvement « bloquons tout » n’apporte pas un nouveau souffle au combat contre le capitalisme. La publicité faite au mouvement par tous les médias et les partis de gauche et d’extrême gauche a pour objectif d’attirer les ouvriers dans un mouvement de défouloir, de les diluer dans le « peuple », en tant que « citoyen en colère ». Cette campagne assourdissante monte en épingle un mouvement où sont noyées les revendications ouvrières et où les actions impuissantes ne sont pas les nôtres.
C’est utiliser les difficultés actuelles des travailleurs à se reconnaître en tant que classe pour les entraîner dans une impasse, sur la voie de l’illusion démocratique qui consiste à dire que la solution réside dans un changement de gouvernement, voire un changement de président.
Face à notre volonté de nous battre, toutes les forces politiques de la bourgeoisie nous attaquent idéologiquement, en nous divisant ou en entretenant des illusions sur le capitalisme. Ignoble, le discours de Bayrou rendant les « boomers » responsables de la dette. Ignoble, la volonté de l’État bourgeois de jouer la division entre les générations, les plus jeunes appelés à développer le combat contre le capitalisme et ceux qui, en Mai 68, ont été les acteurs de la plus grande grève de l’histoire du mouvement ouvrier, avec une expérience à transmettre à cette nouvelle génération. Mensongère, la propagande de la gauche et de l’extrême gauche qui veut faire croire que la crise n’existe pas, qu’il suffirait de prendre dans la poche des riches pour régler tous les problèmes.
Oui, leurs milliards sont à vomir face à la misère qui s’étend dans les rangs ouvriers. Mais c’est l’expression même de la logique du profit de la société capitaliste : système d’exploitation de la majorité par une minorité dominatrice. Ni en France, ni ailleurs, la lutte ouvrière ne peut avoir comme objectif une répartition « équitable » de la richesse parce qu’il n’y a pas d’exploitation capitaliste « équitable ».
L’objectif de la lutte ouvrière est d’en finir avec l’exploitation capitaliste, avec la loi du profit, pour enfin aboutir à la satisfaction des besoins de toute l’humanité.
En France, comme partout ailleurs, pour construire un rapport de forces nous permettant de résister aux attaques incessantes contre nos conditions de vie et de travail, et qui demain vont s’aggraver encore avec violence, nous devons, partout où nous le pouvons, nous rassembler pour débattre et mettre en avant les méthodes de lutte qui ont fait la force de la classe ouvrière et lui ont permis, à certains moments de son histoire, de faire vaciller la bourgeoisie et son système :
– la recherche du soutien et de la solidarité au-delà de sa corporation, son entreprise, son secteur d’activité, de sa ville, sa région, son pays ;
– l’organisation autonome du combat ouvrier, à travers des assemblées générales notamment, sans en laisser le contrôle aux syndicats, ces soi-disant “spécialistes” des luttes et de leur organisation ;
– la discussion la plus large possible sur les besoins généraux de la lutte, sur les leçons à tirer des combats et aussi des défaites, car il y aura des défaites mais la plus grande défaite est de subir les attaques sans réagir, l’entrée en lutte est la première victoire des exploités.
Nous finirons par cet exemple historique riche d’enseignement pour l’avenir : en 1980, en Pologne, les travailleurs se sont regroupés en d’immenses assemblées générales ouvrières pour prendre en main leur lutte, pour décider ensemble des revendications et des méthodes de luttes. Ils n’ont pas « bloqué le pays », mais ils se sont organisés en assemblée et en classe et c’est comme cela qu’ils ont été en mesure de créer un rapport de force avec l’État pour repousser les mesures d’austérité. Ils ont même pris à leur compte l’organisation de la production et de la vie économique pour l’intérêt et la satisfaction des besoins des grévistes et de toute la population, dans un gigantesque élan de solidarité et de développement de la conscience. Voilà l’une des graines plantées par nos prédécesseurs sur le long chemin vers la révolution, voilà l’une des graines que nous devrons faire germer dans l’avenir, voilà ce que nous devons préparer en nous rassemblant et en débattant dès aujourd’hui pour que cette lutte de classe soit possible dans le futur. Car, à terme, la seule alternative sera :
Révolution mondiale ou Destruction de l’humanité
Courant Communiste International (10 septembre 2025)
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Nous sommes aujourd’hui nombreux dans la rue. Nous ne pouvons plus supporter de nouvelles attaques contre nos conditions de vie et de travail.
Le nouveau premier ministre, Lecornu, nous annonce l’abandon de la suppression des deux jours fériés pour « épargner ceux qui travaillent ». En même temps, il appelle à trouver d’autres économies ! Comment croire son discours alors que les attaques vont continuer, toujours aussi massives, toujours aussi brutales : coupes budgétaires dans la santé, dans l’éducation ou les prestations sociales, diminution des salaires et des pensions, licenciements massifs, augmentation des prix, cadences de travail infernales et insoutenables.
N’ayons aucune illusion ! Le nouveau gouvernement marche dans les pas du précédent !
Et la France est loin d’être seule dans cette situation. Partout la classe ouvrière est touchée par les attaques. La misère et la précarité se répandent comme une traînée de poudre.
On nous répète que tous ces sacrifices, nous devrions les accepter pour « l’avenir de nos enfants ». Quelle insupportable hypocrisie ! Ceux qui nous réclament de la sueur et des larmes, font en même temps exploser les dépenses d’armement. Les budgets militaires augmentent partout dans le monde. La France, la Pologne, le Royaume-Uni et l’Allemagne sont tous en lice pour le titre d’« armée la plus puissante d’Europe » (selon les propos du chancelier allemand Merz). Aux États-Unis, Trump veut faire grimper le budget de la Défense à 1 000 milliards de dollars ! En France, c’est tout un symbole : le nouveau chef du gouvernement est aussi l’ancien ministre des Armées.
En fait, derrière les discours sur la dette « insoutenable » et les « générations futures », la bourgeoisie veut nous faire payer ses guerres, sa crise et la faillite de son système !
Face à cette situation insupportable, la colère gagne toute la société, en particulier les ouvriers. Depuis 2022, avec « l’été de la colère » en Grande-Bretagne, puis le mouvement contre la réforme des retraites en France en 2023, il y a des luttes partout dans le monde :
– ports, automobiles, aviation en Amérique du Nord ;
– mouvement de lutte massif depuis décembre en Belgique contre les plans d’austérité ;
– grèves en Chine dans de nombreuses entreprises.
Ce ne sont que quelques récents exemples parmi d’autres. Nous pourrions continuer la liste sans fin !
Pendant que le gouvernement cogne,
les syndicats nous mènent dans l’impasse !
Nous nous rassemblons à nouveau dans les rues, combatifs et en colère. Mais des « journées de mobilisation » syndicales, comme celle d’aujourd’hui, on en a connu des centaines par le passé.
Lors de mouvements contre la réforme des retraites, nous étions même des millions dans les rues. Quatorze journées d’actions, six mois de luttes. Les cortèges étaient très combatifs. Les ouvriers étaient heureux de se retrouver, enthousiastes de lutter ensemble et si massivement. Mais ça n’a pas suffi pour faire reculer le gouvernement !
Ces mêmes mobilisations on les a vues en Grande-Bretagne en 2022. Les travailleurs ont aussi lutté massivement. Avec une immense colère, la fierté de crier : « La classe ouvrière est de retour ! », ils ont tenu, semaine après semaine, pendant plus d’un an derrière les syndicats ! Isolés les uns des autres, disséminés derrière leur piquet de grève, ils sont restés enfermés dans leur entreprise et n’ont rien gagné.
Même constat, cette année, en Belgique où les manifestations syndicales jugées « historiques » ont duré six mois sans obtenir aucun recul de la bourgeoisie.
La combativité, l’enthousiasme de n’être plus seul, la bouffée d’oxygène lorsque nous nous rassemblons par milliers, tout cela est une force immense. Mais, à elles seules, elles ne suffisent pas.
Aujourd’hui, face à l’immense colère et au besoin de riposte qui existe au sein de la classe ouvrière, l’intersyndicale appelle à une nouvelle journée de mobilisation. Selon la CGT, il faut se mobiliser « dans l’unité syndicale ». Pour FO, une « grève massive est indispensable », pour la CFDT, « il faut défendre le monde du travail ». Bref, il faudrait être en masse toujours derrière les syndicats pour soi-disant leur donner de la force dans les négociations avec le gouvernement.
Mais après la « balade » organisée par les syndicats, chacun derrière la banderole de son entreprise, de son secteur, sono à fond, sans discussion, sans débat, sans prise en main de l’organisation de la lutte, tout le monde devra rejoindre son domicile. On n’aura plus qu’à attendre la prochaine « journée » que les syndicats voudront bien organiser, et nous démoraliser un peu plus, seul dans notre coin. Et à la fin : le gouvernement ne reculera pas, les attaques passeront…
C’est pour cette raison que lors du mouvement contre la réforme des retraites, beaucoup disaient déjà : « Avec les journées syndicales, on voit qu’on est nombreux. Mais il faut passer à autre chose pour montrer notre force », « Il faut organiser la lutte autrement parce que l’État s’en fout qu’on défile sagement. »
C’est ce qui, durant l’été, a fait germer l’idée : « Si on bloque, on gagne ! ». Voilà l’un des mots d’ordre proclamé le 10 septembre, lors du mouvement citoyen « bloquons tout ». Partout en France, 200 000 personnes se sont mobilisées par des actions de blocage ou de manifestations contre les attaques gouvernementales, contre l’incompétence des élites, contre les écarts de richesses, contre le budget, contre la « pression fiscale », contre « les charges », contre « les normes qui étouffent »… Mais au final rien n’a changé, non plus !
L’idée de « bloquer l’économie » n’est pas plus efficace, elle est même souvent avancée par les syndicats ! Pendant les mouvements massifs de 2010 et de 2023 contre deux réformes des retraites, les syndicats ont enfermé les cheminots et les ouvriers des raffineries, secteurs particulièrement combatifs, sur leurs lieux de travail. Il fallait « bloquer les secteurs stratégiques ». Ils ont tenu pendant des semaines… pour rien ! Traités de « preneurs d’otages », isolés du reste de leur classe, ils ont fini totalement démoralisés.
Oui, même quand nous sommes des millions dans la rue, « bloquant » ou « défilant », lutter avec les syndicats, cela nous mènent toujours à la défaite ! Alors comment construire un véritable rapport de force ?
Oui, nous avons la force de faire reculer un gouvernement, de freiner ses attaques. Certaines luttes du passé montrent que c’est possible :
– en Mai 1968, après les manifestations immenses du 13 mai pour protester contre la répression policière, la grève s’est étendue partout à vive allure avec des assemblées générales souveraines, ouvertes à tous les travailleurs. Cette dynamique d’extension et d’unité a abouti à la plus grande grève de l’histoire du mouvement ouvrier international avec neuf millions de grévistes. Le gouvernement et les syndicats s’étaient alors précipités pour signer un accord de hausse généralisée des salaires afin de briser au plus vite la dynamique du mouvement.
– en 1980 en Pologne, face à l’augmentation des prix de l’alimentation, les grévistes portaient encore plus loin la prise en main des luttes en se rassemblant en d’immenses assemblées générales, en décidant eux-mêmes des revendications et des actions, et surtout en ayant pour souci constant d’étendre la lutte. Depuis les assemblées, des délégations massives étaient envoyées sur tous les lieux de travail pour appeler à la solidarité et à la grève. Sans l’entrave des syndicats, la lutte s’est étendue de façon unitaire dans tout le pays en 48 heures.
– En 2006 contre le « Contrat Première Embauche » (CPE), après seulement quelques semaines de mobilisation, le gouvernement retirait son projet. Les étudiants précaires ont organisé, dans les universités, des assemblées générales massives, ouvertes aux travailleurs, aux chômeurs et aux retraités, ils ont mis en avant un mot d’ordre unificateur : la lutte contre la précarisation et le chômage. Chaque week-end, les manifestations regroupaient de plus en plus de secteurs. Les travailleurs salariés et retraités s’étaient joints aux étudiants.
Aujourd’hui, comme hier, pour gagner, il faut nous regrouper, discuter partout sur les lieux de travail et proposer des assemblées générales en essayant de convaincre que ce qui fait notre force, c’est notre unité, notre solidarité de classe. Seules des AG ouvertes et massives, autonomes, décidant réellement de la conduite du mouvement, peuvent constituer la base d’une lutte unie et qui s’étend, portée par la solidarité entre tous les secteurs, toutes les générations.
Nous pouvons adopter ensemble des revendications de plus en plus unificatrices. Nous pouvons partir en délégations massives pour chercher la solidarité des travailleurs de l’usine, de l’hôpital, de l’établissement scolaire, de l’administration les plus proches.
Pour cela, nous ne devons pas faire confiance aux syndicats qui sont des organes d’État destinés à entraver nos luttes pour mieux les encadrer.
Oui, en prenant nos luttes en main, nous pouvons faire reculer les gouvernements. Mais le capitalisme ne va pas cesser de menacer la survie même de la civilisation humaine. La crise économique mondiale va continuer de répandre partout la misère. La guerre et le chaos vont s’étendre et s’amplifier. Et la bourgeoisie exigera toujours plus de « sacrifices » insupportables sur nos conditions de vie et de travail.
Face à cela il faut aussi, y compris en dehors des luttes, nous rassembler, partout où nous le pouvons, pour confronter nos points de vue, débattre, tirer les leçons des luttes d’hier et préparer celles de demain. Même si nous sommes peu nombreux, nous pouvons, par nos débats, préparer ce long combat vers le communisme, renouer avec l’expérience du mouvement ouvrier, tracer une perspective, commencer à défendre que nos luttes « défensives » ne suffisent pas, qu’il faut aussi les politiser.
Nos luttes, qu’elles soient victorieuses ou non, ne sont pas vaines ! En relevant la tête tous ensemble, en refusant la résignation, nous préparons les luttes de demain et nous créons petit à petit, malgré les inévitables défaites, les conditions d’un monde nouveau. Ce n’est que par la lutte que le prolétariat peut prendre conscience qu’il est la seule force de la société capable d’abolir l’exploitation capitaliste.
Le chemin qui mène à la révolution prolétarienne mondiale, au renversement du capitalisme, sera long et difficile. Il sera parsemé d’embûches et de défaites, mais il n’y en a pas d’autre.
Courant Communiste International
(18 septembre 2025)
Avec l’intensification des bombardements en Ukraine et en Russie, et la nouvelle débauche de barbarie à Potrovsk, l’interminable politique de terreur et de destructions continue de s’abattre sur les populations civiles. Au Moyen-Orient, l’armée israélienne poursuit inlassablement ses bombardements génocidaires et engage une nouvelle opération sanglante, un vaste plan visant à conquérir Gaza en ruine. Les territoires dévastés et les innombrables victimes témoignent partout d’une exacerbation des conflits impérialistes. Les guerres du capitalisme s’enlisent inexorablement sur tous les continents, prises dans une folle logique de terre brûlée, une inépuisable fuite en avant dans la destruction et l’extension du chaos. La résurgence de la menace nucléaire et les surenchères verbales qui l’accompagnent en sont une expression glaçante.
Dans ce contexte, la mise en scène de la rencontre Trump-Poutine en Alaska, celle de Washington avec les dirigeants européens et Zelensky ont offert un spectacle qui n’a évidemment rien changé à l’horreur de la guerre : le divorce entre les puissances européennes et l’Oncle Sam, l’imprévisibilité et le discrédit de la diplomatie américaine, la vacuité des pourparlers, ne font que souligner l’accélération du chaos mondial et l’impasse historique que représente le système capitaliste. Cette situation cauchemardesque alimente les peurs et sert à justifier une course aux armements qui fait peser encore plus de menaces sur l’humanité.
Sur tous les plans, la bourgeoisie démontre qu’elle n’a aucun avenir à offrir autre que la guerre, la misère et les catastrophes en tous genres. De manière totalement irresponsable et criminelle, sous le poids de la crise économique aiguë, elle poursuit aussi la destruction de l’environnement, accentuant le réchauffement climatique et toute une série de pollutions qui menacent directement l’humanité, et en premier lieu les plus pauvres. Chaque année les conséquences en sont de plus en plus visibles, la période de canicule de cet été ayant été marquée une nouvelle fois par des méga-feux, un peu partout en Europe, dévastant de larges zones géographiques, en particulier dans l’arc méditerranéen (Espagne, Portugal, Grèce, sud de la France…). Voilà un sombre tableau, une éclatante confirmation de l’accélération de la décomposition du système capitaliste, où toutes les crises, toutes les catastrophes s’alimentent les unes les autres dans une véritable spirale infernale.
Face à ce monde apocalyptique, la bourgeoisie aux abois n’a donc d’autre choix que de porter des attaques massives tous azimuts, comme elle le fait partout. Comme toujours, le prolétariat doit payer de sa poche, de sa sueur et même de son sang la crise et l’économie de guerre. La classe dominante montre ainsi qu’elle n’a aucune véritable solution pour inverser le cours de la tragédie qu’elle a générée par ses rapines, par la logique concurrentielle de son système agonisant.
L’avenir est-il alors sans espoir ? Si nous comptons sur la classe dominante, ses promesses électorales et ses mensonges nous faisant miroiter « démocratie » et « justice sociale » pour mieux dissimuler l’impasse de son système, nous sommes perdus. En revanche, il existe bel et bien une force sociale capable de dégager une véritable perspective : le prolétariat international.
Le capitalisme en décadence, empêtré dans ses contradictions et dans la concurrence généralisée, n’a plus aucune véritable réforme positive à offrir au prolétariat. Il ne peut qu’attaquer ses conditions d’existence, le presser toujours plus comme un citron. Notre classe n’a donc strictement rien à gagner dans ce système. Mais parce qu’elle n’a pas d’intérêt particulier autre que la lutte, qu’elle est une classe exploitée au cœur de la production mondiale, elle a aussi la particularité d’être une classe révolutionnaire. Elle seule, par les conditions universelles de son exploitation, possède les armes pour détruire le capitalisme qui l’enchaîne en abolissant ses rapports sociaux fondés sur l’exploitation de l’homme par l’homme.
L’histoire du mouvement ouvrier témoigne de la puissance créatrice de la classe ouvrière, de la force sociale de son combat, de sa capacité à offrir une perceptive révolutionnaire pour une société libérée, sans classe. La Commune de Paris, la révolution en Russie en 1917 et la vague révolutionnaire des années 1917-1923, montrent qu’il ne s’agit pas de simples rêveries d’utopistes mais d’un mouvement historique réel, produit d’une nécessité matérielle.
Or, aujourd’hui, après une trentaine d’années d’atonie, d’un recul de sa combativité et de sa conscience, ce même prolétariat, même si ses nouvelles générations sont moins expérimentées, est de retour sur le chemin de la lutte. Durant l’été 2022, le mouvement massif en Grande-Bretagne, qualifié d’« été de la colère », a marqué le début d’une véritable rupture. Cela, dans le sens où s’exprime à nouveau une immense colère, une forte combativité des luttes partout dans le monde (que la bourgeoisie prend bien soin d’occulter par un immense black-out médiatique) : France, États-Unis, Canada, Corée, Belgique… À travers ces luttes qualifiées partout d’« historiques », nous assistons à un retour spectaculaire de la combativité du prolétariat, alimentée par une maturation souterraine de la conscience ouvrière, une reflexion en profondeur en son sein, particulièrement parmi les minorités qui se rapprochent des positions révolutionnaires. Le prolétariat n’est plus prêt à accepter les attaques sans broncher, comme en ont témoigné, une fois encore, les luttes en Grande-Bretagne en 2022 et ailleurs ensuite, avec un même slogan : « Trop, c’est trop ! ».
Les attaques massives que subissent de nouveau les ouvriers doivent les conduire à riposter. La classe ouvrière n’a pas d’autre choix que de se battre. La lutte sera longue et difficile, semée d’embûches et d’obstacles dressés par la bourgeoisie et la putréfaction même de son système.
Les révolutionnaires et les minorités les plus combatives ont déjà un rôle et une responsabilité particulière dans ce contexte : s’engager, se préparer à stimuler les luttes en intervenant en leur sein dès que possible de manière décidée pour raviver la mémoire ouvrière, défendre l’internationalisme et la perspective de classe. Face à l’intense propagande démocratique, notamment de la gauche et des gauchistes, face au grand danger de l’interclassisme (ces luttes où les revendications et les moyens de lutte de la classe ouvrière sont noyés dans les revendications du « peuple », des petits patrons, de la petite-bourgeoisie, etc.), les minorités révolutionnaires et la classe ouvrière devront défendre leur autonomie et leurs méthodes de lutte que sont la défense des lieux de réunions communistes et ouvriers, les AG, la grève, les manifestations massives de rue, une lutte la plus large possible qui devra être déterminée, mais aussi et surtout consciente.
WH, 1er septembre 2025
Le gouvernement Bayrou est tombé. Mais les attaques vont se poursuivre ! Avec le prochain gouvernement, qu’il soit de droite, 1 de gauche ou populiste, les licenciements, les cures d’austérité et l’exploitation vont continuer à s’intensifier.
En France, comme partout dans le monde, la bourgeoisie ne peut que multiplier les attaques à grande échelle pour faire payer à la classe ouvrière le prix de la faillite de son système, pressurer nos conditions de travail et d’existence pour défendre les intérêts du capital national dans le chaos de plus en plus brutal de la concurrence internationale, et financer l’accroissement gigantesque de son arsenal militaire.
Ces attaques inédites depuis des décennies, ne sont pas une spécificité française. Loin de là ! Partout dans le monde, la bourgeoisie impose des coupes budgétaires et la précarisation de l’emploi. Animés d’une profonde colère, d’un sentiment d’injustice et de rejet, les travailleurs du monde entier refusent l’austérité : manifestations massives et grèves en Belgique depuis janvier, grève « historique » contre les licenciements chez Stellantis en Italie à l’automne dernier, grève « illégale » pour les salaires des employés d’Air Canada en juillet, grèves à répétition chez Boeing depuis la fin de l’année dernière, sans parler d’autres mouvements un peu partout dans le monde qui confirment que la classe ouvrière a retrouvé sa combativité et cherche à s’opposer aux attaques de la bourgeoisie.
Si la Belgique était, ces derniers mois, l’un des États d’Europe les plus touchés par les mobilisations contre les vastes mesures d’austérité, c’est maintenant la France qui voit la tension sociale croître fortement. Avec ou sans Bayrou, les attaques programmées sont particulièrement violentes : santé, éducation, secteur des transports, arrêts maladie, indemnisations des chômeurs et des retraités, minima sociaux… C’est toute la classe ouvrière qui est massivement attaquée !
Et la bourgeoisie sait très bien que la colère est immense et que la classe ouvrière ne laissera pas ces graves attaques sans réponse. Le mécontentement n’est pas retombé depuis la lutte contre la réforme des retraites, il y a deux ans, car la bourgeoisie n’est pas parvenue à instiller l’idée de défaite. L’annonce du plan Bayrou et la brutalité des mesures ont ravivé cette colère. La classe ouvrière ne peut que riposter.
Face à cette combativité, la bourgeoisie s’est préparée, tendant tous les pièges possibles, exploitant toutes les difficultés que le prolétariat rencontre pour développer son combat et retrouver son identité de classe. À ce titre, les luttes en cours et à venir en France, les pièges idéologiques tendus par la bourgeoisie, sont riches d’enseignements pour l’ensemble du prolétariat mondial.
Au mois de mai un « collectif citoyen » faisait son apparition. Issu des groupes d’extrême-droite ou populistes (autour de l’expression « C’est Nicolas qui paie »), il surfait initialement sur le rejet épidermique des syndicats, des partis et des institutions. Ce mouvement du 10 septembre, qui a bénéficié d’une large publicité dans les médias, appelait au blocage du pays et de son économie, au boycott de tout et n’importe quoi, de l’utilisation des cartes bleues, des terminaux bancaires, des achats en grande surface, de l’école…
Durant l’été, la composante populiste du collectif a largement fondu au soleil du tollé dans la population et surtout de la colère ouvrière suite à l’annonce du plan d’austérité de Bayrou. Avec l’appui massif des partis de gauche et d’extrême gauche, cette mouvance a été reléguée au second plan, propulsant sur le devant de la scène les forces de gauche, du PS à LFI en passant par le PCF et les trotskistes de Révolution Permanente (les centrales syndicales ayant plus ou moins pris leurs distances), ce qui a entraîné par la même occasion une réorientation significative des revendications de ce mouvement vers un contenu plus « ouvrier » (appels à la grève et à des manifestations, notamment).
Certes, ce mouvement est une expression de colère et de combativité. Certes, des ouvriers sont présents, sans doute majoritairement. Mais ce qui se dessine, à l’heure où nous écrivons ces lignes, c’est un mouvement interclassiste, comme on l’a connu en 2018 avec les gilets jaunes, un mouvement où « le peuple » se dresse contre « les élites ».
Derrière ce type de phraséologie, se dissimule un véritable piège. Car dans de tels mouvements, la classe ouvrière, la seule force véritablement capable de faire trembler la bourgeoisie et de tracer, dans le futur, la perspective du renversement du capitalisme, se trouve réduite à l’impuissance. Pourquoi ?
En faisant très largement la promotion d’un tel mouvement durant l’été, la bourgeoisie cherchait à diluer les revendications ouvrières dans celle des couches intermédiaires. Dissoudre la classe ouvrière dans le « peuple », c’est la faire disparaître de la scène sociale, entraver le développement de sa propre lutte autonome. Au lieu de se trouver à la tête du mouvement, d’imposer ses mots d’ordre (sur les salaires, sur les conditions de travail, sur la précarité, etc), le mouvement du 10 septembre est utilisé pour tenter de noyer la classe ouvrière dans des revendications totalement étrangères à ses intérêts, celles de petits patrons (les boulangers, les artisans, etc.) et de la petite bourgeoisie (comme les taxis ou les petits paysans) sur « la pression fiscale », « les charges », « les normes qui étouffent »…
Ce type de mouvement rend également le prolétariat particulièrement vulnérable aux mystifications sur la « démocratie » bourgeoise. Il est clair que le mouvement du 10 septembre n’a pas du tout perdu sa composante « citoyenne » et « populaire » durant l’été. Au contraire, avec l’apparition des assemblées citoyennes et la persistance des mots d’ordre anti-Macron, la gauche n’a cessé d’utiliser ce mouvement pour affaiblir la classe ouvrière. Les partis de gauche nous rebattent les oreilles avec la perspective d’un nouveau Premier ministre, de nouvelles élections qui pourraient mettre en place un gouvernement plus social, permettre de « faire payer les riches », mieux « redistribuer les richesses »… comme si le capitalisme en faillite pouvait se réformer, apporter plus de « justice sociale », comme si l’exploitation dans un système à bout de souffle pouvait être plus « équitable » ! C’était très clair dans les AG citoyennes où il était beaucoup question de « renverser Macron », de « démocratie directe », d’« équité fiscale », etc.
Et tout cela, nous dit-on, nous pourrions l’imposer par la rue le 10 septembre ! Les officines bourgeoises, partis de gauche et syndicats nous vendent ces sornettes depuis des années : Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, PS et LFI en France… derrière les discours, c’est toujours l’austérité qu’ils appliquent quand ils sont au pouvoir !
Les groupes gauchistes, notamment trotskistes, ne sont pas en reste pour distiller le poison du démocratisme : Révolution Permanente, par la plume de son porte-parole Anasse Kazib, s’en est pris à la CGT (qui refuse de soutenir le mouvement du 10 septembre) : « Quand l’extrême droite, derrière les slogans du type “Nicolas qui paye” et ses appels à ne pas faire grève, boycotte ouvertement le 10 septembre, il faut mener la bataille à fond pour convaincre le maximum de travailleurs en les appuyant ».
Quant à Lutte Ouvrière, bien plus « radicale » (et sournoise !) comme d’habitude, elle considère l’appel du 10 septembre comme « confus »… sans dénoncer la campagne démocratique et promouvant les illusions sur la « juste répartition des richesses ».
Le mot d’ordre central du mouvement du 10 septembre, « bloquons tout », est également, sous couvert de radicalité, un piège tendu à la classe ouvrière. Le « blocage de l’économie » est une arme constamment utilisée par les syndicats pour désarmer le prolétariat. Alors que les ouvriers en lutte ont besoin d’aller chercher la solidarité de leurs frères de classe, d’étendre et unifier au maximum leurs mouvements, « bloquer tout », c’est chercher à enfermer les travailleurs dans leur entreprise, dans leur secteur, derrière leur piquet de grève. Au lieu d’immenses AG autonomes et souveraines, ouvertes à tous et réunissant les prolétaires par-delà les divisions corporatistes, permettant à la classe de sentir de façon vivante sa propre force, de développer sa réflexion collective, on enferme les travailleurs derrière le barrage de leur entreprise. Cette volonté d’isoler les prolétaires a été jusqu’à l’appel à « l’auto-confinement généralisé », c’est-à-dire rester chez soi, totalement atomisé !
Ce n’est pas la première fois que la bourgeoisie met en avant une telle tactique. En 2010 et en 2023, alors qu’il y avait en France des mouvements massifs contre les réformes des retraites, les syndicats ont enfermé les travailleurs des raffineries et les cheminots dans de longs blocages, les embarquant dans des mouvements épuisants, séparés du reste de leur classe. Ces mouvements ont suscité des divisions entre ceux qui voulaient continuer à bloquer, faire grève et les travailleurs contraints de retourner au boulot et qui se retrouvaient sans essence ou transport en commun.
Bien différente fût la grève de masse de 1980 en Pologne, totalement ignorée des médias, lorsque les ouvriers se sont servis de l’appareil de production, non pour s’enfermer dans des citadelles assiégées, mais pour étendre le combat. Les trains circulaient alors pour emmener les grévistes en masse vers les lieux de rassemblement et les assemblées de masse. En deux mois, le mouvement s’était étendu à l’ensemble du pays.
La colère et la volonté de se battre sont présentes parmi les travailleurs. Mais ils ont encore énormément de difficulté pour se reconnaître en tant que classe ouvrière. Et la bourgeoisie exploite cette faiblesse pour tenter de détourner leur combativité vers l’interclassisme.
La classe ouvrière peut contrer ce détournement en s’appuyant sur son expérience historique, comme celle de la Pologne en 1980, de Mai 68 en France, ou plus récemment du mouvement contre le CPE, en 2006. La force d’un mouvement de lutte réside dans la capacité des ouvriers à prendre en main leur lutte, à les étendre au maximum à tous les secteurs, et même, à tous les pays ! Les assemblées générales souveraines et autonomes, les délégations massives, les discussions les plus larges possibles, sont les meilleures armes du mouvement ouvrier.
De telles armes sont très différentes des assemblées citoyennes qui visent à exercer une « pression populaire » sur le gouvernement par la rue ; l’assemblée ouvrière, au contraire, cherche à développer la lutte et la solidarité de classe, seul terrain qui puisse permettre aujourd’hui de faire reculer l’État, et, demain, renverser le capitalisme en faillite.
Dans une telle dynamique, les travailleurs se heurteront inévitablement aux syndicats, ces faux amis de la classe ouvrière, véritables chiens de garde étatiques de la bourgeoisie. Leur rôle est d’encadrer les luttes, de diviser les ouvriers, secteur par secteur, entreprise par entreprise, et d’empêcher toute prise en main et toute extension de la lutte.
D’ailleurs, les syndicats planifient dès à présent une série d’actions visant à organiser la division et à encadrer idéologiquement, eux aussi, la colère ouvrière. Après une réunion intersyndicale pour « organiser la mobilisation » et le lancement d’une pétition collective pour dire « non au budget Bayrou », la mobilisation du 18 septembre, a été présentée par les syndicats comme un « succès ». Cela, du fait du nombre bien plus important de manifestants que lors de la journée du 10. Mais si « succès » il y a eut, c’est surtout parce que les ouvriers ont, cette fois, très majoritairement lutté sur leur propre terrain de classe, témoignant ainsi d’une capacité de résistance en ne se laissant pas entrainer dans le piège de l’interclassisme
Mais ce combat sur un terrain de classe, avec les armes du prolétariat, il faudra toujours le renforcer. C’est avant tout un immense effort de réflexion collective. Ce n’est pas un chemin facile, mais c’est le seul qui puisse offrir un futur à l’humanité. Pour ce faire, partout où les ouvriers les plus combatifs le peuvent, il faut se réunir, discuter, débattre, nous réapproprier l’expérience de notre classe et préparer les luttes futures.
Ce n’est pas en faisant confiance aux saboteurs professionnels des luttes que sont les syndicats, ni à un quelconque « collectif » visant à ramasser toutes les classes dans un appel au « boycott », ni en faisant confiance aux partis politiques bourgeois et à leur Parlement, que la classe ouvrière pourra défendre sa perspective révolutionnaire. La bourgeoisie sait parfaitement que le prolétariat mondial retrouve sa combativité face aux attaques et réagit massivement, que des minorités d’ouvriers combatifs vont émerger des luttes, vont vouloir discuter de comment lutter, vont comprendre que la gauche et les syndicats nous condamnent à l’impuissance. C’est ce qu’elle redoute aujourd’hui le plus et qu’elle essaie, avec le laboratoire qu’est aujourd’hui la France, de conjurer.
TG, 9 septembre 2025 (mis à jour le 19 septembre 2025)
1) Comme cela semble se dessiner, à l’heure où nous écrivons ces lignes, avec la nomination de l’ancien ministre des Armées, Sébastien Lecornu.
Partout dans le monde, la bourgeoisie fait payer au prolétariat le coût de la crise économique de son système et de l’expansion du militarisme à travers un déluge d’attaques qui s’abattent sur les ouvriers. C’est ce cumul d’attaques conduisant à un processus de paupérisation massif qui provoque aujourd’hui une colère toujours plus forte au sein de la population, en particulier de la classe ouvrière, une volonté de riposter et de ne pas accepter les sacrifices demandés.
Pour survivre à la guerre économique dans l’arène internationale, pour financer les préparatifs de guerre, la bourgeoisie n’a pourtant d’autre solution que d’imposer des mesures d’austérité de plus en plus draconiennes à la classe ouvrière. Mais loin de constituer une solution à la crise, celles-ci ne font qu’aggraver les contradictions du système capitaliste. Alors que les dettes sont abyssales et que d’un côté elle coupe tous les budgets sociaux, la bourgeoisie dépense de l’autre des sommes astronomiques pour les dépenses d’armement. Pour toutes les puissances, des plus petites jusqu’aux plus grandes, la logique est la même : fournir un effort de guerre historique que la classe ouvrière doit payer ! Cette orientation est déjà à l’œuvre dans les pays industrialisés d’Europe et d’Amérique du Nord. Et n’ayons aucune illusion, tout retour à une situation antérieure plus supportable est exclu tout comme le sont les moyens d’apaiser une colère légitime. Qu’on en juge ! Les pays les plus industrialisés d’Europe, se trouvent au cœur de la tourmente.
En Belgique, depuis le début de 2025, la classe ouvrière s’est mobilisée contre les mesures du gouvernement fédéral pour imposer 26 milliards d’économies budgétaires afin d’accroître la compétitivité et la rentabilité de l’économie nationale tout en dépensant des dizaines de milliards pour l’achat de matériel militaire. Ce large programme d’austérité impactera fortement toute la classe ouvrière, alors que les travailleurs des entreprises privées sont déjà licenciés en masse, l’indexation automatique des salaires et des allocations est érodée, les primes pour les heures supplémentaires et le travail de nuit sont réduites, la flexibilité du travail augmentée, le droit aux allocations chômage restreint. De plus, des coupes sombres sont opérées dans les pensions et l’assurance maladie, le nombre total de fonctionnaires est réduit, la titularisation du personnel enseignant est mise en péril, etc. 1
En Allemagne aussi, le nouveau gouvernement prévoit d’économiser plusieurs milliards d’euros sur le revenu universel (Bürgergeld) au cours des deux prochaines années. Les dépenses devraient diminuer de 1,5 milliard d’euros l’année prochaine. Cette économie devrait atteindre 3 milliards d’euros en 2027. En même temps 10 000 emplois industriels sont détruits chaque mois et les entreprises allemandes prévoient encore de licencier plus de 125 000 travailleurs. En outre, le nombre de chômeurs a dépassé en août la barre des 3 millions et une étude de l’Institut der deutschen Wirtschaft (Institut de l'économie allemande) propose de réduire la durée des allocations chômage pour les seniors.
Et quand un pays comme l’Espagne se présente comme une exception à cette tendance générale avec un taux de croissance du PIB de 2,5 % à faire rêver les États voisins, la réalité pour le prolétariat espagnol est moins idyllique : la « bonne santé » économique est soutenue par une forte pression à la baisse sur les salaires, par l’accueil massif d’une main-d’œuvre étrangère sous-payée qui pousse les salaires moyens vers le bas, de plus en plus découplés de l’augmentation du coût de la vie.
Le cas le plus récent et « spectaculaire », illustratif de cette situation, concerne la France où le prolétariat va aussi être frappé très durement. Le premier ministre Bayrou a annoncé, le 15 juillet, une série de mesures pour réduire le déficit public colossal de l’économie française, qui ne fait pas dans la dentelle : suppression pure et simple de deux jours fériés pour tous les salariés, contrôle et surveillance renforcés avec un énième durcissement des règles d’indemnisation de centaines de milliers de chômeurs, réduction des effectifs dans la fonction publique (à travers le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois), gel des pensions et des prestations sociales, libéralisation du marché de l’emploi… À cela il faut ajouter toutes les mesures constituant des obstacles supplémentaires à l’accès aux soins ou à l’indemnisation des arrêts maladie sous prétexte « d’équité sociale » et de « chasse aux abus ». L’hypocrisie sans nom de leur justification ne cède en rien à la violence de ces annonces.
Dans des pays comme l’Argentine 2 ou les Philippines, 3 la bourgeoisie pousse à l’extrême les conditions d’exploitation de la classe ouvrière. En Inde, la « réforme » massive du Code du travail constitue une attaque frontale contre les conditions de travail en affaiblissant, voire en supprimant, toute forme de sécurité ou de droits légaux, tels que le salaire minimum, les horaires de travail fixes et la sécurité de l’emploi et du lieu de travail.
En outre, l’envolée du chômage suite à l’augmentation des droits de douane américains, combinée à la poussée de l’inflation impactent durement les conditions de vie de la classe ouvrière.
La classe ouvrière en Chine n’est pas épargnée. Les faillites en cascade dans le secteur immobilier ont déjà entraîné des centaines de milliers de licenciements, ainsi que d’importantes réductions salariales dans les entreprises de construction, de gestion immobilière et de la chaîne d’approvisionnement. Des géants de la technologie tels qu’Alibaba, Tencent et ByteDance annoncent d’importantes réductions d’effectifs. Des ouvriers sont privés de leur salaire depuis des mois. Les municipalités, fortement endettées, privilégient le remboursement des obligations plutôt que le paiement des salaires des fonctionnaires. Le chômage des jeunes a déjà atteint des niveaux sans précédent, un jeune travailleur chinois sur quatre étant sans emploi.
Loin d’être à l’abri de violentes attaques économique, la classe ouvrière des pays d’Amérique du Nord est directement exposée à toutes les conséquences de la guerre économique, du chaos croissant et de l’expansion explosive du militarisme. Au printemps, aux États-Unis, des coupes de près de 1 000 milliards de dollars étaient décidées dans les budgets sociaux pour la Santé (Medicaid). Concrètement, cela se traduira par la perte de la couverture santé pour près de 15 millions de personnes. Des mesures similaires étaient prises contre le Programme d’aide alimentaire (SNAP), où des coupes de 186 milliards de dollars entraînent la perte d’une partie ou de la totalité des prestations d’aide alimentaire pour 22,3 millions de personnes. Il a également été annoncé le licenciement d’environ 225 000 fonctionnaires fédéraux, qui seront sans doute suivis par des dizaines de milliers de licenciements dans le secteur de l’Éducation en raison d’une réduction budgétaire de 7 milliards d’euros, ainsi que des réductions budgétaires similaires affectant les prêts étudiants fédéraux et les pensions des employés fédéraux. 4
Comment en sommes nous arrivés là ? Suite à la crise bancaire de 2007-2008 et des dettes souveraines dans la zone euro en 2010-2012, la bourgeoisie a éprouvé des difficultés importantes pour maintenir son système économique à flot. Une telle vulnérabilité allait se répercuter dans sa gestion chaotique lors de la crise du Covid en 2020 et s’illustrer lors de l’irruption de la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient. Ces conflits ont impliqué un accroissement gigantesque de la production militaire, la mise au rencart de « l’économie verte » et provoqué la déstabilisation des marchés des matières premières, des objectifs industriels et des routes commerciales. « L’économie capitaliste était alors déjà en plein ralentissement, marquée par le développement de l’inflation, des pressions croissantes sur les monnaies des grandes puissances et une instabilité financière grandissante, la guerre aggrave désormais la crise économique à tous les niveaux ». 5
La politique économique de l’administration Trump 2 constitue à son tour un facteur de premier plan d’instabilité économique mondiale en particulier du fait de ses orientations protectionnistes (symbolisées par sa politique des droits de douane), de son abandon du multilatéralisme et de la gestion de l’économie mondiale à travers des conférences et instances internationales (OMC, Banque Mondiale, traité du GATT, etc.) au bénéfice de négociations bilatérales d’État à État. Une telle politique est en totale contradiction avec les besoins de l’économie capitaliste mondiale.
Ce à quoi on assiste, c’est « la tentative actuelle des États-Unis de démanteler les derniers vestiges politiques et militaires de l’ordre impérialiste mondial établi en 1945 [qui] s’accompagne de mesures qui menacent clairement toutes les institutions mondiales mises en place à la suite de la Grande Dépression et de la Seconde Guerre mondiale pour réguler le commerce mondial et contenir la crise de la surproduction ». 6 La suppression de ces institutions aura les mêmes effets que le protectionnisme qui a suivi la dépression de 1930 et aggravé la crise mondiale.
Les soubresauts de plus en plus violents et incontrôlables de l’économie ne font que mettre à nu le problème insoluble auquel se heurte la bourgeoisie : la crise mondiale de surproduction généralisée du capitalisme décadent qui pousse chaque capital national à exploiter plus durement la classe ouvrière pour tenter de rester compétitif sur un marché mondial sursaturé. En effet, le monde est aujourd’hui confronté de manière généralisée et définitive, à ce que Marx au XIXe siècle appelait « une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, [qui] s’abat sur la société : l’épidémie de la surproduction ». 7
La surproduction, de cyclique au XIXe siècle est devenue globale et permanente depuis l’entrée du capitalisme en décadence.
Il n’existe pas de solution à la crise du capitalisme au sein de ce système décadent et pourri. Aujourd’hui, la classe ouvrière est appelée à se serrer la ceinture, demain elle sera appelée à se faire trouer la peau dans des guerres du capitalisme comme c’est déjà le cas dans différents pays. Face aux mensonges de la bourgeoisie, qui veut faire croire que la crise serait le produit de la cupidité des riches ou de la bêtise de tel ou tel gouvernement, la responsabilité des organisations révolutionnaires est de mettre clairement en évidence les enjeux historiques et la nécessité de combattre le système capitaliste comme un tout. Elles doivent aussi dénoncer le piège des illusions démocratiques, comme tous les discours hypocrites et perfides de la bourgeoisie sur le « dialogue social » et les mensonges sur une gestion soi-disant « plus juste » du capitalisme qui, d’une manière ou d’une autre, cherchent toutes à détourner le mouvement social vers les urnes. Ces discours ont pour finalité de brouiller les cartes, de pourrir les consciences et les conditions de la lutte. Le prolétariat doit se préparer à répondre par une lutte indépendante, par l'extension et l'unification de son combat sur son propre terrain de classe, au sabotage des syndicats et à la mystification d’un gouvernement « populaire » prônée par les politiciens de gauche, ces faux amis des travailleurs qui, derrière des discours fallacieux, préparent toujours l’austérité en cherchant à désarmer la classe ouvrière.
Stopio, 28 août 2025
1) « Le combat ne fait que commencer ! Comment renforcer notre unité et solidarité [17]? », tract sur les luttes en Belgique disponible sur le site web du CCI.
2) L’inflation atteint déjà 214,4 %, un taux bien plus élevé que celui prévu lors de l’arrivée au pouvoir du gouvernement Milei en 2023. Depuis lors, 3 millions de personnes ont sombré dans l’indigence absolue (la pire depuis 20 ans) et la malnutrition infantile a atteint des niveaux que l’on ne retrouve aujourd’hui que dans des endroits comme Gaza ou l’Afrique subsaharienne.
3) Augmentation constante du prix des produits de base alors que les salaires stagnent.
4) « Face aux assauts xénophobes de Trump contre la classe ouvrière et au cri de “défense de la démocratie”… la classe ouvrière doit développer sa lutte sur son propre terrain [18]! », publié sur le site web du CCI (2025).
5) « Résolution situation internationale du 25 [19]e congrès CCI [19] », Revue internationale n° 170 (2023).
6) « Résolution situation internationale du 26 [19]e congrès CCI [19] », Revue internationale n° 174 (2025).
7) Marx, Manifeste du Parti communiste (1844).
Le 10 juin, en Autriche, un ancien élève, vivant « reclus à l’extrême », tuait dix personnes et en blessait onze autres dans une école de la ville de Graz. Le même jour, un collégien assassinait une surveillante du collège de Nogent-sur-Marne en France. Il n’avait que 14 ans ! Les deux sont arrivés avec des armes : le premier avec une arme à feu, tuant par balle en ouvrant le feu « sans discernement », le second avec un couteau de cuisine dans son sac, avec la volonté de planter quelqu’un. Ce quelqu’un ce sera cette mère de famille de 31 ans qui avait décidé d’exercer dans un collège pour venir en aide aux jeunes, pour les protéger. C’est d’ailleurs ce qu’elle faisait ce matin-là, au moment où les sacs étaient fouillés par les forces de l’ordre à l’entrée de l’établissement. Ces dernières années, en dehors des États-Unis, où le phénomène est devenu presque courant du fait de la circulation importante d’armes à feu, ces horreurs se sont multipliées aussi en Europe dans des écoles et universités, comme en Finlande, en République tchèque, en Croatie, en Serbie, etc.
Pourquoi de tels actes ? Parfois la haine de l’école, de cette institution de l’État qui renvoie l’image du no future, qui fait se sentir bon à rien, qui écrase sous le poids du désespoir, de la peur, du repli et des humiliations, les meurtriers sont eux-mêmes des mômes broyés de l’intérieur par une société violente et sans avenir, une société capitaliste qui pourrit sur pied. Bien souvent, ils ne peuvent mettre des mots sur cette rage qui les brûle et les consume jusqu’à transformer leur détresse en vengeance aveugle, et des êtres en tueurs de sang-froid. Alors ils rendent à la société coup pour coup : ils tuent comme socialement on les écrase, ils assassinent une sœur ou un frère de classe.
La société se fragmente, se délite. Partout, le chômage, la misère, les difficultés pour se loger, pour travailler, pour se soigner. Partout, les guerres qui se multiplient. Partout, la planète se détraque. Partout, le no future qui angoisse. L’absence de perspective est la cause la plus profonde de stress et même de profonds troubles psychiques. Par exemple, en 2025 en France, 25 % des adolescents seraient atteints de troubles anxieux généralisés, 40 % présenteraient des symptômes dépressifs et 17 % seraient susceptibles de souffrir de troubles psychologiques modérément sévères, voire sévères. 1 Et c’est la même chose dans tous les pays du monde. Le capitalisme se décompose et entraîne dans sa chute tout avenir et tout espoir. C’est l’effondrement du capitalisme sur lui-même qui pousse au nihilisme, toutes générations confondues, tous pays confondus.
En Suède, le nombre de plaintes déposées par des professeurs pour violence à leur encontre a doublé en 10 ans. 2 Au Royaume-Uni, des dizaines de professeurs sont agressés par leurs élèves chaque année, l’un des taux les plus élevés d’Europe. 3 Et les agressions par arme blanche se multiplient partout, engendrant une paranoïa croissante, que ce soit au sein de l’école ou à l’extérieur. En 2022, un rapport de l’organe de recherche du ministère de l’Éducation Américaine annonçait 93 fusillades dans l’année contre 10, dix ans auparavant. Aux quatre coins du globe, l’« épidémie » de violence fait rage et touche des adolescents de plus en plus jeunes.
Et pour y faire face, les bourgeoisies ne rivalisent pas d’originalité : caméras portatives et cours de self-défense au Royaume-Uni, caméras et portiques de sécurité aux États-Unis, voire armement des enseignants. Et les politiques de prôner une plus grande « fermeté » judiciaire. En France, juste après ces minutes d’horreur, le Premier ministre François Bayrou a proposé en vrac des portiques de sécurité, une réponse pénale plus forte, un plan « santé mentale ». Marine Le Pen n’a rien trouvé de plus original que prôner la condamnation des parents.
Ici ou ailleurs, la seule réponse que le capitalisme est capable d’apporter à l’accroissement des violences est toujours plus de violence et de répression. On enferme un gosse de 14 ans sans réelle aide psychologique, on condamne des parents sans aide éducative, on envisage de donner des armes aux profs pour répondre aux fusillades, etc.
Alors que pour accompagner un adulte en construction, il faut des moyens humains et financiers, il faut des enseignants et des assistants d’éducation en nombre, il faut des médecins, des infirmières scolaires, des psychologues et psychiatres, des suivis individualisés, aider les familles… À la place on réprime et, face à la crise, on diminue le nombre de professionnels et les structures d’accueil.
Ces jeunes meurtriers ne sont pas des monstres. Ce sont des êtres humains qui commettent des actes monstrueux. Ils ont été enfantés par une société malade, agonisante. Leur haine et leur ivresse meurtrière ont d’abord été intériorisées sous la terreur permanente que font régner les rapports sociaux capitalistes, puis ont été libérées sous la pression de ce même système en explosant, générant une série d’actes ignobles. Que l’on ait 14, 31 ou 70 ans, nous subissons tous les effets du pourrissement de la société capitaliste et de ses ravages dans le monde. Ce ne sont pas de caméras de surveillance, de sanctions ou de réforme des lois dont la jeunesse a besoin, c’est d’espoir.
Et l’espoir se trouve dans la lutte pour un avenir meilleur, d’abord contre la misère, la précarité et les horreurs que nous fait subir le capitalisme et in fine lutter pour une société nouvelle, sans exploitation, sans crise ni guerre. Et lutter tous ensemble, toutes générations confondues, tous corps de métiers confondus face à la barbarie du système. Seule la lutte de la classe ouvrière a une perspective à offrir. « Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner ».
Manon, 10 juillet 2025
1) « Baromètre du moral des adolescents [20] ».
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« La plus grande frappe par B-2 de l’histoire ». Les mots choisis par le général Dan Caine, chef d’État-major des Armées américaines, pour qualifier les bombardements de plusieurs sites nucléaires iraniens dans la nuit du 21 au 22 juin montrent l’importance historique de l’événement. 125 avions en vol, un sous-marin et plusieurs navires mobilisés, 75 missiles de précisions et 14 bombes GBU-57 largués en quelques heures. Avec leur opération Midnight Hammer, les États-Unis viennent donc de rentrer de façon fracassante dans la guerre.
Il n’est pas encore possible d’évaluer l’ampleur des dégâts et le nombre de victimes en Iran et en Israël depuis le début des combats, le 13 juin, mais le feu des armes est abondamment nourri et destructeur. À l’heure de mettre sous presse ce tract, nous apprenons qu’après les frappes iraniennes sur des bases militaires américaines, les belligérants ont annoncé un « cessez-le-feu » alors que les missiles pleuvaient encore de part et d’autre.
La propagande de guerre claironne à tout rompre que les bombardements sur l’Iran sont un immense succès, que le régime des mollahs est durablement affaibli et pourrait même disparaître, qu’Israël et l’Amérique en ont fini avec la menace nucléaire, qu’ils vont imposer la paix et la sécurité au Moyen-Orient.
Tout cela n’est que mensonges ! Le Moyen-Orient va continuer à plonger dans le chaos, un chaos qui va impacter la planète entière. Faute de pouvoir répliquer directement, la République islamique, dos au mur, n’hésitera pas à semer la barbarie partout où elle le pourra, à activer tous les groupes armés sous son contrôle, voire à user massivement de l’arme du terrorisme. Les menaces que l’Iran fait peser sur le stratégique détroit d’Ormuz symbolisent à elles seules que la crise économique mondiale va encore s’aggraver et, avec elle, l’inflation.
Et si le régime de terreur des mollahs ne devait pas survivre, l’après sera tout aussi terrible que leur règne : partitions du pays entre seigneurs de guerre, cycle de vengeance entre les différentes cliques, floraison de groupes terroristes encore plus armés et dangereux que Daesh, exodes massifs de population…
Ce n’est pas là une prophétie apocalyptique, mais une leçon tirée de tous les conflits guerriers de ces vingt dernières années. En 2003, l’invasion de l’Irak par les États-Unis, censée porter un coup fatal à « l’axe du mal » et imposer la Pax Americana dans la région, transforme le pays en champ de ruines où les groupes armés et les cliques mafieuses se déchirent. En 2011, c’est au tour de la Syrie voisine de sombrer dans la guerre civile, avec l’implication des groupes armés et terroristes comme Daesh, des puissances régionales comme la Turquie, l’Iran et Israël, des puissances internationales comme les États-Unis et la Russie. En 2014, le Yémen entre dans la danse macabre. Résultat : des centaines de milliers de morts et un pays ravagé. En 2021, l’Afghanistan repasse aux mains des talibans, après vingt ans de guerre menée par les États-Unis qui visait à… renverser les talibans.
Fin 2023, le Hamas palestinien lance une attaque terroriste d’une rare barbarie sur des civils israéliens. L’armée israélienne réagit avec une brutalité sans borne par une campagne de destruction massive de la bande de Gaza qui tourne rapidement au génocide pur et simple. Dans les mois qui suivent, l’extension du chaos s’accélère dans des proportions inimaginables : face aux alliés du Hamas, Netanyahou se lance dans une offensive meurtrière tous azimuts au Liban, en Syrie et maintenant en Iran. Fondamentalement, la même dynamique est à l’œuvre en Ukraine, au Soudan, au Mali, en RDC. C’est le monde capitaliste qui sombre dans le chaos guerrier : comme à Gaza ou au Liban ces derniers mois, les éventuels « cessez-le-feu » en Iran ne seront que momentanés et précaires, conclus pour mieux préparer les prochains massacres. La « guerre des douze jours » (nom officiel donné à ce dernier épisode de la guerre en Iran) dure depuis bientôt cinquante ans et vient de s’aggraver considérablement pour les décennies à venir…
La guerre avec l’Iran va affaiblir les principaux adversaires des États-Unis : la Russie qui a besoin des drones iraniens en Ukraine, mais aussi la Chine qui a besoin du pétrole iranien et d’un accès au Moyen-Orient pour sa « nouvelle route de la soie ». Quant à l’opération Midnight Hammer, elle démontre à nouveau la supériorité incontestable de l’US Army, capable d’intervenir massivement à l’autre bout de la planète et de balayer tous ses ennemis. Ces frappes sont un message explicite à la Chine, comme les bombes atomiques sur le Japon en 1945 était avant tout un avertissement à la Russie.
Mais cette démonstration de force n’est qu’une victoire momentanée qui ne va résoudre aucun conflit, ne calmer aucun des autres requins impérialistes. Au contraire, les tensions vont partout monter d’un cran, chaque État, petits ou grands, chaque clique bourgeoise essayera de profiter du chaos pour défendre ses sordides intérêts, ce qui va accroître encore le désordre mondial. La Chine, surtout, ne va pas se laisser faire et finira par montrer elle aussi les muscles, à Taïwan ou ailleurs.
Là encore, ce sont les leçons que nous tirons de l’histoire. Depuis la chute de l’URSS en 1991, les États-Unis sont la seule superpuissance. Il n’y a plus de blocs à l’intérieur desquels les pays alliés devraient respecter une certaine forme de discipline et d’ordre. Au contraire, chaque pays joue sa propre carte, chaque alliance est de plus en plus fragile et de circonstance, rendant la situation toujours plus chaotique et incontrôlable. Les États-Unis ont immédiatement compris cette nouvelle dynamique historique. C’est pourquoi ils ont déclenché la guerre du Golfe dès 1991, véritable démonstration de force pour faire passer à tous le message : « Nous sommes les plus forts, vous devez nous obéir ». L’annonce par Bush père d’un « nouvel ordre mondial » ne disait rien d’autre. Et pourtant, deux ans plus tard, en 1993, la France soutient la Serbie, l’Allemagne soutient la Croatie, les États-Unis soutiennent la Bosnie, dans une guerre qui va finir par faire exploser la Yougoslavie.
La leçon est claire et ne s’est jamais démentie depuis trente-cinq ans : plus la contestation de la suprématie américaine augmente, plus les États-Unis doivent frapper fort… et plus ils frappent fort, plus ils nourrissent la contestation et le chacun pour soi sur toute la planète. À son échelle régionale, il en est exactement de même pour Israël. Autrement dit, avec la guerre en Iran, le développement du chaos et du désordre par la guerre va encore s’accélérer. L’Asie va devenir le point chaud des tensions impérialistes mondiales, coincée entre les prétentions de plus en plus grandes de la Chine et la présence militaire de plus en plus massive des États-Unis. La bourgeoisie américaine sait que c’est ici qu’elle doit dorénavant concentrer la plus grande partie de ses forces armées.
Face à ces horreurs insoutenables, face aux massacres à grande échelle, nombreux sont ceux qui ont envie de réagir, de crier leur colère, de se rassembler, de dire « stop ». Et c’est en effet une nécessité car si nous laissons faire, si nous ne réagissons pas, le capitalisme va emporter toute l’humanité dans un immense charnier, une série de conflits éparpillés, incontrôlables et de plus en plus meurtriers. Beaucoup de ceux qui ont la volonté de réagir se retrouvent aujourd’hui dans la rue dans différents mouvements de « résistance à la guerre » : No Kings, Free Palestine, Stop génocide, autant de mouvements soutenus par les forces de gauche du capital.
Mais les mots d’ordre avancés par la gauche, y compris les plus radicaux en apparence, sont systématiquement des pièges qui reviennent toujours à attribuer les causes de la guerre à tel ou tel dirigeant, à Netanyahou, au Hamas, à Trump, à Poutine ou à Khamenei, et, finalement, à choisir un camp contre un autre. Avec leurs hypocrites discours « pour la paix », pour « la défense de la démocratie », pour le « droit des peuples à l’auto-détermination », les forces d’encadrement du capital cherchent à nous illusionner, à faire croire que le capitalisme pourrait être moins guerrier, plus humain, qu’il suffirait d’élire les « bons représentants », de « mettre la pression sur les dirigeants » pour instaurer la paix dans le monde et des rapports « plus justes » entre les nations capitalistes. Tout cela revient finalement à dédouaner la dynamique guerrière dans laquelle s’enfonce inexorablement tout le système capitaliste, toutes les nations, toutes les cliques bourgeoises.
Trump, Netanyahou ou Khamenei sont sans aucun doute des dirigeants sanguinaires. Mais le problème auquel nous sommes confrontés, ce n’est pas tel ou tel dirigeant : c’est le capitalisme. Quelle que soit la fraction bourgeoise au pouvoir, de gauche ou de droite, autoritaire ou démocratique, tous les pays sont va-t-en-guerre. Ils le sont parce que le capitalisme s’enfonce dans une crise historique qu’il ne peut pas résoudre : la concurrence entre nations ne fait que s’exacerber, se brutaliser, devenir hors de contrôle. C’est cela que la gauche cherche à dissimuler. Et c’est le piège dans lequel tombent ceux qui participent à ces rassemblements en pensant lutter contre la guerre.
Dénoncer ainsi tous ces mouvements comme des pièges peut surprendre, voire provoquer de la colère chez ceux qui veulent agir sincèrement face à l’ampleur des massacres : « alors, il n’y a rien à faire, selon vous ? », « Vous critiquez, mais il faut bien faire quelque chose ! ».
Oui, il faut faire quelque chose, mais quoi ?
Les ouvriers de tous les pays doivent refuser de se laisser emporter par les discours nationalistes, ils doivent refuser de prendre parti pour un camp bourgeois ou pour un autre, au Moyen-Orient comme partout ailleurs. Ils doivent refuser de se laisser berner par les discours qui leur demandent de manifester leur « solidarité » avec tel ou tel peuple pour mieux endoctriner contre un autre « peuple ». « Palestiniens martyrisés », « Iraniens bombardés », « Israéliens terrorisés », autant d’expressions qui enferment dans le choix d’une nation contre une autre. Dans toutes les guerres, de chaque côté des frontières, les États embrigadent toujours en faisant croire à une lutte entre le bien et le mal, entre la barbarie et la civilisation. Mensonges ! Les guerres sont toujours un affrontement entre des nations concurrentes, entre des bourgeoisies rivales. Elles sont toujours des conflits dans lesquels meurent les exploités au profit de leurs exploiteurs.
« Iraniens », « Israéliens » ou « Palestiniens », parmi toutes ces nationalités se trouvent des exploiteurs et des exploités. La solidarité des prolétaires ne va donc pas aux « peuples », elle doit aller aux exploités d’Iran, d’Israël ou de Palestine, comme elle va aux travailleurs de tous les autres pays du monde. Ce n’est pas en manifestant pour un illusoire capitalisme en paix, ce n’est pas en choisissant de soutenir un camp dit agressé ou plus faible contre un autre dit agresseur ou plus fort qu’on peut apporter une solidarité réelle aux victimes de la guerre. La seule solidarité consiste à dénoncer tous les États capitalistes, tous les partis qui appellent à se ranger derrière tel ou tel drapeau national, telle ou telle cause guerrière !
Cette solidarité passe avant tout par le développement de nos combats contre le système capitaliste responsable de toutes les guerres, un combat contre les bourgeoisies nationales et leurs États.
L’histoire a montré que la seule force qui peut mettre fin à la guerre capitaliste, c’est la classe exploitée, le prolétariat, l’ennemi direct de la classe bourgeoise. Ce fut le cas lorsque les ouvriers de Russie renversèrent l’État bourgeois en octobre 1917 et que les ouvriers et les soldats d’Allemagne se révoltèrent en novembre 1918 : ces grands mouvements de lutte du prolétariat ont contraint les gouvernements à signer l’armistice.
C’est la force du prolétariat révolutionnaire qui a mis fin à la Première Guerre mondiale ! La paix réelle et définitive, partout, la classe ouvrière devra la conquérir en renversant le capitalisme à l’échelle mondiale.
Ce long chemin est devant nous, et il passe aujourd’hui par un développement des luttes contre les attaques économiques de plus en plus dures que nous assène un système plongé dans une crise insurmontable. En refusant la dégradation de nos conditions de vie et de travail, en refusant les perpétuels sacrifices au nom de la compétitivité de l’économie nationale ou des efforts de guerre, nous commençons à nous dresser contre le cœur du capitalisme : l’exploitation de l’homme par l’homme. Dans ces luttes, nous nous serrons les coudes, nous développons notre solidarité, nous débattons et prenons conscience de notre force quand nous sommes unis et organisés.
Ce long chemin, le prolétariat a commencé à l’emprunter lors de « l’été de la colère » au Royaume-Uni en 2022, lors du mouvement social contre la réforme des retraites en France début 2023, lors des grèves des secteurs de la santé et de l’automobile aux États-Unis en 2024, dans les grèves et manifestations qui durent depuis des mois et qui continuent en ce moment même en Belgique. Cette dynamique internationale marque le retour historique de la combativité ouvrière, le refus grandissant d’accepter la dégradation permanente des conditions de vie et de travail, la tendance à se solidariser entre les secteurs et entre les générations, en tant que travailleurs en lutte, sans se soucier des nationalités, des origines, des religions.
On pourrait reprocher ceci aux révolutionnaires : « face à la guerre, vous proposez de ne rien faire, de renvoyer le combat contre les massacres qui ont lieu sous nos yeux aux calendes grecques ». Aujourd’hui, les luttes du prolétariat n’ont, en effet, pas encore la force de se dresser directement contre la guerre, c’est une réalité. Mais il y a deux chemins possibles : soit nous participons aux mouvements dits « pour la paix maintenant et tout de suite », et nous nous laissons désarmer sur le terrain de la lutte pour un capitalisme « plus juste », « plus démocratique », ces idéologies qui participent au développement général de l’impérialisme en nous poussant à soutenir la nation, le camp, la clique qualifiée de « moins mauvaise », « plus progressiste ». Soit nous participons patiemment, par des luttes sur notre terrain de classe, à reconstruire notre solidarité et notre identité, nous œuvrons à un mouvement historique qui est le seul à pouvoir mettre à bas la racine des guerres et de la misère, des nations et de l’exploitation : le capitalisme. Oui, ce combat est long ! Oui, il nécessitera une grande confiance dans l’avenir, une capacité à résister à la peur, au désespoir que la bourgeoisie veut nous enfoncer dans le crâne. Mais il est le seul chemin possible !
Pour participer à ce mouvement, il faut nous regrouper, discuter, nous organiser, écrire et diffuser des tracs, défendre l’internationalisme prolétarien véritable et la lutte révolutionnaire. Contre le nationalisme, contre les guerres dans lesquelles veulent nous entraîner nos exploiteurs, les vieux mots d’ordre du mouvement ouvrier, ceux du Manifeste communiste de 1848, sont aujourd’hui plus que jamais à l’ordre du jour :
« Les prolétaires n’ont pas de patrie !
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
Pour le développement de la lutte de classe du prolétariat international !
CCI, 24 juin 2025
Les six premiers mois de l’administration Trump 2 ont été mouvementés. Elle a révoqué pas moins de 78 décrets de l’administration Biden qui ne correspondaient pas à ses objectifs politiques ; elle a limogé plus de hauts gradés militaires et de responsables de la sécurité nationale que n’importe quelle autre administration présidentielle de l’histoire. Trump a invoqué l’état d’urgence à huit reprises au cours de ses cent premiers jours. Cela a créé un tourbillon d’imprévisibilité et d’incertitude, particulièrement évident après ses premières annonces de droits de douane records en avril, et les principales bourses américaines ont enregistré leurs plus fortes pertes depuis 2020. De plus, il a effrayé le reste du monde avec ses déclarations sur l’annexion du Groenland et du Canada, sur la guerre en Ukraine et sur le fait que l’Europe n’était plus considérée comme une alliée des États-Unis.
Le PCI-Le Prolétaire a récemment publié un article 1 dans lequel il critique le CCI pour avoir adopté « le concept flou du “populisme”, cette véritable tarte à la crème des médias » et il affirme que la politique de Trump ne serait pas « en rupture avec les intérêts fondamentaux de la bourgeoisie américaine ». Toute critique argumentée de nos positions par une organisation prolétarienne mérite d’être considérée, même si, comme nous le montrerons, son approche est contestable.
Le Prolétaire semble reconnaître les particularités de la politique Trump et conclut, à juste titre dans une certaine mesure, que « la cohérence de ces mesures prises à l’emporte-pièce est sans aucun doute discutable, leur efficacité est douteuse et leurs conséquences dommageables pour certains intérêts bourgeois ». Or paradoxalement, l’article ne se demande pas pourquoi ces mesures ont des effets aussi douteux et dommageables, mais affirme aussi que ce n’est pas nouveau, car la politique de Trump « correspond à une tendance de fond qui était déjà à l’œuvre dans les années précédentes ».
Pour étayer son affirmation, Le Prolétaire donne trois exemples de la politique étrangère des États-Unis, tels que le pivot vers l’Asie, le retrait de l’armée américaine des foyers de guerre, la menace d’abandonner ses « alliés ». Il mentionne également la campagne contre les « lunatiques marxistes » et les politiques « wokistes » contre la discrimination raciale ou sexuelle. Les deux premiers exemples sont exacts : le « pivot vers l’Asie » et le « retrait des foyers de guerre » étaient déjà une pierre angulaire de la politique d’Obama et de Biden.
Sous Biden, certains États américains ont interdit les contenus « woke » dans l’Éducation. La Chambre des représentants a même pu adopter des mesures anti-woke, mais ce n’était certainement pas la politique globale de l’administration fédérale et de la plupart des États. Sous Trump, en revanche, cette politique anti-woke s’est transformée en une véritable chasse aux sorcières généralisée. Dès le début de sa présidence, il a signé un décret contre la « culture woke » et a demandé à J. D. Vance de supprimer toute « idéologie inappropriée, polarisante ou anti-américaine ». Dans son premier projet de budget, la Maison-Blanche a annoncé des coupes dans les « programmes woke », affirmant que cela visait à éliminer « les idéologies radicales de genre et de race qui empoisonnent l’esprit des Américains » et à contrer le « marxisme culturel ».
Un autre exemple incontournable est la politique américaine en matière de droits de douane. Biden avait également imposé de nombreux droits de douane, mais seulement de manière partielle et sur des biens stratégiques. De plus, il a privilégié une approche multilatérale de la concurrence économique, en s’appuyant sur les instances internationales. Trump a placé la question des droits de douane, « le plus beau des mots », au cœur de la politique américaine et a qualifié leur annonce de « Jour de la Libération » pour les États-Unis. Selon lui, ces droits de douane garantissent la libération de l’économie américaine du fléau des produits étrangers bon marché et des pratiques commerciales déloyales adoptées par d’autres pays. La politique de Trump repose sur le protectionnisme et les négociations bilatérales afin de « garantir le retour massif des emplois et des usines dans notre pays ».
La critique du Prolétaire à l’égard de la position du CCI sur le caractère de rupture de la politique de Trump s’appuie sur sa célèbre « invariance du marxisme depuis 1848 ». Dans sa conception, le programme marxiste n’est pas « le produit d’une lutte théorique constante pour analyser la réalité et en tirer les leçons, mais un dogme révélé en 1848, dont il n’y a pas lieu de changer une virgule ». 3 Cette position a des conséquences bien plus graves qu’une simple déformation théorique. Prétendre que le marxisme est immuable, que le programme communiste ne peut s’enrichir d’éléments nouveaux à partir de l’évolution du capitalisme et de la lutte prolétarienne, revient à figer la réalité.
C’est pourquoi Le Prolétaire nie systématiquement que des changements fondamentaux soient intervenus dans l’évolution du capitalisme et dans la politique de la bourgeoisie, et ne s’intéresse qu’aux phénomènes qui confirment sa foi invariante. Par conséquent, non seulement sa critique de la position du CCI est superficielle et vaine, mais surtout sa compréhension de l’évolution du mode de production capitaliste et du rapport de forces entre la bourgeoisie et le prolétariat est en contradiction avec l’approche marxiste même.
Le populisme, une expression de la vie politique traditionnelle de la bourgeoisie ?
Le gouvernement Trump n’est pas un cas isolé ; il est l’expression d’une dynamique générale. Bolsonaro au Brésil, Orban en Hongrie, Modi en Inde, etc. sont autant de manifestations de la vague populiste. Et cette vague est en réalité la forme la plus spectaculaire d’un processus de désintégration bien plus vaste, frappant l’ensemble de la bourgeoisie mondiale, touchée par l’épidémie du chacun pour soi. Mais le fait qu’un imbécile aussi incompétent soit devenu président du pays le plus puissant du monde (et ce pour la deuxième fois), ajouté à son indifférence totale aux graves dysfonctionnements de l’appareil d’État, causés par ses propres actions, en dit long sur les difficultés croissantes de cette bourgeoisie à gérer son système politique.
Avec l’instrument méthodologique de « l’invariance », Le Prolétaire refuse de reconnaître que le populisme soit autre chose qu’une expression de la vie politique traditionnelle de la bourgeoisie. Il rejette l’idée que le populisme soit l’expression d’une perte de contrôle par la bourgeoisie de son propre jeu politique. Selon lui, la bourgeoisie a même un contrôle total sur la situation !
Ce n’était clairement pas le cas le 6 janvier 2021, avec l’assaut du Capitole, perpétré par une horde de vandales attisée par le président sortant. Mais apparemment, Le Prolétaire voit les choses autrement : « Le capitalisme est toujours debout et il parvient à maintenir la domination politique et sociale de la classe bourgeoise ; le système démocratique qui masque cette domination est toujours debout. […] Même lorsque les bourgeois sont les premiers à montrer qu’ils n’hésitent pas à fouler aux pieds leurs propres lois et leur propre système politique dans le seul but de défendre leurs intérêts privés, le mythe de la démocratie ne s’efface pas ». 4 Le piétinement de « l’État de droit », le coup d’État manqué de Trump, l’occupation du Congrès, la mise en question du concept même de légitimité électorale… pour Le Prolétaire, tout cela semble être la manière normale dont la bourgeoisie défend ses intérêts privés ! Mais l’ex-président George W. Bush, membre du même parti que Trump, avait un autre point de vue : « Voilà comment les résultats des élections sont contestés dans une république bananière ».
L’article du Prolétaire sur les événements donne même l’impression que la bourgeoisie a provoqué l’assaut du Capitole, car « pour protéger le Capitole des incursions prévisibles des manifestants pro-Trump, il n’y avait qu’un mince cordon policier… qui a ouvert les portes pour laisser passer la foule ». 5 Mais l’article ne précise pas ce qui aurait motivé la bourgeoisie à déployer une telle manœuvre ni quelle fraction de sa classe en aurait tiré profit. En réalité, Le Prolétaire sous-estime totalement l’impact du désordre et l’intensification du chaos provoqués par ce type d’escalades populistes.
Sans être embarrassé par son explication complètement déformée des événements du 6 janvier 2021, Le Prolétaire critique ensuite le CCI, estimant que sa position sur le populisme est « un jugement impressionniste » et non marxiste. Nous comprenons, comme Le Prolétaire, que les événements, les phénomènes et les tendances de la société peuvent être ramenés à l’anatomie de la vie sociale, l’appareil économique. Et le CCI a toujours fondé ses analyses sur cette approche, comme on peut le lire par exemple dans « Comment la bourgeoisie s’organise » (Revue internationale n° 172). Cet article démontre sans ambiguïté que « c’est donc sur la base de l’aggravation continue de la crise économique et de l’incapacité de la bourgeoisie à mobiliser la société pour la guerre mondiale que la désintégration de l’appareil politique trouve son principal moteur ». Pour le CCI, cette citation, comme le reste du même article, illustre clairement le lien, bien qu’indirect, entre l’économie capitaliste en crise, pour laquelle la bourgeoisie n’a pas d’issue, et le chacun pour soi ou l’indiscipline dans la politique bourgeoise, qui conduisent à l’émergence de cliques populistes.
Ainsi, Le Prolétaire se trompe lorsqu’il nie obstinément que le populisme est « un phénomène autonome et doté d’une dynamique propre ». C’est là une autre question de méthode cruciale pour comprendre la politique de la bourgeoisie. Le Prolétaire laisse entendre que le capitalisme est régi par une causalité simple, où la politique est mécaniquement déterminée par l’économie. Il faut décevoir les camarades, car la politique bourgeoise n’est pas le simple reflet de la situation économique. Les éléments de la superstructure, y compris le politique, suivent leur propre dynamique, comme l’explique Friedrich Engels dans une de ses lettres à Conrad Schmidt : « Il y a une action réciproque de deux forces inégales, du mouvement économique d’une part, et de l’autre du nouveau pouvoir politique qui aspire à la plus grande indépendance possible et qui, une fois constitué, est aussi doté d’un mouvement qui lui est propre ». 6 La négation de l’interaction entre base et superstructure et d’une dynamique propre à la dimension politique de la classe dirigeante est pour le moins à courte vue.
Enfin, Le Prolétaire avance l’argument selon lequel « la politique de Trump n’est pas le fruit de la lubie d’un personnage ou des fantasmes d’un cercle d’illuminés ». Or, cet argument est dénué de sens, car ce n’est pas ce que nous avons dit dans notre article. Nous avons plutôt dit que la politique de Trump est en contradiction avec les intérêts des factions les plus responsables de la bourgeoisie américaine et avec la politique que celles-ci tentent de mener, car la politique de Trump est essentiellement :
– motivée par la vengeance, fondée sur la conviction établie depuis longtemps que toute opposition politique est un sabotage et que la loyauté envers Trump personnellement est la plus haute vertu politique ;
– caractérisée par un saccage systématique de l’État de droit par des accaparements du pouvoir exécutif, des purges institutionnelles, des attaques contre la presse, des représailles contre le système judiciaire, etc.
La politique de Trump est l’expression d’une révolte désespérée contre le déclin des États-Unis en tant que superpuissance, « orientée non vers le futur mais vers le passé, fondée non sur la confiance mais sur la peur, non sur la créativité mais sur la destructivité et la haine ». 7
Enfin, un point mérite d’être soulevé. Nous ignorons quel article Le Prolétaire a lu… car l’article qu’il critique ne dit pas que la bourgeoisie américaine a subi une « cuisante défaite ». Il affirme littéralement que le retour de Trump à la tête de l’État américain représente « un échec retentissant pour la fraction la plus “responsable” de la bourgeoisie américaine ». 8 L’article du Prolétaire commence et se termine donc par une critique fondée sur cette affirmation citée erronément, ce qui pourrait mettre certains lecteurs sur une fausse piste. L’accent mis sur cet aspect particulier de l’article, au détriment de plus importants, comme l’attaque de Trump contre ce qu’il appelle « l’État profond », ne contribuera certainement pas substantiellement à la clarification du phénomène du populisme.
Et cela nous ramène à une autre question : comment doit se dérouler le débat entre les organisations de la Gauche communiste ? Le Prolétaire peine non seulement à lire et à citer notre article, mais il ne fait également aucune référence à d’autres articles du CCI sur le sujet depuis 2018 (date de la dernière polémique entre Le Prolétaire et le CCI). Nous avons déjà mentionné ci-dessus l’article « Comment la bourgeoisie s’organise », mais il en existe d’autres, tels que « La montée du populisme est un pur produit de la décomposition capitaliste » et « Trump 2.0 : nouveaux pas vers le chaos capitaliste ». Cela ferait honneur au Prolétaire de faire une nouvelle tentative, plus sérieuse, de critiquer la position du CCI sur le populisme, en s’appuyant sur des lectures et des arguments plus fouillés.
En tant qu’organisation révolutionnaire, cela relève de sa responsabilité politique envers la classe ouvrière et les minorités politisées qui en émergent.
Dennis, 10 septembre 2025
1) « Le CCI et le “populisme”. Les élections américaines sont-elles “un échec cuisant pour la bourgeoisie américaine” ? » (Le Prolétaire n° 557 (Avril-Mai-Juin 2025).
2) « Divorce transatlantique, lâchage de l’Ukraine et rapprochement avec la Russie : Le bouleversement des alliances exacerbe la logique du tous contre tous », Révolution Internationale n° 504 (2025).
3) « 15e congrès du CCI : Renforcer l’organisation face aux enjeux de la période », Revue internationale n° 114.
4) « January 6, 2021, Washington : a dark day for the Capitol, symbol of American democracy », Proletarian n° 17 (Printemps 2021).
5) Ibid.
6) Engels, Lettre à Conrad Schmidt, 27 octobre 1890.
7) « Contribution sur le problème du populisme », Revue internationale n° 157 (2016).
8) Cette dernière n’a pas les mêmes conséquences, car une défaite de la bourgeoisie tout entière implique quelque chose de positif pour la classe ouvrière, tandis qu’une défaite d’une fraction de la bourgeoisie n’est pas, par définition, bénéfique pour la classe ouvrière. Au contraire, elle comporte le risque que le prolétariat soit entraîné dans une lutte entre différentes fractions bourgeoises.
Le 12 juin, Israël bombarde massivement l’Iran qui aussitôt réplique. Des milliers de missiles, roquettes, drones traversent le ciel. Dessous, des habitations, des hôpitaux sont éventrés. La presse internationale parle d’une situation d’une extrême gravité pouvant plonger le Moyen-Orient dans le chaos.
Durant la nuit du 21 juin, les États-Unis entrent à leur tour dans le conflit en larguant notamment des bombes pénétrantes de treize tonnes pour détruire les sites nucléaires iraniens. Des engins aussi puissants n’avaient pas été utilisés depuis la Seconde Guerre mondiale.
C’est dans cette situation de développement de la guerre et de la barbarie que notre organisation décide d’organiser une réunion publique internationale en ligne. Si le but de ce rassemblement est évidemment de discuter pour analyser et comprendre la situation, il y a plus important encore : regrouper les forces révolutionnaires, isolées les unes des autres dans de nombreux pays, pour affirmer ensemble la voix prolétarienne de l’internationalisme.
En ce sens, nous pouvons d’emblée dire que cette réunion publique internationale a été une véritable réussite. Organisée en quelques jours, de nombreux camarades ont répondu présents à l’appel, ont dénoncé la nature impérialiste de tous les camps, de toutes les nations en présence dans le conflit et ont défendu avec force que le seul avenir pour l’humanité, c’est la solidarité et l’unité des travailleurs, par-delà les frontières, les races et les religions.
Un seul regret : l’absence – à l’exception d'Internationalist Voice [32][1] - des autres groupes révolutionnaires de la Gauche communiste que nous avions pourtant chaleureusement invités[2].
L’ensemble des participants ont affirmé que les guerres actuelles qui s’accumulent sont le produit du système capitaliste et des rivalités impérialistes entre puissances, petites ou grandes. Comme l’a souligné un camarade : «la boîte de Pandore a été ouverte en 1914». Mais comment expliquer la montée des tensions actuelles ? Pourquoi les guerres recommencent à s’étendre et à menacer des régions de plus en plus vastes de la planète ? Pourquoi partout la production d’armement explose?
Bon nombre de camarades ont souligné la polarisation croissante entre la puissance américaine et la Chine :
Des interventions ont aussi mis en avant la recherche d’intérêts économiques :
D’autres interventions encore ont insisté sur ce qui était, à leurs yeux, une vision rationnelle et politique de la bourgeoisie : «[les guerres] sont des outils politiques de la classe dirigeante, utilisés pour retarder les mouvements révolutionnaires, exploiter les sociétés et garantir les intérêts capitalistes».
D’autres camarades ont au contraire mis en évidence que la racine de la dynamique actuelle était celle du développement d’un chaos croissant. Un intervenant a insisté dans ce sens, sur la réalité d’une «fragmentation» et celle du «chacun pour soi», soulignant «les fluctuations de la politique de Trump qui reflètent les luttes au sein de la bourgeoisie». Nous sommes parfaitement d’accord avec cette réponse qui a émergé dans le débat. La dynamique de la discussion a alors permis de commencer à aborder la question qui se cache derrière l’ensemble de la dynamique mondiale actuelle : sommes-nous face à la constitution de deux nouveaux blocs impérialistes, comme durant la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide ? Autrement dit, sommes-nous en train de nous diriger vers la Troisième Guerre mondiale ? La question a son importance car une telle déflagration planétaire, compte-tenu de la capacité d’annihilation de très nombreuses puissances, serait synonyme d’un holocauste nucléaire généralisé et donc de la fin de l’humanité. La réponse apportée par le débat a été majoritairement : NON ! C’est très clairement qu’un camarade a affirmé : «Nous ne nous dirigeons pas vers des blocs comme lors de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, mais vers une fragmentation, comme on le voit en Ukraine, en Afrique et au Moyen-Orient». Un autre a complété : «En ce qui concerne les blocs, je n’en vois pas la formation. Il est intéressant de voir dans quelle mesure Netanyahou agit de son propre chef : il sera intéressant de savoir si le CCI pense que les États-Unis utilisent Israël comme chien d’attaque ou s’il s’agit plutôt, pour Netanyahou, de suivre la politique du “chacun pour soi”[3]».
Pour saisir pleinement la signification de la dynamique du chaos, il faut partir de la phase historique du capitalisme : la décomposition. C’est à la fin de cette discussion que le CCI est intervenu pour défendre cette idée à notre avis essentielle : «De 1945 à 1990, le monde était structuré en deux blocs avec deux superpuissances […]. En 1989, avec l’effondrement de l’URSS, on aurait pu croire que les États-Unis allaient sortir grand vainqueurs et dominateurs, mais la bourgeoisie américaine a compris les difficultés qui allaient naître, tout de suite. Il y a eu le grand discours de Bush père soulignant la nécessité d’un “nouvel ordre mondial” et il y a la démonstration de force militaire dans le Golfe. […] Pourquoi cette démonstration ? La bourgeoisie américaine a dit au monde et en particulier à ses alliés “vous nous devez obéissance, nous avons une force militaire écrasante”. Sur le plan immédiat, la première guerre du Golfe est une immense victoire militaire. Mais deux ans après seulement, la Yougoslavie explose : les ex-alliés (la France, l’Allemagne, les États-Unis) vont jouer leur propre carte. […] Et ça va faire exploser la Yougoslavie en quatre ou cinq pays. Là est résumé ce qui se passe depuis maintenant 35 ans. C’est-à-dire que les États-Unis ont une puissance militaire de plus en plus écrasante par rapport à tous leurs concurrents, ils creusent l’écart. Ils investissent chaque année autant que le reste du monde. Et ils frappent de plus en plus fort. On le voit avec l’Iran. Et pourtant cela ne calme pas tous les adversaires. Au contraire ! Cela nourrit la dispersion. Cela nourrit les velléités de chaque impérialiste à jouer sa propre carte. C’est la vraie dynamique historique qui ne va pas s’arrêter et c’est pour cela que ce qui se passe en Iran est extrêmement grave et historique».
Le constat d’un affaiblissement de l’Iran ayant été acté par quelques interventions, il était possible à la discussion d’aller plus loin : «L’Iran est humilié et affaibli, mais les mollahs restent aux commandes. La question est celle de la déstabilisation de la région, de l’importance de la classe ouvrière en Iran et de la capacité des mollahs de se maintenir au pouvoir. Leur manque de force aérienne […] enhardit ses voisins».
En fin de compte, ce nouveau conflit entre Israël, l’Iran et les États-Unis marque un pas qualitatif dans l’accélération du chaos et de la barbarie guerrière. Pour la première fois depuis 2003, alors que les États-Unis souhaitaient renforcer leur positionnement dans le Pacifique, ils ont de nouveau été obligés d’intervenir militairement, ce qui témoigne encore du déclin de leur hégémonie. La démonstration de force par des bombardements destinés à impressionner la Chine et à tenter (de façon totalement illusoire) d’imposer leur autorité en est un signe clair. Par ailleurs, cette nouvelle guerre implique deux puissances régionales, dont une, l’Iran menace de s’effondrer, ce qui avec l’affaiblissement extrême du pouvoir des mollahs, contribue à une déstabilisation sans précédent de tout le Moyen-Orient et même plus largement du monde entier[4].
Face à la barbarie croissante et à la guerre qui tend à se généraliser, il était manifeste que l’ensemble des participants recherchait un lieu de débat pour défendre l’internationalisme prolétarien. C’est ce dont témoignait cette intervention : «je me réjouis que nous recherchions une ligne internationaliste prolétarienne cohérente». Cette recherche a permis d’énoncer en toute clarté que «l’internationalisme est une position que nous défendons. La classe ouvrière est internationale et notre stratégie et notre tactique sont basées sur ce principe». La discussion s’est donc appliquée ensuite à pousser la réflexion sur la façon dont il fallait mettre en œuvre ce principe cardinal du mouvement ouvrier énoncé depuis le Manifeste du Parti communiste de 1848, soulignant que «les prolétaires n’ont pas de patrie». Le point de vue partagé a été de mettre en avant, comme l’a affirmé un camarade, que «face à la barbarie de la guerre impérialiste, nous appelons le prolétariat à ne pas soutenir un pays plutôt qu’un autre. Contre la guerre, nous appelons les travailleurs du monde entier à s’unir et à adopter une position de classe et non une position nationaliste». Tout le monde a reconnu qu’il s’agissait là d’une exigence, d’un combat difficile face à une intense propagande bourgeoise. La discussion s’est poursuivie en tentant d’ailleurs de cerner les pièges idéologiques, les obstacles qui sont tendus par la bourgeoisie à la classe ouvrière, en dénonçant les mystifications démocratiques, faux amis que sont la gauche, les syndicats et particulièrement les gauchistes qui ont le vent en poupe : «le gauchisme peut se mobiliser pour soutenir le nationalisme ou les manifestations anti-Trump».
Face à toute cette propagande, la discussion a été source de réflexion concernant la façon dont la classe ouvrière menait son combat aujourd’hui pour tenter d’en tirer les leçons :
Une des toutes dernières interventions a insisté pour dire qu’«il est très important que les camarades ne se découragent pas face à l’absence de grèves massives au cœur de l’Europe, cela prendra beaucoup de temps. Aujourd’hui, un pas en avant a été franchi : les révolutionnaires et les internationalistes se sont réunis pour clarifier une dimension de la lutte des classes». Nous considérons que le souci et l’état d’esprit porté par cette intervention sont importants pour résister et combattre.
Pour conclure cet article, nous réitérons notre appel à la discussion et encourageons tous nos camarades, tous nos lecteurs à venir participer à nos prochaines réunions. Il suffit pour cela de surveiller notre site internet où nous publions régulièrement les dates et lieux de ces débats. Nous appelons aussi à diffuser nos tracts récemment publiés sur la question de la guerre comme ceux sur la lutte de classe (qui sont sur notre site web en format pdf).
WH, 29 juin 2025
[1] Consultez leur site web pour connaître leur claire position internationaliste sur la guerre actuelle au Moyen-Orient.
[2] Nous nous joignons là aux propos très justes de l’un des participants : «Il est regrettable qu’aucun camarade d’autres organisations de la Gauche communiste ne soit présent. Il est important que les organisations maintiennent la polémique, les discussions et la correspondance. Ce n’est que dans le cadre de la Gauche communiste que la classe ouvrière sera victorieuse».
[3] Nous pensons que ces deux aspects ne se contredisent pas : Biden puis Trump ont dû faire face à la logique de «chacun pour soi» qui embrase le Moyen-Orient, y compris le gouvernement israélien qui favorise ses propres intérêts avant ceux de son allié américain. Dans ce cadre, les États-Unis ont cependant mené des politiques qui cherchent à maintenir au mieux leur mainmise sur la situation.
[4] L’Iran est miné par les forces centrifuges de ses minorités, les Azéris au Nord, les Baloutches au Sud et ses clivages religieux, sans compter les puissances frontalières aux aguets, dont les tensions impérialistes s’aiguisent à l’image des tensions entre l’Inde et la Pakistan. Il ne s’agit là que des premières réflexions qu’il faudra poursuivre dans de nouvelles discussions afin de mieux comprendre le contexte géopolitique et le chaos dans lequel la lutte prolétarienne devra se développer.
[5] Voir notamment dans la Revue Internationale n° 173, «Les racines historiques de la “rupture” dans la dynamique de la lutte des classes depuis 2022 (Partie I)» et Partie II (mars 2025).
Pour la classe ouvrière, une classe dont la conscience est une arme des plus précieuses, 1 apprendre de sa propre expérience est d’importance fondamentale. Chaque fois qu’elle agit sur son propre terrain, d’une manière massive, unie et solidaire, et, surtout, avec un élan révolutionnaire, elle laisse des leçons importantes pour le futur, des leçons que la classe doit appréhender et utiliser pour ses actions futures.
Ce fut le cas de la Commune de Paris, en 1871, qui a fait comprendre à Marx et Engels que la classe ouvrière, en prenant le pouvoir, ne peut pas utiliser l’État bourgeois pour transformer la société vers le communisme. Elle doit le détruire pour construire une nouvelle manière de gérer la société, avec des fonctionnaires élus, révocables à tout moment.
Ce fut le cas aussi de la révolution en Russie en 1905, dont cette année est le 120e anniversaire. Dans ce cas, la leçon fut encore plus riche : on allait voir le surgissement de la grève de masse et la création des organes de son pouvoir : les conseils ouvriers (les soviets en russe), la « forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat », comme l’affirmait Lénine.
C’est à cette expérience que nous voulons consacrer cet article pour voir comment elle peut nous aider à comprendre l’actuelle dynamique de la lutte de classe, celle que le CCI a défini comme une « rupture » historique par rapport aux décennies précédentes.
Avant de nous pencher sur la dynamique de la Révolution russe de 1905, il faut rappeler brièvement quel était le contexte international et historique dans lequel cette révolution a pris son élan. Les dernières décennies du XIXe siècle ont été caractérisées par un développement économique particulièrement prononcé dans toute l’Europe. C’est dans ce contexte que la Russie tsariste, pays dont l’économie était encore marquée par une forte arriération, devient le lieu idéal pour l’exportation de capitaux importants visant à installer des industries de moyenne et grande dimension. En l’espace de quelques décennies, il y eut une transformation profonde de l’économie. Dans la Russie de la fin du XIXe siècle, la croissance du capitalisme a entraîné une forte concentration des travailleurs. Ainsi la caractéristique du prolétariat en Russie était sa concentration dans quelques grands bassins industriels, ce qui a fortement favorisé la recherche de solidarité et l’extension de sa lutte. Ce sont ces données structurelles de l’économie qui expliquent la vitalité révolutionnaire d’un prolétariat jeune et par ailleurs noyé dans un pays profondément arriéré et dans lequel prévalait l’économie paysanne.
En janvier 1905, deux ouvriers des usines Poutilov à Pétersbourg sont licenciés. Un mouvement de grèves de solidarité se déclenche, une pétition pour les libertés politiques, le droit à l’éducation, la journée de 8 heures, contre les impôts, etc., est élaborée pour être apportée au tsar dans une manifestation massive. « Des milliers d’ouvriers non pas des social-démocrates, mais des croyants, de fidèles sujets du tsar, conduits par le pope Gapone, s’acheminent de tous les points de la ville vers le centre de la capitale, vers la place du Palais d’Hiver, pour remettre une pétition au tsar. Les ouvriers marchent avec des icônes et Gapone, leur chef du moment, avait écrit au tsar pour l’assurer qu’il se portait garant de sa sécurité personnelle et le prier de se présenter devant le peuple ». 2
Tout se noue lorsque, arrivés au Palais d’Hiver pour déposer leur requête au tsar, les ouvriers se font attaquer par la troupe qui « charge la foule à l’arme blanche ; ils tirent sur les ouvriers désarmés qui supplient à genoux les cosaques de leur permettre d’approcher le tsar. D’après les rapports de police, il y eut ce jour-là plus d’un millier de morts et de deux mille blessés. L’indignation des ouvriers fut indescriptible ». 3 C’est cette indignation profonde des ouvriers pétersbourgeois à l’égard de celui qu’ils appelaient « Petit Père » et qui avait répondu par les armes à leur supplique, qui déchaîne les luttes révolutionnaires de janvier. Un changement très rapide dans l’état d’esprit du prolétariat se produit dans cette période : « D’un bout à l’autre du pays passa un flot grandiose de grèves qui secouèrent le corps de la nation. […] Le mouvement entraînait environ un million d’âmes. Sans plan déterminé, fréquemment même sans formuler aucune exigence, s’interrompant et recommençant, guidée par le seul instinct de solidarité, la grève régna dans le pays environ deux mois ». 4 Ce fait d’entrer en grève sans revendication spécifique, par solidarité, est à la fois expression et facteur actif de la maturation, au sein du prolétariat russe de l’époque, de la conscience d’être une classe et de la nécessité de se confronter en tant que telle à son ennemi de classe. La grève générale de janvier est suivie d’une période de luttes constantes, surgissant et disparaissant à travers le pays, pour des revendications économiques. Cette période est moins spectaculaire mais tout aussi importante. Des affrontements sanglants ont lieu à Varsovie. Des barricades sont dressées à Lodz. Les matelots du cuirassé Potemkine dans la mer Noire se révoltent. Toute cette période prépare le deuxième temps fort de la révolution.
« Cette seconde grande action révolutionnaire du prolétariat revêt un caractère sensiblement différent de la première grève de janvier. La conscience politique y joue un rôle beaucoup plus important. Certes, l’occasion qui déclencha la grève de masse fut ici encore accessoire et apparemment fortuite : il s’agit du conflit entre les cheminots et l’administration, à propos de la Caisse des Retraites. Mais le soulèvement général du prolétariat industriel qui suivit, est soutenu par une pensée politique claire. Le prologue de la grève de janvier avait été une supplique adressée au tsar afin d’obtenir la liberté politique ; le mot d’ordre de la grève d’octobre était : “Finissons-en avec la comédie constitutionnelle du tsarisme !” Et grâce au succès immédiat de la grève générale qui se traduisit par le manifeste tsariste du 30 octobre, le mouvement ne reflue pas de lui-même comme en janvier, pour revenir au début de la lutte économique mais déborde vers l’extérieur, exerçant avec ardeur la liberté politique nouvellement conquise. Des manifestations, des réunions, une presse toute jeune, des discussions publiques ». 5 Un changement qualitatif se produit en ce mois d’octobre exprimé par la constitution du soviet de Pétersbourg qui fera date dans l’histoire du mouvement ouvrier international. À l’issue de l’extension de la grève des typographes aux chemins de fer et aux télégraphes, les ouvriers prennent en assemblée générale la décision de former le soviet qui deviendra le centre névralgique de la révolution : « Le Conseil des députés ouvriers fut formé pour répondre à un besoin pratique, suscité par les conjonctures d’alors : il fallait avoir une organisation jouissant d’une autorité indiscutable, libre de toute tradition, qui grouperait du premier coup les multitudes disséminées et dépourvues de liaison ». 6
« Le rêve de la Constitution est suivi d’un réveil brutal. Et l’agitation sourde finit par déclencher en décembre la troisième grève générale de masse qui s’étend à l’Empire tout entier. Cette fois, le cours et l’issue en sont tout autres que dans les deux cas précédents. L’action politique ne cède pas la place à l’action économique comme en janvier, mais elle n’obtient pas non plus une victoire rapide, comme en octobre. La camarilla tsariste ne renouvelle pas ses essais d’instaurer une liberté politique véritable, et l’action révolutionnaire se heurte ainsi pour la première fois dans toute son étendue à ce mur inébranlable : la force matérielle de l’absolutisme ». 7 La bourgeoisie capitaliste effrayée par le mouvement du prolétariat s’est rangée derrière le tsar. Le gouvernement n’a pas appliqué les lois libérales qu’il venait d’accorder. Les dirigeants du soviet de Petrograd sont arrêtés. Mais la lutte continue à Moscou : « La révolution de 1905 atteignit son point culminant lors de l’insurrection de décembre à Moscou. Un petit nombre d’insurgés, ouvriers organisés et armés (ils n’étaient guère plus de huit mille) résista pendant neuf jours au gouvernement du tsar. Celui-ci ne pouvait se fier à la garnison de Moscou, mais devait au contraire la tenir enfermée et ce n’est qu’avec l’arrivée du régiment de Sémionovski, appelé à Pétersbourg, qu’il put réprimer le soulèvement ». 8
Qu’elle a donc été la dynamique en acte en 1905 ? Celle de la grève de masse, de cet « océan de phénomènes » (Luxemburg) fait de grèves, de manifestations, de solidarité, de discussions, de revendications économiques et de revendications politiques, en un mot toutes les expressions qui caractérisent la lutte de la classe ouvrière se manifestant en même temps, comme produit d’une maturation de la conscience des ouvriers, une maturation qui se fait pendant les événements mêmes, mais aussi et surtout fruit d’une maturation souterraine, d’une accumulation d’expériences et d’une réflexion en profondeur qui à un certain moment sort à la lumière. En fait, les événements de 1905 ne surgissent pas du néant, mais sont le produit de cette accumulation d’expériences successives et de réflexions qui ont ébranlé la Russie à partir de la fin du XIXe siècle. Comme le rapporte Rosa Luxemburg, la « grève de janvier à Saint-Pétersbourg était la conséquence immédiate de la gigantesque grève générale qui avait éclaté peu auparavant, en décembre 1904, dans le Caucase, à Bakou, et tint longtemps toute la Russie en haleine. Or, les événements de décembre à Bakou n’étaient qu’un dernier et puissant écho des grandes grèves qui, en 1903 et 1904, telles des tremblements de terre périodiques, ébranlèrent tout le sud de la Russie, et dont le prologue fut la grève de Batoum dans le Caucase, en mars 1902. Au fond, cette première série de grèves, dans la chaîne continue des éruptions révolutionnaires actuelles, n’est elle-même distante que de cinq ou six ans de la grève générale des ouvriers du textile de Saint-Pétersbourg en 1896 et 1897 ».
Ce concept de maturation souterraine de la conscience est difficile à accepter par une bonne partie des groupes du milieu politique prolétarien, mais aussi par un certain nombre de nos contacts ou sympathisants. Pourtant elle trouve ses racines dans les écrits de Marx, 9 tandis que Luxemburg en reprend l’idée, celle de la « vieille taupe », et Lénine fait de même. 10 Trotsky, s’il n’utilise pas tout à fait le même vocabulaire que le CCI pour rendre compte du phénomène de « maturation souterraine » de la conscience au sein du prolétariat, l’évoque très clairement dans son Histoire de la révolution russe. Le passage suivant en atteste parfaitement : « Les causes immédiates des événements d’une révolution sont les modifications dans la conscience des classes en lutte. […] Les modifications de la conscience collective ont un caractère à demi occulte ; à peine parvenus à une tension déterminée, les nouveaux états d’esprit et les idées percent au-dehors sous la forme d’actions de masses ».
Mais, surtout, la réalité des processus de maturation souterraine trouve sa confirmation dans tous les moments importants de la lutte du prolétariat : on l’a vu en 1905, on le voit encore en 1917 en Russie, où la révolution d’Octobre est précédée par des grèves contre la guerre des années précédentes. Et on l’a vu en action aussi dans des moments historiques plus proches de nous. On l’a vu en 1980 en Pologne avec le mouvement de grève qui a fait réapparaître « à la surface » la grève de masse sur la scène de l’histoire : les ouvriers polonais avaient déjà engendré des moments importants de luttes en 1970 et en 1976, luttes qui avaient subi une dure et sanglante répression de la part du régime stalinien. Forts de ces expériences qu’ils ont été amenés à « digérer », par une réelle maturation souterraine de leur conscience, les ouvriers ont su se lancer en 1980, dans une lutte intense et soudaine, avec une organisation ayant des ramifications dans l’ensemble du pays, avec des groupes de coordination qui ont été capables d’organiser eux-mêmes une grève de masse face à laquelle le pouvoir, paralysé, fut contraint de traiter et faire des concessions avant de répondre par la répression au moment du reflux de la lutte. 11
C’est dans la tradition de l’ensemble de ces expériences du mouvement ouvrier que nous avons interprété les grèves en Grande-Bretagne en 2022 comme le résultat d’une nouvelle maturation de la conscience de classe, non pas comme un feu de paille fortuit, mais comme le produit d’une réflexion en profondeur qui se poursuit, avec le retour de la lutte de la classe ouvrière après des décennies d’apathie et d’atonie. Nous avons qualifié ces mouvements de « rupture », afin de souligner ainsi que c’était un phénomène de signification historique et internationale. Les luttes importantes qui ont suivi cette première manifestation et résurgence de la combativité ouvrière, en France, aux États-Unis, ailleurs dans le monde et tout récemment en Belgique, confirment que les grèves en Grande-Bretagne n’étaient pas un phénomène local et passager, mais le résultat de cette maturation souterraine qui revenait finalement à la surface. Différentes caractéristiques des mouvements qui se sont déroulés durant ces trois dernières années, donnent chair à notre analyse :
– Le slogan largement répandu « trop c’est trop » exprimait le sentiment longtemps entretenu que toutes les promesses faites dans la période qui a suivi la « crise financière » de 2008 s’étaient révélées mensongères et qu’il était grand temps que les travailleurs commencent à faire valoir leurs propres revendications.
– Les slogans « nous sommes tous dans le même bateau » et « la classe ouvrière est de retour » exprimaient une tendance de la classe ouvrière (certes encore embryonnaire mais réelle) à retrouver le sentiment d’être une classe avec sa propre existence collective et ses intérêts distincts, malgré des décennies d’atomisation imposée par la décomposition générale de la société capitaliste, aidée par le démantèlement délibéré de nombreux centres industriels traditionnels avec une classe ouvrière expérimentée (mines, sidérurgie, etc.).
– Dans le mouvement en France, le slogan massif « Si tu nous mets 64, on te Mai 68 » exprimait une réactivation d’une mémoire collective, le souvenir de l’importance des grèves de masse de 1968.
– Le développement international de minorités tendant vers des positions internationalistes et communistes ; la majorité de ces éléments et leurs efforts de rassemblement sont moins le produit de la lutte de classe immédiate que la conséquence d’un questionnement face à la problématique de la guerre, ce qui est la preuve que les mouvements de classe actuels expriment quelque chose de plus que des préoccupations immédiates concernant la détérioration du niveau de vie. Elles expriment, le plus souvent de manière encore confuse, la préoccupation par rapport au futur que nous offre ce système de production : le capitalisme.
– Enfin, un autre signe du processus de maturation peut également être observé dans les efforts de l’appareil politique de la bourgeoisie, visant à renforcer les forces d’encadrement et de mystification contre les ouvriers que sont les syndicats et les organisations gauchistes. Le but est ici de radicaliser les messages adressés à la classe ouvrière, afin de saboter la réflexion de cette dernière et de la maintenir sous contrôle.
Nous ne sommes qu’au tout début de cette reprise de la combativité, de la reprise des luttes de la classe sur son propre terrain, d’une accumulation de nouvelles expériences qui pourront conduire la classe à radicaliser ses luttes, jusqu’à leur donner un caractère plus politique, qui pourrait remettre en cause le système en tant que tel et pas seulement le constat de ses attaques et leurs effets immédiats.
Ce sera un processus long, difficile, plein d’obstacles, car notre situation n’est plus celle de la Russie de 1905, où, en l’espace d'un an, la classe ouvrière pouvait passer d’une simple pétition adressée au tsar à une phase ouvertement insurrectionnelle. La situation actuelle est celle de la décomposition du capitalisme, phase historique ultime du capitalisme qui ne se manifeste pas seulement dans la pourriture de toute la vie politique de la bourgeoisie, mais qui pèse aussi sur la classe ouvrière à travers des phénomènes dont les effets, exploités idéologiquement par la classe dominante, entravent fortement et de manière insidieuse la prise de conscience des travailleurs :
« – l’action collective, la solidarité, trouvent en face d’elles l’atomisation, le “chacun pour soi”, la “débrouille individuelle” ;
– le besoin d’organisation se confronte à la décomposition sociale, à la déstructuration des rapports qui fondent toute vie en société ;
– la confiance dans l’avenir et en ses propres forces est en permanence sapée par le désespoir général qui envahit la société, par le nihilisme, par le “no future”;
– la conscience, la lucidité, la cohérence et l’unité de la pensée, le goût pour la théorie, doivent se frayer un chemin difficile au milieu de la fuite dans les chimères, la drogue, les sectes, le mysticisme, le rejet de la réflexion, la destruction de la pensée qui caractérisent notre époque ». 12
Il ne faut donc pas être impatients, attendre à chaque moment une confirmation de ce processus. Le rôle des révolutionnaires est d’intervenir avec clarté dans la classe en inscrivant le combat sur le long terme, et surtout d’aider les minorités à comprendre dans ses ultimes implications l’enjeu de la situation, celui de la menace de destruction de l’humanité et en même temps la possibilité pour la classe ouvrière d’ouvrir une autre perspective, celle d’une société sans classes, sans exploitation, sans guerre, sans destruction de la planète, bref, celle d’une société véritablement communiste.
Helis, 22 juin 2025
1) La classe ouvrière est la première classe de l’histoire capable de développer la conscience révolutionnaire de son être, contrairement à la bourgeoisie révolutionnaire dont la conscience était limitée par sa position de nouvelle classe exploiteuse.
2) Lénine, Rapport sur la révolution de 1905 (1917).
3) Ibid.
4) Trotsky, 1905 (1909).
5) Luxemburg, Grève de masse, Parti et syndicats (1906).
6) Trotsky, 1905 (1909).
7) Luxemburg, Grève de masse, Parti et syndicats (1906).
8) Lénine, Rapport sur la révolution de 1905 (1917).
9) Pour Marx la révolution est une vieille taupe « qui sait si bien travailler sous terre pour apparaître brusquement ».
10) Cf. sa polémique contre l’économisme dans Que faire ?.
11) L’histoire retiendra la scène de cette négociation entre grévistes et ministres, où les pourparlers entre les délégués ouvriers et les ministres étaient transmis en direct avec des haut-parleurs aux ouvriers regroupés en masse devant le palais du gouvernement. Pour mieux comprendre ce mouvement, voir notre brochure : Pologne 1980.
12) « Thèses sur la décomposition », Revue internationale n° 107 (2001).
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri-505_bat.pdf
[2] https://fr.internationalism.org/files/fr/tract_2_oct-2025.pdf
[3] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/interventions
[4] https://fr.internationalism.org/tag/5/36/france
[5] https://fr.internationalism.org/tag/conscience-et-organisation/courant-communiste-international
[6] https://fr.internationalism.org/files/fr/tract_10.9.25.pdf
[7] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/10-septembre
[8] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/gilets-jaunes
[9] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/bloquons-tout
[10] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/blocage-leconomie
[11] https://fr.internationalism.org/files/fr/tract_18.9.25.pdf
[12] https://fr.internationalism.org/tag/30/475/donald-trump
[13] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/guerre-ukraine
[14] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/gaza
[15] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/conflit-israelo-palestinien
[16] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/rupture
[17] https://fr.internationalism.org/content/11618/combat-ne-fait-commencer-comment-renforcer-notre-unite-et-solidarite
[18] https://fr.internationalism.org/content/11614/face-aux-assauts-xenophobes-trump-contre-classe-ouvriere-et-au-cri-defense-democratie
[19] https://fr.internationalism.org/content/11601/resolution-situation-internationale-mai-2025
[20] https://www.ipsos.com/fr-fr/barometre-du-moral-des-adolescents-2025
[21] https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/10/en-suede-l-inquietude-face-a-la-violence-croissante-contre-les-enseignants_6209938_3210.html
[22] https://www.franceinfo.fr/monde/royaume-uni/royaume-uni-des-solutions-face-aux-agressions-des-professeurs-par-leurs-eleves_4295847.html
[23] https://fr.internationalism.org/files/fr/tract_24.6.25_-2.pdf
[24] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/prises-position-du-cci
[25] https://fr.internationalism.org/tag/5/50/etats-unis
[26] https://fr.internationalism.org/tag/5/56/moyen-orient
[27] https://fr.internationalism.org/tag/geographique/iran
[28] https://fr.internationalism.org/tag/5/57/israel
[29] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/polemique
[30] https://fr.internationalism.org/tag/7/536/populisme
[31] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/pci-proletaire
[32] https://en.internationalistvoice.org/
[33] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/reunions-publiques
[34] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/willich
[35] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/schapper
[36] https://fr.internationalism.org/tag/30/528/lenine
[37] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/rosa-luxemburg
[38] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/leon-trotsky
[39] https://fr.internationalism.org/tag/evenements-historiques/revolution-1905