L’attentat sanglant du City Hall à Moscou, le 22 mars, le cynisme froid de Poutine en Ukraine, le jusqu’au-boutisme criminel du gouvernement Netanyahou massacrant en masse et affamant les civils… tout cela confirme que le système capitaliste est en faillite, que la société bourgeoise est bel et bien aspirée dans un tourbillon de destructions et de chaos généralisé. Et ce processus ne peut que s’accélérer, à l’image du délitement effrayant du Moyen-Orient où le risque d’une confrontation catastrophique directe entre deux puissances régionales, Israël et l’Iran, est immense.
Le CCI a de nombreuses fois souligné la dynamique historique de chaos qui règne sur la société capitaliste depuis la disparition des blocs et l’affaiblissement inéluctable du leadership américain sur la planète. Désormais, la discipline entre « alliés » tend à disparaître, les sordides intérêts impérialistes, des grandes comme des petites puissances, se déchaînent. Même un allié des États-Unis comme Israël, qui dépend entièrement de la protection américaine, se permet de n’en faire qu’à sa tête, de multiplier les provocations, comme l’attaque de la représentation iranienne à Damas, et de déchaîner un chaos dans la région que Washington tente tant bien que mal de freiner. Quant à l’Iran, il jette de l’huile sur le feu depuis le début de la guerre à Gaza (par Hamas, Hezbollah et Houthis interposés) et vient de franchir un nouveau pas dans l’affrontement en lançant une attaque aérienne massive directement contre Israël. Malgré les tentatives désespérées des États-Unis de circonscrire l’incendie, l’évolution de la situation au Moyen-Orient confirme le déclin continu de sa puissance sur le monde et risque d’entraîner la région vers un embrasement généralisé.
La bourgeoisie ne peut rien face à la dynamique mortifère de son système. La crise économique chronique, les désastres écologiques et les guerres expriment le visage hideux de la décomposition du capitalisme, le pourrissement sur pied de la société issue d’un mode de production obsolète, façonné par l’exploitation de la force de travail, la concurrence de tous contre tous et la guerre, et qui n’a plus rien à offrir que terreur, souffrances et mort. De plus en plus de régions du monde deviennent invivables pour les populations, comme Haïti en proie au chaos, livré aux bandes criminelles, ou comme pour bon nombre d’États en Afrique et en Amérique Latine, exposés à la corruption généralisée, aux seigneurs de guerre, aux mafias et autres narcotrafiquants.
L’épicentre de cette spirale infernale se situe au cœur même du capitalisme, en premier lieu au niveau de la première puissance mondiale, les États-Unis. Après avoir amplifié le chaos ces dernières décennies en tentant d’imposer leur rôle de gendarme du monde (en Irak et en Afghanistan, particulièrement), les États-Unis cherchent par tous les moyens à contrer leur déclin irréversible et n’hésitent pas à piétiner sans ménagement leurs anciens « alliés » devenu rivaux.
La mise en place de cette politique exacerbe aussi les tensions au sein de la bourgeoisie américaine elle-même, comme en témoigne les affrontements qui marquent dès à présent la campagne électorale pour les présidentielles de novembre prochain. Ces tensions attisent la déstabilisation de l’appareil politique américain, de plus en plus fragmenté et polarisé, non seulement par les clivages entre Républicains et Démocrates, mais aussi et surtout par les déchirements croissants au sein de chacun des deux camps rivaux. Le populiste Trump s’impose pour le moment comme le favori malgré toutes les tentatives de le mettre hors d’état de nuire par les fractions les plus responsables de la bourgeoisie américaine. De fait, la lame de fond du populisme reste profondément ancrée dans la vie politique américaine comme elle se manifeste nettement aussi dans plusieurs pays européens.
Une telle situation plonge la bourgeoisie américaine mais aussi les chancelleries du monde entier dans l’incertitude, en ne pouvant déterminer à l’avance quel sera le positionnement de Washington sur les dossiers brûlants affectant la géopolitique mondiale. Ces affrontements entre fractions au sein de la bourgeoisie américaine (des déclarations incendiaires de Trump aux blocages politiques au Congrès concernant le soutien militaire à l’Ukraine) constituent un accélérateur majeur de déstabilisation impérialiste.
La pagaille intérieure fragilise la crédibilité et l’autorité même des États-Unis, qui sont par ailleurs de plus en plus mises à mal par une situation internationale chaotique. Cette instabilité enhardit plus encore les grands rivaux de même que les puissances d’ordre secondaire : elle conforte dans leur logique mortifère tant Poutine que Zelensky, elle stimule l’ivresse guerrière de Netanyahou, de l’Iran et des groupes terroristes affidés.
Et si la Chine évite de répondre immédiatement aux provocations et aux pressions de Washington, elle accentue la pression sur Taïwan et les Philippines et envisage plus ouvertement la possibilité à plus long terme de pouvoir renforcer son statut de challenger de l’Oncle Sam.
L’agressivité croissante des requins impérialistes, petits ou grands, qui tentent d’exploiter les affrontements entre cliques bourgeoises aux États-Unis, ne signifie nullement que ceux-ci seraient épargnés par les tensions internes : Poutine est coincé entre la boucherie dans le Donbass et la « guerre contre le terrorisme » de l’État islamique, dont les commandos s’infiltrent à partir des anciennes républiques « soviétiques » d’Asie centrale, une menace que le clan au pouvoir et ses services secrets n’ont pas su neutraliser malgré les avertissements de divers services secrets étrangers. En Chine, Xi est confronté à la stagnation de l’économie, à la déstabilisation des « routes de la soie » à cause du chaos ambiant et aux tensions internes au sein de l’appareil du PCC. Quant à la fuite en avant d’Israël, elle est le produit d’affrontements féroces entre les cliques nationalistes extrémistes au pouvoir et d’autres factions de la bourgeoisie, de même que de la lutte pour la survie politique d’un Netanyahou, poursuivi par la justice.
L’instabilité actuelle de la politique américaine inquiète également les chancelleries européennes et tend à accentuer les clivages au sein même de l’UE vis-à-vis de la politique à adopter face aux pressions de l’OTAN et face aux États-Unis. Ainsi, les querelles au sein du « couple franco-allemand », déjà contraint au « mariage forcé », s’intensifient fortement.
Face à l’enfoncement de la société dans la barbarie, le prolétariat n’a rien à attendre des futures élections présidentielles en Amérique, comme d’ailleurs de toutes les autres à venir. Quel que soit le résultat des élections de novembre prochain aux États-Unis, elles n’inverseront aucunement la tendance au chaos, à la guerre et à la fragmentation du monde et la classe ouvrière subira plus que jamais les conséquences de l’exploitation capitaliste.
L’échéance électorale n’a d’importance que pour diffuser l’illusion parmi la classe ouvrière que celle-ci peut par un « juste choix » influer sur le cours des choses, alors que le cirque électoral n’exprime que le déchirement des cliques bourgeoises qui s’affrontent de plus en plus brutalement pour le pouvoir. Contrairement aux mensonges véhiculés par les démocrates, et notamment par les groupes gauchistes, opposant un camp « progressiste » ou du « moindre mal » de Biden au « mal absolu » de Trump, le prolétariat devra contrer le discours « démocratique », refuser le piège des urnes et mener son combat de classe autonome.
Quant aux fractions bourgeoises, elles s’affrontent uniquement sur la stratégie la plus efficace et la moins coûteuse pour pérenniser la suprématie américaine qu’elles s’accordent à vouloir maintenir par tous les moyens, quelles que soient les conséquences pour l’humanité et la planète. Attaquer militairement l’Iran ou l’affaiblir par un blocus économique ? Accentuer la pression sur la Russie au risque de la faire imploser ou « geler » la guerre de position ? Formuler un véritable chantage à la sécurité envers les « alliés » européens ?… Quelles que soient les réponses, elles s’inscriront toujours dans la logique de guerre et son financement exigera toujours de nouveaux « sacrifices » aux travailleurs. Bref, quelle que soit la faction qui remportera les élections, le résultat sera une déstabilisation accrue, de nouveaux massacres, une politique de la « terre brûlée ».
Face à cette barbarie innommable, face aux promesses de chaos généralisé, le prolétariat représente la seule alternative possible pour sauver l’espèce humaine d’une destruction programmée par la logique meurtrière d’un système capitaliste complètement obsolète. La classe ouvrière a repris le chemin de son combat et son potentiel révolutionnaire reste intact pour affirmer, à terme, sa perspective et son projet communiste.
C’est pour ce combat que nous devons nous battre comme classe, en refusant dès maintenant toute logique planifiée de guerre et de « sacrifice ». Les discours bourgeois présentant la guerre comme une « nécessité », au nom de la préservation de la paix, sont d’ignobles mensonges ! Le véritable responsable, c’est le système capitaliste !
EKA, 18 avril 2024
L’État fait pleuvoir les coupes budgétaires et les attaques contre les travailleurs, les chômeurs, les minima sociaux, les retraités… Les licenciements massifs se multiplient. Dans le public comme dans le privé, les moyens manquent partout. Les services publics sont totalement défaillants. Les pénuries de médicaments, voire de denrées alimentaires, sont devenues monnaie courante. Des millions de familles, même parmi celles qui ont encore la « chance » d’occuper des emplois stables, n’arrivent plus à boucler les fins de mois. Les prix de la nourriture, du chauffage, des logements et du carburant s’envolent. Les factures de gaz et d’électricité explosent. À la moindre distribution alimentaire, les queues s’allongent dramatiquement. Les plus pauvres en sont même réduits à sauter des repas… Quelle image plus terrifiante et plus explicite que celle de gosses crevant de froid dans les rues des grandes capitales européennes, au cœur des plus puissantes économies de la planète ? En quatre ans, les événements dramatiques se sont succédé à un rythme effréné : Covid, guerre en Ukraine, massacre en Israël et à Gaza, catastrophes climatiques… Ce tourbillon de catastrophes n’a fait qu’aggraver la crise et alimenter davantage le chaos mondial. (1) L’avenir que nous réserve le capitalisme est on ne peut plus clair : le développement de la crise économique accélère considérablement les menaces qui pèsent sur l’humanité et qui pourraient aboutir à la destruction de l’humanité. Mais la crise est aussi le creuset du combat de la classe ouvrière !
Face à de tels enjeux et à l’inexorable et terrifiant enlisement de la société bourgeoise, la classe ouvrière ne s’est pas résignée à accepter la misère. Depuis deux ans bientôt, malgré les guerres et le matraquage va-t-en-guerre, la classe ouvrière lutte partout et massivement. Dans de nombreux pays, les luttes sont souvent qualifiées d’« historiques » par le nombre de grévistes et de manifestants mais aussi par la détermination des ouvriers à se battre pour leur dignité et leurs conditions d’existence. C’est une véritable rupture après des décennies de résignation. (2)
Dès l’été 2022, le prolétariat en Grande-Bretagne s’est dressé contre la crise. Mois après mois, les travailleurs ont fait grève et manifesté dans les rues, réclamant de meilleurs salaires et des conditions de travail plus dignes. Du jamais vu depuis plus de trois décennies ! Début 2023, alors que les grèves se multipliaient un peu partout dans le monde, le prolétariat en France s’est à son tour mobilisé massivement contre la réforme des retraites. Des millions de personnes enthousiastes ont manifesté dans la rue avec la ferme volonté de se battre tous ensemble, tous secteurs et toutes générations confondus. Puis, à la rentrée, les ouvriers aux États-Unis ont engagé l’une des plus massives grèves de l’histoire de ce pays, notamment dans le secteur automobile, suivi par un mouvement du secteur public également décrit comme historique au Québec.
Récemment encore, dans un pays présenté comme un « modèle social », les ouvriers des usines Tesla en Suède se sont mis en grève, suivis par des manifestations de solidarité des postiers qui ont bloqué tout le courrier à destination des ateliers de l’entreprise du bouffon milliardaire, Elon Musk. Les dockers ont à leur tour bloqué quatre ports et les électriciens ont refusé d’effectuer les travaux de maintenance sur les bornes de recharge des véhicules électriques.
En Irlande du Nord, au mois de janvier, la plus grande grève ouvrière de l’histoire de cette région a également rassemblé des centaines de milliers de travailleurs, notamment du secteur public. Ils réclamaient le paiement de leur salaire.
Encore aujourd’hui, alors que la guerre fait toujours rage en Ukraine et à Gaza, les grèves et les manifestations ouvrières se multiplient dans le monde entier, particulièrement en Europe.
En Allemagne, première économie européenne, les cheminots ont lancé, fin janvier, une grève massive « record » d’une semaine. C’est la dernière d’une longue série de grèves contre l’augmentation des heures de travail et pour la revalorisation des salaires. Dans les mois à venir, le réseau ferroviaire pourrait être touché par des grèves illimitées. Dans le pays du « dialogue social », les grèves se multiplient depuis des mois dans de nombreux secteurs : grèves dans la sidérurgie, la fonction publique, les transports, la santé, le ramassage des ordures… Le 30 janvier, un rassemblement national de 5 000 médecins s’est déroulé à Hanovre. Le 1er février, onze aéroports du pays étaient touchés par une grève du personnel de sécurité, tandis que 90 000 conducteurs de bus, de tramways et de métros cessaient le travail. 10 000 ouvriers de la grande distribution étaient également en grève mi-février. Le personnel au sol de la Lufthansa était appelé à la grève le 20 février…
Ce mouvement de grève, par son ampleur, sa massivité et sa durée, est lui aussi inédit dans un pays réputé pour les énormes entraves administratives dressées devant chaque mouvement social et le corset de fer syndical qui a longtemps permis à la bourgeoisie d’accumuler plans de rigueur et « réformes » sans que la classe ouvrière ne réagisse réellement. Malgré les difficultés à sortir du carcan corporatiste et à se mobiliser « tous ensemble », les luttes en Allemagne sont d’une immense importance et d’une forte portée symbolique. Elles s’expriment en effet au cœur d’un grand poumon industriel, dans le pays qui a été l’épicentre de la vague révolutionnaire des années 1917-23 et d’une longue période de contre-révolution. Le mouvement actuel s’inscrit clairement dans le cadre de la reprise internationale de la lutte de classe.
Mais la combativité ouvrière ne se limite pas à l’Allemagne. En Finlande, dans un pays peu coutumier des mobilisations, une « grève historique » s’est déroulée pendant 48 heures début février. Encore récemment, les dockers ont paralysé durant quatre jours l’activité portuaire dans ce pays entre le 18 et le 21 février. Elle a rassemblé jusqu’à 300 000 grévistes contre la réforme du droit du travail. En Turquie, des dizaines de milliers d’ouvriers métallurgistes se sont mobilisés pendant des mois pour réclamer des augmentations de salaires alors que les prix explosent. En Belgique, c’est le secteur « non-marchand » qui part en grève et manifeste à Bruxelles le 31 janvier. En Espagne, au Royaume-Uni, en France, en Grèce… les grèves se multiplient dans de nombreux secteurs. La bourgeoisie entretient un black-out médiatique assourdissant autour de ces luttes, car elle est bien consciente du mécontentement croissant des travailleurs et du danger que représente de telles mobilisations.
Mais la rupture à laquelle nous assistons n’est pas uniquement liée à la massivité et à la simultanéité des mobilisations.
Le prolétariat recommence, en effet, de façon encore approximative et balbutiante, à se reconnaître comme une force sociale, à retrouver son identité. Malgré toutes les illusions et les confusions, on a pu voir s’exprimer partout, sur les pancartes et dans les discussions, le fait que « nous sommes des ouvriers ! », « nous sommes tous dans le même bateau ! ».… Il ne s’agit nullement de mots creux ! Car derrière ces paroles, la solidarité est bien réelle : solidarité entre les générations, d’abord, comme on a pu le voir très clairement en France alors que des retraités descendaient massivement dans la rue pour soutenir « les jeunes » ; entre les secteurs, ensuite, comme aux États-Unis avec les concerts de klaxons devant les usines en grève ou en Scandinavie pour la défense des ouvriers de Tesla.
Des expressions embryonnaires de solidarité internationale ont même surgi. Le Mobilier national en France s’est ainsi mis en grève par solidarité avec les travailleurs de la culture en lutte en Grande-Bretagne. Des raffineries en Belgique ont débrayé pour soutenir la mobilisation en France, pendant que de petites manifestations se multipliaient dans le monde pour dénoncer la répression féroce de l’État français. En Italie, alors que de nombreux secteurs se mobilisent depuis plusieurs mois, les conducteurs de bus, de tramways et de métros se sont mis en grève le 24 janvier : dans le sillage du mouvement contre la réforme des retraites en France, les ouvriers ont affirmé vouloir mener des mobilisations « comme en France », témoignant par là des liens que les ouvriers commencent à reconnaître par-delà les frontières et de la volonté de tirer les leçons des mouvements précédents.
Le prolétariat recommence aussi à s’approprier son expérience des luttes. En Grande-Bretagne, le dénommé « été de la colère » renvoyait explicitement aux importantes grèves de « l’hiver du mécontentement » en 1978-1979. Dans les manifestations en France, les références à Mai 68 et à la lutte contre le CPE en 2006 ont fleuri sur les pancartes en même temps qu’un début de réflexion sur ces mouvements. Et tout ceci alors que l’État impose des restrictions et continue de mener tout un battage pour justifier la guerre.
Bien sûr, nous sommes encore loin d’un retour massif et profond de la conscience de classe. Bien sûr, toutes ces expressions de solidarité et de réflexion sont pétries de confusions et d’illusions, facilement dévoyées par toutes les structures d’encadrement de la bourgeoisie que sont les syndicats et les partis de gauche. Mais les révolutionnaires qui regardent tout cela du balcon en se pinçant le nez (3) mesurent-ils l’inflexion qui est en train de se produire par rapport aux décennies précédentes, des décennies de silence, de résignation, de rejet de l’idée même de classe ouvrière et d’oubli de son expérience ?
Si ces luttes démontrent de façon éclatante que la classe ouvrière n’est pas vaincue et qu’elle demeure la seule force sociale en mesure d’affronter la bourgeoisie, son combat est loin d’être terminé. Pèsent encore sur elle des faiblesses et des illusions immenses que les mouvements en cours illustrent cruellement. Jusqu’à présent, les syndicats ont réussi à encadrer l’ensemble des luttes, à les maintenir dans un cadre très corporatiste, comme on peut le voir aujourd’hui en France ou en Allemagne, tout en privilégiant, quand cela a été nécessaire, un semblant d’unité et de radicalité à l’exemple du « Front commun » des syndicats canadiens ou du mouvement en Finlande.
Lors du mouvement contre la réforme des retraites en France, beaucoup d’ouvriers, circonspects face aux sempiternelles journées de mobilisation syndicales, ont commencé à se poser des questions sur comment lutter, comment s’unir, comment faire reculer le gouvernement… mais nulle part la classe n’a pu disputer la direction des luttes aux syndicats à travers des assemblées générales souveraines, comme elle n’a pu rompre avec la logique corporatiste imposée par les syndicats.
La bourgeoisie déploie, par ailleurs, tout son arsenal idéologique pour dévoyer la conscience qui commence à mûrir dans la tête des ouvriers. Alors qu’elle garde le silence sur les grèves massives de la classe ouvrière, elle a bien entendu fait un tintamarre assourdissant autour du mouvement des agriculteurs. En Allemagne, aux Pays-Bas, en France, en Belgique, en Pologne, en Espagne… la bourgeoisie a une nouvelle fois pu compter sur ses partis de gauche pour vanter les mérites de méthodes de lutte aux antipodes de celles du prolétariat et expliquer que « le mouvement ouvrier doit profiter de la brèche ». (4) Alors que le prolétariat commence timidement à retrouver son identité de classe, la bourgeoisie exploite idéologiquement le combat des agriculteurs par une offensive médiatique visant à pourrir le processus de réflexion en cours et à masquer les nombreuses grèves ouvrières.
Elle ne ménage pas non plus ses efforts pour attacher la classe ouvrière au chariot de la démocratie bourgeoise. En Europe comme en Amérique, alors que la pourriture de son système engendre des aberrations politiques à l’image de Trump aux États-Unis, de Milei en Argentine, du Rassemblement national en France, de Alternative für Deutschland, de Fratelli d’Italia et consorts, la bourgeoisie, du moins ses fractions les moins pourries par la décomposition de la société, tout en cherchant à limiter l’influence des partis d’extrême droite, s’empresse d’instrumentaliser leurs succès contre la classe ouvrière. En Allemagne, particulièrement, où plus d’un million de personnes sont descendues dans les rues de différentes villes, à l’appel des partis de gauche et de droite, pour protester contre l’extrême droite. Il s’agit, là encore, d’entretenir les illusions démocratiques et d’empêcher le prolétariat de défendre son combat historique contre l’État bourgeois.
Une chose est sûre, cependant, c’est dans le feu des luttes, en cours et à venir, que la classe ouvrière trouvera peu à peu les armes politiques pour se défendre face aux pièges tendus par la bourgeoisie et trouvera la voie, à terme, vers la révolution communiste.
EG, 20 février 2024
1) « Révolution communiste ou destruction de l’humanité : la responsabilité cruciale des organisations révolutionnaires », Revue internationale n° 170 (2023).
2) « Après la rupture dans la lutte de classe, la nécessité de la politisation des luttes », Revue internationale n° 171 (2023).
3) « Les ambiguïtés de la TCI sur la signification historique de la vague de grèves au Royaume-Uni », Révolution internationale n° 497 (2023).
4) « Colère des agricultures : Un cri de désespoir instrumentalisé contre la conscience ouvrière ! », publié sur le site web du CCI (2024).
Bruno Le Maire nous avertit cyniquement : « le gouvernement n’est pas une pompe à fric ». Il nous rappelle que c’est bel et bien la fin « du quoi qu’il en coûte ». En réalité, les prolétaires n’ont jamais goûté de prétendues « largesses » et ne s’attendent pas aujourd’hui plus qu’hier à des « cadeaux de l’État ». Cela, alors qu’il plonge dans la misère une partie croissante de la population et particulièrement les ouvriers. Le nouveau plan d’attaque contre les chômeurs s’inscrit à la suite des différents plans d’austérité successifs, accentuant le flicage et la misère, notamment depuis la réforme du chômage de 2019 remaniée en pis en 2021. Ces précédentes attaques avaient déjà fortement durci les conditions d’accès à l’ouverture des droits : avoir travaillé 6 mois sur 24 au lieu de 4 sur 28 auparavant. Les résultats ont été rapidement visibles au niveau des statistiques : baisse de 17 % du nombre total d’inscrits, et notamment - 24 % pour les moins de 25 ans, - 25 % à la fin d’un CCD et même - 35 % à la fin d’un contrat d’intérim. Mais pour le gouvernement Attal, comme pour tous les politiciens et patrons bourgeois, les chiffres se substituent aux souffrances et aux vies broyées dont ils se fichent comme d’une guigne. Le traitement de choc ne sera jamais suffisant à leurs yeux pour pressurer les travailleurs. Le gouvernement Attal nous a donc promis lors d’un entretien au 20 h de TF1 le 27 mars « qu’ une vraie réforme globale de l’assurance chômage serait élaborée d’ici l’été pour qu’elle puisse entrer en vigueur à l’automne ». Entendons qu’il s’agit d’attaques plus sévères encore afin de réduire une nouvelle fois comme peau de chagrin l’indemnisation des chômeurs.
Rappelons que, depuis 2018, les règles en matière de droits au chômage ont été changées pour passer à un système géré directement par le ministère du travail. Sans accord des « partenaires sociaux », le texte est exclusivement géré par le gouvernement afin de durcir plus rapidement et drastiquement la situation des chômeurs. C’est habile : les syndicats refusent de signer un projet immonde et passent la main au gouvernement. De fait, l’État nous refait la même duperie que pour la réforme des retraites avec un subtil partage du travail permettant, en partie, de dédouaner les syndicats qui peuvent ainsi mieux assumer leur fonction, occuper le terrain social comme opposants au projet alors qu’ils en sont les promoteurs cachés, encadrant et stérilisant par avance toute forme de contestation sociale sur le sujet. Une démarche et un dispositif qui sont révélateurs de l’ampleur de l’attaque brutale portée contre les chômeurs.
Face à la crise économique, à l’endettement massif et à l’inflation, la hausse du chômage ne pouvait qu’obliger le gouvernement à forcer les prolétaires sans emploi à accepter des conditions de travail totalement indignes. Il est clair que les énormes dépenses militaires engagées pour moderniser l’armement (413,3 milliards d’euros d’ici à 2030) le seront aux dépens de toute la société : que ce soit la santé, l’éducation, les travailleurs et surtout ceux que les bourgeois taxent de « bouches inutiles » : les retraités et naturellement les chômeurs.
Paradoxalement, il existe bien une pénurie de main d’œuvre dans bon nombre de secteurs, en particulier pour les travaux pénibles, dangereux et très mal rémunérés. L’objectif du gouvernement est de poursuivre la politique d’attaques engagées bien avant, depuis l’ère Sarkozy et Hollande, pour littéralement affamer les chômeurs afin de les contraindre à accepter avec servilité n’importe quel poste. Comme nous l’évoquions déjà il y a plus d’une quinzaine d’années, « le chômeur n’a pas de véritable choix : ou il accepte des travaux pénibles, peu rémunérés et il sombre davantage dans la précarité ; ou alors il refuse ces mêmes travaux proposés et il plonge sans aucune ressource dans l’exclusion totale. Cette pression terrifiante permet de mettre en concurrence sauvage les chômeurs afin de faire baisser partout les salaires bloqués depuis des années et rognés de toutes parts maintenant par le retour de l’inflation ».
Depuis le 1er janvier 2024, la sinistre machine étatique (Pôle emploi) contre les chômeurs est devenue une arme de guerre plus offensive, rebaptisée pour cela « France Travail » ! Tout un symbole. Désormais, la politique du chiffre déjà institutionnalisée depuis des décennies s’accompagne d’un durcissement des sanctions, avec la suppression pure et simple de l’allocation prévue dès le premier manquement à une obligation (excepté théoriquement pour le cas d’un rendez-vous manqué) au lieu de sa seule suspension.
Ajoutons à cette panoplie d’attaques la grande réforme complémentaire en direction des vieux travailleurs mise en chantier depuis des années qui doit permettre à ces derniers de travailler et d’être exploités jusqu’à la moelle avant la retraite : « le contrat de valorisation de l’expérience » ou « le nouveau pacte de la vie au travail », qui n’est autre qu’une funeste mise au pas au service d’une exploitation accrue.
Les attaques permanentes et violentes contre les chômeurs annoncent les autres attaques plus brutales contre toute la classe ouvrière. Les chômeurs sont des travailleurs comme les autres et appartiennent à la classe ouvrière à ce détail près qu’ils sont plus isolés que leurs compagnons de galère au travail. C’est donc toute la classe ouvrière qui doit se battre de manière solidaire en refusant les mesures favorisant l’indigence, l’asservissement et l’exploitation.
R, 17 avril 2024
L’inscription de « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » dans la Constitution a fait grand bruit dans les médias. Dans un contexte de crise politique, d’attaques réduisant tous les budgets sociaux et d’une crise économique rognant fortement les revenus, Macron et son gouvernement tentent à nouveau de polariser l’attention en cherchant à donner l’illusion d’un possible progrès dans la société capitaliste pourrissante. Cette prétendue liberté n’est pas, loin de là, une garantie, la loi n’étant d’ailleurs nullement contraignante en la matière. En réalité, ce nouveau « droit » offert par l’État français ne change absolument rien à la condition des femmes qui souhaitent interrompre leur grossesse. Il n’y a là qu’une opération d’enfumage destinée à enfoncer dans les crânes de la classe ouvrière que l’État est le garant des « libertés individuelles » et qu’il est capable d’améliorer le sort des exploités.
Cette campagne idéologique est aussi une tentative pour Macron de contrer la montée du RN tout en obtenant les bonnes grâces de l’électorat de gauche et du centre. Toute cette campagne autour de la Constitution française n’est donc qu’une pure fumisterie, largement teintée de cynisme, qui plus est. Les casseroles de certains ministres et députés accusés d’agressions sexuelles, tout comme la façon dont Macron a réagi quand ont éclaté les scandales et les propos ignobles de l’acteur Depardieu, suffisent à mesurer les hautes préoccupations de l’Exécutif envers les femmes…
Derrière tout le rideau de fumée médiatique et les gesticulations du gouvernement, la réalité reste celle d’une inévitable continuité de l’oppression de la femme qui relève fondamentalement de l’oppression du capital. Des « libertés », le capitalisme en offre à qui en veut ! Mais la liberté dans le capitalisme, c’est d’abord celle de répondre aux besoins du capital et de l’exploitation des travailleurs. Quelles sont les conditions de travail des ouvrières ? Dans les hôpitaux exsangues et en sous-effectifs ? Dans des écoles manquant de moyens ? Dans les usines aux cadences infernales ?
La démarche des révolutionnaires en Russie était bien différente lorsqu’ils furent les premiers à légaliser l’avortement en 1920. Après la Première Guerre mondiale, alors que la main d’œuvre manquait cruellement, aucune bourgeoisie au monde ne voulait entendre parler d’avortement. Aujourd’hui, là ou le prolétariat est le plus concentré et expérimenté, c’est l’inverse ! Dans un contexte où le prolétariat international reprend le chemin de la lutte et exprime de nouveau sa combativité, la bourgeoisie cherche à tout prix à empêcher la possibilité d’une lutte autonome et solidaire. En cela, les luttes parcellaires, comme celle du féminisme, sont un moyen de canaliser la colère et de diviser le prolétariat en cherchant à le détourner de son véritable combat de classe.
Les partis de gauche ne sont pas en reste pour en rajouter une couche, que ce soit Lutte Ouvrière appelant à combattre pour obtenir des moyens en faveur de l’IVG ou le NPA qui crie victoire en s’octroyant la réussite d’un combat pour le droit des femmes. Ce faisant, ils participent à enfermer les prolétaires dans ces combats parcellaires et inoffensifs pour le capital. La condition des femmes est indigne oui, mais comme l’écrivait Bebel en 1879 : « Quelle place doit prendre la femme dans notre organisme social afin de devenir dans la société humaine un membre complet, ayant les droits de tous, pouvant donner l’entière mesure de son activité, ayant la faculté de développer pleinement et dans toutes les directions ses forces et ses aptitudes ? C’est là une question qui se confond avec celle de savoir quelle forme, quelle organisation essentielle devra recevoir la société humaine pour substituer à l’oppression, à l’exploitation, au besoin et à la misère sous leurs milliers de formes, une humanité libre, une société en pleine santé tant au point de vue physique qu’au point de vue social. Ce que l’on nomme la question des femmes ne constitue donc qu’un côté de la question sociale générale ».
Une société qui repose sur la concurrence de tous contre tous dans la recherche de toujours plus de profit ne laisse qu’une seule liberté, celle de servir le capital ou de mourir. Pour le capital, une femme enceinte, quand elle appartient à la classe ouvrière, ne sert qu’à produire de la chair à usine ou de la chair à canon. L’enfant à naître devra au cours de sa vie être l’un ou l’autre. Aujourd’hui Macron se désespère de voir la natalité chuter en France mais faut-il s’en étonner ? Avoir un enfant n’est pas non plus une liberté quand, pour l’élever, il faudra lui garantir un toit, à manger, une éducation, des soins, une présence, de l’affection, un avenir… tout ce que la société capitaliste n’est plus en mesure d’offrir, bien au contraire.
Les libertés du capitalisme sont un leurre. Pour se libérer des chaînes du capital, et libérer l’humanité aujourd’hui menacée par l’irrationalité capitaliste, il appartient à la classe ouvrière de se lever et lutter pour scier les barreaux derrière lesquels le capital l’enferme.
GD, 15 mars 2024
Depuis le déchaînement barbare du conflit en Ukraine et son pourrissement dans une terrible guerre de position, les massacres en Israël et à Gaza, et les menaces d’embrasement au Moyen-Orient à travers un conflit direct entre Israël et l’Iran, les tensions autour de Taïwan, les incontrôlables appétits des nations conduisent les politiciens bourgeois à faire mine de « découvrir » que le vieux monde capitaliste est un sinistre panier de crabes. Au début du conflit en Ukraine, les discours cherchaient aussitôt à nous convaincre qu’il fallait rompre avec « l’angélisme » et accepter de se préparer à la « guerre de haute intensité » : faire des sacrifices pour alimenter de nouveaux meurtres de masse et planifier des destructions ! Bien sûr, au nom de la « paix » et de la « défense de la démocratie »…
Dans un contexte d’accélération des tensions impérialistes où le chacun pour soi est la règle, les bourgeoisies occidentales, en Europe comme aux États-Unis, redoublent d’efforts pour propager dans les médias les pires campagnes bellicistes. Ainsi, de manière totalement cavalière, le Président Macron s’est trouvé en pointe, soutenu par les chefs d’État de sept pays en Europe, pour affirmer qu’envisager l’envoi de soldats occidentaux en Ukraine « ne doit pas être exclu ». En Grande-Bretagne, le Général Patrick Sanders préconise de « doubler les effectifs de l’armée britannique » et appelle à préparer les citoyens ordinaires à une « mobilisation civique ». Il a été rejoint par le chef du comité militaire de l’OTAN, l’amiral Rob Bauer, qui a déclaré dans un discours : « La responsabilité de la liberté ne repose pas uniquement sur les épaules de ceux qui portent l’uniforme. […] Nous avons besoin que les acteurs publics et privés changent de mentalité par rapport à une époque où tout était planifiable, prévisible, contrôlable, axé sur l’efficacité… à une époque où tout peut arriver à tout moment ». En clair, ils souhaitent pouvoir mobiliser la population pour « l’effort de guerre » et préparer des troupes au combat.
Si de tels propos se multiplient et font polémique, ils sont aussitôt contredits du fait même des divisions et des tensions entre les différentes fractions bourgeoises. Mais toutes s’accordent cependant sur une chose : nous pousser à soutenir un camp parmi les belligérants dans la guerre, en l’occurrence celui de l’Ukraine. Tous les discours affirment de manière unanime que « l’Ukraine se bat pour nous » et « qu’en cas de défaite l’armée russe sera à nos portes ». C’est d’ailleurs dans ce contexte que l’anniversaire des soixante-quinze ans de l’OTAN a pris un relief particulier, fêté en grandes pompes tout en soulignant que l’enlisement de Poutine ne le rendait pas moins dangereux. Et si le secrétaire général Jens Stoltenberg a bien précisé qu’il n’était « pas prévu d’envoyer des troupes de l’OTAN sur le terrain ukrainien », il a tenu à préciser que « les alliés de l’OTAN apportent un soutien sans précédent à l’Ukraine ».
Il s’agit bel et bien de préparer les esprits à accepter le principe de la guerre et ses sacrifices. Ceci est d’autant plus important que, comme le soulignait Rosa Luxemburg au moment du premier conflit mondial, « la guerre est un meurtre méthodique, organisé, gigantesque. En vue d’un meurtre systématique, chez des hommes normalement constitués, il faut […] produire une ivresse appropriée. C’est depuis toujours la méthode habituelle des belligérants. La bestialité des pensées et des sentiments doit correspondre à la bestialité de la pratique, elle doit la préparer et l’accompagner ». (1)
Naturellement, dans cette optique, tous les discours bellicistes aujourd’hui ont d’abord pour objectif premier de justifier partout la hausse vertigineuse des budgets militaires. À cet égard, les augmentations impressionnantes des dépenses d’armement dans les pays scandinaves (par exemple de 20 % en Norvège) et dans les pays baltes sont hautement symboliques de cette nouvelle course frénétique aux armements. En fait, tous les pays en Europe font de gros efforts. On le voit, par exemple, avec la Pologne qui vise une part record de 4 % de son PIB (le plus fort taux au sein de l’OTAN), avec l’Allemagne qui, avec le budget de cette année (68 milliards d’euros), atteindra 2,1 % de son PIB pour la première fois depuis plus de trente ans, ou avec la France qui prévoit de dépenser la coquette somme de 413,3 milliards d’euros sur sept ans.
Aujourd’hui, l’implication et les efforts à fournir en dépenses d’armement prennent une qualité nouvelle. Pourtant, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, la « paix » n’a été en réalité qu’une mystification tant les cadavres se sont accumulés. Après l’effondrement du bloc de l’Est, le nouveau « monde multipolaire » n’a fait qu’engendrer un chaos impliquant de manière croissante les armées des grandes puissances impérialistes dans des conflits coûteux, au premier rang desquels celle des États-Unis. Mais les sommes gigantesques programmées aujourd’hui le sont cette fois dans un contexte d’accélération de la décomposition et d’approfondissement dramatique de la crise économique qui a suivi le choc brutal occasionné par l’épidémie de Covid.
La situation actuelle est marquée par une stagnation de la croissance industrielle, voire par des signes de récession, alors que les dettes ne font que se creuser et que l’inflation rogne toujours les salaires. C’est dans ce contexte fortement dégradé que la bourgeoisie se doit d’attaquer encore davantage les ouvriers afin de renforcer de manière consistante ses moyens militaires. En clair, la bourgeoisie n’a pas d’autre choix, du fait de la spirale dans laquelle l’entraîne la faillite de son système, le capitalisme, que de planifier froidement des attaques en vue de préparer la guerre, d’imposer l’austérité pour nous entraîner davantage dans sa logique de destruction.
Une telle folie et les nouvelles attaques économiques qu’elle induit ne peuvent que favoriser les conditions pour une poursuite de la lutte de classe. En réalité, les campagnes idéologiques sur la guerre révèlent de manière paradoxale que la bourgeoisie marche sur des œufs pour tenter d’imposer l’austérité. Toutes ses inquiétudes sont d’ailleurs confirmées par la reprise des luttes ouvrières au niveau international, particulièrement en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord. De telles résistances, malgré leurs grandes faiblesses, témoignent du fait que la classe ouvrière de ces pays n’est pas prête à « mourir pour la patrie ».
WH, 10 avril 2024
1) Rosa Luxemburg, La crise de la social-démocratie (1915).
Mi-janvier, la bourgeoisie allemande a lancé une intelligente campagne visant à soutenir la démocratie. Cette campagne a montré tout le caractère sournois de la bourgeoisie allemande et comment elle essaie d’exploiter particulièrement contre la classe ouvrière les répugnants effets de la décadence de son système, et ce avec un certain succès.
En novembre 2023, diverses fractions de l’AfD, des extrémistes de droite, des membres de la CDU qui en faisaient toujours partie à ce moment-là, se sont réunis « en secret » à Potsdam pour discuter de mesures radicales à prendre contre les étrangers et tous les immigrés. Dans leurs plans complètement irrationnels, sur fond de haine et de nationalisme et dont les conséquences s’opposent souvent aux intérêts du capital allemand, ils envisageaient apparemment des déportations massives de millions de personnes. La réunion a été suivie par des journalistes de Correctiv (et probablement aussi par l’Office fédéral de protection de la constitution). L’événement a été rendu public à la mi-janvier, et peu de temps après a été lancée la plus grande mobilisation d’État contre la droite et en particulier contre l’AfD pour la « défense de la démocratie » (entre autres slogans) depuis des années.
Tout cela intervient juste au moment où les partis bourgeois ont mené un intense lobbying contre le « trop-plein de réfugiés » et en faveur d’« expulsions massives », et après que, « enfin », des « mesures coercitives » plus générales (la « réforme du droit d’asile ») ont été décidées au niveau européen, c’est-à-dire des déportations, etc., menées non par des groupes de droite fanatisés, haineux et xénophobes, mais sanctifiées démocratiquement, prises en main par l’État lui-même et avec des mesures policières appropriées. Les politiciens de la CDU, à l’instar du gouvernement anglais (dirigé par les Conservateurs), souhaitent eux aussi expulser les clandestins vers le Rwanda.
Il serait naïf de croire que cette rencontre n’était qu’une aubaine pour la classe dirigeante. Il est trop évident que de telles rencontres et les fantasmes de déportation de la droite et de l’AfD font le jeu de l’État, car l’une des plus grandes campagnes a maintenant eu lieu (sous l’impulsion des plus hautes instances) soi-disant pour la protection des personnes concernées et surtout pour la défense de la démocratie.
Il s’agit de détourner l’attention de la politique menée depuis des années par la Forteresse Europe et qui chaque année fait d’innombrables victimes qui laissent la vie dans leurs tentatives désespérées de rejoindre l’Europe, ou une fois arrivées se retrouvent dans des camps de réfugiés ou n’importe où dans la rue. Mais il ne s’agit pas seulement de l’hypocrisie de ceux qui sont au pouvoir, lesquels veulent dissimuler la violence quotidienne et bien plus large de leurs propres mesures en mettant en lumière les projets de déportation de la droite. En réalité, les dirigeants endossent là toute une démarche politique. À la demande des plus hauts niveaux du gouvernement, à travers les syndicats et toutes les initiatives de la « société civile », des centaines de milliers de personnes se rassemblent désormais, principalement le week-end, dans presque toutes les villes pour protester contre la droite et défendre la démocratie. L’État et les forces qui travaillent pour lui n’auraient pas pu rêver mieux pour rallier la population à eux. Le piège de la démocratie était désormais tendu !
La classe dirigeante, partout dans le monde, a effectivement un énorme problème avec la perte de crédibilité de tous ses partis parlementaires et l’abstention croissante aux élections. De plus en plus de personnes doutent des promesses et des engagements des dirigeants et sont profondément préoccupées par l’avenir de la planète et la spirale destructrice déclenchée par le capitalisme, avec toutes les guerres et l’aggravation de la crise économique. Mais comme en même temps elles ne voient pas de solution, beaucoup ont été poussées dans les bras des partis protestataires. En outre, le nombre de membres des partis établis diminue et il y a de plus en plus de petits « groupes dissidents », tant à droite qu’à gauche.
Comme dans nombre d’autres pays, cette éclosion massive de partis populistes et de droite pose un gros problème aux partis bourgeois traditionnels, car elle mine la stabilité des gouvernements et la cohésion de la société. Mais la classe dominante ne serait pas la classe dirigeante si elle ne tentait pas d’exploiter à son profit cette décomposition des fondements de la société capitaliste.
D’où le stratagème visant à exploiter les aspirations réelles des populistes et de la droite (y compris l’envie de mener des pogroms) à travers une campagne visant à défendre la démocratie et à entraîner la population derrière le char de l’État. Ledit État vient tout juste d’appeler la population à s’unir derrière lui pour en renforcer tous les aspects militaristes. C’est pourquoi cet appel à la défense de la démocratie est aussi un leurre pour lier la population à l’État.
Dans le même temps, on a vu ces dernières semaines d’importantes manifestations d’agriculteurs, de transporteurs routiers et d’artisans contre les réductions de subventions que l’État a entreprises, ainsi que des protestations contre la vague de plans d’austérité que le gouvernement a dû adopter en partie à cause de la guerre en Ukraine. Ces manifestations, menées par des agriculteurs et d’autres travailleurs indépendants, sont une conséquence de l’aggravation mondiale de la crise économique et de la guerre. Mais à cause des blocages de la circulation, ces manifestations attirent beaucoup l’attention ou sont mises en lumière sans pour autant gêner la classe dominante. On voit colportée l’idée que les blocus isolés et radicaux constitueraient un moyen central de résistance. Mais de tels barrages routiers n’offrent en tant que tels aucune perspective d’unité contre l’État et sa politique de guerre.
Si derrière ces manifestations se profile réellement la colère de tous ceux qui sont touchés par la dégradation de leur condition suite aux effets de la crise, elles servent en même temps d’écran de fumée à une confusion idéologique. Elles ne sont pas l’expression de la contradiction entre les deux principales classes du capitalisme, la bourgeoisie et le prolétariat, mais expriment plutôt la peur et la colère de couches intermédiaires, de travailleurs indépendants et de dirigeants d’entreprises agricoles, qui n’expriment aucune perspective en-dehors et contre l’exploitation capitaliste. Ce n’est pas un hasard si la première attaque frontale, à savoir les attaques sociales baptisées « austérité », a été dirigée contre ces couches intermédiaires. Ces manifestations de colère sans perspective sont instrumentalisées pour contenir les luttes de la classe ouvrière sur un faux terrain, essayer de les mener dans le piège des luttes interclassistes.
Un autre objectif important de l’État, dans l’organisation de la campagne pour la défense de la démocratie et l’alliance la plus large possible autour de lui, est d’affaiblir la combativité croissante de la classe ouvrière par le biais de l’anesthésiant qu’est la démocratie.
À l’automne dernier, les syndicats et notamment Ver.di, le syndicat des services publics où l’État est l’employeur, ont dû mener plusieurs grèves d’avertissement afin de canaliser la pression des salariés. Du fait de l’inflation, encore exacerbée par la guerre et la détérioration des conditions de travail au fil des années (intensification du travail, suppression d’effectifs, etc.), Ver.di a été contraint de revendiquer des hausses de salaires, en particulier pour les plus basses tranches. Toutes ces négociations salariales se sont finalement conclues à l’automne 2023, avant que le syndicat des conducteurs de trains GdL ne présente cet hiver ses revendications. Bien entendu, le GdL a attendu que son concurrent le syndicat EVG, ainsi que les autres travailleurs des transports, aient leurs conventions collectives en poche.
Après que la grève des conducteurs de train du 24 au 29 janvier ait été annoncée puis terminée le 28 janvier, c’était au tour des travailleurs de la santé le mardi 30 janvier, puis des travailleurs des aéroports le jeudi 1er février et ceux des ÖPVN (travailleurs des transports en commun urbains) le vendredi 2 janvier d’être appelés à mener une grève d’avertissement et des manifestations dans de nombreuses villes. Tous ces mouvements ont été strictement séparés les uns des autres, afin que personne n’ait l’idée qu’il existe des intérêts communs entre les salariés et qu’il n’y ait aucun sentiment de solidarité, ni même de nécessité et de possibilité de se rassembler pour lutter ensemble.
Dans le même temps, on a privé de toute possibilité de manifestation de grande ampleur les salariés qui auraient bien sûr été contrôlés et encadrés par les syndicats, mais dont au moins les revendications auraient été portées contre leur employeur à tous (souvent l’État). Cela signifie qu’en une semaine, on a vu dans pratiquement tous les Länder une résistance et des manifestations ouvrières contre la dégradation de leur condition, mais divisées et séparées les unes des autres ! Les syndicats ont ainsi réussi à maintenir la division grâce à leur calendrier de grèves d’avertissement bien isolées.
Dans ce contexte, depuis janvier, le tambour n’a cessé de battre le rassemblement des citoyens, des personnes assez courageuses pour défendre la démocratie, etc. Même s’il n’y a pas actuellement de risque d’explosion de la lutte de classe, les manifestations organisées par l’État pour défendre la démocratie ont d’abord et avant tout servi à masquer le fossé de classe entre les intérêts de la classe ouvrière et ceux de l’État, lequel protège les intérêts du Capital.
Alors que la classe dominante cherche à instrumentaliser la décomposition de sa propre société contre la classe ouvrière et à créer une unité nationale derrière l'État par des campagnes sophistiquées pour défendre la démocratie, la classe ouvrière ne doit pas se laisser duper par ces campagnes idéologiques. Un véritable combat de classe ne peut se déployer qu’en se débarrassant des entraves syndicales et en comprenant que les intérêts entre Capital et Travail sont opposés, que ce système nous mène dans une impasse.
Wg, 5 février 2024
Les violences organisées qui secouent le Moyen-Orient ont suscité une profonde indignation dans le monde entier. Tout d’abord en raison de l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre, qui a fait 1 200 morts et 2 700 blessés parmi la population israélienne, et ensuite à cause du massacre incessant et massif de la population vivant dans la bande de Gaza, perpétré par les forces de défense israéliennes (FDI). Les organisations révolutionnaires ont le devoir de dénoncer cette barbarie impérialiste comme elles l’ont fait tout au long de l’histoire du mouvement ouvrier, et ce depuis le manifeste « aux ouvriers de toutes les nations » des membres parisiens de l’Internationale : « La guerre pour une question de prépondérance ou de dynastie ne peut être, aux yeux des travailleurs, qu’une criminelle folie ». (1)
Ainsi, au regard de cette responsabilité, des groupes comme la Tendance communiste internationaliste (TCI) Internationalist voice ou Internationalist communist perspective (Corée) ont répondu à ce devoir fondamental en défendant dans leurs articles une position internationaliste claire sur la guerre au Moyen-Orient.
– « La classe ouvrière doit refuser d’être enrôlée dans les guerres de la classe dominante et lutter contre les exploiteurs des deux pays. Il n’y a qu’une seule voie pour la classe ouvrière israélienne et palestinienne […] : la lutte au-delà des nations et des frontières pour les intérêts communs de la classe ouvrière. Seule une lutte de classe internationale pour renverser le système capitaliste peut mettre fin au carnage et aux guerres ». (2)
– « Seule la lutte de classe des travailleurs peut offrir une alternative à la brutalité du capitalisme, car le prolétariat n’a pas de patrie à défendre, son combat doit franchir les frontières nationales et se développer à l’échelle internationale ». (3)
– « Toutes les bourgeoisies sont également les ennemis mortels du prolétariat, qui ne doit pas verser la moindre goutte de sang pour ses exploiteurs et pour ses objectifs nationaux-impérialistes. […] L’indication fondamentale de l’unité de classe de tous les secteurs du prolétariat (contre la bourgeoisie, ses États, ses alignements impérialistes) indépendamment de l’origine “nationale”, aura encore plus de valeur, si jamais cela était possible ». (4)
Dans le cas des différents groupes bordiguistes, la situation est plus nuancée. En tant que composants du milieu révolutionnaire, leur position est fondamentalement internationaliste dans la mesure où ils dénoncent le massacre impérialiste et rejettent tout soutien à l’un ou l’autre des camps opposés. Cependant, malgré les grands discours sur leur engagement internationaliste, leur défense concrète de l’internationalisme n’est pas sans équivoque. En soutenant pour les uns la lutte contre « l’oppression nationale » des prolétaires et des masses palestiniennes, pour les autres l’idée que ces massacres vont générer un développement des luttes ouvrières dans la région et dans le monde, ces groupes révèlent de dangereuses ambiguïtés sur la manière de promouvoir et de défendre l’internationalisme prolétarien dans la période actuelle de décomposition du capitalisme.
Le Parti communiste international (PCI – Le Prolétaire), derrière sa déclaration de solidarité vis-à-vis des prolétaires palestiniens, appelle en réalité à lutter contre l’oppression nationale des Palestiniens : « Palestine : un prolétariat et un peuple condamnés à être massacrés. Israël : un État né de l’oppression du peuple palestinien et un prolétariat juif prisonnier des avantages immédiats et complice de cette oppression ». (5) Ainsi, alors que les révolutionnaires internationalistes devraient dénoncer la spirale des affrontements impérialistes entre bourgeoisies dans laquelle sont entraînées les différentes fractions du prolétariat du Moyen-Orient, promouvoir auprès des ouvriers le rejet de tout mouvement de « libération nationale » car « les prolétaires n’ont pas de patrie », Le Prolétaire appelle, tout d’abord, à une lutte pour mettre fin à « l’oppression par Israël des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie », ce qui exclut, par la suite, toute solidarité avec la classe ouvrière d’Israël qui est « prisonnière des avantages immédiats et complice de cette oppression ».
Un autre groupe, le PCI (Il partito comunista), semble défendre des positions internationalistes convaincantes lorsqu’il écrit : « Nous devons appeler les prolétaires palestiniens et israéliens à ne pas se laisser berner par leur bourgeoisie […], à ne pas s’immoler comme chair à canon dans des guerres contraires à leurs intérêts ». Mais dans la phrase suivante, il ajoute : « Nous devons appeler les prolétaires Juifs israéliens à saboter l’effort de guerre de leur bourgeoisie impérialiste et génocidaire et à lutter contre leur bourgeoisie et contre l’oppression nationale de leurs frères de classe palestiniens ». (6) Il n’appelle donc pas ici à la solidarité internationale de tous les prolétaires contre la guerre impérialiste, mais exhorte les prolétaires israéliens à soutenir la lutte des travailleurs palestiniens contre cette oppression nationale.
Enfin, le PCI (Cahiers internationalistes) constate l’épuisement des mouvements « révolutionnaires nationaux » anticoloniaux et avance ainsi la perspective que « dans cette situation terrible, le prolétariat moyen-oriental pourra trouver la force d’échapper aux rets de l’opportunisme qui l’emprisonnent. Nous souhaitons que, comme dans les grandes batailles du passé, il sache aligner les meilleurs combattants de sa cause, qu’il sache faire de la défaite hélas inévitable d’aujourd’hui le point de départ d’un avenir riche en victoires ». (7) En d’autres termes, ils propagent la perspective fallacieuse selon laquelle le prolétariat au Moyen-Orient, seul, mobilisé comme il l’est derrière des mystifications religieuses et nationalistes et écrasé par les massacres impérialistes, pourra tirer les leçons de ces défaites et être à la base de la résurgence des luttes qui renouent « avec les grandes batailles du passé » (on se demande lesquelles… peut-être les soi-disant « mouvements nationaux-révolutionnaires » des années 1960 et 1970 où la classe ouvrière du Moyen-Orient était mobilisée derrière diverses factions bourgeoises nationales ?).
Même si ces organisations ne soutiennent pas ouvertement un camp impérialiste (ni la bourgeoisie palestinienne de Cisjordanie, ni celle de la bande de Gaza), elles laissent la porte ouverte à un soutien à la lutte des « masses » et du « peuple » palestiniens contre leur « oppression nationale », ce qui ne peut qu’exacerber le fossé entre la classe ouvrière d’Israël et celle des pays arabes… Ces dérives vers des perspectives dites « nationales-révolutionnaires » constituent une menace pour le positionnement internationaliste de ces organisations.
L’internationalisme prolétarien est une frontière de classe qui, face à la guerre impérialiste, sépare la classe ouvrière de la bourgeoisie. C’est un principe que nous devons défendre bec et ongles à chaque instant : dans nos interventions dans les luttes ouvrières, dans nos réunions publiques, dans nos rapports et dans notre presse. En ce sens, nous faisons nôtres les paroles de Lénine selon lesquelles « Il n’est qu’un, et un seul internationalisme véritable : il consiste à travailler avec abnégation au développement du mouvement révolutionnaire et de la lutte révolutionnaire dans son propre pays, à soutenir (par la propagande, la sympathie, une aide matérielle) cette même lutte, cette même ligne, et elle seule, dans tous les pays sans exception. Tout le reste n’est que mensonge et optimisme béat ». (8) Les bolcheviks ont souvent fait cavalier seul dans leur critique des positions opportunistes sur la question de la guerre, mais il s’agissait là d’une partie indispensable de leur travail de construction du parti mondial. Ce combat théorique était et reste essentiel pour approfondir toutes les conséquences d’une position internationaliste et pour distinguer les révolutionnaires des ennemis de la classe ouvrière, en particulier des social-chauvins.
Dans la période de décadence du capitalisme, période où les rapports de production établis par le mode de production capitaliste se sont transformés en un obstacle de plus en plus grand au développement des forces productives, la bourgeoisie n’a plus de rôle progressiste à jouer dans le développement de la société. Aujourd’hui, la création d’une nouvelle nation, la constitution juridique d’un nouveau pays, ne permet aucune avancée réelle dans le cadre d’un développement que les pays les plus anciens et les plus puissants sont eux-mêmes incapables d’assumer. Dans un monde dominé par les affrontements impérialistes, toute lutte de « libération nationale », loin de constituer une dynamique progressiste, ne constitue en réalité qu’un épisode d’affrontements impérialistes auxquels les prolétaires et les paysans enrôlés, de gré ou de force, ne participent que comme chair à canon.
Les mouvements de « libération nationale », qui ont marqué les années 1960 et 1970 en particulier, ont clairement démontré que le remplacement des colonisateurs par une bourgeoisie nationale ne représentait en rien un progrès pour le prolétariat, mais l’entraînait au contraire dans d’innombrables conflits d’intérêts impérialistes, dans lesquels ouvriers et paysans étaient massacrés. Mais le cadre théorique obsolète des groupes bordiguistes les empêche de comprendre les enjeux réels auxquels le prolétariat international, et ses éléments en Israël/Palestine, est confronté dans le brasier impérialiste de Gaza.
Le Prolétaire continue d’analyser la question palestinienne dans le cadre de « l’esprit et la poussée “nationale-révolutionnaire” indépendantiste qui caractérisaient les luttes contre l’oppression nationale en Algérie, au Congo et, plus tard, en Angola et au Mozambique et qui avaient longtemps caractérisé la révolte spontanée du prolétariat palestinien ». (9) Le drame et le défi du « mouvement de libération » palestinien est, pour Le Prolétaire que « le gigantesque potentiel de classe représenté par le prolétariat et les masses prolétarisées palestiniennes, tout en se manifestant à travers leur lutte armée et indomptable en Palestine, au Liban, en Syrie et en Jordanie, n’exprimait pas un programme politique autonome, de classe, capable de guider le mouvement national ». Ainsi, ce groupe appelle toujours à un « mouvement de libération » palestinien, alors que les révolutionnaires doivent au contraire défendre la position qu’aujourd’hui tous les États, toutes les bourgeoisies sont impérialistes et que les prolétaires ne doivent en aucun cas soutenir les mouvements contre l’oppression nationale.
Il partito comunista partage fondamentalement le même cadre, puisqu’il formule la critique selon laquelle cette guerre n’est pas une véritable « lutte de libération nationale » menée par les Palestiniens, parce qu’une telle lutte « n’aurait pas exposé avec un tel cynisme la population de Gaza à l’épouvantable vengeance d’Israël ». (10) Alors que les révolutionnaires doivent appeler au rejet de tout soutien à des objectifs nationalistes, ce groupe insiste pour gagner le soutien de la classe ouvrière israélienne à la lutte contre l’oppression nationale et regrette cyniquement que le massacre perpétré par le Hamas l’ait rendu impossible : « En outre, la lutte contre l’odieuse oppression nationale imposée aux Palestiniens aurait pu gagner le soutien même des Israéliens, principalement de la classe ouvrière, si elle n’avait pas été placée sur le plan du massacre de civils, conformément au programme délibéré de tuer les Juifs où qu’ils se trouvent, mis en œuvre par l’obscurantiste Hamas ».
Pour sa part, Cahiers internationalistes fait le constat de l’épuisement des mouvements anticoloniaux depuis le milieu des années 1970 et souligne que « les “questions nationales” non résolues au milieu des années 70, c’est-à-dire au moment où les potentialités des mouvements anti-coloniaux se sont transformées en gangrènes contre-révolutionnaires ». (11) Cependant, en raison de l’impossibilité de mouvements révolutionnaires nationaux contemporains, ce groupe affirme que ce contexte de destruction impérialiste totale et de chaos barbare constitue un terrain fertile pour le développement d’un vaste mouvement prolétarien : « Ce qui alarmera le plus les gouvernements, si le bain de sang continue, ce seront les témoignages massifs de solidarité en provenance des capitales arabes […] et des nombreuses métropoles capitalistes (où réside depuis des années le prolétariat arabe immigré, en particulier palestinien) ».
Certes, la bourgeoisie locale, en alliance avec les divers chefs religieux et nationalistes, exploitera les divisions religieuses et nationalistes « pour éviter la contagion de classe. Les gouvernements bourgeois feront tout pour rompre le lien instinctif avec les lointains prolétaires massacrés par des forces aussi puissantes : ce lien a aussi un rôle matériel à jouer dans la lutte, alors que la tempête de “plomb fondu” s’abat sur les habitations et sur les corps ». En bref, comme le titre de leur article le suggère déjà, leur perspective est que la réaction prolétarienne partira des bains de sang des confrontations impérialistes et des parties mêmes du prolétariat mondial qui sont piégées dans les « gangrènes contre-révolutionnaires » de la libération nationale et massacrées par les différents impérialismes au Moyen-Orient. Mais contrairement à ce qui s’est passé lors de la Première guerre mondiale, dans la période actuelle de décomposition du capitalisme, c’est l’extension de la lutte du prolétariat mondial contre les attaques provoquées par la crise économique et l’expansion du militarisme qui offrira une perspective aux prolétaires du Moyen-Orient.
En aucun cas, depuis la Première guerre mondiale, une lutte « nationale-révolutionnaire » n’a constitué une perspective pour la lutte révolutionnaire du prolétariat susceptible de former le point de départ d’une véritable réaction prolétarienne. Le cadre obsolète de ces groupes bordiguistes les empêche de comprendre les enjeux actuels au Moyen-Orient et les conduit à développer des positions ambiguës, ouvrant la porte à des dérives opportunistes.
La guerre à Gaza n’est pas, comme l’affirme Cahiers internationalistes, « la énième vague de massacres », supposément suivie d’une nouvelle période de stabilité et de paix. Au contraire, cette guerre représente une nouvelle étape significative dans l’accélération du chaos dans la région et même au-delà. « L’ampleur des tueries dénote en elle-même que la barbarie a franchi un nouveau cap. […] Les deux camps se vautrent dans la fureur meurtrière la plus effroyable et la plus irrationnelle ! ». (12) Nous sommes face à l’expression la plus aboutie de la barbarie, un combat sanglant jusqu’à ce qu’il ne reste plus que des ruines dans une région devenue totalement inhabitable. La guerre en Ukraine était déjà une nouvelle étape dans l’aggravation des affrontements impérialistes. La guerre à Gaza franchit une étape supplémentaire.
Même si cela ne conduit pas au déclenchement d’une guerre mondiale, le cumul et les effets combinés de toutes ces guerres peuvent avoir des conséquences similaires, voire pires, pour la vie sur la planète. Mais les groupes bordiguistes expriment une forte tendance à sous-estimer les enjeux de la situation actuelle, ce qui conduit à des conclusions et des orientations erronées. Leur incapacité à comprendre les dangers réels de la situation actuelle est clairement démontrée par le fait que ces organisations banalisent la gravité historique et l’impact de la guerre à Gaza. (13) D’une part, les positions du Prolétaire soutiennent que les conditions actuelles permettent encore au prolétariat palestinien de lutter pour ses propres intérêts contre les bourgeoisies israélienne et palestinienne. En revanche, Il partito comunista penche pour la guerre mondiale, qui est « une nécessité économique inéluctable », car le capitalisme « ne peut survivre qu’en détruisant. C’est pourquoi il a besoin de la guerre générale ». (14)
Ce que nous avons vu au cours des quatre dernières années n’est pas une montée en puissance vers une guerre mondiale, mais une situation qui s’est accélérée au niveau mondial à travers une accumulation de crises : pandémie, crise écologique, crise alimentaire, crise des réfugiés et crise économique. Même si certains de ces groupes ont identifié cette accumulation de crises, aucun d’entre eux ne comprend que ces crises ne sont pas isolées les unes des autres, mais qu’elles font partie d’un même processus de décomposition du monde capitaliste, chacune d’entre elles renforçant les effets de l’autre. Dans ce processus de décomposition, la guerre est devenue le facteur central, le véritable catalyseur, celui qui aggrave toutes les autres crises. Elle aggrave la crise économique mondiale, plonge des pans entiers de la population mondiale dans la barbarie ; elle entraîne le chômage et la misère sociale dans les pays capitalistes les plus puissants, et accroît les effets destructeurs du péril écologique. Il est donc erroné de considérer la guerre actuelle à Gaza comme un énième massacre au Moyen-Orient qui pourrait être suivi d’une période de calme ou de reconstruction, quelle qu’en soit la forme. (15)
Face à cette guerre, les différents groupes bordiguistes montrent leur totale incapacité à comprendre les enjeux des confrontations impérialistes actuelles. L’absence d’un cadre adéquat, celui de la décadence et de la décomposition du capitalisme, conduit toutes les organisations bordiguistes à s’accrocher à un concept dépassé, incapable d’expliquer toute la dynamique de la situation actuelle et ouvrant la porte à de graves dérives opportunistes.
D&R, 22 Février 2024
1) Le Réveil du 12 juillet 1870 (cité par Marx dans La Guerre civile en France [26]).
2) « Against the carnage in the Middle East, beyond nationalism to class war against the ruling class [27]! », Internationalist communist perspective (Corée, 2023).
3) « The Propaganda War, The War of Propaganda [28] », Internationalist voice (2023).
4) « La dernière boucherie au Moyen-Orient fait partie de la marche vers la guerre généralisée [29] », Tendance communiste internationaliste (2023)
5) « Ce ne sont pas les actions terroristes du Hamas mais la lutte de classe indépendante et la solidarité prolétarienne de tous les pays qui pourront mettre fin à l’oppression des Palestiniens [30]! », Le Prolétaire n° 551 (décembre 2023 – janvier 2024)
6) « Guerre à Gaza [31] », publié sur le site du PCI-Il partito comunista en français (13 octobre 2023).
7) « Israël et Palestine : Terrorisme d’État et défaitisme prolétarien [32] », Cahiers internationalistes (2023).
8) Lénine, Les tâches du prolétariat dans notre révolution [33] (1917).
9) « Les actions terroristes du Hamas aujourd’hui comme hier celles du Fatah ou des autres organisations guérilléristes ne pourront mettre fin à l’oppression israélienne des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie. L’avenir du prolétariat palestinien, comme celui des prolétaires de tout le Moyen-Orient, d’Europe et du monde, réside dans la lutte de classe indépendante et la solidarité de classe prolétarienne de tous les pays ! », article publié sur le site du PCI-Le Prolétaire [34] dans la rubrique « Prise de position [34] » (4 janvier 2024).
10) « The Gazan Proletariat Crushed in a war between world imperialisms [35] », The communist party n° 56 (2024).
11) « Israël et Palestine : Terrorisme d’État et défaitisme prolétarien [32] », Cahiers internationalistes (2023).
12) « Ni Israël, ni Palestine ! Les ouvriers n’ont pas de patrie [36]! », Révolution internationale n° 499 (2023).
13) Cahiers internationalistes a republié un article sur la guerre à Gaza en 2009, un choix que ce groupe a justifié en disant que « rien n’a pratiquement changé, si ce n’est l’augmentation exponentielle de la puissance de feu [israélienne] qui s’est déchaînée dans la Bande de Gaza ».
14) « Un 1er Mai contre la guerre », tract d’Il partito comunista.
15) Cette sous-estimation s’exprime aussi, par exemple, par le peu d’activités publiques de ces groupes au début de cette guerre : Le Prolétaire n’a publié que deux articles, Il partito comunista deux articles et organisé une réunion publique, Cahiers internationalistes deux articles et une réunion publique.
Dans de nombreux pays déjà, les partis populistes sont présents et, dans certains d’entre eux, ils sont même parvenus au gouvernement. Les partis populistes ont un poids important dans au moins une douzaine de Parlements de pays européens, mais l’événement le plus déterminant a été l’arrivée de Trump à la présidence des États-Unis, sans oublier le Brexit adopté par le Royaume-Uni. Il ne faut cependant pas négliger l’extension de cette tendance en Amérique Latine, avec le gouvernement de Bolsonaro au Brésil ou celui actuellement en place en Argentine dirigé par Javier Milei.
L’arrivée à la tête de l’État de l’actuel gouvernement argentin a, en effet, ses racines dans une vague populiste internationale, un pur produit de la crise économique et de la décomposition qui pèse sur la société capitaliste en déclin. Les gouvernements, de gauche comme de droite, après avoir promis d’améliorer la situation, n’ont fait qu’attaquer davantage les prolétaires en généralisant la misère et la pauvreté. Les groupes bourgeois qui se présentent fallacieusement comme des critiques des politiques traditionnelles ne font que reprendre et accentuer les mêmes politiques anti-ouvrières. Lors de son investiture, Milei a d’ailleurs déclaré qu’il ouvrait « une nouvelle ère en Argentine, une ère de paix et de prospérité, une ère de croissance et de développement, une ère de liberté et de progrès… ». Mais il a suffi de quelques semaines seulement pour montrer que derrière ces promesses se cachait une dégradation encore plus terrible des conditions de vie : salaires en baisse, licenciements et répression.
Pour tenter d’atténuer l’impact de la crise économique, la bourgeoisie ne peut qu’accroître l’exploitation et la misère des travailleurs. Ce constat a été corroboré de manière particulièrement dramatique dans le cas du prolétariat argentin. Le « plan de choc » anti-inflationniste, appliqué par Milei en moins de cent jours, a déclenché une véritable famine et un réel désespoir parmi les travailleurs. Au cours des deux premiers mois de ce gouvernement, les salaires se sont tellement dégradés qu’ils ne suffisent plus à acquérir les biens essentiels à la subsistance. Les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 66 % et ceux des médicaments de 65 %. Mais ce n’est pas la seule chose qui devient inaccessible : le prix des transports publics a augmenté de 56 %, le carburant de 125 %, l’électricité de 130 %… et à tout cela, il faut ajouter les licenciements massifs, qui ont déjà atteint un chiffre qui se situe entre 50 et 60 000 personnes. On s’attend à ce que durant l’année 2024, il y ait 200 000 licenciements.
Les chiffres officiels pour évaluer les conditions de vie de la population indiquent une augmentation accélérée de la pauvreté. Les chiffres de décembre 2023 montrent que 44,7 % de la population est en dessous du « seuil de pauvreté ». Et en janvier 2024, ce taux est déjà passé à 57,4 % ! Les attaques ne s’arrêtent pas : les salaires de base des enseignants ont été réduits, un « ajustement » des départs à la retraite et une plus grande « flexibilité du travail » se préparent, ce qui signifie des licenciements sans indemnités, la suppression de la rémunération des heures supplémentaires et, bien sûr, l’interdiction des grèves. La faim et les pertes d’emploi sont les principales raisons qui ont poussé les travailleurs à manifester dans les rues. Ces mobilisations, bien que naissantes, ont exprimé une grande combativité.
Les travailleurs argentins ne sont pas seulement confrontés aux attaques directes du gouvernement, ils sont également confrontés aux pièges que les syndicats et les partis d’opposition préparent pour encadrer le mécontentement. Les partis de gauche du capital se sont réorganisés, détournant le mécontentement vers la défense de l’économie nationale, comme l’a fait la CGT lors de la grève du 24 janvier, avec le slogan « le pays n’est pas à vendre », ou comme le font les gouverneurs « en révolte », en essayant de réduire le problème à « la défense constitutionnelle des ressources des provinces », ou comme les députés péronistes qui cherchent à détourner le mécontentement vers l’appel à la destitution de Milei. L’opposition détourne les luttes ouvrières sur le terrain nationaliste, essayant de faire en sorte que les revendications concernant l’emploi et l’augmentation des salaires, qui étaient présentes dans les manifestations, soient noyées dans la défense de l’économie nationale et que toute la combativité soit enfermée dans le faux dilemme entre les politiques de « plus État » proposées par le péronisme, et celles « néolibérales » ou « libertariennes » de Milei.
Dans cet enchevêtrement de faux choix, se distinguent les manœuvres du péronisme qui, après s’être discrédité pendant des décennies au sein du gouvernement en organisant lui-même l’austérité, est maintenant déterminé à effacer son discrédit en assumant à nouveau le rôle d’opposition au gouvernement, dans le cadre de la répartition des tâches que tous les partis accomplissent dans le jeu de la soi-disant « alternance démocratique ». Face au « plan de choc », Sergio Massa (ancien candidat à la présidentielle) et des gouverneurs péronistes s’unissent pour « tenir tête » au gouvernement. Surtout, il y a Cristina Kirchner (ancienne vice-présidente du précédent gouvernement), avec sa lettre « L’Argentine dans sa troisième crise de la dette », et le gouverneur de Buenos Aires Axel Kicillof (ancien ministre de l’Économie du gouvernement de Cristina Kirchner), avec son rapport d’ouverture du congrès en mars, qui ont donné le ton aux forces d’opposition bourgeoises. Leurs discours « enflammés » critiquant les plans de Milei mettent uniquement l’accent sur les différences de « méthode » dans l’adoption des mesures économiques, c’est-à-dire utiliser la tronçonneuse avec modération et discrétion pour renforcer l’économie nationale.
Ces attaques brutales contre les travailleurs en Argentine ne peuvent être menées qu’avec un encadrement syndical et politique fort et, pour ce faire, la bourgeoisie peut compter non seulement sur des organisations péronistes comme la CGT et la CTA, qui jouent un rôle important en se présentant comme « l’expression organisée du mouvement ouvrier », mais aussi avec des « alternatives » plus « radicales » ou « critiques » comme l’appareil de gauche regroupé au sein du Front de l’unité de gauche (FIT-U). Le FIT-U accuse les dirigeants de ces centrales d’être des « traîtres bureaucrates », propageant ainsi l’illusion que la CGT, par exemple, pourrait être « sauvée » en la forçant à assumer la direction des mobilisations, rôle que devrait, bien sûr, jouer la plus grande centrale syndicale du pays… Bien entendu, dans ces manœuvres, nous devons inclure d’autres organisations prétendument « de base » qui, comme l’Union des travailleurs de l’économie populaire (UTEP) et l’Unité Piquetera, ont appelé à la manifestation de fin février pour demander plus de budget pour les cantines populaires, comme si la solution à l’exploitation salariale était la gestion de la misère et l’adaptation à la famine !
Dans la lutte contre les assauts brutaux menés par la bourgeoisie, ni les syndicats, ni les péronistes, ni le FIT-U, ni les organisations « de base » et « indépendantes » ne sont du côté des travailleurs, tous sont des instruments que la bourgeoisie utilise pour contrôler la mobilisation et stériliser le mécontentement.
Dans ce contexte, il existe deux dangers importants pour les travailleurs argentins :
– les mobilisations inter-classistes où les revendications prolétariennes se diluent et se mélangent avec les revendications d’autres couches sociales, notamment la petite-bourgeoisie, qui n’ont pas les mêmes intérêts, comme cela s’est produit avec les « gilets jaunes » en France (2018). En Argentine, ces expressions ont été expérimentées, par exemple, lors des révoltes populaires de 2001, au cours desquelles les travailleurs ont quitté le terrain de classe de la défense de leurs conditions de travail et de vie en général.
– les mobilisations bourgeoises, comme les manifestations pour la démocratie à Hong Kong (2019), ou celles réclamant à la bourgeoisie l’égalité raciale comme lors des manifestations Black Lives Matter (2013), ou encore les marches récurrentes de jeunes pour le climat (Young For Climate), etc. Les conflits sur les ressources des provinces, par exemple, vont dans ce sens.
Il faut se garder du piège de la polarisation autour des pro-Milei ou anti-Milei et plus spécifiquement entre populistes et anti-populistes, car c’est un terrain totalement miné pour détourner le mécontentement et la combativité du vrai problème de la défense des intérêts prolétariens contre le capital.
Comme nous l’avons dénoncé dès les débuts de ce gouvernement, « la bourgeoisie sait que l’unité du prolétariat est la seule force qui peut arrêter la tronçonneuse de Milei, c’est pourquoi elle a besoin, pour faire passer ses coups, de l’appareil de gauche et de la structure syndicale. Ces organisations sont des rouages de l’État au service des intérêts de la bourgeoisie et ils se préparent déjà à empêcher que se dessinent l’unité et la solidarité ouvrière. Par exemple, les syndicats ont déjà commencé à présenter des discours “radicaux” contre l’austérité, pour gagner les sympathies des travailleurs et pour les entraîner [...], dans des impasses ». (1)
Les mobilisations qui ont eu lieu, comme nous l’avons dit, bien qu’encore embryonnaires et contrôlées par l’appareil syndical et politique, doivent être saluées pour la détermination des exploités à défendre leurs conditions de vie et de travail car, en effet, les attaques ne peuvent être stoppées qu’avec les travailleurs en lutte. Ces nouvelles mobilisations s’inscrivent dans le sillage de celles qui se sont développées en Europe depuis 2022, notamment en Grande-Bretagne et en France, mais aussi dans le reste de l’Europe, se poursuivant aux États-Unis et dans bien d’autres pays.
La prochaine étape doit nécessairement être de considérer que la lutte n’a d’avenir qu’en dehors de l’appel et du contrôle des syndicats et des partis d’opposition de la bourgeoisie. Cela signifie que les travailleurs doivent prendre le contrôle de leurs combats dès le premier instant de la lutte en définissant leurs revendications et en prenant eux-mêmes leurs propres décisions. « Aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Espagne, en Grèce, en Australie et dans tous les pays, pour arrêter cette division organisée, pour être réellement unis, [...] étendre notre mouvement, nous devons arracher le contrôle des luttes des mains des syndicats. Ce sont nos luttes, celles de toute la classe ouvrière ! ». (2)
T/RR, 29 mars 2024
1) « La motosierra de Milei contra los trabajadores argentinos », publié sur le site web du CCI (2024).
2) « Grèves et manifestations aux États-Unis, en Espagne, en Grèce, en France… Comment développer et unir nos luttes ? », tract disponible sur le site web du CCI.
Au cours des dernières décennies, il est devenu évident que le capitalisme fait peser une grave menace sur les conditions naturelles qui constituent la base de l’existence humaine. Les principales fractions de la classe dominante sont désormais contraintes de reconnaître la gravité de la crise environnementale, et même son lien avec les autres expressions d’une société capitaliste en déclin, surtout la fuite en avant dans le militarisme et la guerre(1). Cette « compréhension » récemment acquise n’empêche nullement d’autres parties de la classe dirigeante de se retrancher dans une négation ouvertement irrationnelle et suicidaire du danger que représente le changement climatique et la pollution de l’air, du sol et de l’eau. Mais ni la reconnaissance ni le déni ne peuvent masquer le fait que la bourgeoisie est incapable de ralentir, et encore moins d’arrêter, le rouleau compresseur de la destruction environnementale. On peut notamment citer l’échec patent et répété des spectaculaires Conférences sur les changements climatiques (COP).
La mise en évidence de l’impuissance de la bourgeoisie a suscité le besoin de véritables campagnes idéologiques, notamment de la part de l’aile gauche de la bourgeoisie. D’où la montée d’une sorte de « keynésianisme vert » et de la notion de « New Deal vert » dans lequel l’État, en pénalisant les pires pollueurs et en investissant dans des technologies « durables », serait non seulement capable d’empêcher le changement climatique d’échapper à tout contrôle, mais aussi de créer des emplois verts et une croissance verte. En bref, un capitalisme vert et en bonne santé.
Mais il y a aussi des voix plus radicales qui n’hésitent pas à pointer du doigt les défauts de ce prétendu capitalisme vert. Au premier rang de ces voix figurent les partisans de la « décroissance ». Des auteurs comme Jason Hickel(2) démontrent aisément que le capitalisme est mû par le besoin constant de s’étendre, d’accumuler de la valeur et qu’il ne peut que traiter la nature comme un « don gratuit » à exploiter au maximum alors qu’il cherche à soumettre chaque région de la planète aux lois du marché. Hickel parle donc de la nécessité d’une transition vers une économie post-capitaliste.(3) D’autres, comme John Bellamy Foster, vont plus loin et font plus explicitement référence à l’intérêt croissant de Karl Marx pour les questions écologiques à la fin de sa vie, à ce qu’ils appellent l’«éco-socialisme» de Marx.(4) Mais plus récemment, les livres de l’écrivain japonais Kohei Saito, qui connaît très bien les derniers écrits de Marx grâce à son implication dans la nouvelle édition des œuvres complètes de Marx et Engels (le projet MEGA), ont suscité un énorme intérêt et des ventes considérables, en particulier son ouvrage le plus récent intitulé Slow Down : How Degrowth Communism Can Save the Earth (2024). Alors que les précédents livres de Saito étaient rédigés dans un style plutôt académique, il s’agit ici d’un travail de vulgarisation qui présente non seulement son argument clé selon lequel Marx lui-même est devenu un « communiste de la décroissance », mais qui décrit également les étapes qui pourraient conduire à l’adoption du communisme de la décroissance, aujourd’hui. Et en effet, à première vue, il semble bien parler du communisme tel qu’il est compris par le mouvement communiste historique : une société de producteurs librement associés, où le travail salarié n’existe plus. Le fait qu’il cherche à dépasser le terme d’«éco-socialisme» (qui implique qu’il peut y avoir et qu’il y a eu des formes de socialisme qui n’étaient pas écologiques, qui n’étaient pas moins écologiquement destructrices que le capitalisme) et qu’il parle maintenant de communisme, est une réponse à la recherche croissante de solutions qui vont aux racines mêmes de la crise d’aujourd’hui. Mais un examen plus approfondi et plus critique de l’argumentation de Saito montre qu’il s’agit d’une réponse mystificatrice qui ne peut conduire qu’à de fausses solutions.
Comme nous l’avons dit, Saito n’est pas le premier à souligner que le « Marx de la maturité » a développé un fort intérêt à la fois pour les questions écologiques et pour les formes sociales communautaires qui ont précédé l’émergence de la société de classes et qui ont continué à laisser des traces même après l’essor du capital. Ce qui est spécifique à Saito, c’est l’idée que l’étude de ces questions a conduit Marx à une «rupture épistémologique»(5), avec ce qu’il appelle la « vision linéaire et progressiste » de l’histoire, marquée par le « productivisme » et l’« euro-centrisme », et vers une nouvelle vision du communisme. En somme, Marx aurait abandonné le matérialisme historique au profit d’un « communisme de décroissance ».
En réalité, Marx n’a jamais adhéré à une « vision linéaire et progressiste » de l’histoire. Sa conception était plutôt dialectique : les différents modes de production ont connu des périodes d’ascension où leurs rapports sociaux respectifs permettaient un réel développement de la production et de la culture, mais aussi des périodes de stagnation, de déclin, voire de régression, qui pouvaient conduire soit à leur disparition pure et simple, soit à une période de révolution sociale susceptible d’inaugurer un mode de production supérieur. Par extension, si l’on peut discerner un mouvement globalement progressif dans ce processus historique, tout progrès a eu jusqu’ici un coût : d’où, par exemple, l’idée exprimée par Marx et Engels que le remplacement du communisme primitif par la société de classes et l’État était à la fois une chute et un progrès, et que le communisme de l’avenir serait une sorte de « retour à un niveau plus élevé » à la forme sociale archaïque.
En ce qui concerne le capitalisme, le Manifeste communiste de Marx et Engels a souligné l’énorme développement des forces productives rendu possible par l’essor de la société bourgeoise. Là encore, ces progrès se sont faits au prix d’une exploitation impitoyable du prolétariat, mais la lutte de ce dernier contre cette exploitation a jeté les bases d’une révolution communiste qui pourrait mettre les nouvelles forces productives au service de l’ensemble de l’humanité.
Et même à ce stade précoce de la vie du capital, Marx était impatient de voir une telle révolution, identifiant les crises de surproduction comme des signes que les rapports de production capitalistes étaient déjà devenus trop étroits pour les forces de production qu’ils avaient libérés. La défaite de la vague de révolutions de 1848 l’a amené à revoir ce point de vue et à reconnaître que le capitalisme avait encore une longue carrière devant lui avant qu’une révolution prolétarienne ne devienne possible.
Mais cela ne signifiait pas que tous les pays et toutes les régions du monde étaient condamnés à connaître exactement le même processus de développement. Ainsi, lorsque la populiste russe Véra Zassoulitch lui écrit en 1881 pour demander son avis sur la possibilité que le mir russe ou la commune agricole puissent jouer un rôle dans la transition vers le communisme, Marx pose le problème en ces termes : alors que le capitalisme en est encore à ses débuts dans une grande partie du monde, « le système capitaliste a dépassé son âge d’or en Occident, il approche du moment où il ne sera plus qu’un régime social régressif ». Cela signifie que les conditions objectives d’une révolution prolétarienne mûrissent rapidement dans les centres du système capitaliste et que, si la révolution se produit, « la propriété foncière communale russe actuelle peut servir de point de départ à un développement communiste ».(6)
Cette hypothèse n’impliquait pas l’abandon du matérialisme historique. Au contraire, il s’agissait d’une tentative d’appliquer cette méthode dans une période contradictoire où le capitalisme montrait simultanément des signes de déclin historique tout en disposant d’un « arrière-pays » très important dont le développement pouvait temporairement atténuer ses contradictions internes croissantes. Et, loin de préconiser ou de soutenir cette évolution, qui s’exprimait déjà dans la poussée impérialiste des grandes puissances, Marx considérait que plus tôt la révolution prolétarienne éclaterait dans les centres industrialisés, moins la douleur et la misère seraient infligées à la périphérie du système. Marx n’a pas vécu assez longtemps pour voir toutes les conséquences de la conquête de la planète par l’impérialisme, mais d’autres qui ont repris sa méthode, comme Lénine et Luxemburg, ont pu reconnaître, dans les premières années du XXe siècle, que le capitalisme dans son ensemble entrait dans son ère de déclin, posant ainsi la possibilité et la nécessité d’une révolution prolétarienne à l’échelle mondiale.
C’est cette même préoccupation qui a nourri l’intérêt naissant du Marx « de la maturité » pour la question écologique. Stimulé par ses lectures de scientifiques tels que Liebig et Fraas, qui avaient pris conscience du côté destructeur de l’agriculture capitaliste (Liebig l’appelait « agriculture de rapine »), qui, dans sa soif de profit immédiat, épuisait la fertilité du sol et détruisait sans raison les forêts (ce qui, Marx l’avait déjà noté, avait un effet délétère sur le climat), le Marx « de la maturité » s’intéressait de plus en plus à la question écologique. Si le développement du capitalisme sapait déjà les bases naturelles de la production des biens nécessaires à la vie humaine, sa « mission progressiste » touchait peut-être à sa fin. Mais cela n’invalidait pas la méthode qui avait su reconnaître le rôle positif joué par la bourgeoisie dans le dépassement des barrières du féodalisme. Par ailleurs (et Saito le sait bien pour l’avoir montré dans ses travaux antérieurs), la préoccupation de Marx pour l’impact du capitalisme sur le rapport entre l’homme et la nature ne vient pas de nulle part : elle trouve ses racines dans la notion d’aliénation de l’homme par rapport à son « corps inorganique » dans les Manuscrits économiques et philosophiques de 1844, notion approfondie dans les Grundrisse et Le Capital, notamment dans l’idée de la « faille métabolique » dans ce dernier ouvrage. De même, la reconnaissance du fait que la société communiste devrait surmonter la séparation rigide entre la ville et la campagne se trouve à la fois dans les premiers écrits de Marx et d’Engels et dans la période où Marx s’est penché sur la science agricole, lorsqu’elle était considérée comme une condition préalable à la restauration de la fertilité naturelle du sol. Élaboration, développement, critique des idées dépassées, mais pas de « rupture épistémologique ».
Nous pourrions en dire beaucoup plus sur la vision du communisme de Saito. En particulier, elle s’appuie fortement sur la notion de « biens communs », impliquant que les formes communautaires précapitalistes ont encore une existence substantielle dans le capitalisme actuel, et pourraient même servir de noyau pour la transformation communiste. En fait, il était déjà évident à l’époque de Lénine que le capital impérialiste achevait rapidement le travail effectué pendant la période d’« accumulation primitive », à savoir la destruction des liens communautaires et la séparation du producteur et de la terre. Un siècle plus tard, c’est encore plus évident. Les vastes bidonvilles qui entourent les mégapoles dans les périphéries du système témoignent à la fois de la dévastation des anciennes formes communautaires et de l’incapacité du capitalisme décadent à intégrer un grand nombre de dépossédés dans le réseau « moderne » de production.
Cette idée que la nouvelle société pourrait être construite dans la coquille de l’ancienne révèle ce qui est peut-être la distorsion la plus fondamentale du marxisme dans le livre de Saito. Saito critique le « Green New Deal » à la fois parce qu’il s’appuie sur des mesures « descendantes » imposées par l’État et parce qu’il n’aborde pas le problème du besoin de croissance sans fin du capitalisme, qui est incompatible avec le maintien d’un environnement naturel sain. Mais Saito insiste aussi sur le fait que la nouvelle société ne peut naître que d’un mouvement social « d’en bas ». Pour Marx, le communisme était le mouvement réel de la classe ouvrière, partant de la défense de ses intérêts de classe et conduisant au renversement de l’ordre existant. Pour Saito, le mouvement social est un conglomérat de différentes forces : à côté des tentatives de mise en place « d’espaces communs » dans les quartiers des villes d’aujourd’hui, comme Détroit, il fait référence à des protestations interclassistes comme les gilets jaunes en France, à des groupes de protestation qui dès le départ se situent sur un terrain bourgeois, comme Extinction Rebellion, à un saupoudrage de grèves ouvrières, aux « assemblées citoyennes » mises en place sous l’égide de Macron en réponse aux protestations des gilets jaunes... Bref, pas la lutte de classe, pas la lutte des exploités pour s’affranchir des organes capitalistes qui les tiennent sous contrôle (comme les syndicats et les partis de gauche), pas l’émergence d’une conscience communiste qui s’exprime dans la formation de minorités révolutionnaires.
L’une des preuves les plus claires que Saito ne parle pas de la lutte de classe comme levier du communisme est son attitude à l’égard du mouvement des Indignados apparu en Espagne en 2011. Il s’agissait d’un mouvement basé sur une forme d’organisation prolétarienne (les assemblées de masse) même si la majorité de ses protagonistes se considéraient comme des « citoyens » plutôt que comme des prolétaires. Au sein des assemblées, il y avait une bataille entre les organisations comme Democracia Real Ya qui voulaient que les assemblées revitalisent le système « démocratique » déjà existant, et une aile prolétarienne qui défendait l’autonomie des assemblées par rapport à toutes les expressions de l’État, y compris ses tentacules locaux et municipaux. Saito fait l’éloge du « Mouvement des places » mais se prononce en même temps en faveur de la canalisation des assemblées vers la formation d’un parti politique municipal, Barcelona en Comú, et l’élection d’un maire radical, Ada Colau, dont l’administration a proposé une série de mesures « démocratisantes » et écologistes. Par ailleurs, l’expérience barcelonaise a donné naissance au mouvement Fearless Cities, qui vise à appliquer le même modèle dans plusieurs autres villes du monde.
Il ne s’agit pas de l’extension internationale de la lutte des travailleurs (une condition préalable à la révolution communiste) mais d’une structure de récupération d’un authentique combat de classe.
Et elle repose sur le rejet d’un autre élément fondamental du projet communiste : la leçon que Marx, Engels, Pannekoek et Lénine ont tirée de l’expérience de la Commune de Paris de 1871 : la tâche du prolétariat, la première étape de sa révolution, est de démanteler la machine étatique existante, non seulement ses armées, sa police et son appareil gouvernemental central, mais aussi ses conseils municipaux et d’autres formes de contrôle localisé. Pour Saito, en revanche, « il serait stupide de rejeter l’État comme moyen de faire avancer les choses, comme la création d’infrastructures ou la transformation de la production ».
Ce n’est pas le lieu d’aborder les immenses défis auxquels la classe ouvrière sera confrontée une fois qu’elle aura pris le pouvoir et entamé la transition vers le communisme. Il est clair que la question écologique sera au centre de ses préoccupations, ce qui nécessitera une série de mesures visant à supprimer le besoin d’accumulation capitaliste et à le remplacer par la production pour l’usage non seulement à l’échelle locale, mais sur l’ensemble de la planète. Il faudra également démanteler le gigantesque appareil de production de déchets qui alimente le désastre climatique : l’industrie de l’armement, la publicité, la finance, etc.
Comme nous l’avons montré dans un précédent article,(7) les marxistes, de Bebel à Bordiga, ont également parlé de surmonter la course folle alimentée par le processus d’accumulation, de ralentir le rythme effréné de la vie sous le capital. Mais nous ne parlons pas de « décroissance » pour deux raisons : premièrement, parce que le communisme est la base d’un véritable « développement des forces productives » d’une qualité entièrement nouvelle, compatible avec les besoins réels de l’humanité et son lien avec la nature. Ensuite, parce que parler de décroissance dans le cadre du système existant (et le prétendu « communisme » de Saito n’y échappe pas) peut facilement servir de justification à l’austérité administrée par l’État bourgeois, deux raisons pour la classe ouvrière de cesser ses luttes « égoïstes » contre les réductions de salaires ou d’emplois et de s’habituer à réduire encore plus drastiquement sa consommation.
Amos, avril 2024
1) Voir notre « Rapport sur la décomposition [41] », Revue internationale n° 170 (2023).
2) Moins, c’est plus : Comment la décroissance sauvera le monde (2020).
3) Cependant, la critique de Hickel sur le New Deal vert ne va pas très loin. Pour lui, le New Deal des années 1930 encourageait la croissance « afin d’améliorer les moyens de subsistance des gens et d’obtenir des résultats sociaux progressistes […] les premiers gouvernements progressistes ont traité la croissance comme une valeur d’usage ». En réalité, l’objectif du New Deal était de sauver l’économie capitaliste et de préparer la guerre.
4) Par exemple, L’écologie de Marx : Matérialisme et nature (2000).
5) Saito emprunte ce terme à Althusser, un apologiste très sophistiqué du stalinisme, qui l’a appliqué à ce qu’il considérait comme le passage du Marx jeune et idéaliste des Manuscrits de 1844 au scientifique pur et dur du Capital. Nous avons critiqué cette idée dans l’article suivant : « L’étude du Capital et les fondements du communisme [42] », Revue internationale n° 75. Si rupture il y a eu, elle a eu lieu lorsque Marx a rompu avec la démocratie radicale et s’est identifié au prolétariat en tant que porteur du communisme, vers 1843-1844.
6) Voir « Marx de la maturité : communisme du passé, communisme de l’avenir [43] », Revue internationale n° 81.
7) Voir « Le programme communiste dans la phase de décomposition du capitalisme : Bordiga et la grande ville [44] », Revue internationale n° 166 (2022).
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri-501_bat.pdf
[2] https://fr.internationalism.org/tag/5/50/etats-unis
[3] https://fr.internationalism.org/tag/5/399/ukraine
[4] https://fr.internationalism.org/tag/5/56/moyen-orient
[5] https://fr.internationalism.org/tag/geographique/iran
[6] https://fr.internationalism.org/tag/5/57/israel
[7] https://fr.internationalism.org/tag/5/58/palestine
[8] https://fr.internationalism.org/tag/5/513/russie
[9] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/biden
[10] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/netanyahou
[11] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/guerre-ukraine
[12] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/conflit-israelo-palestinien
[13] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/elections-aux-etats-unis
[14] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/reprise-internationale-lutte-classe
[15] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
[16] https://fr.internationalism.org/tag/30/526/emmanuel-macron
[17] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/gabriel-attal
[18] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/chomage
[19] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/avortement
[20] https://fr.internationalism.org/tag/5/62/chine
[21] https://fr.internationalism.org/tag/5/35/europe
[22] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/otan
[23] https://fr.internationalism.org/tag/5/38/allemagne
[24] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/mobilisation-des-agriculteurs-europe
[25] https://fr.internationalism.org/tag/7/536/populisme
[26] https://www.marxists.org/francais/ait/1870/07/km18700723.htm
[27] http://communistleft.jinbo.net/xe/index.php?mid=cl_bd_03&document_srl=344069
[28] https://en.internationalistvoice.org/the-propaganda-war-the-war-of-propaganda/
[29] https://www.leftcom.org/fr/articles/2023-10-11/la-derni
[30] https://www.pcint.org/03_LP/551/551_02_hamas.htm
[31] https://www.international-communist-party.org/Francais/Actualit/2023/Gaza.htm
[32] https://www.internationalcommunistparty.org/index.php/fr/3450-israel-et-palestine-terrorisme-detat-et-defaitisme-proletarien
[33] https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/05/vil19170528j.htm
[34] https://www.pcint.org/
[35] https://www.international-communist-party.org/English/TheCPart/TCP_056.htm
[36] https://fr.internationalism.org/content/11184/ouvriers-nont-pas-patrie
[37] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/bordiguisme
[38] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/pci-proletaire
[39] https://fr.internationalism.org/tag/5/55/argentine
[40] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/javier-milei
[41] https://fr.internationalism.org/content/11034/rapport-decomposition
[42] https://fr.internationalism.org/rinte75/communisme.htm
[43] https://fr.internationalism.org/rinte81/comm.htm
[44] https://fr.internationalism.org/content/10172/programme-communiste-phase-decomposition-du-capitalisme-bordiga-et-grande-ville
[45] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/koheisaito
[46] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/jasonhickel
[47] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/johnbellamyfoster
[48] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/marx
[49] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/engels
[50] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/verazassoulitch
[51] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/pannekoek
[52] https://fr.internationalism.org/tag/30/528/lenine
[53] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/luxemburg
[54] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/liebig
[55] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/fraas
[56] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/adacolau
[57] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/bebel
[58] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/bordiga
[59] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/ecologie
[60] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/decroissance