Réponses à quelques questions à propos des syndicats

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Les travailleurs ressentent aujourd’hui plus que jamais la nécessité de se battre contre les attaques du gouvernement et du patronat. Bon nombre d’entre eux se posent de plus en plus de questions sur les syndicats et leur “efficacité” à défendre les intérêts des salariés.

Nous publions ci-dessous quelques brèves réponses aux questions les plus répandues parmi les travailleurs salariés. Nous renvoyons nos lecteurs intéressés à mieux comprendre le rôle des syndicats et leur nature de classe à notre brochure les Syndicats contre la classe ouvrière, consultable sur notre site Internet.

Existe-t-il de “bons” et de “mauvais” syndicats ?

NON ! Tous les syndicats, y compris les plus “radicaux” et “combatifs”, ne défendent pas les intérêts des travailleurs mais ceux de la bourgeoisie. Leur fonction consiste à saboter les luttes en faisant semblant d’être du côté des exploités. Lorsqu’ils organisent des journées d’action pour protester contre les mesures d’austérité, lorsqu’ils appellent à des débrayages, des grèves ou des manifestations, c’est uniquement pour pouvoir encadrer la colère des travailleurs, défouler leur combativité et les conduire dans des impasses. Toutes les mobilisations derrière les syndicats ne mènent qu’à la défaite et à la démoralisation. L’apparente division entre les syndicats “mous” et les syndicats plus “à gauche”, plus “radicaux”, ne sert qu’à diviser la classe ouvrière, à mieux couvrir tout le terrain de la lutte.

S’il n’y a pas de “bons” et de “mauvais” syndicats, c’est parce que le syndicalisme n’est plus adapté aux besoins de la lutte de classe aujourd’hui. Le syndicalisme est devenu une arme de la bourgeoisie contre la classe ouvrière. Les syndicats sont devenus (depuis la Première Guerre mondiale) des organes de l’État capitaliste dans les rangs ouvriers. Depuis près d’un siècle, leur fonction consiste à diriger les luttes pour empêcher la classe ouvrière de prendre elle-même la direction de ses combats, pour l’empêcher de développer sa solidarité et son unité lui permettant de se battre efficacement contre le capitalisme. Croire qu’il existe de “bons” syndicats est une pure illusion. La preuve : l’agitation des syndicats les plus “radicaux” (comme Sud par exemple) n’a pas empêché la bourgeoisie de renforcer ses attaques et de faire passer tous ses plans d’austérité. Au contraire ! La division entre les syndicats ne leur sert qu’à œuvrer pour diviser la classe ouvrière et la conduire à la défaite.

Tous les syndicats sont complices du gouvernement et du patronat. Lorsqu’ils “négocient” (toujours dans le dos des travailleurs), c’est pour discuter avec les représentants du gouvernement et du patronat de la façon de faire passer les attaques. Tous les syndicats ont pour fonction d’encadrer les luttes pour maintenir l’ordre social du capital ! Pour cela, ils se partagent le travail entre eux et en étroite collaboration avec les représentants de la classe dominante.

Peut-on “réformer” les syndicats ?

NON ! Dans la mesure où les syndicats sont devenus des organes d’encadrement de la classe ouvrière et ont été définitivement intégrés à l’appareil de l’État bourgeois, on ne peut pas les “réformer”. Beaucoup de prolétaires pensent que ce sont les bureaucraties syndicales qui sont pourries et qu’il suffirait de changer la direction des syndicats pour que ces derniers deviennent de vrais organes de défense des travailleurs. C’est une illusion ! Si les syndicats ne sont pas “efficaces”, ce n’est pas à cause de leurs “mauvais” leaders qui trahissent la “base”. C’est la forme syndicale elle-même qui est devenue inefficace et totalement inadaptée aux besoins de la lutte.

Le syndicalisme est une idéologie réformiste basée sur la division de la classe ouvrière en corporations, en corps de métiers.

Le syndicalisme est une idéologie qui sème l’illusion que l’on peut se battre aujourd’hui pour obtenir des réformes durables afin d’améliorer les conditions de vie de la classe ouvrière au sein-même du capitalisme (comme c’était le cas au xixe siècle). Aujourd’hui, avec l’enfoncement du capitalisme dans une crise économique sans issue et qui ne peut que continuer à s’aggraver, les seules “réformes” durables sont celles qui nous sont imposées par la bourgeoisie, telle la “réforme” du système de retraite. Ces “réformes”, au lieu d’améliorer les conditions d’existence des salariés, ne peuvent que les plonger dans une pauvreté et une misère croissantes.

Le syndicalisme sème l’illusion qu’en se battant chacun dans son coin, derrière des revendications spécifiques à sa boîte, son secteur, sa corporation, on peut obtenir gain de cause. C’est FAUX !

Lutter chacun dans son coin, de façon isolée a toujours mené à la défaite et à la démoralisation. Seule une lutte massive englobant tous les secteurs de la classe ouvrière, derrière des mots d’ordre unitaires peut faire reculer le gouvernement et le patronat. Pour cela, il faut briser toutes les divisions corporatistes, sectorielles que les syndicats nous imposent.

Il ne sert à rien de chercher à “réformer” les syndicats ou créer de nouveaux syndicats. La preuve : lors des luttes des ouvriers de Pologne en 1980, par exemple, ces derniers avaient l’illusion qu’en créant un nouveau syndicat “libre” et “démocratique” (le syndicat Solidarnosc dirigé par Lech Walesa), ils allaient pouvoir renforcer leurs luttes et obtenir des réformes durables. On a vu ce que cela a donné : c’est grâce à la création du syndicat “indépendant” Solidarnosc (mis en place avec le soutien des syndicats occidentaux et de toute la bourgeoisie des États “démocratiques”) que le général Jaruzelski a pu décréter l’état de guerre et réprimer férocement la classe ouvrière en Pologne (voir notre brochure sur les luttes en Pologne de 1980). Par la suite, on a vu le parcours du leader du syndicat Solidarnosc : Lech Walesa est devenu chef de l’État polonais et c’est lui qui a eu la responsabilité de gérer le capital national polonais et de porter des attaques directes contre la classe ouvrière !

Peut-on se mettre en grève sans passer par les syndicats ?

OUI ! Officiellement, les travailleurs n’ont pas le “droit” de lutter sans passer par les syndicats car ce sont eux qui déposent les préavis de grève. Le droit de grève est une “tolérance” que la bourgeoisie peut maintenir à condition que la lutte des exploités ne remette pas en cause l’ordre établi, qu’elle ne porte pas atteinte au système d’exploitation capitaliste. La classe dominante des pays “démocratique” ne peut tolérer les grèves que lorsque celles-ci ne constituent pas un danger pour sa domination. C’est bien pour cela qu’elle tient tant à ses syndicats et qu’elle les finance.

La vraie lutte de classe est toujours illégale. Lorsque les prolétaires se battent pour défendre leurs intérêts contre les attaques de la bourgeoisie, ils n’ont pas à demander “poliment” une autorisation à leurs exploiteurs. Lorsque les exploités prennent conscience que les syndicats ne défendent pas leurs intérêts, ils n’attendent pas leurs consignes et partent spontanément en grève “sauvage”. Et à chaque fois que cela s’est produit (comme on a pu le voir de façon magistrale en Pologne en 1980, mais aussi dans de nombreuses petites luttes qui ont explosé dans les pays “démocratiques”), les travailleurs qui ont osé débrayer sans les syndicats ont immédiatement tenté de faire vivre la solidarité dans la lutte. Ils ont recherché l’unité et l’extension de leur mouvement aux autres secteurs. Ils ont éprouvé le besoin de prendre eux-mêmes la direction de leur combat et de discuter collectivement dans des assemblées générales souveraines.

Aujourd’hui, si la classe ouvrière a beaucoup de difficulté à engager la lutte sans attendre les directives des syndicats, c’est parce qu’elle manque encore de confiance en elle-même et dans ses propres forces. C’est aussi parce que l’idéologie “démocratique” inoculée dans ses rangs par les syndicats (et le syndicalisme) pèse encore sur sa conscience.

L’idée qu’on a besoin des syndicats pour se battre est véhiculée par la bourgeoisie. La classe dominante veut nous faire croire que seuls les syndicats peuvent nous “représenter” parce que ce sont des professionnels de la “négociation”, alors que ce sont des professionnels du sabotage, de la magouille et de la collaboration avec l’ennemi de classe.

La grève massive des ouvriers de Pologne en août 1980 (avant que Solidarnosc n’en récupère le contrôle) a montré au monde entier que lorsque les exploités prennent leurs luttes en main, sans les syndicats, ils sont capables de développer un vrai rapport de force en leur faveur. En Pologne, ils ont été capables d’étendre leur mouvement à l’échelle de tout un pays, ils ont été capables de faire reculer l’État et de faire trembler toute la bourgeoisie. Ils ont été capables de négocier avec le gouvernement non pas dans le secret des cabinets ministériels, mais publiquement : ils ont élus des délégués pour négocier avec les autorités gouvernementales et ont installé des hauts parleurs dans les lieux publics (notamment dans les chantiers navals de Gdansk) afin que toute la classe ouvrière en lutte puisse écouter ce qui se discutait dans les négociations.

Peut-on lutter efficacement sans les syndicats dans les pays “démocratiques” ?

OUI ! Pour cela, il faut que la classe ouvrière en France comme dans tous les pays, prenne confiance en elle-même et en ses propres forces. Il faut qu’elle puisse surmonter les hésitations et surtout la peur de la répression des grèves “sauvages” et “illégales”. Cette peur de la répression (sous forme de sanctions disciplinaires) ne pourra être dépassée que si les travailleurs sont capables de développer la solidarité entre eux, s’ils refusent de se laisser diviser et intimider. Cette peur ne pourra être dépassée que lorsque les exploités prendront conscience qu’ils n’ont plus rien à perdre que leurs chaînes.

Les travailleurs, salariés ou au chômage, ne pourront prendre en mains leur propre destinée que lorsqu’ils auront compris que toutes les actions “radicales”, les actions commandos préconisées par les syndicats (séquestration des patrons, sabotage de la production, blocage des voies ferrées, etc.) ou les actes de désespoir (telles les menaces de faire sauter l’usine, comme on l’a vu à Sodimatex) sont totalement stériles et ne peuvent conduire qu’à la démoralisation et à la défaite. Toutes ces actions pseudo-radicales derrière lesquelles les syndicats cherchent à entraîner les travailleurs les plus combatifs ne servent qu’à défouler leur colère et ne sont que des feux de paille.

Dans les pays “démocratiques”, les syndicats sont les représentants de la “démocratie” bourgeoise au sein de la classe ouvrière, c’est-à-dire de la forme la plus sournoise et hypocrite de la dictature du capital.

Pour pouvoir se battre efficacement en se dégageant de l’emprise totalitaire des syndicats, il faut faire vivre la vraie “démocratie” de la classe ouvrière. Cela veut dire développer la discussion collective au sein des assemblées générales massives et souveraines. Ces AG doivent être des lieux de débats où chacun peut intervenir librement, faire des propositions d’actions soumises au vote. Ces AG doivent élire des délégués révocables à tout moment, qu’ils soient syndiqués ou non. Si les délégués élus ne remplissent pas correctement le mandat confié par l’AG, l’AG suivante doit les remplacer. Contrairement aux méthodes de sabotage syndicales, il faut que ces AG soient ouvertes à TOUS les travailleurs (et pas seulement à ceux de la boîte, de l’entreprise ou de la corporation). Les chômeurs doivent également être invités à y participer activement car ce sont des prolétaires exclus du monde du travail. Les AG souveraines doivent être des lieux de discussions publics, (comme l’ont montré les travailleurs de Vigo en Espagne en 2006). Ce n’est qu’à travers la discussion et la réflexion collective dans ces AG ouvertes à tous que peut se construire l’unité et la solidarité de la classe exploitée. Ce n’est que dans ces Assemblées que peuvent se décider des actions unitaires, être mises en avant des revendications communes à tous et que pourront être démasquées les magouilles des syndicats.

Pour se battre efficacement en se débarrassant des entraves et du carcan des syndicats, les travailleurs doivent immédiatement poser la question de l’extension de leur lutte et de la solidarité avec tous leurs camarades des autres secteurs et entreprises frappés par les mêmes attaques de la bourgeoisie. Lorsque les travailleurs d’une entreprise engagent la lutte, ils doivent envoyer des délégations massives vers les autres entreprises voisines pour entraîner dans la lutte tous les travailleurs de la même zone géographique et élargir leur mouvement de proche en proche.

Aujourd’hui, c’est toute la classe ouvrière qui est attaquée (notamment par la réforme du système de retraites). Il n’y a donc aucune raison de se battre de façon isolée, chacun dans son coin. Il n’y a aucune raison de continuer à se laisser balader par les journées d’action syndicales sans lendemain.

Face aux plans d’austérité dont nous sommes tous victimes, il est possible de lutter efficacement. Mais pour construire un véritable rapport de force capable de faire reculer la bourgeoisie, les travailleurs doivent déjouer les manœuvres de sabotage des syndicats et comprendre qu’ils ne peuvent plus compter sur ces faux amis.

Les organisations syndicales n’ont pas d’autre fonction que de préserver l’ordre social capitaliste et faire passer les attaques du gouvernement et du patronat. Malgré leurs discours “radicaux”, elles ne peuvent que continuer à nous diviser, à nous affaiblir pour empêcher tout “débordement” et nous faire voter la reprise du travail sans n’avoir rien obtenu.

C’est bien grâce aux syndicats que la classe dominante peut continuer à cogner toujours plus fort et à faire payer aux travailleurs les frais de la crise insurmontable du capitalisme.

Sofiane (29 avril)

Heritage de la Gauche Communiste: