Pas une seule semaine ne se
passe sans l’annonce d’un nouveau mauvais coup porté à la classe ouvrière.
Ainsi, depuis la "rentrée" de septembre, les prolétaires ont appris
qu’ils allaient subir notamment :
Ces attaques viennent se cumuler aux divers et nombreux plans de licenciements, aux délocalisations, à l’allongement du temps de travail, à la remise en cause de la protection sociale (retraites, santé), aux attaques sur les salaires, à la précarisation accélérée de l’emploi, à la détérioration des conditions de vie et de travail des prolétaires. Tous les ouvriers, qu’ils soient au travail ou réduits au chômage, qu’ils soient actifs ou retraités, qu’ils travaillent dans le secteur privé ou dans le secteur public, y sont désormais en permanence confrontés.
Ce n’est pas seulement en France qu’une telle accélération d’attaques de la
même envergure se produit. Chaque bourgeoisie nationale adopte les mêmes
mesures dans tous les pays.
En Italie, après des mesures similaires à la France contre les retraites et une
vague de licenciements dans les usines Fiat, ce sont 3700 suppressions
d’emplois (plus d’un sixième des effectifs) qui viennent d’être décidées au
sein de la compagnie aérienne Alitalia, tandis qu’un vaste plan de
restructuration des chantiers navals va supprimer des milliers d’emplois en
Espagne.
En Allemagne, le gouvernement socialiste et vert de Schröder dans un programme
d’austérité baptisé "Agenda 2010" a commencé à mettre en application
à la fois une baisse du remboursement des soins, le flicage des arrêts de
travail, une hausse des cotisations maladie pour tous les salariés. Il projette
d’augmenter les cotisations pour la retraite comme de relever le seuil du
départ à la retraite qui est déjà de 65 ans. Siemens, avec l’accord du syndicat
IG-Metall sous menace de délocalisation en Hongrie, fait travailler les
ouvriers de 40 à 48 heures au lieu de 35 auparavant sans compensation
salariale. D’autres grandes entreprises viennent de négocier des accords
similaires : la Deutsche Bahn (chemins de fer allemands), Bosch,
Thyssen-Krupp, Continental ainsi que toute l’industrie automobile (BMW, Opel,
Volkswagen, Mercedes-Daimler-Chrysler). On retrouve cette même politique aux
Pays-Bas, Etat pourtant réputé pour avoir développé depuis longtemps le travail
à temps partiel. Le ministre hollandais de l’économie a annoncé que le retour
aux 40 heures (sans paiement compensatoire) était un bon moyen pour relancer
l’économie nationale.
Le "plan Hartz IV" dont la mise en application est prévue début 2005
en Allemagne montre le chemin dans lequel toutes les bourgeoisies, à commencer
par celles en Europe, se sont engagées : il s’agit de réduire la durée et
le montant des indemnités des chômeurs et aussi d’en durcir les conditions
d’attribution, avec notamment l’obligation d’accepter une offre d’emploi
nettement moins rémunérée que l’emploi perdu.
Ces attaques ne sont pas limitées au continent européen mais s’exercent
simultanément au niveau mondial. Ainsi aux Etats-Unis, où le chômage regagne
des taux records (on évoque comme en Europe une "croissance sans
emplois"), près de 36 millions de personnes (12,5 % de la population)
vivent sous le seuil de pauvreté dont 1,3 million ont plongé dans la précarité
au cours de l’année 2003, alors que 45 millions de personnes sont privés de
toute couverture sociale. En Israël, les municipalités sont en situation de
faillite et les employés municipaux ne touchent plus leur salaire depuis
plusieurs mois. Sans parler des conditions d’exploitation épouvantables
auxquelles sont réduits les ouvriers du tiers-monde, au sein de la concurrence
effrénée sur le marché mondial pour faire baisser le coût de la force de
travail.
Quels sont les discours que nous tient la bourgeoisie face à cette
situation ? La gauche et les syndicats, tout comme les altermondialistes,
sont les premiers à nous livrer une série de fausses réponses.
Selon la gauche, les syndicats et les organisations gauchistes, la
responsabilité des attaques reposerait sur la "politique de droite"
d’un gouvernement entièrement assujetti aux intérêts du grand patronat, adepte
d’un "libéralisme économique" débridé qui favoriserait les riches et
pressurerait les pauvres, qui chercherait à lever les barrières étatiques à la
déréglementation sociale. En France comme ailleurs, tous les gouvernements
mènent depuis les années 1970 la même politique, et notamment en taillant
massivement dans les prestations sociales. On voudrait nous faire oublier que
les partis de gauche quand ils étaient au pouvoir soit ont pris des mesures du
même ordre (du forfait hospitalier institué par le ministre communiste Ralite
aux réductions des indemnisations du chômage), soit ont préparé le terrain aux
attaques actuelles. Qu’on se souvienne du livre blanc de Rocard sur les
retraites, du déremboursement des médicaments et des suppressions de lits
d’hôpitaux sous Jospin sans oublier les lois Aubry sur les 35 heures qui ont
permis aux entreprises d’annualiser le temps de travail, d’introduire la
flexibilité, d’augmenter leur productivité et de baisser les salaires par la suppression
des heures supplémentaires[1] [1].
On nous dit aussi que c’est la faute à l’Europe qui ne garantirait pas assez de
droits sociaux. On agite la relance du débat qui divise la bourgeoisie
elle-même sur le nouveau traité européen et le projet de Constitution
européenne. On utilise le battage autour des délocalisations notamment en
Europe de l’Est de certaines entreprises pour tenter d’inoculer le poison
nationaliste dans les rangs ouvriers, rappelant le "vivre, produire et
travailler au pays" de la CGT dans les années 1970/80. La bourgeoisie
cherche ainsi à opposer les ouvriers des pays européens les plus développés aux
ouvriers de la périphérie du capitalisme.
On nous raconte aussi que ces attaques sont la faute à la mondialisation. La
nébuleuse de l’altermondialisme, mise en avant et subventionnée par la
bourgeoisie, où chacun peut fourguer n’importe quelle camelote idéologique sert
surtout à relancer les mêmes illusions sur la possibilité de réformer le
capitalisme et faire croire qu’une autre gestion du système serait possible
(taxer les capitaux, promouvoir une économie solidaire, etc.). Tout ce barouf
ne vise qu’à camoufler l’impasse que représente le capitalisme pour l’humanité.
Les ouvriers ne doivent pas se laisser piéger ni berner par ces discours
mensongers. Car le seul objectif de ce battage est d’agiter un rideau de fumée,
de répandre des campagnes d’intoxication idéologique pour tenter d’empêcher la
classe ouvrière de prendre conscience d’une part de l’existence réelle et de
l’impasse actuelle d’une crise économique mondiale, d’autre part, de la
faillite globale et ouverte du système capitaliste que révèle cette
accélération de la crise et ses manifestations.
Si la classe ouvrière se paupérise de plus en plus, si une partie de plus en
plus large du prolétariat s’enfonce dans la misère, si la bourgeoisie est de
plus en plus incapable d’intégrer les nouvelles générations ouvrières dans une
activité salariée (selon le BIT un chômeur sur 2 a moins de 24 ans dans le
monde), si prolifèrent les bidonvilles où s’entassent des masses toujours plus
nombreuses de miséreux en quête de travail aux portes de toutes les mégapoles
de la planète, si la classe ouvrière subit une accélération sans précédent
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale de la dégradation de ses conditions
d’existence, ce sont les symptômes les plus révélateurs de l’incapacité de ce
système à prendre en charge et à assurer un avenir pour l’humanité.
Dans sa logique d’exploitation capitaliste, la bourgeoisie voit sa marge de
manoeuvre réduite au point qu’elle n’a d’autre choix que d’attaquer toujours
plus violemment et frontalement le niveau de vie de la classe ouvrière dans son
ensemble. La plupart de ces attaques sont présentées comme des "réformes"
indispensables dans le seul but de faire accepter aux prolétaires les
"sacrifices". Contrairement au 19e siècle où, dans le contexte
historique d’un capitalisme encore en pleine expansion, les réformes
entreprises par la bourgeoisie allaient dans le sens d’une amélioration des
conditions de vie de la classe ouvrière, le capitalisme aujourd’hui ne peut
plus être réformé. Il ne peut plus rien offrir aux ouvriers qu’une misère et
une paupérisation croissantes. Toutes ces pseudo-réformes ne sont plus le signe
d’un capitalisme encore en pleine prospérité, mais au contraire de sa faillite
irrémédiable.
L’Etat capitaliste et chaque bourgeoisie nationale prétendent qu’ils oeuvrent,
à travers ces prétendues "réformes", d’abord au nom de la défense de
l’intérêt général, pour le bien de la collectivité ; ensuite qu’ils
agissent ainsi pour préserver l’avenir de nos enfants et des générations
futures. La bourgeoisie veut faire croire qu’elle cherche à sauver l’emploi,
les caisses d’assurance chômage et d’assurance-maladie, les retraites, alors
qu’elle est en train de démanteler significativement toute protection sociale
de la classe ouvrière. Pour inviter les ouvriers à accepter les sacrifices,
elle prétend que ces "réformes" sont indispensables au nom de la "solidarité
citoyenne", pour instaurer plus de justice et d’égalité sociales, contre
la défense de mesquins intérêts corporatistes, contre les égoïsmes et les
privilèges. Quand la classe dominante parle d’égalité plus grande, c’est en
réalité le nivellement par le bas des conditions de vie de la classe ouvrière
qu’elle cherche à nous imposer.
Elle raconte que de tels "sacrifices" sont nécessaires au nom du
"sens des responsabilités" que chaque "citoyen" devrait
manifester envers la "collectivité". Non seulement la bourgeoisie
tente de culpabiliser les prolétaires, en cherchant à désigner chaque
"citoyen" ou une catégorie sociale particulière comme ayant sa part
de responsabilité dans les difficultés économiques de l’Etat national, mais
elle utilise en même temps l’intimidation, le chantage permanent. En cherchant
à nous persuader que si on n’accepte pas aujourd’hui de ses "serrer les
coudes" autour des "réformes" du gouvernement et de se serrer la
ceinture, nous allons tout droit vers une catastrophe future et la situation
sera encore pire demain pour les prolétaires. Rien n’est plus faux !
D’abord, cette catastrophe économique n’est pas une perspective lointaine. Elle
est déjà présente, et c’est justement parce que le capitalisme est aujourd’hui
en faillite que la classe dominante ne cesse d’asséner ses attaques contre
toute la classe ouvrière dans tous les pays. C’est justement cette catastrophe
présente qui pousse la bourgeoisie à démanteler l’Etat-providence à travers ses
"réformes".
Ensuite, ce n’est certainement pas en acceptant les sacrifices d’aujourd’hui
que la classe ouvrière va pouvoir préserver l’avenir et s’éviter une
dégradation future de ses conditions de vie. Bien au contraire ! Plus les
ouvriers acceptent de courber l’échine et de se soumettre à la logique du
capitalisme en crise, plus la bourgeoisie aura les mains libres pour leur
imposer de nouvelles attaques encore plus dures.
La classe ouvrière ne doit pas se laisser intimider ni culpabiliser par les
appels de la classe dominante au "sens des responsabilités
citoyennes". La seule responsabilité qui incombe à la classe ouvrière,
c’est de refuser de resserrer les rangs derrière ses exploiteurs, de refuser
les "sacrifices" qu’ils lui demandent. Sa seule responsabilité, c’est
de se battre pour la défense de ses conditions de vie.
La seule solidarité dont elle doit faire preuve, ce n’est pas la solidarité
"citoyenne" derrière l’Etat bourgeois, mais sa propre solidarité de
classe exploitée contre les prétendues "réformes" de la classe
exploiteuse. C’est seulement dans le développement de leurs luttes de
résistance aux attaques capitalistes que les prolétaires pourront développer
cette solidarité de classe et unir leurs forces par-delà les secteurs, par-delà
les frontières.
Face à la faillite du capitalisme, la classe ouvrière n’a pas d’autre choix que
de développer ses luttes. Pour cela, elle doit surmonter le sentiment
d’impuissance que la bourgeoisie essaie d’inoculer dans ses rangs, en
exploitant au maximum ses défaites passées (comme celle du mouvement du
printemps 2003 en France) pour démoraliser les prolétaires et leur faire croire
que la lutte ne paie pas et ne sert à rien.
Et pour pouvoir se battre efficacement, développer et unifier ses luttes sur
son propre terrain, la classe ouvrière doit éviter de tomber dans les pièges
mis en avant par les partis de gauche, les syndicats et les gauchistes. Elle
doit refuser leurs mots d’ordre gestionnaires et réformistes "Sauvons
la Sécu !" (ou encore "Défendons le service public contre
les privatisations !"). Ce terrain c’est celui de la gestion du
capital, ce n’est pas celui de la lutte ouvrière. La défense de la
"Sécu" en tant qu’institution de l’Etat bourgeois (voir RI n° 348) n’est pas le problème de la
classe ouvrière pas plus qu’elle ne doit participer à trouver des
"solutions" pour "combler le trou de la Sécu". Ce qui
importe à la classe exploitée, c’est de se battre pour exiger le remboursement
des soins médicaux, c’est de lutter pour défendre ses conditions de vie. Ses intérêts
sont non seulement distincts mais totalement antagoniques à ceux de la
bourgeoisie. Elle n’a pas la moindre unité ou la moindre solidarité nationale à
partager avec ses exploiteurs ni avec tous les gestionnaires du capital.
La classe ouvrière doit comprendre que ce système pourrissant ne peut être
réformé et qu’elle est la seule force sociale capable, par le développement
international de ses luttes, de sauver l’humanité de la catastrophe en
renversant le capitalisme.
[1] [2] Voir l’article supplément emploi dans Libération du 20 septembre "Mon boss aime les 35 heures" sous-titré "Le MEDEF fustige la RTT mais la plupart des patrons des grandes entreprises s’en sont fort bien accommodés. Et ne veulent plus y toucher.
Confrontée à la revendication d'indépendance de
la Tchétchénie à la suite de l'effondrement de
l'URSS, la Russie a répondu par une offensive meurtrière
dans laquelle au moins 100 000 personnes ont trouvé la mort.
En 1999, après une accalmie du conflit, Poutine a relancé
son offensive à un niveau encore plus barbare, rasant littéralement
la capitale tchétchène de Grozny. Le prétexte de
cette nouvelle offensive était les explosions d'immeubles à
Moscou et Volgodonsk au cours desquelles 300 personnes furent tuées.
Bien que les terroristes tchétchènes furent tenus pour
responsables, il y a de fortes raisons de penser que c'était
le travail des services secrets russes. Depuis, la Russie a maintenu
une intransigeance totale face aux revendications d'indépendance
de la Tchétchénie. En effet, la perte de celle-ci constituerait
un coup énorme aux intérêts impérialistes
russes. D'abord à cause de la position stratégique de
la Tchétchénie vis à vis des champs de pétrole
et des pipes-lines du Caucase; mais plus encore à cause du danger
que comporte la sécession de la Tchétchénie pour
la Fédération de Russie ; cela donnerait le signal
d'un éclatement de celle-ci, et la Russie y perdrait ses dernières
prétentions à jouer un rôle sur l'arène mondiale.
Il n'y a pas de limite aux crimes commis par l'armée russe dans
le Caucase. Un certain nombre d'organisations "humanitaires"
a fourni beaucoup de documentation à ce sujet. Par exemple, l'organisation
Human Watch parle de l'incapacité de Poutine "à établir
un moyen significatif de poursuivre les responsables des crimes commis
par les sodats et les forces de police russes… les disparitions
forcées, les exécutions sommaires et les tortures ont
énormément sapé la confiance vis à vis des
institutions de l'Etat russe dans la population tchétchène
ordinaire" (cité dans The Guardian, septembre 2004).
Ces ravages sont tout-à-fait équivalents à ceux
perpétrés par les tyrans "officiels" tels que
Saddam Hussein ou Milosevic. Pourtant pendant toutes ces années
de misère dans le Caucase, les leaders de "la démocratie
occidentale", les avocats de "l'intervention humanitaire"
au Kosovo ou en Irak, ont soutenu Poutine à fond. Blair l'a même
invité à prendre le thé avec la reine. C'est parce
que derrière toute leur rhétorique "morale",
Bush, Blair et les autres ne sont intéressés que par les
besoins impérialistes des Etats capitalistes qu'ils représentent.
Aujourd'hui, ces besoins requièrent que l'unité nationale
de la Russie soit préservée - même si elle est un
rival sous bien des rapports comme l'a montré son opposition
à la guerre en Irak - et qu'elle ne s'effondre pas dans
le chaos. La Russie est une grande réserve d'armes nucléaires
et un des principaux producteurs d'énergie au niveau mondial.
Si la Fédération de Russie volait en éclats, comme
l'ancienne URSS, les conséquences seraient trop dangereuses pour
la bourgeoisie occidentale. Cela ne veut pas dire que demain (ou dans
certains cas, aujourd'hui déjà), les grandes puissances
ne chercheront pas à tirer profit des difficultés intérieures
de la Russie pour pousser leurs propres pions dans la région.
Mais pour le moment, elles ont toutes - y compris les principaux rivaux
des Etats-Unis, la France et l'Allemagne - montré beaucoup de
prudence vis-à-vis de la question russe. Le président
Chirac en France et le chancelier Schröder en Allemagne ont récemment
rendu visite à Poutine, lui ont apporté leur total soutien
pour sa politique en Tchétchénie et ont soutenu l'élection
totalement frauduleuse du nouveau président tchétchène
pro-russe Alu Alkharov qui succède à son prédécesseur
assassiné Kradryov.
Ca convient aux Etats-Unis et à la Russie de proclamer qu'ils
"combattent le terrorisme". En fermant les yeux sur l'occupation
militaire barbare de la Tchétchénie par la Russie et sur
le soutien de cette dernière à des petits chefs de guerre
locaux ailleurs dans le Caucase, Washington reçoit en échange
un certain acquiescement de la Russie envers sa politique au Moyen-Orient
et ailleurs.
Comme c'est la barbarie de l'Etat russe en Tchétchénie
qui a engendré la barbarie des gangs terroristes, il y a des
critiques envers les excès de l'Etat russe qui nous demandent
de "comprendre" les actions des terroristes, tout comme ils
nous demandent de "comprendre" les actions suicide organisées
par le Hamas et des groupes similaires en Palestine, ou même de
"comprendre" les attaques d'Al Qaida le 11 septembre. Et en
effet, nous "comprenons" que ceux dont les familles ont été
massacrées et violées par les troupes russes, ou bombardées
par les avions et les tanks israéliens ou américains,
soient entraînés dans des actes violents de désespoir,
de revanche et de suicide. Mais nous pouvons tout autant "comprendre"
que des conscrits russes terrifiés soient poussés à
des actes d'une brutalité folle contre la population civile en
Tchétchénie. Cette "compréhension" ne
nous amène ni à soutenir l'armée russe, ni à
soutenir les nationalistes et leurs chefs fondamentalistes en attente
du pouvoir qui exploitent le désespoir des pauvres et des opprimés
et les poussent à mener des attaques terroristes contre les pauvres
et les opprimés des autres nations. Face au choix entre la terreur
de l'Etat russe et le terrorisme tchétchène, entre l'armée
d'occupation israélienne et le Hamas, entre les Etats-Unis et
Al Qaida, nous disons : assez de faux choix ! Nous ne nous
ferons pas avoir à soutenir une fraction du capitalisme contre
une autre, à rechercher le "moindre mal" dans aucune
des guerres impérialistes qui ravagent la planète aujourd'hui.
Nous comprenons les racines de la haine nationale et raciale, et c'est
pourquoi nous nous opposons à toutes ses formes d'expression.
Le nationalisme fanatique des preneurs d'otages à Beslan les
a conduits à considérer leurs victimes comme moins qu'humains ;
et maintenant, un puissant sentiment de revanche contre leurs actes
inhumains enfle non seulement en Ossétie mais dans toute la Russie.
L'Etat russe utilisera ces sentiments pour justifier de nouveaux actes
d'agression en Tchétchénie et ailleurs : déjà
ses chefs militaires ont menacé de porter "des attaques
préventives" n'importe où dans le monde. Cela donnera
lieu à de nouvelles représailles terroristes et la spirale
infernale de la mort se poursuivra, comme en Israël, en Palestine
et en Irak.
Contre les divisions nationales et religieuses quelles qu'elles soient,
nous défendons la solidarité des exploités sans
considération de race, de nationalité ou de religion.
Contre tous les appels à la solidarité avec "notre"
Etat ou "nos" représentants nationaux, nous défendons
la solidarité de classe du prolétariat dans tous les pays.
Cette solidarité, cette unité de tous les exploités
ne peut se forger que dans la lutte contre l'exploitation. Elle n'a
rien en commun avec les appels à la charité, avec l'illusion
que la solidarité se réduit à l'envoi d'argent
ou de couvertures aux victimes de la guerre et de la terreur. Les guerres
et les massacres qui s'étendent sur toute la planète sont
le produit de la société capitaliste décadente
dans sa phase terminale ; on ne peut s'y opposer et les combattre
que par la lutte commune pour une nouvelle société où
la solidarité humaine sera la seule loi.
L'une des mères éplorées de Beslan disait que l'inhumanité
du siège lui avait fait penser que c'était "le début
de la fin du monde". La disparition de toute décence humaine,
des liens sociaux les plus basiques que montre le massacre d'enfants,
nous montre vraiment que le monde capitaliste arrive à sa fin,
d'une façon ou d'une autre. Une façon, c'est la voie capitaliste
qui mène à l'extermination de l'humanité ;
l'autre, c'est la voie prolétarienne qui mène au renversement
révolutionnaire du capitalisme et à la construction d'une
société communiste sans classes ni exploitation, sans
Etats, sans frontières et sans guerres.
Les fonctionnaires
argentins qui travaillent pour l’Etat national, provincial, municipal, ceux qui
sont détachés dans l’Antarctique, qu’ils soient décentralisés ou dans les
entreprises de l’Etat, sont divisés, d’une part du fait de la séparation
artificielle qu’a imposé la constitution de l’Etat bourgeois en 1853 et ses
réformes successives, mais d’autre part à cause des agissements de ces
appareils de l’Etat au service du capital que sont les syndicats.
Les fonctionnaires se retrouvent donc affiliés à toute une myriade
d’organisations syndicales, générées par cette division artificielle de l’Etat
bourgeois et par l’appareil de domination bourgeoise que sont les syndicats,
une division institutionnalisée par la législation capitaliste elle-même, comme
la loi sur les associations professionnelles, les statuts, etc.
Les gouvernements capitalistes successifs ont pu prendre des mesures à
l’encontre des fonctionnaires par le biais des soi-disant "réformes de
l’Etat" et des politiques de privatisation qui ont entraîné le
licenciement sec de milliers de travailleurs ou de façon plus masquée par les
"départs volontaires à la retraite anticipée". Au tout début des
politiques dites de "réformes de l’Etat", on a vu à partir de 1991 le
gel des salaires de la totalité des fonctionnaires dans le cadre national,
provincial, municipal et autres.
Il faut souligner que les effets de l’inflation se sont faits durement sentir,
y compris au cours de la période de la convertibilité du peso argentin par
rapport au dollar jusqu’en 2001 : les travailleurs ont eu à supporter des
augmentations du prix des produits de base allant jusqu’à 60% et depuis l’échec
de la politique économique mise en place par Carlos Menem, le pouvoir d’achat
des travailleurs a diminué de 30% à 50%, selon que l’on compte en dollars ou en
pesos.
C’est ainsi que, pendant toute cette période couvrant presque 14 ans, les
fonctionnaires n’ont pratiquement pas protesté, malgré leurs salaires de
misère, à l’exception des provinces ou des quelques municipalités qui se sont
mobilisées parce que leur salaire n’était carrément pas payé et cela sous
l’oeil vigilant des syndicats.
Mais, face à la chute brutale des salaires des fonctionnaires, exclus des
augmentations de 250 dollars, dites "d’urgence", accordées par le
gouvernement dans le secteur privé, et face au silence syndical, les
travailleurs ont rompu les amarres avec le syndicalisme. En mars 2004, ils ont
commencé, sous l’œil consterné des syndicats, à se réunir spontanément en
assemblées générales, où se posait la question de la participation de tous les
travailleurs sans distinction de syndicat, sans que le fait d’être affilié à
telle ou telle institution ait une importance, ni d’être titularisé ou
contractuel, et c’est là qu’on a commencé à débattre sur la question des
salaires et sur la nécessité de lutter jusqu’à l’obtention des 250 dollars.
Face à cette situation, la réaction des grands syndicats de fonctionnaires de
la ville de Buenos-Aires a été de deux sortes, avec deux méthodes différentes,
mais pour atteindre le même but : épuiser l’énergie ouvrière, dévoyer et
détruire la lutte des travailleurs. Une des tactiques adoptée, en l’occurrence
par le SUTECBA[1] [7], a été de faire peur aux
ouvriers : perte des heures supplémentaires et des primes plus la perte de
leur poste de travail. L’autre syndicat, ATE[2] [8], a
adopté la tactique de monter au créneau en proposant des moyens d’action tout
simplement stériles : nombreux soutiens et saluts à la lutte, marches,
grèves de 24, 48 et 72 heures, tout cela pour isoler les travailleurs de leurs
camarades de lutte des autres établissements, vieille tactique des syndicats.
Mais la poursuite de la lutte et de l’action des travailleurs ont fait que
l’ATE a fini par abandonner son "plan de lutte" sans même l’avoir mis
en œuvre.
C’est en prenant conscience que les syndicats sont contre la classe ouvrière
que les travailleurs des hôpitaux ont commencé à se réunir sur leurs lieux de
travail, et ont tenté de généraliser les moyens d’action vers les autres
hôpitaux, à tenir des assemblées générales unifiées de tous les hôpitaux, avec
des revendications telles que "augmentation immédiate de
salaire !" ou "Pas d’ATE ni de SUTECBA !".
Quelques agents hospitaliers ont mis en avant la revendication de lutter pour
une augmentation de salaire, en se posant en dehors des syndicats, n’acceptant
ni leurs bravades menaçantes, ni leurs fausses "directives
combatives", allant même jusqu’à empêcher la prise de parole aux
dirigeants syndicaux qui tentaient soit de boycotter la lutte, soit de la dévoyer
vers des actions symboliques. Ils ne sont pas restés isolés sur leur lieu de
travail, ils ont essayé d’unifier tous les travailleurs et d’étendre la lutte à
toute la fonction publique, dans la mesure de leurs possibilités.
La preuve, les assemblées générales qui surgissaient spontanément comme des
champignons partout, dans tous les secteurs, qui intégraient de nouveaux
travailleurs qui venaient y participer tous les jours et qui, partant de la
revendication sur l’augmentation des salaires, en arrivaient à rejeter les
plans du gouvernement, concluant qu’il n’y a pas de solution dans le système
capitaliste. C’est ce qui est arrivé dans différents hôpitaux et qui a marqué
un jalon chez les travailleurs municipaux, historiquement éloignés des luttes
ouvrières car subissant eux-mêmes l’illusion de faire partie d’une
"aristocratie ouvrière". On peut dire aujourd’hui que ce mythe erroné
s’est brisé pour toujours, que quelque chose a changé et les luttes à venir en
apporteront la preuve.
Ces assemblées mandataient des délégués pour les représenter dans les
assemblées ou les réunions inter-hospitalières, qui n’étaient pas fermées,
mais, au contraire, étaient ouvertes et où participaient tous les camarades,
ayant tous la possibilité de prendre la parole et de participer aux décisions.
Face à la pression des divers courants politico-syndicaux, ils décidèrent
qu’aucun représentant ou délégué ne négocierait au nom des travailleurs et que
tout accord serait approuvé par l’ensemble des travailleurs.
Voyant la tournure que prenait la lutte des ouvriers municipaux de la santé de
la capitale fédérale, et devant le risque d’extension non seulement aux
travailleurs municipaux, mais aussi aux provinciaux et aux nationaux, les
syndicats (particulièrement l’ATE) ont mis un arrêt à leur coup de force, mais
la SUTECBA a utilisé tout son arsenal pour intimider les travailleurs, les
tromper avec de prétendues augmentations de salaires que 80 % des municipaux
n’ont jamais touché, afin de freiner la lutte.
Cette tactique, jointe aux menaces de sanctions disciplinaires et économiques,
a favorisé l’arrêt de la lutte des travailleurs de la santé.
Les travailleurs doivent garder clairement en tête qu’un pas en avant a été fait, ce qui s’est concrétisé dans les mots d’ordre :
S’il est vrai que nous n’avons pas obtenu d’augmentation salariale, nous avons
cependant entamé une nouvelle pratique dans la lutte, en mettant en avant
l’unité de la classe et en nous donnant les instruments de cette lutte, les
assemblées.
Nous n’avons pas été des centaines de milliers en lutte, quelques milliers
seulement, mais ce qui a été important c’est que nous avons pu vivre une
expérience, vérifier que la classe ouvrière est une seule classe, qu’il n’y a
pas de différence entre les travailleurs qui sont dans les filets d’un syndicat
et ceux qui ne le sont pas, entre les CDI et les CDD, nous sommes tous des
travailleurs, nous avons tous les mêmes besoins et le même ennemi, l’Etat
bourgeois et ses syndicats.
Mais le plus important, à côté de cette unité et des organes de lutte qu’on
s’est donnés, est que la majorité des travailleurs ne s’est pas laissée séduire
par les chants de sirène des gauchistes avec leurs nouvelles propositions de
listes et de regroupements "de classe", avec leurs nouveaux labels
syndicaux. Au contraire, notre expérience pratique dans le feu de la lutte de
classe, nous a montré que, quelle que soit la forme adoptée par les syndicats,
qu’elle soit bureaucratique ou " de classe", ces organes sont
irrécupérables pour les luttes ouvrières, et quelle que soit leur bonne foi,
ils seront toujours absorbés par l’Etat capitaliste en devenant un appareil au
service de ce système en décomposition.
Cette lutte inédite chez les travailleurs hospitaliers, qui pour beaucoup
n’a pas l’importance qu’elle mérite, a été un moment très fort, surtout grâce à
l’expérience de la généralisation des assemblées de base comme outil, avec
l’élection de délégués mandatés et tournants.
Toutes les luttes sans exception, quand elles sont menées par les syndicats,
aboutissent à une défaite catastrophique pour les travailleurs. Pour cette raison,
face aux actions de la classe ouvrière en dehors des syndicats, avec des
décisions prises en assemblées générales et tendant à généraliser le plus
possible les luttes à l’ensemble de la classe ouvrière, la bourgeoisie, les
syndicats, les patrons (privés ou d’Etat) s’agitent et ont recours à tous les
moyens possibles à leur portée pour défaire le mouvement.
Nous devons en tant que travailleurs nous auto-organiser en marge des
syndicats, créer nos propres outils de lutte et généraliser la lutte le plus possible
à l’ensemble de la classe ouvrière. Nous avons emprunter ce chemin, nous ne
sommes pas allés au bout, mais les riches leçons de cette lutte constituent une
grande expérience pour les luttes futures des travailleurs : nous ne
devons avoir confiance que dans les forces de notre classe et non dans celles
de nos ennemis ou de nos faux amis.
Le texte que nous publions ci-dessus a été écrit par les camarades du Noyau Communiste International (NCI) d’Argentine qui ont élaboré des positions programmatiques très proches des positions du CCI et développent actuellement des discussions avec notre organisation et avec l’ensemble de la Gauche communiste dans une perspective militante et internationaliste.
L’intérêt de ce texte est double : d’une part, il témoigne d’une lutte
combative et riche en expériences des agents hospitaliers de Buenos Aires. Par
ailleurs, c’est une prise de position qui défend l’unité de la classe ouvrière
("la classe ouvrière est une, il n’y a pas de différence entre les
travailleurs qui sont dans les filets d’un syndicat et ceux qui ne le sont pas,
entre les CDI et les CDD, nous sommes tous des travailleurs, nous avons tous
les mêmes besoins et le même ennemi, l’Etat bourgeois et ses syndicats"),
qui soutient ses méthodes de lutte et dénonce clairement les syndicats. La fin
du texte est particulièrement éloquente : "les travailleurs
doivent s’auto-organiser en dehors des syndicats, créer nos propres outils de
lutte et étendre la lutte le plus possible à l’ensemble de la classe ouvrière.
Nous avons emprunté ce chemin, nous n’avons pas pu aller au bout, mais les
riches leçons de cette lutte constituent une grande expérience pour les luttes
futures, nous ne devons avoir confiance que dans les forces de notre classe et
non dans celles de nos ennemis ou de nos faux amis".
Nous avons combattu, et les camarades du NCI ont activement participé à ce
combat, l’erreur qui consistait à voir dans les révoltes de décembre 2001 en
Argentine un "mouvement ouvrier" alors qu’il s’agissait clairement
d’une révolte interclassiste sans perspectives[3] [9]. Nous
avons essuyé à cause de cela de nombreuses critiques des autres groupes
révolutionnaires qui nous dépeignaient comme étant des "défaitistes"
et nous accusaient de "mépriser les luttes ouvrières réelles".
A cela nous avons répondu qu’il est absurde de s’accrocher à une chimère et de
voir des géants là où il y a seulement des moulins à vent et nous avons précisé
que nous étions confiants dans les capacités du prolétariat argentin[4] [10].
Aujourd’hui, cette petite expérience de la lutte des agents hospitaliers vient
confirmer cette hypothèse. Ce n’est pas tant une lutte spectaculaire et
décisive qu’une preuve montrant comment le prolétariat argentin participe aux
mêmes tendances qui mûrissent aujourd’hui, de façon très lente et
contradictoire, au sein du prolétariat mondial.
Dans ce sens, nous souhaitons préciser un aspect du texte des camarades. Dans
certains passages, ils disent que "les travailleurs ont rompu les amarres
avec le syndicalisme" et qu’ils étaient conscients que les syndicats sont
contre la classe ouvrière et que "la majorité des travailleurs ne s’est
pas laissée séduire par les chants de sirène des gauchistes avec leurs nouvelles
propositions de listes et de regroupements "de classe", avec leurs
nouveaux labels syndicaux". Il existe effectivement une tendance au sein
de la classe ouvrière internationale à se méfier des syndicats et à s’affronter
à leurs manœuvres, toutefois, nous ne croyons pas que cela soit généralisé au
prolétariat mondial ou à leurs frères en Argentine. Le prolétariat doit encore
parcourir un chemin long et difficile pour avoir de nouveau confiance en lui,
récupérer son identité de classe et comprendre que les syndicats sont ses
ennemis et que les multiples variantes du syndicalisme font partie intégrante
de l’Etat bourgeois.
Nous devons faire un effort pour comprendre le rapport de forces global et
historique dans lequel s’inscrit chaque bataille partielle que livre le
prolétariat. Qu’une petite minorité de travailleurs commence à comprendre les
questions énoncées ci-dessus est une chose, autre chose bien différente est que
cette conscience se généralise de façon irréversible à de larges secteurs
ouvriers.
Pour nous, en fonction d’une analyse dynamique de la situation actuelle de la
lutte de classes, il est très important qu’une minorité de camarades tire les
leçons et les aient publiées pour qu’elles puissent s’inscrire dans les efforts
de lutte et la prise de conscience qui, de façon encore très contradictoire,
difficile et minoritaire, mûrissent dans le prolétariat mondial. C’est ce qui
aidera à modifier le rapport de force avec la bourgeoisie en faveur du
prolétariat.
[1] [11] SUTECBA : Syndicat unique des travailleurs et employés municipaux
de la ville de Buenos-Aires, affilié à la Confédération générale du travail.
[2] [12] ATE : Association des travailleurs de l’Etat, affiliée à la
centrale des travailleurs argentins CTA.
[3] [13] Voir Revue internationale n°
109, 2e trimestre 2002.
[4] [14] Voir Revue internationale N°
117, 2e trimestre 2004.
La prise d’otages est devenue une pratique guerrière courante, presque journalière. En Tchétchénie, au Moyen-Orient, en Irak, en Afrique, partout où les conflits impérialistes sont ouvertement à l’œuvre, des êtres humains sont pris en otage, décapités, massacrés, tout en étant filmés par les médias aux ordres de la bourgeoisie. Le capitalisme est né dans la boue et le sang, mais si le prolétariat le laisse faire, il nous entraînera dans une marée de souffrance et de destruction.
Il y a maintenant un mois, deux journalistes français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot ont été enlevés en Irak. Ce ne sont pas les premiers français pris en otage de part le monde au cours des dernières années. Malgré une présence militaire forte et active, des journalistes avaient déjà été enlevés en Côte-d’Ivoire, comme d’ailleurs un journaliste de Canal Plus, Jordanov, qui avait été détenu pendant quatre jours par une faction islamiste en Irak au printemps dernier. Jamais la bourgeoisie française n’avait jusqu’à présent mené de campagne idéologique en faveur de la libération d’otages avec une telle ampleur, avec une publicité médiatique aussi grande. La classe ouvrière ne doit pas se faire d’illusions, l’Etat français se moque totalement de la vie de ces deux journalistes. Le capitalisme a toujours eu un mépris total pour la vie humaine et ce n’est pas dans la période de décomposition de son système que cela risque de changer. Il suffit de se rappeler le rôle cynique et barbare joué par la France dans le génocide de près d’un million de personnes au Rwanda en 1994 pour s’en convaincre totalement, si cela était encore nécessaire. Tous les efforts diplomatiques de l’impérialisme français dans tous les pays arabes et musulmans n’ont qu’un seul et véritable objectif : y renforcer autant que possible son influence. Un article de Courrier International du lundi 20 septembre commence ainsi : "Si les ravisseurs des deux journalistes français Christian Chenot et Georges Malbrunot avaient pu s’attendre à la vague de réprobation islamique que leur acte a soulevé, il est fort probable qu’ils auraient renoncé à cet enlèvement." En effet, à partir du moment où le rapt des deux journalistes a été officiellement connu, nous avons pu assister à une offensive diplomatique –avec sans aucun doute une composante secrète- conduite par les plus hauts responsables de l’Etat français dans l’ensemble des capitales arabo-musulmanes. Le résultat de cette offensive politique de la bourgeoisie française est que jamais la France n’aura été autant soutenue et n’aura fait l’objet d’une telle sollicitude des sociétés arabes et musulmanes. Aucun Etat, y compris ceux qui, tel l’Egypte, figurent depuis plusieurs dizaines d’années parmi les plus fidèles alliés des Etats-Unis, n’ont manqué à l’appel. Tous ont accueilli très chaleureusement les déclarations mettant en avant la politique de soutien au monde arabo-musulman de la part de l’impérialisme français. La position de la France sur la guerre en Irak n’est à cet égard qu’un aspect de sa politique impérialiste dans cette région du monde. Mais plus significatif encore de l’orientation pro-arabe et pro-musulmane de la politique impérialiste de la France est l’abondance des messages de sympathie et de soutien qu’aura reçu l’Etat français à cette occasion de la part des hauts dignitaires religieux et autres organisations terroristes armées : le cheikh Youssef Al-Qaradaoui (haut dignitaire sunnite) ; Mohamed Hussein Fadlallah (un des dirigeants du Hezbollah) ; le guide du mouvement des frères musulmans en Irak ; le Hamas ; l’organisation du Djihad islamique palestinien... Il est impossible de savoir qui est à l’origine de cette prise d’otages, comme il est délicat d’avancer avec certitude quelle est l’obédience du groupe terroriste qui, sur place a commis l’enlèvement. Combien de groupes totalement incontrôlés, prolifèrent dans le chaos irakien ? En tout état de cause, il semble bien que, pour le moment, la bourgeoisie française a profité au maximum de cette prise d’otages en travaillant à réactiver tous ses réseaux de contacts et de liens politiques dans cette partie du monde, en réaffirmant à cette occasion sa ligne politique en direction du monde arabe et musulman. Il est indéniable qu’à ce jour, l’impérialisme français vient de marquer des points non négligeables sur le terrain des affrontements inter-impérialistes.
Il est bien évident que les principaux concurrents de l’impérialisme
français et en premier lieu les Etats-Unis ne pouvaient pas rester
indifférents à cette offensive de la France. On ne peut
manquer de remarquer que l’Etat français, par l’entremise
de son chef de la diplomatie Michel Barnier ou de son ministre de l’intérieur
Dominique de Villepin, s'est montré dans un premier temps très
optimiste à propos de la libération des deux journalistes
français. Cet optimisme ne pouvait être dû qu’à
des renseignements fiables sur les résultats positifs de l’offensive
diplomatique menée sur la libération des otages. Et pourtant,
un mois après, leur libération n’est pas encore effective.
Si, comme tout le monde l’affirme, les otages sont retenus dans
la région de Fallouja, il est important de remarquer la simultanéité
de la campagne internationale pour la libération de ces deux
journalistes et l’offensive américaine d’envergure
sur Fallouja. Comme il est encore important de noter que, depuis lors,
des raids de l’aviation militaire sont sans cesse menés :
"L’armée américaine a affirmé ces
derniers jours avoir pris pour cible, à plusieurs reprises, des
repaires présumés du groupe de l’islamiste jordanien
Abou Moussad Al Zarkaoui, lié à Al-Qaida, à Fallouja,
faisant ainsi des dizaines de morts parmi la population civile."
(Courrier International du 20 septembre). Il est certain, que cette
nouvelle offensive armée américaine, tout particulièrement
centrée sur la région où sont retenus les otages
français n’est que la partie la plus visible de la réaction
américaine à l’offensive impérialiste de la
France, qui s’est elle-même développée à
peine cachée sous la bannière humanitaire de la libération
des deux journalistes. Ceci donne tout son sens au fait que le gouvernement
Chirac met en avant la poursuite des combats et des violences en Irak
pour expliquer la lenteur de la libération éventuelle
de ces deux journalistes français et de leur chauffeur syrien.
Les dignitaires religieux semblent tout particulièrement visés
depuis quelques temps : "Deux membres du comité
des oulémas sunnites ont été assassinés
lundi dans la capitale irakienne. Des hommes armés ont tué
le cheikh Mohamed Djadou lundi alors qu’il sortait d’une mosquée
à l’ouest de Bagdad. Quelques heures plus tôt, dimanche
soir, un autre dirigeant du comité des oulémas, Hazem
Al Zadi, a été tué à la sortie des prières
d’une mosquée de Sadr City, quartier chiite de la capitale
irakienne. Le comité des oulémas a dit craindre une "campagne
organisée" d’assassinats de ses dignitaires."(idem).
En retour, ces assassinats particulièrement ciblés sont
un facteur très important dans le mouvement de radicalisation
d’une partie de la population irakienne, notamment parmi sa frange
la plus croyante, plongeant un peu plus l’Irak dans un chaos total.
Dans ce contexte, quelles que soient les motivations réelles
du groupe terroriste qui détient les deux otages français
et le niveau d’influence que peuvent avoir sur lui les autorités
religieuses, il semble bien que les ravisseurs se retrouvent dans une
situation très périlleuse qui complique sérieusement
les modalités de libération des deux journalistes français.
Aussi bien les réactions d’ampleur et menaçantes
à cet enlèvement que les enjeux des tensions interimpérialistes,
impliquant directement la France et les Etats-Unis, placent ces preneurs
d’otages entre le marteau et l’enclume. De tous cotés,
la perspective à leur égard, pourrait être leur
écrasement dans le sang. Dans ce sens, le permis de tuer (par
une "fatwa") délivré par les plus hautes autorités
religieuses à ces ravisseurs est significatif du soutien global
du monde musulman à l’impérialisme français.
Le jeudi 16 septembre dernier, deux Américains et un Britannique,
ont été enlevés dans leur résidence d’un
quartier aisé de Bagdad, comme au même moment deux jeunes
femmes italiennes engagées dans des activités humanitaires
auprès d’ONG. Aucune des instances qui se sont mobilisées
pour soutenir la France dans l’affaire de ses otages, ne s’est
mobilisée à nouveau pour les otages américains.
C’est même le silence le plus total qui prévaut, signifiant
ainsi, de fait, l’aval donné par ces instances à
ces prises d’otages. Et l’assassinat barbare, filmé
sur Internet, de deux d’entre eux ne s’est pas fait attendre.
La prolétariat ne doit se faire aucune illusion. L’Irak
livré à la guerre permanente et à l’anarchie
la plus complète ne peut que sombrer encore plus dans le chaos.
Derrière la guerre civile en Irak et dans l’ensemble du
monde arabo-musulman, les grandes puissances impérialistes se
rendent coup pour coup. La prise des otages français quels qu’en
soient les initiateurs et leurs motivations, comme quelle qu’en
soit l’issue, n’aura constitué qu’un épisode
supplémentaire dans les affrontements impérialistes, et
notamment entre la France et les Etats-Unis. La vie des otages n’est
que le prétexte pour développer cet affrontement.
Certes, la France vient de marquer quelques points, mais ceci peut encore
évoluer selon le sort qui sera réservé aux otages.
Dans leur lutte acharnée, la France et les Etats-Unis ne manqueront
pas d’en faire l’usage le plus cynique.
La bourgeoisie française a déjà largement profité,
par exemple, du moins dans un premier temps, du battage médiatique
autour de cet événement. Une fois de plus, la barbarie
du capitalisme aura permis de recréer et de susciter un climat
d’union nationale, "d’union sacrée" entre
les exploiteurs et leurs exploités, auquel toutes les forces
de la bourgeoisie auront largement contribué, des trotskistes
au PCF, des pontes du PS en passant par l’ensemble des leaders
de la droite. La classe ouvrière n’a rien à gagner
mais tout à perdre en se laissant entraîner dans de telles
campagnes qui ne servent qu’à la détourner de son
terrain de lutte.
Comme à son habitude, la bourgeoisie a immédiatement déclenché
le battage médiatique suivant une mécanique idéologique
bien huilée. Une véritable pièce de théâtre !
Premier acte : le président du pays, Nicanor Duarte Frutos,
verse toutes les larmes de son corps et décrète trois
jours de deuil national. Quel cynisme ! Venir profiter de la mort
de prolétaires afin de donner un visage humain et compatissant
à l’Etat, lui le premier garant du système capitaliste.
La bourgeoisie s’enorgueillit même de ce machiavélisme.
"L’Etat peut sortir renforcé du drame s’il
réagit rapidement" claironne, non sans ironie, Fernando
Abruciò, expert en politique internationale (Libération
du 3 août).
Second acte : la justice aux ordres pointe du doigt un bouc-émissaire,
un individu qui endossera toutes les responsabilités du massacre.
Il s’agit de Victor Daniel Paiva, manager général
du centre commercial inculpé d’homicide volontaire dès
le mercredi 4 août. Le président Duarte l’avait exigé,
il voulait une enquête rapide "pour que les coupables
soient punis". Evidemment, la photo de cet homme est placardée
dans tous les journaux, exposée à la vindicte populaire.
Une telle focalisation haineuse évite ainsi d’aller chercher
plus loin. Elle masque le véritable responsable de ces assassinats
qui n’est autre que le capitalisme, un système basé
sur l’exploitation des prolétaires, la production de marchandises,
l’argent et la recherche du profit. Aux yeux du capital, la vie
humaine n’a aucune valeur. La catastrophe d’Asunción
n’a fait que révéler une fois encore la logique barbare
de ce système qui n’a aucun scrupule à massacrer
ceux qu’il exploite pour tenter de sauver ses marchandises. C’est
cette vérité là, toute nue, qui éclate dans
cet abominable carnage. Le manager général du magasin
n’est pas un psychopathe, il est le digne représentant de
sa classe.
Troisième et dernier acte : la bourgeoisie des pays centraux
reconnaît l’existence de causes beaucoup plus profondes et
communes à tous les pays de la périphérie. Les
journaux français dénoncent à cor et à cri
la corruption généralisée du Paraguay ou la vétusté
des infrastructures sécuritaires. Le fait que les pompiers tentaient
désespérément de boucher les trous de leur tuyau
avec leur bottes, pour éteindre le feu, a été martelé
à longueur de colonnes. Effectivement, c’est une réalité,
l’incendie du centre commercial d’Asunción a pour cause
première l’état désastreux du matériel,
des bâtiments. Les règles minimales de sécurité
étaient totalement inexistantes. Mais ce n’est pas une particularité
des pays du tiers-monde.
Derrière ses cris d’orfraie, la bourgeoisie des pays développés
veut nous faire croire qu’ici les prolétaires seraient traités
de façon plus humaine. Mensonges ! Au Paraguay, comme en
France, comme partout ailleurs, la bourgeoisie est contrainte, sous
les coups de boutoir de la crise, de faire des économies au mépris
de la vie des prolétaires. Les infrastructures industrielles
se délabrent, ne sont plus entretenues. Partout sur la planète,
la menace de catastrophes, d’explosions se fait chaque jour un
peu plus grande. Deux jours avant Asunción, c’est à
Ghislenghien, en Belgique, que l’explosion d’une conduite
de gaz tuait 18 ouvriers. Souvenons-nous encore de l’explosion
de l’usine AZF à Toulouse en 2001 et qui a fait plusieurs
dizaines de morts et 9000 blessés. Aujourd’hui encore, trois
années après la catastrophe, l’Etat, les assureurs,
les patrons, se rejettent la faute tandis que la classe ouvrière
continue à payer la note financièrement et physiquement.
En dénonçant la vétusté des infrastructures
et la sauvagerie des capitalistes dans les pays sous-développés,
la bourgeoisie des pays industrialisés tente tout simplement
de faire oublier ses propres mœurs, son propre mépris pour
les vies humaines. Et surtout, elle cherche à masquer la responsabilité
de son système en pleine décomposition. L’incendie
du centre commercial d’Asunción n’est pas une tragédie
résultant de "spécificités locales".
Il est le miroir de cette décomposition de la société
bourgeoise avec à sa tête une classe dominante sanguinaire
qui, pour défendre ses intérêts, n’hésite
jamais à massacrer ceux qu’elle exploite.
Nous publions ci-dessous la deuxième partie du compte-rendu d’une réunion publique du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire (BIPR) qui s’est tenu le 15 mai à Berlin, à laquelle le CCI a participé, et qui portait sur les causes de la guerre impérialiste.
Dans la première partie de ce compte-rendu, publié dans le dernier numéro de RI (n°349), nous avons mis en évidence le danger de l’empirisme bourgeois qui conduit le BIPR à emboîter le pas aux campagnes des sociaux-démocrates et de l’idéologie altermondialiste dans son analyse des causes de l’offensive impérialiste des Etats-Unis en Irak.
Au cours de cette deuxième partie de la discussion en particulier,
différentes questions critiques ont été adressées au CCI. Celles-ci mettaient
en question l’importance donnée à la signification des questions stratégiques
dans nos analyses des rivalités impérialistes. Le camarade du FKG[1] [22] a critiqué
le fait que –à son avis– le CCI explique les tensions impérialistes par les
rivalités militaires sans les relier à la crise économique, et en excluant
apparemment les facteurs économiques. Il a mis en avant l’exemple des objectifs
économiques de l’Allemagne dans la Seconde Guerre mondiale, de façon à
insister, contre la position du CCI, sur le fait que les Etats impérialistes
cherchent une solution à la crise économique dans la guerre. Un camarade
d’Autriche, autrefois membre fondateur dans ce pays du "Groupe Communiste
International", voulait savoir si le CCI accorde une certaine importance
au rôle du pétrole ou si, au contraire, il considère que c’est par simple
coïncidence si la cible de la "lutte contre le terrorisme" prend
place précisément dans une région où se trouvent les plus grandes réserves de
pétrole du monde. Le représentant du GIS a aussi demandé une précision sur
notre prise de position selon laquelle la guerre moderne n’est pas une
solution, mais est elle-même l’expression de l’explosion de la crise.
La délégation du CCI a répondu que, de notre point de vue, le marxisme, loin de
nier le lien entre crise et guerre, est capable de l’expliquer de façon
beaucoup plus profonde. Cependant, pour le CCI, la guerre impérialiste n’est
pas l’expression des crises cycliques qui étaient typiques du XIXe siècle mais
le produit de la crise permanente du capitalisme décadent. En tant que telle,
elle est le résultat de la rébellion des forces productives contre les rapports
de production de la société bourgeoisie qui sont devenus trop étroits pour
elles. Dans son livre l’Anti-Dühring, Friedrich Engels affirme que la
contradiction centrale dans la société capitaliste est celle qui existe entre
une production qui devient déjà socialisée et une appropriation de cette
production qui reste privée et anarchique. A l’époque de l’impérialisme, une
des principales expressions de cette contradiction est celle qui existe entre
le caractère mondial du processus de production et l’Etat-nation en tant
qu’instrument le plus important de l’appropriation privée capitaliste. La crise
du capitalisme décadent est une crise de toute la société bourgeoise. Elle
trouve son expression strictement économique dans la dépression économique, le
chômage massif, etc. mais elle s’exprime aussi au niveau politique, militaire,
c’est-à-dire à travers des conflits militaires toujours plus destructeurs. La
caractéristique de cette crise de tout le système est l’accentuation permanente
de la concurrence entre les Etats-nations aussi bien au niveau économique que
militaire. C’est pourquoi nous nous sommes élevés, au cours de la réunion,
contre l’hypothèse du représentant de "l’Internationale Communiste"
(voir première partie du compte-rendu) selon laquelle, dans la lutte pour
l’hégémonie mondiale, la bourgeoisie américaine utiliserait des moyens
militaires et la bourgeoisie européenne des moyens économiques. En réalité,
cette lutte est menée en utilisant tous les moyens possibles. La guerre
commerciale est aussi enragée que la guerre militaire. Il est vrai, bien
évidemment, que chaque fraction nationale de la bourgeoisie, à travers la
guerre, cherche toujours une sortie à la crise. Mais parce que le monde, depuis
le début du XXe siècle, a déjà été partagé, cette "solution" ne peut
être envisagée qu’aux dépens des autres, en général les Etats capitalistes
voisins. Dans le cas des grandes puissances, cette "solution" ne peut
que résider dans la domination sur le monde et en tant que telle, elle exige
l’exclusion ou la subordination radicale des autres grandes puissances. Cela
veut dire que cette recherche de sortie de la crise prend de plus en plus un
caractère utopique et irréaliste. Le CCI parle ici d’une
"irrationalité" croissante de la guerre.
Au cours de la décadence capitaliste, il apparaît régulièrement que la
puissance prend l’initiative de déclencher la guerre en ressorte finalement
comme le vaincu : l’Allemagne dans les deux guerres mondiales par exemple.
Cela révèle la nature de plus en plus irrationnelle et incontrôlable de la
guerre.
Ce que nous critiquons dans l’analyse que le BIPR fait de la guerre, ce n’est
pas du tout l’affirmation selon laquelle la guerre a des causes économiques,
mais la confusion entre les déterminations économiques et la rentabilité
économique. De plus, nous critiquons le fait d’expliquer chaque mouvement dans
la constellation impérialiste par une cause économique immédiate, ce qui, à
notre avis, constitue une tendance matérialiste vulgaire. Cela s’est révélé
précisément sur la question du pétrole. Il va sans dire que la présence de
ressources pétrolières au Moyen-Orient joue un rôle considérable. Cependant,
les puissances industrielles –d’abord et avant tout les Etats-Unis– n’avaient
pas besoin d’occuper militairement ces champs pétrolifères pour établir leur
prédominance économique sur cette matière première ou d’autres. Ce qui est en
jeu, c’est avant tout l’hégémonie militaire et stratégique sur des sources
d’énergie potentiellement décisives dans les épisodes de guerre.
Le BIPR a rejeté de façon véhémente l’affirmation du CCI selon laquelle la
guerre moderne serait l’expression de l’impasse du capitalisme. Le représentant
de Battaglia Comunista a bien admis que la nature destructrice du capitalisme
conduit tôt ou tard à la destruction de l’humanité. Mais tant que cette calamité
finale n’a pas eu lieu, le capitalisme peut continuer son expansion de façon
illimitée. Selon le camarade de Battaglia, ce ne sont pas les guerres
actuelles, imposées par les Etats-Unis, mais les "vraies guerres
impérialistes" du futur (par exemple entre l’Amérique et l’Europe) qui
seraient les moyens de cette expansion, étant donné qu’une destruction
généralisée ouvrirait la route à une nouvelle phase d’accumulation.
Nous avons été d’accord sur le fait que le capitalisme est capable de balayer
l’humanité. Toutefois, la destruction de la production excédentaire, considérée
d’un point de vue historique, n’a même pas suffi à surmonter les crises
cycliques du capitalisme ascendant du XIXe siècle.
C’est pour cela que, selon Marx et Engels, l’ouverture de nouveaux marchés
aussi était nécessaire. Alors que, dans le cadre de l’économie naturelle, la
surproduction ne pouvait qu’apparaître comme un excès par rapport aux limites
physiques maximales de la consommation humaine, dans le régime de production de
biens de consommation, et surtout dans le capitalisme, la surproduction est
toujours exprimée par rapport à la consommation existante de ceux qui possèdent
de l’argent. C’est une catégorie économique plus que physiologique. Cela
signifie que la destruction par la guerre ne résout pas par elle-même le
problème fondamental du manque de demande solvable.
Avant tout, le point de vue défendu ici par le BIPR, concernant l’expansion
possible du capitalisme jusqu’au moment de la destruction physique, n’est pas
compatible avec la vision d’une décadence du capitalisme –une vision que le
BIPR semble de plus en plus abandonner. En effet, selon le point de vue
marxiste, le déclin d’un mode de production s’est toujours accompagné d’un
développement croissant des entraves aux forces productives du fait de la
production existante et des rapports de propriété. Il semble que, pour
Battaglia, la guerre paraît encore jouer le rôle de moteur de l’expansion
économique comme au XIXe siècle.
Quand le représentant de Battaglia parlait, pendant la réunion, des
"guerres vraiment impérialistes" à venir, il ne faisait que confirmer
notre impression que cette organisation considère les guerres de la période
actuelle comme une simple continuation de la politique économique des Etats-Unis
avec d’autres moyens, et pas comme des conflits impérialistes. Pour notre part,
nous avons insisté sur le fait que ces guerres sont aussi des guerres
impérialistes et que les grandes puissances impérialistes à travers elles
entrent en conflit les unes avec les autres – pas directement, mais par exemple
via les guerres à la périphérie. La série de guerres en ex-Yougoslavie, qui à
l’origine étaient suscitées par l’Allemagne, confirme aussi que dans ce
processus, les Etats- Unis sont loin d’être les seuls agresseurs.
Dans sa conclusion à la discussion, le porte-parole du BIPR a défendu le
point de vue selon lequel cette discussion aurait révélé que le débat entre le
BIPR et le CCI est "inutile". Et cela, parce que pendant des
décennies, le BIPR a accusé le CCI "d’idéalisme" et le CCI a accusé
le BIPR de "matérialisme vulgaire" sans qu’aucune des deux
organisations n’ait modifié son point de vue.
A notre avis, c’est un jugement plutôt négatif sur une discussion dans
laquelle, non seulement les deux organisations, mais aussi tout un éventail de
groupes et de personnes différentes ont participé de façon très engagée. Il est
évident que la nouvelle génération de militants qui s’intéressent à la
politique dans l’aire germanophone doit trouver un grand intérêt à venir
connaître les positions des organisations internationalistes existantes, à
s’informer autant que possible des accords et des désaccords entre elles. Quoi
de mieux pour répondre à cette demande qu’un débat public ?
Pour autant que nous sachions, aucun révolutionnaire sérieux jusqu’à présent
n’a jamais pensé, par exemple, à mettre en doute l’utilité du débat entre
Lénine et Rosa Luxembourg sur la question nationale, uniquement parce que ni
l’un ni l’autre n’ont jamais modifié leur position de base sur la question. Au
contraire : la position actuelle de la "gauche communiste" sur
les soi-disant mouvements de libération nationale est en grande partie fondée
sur les résultats de ce débat.
Le CCI, pour sa part, reste entièrement favorable au débat public et continuera
à appeler à de tels débats et à y participer. Ce débat représente en effet un
moment indispensable du processus de prise de conscience du prolétariat.
[1] [23] Les Amis d’une société sans classes.
Nous publions ci-dessous
des extraits d’une prise de position adoptée par le Nucleo Comunista
Internacionalista, un petit groupe de militants d’Argentine qui se sont
approchés récemment des positions de la Gauche communiste et dont la presse du
CCI a déjà publié plusieurs textes, notamment sur les mouvements sociaux en
Amérique latine[1] [27].
Cette prise de position concerne les agissements de la prétendue "Fraction
interne du CCI", un groupuscule parasitaire formé d’anciens membres du CCI
exclus de notre organisation pour leurs comportements de mouchards (et
nullement, comme ils l’affirment, pour des désaccords politiques que nous
aurions voulu faire taire)[2] [28].
Quelques remarques à propos de la publication de ces extraits du document du
NCI :
Si nous n’en publions que des extraits dans notre journal, ce n’est nullement
que les autres parties soient sans intérêt, mais pour ne pas déséquilibrer
notre publication au détriment d’autres questions de la situation mondiale sur
lesquelles nous devons nous pencher de façon impérieuse. Cela dit, la totalité
du document du NCI sera publiée sur le site Internet du CCI.
C’est d’ailleurs à cause du même souci d’équilibre que nous n’avons pas jusqu’à
présent publié vers l’extérieur ce document qui a été adopté le 22 mai
2004 : en effet, les comportements de la FICCI étaient épinglés dans
l’article de notre journal publié au même moment et rendant compte du 16e
congrès de notre section en France ("Le renforcement de l’unité et de
la solidarité au sein de l’organisation", RI n°347), de même que dans le numéro suivant de RI ("Intervention
de la FICCI à la fête de ‘Lutte ouvrière’, Le parasitisme au service de la
bourgeoisie").
Si aujourd’hui nous estimons nécessaire de publier la prise de position du NCI,
c’est notamment du fait des derniers épisodes de l’offensive que la FICCI a
engagée non seulement contre notre organisation mais contre l’ensemble de la
Gauche communiste.
En effet, dans le numéro 27 de son Bulletin publié sur Internet (et envoyé aux
abonnés de Révolution Internationale dont le fichier des adresses a été volé au
CCI par un membre de la prétendue "fraction"), la FICCI publie un
document, intitulé "Compte rendu d’une réunion entre le BIPR et la
fraction", dans lequel on peut lire, entre autres, que :
"Cette réunion est une concrétisation supplémentaire et significative
des liens que cherche à développer notre fraction avec le BIPR, et plus
largement avec les organisations et éléments du camp prolétarien." (…)
"Dans une dernière partie, cette réunion a permis de jeter les bases d’un
travail commun dans lequel le débat doit prendre une place de première
importance."
En réalité, le développement du milieu prolétarien et des débats en son sein
est bien le dernier des soucis de la FICCI. Ce qui anime fondamentalement ce
groupuscule (et qu’on peut facilement constater mois après mois dans ses
bulletins) c’est de nuire le plus possible au CCI (faute d’avoir pu le détruire
comme ses éléments ont essayé de le faire au temps où ils étaient encore dans
ses rangs). Pour ce faire, ses membres ont besoin de se faire délivrer un
certificat de respectabilité par les autres groupes de la Gauche communiste, ce
qui s’avère bien nécessaire quand on connaît leurs comportements de voyous et
de mouchards. A cette fin, la FICCI ne recule devant aucun moyen afin de
s’attirer les bonnes grâces de ces groupes et particulièrement du BIPR :
"Un constat politique s’impose, selon notre fraction : il n’y a
plus aujourd’hui qu’un seul pôle de regroupement parmi les groupes se
revendiquant de la gauche (…) La seule organisation ayant la capacité de jouer
ce rôle de pôle de référence et de regroupement, armée d’une expérience
concrète sur laquelle s’appuyer, c’est le BIPR. (…) Même avec des forces peu
nombreuses, le BIPR n’en est pas moins la seule organisation qui soit capable
de défendre dans la classe, de façon pratique à travers l’intervention dans la
lutte, les positions communistes, internationalistes contre la propagande
bourgeoise et qui soit en même temps capable de servir de pôle de regroupement.
(…)
C’est aussi sur le plan de la capacité d’impulser le débat de pousser à une
réelle clarification politique au sein de ce qu’on appelle le camp prolétarien,
le milieu internationaliste et vis-à-vis de ceux qui ont le souci de s’inclure
dans une dynamique de construction du parti, que cette organisation est active."
Pour ne pas lasser le lecteur, nous ne reportons qu’une partie des tonnes de
pommade que la FICCI étale sur la peau du BIPR.
Le fait est que ce dernier ne semble pas connaître cette fable de La Fontaine
où le Renard flatte le Corbeau pour lui faire lâcher son fromage. C’est pour
cela que le BIPR cède à la FICCI son… fromage, le certificat de bonne conduite
qu’elle attend, sans être capable de comprendre le jeu véritable de ce
groupuscule.
C’est justement le piège dans lequel ne sont pas tombés les camarades du NCI.
Comme ils le disent, c’est après avoir examiné avec attention les documents
publiés tant par la FICCI que par le CCI (et non pour avoir crû sur parole ce
dernier), qu’ils se sont fait l’opinion exprimée ci-dessous.
(…)
Nous ne souhaitons pas réitérer des arguments exprimés dans les paragraphes
précédents, mais de la lecture attentive des matériels que nous possédons nous
pouvons déclarer sans aucune hésitation que la FICCI, bien que jouissant de
toutes les garanties statutaires, a décidé de par sa propre volonté
d’abandonner le débat et de passer avec armes et bagages sur le terrain de
l’ennemi. La preuve de cela est fournie par sa conduite avant et pendant le
congrès [le 15e congrès du CCI], comme de sa conduite actuelle. L’attitude
assumée par la FICCI est analogue à la position adoptée par la fraction
menchevique pendant le congrès du POSDR et que Lénine a dépeinte de façon
admirable dans "Un pas en avant, deux pas en arrière".
De ce fait, l’attitude de notre petit noyau est de solidarité politique avec le
CCI, de confiance programmatique avec celui-ci, et de rejet et condamnation par
rapport à la FICCI.
Suite à ce qui a été signalé plus haut, le groupe NCI basé en Argentine a décidé de se prononcer unanimement de la façon suivante :
1) Repousser les accusations lancées par la Fraction interne du CCI contre
le Courant Communiste International.
2) Rejeter solennellement les rumeurs et les soupçons que la FICCI a semés de
façon pernicieuse contre une série de camarades du CCI, tout en nous
solidarisant pleinement avec ces derniers.
3) Considérer comme des méthodes dignes du stalinisme les accusations sans
fondement portées par la FICCI.
4) Considérer que ces accusations ont été motivées par un esprit de secte ou de
clan de la part de la fraction comme résultat de loyautés personnelles, et non
envers le programme.
5) Condamner le vol par la fraction de l’argent et de matériaux du CCI.
6) Considérer la FICCI comme une organisation en dehors de la classe ouvrière,
dont nous préconisons l’exclusion et l’expulsion du sein du prolétariat, à
cause de ses conduites de caractère bourgeois.
7) Considérer la FICCI comme une organisation influencée à cent pour cent par
l’idéologie bourgeoise.
8) Rejeter les méthodes utilisées par la FICCI pour éviter le débat politique
dans le 15e congrès du CCI, en condamnant également l’attitude liquidatrice et
destructrice qu’elle a adoptée.
9) Considérer la conduite assumée par la FICCI comme étrangère à la classe
ouvrière et à la Gauche communiste, et comme proche de celle adoptée par
Staline dans ses campagnes diffamatoires contre des militants bolcheviques.
10) Considérer à l’unanimité que la FICCI est une organisation de provocateurs
au service de l’état bourgeois.
11) Considérer que la FICCI n’est pas l’héritière des principes programmatiques
constitutifs du CCI, au contraire elle leur est antagonique.
12) Considérer le CCI comme une organisation qui, malgré les difficultés qu’elle
ne dissimule pas, mène à bien la défense des principes fondamentaux du
programme et du manifeste du CCI, de même que des autres acquis théoriques qui
sont apparus à la lumière de la lutte de classes.
13) Rejeter la fausse accusation formulée par la FICCI selon laquelle le CCI
aurait abandonné la lutte de classes et aurait perdu confiance dans la
révolution communiste.
14) Autoriser le CCI, s’il l’estime adaptée, la publication du présent texte, à
toute fin qu’il considérera pertinente.
Depuis des années, les pays développés accumulent les déficits budgétaires les plus pharamineux, leur endettement est en constante augmentation et se généralise de façon quasi-incontrôlable. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est le démantèlement de l’Etat-providence et les licenciements massifs dans nombre de régions du monde, tandis que tous les frémissements annonçant une “reprise économique” s’avèrent n’être que feu de paille. Pourtant, dans une telle situation où s’accumulent les nuages les plus sombres pour l’avenir, la bourgeoisie n’a de cesse de nous vanter le “miracle économique chinois”. Economistes patentés à l’appui, le développement économique de la Chine est vanté comme un signe annonciateur d’une nouvelle phase de développement du capitalisme mondial.
Le “triomphe des capitalistes rouges” et le “boom de l’économie chinoise”, seraient donc les porteurs d’une nouvelle phase d’expansion glorieuse du capitalisme.
La croissance du PIB chinois détient sans conteste des records :
7,8% en 2002, 9,1% en 2003 et des prévisions à deux chiffres
pour 2004. Depuis son entrée dans l’OMC en 2001, alors que
le commerce mondial était en forte baisse, les échanges
entre la Chine et le reste de l’Asie ont connu une forte progression
et, en 2003, alors que les échanges mondiaux ne progressent que
de 4,5%, l’Asie voit les siens progresser de 10 à 12% avec
ceux de la Chine qui explosent littéralement de 40% pour ses
importations et 35 % pour ses exportations. Entre 1998 et 2003, les
exportations ont augmenté de 122%, la production automobile de
172%, la production "high-tech" de 363%. En 2003, la Chine
est devenue la première zone d’accueil des investissements
internationaux avec 53,5 milliards de dollars, devant même les
Etats-Unis, et la spéculation financière la plus folle
règne en maître.
En deux ans, l’Empire du Milieu a acquis le statut de locomotive
de l’économie mondiale. Certains économistes projettent
qu’il aura rattrapé le Japon dans 15 ans et les Etats-Unis
dans 45 ans. Son PIB équivaut d’ores et déjà
à celui de la France ou de la Grande-Bretagne.
Japon, Etats-Unis, Europe s’arrachent les produits “made in
China” et les nouvelles régions industrielles chinoises
qui poussent comme des champignons attirent les investissements comme
des aimants. L’Union européenne prévoit ainsi de
renforcer son partenariat avec la Chine et d’en faire à
terme son premier partenaire commercial. La bourgeoisie d’outre-Atlantique
investit de façon massive et grandissante dans le pays, apportant
un soutien actif et puissant au développement de l’économie
chinoise après l’avoir elle-même fortement impulsé,
quitte à se trouver dans une situation de concurrence défavorable
vis-à-vis de l’Etat chinois. En 2003, résultat de
l’invasion du marché américain par les produits chinois,
le déficit commercial américain vis-à-vis de Pékin
atteignait 130 milliards de dollars.
On a là un tableau idyllique : une croissance insolente
qui se joue des crises, de celle de 1997 dans le Sud-Est asiatique et
de celle de l’éclatement de la bulle financière de
la “nouvelle économie” en 2001, date d’entrée
de la Chine dans l’OMC.
Cette entrée à l’OMC ne constitue en fait pas une
véritable rupture pour l’économie chinoise, mais
une étape dans sa politique de libéralisation commerciale
ouverte à la fin des années 1970. Au début, elle
a favorisé les industries exportatrices et en a protègé
d’autres - automobile, industrie alimentaire, biens de consommation
industriels. Ensuite, au cours des dix dernières années,
la Chine a mis en place un régime douanier préférentiel
visant le développement d’industries d’exportations
concentrées sur la façade maritime.
Cependant, malgré l’exhibition des fortunes qui se font
aujourd’hui dans le dernier grand bastion du prétendu “communisme”,
les forces destructrices du capitalisme en crise sont à l’oeuvre.
Les experts bourgeois eux-mêmes se posent clairement la question :
"Jusqu’à quand cela va-t-il durer ? “.
Et ils ont appelé au ralentissement des investissements, constatant
presque avec “soulagement” que ceux-ci, en capital fixe, n’ont
augmenté que de 18% en rythme annuel au mois de mai (pour 43%
au 1er trimestre). L’inflation est galopante, signe de cette “surchauffe”
que redoutent tant les économistes. En avril, cette dernière
était officiellement de 3,8% mais en réalité de
plus de 7%, selon des analystes qui connaissent bien le flou des statistiques
chinoises. Dans le domaine des produits alimentaires, elle atteint 10%.
Mais c’est le marché des matières premières,
avec la rapidité et l’avidité de la demande industrielle,
qui a connu une violente flambée et la plus brutale augmentation
jamais vue depuis trente ans. L’acier, l’aluminium, le zinc,
le coton, et surtout le pétrole, sont à la hausse, alimentant
une bulle spéculative déjà incontrôlable
et explosive.
L’Etat chinois lui-même s’efforce de limiter la
progression de la croissance et a tenté de réagir par
des gels de crédit et des ordonnances de blocage des prix à
la consommation qui croîtraient actuellement à un rythme
supérieur à 1% mensuel. Il s’est ainsi satisfait
d’avoir pu limiter la croissance à 15,5% pour le mois de
juillet.
Cependant, les dangers qui guettent sont légions. La bulle immobilière
continue par exemple à donner des sueurs froides aux autorités
chinoises ; le secteur bancaire est en réalité en
état de quasi-faillite avec au moins 50% des créances
qui seraient douteuses. 60% des investissements ne proviennent pas du
cycle de la production lui-même mais tout bonnement de capitaux
recyclés à Hong-Kong ou dans des paradis fiscaux, c’est-à-dire
de la spéculation financière elle-même ou du blanchiment
de l’argent.
Les profits astronomiques qui se réalisent aujourd’hui en
Chine ne sont en réalité que le résultat d’une
spéculation effrénée qui traverse la Chine et le
monde et ne découlent pas de la vente réelle des marchandises
et de la valorisation du capital productif. Les marchandises qui inondent
le marché mondial vont de plus en plus difficilement trouver
des acheteurs, malgré le bas prix où elles sont proposées.
Aussi, la perspective réelle est-elle à de nouvelles aggravations
de la crise historique du capitalisme. Ce qui se passe en Chine n’a
rien à voir avec un développement des forces productives
comme il a existé au 19e siècle. Alors qu’à
cette période les phases de croissance contenaient la promesse
d’un développement toujours plus impétueux des forces
productives, aujourd’hui elles représentent la certitude
de contradictions aggravées pour le système.
Ce que connaît la population chinoise en est une expression frappante.
20% des plus pauvres du pays reçoivent moins de 6% des revenus,
contre plus de 8% en Inde et 9% en Indonésie, pays réputés
pour leur extrême pauvreté.
Dans le fameux Delta des Perles, dans la province du Guangdong entre
Shenzen et Canton, région de rizières transformée
en dix ans en premier centre manufacturier de la planète, les
salaires, pourtant considérés parmi les meilleurs de Chine,
atteignent 100 euros par mois, et les ouvriers n’ont que 9 jours
de congés par an !
Pour ce qui est du chômage, il est devenu massif en Chine. Officiellement
de 4,7%, il atteint jusqu’à 35% dans certaines régions
comme le Liaoning. Fin 2003, on comptait 27 millions de prolétaires
licenciés par les entreprises d’Etat, qui sont en totale
faillite. Des millions d’emplois ont été supprimés
dans les campagnes où les révoltes se multiplient et sont
matées à la trique. Bilan : ce ne sont pas moins
de 150 millions de paysans migrants qui s’entassent dans des bidonvilles
aux portes des centres urbains de l’Est de la Chine, en quête
d’un travail que la majorité d’entre eux n’aura
pas.
Le système éducatif est laissé totalement à
l’abandon et les conditions sanitaires sont terribles. Sans assurance
maladie, avec des hôpitaux qui font prévaloir le régime
des services de soins payants pour espérer rester eux-mêmes
en activité, c’est une véritable catastrophe qui
s’annonce. Les hépatites B et C touchent plus de 200 millions
de Chinois ; un à deux millions d’entre eux sont séropositifs
et, d’ici 6 ans, il est prévisible que 15 millions le seront.
550 millions de personnes sont infectées par la tuberculose,
avec environ 200 000 décès par an.
Au niveau alimentaire, le chaos de la politique économique délirante
de l’Etat chinois fait dangereusement baisser les réserves
de céréales et désorganise totalement l’agriculture,
tandis que les campagnes se vident. L’utilisation intensive des
sols menace 80 millions d’hectares (sur 130 millions cultivables)
de désertification. Tout cela ne peut que favoriser de futures
pénuries aux conséquences catastrophiques.
L’environnement est saccagé par la combustion effrénée
de charbon, comme par la construction de barrages gigantesques pour
répondre à une demande d’électricité
toujours croissante. Ainsi, la Chine est d’ores et déjà
le deuxième producteur de gaz à effet de serre de la planète.
La pollution urbaine est un fléau : 16 villes chinoises
figurent parmi les 20 plus polluées de la planète.
Aussi, c’est un véritable désastre qui se déroule
en Chine. Ce désastre ne saurait signifier un nouveau redémarrage
du système vers une longue période de développement
des forces productives mais est annonciateur d’un nouvel effondrement
économique. Depuis l'entrée du capitalisme dans sa crise
ouverte, la bourgeoisie nous a d'abord vanté les modèles
du Brésil puis de l'Argentine, mais également des "nouveaux
pays industrialisés" d'Asie. Elle nous a fait plus récemment
miroiter le miracle de la "nouvelle économie" accouchée
par l'internet. L'écroulement du dragon chinois ne tardera pas
à montrer que l'envers de ces miracles, c'est la sombre réalité
d'un capitalisme en pleine faillite.
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/ri350/edito.htm#_ftn1
[2] https://fr.internationalism.org/ri350/edito.htm#_ftnref1
[3] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/mystification-parlementaire
[4] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/prises-position-du-cci
[5] https://fr.internationalism.org/tag/5/60/russie-caucase-asie-centrale
[6] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/terrorisme
[7] https://fr.internationalism.org/ri350/greves_buenos-aires.htm#_ftn1
[8] https://fr.internationalism.org/ri350/greves_buenos-aires.htm#_ftn2
[9] https://fr.internationalism.org/ri350/greves_buenos-aires.htm#_ftn3
[10] https://fr.internationalism.org/ri350/greves_buenos-aires.htm#_ftn4
[11] https://fr.internationalism.org/ri350/greves_buenos-aires.htm#_ftnref1
[12] https://fr.internationalism.org/ri350/greves_buenos-aires.htm#_ftnref2
[13] https://fr.internationalism.org/ri350/greves_buenos-aires.htm#_ftnref3
[14] https://fr.internationalism.org/ri350/greves_buenos-aires.htm#_ftnref4
[15] https://fr.internationalism.org/tag/5/52/amerique-centrale-et-du-sud
[16] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[17] https://fr.internationalism.org/tag/5/59/irak
[18] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/guerre-irak
[19] https://fr.internationalism.org/tag/5/159/tsunami
[20] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/interventions
[21] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/lanarchisme-internationaliste
[22] https://fr.internationalism.org/ri350/debat_revolutionnaires.htm#_ftn1
[23] https://fr.internationalism.org/ri350/debat_revolutionnaires.htm#_ftnref1
[24] https://fr.internationalism.org/tag/5/38/allemagne
[25] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/tci-bipr
[26] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/imperialisme
[27] https://fr.internationalism.org/ri350/ficci.htm#_ftn1
[28] https://fr.internationalism.org/ri350/ficci.htm#_ftn2
[29] https://fr.internationalism.org/ri350/ficci.htm#_ftnref1
[30] https://fr.internationalism.org/ri350/ficci.htm#_ftnref2
[31] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/defense-lorganisation
[32] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/ficci-gigcigcl
[33] https://fr.internationalism.org/tag/5/62/chine
[34] https://fr.internationalism.org/tag/5/119/asie
[35] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/crise-economique