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Révolution Internationale n° 348 - juillet / août 2004

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décembre 1995, printemps 2003 - Les leçons des défaites sont une arme pour les luttes futures

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Malgré tout le zèle et les efforts de sa bourgeoisie nationale au cours de ces dernières années, le capital français doit encore combler un retard certain sur ses principaux concurrents dans ses mesures antiouvrières pour faire face à la crise économique mondiale. Cette compétition s'exerce aussi bien dans le cadre européen contre les Etats-Unis que vis-à-vis de ses autres rivaux européens. La logique du capitalisme et de défense du capital national conduit ainsi simultanément la classe dominante à poursuivre et intensifier les licenciements dans les entreprises, à réduire les effectifs du secteur public avec comme objectif avoué d'éliminer 50 000 salariés d'ici 2007 et surtout à accélérer le démantèlement de l'Etat-providence, qui constitue pour elle l'encombrant héritage d'une période aujourd'hui révolue (voir dans ce n° l'article sur la Sécurité sociale).

Les difficultés de la bourgeoisie française

Après les retraites et l'indemnisation du chômage, la bourgeoisie française a commencé à s'attaquer à la remise en cause de la Sécurité sociale et à la réforme de la santé publique (incluant la révision du mode de financement des hôpitaux, contenue dans le plan "Hôpital 2007"). Mais le niveau de cette attaque, pourtant annoncée depuis plus d'un an et malgré un certain nombre de mesures touchant d'ores et déjà tous les prolétaires (voir RI n° 347), reste largement en deçà de celle assénée l'an dernier sur les retraites. Pourquoi ?
Il est clair que la bourgeoisie hexagonale se retrouve actuellement en situation particulièrement délicate pour faire passer les attaques sur la Sécurité sociale. Après le revers et le désaveu essuyés par le parti au pouvoir lors des élections régionales en mars, obtenant moins de 20 % des suffrages exprimés, les élections européennes en mai dernier sont venues confirmer le manque flagrant de "légitimité démocratique" de l'équipe gouvernementale. Celle-ci est toujours conduite après trois remaniements ministériels successifs par le même premier ministre, Raffarin, de plus en plus impopulaire. Le clan chiraquien qui s'accroche au pouvoir est lui-même ouvertement déchiré par la lutte fratricide entre le président de la République et le nouveau prétendant aux dents longues, Sarkozy.
Dans ce contexte, la bourgeoisie nationale savait bien qu'elle ne pourrait pas se permettre de renouveler avec la "réforme" de la Sécurité sociale, le "coup" du passage en force de l'attaque massive et frontale contre les retraites pendant l'été 2003.
C'est pourquoi elle a chargé un patelin ministre de la Santé, Douste-Blazy, d'expédier un premier train de mesures qui donnent cependant un avant-goût de ce qui attend la classe ouvrière dans les années qui viennent.
Les faiblesses de la bourgeoisie et les rivalités au sein de son appareil politique ne lui permettent pas le moindre faux pas et la contraignent à étaler sur une période plus longue que prévue cette nouvelle attaque majeure, en la fragmentant au compte-gouttes, mois après mois. Pour autant, la classe ouvrière ne doit se faire aucune illusion, le démantèlement de la Sécurité sociale est une nécessité absolue pour le capital national et la bourgeoisie, si elle est contrainte de freiner l'allure de ses attaques aujourd'hui, n'a pas d'autre choix que de devoir mettre les bouchées doubles dans l'avenir.

La stratégie de la bourgeoisie pour faire passer ses attaques

C'est aussi parce que la classe dominante ne veut pas prendre le risque de déclencher un large mouvement social qu'elle pourrait ne pas contrôler, qu'elle ne relâche pas ses manoeuvres et qu'elle a déjà balisé le terrain. La journée nationale de manifestations sur la "défense de la Sécurité sociale" ,organisée par tous les syndicats le 5 juin dernier, a été une "mobilisation molle" et une balade sans conviction pour laquelle les syndicats n'avaient affrété que quelques cars et avaient organisé des manifestations disséminées dans tous les recoins de l'hexagone. La manifestation parisienne, pour sa part, a été largement détournée en cours de route vers la mobilisation anti-Bush par les gauchistes et les "rassemblements anti-guerre" de gauche de tous poils, si bien que la plus grande partie du cortège s'était dispersée avant même le point d'arrivée.
Juste après cette "journée symbolique", le spectacle affiché de la "désunion syndicale" était le plus approprié pour achever de décourager toute velléité de mobilisation massive des ouvriers. La CFDT et les syndicats des médecins ont voté pour le projet de loi du gouvernement présenté devant les caisses de Sécurité sociale, jugeant que le projet allait dans le bon sens mais "manquait d'audace" et n'allait "pas assez loin" (tel que !), FO s'abstenait, réclamant le retour à l'ancienne parité de gestion des caisses d'assurances maladie (sur laquelle elle a longtemps détenu la haute main, avant d'être supplantée par la CFDT). Ainsi, la CGT se retrouvait isolée parmi les "grands syndicats" dans son "opposition" à la réforme de l'assurance-maladie, cette "opposition résolue" … prenant la forme dérisoire d'une pétition nationale envoyée au gouvernement (la CGT se targue fièrement d'avoir recueilli ainsi plus de 700 000 signatures). On ne saurait faire mieux de la part de tous les syndicats pour décourager tout élan de lutte et de mobilisation.
Mais la bourgeoisie recourt également une nouvelle fois préventivement à une stratégie qui a déjà fait ses preuves à plusieurs reprises et notamment lors de chaque attaque antiouvrière d'envergure au cours de ces dernières années. Il s'agit de porter deux attaques en même temps, l'une dirigée contre les conditions de vie de l'ensemble de la classe ouvrière et l'autre concernant un secteur plus particulier du prolétariat ou en d'autres termes, d'ajouter une attaque plus particulière qui fasse écran à une attaque générale.
Ainsi en décembre 1995, au printemps 2003 et encore aujourd'hui, on assiste à l'application de ce même schéma général. Mais derrière cette tactique similaire, en chaque occasion, c'est dans un contexte et avec des objectifs tout à fait différents.
En 1995, l'objectif essentiel de la manoeuvre était de permettre aux syndicats discrédités par leurs actions de sabotage ouvert des luttes ouvrières tout au long des années 1980, de reprendre pied et de pouvoir revenir sur le devant de la scène sociale pour assumer plus efficacement leur fonction d'encadrement des ouvriers. Dans ce but, la bourgeoisie qui, à travers le plan Juppé, mettait en place une série d'attaques frontales sur la sécurité concernant l'ensemble de la classe ouvrière, a cristallisé l'attention sur la mobilisation derrière les cheminots contre l'attaque spécifique de leur régime spécial des retraites. Elle a fait une large publicité à la lutte de ce secteur, le plus combatif mais aussi un des plus corporatistes, désigné comme le phare de la lutte, derrière lequel les syndicats avaient mobilisé massivement, sous leur contrôle, le secteur public. Le retrait, programmé à l'avance, de l'attaque spécifique visant les cheminots a permis aux syndicats de crier "victoire" en semant l'illusion que "tous ensemble", avec les syndicats, les ouvriers avaient fait reculer le gouvernement. Par la suite, sous les gouvernements successifs de gauche comme de droite, la bourgeoisie a pu aggraver sans être inquiétée les mesures du plan Juppé sur la sécurité sociale. Ce n'est pas un hasard non plus si la lutte des cheminots français était ensuite mise en avant comme modèle de lutte à l'échelle internationale et son exemple exploité par d'autres bourgeoisies, notamment en Allemagne et en Belgique pour entraîner les prolétaires le plus massivement possible derrière les actions syndicales.
Au printemps 2003, au milieu de l'attaque générale sur les retraites visant déjà prioritairement la fonction publique, le gouvernement rajoutait une couche supplémentaire d'attaques sur un secteur particulier, celui de l'Education nationale, avec un projet de délocalisation spécifique concernant les personnels ATOS. Cela constituait une véritable provocation alors que les travailleurs de l'enseignement manifestaient déjà depuis des mois un mécontentement croissant suite à la détérioration sensible de leurs conditions de travail au cours des dernières années. Le but essentiel de cette attaque spécifique était d'empêcher le développement d'une lutte massive de tous les secteurs contre la réforme des retraites. Rapidement, les luttes des personnels de l'enseignement sont apparues comme le fer de lance de la mobilisation ouvrière. Mais en leur sein, les syndicats n'ont cessé de mettre en avant les revendications spécifiques contre la délocalisation, dans lesquelles le reste de la classe ouvrière ne pouvait se reconnaître, qui ont pris le pas sur la question des retraites et fait passer celle-ci au second plan. Cette entreprise a non seulement permis au gouvernement de faire passer l'attaque sur les retraites mais d'entraîner le secteur enseignant, isolé et divisé, poussé par une partie de ces mêmes syndicats vers des actions radicales et impopulaires de boycott d'examens de fin d'année, dans une défaite la plus amère et cuisante possible, notamment à travers le non paiement des journées de grève.

L'objectif des manoeuvres syndicales actuelles

Le contexte de la manoeuvre esquissée aujourd'hui avec les électriciens et les gaziers en même temps que tombait l'annonce des premières mesures sur la Sécurité sociale est sensiblement différent. La publicité donnée à l'attaque particulière liée au changement de statut d'EDF et de GDF vise bien entendu à masquer l'attaque générale sur la Sécurité sociale. Pas moins de cinq journées d'action ont été organisées en un mois dans ce secteur et tous les syndicats se retrouvent cette fois côte à côte pour s'opposer au projet de privatisation au nom de la "défense du service public".
Mais l'action de sabotage de la lutte par les syndicats est surtout révélatrice de la volonté de la bourgeoisie de gagner du temps et de miner le terrain pour l'avenir afin de dissuader cette fois à l'avance les ouvriers de s'engager dans une mobilisation massive. Elle n'engage pas un secteur entier mais une minorité de celui-ci. Alors que l'attaque plus spécifique concerne les deux entreprises publiques chargées de distribuer l'énergie, les médias focalisent sur les actions des seuls employés d'EDF. Les syndicats lancent ainsi les ouvriers dans une série d'actions les plus spectaculaires et les plus médiatisées possible en cherchant à les faire passer pour ce qu'elles ne sont absolument pas : des moyens de la lutte. Ils coupent l'électricité tantôt dans les transports publics, tantôt dans les entreprises, tantôt chez des ministres ou des parlementaires de la majorité, ils font même ponctuellement quelques distributions gratuites ou moins chères d'énergie. De fait, dès le lundi 7 juin au matin, des coupures de courant interviennent dans plusieurs gares parisiennes, sur une partie du réseau SNCF et sur des lignes de métro, au moment où les prolétaires doivent reprendre le chemin de leur travail par les transports en commun. Rien de tel pour donner une image négative de la lutte de classe. Pris à parti pour le "caractère illégal" de leur action, les syndicats se défendent pourtant d'en être responsables et déclarent que ce sont les agents d'EDF eux-mêmes, "à la base", qui ont décidé de ces actions "coups de poing" et qui en ont pris l'initiative dans des votes démocratiques au cours d'assemblées générales. Quelle hypocrisie alors que les syndicats depuis des lustres, et notamment la CGT, n'ont jamais hésité à prendre les autres ouvriers en otage dans ce type d'actions ! D'ailleurs, le secrétaire CGT d'EDF pour la région d'Ile-de-France n'hésite pas à revendiquer ces actions : "On s'est vite rendu compte de l'impact limité des manifestations festives dans la rue. Pour qu'on parle de notre lutte, il a fallu s'affranchir de certains tabous et reprendre l'outil de travail." (cité par Le Monde daté du 18 juin)
Ce type de manoeuvres, où la bourgeoisie n'a encore besoin que d'entretenir une agitation syndicale sporadique et limitée pour faire passer ses attaques constitue pourtant un poison redoutable pour l'avenir. Il est révélateur des obstacles que les prolétaires trouveront sur le difficile chemin de la reconquête de leur identité de classe. Au sein de la bourgeoisie, les syndicats sont appelés à jouer à nouveau un rôle de premier plan pour entraver et saper le développement nécessaire de la lutte de classe. A travers l'entretien d'une agitation sociale sur un terrain hyper corporatiste et pseudo-radical et par leurs petites actions minoritaires de sabotage, les syndicats divisent et dénaturent les luttes. Mais en renvoyant une image de repoussoir, une image négative et dévalorisante de la lutte de classe, les syndicats visent avant tout à empêcher une mobilisation massive de la classe ouvrière, discréditent la lutte de classe et alimentent un sentiment d'impuissance dans les rangs de la classe ouvrière.
Pour pouvoir s'opposer aux attaques de la bourgeoisie, les ouvriers doivent prendre conscience que les syndicats sont les plus indispensables auxiliaires de l'Etat bourgeois comme ils sont les véritables maîtres d'oeuvre de ces opérations de sabotage de la mobilisation et de la lutte.

Wim (25 juin)

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [1]
  • Situation sociale en France [2]

Fête de "Lutte ouvrière" 2004 : Comment embrouiller la conscience des prolétaires

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Aujourd'hui, l'accumulation d'atrocités comme actuellement en Irak, la généralisation du terrorisme et l'accélération brutale des attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière (réforme des retraites, de l'assurance chômage et maladie) suscitent inexorablement une série d'interrogations croissantes chez cette dernière et plus particulièrement au sein de ses minorités les plus avancées.
Quel avenir nous réserve cette société ? Quelle signification peut-on donner à toutes ces attaques ?
Dans ce flot de questionnements, qui offre un terrain propice au développement d'une réflexion en profondeur dans la classe ouvrière sur la nature du capitalisme, il est tout à fait légitime de se demander de quelle façon une organisation telle que Lutte Ouvrière (qui prétend être révolutionnaire) participe à la fructification de ce processus. La question est d'autant plus légitime que vient de se dérouler, du 29 au 31 mai, l'édition 2004 de la fête de LO.

 On se souvient que la fête précédente avait braqué les projecteurs sur les luttes du printemps 2003, allant jusqu'à organiser un grand forum, au beau milieu du parc, sur le mouvement social dans l'Education nationale. Qu'en est-il cette année ? Rien ! A aucun moment le bilan des luttes de l'an passé n'a été évoqué, pas même du bout des lèvres. Aucune explication de LO sur sa politique de l'époque consistant à pousser les enseignants jusqu'au bout de leurs forces. Sur tout cela, LO est restée aussi muette qu'une carpe. Peut-on devenir subitement amnésique ? En fait, il s'agit simplement d'éviter à tout prix que la classe ouvrière se pose des questions et tire un bilan de sa défaite ; l'empêcher de comprendre le rôle des syndicats (truffés de gauchistes) qui ont habilement dévié l'attention d'une attaque d'ampleur concernant l'ensemble de la classe ouvrière (la réforme des retraites) vers une revendication spécifique à l'Education nationale : le refus du projet de décentralisation. Ce faisant, le prolétariat ne pouvait plus prétendre à ce qui fait sa principale force : son unité.

Enfin, l'enjeu pour LO (et la LCR) est aussi d'éluder la question de leur implication dans l'épuisement des enseignants. Les trotskistes, en 2003, avaient tout mis en œuvre pour que ces derniers, après plus d'un mois de conflit, aillent jusqu'au bout de leurs forces et soient complètement dégoûtés de la lutte. Dans le forum que LO avait animé en 2003 sur les luttes dans l'Education nationale, l'exposé introductif déclarait notamment : "Ce n'est pas le mouvement qui s'essouffle, c'est le gouvernement qui manque d'air." Le mot d'ordre trotskiste était alors de nier purement et simplement la réalité de l'état du mouvement, c'est-à-dire l'essoufflement. Ainsi, en faisant croire aux enseignants que la grève "se généralisait" et que le gouvernement était sur le point de céder, les groupes trotskistes comptaient emmener les prolétaires dans un voyage jusqu'au bout de la démoralisation (voir à ce sujet RI n°337).
Néanmoins, face à la réalité de plus en plus cauchemardesque du capitalisme, les questionnements restent et le silence ne suffit pas. Alors quelles réponses met en avant LO ? Quelle perspective cette organisation soi-disant communiste propose-t-elle à la classe qu'elle prétend défendre ?
D'abord aller voter. Même si LO, comme caution de sa "radicalité révolutionnaire", s'est présentée tout au long de sa fête comme "anti-électoraliste". Comme toujours LO manie le double langage. La participation systématique de LO aux élections à l'image de sa porte-parole Arlette Laguiller, éternelle candidate aux présidentielles depuis 1974, mais aussi des dernières régionales et européennes, parle d'elle-même. Dans son allocution du 29 mai dans l'enceinte de la fête, Arlette Laguiller déclarait d'ailleurs : "Nous participons à ces élections [européennes]. Un courant comme le nôtre, qui a pour programme de défendre les intérêts politiques de la classe ouvrière (…) doit être présent dans une telle campagne électorale." Mais LO n'entend pas faire de la figuration, comme en témoigne cette profession de foi de LO/LCR pour les élections régionales de mars dernier : "En votant pour les listes conduites par LO et la LCR, vous pouvez élire dans les conseils régionaux des hommes et des femmes qui représenteront les intérêts des travailleurs." LO ne se présente-t-elle pas avec un "programme : "Faire payer les riches", "interdire les licenciements pour les entreprises qui font des bénéfices" et les réquisitionner au passage. En somme, le message consiste à dire aux ouvriers que, s'ils veulent se défendre, ils doivent se livrer pieds et poings liés à un ennemi redoutable, le premier des capitalistes, l'Etat et à son système législatif.
Dans cette logique promue par les organisations trotskistes, les prolétaires sont réduits au statut inoffensif de citoyen dont le premier devoir est d'aller voter. Ainsi, la perspective est toute tracée : la voie démocratique des urnes bourgeoises pour réformer le monde capitaliste.
Voilà comment concrètement LO donne de la chair aux mystifications démocratiques pour mieux brouiller la perspective communiste du prolétariat.
LO va même plus loin, en apportant un inestimable soutien à la gauche, tout en s'en défendant la main sur le cœur ; mais comment comprendre des discours se "réjouissant" de la défaite de la droite sanctionnée par "un vote qui fait plaisir" (voir à ce sujet RI 346), si ce n'est comme un salut à la victoire de la gauche ?
Dans ces conditions, l'intervention des révolutionnaires est cruciale (une responsabilité très largement assumée par le CCI). En effet, nos interventions dans les divers forums de discussions de la fête trotskiste avaient pour objectif non seulement de dénoncer et combattre le réformisme diffusé par LO mais aussi de susciter une réflexion sur la réalité de ce système, à savoir sa crise historique irrémédiable et la nécessité pour le prolétariat de le mettre à bas à travers le développement de ses luttes. Par exemple, au cours du forum dédié à la réforme de la Sécurité sociale, alors que LO, exactement comme pour les retraites, nous a resservi son vieux couplet "faisons payer les patrons", l'intervention du CCI s'est efforcée de démontrer pourquoi la classe dominante procède aujourd'hui au démantèlement de "l'Etat-Providence". En quoi la faillite du capitalisme contraint la bourgeoisie à défaire un système d'assurance maladie dont elle avait par ailleurs besoin pour soigner et réparer la force de travail des prolétaires. Puisque l'extraction de la plus-value (à la base du profit) ne s'obtient que par l'exploitation de la force de travail, si cette dernière n'est pas entretenue elle devient très vite inexploitable ce qui est la pire chose qui soit pour un capitaliste. Par conséquent, ce n'est pas par cupidité, comme veut nous le faire croire LO, que la bourgeoisie saigne le prolétariat mais parce que la crise insurmontable de son système l'y conduit forcément. Dès lors, toute proposition de contre-réforme façon LO pour une meilleure gestion des richesses est un leurre pour détourner les ouvriers de la seule réponse possible, la révolution communiste.
De même, lors du forum consacré à l'altermondialisme, l'exposé de LO s'est entouré de nombreuses précautions pour se démarquer de ce mouvement taxé de réformisme, qualificatif en soi tout à fait juste. Mais, comme l'a montré notre intervention, si le mouvement altermondialiste relève de l'idéologie réformiste, LO n'a absolument aucune leçon à recevoir en ce domaine. De plus, malgré sa posture condescendante vis-à-vis de l'altermondialisme et son air de ne pas trop y toucher (bien qu'elle se retrouve main dans la main à de nombreuses occasions avec la LCR, organisation trempée jusqu'au cou dans cette mouvance), LO n'hésite pas à apporter un crédit à ce mouvement créé de toute pièce et financé de bout en bout par la classe dominante (voir RI n°341). Quoi d'étonnant à cela puisque leurs objectifs sont communs, à savoir : pourrir la réflexion de la classe ouvrière et de ses minorités les plus avancées en les plongeant dans le purin réformiste. Comme LO l'a répété dans un forum et l'a aussi mis en avant dans son organe Lutte de Classe n°77, "nous n'excluons pas d'être solidaires de certaines de ses initiatives [du mouvement altermondialiste] et de nous retrouver ponctuellement dans certains de ses combats, voire de participer à certaines de ses manifestations, exactement comme nous pouvons participer ou être solidaires d'actions ou de manifestations du PCF…"
Et voilà comment la boucle est bouclée. La solidarité avec l'altermondialisme ne pouvait que se confondre pour LO avec la solidarité qu'elle doit aux partis bourgeois qui le compose parmi lesquels se comptent le PS et le PCF. C'est ce que nous avons pu constater, une fois de plus, à la fête de Presles lors d'un forum intitulé "Où va le PCF ?" et où toute la rhétorique infâme de LO s'ingéniait à nous faire croire qu'en dépit de sa direction pervertie, le PCF reste animé d'une vie prolétarienne ! Belle preuve de solidarité de LO envers son frère de classe pour redorer le blason d'un parti aujourd'hui à des années lumières de la classe ouvrière, qui fut l'un des fers de lance de la contre-révolution stalinienne des années 1930 et un pourvoyeur de chair à canon sans pareil au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Pendant la fête de LO, tous les moyens nécessaires ont été mis en oeuvre pour qu'aucune réflexion en profondeur ne puisse voir le jour. En fait, le combat que mène LO est celui de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, un combat contre le développement de sa conscience et de ses luttes.
Au cours de cette fête de LO, le CCI (avec l'appui de ses sympathisants) a assumé son rôle d'organisation révolutionnaire en intervenant le plus largement possible pour combattre les entraves posées et les poisons idéologiques déversés par les trotskistes. A l'avenir, comprendre la nature contre-révolutionnaire du trotskisme sera pour le prolétariat une condition incontournable pour qu'il se réapproprie sa perspective, celle de la révolution communiste.

Azel (13 juin)

Vie du CCI: 

  • Interventions [3]

Courants politiques: 

  • Gauchisme [4]
  • Trotskysme [5]

Le démantèlement de la Sécurité sociale signe la faillite du capitalisme

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Avec son nouveau plan de "sauvetage de la sécurité sociale", le gouvernement Raffarin s'apprête une nouvelle fois à réduire le coût du salaire social. C'est au tour de la santé de faire les frais de ce nouveau plan d'austérité, après les attaques significatives menées au printemps dernier vis-à-vis des pensions de retraite et des indemnités de chômage en janvier dernier. Loin d'être une spécificité nationale, ces attaques se développent et se généralisent à l'ensemble des pays capitalistes qui avaient mis en place l'État-providence à la fin de la Seconde Guerre mondiale en vue de reconstruire leurs économies dévastées et qui avaient besoin pour cela d'une main d'oeuvre en bonne santé. L'attaque actuelle sur le système de soins en France, comme en Allemagne il y a quelques mois, signifie la fin du Welfare State et fait voler en éclats le mythe des "acquis sociaux". Cette attaque révèle que, face à l'approfondissement de la crise économique, au développement du chômage massif, la bourgeoisie ne peut continuer à entretenir la force de travail en grande quantité. La survie du capitalisme passe par une intensification de la productivité du travail, la recherche d'une main d'oeuvre la moins chère possible, tout en réduisant le coût de l'entretien de cette force de travail. Pour une grande majorité de prolétaires, c'est la précarité et la misère, voire l'exclusion définitive du système de production ou la mort comme on l'a vu pour les plus démunis (personnes âgées, SDF, handicapés) lors de la canicule de l'été 2003.


 

Alors que cette attaque massive sur la santé nécessite une riposte massive et unitaire de l'ensemble de la classe ouvrière (ouvriers au travail, au chômage et retraités), les syndicats et leurs complices trotskistes et altermondialistes, détournent la réflexion ouvrière sur la faillite du capitalisme vers des mesures illusoires pour "sauver la sécurité sociale". Alors que cette attaque frontale de la protection sociale signifie qu'un pan supplémentaire de l'État-providence disparaît sous les coups de boutoir de la crise économique, nos défenseurs de la Sécurité sociale assènent le même mensonge : "La Sécu est une conquête de la lutte ouvrière, acquise à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans la continuité des acquis sociaux du Front populaire de 1936." Face à cette nouvelle falsification de l'histoire par l'ensemble des forces de gauche, gauchistes et syndicats, il est nécessaire de rétablir la vérité, en s'appuyant sur un bref aperçu historique de la mise en place des assurances sociales, puis sur la signification de la création de la Sécurité sociale en 1945 du point de vue des besoins du capitalisme. C'est cette réaffirmation de l'analyse marxiste qui peut permettre de comprendre que c'est la faillite historique de l'Etat-providence et du système capitaliste que la bourgeoisie cache au prolétariat en brandissant les oripeaux de la sécurité sociale.

De la solidarité politique du prolétariat
à son encadrement idéologique par l'Etat capitaliste

C'est le prolétariat durant la seconde moitié du 19e siècle, dans la phase de développement du capitalisme, qui va développer dans un premier temps pour faire aboutir ses revendications économiques (réduction horaire de la journée de travail, l'interdiction de l'exploitation des enfants, du travail de nuit pour les femmes, etc.) ses propres caisses de grève ou de secours, ses propres mutuelles en cas de maladie ou de licenciement. Le plus souvent ce sont les syndicats ouvriers qui gèrent la mise en place de cette solidarité économique au sein de la classe ouvrière. Mais cette solidarité a un sens politique, car au cours de ses luttes pour arracher une amélioration de ses conditions d'existence et des réformes sur le plan politique, le prolétariat se constitue en classe avec comme perspective, lorsque les conditions économiques seront à maturité, la prise du pouvoir politique en vue de l'instauration de la société communiste.
Avec le développement meurtrier de la Première Guerre mondiale, le capitalisme signe la fin de son expansion économique et l'entrée de son mode de production dans sa phase de décadence. Celle-ci se caractérise par une absorption de la société civile par l'Etat. La bourgeoisie doit imposer sa domination de classe sur l'ensemble de la vie économique, sociale et politique et c'est l'Etat qui va remplir ce rôle. Face à ce changement de période, les syndicats vont devenir une force d'encadrement de la classe ouvrière, au service du capital.
"L'Etat maintient les formes d'organisation des ouvriers (syndicats) pour mieux les encaserner et mystifier. Le syndicat devient un rouage de l'Etat et comme tel intéressé à développer la productivité, c'est à dire accroître l'exploitation du travail. Le syndicat fut l'organe de défense des ouvriers tant que la lutte économique eut un sens historique. Vidé de ce contenu ancien, le syndicat devient sans changer de forme, un instrument de répression idéologique du capitalisme d'Etat et de contrôle sur la force de travail." ("Sur le capitalisme d'Etat", Internationalisme 1952, repris dans la Revue internationale n°21, 2e trimestre 1980).
Ainsi, l'Etat s'approprie directement, ou par le biais de sa police syndicale, les différentes caisses de secours et mutuelles ouvrières et vide de son contenu politique la notion même de solidarité ouvrière.
"La bourgeoisie a retiré la solidarité politique des mains du prolétariat pour la transférer en solidarité économique aux mains de l'Etat. En subdivisant le salaire en une rétribution directe par le patron et une rétribution indirecte par l'Etat, la bourgeoisie a puissamment consolidé la mystification consistant à présenter l'Etat comme un organe au-dessus des classes, garant de l'intérêt commun et garant de la Sécurité sociale de la classe ouvrière. La bourgeoisie est parvenue à lier matériellement et idéologiquement la classe ouvrière à l'Etat." (Revue Internationale n°115, page 13)
Non seulement la bourgeoisie fait apparaître l'Etat comme le défenseur des classes laborieuses, mais la tentative de mise en place des premières assurances sociales a pour objectif aussi d'encadrer le prolétariat.
Dans les années 1920, le projet des assurances sociales est porté par la volonté d'instaurer la paix sociale par la participation des ouvriers à la gestion nationale, comme le souligne le rapport Cerinda :
"Dans les conseils d'administration des assurances sociales se trouveront réalisés le rapprochement et la collaboration fraternelle des classes ; salariés et employeurs n'y défendront pas des intérêts antagonistes : ils seront unis dans une même pensée : celle de combattre les deux grands fléaux des travailleurs, la maladie et la misère. Ce contact permanent préparera l'association de plus en plus étroite du capital et du travail." (Citation page 86 du livre de Bruno Palier, Gouverner la Sécurité sociale, éditions PUF)
Malgré cette volonté politique de l'Etat, du patronat et des syndicats de mettre en œuvre ce projet d'assurances sociales obligatoires, ce n'est que pendant la Seconde Guerre mondiale que le Conseil National de la Résistance mettra au point l'organisation du régime général de la sécurité sociale.

1945 : la création de la Sécurité sociale,
une mystification au service de la reconstruction nationale

C'est au cours de la deuxième boucherie mondiale que la bourgeoisie, consciente des millions de victimes que le conflit militaire va provoquer, ainsi que des destructions et des ravages pour son économie mondiale, qu'elle s'empresse de donner une justification morale à sa propre barbarie.
"Dans un message solennel au congrès prononcé le 6 janvier 1941, le président Roosevelt a donné le premier une justification morale au conflit en lui assignant notamment pour objectif une "libération du besoin" pour les masses. Ce mouvement culmine en mai 1944 avec la déclaration de Philadelphie de l'Organisation internationale du travail par laquelle les pays membres font de la réalisation d'une véritable sécurité sociale un objectif prioritaire de l'après-guerre. En conséquence, la sécurité sociale figure en bonne place dans les buts de guerre définis par les Alliés." (Histoire de la Sécurité sociale, 1945-1967, page 30, Bruno Valat, Ed.Economica)
Dès 1941, l'Angleterre met en chantier le développement des allocations familiales et le "plan Beveridge" en 1942, en pleine guerre, crée une couverture sociale étatique pour soutenir l'effort de guerre et le moral des troupes. En Belgique, c'est en 1944 que se crée un système obligatoire de sécurité collective sous le contrôle de l'Etat.
En France, alors qu'une partie de la bourgeoisie se retrouve dans le gouvernement de Vichy[1] [6], l'autre partie en exil avec à sa tête le général de Gaulle, reprend cette préoccupation. Il déclare en avril 1942 dans un message solennel à la Résistance : "La sécurité nationale et la sécurité sociale sont pour nous des buts impératifs et conjugués." (Bruno Valat, idem) Aussi n'est-il pas étonnant que le programme de mars 1944 du Conseil National de la Résistance, où les staliniens du PCF sont majoritaires, réclame un plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence.
Ainsi, loin d'être une victoire ouvrière, c'est surtout la capacité de la bourgeoisie internationale à prévoir l'encadrement du prolétariat à la fin de la guerre en vue de l'effort de reconstruction qui est à l'origine de la généralisation des systèmes de protection sociale. Les années d'après-guerre sont terribles pour les conditions de vie du prolétariat. Les salaires sont bloqués depuis la guerre, l'inflation galope, dopée par un marché noir toujours florissant, les tickets de rationnement existant depuis l'occupation vont être maintenus jusqu'en 1950, y compris l'électricité et l'essence. La ration de pain qui est de 200 g à l'été 1947, n'est que de 250 g en juin 1948. Le revenu national en 1948 est encore inférieur de 4% à son niveau de 1938. Aux maigres salaires et à la pénurie alimentaire se rajoutent un état sanitaire déplorable et une démographie catastrophique. La mortalité infantile est en 1946 de plus de 84 pour 1000, et la population adolescente souffre de rachitisme. Face à cette situation, la bourgeoisie sait qu'elle ne pourra relever le capital national avec une classe ouvrière autant affaiblie, d'autant plus que se rajoute les pertes humaines de la guerre qui font que la main-d'œuvre fait défaut. La création de la sécurité sociale, la médicalisation de la santé est donc le moyen de se donner une force de travail et d'entretenir celle-ci à la hauteur des enjeux de la reconstruction. En échange d'une surexploitation (la durée de travail en 1946 est de 44 h et 45 h en 1947), le prolétariat va avoir accès à une couverture sociale lui permettant de reconstituer sa force de travail. Pierre Laroque, haut fonctionnaire, chargé de mettre en oeuvre la sécurité sociale avec l'ordonnance du 4 octobre 1945, est explicite sur ces objectifs, même s'il enveloppe la marchandise avec un couplet humaniste :
"Le but était d'assurer à la masse des travailleurs, et pour commencer aux salariés, une sécurité véritable du lendemain. Cela allait de pair avec une transformation sociale et même économique : l'effort qu'on leur demandait pour la remise en marche de l'économie devait avoir une contrepartie".
Ainsi que le commente Bruno Palier : "En 1945, c'est aussi un investissement politique immédiat, qui doit permettre d'obtenir la participation des salariés aux travaux de reconstruction (…) Cette dimension du plan français de Sécurité sociale, contrepartie aux efforts de reconstruction (et à la modération des augmentations des salaires directs), qui apparaît comme une sorte de contrat social de la Libération." (Ibid.)
Face aux critiques de certains parlementaires qui estiment trop important le coût financier de la sécurité sociale, le socialiste Daniel Mayer, ministre du travail en 1949, répond :
"Tout industriel considère comme normal et nécessaire de prélever sur ces recettes les sommes indispensables à l'entretien de son matériel. La Sécurité sociale, dans une large mesure, représente l'entretien du capital humain du pays, qui est aussi nécessaire aux industriels que les machines. Dans la mesure où la Sécurité sociale contribue à conserver le capital humain, à développer ce capital, elle apporte à l'économie un concours que l'on ne saurait sous-estimer." (Bruno Valat, idem).
C'est pour cela que dans un premier temps, la sécurité sociale sera réservée aux travailleurs salariés, du fait que c'est sur eux que la bourgeoisie compte pour redresser le pays et l'on renvoie à plus tard l'application du régime à la population non salariée. On mesure ainsi le mensonge des syndicats sur la création de la "Sécu" comme une conquête ouvrière, alors que cette "concession" se fait au prix d'une surexploitation sans commune mesure de la force de travail. Ainsi, en 1950, l'industrie française a presque retrouvé le niveau de production de 1929. Comme en 1936, ce sont les staliniens (PCF) grâce à leur engagement au sein de la résistance qui vont jouer un rôle déterminant dans l'embrigadement du prolétariat pour la reconstruction. Plusieurs ministres communistes seront présents dans le gouvernement du général de Gaulle, appelant le prolétariat par la voix de son leader Thorez à "se retrousser les manches" pour reconstruire le pays et dénonçant la grève comme étant "l'arme des trusts", de même que la CGT aura le monopole de la présidence des caisses d'assurance sociale jusqu'en 1947. (Voir notre brochure, Comment le PCF est passé au service du capital) Par la suite, ce sont les autres syndicats qui succèderont à la CGT.

La fin de l'État-providence

Si, dans les années qui suivent la guerre, la sécurité sociale va être étendue à l'ensemble de la population, dès le début des années 1970, les premiers signes de la crise économique viennent sonner le glas de ces politiques sociales. La Sécurité sociale en soi ne pouvait fonctionner que dans la mesure où le capitalisme pouvait garantir le plein emploi. Le développement du chômage fait que les dépenses sociales augmentent plus vite que le Produit Intérieur Brut (PIB). Face à cette situation, la bourgeoisie répond par des mesures keynésiennes de relance de la consommation notamment en augmentant et en créant de nouvelles prestations familiales sous conditions de ressources. Du point de vue de la gestion du capitalisme, ces mesures vont augmenter de façon considérable les déficits publics. Dorénavant, de 1975 jusqu'à aujourd'hui, la bourgeoisie ne va pas cesser de courir après les déficits, avec notamment le fameux "trou de la Sécu" qui semble un gouffre sans fin, malgré les hausses permanentes des cotisations sociales et des baisses à répétition des prestations sociales. Tout au long des années 1980 et 1990, les gouvernements successifs de droite comme de gauche vont redoubler d'ingéniosité pour inventer toutes sortes de taxes (alcools, tabac, essence) et de création de nouvelles cotisations (CSG), accompagnées de multiples plans d'austérité qui se succèdent tant sur le plan de l'assurance maladie que pour les retraites et les allocations chômage. Le bilan est sans appel ! Non seulement la classe ouvrière qui a encore du travail voit une partie toujours plus importante de son salaire ponctionné pour financer les déficits et autres mutuelles complémentaires, mais en plus le système de soins se dégrade compte tenu des réductions d'effectifs dans le secteur de la santé et des plans d'austérité à répétition. Pour le reste de la classe ouvrière et de la population, la perspective est à toujours plus de paupérisation et d'exclusion sociale.
Ainsi, loin d'être une conquête ouvrière, la Sécurité sociale est par contre un organe d'encadrement étatique réel. Grâce à la participation des syndicats à la gestion des caisses d'assurance maladie, en compagnie du patronat, puis par la suite des caisses de retraite et de chômage, cette gestion paritaire donne l'illusion qu'on peut faire une politique qui va dans le sens des intérêts des travailleurs[2] [7].
Plus que jamais, les nouvelles attaques sur la santé signifient la faillite du système capitaliste, la fin de l'État-providence et du mythe d'une couverture sociale "du berceau à la tombe". Si les révolutionnaires sont solidaires de leur classe face aux attaques tant sur le salaire direct que sur le salaire social, en même temps nous dénonçons avec virulence le mythe d'une Sécurité sociale mise en oeuvre par un Etat qui serait au-dessus des classes sociales pour le bien-être des ouvriers. La préoccupation du capitalisme en 1945 était d'avoir une main-d'œuvre en bonne santé pour réussir la reconstruction. En 2004, face à un réservoir sans fin de main-d'œuvre, le capitalisme doit sacrifier une partie croissante de prolétaires pour maintenir à bas coût l'achat de la force de travail, quitte à laisser crever les autres.
"Il n'est pas besoin de souligner que si la société socialiste défend l'individu contre la maladie ou les risques de l'existence, ses objectifs ne sont pas ceux de la Sécurité sociale capitaliste. Celle-ci n'a de sens que dans le cadre de l'exploitation du travail humain et en fonction de ce cadre. Elle n'est qu'un appendice du système." (Internationalisme 1952, repris dans notre Revue Internationale n°21, 2e trim. 1980).

Donald (20 juin)

[1] [8] La mystification qui consiste à présenter le gouvernement d'union nationale de 1945 de la "Libération", comme une rupture politique avec le régime de Vichy est un mensonge. Non seulement les partis de la résistance regroupés autour du général de Gaulle vont reprendre ce qui existait au niveau social sous Pétain (issu du modèle allemand de Bismarck) en l'élargissant, notamment la création de la retraite des vieux travailleurs et les allocations familiales (mesure votée à la fin de la 3e République), mais c'est la même administration et les hauts fonctionnaires de Vichy qui mettront en oeuvre la sécurité sociale. Quel que soit le régime, la continuité de l'Etat capitaliste est toujours préservée. (Voir à ce propos, le livre de Robert O. Paxton, La France de Vichy, 1940-1944, éditions du Seuil, page 309)

[2] [9] Non seulement, les syndicats sont un rouage de l'Etat, mais en plus ils vivent de façon parasitaire sur le dos de la classe ouvrière. En fait une des raisons pour lesquelles les syndicats sont autant attachés à préserver leur participation dans la gestion des assurances sociales, c'est que l'Etat leur verse des subsides conséquents pour cela, grâce aux multiples cotisations versées par les ouvriers. "La manne de l'assurance maladie prend aussi une forme sonnante et trébuchante. L'ensemble des partenaires reçoit des crédits au titre de la formation des administrateurs et des frais de secrétariat technique, les syndicats touchant en outre des fonds pour la formation aux questions de Sécurité sociale. En 1994, selon les chiffres de la caisse nationale, la CGT a reçu 10 millions de francs, FO 9,9 millions, la CFDT 9,3 millions, la CGC 6,2 millions et la CFTC 5,6 millions (avec environ 3 millions pour le patronat). Au total, de 1991 à 1994, la CNAM a versé 181,7 millions aux partenaires sociaux. Le tout sans grand contrôle sur leur utilisation…" (Les Echos, 28 juin 1995)

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [2]

Récent et en cours: 

  • Crise économique [10]

15 ans depuis l'effondrement du bloc de l'Est : Une ère de guerre et de chaos

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L'année 1989 connaît l'effondrement du bloc soviétique. Cet événement, en premier lieu fruit de la crise économique mondiale du capital, va avoir immédiatement des répercussions de très grande importance sur la vie et le développement du capitalisme. La classe ouvrière doit se rappeler qu'à ce moment-là tous les leaders de la bourgeoisie mondiale nous promettaient une nouvelle époque : "Une ère de paix et de stabilité". L'effondrement du stalinisme devait signifier la fin de la barbarie. L'évolution sanglante de la réalité allait très rapidement démontrer exactement le contraire. Dès le début des années 1990, la barbarie s'installait comme une donnée permanente dans la vie de la société, se généralisant à l'ensemble de la planète, frappant de manière de plus en plus aveugle, s'étendant progressivement aux grandes métropoles capitalistes. Elle concrétisait, dans le sang et la boue, l'entrée du capitalisme dans la phase ultime de sa décadence : celle de sa décomposition accélérée. A la place d'un affrontement impérialiste enserré dans le corset de fer des blocs impérialistes soviétique et américain, commençait à s'installer une logique guerrière radicalement différente, une logique où chaque pays capitaliste allait défendre ses intérêts propres en dehors de toute alliance stable soumise à un état impérialiste dominant. Chaos, perte de contrôle, anarchie grandissante et accélération de la décomposition ne pouvaient en être que la concrétisation dramatique.


 

Le capitalisme confronté à l'ouverture de sa phase de décomposition

En 1991, la première guerre du Golfe concrétisa pour la première fois l'ouverture toute grande des portes du nouveau désordre mondial, même si ce conflit permit momentanément aux Etats-Unis de réaffirmer leur rôle de toute première puissance. A cette époque, c'est le gouvernement américain qui a voulu cette guerre, en affirmant auprès de Saddam Hussein par l'entremise de son ambassadrice April Glaspie qu'un conflit éventuel entre l'Irak et le Koweït relevait d'un problème "interne au monde arabe", laissant entendre que les Etats-Unis se désintéressaient de la question. De fait, le piège ainsi tendu à Saddam Hussein poussa celui-ci à envahir militairement le Koweït, fournissant ainsi le prétexte à une intervention massive des Etats-Unis. Pour l'impérialisme américain, cette guerre fut l'instrument de la réaffirmation brutale de leur autorité sur les principales puissances rivales telles l'Allemagne, la France et le Japon qui, depuis 1989 et l'effondrement du bloc soviétique, tendaient de plus en plus clairement à défendre leur seul intérêt impérialiste en développant une politique croissante de contestation du leadership américain. Il est indéniable qu'à cette époque la puissance américaine remporta une victoire sur l'ensemble de la scène mondiale. Elle se paya même le luxe de laisser Saddam Hussein maître de Bagdad afin que l'Irak ne sombre pas dans un chaos total comme aujourd'hui. Mais cette victoire ne pouvait être que de courte durée. Alors qu'aucun apaisement sur le plan de la concurrence économique ne pouvait être envisagé, les tendances centrifuges au "chacun pour soi" de chaque puissance impérialiste ne pouvaient que gagner en ampleur, poussant ainsi inexorablement à nouveau les Etats-Unis à utiliser leur suprématie militaire, afin de tenter de freiner la contestation croissante à leur égard. Ainsi pouvions nous déjà percevoir en 1991 : "Que ce soit sur le plan politique et militaire ou sur le plan économique, la perspective n'est pas à la paix et à l'ordre mais à la guerre et au chaos entre nations." (Revue Internationale n°66, article "Le chaos"). Cette tendance à la décomposition du capitalisme et à l'affaiblissement du leadership américain allait se poursuivre et se confirmer tout au long des années 1990. Ce sont en effet ces mêmes puissances qui, quelques mois seulement après la première guerre du Golfe, allaient pousser un nouveau déchaînement de la barbarie qui devait aboutir en 1992 à un embrasement total de la région des Balkans. En effet, c'est l'Allemagne qui, en poussant la Slovénie et la Croatie à proclamer leur indépendance vis-à-vis de l'ancienne confédération yougoslave, a fait éclater ce pays et a joué un rôle primordial dans la déclenchement de la guerre en 1991. Face à cette poussée de l'impérialisme allemand, ce sont les quatre autres puissances (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie) qui ont soutenu et encouragé le gouvernement de Belgrade à mener une contre-offensive particulièrement meurtrière. Cependant, l'affaiblissement historique des Etats-Unis déjà à l'œuvre en 1991 allait les conduire à des changements d'alliance successifs se traduisant par leur soutien à la Serbie en 1991, à la Bosnie en 1992 et à la Croatie en 1994. Les Balkans se transformaient alors irrémédiablement, comme l'Afghanistan quelque temps plus tard, en un véritable bourbier fait de guerres civiles permanentes. Aujourd'hui encore en Afghanistan, aucune autorité, locale ou américaine, ne peut s'exercer en dehors de la capitale Kaboul. Les années 1990 vont ainsi connaître une généralisation progressive du chaos, expression de l'évolution de la décomposition de la société capitaliste, décomposition qui va connaître une violente accélération au début des années 2000.

Un monde plongé dans l'anarchie et la barbarie

Il est impossible de décrire aujourd'hui la situation en Irak. Courrier International du 14 juin titrait : "En Irak, la violence, toujours." A elle seule, la journée du jeudi 24 juin est un exemple dramatique de l'état de guerre civile dans lequel se trouve plongé l'Irak. Ce jour-là, il n'y aura pas eu moins de sept attentats dans la seule ville de Mossoul, faisant officiellement au moins 100 morts. Dans le même temps, des affrontements armés se poursuivaient dans de nombreuses villes irakiennes comme à Bakuba ou Nadjaf. A quelques jours du transfert de pouvoir au nouveau gouvernement irakien, le pays est plongé dans un chaos total, une anarchie généralisée où les forces politiques et militaires ne peuvent plus contrôler que des zones géographiquement limitées. Le premier ministre irakien Iyad Allaoui s'efforce d'annoncer, à grand renfort de publicité, qu'il prendra personnellement en main la lutte contre la violence, et ceci après la montée en puissance des accrochages militaires, attentats et autres sabotages d'oléoducs, en passant par des prises d'otages finissant le plus souvent par des meurtres sanglants. La décapitation des otages, filmée et projetée sur tous les écrans du monde, devient aujourd'hui une pratique courante, un moyen de guerre comme un autre, à l'égal d'un terrorisme n'ayant pour objectif que la destruction massive. Torture et terrorisme ont toujours fait partie des conflits armés dans l'histoire, mais ils restaient des phénomènes secondaires. Cette dégradation des règles d'affrontements est sans aucun doute une des expressions majeures de l'accélération de la décomposition du système capitaliste.
La perspective dans ce pays ne peut être que vers une déstabilisation croissante. L'affaiblissement, la perte de contrôle des Etats-Unis y sont patents. Le New York Times déclare : "Les forces de la coalition n'ont pas seulement échoué à assurer la sécurité de la population irakienne, mais également à réaliser un autre objectif désigné comme prioritaire par l'administration provisoire : le rétablissement total de l'électricité avant le début des chaleurs d'été." En Irak aujourd'hui, tout manque, y compris l'eau, à une population confrontée à des conditions de survie effroyables. De plus en plus clairement, les Kurdes, Chiites, Sunnites expriment leurs intérêts propres et divergents. De plus, un phénomène nouveau est en train de se généraliser : l'apparition de bandes armées, fanatisées, passant à l'offensive armée contre les intérêts américains en dehors de tout contrôle assumé par des organisations ethniques ou religieuses nationales. Avant même que d'être mis en place, le gouvernement provisoire apparaît totalement impuissant et discrédité.
Le Washington Post affirme : "Quoique l'administration Bush ait plusieurs fois promis que les Irakiens retrouveraient leur entière souveraineté, il est clair que ce sont des officiers américains qui garderont la mainmise sur la question essentielle de la sécurité." Cette perspective est celle d'un enfoncement croissant de la puissance américaine dans le bourbier irakien. Elle traduit l'incapacité américaine à maîtriser même militairement la situation irakienne. Cet affaiblissement accéléré s'est concrétisé par l'obligation pour les Etats-Unis d'en passer par l'ONU, un projet de résolution américano-britannique proposé fin mai au Conseil de sécurité prévoyant, entre autres, la mise en place de forces multinationales sous un commandement américain. Ce recours obligé à l'ONU par l'administration américaine est la manifestation directe de son incapacité à assurer sa domination par les armes, y compris dans un pays aussi faible que l'Irak. Derrière les premières déclarations de façade ayant le ton de la satisfaction, l'appétit des autres grandes puissances voulant profiter de chaque recul des Etats-Unis pour défendre leurs propres intérêts impérialistes s'est clairement manifesté. Le 27 mai, la Chine a diffusé un document soutenu par la Russie, la France et l'Allemagne soulevant des objections et contenant des propositions de changement majeur de cette résolution. Notamment le gouvernement intérimaire devait jouir de la "pleine souveraineté sur les questions économiques, de sécurité, de justice et de diplomatie". En outre, ces puissances ont proposé que le mandat de la force multinationale en Irak s'achève fin janvier 2005 et que le gouvernement provisoire soit consulté pour les opérations militaires à l'exclusion des mesures d'autodéfense. De fait, ce document, directement dirigé contre les Etats-Unis, démontre que la seule préoccupation de ces grandes puissances est d'enfoncer et d'affaiblir autant que possible la première puissance mondiale sans se préoccuper le moins du monde des conséquences d'un tel affrontement pour la population irakienne et pour toute la région.
On assiste aujourd'hui à une déstabilisation de l'ensemble de l'Asie du Sud-Ouest. En Arabie saoudite, les attentats attribués à Al-Qaida se multiplient, manifestant l'énorme montée des tensions entre le régime de Ryad et les éléments Wahhabites toujours plus nombreux à se fanatiser. La virulence des dirigeants chiites irakiens ne manque pas également d'avoir des répercussions sur la stabilité en Iran. Quant à la Turquie, la tension y est particulièrement forte. Le 1er juin, le PKK (Parti des travailleurs kurdes) a annoncé qu'il mettait unilatéralement fin au "cessez le feu" dans la guerre menée contre l'Etat turc. Le Neue Zueriche Zeitung du 3 juin rapportait que "des cercles de l'armée turque pensent que des centaines de rebelles armés du PKK ont infiltré la Turquie depuis le Nord de l'Irak au cours des dernières semaines. Le gouvernement turc accuse les Etats-Unis de n'avoir rien fait contre la présence du PKK dans le Nord de l'Irak." Le même quotidien de Zurich observe qu'"un nouvel éclatement de la guerre pourrait être dévastateur pour l'ensemble de la région".
Par ailleurs, depuis l'arrivée de l'administration Sharon au pouvoir en Israël, la situation au Moyen-Orient n'a fait que sombrer dans une guerre permanente et des massacres aveugles de population. Derrière le projet d'un grand Moyen-Orient, d'un retrait hypothétique de la part des Israéliens de la Bande de Gaza et d'une occupation militaire croissante de la Cisjordanie, se matérialise à l'égal de celle des Etats-Unis une politique de fuite en avant de la part du gouvernement israélien. Il est patent que la logique guerrière y prend de façon absolue le pas sur tout autre modalité de défense des intérêts nationaux israéliens. Cette politique, suicidaire à terme, a même provoqué une montée de tensions entre Israël et l'Egypte, cette dernière restant pourtant, après l'Etat hébreu, un des seuls alliés des Etats-Unis dans la région. De fait, l'administration américaine pèse de moins en moins sur l'orientation de la politique guerrière israélienne. Ceci traduit l'incapacité actuelle des Etats-Unis à être les gendarmes du monde. Cette réalité ne fait qu'exprimer au plus haut niveau la perte de contrôle de toutes les autres grandes puissances dans les zones qu'elles tentent encore de maintenir sous leur influence.
Les raids militaires menés en Ingouchie dans la nuit du 21 au 22 juin et qui ont fait au moins 48 morts, dont le ministre Kostoiev, viennent rappeler que c'est l'ensemble des anciennes républiques du Sud de l'URSS, et pas seulement la Tchétchénie, qui est plongé dans l'anarchie et la guerre civile. Quant à la France, et ceci après sa participation active il y a dix ans au massacre de près d'un million de personnes au Rwanda, elle ne peut que constater aujourd'hui sa propre impuissance, les Tutsis étant en cette mi-juin à nouveau au centre d'un conflit touchant la république du Congo. Le Soir (quotidien belge) du 4 juin affirme : "Les incidents à l'Est du pays font craindre le pire a de nombreux observateurs : la résurgence de la guerre dans une région meurtrie par des conflits frontaliers, politiques et ethniques sanglants."

La décomposition du capitalisme : une réalité en pleine accélération

Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York avaient amené les Etats-Unis à affirmer qu'ils traqueraient le terrorisme aux quatre coins de la planète, ramenant ainsi la démocratie et la paix. Le résultat aujourd'hui s'inscrit en lettres de sang partout dans le monde. L'anarchie totale que l'on voit en Iran et qui s'étend progressivement à toute l'Asie du Sud-Ouest manifeste la perte de contrôle grandissante des grandes puissances de ce monde sur la marche générale de la société. La dynamique de la guerre en Irak n'est que l'exemple dramatique et barbare de ce qui attend toute l'humanité si la classe ouvrière laisse aller le capitalisme à sa seule perspective. L'engrenage dans lequel sont entraînées toutes les puissances impérialistes, y compris les plus fortes, ne peut que produire, en plus dramatique, des guerres telles que celle qui se déroule en Irak. Cette barbarie en pleine évolution touche maintenant le cœur de l'Europe, avec les attentats terroristes du 11 mars dernier à Madrid dont l'objectif était le massacre le plus important possible de la population ouvrière. Il est important que le prolétariat comprenne que, contrairement à ce que tente de nous faire croire la bourgeoisie, cette évolution guerrière, totalement irrationnelle et barbare, n'est pas due à la folie de quelques dirigeants du monde. Il est par exemple de notoriété publique que J.Kerry, le candidat démocrate aux prochaines élections présidentielles américaines, n'a aucune alternative à proposer à l'actuelle orientation en politique étrangère de l'administration Bush. Quel que soit le résultat de ces élections, le fond de la logique impérialiste américaine ne sera en rien modifié. La fuite en avant militaire de l'Amérique refusant son affaiblissement historique et sa perte de contrôle sur le monde est un fait totalement irréversible. Le désordre mondial actuel n'est pas dû, comme l'affirme la propagande de la bourgeoisie, à un fanatique religieux nommé Ben Laden ou à une administration américaine composée d'autres fanatiques de la guerre à outrance comme Rumsfeld ou Wolfowitz. Bien au contraire, c'est la faillite en cours du capitalisme mondial, poussant celui-ci dans une logique de guerre totalement irrationnelle, qui détermine l'évolution des mœurs de la bourgeoisie et des équipes qui gouvernent les Etats. En ce sens, le capitalisme tendra de plus en plus, dans l'avenir, à porter au pouvoir des fractions de la bourgeoisie de plus en plus fanatisées, y compris au sein des plus grandes puissances de ce monde. Comme les marxistes l'ont toujours affirmé, seul le prolétariat porte en lui la force capable de détruire le capitalisme et d'empêcher ce monde de s'effondrer dans la pire des barbaries. La classe ouvrière doit garder en mémoire que c'est la révolution du prolétariat en Russie en octobre 1917 qui a mis fin à la première boucherie mondiale.

Tino (25 juin)

Récent et en cours: 

  • Guerre en Irak [11]

Questions théoriques: 

  • Décomposition [12]
  • Guerre [13]

La croissance américaine dopée par les hamburgers !

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Cela fait longtemps que le capitalisme américain fait preuve de créativité en utilisant les statistiques pour donner un coup de pouce à une réalité par ailleurs fort morose. Par exemple, le gouvernement américain calcule le chômage en ne comptant que les chômeurs qui ont activement cherché du travail pendant les 30 derniers jours. Ceux qu'on appelle les "ouvriers découragés", qui ont laissé tomber la recherche d'emplois inexistants, ne sont pas considérés comme chômeurs -on considère qu'ils ne font plus partie des actifs. D'après le gouvernement, ce ne sont plus des ouvriers. Un autre exemple : jusqu'au début des années 1980, on calculait le taux de chômage sur la base de l'ensemble des civils actifs. Puis le gouvernement a décidé que les quasi trois millions de membres des forces armées seraient désormais considérés comme des ouvriers actifs (auparavant, ils n'étaient pas comptabilisés dans les civils actifs). Cela s'est avéré un moyen très efficace de diminuer le taux de chômage. Quand le ministère du travail fait des estimations du nombre d'emplois dans l'économie, tout travail qui requiert 10 heures par semaine minimum est considéré comme un emploi à temps plein - c'est ce qui explique toutes les étranges proclamations à propos de millions d'emplois subitement créés en même temps. Avec cette contrefaçon dans la "comptabilité" des emplois et des sans emplois, il est tout à fait possible qu'un ouvrier qui perd son travail à plein temps et retrouve tant bien que mal trois emplois à temps partiel mal payés pour survivre, soit comptabilisé comme chômeur dans les statistiques du chômage et permette d'afficher trois nouveaux emplois créés dans l'économie !
En février, dans le Economic Report annuel du Président, le président Bush a lancé une idée innovante et suggéré que les travailleurs de la restauration comme McDonalds ne soient plus considérés comme des employés de service mais soient reclassés comme employés d'industrie. Le conseiller économique en chef de Bush, Gregory Mankiw, se demandait "Quand un restaurant fast-food vend un hamburger par exemple, est-ce qu'il fournit un 'service' ou est-ce qu'il est en train d'assembler des pièces pour 'fabriquer' un produit ?". L'économie ayant perdu 2,6 millions d'emplois dans la transformation industrielle depuis janvier 2001, les économistes du gouvernement ont finalement trouvé comment ranimer la force de travail du secteur manufacturier -un hamburger après l'autre ! Evidemment, les démocrates et les comiques à la télévision s'en sont donné à coeur joie pour ridiculiser cette absurdité. On n'avait pas vu une manoeuvre aussi manifestement grossière depuis que l'administration Reagan en 1981 avait suggéré qu'on considère le ketchup comme un légume, dans le calcul de la valeur nutritionnelle d'un repas de cantine scolaire.

JG (Internationalism n°129, printemps 2004)

Géographique: 

  • Etats-Unis [14]

Récent et en cours: 

  • Crise économique [10]

Intervention de Ficci à la Fête de "Lutte Ouvrière" : Le parasitisme au service de la bourgeoisie

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Lors de la dernière fête de Lutte Ouvrière, le PCI (qui publie Le Prolétaire) a tenu un forum sur le thème des élections européennes et la construction de l'espace européen. L'exposé du PCI a défendu une position de classe en critiquant le cirque électoral et le mythe cher aux trotskistes des "États-Unis d'Europe". Le CCI, pour sa part, est intervenu pour soutenir la position révolutionnaire du PCI et dénoncer, citations à l'appui, la politique capitaliste de LO. Notre intervention avait pour principal objectif de délimiter clairement le camp bourgeois du camp prolétarien[1] [15], notamment en interpellant le militant de LO représentant son organisation à ce forum afin de démasquer les positions bourgeoises de cette organisation. Malheureusement, notre intervention a été immédiatement suivie par celle du porte-parole d'un groupuscule parasitaire autoproclamé "Fraction interne du CCI" (FICCI) qui, au lieu de défendre la position des révolutionnaires face à la politique électoraliste de LO, a saboté le débat ouvert par l'exposé du PCI et a dénoncé rageusement l'intervention du CCI en affirmant que celle-ci était une "manoeuvre" visant à masquer l'incapacité de notre organisation à avoir la moindre analyse sur le cours historique actuel, sur le niveau de la lutte de classe et la question impérialiste.


 

Ainsi, l'intervention du ténor de la FICCI a eu pour effet de permettre au militant de LO d'éviter de répondre aux questions posées par l'intervention du CCI ; la défense de la position de la Gauche communiste sur la question électorale face aux mystifications bourgeoises véhiculées par le trotskisme étant bien le dernier de ses soucis. Ce qui lui importait avant tout, c'était de dénoncer, non pas LO mais le CCI, comme l'ennemi de classe. Ainsi, cette brillante tirade de la FICCI contre le CCI a révélé au grand jour sa véritable nature de classe, anti-prolétarienne, et sa principale raison d'existence : discréditer le CCI quitte à faire obstacle à toute critique de la politique bourgeoise de Lutte Ouvrière. Le CCI n'est pas intervenu pour riposter aux attaques de la FICCI dans la mesure où nous refusons toute discussion avec ces éléments du milieu parasitaire qui se sont comportés comme des mouchards à l'encontre de notre organisation (voir "Les méthodes policières de la FICCI" dans RI n° 330) et dont l'objectif n'est nullement la clarification et la défense des positions de classe mais la volonté de nuire au CCI. Contrairement à la FICCI, nous n'étions pas intéressés à ce que ce forum du PCI sur le thème de l'Union européenne se transforme en foire d'empoigne entre le CCI et des parasites de la pire espèce.
Lors de ce forum, la FICCI a une fois encore montré que sa véritable fonction consiste non pas à défendre les positions des révolutionnaires face aux mystifications de la classe dominante mais à compléter le travail de la bourgeoisie contre les organisations révolutionnaires. A travers ses campagnes anticommunistes et anti-négationnistes, la classe dominante cherche par tous les moyens à discréditer le courant de la Gauche communiste et à empêcher les éléments à la recherche d'une perspective de classe de se rapprocher des véritables organisations révolutionnaires. Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si cette prétendue "fraction" n'a pas jugé utile de faire la moindre prise de position contre les calomnies déversées dans le livre de C. Bourseiller, Histoire générale de l'ultra-gauche, contre les groupes de la Gauche communiste, contrairement au PCI (voir "Histoire générale de l'ultra-gauche ou comment s'en débarrasser" dans Le Prolétaire n° 470) et au CCI (voir "A propos du livre de Bourseiller, la bourgeoisie relance sa campagne sur la mort du communisme" dans RI n° 344). Ce n'est pas un hasard non plus si l'ouvrage de cet "historien" bourgeois, dans son entreprise de dénigrement des organisations de la Gauche communiste, se fait l'avocat des groupes parasitaires et reprend à son compte les calomnies de la FICCI contre le CCI. En réalité, le silence de la FICCI sur le livre de Bourseiller n'a qu'une seule signification. Ce groupuscule vise le même objectif : empêcher les éléments en recherche des positions de classe de se rapprocher des groupes de la Gauche communiste et notamment du CCI, en inoculant l'idée que ce dernier serait une secte stalinienne qui pratiquerait "l'épuration des dissidents".
Cette intervention hystérique du porte-parole de la FICCI au forum du PCI se situe dans la pleine continuité de sa politique visant à semer le trouble et la confusion au sein du milieu politique prolétarien. Ainsi, on peut citer les derniers "exploits" de cette prétendue "fraction" :

  • Alors que le CCI leur a interdit l'entrée de ses réunions publiques, du fait de leur comportement de mouchards, c'est de façon systématique que les membres de la FICCI viennent faire de la provocation à la porte de nos réunions publiques, interpellant de façon sarcastique nos militants et sympathisants pour tenter de les intimider. Mais, ce qui motive surtout leur présence à l'entrée de nos réunions publiques, c'est leur volonté de dissuader les nouveaux contacts du CCI d'entrer dans la salle pour mener le débat avec notre organisation. Ainsi, lors de nos dernières réunions publiques, on a pu voir les éléments de la FICCI se précipiter sur tous les nouveaux contacts du CCI et leur dire : "méfiez-vous, ce sont des staliniens ! Ils nous ont exclus et nous interdisent d'entrer dans la salle".
  • Lors d'une manifestation pacifiste contre la guerre en Irak fin avril, l'un de nos sympathisants venu diffuser la presse du CCI à nos côtés a été interpellé par la FICCI qui a tenté de l'éloigner du CCI avec un argument massue : "nous avons la preuve qu'il y a un flic dans le CCI."

Ces "preuves" ont d'ailleurs été annoncées sur le site Internet de la FICCI. Elles seraient contenues dans un document intitulé "Historique du SI". La FICCI n'a pas affiché sur son site Web ce fameux document (qui, soit dit en passant, vaut vraiment son pesant de cacahuètes !) mais, dans plusieurs numéros de son Bulletin publié sur Internet, elle annonce que tous ceux qui veulent obtenir ce document peuvent lui en faire la demande.
L'ensemble des militants du CCI a bien évidemment pris connaissance de ce document qui leur a donné la nausée. Certains éléments extérieurs au CCI en ayant eu connaissance nous ont commenté qu'ils trouvaient cela délirant. La meilleure façon pour ridiculiser la FECCI et finir de la démasquer serait de le rendre public. Mais nous ne pouvons pas le faire du fait qu'il est truffé de détails sur la vie personnelle des militants (problèmes de santé, activité professionnelle) qui ne peuvent que servir aux forces de répression de l'État bourgeois. Néanmoins, comme nous l'avion déjà affirmé dans notre presse (voir l'article "Les méthodes policières de la FICCI") nous sommes toujours intéressés à ce qu'une commission spéciale composée de militants sérieux des groupes de la Gauche communiste prennent connaissance des "preuves" recueillies par la FICCI. Encore une fois, le CCI n'a rien à cacher et est tout à fait prêt à démontrer que ces "preuves" récoltées dans les égouts ne sont qu'un tissu de mensonges, de basses calomnies basées sur des ragots et des interprétations totalement fantaisistes dignes d'une imagination malade et d'un esprit totalement dérangé.
La FICCI n'a cessé de crier sur tous les toits que son seul objectif était de "sauver le CCI" qui serait aujourd'hui aux mains d'une "direction liquidatrice" manipulée par un "flic". Or, pour justifier leur constitution en "fraction" et leurs comportements anti-prolétariens lorsqu'ils étaient encore membres du CCI (refus de payer leurs cotisations ; vol de l'argent de l'organisation, de documents internes et du fichier d'adresses de nos militants et abonnés ; diffusion de rumeurs sur l'existence d'un "flic" ; calomnies contre des militants de l'organe central ; organisations de réunions secrètes dans le dos de l'organisation visant à élaborer une stratégie en vue de "déstabiliser" le CCI, etc.), ces éléments sont partis en guerre contre l'analyse actuelle de la "décomposition du capitalisme" en prétendant que le CCI l'a distordue et déformée. Dans la réalité, les positions qu'ils dénoncent aujourd'hui sont celles que le CCI a élaborées en 1989, et qu'eux-mêmes ont soutenues sans la moindre réticence jusqu'en 2000. En fait, s'ils rejettent aujourd'hui cette analyse, ce n'est pas seulement pour se donner un semblant de crédibilité mais aussi pour lécher les bottes des autres groupes de la Gauche communiste puisque ces derniers ne partagent pas cette analyse du CCI.

Le CCI a connu dans le passé plusieurs scissions qui ont donné naissance à des groupuscules parasitaires qui, tous, nous accusaient de "dégénérescence stalinienne" (le CBG, la FECCI, le Cercle de Paris dont le principal animateur a même eu droit aux remerciements de C. Bourseiller pour sa contribution à son ouvrage Histoire générale de l'ultra-gauche ; tous dénigreurs des groupes de la Gauche communiste). Mais de tous les groupuscules parasitaires dont la seule fonction consiste à déverser des calomnies contre le CCI, la FICCI est certainement le plus répugnant. Sa seule raison d'être consiste à coller au CCI, à suivre nos militants à la trace sur tous nos lieux d'intervention en faisant usage de la provocation, du chantage, de la menace avec un cynisme sans nom. En ce sens, ces éléments sont certainement les pires morpions que nous n'ayons jamais connus. N'ayant pas réussi à détruire le CCI, leurs agissements visent aujourd'hui à semer le trouble en faisant à l'extérieur le sale travail digne d'agents provocateurs qu'ils faisaient à l'intérieur de l'organisation, entre autres en faisant circuler des rumeurs sur l'existence d'un flic au sein du CCI.
L'incapacité des membres de la FICCI à organiser ses propres réunions publiques montre qu'elle n'a strictement rien à dire ni à la classe ouvrière ni aux éléments à la recherche des positions de classe[2] [16]

Ainsi, les agissements de la FICCI et la politique de sabotage du débat qu'elle a menée dans le forum du PCI lors de la fête de Lutte Ouvrière, animés par la haine et la volonté de discréditer le CCI par tous les moyens (y compris en se rendant complice des trotskistes et des idéologues patentés de la bourgeoisie, tel Bourseiller) est une illustration éloquente de notre analyse du parasitisme publiée dans la Revue Internationale n° 94. C'est dans une période où les organisations du prolétariat ont encore un faible impact que "le parasitisme trouve son terrain le plus propice. Ce fait est lié à la nature même du parasitisme qui, pour être efficace, doit trouver en face de lui des éléments en recherche vers des positions de classe qui aient du mal à faire la différence entre les véritables organisations révolutionnaires et les courants dont la seule raison d'être est de vivre aux dépens de celles-ci, de saboter leur action, voire de les détruire (...) La notion de parasitisme n'est nullement une 'invention du CCI'. C'est l'AIT qui, la première, a été confrontée à cette menace contre le mouvement prolétarien, qui l'a identifiée et combattue. C'est elle, à commencer par Marx et Engels, qui caractérisait déjà de parasites ces éléments politisés qui, tout en prétendant adhérer au programme et aux organisations du prolétariat, concentrent leurs efforts sur le combat, non pas contre la classe dominante, mais contre les organisations de la classe révolutionnaire. L'essence de leur activité est de dénigrer et de manoeuvrer contre le camp communiste, même s'ils prétendent lui appartenir et le servir (...) Comme à l'époque de Marx et Engels, cette vague parasitaire réactionnaire a pour fonction de saboter le développement du débat ouvert et de la clarification prolétarienne (...) L'existence :

  • d'un courant international marxiste comme le CCI, rejetant le sectarisme et le monolithisme;
  • de polémiques publiques entre organisations révolutionnaires;
  • du débat actuel à propos des principes organisationnels marxistes et de la défense du milieu révolutionnaire;
  • de nouveaux éléments révolutionnaires à la recherche des véritables traditions marxistes, organisationnels et programmatiques;

sont parmi les éléments les plus importants suscitant actuellement l'offensive politique du parasitisme politique." ("Thèses sur le parasitisme").

RI

[1] [17] Ce n'est pas l'objet de cet article de développer notre analyse de cette question. Pour cela nous renvoyons nos lecteurs au n°347 de RI dans lequel nous montrons que l'unité européenne au nom de l'internationalisme prolétarien et du communisme est une mystification. En effet, cela n'a jamais été le point de vue de l'internationalisme prolétarien et des communistes puisqu'il est clair pour eux que, seule la lutte de la classe ouvrière à l'échelle internationale peut venir à bout du capitalisme et de ses divisions nationales.
[2] [18] Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, malgré ses gesticulations tonitruantes contre la "dégénérescence stalinienne" du CCI, le seul élément que cette prétendue "fraction" a pu intégrer dans ses rangs est un individu qui avait démissionné du CCI en 1995 en conservant contre notre organisation une énorme rancœur. Par contre, il faut signaler que les agissements de la FICCI (et surtout le contenu de leur infâme Bulletin diffusé sur Internet et envoyé systématiquement à nos abonnés) a davantage rendu service au CCI, comme en témoignent les nombreuses lettres de solidarité que nous avons reçues (certains de nos contacts récents sont même allés, à la simple lecture de la prose de la FICCI, jusqu'à affirmer que ces gens-là "font un travail de flics").

Courants politiques: 

  • FICCI - GIGC/IGCL [19]

Classe ouvrière internationale - Ce sont les besoins du capital qui dictent les politiques d'immigration

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Récemment, la classe ouvrière en Grande-Bretagne a été littéralement bombardée par une série de campagnes hypocrites de déboussolement sur les questions de race et de l'immigration. D'un côté, le gouvernement n'a pas lésiné sur les déclarations diabolisant les immigrants : ils seraient de "faux" chercheurs d'asile, des "pseudo-touristes en quête de pensions" ou encore des "touristes de la santé". De l'autre, on a vu une série de discours visant à introniser l'Etat démocratique comme seul moyen pour se défendre contre le racisme, ce dernier étant présenté comme le produit d'individus ignorants ou de groupes néfastes comme le BNP (British National Party, équivalent britannique du Front National en France), dénoncés comme étant des forces hostiles à la démocratie.


 

Pourquoi l'immigration est un problème aujourd'hui

L'immigration et les immigrants sont clairement utilisés par la bourgeoisie comme boucs émissaires du chômage et de la pénurie de logements, des dépenses de santé et des difficultés que connaissent d'autres secteurs des services publics. Cependant, la bourgeoisie ne brandit pas la question de l'immigration uniquement pour s'en servir dans le but de détourner l'attention des ouvriers des effets de la crise économique et des attaques ; il s'agit aussi pour elle d'un véritable problème.
L'immigration est un phénomène qui a toujours accompagné le développement du capitalisme et a même été une précondition de son développement initial, en premier lieu avec le mouvement vers les villes de "nombreux paysans qui, chassés continuellement des campagnes par la transformation des champs en prairies et par les travaux agricoles nécessitant moins de bras pour la culture des terres, vinrent affluer dans les villes pendant des siècles entiers" (Misère de la philosophie, Karl Marx, p. 161, Editions sociales). De fait, la classe ouvrière est une classe composée essentiellement d'immigrants.
Tout au long de son existence, le capitalisme n'a en effet eu de cesse d'arracher les populations de la campagne vers les villes - et cela dans le monde entier. Le sort qui en résultait pour tous ces migrants était avant tout fonction du développement même du capitalisme. Au 19e siècle, le capitalisme, système en pleine expansion, a ainsi encouragé des déplacements massifs de populations, ce qui lui a permis de développer considérablement les forces productives à travers ce qui a constitué la "révolution industrielle".
Mais, au début du 20e siècle, une fois que le capitalisme eût conquis la planète, il est entré dans sa phase de déclin, limitant ainsi, pour ceux qui étaient contraints à l'émigration, la possibilité de trouver du travail ailleurs et de s'intégrer à la classe ouvrière. L'immigration s'est de ce fait transformée en un véritable problème pour la classe dominante contrainte de maintenir sous le contrôle de l'Etat des masses d'immigrants. Cette question se fit particulièrement aiguë lors de la dépression économique des années 1930, alors que chaque économie nationale s'efforçait de se dépêtrer des effets de la crise.
Cependant, dans les années 1950, en Grande-Bretagne et dans la plupart des pays développés, s'impose à nouveau la nécessité de faire appel à l'immigration. Suite aux destructions et au bain de sang de la Seconde Guerre mondiale, la pénurie de main d'œuvre a poussé la classe dominante à encourager l'immigration en provenance de ses colonies ; pour la puissance anglaise, il s'agissait de puiser dans les réserves humaines du Moyen-Orient et du sous-continent indien afin de pallier cette pénurie. Mais, avec le retour de la crise économique vers la fin des années 1960, la bourgeoisie vit à nouveau dans ce phénomène de l'immigration une réelle difficulté. Des quotas d'immigration commencèrent à être imposés de même que l'on vit apparaître un changement radical du discours sur les immigrés. L'histoire des "Asiatiques" de l'ex-empire britannique est particulièrement illustratif de ce changement de politique et caractéristique de ce tournant dans la propagande de la bourgeoisie envers ceux-ci.
Le British National Act de 1948 stipulait que les populations des pays devenus indépendants, ayant appartenu au Commonwealth, prenaient la nationalité britannique une fois sur le sol de la Grande-Bretagne. Malgré les lois dont se dota la bourgeoisie d'outre-Manche pour limiter le flux d'immigrants dès 1962, ce pays devint la "terre d'asile" des Indiens venant non seulement des Indes mais également, pour deux millions d'entre eux, des communautés indiennes installées en Afrique orientale. Avec le développement de la crise économique, la bourgeoisie anglaise décida, en 1968, que seraient distinguées deux catégories de membres du Commonwealth possesseurs de passeports britanniques : ceux qui avaient obtenu ces passeports avant l'indépendance et ceux qui les avaient reçus après. Cette politique permit de ramener à 6000 personnes par an l'entrée des immigrants en Grande-Bretagne.
De pair avec cette politique de restriction draconienne des immigrants, on vit se développer un discours particulièrement musclé à l'égard de ces derniers, présentés par l'ensemble des partis bourgeois comme une vraie menace pour la stabilité du pays. Un protagoniste en vue de cette campagne, Enoch Powell, ancien membre du gouvernement, conservateur et populiste professant une hostilité profonde à l'égard des immigrés "de couleur", fit à l'époque un discours retentissant sur les "rivières de sang" lors d'affrontements que, dans l'avenir, des vagues massives d'immigration rendraient inévitables.
Claire illustration de l'hypocrisie bourgeoise, la législation anti-discrimination fut introduite à la même époque pour donner l'illusion que l'Etat pouvait servir à combattre le racisme, au moment où, justement, c'est cette institution suprême elle-même qui commençait à mettre en place les mesures discriminatoires visant spécifiquement les immigrants.
Pendant ce temps, avec le développement international de la crise, le manque de travail et de ressources, la misère s'aggravait sur les populations du "tiers-monde". Dans ces régions, les bidonvilles se mirent à pousser dans des proportions gigantesques autour des villes. La nécessité d'émigrer pour trouver du travail devenait ainsi de plus en plus impérieuse pour des masses grandissantes de miséreux.
Les choses sont devenues encore bien pires dans la période que nous avons définie comme étant celle de la décomposition capitaliste, dans laquelle la durée de la crise, sans aucune perspective d'en sortir, a conduit à une aggravation qualitative de tous les aspects du déclin historique du système capitaliste, avec en particulier la prolifération des famines dans les pays du "tiers-monde".
Non seulement la crise s'est aggravée dans les principaux centres des pays développés mais ce sont des zones du monde plus étendues et nombreuses qui sont confrontées aux catastrophes économiques (et écologiques ), engendrant ainsi une immigration à plus grande échelle. L'Europe de l'Est, avec des taux d'émigration impressionnants, constitue une illustration frappante de ce phénomène. C'est d'ailleurs de façon régulière que les médias en Europe occidentale mettent en garde contre les dangers d'une nouvelle vague d'immigrés en provenance de l'Est, propagande qui connaît un regain d'activité avec l'élargissement de l'Union Européenne.

La bourgeoisie punit ses victimes

En plus des difficultés économiques et de la misère qui contraignent les populations à émigrer, la multiplication des guerres sur l'ensemble de la planète pousse un nombre grandissant d'entre elles à fuir les combats et les destructions. Ces guerres ne sont pas le produit de facteurs extérieurs au capitalisme, mais le résultat inévitable de l'impérialisme lié à sa période de décadence. Et la responsabilité de ces guerres incombe au premier chef aux grandes puissances. C'est évident lorsqu'on voit les Etats-Unis, soutenus par la Grande-Bretagne, déchaîner la barbarie guerrière en Afghanistan et en Irak. Mais, si cela est moins évident, c'est tout aussi vrai lorsque les grandes puissances attisent une situation locale de tensions. L'éclatement de l'ex-Yougoslavie, du fait de l'action des grandes puissances luttant pour imposer leur influence en soutenant telle ou telle fraction yougoslave, en est un exemple. Même le génocide rwandais il y a dix ans, toujours présenté comme s'il n'était au fond que le produit pur et simple de conflits tribaux entre "primitifs", fut en réalité mené par un impérialisme français aux abois dans une lutte contre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour le contrôle de cette région d'Afrique (voir notre article dans RI n°345).
En d'autres termes, le nombre grandissant de réfugiés, phénomène que la bourgeoisie met elle-même en évidence, est le produit de son propre système, le capitalisme, et plus spécifiquement de sa politique impérialiste. Si l'on se rappelle les profondes résistances des bourgeoisies britannique et américaine à recevoir les réfugiés européens dans les années 1930 et 1940, tout particulièrement les Juifs fuyant les camps de concentration, on peut alors difficilement s'attendre à les voir accueillir ceux qui fuient aujourd'hui les conflits s'étendant sur la planète.
Au contraire, il faut s'attendre à ce que la bourgeoisie de tous les pays, surtout dans les pays développés, encourage le développement de l'esprit de pogrome dans la même logique que celle qui consiste à provoquer des divisions raciales ou nationales dans la classe ouvrière aujourd'hui. C'est la réelle signification de la propagande mise en œuvre par tous les gouvernements, derrière les discours patenôtres et hypocrites contre le racisme de ceux qui s'apitoient avec des larmes de crocodile sur la misère du monde.

D'après World Revolution n°274, mai 2004, organe en Grande-Bretagne du Courant Communiste International.

Récent et en cours: 

  • Crise économique [10]
  • Luttes de classe [20]

URL source:https://fr.internationalism.org/content/revolution-internationale-ndeg-348-juillet-aout-2004

Liens
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