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C’est au nom de la “protection de l’environnement” que le gouvernement français impose sa dernière trouvaille : la taxe carbone qui va coûter plusieurs centaines d’euros supplémentaires à tous ceux contraints de prendre leur voiture pour se rendre à leur travail et aux familles qui se chauffent au gaz ou au fioul domestique. Cette “écotaxe” va toucher d’une manière ou d’une autre l’immense majorité de la population alors que pour les entreprises, elle s’inscrit dans un simple octroi déjà rodé en Europe d’autorisation à polluer (d’ailleurs en partie compensé par la suppression parallèle de la taxe professionnelle). Ce “geste”, que la France ambitionne d’étendre à l’échelle européenne, bien loin de “sauver la planète” avec l’aide de chacun, masque l’incapacité du système capitaliste d’empêcher la propagation croissante des gaz à effet de serre.
On nous dit aussi que c’est pour “sauver la protection sociale” que la nouvelle augmentation du forfait hospitalier à la charge de chaque patient a été décidée. Elle passera ainsi au premier janvier prochain de 16 à 18 euros. Il faut se rappeler que cette mesure a été introduite début 1983 sous l’ère Mitterrand par le ministre de la Santé de l’époque, le ministre “communiste” Jack Ralite. Dans la foulée, le déremboursement des dépenses de santé (entrepris par Martine Aubry sous le gouvernement Jospin) se poursuit : il passera de 35 à 15% sur une série de médicaments de base comme les vasodilatateurs, les anti-hémorroïdaires, les traitements contre les brûlures ou les compléments en magnésium. Pour les millions d’assurés sociaux, travailleurs ou chômeurs sans mutuelle complémentaire, cela deviendra de plus en plus impossible de se soigner. Ces laissés pour compte n’ont qu’à crever ! Et pour les autres, ce sera une nouvelle augmentation de leurs cotisations.
C’est soi-disant par souci de “justice sociale”, comme l’a répété avec culot lors de son interview le président Sarkozy à la veille du sommet du G20 à Pittsburgh, qu’est introduite la scandaleuse imposition sur les indemnités journalières des accidents du travail (environ 20 000 cas par an en France, en particulier dans le secteur le plus exposé du bâtiment et des travaux publics). Cette mesure est particulièrement cynique : on demande aux prolétaires victimes dans leur chair de leurs conditions de travail de payer eux-mêmes le défaut de protection de leur entreprise, alors que les cadences s’accélèrent en lien avec les pertes d’emploi non remplacées et alors que l’exposition aux risques d’accidents de travail ne cesse corrélativement d’augmenter. De plus, cette pénalisation vient aggraver une perte de revenus puisque les accidentés du travail ne perçoivent plus qu’entre 60 et 70 % de leur salaire.
Les fables qui cherchent à faire passer la pilule et à rendre présentable cette série de nouvelles attaques édifiantes dans l’hexagone s’accompagnent de nouvelles hausses de tarifs adoptées cet été : de 2 % à EDF (pour la troisième fois en deux ans) depuis le 15 août, de 2 à 3 % à la RATP comme chaque année au 1er juillet comme dans la plupart des transports publics. Le “pouvoir d’achat” des prolétaires se réduit chaque mois comme une peau de chagrin.
En même temps, ce sont plus de 18 000 chômeurs supplémentaires qui ont été enregistrés officiellement au mois d’août en France, ou plutôt 32 200 en incluant les demandeurs d’emploi ayant une activité réduite ; ce qui porte à plus de 2 millions et demi le nombre d’inscriptions au Pôle emploi. Les jeunes sont particulièrement touchés (près de 25 % de la tranche 16-24 ans sont désormais sans emploi) et les ouvriers de plus de 50 ans (ce qui signifie des retraites à venir encore plus misérables).
Après la SNCF, France-Télécom où le “dégraissage” continue (voir notre article sur les vagues de suicides dans de nombreuses entreprises en page 3), la “rationalisation” des dépenses dans les “services publics” s’accélère. Ainsi, à la Poste, prétendument pour “s’adapter à la concurrence internationale”, cette entreprise a fait fermer 140 bureaux de poste supplémentaires et supprimé 7600 emplois au cours des six derniers mois. Ce qui s’ajoute aux 20 000 emplois perdus entre 2002 et 2008 et aux 56 000 employés qui ont perdu leur statut de fonctionnaires.
Dans le privé, les effets de l’accélération de la crise se traduisent par des plans de licenciements massifs qui, après avoir touché les PME, s’étendent de plus en plus aux grandes entreprises dans tous les secteurs, comme l’automobile ou l’aéronautique. Partout, la même logique inhumaine des lois du capitalisme frappe les ouvriers, qu’ils travaillent ou pas, depuis les cadres jusqu’aux immigrés clandestins en quête de survie et de travail (voir notre article en page 3). Il n’y a plus de limites à l’exploitation et à la misère… L’impasse dans laquelle le capitalisme condamne l’humanité se révèle partout de manière criante.
Quant aux syndicats vers lesquels on incite les ouvriers à se tourner pour se défendre, la parodie spectaculaire de manifestation qu’ils ont organisée le 8 septembre devant la Bourse de Paris, réservée aux seuls ouvriers de l’automobile, comme leur appel à une journée de mobilisation pour le 7 octobre, démontrent qu’ils entendent simplement se préparer à continuer à défouler la colère des prolétaires à l’image des rituelles “journées d’action” ponctuelles et stérilisantes dont les ouvriers ont largement fait l’expérience en début d’année (voir RI nos 399 et 400).
Pour sauver la planète comme pour sortir de cet enfoncement inexorable dans la misère et la surexploitation, il est nécessaire d’abattre le capitalisme. Pour prendre conscience qu’ils sont la seule force sociale capable de briser les chaînes inhumaines de ce système, les ouvriers ne peuvent compter que sur le développement de leurs propres moyens de lutte.
W (26 septembre)
A Pittsburgh, les 24 et 25 septembre, s’est tenu le troisième sommet du G20 1, nouveau “forum international” tout spécialement créé pour endiguer la crise qui frappe de plein fouet l’économie mondiale depuis l’été 2007. A en croire le communiqué final, cette mission est d’ailleurs d’ores et déjà accomplie. Dressant le bilan des engagements pris en avril lors du sommet de Londres, les membres du G20 affirment en effet, très satisfaits d’eux-mêmes : “Cela a marché” ! “Notre réponse énergique a contribué à stopper la chute dangereuse de l’activité mondiale et à stabiliser les marchés financiers” 2. Il s’agirait donc maintenant de booster “la reprise”. Le Premier ministre britannique Gordon Brown s’est ainsi félicité : “Ici à Pittsburgh, les dirigeants représentant les deux tiers de la population mondiale ont adopté un plan international pour l’emploi, la croissance et une reprise économique durable” 3. Comment ? La réponse est dans le texte : “Nous nous réunissons en ce moment crucial de transition entre la crise et la reprise pour tourner la page d’une ère d’irresponsabilité et adopter un ensemble de mesures, de règles et de réformes nécessaires pour répondre aux besoins de l’économie mondiale du xxie siècle.”
Plus concrètement :
• “Nous avons décidé (...) de veiller à ce que nos systèmes de régulation des banques et des autres établissements financiers contiennent les excès qui ont conduit à la crise. Là où l’inconscience et l’absence de responsabilité ont entraîné la crise, nous n’autoriserons pas un retour aux pratiques bancaires antérieures.”
• “Nous nous sommes engagés à agir ensemble pour élever les normes en matière de capitaux, pour mettre en oeuvre des normes internationales strictes en matière de rémunérations afin de mettre un terme aux pratiques qui entraînent une prise de risques excessive, pour améliorer le marché de gré à gré des produits dérivés et pour créer des instruments plus puissants pour assurer que les grandes sociétés multinationales assument la responsabilité des risques qu’elles prennent” 4.
A la suite de ces décisions, le président français Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à parler d’un changement “historique” et “complet” sur la réglementation financière : “Pour la première fois, les banques centrales disposeront du pouvoir de limiter le montant global des bonus” et “Le secret bancaire, les paradis fiscaux c’est fini” s’est-il réjoui5.
Résumons : la crise économique “la plus profonde (…) de mémoire d’homme”6, les licenciements par millions, la hausse spectaculaire du chômage et l’aggravation de la pauvreté sur toute la planète… tout cela aurait pour seule cause la folie des financiers et l’absence de scrupules des traders. Et les “grands de ce monde” de conclure logiquement : réglementons les secteurs bancaires et boursiers, encadrons plus efficacement les “bonus” et, demain, tout ira en s’améliorant, dans le meilleur des mondes. D’ailleurs, poursuivent-ils, les médias font sonner depuis quelques semaines déjà les trompettes de la “reprise économique”, les analystes annoncent “le bout du tunnel” et les bourses s’envolent !
Quand les vingt plus grands bonimenteurs de la planète s’écrient ainsi en chœur “faites nous confiance et ça ira mieux demain !”, il est sage de se méfier et d’y regarder à deux fois. Alors, qu’en est-il vraiment de cette “croissance durable” à venir ?
La bourgeoisie répète inlassablement que nous sommes confrontés à la pire crise économique depuis 1929. Ce qui est vrai. Mais par une telle insistance, elle aimerait nous faire croire qu’entre les deux “grandes dépressions”, le capitalisme s’est plutôt bien porté. Il s’agirait donc de deux “accidents”, forcément ponctuels. En 2008, il y aurait eu une sortie de route en quelque sorte mais le véhicule “économie mondiale” serait en passe de repartir.
La réalité est évidemment toute autre. Depuis plus d’un siècle, le capitalisme est un système décadent 7, malade, à l’agonie, qui régulièrement convulse dans des crises violentes et dévastatrices :
• En 1914, avec la Première Guerre mondiale, le capitalisme est entré de manière fracassante dans sa période de décadence. Dix millions de morts. Par cette abominable boucherie, ce système d’exploitation apporte la preuve qu’il n’a dorénavant plus rien de bon à apporter à l’humanité.
• En 1929, un krach sans précédent plonge les principales économies du globe dans un profond marasme économique. Pendant plus d’une décennie, des millions de chômeurs et de sans-abris survivent en allant à la soupe populaire8.
• En 1939, une horreur en chasse une autre ; la Seconde Guerre mondiale ravage la planète. Soixante millions de morts.
• En 1950, une sorte d’accalmie se dessine. Tout en plongeant l’humanité dans la terreur de la guerre froide et sa crainte permanente d’un conflit nucléaire, sur le plan économique, la croissance va s’installer pendant près de 17 ans. Naturellement, cette “prospérité” se fera sur le dos de la classe ouvrière à qui l’on va imposer des cadences et une productivité en constante augmentation. L’apparition de “l’Etat providence”, la sécurité sociale, les congés payés n’auront d’ailleurs pour seul but que d’avoir une main d’œuvre en bonne santé, capable d’intensifier ses efforts, de produire plus et plus vite.
• En 1967, cette relative parenthèse prend fin. La crise fait sa réapparition à travers la dévaluation brutale de la livre sterling. Le chômage, fléau qui avait presque disparu, vient à nouveau hanter les rangs ouvriers et, depuis lors, il n’a cessé de croître ! Les différents mouvements de grève qui éclatent un peu partout dans le monde – dont Mai 68 en France – constituent d’ailleurs une réaction de la classe ouvrière face à ce retour de la crise.
• Les années 1970 et 1980 sont marquées par une série de convulsions économiques. En 1971, le dollar plonge. 1973 connaît le premier “choc pétrolier”. Suivent deux années de récession. Puis l’inflation devient galopante aux Etats-Unis et en Europe (les prix s’envolent et les salaires ne suivent pas). En 1982, éclate la “crise de la dette”. En 1986, la bourse de Wall Street s’effondre. Et, enfin, les années 1980 s’achèvent par… une récession.
• En 1992-93, nouvelle récession, plus brutale encore. Le chômage explose.
• En 1997, la crise des "Tigres" et des "Dragons" asiatiques fait trembler la bourgeoisie mondiale. La classe dominante craint qu’elle ne contamine toutes les régions du monde, craintes justifiées puisque la Russie et l’Argentine finissent effectivement par plonger à leur tour. Il faut dire que la croissance de tous ces pays avait été soutenue artificiellement par la création d’une montagne de dettes que personne ne pouvait rembourser. La faillite était forcément au bout du chemin. La bourgeoisie va néanmoins réussir à éviter le pire – la dépression mondiale – en injectant massivement de l’argent via ses instances internationales (autrement dit, en contractant de nouvelles dettes !) et en faisant croire qu’une ère de prospérité s’annonce grâce à la “nouvelle économie” : et la percée d’Internet.
• En 2000-2001, patatras ! les promesses de la “nouvelle économie” s’évanouissent, la bulle spéculative sur les entreprises du net (les fameuses “Start up”) éclatent. Mais une fois encore, l’économie mondiale redémarre pour un temps. Comment ? Par un nouvel amoncellement de dettes. Cette fois-ci, ce sont en particulier les ménages américains (mais aussi espagnols, anglais, finlandais…) qui sont priés de s’endetter pour soutenir la croissance ; les prêts sont dès lors “facilités”, il n’y a plus ni contrôle, ni conditions de ressources. Et nous savons aujourd’hui où cette politique a mené.
Bref, depuis plus d’un siècle, le capitalisme frappe l’humanité de ses fléaux. En particulier, depuis 40 ans et la fin des “Trente glorieuses” 9, l’économie est en plein marasme ; les récessions se succèdent et les “relances” n’ont pour seul ressort que l’accumulation de nouvelles dettes. Et logiquement, chaque fois que sonne l’heure de rembourser, c’est la faillite, le krach.
Ce petit rappel historique, qui replace la récession actuelle comme le dernier maillon d’une chaîne ininterrompue de convulsions économiques, suffit à montrer à quel point les espoirs de “sortie de crise” de ces dernières semaines sont en fait une énième fumisterie, de la poudre aux yeux, des mensonges ! Pour la classe ouvrière comme pour toute l’humanité, l’avenir est en réalité à une paupérisation croissante.
Dans son dernier numéro, Global Europe Anticipation Bulletin, un groupe d’experts économiques, utilise une image parfaitement appropriée pour décrire ce “rebond” momentané : “Pour représenter la crise aujourd’hui, notre équipe a tenté de trouver une image simple. Voici l’analogie qui s’est imposée à nos chercheurs : une balle en caoutchouc rebondissant de marche en marche dans un escalier : si elle semble remonter à chaque marche par effet rebond (donnant un moment l’impression que sa chute s’est arrêtée), c’est pour tomber encore plus bas à la marche suivante, pour effectuer une “reprise” de sa chute”. (GEAB no 37, 15 septembre 2009) 10. Cela fait quarante que cette “balle de caoutchouc” chute dans les escaliers, mais ce faisant elle prend de la vitesse et, après être descendue marche après marche, elle les dévale aujourd’hui quatre à quatre !
Evidemment, nul ne sait encore précisément quelle forme et quelle ampleur va prendre cette nouvelle chute. Dans quelques semaines, le bilan annuel des banques révélera-t-il des déficits vertigineux, précipitant dans la faillite de nouveaux établissements internationaux ? Ou est-ce, dans quelques mois, le dollar qui finira par flancher en entraînant derrière lui un dérèglement monétaire mondial ? N’est-ce pas plutôt l’inflation qui va, dans les années à venir, faire son grand retour et ronger l’économie ? Une seule chose est certaine : la bourgeoisie est incapable d’endiguer cette spirale infernale et d’impulser une croissance réelle et durable. Si ponctuellement, en cette fin d’année 2009, elle est parvenue à éviter le pire en injectant des milliards de dollars par le biais de ses banques centrales (environ 1600 milliards à ce jour), elle a surtout creusé encore un peu plus les déficits et préparé ainsi de nouveaux cataclysmes plus dévastateurs. Concrètement, pour la classe ouvrière, cela signifie qu’elle n’a rien d’autre à attendre de ce système moribond que plus de chômage et plus de misère. Seule la révolution prolétarienne internationale pourra mettre un terme à ces souffrances !
Pawel (26 septembre)
1) États-Unis, Canada, Japon, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni (G7) + Russie (G8) + Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Turquie et Union européenne (G20).
2) Point 5 du communiqué final.
3) Le Monde du 26 septembre.
4) Idem.
5) Le Figaro du 26 septembre.
6) Rapport intermédiaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques, mars 2009.
7) Lire notre article : “Qu’est-ce que la décadence ? [3]”.
8)
Cette période noire, en particulier pour la population américaine,
a été immortalisée par un roman, les Raisins de la colère,
de Steinbeck, et par un film, On achève bien les chevaux, de
Pollack.
9) Cette appellation est abusive et mensongère puisque cette période de croissance, l‘après-guerre, n’a en fait duré que 17 années.
10) Source : http ://www.leap2020.eu/GEAB-N-37-est-disponible [4] !-Crise-systemique-globale-A-la-poursuite-de-l-impossible-reprise_a3791.html
Le 22 septembre, suivi par une cohorte de journalistes armés de leurs caméras, un grand spectacle médiatique était organisé par le gouvernement à Calais pour l’évacuation programmée de “la jungle”, refuge de milliers de migrants entassés misérablement sous des planches et des toiles de tentes, survivant péniblement grâce à quelques bénévoles.
On a pu voir l’évacuation musclée d’un camp d’êtres humains, traqués et pourchassés comme des animaux nuisibles, désignés avec mépris sous le terme de “clandestins” comme s’ils s’agissaient de délinquants. Leur crime ? Avoir voulu fuir la misère ou la guerre, souvent les deux, de leur pays d’origine, en ayant tout quitté au péril de leur vie, pour échouer dans ces bidonvilles. Tous poursuivent le même rêve : ils cherchent obstinément à gagner l’Angleterre où ils espèrent trouver du travail et, pour cela, tentent de s’embarquer à bord de camions lors des contrôles de passage au port malgré les dissuasives fouilles minutieuses. Ce sont donc ceux-là qui étaient attendus par tous ces charognards de journaleux en quête de scoop grâce à l’intervention massive des forces de l’ordre. Spectacle ignoble, digne de celui que nous avons connu récemment lors de l’expulsion violente de ces émigrés, femmes et enfants compris, qui s’étaient réfugiés dans les locaux de la CGT et qui ont été jetés de force sur le pavé par les gros bras de ce syndicat, sous l’œil compatissant de la bourgeoise de droite comme de gauche.
A l’issue de ce cirque médiatique, la plupart de ces déshérités ont été capturés pour se retrouver parqués ailleurs dans des centres de rétention, dans l’attente de leur expulsion définitive. Ceux qui n’ont pas été pris continueront à se cacher dans les dunes de sable qui entourent Calais ou à errer aux abords de la ville, quitte à crever sur le trottoir.
Comme toujours, l’hypocrisie de la bourgeoisie est sans limite. On a ainsi pu entendre et lire Eric Besson, transfuge du Parti “socialiste” et ministre de l’immigration en exercice, répétant que toute cette opération avait pour but, non pas de lutter contre les émigrants mais contre les passeurs. Sortez vos mouchoirs !
Faire donner 500 CRS contre moins de 300 personnes (la plupart Afghans) dont plus de la moitié sont mineures, des enfants, est sans aucun doute un super-coup porté aux trafiquants de vie humaine, trafiquants protégés par les mafieux des pouvoirs publics, ceux-là même qui vendent d’autres enfants et des adolescentes, filles et garçons, aux réseaux de prostitution de toute l’Europe ! A qui cet hypocrite veut-il faire avaler une telle ineptie ? La destruction au bulldozer de cette “jungle”, comme après la fermeture du camp de Sangatte en 2004, n’empêchera pas ces malheureux, qui n’ont de toute façon aucun autre choix, de revenir dans les parages, avec bien d’autres.
En réalité, cette expulsion spectaculaire et militarisée à l’extrême traduit en premier lieu la volonté de la bourgeoisie française de ne plus accepter sur son sol de candidats à l’immigration. Cette intervention et cette mise en scène ont pour objectif de signifier que la politique de répression et d’expulsion va être rigoureusement et fortement renforcée. Avec la montée en masse du chômage et de la misère, la bourgeoisie française veut autant que possible se débarrasser d’un maximum de ces gens totalement indésirables. Le message est clair, il se résume en quelques mots : “Allez crever ailleurs !” De plus, cette politique de fermeté vient rappeler à tous que le gouvernement s’occupe de manière décidée de la sécurité du territoire.
Cette écœurante et déplorable mise en scène est révélatrice une fois de plus du degré d’inhumanité des gouvernements et des serviteurs zélés du capitalisme.
Tino (25 septembre)
Mardi 1er septembre. Devant le tribunal correctionnel de Compiègne, attendant le jugement, un des sept ouvriers de l’usine Continental de Clairoix poursuivis pour le “saccage” de la sous-préfecture de Compiègne le 21 avril dernier exprime son inquiétude : “Si en plus nous on prend de la prison avec sursis, on va faire quoi ? Ça peut jouer sur tout, nous, si on veut reprendre un commerce tout ça, si on se retrouve avec un casier judiciaire, ben on va être mis de côté aussi ; déjà on va avoir du mal à retrouver un emploi, alors… si en plus on a un casier sur la tête, à mon avis ça va être dur dur” 1. Pour l’instant, effectivement, seule une quinzaine d’ouvriers, parmi les 1120 licenciés de l’usine de Clairoix, ont retrouvé du travail !
Et le verdict tombe : six d’entre eux sont condamnés à des peines allant de trois à cinq mois de prison avec sursis. De plus, ils devront à nouveau comparaître le 4 novembre avec la possibilité de se voir infliger des dommages et intérêts conséquents, estimés entre 48 000 et 120 000 € 2 !
Ce qui frappe ici d’emblée, c’est la sévérité extrême de l’Etat et de sa justice. Comme l’a justement souligné un ouvrier à la sortie du tribunal, il y a bien deux poids, deux mesures : quand des dégradations bien plus importantes sont commises lors de manifestations d’agriculteurs, de routiers, de pêcheurs…, la clémence est au contraire de mise. Pourquoi ? En frappant fort, la bourgeoisie a voulu lancer un message clair à toute la classe ouvrière : “Si vous luttez, préparez-vous à être broyés par tous les moyens, y compris par la machine judiciaire.” Elle a réprimé une poignée de travailleurs pour distiller dans les rangs ouvriers un profond sentiment de découragement.
Mais si la bourgeoisie a affiché la couleur en mettant en œuvre tous les moyens dont elle dispose pour imposer par la force son pouvoir de classe dominante, les syndicats, bien sûr à travers les meneurs locaux, ces radicaux jusqu’au-boutistes, sont au contraire sortis de cette affaire avec une image plutôt combative et valorisée aux yeux des travailleurs. Xavier Mathieu (responsable CGT très médiatisé et qui a dernièrement fait la Une pour avoir “osé” dénoncer les trahisons du responsable national de son syndicat, Bernard Thibault) fait partie de la liste des six condamnés. Et, évidemment, le soutien judiciaire apporté par la CGT (avec laquelle Mathieu est réconciliée) aux sept inculpés – avec sa logistique, ses avocats experts en droit du travail et en droit social – permet au fond d’estampiller encore mieux les syndicats du label : “défenseurs officiels de la cause des travailleurs” 3.
Mais si on y regarde de plus près, on peut s’apercevoir que ce joli tableau est en fait un trompe-l’œil.
Le saccage de la préfecture est à la fois l’expression d’une grande colère, d’une réelle combativité, mais aussi le produit d’un sentiment d’impuissance et de désespoir. En effet, malgré une lutte acharnée de plusieurs mois, les 1120 ouvriers de Continental ne sont pas parvenus à sauver leurs emplois. En fait, alors que leur combat a reçu de nombreux témoignages de solidarité, leurs actions n’ont pas eu pour objectif premier de faire “fructifier” cet élan en tentant d’étendre la lutte aux autres usines voisines. Ils sont au contraire restés isolés, ne voyant l’extension qu’à travers la lunette déformante de “leur” boîte : la CGT qui menait la barque a en effet limité l’envoi de délégations massives aux usines voisines ainsi qu’aux autres usines de Continental, en Moselle et en Allemagne. Le résultat fut l’isolement, l’impuissance et donc le désespoir. Le saccage de la préfecture, acte stérile ne pouvant rien apporter au développement de la lutte, est le résultat de ce processus, de cette entrave. Et c’est bien les syndicats, CGT en tête, qui en sont les premiers responsables 4 ! Cette volonté d’enfermer et isoler les ouvriers de Clairoix est d’ailleurs parfaitement résumée par cette phrase tonitruante et révélatrice de Xavier Mathieu : “Quand on était dans notre lutte, on avait d’autres choses à faire que d’aller organiser des coordinations avec d’autres boîtes 5.”
Les syndicats ont donc aujourd’hui beau-jeu de se présenter comme des “radicaux” et des défenseurs des travailleurs. Ils voudraient se faire passer pour des sauveteurs en posant hypocritement quelques compresses sur les plaies qu’ils ont en partie eux-mêmes infligées aux ouvriers.
Face aux ouvriers en lutte, il y aura toujours la bourgeoisie, ses flics, ses juges et… ses syndicats !
DM (18 septembre)
1) www.france-info.com [6].
3) Les condamnés ayant fait appel, il est d’ailleurs tout à fait possible que la bourgeoisie choisisse finalement de faire un coup de pub aux syndicats en les présentant comme les infatigables et efficaces défenseurs des ouvriers, sur le lieu de travail comme au tribunal, en optant dans un second temps pour un jugement plus “clément”.
4) Lire notre article sur notre site web : “Pourquoi les “Contis” ne font-ils pas trembler l’Etat ?”
Vingt-trois suicides (plus treize autres tentatives) en dix-huit mois à France Télécom ! Voilà un nouveau tragique témoignage du fait que les prolétaires sont de plus en plus confrontés à un climat de terreur au travail et à des pressions insupportables. Pour le PDG de l’entreprise Didier Lombard, rejetant la faute sur les victimes d’une exploitation forcenée, il ne s’agirait là que d’un simple effet de “mode” qui ne toucherait que des “personnes fragiles” 1. Quel cynisme !
Pour ce dirigeant capitaliste sans scrupule, dont le mea culpa à contretemps n’est qu’un simple impératif de communication, la tragédie ne réside pas dans le fait que des êtres humains se trouvent broyés par la logique implacable de rentabilité du capital, mais dans le discrédit qui écorne l’image de marque de son entreprise !
Face à un comportement dicté obligatoirement par les lois du “tiroir-caisse”, nombre de politiciens, notamment à gauche, font mine de s’émouvoir. Ce sont pourtant ces hypocrites qui ont favorisé les licenciements massifs dans cette entreprise comme dans toutes les autres depuis plus de vingt ans, contribuant ainsi à accélérer les cadences infernales menant aux drames d’aujourd’hui. Ce sont ces mêmes socialistes qui ont décuplé le stress par l’introduction des 35 heures, ajoutant une flexibilisation rendant l’ouvrier corvéable à merci ! Ce sont eux qui, par exemple, ont introduit France Télécom en Bourse en 1997 avec les méthodes de “management” que l’on connaît ! Ce n’est autre que Jospin qui a proclamé à l’époque, avec fierté, que “la mutation de l’entreprise était une belle réussite !”. Un manager de France Télécom nous donne d’ailleurs une idée de cette “belle réussite” : “Moi, mon boulot, c’est de faire – 5 % de semestre en semestre. Autant vous dire qu’on a déjà atteint l’os et que maintenant la question est de savoir si on se coupe un bras ou une jambe !” 2. Pour faire accepter ce type d’objectifs après cette vague de suicides, il n’est pas étonnant qu’on soit obligé de trouver des chemins plus “subtils” pour permettre aux salariés de “tenir le coup” : c’est le sens de la mise a disposition d’un “numéro vert” pour un contrôle supplémentaire des salariés et la remise à plat du management de cette entreprise. Mais le fond du problème ne changera pas : il est bien clair que l’objectif du capital sera toujours de rentabiliser et de pressurer toujours plus le prolétaire, jusqu’au-delà de ses limites physiologiques et au bout de sa tension nerveuse ! Car livré à sa dynamique propre, le système capitaliste ne peut aboutir qu’à l’épuisement de la force de travail. Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les ouvriers qui sont pressés comme des citrons et qui trinquent mais aussi les ingénieurs, les cadres administratifs et commerciaux, que la crise et la concurrence extrême ont prolétarisés et dont les conditions de travail se sont dégradés à toute allure. Déjà à l’aube de son développement, pour assurer son profit, “la production capitaliste, qui est essentiellement production de plus-value, absorption de travail extra (…) impose la détérioration de la force de travail de l’homme en la privant de ses conditions normales de fonctionnement et de développement, soi au physique, soi au moral-elle produit l’épuisement et la mort précoce de cette force” 3. Aujourd’hui, c’est l’intensification et les conditions du travail qui poussent à cet épuisement.
Le phénomène des suicides n’est malheureusement pas nouveau, ni limité à la France. La vague de suicides au travail fait suite à une augmentation croissante et continue, même si non réellement quantifié4. Depuis les années 1990, le nombre de suicides se trouve aggravé par la violence et la brutalité de la crise économique. Il traduit le fait que le monde capitaliste est sans avenir, sans perspective autre que de générer la misère sociale, la barbarie et la mort. Partout en Europe et dans le monde, le stress au travail ne cesse de faire des ravages. Aux Etats-Unis, le ministère du Travail a annoncé que “le nombre de suicides commis sur le lieu de travail était en hausse de 28 % pour l’année 2008. En tout, 251 suicides ont été recensés, le nombre le plus élevé depuis 1992” 5. En Chine, les suicides se sont multipliés dernièrement suite aux faillites d’entreprises. Souvenons-nous qu’en 2007, nous étions déjà amenés à déplorer des vagues de suicides en France, au Technicentre de Renault Guyancourt, à PSA, EDF-GDF (Chinon), dans les banques, dans la restauration (Sodexho) 6...
Rien n’a changé, si ce n’est en pire ! La pression et le harcèlement des chefs, la peur du chômage et le chantage au licenciement systématisé, la surcharge de travail grandissante sont toujours invoqués. Le phénomène d’épuisement au travail ou “burn out” tend à se développer à une échelle sans précédent7. Ce qu’on appelle le “harcèlement moral” devient la règle, comme donnée “stratégique” destinée à adapter aux forceps ou à se débarrasser dans l’urgence de salariés devenus indésirables ou insuffisamment productifs au moindre coût. Il existe d’ailleurs pour cela des “spécialistes” du harcèlement qu’on appelle dans ce milieu pourri des “nettoyeurs” ou “manager de transition”. Ils sont rémunérés pour faire ce sale boulot : c’est-à-dire détruire la personnalité de ceux qui forment le contingent des “sureffectifs” ou des “inadaptés”, isoler les ouvriers combatifs, pousser à la faute et à la porte ceux qui ont le plus d’ancienneté et qui coûtent trop cher ! L’objectif est double :
– faire en sorte que ceux qu’on veut virer partent d’eux-mêmes sans toucher la moindre indemnité,
– démoraliser et intimider les autres salariés qui restent pour les rendre plus dociles et corvéables.
Cependant, les conditions de l’exploitation et la poursuite des attaques liées à une crise économique sans issue ne peuvent que pousser à terme a exprimer la colère, à des luttes collectives, à une solidarité et une prise de conscience en profondeur. L’avenir n’est pas à la concurrence entre prolétaires, mais à leur union grandissante dans la lutte contre l’exploitation. C’est cet avenir qui peut redonner espoir, préparer des luttes massives et solidaires, et ouvrir, à terme, la voie d’une perspective révolutionnaire.
WH (18 septembre)
1) http ://info.france2.fr.
2) http ://www.marianne2.fr [10].
3) Marx, le Capital, Edition du progrès, Livre I, chap. X. p.258.
4) Certains journalistes s’offusquent du manque de statistiques en la matière. A n’en pas douter, ces informations existent. Mais pour la bourgeoisie, elles doivent, pour des raisons évidentes, rester confidentielles.
5) Source : courrierinternational.com
6) Voir RI no 379 (mai 2007) [11], disponible sur notre site web.
7) Phénomène dépressif grave défini comme syndrome d’épuisement professionnel qui “fait partie des risques psychosociaux professionnels, consécutif à l’exposition à un stress permanent et prolongé” et défini ainsi par par le psychanalyste Herbert Freudenberger en 1979. “Un état de fatigue chronique, de dépression et de frustration apporté par la dévotion à une cause, un mode de vie, ou une relation, qui échoue à produire les récompenses attendues et conduit en fin de compte à diminuer l’implication et l’accomplissement du travail.”
Nous publions ci-dessous la traduction d’un article paru dans World Revolution n°327 daté de septembre 2009. Alors que les attentats meurtriers se succèdent quasi-quotidiennement en Afghanistan, nous voulons souligner l’implication particulière de l’impérialisme français dans ce bourbier qui s’est tragiquement illustrée il y a peu de temps encore par la mort de jeunes engagés tombés dans une nouvelle embuscade. Ces jeunes gens à la fleur de l’âge (la plupart ont à peine une vingtaine d’années) sont depuis des mois envoyés par milliers au casse-pipe par leurs Etats respectifs. L’impérialisme français qui a rallié récemment les forces de l’OTAN en échange de quelques miettes de son haut-commandement commence à faire payer lui aussi dans la population un tribut de plus en plus lourd pour cette fuite en avant dans des aventures militaires sans fin et sans issue, révélatrices au plus haut point de l’impasse et de la barbarie guerrière du système capitaliste tout entier.
“La
guerre [en
Afghanistan] se
passe
mal. La majeure partie du sud du pays échappe au contrôle du
gouvernement. Une rébellion sporadique et disséminée a repris du
poil de la bête et risque de se transformer en une vaste mouvement
insurrectionnel contre les forces occidentales et le gouvernement élu
qu’elle rejette. En Grande-Bretagne, l’opinion publique sceptique
s’étonne que ses soldats meurent pour cette cause. Et, comme le
coût de cette guerre et le nombre de ses victimes ne cessent
d’augmenter, les Américains se poseront aussi cette question de
plus en plus fortement.”
(The Economist
du 22 août 2009)
Le fait qu’une publication telle que The Economist soulève de tels problèmes sur la guerre en Afghanistan montre à l’évidence que les prétextes officiels avancés pour justifier cette aventure militaire sont de moins en moins crédibles.
Plusieurs arguments sont donnés à cette entreprise guerrière. La première et principale raison, au lendemain des attaques du 11 septembre 2001 sur New York et Washington, consistait dans le fait que le gouvernement taliban d’Afghanistan était considéré comme complice dans ces attentats, ou qu’au moins il “abritait des terroristes” comme Oussama Ben Laden et le groupe Al-Qaida, directement impliqués.
La “guerre au terrorisme” – dont les fers de lance furent les invasions de l’Afghanistan en 2001 puis celle de l’Irak en 2003 – était supposée éradiquer ou au moins combattre le terrorisme. Quelle a été la réalité ? Son exact contraire : une exacerbation massive du terrorisme à travers toute la planète. Il n’y a pas eu de coup d’arrêt à la mobilisation des forces islamistes “radicales” dans la région. Au contraire, l’Afghanistan et l’Irak sont devenus le centre, le pôle d’attraction pour Al-Qaida et les gangs terroristes de son acabit.
Le choc en retour s’est fait ressentir partout dans le monde – comme les attentats de Madrid en 2004 (en Espagne, alors que Jose Luiz Aznar était engagé en Irak à l’époque) et de Londres en 2005.
Les taliban ne sont plus au pouvoir, mais, ils se sont renforcés de différentes manières : par exemple, ils ont servi à rassembler et fédérer les forces rebelles dispersées au Pakistan. Ils ont toujours le contrôle du commerce de l’opium et dominent de larges parties du pays . Les taliban usent de la terreur et du meurtre pour imposer leur autorité dans ces régions, mais il ne fait aucun doute que l’impopularité grandissante du gouvernement et des forces d’occupation de l’OTAN poussent de plus en plus de recrues dans leurs rangs. L’utilisation des morts de civils victimes des attaques aériennes comme celle de Kunduz début septembre ne peut qu’augmenter ce recrutement...
Un autre objectif était celui d’établir la démocratie en Afghanistan, en Irak et au Moyen-Orient. Eh bien, on n’a vu que peu de changements en Afghanistan. Tout d’abord, le gouvernement Karzaï s’est avéré incapable de contrôler la situation hors de Kaboul ; en fait, étant donné le nombre croissant d’attaques et d’attentats à l’intérieur de Kaboul, il démontre qu’il n’a pas davantage le contrôle de la capitale elle-même. Des seigneurs de guerre comme Abdul Rashid Dostum n’ont pas concédé une once de pouvoir au gouvernement de Kaboul – en fait, ils ont renforcé leur mainmise sur leurs régions, malgré les tentatives de les amener vers le “processus démocratique”.
Deuxièmement, le gouvernement Karzaï a été marqué par une corruption et une brutalité incontestables. Pour de nombreux Afghans, il n’y a pas de différence avec ceux qui étaient auparavant au pouvoir, les taliban : “Durant sa campagne, le président Hamid Karzaï a appelé ses ennemis à faire la paix. Mais ce gouvernement – incompétent, corrompu et destructeur – n’a rien d’un partenaire fiable. Dans les parties de l’Afghanistan où les insurgés ont été éjectés et l’autorité du gouvernement a été restaurée, les habitants ont souvent regretté les seigneurs de guerre, moins vénaux et moins brutaux que la plupart des hommes de Karzaï.” (The Economist, article déjà cité)
Cette année est déjà devenue l’année la plus meurtrière en Afghanistan depuis 2001. A la date du 25 août 2009, 295 soldats étrangers y ont été tués. Cela a été partiellement le résultat de l’opposition à la mini-”offensive” des troupes étrangères destinée à assurer un semblant de “stabilité” pour permettre les élections nationales. Mais cela s’est soldé par un fiasco retentissant. Non seulement cette offensive n’a pas fait reculer les taliban, mais les élections se sont tenues dans une atmosphère de peur et d’intimidation. Avant les élections, 10 soldats britanniques avaient été tués dans le district de Babaji dans une opération lancée contre des taliban, alors qu’ils préparaient le terrain à des élections “pleines et libres”. Résultat ? “Les rapports précisant que 150 personnes ont pris part au vote en cet endroit, sur une population éligible de 55 000, n’ont pas été contestés par les officiels en Afghanistan.” (BBC, le 27 août 2009) Et depuis que les élections ont eu lieu, la réalité d’une vaste fraude électorale a éclaté au grand jour.
En lien avec la tentative d’introduire les délices de la démocratie, la propagande des médias nous a joué la comédie autour de la protection du droit des femmes dans ces sociétés patriarcales arriérées. Une fois de plus, la réalité a été bien différente. La nouvelle constitution afghane a adopté il y a cinq ans une loi sur l’égalité des droits pour les femmes. Depuis lors, les taliban ont fait fermer les écoles pour filles. Pour sa part, loin de protéger les droits des femmes, Karzaï a établi des contrats avec des groupes religieux qui ont eu pour conséquences de mettre en œuvre la législation qui légalise dans les faits le viol dans le mariage.
Pendant ce temps, la guerre en Afghanistan s’est étendue de plus en plus vers le Pakistan. L’administration Obama a mis en avant qu’elle considérait l’Afghanistan et le Pakistan comme des zones plus importantes stratégiquement que l’Irak. Il y a eu quelques tentatives des médias pour présenter la guerre en Irak comme plus ou moins achevée afin de justifier cet objectif, en dépit du fait que la dernière vague d’attaques-suicide en Irak nous rappelle à quel point la situation reste en réalité instable et précaire. Mais en tous cas, avec l’influence grandissante des taliban dans les zones du Pakistan où le gouvernement n’a aucune autorité, la guerre connaît déjà une escalade, avec l’utilisation grandissante des drones bombardiers de la part des Etats-Unis et dans les nouvelles offensives du gouvernement pakistanais. La dernière en date a provoqué des combats meurtriers (l’armée prétendant avoir tué plus de 1600 islamistes radicaux) et l’évacuation forcée de plus de 2 millions de gens.
Comme les justifications officielles à la guerre deviennent de moins en moins crédibles en termes de menace universelle, sa réalité en tant que guerre impérialiste devient toujours plus évidente pour la plupart des populations.
Depuis l’effondrement des anciens blocs impérialistes à la fin des années 1980, les Etats-Unis ont dû faire face à des remises en cause toujours grandissantes de leur position de “gendarme du monde”. Personne ne conteste leur force militaire, et aucune autre puissance – ou même la coalition d’une demi-douzaine d’Etats– ne peut rivaliser avec eux. Cependant, cela n’a pas empêché les autres pays de contester la domination américaine dans différentes régions du monde. Et de façon notable aujourd’hui, on a vu la montée de la Chine comme entité économique gigantesque qui a délibérément utilisé l’argent gagné du commerce pour acheter son accès à des régions vers lesquelles elle n’avait pas de prime abord d’intérêt majeur. Il faut aussi noter la réémergence de la Russie ; et les Etats-Unis ne sont pas parvenus à écarter le danger de devoir se battre pour défendre leur autorité au cœur même du capitalisme – en Europe, autour de la France et surtout de l’Allemagne.
Pour maintenir ce “leadership” devant toutes ces difficultés, les Etats-Unis doivent contrôler les zones stratégiquement vitales du Moyen-Orient et de l’Asie Centrale – vitales à la fois pour les raisons géopolitiques traditionnelles qui sont les héritières du “Grand Partage” impérialiste du 19e siècle, et à cause des sources d’énergie clés et les voies de contrôle qu’elles impliquent (pétrole et gaz). l’enjeu ici est impérialiste au sens le plus large du terme : les guerres en Irak et en Afghanistan ne reçoivent pas le soutien des compagnies américaines pour leur seul appétit d’acquérir des profits rapides, mais à cause du besoin à long terme de l’Etat américain de maintenir sa domination globale.
Et la Grande-Bretagne ? A la fin de la période des blocs, la Grande-Bretagne a commencé elle aussi à prendre un chemin plus “indépendant”, comme on l’a vu à travers sa volonté de sabotage des efforts américains lors de la guerre des Balkans dans les années 1990. Mais en tant que puissance de second rang, “l’indépendance” est un mirage toujours remis aux calendes grecques et, depuis 2001 et en particulier avec la “guerre au terrorisme”, la bourgeoisie britannique s’est trouvée de plus en plus empêtrée dans les projets militaires américains au Moyen-Orient et en Asie centrale. En Afghanistan, elle se trouve dans la position inconfortable de servir de ligne de front des forces de l’OTAN, avec ses troupes souvent pauvrement équipées exposées à une insurrection de taliban toujours plus enhardis.
Comme de plus en plus de personnes, y compris les familles des soldats servant en Afghanistan, commencent à s’interroger sur les vraies raisons de cette guerre, la classe dominante n’abandonnera pas ses justifications : Brown, par exemple, continue à nous vendre la guerre comme un moyen d’éviter les atrocités terroristes à Londres ou à Glasgow. En même temps, pour faire diversion, on nous soumet des débats comme celui sur quelle somme faut-il ou pas dépenser pour équiper les troupes, alors que la vraie question est celle-ci : pourquoi cette société est-elle en permanent état de guerre ; et comment pouvons-nous nous battre contre la guerre et ce système qui l’engendre ?
Graham (4 septembre)
L’élection présidentielle organisée au Gabon le 30 août dernier pour désigner le successeur d’Omar Bongo (décédé le 8 juin) opposait son propre fils Ali Bongo à d’autres candidats. Et comme naguère son père, Ali, “Monsieur fils”, s’est aussitôt proclamé vainqueur dès la fermeture des bureaux de vote et a fait massacrer avec la complicité de l’armée française sur place les manifestants qui contestaient cette “victoire”. En effet, dès l’annonce de la victoire d’Ali Bongo, des émeutes ont éclaté, notamment à Port-Gentil, au cours desquelles le consulat de France a été incendié. C’est là où l’armée gabonaise, sous l’œil concupiscent des militaires français, a tiré sur la foule des faisant entre trois et quinze morts, selon les sources. Par ailleurs, des témoignages font état de la disparition de plusieurs corps emmenés par les forces de répression du régime.
Voilà une énième élection à la “françafricaine”. Une de ces élections dont le vainqueur est désigné d’avance avec la bénédiction de l’ancienne puissance coloniale. Ainsi, le défunt “papa Bongo” a toujours pu sortir systématiquement vainqueur de toutes les présidentielles, notamment, celle de 1979 (sous Giscard D’Estaing) avec un score de 99,8 %, ou celles de 1986 (sous Mitterrand) avec 99,9 %.
Certes, cette fois-ci, les parrains du fils ont voulu afficher un score “présentable” en n’accordant au vainqueur que 41 % des suffrages, mais cela n’a trompé personne et tout le monde a senti que les résultats ont été “cuisinés” d’avance avec une lourdeur débordante. D’ailleurs, les manifestants n’ont pas manqué de le faire savoir au président français en scandant : “Pourquoi Sarkozy proteste-t-il contre les fraudes en Iran et ne dit rien sur le voleur de chez nous ?”.
En effet, c’est là toute l’hypocrisie abjecte des responsables français qui n’ont cessé d’employer le double langage dans cette affaire. Ainsi, à la veille du scrutin gabonais, Sarkozy et Kouchner faisaient répéter dans tous les médias que “la France n’a pas de candidat” alors qu’en coulisse les “services français” téléguidaient tout le processus électoral devant conduire à l’élection d’Ali Bongo. Ainsi, Jeune Afrique (du 13 septembre 2009), sous le titre sans équivoque de “Sarkozy vote Ali”, révèle :
“Le 29 août, Paris fait son “coming out”. C’est Me Robert Bourgi, l’ami et le conseiller de Nicolas Sarkozy, qui dévoile les vraies intensions élyséennes. A la veille du scrutin, il confie au journal le Monde : “Au Gabon, la France n’a pas de candidat, mais le candidat de Robert Bourgi, c’est Ali Bongo. Or je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy. De façon subliminale, l’électeur le comprendra.” (…) Qu’elle semble loin cette année 2005 où Nicolas Sarkozy qualifiait de ‘mascarades’ l’élection au Togo du fils du défunt Gnassingbé Eyadema. ‘Aujourd’hui, Sarkozy fait du Chirac. Il adoube un fils de président’, commente un diplomate sur un ton désabusé.”
Qui aurait pu douter du contraire, avec un Etat français qui fait des pieds et des mains depuis la “décolonisation” pour défendre ses intérêts sur le continent africain, en prenant tout juste la peine de faire semblant, qu’il s’agisse de la droite ou de la gauche. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une de ces énièmes magouilles de l’Elysée sur le continent africain. D’ailleurs, Robert Bourgi ne s’en cache même pas en ajoutant : “Ali privilégiera les entreprises françaises”. Le “monsieur Afrique” de Sarkozy fait allusion aux nombreux groupes français qui règnent dans ce pays, à l’instar de Total (ex-Elf), véritable pompe à fric entre les mains des réseaux politico-mafieux dont Bourgi est l’héritier. Et Omar Bongo était l’instrument idéal fabriqué de toutes pièces par ces barbouzes et autres charognards pour garantir leurs intérêts au Gabon ; c’est ce que rappelle Jeune Afrique :
“Choisi par Jacques Foccart avec la bénédiction du général de Gaulle, Omar Bongo Ondimba aura été l’allié successif des six présidents de la Ve République. Le plus petit et beaucoup moins peuplé - un demi -million d’habitants - des territoires de la fédération d’Afrique- Equatoriale française retenait l’attention par la richesse exceptionnelle de son sol : pétrole, manganèse, fer, uranium… sans parler de sa forêt. Faut-il chercher ailleurs l’intérêt qu’afficha la puissance coloniale au déroulement de la colonisation ? Toujours est-il que le Monsieur Afrique des présidents Charles de Gaulle et Georges Pompidou, Jacques Foccart, y veilla avec une singulière attention.”
En effet, c’est bien là le fond de l’enjeu, il s’agit pour la bourgeoisie française de préserver à tous prix ses divers intérêts au Gabon face aux puissances concurrentes, notamment la Chine qui se montre de plus en plus agressive dans cette zone. De fait, Omar Bongo resta jusqu’au bout comme le gardien fidèle des intérêts de ses maîtres, tant économiques que stratégiques et militaires. Sur ce dernier plan, il participa à toutes les interventions militaires que la France a pu mener sur le continent, depuis la guerre du Biafra (en 1967) jusqu’à la dernière au Tchad (en 2008). De même, sur le plan intérieur, les ressources du pays restent entre les mains de la famille Bongo et ses parrains de la métropole, comme le note Courrier international du 17 juin 2009) :
“Régnant sans partage sur un véritable émirat pétrolier, Bongo a été un allié fidèle de la France et s’est révélé particulièrement généreux avec les hommes politiques de ce pays, de droite comme de gauche. Pour ses bons et loyaux services, la France a fermé pudiquement les yeux sur des aspects bien contestables de son règne : la dilapidation outrancière des ressources publiques érigée en système de gouvernance, un système clientéliste, des élections truquées, etc. Sans compter que le Gabon a toujours été géré comme une petite entreprise familiale, avec la fille du président, Pascaline, comme directeur de cabiner, son fils Ali comme ministre de la Défense et une ribambelle d’autres rejetons nommés à la tête des entreprises les plus juteuses du pays. Un partage du gâteau dont a été exclue l’écrasante majorité des Gabonais, qui vivent dans un pays censé être la ‘Suisse de l’Afrique’. “
Voilà comment les criminels gabonais ont pillé les biens du pays en compagnie des brigands français de tous bords. Bref, pendant que la majorité de la population patauge dans la misère, les Bongo roulent dans le plus grand luxe en vidant les caisses de l’Etat pour s’acheter hôtels de luxe (en France) tout en remplissant leurs propres comptes (en Europe) avec le reste. Pire encore, l’impérialisme français fait tout pour protéger son pion gabonais à chaque fois que celui-ci est menacé. Par exemple, lorsque Port-Gentil fut le théâtre d’insurrection en 1990, le gouvernement Mitterrand-Rocard envoie ses paras pour rétablir l’exploitation pétrolière et surtout “ramener l’ordre”.
Aujourd’hui, avec l’élection du fils, il s’agit de renforcer le même “ordre” de la Françafrique. En ce sens, l’organisation de l’élection présidentielle n’était qu’une façade visant à légitimer un élu mafieux longtemps désigné par ses grands parrains. Comme le précise le Nouvel observateur du 10 septembre 2009 :
“Après quarante-deux ans de règne ininterrompu du père, c’est donc le fils qui lui succède. Un héritage improbable : ex-rappeur, fêtard repenti, passionné de Ferrari et de jet -ski, formé au collège Sainte- Croix de Neuilly puis à la Sorbonne. Son père avait beau répéter qu’il n’avait pas de “dauphin”, sous son aile, l’ex-ministre de la défense, âgé aujourd’hui de 40 ans, prépare depuis longtemps son accession au pouvoir.”
Tout compte fait, le seul souci pour la bourgeoisie française est de savoir si “Monsieur fils” saura assumer efficacement le sale “héritage” du père.
Amina (21 septembre)
Dans la partie précédente de cet article, nous avons montré que le bouillonnement de la lutte des classes du prolétariat à la fin des années 1960, la recherche d’une perspective véritablement révolutionnaire avaient impulsé la réapparition au sein du milieu anarchistes de courants prolétariens. En tant qu’expression de cet effort de prise de conscience du prolétariat, ceux-ci avaient été conduits à remettre en cause certaines des positions politiques des organisations de l’anarchisme officiel inféodé à l’état bourgeois qui avaient dominé l’ensemble du milieu anarchiste après 1945, à prendre leur distance avec celles-ci pour se rapprocher des groupes politiques de la Gauche communiste, notamment conseillistes.
Trois décennies plus tard, le système capitaliste en faillite révèle l’impasse barbare dans laquelle il enferme l’humanité et où le prolétariat reprend progressivement le chemin de la lutte et tente de faire émerger une perspective révolutionnaire. Dans cette situation historique, au sein du milieu qui se revendique de l’anarchisme, tendent à s’exprimer de plus en plus clairement, dans les débats, deux positions bien distinctes.
L’importance de ces débats s’illustre dans le fait qu’il touche à la question de l’attitude à adopter face à la guerre impérialiste et aux principes fondamentaux du prolétariat, comme celui de l’internationalisme, qui détermine l’appartenance au camp ouvrier face à la bourgeoisie.
Abordons les positions qui s’expriment dans le milieu anarchiste à travers deux exemples :
Nous avons la position du KRAS, qui se place d'un point de vue authentiquement internationaliste, affirmant à propos de la guerre en Géorgie en 2008 que : “L’ennemi principal des gens simples n’est pas le frère ou la sœur de l’autre côté de la frontière ou d’une autre nationalité. L’ennemi, c’est les dirigeants, les patrons de tout poil, les présidents et ministres, les hommes d’affaire et les généraux, tous ceux qui provoquent les guerres pour sauvegarder leur pouvoir et leurs richesses. Nous appelons les travailleurs en Russie, Ossétie, Abkhazie et Géorgie à rejeter le joug du nationalisme et du patriotisme pour retourner leur colère contre les dirigeants et les riches, de quelque côté de la frontière qu’ils se trouvent” 1.
D'un autre côté, nous trouvons celle de l’Organisation communiste libertaire à propos de l’Irak qui appelle à : “soutenir matériellement et financièrement (…) les forces progressistes opposées à l’occupation” dont les “moyens militaires limités leur permettent tout de même d’organiser quelques ‘zones libérées’ dans les quartiers populaires où l’armée américaine ne s’aventure pas” tandis que “dans les pays qui maintiennent des troupes en Irak, outre les Etats-Unis, incluent notamment plusieurs pays de l’Union européenne (…), la tâche principale est d’affronter le gouvernement pour obtenir le retrait, bloquer les transports de troupes ou de matériel militaire” 2. Il n’y a donc pas là une simple divergence tactique pour atteindre un même but, comme se plaisent à nous le raconter certains libertaires.
La prise de position du KRAS exprime les intérêts du prolétariat à combattre en tant que classe universelle par delà les divisions de couleurs, de nationalités, de culture ou de religions que lui impose le capitalisme pour l’opprimer. L’autre position apporte son soutien à la “résistance” des peuples irakiens, libanais, etc., c’est-à-dire à certains secteurs de la bourgeoisie. Cette position constitue une trahison de l’internationalisme à un double point de vue : non seulement vis-à-vis des prolétaires des grandes puissances auxquels on masque la réalité des antagonismes entre grands requins impérialistes et leur enjeu réel ; mais aussi à l’égard des prolétaires appelés sur place à se soumettre à la guerre impérialiste et à se faire tuer pour la défense des intérêts impérialistes de leur bourgeoisie. La disparition des blocs depuis 1989 n’a fait disparaître ni l’impérialisme, ni la position belliciste de la plupart des représentants de l’anarchisme “officiel” de la FA à Alternative Libertaire !
Ces deux positions n’ont rien en commun : elles expriment des positions de classe diamétralement opposées et complètement antagoniques. Elles sont séparées par une frontière de classe.
Il apparaît clairement que l’anarchisme constitue un lieu où s’affrontent des positions ouvertement bourgeoises et nationalistes et des positions prolétariennes internationalistes. Dans cette confrontation entre deux tendances opposées, la question de la guerre au Moyen-Orient occupe une place importante. Après des décennies d’un règne sans partage dans le milieu libertaire de la défense inconditionnelle de la cause palestinienne, cette idée ne va désormais plus de soi. Une partie de ceux qui se réclament de l’anarchisme commence à remettre en cause les positions classiquement adoptées jusqu’alors, et à s’en détacher. Ainsi, dans un article abordant la question : : ‘pourquoi nous ne les soutiendrons jamais, le Hezbollah, le Hamas ou tout groupe armé dit de “résistance anti-impérialiste”’, Non Fides affirme : “Comment la majorité de l’extrême-gauche et une partie du mouvement libertaire peut-elle se solidariser avec ces partis totalitaires et ultra-religieux ? Cette solidarité, c’est “l’anti-impérialisme des imbéciles”. (...) La politique déplorable du commandement israélien les poussent à soutenir toute forme de contestation de cette politique belliqueuse, et ce quitte à opérer des alliances avec l’Islam politique, les ultra-religieux, les nationalistes et l’extrême-droite parfois néo-nazie” 3. Certains parviennent à affirmer nettement la position internationaliste du prolétariat vis-à-vis du Moyen-Orient. Ainsi a-t-on pu lire une campagne d’affiches anarchistes en Belgique affirmant que “De Gaza en Palestine à Nasiriya en Irak, du Kivu au Congo à Grozny en Tchétchénie, les massacres de milliers d’êtres humains sont quotidiens. Sous les différentes formes qu’il prend aux quatre coins du monde, ce système capitaliste et autoritaire dévaste des zones entières par la famine, la privation, la pollution, la guerre. (...) Opposer une logique de guerre contre tout un “peuple” à la terreur de l’Etat israélien ne sert qu’à faire oublier aux rejetés de Gaza comme aux exploités de Tel Aviv qu’il ne leur reste qu’une possibilité pour s’en sortir : se battre contre toute autorité, que ce soit celle de l’uniforme du soldat israélien ou du policier palestinien, de la camisole religieuse (...), du costume des capitalistes démocratiques et des usuriers (...) Il est urgent d’opposer à la guerre entre Etats, entre religions, entre ethnies, la guerre sociale contre toute exploitation et toute domination” 4.
Quand des conceptions aussi étrangères que l’internationalisme et les concessions au nationalisme se retrouvent face à face au sein d’un même courant ou d’une même organisation, leur caractère complètement inconciliable interdit toute cohabitation et rend toute unité impossible. C’est pourquoi nous soutenons sans réserve le KRAS-AIT de Moscou dans son combat mené pour rejeter les conceptions “culturalistes et ethno-identitaires” (qui ne sont rien d’autre qu’une expression du nationalisme) incompatibles avec les objectifs de la révolution sociale.
A l’image des événements survenus à l’échelle de cette organisation, c’est à l’ensemble du milieu libertaire que ce processus de clarification et de décantation s’impose pour séparer les éléments voués à rejoindre le combat révolutionnaire et les défenseurs de l’ordre bourgeois. Ceux des militants anarchistes attachés à l’internationalisme ont bien plus en commun avec les groupes de la Gauche communiste, l’appartenance au même camp du prolétariat et de la révolution, qu’avec le reste de leur “famille libertaire”. Aujourd’hui, le caractère crucial des enjeux, où la survie de l’humanité est menacée par la persistance du système capitaliste, exige que tous ceux qui se réclament de l’internationalisme et de la lutte de classe mondiale du prolétariat, indépendamment de leur horizon politique d’origine, se rapprochent, entrent en collaboration pour travailler ensemble à la cause qui leur est commune.
Ainsi est-il utile de clarifier ce que recouvre l’utilisation au sein du milieu anarchiste d’un même lexique à propos de positions diamétralement opposées. C’est le cas concernant l’appel à la défense dans les conflits impérialistes d’un “troisième front” ou d’un “troisième camp”. Cette position quand elle est formulée par le KRAS, par exemple, correspond incontestablement à la position internationaliste prônant la nécessité de développer la lutte commune du prolétariat, par-delà toutes les divisions nationales, contre tous les camps bourgeois en présence. Il s’agit là de la seule position véritablement révolutionnaire et prolétarienne possible à adopter.
Inversement, pour les organisations de l’anarchisme officiel, la “défense du troisième camp” n’est rien d’autre qu’une formule destinée à rabattre les classes exploitées vers l’un des protagonistes dans la logique du choix d’un camp impérialiste. Un tel exemple nous est fourni par leur position concernant l’intervention israélienne au Liban dans l’été 2006. Lorsque la FA affirme que “dans cette escalade militaire sanglante, entre d’un côté les forces impérialistes des Etats-Unis et d’Israël et de l’autre les milices réactionnaires de l’Islam politique, les travailleuses et travailleurs, et plus largement les peuples de la région, n’ont rien à gagner mais tout à perdre (…), [et qu’]en tant que travailleuses et travailleurs internationalistes, une de [ses] tâches urgentes est de soutenir le développement d’un troisième camp, le camp des travailleurs, au Moyen-Orient à la fois contre la domination impérialiste et l’oppression islamiste.”5, de quoi s’agit-il en réalité ? La FA deviendrait-elle internationaliste ? Absolument pas ! Elle ne fait que continuer à pousser à faire le choix de la résistance arabe contre Israël, mais sous une autre forme que celle des protagonistes directement aux prises ! Tout comme dans le conflit israélo-palestinien, complètement dépitée que “le Hamas et le Djihad islamique, arrivés au pouvoir par les urnes en profitant de la corruption et du discrédit du Fatah de Yasser Arafat et de la déliquescence de l’OLP, tirent profit de la colère, de la frustration de la majorité palestinienne en transformant ainsi le combat antisioniste en combat religieux”, le pseudo-internationalisme dont elle s’affuble ne lui sert qu’à faire de la publicité à une hypothétique direction politique laïque à la ‘résistance’. La lutte antisioniste, oui, mais pas avec les islamistes du Hezbollah ou du Hamas ! Pour la FA, “le troisième camp”, c’est celui des partis de la gauche bourgeoise ‘laïque et démocratique’ sur lesquels elle cherche à rabattre les travailleurs.
Dans la même veine, Alternative libertaire (AL) affirme sans détours que “le peuple libanais saura trouver la voie d’une résistance à l’impérialisme israélien, tout en se dégageant de l’ingérence de l’État syrien et de la réaction religieuse incarnés en partie par le Hezbollah. Il est dramatique que cette organisation rétrograde ait été hégémonique dans la résistance libanaise face à l’agression israélienne” 6. Ainsi les homologues d’AL au Liban, se retrouvent-ils du côté des “partis politiques ‘traditionnels’ et confessionnels” du ‘courant du 14 mars’, qualifié de “mouvement relativement novateur et pouvant ouvrir des perspectives pour un autre futur au Liban” opposé à celui des “corrupteurs de la tutelle syrienne et des nostalgiques du passé noir du Liban.”7 L’anarcho-chauvinisme n’a vraiment rien à envier au patriotisme de ses amis bourgeois et leur sert de pourvoyeur en chair à canon dans les luttes qui fragmentent la classe dominante !
Dans la dernière partie de cette série, nous aborderons une question méconnue mais néanmoins importante, celle de “l’anationalisme” que revendiquent et défendent plusieurs éléments anarchistes, en l’opposant souvent à “l’internationalisme”.
Scott
1) Fédération pour l’éducation, la science et les ouvriers techniques, KRAS-AIT.
2) Courant alternatif, n°154.
3) Non Fides, n° 2, septembre 2008.
4)
Affiche “A Gaza comme
ailleurs...”, signée “Des anarchistes” diffusée début 2009
en Belgique.
5) Union locale CNT de Besançon, Syndicat CNT interco 39, FAU-IAA Boers (Allemagne), Fédération anarchiste francophone, 28 juillet 2006.
6) Alternative libertaire, 18 août 2006.
7) Alternative Libertaire, n°154.
Nous publions ci-dessous la troisième partie de la résolution sur la situation internationale adoptée lors du XVIIIe congrès du CCI qui s’est récemment tenu. Dans la première partie, nous montrions que le capitalisme n’a aucune solution réelle à apporter à la crise économique, qu’il s’agit d’un système décadent et moribond. La deuxième partie traitant des conflits impérialistes qui ravagent la planète introduisait la question de la lutte de classe qui est traitée à partir du point 9 1 :
“Comme le soulignait la résolution adoptée par le précédent congrès international :
“Ainsi, comme le CCI l’avait mis en évidence il y a plus de 15 ans, le capitalisme en décomposition porte avec lui des menaces considérables pour la survie de l’espèce humaine. L’alternative annoncée par Engels à la fin du xixe siècle, socialisme ou barbarie, est devenue tout au long du xxe siècle une sinistre réalité. Ce que le xxie siècle nous offre comme perspective, c’est tout simplement socialisme ou destruction de l’humanité. Voila l’enjeu véritable auquel se confronte la seule force de la société en mesure de renverser le capitalisme, la classe ouvrière mondiale.” (Point 10)”.
9 Cette capacité de la classe ouvrière à mettre fin à la barbarie engendrée par le capitalisme en décomposition, à sortir l’humanité de sa préhistoire pour lui ouvrir les portes du “règne de la liberté”, suivant l’expression d’Engels, c’est dès à présent, dans les combats quotidiens contre l’exploitation capitaliste, qu’elle se forge. Après l’effondrement du bloc de l’Est et des régimes soi-disant “socialistes”, les campagnes assourdissantes sur la “fin du communisme”, voire sur la “fin de la lutte de classe”, ont porté un coup sévère à la conscience au sein de la classe ouvrière de même qu’à sa combativité. Le prolétariat a subi alors un profond recul sur ces deux plans, un recul qui s’est prolongé pendant plus de dix ans. Ce n’est qu’à partir de 2003, comme le CCI l’a mis en évidence en de nombreuses reprises, que la classe ouvrière mondiale a fait la preuve qu’elle avait surmonté ce recul, qu’elle avait repris le chemin des luttes contre les attaques capitalistes. Depuis, cette tendance ne s’est pas démentie et les deux années qui nous séparent du précédent congrès ont vu la poursuite de luttes significatives dans toutes les parties du monde. On a pu voir même, à certaines périodes, une simultanéité remarquable des combats ouvriers à l’échelle mondiale. C’est ainsi qu’au début de l’année 2008, ce sont les pays suivants qui ont été affectés en même temps par des luttes ouvrières : la Russie, l’Irlande, la Belgique, la Suisse, l’Italie, la Grèce, la Roumanie, la Turquie, Israël, l’Iran, l’Émirat de Bahrein, la Tunisie, l’Algérie, le Cameroun, le Swaziland, le Venezuela, le Mexique, les États-Unis, le Canada et la Chine. 1
De même, on a pu assister à des luttes ouvrières très significatives au cours des deux années passées. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer les exemples suivants :
– en Égypte, durant l’été 2007, où des grèves massives dans l’industrie textiles rencontrent la solidarité active de la part de nombreux autres secteurs (dockers, transports, hôpitaux…) ;
– à Dubaï, en novembre 2007, où les ouvriers du bâtiment (essentiellement des immigrés) se mobilisent massivement ;
– en France, en novembre 2007, où les attaques contre les régimes de retraite provoquent un grève très combative dans les chemins de fer, avec des exemples d’établissement de liens de solidarité avec les étudiants mobilisés au même moment contre les tentatives du gouvernement d’accentuer la ségrégation sociale à l’Université, une grève qui a dévoilé ouvertement le rôle de saboteurs des grandes centrales syndicales, notamment la CGT et la CFDT, obligeant la bourgeoisie de redorer le blason de son appareil d’encadrement des luttes ouvrières ;
– en Turquie, fin 2007, où la grève de plus d’un mois des 26 000 travailleurs de Türk Telecom constitue la mobilisation la plus importante du prolétariat dans ce pays depuis 1991, et cela au moment même où le gouvernement de celui-ci est engagé dans une opération militaire dans le Nord de l’Irak ;
– en Russie, en novembre 2008, où des grèves importantes à Saint-Pétersbourg (notamment à l’usine Ford) témoignent de la capacité des travailleurs à surmonter une intimidation policière très présente, notamment de la part du FSB (ancien KGB) ;
– en Grèce, à la fin de l’année 2008 où, dans un climat d’un énorme mécontentement qui s’était déjà exprimé auparavant, la mobilisation des étudiants contre la répression bénéficie d’une profonde solidarité de la part de la classe ouvrière dont certains secteurs débordent le syndicalisme officiel ; une solidarité qui ne reste pas à l’intérieur des frontières du pays puisque ce mouvement rencontre un écho de sympathie très significatif dans de nombreux pays européens ;
– en Grande-Bretagne, où la grève sauvage dans la raffinerie Linsay, au début de 2009, a constitué un des mouvements les plus significatifs de la classe ouvrière de ce pays depuis deux décennies, une classe ouvrière qui avait subi de cruelles défaites au cours des années 1980 ; ce mouvement a fait la preuve de la capacité de la classe ouvrière d’étendre les luttes et, en particulier, a vu le début d’une confrontation contre le poids du nationalisme avec des manifestations de solidarité entre ouvriers britanniques et ouvriers immigrés, polonais et italiens.
10 L’aggravation considérable que connaît actuellement la crise du capitalisme constitue évidemment un élément de premier ordre dans le développement des luttes ouvrières. Dès à présent, dans tous les pays du monde, les ouvriers sont confrontés à des licenciements massifs, à une montée irrésistible du chômage. De façon extrêmement concrète, dans sa chair, le prolétariat fait l’expérience de l’incapacité du système capitaliste à assurer un minimum de vie décente aux travailleurs qu’il exploite. Plus encore, il est de plus en plus incapable d’offrir le moindre avenir aux nouvelles générations de la classe ouvrière, ce qui constitue un facteur d’angoisse et de désespoir non seulement pour celles-ci mais aussi pour celles de leurs parents. Ainsi les conditions mûrissent pour que l’idée de la nécessité de renverser ce système puisse se développer de façon significative au sein du prolétariat. Cependant, il ne suffit pas à la classe ouvrière de percevoir que le système capitaliste est dans une impasse, qu’il devrait céder la place à une autre société, pour qu’elle soit en mesure de se tourner vers une perspective révolutionnaire. Il faut encore qu’elle ait la conviction qu’une telle perspective est possible et aussi qu’elle a la force de la réaliser. Et c’est justement sur ce terrain que la bourgeoisie a réussi à marquer des points très importants contre la classe ouvrière à la suite de l’effondrement du prétendu “socialisme réel”. D’une part, il a réussi à enfoncer l’idée que la perspective du communisme est un songe creux : “le communisme, ça ne marche pas ; la preuve, c’est qu’il a été abandonné au bénéfice du capitalisme par les populations qui vivaient dans un tel système”. D’autre part, il a réussi à créer au sein de la classe ouvrière un fort sentiment d’impuissance du fait de l’incapacité de celle-ci à mener des luttes massives. En ce sens, la situation d’aujourd’hui est très différente de celle qui prévalait lors du surgissement historique de la classe à la fin des années 1960. A cette époque, le caractère massif des combats ouvriers, notamment avec l’immense grève de mai 1968 en France et l’automne chaud italien de 1969, avait mis en évidence que la classe ouvrière peut constituer une force de premier plan dans la vie de la société et que l’idée qu’elle pourrait un jour renverser le capitalisme n’appartenait pas au domaine des rêves irréalisables. Cependant, dans la mesure où la crise du capitalisme n’en était qu’à ses tous débuts, la conscience de la nécessité impérieuse de renverser ce système ne disposait pas encore des bases matérielles pour pouvoir s’étendre parmi les ouvriers. On peut résumer cette situation de la façon suivante : à la fin des années 1960, l’idée que la révolution était possible pouvait être relativement répandue mais celle qu’elle était indispensable ne pouvait pas s’imposer. Aujourd’hui, au contraire, l’idée que la révolution soit nécessaire peut trouver un écho non négligeable mais celle qu’elle soit possible est extrêmement peu répandue.
11 Pour que la conscience de la possibilité de la révolution communiste puisse gagner un terrain significatif au sein de la classe ouvrière, il est nécessaire que celle-ci puisse prendre confiance en ses propres forces et cela passe par le développement de ses luttes massives. L’énorme attaque qu’elle subit dès à présent à l’échelle internationale devrait constituer la base objective pour de telles luttes. Cependant, la forme principale que prend aujourd’hui cette attaque, celle des licenciements massifs, ne favorise pas, dans un premier temps, l’émergence de tels mouvements. En général, et cela s’est vérifié fréquemment au cours des quarante dernières années, les moments de forte montée du chômage ne sont pas le théâtre des luttes les plus importantes. Le chômage, les licenciements massifs, ont tendance à provoquer une certaine paralysie momentanée de la classe. Celle-ci est soumise à un chantage de la part des patrons : “si vous n’êtes pas contents, beaucoup d’autres ouvriers sont prêts à vous remplacer”. La bourgeoise peut utiliser cette situation pour provoquer une division, voire une opposition entre ceux qui perdent leur travail et ceux qui ont le “privilège” de le conserver. De plus, les patrons et les gouvernements se replient derrière un argument “décisif” : “Nous n’y sommes pour rien si le chômage augmente ou si vous êtes licenciés : c’est la faute de la crise”. Enfin, face aux fermetures d’entreprises, l’arme de la grève devient inopérante accentuant le sentiment d’impuissance des travailleurs. Dans une situation historique où le prolétariat n’a pas subi de défaite décisive, contrairement aux années 1930, les licenciements massifs, qui ont d’ores et déjà commencé, pourront provoquer des combats très durs, voire des explosions de violence. Mais ce seront probablement, dans un premier temps, des combats désespérés et relativement isolés, même s’ils bénéficient d’une sympathie réelle des autres secteurs de la classe ouvrière. C’est pour cela que si, dans la période qui vient, on n’assiste pas à une réponse d’envergure de la classe ouvrière face aux attaques, il ne faudra pas considérer que celle-ci a renoncé à lutter pour la défense de ses intérêts. C’est dans un second temps, lorsqu’elle sera en mesure de résister aux chantages de la bourgeoisie, lorsque s’imposera l’idée que seule la lutte unie et solidaire peut freiner la brutalité des attaques de la classe régnante, notamment lorsque celle-ci va tenter de faire payer à tous les travailleurs les énormes déficits budgétaires qui s’accumulent à l’heure actuelle avec les plans de sauvetage des banques et de “relance” de l’économie, que des combats ouvriers de grande ampleur pourront se développer beaucoup plus. Cela ne veut pas dire que les révolutionnaires doivent rester absents des luttes actuelles. Celles-ci font partie des expériences que doit traverser le prolétariat pour être en mesure de franchir une nouvelle étape dans son combat contre le capitalisme. Et il appartient aux organisations communistes de mettre en avant, au sein de ces luttes, la perspective générale du combat prolétarien et des pas supplémentaires qu’il doit accomplir dans cette direction.
12 Le chemin est encore long et difficile qui conduit aux combats révolutionnaires et au renversement du capitalisme. Ce renversement fait tous les jours plus la preuve de sa nécessité mais la classe ouvrière devra encore franchir des étapes essentielles avant qu’elle ne soit en mesure d’accomplir cette tache :
– la reconquête de sa capacité à prendre en main ses luttes puisque, à l’heure actuelle, la plupart d’entre elles, notamment dans les pays développés, sont encore fortement sous l’emprise des syndicats (contrairement à ce qu’on avait pu constater aux cours des années 1980) ;
– le développement de son aptitude à déjouer les mystifications et les pièges bourgeois qui obstruent le chemin vers les luttes massives et le rétablissement de sa confiance en soi puisque, si le caractère massif des luttes de la fin des années 1960 peut s’expliquer en bonne partie par le fait que la bourgeoisie avait été surprise après des décennies de contre-révolution, ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui ;
– la politisation de ses combats, c’est-à-dire sa capacité à les inscrire dans leur dimension historique, à les concevoir comme un moment du long combat historique du prolétariat contre l’exploitation et pour l’abolition de celle-ci.
Cette étape est évidemment la plus difficile à franchir, notamment du fait :
– de la rupture provoquée au sein de l’ensemble la classe par la contre-révolution entre ses combats du passé et ses combats actuels ;
– de la rupture organique au sein des organisations révolutionnaires résultant de cette situation ;
– du recul de la conscience dans l’ensemble de la classe à la suite de l’effondrement du stalinisme ;
– du poids délétère de la décomposition du capitalisme sur la conscience du prolétariat ;
– de l’aptitude de la classe dominante à faire surgir des organisations (tel le Nouveau parti anticapitaliste en France et Die Linke en Allemagne) qui ont pour vocation de prendre la place des partis staliniens aujourd’hui disparus ou moribonds ou de la social-démocratie déconsidérée par plusieurs décennies de gestion de la crise capitaliste mais qui, du fait de leur nouveauté, sont en mesure d’entretenir des mystifications importantes au sein de la classe ouvrière.
En fait, la politisation des combats du prolétariat est en lien avec le développement de la présence en leur sein de la minorité communiste. Le constat des faibles forces actuelles du milieu internationaliste est un des indices de la longueur du chemin qui reste encore à parcourir avant que la classe ouvrière puisse s’engager dans ses combats révolutionnaires et qu’elle fasse surgir son parti de classe mondial, organe essentiel sans lequel la victoire de la révolution est impossible.
Le chemin est long et difficile, mais cela ne saurait en aucune façon être un facteur de découragement pour les révolutionnaires, de paralysie de leur engagement dans le combat prolétarien. Bien au contraire !
CCI
Il y a vingt ans, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin était abattu et démonté morceau par morceau par une foule en délire. Ce fut là, au cœur de l’Europe, au sein d’une Allemagne enivrée par l’abolition du “rideau de fer” et le mirage de la réunification, le symbole le plus fort de la fin de la division du monde en deux blocs rivaux : l’Est et l’Ouest. En cette fin d’année 1989, en quelques mois, l’humanité assista à la dislocation de l’URSS et à la disparition des régimes staliniens d’Europe de l’Est.
A l’époque, cet événement permit à la bourgeoisie d’utiliser une arme idéologique de destruction massive : la mort du stalinisme prouvait définitivement que le communisme était un rêve dangereux qui menait forcément au totalitarisme et à la faillite ! En identifiant ainsi frauduleusement le stalinisme au communisme, en faisant de la débandade économique et de la barbarie des régimes staliniens la conséquence inévitable de la révolution prolétarienne, la bourgeoisie visait à détourner les ouvriers de toute perspective révolutionnaire.
Dans la foulée, la bourgeoisie en profita aussi pour faire passer un second gros mensonge dont elle a le secret : avec la disparition du stalinisme, le capitalisme allait enfin pouvoir s’épanouir vraiment. L’avenir, promettait-elle, s’annonçait radieux. C’est ainsi que le 16 mars 1991, George Bush père, président des Etats-Unis d’Amérique, fort de sa toute récente victoire sur l’armée irakienne de Saddam Hussein, annonça la venue d’un “nouvel ordre mondial” et l’achèvement d’un “monde où les Nations unies, libérées de l’impasse de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la vision historique de leurs fondateurs. Un monde dans lequel la liberté et les droits de l’homme sont respectés par toutes les nations”. Cette seconde fumisterie ne fit pas long feu. Les années 1990 et 2000 ont été marquées par une succession de guerres (de la Yougoslavie à l’Afghanistan en passant, une seconde fois, par l’Irak) et par une paupérisation croissante. D’ailleurs, aujourd’hui, en plein cœur d’une débâcle économique sans précédent, les célébrations de la chute du mur se sont faite discrètes, modestes, tant les promesses de “liberté”, de “paix” et de “prospérité” apparaissent aux yeux de tous, pour ce qu’elles sont : une escroquerie.
La classe ouvrière n’a plus guère d’illusion sur ce système d’exploitation. Elle sait aujourd’hui que l’avenir promis par le capitalisme ne peut être fait que de chômage, de misère, de guerre et de souffrances. Par contre, ce qui lui manque pour avoir le courage de rentrer en lutte, c’est un espoir, une perspective, un autre monde possible pour lequel combattre. Les mensonges assimilant communisme et stalinisme, cette immense propagande qui s’est déchaînée à l’occasion de la chute du mur et de l’effondrement du bloc de l’Est, pèsent encore aujourd’hui dans les têtes ouvrières, y compris les plus combatives.
C’est pourquoi nous publions ci-dessous de larges extraits d’un document que nous avions diffusé en janvier 1990 comme supplément à notre presse territoriale et qui visait justement à combattre cette campagne nauséabonde.
En crevant, le stalinisme rend aujourd’hui un dernier service au capitalisme. (…)
La mort du stalinisme constitue aujourd’hui une victoire idéologique pour la bourgeoisie occidentale. A l’heure actuelle, le prolétariat doit encaisser le coup. Mais il devra comprendre que le stalinisme n’a jamais été autre chose que la forme la plus caricaturale de la domination capitaliste. (…) Il devra comprendre qu’à l’Ouest, comme à l’Est, le capitalisme ne peut offrir aux masses exploitées qu’une misère et une barbarie croissantes avec, au bout, la destruction de la planète. Il devra comprendre, enfin, qu’il n’y a pas de salut pour l’humanité en dehors de la lutte de classe du prolétariat international, une lutte à mort qui, en renversant le capitalisme, permettra l’édification d’une véritable société communiste mondiale, une société débarrassée des crises, des guerres, de la barbarie et de l’oppression sous toutes ses formes. (…)
En clamant haut et fort que la barbarie stalinienne est l'héritière légitime de la révolution d'Octobre 1917, en affirmant que Staline n'a fait que pousser jusqu'à ses ultimes conséquences un système élaboré par Lénine, toute la bourgeoisie MENT. Tous les journalistes, tous les historiens et autres idéologues à la solde du capitalisme savent pertinemment qu’il n’y a aucune continuité entre l’Octobre prolétarien et le stalinisme. Ils savent tous que l’instauration de ce régime de terreur n’a été rien d’autre que la contre-révolution qui s’est installée sur les ruines de la révolution russe, avec la défaite de la première vague révolutionnaire internationale de 1917-1923. Car c’est bien l’isolement du prolétariat russe, après l’écrasement sanglant de la révolution en Allemagne, qui a porté un coup mortel au pouvoir des soviets ouvriers en Russie.
L’Histoire n’a fait que confirmer de façon tragique ce que, dès l’aube du mouvement ouvrier, le marxisme a toujours affirmé : la révolution communiste ne peut prendre qu’un caractère international. “La révolution communiste (...) ne sera pas une révolution purement nationale ; elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés (...) Elle exercera également sur tous les autres pays du globe une répercussion considérable et elle transformera complètement et accélérera le cours de leur développement. Elle est une révolution universelle ; elle aura, par conséquent, un terrain universel” (F. Engels, Principes du communisme, 1847). Et c’est cette fidélité aux principes du communisme et de l’internationalisme prolétarien que Lénine, dans l’attente d’un relais de la révolution en Europe, exprimait lui-même en ces termes : “La révolution russe n’est qu’un détachement de l’armée socialiste mondiale, et le succès et le triomphe de la révolution que nous avons accomplie dépendent de l’action de cette armée. C’est un fait que personne parmi nous n’oublie (...). Le prolétariat russe a conscience de son isolement révolutionnaire, et il voit clairement que sa victoire a pour condition indispensable et prémisse fondamentale, l’intervention unie des ouvriers du monde entier” (Lénine, “Rapport à la Conférence des comités d’usines de la province de Moscou”, 23 juillet 1918).
Ainsi, de tous temps, l’internationalisme a été la pierre angulaire des combats de la classe ouvrière et du programme de ses organisations révolutionnaires. C’est ce programme que Lénine et les bolcheviks ont constamment défendu. C’est armé de ce programme que le prolétariat a pu, en prenant le pouvoir en Russie, contraindre la bourgeoisie à mettre fin à la première guerre mondiale et affirmer ainsi sa propre alternative : contre la barbarie généralisée du capitalisme, transformation de la guerre impérialiste en guerre de classe.
Toute remise en cause de ce principe essentiel de l’internationalisme prolétarien a toujours été synonyme de rupture avec le camp prolétarien, d’adhésion au camp du capital. Avec l’effondrement de l’intérieur de la révolution russe, le stalinisme a justement constitué cette rupture, lorsque, dès 1925, Staline met en avant sa thèse de la “construction du socialisme en un seul pays” grâce à laquelle va s’installer dans toute son horreur la contre-révolution la plus effroyable de toute l’histoire humaine. Dès lors, l’URSS n’aura plus de “soviétique” que le nom : la dictature du prolétariat à travers le pouvoir des “conseils ouvriers” (soviets) va se transformer en une implacable dictature du Parti-Etat sur le prolétariat.
L’abandon de l’internationalisme par Staline, digne représentant de la bureaucratie d’Etat, signera définitivement l’arrêt de mort de la révolution. La politique de la 3ème Internationale dégénérescente sera, partout, sous la houlette de Staline, une politique contre-révolutionnaire de défense des intérêts capitalistes. C’est ainsi qu’en 1927, en Chine, le PC, suivant les directives de Staline, se diluera dans le Kuomintang (parti nationaliste chinois) et désarmera le prolétariat insurgé à Shanghaï, et ses militants révolutionnaires, pour les livrer pieds et poings liés à la répression sanglante de Tchang Kaï Tchek, proclamé “membre d’honneur” de l’Internationale stalinisée.
Et face à l’Opposition de gauche qui se développe alors contre cette politique nationaliste, la contre-révolution stalinienne va déchaîner toute sa hargne sanguinaire : tous les bolcheviks qui tentaient encore de défendre contre vents et marées les principes d’Octobre seront exclus du Parti en URSS, déportés par milliers, pourchassés, traqués par le Guépéou, puis sauvagement exécutés lors des grands procès de Moscou (et cela avec le soutien et la bénédiction de l’ensemble des pays “démocratiques” !).
Voilà comment ce régime de terreur a pu s’instaurer : c’est sur les décombres de la révolution d’Octobre 1917 que le stalinisme a pu asseoir sa domination. C’est grâce à cette négation du communisme constituée par la théorie du “socialisme en un seul pays” que l’URSS est redevenue un Etat capitaliste à part entière. Un Etat où le prolétariat sera soumis, le fusil dans le dos, aux intérêts du capital national, au nom de la défense de la “patrie socialiste”.
Ainsi, autant l’Octobre prolétarien, grâce au pouvoir des conseils ouvriers, avait donné le coup d’arrêt à la guerre impérialiste, autant la contre-révolution stalinienne, en détruisant toute pensée révolutionnaire, en muselant toute velléité de lutte de classe, en instaurant la terreur et la militarisation de toute la vie sociale, annonçait la participation de l’URSS à la deuxième boucherie mondiale.
Toute l’évolution du stalinisme sur la scène internationale dans les années 30 a, en effet, été marquée par ses marchandages impérialistes avec les principales puissances capitalistes qui, de nouveau, se préparaient à mettre l’Europe à feu et à sang. Après avoir misé sur une alliance avec l’impérialisme allemand afin de contrecarrer toute tentative d’expansion de l’Allemagne vers l’Est, Staline tournera casaque au milieu des années 30 pour s’allier avec le bloc “démocratique” (adhésion de l’URSS en 1934 à ce “repère de brigands” qu’était la SDN, pacte Laval-Staline en 1935, participation des PC aux “fronts populaires” et à la guerre d’Espagne au cours de laquelle les staliniens n’hésiteront pas à user des mêmes méthodes sanguinaires en massacrant les ouvriers et les révolutionnaires qui contestaient leur politique). A la veille de la guerre, Staline retournera de nouveau sa veste et vendra la neutralité de l’URSS à Hitler en échange d’un certain nombre de territoires, avant de rejoindre enfin le camp des “Alliés” en s’engageant à son tour dans la boucherie impérialiste où l’Etat stalinien sacrifiera, à lui seul, 20 millions de vies humaines. Tel fut le résultat des tractations sordides du stalinisme avec les différents requins impérialistes d’Europe occidentale. C’est sur ces monceaux de cadavres que l’URSS stalinienne a pu se constituer son empire, imposer sa terreur dans tous les Etats qui vont tomber, avec le traité de Yalta, sous sa domination exclusive. C’est grâce à sa participation à l’holocauste généralisé aux côtés des puissances impérialistes victorieuses que, pour le prix du sang de ses 20 millions de victimes, l’URSS a pu accéder au rang de superpuissance mondiale.
Mais si Staline fut “l’homme providentiel” grâce auquel le capitalisme mondial a pu venir à bout du bolchevisme, ce n’est pas la tyrannie d’un seul individu, aussi paranoïaque fut-il, qui a été le maître d’œuvre de cette effroyable contre-révolution. L’Etat stalinien, comme tout Etat capitaliste, est dirigé par la même classe dominante que partout ailleurs, la bourgeoisie nationale. Une bourgeoisie qui s’est reconstituée, avec la dégénérescence interne de la révolution, non pas à partir de l’ancienne bourgeoisie tsariste éliminée par le prolétariat en 1917, mais à partir de la bureaucratie parasitaire de l’appareil d’Etat avec lequel s’est confondu de plus en plus, sous la direction de Staline, le Parti bolchevik. C’est cette bureaucratie du Parti-Etat qui, en éliminant à la fin des années 20 tous les secteurs susceptibles de reconstituer une bourgeoisie privée, et auxquels elle s’était alliée pour assurer la gestion de l’économie nationale (propriétaires terriens et spéculateurs de la NEP), a pris le contrôle de cette économie. Telles sont les conditions historiques qui expliquent que, contrairement aux autres pays, le capitalisme d’Etat en URSS ait pris cette forme totalitaire, caricaturale. Le capitalisme d’Etat est le mode de domination universel du capitalisme dans sa période de décadence où l’Etat assure sa mainmise sur toute la vie sociale, et engendre partout des couches parasitaires. Mais dans les autres pays du monde capitaliste, ce contrôle étatique sur l’ensemble de la société n’est pas antagonique avec l’existence de secteurs privés et concurrentiels qui empêchent une hégémonie totale de ces secteurs parasitaires. En URSS, par contre, la forme particulière que prend le capitalisme d’Etat se caractérise par un développement extrême de ces couches parasitaires issues de la bureaucratie étatique et dont la seule préoccupation n’était pas de faire fructifier le capital en tenant compte des lois du marché, mais de se remplir les poches individuellement au détriment des intérêts de l’économie nationale. Du point de vue du fonctionnement du capitalisme, cette forme de capitalisme d’Etat était donc une aberration qui devait nécessairement s’effondrer avec l’accélération de la crise économique mondiale. Et c’est bien cet effondrement du capitalisme d’Etat russe issu de la contre-révolution qui a signé la faillite irrémédiable de toute l’idéologie bestiale qui, pendant plus d’un demi-siècle, avait cimenté le régime stalinien et fait peser sa chape de plomb sur des millions d’êtres humains.
Voilà comment est né et de quoi est mort le stalinisme. C’est dans la boue et dans le sang de la contre-révolution qu’il s’est imposé sur la scène de l’histoire, c’est dans la boue et le sang qu’il est en train de crever tel que le révèlent dans toute leur horreur les récents événements de Roumanie et qui ne font qu’annoncer des massacres bien plus sanguinaires encore au cœur même de ce régime, en URSS.
En aucune façon, et quoi qu’en disent la bourgeoisie et ses médias aux ordres, cette hydre monstrueuse ne s’apparente ni au contenu ni à la forme de la révolution d’Octobre 17. Il fallait que celle-ci s’effondre pour que celle-là puisse s’imposer. Cette rupture radicale, cette antinomie entre Octobre et le stalinisme, le prolétariat doit en prendre pleinement conscience (…).
CCI (8 janvier 1990).
2) Cet intertitre a été ajouté à la version initiale pour faciliter la lecture.
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/RI%20405%20.pdf
[2] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/crise-economique
[3] https://fr.internationalism.org/ri383/reunion_publique_a_caen_qu_est_ce_que_la_decadence.html
[4] http://www.leap2020.eu/GEAB-N-37-est-disponible
[5] https://fr.internationalism.org/tag/5/36/france
[6] http://www.france-info.com
[7] http://www.courrier-picard.fr/Actualites/Info-locale/Compiegne-Noyon-Creil/63-000-la-note-qui-fait-tousser-les-Conti
[8] https://www.lemonde.fr/economie/article/2009/08/26/la-cgt-a-laisse-ses-propres-delegues-dans-la-merde_1232267_3234.html
[9] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france
[10] http://www.marianne2.fr
[11] https://fr.internationalism.org/ri379/suicides_au_travail_c_est_le_capitalisme_qui_tue_les_proletaires.html
[12] https://fr.internationalism.org/tag/5/121/afghanistan
[13] https://fr.internationalism.org/tag/geographique/afrique
[14] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/lanarchisme-internationaliste
[15] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/anarchisme-officiel
[16] https://fr.internationalism.org/tag/approfondir/lanarchisme-et-guerre
[17] https://fr.internationalism.org/rint138/resolution_sur_la_situation_internationale_18e_congres_du_cci_mai_2009.html
[18] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/resolutions-congres
[19] https://fr.internationalism.org/french/brochures/Russie_effondrement_stalinisme.htm
[20] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/stalinisme