Ce titre à propos du livre de Wallace : "vers la Paix" édité en France en septembre 1948, et dont cet article est en grande partie l’analyse.
Avant les élections présidentielles aux États-Unis un cercle ouvrier qui fait une série d'études sur les États-Unis, nous avons demandé de faire un exposé sur le 3e parti américain de Wallace.
L'essentiel des questions que l'on pouvait se poser au sujet de l'attitude de Wallace et de son histoire se résume à peu près en ceci : quelle signification peut avoir le communisme de Wallace ?
En effet le communisme fait l'objet, aux États-Unis d'une véritable prohibition “ morale”. L'accusation selon laquelle “l’or du Kremlin” alimentait la campagne électorale du” tiers parti” méritait un examen. Il s'agissait d'ailleurs de se poser comme but d'examen, plus de savoir la signification de ces bruits que de savoir si réellement des avions fantômes allaient la nuit déverser “ l’or du Kremlin” dans les jardins de Monsieur Wallace.
Mais cette accusation semblait surtout en grande partie justifiée par l'intérêt que la presse russe apportait à ce parti et à son leader. La victoire de Wallace aux élections, écrivait cette presse, serait “la victoire de la paix, de la démocratie et de la volonté populaire de faire échec à la réaction…”
Or, on sait l’échec de Wallace. Il a eu un million de voix environ. Il ne faut toutefois pas sous-estimer ici, malgré sa cuisante défaite électorale, son influence dans la vie politique américaine. Son rôle de “prophète”, et a eu une utilité. D'abord, nombreux sont les Wallaciens de cœur qui ont voté démocrate pour “faire échec à la réaction républicaine”.
Il faut rappeler cet article du Monde (2 octobre 1948 page 2 colonne 5) Paru un mois avant les élections présidentielles :
“Wallace reste candidat à la présidence” où il est dit : “Baldwin, organisateur de la campagne électorale du Parti progressiste a précisé que le Parti progressiste n'avait pas présenté de candidats dans 67 circonscriptions électorales où il considérait que les candidats démocrates pouvaient être soutenus “étant donné les sentiments pro ouvriers qu'ils avaient manifestés et leur attitude en faveur de la paix”.
Or Truman, surtout dans la deuxième partie d'ailleurs, de la campagne électorale reprenait beaucoup de ce qui avait fait le succès de Wallace en un temps où celui-ci était soutenu par les syndicats. Roosevelt avait appuyé sa politique économique sur une participation de la classe ouvrière. Elle participait à cette politique par l'intermédiaire des syndicats et surtout du C.I.O. Roosevelt fit remplacer en 1944 Wallace vice-président par Truman, représentant les démocrates du Sud pour empêcher ceux-ci de donner leur voix au parti républicain dont la position s'était renforcée, ce qui faisait craindre à Roosevelt de perdre la présidence. C'est sur ce renforcement de fin et d'après-guerre qu'avait misé la presse américaine en tenant comme assurée l'élection de Dewey. Tenant cette élection pour assurée, on était obligé en même temps de considérer comme certains l'éclatement du Parti démocrate. Et en fait Thurmond pour les démocrates du Sud et Wallace pour les “progressistes” ne faisait-il pas campagne à part ? cette attitude n'allait-elle pas affaiblir incontestablement la position de Truman ? cette situation a eu exactement l'effet contraire. Thurmond en faisant campagne électorale à part à empêcher les votes des démocrates du Sud opposé cette fois-ci à Truman d'aller au parti républicain et à affaibli d'autant celui-ci. Quant à Wallace, il a empêché que nombre de votes “progressistes” aille au parti républicain, permettant à ses votes soit de s'exprimer pour lui, soi-même pour Truman.
En plus de ces questions de tactique électorale qui ont joué, puisqu'on a vu le parti républicain être mis en échec d'une courte tête, la raison essentielle en est la politique de Truman et à l'orientation générale de la politique mondiale des États-Unis. Or, le fait que Truman, qui fut l'homme des démocrates du Sud, est repris à son compte sous certains aspects les maux d'ordre principaux, la phraséologie et jusqu'à l'esprit des hommes du NEW-DEAL, le fait qu'il a été soutenu par les syndicats, (ce qui est la raison principale de son succès électoral), le fait enfin du raidissement de son attitude dirigiste en économie, s'ils sont une explication de son succès, doivent eux-mêmes s'expliquer de cette façon : les États-Unis se préparent à la guerre. Le succès de Truman n'a pas d'autre signification. Et surtout la politique sur laquelle il s'est acquis son succès.
C’est parce que cet exposé, bien qu’analyse de la position de Wallace et de son tiers parti dans la campagne électorale américaine jette en même temps des éclaircissements sur l'évolution de la politique américaine actuelle et peut-être futur, que nous avons cru bon de le reproduire ici. En effet, comme nous le verrons les préoccupations de Wallace sont spécifiquement américaine et c'est en cela qu’elles nous intéressent : comme une expression de la pensée politique d'une partie de la classe dirigeante des États-Unis.
Il y a tout au long du prêche de Wallace trois leitmotivs essentiels :
Le siècle de l’homme de la rue[1]
La paix avec le communisme et la Russie
Le Capitalisme "progressiste"
Prêchant pour une aussi noble cause, avec le ton des prophètes de la Bible, (qu’aiment tant à s’emprunter les hommes d’Etat américains), avec la main sur le cœur quand il parle de protection des "peuples arriérés", avec les cheveux en bataille quand il dit vouloir la paix avec les communistes et la Russie, avec la cravate défaite et le col déboutonné quand il clame l’avenir du "capitalisme progressiste", nous allons voir comment Wallace tourne le dos aux buts qu’il propose. Et tout d’abord au lieu d’aller comme il le dit, "vers la Paix", il va avec l’Amérique toute entière vers la guerre.
Il se rapproche bien des communistes, mais ce rapprochement avec certains "communistes" alors que d’autre part il s’arme contre tous les militants révolutionnaires qui pourraient être mis hors d’état de nuire sous le qualificatif de "nazi-trotskystes". Il défend bien un capitalisme "progressiste" et "pacifiste", mais il ne fait qu’indiquer un moyen pour tenter de faire subsister un système, le capitalisme, dont le maintien dans l’histoire signifie exactement le contraire de Progrès et de Paix, mais n’est que Guerres et Destructions.
Quant au règne de l’homme commun dans le monde, quelle ironie de sa part :
"L’Amérique réduit une part sans cesse croissante du monde à la portion congrue depuis 30 ans et Wallace veut s’appuyer sur les peuples qu’elle affame, qu’elle maintient dans l’oppression, pour justement poursuivre, par des méthodes meilleures, cette exploitation. "Le siècle de l’homme commun dans le monde" c’est le siècle du règne de l’impérialisme américain sur le monde, le rationnement des hommes de 5 continents."
Mais nous savons déjà qu’en régime capitaliste, vouloir la Paix c’est préparer la guerre et que certains peuvent prêcher la guerre pour préparer la paix. Nous avons entendu les révolutionnaires répéter le mot de "révolution" comme une litanie, sur toutes gammes et dans tous les tons. Le mot de "socialisme" sert à la bourgeoisie pour défendre le capitalisme décadent. Il convient donc de ne pas tomber dans l’erreur de se borner à une ironie facile devant les verbeux et pompeux discours sur la paix, l’homme commun et autres choses de ce genre, mais de chercher à comprendre leur signification et de saisir quels sont les buts réels que se proposent d’atteindre ceux qui les font.
Depuis les environs de 1930 à 34, le capitalisme se maintient dans l’histoire mais il a pour cela modifié la forme de ses institutions politiques. Ex : l’Etat prend une part beaucoup plus considérable qu’antérieurement dans la vie économique des Nations. C’est ce que nous appelons le capitalisme d’Etat. Cette forme du capitalisme voit une fusion des anciens monopoles avec l’Etat. L’Etat devient le monopoleur suprême. Cela veut-il dire que trusts et monopoles cessent d’exister ? Bien au contraire, le capitalisme d’Etat c’est la politique du monopole qui ne peut être menée que par lui : cette politique part du dumping (guerre économique), et va, quand l’argument économique reste insuffisant jusqu’au super-armement et à l’élimination des concurrents par la force. C'est la mort dans l'âme que la classe capitaliste d'un pays se résout à la guerre. Personne ne se sert du chirurgien allègrement, mais il est des maladies des hommes comme de celles des sociétés, où il devient impossible de se passer de la chirurgie. La maladie du capitalisme décadent est de celle-là. Ceci est vrai aussi pour l'intervention sans cesse croissante de l'État dans la vie économique. La classe capitaliste ne se résout qu'à contrecœur et avec l'espoir éphémère de pouvoir un jour s’en passer. Momentanément, l'économique et le politique ont à tel point besoin de se compléter, qu'au lieu de le faire par le truchement d'un jeu libre et voilé, comme ce fut le cas dans une époque aujourd'hui révolue, il s'intègre et l'organe exécutive de la société, l'État, devient justement la manifestation de cette intégration : il met à exécution des tâches que cette intégration nécessite[2].
Deux phénomènes puissants ont été les moteurs de cette profonde transformation du capitalisme : (par ordre d'importance mais ayant tous deux des rapports étroits) :
La vague révolutionnaire de 1917 à 1923 et la grande crise économique de 1929, voilà ce qui a conduit le capitalisme à modifier certaines de ses caractéristiques essentielles et à se manifester en Allemagne sous l'aspect du National-Socialisme, en Russie sous l'aspect du stalinisme, aux États-Unis sous l'aspect du New Deal de Roosevelt. Entre ces trois formes de régime il n'y a pas de différence de nature mais seulement des différences qui expriment les besoins auxquels avaient à faire face et qui pouvaient varier. Autrement dit les classes dirigeantes de ces nations procèdent des mêmes préoccupations et s'orientent vers les mêmes buts, la différence des voies empruntées s’explique par la variation des éléments économiques sociaux et politiques dont ils disposaient pour y faire face.
Le New Deal de Roosevelt exprime les nouvelles préoccupations des classes capitalistes[3] :
sociales : intégrer les syndicats à l'état et enchaîner par-là la classe ouvrière à la nation.
économiques : surmonter la crise, résorber les pertes qui ont pu en résulter et asseoir l'impérialisme américain sur des bases plus solides lui permettant de prétendre à la domination du monde[4].
La guerre de 1914-1919 a posé les États-Unis sur un plan de supériorité face à une Europe amoindrie. La période qui s'étend entre les deux grandes guerres mondiales ne fera qu'accentuer ce contraste. C'est en effet dans la capacité que montre un pays à surmonter une crise que se mesure sa puissance. Les États-Unis entreront dans le deuxième grand conflit mondial pour affermir celle-ci : l’Europe mise à la portion congrue se révolte et se déchire. L’Allemagne voulant sortir de l’étroitesse du cubage d’air économique qu’on lui laissait respirer, s’effondre. L’Europe sort du conflit vaincue, vassalisée par l’Amérique.
Mais l'Amérique ayant abattu, d'une part l'Allemagne et ses rêves pans européens, et d'autre part le Japon et ses rêves pan asiatiques, se retrouve face à face avec un colosse encore plus imposant, réunissant à lui seul la puissance de ces deux pays et étendant ses tentacules dans les mêmes directions qu’eux : l'Union des républiques russes.
En Europe, la Russie met simplement la main sur l'Europe orientale et y prend la place de l'Allemagne. En Asie elle soutient activement la libération des peuples et leurs droits à disposer d’eux-mêmes en attendant de pouvoir leur apporter une aide économique ce qu'elle espère pouvoir faire un jour.
C'est maintenant la guerre à mort entre les deux impérialismes. Ce cours vers la troisième guerre mondiale s'est ouvert dès avant la fin du dernier grand conflit mondial, entre 1943 et 1944. Dans ce cours vers la guerre le corps à corps des deux colosses est proche.
C'est à la lumière de cette évolution que doit être envisagée la victoire d'un Truman "newdealien". C’est également à cette lumière que doit être examiné le "cas" Wallace.
Alors que l'Amérique gagne la guerre contre l'Allemagne et le Japon un vent de rébellion semblait souffler, au sein même de la classe capitaliste aux États-Unis, contre l'emprise de l'État sur l'économie et les affaires.
La paix en effet n'allait-elle pas susciter la mise au rebut du dirigisme abhorré ?
Le parti républicain étant dans l'opposition pouvait se faire le port de parole de l'anti-dirigisme, et le président Roosevelt compris bien le danger qui remplaça voilà à la vice-présidence par Truman en 1944. En effet Truman assura par sa présence à la vice-présidence les votes de démocrate du Sud qui aurait voté républicain contre Wallace et aurait ainsi compromis la candidature Roosevelt et le maintien au pouvoir.
Qui était en effet Wallace en 1944 ?
En abandonnant Wallace, le Parti démocrate obéit aux préoccupations électorales du moment, mais aussi à une orientation politique différente :
Il pense que la guerre terminée et gagner par les USA signifie pour la classe dirigeante
Et en effet, immédiatement à la clôture de la guerre, l'Etat américain administré par les démocrates opère de ce que l'on appela la “reprivatisation des industries”. La loi Taft-Hartley (anti-grève) et promulguée, on parle de "reconversion de l'économie de guerre en économie de paix".
En fait, l'état américain aura laissé un peu la bride sur le coup à la classe qu'elle représente, pour se payer le luxe d'une détente : mars prenant un bain avant le combat de la mort. L'heure du combat est maintenant venue. Fini la détente. Il va falloir revenir au dirigisme abhorré. Telle est la signification de la dernière politique Truman. Le remplacement de Byrnes par Marshall et autre chose qu'un simple symbole : ce n'est pas seulement le militaire qui remplace le civil : c'est l'intimidation et la menace armée qui font place à la pression diplomatique.
Les dernières mesures Truman ne sont pas des mesures dictées simplement par des considérations électorales. Certaines répondent aux nécessités de la politique belliciste actuel :
"la main-mise du contrôle étatique sur les industries de l'Est des États-Unis (et nous savons que c'est là qu'elles sont le plus concentré il est plus importantes), le contrôle de l'État sur la production et le commerce de l'acier[5], divers procès engagés par le Département d'État contre certains grands trust américain et parmi lesquels nous trouvons la Du Pont de Nemours, montre avec suffisamment de clarté que la politique de guerre doit s'accompagner d'une main-mise totale de l'État sur la production et le commerce. On pourrait presque dire que c'est le bon prétexte et que l'on s'en sert à Washington.
Nous nous trouvons donc, dans la politique américaine devant une perspective de guerre très proche et activer encore, surtout par Marshall. Dans ces conditions les perspectives ne sont pas, même pour un proche à venir, (caisse à dire après les élections présidentielles fermées la parenthèse, un retour au libéralisme, à l'achèvement d'une “reconversion” hypothétique.
Au contraire, si nous examinons l'appareil productif américain, nous voyons qu'il se met sérieusement sur le pied de guerre avec les prérogatives étatique que cela suppose.
Wallace, lui, contente le désespéré, les bras au ciel, les yeux exorbités, la “folle politique des hommes d'État américains”. Et tout d'abord la politique économique. Nous avons essayé de montrer au début, comment, malgré le fait que son livre s'intitule “vers la paix”, il pourrait aussi bien s'appeler “vers la guerre”. En effet, ce qui distingue Wallace les autres hommes d'État américain, ce n'est pas le fait qu'il désira à la paix, le cœur ardent, mais la manière de s'en servir. Et la manière dont il la veut conduit à la guerre avec autant d'assurance que la manière dont la vole les autres hommes d'État américain. Cependant, la “paix” de Wallace serait une paix où l'on insisterait surtout sur l'organisation planifiée de l'économie, sur l'ensemble avec les grandes directions syndicales, leur participation à la gérance de l'économie. Or, une telle organisation de la production sera nécessaire aux États-Unis pour poursuivre la guerre. Voilà reproche à Marshall de faire une politique d'intimidation armée, mais où, dans le fond, l'économie ne serait pas prête à subir un conflit avec le bloc russe.
Voilà l'économie que désire Wallace :
C’est justement à l'opposé de ce que croit son protagoniste, plutôt une économie de guerre qu'une économie qui même à cette idyllique harmonie du monde comme il le désire : La "Pax-Americana" qu'il désire n'est que le mythe qui sert à masquer le caractère belliqueux de l'impérialisme américain, caractère qu’aujourd'hui encore certains Américains progressistes comme par exemple Wallace, réussissent hypocritement à masquer sur un pacifisme mielleux et douceâtre :
“...le capitalisme progressiste… qui est partisan des profits qui résultent d'une production abondante à bas prix. Il croit que les profils doivent être réinvestis aussi rapidement que possible en vue de faire baisser les prix, monter les salaires, de faire progresser la technique, et de développer l'équipement industriel du pays, … …croit au planning en coopération avec le gouvernement…
… désire que le gouvernement pratique une politique destinée à développer l'exploitation des ressources naturelles telles que les richesses de notre sol, nos rivières, nos forêts et nos mines. Il sait que quand le gouvernement réussit dans ses tâches, d'énormes possibilités s'ouvrent à l'emploi des capitaux privés…
…croit que l'homme est fondamentalement bon…
…croit qu’en industrialisant les contrées arriérées du monde sur des bases excluant tout exploitation de l'homme par l'homme (!!!), il est possible de développer l'activité des entreprises et d'accroître l'embauche aux États-Unis…
... c'est que l'homme moyen constitue le grand réservoir de la démocratie.
... et un ami du syndicalisme dans la mesure où le syndicalisme et de tout cœur partisan du développement de la production.
... désire que le gouvernement possède une large par les entreprises d'utilité publique…
... désire aussi un large développement du mouvement coopératif…
“... en d'autres termes, le capitalisme progressiste roi en une économie complexe fête de coopération et de planisme continue ou le gouvernement, le syndicalisme, l'industrie, la finance et l'agriculture choisissent le système quel qu'il soit susceptible de produire le plus largement et de distribuer le plus généreusement et au meilleur prix dans une économie sans crise…” (H. A. Wallace - “vers la paix” - p.I-I-2-)
Nous nous trouvons donc aux élections présidentielles devant trois équipes gouvernementales : une équipe républicaine avec Dewey, une équipe démocrate avec Truman, et une équipe “progressiste” avec Wallace.
Nous avons vu comment républicain et démocrate ont présenté les équipes les plus étatistes qu'elle pouvait présenter à leur relecteur. Cela n'est pas par simple hasard et surtout pas parce que l’étatisme est populaire parmi les électeurs de ces partis. Il faut en effet rappeler qu'il ne compte la classe ouvrière parmi leurs électeurs que lorsque les syndicats en ont décidé ainsi.
Or, des trois, c'est Wallace qui se présente drapé dans un pacifisme quasi mythologique. S’il pouvait paraître devant le peuple américain transformé en colombe tenant dans la main le rameau d'olivier, il le ferait certainement. Et cependant c'est lui qui présente le programme économique le plus adéquat à la poursuite de la guerre.
Enfin, n'oublions pas que la pensée économique américaine avant[6] et pendant[7] la guerre, s'est familiarisé avec le dirigisme et même le planisme qui sont très bien connus par l'intelligentsia américaine et préconisé par une très grande partie des spécialistes. La bourgeoisie américaine "éclairée (et il y a une bourgeoisie américaine éclairée) voit cette politique économique d'un œil favorable, aux situations exceptionnelles il faut une exceptionnel direction de l'économie". Il s'agit avant de convaincre le plus de monde possible, le reste devra être démocratiquement contrat. Les livres et brochures de Wallace servent à essayer de convaincre le plus possible. Le gouvernement, lui, avec ou sans Wallace sera amené à la contrainte démocratique.
Orienter vers l'économie planifiée et dirigé, voilà et naturellement porté à se retourner vers les spécialistes, techniciens et intellectuels.
Son verbe sirupeux est tout à fait le temps qu'il convient d'employer pour un tel public. L’intellectuel américain est une petite femme hystérique qui se nourrit de sucrerie et lit de la littérature "prohibée" pour se procurer des sensations. Le langage biblique de Wallace convient à son goût pour la confiserie. L’accusation de "communisme" qu’il doit supporter convient à lui procurer les sensations. Tel est le sens de son langage qui vise à atteindre une large couche de la petite bourgeoisie intellectuelle américaine, dite "libéral".
Son "capitalisme progressif" et sa démonstration économique bises à attendre des milieux plus directement bourgeois. Le tout est clos par l'étiquette "progressive" qui correspond à une tradition politique américaine et donc il faut parler plus largement.
De 1880 à 1934 chaque nouveau parti ou tiers parti tente de subordonner les syndicats à sa politique. Cependant il dut se heurter à une tradition fortement établie à l'intérieur de ceux-ci et qui surtout devant la tactique par excellence de l’A.F.L. (American Fédération of Labor) : ce que les syndicalistes A.F.L. appelèrent la "tactique indépendante".
La tactique ainsi préconisée puiser à favoriser l'élection des "progressistes" de chacun des deux grands partis américains, au poste gouvernementaux ou au congrès. Ainsi, bientôt le pays serait gouverné en majorité par des "progressistes". Donc pas besoin de tiers parti puisque celui-ci est constitué à l'intérieur des deux autres.
Voilà comment s'exprime à ce sujet un membre de l’A.F.L. en 1934 au moment de l'affaire "La Follette" : William Johnson, président de l'Union des mécanicien et président de la Confédération de Cleveland :
“ ... nous ne devons pas oublier, …” dit-il, “… que les plus grandes réformes ou conquêtes politiques réalisées, un cours de l'histoire de notre pays, ont été l'œuvre de groupe indépendant qui peut utiliser les parties sans se laisser manœuvrer par eux …”
Or c'est la précisément la conception de l’A.F.L. Johnson continuer ainsi :
“... Si nous organisons un nouveau parti, nous devons être prêts à consacrer toute notre énergie à le développer et à le renforcer. Nous devons dire à nos amis des vieux partis tels que La Folette, Brocard et Frazier, qui se disent des républicains, et Huddelston-Weller et Sweat, qui se disent des démocrates :
-nous ne vous soutiendrons que si vous sortez de vos vieux partis et que si vous entrez dans le nouveau parti que nous avons formé. Sommes-nous prêts à le faire ? je ne le crois pas. À mon avis, cela serait faire le jeu de l'adversaire. Il n'est pas besoin de grand effort d'imagination pour se représenter avec quelles manifestations de joie les membres de la "vieille garde" des vieux partis apprendre à être que les progressistes militants conduit par la Folette et huddelston ont été obligé d'abandonner tout effort pour triompher aux épreuves primaires.” (actualité- octobre 1934-)
Ce progressisme américain devait cependant se transformer radicalement avec l'arrivée de Roosevelt au pouvoir. Sa politique, considéré comme révolutionnaire devait lui valoir le monopole du progressisme.
La politique économique de Roosevelt juillet avec un certain nombre de lois sociales et particulièrement de lois syndicales. Les lois syndicales de Roosevelt pour conséquence particulière de faire plus que doubler le nombre de syndiqués. L’afflux des nouveaux syndiqués va renforcer considérablement la tendance au syndicat d'industrie, et après plusieurs années de crise, ceci devait être expulsé de l’A.F.L. et se constituer en C.I.O. Les syndicats d'industrie sur rooseveltien avant leur constitution en syndicat autonome. Ils constituèrent un organisme destiné à l'éducation politique des ouvriers et à soutenir la candidature Roosevelt aux élections : la “Citizen's Non Partisan League”.
La direction du C.I.O. fus de tout temps rooseveltienne. John Lewis dut se retirer de cette direction pour avoir refusé son soutien à Roosevelt aux élections. Avec le C.I.O. nous avons affaire au syndicat qui s'intègre directement à la politique de l'État, qui est un des rouages de cet Etat, qui participe à la vie économique et qui va, -comme l'ont fait les syndicats dans la guerre de 1914-18 aux États-Unis- soutenir (et pas simplement avec des phrases) l'effort de guerre américain.
Pendant la guerre, l'effort "d'instruction" politique des ouvriers trouvent son couronnement dans la création du "Political Action Commete". D’ancien secrétaire d'État de Roosevelt, des économistes, des techniciens s’y trouve mêlés avec les dirigeants du C.I.O. Wallace, comme nous l'avons montré, y était le membre le plus représentatif puisque vice-président de l'Union. À la convention de 1944, le P.A.C. soutien de nouveau la candidature Wallace à la vice-présidence.
C'est à cette époque que Wallace publie sa brochure diffusée largement par le P.A.C. : “the century of the common man” et “le siècle de l'homme de la rue”.
Le changement de la politique de Roosevelt et le choix qu'il fit le Truman fut alors considéré comme une trahison par le PAC.
L'idée d'un troisième parti qui avait de tout temps préoccupé les dirigeants des "comités" politiques du C.I.O. se fait alors plus précise. On en prépare même la Constitution pour les élections de 1948. Les tractations et pourparlers s'engagent. La loi anti syndicale Taft-Hartley, viens considérablement renforcer ce courant. Le pack PAC, boisson une action interdite mais il est remplacé aussitôt par le PCA sous la direction de Wallace. le caractère politique de ce PCA, son orientation est claire, il s'intitule :” progressive citizen of America” il tente à réunir derrière lui les votes progressistes, à s'appuyer sur les syndicats, à poursuivre la politique de Roosevelt du nodule. Son noyau politique est constitué autour de Wallace et du journal de celui-ci “ New Republic”.
En 1946, une scission a lieu dans le P.C.A.. Éléonore Roosevelt et un certain nombre de rooseveltiens qui avait constitué le P.C.A. avec Wallace, contre Truman se sépare de Wallace à cause de son attitude en face des communistes. Ils forment le “American for Démocratic Action”.
Parmi ceux qui constituent le A.D.A. en sortant du PCA nous trouvons, autour Eleanor Roosevelt :
- Harold Ickes (ancien ministre de l'Intérieur de Roosevelt). On a parlé de lui pour remplacer Forestal à la Défense nationale après les élections (voir “Monde” du 6 novembre 1948 p.13 col.1).
- Léon Henderson (premier conseiller économique de Roosevelt)
- Chester Bowles (Ancien directeur du contrôle des prix) , réélu aux élections de novembre 1948 dans le Connecticut. (voir “Monde” du 6 novembre 1948 p.1 "le président Truman retournera-t-il au New Deal")).
- Wyatt etc.
Le A.D.A préconisera de voter démocrate aux élections présidentielles. Wallace quant à lui, constituera son Parti Progressiste.
Le but de Wallace est clair : il veut regrouper en un seul parti les progressistes disséminés dans les deux partis républicain et démocrate. Il veut s’appuyer sur les syndicats. Ce parti lui est nécessaire pour lui assurer la stabilité de l’exécutif pour la réalisation de son programme d’économie planifié, de nationalisations, etc...
Mais n’est-ce pas en grande partie aussi, quoique moins accentué vers le planisme, la politique menée par Truman et le programme défendu par lui dans la deuxième et dernière partie de sa campagne électorale.
L’évolution de la politique américaine est très nette : la perspective de guerre lui impose le capitalisme d’Etat, ainsi d'ailleurs que ce pacifisme au nom duquel on prépare la guerre. Ne dit-on pas aujourd’hui couramment que "pour avoir la Paix il faut préparer la Guerre ?"
Signalons enfin, (pour établir un parallèle) que le Canada, qui s’inscrit dans une tradition politique plus anglaise, mais qui est lié au développement économique des Etats-Unis, a vu se développer considérablement ces dernières années un parti travailliste qui a acquis le premier plan dans la politique exécutive de ce pays. C’est un indice qui permet de comprendre pourquoi c’est grâce aux syndicats que Truman a été victorieux et que la politique du capitalisme est maintenant beaucoup mieux menée par des hommes “de gauche” que par ceux “de droite”, si ces termes veulent encore dire quelque chose.
Wallace est opposé au plan Marshall pour les raisons qui le poussent au capitalisme d’Etat. Il veut une économie planifiée pour s’assurer contre “la crise”. Pour cela, il a besoin de prévoir longtemps à l’avance. Prévoir veut dire établir un programme économique “d’aide” planifiée, où chaque pays bénéficiaire passe par l’intermédiaire d’un organisme tel l’U.N.R.A. Wallace comme Marshall poursuit le but américain de la domination du monde Marshall substitue l’aide militaire empirique à l’Europe a un programme dirigé d’expansion “encore jamais vu dans l’histoire” (selon ses propres termes), et pour lui la protection militaire de cette expansion en est un complément indispensable. Il reproche aux militaires d’avoir une politique à courte vue et de prendre l’aide militaire qui ne doit être qu’un MOYEN d’expansion économique, comme un but en soi. Pour Wallace l’aide Marshall à l’Europe est une mauvaise politique, une politique qui coûte trop cher pour ne pas rapporter assez. Il reproche à Marshall de mettre tout l’accent sur l’Europe, d’y jeter l’argent par les fenêtres et d’oublier ainsi un vrai, un bon, un grand programme d’expansion mondiale des Etats-Unis. Il lui reproche de lâcher la proie pour l’ombre.
Voilà le programme de Wallace :
“...Les américains qui se sont opposés au projet de financement du plan Marshall par les U.S.A. ne sont pas nécessairement communiste ou pro-russe...“ (“Vers la Paix” p.68)
“...I° Mon plan prévoit une proposition émanant des États-Unis et adressé aux Nations-Unies concernant l'établissement d'un Fond de Reconstruction des Nations-Unies conçus sur le modèle de l’U.N.N.R.R.A. Ce fond aurait pour objet de financer la réhabilitation économique des pays d'Europe et d'Asie... en vue de permettre à leur agriculture et leur industrie de recouvrer leur productivité…” (p.70)
Dans la suite, toujours la ligne rooseveltienne par excellence.
Seul le 4° marque le désaccord réel voilà Marshall Truman :
“...4° … Ces allocations seraient consenties sans qu'il soit tenu compte du caractère des institutions politiques et sociales des nations bénéficiaires…” (p.71)
"… production Total, mais les 10 % excédentaires ont une signification psychologique et spirituelle extraordinairement importante…” (oh, qu’en terme galant ces choses-là sont dites et de quel termes “spirituels” est nommé la part accumulable de la plus-value. Cette part devant à tout prix être réalisée "au dehors”)
“...Et, à la longue, nous aurons un intérêt pratique incontestable. Il est probable, en effet, que les États-Unis seront contraints d'emporter dans l'avenir une quantité sans cesse croissante de minerai, de pétrole et même de produits agricoles en provenance du monde entier. Nous ne devons pas oublier que beaucoup de petites nations dépendent exclusivement du marché américain pour la plupart de leurs exportations, de leurs importations ou des deux…”
- à croire Wallace convaincu de la doctrine luxemburgiste !
“... parce qu'ils sont la plus grande nation créditrice de tous les temps, les États-Unis doivent s'employer plus encore qu'auparavant elle sauvegarder l'intégrité de leur débiteur et à les protéger contre toute banqueroute monétaire qui serait le prélude inéluctable banqueroute sociale et morale…” (p.56 et 57).
Dans ses voyages, (voir son livre sur voyage en Asie) voilà c'est rendu compte du considérable prestige qu'à acquis la Russie avec son monopole sur le “socialisme”, le “marxisme”, le “léninisme” et le soutien du “droit des peuples à disposer d'eux-mêmes”.
Alors que la politique traditionnelle américaine consiste à entraver les révolutions nationales en Asie comme en Europe orientale, Wallace pense que cette politique est aujourd'hui périmée et que les États-Unis doivent chercher au contraire à porter leur concurrence économique en faisant la concurrence à la Russie sur le terrain “idéologique”.
Wallace veut récompenser la possibilité qu'à la Russie d'exporter les icônes de Lénine et du “marxisme” soutenant les révolutions nationales, et qui a écho dans les “...masses arriérées et pauvres de ces pays…”, par l’exportation de sa proclamation du “....règne de l'homme de la rue dans le monde…”
“...est-il juste…” demande-t-il “...de laisser à la Russie seule la chance de coopérer avec le menu peuple paysan et ouvrier ? ...”
(partie manquante) …de Tchang Kai Chek par les communistes.
"…L'argument est douteux : une victoire des communistes chinois ne donnerait pas nécessairement à la Russie le contrôle de cet immense pays. Si les plus irréductibles adversaires de la Russie réussissait à déclencher une intervention totale de l'Amérique, ils iraient à l’encontre de leur propre dessin, : en effet puisque nous ne pourrions pas empêcher la victoire du peuple soulevé contre Shanghai, le résultat de notre intervention serait sans doute de précipiter la Chine dans les bras de la Russie…” (p.165)
“… pendant mon voyage en Chine rouge…, ... la plupart des intellectuels avec qui je montre tant était diplômé de nos propres universités. il n'appartenait pas à l'extrême gauche mais croyez simplement mon des principes qui ressemblaient beaucoup à ceux qui inspirèrent jadis Jefferson et Lincoln…
… Tchang Kai Chek perdra la bataille quelle que soit l'aide que puisse lui apporter notre gouvernement…
… quant à ceux qui prétendent qu'à la suite de la défaite de Tchang Kai Chek la Chine tomberait au pouvoir de la dictature soviétique, ils se sont laissés abuser par la propagande.
en effet les communistes chinois sont avant tout chinois et en second lieu communiste…”
“... nous autres Américains, ne devrions jamais oublier que les communistes chinois sont pour la Chine bien plus que pour la Russie, lorsque nous considérons ce que leur gouvernement a fait et ce qu'il s'apprête à faire en Mandchourie ou à l'abri d'un rideau de fausses informations se développe l'une des situations les plus lourdes de péril du monde d'aujourd'hui…” (pages 169 et 170)
Son pacifisme n'est donc pas en contradiction avec la politique américaine belliciste actuel. Il tend seulement à préparer les États-Unis, au cours du conflit qui va s'engager, à la possibilité d'agir sur les plans différents que celui employé jusqu'à aujourd'hui :
…il veut s'employer à séparer les Alliés actuels de l'URSS et présente les moyens par lesquels une telle politique pourrait être réalisé.
Quand on pense à l'affaire yougoslave, on peut en effet montrer que Wallace ne rêve pas mais est au contraire d’un réalisme plus puissant encore et voyant en tous les cas plus loin que l'équipe Truman-Marshall.
Son avec "pacifisme" avec la Russie lui est nécessaire pour se rapprocher de ces nations, mais n'en conduit pas moins avec autant d'assurance à la guerre avec ces pays que la politique actuelle du département d'État et cela d'autant plus qu'il préconise, face à ces nations de considérer la Russie actuelle, non pas comme une Russie "communiste" mais comme une Russie qui est la même au point de vue de la politique extérieure que celle des stars (selon ses propres termes). Il vise donc, tout en affirmant la nécessité de poursuivre jusqu'au bout les négociations avec la Russie, pour “limiter les zones d'expansion des deux pays”, surtout à tenter de détacher d'elle certains de ses alliés actuels. En effet si un conflit devait éclater, Wallace, le pacifiste fait homme de pouvoir y appliquant son programme, toute la responsabilité en encourrait à la seule Russie, alors qu'aujourd'hui il est beaucoup plus clair pour le monde entier que ce sont les États-Unis qui cherchent la guerre.
Mais comme Wallace ne sera pas au pouvoir en 1949 pour appliquer son programme et que la guerre s'engagera sans lui, son œuvre, son parti et sa personne pourront servir aux fins qu'il se propose, dans le cours même du conflit. Cette politique n'est d'ailleurs pas en contradiction avec une guerre éventuelle entre les États-Unis et la Russie, elle préconise seulement certains moyens que l'échec cuisant essuyé par les américains en Chine et que quelques déboires essuyés au début du conflit armé qui va s'engager, pourraient imposer au Département d'État.
Et là il pourrait être fait appel à lui pour accomplir une de ses délicates missions “pacifistes”.
On voit comme le pacifisme de Wallace envers la Russie est un moyen préconisé pour lui faire plus intelligemment la guerre.
La signification du “communisme” de Wallace :
Que Wallace n'est pas communiste, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Il croit en Dieu, en une humanité “bonne et non méchante” et que son “capitalisme progressiste” est, au contraire de “? ...l'exploitation de l'homme par l'homme par le vieux capitalisme réactionnaire…”, l'assurance de “...développer considérablement le niveau de vie de tous les peuples arriérés…”
Dans le cours vers la guerre sa proclamation de paix avec les communistes vise, comme nous l'avons vu, à préparer les américains à une distinction entre “communistes” russes et des “communistes” chinois ou yougoslave ou autre, aux fins de tenter de séparer de la Russie certains de ses alliés actuels.
Aux États-Unis même, cette politique consiste à démontrer que les “communistes” américains sont avant tout américains. En ouvrant son parti aux communistes, en leur faisant voter pour lui, il permet aux “communistes” américains, aiguillonné par l'accusation d'être une cinquième colonne, de montrer qu'ils sont de bons patriotes, en participant avec Wallace, en pacifiste, dans la guerre contre la Russie et en préconisant avec lui, le rapprochement avec des pays “communistes” mais non-russes.
De plus, Wallace s'il est avec de “bon” communiste, c'est-à-dire avec des communistes qui sont de braves patriotes américains, chinois ou autres, est contre les “factions” (selon ses propres termes).
C'est-à-dire qu'il est prêt à faire admettre par les communistes américains eux-mêmes, l'épuration des membres du Guépéou ou de l'espionnage russe aux États-Unis. En faisant la distinction entre “communistes américains” et “faction”, il admet la répression entre les éléments de la police secrète et de l'espionnage russe.
De plus, il fait un rapprochement entre les “nazis-trotskistes” et les espions allemands pendant la dernière guerre (p.97 à 100 et p.92) qui permettrait, en cas de développement d'un mouvement ouvrier révolutionnaire aux États-Unis pendant la prochaine guerre, d'arrêter tout simplement les militants révolutionnaires, comme cela s’est pratiqué de tous temps comme des "espions de l'étranger".
Enfin il est utile de souligner quel prestige "démocratique" acquiert les États-Unis dans le monde en laissant librement faire campagne électorale pour la présidence, un parti publiquement accusé de recevoir “l'or du kremlin”, alors que partout ailleurs en lutte contre les "communistes" autrement qu'avec des phrases (il est vrai avec l’or américain).
Philippe
[1] (x) Les points1) et 3) ont été repris par Truman dans sa campagne électorale.
[2] (X) voir la citation et note de la page
[3] (x) Une importante bibliographie sur le New-Deal est noté dans nouveau courant de la théorie économique aux États-Unis de G. Pirou T. IV. P.169
[4] (xx) Dans la conclusion de son ouvrage (cité X) G. Pirou Écris notamment :
Tout cela suffira, à la lumière de ce qui est dit dans ces pages, pour montrer sa véritable nature de classe, plus ample développement de ces points nous étant interdit ici.
[5] (x) Voir "Monde" des 26-27 septembre et 3-4 octobre. 1948 p.5 : "bataille de l'acier aux États-Unis)
[6] (X) Voir “l'évolution de la théorie économique aux États-Unis” de Gaëtan Piron.
[7] (Xx) Voir la “Revue Internationale” numéro 10 l'article de Pierre Bessaignet “la conception américaine du plan”.
“International digest” le défenseur des conseils ouvriers paraît à Melbourne. Il semble publier non par un groupe politique constitué comme tel mais par des militants marxistes isolés, et défendant un point de vue de classe ouvrier. Je me propose de donner ci-dessus un cours aperçu de leurs perspectives et positions politiques. Fatalement incomplet, cet exposé risque peut-être de déformer la pensée de ces camarades. Ils voudront bien en ce cas m’adresser toutes rectifications utiles. Le manque d’études théoriques de fond m’oblige à condenser en matière d’introduction, les vues exprimées par le camarade “Ajax” à propos de “Nationalisation et Socialisme”.
Après avoir rappelé que la propriété n’est un caractère distinctif, exclusif, du capitalisme, “Ajax” examine l’évolution de ce dernier système. C’est la nécessité de concentrer et centraliser les entreprises afin d’élargir sans cesse la production qui a contraint le capitalisme à passer du stade concurrentiel à celui des monopoles. Mais aujourd’hui, bien des industries sont devenues trop gigantesques, leur administration trop complexe, pour que les monopoleurs trouvent encore profit à leur gestion. Les recherches dans le domaine scientifique, par exemple, qui ne sont pas immédiatement productives de capital, ne le sont qu’indirectement, nécessitent de gros investissements financiers et les capitalistes, en tant que classe, sont contraints d’unir leurs ressources. D’autres industries comme l’extraction du charbon, deviennent de moins en moins rentables, un fardeau de plus en plus lourd à leurs propriétaires. La classe capitaliste ayant besoin de charbon et les propriétaires de mines ne pouvant vendre à perte, l’ensemble des capitalistes doit prendre en charge, par l’intermédiaire de l’Etat, l’industrie du charbon. Dans toutes les branches d’industrie, concentration et centralisation accrue du capital conduisent à l’ingérence étatique dans le régime de la propriété privée, puis au régime de la propriété d’Etat ; c’est-à-dire politiquement au totalitarisme.
A grand traits schématiques, Ajax examine l’Italie et l’Allemagne fascistes dont il assimile le régime au totalitarisme. De ce totalitarisme, de l’un de ses aspects, en Russie, il dit "En Russie, où les propriétaires capitalistes furent expropriés et où les ouvriers avaient le contrôle de la production, ce qui eut des conséquences que je ne me propose pas d’examiner ici, l’Etat sous la forme du Parti des bureaucrates staliniens était à même de s’emparer de la propriété et de prendre la place de la vieille classe capitaliste détruite ou exilée. En raison de leurs importants revenus, ces bureaucrates, associés à l’intelligentsia, aux écrivains, aux acteurs, aux ballerines etc… accroissaient leur fortune. Ils purent ainsi procéder à des investissements dans l’industrie, non par l’achat direct d’actions et en mettant leur nom sur la porte des entreprises, mais en se procurant des bons d’Etat, francs d’impôts, et portant intérêts de 8 à 12%. Ces bons sont l’équivalent des actions ou obligations émises par les vieilles compagnies capitalistes". L’exploitation du travail humain se perpétue donc sous le contrôle des ouvriers sur l’ensemble des nationalisations. Seule la propriété et le contrôle des ouvriers sur l’ensemble de la production sera, dans la période transitoire de Dictature du prolétariat, un pas fait vers l’avènement du socialisme.
Dans ce même numéro d’octobre 1946, J. A. Dawson, éditeur du journal reprend la discussion. Pour lui, nazisme et stalinisme sont à première vue semblables. Mais ce n’est là qu’une apparence, fondée d’ailleurs sur d’indéniables points d’identité. Les nazis, dit-il, n’était pas une classe mais une organisation de bandits à la solde des junkers. Le pouvoir que la faillite des sociaux-démocrates leur avait abandonné, les nazis l’aurait exercé seuls à leur profit. Mais insuffisants à la tâche, "les nazis n’étaient pas des génies militaires" capable de mener à bien leur tentative de dominer le monde, ils furent contraints de demeurer sous la coupe du vieil appareil militaire de junkers au sens de Dawson, le seul caractère du nazisme fut d’être une "conspiration de brigands".
Quant au stalinisme, sa nature est différente. "Ni Lénine, ni Staline en effet, ne furent des racketteurs s’essayant à promouvoir leur propre système d’exploitation de l’Homme. Ils furent essentiellement des bâtisseurs révolutionnaires". Mais la nécessité pour eux, face à un monde hostile, de prendre en mains le pouvoir, les oblige à faire du Parti communiste la source du recrutement en personnel bureaucratique. Le capitalisme d’Etat russe est en plein épanouissement, malgré les ravages causés par la dernière guerre. La Russie EST PRETE sans que U.S.A. et G.B.I. puissent rattraper. Malgré leur bombe, les Etats-Unis, ont peur de la Russie et l’ombre d’un nouveau Munich pourrait bien encore profiter à l’horizon. Quant à une analyse approfondie marxiste du capitalisme d’Etat russe dès sa signification précise pour le mouvement ouvrier, Dawson paraît renoncer à la faire autrement que par des essais à propos "du grand projet russe d’empoigner à la gorge dépasser le capitalisme.
Le défenseur des conseils ouvriers publie de nombreux articles concernant la situation internationale ou en Australie. Le numéro de mai-juin 1948 indique par exemple que même aux USA la tendance est au capitalisme d'État. Cependant, l'analyse en reste assez formule toute faite qu'une discussion théorique étendue à l'échelle internationale, permettrait seul de dépasser. Ceci dit, il n'en reste pas moins que le défenseur des conseils ouvriers suit une ligne de pensée correcte et saine. Il ne donne pas dans ce panneau de l'antifascisme, en tant qu'idéologie impérialiste, qui fait pleurer les trotskistes et bien d'autres, sur les cadavres des entartes de Márkos[1], ou ouvrier de l'étendard progressiste ceux des tueurs “Juifs” de Galilée.
Le défenseur des conseils ouvriers publie de nombreux articles concernant la situation internationale ou en Australie. Le numéro de mai-juin 1948 indique par exemple que même aux USA la tendance est au capitalisme d'État. Cependant, l'analyse en reste assez formule toute faite qu'une discussion théorique étendue à l'échelle internationale, permettrait seul de dépasser. Ceci dit, il n'en reste pas moins que le défenseur des conseils ouvriers suit une ligne de pensée correcte et saine. Il ne donne pas dans ce panneau de l'antifascisme, en tant qu'idéologie impérialiste, qui fait pleurer les trotskistes et bien d'autres, sur les cadavres des entartes de Márkos, ou ouvrier de l'étendard progressiste ceux des tueurs “Juifs” de Galilée
Les appréciations brièvement esquisser ci-dessus prendront leur plein sens à la lecture des “5 thèses marxistes” parues en mai 47 dans le défenseur des conseils ouvriers. Ces thèses ont été rédigées par Anton Pannekoek. L’un des membres les plus représentatifs et au nom des communistes de conseil en Hollande. Anton Pannekoek milite depuis longtemps dans le mouvement ouvrier. Exclu de la social-démocratie hollandaise, il fonda en 1909 le journal De Tribunes. Sa polémique de 1912 avec Kautsky à propos du rôle de la révolution prolétarienne vis-à-vis de l'État est restée justement fameuse ; Lénine, rappelons-le, en fait mention dans son ouvrage sur “L'État et la révolution. Vers cette époque Pannekoek pris position contre Rosa Luxemburg à propos de la théorie formulée par elle de l'accumulation du capital ; il conclut pour sa part à l'inexistence. Il adhéra quelque temps à la Troisième Internationale, sans renoncer à ses positions antérieures, ce qui lui valut la légiste argumentation que l'on soit dans la maladie infantile du communisme. Il a publié un ouvrage sur la philosophie de Lénine dont une traduction en français a paru ici même, et le défenseur des conseils ouvriers publics publia de lui actuellement un ouvrage sur les conseils ouvriers. Ces quelques rappels biographiques afin de mieux situer Anton Pannekoek et le courant communisme de conseil donc il est l'un des porte-parole autorisés. Voici, quant à l'essentiel, la traduction de ces thèses :
I - Depuis un siècle en croissance, le capitalisme a considérablement accru son pouvoir, non seulement en s’élargissant à la terre entière, mais encore par son développement au travers de formes nouvelles… Le développement du capitalisme conduit à la concentration du pouvoir sur les branches principales de la production dans les mains des grands trusts monopoleurs. Ils sont en étroit contact avec le pouvoir d'État et le dominent… Dans le même temps, se fait jour dans la plupart des pays, une tendance montante à utiliser le pouvoir organisé de l'État aux fins de concentrer en ses mains la direction des industries-clés, début de l’économie planifiée.
II - Le socialisme qui passe pour le but du combat ouvrier, c’est l’organnisation de la production par le gouvernement. Il signifie le socialisme d’état. La direction de la production par des fonctionnaires d’état… Le socialisme fut proclamé le but de la classe quand, à son premier éveil, elle se trouvait sans pouvoir, incapable de conquérir Par elle-même la direction des entreprises et recherchons la protection de l'État contre la classe capitaliste au moyen de réforme sociale (sociale démocratie, les bords partis)... par l'abolition d'ignominie criante en comblant des retards du capitalisme, en introduisant une direction étatique préservant sous garantie de l'État et profits capitaliste, il ou rayonne (le gouvernement travailliste de Grande-Bretagne) renforce la domination capitaliste et perpétue l'exploitation des travailleurs.
III - Le but de la classe ouvrière c'est la libération de son exploitation. Ce but n'est pas atteint et ne saurait être atteint par une nouvelle classe dirigeante se substituant à la bourgeoisie. il ne peut être réalisé que par les travailleurs mettre eux-mêmes de la production. Les conseils ouvriers sont le moyen de cette réalisation (nous reviendrons sur cette question en temps utile c'est-à-dire après la complète parution de l'ouvrage de Pannekoek)
IV - Dans la période actuelle les partis politiques ont deux fonctions : a) Ils aspire au pouvoir politique, à la domination de l'État afin d'en prendre la direction dans leur propre main et d'user de ce pouvoir afin de mettre en pratique leur programme;
b) Ils doivent à cette fin amener les masses travailleuses à leur programme : soit en la clarifiant par des explications adéquates, soit en essayant tout simplement de faire de ces mêmes masses et au moyen de leur propagande un troupeau de suiveurs. Un parti politique ne peut pas apporter la liberté ; mais, vainqueur il amènera seulement de nouvelles formes d’asservissement. Les travailleurs ne peuvent conquérir leur liberté que par leur propre action organisée, en prenant leur sort dans leurs propres mains, y vouant l'exercice de toutes leurs facultés, et en dirigeant et organisant leur combat et leur travail et même au moyen de leurs conseils.
Au parti incombe alors leur deuxième fonction qui est de propager la connaissance et le savoir, d'étudier, discuter et formuler les idées sociales et d'éduquer par leur propagande la pensée des masses. Les conseils d'ouvriers sont l'organe de l'action pratique et du combat de la classe ouvrière, au parti revient la tâche d'en construire le pouvoir intellectuel. Leurs travaux forment une part indispensable dans l'auto-émancipation de la classe ouvrière.
V - La forme la plus puissante du combat contre la classe capitaliste, c'est la grève. Les grèves sont toujours nécessaires contre la tendance des capitalistes à accroître leur profit en abaissant les salaires et d'accroître les heures ou l'intensité du travail. Les syndicats sont devenus un instrument de médiation entre capitaliste et ouvrier. Leurs dirigeants aspirent à se faire connaître une part dans l'appareil de direction du capital et de l'État... Dans ces conditions, le combat de la classe ouvrière prend la forme de grève sauvage. Ces grèves sont spontanées, massives, brisant tous les cadres. Elles sont des actions directes dans lesquelles les travailleurs prennent entièrement le combat en main, abandonnant et syndicats et leurs dirigeants. L'organisation du combat est faite par les comités de grève, par les délégués des grévistes et choisis par eux... Les grèves sauvages représentent aujourd'hui la seule et véritable lutte de classe des ouvriers contre le capital.
Dès 1912, beaucoup d'une controverse avec Pannekoek, Gustave Eckstein souligné dans un article et “NEUE ZEIT” l’étroite parenté, existant entre les conceptions politiques de l’anarcho-syndicalisme ET celle du penseur marxiste de Hollande. Tout autant que du marxisme les “cinq thèses” ne pourraient-elles pas se réclamer de l'anarchisme ? à ce dernier propos Pannekoek (le défenseur... mai 1948) écrit : la notion de la liberté à son origine dans la conviction des classes moyennes à l'intérieur du capitalisme naissant. La liberté du commerce ou d'entreprises ne peut suffire à la classe ouvrière : le problème à résoudre par les travailleurs, leur but, et de combiner la liberté et l'organisation... La liberté, en tant que contenu principal de l'enseignement anarchiste, peut éveiller aujourd'hui de fortes sympathies ; mais c'est là une part seulement et pas même fondamentale, de l'objectif suprême de la classe ouvrière qui est sa détermination par elle-même au moyen de son organisation en conseils. Dans la période présente, il semble, à l'intérieur de l'anarchisme, voir se dessiner un certain rapprochement vers l'idée de conseil ouvrier... Mais la vieille doctrine anarchiste est trop étroite pour la lutte de classe prolétarienne d'aujourd'hui.
Ces réserves faites, et elles sont de taille, le défenseur des conseils ouvriers affirme la nécessité d'une unité de classe ouvrière dans la pratique, “nous avons”, dit-il “ce même objectif qui est de renverser révolutionnairement la notion de propriété en tant que base de la société…” Le défenseur... accorde d’ailleurs un large écho à la vieille centrale anarcho-syndicaliste, les ouvriers industriels du monde (IWW). Les mots dehors essentiels de cette organisation sont, à bien peu près, ceux qu'elle mettait en avant il y a 25 ans : la journée de 4h, (afin, paraît-il, de lutter contre le chômage) ; l'abolition de la condition salariée, un nouvel ordre social basé sur l'administration scientifique de l'industrie ; l'on sait que les anarcho-syndicalistes préconisent la “grève générale mondiale”. Les ouvriers d'un pays poussés, soit par leur propre résolution, soit par une crise déclencheront une grève générale qui sera le début de la révolution. Avec le concours des syndicats et des Conseils d’Ouvriers, indépendamment de tous les partis politiques (y compris le mouvement anarchiste) les ouvriers procéderont sans tarder à l’expropriation des capitalistes et en feront une propriété sociale. Ces vues sont donc, dans leurs lignes générales, communes aux théoriciens de l'anarcho-syndicalisme et du communisme de conseils. Notons cependant que les IWW ont, comme tout anarchiste qui se respecte, une prédilection pour la mythologie naïve “des grands jours qui viennent” ; mythologie, que la méthode marxiste du défenseur des Conseils Ouvriers l'empêche souvent de partager.
Devant l’approche d’une guerre mondiale, le Défenseur ne se veut pas neutre. Mais force alors est de remarquer un certain recours à la susdit mythologie. Aux ouvriers le Défenseur (juin-47) recommande : “d’obliger le Labor-Party (depuis longtemps au pouvoir en Australie) à servir la classe ouvrière ; d’adresser par là un message de classe aux ouvriers de Russie leur demandant d’agir dans ce même sens ; de s’opposer à la 3ème et plus destructive des guerres mondiales. C’est là, nourrir les plus funestes illusions sur la force réelle du mouvement ouvrier d’aujourd’hui. À juste titre cependant, le Défenseur dénonce “l’agitation menée autour du Contrôle ouvrier sur les entreprises d’état” et affirme qu’il tient un tel contrôle “pour une extrême impossibilité”. Le Défenseur des Conseils Ouvriers a de plus, et souventes fois, dénoncé la politique antagoniste du Labour-Party et de staliniens comme une phase de lutte contre les USA et la Russie pour le gouvernement mondial. Affirmer en conséquence, à propos [ainsi] d'une grève de cheminot dans le Queensland, que “les travailleurs doivent prendre en charge leur propre combat”. Cela est juste et clairement pensé, mais n'est-ce pas précisément l'un des rôles de classe du Labour-party, du stalinisme, du syndicalisme, mondiaux que d'empêcher cette prise en charge du combat ouvrier dans les travailleurs eux-mêmes ? Et ce combat ouvrier ne devient-il pas pour le Labor-party australien un moyen dans sa lutte pour empêcher leur direction de l'exploitation du travail aux formes périmées du capitalisme ? Le futur de la Révolution prolétarienne ne peut passer par des grèves, affectant même et le cas échéant des aspects “sauvages”, mais qui à l'étape actuelle de la lutte de classe sont rapidement accaparé par l'un ou l'autre des courants prétendument ouvriers, expressions politiques du capitalisme d'État. Ce futur est directement lié à la prise de conscience du prolétariat par lui-même, en tant que luttant pour son émancipation de l'exploitation capitaliste et pour une humanité humaine enfin (Pour plus d'ampleur discussions à ce sujet, on voudra bien se reporter au rapport sur la nature et la fonction du parti politique du prolétariat, publié dans le dernier numéro).
Le journal révolutionnaire de Melbourne n'est pas seulement le défenseur de l'idée des conseils ouvriers, c'est aussi un “international Digest”. Cette chronique est tenue par K. J. Kennafock. Avec une rare honnêteté intellectuelle, ce camarade rend compte périodiquement de diverses publications révolutionnaires -se donnant pour telles- d'Europe et d'Amérique. Parmi les publications de langue française, Kennafock reçoit et a ainsi analysé ou traduit les articles parus dans ”Le Libertaire” et “la Révolution Prolétarienne ; dans “l'internationaliste” organe de la fraction belge de la Gauche Communiste. Notre bulletin a, par lui, été édité à plusieurs reprises, en particulier dans le numéro de juillet-août 1948 dernier, en tête de ceux que j'ai sous les yeux.
Ce même numéro contient en outre d'intéressantes notes sur des questions d'actualité et du militarisme, notes rédigées par J. A. Dawson. On y retournera aussi une interprétation de la Commune, œuvre de Lain Diez de Santiago du Chili. Cette interprétation est traduite et précédée d'une lettre de Karl Korsch. Ce dernier pense qu'on décrit d’évidentes insuffisances, cet article approche certaines questions importantes. Et cela de manière qui pourrait bien intéresser des gens qui ne sont pas encore affranchis de la légende de Marx-Lénine-Trotsky... c'est l'occasion peut-être de rappeler qui fut et est Karl Korsch, il en vaut, je crois, la peine. Après avoir été membre oppositionnel de la Fabian Society anglaise (groupe socialiste d'études théoriques) puis pendant la Première Guerre mondiale du parti social-démocrate indépendant d'Allemagne, Korsch adhéra à ce qu'il appelle aujourd'hui le parti de Lénine (sa section allemande). Il s'y situe très à gauche ce qui lui valut en 1933 et avec Maslov et Ruth Fischer notamment, de remplacer à la direction du parti l'aile de Thalheimer et Brandler. Il préconisait alors l'abandon des syndicats, l'action directe, combattait le front unique avec la sociale démocratie pourrissante, s'opposait aux injonctions catégoriques du C.E. de la Troisième Internationale : cela durera peu, bien sûr et Korsch, désormais classé “ultra-gauche”, retourne à l'opposition. Il fût compris dans la charrette d'exclusion de 1936. Depuis cette date, Korsch a défendu ses points de vue dans différentes revues. Il estimait, et estime apparemment encore que le marxisme s'était, en Russie, transformé d'expression théorique du mouvement prolétarien et révolutionnaire, en idéologie prétendument socialiste d'une classe exploiteuse capitaliste ; selon lui cette transformation était sensible en Russie dès avant Lénine. Actuellement dit-il il prépare des études où sont retracés les résultats finaux de “l'ère marxiste” du mouvement ouvrier. Cette période est par lui divisée en deux :
a) avant, pendant, et après 1848
b) pendant la période de l’AIT.
Pendant cette dernière, écrivait Korsch, il y a plus de 15 ans, “Marx accordait à l'action économique syndicale et autres expressions des intérêts immédiats et spécifiques de la classe ouvrière, une importance beaucoup plus grande que dans les périodes précédentes”. Mais revenons à Lain Diez, à son interprétation de la commune dont ci-dessous le compte-rendu analytique.
Lain Diez rappelle que des ruines de 1871 émerge un mythe nourricier de l’optimisme révolutionnaire pendant trois quarts de siècle. Puis affirme que rien de tel n’est issu de la deuxième guerre mondiale. Ayant ainsi légitimé son propos : reconnaître au travers des interprétations classiques la figure de la Commune, il entre dans le vif du sujet.
La première Internationale était divisée en deux camps : celui de Marx et celui de Bakounine. L’un et l’autre embrassèrent la cause de la Commune, reconnurent l’importance de ce mouvement. Bakounine voyait dans la Commune un mouvement s’orientant vers ses propres conceptions d’anarchistes fédéralistes. “Je m’en déclare, dit-il, car, plus que tout elle fut de l’Etat une négation et exhaustive”, et salue en elle l’embryon d’un système fédéraliste, il ajoutait que “l’ordre social futur ne sera établi… qu’au travers de la libre association et fédération des ouvriers ; d’abord en associations, puis en communauté, en districts, en nations, puis enfin dans une fédération internationale et universelle”. On reconnaîtra là, l’idéal de Proudhon. Mais Bakounine la complétait en fonction du développement révolutionnaire. Il assurait que la logique des événements obligeait les leaders démocrates et jacobins à s’adapter au programme de la minorité socialiste, et les convertissait inconsciemment en socialistes. Pour Kropotkine “la révolution de 1871… jaillit spontanément des masses, et c’est dans les grandes masses du peuple qu’elle trouvait ses défenseurs, ses héros, ses martyrs… L’indépendance communale fut seulement un moyen pour le peuple de Paris, la révolution sociale était son but.
Les anarchistes furent très surpris et ne comprirent pas que Marx défendit la Commune, la dépeignant comme une révolution prolétarienne et sociale. A leur sens, la Commune signifiait la négation des positions de Marx et Bakounine alla jusqu’à l’excuser de profiter de l’enthousiasme que les combats parisiens avaient suscité dans le prolétariat. Et James Guillaume, odieux et chauvin calomniateur de Marx, écrivit : “La Commune, ce fut une protestation de l’idée fédéraliste n’ayant rien de commun avec l’Etat socialiste ou “Volkstaat”” que les sociaux-démocrates marxistes ont inscrit sur leur bannières”. Erreur singulière pour le moins, puisque le programme des sociaux-démocrates n’était pas marxiste. Et que celui adopté au congrès de Gotha fut sévèrement critiqué par Marx. Et Lain Diez, de citer cette critique du programme de Gotha en ce qu’elle exprime d’une opposition irréductible aux interventions de l’Etat, cela en quelque domaine que ce soit.
Dans l’autre camp, Engels lui aussi, fit preuve d’une étrange incompréhension de la position anarchiste. Selon lui en effet, “proudhonien et blanquiste” firent l’opposé de ce que décrivaient les doctrines de leurs écoles.
La singulière mauvaise foi avec laquelle les uns et les autres confrontaient les actes de leurs adversaires avec ses théories, provient d’une fausse estimation dans l’importance des doctrines d’une part et de la pratique révolutionnaire d’autre part. C’est devenu une habitude que le répéter avec Trotsky : “C'est le programme qui fait le parti et non l'inverse”. Ainsi on accorde à la théorie la lutte spontanée. C'est ainsi que Lénine peut affirmer que “ la classe ouvrière, abandonnée elle-même, ne peut pas dépasser le niveau trade-unioniste en d'autres termes celui du réformisme pur et simple”. À cela, Rosa Luxembourg répondit par sa théorie des mouvements spontanés de la classe ouvrière comme condition fondamentale du succès du combat révolutionnaire.
Diez citant ensuite des extraits d'un article de Kautsky, par Lénine cité dans ”que faire” (édition sociale, Paris 1947, page 41) et prétend que cette identité de vue, sur ce point précis, à plus d'importance que les différences de “second ordre” à propos de la plus ou moins grande proportion de démocratie ou de dictature prolétarienne, de la plus ou moins grande dose de terrorisme qui constitue le pivot de la polémique de Lénine et Trotsky contre Kautsky et qui, à l'entendre ne sert qu'à masquer le véritable problème. Le secret d'une théorie poursuit Diez, après on s'en être référé à Pannekoek, est dans sa capacité d'interpréter et d'exprimer la lutte d'une classe pour son émancipation. C’est le motif pour lequel Max a adopté son communisme idéal au communisme réel qui tentait de s'affirmer dans le pari de 1871, et ne représentait qu’un certain stade du développement du prolétariat français, développement à l'origine duquel se trouve les sections de la commune de 1791 à 1793.
Lénine soutenait lui, une conception dualiste selon laquelle le mouvement ouvrier et son idéologie coexistaient et évoluaient parallèlement. Ce dualisme dérivait d’une part de sa conception pessimiste de la capacité créatrice du prolétariat, et d’autre part de sa conception autoritaire et ultra-centraliste de l’organisation. De cette dernière conception Trotsky pouvait écrire : “Les cadres du parti se substituent au parti, le comité central aux cadres et le dictateur au comité central”. L’évolution de “l'État ouvrier” a reproduit ces schémas de Trotsky, la nouvelle forme de gouvernement n’étant rien de plus que le parti transformé en État. Il est vrai que les circonstances historiques ont joué un rôle dans cette dégénérescence conduisant à un régime de capitalisme d’état dictatorial. Ces circonstances (l’isolement et l’état arriéré de la Russie) ne sont malgré tout que des facteurs conditionnels qui peuvent retarder, accélérer, ou dévier un mouvement d’une certaine (?). En fin de compte, le facteur décisif reste celui de la volonté du parti qui assure la responsabilité historique du mouvement. Opposer la saine théorie du bolchévisme “avant” le coup d’Octobre à la pratique despotique “d’après”, avec son élimination du soviétisme comme facteur politique déterminant, revient à tomber dans une nouvelle mystification sociale, laquelle est une formidable entrave aux efforts de la classe ouvrière.
Trotsky a concentré son attention non sur les principes révolutionnaires mais sur des facteurs de conditionnement du développement de l’U.R.S.S. les détails de la structure économique, d’un mot, sur la forme et non sur l’essence. Pour cette dissociation de la forme et de l’essence, par son idéalisation du parti bolchévique Trotsky est un remarquable exemple du complexe de “l’avant” et de “l’après”. Malgré de profondes divergences avec Lénine, il se pose la question d’adhérer au bolchévisme comme une question de vie ou de mort politique. Par “réalisme” il devint un grand agitateur, mais là se trouve le secret de son impuissance futur. Diez de rappeler une maxime de Goethe : ”un premier pas nous laisse libre, un second fait de nous des esclaves”.
La Commune de Paris est devenue le thème favori de tous ceux qui étudient le passé en fonction de leurs préoccupations présentes. C’est ainsi que Lénine et Trotsky, attachés aux normes de l’éducation marxiste, y ont consacré de nombreuses pages. Mais ils l’ont fait dans l’intention d’exalter la Révolution russe victorieuse en lui opposant les faiblesses de la Commune. Ils n’ont fait que projeter les problèmes qu’ils avaient eux-mêmes à affronter dans le cadre du Paris de 1871. Trotsky, en particulier, trouve dans le manque d’un solide terrorisme l’une des principales causes de la défaite du prolétariat parisien (Lain Diez falsifie là, dans l’intérêt de sa démonstration, la pensée de Trotsky).
L'appréciation portée sur la commune, par les fondateurs du socialisme scientifique, pose naturellement le problème de l'évolution de la révolution espagnole. Les socialistes se réclament du mouvement des conseils ouvriers, et qui représente aujourd'hui la plus authentique forme de la pensée marxiste, avec certes raison de sympathiser avec elle, de l'admirer. à côté d'erreurs politiques, il est incontestable que la collectivisation appliquée par la FAI et la CNT dans l'Espagne de 1937, sont bien plus dans la tradition de la commune de la pratique bolchevique n'a socialiste autoritaire et centralisée. C’est pratique qui n'a réussi qu'à créer un terrain convenable à la dégénérescence bureaucratique la défaite finale provoquée par la trahison des pouvoirs démocratique (gouvernementale) pendant 2 ans et face à un ennemi supérieurement armé.
La révolution espagnole fut une victoire socialiste qui change en défaite militaires, au contraire de la révolution russe victoire militaire qui change en défaite socialiste. Pourtant le leg de la Révolution catalane est positif. Elle a démontré la supériorité de l'initiative ouvrière, de son organisation de classe, dans la résolution du problème de production et de distribution communiste. Et Diez de paraphraser, au profit de la commune de Catalogne disait : “vous voulez savoir ce que signifie la dictature du prolétariat ? voyez donc la Commune de Paris c'est cela la dictature du prolétariat…”.
L’essai “d'interprétation de la commune” de Lain Diez méritent les plus sévères appréciations. Bien plus que Lénine et Trotsky qui eux étaient des hommes dans l'Histoire, des partisans, Lain Diez a projeté les conceptions de l'anarchisme défaillant sur la Commune de Paris est sur la Révolution d'Octobre. Il l'a fait non seulement avec d’évidentes insuffisances, comme dit Karl Korsch, mais enfermé dans des bouquins, loin, très loin, de l'histoire réelle du mouvement révolutionnaire. Chacune, ou presque, de ses assertions appellent une mise au point critique. Lain Diez, cependant, à cette qualité d'exprimer, au moins jusqu'à nouvel informé, la pensée du Défenseur des conseils ouvriers sur le grand nombre de problèmes complexes, parfois à débattre encore, soulever par l'interprétation de l'insurrection parisienne de 1871, sur le mouvement révolutionnaire ultérieur, qui, en toute manière, en a porté la marque. A ce titre elle méritait sa place de cet aperçu de la pensée révolutionnaire en Australie. Discuter à fond celle de Diez n'était pas mon propos.
Cousin
[1] Fait référence probablement à un événement grecque dans les années 40 avec le général Márkos Vafiádis.
Le camarade Marc a donné dans le numéro précédent du Bulletin une interprétation du cas de la Revue Internationale que je ne pense pas satisfaisante. Et ce faisant, il a éclipsé un aspect des mouvements de la gauche bourgeoise qui, dans ses limites naturellement, a quand même une certaine importance pour les courants révolutionnaires.
L’analyse du camarade Marc tenait en 2 points :
1°- La R.I. était une tentative provenant d’intellectuels isolés “à présentation marxiste venant en majeure partie du trotskysme et souffrant du mal de devenir des théoriciens du prolétariat”.
2*°- Elle est morte un beau jour (c’était fatal) l’essentiel de ses forces s’étant divisé en deux groupes que nous “trouvons” respectivement aujourd’hui dans le PSU et le RDR, apportant la preuve que “la théorie révolutionnaire du prolétariat exige pour son élaboration un milieu révolutionnaire, un groupe, une revue révolutionnaire”.
Cet argument repose sur des faits inexacts et il masque la vraie question : la R.I. fut menée par d’authentiques militants politiques, liés à l’Opposition de gauche puis au trotskysme bien longtemps avant la guerre et qui loin de rejoindre le PSU et le (...) rappelant du même coup au contrôle de “libération” et de “Franc-tireur”, c’est-à-dire dans ce dernier cas du journal ayant en France le plus fort tirage comme quotidien : Nous sommes donc assez loin de la version présentée.
L’amateurisme velléitaire d’intellectuels auquel le camarade Marc fait allusion pour son explication et donc hors de question. Je crains qu’avec cette formule le camarade ne reproduise là, un vieux stéréotype sur les “intellectuels” introduit depuis la Troisième Internationale et sa dégénérescence, et qui permet d'expliquer tous les malheurs comme en d'autres circonstances celui sur les “petits-bourgeois”.
En fait, la valeur du cas de la R.I. est celui-ci. Il s'agit, comme j'ai dit, de cadres de cadres trotskistes organiques et responsables, de l’avant-guerre et bien connus comme tels, qui tout à fait consciemment trouvèrent dans la Revue un tremplin pour leur évolution actuelle. La période où elle fut publiée (1945-1947) est une période de regroupement, une transition entre la fin de la deuxième guerre mondiale et la scission de deux blocs en vue de la troisième. C'est en même temps, avec les nationalisations européennes, la période de condensation du capitalisme d'État sur l'ancien continent. Dans ce cadre la Quatrième Internationale passe, dans une logique inscrite dès son origine, de la situation de courant opportuniste certes, mais néanmoins liés pour une part à la Révolution (le trotskysme a été à une époque un courant révolutionnaire) à celle de partie intégrante de l'ordre capitaliste. Staliniste de gauche par essence, le trotskysme, il y a 10 ans, faisait, sur cette position, figure d'avant-garde quand pour nous tous, l'URSS était “État ouvrier dégénéré”, alors qu'aujourd'hui resté toujours staliniste de gauche -il se révèle courant contre-révolutionnaire par rapport à une Russie reconnue pour capitaliste d'État. Cela correspond à deux étapes de l'évolution sociale, de la lutte des classes et de la conscience politique, mais on ne peut faire marcher l’histoire en arrière même pour l'interpréter.
En conséquence, cette période ouverte avec la guerre, voit une bureaucratie trotskiste se dégager dans le cadre du capitalisme d'État. Elle s'intègre en même temps à la bureaucratie politique du régime. L’aventure de la R.I. est un des aspects de l’intégration organique de la quatrième Internationale à la bureaucratie. Que sont Naville, Rousset, Rosenthal, etc… ? des bureaucrates trotskystes authentiques et diplômés qui trouvent leur voie et leur ascension (qui est réel par rapport au cadre bourgeois) en rompant avec le cadre de la Quatrième Internationale et formant une “droite” qui retourne pour paraphraser un langage freudien à son placenta politique. Ces bureaucrates restent collés soit au socialisme, soit au stalinisme de gauche tels qu’ils se présentent aujourd’hui, c’est-à-dire à des courants dont, sur une tout autre base jadis, naquit fonctionnellement le trotskysme. Mais à la suite de cela certains d’entre eux [le] sont, par une réputation récente, sur l’avant-scène de la vie bourgeoise. On dira : c’est secondaire par rapport au gaullisme, au stalinisme et au reste. Oui. Mais encore cela mérite-t-il d’être expliqué, et de l’être correctement.
Les incohérences et confusions théoriques de la R.I. pendant toute sa parution, loin de tenir à des incartades de plaisantins, étaient donc d’une absolue nécessité et correspondaient aux besoins spécifiques d’un courant de la bureaucratie capitaliste. C’était, si l’on peut dire une confusion “confusionniste” (agissante) par opposition à une confusion en soi. L’affaire des “intellectuels” n’a donc rien à voir là-dedans. Justement si cela avait été le cas, d’une part la fin aurait été tout autre, et de l’autre, au contraire de ce qu’avance le camarade Marc, il aurait peut-être existé une possibilité pour que l’expérience conduise les hommes qui la menait à la révolution. Des intellectuels à tendance révolutionnaire par opposition à des bureaucrates trottes plus sans doute poser des problèmes, soulever des questions, examiner toute chose sans mettre de frein ni à leur horizon ni à leur pensée. Une honnêteté délibérée d'examen aurait amené les noyaux révolutionnaires à prendre à leur tour une part à leur effort, sans doute pas par la contribution directe, bien entendu, mais par la critique. Mais la critique n'est-elle pas la seule forme possible de la construction ? des intellectuels véritables eussent immédiatement réagi, accepter le débat, ouvert leur colonne à l'expression libre. Ils ont évolué, au moins un certain nombre d'entre eux la prise de la R.I. ce serait alors produite et liquidée en clair, et ainsi eu sensibiliser ce qui suivaient la revue sur des problèmes touchant effectivement la révolution. La mort de la R.I. eut signifié un progrès, alors que comme elle s'est produite, elle a exprimé un recul.
Pourquoi cette possibilité ? parce que les intellectuels sortis de l'ornière des préoccupations de bureaucrates en voie de réorientation eussent pris les problèmes par le fond. J’entends sous leur angle le plus général, le plus philosophique. La Revue masquait son maquignonnage bureaucratique sous le couvert d'une préoccupation “culturelle”. Fort bien. Dans l'éventualité que nous examinons cela eut été authentique. Alors au lieu du scientisme, du mécanisme, du matérialisme, de la superstition statistique et apologétique de la R.I. on aurait pu connaître une vraie remise en question des connaissances à leur niveau actuel, une orientation située en fonction du doute méthodique. Contrairement à ce que croient ceux pour qui le combat du prolétariat se limite à l'usine, la révolution, évènement qui s'applique à la société dans son ensemble, passe aussi par là. Cela ne veut pas dire qu'une telle entreprise aurait eu, en soit, une portée révolutionnaire. Non, évidemment. Mais cela pouvait permettre à ses intellectuels de gagner petit à petit le courant et peut-être de l'alimenter ensuite et qui ne se pavanaient pas dans l'appareil des partis bourgeois-libéraux dominant la politique de la période précédente, celle où le capitalisme d'État commence à cristalliser, c'est-à-dire que la pensée s'administre aujourd'hui comme hier les P.T.T. ou le parti radical socialiste ce qui consacre la décadence de la culture. C’est un aspect -grave pour nous révolutionnaires- de la décadence bourgeoise, car nous avons besoin de la culture bourgeoise pour la révolution.
Dans ces conditions, il était impossible que la revue internationale ou tout autre revue puissent être en 1945 autre chose que ce qu'elle fut : le tremplin d'une clique bureaucratique. La situation excluait qu'il exista dans la société française d’alors -c'est donc encore plus vrai aujourd'hui- des hommes suffisants en nombre et en talent pour animer une Revue qui puisse sortir du climat bureaucratique. Ce manque était le produit déterminé de la situation, son expression. Il manquait le public, qui ne fut vaste relativement autour de la R.I. (c'était la seconde Revue française de ce type après les temps modernes de Sartre) que parce qu'on lui offrit une substance qui satisfaisait son attente de bureaucratisme.
Reste la question du niveau culturel de la paix. Je crois le camarade marque à côté de la question quand il juge que cette revue Le pendant un temps, pour les problèmes généraux, “un certain niveau et un intérêt indéniable”. En vérité, sur le plan intellectuel ce fut une des meilleures réalisations pour son temps, et même pour toute une période. Voilà ce qui doit être dit d'abord. Seulement comme elle ne sut en définitive, et en dehors d'étude isolées qui présentaient un intérêt par elles-mêmes, qu’agiter le mécanisme Pavlovien, le surréalisme ménopausé et le la scolastique économico-politique, le tout assaisonné de demi-mots, allusion, de détours et de dissimulation philosophique, il reste à se demander pourquoi la Revue marqua malgré tout. C’est sans doute que les entreprises littéraires ou philosophiques de quelques niveaux qu'elles soient ont leur rapport avec l'histoire. “A chaque époque historique” a dit Marx “a besoin de grands hommes quand elle ne les a pas elle-même inventés”. “Chaque époque a aussi besoin de ses moyens d'expression culturels, Revue ou autre. Elle les invente aussi lorsqu'elle ne les a pas”.
Morel
PS : Le camarade marque indique plus loin en commentaires à cet article, que aussi valable que soit mon analyse, il n'en reste pas moins que les éléments animateurs de la R.I. étaient un groupe d'intellectuels, et qu'à ce titre il représentait une variété particulière de bureaucrates trotskystes, ce qui explique le caractère spécifique de leur évolution. Je souscris absolument. La bureaucratie trotskyste dans son ensemble n'a pas suivi les mêmes voies que la (...) la Quatrième Internationale comme telle, s’intégrant au capitalisme d’Etat par d’autres voies. Seuls des intellectuels pouvaient finir comme l’équipe de R.I.. Conçue sous cette forme, l’analyse du camarade Marc est absolument correcte.
J’indique qu'aux Etats-Unis, l’intégration des intellectuels trotskystes au capitalisme est faite depuis longtemps (elle a commencé avant la guerre). Il ne reste plus dans le mouvement, que la bureaucratie d’extraction petite-bourgeoise et ouvrière. Son intégration, qui avec le système du double-parti ne se trouve pas aisément de voie aisément politique, se fait par l’intermédiaire de la bureaucratie syndicale. C’est bien la preuve que le cas spécial de la R.I. n’a aucune portée générale. Il est spécial à un groupe français particulier.
Morel
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J'accepte volontiers les remarques faites par le camarade Morel dans son article à propos de la revue internationale, et cela d'autant plus que je ne vois pas en elle une critique mais plutôt en complément à mon analyse de ce que font les prétendait être la revue internationale.
Il est parfaitement exact que l'équipe de la Revue Internationale était dans sa grande majorité composée d'éléments politiques, vieux militant venu du trotskysme. Je l'avais, je crois, expressément mentionné dans mon premier article. Si Morel insiste plus particulièrement sur cet aspect, c'est qu'il examine l'évolution de la revue, en quelque sorte de l'intérieur, et de l'intérieur de l'évolution générale du trotskysme. Ce dernier en tant que courant suit une évolution d'intégration dans le capitalisme d'État, et cela le caractérise en entier et par conséquent cette évolution ne peut expliquer en particulier le cas de l'équipe de la revue internationale. Ceux qui caractérise cette dernière, c'est précisément savoir, presque son détachement organique du trotskisme, sa prétention, sincère ou non, mais toujours proclamé d'être un centre de la pensée et de la théorie révolutionnaire : un groupement spécifique d'intellectuels. Un tremplin pour des bureaucrates trotskystes en voie d'intégration dans le capitalisme d'État, dit Morel. Cela est possible, et même certains pour quelques-uns ou pour la majorité de la Revue Internationale. Mais Demazière, Parisot et tant d'autres bureaucrates trotskystes, n'avait eu, pas besoin de ce tremplin pour parcourir le même chemin et se faire une petite place dans le R.D.R. Le fait que la Revue Internationale était un tremplin n’explique pas encore pourquoi elle groupait et s'adressait uniquement à des éléments “intellectuels” et pourquoi elle pouvait abriter, en son sein, pendant 2 années, des tendances aussi opposées par ailleurs que les staliniens et socialistes.
c'est d'ailleurs, en le prenant sous son meilleur jour, en lui accordant les meilleures intentions du monde, sincérité et honnêteté politique que le cas de la Revue Internationale nous offre l'enseignement le plus intéressant : c'est l'impossibilité absolue de faire un travail de recherche et d'élaboration théorique révolutionnaire en dehors d'une délimitation politique préalable franche et publique, en dehors d'une orientation politique consciente, en dehors d'un lien organique avec le travail politique des groupes révolutionnaires.
C’est sous cet angle que nous avons voulu examiner la valeur de l'un de l'activité de la Revue Internationale, et d'y insister. Dans la (...) tout de même faire œuvre utile en collaborant à toutes sortes revues indépendantes et socialisantes.
Si Lénine pouvait dire que “sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire” à notre tour nous pouvons dire pas d'élaboration de théorie révolutionnaire hors de cadres, si réduits soit-il, d'une activité politique et pratique révolutionnaire.
Ce n'est donc pas un parallèle ou une opposition entre ouvriérisme et intellectualisme que j'ai voulu établir, ni davantage nécessité pour les “intellectuels” d’être liés à “tel noyau ouvrier révolutionnaire” mais uniquement démontrer que la recherche théorique révolutionnaire ne peut se faire en se situant à l'intérieur du mouvement révolutionnaire et non séparément et extérieur à lui.
Je crains que le camarade Morel n'ouvre une petite fenêtre sur la possibilité d'existence d'une expression d'indépendance de l'activité culturelle, séparément des tendances de classe. Certes, il nie une telle possibilité dans la période actuelle, mais en se référant à des exemples dans le passé, il semble ne pas l'exclure pour l'avenir.
Une telle élaboration intellectuelle, même sur un plan purement scientifique me semble déjà difficilement réalisable sans qu'elle l'intègre à une orientation générale, mais quand il s'agit des sciences ayant trait à l'homme et à la société, et encore plus spécialement quand il s'agit des problèmes sociaux, alors une telle élaboration purement intellectuelle devient catégoriquement impossible sans se rattacher directement aux idéologies des classes fondamentales de la société. Cela n'est pas exclusivement le fait seulement de la période décadente du capitalisme, mais c'était aussi valable dans sa période d’ascendance. Il faut remonter bien loin dans l'histoire de la société capitaliste pour trouver ce genre de milieu intellectuel au sein desquelles un travail de différenciation d'orientation de classe est encore en train de se produire. Cette différenciation étant achevée depuis environ un siècle, depuis l'heure l'idéologie socialiste et ses fondements théoriques ne s'élabore au travers des organismes propres du prolétariat, et exclusivement au travers de ceux-ci.
Plus, ça précise l'opposition des classes et leur formulation idéologique, moins il y a de place à des groupements et à des expressions intellectuelles indifférenciées. L'impossibilité d'existence d'un tel groupement et d'une telle revue et donc un fait, leur dislocation rapide, inévitable, et cela sans qu’elle ne puisse jamais être d’un apport positif.
La revue internationale a été ce qu'elle a été, c'est-à-dire un vaste fiasco du point de vue de la pensée révolutionnaire, non parce que parce qu'elle a été dirigée par une clique corrompue de bureaucrates, mais avant tout parce qu'elle voulait se situer sur un terrain qui n'existe plus depuis longtemps, et c'est parce qu'il voulait se situer sur ce terrain qu'elle ne pouvait servir que de tremplin à des bureaucrates en mal de percer.
Marc
Dans le numéro précédent nous avons fait quelques remarques sur “l'effondrement du capitalisme”. Pour résumer, on peut dire qu’il y a toujours des effondrements dans les crises économiques mondiales, mais il y a seulement une crise “définitive” quand les ouvriers mettent fin au capitalisme pour s'assurer le pouvoir économico-politique de la société.
Cependant l'effondrement en ce sens ne figure pas encore à l'ordre du jour. Il est sûr que c'est le prolétariat mondial qui a la tâche d'abolir le salariat et d'organiser l'économie sur la base du temps de travail. Mais nous ne pouvons pas oublier que le prolétariat n'est pas encore mûr pour cette tâche.
Cela ne doit pas étonner. Le capitalisme industriel, et par là aussi le prolétariat, sont historiquement très jeunes. Commencer environ en 1800 en Angleterre, l'industrialisation capitaliste s'étendit lentement sur l'Europe. La révolution européenne de 1848 de la jeune bourgeoisie échoue et les classes féodales en Allemagne et en Autriche surent se maintenir. Autrement dit : la bourgeoisie était encore trop faible, il n'y avait pas encore un développement suffisant du capitalisme et cela signifie en même temps que le prolétariat était encore une classe faible. Le développement du capitalisme industriel prend place en Allemagne, France, Hollande ; celui de l'Italie ne date que d'après 1860 ou 1870. Et dès ce temps-là, le prolétariat se développe, apparaissent dans le mouvement ouvrier, les partis socialistes et les syndicats. C’est aussi en ce temps que les théories socialistes scientifiques étaient formulées.
Jusqu'à 1900 ou 1914 l'Europe constituait le centre du monde, économiquement, politiquement culturellement. L’Amérique, la Russie, l'Asie existaient géographiquement, mais ces parties du monde avait très peu d'industrie et par conséquent très peu de prolétariat. Le développement industriel de l'Amérique ne date que d'après 1900 ; celui de la Russie que d'après 1927. C'est pourquoi avant 1914 tous les [problèmes socialistes (?)] étaient surtout des problèmes européens, tâche du prolétariat européen. Une révolution prolétarienne en Europe embrasserait pratiquement le capitalisme mondial. La révolution prolétarienne se posait comme un problème des masses de l'Europe.
Mais après la Première Guerre mondiale et surtout après la deuxième, la situation a fondamentalement changé. Le centre du capitalisme s'est déplacé vers l'Amérique et la Russie. Économiquement l'Europe n'a plus une place dominante et politiquement elle a très peu à dire. Le développement du monde dépend surtout de l'Amérique et de la Russie. Et par là les problèmes du socialisme sont devenus surtout des problèmes du prolétariat russe et américain. Ils maintiennent la position clé de la Révolution. Quand il y a des révoltes ou des révolutions en Europe, leur sort est décidé par le prolétariat russe et américain.
Est-il permis de mettre provisoirement beaucoup d'espoir sur des prolétariats à l'égard d'une révolution prolétarienne ? Ce n'est pas évident. Le prolétariat américain est très jeune dans le “plus riche pays du monde”. Il ne se soucie pas de “politique”, n'objecte pas au système et les problèmes des luttes de classe se meuvent au niveau d'un bon salaire pour un bon travail. Il n'existe guère un mouvement socialiste et le système des deux partis, les démocrates et les républicains, est une expression du mauvais développement de la conscience de classe des ouvriers.
Le manque d'un mouvement et de théories socialistes en Amérique à sa signification. L'homme en général est tout d'abord un être pratique et quand il peut se maintenir par des solutions pratiques, il n'a pas besoin de théories subversives pour l'avenir.
Quand les luttes sont très lourdes et ne mènent pas à des succès, on est conduit à chercher les causes des défaites, le caractère des obstacles. On fait des théories.
En général, le travailleur américain trouvait toujours des issues avant 1929. L'industrie se développant très vite, manquait toujours d'ouvriers qualifiés, et le haut degré de rationalisation de production faisait hausser le niveau de vie au-dessus de celui de l'Europe. Certainement, les crises ravageaient souvent les bases de l'existence, mais jusqu'à 1929, elles étaient surmontées en relativement peu de temps. De tout cela, un “sens pratique” se formait qui pouvait résoudre beaucoup de problèmes comme “mesures pratiques”, sans beaucoup de théories.
Dès maintenant il semble que la situation devient moins avantageuse pour les ouvriers américains. L'économie a besoin de nouveaux territoires d'exploitation, que l'on pense trouver en Asie. Mais une condition impérative en est la “pacification” de l'Asie et il est douteux que cette pacification soit réalisée en un temps court. Tant que l'exploitation de l'Asie n'est pas encore possible, la bourgeoisie doit chercher d'autres solutions pour les difficultés de sa puissante industrie. C'est pourquoi elle se prépare à une solution militaire pour s'assurer la maîtrise du monde entier.
Tout cela conduit à un standard de vie moins haut pour les travailleurs. Les impôts augmentent, les prix ont tendance à augmenter plus vite que les salaires, l'intervention de l'État dans la vie est plus sévère et le service militaire rendu obligatoire se pose aussi pour les Américains. Le poids de l'État et de la bourgeoisie se fait plus lourd. Que feront les ouvriers ? Comment useront-ils leur sens pratique ? nous ne le savons pas, mais le fait qu'ils n'ont pas beaucoup de théories et peu de traditions culturelles nous avertit que nous pouvons nous attendre à des surprises.
Du point de vue d'une révolution prolétarienne mondiale, ce “sens pratique” est en tout cas un point avantageux. Mais cela ne peut pas nous faire fermer les yeux sur le fait inéluctable d'aujourd'hui, à savoir que la jeune classe prolétarienne d'Amérique n'est pas encore un élément révolutionnaire. Elle doit encore trouver son chemin elle-même, un chemin prenant sûrement une autre route qu'en Europe. Et parce que la classe ouvrière américaine occupe une position clé en regard d'une révolution mondiale, il est sûr qu'une telle révolution ne peut pas éclater dans un court délai.
Du prolétariat nous savons très peu, sauf la mauvaise situation. Mais il y a une chose que nous savons, et qui est de grande importance. C'est d'abord qu'il s'agit d'une classe très jeune, recrutée parmi les paysans. En 1930 Trotsky se plaignait (“Russ. Korrespondenz” 1930, n°10, p.12) qu'il y avait seulement 850.000 travailleurs dans l'industrie. D'où sont-ils venus ? De 1927 jusqu'à 1938 environ 34 millions de paysans ont quitté la campagne pour les villes. C'est un prolétariat tout nouveau, avec une mentalité paysanne. Certainement, il est vrai que la mentalité paysanne n'équivaut pas à celle des paysans européens ou américains parce que les paysans russes travaillent en “organisation collective”, et sous l'influence de la propagande du gouvernement. Mais il est sûr qu’il est impossible qu'une classe si jeune ait pu s'adapter mentalement aux conditions nouvelles pour leur lutte contre la bureaucratie exploitatrice, contre le pouvoir oppresseur le plus puissant que le monde n’ait jamais vu.
Du reste nous ne savons pas s'il y a virtuellement des tendances sévères pour lutter contre cette bureaucratie en tant que système. La bureaucratie peut se vanter de grands résultats. Le niveau de vie étant très bas pour le prolétariat, la Russie est devenue une des deux plus grandes puissances du monde, sous la direction de cette bureaucratie. Et les grandes usines, les bâtiments, les avions et les autos fabriqués en Russie, montrent au monde entier l'habileté de la bureaucratie et de ses acolytes. De plus l'enseignement s'est beaucoup amélioré comparativement au tsarisme, l'analphabétisme est anéanti, il y a des organisations de jeunesse et d'industrie d'amusement et plus développées qu'autrefois.
Il est sûr que tout cela ne manque pas de faire impression sur un prolétariat qui vivait encore il y a quelques années dans les campagnes, et ceci malgré son bas niveau de vie. L'habileté de l'intelligentsia provoque chez les ouvriers un sentiment de faiblesse seulement sur le G.P. U. Elle repose aussi, et probablement en très grande partie, sur l'admiration silencieuse et le sentiment de sa propre faiblesse du prolétariat. Bref : il se forme un sentiment de respect qui est, au fond, une fusion de crainte et d'admiration.
Aussi ce prolétariat a-t-il, une position clé en regard d'une révolution prolétarienne mondiale. Est-il raisonnable d'attendre que ce prolétariat puisse faire maintenant une révolution amenant les moyens de production sous la gestion des ouvriers ? Non. D'abord pour le prolétariat russe, il s'agit de trouver des méthodes de lutte contre leurs exploiteurs, et que dans cette lutte se forme de nouvelles perceptions d'une nouvelle société. Ceux qui attendent une révolution prolétarienne du prolétariat russe actuel, attendent des merveilles, mais il ne se base pas sur le matérialisme historique.
Il est certain que le développement du capitalisme pendant les derniers cent ans après une autre marche que celle prévue par les fondateurs des théories socialistes. Ils avaient cru que les difficultés, suscitées par l'accumulation du capital, mais n'aurait plus vite à une situation insupportable pour les populations et partant, un changement de la mentalité des travailleurs dans un sens révolutionnaire ; selon la théorie, la croissance des moyens de production engendrer des crises économiques, surpopulation, des guerres, diminution du niveau de vie. Bref l'accroissement de l'accumulation du capital serait accompagné par l'accumulation de la pauvreté des travailleurs.
Dans cette perspective on savait très bien qu'il s'agissait d'une tendance générale, d'un schéma où on faisait abstraction des modifications temporelles qui étaient de nature à enrayer les tendances au prénom. Aussi dans la théorie on comptait avec une élévation du niveau de vie de plus ou moins courte durée.
Cependant la pratique à montrer que l'expansion du capital sur le monde fournissait un tel exutoire pour les difficultés avant la deuxième guerre mondiale que de grandes masses de la population acquirent la conviction d'une transformation paisible de la société.
Pendant cette période de l'expansion impérialiste, l'activité parlementaire avait un succès inopiné. La législation sociale sa sortie c'est de loin sur le soutien au chômeur, de réglementation de la journée de travail, du travail des femmes et des enfants, d'assurance sociale contre les accidents et les maladies, de loi sur les retraites du suffrage universel et d'amélioration de l'enseignement et autres. Ainsi, aux yeux des masses, l'État ne se montrait pas seulement comme un instrument pour améliorer et assurer plus ou moins la vie. Il n'y a pas assez donné que la grande masse soit aller croire que l'État serait “le levier du socialisme”. Et cette croyance ne s'accroît pas seulement dans la conscience des ouvriers plus ou moins socialistes, mais parmi toute la classe ouvrière. Pour eux le socialisme est lié inséparablement à l'État.
Il faut bien avoir conscience que cette conception n'est en principe pas un résultat de la propagande réformiste. Au contraire, la théorie réformiste est elle-même un produit de ce développement. La conception que l'État sera le levier du socialisme est le résidu ou le produit des expériences du parlementarisme, des conceptions naturelles. Il faut voir ici un des aspects par lequel la population travailleuse a traduit ses expériences parlementaires.
Pour comprendre l'essence des parties, il faut remarquer que la lutte des classes était déjà brisée en pratique par les parties avant l'existence de la classe ouvrière proprement dite. Ils étaient surtout des créations de la bourgeoisie dans sa lutte contre la noblesse et le clergé. Elle combattait alors le pouvoir de l'État pour établir une législation conforme à ses intérêts. Mais parce que la bourgeoisie même, étant trop peu nombreuse, n'avait pas assez de force pour faire tomber les anciennes classes dirigeantes, elle s'adresse à dans sa totalité, en particulier au paysan et artisans, en les éclairant par les résultats des sciences naturelles et les principes des droits de l'homme. Dans cette lutte les masses n'avaient que le rôle de faire écrouler les bases de l'ancien pouvoir. Elles avaient la tâche de démolir, de briser, de détacher, mais elle n'était pas capable de bâtir la nouvelle structure de la société. Après le déblaiement, c'était les parties qui devaient recueillir la récolte de la Révolution et bâtir la société nouvelle.
Après la révolution bourgeoise, les partis prolétariens poussèrent sur le marécage de la vie prolétarienne, mais en principe ils eurent et ont toujours les mêmes caractères que les partis bourgeois. Leur pensée animatrice procède du fait que les ouvriers par eux-mêmes ne sont pas capables -et ne le seront jamais- de bâtir une nouvelle société. Tout comme les partis bourgeois s'adressaient jadis aux grandes masses de la population, réclamant qu'on les mette au pouvoir, les partis soi-disant prolétariens font de même. Les partis dit “révolutionnaires” estiment qu'une révolution violente, inévitable et indispensable, mais eux aussi les masses n'ont plus à faire que de balayer les fondements, d'effacer le régime ancien. les parties prolétariat, révolutionnaire ou pas révolutionnaire, une fois au pouvoir désir quiétude et ordre de la part des ouvriers, obéissance aussi, afin que le nouveau régime puisse organiser toute la vie économique et politique les ouvriers qui ont une autre conception, qui ont l'opinion que la nouvelle organisation de la société doit être la tâche des travailleurs eux-mêmes sont considérés par les parties comme des contre-révolutionnaires et ils sont mûrs pour la balle dans la nuque ou pour les camps de concentration révolutionnaire. Certainement les partis révolutionnaires ne veulent pas cela, mais dans ces choses la volonté ne compte pas. Ce sont des conséquences "naturelles" du parti révolutionnaire au pouvoir ; et le fond de l'erreur des partis révolutionnaires c'est qu’ils conçoivent l'organisation d'une société communiste comme une tâche d'un parti, alors quelle est la tâche de tous les travailleurs.
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