Depuis samedi, un déluge de feu et d’acier s’abat sur les populations vivant en Israël et à Gaza. D’un côté, le Hamas. De l’autre, l’armée israélienne. Au milieu, des civils qui se font bombarder, fusiller, exécuter, prendre en otage. Les morts se comptent déjà par milliers.
Partout dans le monde, les bourgeoisies nous appellent à choisir un camp. Pour la résistance palestinienne face à l’oppression israélienne. Ou pour la riposte israélienne face au terrorisme palestinien. Chacun dénonce la barbarie de l’autre pour justifier la guerre. L’État israélien opprime les populations palestiniennes depuis des décennies, à coup de blocus, de harcèlement, de check-points et d’humiliation : alors, la vengeance serait légitime. Les organisations palestiniennes tuent des innocents à coup d’attentats, au couteau ou à la bombe : alors, la répression serait nécessaire. Chaque camp appelle à faire couler le sang de l’autre.
Cette logique de mort, c’est celle de la guerre impérialiste ! Ce sont nos exploiteurs et leurs États qui toujours se livrent une guerre impitoyable pour la défense de leurs propres intérêts. Et c’est nous, la classe ouvrière, les exploités, qui en payons toujours le prix, celui de notre vie.
Pour nous, prolétaires, il n’y a aucun camp à choisir, nous n’avons pas de patrie, pas de nation à défendre ! De chaque côté des frontières, nous sommes des frères de classe ! Ni Israël, ni Palestine !
Le XXe siècle a été un siècle de guerres, les guerres les plus atroces de l’histoire humaine, et jamais aucune d’entre elles n’a servi les intérêts des ouvriers. Ces derniers ont toujours été appelés à aller se faire tuer par millions pour les intérêts de leurs exploiteurs, au nom de la défense de « la patrie », de « la civilisation », de « la démocratie », voire de « la patrie socialiste » (comme certains présentaient l’URSS de Staline et du goulag).
Aujourd’hui, il y a une nouvelle guerre au Moyen-Orient. De chaque côté, les cliques dirigeantes appellent les exploités à « défendre la patrie », qu’elle soit juive ou palestinienne. Ces ouvriers juifs qui en Israël sont exploités par des capitalistes juifs, ces ouvriers palestiniens qui sont exploités par des capitalistes juifs ou par des capitalistes arabes (et souvent de façon bien plus féroce que par les capitalistes juifs puisque, dans les entreprises palestiniennes, le droit du travail est encore celui de l’ancien empire ottoman).
Les ouvriers juifs ont déjà payé un lourd tribut à la folie guerrière de la bourgeoisie au cours des cinq guerres qu’ils ont subies depuis 1948. Sitôt sortis des camps de concentration et des ghettos d’une Europe ravagée par la guerre mondiale, les grands-parents de ceux qui aujourd’hui portent l’uniforme de Tsahal avaient été entraînés dans la guerre entre Israël et les pays arabes. Puis leurs parents avaient payé le prix du sang dans les guerres de 67, 73 et 82. Ces soldats ne sont pas d’affreuses brutes qui ne pensent qu’à tuer des enfants palestiniens. Ce sont de jeunes appelés, ouvriers pour la plupart, crevant de trouille et de dégoût qu’on oblige à faire la police et dont on bourre le crâne sur la « barbarie » des Arabes.
Les ouvriers palestiniens aussi ont déjà payé de façon horrible le prix du sang. Chassés de chez eux en 1948 par la guerre voulue par leurs dirigeants, ils ont passé la plus grande partie de leur vie dans des camps de concentration, enrôlés de gré ou de force à l’adolescence dans les milices du Fatah, du FPLP ou du Hamas.
Leurs plus grands massacreurs ne sont d’ailleurs pas les armées d’Israël mais celles des pays où ils étaient parqués, comme la Jordanie et le Liban : en septembre 1970 (le « septembre noir »), le « petit roi » Hussein les extermine en masse, au point que certains d’entre eux vont se réfugier en Israël pour échapper à la mort. En septembre 1982, ce sont des milices arabes (certes chrétiennes et alliées à Israël) qui les massacrent dans les camps de Sabra et Chatila, à Beyrouth.
Aujourd’hui, au nom de la « Patrie palestinienne », on veut mobiliser à nouveau les ouvriers arabes contre les Israéliens, c’est-à-dire, en majorité, des ouvriers israéliens, de même qu’on demande à ces derniers de se faire tuer pour la défense de la « terre promise ».
Des deux côtés coulent de façon répugnante les flots de propagande nationaliste, une propagande abrutissante destinée à transformer des êtres humains en bêtes féroces. Les bourgeoisies israélienne et arabe n’ont cessé de l’attiser depuis plus d’un demi-siècle. Aux ouvriers israéliens et arabes, on n’a cessé de répéter qu’ils devaient défendre la terre de leurs ancêtres. Chez les premiers, on a développé, à travers une militarisation systématique de la société, une psychose d’encerclement afin d’en faire de « bons soldats ». Chez les seconds, on a ancré le désir d’en découdre avec Israël afin de retrouver un foyer. Et pour ce faire, les dirigeants des pays arabes dans lesquels ils étaient réfugiés les ont maintenus pendant des dizaines d’années dans des camps de concentration, avec des conditions de vie insupportables.
Le nationalisme est une des pires idéologies que la bourgeoisie ait inventées. C’est l’idéologie qui lui permet de masquer l’antagonisme entre exploiteurs et exploités, de les rassembler tous derrière un même drapeau pour lequel les exploités vont se faire tuer au service des exploiteurs, pour la défense des intérêts de classe et des privilèges de ces derniers.
Pour couronner le tout, s’ajoute à cette guerre le poison de la propagande religieuse, celle qui permet de créer les fanatismes les plus déments. Les juifs sont appelés à défendre avec leur sang le mur des lamentations du Temple de Salomon. Les musulmans doivent donner leur vie pour la mosquée d’Omar et les lieux saints de l’Islam. Ce qui se passe aujourd’hui en Israël et en Palestine confirme bien que la religion est « l’opium du peuple » comme le disaient les révolutionnaires dès le XIXe siècle. La religion a pour but de consoler les exploités et les opprimés. À ceux pour qui la vie sur terre est un enfer, on raconte qu’ils seront heureux après leur mort à condition qu’ils sachent gagner leur salut. Et ce salut, on leur échange contre les sacrifices, la soumission, voire contre l’abandon de leur vie au service de la « guerre sainte ».
Qu’en ce début du XXIe siècle, les idéologies et les superstitions remontant à l’Antiquité ou au Moyen Âge soient encore abondamment agitées pour entraîner des êtres humains au sacrifice de leur vie en dit long sur l’état de barbarie dans lequel replonge le Moyen-Orient, en même temps que beaucoup d’autres parties du monde.
Ce sont les dirigeants des grandes puissances qui ont créé la situation infernale dans laquelle meurent aujourd’hui par milliers les exploités de cette région. Ce sont les bourgeoisies européennes, et particulièrement la bourgeoisie anglaise avec sa « déclaration Balfour » de 1917, qui, afin de diviser pour mieux régner, ont permis la constitution d’un « foyer juif » en Palestine, favorisant ainsi les utopies chauvines du sionisme. Ce sont ces mêmes bourgeoisies qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale qu’elles venaient de remporter, se sont arrangées pour acheminer vers la Palestine des centaines de milliers de juifs d’Europe centrale sortis des camps ou errant loin de leur région d’origine. Cela leur permettait de n’avoir pas à les recueillir dans leur pays.
Ce sont ces mêmes bourgeoisies, anglaise et française d’abord, puis la bourgeoisie américaine qui ont armé jusqu’aux dents l’État d’Israël afin de lui attribuer le rôle de fer de lance du bloc occidental dans cette région pendant la guerre froide, alors que l’URSS, de son côté, armait le plus possible ses alliés arabes. Sans ces grands « parrains », les guerres de 1956, 67, 73 et 82 n’auraient pas pu avoir lieu.
Aujourd’hui, les bourgeoisies du Liban, d’Iran, probablement de Russie, arment et poussent le Hamas. Les États-Unis viennent d’envoyer leur plus grand porte-avion en méditerranée et ont annoncé de nouvelles livraisons d’armes en faveur d’Israël. En fait, toutes les grandes puissances participent plus ou moins directement à cette guerre et ces massacres !
Cette nouvelle guerre risque de plonger tout le Moyen-Orient dans le chaos ! Il ne s’agit pas d’un énième affrontement sanguinaire qui endeuille à nouveau ce coin du monde. L’ampleur des tueries dénote en elle-même que la barbarie a franchi un nouveau cap : des jeunes en train de danser fauchés à la mitraillette, des femmes et des enfants exécutés en pleine rue à bout portant, sans aucun autre objectif qu’assouvir un désir de vengeance aveugle, un tapis de bombes pour annihiler toute une population, deux millions de personnes privés de tout, d’eau, d’électricité, de gaz, de nourriture… Il n’y a aucune logique militaire à toutes ces exactions, à tous ces crimes ! Les deux camps se vautrent dans la fureur meurtrière la plus effroyable et la plus irrationnelle !
Mais il y a plus grave encore, cette boîte de pandore ne se refermera plus. Comme avec l’Irak, comme avec l’Afghanistan, comme avec la Syrie, comme avec la Libye, il n’y aura pas de retour en arrière possible, pas de « retour à la paix ». Le capitalisme entraîne des parties de plus en plus larges de l’humanité dans la guerre, la mort et la décomposition de la société. La guerre en Ukraine dure déjà depuis bientôt deux ans et s’enlise dans un carnage sans fin. Dans le Haut-Karabagh, des massacres aussi sont en cours. Et déjà, un nouveau foyer de guerre menace entre les nations de l’ex-Yougoslavie. Le capitalisme, c’est la guerre !
Les ouvriers de tous les pays doivent refuser de prendre parti pour un camp bourgeois ou pour un autre. En particulier, ils doivent refuser de se laisser berner par les discours des partis qui se réclament de la classe ouvrière, les partis de gauche et d’extrême gauche qui leur demandent de manifester leur « solidarité avec les masses palestiniennes » en quête de leur droit à une « patrie ». La patrie palestinienne ne sera jamais qu’un État bourgeois au service de la classe exploiteuse et opprimant ces mêmes masses, avec des flics et des prisons. La solidarité des ouvriers des pays capitalistes les plus avancés ne va pas aux « palestiniens » comme elle ne va pas aux « israéliens », parmi lesquels on trouve des exploiteurs et des exploités. Elle va aux ouvriers et chômeurs d’Israël et de Palestine (qui d’ailleurs ont déjà mené des luttes contre leurs exploiteurs malgré tout le bourrage de crâne dont ils sont victimes), comme elle va aux ouvriers de tous les autres pays du monde. La meilleure solidarité qu’ils puissent leur apporter ne consiste certainement pas à encourager leurs illusions nationalistes.
Cette solidarité passe avant tout par le développement de leur combat contre le système capitaliste responsable de toutes les guerres, un combat contre leur propre bourgeoisie.
La paix, la classe ouvrière devra la conquérir en renversant le capitalisme à l’échelle mondiale, ce qui passe aujourd’hui par un développement de ses luttes sur un terrain de classe, contre les attaques économiques de plus en plus dures que lui assène un système plongé dans une crise insurmontable.
Contre le nationalisme, contre les guerres dans lesquelles veulent vous entraîner vos exploiteurs : Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
CCI, 9 octobre 2023
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« Nous devons dire que trop, c’est trop ! Pas seulement nous, mais l’ensemble de la classe ouvrière de ce pays doit dire, à un moment donné, que trop, c’est trop ! » (Littlejohn, chef de maintenance dans les métiers spécialisés à l’usine d’emboutissage Ford de Buffalo aux États-Unis).
Cet ouvrier américain résume en une phrase ce qui est en train de mûrir dans la conscience de toute la classe ouvrière, dans tous les pays. Il y a un an, éclatait « L’été de la colère » au Royaume-Uni. En scandant « Enough is enough » (« trop, c’est trop »), les travailleurs britanniques sonnaient la reprise du combat après plus de trente ans d’atonie et de résignation.
Cet appel a été entendu au-delà des frontières. De la Grèce au Mexique, contre la même dégradation insupportable de nos conditions de vie et de travail, les grèves et les manifestations se sont développées durant toute la fin de l’année 2022 et le début de l’année 2023.
Au milieu de l’hiver, en France, un pas supplémentaire a été franchi : les prolétaires ont repris cette idée qu’ « à un moment donné, ça suffit ! ». Mais au lieu de multiplier les luttes locales et corporatistes, isolées les unes des autres, ils ont su se rassembler par millions dans la rue. À la nécessaire combativité s’ajoutait donc la force de la massivité. Et maintenant, c’est aux États-Unis que les travailleurs tentent de porter un peu plus loin le flambeau de la lutte.
Un vrai black-out médiatique entoure le mouvement social qui embrase actuellement la première puissance économique mondiale. Et pour cause : dans ce pays ravagé depuis des décennies par la pauvreté, la violence, la drogue, le racisme, la peur et l’individualisme, ces luttes montrent qu’un tout autre chemin est possible.
Au cœur de toutes ces grèves brille un véritable élan de solidarité ouvrière : « Nous en avons tous assez : les intérimaires en ont assez, les employés de longue date comme moi, nous en avons assez… parce que ces intérimaires sont nos enfants, nos voisins, nos amis » (le même employé New-Yorkais). Voici comment les ouvriers se serrent les coudes, entre générations : les « vieux » ne sont pas en grève seulement pour eux-mêmes, mais avant tout pour les « jeunes » qui subissent des conditions de travail encore plus dégradées et des salaires encore plus bas.
Un sentiment de solidarité grandit progressivement dans la classe ouvrière au fur et à mesure que nous comprenons que nous sommes « tous dans le même bateau » : « Tous ces groupes ne sont pas simplement des mouvements séparés, mais un cri de ralliement collectif : nous sommes une ville de travailleurs – cols-bleus et cols-blancs, syndiqués et non-syndiqués, immigrés et nés ici » (Los Angeles Times).
Les grèves actuelles aux États-Unis rassemblent d’ailleurs bien au-delà des seuls secteurs mobilisés. « Le complexe Stellantis de Toledo, dans l’Ohio, a été envahi par les acclamations et les klaxons au début de la grève » (The Wall Street Journal). « Des klaxons soutiennent les grévistes devant l’usine du constructeur automobile à Wayne, dans le Michigan » (The Guardian).
La vague de grèves actuelle a une importance historique :
– les scénaristes et les acteurs, à Hollywood, ont lutté ensemble pour la première fois depuis 63 ans ;
– les infirmières du privé, au Minnesota et au Wisconsin, ont mené la plus grande grève de leur histoire ;
– les travailleurs des services municipaux de Los Angeles se sont mis en grève pour la première fois depuis 40 ans ;
– les ouvriers des « Big Three » (General Motors, Ford, Chrysler) mènent une lutte commune inédite ;
– les travailleurs de Kaiser Permanente, en grève dans plusieurs États, ont mené la plus grande manifestation jamais organisée dans le secteur de la santé.
Nous pourrions encore ajouter les multiples grèves de ces dernières semaines chez Starbucks, Amazon et McDonald’s, dans les usines de l’aviation et du ferroviaire, ou celle qui s’est progressivement étendue à tous les hôtels en Californie… autant d’ouvriers qui se battent pour un salaire digne, face à une inflation galopante qui les réduit à la misère.
Par toutes ces grèves, le prolétariat américain montre qu’il est aussi possible aux travailleurs du secteur privé de lutter. En Europe, jusqu’à maintenant, c’est très majoritairement les agents du public qui se sont mobilisés, la peur de perdre son emploi étant un frein décisif pour les salariés des entreprises du privé. Mais, face aux conditions d’exploitation de plus en plus insoutenables, nous allons tous être poussés à la lutte. L’avenir appartient à la lutte de classe dans tous les secteurs, ensemble et unis !
La colère monte à nouveau en Europe, en Asie et même en Océanie. La Chine, la Corée et l’Australie connaissent elles-aussi, depuis cet été, une succession de grèves. En Grèce, fin septembre, un mouvement social a rassemblé le secteur des transports, de l’éducation, de la santé contre un projet de réforme du travail pour flexibiliser l’emploi. Le 13 octobre marque le retour des manifestations en France, sur la question des salaires. En Espagne aussi, un vent de colère commence à souffler : les 17 et 19 octobre, grèves dans l’enseignement privé ; le 24 octobre, grève dans l’enseignement public ; le 25 octobre, grève de l’ensemble du secteur public basque ; le 28 octobre, manifestation des retraités, etc. Face à ces prévisions de luttes, la presse espagnole commence à anticiper « un nouvel automne chaud ».
Cette liste n’indique pas seulement le niveau grandissant du mécontentement et de la combativité de notre classe. Elle révèle aussi la plus grande faiblesse actuelle de notre mouvement : malgré la solidarité grandissante, nos luttes restent séparées les unes des autres. Nos grèves peuvent se dérouler en même temps, nous pouvons même être côte à côte, parfois dans la rue, mais nous ne luttons pas véritablement ensemble. Nous ne sommes pas unis, nous ne sommes pas organisés en une seule et même force sociale, dans une seule et même lutte.
La vague de grèves en cours aux États-Unis en est une nouvelle démonstration flagrante. Lors du lancement du mouvement dans les « Big Three », la grève a été limitée à trois usines « désignées » : à Wentzville (Missouri) pour GM, à Toledo (Ohio) pour Chrysler, et à Wayne (Michigan) pour Ford. Ces trois usines sont séparées de plusieurs milliers de kilomètres, rendant ainsi impossible pour les ouvriers de se rassembler et lutter véritablement ensemble.
Pourquoi cet éparpillement ? Qui organise cette fragmentation ? Qui encadre officiellement ces ouvriers ? Qui organise les mouvements sociaux ? Qui sont les « spécialistes de la lutte », les représentants légaux des travailleurs ? Les syndicats ! Aux quatre coins du monde, on les retrouve à éparpiller la riposte ouvrière.
C’est bien l’UAW, l’un des principaux syndicats des États-Unis, qui a « désigné » ces trois usines ! C’est bien l’UAW qui, tout en appelant faussement un mouvement « fort, uni et massif », limite volontairement la grève à seulement 10 % du personnel syndiqué alors que tous les ouvriers clament haut et fort leur volonté de mener une grève totale. Quand les travailleurs de Mack Truck (camions Volvo) ont tenté de rejoindre les « Big Three » dans leur lutte, qu’ont fait les syndicats ? Ils se sont empressés de signer un accord pour mettre fin à la grève ! À Hollywood, alors que la grève des acteurs et des scénaristes durait depuis des mois, un accord patron/syndicat a été signé au moment même où les travailleurs de l’automobile rejoignaient le mouvement.
Même en France, lors des manifestations qui rassemblent des millions de personnes dans la rue, les syndicats saucissonnent les cortèges en faisant défiler « leurs » syndiqués regroupés par corporation, non pas ensemble mais les uns derrière les autres, empêchant tout rassemblement et toute discussion.
Aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Espagne, en Grèce, en Australie et dans tous les pays, pour arrêter cette division organisée, pour être réellement unis, pour pouvoir aller les uns vers les autres, nous entraîner mutuellement, étendre notre mouvement, nous devons arracher le contrôle des luttes des mains des syndicats. Ce sont nos luttes, celles de toute la classe ouvrière !
Partout où nous le pouvons, nous devons nous rassembler au sein d’assemblées générales ouvertes et massives, autonomes, décidant réellement de la conduite du mouvement. Des assemblées générales dans lesquelles nous discutons le plus largement possible sur les besoins généraux de la lutte, sur les revendications les plus unificatrices. Des assemblées générales depuis lesquelles nous pouvons partir en délégations massives à la rencontre de nos frères de classe, les travailleurs de l’usine, de l’hôpital, de l’établissement scolaire, de l’administration les plus proches.
Face à l’appauvrissement, face au réchauffement climatique, face aux violences policières, face au racisme, face aux violences faites aux femmes… il existe depuis quelques années d’autres types de réactions : les manifestations des « gilets jaunes » en France, les rassemblements écologistes comme « Youth for climate », les protestations pour l’égalité comme « Black Lives Matter » ou « MeToo », ou les cris de rage comme lors des émeutes aux États-Unis, en France ou au Royaume-Uni.
Seulement, toutes ces actions visent à imposer un capitalisme plus juste, plus équitable, plus humain, plus vert. C’est pourquoi toutes ces réactions sont si facilement récupérables par les États et les bourgeoisies, qui n’hésitent pas à soutenir tous les « mouvements citoyens ». D’ailleurs, les syndicats et tous les politiques font tout ce qu’ils peuvent pour limiter les revendications ouvrières au strict cadre du capitalisme en mettant en avant la nécessité d’une meilleure répartition des richesses entre patronat et salariés. « Maintenant que l’industrie reprend du poil de la bête, [les travailleurs] devraient participer aux bénéfices » a même déclaré Biden, premier Président américain à s’être retrouvé sur un piquet de grève.
Mais en luttant contre les effets de la crise économique, contre les attaques orchestrées par les États, contre les sacrifices imposés par le développement de l’économie de guerre, le prolétariat se dresse, non comme citoyens réclamant des « droits » et la « justice », mais comme exploités contre ses exploiteurs et, à terme, en tant que classe contre le système lui-même. C’est pourquoi, la dynamique internationale de la lutte de la classe ouvrière porte en elle le germe d’une remise en cause fondamentale de tout le capitalisme.
En Grèce, lors de la journée d’action du 21 septembre contre la réforme du travail, des manifestants ont fait le lien entre cette attaque et les catastrophes « naturelles » qui ont ravagé le pays cet été. D’un côté, le capitalisme détruit la planète, pollue, aggrave encore et encore le réchauffement climatique, déforeste, assèche les terres, engendre inondations et incendies. De l’autre, il supprime les emplois qui entretenaient la nature et protégeaient les hommes, préfère construire des avions de guerre plutôt que des canadairs.
Au-delà de la lutte contre la dégradation de ses conditions de vie et de travail, la classe ouvrière est en train de mener une réflexion bien plus large sur ce système et son avenir. Il y a quelques mois, dans les manifestations en France, on a commencé à lire sur quelques pancartes le refus de la guerre, le refus de se serrer la ceinture au nom de cette économie de guerre : « Pas de sous pour la guerre, pas de sous pour les armes, des sous pour les salaires, des sous pour les retraites ».
Crise économique, crise écologique, barbarie guerrière… autant de symptômes de la dynamique mortifère du capitalisme mondial. Le déluge de bombes et de balles qui est en train de s’abattre sur les populations d’Israël et de Gaza, au moment même où nous écrivons ces lignes, alors que se poursuivent les massacres en Ukraine, est une énième illustration de cette spirale infernale dans laquelle le capitalisme enfonce la société et qui menace la vie de toute l’humanité !
À travers les grèves de plus en plus nombreuses, on voit que deux mondes s’affrontent : celui de la bourgeoisie fait de concurrence et de barbarie, et celui de la classe ouvrière empreint de solidarité et d’espoir. Telle est la signification profonde de nos luttes actuelles et à venir : la promesse d’un autre avenir, sans exploitation ni classe sociale, sans guerre ni frontière, sans destruction de la planète ni recherche de profit.
CCI, 8 octobre 2023
Contrairement aux gauchistes et aux éléments excités de la petite-bourgeoisie qui voient le spectre de la révolution sociale derrière « tout ce qui bouge », les révolutionnaires, pour mener une intervention lucide, doivent se doter d’une boussole, d’une méthode que leur a enseigné le marxisme, en s’appuyant sur les expériences de l’histoire du mouvement ouvrier depuis près de deux siècles. C’est justement cette méthode qui seule peut leur permettre de comprendre et intervenir dans les luttes de la classe ouvrière avec une vision historique et à long terme, afin de ne pas tomber dans le piège de l’impatience, de l’attente de résultats immédiats et ainsi de se retrouver à la remorque des officines de l’extrême-gauche du capital ou encore du syndicalisme de base.
Au cours de l’été 2022, le CCI a analysé l’éclatement des luttes au Royaume-Uni non pas comme un simple événement local mais bien comme un phénomène de portée internationale et historique. La reprise des luttes ouvrières, d’une ampleur inédite dans ce pays depuis les années 1980, marquait une véritable rupture dans la dynamique de la lutte de classe. Face à un tel événement, le CCI a décidé de produire un tract international dans lequel nous affirmions que les grèves massives au Royaume-Uni étaient « un appel au combat pour les prolétaires de tous les pays ».
Ceci se confirma pleinement les mois suivants puisqu’outre la poursuite des luttes dans de nombreux secteurs au Royaume-Uni, des grèves et des mobilisations ont éclaté aussi bien dans plusieurs pays d’Europe que sur d’autres continents. Elles aussi ont été, la plupart du temps, d’une ampleur inédite depuis des années, confirmant le retour de la combativité ouvrière après plusieurs décennies d’atonie à l’échelle mondiale.
Au cours de l’automne 2022, le CCI s’est donc mobilisé dans les manifestations ou sur les piquets de grève. La section du CCI en Grande-Bretagne est intervenue à huit reprises sur les piquets de grève, principalement à Londres et Exeter, distribuant plusieurs centaines de tracts. Mais également lors du salon du livre anarchiste de Londres. Le CCI était également présent lors de la journée de mobilisation interprofessionnelle en France, le 29 septembre 2022. Lors des discussions au sein des cortèges ou sur les piquets, nous avons défendu la dimension internationale des attaques et donc la nécessité de lutter tous ensemble, en réagissant de façon unitaire et en évitant de s’enfermer dans des luttes locales, au sein de son entreprise ou de son secteur.
Dans le même temps, le CCI a publié régulièrement dans sa presse (site web, journaux, Revue internationale) des articles qui mettaient en évidence le terrain prolétarien de ces différentes luttes, mais surtout leur signification historique en mettant en évidence qu’elles formaient un véritable tremplin pour la récupération de l’identité de classe.
L’éclatement de la lutte contre la réforme des retraites en France à partir du mois de janvier a donné une nouvelle impulsion à cette dynamique de luttes internationales. Ce mouvement allait réunir, presque chaque semaine, et ce pendant près de cinq mois, des millions de travailleurs dans la rue pour s’opposer à une attaque ignoble de la part de l’État bourgeois. Durant les quatorze journées de mobilisations, à Paris comme en province, le CCI a mobilisé toutes ses forces, regroupant autour de lui ses sympathisants, pour diffuser sa presse le plus largement possible, distribuant environs 130 000 tracts et en assurant la vente militante de ses journaux.
La qualité de l’intervention a reposé sur la capacité du CCI à s’adapter à l’évolution de la réaction de la classe à l’échelle internationale mais aussi à l’évolution plus spécifique de la lutte en France. C’est pourquoi le CCI a produit à la fois des tracts de portée internationale et des tracts plus « territoriaux » quand cela le nécessitait. Et ce afin de répondre au mieux aux besoins du mouvement, non seulement en France, mais surtout à l’échelle internationale, puisque des luttes ont éclaté au cours de la même période dans de nombreux pays, et dans lesquelles le CCI a également été en mesure d’intervenir. À des degrés divers, ce fut le cas en Belgique, en Espagne, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume-Uni, au Mexique.
Quels ont donc été les principaux axes d’interventions défendus dans les manifestations aussi bien à travers les tracts et les journaux territoriaux que lors des discussions au sein des cortèges ?
– Dès le mois de janvier 2023, un nouveau tract international intitulé : « Comment développer un mouvement massif, uni et solidaire ? », mettait en évidence la nécessité de contrer le travail de division entrepris par les syndicats en développant la solidarité au-delà de sa corporation, son entreprise, son secteur d’activité, sa ville, sa région, son pays.
– Par la suite, tout en continuant à défendre la même nécessité, le CCI mit au cœur de son intervention la défense de l’auto-organisation et des méthodes de luttes permettant de créer un rapport de force avec l’État bourgeois. Le tract du 2 février : « Être nombreux ne suffit pas, il faut aussi prendre nos luttes en mains », et le troisième tract international : « Partout la même question : comment développer la lutte ? Comment faire reculer les gouvernements ? », répondaient à cette préoccupation s’exprimant de plus en plus au fil des semaines, en particulier dans les discussions que nous avions au sein des cortèges. Nous avons tout particulièrement défendu la nécessité de créer des lieux de discussions tels que les assemblées générales souveraines et ouvertes à tous.
– Malgré de nombreuses faiblesses toutes ces luttes exprimaient bel et bien la tentative de créer une force collective, unie, solidaire, de se retrouver, non pas en tant qu’individus isolés, mais comme une classe exploitée s’affrontant à son exploiteur. Les échos de la lutte en France auprès des ouvriers britanniques ou allemands l’illustraient pleinement.
L’une des responsabilités des révolutionnaires consiste justement à contribuer au développement de cet effort vers la récupération de l’identité de classe. C’est pourquoi nous avons également toujours appuyé notre intervention sur la nécessité de se réapproprier l’expérience et l’histoire de la classe ouvrière. D’autant que cette préoccupation s’exprimait spontanément dans la lutte en France à travers le slogan « Tu nous mets 64, on te re-Mai 68 » brandit dans tous les cortèges. Ou encore, dans le resurgissement de la mémoire de la lutte contre le CPE en 2006.
Ainsi, le tract : « Comment avons-nous gagné en 2006 ? » défendait l’expérience des AG souveraines qui avaient contribué à la dynamique d’extension du mouvement pour finir par faire reculer le gouvernement. Quelques semaines plus tard, le quatrième tract international : « Royaume-Uni, France, Allemagne, Espagne, Mexique, Chine… Aller plus loin qu’en 1968 ! », prolongeait cet effort mais permettait surtout de défendre plus explicitement l’enjeu historique de la reprise des luttes ouvrières et le défi qu’il contient : le renversement du capitalisme et la victoire de la révolution prolétarienne pour la survie de l’humanité.
Globalement, nos différents tracts ont toujours trouvé un bon accueil, les titres faisant souvent mouche, et suscitant des réactions de la part des manifestants : « Oui, on est tous dans le même bateau ! », « Oui, il faut lutter tous ensemble ! », « Je suis venu d’Allemagne et là-bas aussi il y a des luttes ! », « Nous sommes originaires d’Italie, et nous sommes venus manifester avec les travailleurs français », « J’étais là en Mai 68, il faut refaire la même chose ! », « Ah oui, il faut effectivement faire la révolution ! ». Voilà les réactions les plus significatives qui se sont exprimées parmi les nombreuses discussions que nous avons pu avoir. Bien-sûr, elles restent minoritaires, et parfois confuses, mais elles expriment l’effort de réflexion qui est en train de s’opérer dans les tréfonds de la classe ouvrière pour se reconnaître en tant que classe, pour prendre les luttes en mains et développer le combat permettant à la classe ouvrière de prendre le chemin de la révolution.
C’est effectivement cette dynamique historique à l’œuvre que nous avons mise en évidence dans le tract faisant le bilan de la lutte contre la réforme des retraites lors de la dernière journée de mobilisation du 6 juin dans laquelle s’exprimait toujours autant l’envie de se battre et de lutter. À plusieurs reprises, des manifestants acquiesçant au titre du tract, nous ont même dit : « Nous avons perdu une bataille mais nous n’avons pas perdu la guerre ! ». Alors oui, « la lutte est bel et bien devant nous ! »
Notre intervention s’est aussi accompagnée par la diffusion de centaines d’exemplaires du troisième Manifeste du CCI (1) qui, face à la spirale toujours plus mortifère et destructrice de la société capitaliste, défend bec et ongle que l’avenir de l’humanité est entre les mains de la classe ouvrière. Nous considérons qu’il relève de la responsabilité des organisations révolutionnaires d’exposer à la classe ouvrière de la façon la plus lucide possible, les conditions historiques dans lesquelles se déroule son combat et les enjeux qu’il recouvre.
C’est avec la même démarche que le CCI a également organisé deux cycles de réunions publiques sur la lutte de classe dans le monde. Le premier avait pour thème : « Nous ne sommes pas seuls à nous mobiliser… Il y a des luttes ouvrières dans de nombreux pays ! » La deuxième : « Grande-Bretagne, France, Allemagne, Espagne, Mexique, Chine… Aller plus loin qu’en 1968 ! ». (2)
Ces réunions ont été animées par une volonté de clarification à travers la confrontation aux différentes positions en présence. Ce furent de véritables lieux de débats prolétariens où se sont exprimés des soutiens, des nuances, des doutes et questionnements, voire des désaccords avec les positions du CCI. Cette participation active aux débats est une illustration de la lente maturation de la conscience qui s’opère en profondeur au sein de la classe ouvrière mondiale et dont sont plus particulièrement porteuses de petites minorités, appartenant souvent à une nouvelle génération, qui renouent progressivement avec l’expérience du mouvement ouvrier et de la Gauche communiste.
En intervenant activement dans les manifestations, ainsi que dans notre presse web et papier, le CCI a pleinement rempli ses responsabilités politiques au sein de la classe ouvrière. Le fruit de cette intervention s’est notamment manifesté par le fait que de nouveaux éléments en recherche de positions de classe ont pris contact avec le CCI et sont même venus, pour certains, participer à nos réunions publiques.
Si depuis le mois de juin dernier, la dynamique enclenchée à l’été 2022 au Royaume-Uni semble connaître une forme de « pause », l’éclatement des grèves dans le secteur de l’automobile aux États-Unis démontre bien que la dynamique de luttes se poursuit. Pour le CCI, ces luttes économiques sont le terrain privilégié permettant à la classe de développer sa réflexion et sa conscience. Il est de la responsabilité des organisations révolutionnaires d’y participer afin de faire mûrir cet effort vital pour le développement du combat révolutionnaire.
Vincent, 1ᵉʳ octobre 2023
1 ) « Le capitalisme mène à la destruction de l’humanité… Seule la révolution mondiale du prolétariat peut y mettre fin », Revue internationale n°169 (2022).
2 ) Pour un bilan plus développé de ces réunions publiques voir : « Pourquoi le CCI parle-t-il de “rupture” dans la dynamique de la lutte de classe ? », Révolution internationale n° 498 (2023).
Au moment du « passage en force » du gouvernement Macron pour imposer la réforme des retraites, ce dernier promettait cyniquement : « cent jours d’apaisement, d’unité, d’ambitions et d’actions au service de la France ». En guise d’apaisement, nous avons eu le meurtre de Nahel et les émeutes du début juillet, puis la répression policière. La poursuite de l’inflation et les attaques sur les conditions de vie et de travail ont plongé une plus grande partie de la population dans la pauvreté. Même les vendanges en Champagne sont devenues l’expression aiguë de l’esclavage salarié moderne, tuant carrément quatre saisonniers.
Avec la loi « Plein emploi », ce sont deux millions de bénéficiaires du maigre RSA qui devront « mériter » leur aumône et justifier pour cela d’un minimum de quinze heures d’activité hebdomadaire. En d’autres termes : ne pas accepter le chantage destiné à imposer les sales boulots et le travail précaire se payera immédiatement par la misère la plus absolue. Si l’État cherche à mieux encadrer les conditions d’attribution des allocations sociales et du chômage, c’est dans l’optique de l’aggravation sans précédent de la situation. Les entreprises licencient déjà par centaines dans de multiples secteurs : à Carrefour, Euronews, Michelin, BNP Paribas, etc. Et cela ne fait que commencer !
La précarité de la vie étudiante explose également. Il faut faire des choix au quotidien : se nourrir, se soigner, voire devoir coucher sous la tente ou sous des arches du périphérique parisien.
Avec cette dégradation brutale des conditions de vie ouvrières, même les organisations caritatives n’arrivent plus à suivre, à financer la logistique, les achats, les transports des denrées alimentaires. Les « restos du cœur », par exemple, à l’origine sensés répondre « dans l’urgence » à la précarité des plus démunis depuis 1985, n’arrivent plus à joindre les deux bouts aujourd’hui. Et pour cause ! De 8,5 millions de repas servis déjà en 1985/86, ce sont désormais 170 millions de repas qui sont distribués aux chômeurs, aux précaires, aux étudiants, aux retraités, à des familles monoparentales, à des travailleurs pauvres… La misère permanente est maintenant imposée à tous les exploités et le soutien caritatif « urgent » pendant près 40 ans n’apparaît que pour ce qu’il est : un emplâtre sur une jambe de bois.
Dans un contexte de crise, l’économie de guerre se développe très clairement. Nous en faisons déjà les frais avec le délabrement des secteurs de l’Éducation, de la santé, etc., pendant que le budget consacré aux dépenses militaires a vertigineusement augmenté de 46 % depuis 2017 !
La bourgeoisie en France comme ailleurs s’inquiète du climat social de ras le bol et de la maturation de la conscience qui s’opère en profondeur. Elle sait pertinemment que la classe ouvrière ne peut que réagir énergiquement face aux attaques, face à l’inflation, telle qu’elle le fait actuellement aux États-Unis dans un black-out médiatique quasi-total. C’est particulièrement vrai en France où la combativité ouvrière s’est révélée massivement au printemps dernier, avec le sentiment, même si cela reste encore très confus dans les rangs ouvriers, que la confiance dans notre force collective et notre unité offre la possibilité d’aller plus loin dans la lutte.
La bourgeoisie l’a très bien compris et tente de l’anticiper au mieux en organisant ses forces d’encadrement, idéologiques ou répressives, notamment par le biais des organisations syndicales. Face au besoin d’une réponse unitaire de la classe ouvrière, la planification d’une journée d’action intersyndicale le 13 octobre ne sera a priori qu’une journée d’action qui doit donner l’illusion que les syndicats envisagent toujours une mobilisation la plus large au service de la lutte.
Or les syndicats négocient avec le gouvernement la meilleure stratégie à tenir pour dévoyer la combativité et l’unité ouvrières, préparant et orientant les esprits vers la « Conférence sociale » du 16 octobre avec le gouvernement, comme la suite logique de la journée d’action. Cette Conférence, polarisant les esprits sur le terrain de la démocratie bourgeoise ne pourra avoir comme perspective que de mieux torpiller nos luttes. Dès aujourd’hui, les syndicats prennent les devants et sont omniprésents dans les multiples grèves locales ou sectorielles, comme à la SNCF, à Pôle Emploi, en les stérilisant dans le cadre de l’entreprise ou de revendications spécifiques…
Les forces politiques de l’extrême-gauche bourgeoise ne sont pas en reste : pour les organisations trotskistes ou anarchistes les plus radicales, comme Lutte Ouvrière ou Révolution Permanente, la critique des « bureaucraties syndicales » ne sert qu’à mieux faire passer la mystification d’un syndicalisme plus « authentique », à la « base ». Ce sont leurs contributions au dévoiement de l’unité ouvrière et au sabotage des réels moyens de la lutte.
Aujourd’hui, la maturation de la conscience en profondeur est encore à l’œuvre et ne demande qu’à surgir à la lumière. Où, quand, comment ?… Nul ne le sait précisément. Mais une chose est certaine, la bourgeoisie s’y prépare activement. Le prolétariat doit préparer les luttes de demain en tirant les leçons de ses combats du passé.
Stopio, 6 octobre 2023
Au cours de l’année écoulée, des luttes ouvrières importantes ont éclaté dans les pays centraux du capitalisme et un peu partout dans le monde. Cette série de grèves a débuté au Royaume-Uni, durant l’été 2022 et les travailleurs de nombreux autres pays sont ensuite entrés en lutte : en France, en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas, aux États-Unis, en Corée, en Grèce…
Partout, la classe ouvrière relève la tête face à la dégradation considérable de ses conditions de vie et de travail, à l’augmentation vertigineuse des prix, à la précarité systématique et au chômage de masse, causés notamment par la déstabilisation économique, les catastrophes écologiques et l’intensi fication du militarisme fortement renforcé par la barbarie guerrière en Ukraine.
Depuis trois décennies, le monde n’avait pas connu une telle vague de luttes simultanées dans autant de pays ni sur une si longue période. L’effondrement du bloc de l’Est en 1989 et les campagnes sur la prétendue « mort du communisme » avaient provoqué un profond reflux de la lutte de classe au niveau mondial. L’implosion du bloc impérialiste stalinien et d’une des deux plus grandes puissances mondiales, l’URSS, était l’expression la plus spectaculaire de l’entrée du capitalisme dans une nouvelle phase de sa décadence encore plus destructrice, celle de sa décomposition. (1) Le pourrissement sur pied de la société, avec son lot de violence et de chaos croissant à tous les niveaux, l’ambiance nihiliste et désespérée, les tendances au repli sur soi… tout cela a eu à son tour un impact très négatif sur la lutte de classe.
Nous avons ainsi assisté à un affaiblissement considérable de la combativité par rapport aux années 1970/1980. La résignation qui a frappé la classe ouvrière en Grande-Bretagne pendant plus de trois décennies, un prolétariat ayant une longue expérience de lutte, illustre à elle seule la réalité de ce recul. Face aux attaques de la bourgeoisie, aux « réformes » extrêmement brutales, à la désindustrialisation massive, à la baisse considérable du niveau de vie, les ouvriers de ce pays n’ont plus connu de mobilisation significative depuis la défaite cinglante infligée aux mineurs par Thatcher en 1985.
Si, ponctuellement, la classe ouvrière a montré des signes de combativité et tenté de se réapproprier ses armes de lutte (lutte contre le CPE en France en 2006, mouvement des Indignés en Espagne en 2011, première mobilisation contre la réforme des retraites en France en 2019), prouvant par là qu’elle n’était nullement sortie de la scène de l’histoire, ses mobilisations sont largement restées sans lendemain, incapables de relancer un mouvement plus global.
Pourquoi ? Parce que les travailleurs n’ont pas seulement perdu leur combativité pendant toutes ces années, ils ont également été victimes d’un profond recul de la conscience de classe dans leurs rangs, qu’ils avaient chèrement acquise aux feux de leurs combats dans les années 1970 et 1980, oubliant les leçons de leurs luttes, de leurs confrontations avec les syndicats, des pièges tendus par l’État « démocratique », perdant leur confiance en eux, leur capacité à s’unir, à lutter massivement comme classe antagoniste à la bourgeoisie... Dans ce contexte, le communisme paraissait bel et bien mort avec les horreurs du stalinisme, et la classe ouvrière semblait ne plus exister.
Et pourtant, confrontée à l’accélération considérable du processus de décomposition (2) depuis la pandémie mondiale de Covid-19, et plus encore avec les massacres de la guerre en Ukraine et les réactions en chaine que cela a provoqué sur les plans économique, écologique, social et politique, la classe ouvrière relève partout la tête, engage le combat et refuse désormais de subir les sacrifices au nom du soi-disant « bien commun ».
S’agit-il d’un hasard ? D’une réaction épidermique ponctuelle sans lendemain face aux attaques de la bourgeoisie ? Non ! Le slogan « ça suffit ! » dans ce contexte de déstabilisation généralisée du système capitaliste illustre bien qu’un véritable changement d’état d’esprit est en train de s’opérer au sein de la classe. Toutes ces expressions de combativité font partie d’une nouvelle situation qui s’ouvre pour la lutte de classe, une nouvelle phase qui rompt avec la passivité, la désorientation et le désespoir des trois dernières décennies.
L’éclatement simultané de luttes depuis un an ne vient pas de nulle part. Il est le produit de tout un processus de réflexion dans la classe à travers une série de tentatives tâtonnantes antérieures. Déjà, lors de la première mobilisation en France contre la « réforme » des retraites à la fin de l’année 2019, le CCI avait identifié l’expression d’un fort besoin de solidarité entre les générations et les différents secteurs. Ce mouvement avait aussi été accompagné par d’autres luttes ouvrières dans le monde, aux États-Unis comme en Finlande, mais s’était éteint face à l’explosion de la pandémie de Covid en mars 2020. De même, dès octobre 2021, des mouvements de grève ont éclaté à nouveau aux États-Unis dans différents secteurs, mais la dynamique de lutte était interrompue, cette fois par le déclenchement de la guerre en Ukraine qui a, dans un premier temps, paralysé les travailleurs, en particulier en Europe.
Ce long processus de tâtonnements et de maturation a débouché, à partir de l’été 2022, sur une réaction décidée des travailleurs sur leur propre terrain de classe face aux attaques. Les ouvriers britanniques ont ouvert une nouvelle période de la lutte ouvrière internationale, dans ce que l’on a appelé : « l’été de la colère ». Le slogan « trop c’est trop » a été élevé au symbole de toute la lutte prolétarienne au Royaume-Uni. Ce mot d’ordre n’exprimait pas des revendications particulières à satisfaire, mais une révolte profonde contre les conditions de l’exploitation. Cela montrait que les travailleurs n’étaient plus disposés à avaler des compromis minables, mais qu’ils étaient prêts à poursuivre la lutte avec détermination. Ce mouvement des ouvriers britanniques est particulièrement symbolique dans la mesure où c’est la première fois depuis les années 1980 que ce secteur du prolétariat mondial se retrouve sur le devant de la scène.
Et tandis que l’inflation et la crise s’intensifiaient partout dans le monde, les travailleurs de la santé en Espagne et aux États-Unis sont également rentrés en lutte, suivi d’une vague de grèves aux Pays-Bas, d’une « megastreik » des travailleurs des transports en Allemagne, de plus de cent grèves contre les arriérés de salaires et les licenciements en Chine, d’une grève et de manifestations après un terrible accident de train en Grèce, d’enseignants réclamant des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail au Portugal, de 100 000 fonctionnaires réclamant une augmentation des salaires au Canada, et surtout, d’un mouvement massif du prolétariat en France contre la réforme des retraites.
Ces mobilisations contre l’austérité imposée par la crise et le poids croissant du militarisme contiennent, à terme, une opposition à la guerre. En effet, la mobilisation directe des travailleurs contre la guerre était illusoire : le CCI avait souligné, dès février 2022, que la réaction ouvrière se manifesterait sur le terrain des attaques contre le pouvoir d’achat, qui découleraient de l’intensification et de l’interconnexion des crises et catastrophes, et que celle-ci irait aussi à l’encontre des campagnes appelant à accepter des sacrifices pour soutenir « l’héroïque résistance du peuple ukrainien ». Voilà aussi ce que les luttes de l’année écoulée portent en germe, même si les travailleurs n’en ont pas encore pleinement conscience : le refus de se sacrifier toujours plus pour les intérêts de la classe dominante, le refus des sacrifices pour l’économie nationale et pour l’effort de guerre, le refus d’accepter la logique de ce système qui mène l’humanité vers une situation de plus en plus catastrophique.
Dans ces luttes, l’idée que « nous sommes tous dans le même bateau » a commencé à émerger dans la tête des ouvriers. Sur les piquets de grève au Royaume-Uni, des grévistes nous ont exprimé le sentiment de lutter pour quelque chose de plus grand que les revendications corporatistes des syndicats. La bannière « Pour nous tous » sous laquelle la grève s’est déroulée en Allemagne, le 27 mars, est particulièrement significative du sentiment général qui se développe dans la classe : « nous nous battons tous les uns pour les autres ».
Mais c’est en France que s’est le plus clairement exprimé le besoin de lutter tous unis. Les syndicats ont bien tenté de diviser et pourrir le mouvement dans le piège de la « grève par procuration » derrière des secteurs soi-disant « stratégiques » (comme l’énergie ou le ramassage des ordures) pour « mettre la France à l’arrêt ». Mais les travailleurs ne sont pas tombés massivement dans le piège, déterminés à se battre tous ensemble.
Lors des quatorze journées de mobilisation en France, le CCI a distribué plus de 130 000 tracts : l’intérêt pour ce qui se passait au Royaume-Uni et ailleurs ne s’est jamais démenti. Pour certains manifestants, le lien avec la situation au Royaume-Uni semblait évident : « c’est partout pareil, dans tous les pays ». Ce n’est pas un hasard si les syndicats du « Mobilier national » situé à Versailles ont été contraints par les ouvriers de prendre en charge un mouvement de grève lors de la visite (annulée) de Charles III à Paris au nom de la « solidarité avec les travailleurs anglais ».
Malgré l’inflexibilité du gouvernement français, malgré les échecs à faire reculer la bourgeoisie ou à obtenir réellement de meilleurs salaires en Grande-Bretagne ou ailleurs, la plus grande victoire des travailleurs, c’est la lutte elle-même et la conscience, sans doute encore balbutiante et très confuse, que nous formons une seule et même force, que nous sommes tous des exploités qui, atomisés, chacun dans leur coin, ne peuvent rien face au capital mais qui, unis dans la lutte, deviennent la plus grande force sociale de l’histoire.
Certes, les travailleurs n’ont toujours pas retrouvé la confiance en leur propre force, en leur capacité à prendre les luttes en main. Les syndicats ont partout gardé le contrôle des mouvements, en parlant un langage plus combatif pour mieux stériliser les besoins d’unité, tout en maintenant une séparation rigide entre les différents secteurs. En Grande-Bretagne, les ouvriers sont restés isolés derrière le piquet de grève de leur entreprise, bien que les syndicats aient été contraints d’organiser quelques parodies de manifestations prétendument « unitaires ». De même, si, en France, les travailleurs se sont rassemblés dans de gigantesques manifestations, ce fut systématiquement sous le contrôle absolu des syndicats, saucissonnés derrière les banderoles de leur entreprise, de leur secteur. Globalement, l’enfermement corporatiste est demeuré une constante dans la plupart des luttes.
Pendant les grèves, la bourgeoisie, particulièrement les fractions de gauche, a continué à déverser ses campagnes idéologiques autour de l’écologisme, de l’antiracisme, de la défense de la démocratie et autres, destinées à maintenir la colère et l’indignation sur le terrain illusoire du droit bourgeois et à diviser les exploités entre blancs/non-blancs, hommes/femmes, jeunes/vieux… On a ainsi pu voir, en France, en plein mouvement contre la réforme des retraites, se développer des campagnes tant écologistes autour de l’aménagement de « méga-bassines » que démocratiques contre la répression policière. Bien que la majorité des luttes des ouvriers soit restée sur un terrain de classe, c’est-à-dire la défense des conditions matérielles des travailleurs face à l’inflation, aux licenciements, aux mesures d’austérité du gouvernement, etc., le danger que représentent ces idéologies pour la classe ouvrière demeure considérable.
À l’heure actuelle, les luttes ont diminué dans plusieurs pays, mais cela ne signifie nullement qu’un sentiment de découragement ou de défaite s’est emparé des travailleurs. La vague de grèves s’est poursuivie pendant une année entière au Royaume-Uni, tandis que les manifestations en France ont duré cinq mois, en dépit du fait que la grande majorité des travailleurs était consciente depuis le début que la bourgeoisie ne céderait pas immédiatement à leurs revendications. Ainsi, semaine après semaine aux Pays-Bas, mois après mois en France et pendant une année entière au Royaume-Uni, les travailleurs ont refusé de jeter l’éponge. Ces mobilisations ouvrières ont montré clairement que les travailleurs sont déterminés à ne pas accepter une nouvelle détérioration de leurs conditions de vie. Or, en dépit de tous les mensonges de la classe dominante, la crise ne s’arrêtera pas : les prix pour se loger, pour se chauffer, pour se nourrir ne vont pas cesser de grimper, les licenciements et les contrats précaires vont continuer à pleuvoir, les gouvernements vont poursuivre leurs attaques…
Incontestablement, cette nouvelle dynamique de lutte n’en est qu’au tout début et, pour la classe ouvrière, « Toutes ses difficultés historiques persistent, sa capacité à organiser ses propres luttes et plus encore à la prise de conscience de son projet révolutionnaires sont encore très loin, mais la combativité grandissante face aux coups brutaux portés par la bourgeoisie aux conditions de vie et de travail est le terrain fertile sur lequel le prolétariat peut retrouver son identité de classe, prendre conscience à nouveau de ce qu’il est, de sa force quand il lutte, se solidarise, puis développe son unité. Il s’agit d’un processus, d’un combat qui reprend après des années d’atonie, d’un potentiel que laissent entrevoir les grèves actuelles ». (3) Nul ne sait ni ou ni quand de nouvelles luttes significatives surgiront. Mais il est certain que la classe ouvrière va devoir continuer à se battre partout !
Être des millions à se battre, ressentir la force collective de notre classe en se serrant les coudes dans les rues, tout cela est indispensable, mais ce n’est nullement suffisant. Le gouvernement français a reculé en 2006, lors de la lutte contre le CPE, non parce que les étudiants et les jeunes précaires étaient plus nombreux dans les rues, mais parce qu’ils avaient immédiatement confisqué le mouvement aux syndicats, à travers des assemblées générales souveraines, ouvertes à tous et massives. Ces assemblées n’étaient pas des lieux d’enfermement dans son secteur ou son entreprise, mais des lieux d’où partaient des délégations massives vers les entreprises les plus proches afin de chercher activement la solidarité.
Aujourd’hui, l’incapacité de la classe ouvrière à prendre activement en main la lutte, en cherchant à l’étendre à tous les secteurs, est la raison pour laquelle la bourgeoisie n’a pas reculé. Cependant, la reconquête de son identité a permis à la classe ouvrière de commencer à se réapproprier son passé. Dans les cortèges en France, les références à Mai 68 et à la lutte de 2006 contre le CPE se sont multipliées. Que s’est-il passé en 1968 ? Comment a-t-on fait reculer le gouvernement en 2006 ? Dans une minorité de la classe, un processus de réflexion est en cours, ce qui est un moyen indispensable pour tirer les leçons des mouvements de l’année écoulée et pour préparer les luttes futures qui devront aller encore plus loin que celles de 1968 en France ou celles de 1980 en Pologne.
De même que les luttes récentes sont le produit d’un processus de maturation souterraine qui s’est développé depuis un certain temps, de même les efforts d’une minorité pour tirer les leçons des luttes porteront leurs fruits dans les combats plus larges qui nous attendent. Les travailleurs reconnaîtront que la séparation des luttes imposée par les syndicats ne peut être surmontée que s’ils redécouvrent des formes autonomes d’organisation telles que les assemblées générales et les comités de grève élus et révocables, et s’ils prennent l’initiative d’étendre la lutte au-delà de toutes les divisions corporatistes.
A. et D., 13 août 2023
1 ) Cf. « La décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste (mai 1990) [14] », Revue internationale n° 107 (2001).
2 ) Cf. « Rapport sur la décomposition pour le 25e congrès du CCI [15] », Revue internationale n° 170 (2023).
3 ) Cf. « Rapport sur la lutte de classe pour le 25e congrès du CCI [16] », Revue internationale n° 170 (2023).
L’année 2023 a une nouvelle fois démontré l’ampleur du désastre environnemental dans lequel le capitalisme entraîne toute l’humanité. Les feux de forêt dévastateurs au Canada comme à Hawaï, les inondations en Asie, les pénuries d’eau potable en Uruguay ou en Afrique, les tempêtes dévastatrices aux États-Unis, la fonte inéluctable des glaciers… toutes ces « cata strophes naturelles » ont un lien direct avec le phénomène de réchauffement climatique.
Non seulement le réchauffement climatique est réel, mais il s’accélère de façon vertigineuse et catastrophique. Ce mois de juillet 2023 a été le plus chaud jamais enregistré sur la planète. Le mois d’août a connu la journée la plus chaude jamais enregistrée sur cette période. Les prévisionnistes indiquent que l’année 2024 pourrait bien dépasser ces tristes records. L’effondrement du système de courants marins comme le Gulf Stream, régulateur essentiel du climat sur la planète, pourrait, s’il se confirmait, bouleverser le climat sur Terre et considérablement fragiliser l’espèce humaine à l’horizon de quelques décennies. Une nouvelle menace qui reste à confirmer mais qui pourrait se rajouter à toutes celles qui pèsent déjà sur l’humanité !
La bourgeoisie ne peut plus nier cette réalité, bien qu’elle ait volontairement cherché à diminuer, voire à dissimuler les risques pendant de nombreuses années pour protéger ses profits ! (1) Mais l’accélération et l’accentuation des conséquences du dérèglement climatique ne lui permet plus de dissimuler la vérité : le climat mondial évolue vers une situation catastrophique qui rendra de plus en plus de zones inhabitables sur la planète. Outre les « climato-sceptiques » totalement irrationnels comme Trump ou l’extrême droite européenne, les chefs d’État les plus « responsables » promettent tous, la main sur le cœur, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, pour développer une économie plus respectueuse de l’environnement. Bien entendu, ces engagements ne sont jamais tenus ou sont très en deçà des enjeux, voire parfaitement risibles (interdiction des pailles en plastique, des tickets de caisse…).
Alors la bourgeoisie change son fusil d’épaule et commence à nous préparer à vivre l’invivable en prenant des mesures « d’adaptation ». Il est inutile de préciser que, comme pour les pandémies passées ou à venir, la bourgeoisie fait preuve d’une incurie inqualifiable et ne se prépare pas sérieusement à affronter la catastrophe. Derrière ces prétendues « adaptations », la classe dominante prépare surtout les esprits à l’austérité et aux pénuries au nom de la « transition écologique ».
Au nom du climat, la bourgeoisie commence à réorienter son économie… mais certainement pas pour préserver la planète ! Plusieurs pays envisagent, en effet, de réactiver les centrales au charbon ou (comme la France) trafiquent sans scrupule les quotas pour éviter de les arrêter ! Le gouvernement français est tout près d’autoriser de nouveaux forages pétroliers en Gironde, symboliquement situés à l’endroit-même où des forêts ont été dévastées l’année dernière ! Les États se bagarrent pour éviter de trop contraindre leur économie et se servent de l’écologisme comme d’une arme impérialiste pour vilipender l’inaction des uns et des autres, protéger leur marché, tenter d’affaiblir des concurrents avec, par exemple, les procès retentissants contre telle ou telle marque de voiture concurrente ayant enfreint les règles environnementales… Ainsi la loi européenne sur la protection de la nature, adoptée le 12 juillet, contient une disposition instaurant une clause de sauvegarde économique : si l’économie souffre des dispositions prévues hypocritement par la loi, on les annule ! Pour le capital, il ne devrait y avoir aucune contrainte à l’expansion et à l’intensification de son économie. La préservation de l’environnement passe après.
À côté de cela, les dispositions préventives ne sont pas prises, au risque évidemment d’accélérer toujours plus l’ampleur des catastrophes. Ainsi, les incendies à Hawaï étaient incontrôlables parce que, malgré les vents violents, le courant n’avait pas été coupé dans les lignes électriques non enfouies, entraînant leur chute et l’inflammation de la végétation, et que certaines bouches d’incendie alimentant les lances des pompiers ont manqué d’eau ou de pression. En Asie, le manque de médicaments contre le paludisme et la dysenterie a largement contribué à aggraver le bilan humain des inondations. En Uruguay, faute d’avoir les capacités de fournir suffisamment d’eau potable aux robinets des habitants, on y a ajouté de l’eau salée ! À Mayotte, département français d’outre-mer, rien n’a été prévu pour anticiper une sécheresse privant la population d’eau potable.
Il ne s’agit nullement de « choix » ou de « manque de volonté politique », mais de la logique même de l’accumulation capitaliste qui interdit toute remise en cause de la dynamique ultra-polluante de la société bourgeoise. Car c’est bien le capitalisme qui est responsable de ces dérèglements, ce sont ses lois qui obligent chaque capitaliste à produire toujours plus et à moindre coût. Pour le capitalisme il faut « vendre ». Et c’est tout ! Une démarche anarchique et à court terme. Une démarche suicidaire même. Vendre, ce n’est pas satisfaire des besoins humains, c’est uniquement profiter de marchés solvables.
Il est donc inutile et mystificateur d’imaginer que ce système soit capable de s’inventer, tout d’un coup, une vision à long terme et une organisation raisonnée : il n’en est pas capable et ne le sera jamais. Si la concurrence acharnée qui le caractérise a pu, à sa naissance, constituer un puissant moteur de progrès pour les forces productives, une fois le partage du monde et de ses marchés achevé, cette concurrence acharnée s’est transformée en machine de guerre : guerre économique, guerre militaire, pour la domination du monde et à tout prix.
Aujourd’hui la recherche et le développement de l’appareil de production sont bien davantage mis au service de l’industrie militaire que de la protection de l’environnement et la satisfaction des besoins humains. Les dépenses militaires mondiales dépassent les 2 000 milliards de dollars et n’ont jamais été aussi importantes depuis la fin de la guerre froide. Ces dépenses sont un pur gâchis, elles n’ont pour but que de détruire et tuer ou, au mieux, rouiller dans un hangar. Elles mobilisent des milliers de cerveaux pour détruire, répandre le chaos et la mort. L’accélération des tensions impérialistes depuis la fin de la guerre froide laisse facilement imaginer que cette tendance est encore loin d’avoir atteint son apogée.
Sauver la planète ne passera pas par la « sobriété » ou la « décroissance » qui ne sont qu’un aveu d’impuissance, voire un fantasme de retour aux temps pré-capitalistes. Non, sauver la planète passera par l’abolition consciente de l’économie capitaliste et de ses rapports de production devenus obsolètes, par l’édification d’une société capable de produire pour les besoins humains, de façon raisonnée et soucieuse des équilibres naturels.
Le temps est clairement compté et le capitalisme pourrait, à terme, considérablement compromettre l’existence de la civilisation, voire de l’humanité tout entière. Mais les moyens humains et matériels existent pour réorganiser à l’échelle mondiale une production respectueuse de l’environnement et de la vie humaine. Les possibilités inexploitées de la science et de la technologie sont encore immenses.
Seul le prolétariat, lorsqu’il aura pris le pouvoir à l’échelle mondiale, pourra libérer les forces productives des contraintes capitalistes qui les enserrent. Lui seul est capable de concevoir, décider et mettre en œuvre à l’échelle internationale une politique qui permettra de libérer ce monde des lois du profit et de reconstruire une société sur les ruines que le capitalisme est en train de léguer à l’humanité. En mettant fin à la concurrence qui pourrit le monde, il libérera les forces productives de la domination de la sphère militaire qui oriente tout le génie humain vers une œuvre de destruction. Il pourra aussi les libérer du gâchis permanent de la production capitaliste : surproduction inutile et polluante, obsolescence programmée, dépenses improductives liées au chômage de masse, à l’espionnage industriel, etc. Il pourra enfin élever les consciences et l’esprit humain par le développement d’une éducation non plus tournée vers le profit immédiat mais vers l’émancipation des hommes et un rapport harmonieux à la nature.
Guy, 28 août 2023
1 ) En 1972, le « Rapport du club de Rome » alertait déjà sur la gravité de la situation posée par la pollution de la planète, notamment sur la menace pour le climat terrestre de l'augmentation des émissions de CO2 dans l'atmosphère. Pendant des décennies, la bourgeoisie a globalement cherché à dissimuler cette réalité ou à la noyer sous un torrent de mystifications idéologiques, dont le rapport lui-même, prônant une « croissance limitée » (parfaitement contraire à la réalité de l’économie capitaliste) est une évidente illustration.
Depuis 2020, les coups d’État se succèdent en Afrique de l’Ouest et centrale, de la Guinée au Gabon en passant par le Mali, le Burkina-Faso et le Niger. Sans compter les « coups d’État constitutionnels » qui ont également eu lieu en Côte d’Ivoire et au Tchad.
Au Mali, au Burkina-Faso ou au Niger, les régimes corrompus et sanguinaires soutenus par la France ont été renversés par des factions militaires (tout aussi corrompues et sanguinaires) sous les vivats de la foule qui n’en peut plus d’être affamée par des prédateurs sans scrupule et leurs complices occidentaux. Mais les manifestants se bercent d’illusions : ni les putschistes, ni les candidats se pressant au portillon pour remplacer la France dans sa zone d’influence traditionnelle (Russie, Chine, etc.) ne se préoccupent du sort de la population. Bien au contraire, ces putschs sont l’expression d’une déstabilisation accélérée de la région et la promesse de toujours plus de misère.
La région du Sahel, dans laquelle le Niger occupe une place centrale, est caractérisée par une instabilité croissante causée notamment par la détresse économique aiguë des populations, la détérioration de la situation sécuritaire, l’augmentation rapide de la population, les déplacements massifs de migrants (4,1 millions de personnes déplacées rien qu’en 2022) et la terrible dégradation de l’environnement.
L’ensemble de la région du Sahel connaît une recrudescence dévastatrice des attaques menées par des groupes armés islamistes, qui profitent de la porosité et de l’étendue des frontières. Ces groupes terroristes attaquent régulièrement les institutions des États, ciblent les communautés et bloquent les centres urbains en coupant les routes et les lignes d’approvisionnement. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger figurent parmi les dix pays les plus touchés par le terrorisme.
Selon l’indice de fragilité des États, les pays du Sahel figurent parmi les 25 États les plus fragiles. La plupart de ces gouvernements ne sont pas en mesure de contrôler leur territoire. Au Burkina Faso, par exemple, les groupes armés islamistes contrôlent jusqu’à 40 % du territoire. Malgré le « soutien » du groupe Wagner au gouvernement malien, l’État islamique a doublé son territoire dans ce pays en un an.
Après le Mali et le Burkina Faso, l’impérialisme français est contraint d’évacuer le Niger avec armes et bagages, sous les huées de manifestants. Le Niger était considéré comme un « pays sûr » sur lequel comptaient diverses puissances impérialistes, en particulier la France et les États-Unis, pour préserver leurs intérêts.
Mais, contrairement à ce que peut avancer la presse bourgeoise, ce coup d’État (tout comme ceux qui l’ont récemment précédé au Mali ou au Burkina-Faso) n’est pas un simple revirement d’alliance comme on a pu en connaître pendant la guerre froide, avec des putschistes préférant désormais traiter avec la Russie ou la Chine plutôt qu’avec les pays occidentaux. Il s’agit, en réalité, de l’expression d’une forte accélération de la décomposition de la société bourgeoise qui tend à emporter dans le chaos le plus absolu les zones les plus fragiles du capitalisme.
Loin d’une réorientation impérialiste en faveur d’un nouveau « partenaire », on voit plutôt des factions bourgeoises totalement irresponsables profiter de la déstabilisation des gouvernements et de la fragilité des États pour « tenter leur chance ». Ils adoptent n’importe quel discours leur permettant d’accéder au pouvoir et sont prêts à s’allier avec qui sera en mesure de les soutenir sur le moment. Au Niger, le putsch s’est fait ouvertement contre l’ancienne puissance coloniale, avec le soutien du Mali, du Burkina-Faso et celui, relatif, du groupe Wagner, arme de déstabilisation de la Russie. Mais personne ne peut exclure que la junte au pouvoir rétropédale et finisse par négocier avec la France.
Les grandes puissances impérialistes sont préoccupées non pas par le sort des populations ou le maintient de gouvernements « démocratiquement élus » (quelle vaste plaisanterie !) mais par les conséquences des coups d’État pour la défense de leurs sordides intérêts. Au Gabon, par exemple, les putschistes ont poussé vers la sortie Ali Bongo, grand défenseur des intérêts de la France, sans remettre en cause l’énorme influence française dans le pays… Ce coup d’État a donc été qualifié de « réajustement » par la presse occidentale et n’a pas suscité de « vive émotion » du Quai d’Orsay. En revanche, au Niger, les putschistes ont été menacés de subir sanctions économiques et intervention militaire.
Mais les réactions des grands requins impérialistes se sont, elles aussi, faites dans un contexte où règne le chacun pour soi. Paris a immédiatement tenté d’organiser une intervention miliaire mais a, une nouvelle fois, fait la preuve de son impuissance. Macron a ainsi tenté de montrer les muscles en se disant « intraitable » sur le « retour à la légalité », alors que tout indique qu’il n’en a pas les moyens : « La France pousse la Cedeao à intervenir [...]. Mais elle tente aussi de faire entrer ses partenaires européens dans la danse. Le hic, c’est que les Allemands ne sont pas convaincus de l’intérêt d’une intervention, pas plus que les Italiens, qui n’ont pas oublié les dramatiques erreurs françaises en Libye. Quant aux États-Unis, ils veulent conserver leurs positions au Niger ». (1) Tandis que « des diplomates français et militaires français pointent avec amertume le “jeu trouble au Niger de Washington”, qui n’a même pas employé le terme “coup d’État”, […] un général américain de répliquer : “Nous luttons depuis le Niger contre l’influence et les pressions de la Russie, via Wagner, et de la Chine. Ainsi que contre le terrorisme international au Sahel” ». (2)
Le chaos nigérien est tellement brûlant et l’incapacité des occidentaux à agir de concert tellement criant qu’il oblige ces puissances impérialistes à revoir leur positionnement sur place pour ne pas y perdre trop de « plumes ». C’est vrai pour Washington, qui considère le Niger comme un pion central dans sa lutte contre l’influence de la Chine et de la Russie dans la zone, mais sans être sûr de pouvoir compter sur les putschistes.
En clair : « Au Niger, l’Occident n’est pas en mesure de soutenir une invasion, même dirigée par des États régionaux eux-mêmes en mal de légitimité domestique. Ceux-ci seraient de toute façon perçus comme agissant sous la houlette de l’Occident ». (3) Surtout, « l’Occident » se souvient sans doute de son intervention militaire désastreuse en Libye en 2011 dont l’une des conséquences fut l’extension du terrorisme djihadiste à tout le Sahel et l’effondrement d’un État dans une situation encore inextricable.
Tous les impérialismes présents dans la zone du Sahel se repositionnent donc pour mieux défendre leurs intérêts quitte à accélérer le chaos et à accentuer les turbulences impérialistes.
Amina, 25 septembre 2023
1) Le Canard enchaîné (16 août 2023).
2) Le Canard enchaîné (23 août 2023).
3) « Niger : “Il est temps de rompre avec la pratique du paternalisme envers les Africains”… », Le Monde (20 août 2023).
La 15ᵉ université d’été du NPA s’est tenue à la fin du mois d’août et a été, aux dires du site web de l’organisation trotskiste : « résolument internationaliste »… Quel culot ! Surtout quand on sait que depuis le début du conflit en Ukraine, le NPA n’a eu de cesse de soutenir l’armée ukrainienne et d’appeler le « peuple ukrainien » à se faire massacrer dans les tranchées pour la défense des intérêts de l’État et la bourgeoisie qui exploite les ouvriers ! C’est tout le contraire de l’internationalisme qui consiste en la solidarité des prolétaires par-delà les frontières et la lutte contre la bourgeoisie dans tous les pays.
Le soi-disant internationalisme du parti trotskiste reste bien une honteuse caricature de ce principe prolétarien fondamental pourtant essentiel au combat de la classe ouvrière contre le capitalisme. Lors de cette université d’été « c’est le soutien à la résistance, armée et non armée, du peuple Ukrainien, qui emporte l’adhésion la plus manifeste, d’autant plus, peut-être, que l’expression dans le débat d’une position “anti-guerre” la rend plus nécessaire et que la très grande majorité des camarades, à la tribune et dans la salle, ne veulent laisser subsister aucun doute sur leur engagement aux côtés du peuple ukrainien contre l’agression impérialiste russe ».
Depuis le début de la guerre, pour le NPA, être « résolument internationaliste » se traduit par le soutien indéfectible à un camp impérialiste contre un autre. Pour défendre l’internationalisme, il faudrait « apporter une solidarité sans faille à la résistance ukrainienne face à l’agression impérialiste russe : cela passe par soutenir le droit des ukrainien.nes à s’armer, y compris via les États-Unis et l’OTAN, militer pour l’accueil des deplacé.es et l’annulation de la dette ukrainienne ». La seule issue à la guerre ne peut être que « la victoire militaire du peuple Ukrainien, qui renforcerait la crise du régime politique russe et la contestation de la guerre, et ouvrirait les possibilités pour le peuple russe de renverser le régime ». Tout au plus, le NPA se défend de soutenir le camp ukrainien en appelant hypocritement à « contester les politiques néolibérales du gouvernement Zelensky ». (1) Le NPA soutient sans sourciller les massacres de masse, mais la politique « néolibérale de Zelensky », c’est « résolument » : non ! Quelle imposture !
Alors que l’internationalisme prolétarien constitue le fondement même du combat « anticapitaliste » de la classe ouvrière, le NPA, dans la pure tradition du trotskisme, l’inonde d’une fange nationaliste insupportable. Alors que les combats en Ukraine tournent quasiment au corps-à-corps dans les tranchées, nos prétendus internationalistes appellent à la « résistance », à l’armement par les États-Unis et l’OTAN d’une armée impérialiste pour en écraser une autre.
Et au nom de quoi ? D’une prétendue position « anti-guerre » ! Depuis quand appeler à fournir des fusils à une armée contre une autre armée, est-il la manifestation d’une position « anti-guerre » ?
Rien ne différencie les mots d’ordre du NPA de ceux des nombreux États qui soutiennent l’Ukraine dans le conflit et qui, eux, assument pleinement leur nationalisme. Le NPA démontre, s’il était encore nécessaire de le faire, qu’il est un fidèle et acharné défenseur des intérêts de la bourgeoisie, en endossant, comme n’importe quelle officine bourgeoise, les habits de sergent recruteur.
Contrairement au NPA, le mouvement ouvrier a très tôt décelé le mode de vie guerrier du capitalisme et la nécessité pour le prolétariat de s’opposer à toute division nationale. Dès 1848 le Manifeste du Parti communiste scandait : « Les prolétaires n’ont pas de patrie » !
Au moment de l’entrée en décadence du capitalisme, les communistes ont su comprendre que l’ère qui s’ouvrait serait celle « des guerres et des révolutions ». Rosa Luxemburg, en particulier, saura analyser l’omniprésence de l’impérialisme et du militarisme dans le mode de vie du capitalisme décadent. Elle comprendra que l’impérialisme n’est pas une manifestation parmi d’autres de la décadence du capitalisme : il est la forme centrale et permanente d’une période dans laquelle le capitalisme est arrivé à son plus haut degré de maturité et amorce son déclin historique, ne pouvant qu’enfoncer l’humanité dans toujours plus de chaos et de guerres.
Ainsi le monde est dominé par les antagonismes internationaux, économiques et politiques. Il n’y a pas l’impérialisme « agresseur », d’un côté, et les « agressés », de l’autre. Toutes les guerres sont des guerres impérialistes. Dans le capitalisme décadent, toute nation, petite ou grande, est nécessairement impérialiste et cherche à conquérir ou garder une place dans l’arène mondiale. Si les grandes nations attaquent les plus petites, ces dernières n’en sont pas moins engagées dans un conflit pour défendre les intérêts de leur bourgeoisie et leur capital national.
Aujourd’hui Poutine attaque l’Ukraine mais Zelensky, de son côté, ne fait que « défendre la patrie ukrainienne », c’est-à-dire l’indépendance du capital ukrainien. Il n’est pas moins impérialiste que son voisin. Les soutiens de nombreuses grandes puissances démontrent également le caractère indéniablement impérialiste de ce conflit comme de tous les conflits dans le capitalisme décadent.
Rosa Luxemburg s’est battue de toutes ses forces pour faire reconnaître au camp prolétarien la nouvelle dimension impérialiste mondiale qui devait trouver sa plus flagrante illustration dans les deux guerres mondiales qui ont ensanglantées le monde. Elle n’a cessé de défendre que seule la lutte de classe internationale, contre tout esprit chauvin, pouvait mettre fin à la guerre. Cet héritage dont l’histoire a montré l’exactitude dans un torrent de sang, est aujourd’hui piétiné par ceux qui le travestissent pour mieux tenter de le liquider. Nous dénions à ces défenseurs acharnés du camp bourgeois le droit d’utiliser le terme « internationalisme », eux qui le salissent chaque jour de leurs mots d’ordre nationalistes et qui l’éclaboussent du sang des ouvriers dont ils saluent le massacre dans une guerre qui n’est pas la leur mais celle de leurs exploiteurs.
En se levant contre les sacrifices que les bourgeoisies leur demandent pour payer leur guerre, les ouvriers renoueront progressivement avec l’internationalisme tel que Rosa Luxemburg et le mouvement ouvrier l’ont défendu. Ils finiront, en développant leurs luttes, par démasquer tous ceux qui les ont maintenus dans le mensonge pendant tant d’années, dévoyant leur indignation vers la défense des intérêts ennemis !
GD, 3 octobre 2023
1) « Toujours avec la résistance ukrainienne », L’Anticapitaliste n° 139 (octobre 2022). Si nous axons l’article sur la dénonciation du NPA « historique » de Besancenot et Poutou, le NPA-L’Anticapitaliste, sa récente scission, le NPA-Révolutionnaires, est sur une ligne identique, comme l’illustre leur prise de position sur le sujet : « Notre solidarité va aux Ukrainiens qui luttent pour ne pas crever sous la botte de Poutine et aux opposants russes à la guerre qui risquent leur vie » (« Les révolutionnaires et la guerre en Ukraine : quelle voie pour les travailleurs et les peuples ? », mars 2023).
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri-499.pdf
[2] https://fr.internationalism.org/content/11168/tendance-communiste-internationaliste-et-linitiative-no-war-but-the-class-war-bluff
[3] https://fr.internationalism.org/tag/5/57/israel
[4] https://fr.internationalism.org/tag/5/58/palestine
[5] https://fr.internationalism.org/files/fr/tract_8_octobre_2023_.pdf
[6] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/interventions
[7] https://fr.internationalism.org/tag/5/50/etats-unis
[8] https://fr.internationalism.org/tag/5/36/france
[9] https://fr.internationalism.org/tag/5/37/grande-bretagne
[10] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/lutte-classe-monde-2022-2023
[11] https://fr.internationalism.org/tag/conscience-et-organisation/courant-communiste-international
[12] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france
[13] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
[14] https://fr.internationalism.org/french/rint/107_decomposition.htm
[15] https://fr.internationalism.org/content/11034/rapport-decomposition
[16] https://fr.internationalism.org/content/11035/rapport-lutte-classe-25e-congres-du-cci
[17] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/lutte-proletarienne
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