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Deux mois après l’invasion du Koweït par les troupes irakiennes, la situation mondiale n’a cessé de s’aggraver. Aujourd’hui, dans la partie de bras de fer entre S. Hussein et ce que les médias bourgeois appellent "la communauté internationale", il est clair qu’il n’y a aucune place pour une quelconque solution négociée. Des deux côtés, les positions n’ont fait que se durcir semaine après semaine : blocus des ambassades de Koweït-City, échec de la mission diplomatique de Perez de Cuellar, résolutions de plus en plus énergiques de l’ONU, provocations irakiennes telle l’agression des ambassades occidentales au Koweït... Et le signe le plus évident de l’accroissement de la tension, c’est bien le renforcement incessant du gigantesque arsenal militaire des USA et de leurs acolytes dans le Golfe.
Toutes ces grandes manœuvres ne sont pas de simples gesticulations comme voudraient nous le faire croire tous ceux qui s’imaginent que cette accumulation pharamineuse d’armements ne serait là que pour la parade. L’escalade guerrière qui se déchaîne aujourd’hui dans le Golfe nous montre le seul avenir que nous réserve le capitalisme. Elle n’est qu’une première manifestation de la nouvelle situation historique qui s’est ouverte pour l’ensemble du monde capitaliste avec la fin de la "guerre froide". Cette nouvelle situation, ce n’est certainement pas celle d’une "paix mondiale" assurée avec l’effondrement du bloc impérialiste russe comme nous l’avaient vanté, ces derniers mois, tous les chantres de la bourgeoisie. C’est au contraire une ère de barbarie et de chaos généralisé que le capitalisme décadent nous promet à coup sûr dans toutes les parties du monde et qui contient la menace de destruction de la planète si le prolétariat le laisse faire.
L’extrême gravité des tensions impérialistes, prêtes à se déchaîner à tout moment dans le Golfe, vient aujourd’hui apporter un démenti cinglant à tous les mensonges pacifistes auxquels nous avons eu droit après l’effondrement du bloc de l’Est. On nous avait promis qu’avec la fin de la "menace russe", la paix et la stabilité mondiale allaient enfin pouvoir s’installer de façon durable dans un capitalisme éternel et bienfaisant. Aujourd’hui la réalité monstrueuse, hallucinante de l’escalade guerrière dans le Golfe, vient dévoiler au grand jour la seule perspective que porte en lui ce système en pleine putréfaction qu’est le capitalisme mondial : guerre, massacres, destructions de plus en plus massives. Et u n’y a pas d’illusion à se faire, ce ne sont pas uniquement les régions pétrolifères, présentant un intérêt économique et stratégique vital pour la bourgeoisie mondiale, qui sont aujourd’hui menacées par le déchaînement de la barbarie capitaliste. La crise du Golfe n’est pas une guerre lointaine et exotique, circonscrite aux seules frontières des Etats du Moyen-Orient. Cette crise ne fait qu’annoncer et préparer d’autres conflits militaires où aucune partie du monde ne saurait être épargnée. Elle est aujourd’hui le symptôme le plus criant de la gangrène généralisée du capitalisme décadent qui, livré à sa propre logique infernale, est condamné à périr dans la boue et le sang, dans un déluge de bombes et de feu.
Depuis la première guerre mondiale, l’impérialisme est devenu une des caractéristiques majeures et permanentes du capitalisme, traduisant l’entrée de ce système, confronté à des contradictions économiques insolubles, dans sa période de décadence, de déclin historique. Plus de trois quart de siècle où la guerre est devenue la conséquence et la manifestation suprême de la concurrence exacerbée que se livrent toutes les nations petites ou grandes, "démocratiques” ou "dictatoriales", sur un marché mondial de plus en plus saturé. Et depuis la fin de la deuxième boucherie mondiale, même en temps de "paix", le capitalisme n’a jamais cessé de déchaîner sa folie meurtrière aux quatre coins de la planète : guerres coloniales, guerres de "libération nationale" résultant de l’affrontement militaire par pays du tiers-monde interposés entre le bloc russe et le bloc US, développement pharamineux de l’économie d’armements dans tous les pays...
Aujourd’hui, l’engagement militaire des principaux Etats du monde dans la crise du Golfe constitue non seulement un concentré de la barbarie de ce système moribond qui, tout au long du 20ème siècle n’a su que provoquer des destructions toujours plus massives, mais elle confère à l’impérialisme et à la guerre une dimension nouvelle résultant directement de la fin de la division du monde en deux blocs militaires rivaux.
En effet, avec l’effondrement du bloc de l’Est, avec la disparition de ce qui constituait le principal ciment des différents Etats du bloc occidental, celui-ci ne pouvait qu’entrer, à son tour, dans un processus de désagrégation. Et ce processus prend une forme d’autant plus extrême que la disparition du bloc de l’Est marquait également l’entrée du capitalisme, sous les coups de l’aggravation de la crise économique mondiale, dans une nouvelle et dernière étape de la décadence de ce système, celle de la décomposition générale de la société, de son pourrissement sur pied. Cette décomposition s’exprime par une tendance croissante à l’éclatement, à la dislocation de tous les aspects de la vie sociale qui ne pouvait qu’aggraver encore la désagrégation du bloc occidental. C’est dans te cadre de cette nouvelle situation historique qu’il faut comprendre l’aventure militaire dans laquelle s’est engagée l’Irak et qui constitue la première manifestation majeure des convulsions qui frappent à son tour le bloc US. C’est ainsi que l’Irak qui, jusqu’à présent, avait été un bon et loyal serviteur du bloc US pour le compte duquel il accomplissait les basses besognes de remise au pas de l’Iran, a été poussé, sous la pression de la crise économique, à tenter de jouer sa propre carte en mettant la main sur le Koweït.
En ce sens, la crise actuelle dans le Golfe persique revêt une signification particulièrement grave par les enjeux et les perspectives qu’elle contient : elle constitue la première manifestation d’une nouvelle période où l’arène impérialiste mondiale va être de plus en plus marquée par le déchaînement de tous les impérialismes locaux, où, dans la guerre de tous contre tous, chaque capital national va tenter, en usant des armes les plus sophistiquées, de défendre ses propres intérêts particuliers au détriment des nations voisines. Dans une telle situation, la seule perspective que porte avec lui le capitalisme, c’est celle d’un chaos toujours plus meurtrier, toujours plus sanglant, où ce sont des régions entières qui risquent d’être rayées de la carte du monde. La menace d’un embrasement militaire au Moyen Orient ne fait qu’augurer du futur qui attend l’humanité si le capitalisme parvient jusqu’au bout de sa logique suicidaire : la transformation de la planète en un immense charnier.
Face à cette situation de décomposition générale du capitalisme, c’est à la bourgeoisie la plus puissante du monde sur le plan économique et militaire qu’il revenait de tenter de sauver les meubles en s’efforçant de ralentir cette tendance à un chaos croissant. Ainsi, la démonstration de force des USA dans le Golfe, la pression qu’ils ont exercée auprès de leurs alliés pour les obliger à s’impliquer et à resserrer les rangs derrière la bannière US, n’a qu’une seule signification : affirmer leur leadership sur le monde, montrer qu’eux seuls ont les moyens de faire "respecter l’ordre", en empêchant que les appétits impérialistes de toutes les autres nations ne se déchaînent dans tous les sens. En ce sens, la fermeté avec laquelle Bush entend mener a bien sa politique de gendarme au monde dans la crise du Golfe, la gigantesque puissance de feu capable de détruire dix fois l’Irak qu’il étale aux yeux de tous les pays ne visent pas seulement à amener Saddam Hussein à une réédition complète et inconditionnelle. Elle constitue aussi et surtout un avertissement d’envergure à tous ceux qui seraient tentés de suivre l’exemple de l’impérialisme irakien. Elle n’a d’autre objectif que de prouver par le feu et par le sang que ce type d’aventure ne peut se solder que par des représailles impitoyables.
Ainsi, la crise du Golfe ne peut déboucher que sur l’horreur des massacres, perpétrés du côté des grands brigands impérialistes au nom de la "paix" et de la "stabilité de monde", du côté du petit truand irakien au nom de la "résistance à l’impérialisme US".
Et si le grand caïd américain parvient à taire un exemple en infligeant une raclée cuisante à l’Irak, s’il parvient à dissuader les autres gangsters capitalistes de se lancer dans des aventures à la Saddam Hussein, cela ne signifie nullement qu’il réussira à porter un coup d’arrêt définitif au chaos et au déchaînement des rivalités impérialistes. De la même façon que la bourgeoisie la plus puissante du monde ne peut éviter l’aggravation de la crise économique, elle ne pourra fondamentalement rien contre les conséquences majeures de cette crise insoluble. Le capitalisme en continuant à s’enfoncer dans le marasme économique, en continuant à se décomposer, porte avec lui l’exacerbation des manifestations les plus barbares de cette décomposition. Les pressions vers la guerre ne sont pas le résultat de la bonne ou de la mauvaise volonté des dirigeants. Elles sont le produit de la logique infernale, irrationnelle, du capitalisme décadent dans laquelle chaque bourgeoisie nationale est entraînée et à laquelle elle ne peut se soustraire. Avec l’aggravation inexorable de la crise économique, la guerre commerciale que vont se livrer tous les requins impérialistes pour tenter de défendre leurs intérêts sur le marché mondial ne peut que déboucher sur une tendance croissante au "chacun pour soi”, sur la guerre des armes, sur la guerre de tous contre tous, c’est-à-dire sur une débandade et un chaos généralisés.
En ce sens, la gigantesque offensive militaire des USA dans le Golfe ne peut être qu’une tentative de ralentir un tant soit peu cette tendance inéluctable à l’enfoncement de toute la société dans les miasmes de la décomposition. Elle ne fait que préparer et annoncer d’autres interventions militaires des grandes puissances dans toutes les parties du monde.
Et si, dans la crise du Golfe, les USA s’avéraient, au bout du compte, incapables d’imposer un écrasement militaire à l’Irak et d’assumer ainsi leur responsabilité de gendarme du monde, s’ils ne parvenaient pas a défendre, en même temps que leurs propres intérêts particuliers, l’intérêt général du système dans son ensemble, c’est leur statut de première puissance mondiale, leur crédibilité-même qu’ils perdraient. Une telle capitulation des USA face à l’Irak signifierait que le hold-up de Saddam Hussein a fini par payer, ce qui ne pourrait qu’encourager tous les autres gangsters impérialistes à suivre son exemple. Cette situation n’aurait d’autre conséquence qu’une aggravation encore plus considérable de la situation mondiale dans la mesure où elle ouvrirait immédiatement la porte au déchaînement des conflits militaires, des guerres de rapines partout dans le monde.
Il n’y a aucune illusion à se faire. Aujourd’hui, encore moins que par le passé, la paix n’est possible dans le capitalisme. Ce système moribond ne peut que plonger l’ensemble de la société dans des convulsions de plus en plus sanglantes et lui faire subir ainsi les affres de sa propre agonie. Quelle que soit l’issue que va connaître cette partie de bras de fer entre S. Hussein et les autres brigands impérialistes, la seule perspective qui s’ouvre devant nous ne peut être que le déchaînement de massacres à grande échelle, d’une barbarie comme jamais le capitalisme n’en a entraînée depuis la seconde guerre mondiale et qui contient aujourd’hui la menace d’une destruction totale de l’humanité. La dimension effroyable d’une telle barbarie nous est d’ailleurs donnée par le spectacle quotidien de cette accumulation ahurissante d’engins de mort dont toute la bourgeoisie et ses médias aux ordres nous vantent froidement et sans la moindre pudeur la formidable... efficacité ! Un tel degré de cynisme et d’infamie ne fait qu’exprimer le degré de pourriture du mode de production capitaliste et de sa classe dominante elle-même.
Dans ce monde capitaliste en plein putréfaction, il n’existe qu’une seule force capable d’empêcher la bourgeoisie d’engloutir toute l’espèce humaine dans sa folie suicidaire : le prolétariat mondial. Seule la classe antagonique au capitalisme peut réellement combattre le mode de vie de ce système décadent, la guerre. Elle seule peut renverser le capitalisme et instaurer une autre société basée non sur le profit et la concurrence marchande mais sur la satisfaction des besoins de toute l’humanité.
Le développement de la barbarie capitaliste dans le Golfe constitue donc un appel au prolétariat des pays centraux du capitalisme. Devant l’extrême gravité de la situation historique présente et les enjeux vitaux qu’elle contient pour le devenir de l’espèce humaine, la classe ouvrière mondiale, notamment ses bataillons les plus expérimentés d’Europe occidentale, doit prendre conscience de l’immense responsabilité qui repose sur ses épaules.
Plus que jamais, face à l’orgie sanguinaire du capitalisme, face à l’union sacrée de tous ces massacreurs, la classe ouvrière des pays centraux du capitalisme n’a qu’une seule réponse à opposer : affirmer sa propre solidarité de classe avec le prolétariat irakien, en adoptant une attitude internationaliste intransigeante. Elle doit refuser de hurler avec les loups, refuser de resserrer les rangs derrière tous ces va-t’en guerre qui s’apprêtent à mettre la planète à feu et à sang, à semer la mort, aujourd’hui dans le Golfe, demain ailleurs. Elle doit refuser de soutenir un camp impérialiste contre un autre, refuser de prendre parti dans une guerre fratricide où les masses exploitées des nations belligérantes vont s’entr’égorger pour le seul compte de la bourgeoisie. Elle doit vomir l’ignoble propagande médiatique qui vise à lui faire accepter le massacre des populations civiles au Moyen-Orient et de tous ces ouvriers en uniforme, embrigadés, contraints, le fusil dans le dos, à marcher au pas sous le drapeau de l’impérialisme irakien. Seule cette attitude responsable de la classe ouvrière des nations les plus industrialisées pourra permettre au prolétariat international de retourner demain les armes contre ses propres exploiteurs dans tous les pays pour renverser le capitalisme.
Le déchaînement de la barbarie guerrière dans le Golfe doit renforcer aujourd’hui la détermination du prolétariat à développer son combat contre la logique implacable du capitalisme en crise. Car c’est bien cette logique infernale qui est responsable des massacres, de l’exploitation, de la misère, des famines...
Ce combat, le prolétariat doit le mener pour la défense de ses intérêts de classe contre la dégradation inexorable de toutes ses conditions d’existence. Mais il ne peut en rester à la simple défense de ses intérêts économiques immédiats. Pour être à la hauteur de ses responsabilités, il doit comprendre que ses luttes de résistance aux attaques capitalistes ne sont qu’un moment, font partie intégrante de l’affrontement général contre le capitalisme en vue de son renversement.
Le prolétariat ne pourra se sauver lui-même qu’en sauvant toute l’humanité de l’apocalypse. Et pour y parvenir, il n’a pas d’autre choix que de développer sa conscience, son unité et sa solidarité de classe en prenant dès aujourd’hui toute la mesure de l’horreur que nous promet à coup sûr ce système pourrissant.
Avril (22/9/90)
Dans une touchante "unité", “jamais vue depuis les années 70" (selon l’Humanité du 25/9), tous les syndicats montent aujourd’hui au créneau pour dénoncer l’austérité rocardienne, annoncent journée d’action sur journée d’action, qui dans les Finances, qui à la Sécurité Sociale ou encore dans toute la Fonction Publique et viennent nous dire, comme la CGT à la Sécu, que “plus que jamais l’heure est à l’action”. En arrière-fond de cette mobilisation syndicale à grand bruit, le même thème repris par tous : “les travailleurs n’ont pas à payer le prix de la crise du Golfe" (discours de Blondel dans la manifestation de rentrée de FO), ou encore : “la question principale du moment posée au monde du travail est aujourd’hui l’austérité renforcée que le gouvernement veut faire passer à la faveur de la crise du Golfe ; cet alibi est un mensonge et une escroquerie” (Krasucki à St Nazaire).
Certes, la classe ouvrière n’a pas à payer quoi que ce soit. Pas plus le prix de la crise économique catastrophique du capitalisme que celui de la barbarie guerrière qui n’est que la conséquence de cette crise. Certes encore, ce discours des syndicats contient une autre vérité, lorsqu’ils dénoncent l’exploitation qui est faite des événements du Golfe par le gouvernement, pour justifier la nouvelle vague d’austérité et les licenciements massifs qui s’annoncent en présentant le "satanique Saddam Hussein" comme le responsable de tous ces maux.
Mais ne nous faisons pas d’illusion. Ce discours radical des syndicats et l’agitation qu’ils sont en train de mener sur le terrain ne sont certainement pas là pour armer la classe ouvrière et lui permettre de développer une réponse de classe à la hauteur de la gravité de la situation. Bien au contraire !
En premier lieu, avec leur slogan : “la question principale est aujourd’hui l’austérité renforcée !", à l’heure où s’accumulent des tonnes d’armes dans la région du Golfe et où des milliers de soldats sont mobilisés pour être transformés d’un jour à l’autre en chair à canon, ce que disent les syndicats, en fait, c’est : "Oubliez la guerre, ce n’est pas votre problème, ne regardez que votre fiche de paye !". L’objectif qu’ils recherchent n’est autre que d’éloigner de la conscience ouvrière la question gravissime de la guerre. Non seulement ils s’efforcent de détourner les préoccupations ouvrières du massacre qui se prépare, mais ils cherchent à empêcher les ouvriers de faire le lien entre la crise et la guerre, de comprendre que c’est la même crise catastrophique du capitalisme qui produit la barbarie guerrière comme elle produit des conditions d’existence de plus en plus misérables pour ceux qu’elle exploite, et qui au bout du compte menace d’entraîner l’humanité vers sa propre disparition.
Non, la classe ouvrière ne peut pas se permettre de rester indifférente au bain de sang qui se prépare au Moyen-Orient.
Devant de tels événements, sa responsabilité première, c’est bien de prendre conscience de la gravité de la situation, de mesurer qu’immédiatement, ce sont des milliers de ses frères de classe qui sont sur le point de se faire massacrer et qu’à plus long termes c’est la survie même de l’humanité qui est en jeu.
Si la classe ouvrière se laisse endormir, si elle se refuse à regarder en face cette réalité, elle ne peut que se retrouver désarmée face aux nouveaux coups que la bourgeoisie est en train de lui assener et c’est tout son combat de classe qui risque d’être complètement réduit à l’impuissance.
C’est sur une telle faiblesse des ouvriers que compte la bourgeoisie. D’ores et déjà, le déboussolement qui traverse les rangs de la classe ouvrière à la faveur des bruits de botte au Moyen-Orient, le sentiment d’impuissance qu’elle ne peut que ressentir dans un premier temps face à une situation qui la dépasse est une réalité que la bourgeoisie essaie d’exploiter et d’approfondir encore à travers l’agitation actuelle des syndicats. Car non contents de chercher à saboter toute réflexion au sein de la classe ouvrière en entretenant la confusion sur les événements du Golfe, les syndicats s’évertuent aussi à stériliser ce qui constitue le seul terrain sur lequel la classe ouvrière puisse se mobiliser pour apporter une réponse à cette situation dramatique : le terrain de ses luttes de résistance économique aux attaques capitalistes.
Les "luttes" lancées par les syndicats à la Sécurité Sociale en sont un exemple écœurant. Après avoir entretenu pendant des semaines une grève longue et parfaitement isolée dans les caisses de .l’Essonne (à la suite de celle tout aussi longue et isolée de la Seine-St-Denis), les syndicats qui, jusqu’à présent se gardaient bien de laisser filtrer la moindre information sur cette grève dans les autres centres de la Sécu de la région parisienne, attendent le moment où les grévistes de l’Essonne sont bien épuisés, au bout du rouleau et démoralisés, pour lancer des mots d’ordre d’action dans les caisses de Paris. Et quels mots d’ordre ! C’est une véritable entreprise de division et de démoralisation : lancement d’un mot d’ordre de grève de tous les centres parisiens pour le 25/9 afin soi-disant de tenir une AG pour décider des moyens d’action. A la dernière minute, la CGT annule l’appel à la grève, et invite, avec les autres syndicats, les employés des centres de paiement à "d’autres modalités d’action". En l’occurrence, à Paris comme dans plusieurs endroits en province, il s’agissait de lancer des "grèves de qualité”, espèce de grève du zèle sur le tas, où ceux qui se laissent embarquer derrière les syndicats se retrouvent dans une action totalement impuissante, garantissant leur isolement par rapport aux employés des autres services de la Sécu, tandis que ceux qui refusent de marcher dans cette mascarade sont dénoncés comme des "jaunes" et qu’on cherche ainsi à dresser les travailleurs les uns contre les autres. Toute cette agitation qui "pousse à la lutte", alors que personne ne se reconnaît réellement dans cette grève où règne la confusion la plus totale, ne fait que renforcer un peu plus le sentiment d’impuissance. Le 27, jour de la "grève nationale de la Sécu" appelée par tous les syndicats, l’ambiance générale est à l’absence totale de perspective et à la division. Ceux qui sont venus quand même, déjà écœurés après 4 jours de "grève de qualité", s’entendent proposer... de continuer comme cela, en attendant la prochaine manifestation. Pour ajouter encore à l’ambiance de division la plus inimaginable, une manifestation des employés techniques et administratifs des hôpitaux, en grève depuis le mois de juin eux aussi dans l’isolement le plus total, qui était convoquée à la même heure et au même endroit que celle de la Sécurité Sociale (devant le ministère de la Santé à Paris), s’entend dire qu’elle doit dégager le terrain et est invitée à partir seule devant, avant même que les manifestants "Sécu" aient fini d’arriver. On attendra patiemment la dissolution de la manif des hôpitaux au point d’arrivée (Matignon) pour faire démarrer celle de la Sécu qui va suivre à quelques minutes d’intervalle le même chemin que la première ! C’est qu’il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes ! Et surtout s’efforcer de mettre dans le crâne de ceux qui veulent se battre, qu’il s’agit de le faire chacun dans son coin, sur son problème et ses revendications spécifiques. Il y en avait bien quelques uns pour se poser des questions et se demander pourquoi les syndicats offraient un tel spectacle de saucissonnage de la combativité ouvrière, mais globalement l’ambiance n’était guère à la remise en cause de cet esprit corporatiste le plus boutiquier et le plus mesquin.
Hélas, les employés de la Sécurité Sociale sont en train de servir de boucs émissaires à une démonstration de force syndicale, largement relayée par les médias qui ont derechef gonflé le chiffre des grévistes et manifestants du 27, qui ne vise rien d’autre que de faire à la classe ouvrière la démonstration de sa propre impuissance, qu’à lui renvoyer une image d’elle-même qui ne peut que la démoraliser un peu plus.
Face à la gravité de la situation actuelle, la classe ouvrière se trouve devant une responsabilité énorme. Seule sa détermination à mener ses combats de classe contre ce système semeur de mort, en développant sa conscience et son unité comme classe, peut apporter une réponse aux menaces qui pèsent sur l’humanité. Cette responsabilité, elle doit et elle peut l’assumer. Pour cela, il lui faut refuser de se laisser piéger par ceux qui veulent la réduire à l’impuissance en s’efforçant de détruire sa confiance dans ses propres forces. Il n’y a pas d’autre chemin possible.
PE
C’est bien évidemment à propos de la situation dans le golfe Persique, sa signification et ses conséquences que la section en France du CCI a tenu ses réunions publiques de septembre dans 11 grandes villes sur le thème "Le capitalisme, un système qui sème la mort".
En tout cas, si la réunion qui s’est tenue à Paris a permis aux éléments combatifs inorganisés présents de mettre à profit ce lieu pour débattre largement de la situation, l’absence du milieu politique dit "organisé" est à nouveau révélatrice de son irresponsabilité et de son sectarisme persistants alors que, quelques mois à peine après cet autre événement majeur constitué par l’effondrement du bloc de l’Est, une question aussi grave que celle d’une guerre impliquant l’ensemble du monde occidental ne peut qu’interpeller tous ceux qui prétendent être l’avant-garde du prolétariat. En dehors du CCI, les autres groupes révolutionnaires n’auraient-ils rien à dire, ni à défendre face à la classe ouvrière dans une telle situation ?
Après avoir mis en évidence le cadre politique permettant de situer et de comprendre les événements du golfe Persique qui constituent la première manifestation aiguë de la période de chaos mondial ouverte par l’effondrement du bloc de l’Est, l’exposé introductif au débat s’attacha à dénoncer l’abjecte hypocrisie de l’ensemble d’une bourgeoisie mondiale qui brandit "subitement" l’étendard du "droit international" pour mieux justifier sa mobilisation guerrière contre le "tyran" irakien-
La discussion qui suivit eut le mérite de mettre en évidence des difficultés chez plusieurs éléments présents à comprendre jusqu’au bout la nouvelle situation historique ouverte par l’effondrement du bloc de l’Est : celle de la décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme, et dans laquelle s’inscrit la crise actuelle du Moyen-Orient. Ces difficultés révèlent en fait des tendances à sous-estimer la gravité des enjeux contenus dans le conflit du Golfe.
Pour l’un d’entre eux, il s’agirait pour les Etats-Unis de mettre la main sur le golfe Persique et de s’approprier les plus grandes réserves du monde en pétrole dans un but essentiellement économique : baisser ses coûts de production et prendre un avantage économique majeur contre ses principaux concurrents sur le marché mondial. Cette vision "économique" se trouve passablement démentie par les faits eux-mêmes. Difficile en effet d’expliquer avec une telle analyse pourquoi les concurrents commerciaux les plus directs des Etats-Unis que sont des pays comme le Japon ou l’Allemagne iraient "aider" leur pire concurrent dans une aventure d’où ils devraient ressortir comme les principaux perdants sur le plan économique alors même qu’ils sont autrement plus dépendants de leurs approvisionnements en pétrole que les USA. Ou alors, à l’instar de la bourgeoisie allemande, la bourgeoisie japonaise qui, pour la première fois
depuis 1945, vient aussi de décider d’envoyer dans le Golfe des forces armées plus ou moins camouflées sous le nom de "corps de coopération pour la paix" aux côtés des USA serait-elle devenue folle ? Même conjoncturelle, il est évident qu’une telle mobilisation et une telle unanimité internationales, qui vont de l’ancienne tête du bloc russe aux USA en passant par l’ensemble des pays d’Europe (dont la France finalement rangée derrière les Etats-Unis alors que la région faisait partie de sa "chasse gardée" il y a peu de temps encore) et de la plupart des pays arabes de la région du Golfe y compris la Syrie -Etat classé "terroriste" par les USA- ou l’Iran... sont à l’échelle d’enjeux autrement plus importants. "Nous devons démontrer sans aucun doute possible que l’agression ne peut pas payer et ne paiera pas" déclaraient Bush et Gorbatchev au sortir du sommet d’Helsinki. Ainsi, en ne voyant dans l’intervention militaire des USA qu’une volonté de mettre la main sur les réserves d’or noir du Moyen-Orient, cette vision réductrice passe complètement à côté de l’objectif principal des USA : affirmer leur leadership sur le monde afin de tenter de freiner au maximum la tendance inéluctable au chaos, au "chacun pour soi", ouverte avec l’effondrement du bloc de l’Est.
Pour un autre camarade, il s’agirait en quelque sorte pour les USA de "rentabiliser" l’énorme effort d’armement consenti par le capital américain au cours des années Reagan, par une sorte d’OPA sur la région du Golfe au même titre que Saddam Hussein vis-à-vis du Koweït. Une telle vision, outre le fait qu’elle ne prend pas en compte le poids énorme du déploiement militaire américain sur une économie croulant déjà sous une montagne de dettes, ignore complètement notre conception suivant laquelle dans la période de décadence, le militarisme ne constitue plus globalement un moyen pour un capital national de s’enrichir.
La tonalité générale du débat tendait surtout à se polariser soit sur des questions secondaires, soit sur des problèmes déjà tranchés par les révolutionnaires tout au long du 20ème siècle. En fait, toutes ces questions n’étaient qu’un moyen d’esquiver les questions de fond : quelle perspective nous offre aujourd’hui le capitalisme pourrissant ? Face aux nouvelles données de la situation mondiale ouverte avec l’effondrement du bloc impérialiste russe, quelle est la signification profonde de cette mobilisation militaire, la plus massive depuis la guerre du Vietnam ?
Ne pas comprendre que le monde capitaliste est entré aujourd’hui dans une période d’instabilité, de chaos et de décomposition générale, c’est refuser de voir la gravité des enjeux que contient cette ère de barbarie dans laquelle nous entraîne ce système moribond. Face à la menace de destruction totale de l’humanité que contient la situation historique présente, moins que jamais les révolutionnaires ne peuvent faillir à leur responsabilité.
BN
Avec un gros retard, vient de paraître en septembre le numéro d’été (n°17) de "Perspective Internationaliste", publication de la FECCI consacrée à une question d’une brûlante actualité... il y a six mois : les "bouleversements à l’Est”.
Après avoir redécouvert (enfin!) il y a deux ans que nous assistions actuellement à la ... "transformation de la domination formelle du capital en domination réelle" (20 ans après Camatte dans feu la revue "Invariance" et plus de 100 ans après Marx), on est parvenu à découvrir que l’effondrement du bloc de l’Est n’était qu’une "apparence" pour mieux tromper les USA et tout le monde et pour être, en réalité, "une manœuvre pour un renforcement du Bloc (?) de l’Est". Cette découverte est, paraît-il, le fruit d’un... long et gros effort théorique. Bravo !
Ainsi, d’après la FECCI, la vraie raison de l’aventure impérialiste de l’Irak, ce serait d’être un sous-marin opérant et roulant pour le compte de Gorbatchev (voir le tract de la FECCI du 24/8/90) dans sa politique "hautement secrète" de renforcement du Pacte de Varsovie ! CQFD.
La FECCI ayant ainsi révélé le "grand secret" de cette guerre du Golfe -le renforcement par Gorbatchev du bloc de l’Est-, Bush lui doit non seulement une reconnaissance bien compréhensible mais, surtout, il doit prendre garde à lui. "Gare au gorille !", comme dirait un certain Georges Brassens.
Une bêtise chasse ou s’ajoute à l’autre, comme on voudra ! Mais l’essentiel, c’est d’avoir profité d’une bonne occasion pour se livrer à une violente et terrible "critique" et dénonciation du CCI. Comme d’habitude.
Mais, pourrait-on se demander, pourquoi, diable, ces quelques petits êtres avec leur grosse tête d’universitaires ratés, tiennent-ils donc tellement au titre de "fraction (externe) du CCI", et à se réclamer ainsi de leur passage honorable dans cette maudite organisation -le CCI- qu’ils ont quittée voilà déjà 5 ans ??? Pourquoi nous collent-ils ainsi aux fesses tels des morpions dont on aurait du mal à se débarrasser ? Pour maintenir une ambiguïté et continuer à semer encore plus de confusion politique ? Sans doute. Mais aussi certainement parce qu’ils éprouvent encore une certaine fierté à avoir milité autrefois dans ce CCI. C’est compréhensible, c’est humain. Un peu comme ce couple dont la séparation s’est mal passée, où l’amour se transforme en haine et où la haine cache une certaine nostalgie d’un amour passé.
Ce sentiment de fierté que cultive la FECCI n’est malheureusement pas partagé par le CCI, et pour cause ! C’est que la réciproque n’est pas vraie, car le CCI, quant à lui, est plutôt mal à l’aise et éprouve une petite honte d’avoir donné naissance à une... telle médiocrité.
Au lecteur qui voudrait en savoir plus long sur cette... médiocrité, c’est-à-dire la FECCI, nous ne pouvons que conseiller de faire un effort pour lire ce dernier numéro... d’été 90 de "Perspective Internationaliste". Bon courage !
MC
« Nous avons le choix entre la loi de la jungle et la loi du droit. L’alternative est là », a déclaré Mitterrand devant le Conseil de sécurité de l’ONU.
Il a bien compris la leçon. On ne saurait mieux résumer la situation actuelle et le problème auquel sont confrontées toutes les bourgeoisies nationales dans leurs visées impérialistes. Mais cette fameuse "loi du droit” à laquelle le gouvernement français soi-disant socialiste entend faire allégeance aujourd’hui avec un bel opportunisme, n’est pas autre chose dans l’univers de brigandage impérialiste où nous vivons que ce qu’on appelle plus communément la "loi du milieu", le code de conduite propre à la pègre, les règles du jeu en vigueur dans la maffia dont "les droits" se résument essentiellement à ceci : ils sont soumis à la loi du plus fort. C’est seulement sur ce terrain que l’on peut comprendre les agissements des bandes de requins qui gouvernent le monde, comme nous l’avons mis en évidence dans RI le mois dernier (voir l’article : "La bourgeoisie, une classe de gangsters”).
Voilà quelle est la sordide réalité du capitalisme : ce n’est pas parce que la féroce guerre de gangs entre l’Est et l’Ouest qui a sévi pendant 40 ans est terminée, se soldant par la faillite complète et l’éclatement du clan lié à l’URSS, que les mœurs de tous ces gangsters ont changé ou se sont assagis. Au contraire, de nouveaux appétits impérialistes surgissent, de nouvelles ambitions se réveillent chez tous ces truands. Et le problème ne peut se régler que comme dans une affaire de brigands : soit le plus puissant d’entre eux est capable de faire respecter sa loi et d’imposer le rapport de forces nécessaire pour préserver son autorité, comme aujourd’hui, soit la bagarre généralisée se déchaîne et c’est alors la loi de la jungle où chacun va chercher à faire rapine de son côté aux dépens du voisin en cherchant à le tailler en pièces.
C’est pour avoir enfreint ces règles que le petit malfrat Saddam Hussein, faisant un hold-up sur le Koweït pour son propre compte et sans l’accord des grands caïds, se retrouve aujourd’hui "hors-la-loi", mis à l’index par les grandes puissances et en passe d’être "liquidé".
C’est cette loi que vient rappeler brutalement et par la force le "parrain" américain à travers son intervention directe et musclée dans le Golfe et la démonstration de sa toute-puissance militaire qui, au-delà de la correction mémorable qu’elle compte infliger à l’Irak, entend faire un exemple à l’intention de tous ceux qui seraient tentés à l’avenir de faire cavalier seul ou de jouer les grands caïds. Ce sont toutes les autres nations qui sont mises en demeure de ravaler leurs propres prétentions impérialistes et de se mobiliser derrière leur chef. Toutes sont sommées d’obéir aux ordres et de participer d’une façon ou d’une autre à "l’effort militaire" et celles qui comme l’Allemagne ou le Japon, sont dans l’impossibilité de fournir des contingents militaires sont rançonnées, rackettées financièrement et n’ont pas d’autre choix que de s’exécuter.
Les Etats-Unis entendent démontrer plus que jamais aujourd’hui qu’ils restent "le patron" et qu’ils ne toléreront pas que leur autorité soit bafouée par qui que ce soit dans le monde, ni tout autant contestée au sein même de leur clan.
La France se retrouve particulièrement impliquée dans cette "leçon", étant parmi les puissances impérialistes occidentales une de celles qui se sont fait le plus tirer l’oreille. Ce n’est pas sans raison. Bénéficiant jusque-là d’un statut privilégié de gendarme du Moyen-Orient en tant que l’un des lieutenants les plus zélés du camp américain, elle s’était particulièrement acoquinée avec Saddam Hussein quand celui-ci bénéficiait encore du soutien occidental face à "l’aventure islamique" de l’Iran.
Tous les ténors politiques français lui ont manifesté un soutien empressé depuis l’ancien premier ministre Chirac, jusqu’à l’actuel ministre de la défense Chevènement qui, il y a six mois à peine, assurait S. Hussein "de l’estime et du respect des dirigeants français". Et pour cause : la France a été pendant plus de dix ans, le plus important fournisseur occidental en armements modernes de l’Irak.
Dès lors, la France était fort mal placée pour jouer les va-t-en-guerre par rapport à l’Irak. De là, les tergiversations, les hésitations du gouvernement français au cours des deux premières semaines du conflit qui tentait de s’abriter sous le masque hypocrite d’une "volonté de paix", prétendant même jouer un éminent rôle diplomatique dans "la recherche d’une solution négociée". Ce n’est nullement par souci "pacifiste", mais en fonction de bien sordides et mesquines considérations que la France "socialiste" adoptait une telle attitude première.
Cependant, ce gouvernement n’a pas tardé à comprendre ensuite que l’occupation militaire massive du terrain par les USA eux-mêmes signifiait la destitution de la France de ses fonctions de gendarme au Moyen-Orient et que cela impliquait aussi la menace directe de son éviction de cette zone stratégique et la privation de toute part du gâteau impérialiste à terme, si elle ne coopérait pas plus étroitement et continuait à traîner les pieds.
Dans ces circonstances, le gouvernement français n’avait plus le choix, il se retrouvait obligé d’emboîter le pas, même si cela n’était pas de gaieté de cœur et d’exécuter l’essentiel des volontés américaines en ravalant ses réticences et en passant sous les fourches caudines de l’attitude belliciste envers l’Irak.
C’est pour cela que Mitterrand n’a cessé de répéter depuis que "nous sommes dans une logique de guerre", que “le retrait des troupes irakiennes du Koweït n’est pas négociable" et qu’il a adopté un nouveau ton dur et intransigeant avec l’Irak, donnant également d’autres gages tangibles de sa "bonne volonté". Ainsi l’expédition de son armée en Arabie Saoudite (jusque-là cantonnée à 1000 km du théâtre des opérations) renforcée du nec plus ultra du matériel militaire "made in France" (missiles, chars AMX...) et des troupes d’élite les plus opérationnelles (les "forces d’action rapide")[1]
Et si la France essaie aujourd’hui de jouer encore les matamores, de "rouler les mécaniques" en tentant de démontrer qu’elle a son mot à dire "en propre", c’est autour de tentatives minables et sans consistance vouées à l’échec, comme celle de proposer "une harmonisation des missions de force des Etats membre et de mise en commun de leurs moyens logistiques sur le terrain” qui ne peut que laisser indifférents ses principaux partenaires européens ou celle de demander une "autonomie" dans le commandement militaire des opérations qui n’a aucune chance d’aboutir.
De telles velléités ne peuvent s’exprimer que parce qu’elles ne portent pas à conséquence dans la situation et que parce que la France exécute désormais pleinement son contrat. Elles prendraient un sens tout différent si les Etats-Unis ne parvenaient pas à l’avenir à imposer leur fameuse "loi du droit” par la force. Car l’unité actuelle et forcée que les USA font respecter aujourd’hui masque bien des tiraillements et des tensions au sein de l’ex-bloc occidental qui prouvent que les tendances au "chacun pour soi" ne guettent que l’occasion pour pouvoir s’exprimer au grand jour.
YD
[1] La violation de la résidence de l’ambassade de France à Koweït-City n’a été que le prétexte de ce renforcement, comme l’a révélé la presse notamment le “Canard Enchaîné". Cet envoi de troupes et de matériels supplémentaires avait été prévu et décidé huit jours auparavant.
Pour les organisations qui se réclament de la classe ouvrière, la guerre impérialiste, comme celle du Golfe à l’heure actuelle, constitue un épreuve de vérité. Dans une telle situation, il appartient aux organisations qui se situent sur le terrain de classe prolétarien de faire entendre la voix de l’internationalisme, à l’image des courants révolutionnaires aux cours des deux guerres mondiales.
La plupart de ces organisations n’ont pas failli aujourd’hui à cette tâche élémentaire : que ce soit dans la presse ou sous forme de tracts, l’ensemble du milieu politique prolétarien a pris position clairement pour dénoncer la guerre impérialiste, rejeter toute participation dans l’un ou l’autre camp et appeler les ouvriers à engager le combat contre le capitalisme sous toutes ses formes et dans tous les pays[1]. Bref, les organisations communistes existantes ont montré qu’elles sont... communistes.
En cette circonstance, d’ailleurs, il a fallu à certaines d’entre elles recouvrir d’un mouchoir pudique leurs élucubrations sur le soutien que le prolétariat devrait apporter aux "luttes d’indépendance nationales" dans certains pays sous-développés. Ainsi, lorsque le "Parti Communiste International" nous dit que :
"Les travailleurs n’ont rien à gagner et tout à perdre à soutenir les conflits impérialistes..." "Que la rente pétrolière enrichisse des bourgeois irakiens, koweïtiens ou français ne changera pas le sort des prolétaires d’Irak, de Koweït ou de France : seule la lutte de classe contre l’exploitation capitaliste peut le faire. Et cette lutte de classe n’est possible qu’en rompant "l’union nationale" entre les classes qui impose toujours des sacrifices aux prolétaires, qui les divise par le patriotisme et le racisme avant de les faire se massacrer sur les champs de bataille. " (tract du 24 août 90, publié par "Le Prolétaire"), nous ne pouvons que saluer son internationalisme. Mais cette organisation ferait bien de se demander en quoi les prolétaires arabes défendent leurs intérêts de classe lorsqu’ils sont enrôlés, comme elle les y appelle, dans la guerre pour la constitution d’un Etat national palestinien. Un tel Etat palestinien, s’il arrivait à voir le jour, ne serait pas moins impérialiste (même si moins puissant) que ne l’est aujourd’hui l’Irak, et les ouvriers n’y seraient pas moins férocement exploités. Ce n’est pas pour rien que Yasser Arafat compte parmi les meilleurs amis de Saddam Hussein. Pour le courant "bordiguiste" (auquel appartient "Le Prolétaire"), qui continue de se réclamer des positions de l’internationale communiste sur la question nationale, il serait temps de se rendre compte que l’histoire a démontré depuis 70 ans, et en de nombreuses reprises, l’inconsistance de ces positions. Sinon, ses exercices de corde raide entre internationalisme et nationalisme ne pourront que le conduire à la chute, soit dans le néant, soit dans le camp bourgeois (comme c’est arrivé, au début des années 80, pour une bonne partie de ses composantes).
Si le milieu révolutionnaire a su, dans l’ensemble, faire la preuve de sa fidélité à la position internationaliste classique du mouvement ouvrier, il a également fait la preuve de son incapacité de prendre toute la mesure des enjeux de la période présente. Les différents groupes ont mis en évidence les origines de l’aventure irakienne : non pas la "folie mégalomane” d’un Saddam Hussein, mais le fait que l’Irak, après 8 ans de guerre terriblement meurtrière et ruineuse contre l’Iran, était pris à la gorge par une situation économique catastrophique et un endettement extérieur de près de 80 milliards de dollars. Comme l’écrit "Battaglia Comunista" dans son n° de septembre : "L’attaque contre le Koweït est donc le geste classique de celui qui, sur le point de se noyer, tente le tout pour le tout". En revanche, les raisons fondamentales du formidable déploiement militaire des Etats-Unis et de ses acolytes passent par-dessus la tête de ces groupes.
Pour "Le Prolétaire", en effet: "Les Etats-Unis ont défini sans fard "l’intérêt national américain" qui les faisait agir; garantir un approvisionnement stable et à un prix raisonnable du pétrole produit dans le Golfe : le même intérêt qui les faisait soutenir l’Irak contre l’Iran les fait soutenir maintenant l’Arabie Séoudite et les pétro-monarchies contre l’Irak. " C’est la même idée qu’énonce la "Communist Workers Organisation" dans un tract : "En fait, la crise du Golfe est réellement une crise pour le pétrole et pour qui le contrôle. Sans pétrole bon marché, les profits vont chuter. Les profits du capitalisme occidental sont menacés et c’est pour cette raison et aucune autre que les Etats-Unis préparent un bain de sang au Moyen-Orient...". Quant à "Battaglia Comunista" (BC), c’est, avec un langage plus prétentieux qu’elle défend la même idée : "Le pétrole, présent directement ou indirectement dans presque tous les cycles productifs, dans le procès déformation de la rente monopoliste a un poids déterminant et, en conséquence, le contrôle de son prix est d’une importance vitale."..."Avec une économie qui donne clairement des signes de récession, une dette publique d’une dimension affolante, un appareil productif en fort déficit de productivité par rapport aux concurrents européens et japonais, les Etats-Unis ne peuvent le moins du monde se permettre en ce moment de perdre le contrôle d’une des variables fondamentales de toute l’économie mondiale : le prix du pétrole. "
A cet argument, qui est également celui de beaucoup de groupes gauchistes qui n’ont qu’une idée en tête : vilipender la rapacité de l’impérialisme américain afin de justifier leur soutien ("critique") à Saddam Hussein, "Il Programma Comunista" (PC) apporte un début de réponse : "Dans tout cela, le pétrole (...) n’entre que comme dernier facteur. Dans les grands pays industriels, les réservoirs sont pleins et, dans tous les cas, la majorité de l’OPEP (...) est prête à augmenter la production et ainsi stabiliser les prix du brut". En fait, l’argument du pétrole pour expliquer la situation actuelle ne va pas très loin. Même si les Etats-Unis, de même que l’Europe et le Japon, sont évidemment intéressés à pouvoir importer un pétrole à bon marché, cela ne saurait expliquer l’incroyable concentration de moyens militaires opérée par la première puissance mondiale dans la région du Golfe. Une telle opération ne fait que grever encore plus les déficits déjà considérables des Etats-Unis et coûtera bien plus à l’économie de ce pays que l’augmentation du prix du pétrole demandée par l’Irak. D’ailleurs, dès à présent, avec la perspective d’affrontements majeurs, ce prix a grimpé bien au-delà du niveau qui aurait pu être établi par des négociations avec ce pays si les Etats-Unis avaient voulu de telles négociations (ce n’est certainement pas pour faire "respecter" les intérêts du cheikh Jaber et de son peuple que les Etats-Unis font preuve d’une intransigeance totale vis-à-vis de l’occupation du Koweït). Et les destructions qui résulteront de l’affrontement militaire risquent fort d’aggraver encore les choses. Si vraiment c’était le prix du pétrole qui préoccupait fondamentalement les Etats-Unis, on peut dire qu’ils ne s’y prennent pas de la meilleure façon : leur démarche évoquerait plutôt celle d’un éléphant voulant mettre de l’ordre dans un magasin de porcelaine.
En réalité, l’ampleur même du déploiement militaire fait la preuve que l’enjeu, pour les Etats-Unis comme pour tous les autres pays va bien au-delà d’une question de prix du pétrole. C’est ce que touche du doigt BC en essayant d’élargir son cadre d’analyse : "La rupture des équilibres issus de la seconde guerre mondiale a, en réalité, ouvert une phase historique dans laquelle nécessairement d’autres devront se constituer accentuant de ce fait la concurrence entre les différeras appétits impérialistes"... une chose est sûre, [quelle que soit l’issue de ce conflit] aucune des questions que la crise du golfe a mises en évidence ne pourra trouver de solution de cette façon". Mais c’était trop lui demander : immédiatement, cette organisation se noie de nouveau dans... le pétrole : "Une fois l’Irak éliminé, pour l’exemple, il ne se passera pas longtemps avant que quelqu’un d’autre ne pose la même question : modifier la répartition de la rente [pétrolière] à l’échelle mondiale : parce que c’est cette répartition qui détermine la hiérarchie internationale que la crise de l’URSS a remise en cause. " Quant à PC, s’il comprend bien qu’il y a autre chose de plus important que le pétrole, il n’arrive pas à dépasser les généralités : “l’enchevêtrement d’un conflit né d’intérêts de puissance colossaux, qui en se résolvant ne pourra qu’en susciter de nouveaux, défaisant et recomposant les alliances... ".
En fin de compte, s’il y a un point commun entre les différentes analyses de la signification de la guerre du Golfe, c’est bien la sous-estimation dramatique de la gravité de la situation dans laquelle se trouve le monde capitaliste aujourd’hui. Tels des montres arrêtées, les groupes communistes, même lorsqu’ils sont capables de reconnaître le bouleversement que vient de connaître l’arène impérialiste mondiale, ne font que plaquer des schémas du passé à cette nouvelle situation. Nous ne développerons pas ici notre analyse suivant laquelle le capitalisme est entré aujourd’hui dans la phase ultime de sa décadence: celle de la décomposition générale de la société (voir la Revue Internationale n°57 et 61). Mais c’est notre devoir de dire que le refus des groupes communistes de regarder cette réalité en face (lorsqu’ils ne nient pas, purement et simplement, que le capitalisme est un système décadent, comme le font les bordiguistes) ne saurait leur permettre d’assumer pleinement leur responsabilité face à la classe ouvrière[2]. La guerre du Moyen-Orient n’est pas simplement une guerre comme les autres face à laquelle il suffit de réaffirmer les positions classiques du "défaitisme révolutionnaire". Sans être une guerre mondiale, elle est la première manifestation majeure d’un chaos et d’une barbarie comme jamais la société humaine n’en a connus. Voilà ce que les révolutionnaires doivent affirmer clairement à leur classe afin que celle-ci puisse prendre pleinement conscience des enjeux de son combat contre le capitalisme.
FM (29/9/90)
[1] Le silence dans lequel s’est maintenu jusqu’à présent le "Ferment Ouvrier Révolutionnaire", une des rares organisations communistes existant en France, n’en est que plus inacceptable. Apparemment, le FOR est beaucoup plus en verve lorsqu’il s’agit, en leur faisant dire n’importe quoi, de faire des procès stupides aux autres organisations révolutionnaires (voir son article "Encore un plat piquant du CCI" dans "L’arme de la critique" n°6) qu’au moment où il faut faire entendre la voix internationaliste contre la barbarie guerrière du capitalisme.
[2] Ces incompréhensions et sous-estimations du milieu révolutionnaire ne sont encore rien, évidemment, à côté de la parfaite stupidité que révèle le tract publié le 28/9/90 par la "Fraction externe du CCI". Comme il sied à un petit cercle qui prétend reprendre le flambeau de l’approfondissement" théorique que le CCI aurait abandonné, c’est très "profondément* que la FECCI, pour expliquer la guerre du Golfe, se plonge... dans le pétrole. Bel effort théorique ! Mais ce n’est pas tout. Ce qui pour tout le monde, surtout après cette guerre, crève les yeux : la disparition de l’ancien bloc de l’Est, échappe à la "profondeur" de la FECCI. C’est vrai que, comme des enfants de deux ans, il faut aux membres de celle-ci, pour affirmer leur personnalité, s’opposer à tout ce que le CCI a pu dire après qu’ils l’aient quitté (voir notre article d-contre). Eux se revendiquent du "vieux CCI', celui qui bénéficiait encore de leurs lumières. C’est pourtant ce "vieux CCI" qui, depuis longtemps, avait mis en évidence l’extrême faiblesse du bloc de l’Est et de l’URSS. Celle-ci ne disposait d’aucune base économique sérieuse pour devenir une "grande puissance", encore moins une tête de bloc. Seul le fait circonstanciel de se retrouver, par la grâce d’Hitler, parmi les "vainqueurs" lui avait permis, à Yalta, de se faire payer le prix du sang des 20 millions de morts subis par sa population. L’URSS n’avait pu exercer son contrôle sur la zone d’influence qui constituait sa "rétribution" qu’aux prix de dépenses militaires exorbitantes qui, en même temps que son économie aberrante héritée de la contre-révolution stalinienne, l’ont conduite, elle et les pays de son bloc, à la ruine complète qui se trouve à l’origine de l’effondrement spectaculaire de ce dernier en 89. Voilà ce que, aujourd’hui, la FECCI se refuse obstinément à comprendre afin de pouvoir affirmer son originalité "théorique".
Depuis que le capitalisme est entré dans sa phase de décadence, les révolutionnaires ont toujours maintenu, face à la guerre, une seule position de principe : celle qui consiste à défendre de façon intransigeante l’internationalisme prolétarien en refusant catégoriquement de choisir un camp impérialiste contre un autre. Fidèle au mot d’ordre du “Manifeste communiste", “les ouvriers n’ont pas de patrie", c’est cette position qui, depuis la première guerre mondiale, a toujours délimité la frontière de classe entre les véritables organisations du prolétariat et celles qui, en passant avec armes et bagages dans le camp du capital, en prenant parti dans la guerre pour un camp capitaliste contre un autre, ont été les bourreaux les plus sanglants, les pires massacreurs de la classe ouvrière. Parmi celles-ci, il y a bien sûr les PS et les PC, mais on y trouve aussi leurs appendices gauchistes, et notamment trotskystes, tels ceux de “Lutte Ouvrière" et de la "Ligue Communiste Révolutionnaire”.
La guerre du Golfe arrache au PCF des accents pacifistes déchirants : "Faisons tout ce qui peut dépendre de nous, écrit Marchais dans l’éditorial de "L’Humanité" du 3 septembre, pour qu’elle soit évitée, que tous les otages soient libérés, qu’aucune vie humaine ne soit sacrifiée". Comme pour accorder les mots et les faits, la CGT -dont nul ouvrier n’ignore le lien de dépendance qui rattache ce syndicat au PCF, le 19 septembre et par le canal de son union départementale des Bouches du Rhône, s’élevait contre la réquisition des marins marseillais et des navires civils pour l’envoi de troupes vers le théâtre militaire du golfe Persique (tandis que le syndicat des marins, de son côté, affirmait que ses mandants n’obéiraient à l’ordre d’appareillage que sous la réquisition).
Tout cela n’est naturellement que poudre aux yeux. Il y a en effet beaucoup à dire à la charge du soudain amour des staliniens pour la paix et la vie humaine. Et d’abord ceci : leur pacifisme n’a rien à voir avec la promesse de paix contenue dans l’internationalisme prolétarien. Ce n’est sûrement pas au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou du droit juridique des Etats-nations que la classe ouvrière devra se mobiliser contre le capitalisme et ses guerres. Mais c’est pourtant ce que tend à soutenir Marchais et les siens quand ils dénoncent tout à la fois Saddam Hussein pour avoir envahi le Koweït et les Etats-Unis pour avoir constamment bafoué les aspirations à l’auto-détermination des peuples du Moyen-Orient (ou d’ailleurs) par le passé et encore aujourd’hui. Ensuite, le pacifisme du PCF et de la CGT consiste surtout en un anti-américanisme viscéral (dont la tradition remonte au moins à la fameuse manifestation de mai 1952 contre la venue en France, du général yankee Ridgway, commandant suprême des forces atlantiques) et en un tiers-mondisme crétin qui bêle une commisération abjecte pour les "petits peuples" (arabes ou autres), les 'pays pauvres", opprimés par les "grands", les "riches". Cet aspect de la diatribe stalinienne du moment a pour dessein de faire oublier que le PCF a constamment soutenu le camp impérialiste de l’Union soviétique contre son rival américain. Même si cela fut, parfois, de manière critique, le parti de Thorez-Waldeck-Rochet-Marchais a toujours, tout au long de ce qu’on a appelé la guerre froide puis la coexistence pacifique, cautionné les brigandages militaires et impérialistes de l’URSS dans les pays de l’Est, par exemple, ou en Ethiopie, en Afghanistan, etc, au nom de ces mêmes droits des peuples à disposer de leur destin.
Par leurs faux airs humanistes et antimilitaristes, aujourd’hui, les amis de Marchais et Krasucki entendent enfin passer sur la mémoire et la conscience de classe des prolétaires la gomme à effacer les cinquante ans et plus de patriotisme et de loyalisme envers le capital français que réunit l’histoire du stalinisme hexagonal. En nous référant à des dates clés, relatives à la question de la guerre, traçons brièvement, mais avec assez de preuves édifiantes, le palmarès du PCF et de son appendice syndical :
Ainsi, d’un bout à l’autre de son histoire, le parti stalinien (PCF et CGT) au plus près qu’il fut de la haute direction des affaires nationales, n’a jamais rechigné à servir les intérêts impérialistes et militaires de la France capitaliste (tout en essayant, bien sûr et quand cela était possible, de les concilier avec ceux de l’URSS, la maison mère du stalinisme). Cest toujours en bon patriote qu’il invita les ouvriers à participer au casse-pipe.
Le PCF déclinant est à présent hors de mesure de pouvoir faire que les prolétaires prennent ses vessies pacifistes pour des lanternes internationalistes. Il se sert du moins des apparences du discours radical ouvrier pour accentuer encore un peu plus l’inquiétude et aggraver la démoralisation conjoncturelle que provoquent et engendrent parmi les salariés exploités les énormes bruits de botte qui montent du Moyen-Orient.
La bourgeoisie, quant à elle, ne saurait douter de la bonne foi du PCF. Ainsi n’a-t-on pas entendu cet organisme, au beau milieu de ses simagrées pacifistes, approuver sur le fond la riposte militaire que Mitterrand et son gouvernement ont développée contre la violation de l’ambassade de France à Koweït-City par les troupes de Saddam Hussein.
SM
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Aujourd’hui, dans la guerre du Golfe comme dans toutes les guerres de ces cinquante dernières années, c’est derrière une phraséologie "radicale", "pacifiste", "anti-impérialiste" et avec une hypocrisie sans bornes qu’une fois encore ces soi-disant révolutionnaires que sont les trotskystes cherchent à mystifier les ouvriers afin de les amener sournoisement à s’entretuer pour la défense d’une fraction bourgeoise contre une autre.
Dans le chœur hypocrite de toutes les fractions de la bourgeoisie mondiale pour défendre la "juste cause" de leur politique impérialiste au Moyen-Orient, les trotskystes occupent une place de choix. Ainsi, ceux de LO et de la LCR nous ressortent aujourd’hui encore leur vieille rengaine de l’anti-impérialisme derrière leur slogan "troupes impérialistes hors du Golfe" (LCR) ou, mieux encore "troupes françaises et britanniques hors du Golfe" (LO). Mais, pourrait-on se demander, pourquoi cet appel au retrait de l’armada occidentale du Golfe ne s’accompagne-t-il pas d’un même appel au retrait de l’armée irakienne du Koweït ? Tout simplement parce que, dans la logique bourgeoise des trotskystes (pour lesquels il n’y a jamais eu depuis la seconde guerre mondiale qu’un seul bloc impérialiste, celui dominé par les USA), "l’adversaire principal, le seul véritable, de tous les peuples et des travailleurs occidentaux, c’est l’impérialisme, qu’il soit US, britannique ou français" (LO n°1159). Bien sûr, nous dit-on, S. Hussein est un dictateur sanglant, MAIS..., tout de même, il faut le comprendre car, après tout, les "frontières imposées par l’impérialisme anglais (...) ont privé son pays de ressources qui auraient dû lui revenir" ! (LO n°1160). Et LO de s’offusquer que "le tracé des frontières, qui permet la mainmise ou le contrôle du pétrole du Moyen-Orient par le capital occidental" ne puisse "être remis en question sans susciter la politique de la canonnière, voire la reconquête militaire de territoires par l’invasion des armées des pays riches" (LO n°1157). On ne peut être plus clair : "l’anti-impérialisme" des trotskystes de LO n’est rien de moins qu’une politique bourgeoise destinée à justifier l’invasion du Koweït par l’armée irakienne. Il n’est rien d’autre qu’une politique de soutien déguisé à un petit truand impérialiste contre les grands gangsters occidentaux. Toute sa phraséologie radicale de "condamnation" de la dictature sanglante de S. Hussein n’est qu’une gigantesque fumisterie, la feuille de vigne derrière laquelle LO s’efforce, avec ses formules sibyllines qui n’osent pas appeler un chat un chat, de masquer sa nature de défenseur invétéré du capital. D’ailleurs, toutes ces contorsions propres à la démarche trotskyste ne datent pas d’aujourd’hui. Cette position pro-irakienne qui ne veut pas dire ouvertement son nom rappelle étrangement une autre position, de triste mémoire, où ces mêmes laquais du capitalisme soutenaient, en d’autre temps, le bloc impérialiste russe dans toutes les guerres de prétendue "libération nationale" (au Cambodge, au Vietnam ou à Cuba) contre l’impérialisme occidental, tout en dénonçant la dictature stalinienne. Aujourd’hui, comme hier, le fameux "droit des peuples à disposer d’eux-mêmes" dont se revendique toujours le courant trotskyste, n’est rien d’autre qu’un appel au prolétariat des pays périphériques à choisir le camp de ses propres exploiteurs.
Ce double langage, cette répugnante hypocrisie n’est pas le seul apanage de LO, loin de là. Parmi la racaille trotskyste, il faut encore signaler le petit jeu de cache-cache auquel se livre cette autre organisation bourgeoise qu’est la LCR. Ainsi, dans son hebdomadaire "Rouge" destiné à être diffusé dans les "masses", il est, là aussi, bien difficile de trouver une position tranchée de soutien ouvert à l’impérialisme irakien. On y lit, à peu de chose près, le même discours visqueux que celui tenu par ses comparses de LO : dénonciation "virulente" de l’"impérialisme" (entendez les USA et leurs acolytes) considéré comme "l’ennemi n°1" et doublée d’une dénonciation (au second plan, bien sûr) de la dictature sanguinaire de S. Hussein. Mais écoutons avec quels arguments la LCR prétend "condamner" l’annexion du Koweït par l’Irak : "Saddam Hussein n’a aucun droit sur le Koweït" car... "il n’est pas mandaté par les masses koweïtiennes et il ne représente pas les masses irakiennes". (Rouge n°1415). Autrement dit, pour la LCR, les choses auraient été différentes si S. Hussein avait été "démocratiquement" élu au suffrage universel (comme les dirigeants des pays occidentaux, par exemple ?). Toutes ces contorsions verbales dans lesquelles se débat la LCR ne servent en réalité qu’à noyer le poisson afin de justifier son soutien à l’impérialisme irakien. Car c’est bien cette position que la LCR défend sans aucune ambiguïté comme en témoigne le contenu de sa revue théorique "Imprecor", destinée aux initiés, lorsque ces chiens de garde de l’ordre capitaliste affirment que "quelle que soit l’aversion que les révolutionnaires peuvent avoir pour, le despote irakien, ils ne sauraient hésiter (...). Dans tout affrontement entre l’Irak et les impérialistes, nous sommes résolument aux côtés du premier" (Imprecor n°314, revue théorique de la IVème "Internationale"). Ainsi, lorsque la LCR vient nous raconter (dans "Rouge") qu’elle n’a pas "attendu l’invasion du Koweït pour condamner clairement la dictature irakienne" (sic !), on ne peut que vomir cette crapuleuse duplicité qui n’a qu’un seul objectif : semer un maximum d’embrouille dans la conscience des masses ouvrières pour les amener insidieusement à se ranger derrière ses slogans, c’est-à-dire derrière le drapeau de l’impérialisme irakien. Et non contente d’avoir aussi clairement choisi son camp, la LCR s’en glorifie encore en vantant sa participation à un front unique où, en Tunisie, "l'ensemble des forces d’opposition ont adopté une position anti-impérialiste et soutenu, à des degrés divers, l’initiative de Saddam Hussein". Ainsi, "deux comités de soutien ont été formés dont le Comité de soutien à l’Irak, à l’initiative de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT, centrale syndicale unique du pays); toute la gauche, y compris les trotskystes, y participe.” ("Imprecor"). Et quand ces crapules de la LCR affirment que "les questions sont complexes et les réponses ne peuvent être que modulées sous peine de s’identifier à l’un des protagonistes du conflit", on se demande vraiment s’ils prennent les lecteurs pour des imbéciles ou si, en continuant à tortiller du derrière, ils s’imaginent pouvoir encore sauver leur âme vendue depuis plus de 50 ans au capital !
Cette attitude des trotskystes face à la guerre n’est pas nouvelle. C’est la même politique qu’ils ont toujours défendue depuis la deuxième guerre mondiale. Hier, c’était au nom de l’anti-fascisme qu’ils participaient à la "Résistance" et appelaient les prolétaires à verser leur sang pour la défense du bloc des Alliés (dirigé par ce même impérialisme américain qu’ils dénoncent aujourd’hui à cor et à cri). Aujourd’hui, c’est "contre le découpage artificiel des frontières du Moyen- Orient" qu’ils continuent à jouer leur rôle de sergents recruteurs pour une fraction capitaliste contre une autre. Comme si les frontières nationales de la grande majorité des pays étaient "naturelles" ! Comme si un grand nombre de pays coloniaux eux-mêmes, depuis Israël jusqu’à la Belgique, n’étaient pas autre chose que des créations purement artificielles constituées pour les besoins des grandes puissances tout au long du développement du capitalisme. Ce type d’arguments qui consiste aujourd’hui à revendiquer la récupération par l’Irak de "ses vraies frontières naturelles" n’est, en réalité, qu’un alibi servant à amener les ouvriers sur le terrain bourgeois du nationalisme afin de les embrigader dans la guerre que se livrent toutes les nations, petites ou grandes, dans l’arène impérialiste mondiale.
Et quand les trotskystes de la LCR, comme ceux de LO, viennent clamer que cette guerre n’est pas la leur et signent une "déclaration" commune avec tous les hommes de bonne volonté (qu’ils soient staliniens défroqués, "socialistes" ou écologistes) "pour que l’emporte dans le monde, y compris au Moyen-Orient, une politique de paix” ("Rouge" n°1413), ils ne font rien de moins que nous ressortir leur vieille politique "frontiste" qui, en d’autres temps, avait servi à embrigader des millions de prolétaires dans la deuxième boucherie mondiale. Faut-il rappeler à tous ces "pacifistes" en herbe que c’est au nom de cette même stratégie d’alliance avec toutes les forces "démocratiques" de la bourgeoisie, au nom de la "paix" et de l’"antifascisme" qu’ils se sont alignés sagement derrière le bloc des "Alliés" dans les années 30 abandonnant ainsi l’internationalisme prolétarien pour appeler la classe ouvrière des pays de ce bloc à massacrer leurs frères de classe embrigadés sous les drapeaux du nazisme. Ainsi, au même titre que n’importe quelle autre force du capital, de droite comme de gauche, c’est toujours au nom de la "paix" que les trotskystes, avec leur petite variante du "droit des peuplés à l’autodétermination", justifient leur participation aux pires massacres. Et quand ces va-t-en-guerre de la LCR nous disent encore qu’en cas de conflit ouvert "il faut maximiser le coût de toute agression impérialiste contre l’Irak" (autrement dit "il faut que l’armée irakienne fasse un maximum de dégâts dans le camp adverse"), cela nous rappelle étrangement un autre mot d’ordre, celui du PCF à la "Libération" : "plus forts les coups sur le boche chancelant". Mais là où toute cette racaille capitaliste excelle dans l’ignominie, c’est surtout quand elle vient nous dire que "telles sont les grandes lignes d’une attitude révolutionnaire se plaçant du point de vue des intérêts de classe du prolétariat" ! ("Imprecor").
Une telle crapulerie n’est pas pour nous étonner. Car aujourd’hui, les trotskystes ne font que reprendre à leur propre compte le même discours qu’ont toujours tenu les partis traîtres au prolétariat pour embrigader celui-ci dans la guerre impérialiste. Ce discours, c’est celui des sociaux chauvins qui, en 1914, ne se réclamaient du "socialisme" que pour mieux soutenir le capitalisme, et ne vouaient leur "fidélité" à l’internationalisme prolétarien que pour mieux défendre le nationalisme de la bourgeoisie. C’est contre cette infamie de tous les sociaux-chauvins que luttaient les révolutionnaires et parmi eux, Lénine et les bolcheviks, dont les trotskystes prétendent encore se réclamer aujourd’hui.
Dans sa lutte à mort contre ce système de misère et de barbarie, le prolétariat n’aura pas d’autre choix que de débusquer les chiens de garde du capital dans ses rangs. Car tous ceux qui, comme les trotskystes, prétendent défendre ses intérêts, sont en réalité ses pires ennemis. Leur phraséologie "radicale" n’a d’autre fonction que de mystifier la classe ouvrière, afin de saboter ses luttes, la dévoyer de son terrain de classe, empoisonner sa conscience pour l’amener pieds et poings liés au massacre.
Avril (29/9/90)
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"A BAS LE PILLAGE DES RICHESSES FRANÇAISES ! Le blé que les paysans de France ont fait lever, le lait des vaches qu’ils ont élevées; les machines sans lesquelles nos ouvriers seront sans travail et sans pain; le matériel de laboratoire qu’a construit le génie de nos savants, toutes ces richesses françaises doivent rester en France..." (Bulletin du Comité pour la IVème Internationale n°2, 20/9/1940).
"Tous ceux qui luttent contre l’oppresseur et qui ne sont pas ouvriers doivent comprendre que l’appui des forces ouvrières est vitalement nécessaire au succès de la lutte pour la libération nationale; qu’on doit donc leur assurer un statut de travail qui les intéresse et à la défense et à la renaissance de la patrie dont ils constituent la force..." ("La Vérité" n°8, journal du POI, ancêtre de la LCR, janvier 1941).
"ETUDIANT DE FRANCE ! Le 11 novembre est resté pour toi jour de Fête Nationale. Malgré l’ordre des autorités opprimantes, il sera jour de recueillement. Tu n’assisteras à aucun cours. Tu iras honorer le Soldat Inconnu. Le 11 novembre 1918 fut le jour d’une grande victoire. Le 11 novembre 1940 sera le signal d’une plus grande encore. Tous les étudiants sont solidaires pour que Vive la France ! (recopie ces lignes et diffuse-les)?' (Tract d’appel du "Comité français pour la IVème Internationale", appelant en novembre 1940 les étudiants à célébrer la victoire du 11 novembre 1918)
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