Le présent article s'inscrit dans la série de ceux que nous avons déjà publiés dénonçant une tentative de falsification des origines réelles de la Gauche communiste émanant d'un blog nommé Nuevo Curso[1] (récemment rebaptisé Communia). Cette tentative est orchestrée par un aventurier, Gaizka[2], dont l'objectif n'est nullement de contribuer à clarifier et défendre les positions de ce courant mais de se "faire un nom" dans le milieu politique prolétarien. Cette attaque contre le courant historique de la Gauche communiste vise à transformer celle-ci en une mouvance aux contours flous, amputée des principes prolétariens rigoureux ayant présidé à sa formation ce qui constitue un obstacle à la transmission aux futures générations de révolutionnaires des acquis du combat des fractions de gauche contre l'opportunisme et la dégénérescence des partis de l'Internationale communiste. Quant à l'aventurier Gaizka, nous avons fourni à son sujet une quantité importante d'informations, à ce jour non réfutées, concernant les relations de ce Monsieur dans le monde des personnalités de la politique bourgeoise (de gauche surtout mais également de droite). C'est un comportement et un trait de personnalité qu'il partage avec des aventuriers plus connus dans l'histoire comme Ferdinand Lassalle et Jean Baptiste von Schweitzer qui avaient opéré au sein du mouvement ouvrier en Allemagne au 19e siècle[3], même s'il est loin, évidemment, d'avoir l'envergure de ces personnages.
Face à notre dénonciation, Gaizka est resté totalement silencieux : réfuter la réalité de ses turpitudes dont nous avons fait état est pour lui "mission impossible". De même, il a reçu très peu de soutiens, le plus explicite et presque unique provenant d'un groupe, le GIGC (Groupe International de la Gauche Communiste) qui, avant de changer de nom en 2014, se nommait la FICCI (Fraction Interne du Courant Communiste International). Un groupe dont la vocation première, depuis une vingtaine d'années, est de calomnier le CCI et dont la prise de position en faveur de Nuevo Curso s'est accompagnée d'une nouvelle attaque haineuse contre notre organisation.[4]
Après avoir dénoncé la fraude que constitue cette soi-disant "Gauche communiste" nommée Nuevo Curso et la véritable nature de son animateur Gaizka, il nous appartient de nous pencher sur le profil de ses "amis". La question n'est évidemment pas sans importance. La Sainte Alliance entre Nuevo Curso et le GIGC en dit long sur la véritable nature de chacun des deux groupes et de leur "contribution" aux efforts des jeunes éléments à la recherche des positions de classe. Mais avant d'examiner le pédigrée du GIGC, il vaut la peine de nous pencher rapidement sur la façon dont ce groupe s'est positionné par rapport à Nuevo Curso lors de son apparition.
C'est avec beaucoup d'enthousiasme, et de flagornerie, que le GIGC avait salué l'entrée sur la scène politique du blog Nuevo Curso : "Nuevo Curso est un blog de camarades qui a commencé à publier depuis septembre dernier des prises de position régulières sur la situation et sur des questions plus larges, voire théoriques. Malheureusement, elles ne sont qu’en espagnol. L’ensemble des positions qu’il défend sont très clairement de classe et se situent dans le cadre programmatique de la Gauche communiste … nous sommes très favorablement impressionnés, non seulement par leur rappel sans concession des positions de classe, mais surtout par la qualité "marxiste" des textes des camarades..." (Souligné par nous – Révolution ou guerre n° 9, "De nouvelles voix communistes : Nuevo Curso (Espagne) et Worker’s Offensive (États-Unis)")
De même, "La constitution d’Emancipación comme groupe politique communiste à part entière [qui anime le blog NC] est un pas important dont la signification politique et historique va bien au-delà de la simple apparition d’un nouveau groupe communiste. (…) Ainsi, la constitution d'Emancipación comme groupe politique à part entière exprime le fait que le prolétariat international, bien que soumis et loin de pouvoir repousser a minima les attaques de tout ordre imposées par le capital, tend à résister par la lutte et à se dégager de l'emprise idéologique de ce dernier et que son devenir révolutionnaire reste d'actualité. Elle exprime la "vitalité" (relative) actuelle du prolétariat." (Souligné par nous -Révolution ou guerre nº 12, Lettre du GIGC à Emancipación sur son 1er Congrès).
Le GIGC ne pouvait cependant éviter de relever le problème que pose l'interprétation par Nuevo Curso de la filiation historique de la Gauche communiste qui inclut dans celle-ci le courant "trotskiste" avant sa trahison au cours de la Seconde Guerre mondiale. En effet, l'absence d'une critique de la part du GIGC sur cette question aurait rendu évident le fait que ce groupe ne se sent en rien concerné par la défense réelle de la Gauche communiste, que sa proclamation d'en faire partie et sa prétention de la défendre ne sont qu'un leurre au service de ses manœuvres sordides visant à discréditer le CCI. Cela dit, la "timidité" et la "gentillesse" de la critique adressée par le GIGC à Nuevo Curso peinent à cacher une bienveillance évidente vis-à-vis de l'attaque de ce groupe contre la Gauche communiste : "Nous voulons surtout attirer l’attention des camarades sur l’impasse programmatique, théorique et politique dans laquelle la revendication d’une continuité avec la 4e Internationale est en train d’embarquer Emancipación. (…) Le passage vers un groupe politique à part entière est extrêmement positif en soi et, en même temps, soulève de nouvelles questions et responsabilités. Celles-ci sont apparues dès le congrès. Et l’une d’entre elles, la revendication de la 4e Internationale, doit être débattue –et selon nous combattue– pour permettre à Emancipación et ses membres de remplir au mieux la tâche historique que le prolétariat leur a confiée." (Souligné par nous -Lettre du GIGC à Emancipación sur son 1er Congrès juillet 2019- R ou G n° 12). Au lieu de dénoncer clairement une attaque contre la Gauche communiste, le GIGC élude ce problème fondamental en essayant de nous embobiner avec "l'impasse programmatique, théorique et politique dans laquelle s'embarque Nuevo Curso (Emancipación)" et en évoquant, rien de moins, que "la tâche historique que le prolétariat lui a confiée". Moralité : Le GIGC se moque effectivement de la défense de la Gauche communiste mais se soucie, par contre, du devenir d'Emancipación.
De plus, dès lors que notre organisation avait donné suffisamment d'informations aux lecteurs permettant de caractériser Gaizka (le principal animateur de Nuevo Curso) comme un aventurier présentant la particularité d'avoir entretenu, en 1992-94, des relations avec le plus important parti de la bourgeoisie en Espagne à cette époque, le PSOE, il n'y avait plus de doute permis concernant le sens de la démarche de Nuevo Curso visant à dénaturer la Gauche communiste. Et le doute était encore moins permis pour les membres du GIGC puisqu'ils étaient encore militants du CCI dans les années 1992-94 et qu'ils avaient eu, de ce fait, pleine connaissance de la trajectoire et des faits et gestes de cet individu.
Pourtant, ce ne sont pas ces informations accessibles à tous (et démenties par personne, nous le répétons) qui ont empêché le GIGC de voler au secours de l'aventurier Gaizka, face à la dénonciation que nous en avons faite : "nous devons souligner qu’à ce jour, nous n’avons constaté aucune provocation, manœuvre, dénigrement, calomnie ou rumeur, lancée par les membres de Nuevo Curso, même à titre individuel, ni aucune politique de destruction contre d’autres groupes ou militants révolutionnaires"[5]. Effectivement, Gaizka ne procède pas de la même façon que le GIGC puisque la liste des comportements répugnants que celui-ci évoque ici constitue justement un bon résumé de sa propre façon d'agir. Et il faut vraiment l'aplomb de voyous et de piètres tricheurs comme les membres de ce groupe pour essayer de faire croire qu'il n'y a pas de problème avec Gaizka puisqu'il ne se conduit pas comme eux.
Chez Gaizka, c'est la personnalité politique qui est en cause, se distinguant comme d'autres aventuriers plus connus avant lui par le fait que "Contrairement aux combattants sincères qui se joignent de manière désintéressée à une organisation révolutionnaire pour aider la classe ouvrière à remplir son rôle historique, les aventuriers ne rejoignent des organisations révolutionnaires que pour remplir leur "propre mission historique". Ils veulent mettre le mouvement à leur service et cherchent constamment à être reconnus à cette fin"[6]. Pour Gaizka, c'est la réécriture de l'histoire de la Gauche communiste, en la dénaturant, qu'il pourra mettre à son actif et dont il va s'enorgueillir si l'opération venait à réussir[7].
La FICCI s'est constituée en 2001 sous le signe de la haine du CCI et de la volonté de le détruire. N'y parvenant pas, elle s'est employée à lui nuire autant qu'elle le pouvait. Sous prétexte de vouloir "redresser le CCI" menacé selon eux de "dégénérescence opportuniste", les quelques militants du CCI à l'origine de la FICCI s'étaient, dès le début, caractérisés par l'intrigue (tenue de réunions secrètes[8]), par des agissements de voyous tels que le vol et le chantage et par un travail de provocateurs, notamment à travers une campagne de calomnies contre une camarade accusée publiquement par eux d'être un agent de l'État manipulant indirectement notre organisation.
Ne pouvant pas rendre compte dans le détail des turpitudes de la FICCI-GIGC, nous renvoyons le lecteur aux principaux articles de dénonciation que nous avons écrits à ce sujet[9] et nous nous limitons ici à un certain nombre d'illustrations concrètes de celles-ci.
Les membres de la FICCI se placèrent eux-mêmes et délibérément en dehors de notre organisation comme conséquences des comportements suivants :
La FICCI comme groupe policier
Finalement les membres de la FICCI furent exclus[10] de notre organisation, non pour ces comportements pourtant intolérables mais pour leurs activités d'indicateurs avec, à leur actif, plusieurs actes de mouchardage. C'est ainsi, notamment, qu'ils publièrent, sur leur site Internet, la date à laquelle devait se tenir une Conférence du CCI au Mexique en présence de militants venus d'autres pays. Cet acte répugnant de la FICCI consistant à faciliter le travail des forces de répression de l'État bourgeois contre les militants révolutionnaires est d'autant plus ignoble que les membres de la FICCI savaient pertinemment que certains de nos camarades au Mexique avaient déjà, dans le passé, été directement victimes de la répression et que certains avaient été contraints de fuir leur pays d'origine.
Mais les comportements de mouchards des membres de la FICCI ne se résument pas à cet épisode. Avant et après leur exclusion du CCI, ils ont systématisé leur travail d'espionnage de notre organisation et rendu compte régulièrement, dans leurs bulletins, des résultats ainsi obtenus. Certaines des "informations" ainsi publiées, tout-à-fait dignes de la presse à scandale (par exemple des "révélations" sur un couple de militants), n'ont d'intérêt que pour les quelques imbéciles (s'il en existe en dehors des propres membres de la FICCI) qui se complaisent à fantasmer sur une oligarchie familiale au sein du CCI. Par contre, elles en côtoient d'autres qui, loin d'être inoffensives, relèvent directement d'un travail d'indicateur de police. En voici un petit échantillon :
L'échantillon ci-dessus de la sordide récolte d'informations par les membres de la FICCI est tout à fait significatif de la manière dont ces gens concevaient leur "travail de fraction" (commérages, rapports de police). En effet, l'exhibition de telles informations s'adresse également à l'ensemble du CCI, en vue de mettre la pression sur ses militants en leur faisant comprendre qu'ils sont "sous surveillance", que rien de leurs faits et gestes n'échappera à la vigilance de la "Fraction interne". En témoigne l'innocente information publiée dans le bulletin n° 13, qui rapporte que le CCI a loué une "salle luxueuse" pour une réunion publique, information dont la seule fonction est de contribuer à cette ambiance de surveillance permanente. C'est d'ailleurs avec le même objectif que les membres du CCI, de même que nos contacts, recevaient régulièrement dans leur boite à lettres, même quand ils avaient changé d'adresse pour certains d'entre eux, le fameux "Bulletin communiste", malgré les protestations et demandes réitérées pour que cessent de tels envois. C'était un moyen de dire aux destinataires : "Nous vous surveillons et nous ne vous lâcherons pas".
Ce n'est pas parce qu'il émane de cerveaux malades de persécuteurs obsessionnels qu'il ne faut pas prendre au sérieux un tel travail de flicage de notre organisation et plus particulièrement de certains de ses membres.
Pour conclure sur les comportements policiers de la FICCI, il vaut la peine de signaler la publication par celle-ci d'un texte de 118 pages en format A4 et en petits caractères (soit environ 150 000 mots !) intitulé "L'Histoire du Secrétariat international du CCI". Ce texte, d'après son sous-titre, prétend raconter "Comment l'opportunisme s'est imposé dans les organes centraux avant de contaminer et entamer la destruction de l'ensemble de l'organisation...". C'est un récit qu'on peut, à plusieurs titres, qualifier de "roman policier".
En premier lieu, c'est un roman, c'est-à-dire une fiction et nullement un texte historique, même s'il fait référence à des faits et des personnages réels. C'est un peu comme si on considérait "Les Trois Mousquetaires" d'Alexandre Dumas comme la véritable histoire de d'Artagnan (qui a réellement existé) et de ses amis. Evidemment, même s'il n'y a pas de comparaison possible entre l'imagination romanesque de Dumas et l'imagination malade et paranoïaque des auteurs de cette "histoire", nous avons droit à un "thriller" avec des personnages bien typés, notamment Louise et Peter. Louise est la principale "méchante" de l'histoire, une véritable Lady Macbeth. Celle-ci avait poussé son mari à assassiner le Roi Duncan pour qu'il s'empare du trône. Pour sa part, Louise, en lien avec les services spécialisés de l'état, manipule de façon diabolique son compagnon Peter pour l'inciter à commettre des méfaits contre le CCI et ses militants.[13] Peter est ainsi devenu le "chef", celui "qui dirige le CCI" (sic) après avoir éliminé "la plus grande partie des membres fondateurs du CCI" et qui "se prétend le seul héritier de MC". Ce n'est plus à Peter-Macbeth que nous avons affaire mais à Peter-Staline. Et c'est ici que se manifeste, encore une fois, le caractère policier de ce texte. En effet, il explique la prétendue "évolution opportuniste" du CCI par les intrigues d'un certain nombre de personnages malfaisants comme si la dégénérescence et la trahison du parti bolchevique avaient été le résultat de l'action du mégalomane Staline et non la conséquence de l'échec de la révolution mondiale et de l'isolement de la révolution en Russie. Ce texte relève de la plus pure conception policière de l'histoire laquelle a toujours été combattue par le marxisme et il faut reconnaître à ses auteurs une certaine avance sur tous les "complotistes" qui pullulent aujourd'hui sur les réseaux sociaux et dans l'entourage de Donald Trump.
Mais le caractère policier le plus odieux de ce texte, c'est bien le fait qu'il divulgue de nombreux détails sur le fonctionnement interne de notre organisation et qui sont pain bénit pour les services de police. La bassesse des membres du GIGC n'a décidément pas de limites.
Faute d'avoir pu convaincre les militants du CCI de la nécessité d'exclure le "chef" et la "compagne du chef", ce groupuscule parasitaire s'est donné comme objectif d'entraîner derrière ses calomnies les autres groupes de la Gauche communiste afin d'établir un cordon sanitaire autour du CCI et le discréditer (voir ci-après les épisodes du "Circulo" et de la "réunion publique du BIPR[14] à Paris"). La FICCI a ainsi demandé au PCI (Le Prolétaire), dans une lettre qu'elle lui a adressée le 27 janvier 2002, en même temps qu'à d'autres groupes de la Gauche communiste, de prendre position en sa faveur contre le CCI : "Aujourd'hui nous ne voyons plus qu'une seule solution : nous adresser à vous pour que vous demandiez à notre organisation d'ouvrir les yeux et de retrouver le sens de ses responsabilités. (...) Parce que nous sommes en désaccord, aujourd'hui le CCI fait tout pour nous marginaliser et nous démolir moralement et politiquement"[15]. Malgré cette lettre, la FICCI a le culot d'écrire dans son Bulletin n° 13 : "nous voulons affirmer que, pour notre part, nous n'avons jamais demandé à personne de prendre parti entre le CCI et la Fraction".
La volonté d'isoler le CCI concernait un périmètre allant au-delà de la Gauche communiste puisqu'il s'agissait de faire écran, partout où c'était possible et à travers différents moyens, entre le CCI et tous ceux qui, à un moment où un autre, étaient susceptibles d'être intéressés par le contenu de notre intervention. C'est le sens de ses campagnes de dénigrement sur son site, parfois même à travers des tracts dédiés à cet effet, dans tous les lieux de discussion qui lui étaient accessibles.
S'il ne nous était pas possible d'interdire aux membres de la FICCI de sillonner les manifestations de rue pour nous surveiller, nous pouvions, en revanche, les empêcher de faire leur sale besogne de flicage dans nos réunions publiques. C'est pourquoi le CCI avait fini par prendre la décision d'interdire la présence à ses réunions publiques et à ses permanences des membres de la prétendue "Fraction interne" du CCI[16]. À plusieurs reprises nous avons dû faire face à des menaces (dont celle proférée à haute voix de trancher la gorge à l'un de nos camarades[17]) et agressions de ces voyous.
La FICCI se présente comme "le véritable continuateur du CCI" qui aurait connu une dégénérescence "opportuniste" et "stalinienne". Elle déclare poursuivre le travail, abandonné à ses dires par le CCI, de défense dans la classe ouvrière des "véritables positions de cette organisation" lesquelles seraient menacées par le développement de l'opportunisme en son sein ce qui affecterait, en premier lieu, la question du fonctionnement. On a vu dans la pratique sa propre conception du respect des statuts et même des règles de comportement les plus élémentaires du mouvement ouvrier, "s'asseoir dessus".
Par ailleurs, il n'existe nulle part la trace d'une argumentation "politique" de la FICCI mettant clairement en évidence ses "divergences de fond" avec le CCI, lesquelles auraient justifié la constitution d'une "fraction interne" se situant dans la continuité de toutes les fractions de gauche du mouvement ouvrier, depuis la Ligue Spartakus jusqu'à la Fraction de la Gauche italienne[18]. Ayant toujours été incapable de se contraindre à une telle nécessité de rigueur politique en s'inspirant de l'expérience du mouvement ouvrier, elle préfère agiter l'épouvantail de la vindicte populaire en répétant à satiété que le CCI est une secte "sans espoir de retour maintenant, et qui s’est en grande partie marginalisé, voire s’est mis hors-jeu, du camp prolétarien de par ses positions opportunistes". (Rapport d’activités de la 2e Réunion générale du GIGC. Révolution ou Guerre n° 12).
Pourquoi et comment le CCI se serait-il mis "hors-jeu du camp prolétarien", un concept que nous ne retrouvons nulle part chez nos prédécesseurs de Bilan et Internationalisme[19] (dont la FICCI-GIGC a l'indécence de revendiquer la filiation et en particulier celle de notre camarade MC[20]).
La FICCI-GIGC suggère que nous aurions trahi, ou serions en voie de trahison de l'internationalisme prolétarien, ce qui effectivement constituerait un motif valable pour dénoncer l'opportunisme y conduisant. Mais, à ce jour, la FICCI-GIGC n'a en rien démontré en quoi notre caractérisation de la phase actuelle de la décadence capitaliste, celle de sa décomposition[21] -qui, selon ces gens est une pièce maitresse de l'opportunisme du CCI- est l'illustration de cette trahison !
La FICCI-GIGC suggère que notre sectarisme s'exprime à travers notre conception selon laquelle il existe des groupes parasites agissant dans le milieu de la Gauche communiste[22]. Celle-ci, de même que l'idée que le parasitisme fait courir un danger au milieu politique prolétarien, nous marginaliserait par rapport à ce milieu et constituerait même une menace pour lui. En réalité, cette conception ne constitue un danger que pour les parasites et nous revendiquons sa validité de la même manière que nous nous revendiquons du combat de Marx et Engels contre l'Alliance de Bakounine au sein de l'AIT : "Il est grand temps, une fois pour toutes, de mettre fin aux luttes internes quotidiennement provoquées dans notre Association par la présence de ce corps parasite". (Engels, "Le Conseil général à tous les membres de l'Internationale", avertissement contre l'Alliance de Bakounine)."
La méthode consistant à "suggérer" en évitant le problème politique de fond fait appel au bon sens populaire[23], aux méthodes de la chasse aux sorcières pratiquées au Moyen-âge, et qui connait un regain de vitalité dans la société actuelle en décomposition avec en particulier la recherche tous azimuts de boucs émissaires à tous les maux de la société.
En réalité, la FICCI GIGC n'a jamais expliqué que, lorsque ses membres faisaient partie du CCI, ils ont toujours soutenu les thèses sur le parasitisme et celles sur la décomposition. L'attaque qu'ils ont engagée en 2000 contre notre organisation ne faisait nulle référence à des désaccords sur ces questions. Ce n'est que plus tard qu'ils ont "découvert", de façon très opportune, qu'ils n'étaient pas d'accord avec ces analyses. Il s'agissait alors, pour eux, d'éliminer des entraves à la justification de leur nouveau projet politique :
Par ailleurs, le CCI a été la cible de nombreuses autres accusations de la part de la FICCI que nous n'avons pas évoquées jusqu'ici. D'une manière générale celles-ci sont exprimées au moyen de "formules choc" basées sur des mensonges et déformations, dignes de la devise de Goebbels, chef de la propagande nazie, selon laquelle : "Un mensonge énorme porte avec lui une force qui éloigne le doute". Heureusement, l'obscurantisme moyenâgeux n'empêche pas la bêtise de s'exprimer et, avec elle, la possibilité d'éveiller l'incrédulité des supporters du GIGC. À l'attention de ceux-ci nous reproduisons un tout petit échantillon des accusations portées à notre endroit par la FICCI : le CCI serait aujourd'hui frappé du stigmate "d'un éloignement progressif du marxisme et d'une tendance de plus en plus affirmée à mettre en avant (et à défendre) des valeurs bourgeoises et petites bourgeoises en vogue (le "jeunisme", le féminisme et surtout la "non-violence")[24] ; le CCI "ferait le jeu de la répression"[25] .
À peine l'ancienne enseigne de la "FICCI" était-elle remisée et qu'était affichée la nouvelle du "GIGC" que ce groupe parasite tentait un coup d'éclat, encore une fois de nature policière, contre le CCI.
Bien qu'au départ les campagnes anti-CCI de la FICCI aient eu un certain impact sur le milieu politique prolétarien, elles n'étaient pas parvenues néanmoins à marginaliser notre organisation, en particulier du fait que nous les avons énergiquement combattues. La FICCI avait dû se résoudre à cette situation jusqu'à ce que l'histoire semble à nouveau lui sourire grâce à l'arrivée providentielle de bulletins internes du CCI entre ses mains.[26]
Pensant que leur heure de gloire était enfin arrivée, ces parasites revigorés par le nouvel "atout" en leurs mains déchaînaient une propagande hystérique contre le CCI, comme en témoigne le placard publicitaire (jubilatoire) affiché sur leur site Web : "Une nouvelle (ultime ?) crise interne dans le CCI !", accompagné bien sûr d’un "Appel au camp prolétarien et aux militants du CCI". Durant plusieurs jours, ils ont mené une activité frénétique, adressant lettre sur lettre à tout le "milieu prolétarien" ainsi qu’à nos militants et à certains de nos sympathisants (dont ils continuaient d'utiliser les adresses en leur possession après les avoir volées au CCI). Ce prétendu "Groupe international de la Gauche communiste" (le nouveau nom que s'était donné la FICCI) a sonné le tocsin et crié à tue-tête qu’il était en possession des Bulletins internes du CCI. En exhibant leur trophée de guerre et en faisant un tel tintamarre, le message que ces mouchards patentés cherchaient alors à faire passer était très clair : il y avait une "taupe" dans le CCI qui travaillait main dans la main avec l’ex-FICCI ! C’était clairement un travail policier n’ayant pas d’autre objectif que de semer la suspicion généralisée, le trouble et la zizanie au sein de notre organisation. Ce sont ces mêmes méthodes qu’avait utilisées le Guépéou, la police politique de Staline, pour détruire de l’intérieur le mouvement trotskiste des années 1930. Ce sont ces mêmes méthodes qu’avaient déjà utilisées les membres de l’ex-FICCI (et notamment deux d’entre eux, Juan et Jonas, membres fondateurs du "GIGC") lorsqu’ils faisaient des voyages "spéciaux" dans plusieurs sections du CCI en 2001 pour organiser des réunions secrètes et faire circuler des rumeurs suivant lesquelles l’une de nos camarades (la "femme du chef du CCI", suivant leur expression) serait un "flic".
Comment le GIGC a-t-il pu bénéficier d'un tel cadeau du ciel ? Un complice infiltré au sein de notre organisation ? La police elle-même l'aurait-elle obtenu en piratant nos ordinateurs pour le transmettre ensuite au GIGC par un moyen quelconque ? Si, au lieu d'être une bande voyous, le GIGC avait été une organisation responsable, il aurait eu à cœur de résoudre cette énigme et d'informer le milieu politique du résultat de ses investigations.
Notre article de dénonciation de cette nouvelle attaque avait suffi à calmer subitement les ardeurs du GICG mais il est intéressant de noter la réponse qu'il y avait faite : "Notre groupe prend acte du silence et de l’absence de démenti du CCI sur la réalité d’une crise organisationnelle grave au sein de celui-ci et sur la nouvelle mise en cause au sein même du CCI des comportements de la 'militante' Avril-Louise-Morgane. Le GIGC ne répondra pas au tombereau d’insultes que le CCI verse actuellement sur notre groupe (comme il l’a fait hier sur la FICCI). Nous avons autre chose à faire. (…)". Cette réponse était révélatrice à plusieurs titres :
Nous avons montré en quoi la FICCI avait tenté d'utiliser le PCI (par courrier) pour qu'il la soutienne contre le CCI et nous allons illustrer comment elle employa la même démarche "en plus grand" vis-à-vis du BIPR. Cette tentative de corrompre ces deux organisations en les entrainant sur un terrain étranger aux règles devant régir les relations au sein de la Gauche communiste, constitue également une attaque parasitaire contre celles-ci.
Ainsi, le BIPR a été la cible en particulier d'une manœuvre osée de la part du la FICCI consistant à organiser au bénéfice de ce groupe une réunion publique à Paris, le 2 octobre 2004. En fait, comme nous allons le montrer, il s'agissait d'une réunion publique qui devait être au service de la réputation de la FICCI, au détriment de celle du BIPR et en vue de porter une attaque contre le CCI.
L'annonce de cette réunion par le BIPR indiquait que son thème était la guerre en Irak. Par contre l'annonce qu'en fit la FICCI soulignait toute l'importance de sa propre démarche : "Sur notre suggestion et avec notre soutien politique et matériel, le BIPR va organiser une réunion publique à Paris (RP qui, nous l'espérons, ne sera pas la dernière) à laquelle nous appelons tous nos lecteurs à participer" (souligné par nous)". Ce qu'il ressort de cet appel c'est que, sans la FICCI, cette organisation de la Gauche communiste, qui existe à l'échelle internationale et qui est connue depuis des décennies, n'aurait pas pu prendre l'initiative et organiser la réunion publique !
En fait, ce groupe parasite a utilisé le BIPR comme un "homme de paille" pour sa propre publicité en vue de l'obtention d'un certificat de respectabilité, de reconnaissance de son appartenance à la Gauche communiste. Et la voyoucratie décomplexée n'a pas hésité à utiliser le carnet d'adresse des contacts du CCI (qu'elle avait dérobée avant son départ de l'organisation) pour diffuser son appel à cette réunion publique.
Comme nous l'avions souligné à l'époque, la FICCI n'avait pas jugé utile d'écrire une seule phrase d'analyse sur son annonce dénonçant la guerre en Irak (contrairement à l'annonce faite par le BIPR). De même son annonce était exclusivement dédiée à une question : "comment reconstruire un pôle de regroupement révolutionnaire dans la capitale française après l'effondrement du CCI, un effondrement depuis lequel ses réunions publiques sont désormais désertées et ne constituent plus un lieu de débat".
En fait, c'est tout le contraire qu'a permis de mettre en évidence le déroulement de la réunion publique du BIPR. Celle-ci devait être la preuve, selon la FICCI, que le BIPR était désormais le "seul pôle sérieux" de discussion et de référence de la Gauche communiste. Or, elle aurait été un fiasco total si le CCI n'y avait pas participé et invité ses contacts à en faire de même. En effet, une importante délégation de militants du CCI et une dizaine de sympathisants de notre organisation étaient présents.
En réalité, la multiplication des compliments apportés par le GIGC-FICCI au BIPR n'était pas autre chose que de la pure hypocrisie. Dès sa constitution, la FICCI avait cherché un appui au sein du milieu politique prolétarien, essentiellement auprès du BIPR, dans la croisade parasitaire qu'elle instillait contre le CCI, en particulier en "élisant" le BIPR comme seul pôle viable pour le regroupement des forces révolutionnaires. Telle la mouche du coche dans la fable de Jean de La Fontaine, elle prodiguait des conseils, distribuait des bons points au milieu politique, reproduisait certains de ses articles … À l'époque, les relations étaient au "beau fixe" entre le BIPR et la FICCI. Le compte-rendu par la FICCI d'une réunion avec le BIPR intervenue en juin 2004 exposait l'analyse suivante de la dynamique existant au sein du camp prolétarien : "Ces différents plans passés en revue nous permettent de conclure qu’il existe bien deux dynamiques au sein de l’actuel camp prolétarien, ces deux dynamiques allant dans deux sens opposés : l’une pour créer un cadre de regroupement pour rassembler les énergies révolutionnaires, favoriser et orienter les débats et la réflexion collective, permettre l'intervention la plus large au sein de la classe ouvrière, cette dynamique, dans laquelle notre fraction s'inscrit, est portée, aujourd'hui, essentiellement par le BIPR ; l’autre allant dans le sens opposé, celui d’entretenir, voire d'accroître la dispersion, la confusion politique, est portée par le CCI et contre laquelle la fraction mène le combat ouvertement." (Compte rendu d'une réunion entre le BIPR et la fraction [2] ; septembre 2004 - Bulletin communiste FICCI 27)
Quinze ans plus tard, le Rapport d’activités de la 2e Réunion générale du GIGC (Avril 2019) renvoie une image beaucoup moins idyllique de ses relations avec la TCI. En effet, il informe ses lecteurs que " ... de nouvelles forces communistes ont émergé dont Nuevo Curso est l’expression et un facteur, mettant ainsi directement les groupes historiques de la Gauche communiste partidiste devant leur responsabilité historique face à cette nouvelle dynamique et devant laquelle la Tendance Communiste Internationaliste, principale organisation de ce camp, a commencé par s’enfermer dans une attitude, ou des réflexes, relativement sectaire à notre endroit et immédiatiste quant à ces nouvelles forces". (souligné par nous - Rapport d’activités de la 2 [3]e [3] Réunion générale du GIGC [3]. Révolution ou Guerre n°12)
Plus encore, "la TCI pourtant liée organiquement avec le PC d’Italie et la Gauche communiste d’Italie, subit le poids d’un relatif informalisme, du personnalisme et de l’individualisme, et donc de l’esprit de cercle" (souligné par nous - Idem) ce qui, selon le GIGC, entrave l'application d'une méthode de parti par la TCI notamment dans la relation avec ses contacts.
Que s'est-il donc passé pour que la FICCI-GIGC, ces lèche-bottes patentés de la TCI, se rebellent ainsi ? Aujourd'hui ils découvrent que la TCI, ex BIPR, se livrerait à ce qui ressemble à une approche opportuniste de l'intervention en direction des contacts : "L’article, écrit par un membre de la CWO, le groupe britannique de la TCI, rejette clairement les "fractions ou cercles de discussion". Au-delà du rejet de la forme organisationnelle en soi et plus grave, il sous-estime, ignore, et de fait repousse, tout processus de confrontation et de clarification politiques comme moyen central et moment indispensable du combat pour le parti". (souligné par nous - Idem)
En fait, ce n'est certainement pas une approche qu'il caractérise comme opportuniste (sans employer le terme) qui perturbe le GIGC, mais bien que la fidèle "mouche du coche" a beaucoup moins de succès que la TCI auprès des nouveaux éléments qui s'approchent de la Gauche communiste. Surtout, le GIGC a le plus grand mal à digérer le fait que ses membres au Canada l'aient quitté pour rejoindre la TCI.
Cette critique du GIGC à la TCI est révélatrice, non pas des méthodes de recrutement de la TCI, mais de l'hypocrisie sans nom du GIGC. En effet, en plus des compromissions politiques / théoriques que la FICCI avait faites pour être plus en phase avec le Milieu politique prolétarien (abandon de la théorie de la décomposition et des thèses sur le parasitisme), ses membres avait mis sous l'étouffoir une autre divergence, d'une grande importance, que le CCI avait toujours eue (et qu'ils partageaient quand ils étaient dans notre organisation), avec le BIPR à propos des principes devant présider à la formation du parti. Brusquement, les membres de la FICCI avaient "oublié" les critiques, qu'avec le CCI, ils avaient portées auparavant sur cette question au Partito Comunista Internazionalista (PCInt) et au BIPR, notamment la démarche opportuniste qui avait présidé à la constitution du Partito en 1945. Aujourd'hui, le GIGC "découvre" que les méthodes de recrutement de la TCI sont un petit peu opportuniste mais ce n'est pas, comme le GIGC veut le faire croire, la TCI qui a changé ses méthodes mais le GIGC qui abandonne son attitude de lèche-bottes tout à son amertume d'avoir été doublé par la TCI qui lui a pris certains de ses membres.
Il existe effectivement des désaccords entre la TCI et le CCI à propos de la méthode de regroupement devant aboutir à la constitution du parti mondial mais ce désaccord se situe au sein du camp prolétarien et donnera lieu à un débat et des confrontations politiques entre camarades luttant pour une même cause. Et il est inacceptable qu'il soit pollué par les jérémiades du GIGC.
Pour conclure sur les hauts faits d'armes du GIGC-FICCI, et sur leur caractère éminemment nocif, il est nécessaire de revenir sur un épisode qui présente des similitudes avec la situation récente où le parasitisme du GIGC est venu apporter son soutien aux manigances d'un aventurier. Un épisode où l'alliance entre ces deux éléments a eu des effets destructeurs notamment par rapport aux éléments qui s'approchent des positions de classe.
En 2004, le CCI était entré en relation politique avec un petit groupe en recherche en Argentine, le NCI (Nucleo comunista internacional)[27]. Ayant entrepris l’étude des positions des courants de la Gauche communiste, ses membres s'orientaient vers les positions du CCI. Les discussions sur la question des comportements organisationnels inadmissibles au sein du prolétariat avaient convaincu ces camarades, sur la base de l'étude des prises de position de la FICCI et de nos propres articles à ce sujet, du fait que celle-ci "avait adopté une conduite étrangère à la classe ouvrière et à la Gauche communiste". Cela avait alors donné lieu à une prise de position en ce sens écrite le 22 mai 2004 par ces camarades[28].
Il s'est avéré qu'un problème commençait à se poser au sein du NCI du fait que l'un de ses membres - que nous appellerons le citoyen B. dans la suite de la narration - avait une pratique en opposition totale avec un fonctionnement collectif et unitaire, une condition fondamentale d'existence pour une organisation communiste. Ayant initialement impulsé les contacts avec le CCI (il était le seul à pouvoir utiliser Internet), il menait des discussions individuelles avec chacun des membres du groupe mais il manœuvrait pour éviter le développement de toute discussion sérieuse et systématique de l'ensemble de celui-ci, ce qui lui permettait d'en "garder le contrôle". Cette pratique organisationnelle, radicalement étrangère au prolétariat, est typique des groupes bourgeois, particulièrement de gauche ou d’extrême gauche du capital. Monsieur B se proposait en réalité d’utiliser ses camarades comme tremplin pour devenir une "personnalité" au sein du milieu politique prolétarien. Or, le travail systématique de discussion des positions politiques avec le CCI conçu dans la durée de même que notre insistance pour que se tiennent des réunions communes de tous les camarades, contrariaient de plus en plus ses plans immédiats d'aventurier.
C'est ainsi que fin juillet 2004, Monsieur B. tenta une manœuvre audacieuse : il demanda l’intégration immédiate du groupe au sein du CCI. Il imposa cette exigence malgré la résistance des autres camarades du NCI qui, même s’ils se donnaient aussi comme objectif l’adhésion au CCI, ressentaient la nécessité de réaliser préalablement tout un travail en profondeur de clarification et d’assimilation, le militantisme communiste ne pouvant se baser que sur de solides convictions. Le CCI rejeta cette exigence conformément à notre politique s'opposant aux intégrations précipitées et immatures qui peuvent contenir le risque de la destruction de militants et sont nocives pour l’organisation.
Parallèlement à cela, une alliance s'était nouée entre la FICCI et l'aventurier B, certainement à l'initiative de B, au service d'une manœuvre contre le CCI utilisant, à son insu, le NCI.
La manœuvre consistait à faire circuler au sein du milieu politique prolétarien une dénonciation du CCI et de ses "méthodes nauséabondes" qui semblait émaner indirectement du NCI, puisque cette dénonciation était signée d'un mystérieux et fictif "Circulo de comunistas internacionalistas" (soit "CCI" en abrégé !), animé par le citoyen B et qui, selon lui, était supposé constituer le "dépassement politique" du NCI. Ces calomnies furent véhiculées au moyen d'un tract du "Circulo" diffusé par la FICCI à l'occasion de la réunion publique à Paris du BIPR du 2 octobre 2004.
Elles furent également mises en ligne en différentes langues sur le site du BIPR. En plus de cibler directement le CCI, le tract en question prenait la défense de la FICCI remettant totalement en cause la prise de position du NCI du 22 mai 2004 qui avait dénoncé ce groupe.
Lorsqu'ils découvrirent plus tard les manœuvres du citoyen B dans leur dos, en particulier la création du fantoche "Círculo de Comunistas Internacionalistas", de même que le positionnement de celui-ci en soutien à la FICCI et en dénonciation du CCI, les membres du NCI analysèrent la situation de la sorte : "Il est fort probable qu'il (B.) avait déjà pris contact en sous-main avec la FICCI, tout en continuant à nous duper jusqu'à vouloir précipiter l'intégration du NCI au CCI" (Des internationalistes en Argentine -Présentation de la Déclaration du NCI)[29].
La manière dont le citoyen B a été amené à élaborer sa manœuvre est typique d'un aventurier, de ses ambitions et de son absence totale de scrupules et de préoccupation pour la cause du prolétariat. Le recours aux services d'un aventurier, par la FICCI, pour satisfaire sa haine du CCI et tenter de mettre en place, par le dénigrement public, l'isolement politique de notre organisation, est digne des personnages minables et méprisables qui peuplent le monde mesquin de la petite et de la grande bourgeoisie.
À l'époque, le CCI avait riposté, parfois au jour le jour, à la campagne mensongère et usurpatrice du citoyen B jusqu'à ce que, incapable de réfuter l'exposition publique de ses manœuvres, celui-ci se résolve à disparaître politiquement. Malheureusement, les autres membres du NCI, profondément démoralisés par la façon dont ils avaient été utilisés et manipulés par le citoyen B. n'ont pas réussi à se relever et à poursuivre leur effort de réflexion, et ils ont fini par abandonner toute activité politique.
Quant à la FICCI, qui était mouillée jusqu'au cou dans cette affaire et qui avait beaucoup misé sur le citoyen B. pour discréditer le CCI, elle semble ne pas avoir tiré la leçon de cette mésaventure où elle s'est ridiculisée puisque, récemment, elle a de nouveau misé sur les agissements d'un autre aventurier.
Aujourd'hui, à la différence de l'épisode du citoyen B, ce n'est pas le CCI qui est visé spécifiquement par la politique de l'aventurier Gaizka mais bien toute la Gauche communiste[30] dont la réputation subira un préjudice politique si ce dernier n'est pas démasqué et ainsi mis dans l'impossibilité de nuire politiquement. Comme l'enseigne la tradition du mouvement ouvrier, et le vérifie l'expérience récente du CCI aux prises avec les manœuvres et la calomnie du citoyen B, il n'y a pas d'autre choix possible que celui de défendre l'honneur des organisations qui sont la cible d'attaques parasitaire et de l'action d'aventuriers[31], même si cela exige une énergie importante qui pourrait utilement être mise au service d'autres tâches organisationnelles[32].
A l'heure actuelle, dans plusieurs parties du Monde, nous assistons à l'émergence d'un intérêt croissant pour les positions de la Gauche communiste de la part de jeunes éléments. Et c'est ici que le GIGC et le Citoyen Gaizka ont un rôle à jouer. Non pas pour contribuer à la réflexion et à l'évolution de ces éléments vers la Gauche communiste mais au contraire pour mettre à profit leur inexpérience afin de les aguiller vers des impasses, de stériliser et détruire leur conviction militante.[33] Si le GIGC et Gaizka se réclament de la Gauche communiste c'est notamment pour piéger ces jeunes éléments au seul bénéfice de leurs intérêts sordides. Dans le cas du GIGC, il s'agit d'établir un cordon sanitaire autour du CCI afin d'étancher sa haine envers notre organisation. Dans le cas de Gaizka, il s'agit de satisfaire ses ambitions mégalomanes d'aventurier. Les motivations ne sont pas identiques mais si, comme en 2004, avec l'épisode du Citoyen B., on assiste à une convergence entre les parasites et les aventuriers, c'est évidemment qu'ils sont, chacun à leur façon, des ennemis mortels de la Gauche communiste, de ses traditions et de ses principes. Dans le difficile chemin vers la pleine compréhension de ces traditions et principes, il sera nécessaire, sur la base de toute l'expérience du mouvement ouvrier, de s'affronter aux manigances et aux pièges de ces ennemis patentés du mouvement ouvrier.
CCI (22 / 02 / 2021)
[1] "Nuevo Curso et la 'Gauche communiste espagnole' : Quelles sont les origines de la Gauche communiste ? [4]"
[2] "Qui est qui dans [5]Nuevo Curso [5] ? [5] et Gaizka se tait : un silence assourdissant [6]."
[3] Voir notre article "Lassalle et Schweitzer : la lutte contre les aventuriers politiques dans le mouvement ouvrier [7]".
[4] Voir "Nouvelle attaque du CCI contre le camp prolétarien international [8] (1er février 2020)". Le fait que parmi les groupes ou blogs se réclamant de la Gauche communiste seuls les spécialistes du dénigrement du CCI aient attaqué notre mise au point sur Monsieur Gaizka ou essayé de le défendre illustre bien le caractère irréfutable des informations que nous rapportons sur son compte.
[5] "Nouvelle attaque du CCI contre le camp prolétarien international [8] (1er février 2020)"
[6] "Lassalle et Schweitzer : la lutte contre les aventuriers politiques dans le mouvement ouvrier [7]"
[7] "Qui est qui dans Nuevo Curso ? [5]" ; "Gaizka se tait : un silence assourdissant [6]" ; "Questions d'organisation, IV : la lutte du marxisme contre l'aventurisme politique [9]"
[8] Dans lesquelles une méthode du combat politique de ce regroupement de mécontents tient en ces quelques mots : "Il faut les déstabiliser", la "cible" de cette déstabilisation étant bien sûr tous ceux qui ne partageaient pas leur démarche hostile au CCI et de dénigrement ignoble de certains de ses militants.
[9] Voici une liste non exhaustive de ces articles :
"Conférence extraordinaire du CCI : Le combat pour la défense des principes organisationnels [10]" ; Revue Internationale n° 110.
"Communiqué à nos lecteurs : le CCI vient d'exclure un de ses membres [11]", publié dans Révolution Internationale n° 321, mars 2002.
"Défense de l'organisation : les méthodes policières de la 'FICCI'" [12], Révolution Internationale n° 330, janvier 2003.
"Les réunions publiques du CCI interdites aux mouchards [13], Révolution Internationale n° 338, septembre 2003.
"Intervention de la FICCI à la Fête de 'Lutte Ouvrière' : Le parasitisme au service de la bourgeoisie [14]", Révolution Internationale n° 348, juillet 2004).
"Défense de l'organisation : Des menaces de mort contre des militants du CCI [15]", Révolution Internationale n° 354, février 2005.
[10] Lire "XV [16]e [16] Congrès du CCI : Renforcer l'organisation face aux enjeux de la période [16]" ; Revue internationale n° 114 - Avril 2003.
[11] Ce sont les véritables initiales de ce camarade obligeamment fournies à la police par la FICCI !
[12] MC (Marc Chirik – mai 1907, décembre 1990) fut le principal fondateur du CCI auquel il a apporté toute une expérience de militant révolutionnaire au sein de l'Internationale communiste, de l'Opposition de Gauche et de la Gauche communiste (Gauche italienne et Gauche communiste de France). "Avec Marc, ce n'est pas seulement notre organisation qui perd son militant le plus expérimenté et le plus fécond ; c'est tout le prolétariat mondial qui se trouve privé d'un de ses meilleurs combattants." C'est en ces termes que nous introduisions le premier des deux articles écrits en hommage à la vie militante de notre camarade. Lire à ce propos les articles "Marc : De la révolution d'octobre 1917 à la deuxième guerre mondiale [17]" et "Marc : De la deuxième guerre mondiale à la période actuelle [18]" publiés dans les n° 65 et 66 de la Revue internationale.
[13] Une commission spéciale nommée par le CCI, constituée de militants expérimentés, avait examiné toutes les "preuves" apportées par les accusateurs de Louise et avait conclu à leur complète absurdité. Louise avait demandé elle-même une confrontation avec ses principaux accusateurs. Celle avec Olivier avait permis de mettre en évidence la bouillie qui avait envahi le cerveau de celui-ci et qui l'avait d'ailleurs conduit à changer complètement de position au moins trois fois en quelques semaines avant qu'il ne devienne un des principaux fondateurs de la FICCI qu'il a quittée par la suite pour suivre son propre chemin. Quant à Jonas, incontestablement le plus intelligent de la bande mais aussi le plus lâche, il a carrément refusé une telle confrontation.
[14] Bureau International pour le Parti Révolutionnaire, devenu suite à un changement de nom l'actuelle Tendance communiste internationaliste.
[15] Voir "Défense de l'organisation - Le PCI (Le Prolétaire) à la remorque de la 'fraction' interne du CCI"
[16] Voir "Les réunions publiques du CCI interdites aux mouchards" ; Révolution Internationale n° 338, septembre 2003.
[17] Voir "Défense de l'organisation : Des menaces de mort contre des militants du CCI [15]", Révolution Internationale n° 354, février 2005.
[18] Lire à ce propos notre article "'Fraction interne [19]' [19] du CCI : Tentative d'escroquerie vis-à-vis de la Gauche Communiste [19]" ; Revue Internationale n° 112.
[19] Pour que le CCI se mette en dehors du camp prolétarien il faudrait qu'il trahisse les principes fondamentaux de ce dernier tels que l'internationalisme, la perspective de la révolution communiste, le refus de soutien à toutes les institutions de l'appareil politique de la classe dominante (syndicats, partis politiques, démocratie bourgeoise, etc.). La FICCI-GIGC est bien en peine pour trouver de telles trahisons dans nos prises de position et c'est d'ailleurs pour cela qu'elle ne peut éviter de faire figurer notre organisation dans la liste des "Groupes et organisations du Camp prolétarien" qui se trouve sur son site Internet. Cela dit, l'appartenance au camp prolétarien ne se réduit pas au rejet des positions politiques bourgeoises. Elle se base aussi sur un combat déterminé contre les comportements propres à la classe dominante et dont le stalinisme a été une des plus pures incarnations ; le mensonge systématique, le gangstérisme, les méthodes policières, c'est-à-dire des comportements qui sont au cœur de l'activité des voyous et mouchards de la FICCI-GIGC.
[20] Elle a le culot de se revendiquer du combat organisationnel mené par le camarade MC durant toute sa vie et notamment lorsqu’il militait dans la Fraction italienne des années trente. C'est ainsi qu'elle déclare, dans le numéro 29 de son "Bulletin communiste" : "Notre conception de l’organisation est celle qu’a toujours défendue MC".
[21] Pour des illustrations du niveau de la critique de la part de la FICCI, et d'autres, de notre analyse de la phase de décomposition, phase ultime du capitalisme, le lecteur pourra se reporter à l'article suivant : "Les racines marxistes de la notion de décomposition [20]" de la Revue internationale n° 117. Concernant plus spécifiquement la FICCI, le lecteur pourra se reporter à l'article "Sur la théorie de la décomposition du CCI [21]", bulletin n° 4 de la FICCI, février 2011. Dans ce texte, les membres de la FICCI font une nouvelle fois la preuve de leur malhonnêteté : plutôt que de reconnaître qu'ils remettent en cause la position qu'ils avaient défendue pendant plus de dix dans le CCI, ils prétendent que leur nouvelle "analyse" est dans la continuité de cette position. C'est ainsi qu'on peut lire : "... comment nous avions avancé la question de la décomposition [au sein du CCI] : comme un blocage entre les classes, aucune des deux classes n'étant capable d'imposer sa perspective. Le 11 septembre manifeste le fait que la bourgeoisie est contrainte de rompre cet 'équilibre' et de forcer le passage : la marche à la guerre. (...) Dire, en 2002, que la bourgeoisie cherche à débloquer la situation 'd'équilibre' des années 1990 signifie que le 'blocage décomposant' disparaît." En d'autres termes, la phase de décomposition n'aurait été qu'un moment circonstentiel et réversible qui aurait pu être dépassé avec une nouvelle configuration de la politique impérialiste de la bourgeoisie. En réalité, l'analyse du CCI partagée par les membres de la FICCI quand ils étaient dans notre organisation dit exactement le contraire : "Le cours de l'histoire est irréversible : la décomposition mène, comme son nom l'indique, à la dislocation et à la putréfaction de la société, au néant." (Thèses : la décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste [22] (Revue internationale n° 107)
[22] Nous ne pouvons que recommander à nos lecteurs qui ne l'auraient pas encore fait la lecture (ou la relecture) de nos thèses sur le parasitisme [23], Revue internationale n° 94.
[23] C’est-à-dire et avant tout aux préjugés de notre époque.
[24] "Les nouvelles calomnies de la FICCI [24]", mis en ligne le 18 novembre 2006.
[25] Lire à ce propos nos articles "La prétendue 'solidarité du CCI avec les CRS' : comment la FICCI essaie de masquer ses propres comportements policiers" [25].
[26] Lire "Communiqué à nos lecteurs : le CCI attaqué par une nouvelle officine de l’État bourgeois [26]" ; Révolution Internationale n° 446 – mai-juin 2014.
[27] Le Núcleo Comunista Internacional : Un effort de prise de conscience du prolétariat en Argentine [27]. Revue internationale n° 120.
[28] Publiée dans Révolution internationale n° 350 et dans Acción proletaria n° 179.
[29] Lire à ce propos les articles suivants : Le Núcleo Comunista Internacional : Un effort de prise de conscience du prolétariat en Argentine [27] ; À propos de la FICCI - Prise de position de militants en Argentine [28] ; Nouvelles d’Argentine : Le NCI n'a pas rompu avec le CCI ! [29]
[30] Gaizka "s'intéresse" à la Gauche communiste, en affichant de la bienveillance vis-à-vis d'elle –pour mieux la torpiller- et vis-à-vis de certains groupes qui la composent. Ainsi, dans un courrier que nous adressait Gaizka il y a quelques années, il nous informait de l'importance de l'existence politique qu'il accordait au CCI et à la TCI, et même de l'influence positive qu'avait eue le CCI sur sa propre évolution. Cela est à prendre en compte, non pas pour relativiser la dangerosité de son action, mais au contraire pour mieux la comprendre et mieux appréhender la démarche de l'aventurier qu'il est. Voici comment il présentait son projet "Nuevo Curso" : Nous ne nous considérons pas comme un groupe politique, un proto-parti ou quelque chose comme ça... Au contraire, nous voyons notre travail comme quelque chose de "formatif", pour aider à la discussion sur les lieux de travail, parmi les jeunes, etc. et une fois qu’on a clarifié quelques éléments de base, servant de pont entre ces nouvelles personnes qui découvrent le marxisme et les organisations internationalistes (essentiellement la TCI et vous, CCI) qui, tel que nous le voyons, devraient être les agglutinants naturels du futur parti même si vous êtes très faibles maintenant (comme, bien entendu, la classe toute entière)." (7 novembre 2017 –Nuevo Curso à CCI)
[31] Les trois articles cités que nous avons écrits sur Nuevo Curso et Gaizka sont tous en défense de la Gauche communiste.
[32] Dans une Circulaire à tous les membres de l'Internationale, le Conseil Général de l'AIT déclarait qu'il était largement temps d'en finir une fois pour toutes avec les luttes internes causées par la "présence d'un corps parasitaire". Et il ajoutait : "En paralysant l'activité de l'Internationale contre les ennemis de la classe ouvrière, l'Alliance sert magnifiquement la bourgeoisie et ses gouvernements." Questions d'organisation, III : le congrès de La Haye de 1872 : la lutte contre le parasitisme politique [30] ; Revue Internationale n° 87
[33] Les grands combats menés par le prolétariat en Mai 1968 en France et par la suite dans de nombreux autres pays avaient provoqué l'émergeance de toute une génération d'éléments qui se tournaient vers la perspective de la révolution communiste tout en rejetant le stalinisme. Les groupes gauchistes, notamment maoïstes et trotskistes, avaient eu comme fonction historique de dévoyer vers des impasses l'espérance de ces éléments, de stériliser leur volonté militante, de les démoraliser et même d'en faire des adversaires déclarés de la perspective révolutionnaire (comme ce fut le cas avec Daniel Cohn Bendit). C'est le type de fonction qu'accomplissent aujourd'hui, à leur échelle, les groupes parasites et les aventuriers à l'égard des jeunes éléments qui s'approchent de la Gauche communiste.
Le prolétariat ne pourra libérer l’humanité des chaînes de plus en plus étouffantes du capitalisme mondial que si sa lutte est inspirée et fertilisée par la continuité historique critique de ses organisations communistes, ce fil historique qui va de la Ligue des Communistes en 1848 aux organisations actuelles se réclamant de la Gauche communiste. Privées de cette boussole, leurs réactions contre la barbarie et la misère imposées par le capitalisme seront condamnées à des actions aveugles et désespérées, qui peuvent conduire à une chaîne de défaites définitives.
Le blog de Nuevo Curso (NC) a la prétention de faire passer pour “Gauche communiste” l’œuvre de Munis qui n’a jamais vraiment réussi à rompre avec l’approche et les orientations erronées de l’Opposition de gauche qui finira par dégénérer en trotskysme, un courant qui depuis les années 1940 s’est clairement positionné dans la défense du capitalisme, avec ses grands frères, le stalinisme et la social-démocratie.
Nous avons répondu à cette prétention avec l’article “Nuevo Curso et la ‘Gauche communiste espagnole’ : Quelles sont les origines de la Gauche communiste ? [4]” en mettant en avant le fait que “le futur parti mondial, s’il veut apporter une réelle contribution à la révolution communiste, ne peut reprendre l’héritage de l’Opposition de Gauche. Il devra fonder son programme et ses méthodes d’action sur l’expérience de la Gauche communiste. (…) il existe un héritage commun de la Gauche communiste qui la distingue des autres courants de gauche qui ont émergé de l’Internationale Communiste. Pour cette raison, quiconque prétend appartenir à la Gauche communiste a la responsabilité de s’efforcer de connaître et de faire connaître l’histoire de cette composante du mouvement ouvrier, ses origines en réaction à la dégénérescence des partis de l’Internationale Communiste, les différents groupes qui sont liés à cette tradition ayant participé à sa lutte, les différentes branches politiques qui la composent (Gauche Italienne, Gauche germano-hollandaise, etc). En particulier, il est important de clarifier les contours historiques de la gauche communiste et les différences qui la distinguent d’autres courants de gauche, en particulier le courant trotskyste”.
Cet article écrit en août 2019 a été totalement ignoré par Nuevo Curso. Le son de son silence a résonné fort aux oreilles de tous ceux d’entre nous qui défendent l’héritage et la continuité critique de la Gauche communiste. Ceci est encore plus choquant alors que Nuevo Curso publie chaque jour un nouvel article qui traite de tous les sujets imaginables, depuis Netflix ou le message de Noël du roi d’Espagne, jusqu’à l’origine de la fête de Noël. Cependant, il n’a pas jugé nécessaire de consacrer quoi que ce soit à quelque chose d’aussi vital que la justification argumentée de sa prétention à faire passer pour Gauche communiste la continuité plus ou moins critique de Munis avec l’Opposition de gauche qui a donné naissance au trotskysme.
À la fin, notre article posait la question suivante : “Peut-être s’agit-il du culte sentimental d’un ancien combattant prolétarien [Munis]. Si tel est le cas, il faut dire que c’est une entreprise destinée à créer plus de confusion car ses thèses, transformées en dogmes, ne feront que distiller le pire de ses erreurs (…) Une autre explication possible est que la Gauche communiste authentique est attaquée avec une “doctrine” de spam (…) en utilisant les matériaux de ce grand révolutionnaire. Si tel est le cas, c’est l’obligation des révolutionnaires de combattre une telle imposture avec le maximum d’énergie”.
Le pire dans la défaite de la vague révolutionnaire mondiale de 1917-23, c’est la gigantesque adultération perpétrée par le stalinisme en la faisant passer pour du “communisme”, du “marxisme” et des “principes prolétariens”. Les organisations révolutionnaires d’aujourd’hui ne peuvent pas permettre que tout l’héritage qui a été durement développé pendant presque un siècle par la Gauche communiste soit remplacé par une doctrine de spam basée sur la confusion et la gangrène opportuniste que l’Opposition de Gauche fut. Ce serait un coup brutal porté à la perspective de la révolution prolétarienne mondiale.
En septembre 2017, nous avons découvert un site web (blog) d’un groupe appelé Nuevo Curso,[1] qui s’est d’abord présenté comme étant intéressé par les positions de la Gauche communiste et ouvert au débat. C’est du moins ce que NC disait dans sa réponse à la première lettre que nous, CCI, leur avons envoyée. Voici leur réponse :
"… Nous ne nous considérons pas comme un groupe politique, un proto-parti ou quelque chose comme ça… Au contraire, nous voyons notre travail comme quelque chose de “formatif”, pour aider à la discussion sur les lieux de travail, parmi les jeunes, etc. et une fois qu’on a clarifié quelques éléments de base, servant de pont entre ces nouvelles personnes qui découvrent le marxisme et les organisations internationalistes (essentiellement la TCI et vous, CCI) qui, tel que nous le voyons, devraient être les agglutinants naturels du futur parti même si vous êtes très faibles maintenant (comme, bien entendu, la classe toute entière)".[2]
Cette approche a disparu quelques mois plus tard, sans la moindre explication détaillée et convaincante et peu de temps après, cependant, NC déclarait être la continuation d’une soi-disant Gauche communiste espagnole dont les origines seraient Munis et son groupe, le FOR.[3] Nous avons déjà mis en avant le fait que cette prétendue filiation n’est qu’une confusion entre la Gauche communiste et le trotskysme, et que du point de vue de la continuité des principes politiques, les positions du NC ne sont nullement en continuité avec celles de la Gauche communiste, mais avec celles du trotskysme, ou, dans le meilleur des cas, des tentatives de rupture avec celui-ci.[4] Il n’y a donc pas de continuité programmatique de NC avec la Gauche communiste.
Mais qu’en est-il de la continuité organique ? C’est ce qu’ils disaient eux-mêmes au début :
“Sous le blog et ‘l’École du marxisme’, nous sommes un petit groupe de cinq personnes qui ont travaillé et vécu ensemble pendant quinze ans dans une coopérative de travail qui fonctionne comme une communauté de biens. C’était notre façon de résister à la précarité et de gagner notre vie. Et aussi pour maintenir un mode de vie où nous pourrions discuter, apprendre et être utiles à nos familles et nos amis dans une période difficile”. (idem)
Et comme ils le reconnaissent aussi, leur activité principale était loin d’être la critique marxiste ; elle consistait en général, en l’absence d’une plus grande concrétisation, à consacrer leurs efforts “à rendre possible un travail organisé de manière productive (un nouveau mouvement coopératif ou communitariste qui rendrait évidente la possibilité technologique d’une société démercantilisée, c’est-à-dire communiste)".[5] (idem)
D’autre part, en plus de ce noyau central, et provenant apparemment des dynamiques différentes de réflexion et de discussion, différents groupes de jeunes ont convergé vers ce groupe dans plusieurs villes.[6]
Ce qui est surprenant c’est comment avec de tels éléments, le site Internet de NC ait pu se présenter dès le début en se référant aux positions de la Gauche communiste. L’un des éléments qui y contribuent est également expliqué dans sa lettre :
“L’un d’entre nous [c’est-à-dire du noyau coopérativiste], Gaizka,[7] qui fut l’un de vos anciens contacts dans les années 1990, et dont, comme il le dit lui-même, la tête s’est bien remplit en apprenant le marxisme avec vous. Le fait de compter sur lui et sur la bibliothèque qu’il a amenée avec lui a été une partie importante de notre processus”. (Idem)
Effectivement. Ce “membre coopérativiste” s’est présenté en décembre 2017 lors de notre réunion publique à Madrid à l’occasion du centenaire de la Révolution russe, et s’est avéré être une vieille connaissance, surnommée Gaizka, qui dans les années 1990 a eu une discussion programmatique avec le CCI. A la fin de la rencontre, il nous a informés qu’il était en contact avec un groupe de jeunes, auxquels “il donnait une formation marxiste”, et nous a encouragés à reprendre contact.
Notre réponse à sa proposition de reprendre contact a été qu’il devait d’abord clarifier certains comportements politiques qu’il n’a pas été en mesure d’expliquer dans les années 1990, et qui l’ont impliqué dans des attitudes carriéristes et dans une relation tenue avec le PSOE [8] en même temps qu’il se revendiquait des positions de la Gauche communiste.[9]
Il n’a pas répondu en décembre (2017), ni après, aux 4 lettres que nous lui avons envoyées dans le même sens. C’est pourquoi, suivant la tradition prolétarienne d’arriver à une clarté sur ce type d’épisodes douteux qui restent obscurs, nous avons continué à demander des explications.
Parce que, en l’absence de ces explications, le suivi de son activité politique [10] depuis notre rencontre montre un lien maintenu principalement avec le PSOE.
1992-1994, contact avec le CCI, fuite et dérobade
En 1992, Gaizka a pris contact avec le CCI en se présentant comme membre d’un groupe appelé “Unión Espartaquista”, qui prétendait défendre les positions de la Gauche communiste allemande (des positions qui aujourd’hui ne semblent plus lui plaire). En réalité, c’était essentiellement lui et sa compagne.[11] Leur connaissance des positions et des traditions de la gauche communiste était plus une aspiration qu’une réalité.
Dès le début, il s’est montré intéressé à rejoindre rapidement notre organisation, se sentant mal à l’aise lorsque les discussions s’allongeaient à cause des nécessaires éclaircissements, ou lorsque certains de ses comportements étaient mis en question – en particulier concernant un autre élément qui avait rejoint un cercle de discussions à Madrid, auquel une délégation de Battaglia Comunista a également participé de façon ponctuelle.
La discussion sur sa trajectoire politique avait posé également problème. Bien qu’il nous ait informés qu’il avait été en contact avec les Jeunesses Socialistes (du PSOE), il montrait une sorte de fascination pour l’expérience des kibboutz,[12] et un discours qui semblait parfois le relier à Borrell [13] et au lobby socialiste pro-israélien [14]. Par ailleurs, Gaizka n’avait jamais non plus clarifié sa relation organique avec le PSOE ou sa rupture.[15]
En 1994, dans le CCI, il y a eu des débats sur le problème du poids de l’esprit du cercle dans le mouvement ouvrier depuis 1968 et sur l’affinitarisme sous couvert des projets de vie “communautaristes”. Au cours des discussions sur nos principes d’organisation, nous avions présenté à Gaizka nos positions sur tout cela. Et c’est peut-être pour cette raison que, lorsque nous lui avons demandé directement des explications sur les aspects qui nous semblaient peu clairs sur sa trajectoire [16], de prime abord il n’a pas été surpris du tout, bien que nous ayons présenté cette rencontre comme une confrontation enregistrée (nous n’avions jamais enregistré une discussion avec lui auparavant). Et puis, il n’a tout simplement pas donné d’explication et a disparu du milieu de la Gauche communiste… Jusqu’à maintenant !
Un lien maintenu avec le PSOE
Ce qui pose des questions dans la trajectoire politique de Gaizka n’est pas le fait qu’à un certain moment, il a été sympathisant ou militant des Jeunesses socialistes et qu’il ne l’ait pas dit clairement ; ce qui mérite une explication c’est le fait que, malgré sa prétendue conviction dans les positions de la Gauche communiste, l’histoire de sa vie est pleine de traces qui montrent une relation politique avec des personnages qui sont ou ont été de hauts fonctionnaires du PSOE.
En 1998-99, il participe en tant que “conseiller”, sans jamais préciser ce que cela signifie, à la campagne de Borrell pour les primaires du PSOE, comme c’est indiqué dans certaines de ses propres comptes rendus sur le web. Un de nos militants l’a vu à la télévision dans les bureaux du candidat [17]. Gaizka a essayé de minimiser la question en disant qu’il n’était là-dedans que tout juste le “garçon de courses” de la campagne, quelqu’un que Borrell n’aurait même pas remarqué. Mais la vérité est que certains dirigeants du PSOE, comme Miquel Iceta [18] par exemple, disent publiquement qu’ils ont rencontré Gaizka dans cette campagne. Et il ne semble pas très logique que les hauts cadres du PSOE soient allés demander à Borrell de leur présenter le garçon de courses.
En plus, au cours de ces mêmes années, Gaizka a également participé à une “Mission humanitaire” du Conseil européen pour l’action humanitaire et la coopération de l’UE [19] au Kosovo aux côtés de David Balsa, président en exercice de la Conférence euro-centraméricaine, puis président du Conseil européen pour l’action humanitaire et la coopération, ancien dirigeant des Jeunesses socialistes et ancien membre de l’exécutif du Parti socialiste galicien. Dans une lettre au Parti radical italien, Gaizka dit de lui que c’est “le garçon qui est allé en Albanie à ma place”.
Au-delà de ce que cela peut suggérer en ce qui concerne le soupçon d’une relation entre Gaizka et le PSOE, plus étroite qu’il ne l’a jamais reconnu, cela implique une participation active à une guerre impérialiste sous couvert “d’action humanitaire” et de “droits de l’homme”.[20]
En 2003, il conseille également la campagne de Belloch [21] du PSOE à la mairie de Saragosse, et là, cette fois-ci, il reconnait : “J’ai été très impliqué dans la campagne du maire, Juan Alberto Belloch, pour redéfinir la ville comme un espace urbain, en tant que paysage économique, où peut se développer ce type d’entreprises liées à de véritables communautés, très transnationalisées et hyperconnectées”.
En 2004, après les attentats du 11 mars et la victoire électorale du PSOE, Rafael Estrella préface un livre de Gaizka avec des éloges et des louanges pour ses qualités. Ce monsieur était membre du PSOE, porte-parole de la Commission des affaires étrangères du Congrès des députés et président de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN [22]. Le livre souligne l’incompétence du PP à comprendre les attaques d’Atocha, mais il n’y a pas une seule critique au PSOE. Felipe Gonzalez lui-même le cite à l’occasion.
Ce même député du PSOE deviendra plus tard ambassadeur d’Espagne en Argentine à partir de 2007 (jusqu’en 2012) et invitera Gaizka à présenter son livre à l’ambassade, le mettant en contact avec les milieux politiques et économiques de ce pays.
Un autre “parrain” qui a joué un rôle important dans l’aventure sud-américaine de Gaizka était Quico Mañero, dont il a dit dans une dédicace d’un autre de ses livres : “A Federico ‘Quico’ Mañero, ami, connecteur des mondes et tant de fois maitre, qui nous pousse depuis des années à “vivre dans la danse” des continents et des conversations, nous recevant et prenant soin de nous dans chaque lieu où nous débarquons. Sans lui, nous n’aurions jamais pu vivre comme des néo-vénitiens”.
Voilà ce que dit Izquierda Socialista (courant de gauche du PSOE) de ce monsieur :
“La partie du REPSOL [23] détenue par l’Argentine est l’affaire de Monsieur Quico Mañero, ex-mari d’Elena Valenciano,[24] leader historique du PSOE (secrétaire général de la jeunesse socialiste), conseiller et repreneur d’entreprises proche de Felipe González, nommé en 2005 membre du conseil d’administration argentin de Repsol-YPF. Il fait actuellement l’objet d’une enquête pour le scandale Invercaria et les fonds andalous “des reptiles” [scandale financier], dont il a reçu 1,1 million d’euros”.[25]
Pendant la même période, en 2005, Gaizka a travaillé pour la Fondation Jaime Vera du PSOE, qui est traditionnellement une institution de formation pour les cadres politiques du parti, et il semble qu’à partir de 2005, celle-ci a commencé un programme international de formation pour cadres dans le but de gagner en influence au-delà des frontières espagnoles. Dans ce contexte, Gaizka participe à la formation des cyberactivistes K en Argentine, qui ont soutenu la campagne de Cristina Kirchner en 2007, quand elle est devenue présidente du gouvernement :
“L’idée est née il y a deux ans, d’un accord politique du gouvernement. C’était en 2005, parmi une vingtaine de jeunes sélectionnés par la Casa Rosada [siège de la présidence argentine] pour être formés à la Fondation Jaime Vera, l’école de gouvernement des dirigeants du PSOE, le parti socialiste espagnol. Il y avait les créateurs du cyberactivisme K : le militant Sebastián Lorenzo (www.sebalorenzo.com.ar [32]) et Javier Noguera (“nogueradetucuman.blogspot.com”), secrétaire du gouvernement de José Alperovich, gouverneur du Tucumán”.
“Nous avons été stupéfaits lorsqu’ils ont parlé de blogs et de réseaux sociaux ", a déclaré Noguera au journal La Nacion. C’était la moindre des choses : le “professeur” espagnol était la référence mondiale du cyberactivisme… Le même qu’il y a un mois, accompagné de l’ambassadeur Rafael Estrella, a présenté à Buenos Aires son nouveau livre”. (voir précédemment, NdR) [26]
Au cours de la décennie des années 2010 et surtout après la défaite électorale du PSOE, il y a moins de preuves d’engagements avec ce parti.
… et ponctuel avec le libéralisme de droite
En effet, avant la victoire du PSOE en 2004, Gaizka essaye de tirer la couverture du PP vers lui, et collabore cette fois-ci avec la jeunesse du PP, dans la création du liberales.org, qui, selon les mêmes termes des organisateurs servirait à “créer un répertoire dans lequel mettre un peu d’ordre dans le libéralisme hispanique présent sur Internet. Ce week-end, nous nous sommes mis au travail et, après plusieurs heures devant l’ordinateur, nous avons cartographié ce qui existe sur Internet, produit des différentes familles libérales et libertaires (à ne pas confondre avec les anarchistes), parfois antagonistes. C’est ainsi qu’est né LosLiberales.org, un projet non partisan pour les libéraux et ceux qui s’intéressent à ce type de pensée…".[27]
Ce manège comprenait des types tels que Jiménez Losantos [28] et son journal Libertad digital, pour lequel Gaizka a écrit plusieurs articles, ou les libéraux-conservateurs chrétiens, dont les auteurs eux-mêmes ne savaient pas s’ils devaient être considérés comme libéraux ou d’extrême droite.
Comme le dit le journaliste Ignacio Escolar [29] dans le livre La blogosphère espagnole, ce club “n’a pas duré longtemps. Des désaccords idéologiques et personnels entre les fondateurs ont mis fin au projet”.
L’examen du curriculum vitae politique de Gaitzka montre clairement sa relation étroite avec le PSOE. Le PSOE, depuis qu’il a définitivement abandonné le camp prolétarien lors du Congrès extraordinaire d’avril 1921,[31] a un long passé au service de l’Etat capitaliste : sous la dictature de Primo de Rivera (1923-30), son syndicat, l’UGT, était le mouchard de la police trahissant de nombreux militants de la CNT et un ponte du conglomérat PSOE-UGT, Largo Caballero, fut conseiller du dictateur. En 1930, le PSOE tourna rapidement sa veste et se mit à la tête des forces qui, en 1931, établirent la Deuxième République, où il fut chef du gouvernement en coalition avec les Républicains de 1931 à 1933. Il est à noter qu’au cours de ces deux années, 1500 travailleurs ont été tués dans la répression des grèves et des tentatives insurrectionnelles. Plus tard, le PSOE fut l’axe du gouvernement du Front populaire qui dirigea l’effort de guerre, la militarisation et donna carte blanche à la meute stalinienne pour réprimer l’insurrection ouvrière de Barcelone en mai 1937. Avec le rétablissement de la démocratie en 1975, le PSOE a été l’épine dorsale de l’État, étant le parti qui a été à la tête du gouvernement le plus longtemps (1982-1996, 2004-2011 et depuis 2018). Les mesures les plus brutales contre les conditions de la classe ouvrière ont été imposées par les gouvernements du PSOE, soulignant les plans de reconversion des années 1980 qui ont impliqué la perte d’un million de postes de travail ou le programme de coupes sociales que le gouvernement du PSOE de Zapatero avait lancé et que le gouvernement PP de Rajoy allait ensuite poursuivre.
C’est avec ce bastion de l’Etat bourgeois que Gaizka a collaboré ; il ne s’agit pas du tout de relations avec des “éléments de base”, plus ou moins dupés, mais avec de hauts responsables du Parti, ni plus ni moins qu’avec Borrell qui vient d’être nommé responsable de la politique étrangère de la Commission européenne, avec Belloch qui était ministre de l’intérieur, avec Estrella qui était président de l’assemblée parlementaire de l’OTAN.
Dans le curriculum vitae de Gaizka, on ne trouve pas la moindre trace de conviction ferme dans les positions de la Gauche communiste, et pour être clairs, même pas qu’il ait des convictions politiques d’aucune sorte, puisqu’il n’a pas hésité à flirter pendant un moment avec le camp de la droite. Le “marxisme” de Gaizka appartiendrait plutôt au “groucho-marxisme” : souvenons-nous du célèbre comédien Groucho Marx lorsqu’il disait que “Voilà mes principes, s’ils ne vous plaisent pas, j’en ai d’autres dans ma poche”.
C’est pourquoi la question est : qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui Gaizka prétende créer avec Nuevo Curso un lien “historique” avec une soi-disant Gauche communiste espagnole ? Qu’est-ce que ce monsieur a à voir avec ces positions, avec le combat historique de la classe ouvrière ?
Et en continuité avec cela, qu’est-ce qui fait qu’un groupe parasite comme le GIGC, dont certains militants étaient membres des organes centraux de la CCI en 1992-94, et qui étaient au courant du comportement de Gaizka, tout comme ils le sont aujourd’hui du fait qu’il est le principal animateur du Nuevo Curso, détournent leur regard, se taisent et essaient de cacher sa trajectoire et déclarent que ce groupe est le futur de la Gauche communiste et de choses de ce genre ?
“Nuevo Curso est un blog de camarades qui a commencé à publier depuis septembre dernier des prises de position régulières sur la situation et sur des questions plus larges, voire théoriques. Malheureusement, elles ne sont qu’en espagnol. L’ensemble des positions qu’il défend sont très clairement de classe et se situent dans le cadre programmatique de la Gauche communiste… nous sommes très favorablement impressionnés, non seulement par leur rappel sans concession des positions de classe, mais surtout par la qualité “marxiste” des textes des camarades…".[32]
“Ainsi, la constitution d’Emancipación comme groupe politique à part entière exprime le fait que le prolétariat international, bien que soumis et loin de pouvoir repousser a minima les attaques de tout ordre imposé par le capital, tend à résister par la lutte et à se dégager de l’emprise idéologique de ce dernier et que son devenir révolutionnaire reste d’actualité. Elle exprime la “vitalité” (relative) actuelle du prolétariat”.[33]
Dans la tradition du mouvement ouvrier, dont la continuité historique est aujourd’hui représentée par la Gauche communiste, les principes organisationnels, de fonctionnement, de comportement et d’honnêteté des militants sont aussi importants que les principes programmatiques. Certains des congrès les plus importants de l’histoire du mouvement ouvrier, comme le congrès de La Haye de l’AIT en 1872, ont été consacrés à cette lutte pour la défense d’un comportement prolétarien (et ce malgré le fait que le congrès ait eu lieu un an après la Commune de Paris et se trouvait face à la nécessité d’en tirer des leçons).[34] Marx lui-même a consacré une œuvre, qui lui a pris plus d’un an, interrompant son travail sur le projet du Capital, à la défense de ce comportement prolétarien contre les intrigues de M. Vogt, un agent bonapartiste qui a organisé une campagne de calomnies contre lui et ses camarades. Nous avons récemment publié un article sur la dénonciation par Bebel et W. Liebknecht du comportement malhonnête de Lassalle et Schweitzer.[35] Et au XXᵉ siècle, Lénine consacrait un livre – Un pas en avant deux pas en arrière – à tirer les leçons du 2ᵉ Congrès du POSDR sur le poids des comportements étrangers au prolétariat. On peut aussi citer Trotski, qui a fait appel à un jury d’honneur pour défendre son intégrité contre les calomnies de Staline.
Qu’un personnage ayant des liens étroits avec les hauts dirigeants du PSOE débarque soudainement dans le camp de la Gauche communiste devrait alerter tous les groupes et militants luttant pour les intérêts historiques de notre classe, y compris les participants au blog Nuevo Curso qui le font de bonne foi, croyant lutter pour les principes de la Gauche communiste.
En 1994, nous avons demandé à Gaizka de clarifier sa trajectoire et ses relations qui étaient déjà douteuses à l’époque. Il a disparu de la carte. En 2018, avec un sac à dos plein de contacts de “haut niveau” dans les sphères du PSOE, nous lui avons demandé à nouveau et il est resté silencieux. Pour la défense de la Gauche communiste, de son intégrité et de sa contribution future, nous devons lui demander des comptes.
CCI, 20 janvier 2020
[1] Depuis juin 2019, Nuevo Curso s’est en fait constitué en groupe politique sous le nom d’Emancipación, malgré le fait que son blog fonctionne toujours sous le nom de Nuevo Curso. Cette évolution n’affecte en rien le contenu de cet article.
[2] 7 novembre 2017 – De [email protected] [33] à [email protected] [34]
[3] Voir sur notre site, entre autres les articles : 1) À la mémoire de Munis, un militant de la classe ouvrière [35] ; Revue internationale n° 58. 2) Polémique : où va le F.O.R. ? (“Ferment Ouvrier Révolutionnaire”) [36] ; Revue internationale n° 52. 3) Castoriadis, Munis et le problème de la rupture avec le trotskysme [37] (I) et (II) ; Revue internationale n° 161 et 162. 4) Crítica del libro Jalones de derrota Promesas de victoria [38] ; 5) Les confusions du “Fomento Obrero Revolucionario” sur Russie 1917 et Espagne 1936 [39] ; Revue internationale n° 25.
[4] Nuevo Curso et la “Gauche communiste espagnole”: Quelles sont les origines de la Gauche communiste ? [4] Revue internationale n° 163.
[5] Comprenne qui pourra ! De notre part, on ne va pas essayer de comprendre ce que ce genre d’activité signifie précisément. Qu’il suffise de dire pour l’instant que malgré les qualificatifs enjoués de “communiste”, cela n’a rien à voir avec une activité révolutionnaire ou vraiment communiste, comme on le reconnaît dans la lettre elle-même, quand on dit que pour avancer vers le marxisme, il faut partir de la critique de cette activité.
[6] “Mais depuis un an et demi ou deux ans, nous avons commencé à remarquer un changement autour de nous. On pouvait parler différemment et des dizaines de jeunes sont arrivés avec un esprit qui nous plaisait mais qui tombaient dans le stalinisme ou le trotskysme le plus folklorique” (de la lettre citée du NC, op. cit.).
[7] La lettre utilise le vrai nom ; ici, nous utilisons le surnom par lequel nous l’avons connu dans les années 1990.
[8] Partido Socialista Obrero Español [40]
[9] Cependant, nous n’avons eu aucun inconvénient – au contraire – à rencontrer les groupes de jeunes, et c’est ce que nous avons fait avec l’un d’eux en novembre 2018.
[10] Sous ses vrai nom et prénom, Gaizka est une figure publique sur le web, ce qui nous permet de suivre sa présence et sa participation à différentes initiatives politiques. Et en même temps, cela explique le fait que nous ne puissions pas fournir toute la documentation ici sans révéler son identité.
[11] Au début, il y avait d’autres personnes qui ont abandonné le groupe.
[12] Cette fascination reste aujourd’hui dans le discours le plus récent de Gaizka, mais elle est déguisée en défense des expériences communautaires du kibboutz, en particulier dans sa première phase au début du XXᵉ siècle, sans référence au rôle politique qu’il a joué dans les intérêts impérialistes de l’Etat d’Israël. “Les ‘indianos’ (c’est-à-dire la commune de Gaizka, NdR) sont des communautés similaires au kibboutz (il n’y a pas d’épargne individuelle, les coopératives elles-mêmes sont sous contrôle collectif et démocratique, etc.) mais il existe des distinctions importantes, telles que l’absence d’une idéologie nationale ou religieuse partagée, distribuée dans plusieurs villes au lieu de se concentrer dans quelques installations et la compréhension du fait que certains critères dépassent la rationalité économique”. (Extrait d’une interview avec Gaizka)
[13] Ingénieur aéronautique et économiste de formation, Borrell est entré en politique dans les années 1970 en tant que militant du PSOE pendant la transition espagnole, et a occupé divers postes de responsabilité au sein des gouvernements de Felipe González, d’abord au de l’Économie et des Finances en tant que secrétaire général du budget et des dépenses publiques (1982-1984) et secrétaire d’État aux Finances (1984-1991) ; puis au Conseil des ministres avec le portefeuille d’Industrie et Transport. Dans l’opposition après les élections générales de 1996, Borrell est devenu inopinément en 1998 le candidat choisi par le PSOE pour la présidence du gouvernement, mais il a démissionné en 1999. Dès lors, axé sur la politique européenne, il devient membre du Parlement européen pour la période 2004-2009 et devient président de la chambre durant la première moitié de la législature. Après s’être retiré de la première ligne politique, il est revenu au Conseil des ministres en juin 2018, avec sa nomination au poste de ministre des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération dans le gouvernement présidé par Pedro Sánchez. (source : Wikipédia). Depuis peu, il est le Commissaire aux Affaires Étrangères de l’Europe.
[14] Borrell était en 1969 dans un kibboutz et sa première femme et mère de ses deux enfants est d’origine juive. Il est connu comme défenseur des intérêts pro-israéliens au sein du parti socialiste.
[15] Ce n’est pas le seul rapport qui reste confus. Aujourd’hui, nous apprenons que dans la même période où il voulait discuter pour rejoindre le CCI, il participait et était le principal animateur en Espagne de la tendance appelée cyberpunk, et le promoteur du cyberactivisme.
[16] Parmi ceux-ci, il y avait le désir d’un mode de vie “communautaire”, qui explique sa fascination pour le kibboutz, et qui était présent dans l’Union Spartakiste, où il y avait la tentative de vivre en communauté.
[17] Dans les années 80, un élément appelé “Chenier” a été découvert et dénoncé dans notre presse comme un aventurier. Peu de temps après, on l’a vu travailler sous les ordres de Mitterrand. Cela nous a mis en alerte sur une possible relation entre Gaizka et le PSOE qui était plus étroite qu’il ne l’avait jamais reconnu.
[18] Secrétaire général actuel du PSC (Parti socialiste de Catalogne) ; militant des Jeunesses socialistes et du PSOE depuis 1978 ; en 1998-99 député de Barcelone au Congrès des députés.
[19] L’institution étant peu connue, voici une référence à sa fondation dans le quotidien Última Hora de Majorque, à partir d’un article de l’agence Efe : Un español preside el nuevo Consejo Europeo de Acción Humanitaria y Cooperación [41]
[20] La guerre en ex-Yougoslavie (les premiers bombardements et massacres en Europe après la Seconde Guerre mondiale) a été menée au nom de l'“humanitarisme”, et les frappes aériennes de l’OTAN ont été présentées comme “aidant la population” contre la guérilla. Pour connaître notre position sur le conflit impérialiste de 1999 au Kosovo, consultez notre site : La “paix” au Kosovo, un moment de la guerre impérialiste [42].
[21] Juan Alberto Belloch a été ministre de la Justice et de l’Intérieur avec Felipe González (1993-1996) avant de se présenter á la mairie de Saragosse.
[22] Asamblea Parlamentaria de la OTAN [43]
[23] REPSOL est l’entreprise espagnole leader dans l’extraction, le raffinage et la commercialisation du pétrole et de ses dérivés. Elle a une présence internationale importante, notamment en Amérique du Sud
[24] Dirigeant du PSOE et numéro deux d’Alfredo Pérez Rubalcaba, ministre de l’Intérieur décédé et authentique “Richelieu” des gouvernements socialistes, qui a forcé les contrôleurs aériens à travailler sous la menace d’une mitraillette.
[25] "PATRIOTAS POR DIOS, POR LA PATRIA Y REPSOL".
[26] Journal La Nación – Argentine.
[27] Ce blog n’existe plus, mais cette citation peut être vue en captures d’écran
[28] Journaliste d’origine maoïste militant de Bandera Roja et du parti stalinien en Catalogne (PSUC), qui soutient aujourd’hui Vox et l’aile la plus à droite du PP. Il a écrit pour ABC et El Mundo et a été speaker à la radio COPE. Il est actuellement animateur du journal Libertad digital et sa radio es.radio.
[29] Fondateur du journal Público qu’il abandonna par la suite pour promouvoir Diario.es dont il est le responsable principal. Il est analyste dans les talk-show de la chaine TV “La Sexta”.
[30] "¿Qué hace una chica como tú en un sitio como éste?” (Mais que fait donc une fille comme toi dans un lieu comme celui-ci ?) Expression tirée d’une chanson du groupe madrilène Burning qui a eu un grand succès dans les années 80, à tel point qu’un film en a été tiré (de Fernando Colomo et en vedette Carmen Maura).
[31] Dans ce congrès, il y a eu la séparation des tendances prolétariennes qui résistaient encore dans le PSOE, bien qu’il faille reconnaître qu’elles étaient très confuses (centristes). Le thème de ce congrès était l’adhésion ou non à la Troisième Internationale, qui a été rejetée par 8269 mandats contre 5016 partisans de l’adhésion. Ces derniers ont quitté le congrès pour fonder le Parti communiste ouvrier espagnol.
[32] Révolution ou guerre no 9 (GIGC). De nouvelles voix communistes : Nuevo Curso (Espagne) et Worker’s Offensive (États-Unis)
[33] Révolution ou guerre nº 12. Lettre du GIGC à Emancipación sur son 1ᵉʳ Congrès.
[34] Questions d’organisation, III : le congrès de La Haye de 1872 : la lutte contre le parasitisme politique [30]
[35] Lassalle et Schweitzer : la lutte contre les aventuriers politiques dans le mouvement ouvrier [7]
La révolution communiste ne peut être victorieuse que si le prolétariat se dote d'un parti politique d'avant-garde à la hauteur de ses responsabilités, comme l'a fait le parti bolchevique lors de la première tentative révolutionnaire en 1917. L'histoire a montré combien il est difficile de construire un tel parti, une tâche qui exige des efforts nombreux et variés. Avant tout, elle exige la plus grande clarté sur les questions programmatiques et sur les principes de fonctionnement de l'organisation, une clarté qui se fonde nécessairement sur toute l'expérience passée du mouvement ouvrier et ses organisations politiques.
À chaque étape de l'histoire du mouvement, certains courants se sont distingués comme les meilleurs représentants de cette clarté, comme ceux qui ont apporté une contribution décisive à l'avenir de la lutte. C'est le cas du courant marxiste dès 1848, époque où de larges secteurs du prolétariat étaient encore fortement influencés par les conceptions de la petite bourgeoisie qui étaient vigoureusement combattues dans le chapitre 3 du Manifeste Communiste, "Littérature socialiste et communiste". Ce fut encore plus le cas au sein de l'Association Internationale des Travailleurs fondée en 1864 : " … cette Association qui s'était constituée dans un but précis - fondre en un tout les forces combatives du prolétariat d'Europe et d'Amérique ne pouvait proclamer d'emblée les principes posés dans le Manifeste. Le programme de l'Internationale devait être assez vaste pour qu'il fût accepté et par les trade-unions anglaises, et par les adeptes de Proudhon [44] en France, Belgique, Italie et Espagne, et par les lassaliens en Allemagne. Marx qui rédigea ce programme de façon à donner satisfaction à tous ces partis, s'en remettait totalement au développement intellectuel de la classe ouvrière, qui devait être à coup sûr le fruit de l'action et de la discussion commune (…) Et Marx avait raison. Quand, en 1874, l'Internationale cessa d'exister, les ouvriers n'étaient plus du tout les mêmes que lors de sa fondation en 1864 (…) À la vérité, les principes du Manifeste avaient pris un large développement parmi les ouvriers de tous les pays" (Engels, Préface à l'édition anglaise de 1888 du Manifeste Communiste [45])
Enfin, c'est au sein de la Deuxième Internationale, fondée en 1889, que le courant marxiste devient hégémonique, grâce notamment à son influence au sein du Parti Social-Démocrate en Allemagne. Et c'est au nom du marxisme que Rosa Luxemburg en particulier s'est engagée dans la lutte contre l'opportunisme qui, dès la fin du XIXe siècle, gagnait du terrain dans ce parti et dans l'ensemble de l'Internationale. C'est aussi au nom du marxisme que les internationalistes ont mené la lutte pendant la Première Guerre mondiale contre la trahison de la majorité des partis socialistes et qu'ils ont fondé en 1919, sous l'impulsion des bolcheviks, la Troisième Internationale, l'Internationale Communiste. Et quand, après l'échec de la révolution mondiale et l'isolement de la révolution en Russie, c'est le courant marxiste de la gauche communiste - représenté notamment par les gauches italienne et germano-hollandaise -qui a initié la lutte contre cette dégénérescence. Comme la plupart des partis de la Deuxième Internationale, ceux de la Troisième Internationale tombèrent finalement, avec le triomphe du stalinisme, dans le camp de l'ennemi capitaliste. Cette trahison, cette soumission des partis communistes à la diplomatie impérialiste de l'URSS, a provoqué de nombreuses réactions à côté de celles de la Gauche communiste. Certaines d'entre elles ont conduit à un retour "critique" dans le giron de la social-démocratie. D'autres ont tenté de rester dans le camp du prolétariat et de la révolution communiste, comme ce fut le cas, après 1926, avec l'Opposition de gauche animée par Trotsky, l'un des grands noms de la révolution d'octobre 1917 et fondateur de l'Internationale communiste.
Le Parti Communiste Mondial, qui sera à l'avant-garde de la révolution prolétarienne de demain, devra s'appuyer sur l'expérience et la réflexion des courants de gauche qui se sont dégagées de l'Internationale Communiste pendant sa dégénérescence. Chacun de ces courants a tiré ses propres leçons de cette expérience historique. Et ces enseignements ne sont pas tous équivalents. C'est ainsi qu'il y a de profondes différences entre les analyses et les politiques des courants de la Gauche Communiste apparus au début des années 1920 et le courant "trotskyste" apparu beaucoup plus tard et qui, tout en se situant sur un terrain prolétarien, était, dès ses origines, fortement marqué par l'opportunisme. Ce n'est évidemment pas un hasard si la majorité du courant trotskyste a rejoint le camp bourgeois face à l'épreuve de vérité de la Seconde Guerre mondiale, alors que les courants de la Gauche communiste restaient fidèles à l'internationalisme.
Par conséquent, le futur parti mondial, s'il veut apporter une réelle contribution à la révolution communiste, ne peut reprendre l'héritage de l'Opposition de Gauche. Il devra fonder son programme et ses méthodes d'action sur l'expérience de la gauche communiste
Il y a des désaccords entre les groupes actuels qui sont issus de cette tradition, et il est de leur responsabilité de continuer à affronter ces désaccords politiques, en particulier pour que les jeunes générations qui s’approchent puissent mieux comprendre leur origine et leur portée actuelle. C'est le sens des polémiques que nous avons déjà publiées et que nous continuerons à publier avec la Tendance Communiste Internationaliste et les groupes bordiguistes. Cependant, au-delà de ces différences, il existe un héritage commun de la Gauche communiste qui la distingue des autres courants de gauche qui ont émergé de l'Internationale Communiste. Pour cette raison, quiconque prétend appartenir à la Gauche Communiste a la responsabilité de s'efforcer de connaître et de faire connaître l'histoire de cette composante du mouvement ouvrier, ses origines en réaction à la dégénérescence des partis de l'Internationale Communiste, les différents groupes qui sont liés à cette tradition ayant participé à sa lutte, les différentes branches politiques qui la composent (Gauche Italienne, Gauche germano-hollandaise, etc). En particulier, il est important de clarifier les contours historiques de la gauche communiste et les différences qui la distinguent d'autres courants de gauche, en particulier le courant trotskyste. C'est le but de cet article.
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Sur le blog de Nuevo Curso, on peut lire un article qui tente d'expliquer l'origine de la Gauche Communiste : "Nous appelons Gauche Communiste le mouvement internationaliste qui va commencer à lutter contre la dégénérescence de la troisième Internationale, en cherchant à corriger les erreurs héritées du passé qui se reflètent dans son programme, à partir de 1928 face au triomphe du Thermidor[1] en Russie et au rôle contre-révolutionnaire de l'Internationale et des partis staliniens"[2]
Qu'est-ce que cela signifie exactement ? Que la Gauche communiste a commencé sa lutte en 1928 ? Si c'est ce que pense Nuevo Curso, c'est faux puisque la Gauche communiste s'est élevée contre la dégénérescence de l'Internationale Communiste dès 1920-21, lors des deuxième et troisième Congrès de l'Internationale. Dans cette période agitée où se jouaient les dernières possibilités de la révolution prolétarienne mondiale, des groupes, des noyaux de la Gauche communiste en Italie, en Hollande, en Allemagne, en Bulgarie, en Russie-même et plus tard en France et dans d'autres pays, ont mené une lutte contre l'opportunisme qui était en train de ronger totalement le corps révolutionnaire de la Troisième Internationale. Deux des expressions de cette Gauche communiste se manifestent clairement dans le Troisième Congrès de l' IC (1921), en faisant une critique sévère mais fraternelle des positions adoptées par l'Internationale :
C’est aussi à ce congrès que la "Gauche italienne" qui dirige le Parti Communiste d’Italie réagit vivement - bien qu’en désaccord profond avec le KAPD - contre la politique sans principe d’alliance avec les "centristes" et la dénaturation des P.C. par l’entrée en masse de fractions issues de la social-démocratie"[3].
Dans le Parti bolchevik-même, "dès 1918, le "Kommunist" de Boukharine et d’Ossinsky, met en garde le parti contre le danger d’assumer une politique de capitalisme d’État. Trois ans plus tard, après avoir été exclu du parti bolchevik, le "Groupe Ouvrier" de Miasnikov mène la lutte dans la clandestinité en étroite liaison avec le KAPD et le P.C.O. de Bulgarie jusqu’en 24 où il disparaît sous les coups répétés de la répression dont il fait l’objet. Ce groupe critique le parti bolchevik sur le fait que celui-ci commence à sacrifier les intérêts de la révolution mondiale au profit de la défense de l’État russe, réaffirmant que seule la révolution mondiale peut permettre à la révolution de tenir en Russie" (idem).
Ainsi, sur des bases programmatiques profondes - bien qu'encore en cours d'élaboration - les différents courants de ce qui est devenu la Gauche communiste cherchaient une alternative claire face à la dégénérescence de l'Internationale Communiste en 1920-21. Ils ont fait des erreurs, car ils tâtonnaient souvent dans le noir face à des problèmes historiques majeurs. Cependant, pour Nuevo Curso, "on peut dire que l'époque historique de la Gauche communiste s'achève dans la décennie 1943-1953 quand les principaux courants qui ont maintenu une pratique internationaliste au sein de la Quatrième Internationale dénoncent sa trahison de l'internationalisme et configurent une nouvelle plate-forme qui part de la dénonciation de la Russie stalinienne en tant que capitalisme d'État impérialiste".
Ce passage nous dit, d'une part, que la IVe Internationale aurait été le foyer de groupes ayant "une pratique internationaliste", et, d'autre part, qu'après 1953 "le temps historique de la Gauche communiste aurait été épuisé". Examinons ces affirmations.
La Quatrième Internationale se constitue en 1938 à partir de l'Opposition de Gauche dont l'origine première se trouve en Russie avec le Manifeste des 46 en octobre 1923 auquel Trotsky allait adhérer et, au niveau international, avec l'apparition de groupes, individus et tendances qui depuis 1925-26 tentent de s'opposer au triomphe toujours plus écrasant du stalinisme dans les partis communistes.
Ces oppositions expriment une réaction prolétarienne incontestable. Cependant, cette réaction est confuse, faible et très contradictoire. Elle exprime plutôt un rejet épidermique et superficiel de la montée du stalinisme. L'Opposition en URSS, malgré ses batailles héroïques, "s’avère en fait incapable de comprendre la nature réelle du "phénomène stalinien" et “bureaucratique”, prisonnière qu’elle est de ses illusions sur la nature de l’État russe. C’est ainsi que, tout en critiquant les orientations de Staline, elle est partie prenante de la politique de mise au pas de la classe ouvrière par la militarisation du travail sous l’égide des syndicats. Elle se fait, elle aussi, le chantre du capitalisme d’Etat qu’elle veut pousser plus en avant par une industrialisation accélérée. Lorsqu’elle lutte contre la théorie du socialisme dans un seul pays elle ne parvient pas à rompre avec les ambiguïtés du Parti bolchevik sur la défense de la "Patrie soviétique". Et ses membres, Trotsky en tête, se présentent comme les meilleurs partisans de la défense "révolutionnaire" de la "patrie socialiste (…)elle se conçoit elle-même, non comme une fraction révolutionnaire cherchant à sauve garder théoriquement et organisationnellement les grandes leçons de la Révolution d’Octobre, mais comme une opposition loyale au Parti Communiste Russe, elle ne sortira pas d’un certain "manœuvrisme" fait d’alliances sans principes en vue de changer le cours d’un Parti presque totalement gangrené (c’est ainsi que Trotsky cherchera le soutien de Zinoviev et de Kamenev qui ne cessent de le calomnier depuis 1923[4])". ("Le trotskysme, fils de la contre-révolution").
Quant à l'Opposition de Gauche Internationale, "elle se réclame des quatre premiers congrès de l’I.C. Par ailleurs elle perpétue le "manoeuvrisme" qui caractérisait déjà l’Opposition de Gauche en Russie. Par beaucoup d’aspects cette Opposition est un regroupement sans principes de tous ceux qui, notamment, veulent faire une critique "de gauche" du stalinisme. Elle s’interdit toute véritable clarification politique en son sein et laisse à Trotsky, en qui elle voit le symbole vivant de la Révolution d’Octobre, la tâche de s’en faire le porte-parole et le "théoricien"" (idem).
Sur ces bases fragiles, l'Opposition de Gauche fonda en 1938 une "Quatrième Internationale" mort-née pour la classe ouvrière. Déjà dans les années 1930, l'opposition n'avait pas pu "résister aux effets de la contre-révolution qui se développe à l'échelle mondiale sur la base de la défaite du prolétariat international" (idem) parce qu'à travers les différentes guerres localisées qui préparent l'holocauste de la Seconde Guerre mondiale, l'Opposition a développé une "perspective tactique" de "soutien à un camp impérialiste contre un autre (sans l'admettre ouvertement). Cette tactique fut mise en œuvre sous des formes multiples dans le trotskisme des années 1930 : soutien à la "résistance coloniale" en Ethiopie, en Chine et au Mexique, soutien à l'Espagne républicaine, etc. Le soutien du trotskysme aux préparatifs de guerre de l'impérialisme russe a été tout aussi clair tout au long de cette période (Pologne, Finlande 1939) dissimulé sous le slogan "défense de la patrie soviétique"[5]. C'est ainsi que la tactique d'entrisme dans les partis socialistes (décidée en 1934) fera que "Le programme politique qui est adopté au congrès de fondation de la IVe Internationale, rédigé par Trotsky lui-même, et qui sert de base de référence aux groupes trotskystes actuels, reprend et aggrave les orientations de Trotsky qui ont précédé ce congrès (défense de l’URSS, front unique ouvrier, analyse erronée de la période...) mais en plus est axé sur une répétition vide de sens du programme minimum de type social-démocrate (revendications "transitoires"), programme rendu caduc par l’impossibilité des réformes depuis l’entrée du capitalisme dans sa phase de décadence, de déclin historique" ("Le trotskysme, fils de la contre-révolution"). La Quatrième Internationale a défendu "la participation aux syndicats, le soutien critique aux partis dits "ouvriers", les "fronts uniques" et les "fronts antifascistes", les gouvernements "ouvriers et paysans", les mesures de capitalisme d'État (prisonnier de l'expérience en URSS) par "l'expropriation des banques privées", "la nationalisation du crédit", "l'expropriation de certaines branches industrielles" (...) la défense de l'État ouvrier dégénéré russe. Et au niveau politique, elle envisageait la révolution démocratique et bourgeoise dans les nations opprimées à travers la lutte pour la "libération nationale". Ce programme ouvertement opportuniste a ouvert la voie à la trahison des partis trotskistes à travers la défense de leurs États-nations respectifs en 1939-41[6]. Seuls quelques individus, et en aucun cas "des courants à la praxis internationaliste" comme le prétend Nuevo Curso, ont tenté de résister à cette voie réactionnaire ! Parmi eux, Natalia Sedova, la veuve de Trotsky, qui a rompu avec la IVe Internationale en 1951, et surtout Munis, dont nous parlerons plus loin.[7]
Il faut donc comprendre que la lutte pour l'élaboration d'un cadre programmatique au service du développement de la conscience prolétarienne et préparant les prémices de la formation du parti mondial, n'est pas la tâche de personnalités et de cercles isolés, mais le fruit d'une lutte collective organisée qui s'inscrit dans la continuité historique critique des organisations communistes. Cette continuité passe, comme nous l'affirmons dans nos positions de base, par "les apports successifs de la Ligue des Communistes de Marx et Engels (1847-1852), des trois Internationales (l'Association Internationale des Travailleurs, 1864-1872, l'Internationale Socialiste, 1884-1914, l'Internationale Communiste, 1919-28), des Fractions de Gauche qui se sont séparées dans les années 1920-30 de la 3éme Internationale (l'Internationale Communiste) dans son processus de dégénérescence, et plus particulièrement des Gauche allemande, hollandaise et italienne".[8]
Nous avons déjà vu que cette continuité ne pouvait être prise en charge ni par l'Opposition de gauche ni par la Quatrième Internationale[9]. Seules les Gauches communistes pouvaient le faire. Mais selon Nuevo Curso, "la période historique de la Gauche communiste s'achève en 1943-1953". Il ne donne aucune explication, mais dans son article il ajoute une autre phrase : "Les Gauches communistes qui restèrent en marge du regroupement international - les italiens et leurs dérivés français - arriveront, mais pas tous, pas complètement et pas toujours sur des positions cohérentes, à un cadre similaire dans la même période".
Ce passage contient de nombreuses "énigmes". D'abord, quelles sont ces Gauches communistes qui sont restées en marge du "regroupement international" ? De quel regroupement international parle-t-on ? Bien sûr, Bilan et les autres courants de la Gauche communiste ont rejeté l'idée d'"aller vers une Quatrième Internationale"[10]. Cependant, depuis 1929, ils ont tout fait pour discuter avec l'Opposition de Gauche, la reconnaissant comme un courant prolétarien, mais gangrené par l'opportunisme. Cependant, Trotsky a obstinément rejeté tout débat[11], seuls quelques courants comme la Ligue des Communistes Internationalistes de Belgique ou le Groupe Marxiste du Mexique ont accepté le débat qui a conduit à une évolution de leur part et entraîné leur rupture avec le trotskysme[12].
En outre, Nuevo Curso nous dit que ces groupes restés "en marge du regroupement international" "arriveront, mais pas tous, pas complètement et pas toujours sur des positions cohérentes, à un cadre similaire dans la même période". Qu'est-ce qui leur a manqué ? Qu'est-ce qu'ils ont eu d'"incohérent" ? Nuevo Curso ne clarifie rien. Nous allons démontrer, en reprenant un schéma que nous avons fait dans un article intitulé Quelles sont les différences entre la Gauche Communiste et la Quatrième Internationale ?[13], que ces groupes avaient des positions cohérentes avec la fidélité au programme du prolétariat et qu'ils n'étaient en aucun cas "similaires" au bourbier opportuniste de l'Opposition et des groupes de la Quatrième Internationale ayant prétendument "une pratique internationaliste":
Gauche communiste |
Opposition de Gauche |
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Se base sur le premier congrès de l'IC et considère de façon critique les contributions du deuxième. Rejette la plupart des positions des troisième et quatrième congrès. |
Basé sur les 4 premiers congrès sans analyse critique. |
Examine de façon critique ce qui se passe |
Considère la Russie comme un État ouvrier dégénéré qu'il faut soutenir malgré tout. |
La Gauche communiste germano-hollandaise rejette le travail dans les syndicats, et la Gauche communiste italienne parviendra avec Internationalisme (Gauche communiste de France) à la même conclusion que les syndicats sont devenus des organes de l'État mais sur des bases théoriques et historiques plus fermes. |
Préconise le travail dans les syndicats qu'elle considère comme des organes de la classe ouvrière. |
La Gauche communiste germano-hollandaise, Bilan et Internationalisme dénoncent clairement la libération nationale. |
Appuie la libération nationale. |
Dénonce le parlementarisme et la participation aux élections. |
Appuie la participation aux élections et |
Entreprend un travail de Fraction
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Entreprend un travail d'"opposition" pouvant même conduire à l'entrisme dans les partis sociaux-démocrates. |
Dans les années 1930, et surtout
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Au milieu de la contre-révolution, Trotsky pense que les conditions pour former le parti sont réunies et, en 1938, fonde la Quatrième Internationale. |
Dénonce la Seconde Guerre mondiale ; |
Invite les travailleurs à choisir leur camp parmi les candidats à la Seconde Guerre mondiale, abandonnant ainsi l'internationalisme. |
Il faut ajouter à la comparaison que précède un point qui nous semble très important pour contribuer réellement a la lutte prolétarienne et avancer vers le parti mondial de la révolution : tandis que la Gauche communiste effectuait un travail organisé, collectif et centralisé, basé sur la fidélité aux principes organisationnels du prolétariat et dans la continuité historique de ses positions de classe, l'Opposition de Gauche se présentait comme un ensemble de personnalités, de cercles et de groupes hétérogènes, seulement unis par le charisme de Trotsky auquel on avait confié "l'élaboration politique".
Pour couronner le tout, Nuevo Curso met la Gauche communiste et les communisateurs (un mouvement moderniste radicalement étranger au marxisme) dans le même sac : "Le soi-disant "communisme de gauche" ("left communism") est un concept qui englobe la Gauche Communiste (en particulier les courants italien et germano-hollandais), les groupes et tendances qui assurent sa continuité (depuis le "conseillisme" jusqu’au "bordiguisme") et les penseurs de la "communisation"". À quoi répond cet amalgame ? Un amalgame qui se conclut en plaçant une photo d'Amadeo Bordiga[14] au milieu de la dénonciation qu'il fait des "communisateurs", ce qui laisse penser que la Gauche communiste leur serait liée ou aurait des positions communes avec eux.
Ainsi, selon Nuevo Curso, les révolutionnaires actuels n'auraient pas à chercher les bases de leur activité dans les groupes de la Gauche communiste (la TCI, le CCI, etc.) mais dans ce qui aurait pu sortir du programme de capitulation au capitalisme élaboré par la IVe Internationale et concrètement, comme nous le verrons ci-dessous, du travail du Munis révolutionnaire. Cependant, de manière confuse et alambiquée, Nuevo Curso laisse entendre, sans le dire clairement, que Munis serait le maillon le plus important d'une prétendue "Gauche communiste espagnole", un courant qui selon Nuevo Curso "fonde le Parti communiste espagnol en 1920 et crée le groupe espagnol de la gauche d'opposition au stalinisme en 1930, puis la Gauche communiste espagnole, participant à la fondation de l'opposition internationale et servant aussi de germe et référence aux communistes en Argentine (1933-43) et Uruguay (1937-43). Elle adopte une position révolutionnaire sur l'insurrection ouvrière du 19 juillet 1936 et est la seule tendance marxiste à participer à l'insurrection révolutionnaire de 1937 à Barcelone. Elle est devenue la section espagnole de la IVe Internationale en 1938 et, à partir de 1943, s'y bat contre le centrisme ; elle a dénoncé sa trahison de l'internationalisme et son éloignement du terrain de classe lors de son deuxième congrès (1948), qui a conduit à la rupture des derniers éléments internationalistes et à la formation, avec les scissionnistes, du "syndicat international des travailleurs".
Avant d'analyser la contribution de Munis, analysons la supposée "continuité" entre 1920 et 1948.
Nous ne pouvons pas entrer maintenant dans une analyse des origines du Parti communiste en Espagne (PCE). À partir 1918, se constituèrent quelques petits noyaux intéressés par les positions de Gorter et Pannekoek, qui finiront par engager des discussions avec le Bureau d'Amsterdam de la Troisième Internationale qui regroupait des groupes de gauche dans la Troisième Internationale. De ces noyaux naquit le premier parti communiste en Espagne, mais ils furent contraints par l'IC de fusionner avec l'aile centriste du PSOE, qui était favorable à l'adhésion à la Troisième Internationale. Dès que possible, nous ferons une étude sur les origines du PCE, mais ce qui est clair, c'est qu'au-delà de quelques idées et d'une combativité incontestable, ces noyaux ne constituaient pas un véritable organe de la Gauche communiste ni ne donnèrent lieu à aucune continuité. Plus tard, des groupes d'opposition de gauche sont apparus et ont même pris le nom de "Gauche communiste d'Espagne", dirigé par Nin. Ce groupe était divisé entre les partisans de la fusion avec le Bloc ouvrier et paysan (un groupe nationaliste catalan lié à l'opposition de droite au stalinisme, une tendance qui en Russie avait Boukharine à sa tête) et ceux qui prônaient l'entrisme au PSOE, séduits par la radicalisation de Largo Caballero (ancien conseiller d'Etat du dictateur Primo de Rivera) qui avait commencé à se faire appeler le "Lénine" espagnol. Munis fait partie de ces derniers, tandis que la majorité, dirigée par Nin, fusionnera avec le Bloc pour former le POUM en 1935. Ainsi, de la "Gauche communiste", ils n'avaient rien d'autre que le nom qu'ils se donnaient pour être "originaux", mais le contenu de leurs positions et de leurs actions était indiscernable de la tendance opportuniste dominante de l'Opposition de gauche..
Quant à l'existence d'une gauche communiste en Uruguay et en Argentine, nous avons étudié les articles publiés par Nuevo Curso pour justifier son existence. En ce qui concerne l'Uruguay, il s'agit de la Ligue bolchévique léniniste qui est l'un des rares groupes du trotskysme à prendre une position internationaliste contre la Seconde Guerre mondiale. C'est très méritoire et nous saluons chaleureusement son attitude comme l'expression d'un effort prolétarien, mais la lecture de l'article de Nuevo Courso montre que ce groupe pouvait à peine mener une activité organisée et se mouvoir dans un environnement politique dominé par l'APRA péruvienne, un parti bourgeois de la tête aux pieds qui flirtait avec l'Internationale communiste déjà dégénérée : "Nous savons que la Ligue rencontrera les "antidefensistas" à Lima en 1942 chez le fondateur de l'APRA, Víctor Raúl Haya de la Torre, pour confirmer les profondes différences qui les séparent. (...) Après l'échec de leur contact "anti-défense", ils subissent pleinement la chasse aux sorcières organisée contre "les trotskystes" par le gouvernement et le Parti communiste. Sans référents internationaux, la IVe ne leur laissant que la possibilité d'abjurer leur critique de la "défense inconditionnelle de l'URSS", le groupe se dissout"[15].
Ce que Nuevo Curso appelle la Gauche communiste argentine est constitué de deux groupes qui fusionneront pour former la Ligue communiste internationaliste et resteront actifs jusqu'en 1937 pour être finalement laminés par l'action des partisans de Trotsky en Argentine. Il est vrai que la Ligue rejette le socialisme dans un seul pays et revendique la révolution socialiste face à la "libération nationale", mais ses arguments s'avèrent très faibles, même si on doit reconnaître le mérite de sa lutte. Dans Nuevo Curso nous trouvons des citations d'un des membres les plus importants du groupe, Gallo qui affirme :
"Que signifie la lutte pour la libération nationale ? Le prolétariat en tant que tel ne représente-t-il pas les intérêts historiques de la Nation en ce sens qu'il tend à libérer toutes les classes sociales par son action et à les dépasser par leur disparition ? Mais pour ce faire, il faut précisément ne pas les confondre avec les intérêts nationaux (qui sont ceux de la bourgeoisie, puisque c'est la classe dirigeante), qui sur le plan intérieur comme extérieur sont fortement contradictoires. Ce mot d'ordre est donc catégoriquement faux (...)pour affirmer notre critère que seule la révolution socialiste peut être l'étape qui correspond aux pays coloniaux et semi-coloniaux. Prisonnier des dogmes de l'Opposition de gauche sur la libération nationale et incapable de les abandonner, le groupe affirme "La IVe Internationale n'admet aucun mot d'ordre de "libération nationale" qui tendrait à subordonner le prolétariat aux classes dirigeantes mais, au contraire, assure que le premier pas de la libération nationale du prolétariat est la lutte contre ces classes""[16]. La confusion est ici terrible, le prolétariat devrait acomplir une oeuvre "libération nationale" prolétarienne, c'est-à-dire qu'il devrait accomplir une tâche propre à la bourgeoisie.
Très tard, en 1948, du tronc pourri de la IVe Internationale, deux tendances prometteuses (les dernières du mouvement trotskyste)[17] vont émerger : celle de Munis et celle de Castoriadis. Dans l'article Castoriadis, Munis et le problème de la rupture avec le trotskysme, nous mettons en évidence la différence entre Castoriadis qui a fini par être un propagandiste convaincu du capitalisme occidental et Munis qui est toujours été fidèle au prolétariat[18].
Cette fidélité est admirable et fait partie des nombreux efforts déployés pour avancer vers une conscience communiste. Cependant, ceci une chose mais il s'agit de considérer sa contribution sous un aspect très différent : le travail de Munis a dans la réalité constitué plus un exemple d'activité individuelle qu'une activité liée à un courant prolétarien authentique et organisé, un apport qui pourrait fournir la base théorique, programmatique et organisationnelle pour continuer jusqu'à aujourd'hui le travail d'une organisations communiste aujourd'hui. Comme nous l'avons montré dans de nombreux articles, Munis en raison de ses origines trotskystes, n'était pas capable de mener à bien cette tâche[19].
Dans un article écrit en 1958, Munis fait une analyse très claire dénonçant les dirigeants américains et anglais de la Quatrième Internationale qui ont honteusement renié l'internationalisme, concluant à juste titre que "la Quatrième Internationale n'a pas de raison d'être historique ; elle est superflue, son fondement même doit être considéré comme une erreur, et sa seule tâche est de suivre, plus ou moins de manière critique, le stalinisme. "[20]. Cependant, il pense qu'elle peut être d'une certaine utilité pour le prolétariat, car il semblerait qu'"elle a un rôle possible à jouer dans les pays dominés par le stalinisme, principalement en Russie. Là-bas, le prestige du trotskysme semble encore énorme. Les procès de Moscou, la gigantesque propagande menée pendant près de quinze ans au nom de la lutte contre le trotskysme, la calomnie incessante à laquelle il a été soumis sous Staline et que ses successeurs soutiennent, contribuent à faire du trotskysme une tendance latente de millions d'hommes. Si demain - et c'est un événement tout à fait possible - la contre-révolution devait céder à une attaque frontale du prolétariat, la Quatrième Internationale pourrait rapidement émerger en Russie comme une organisation très puissante".
Munis répète, en ce qui concerne le trotskysme, le même argument qu'il utilise contre le stalinisme et la social-démocratie : que TOUT PEUT SERVIR LE PROLETARIAT. Pourquoi ? Parce que le stalinisme l'a désigné "ennemi public numéro un", tout comme les partis de droite présentent les sociaux-démocrates et les staliniens comme de dangereux révolutionnaires. Il ajoute un autre argument, tout aussi typique du trotskysme concernant les sociaux-démocrates et les staliniens : "Il y a beaucoup d'ouvriers qui suivent ces partis".
Que les partis de gauche soient rivaux de la droite et vilipendés par elle ne les rend pas pour autant "favorables au prolétariat", et de même leur influence parmi les travailleurs ne justifie pas de les soutenir. Au contraire, ils doivent être dénoncés pour le rôle qu'ils jouent au service du capitalisme. Dire que le trotskysme a abandonné l'internationalisme et ajouter immédiatement qu'"il pourrait encore avoir un rôle possible à jouer en faveur du prolétariat " est une incohérence très dangereuse qui entrave le travail nécessaire de distinction entre les véritables révolutionnaires et les loups capitalistes qui portent la peau d'un agneau "communiste" ou "socialiste". Dans le Manifeste communiste, le troisième chapitre intitulé "Littérature socialiste et communiste" établit clairement la frontière entre le "socialisme réactionnaire" et le "socialisme bourgeois", qu'il considère comme ennemis, et les courants du "socialisme utopique critique" qu'il reconnaît comme faisant partie du camp prolétarien.
L'empreinte trotskyste se retrouve également chez Munis lorsqu'il propose des "revendications de transition" sur le modèle du fameux Programme de transition que Trotsky avait proposé en 1938. C'est quelque chose que nous avons critiqué dans notre article Où va le FOR ?
Dans son "Manifeste pour un second Manifeste communiste", le FOR a estimé qu'il était correct de formuler toutes sortes de revendications transitoires en l'absence de mouvements révolutionnaires du prolétariat. Celles-ci vont de la semaine de 30 heures, la suppression du travail à la pièce et du chronométrage des tâches dans les usines à la "demande de travail pour tous, chômeurs et jeunes" sur le terrain économique. Sur le plan politique, le FOR exige de la bourgeoisie des "droits" et des "libertés" démocratiques : liberté d'expression, de la presse, de réunion ; droit des travailleurs d'élire des délégués permanents d'atelier, d'usine ou professionnels "sans aucune formalités judiciaire ou syndicale". Tout cela s'inscrit dans la logique trotskyste, selon laquelle il suffit de poser les bonnes exigences pour arriver progressivement à la révolution. Pour les trotskystes, toute la question serait de savoir faire preuve de pédagogie envers les ouvriers, qui ne comprennent rien à leurs revendications, de brandir devant eux les carottes les plus appétissantes pour les pousser vers leur "parti"."
Nous voyons ici une vision gradualiste où "le parti dirigeant" administre ses potions miraculeuses pour conduire les masses à la "victoire finale", ce qui ne peut que semer de dangereuses illusions réformistes chez les ouvriers et de ravaler la façade de l'État capitaliste en occultant que ses "libertés démocratiques" sont en réalité un moyen de division, de tromperie et de diversion dans la lutte des ouvriers. Les communistes ne sont pas une force extérieure au prolétariat, armée des compétences de la direction révolutionnaire et donc capable d'orienter les ouvriers dans la bonne direction. Dès 1843, Marx critiquait l'idée que les communistes seraient des espèces de prophètes apportant la rédemption : "Nous ne nous présentons pas au monde en doctrinaires avec un principe nouveau : voici la vérité, à genoux devant elle ! Nous apportons au monde les principes que le monde a lui-même développés en son sein. Nous ne lui disons pas : laisse là tes combats, ce sont des fadaises ; nous allons te crier le vrai mot d'ordre du combat. Nous lui montrons simplement pourquoi il combat exactement, et la conscience de lui-même est une chose qu'il devra acquérir, qu'il le veuille ou non"[21].
Le travail en tant que fraction, que l'Opposition de Gauche a été incapable de concevoir, permet aux révolutionnaires de comprendre l'évolution du rapport de forces entre la bourgeoisie et le prolétariat, de savoir si nous sommes dans une dynamique, qui permet d'avancer vers la formation du parti mondial, ou, au contraire, si nous sommes dans une situation où la bourgeoisie peut imposer sa propre trajectoire à la société, ce qui la mène à la guerre et la barbarie.
Privé de cette boussole, Trotsky croyait que tout se réduisait à la capacité de rassembler une grande masse d'affiliés qui pourraient servir de "direction révolutionnaire". Ainsi, alors que la société mondiale se dirigeait vers les massacres de la Seconde Guerre mondiale ponctués par les massacres d'Abyssinie, la guerre d'Espagne, la guerre sino-japonaise, etc., Trotsky croyait avoir vu le début de la révolution lors des grèves en France de juillet 1936 et la première réaction courageuse des ouvriers espagnols au coup d'État de Franco.
Incapable de rompre avec ce volontarisme, Munis répète la même erreur. Comme nous l'avons écrit dans la deuxième partie de notre article sur Munis et Castoriadis : "Derrière ce refus d'analyser la dimension économique de la décadence du capitalisme se cache un volontarisme non dépassé, dont les fondements théoriques remontent à la lettre annonçant sa rupture avec l'organisation trotskyste en France, le Parti Communiste Internationaliste, où il maintient avec constance la notion de Trotsky, présentée dans les premières lignes du Programme de transition, selon laquelle la crise de l'humanité est la crise de la direction révolutionnaire."
Ainsi Munis écrivait : "Toutes les explications qui essayent de reporter la responsabilité de l'échec de la révolution sur les conditions objectives, le retard idéologique ou les illusions des masses, sur la puissance du stalinisme ou l'attraction illusoire de l'"État ouvrier dégénéré", sont erronées et seulement bonnes à disculper les responsables, à détourner l'attention du véritable problème et obstruer sa solution. Une authentique direction révolutionnaire, étant donné le niveau actuel des conditions objectives pour la prise du pouvoir, doit vaincre tous les obstacles, surmonter toutes les difficultés, triompher de tous ses adversaires"[22].
Ainsi, une "véritable direction révolutionnaire" suffirait à balayer tous les obstacles, tous les adversaires. Le prolétariat n'aurait pas à compter sur son unité, sa solidarité et sa conscience de classe, mais à remettre la "direction révolutionnaire" entre de "bonnes mains". Ce messianisme mène Munis à une conclusion délirante : "La dernière guerre a offert plus de possibilités révolutionnaires que celle de 1914-1918. Pendant des mois, tous les États européens, y compris la Russie, ont paru battus et discrédités, susceptibles d'être vaincus par une offensive prolétarienne. Des millions d'hommes armés aspirant confusément à une solution révolutionnaire (...) le prolétariat, organisé sur une base révolutionnaire, aurait pu lancer une insurrection dans plusieurs pays et la répandre sur tout le continent... Les bolcheviks de 1917 n'ont pas, de loin, joui d'aussi vastes possibilités"[23].
Contrairement à la Première Guerre mondiale, la bourgeoisie s'était consciencieusement préparée en ayant infligé une défaite au prolétariat avant la Seconde Guerre mondiale : massacré en Allemagne et en Russie, enrôlé sous la bannière de "l'antifascisme" dans les États démocratiques, le prolétariat ne put opposer au massacre qu'une faible résistance. Il y a eu le grand choc prolétarien dans le nord de l'Italie en 1943 que les Alliés démocratiques ont laissé le soin aux nazis d'écraser dans le sang[24], quelques grèves et désertions en Allemagne (1943-44) que les Alliés ont tuées dans l'œuf avec les terribles bombardements de Hambourg, Dresde, etc., des bombardements sans aucun objectif militaire mais visant uniquement à terroriser la population civile. De même la Commune de Varsovie (1944) que l'armée russe a laissée aux nazis le soin de l'écraser.
Ce n'est qu'en s'abandonnant aux illusions les plus suicidaires qu'on pourrait penser qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale "le prolétariat, organisé sur une base révolutionnaire, aurait pu lancer une insurrection dans plusieurs pays". Avec de tels fantasmes, on ne peut guère contribuer à la formation d'une organisation prolétarienne.
Un pilier fondamental de l'organisation révolutionnaire est l'ouverture et la volonté de discuter avec les autres courants prolétariens. Nous avons déjà vu comment le Manifeste communiste considère avec respect et esprit de débat les contributions de Babeuf, Blanqui et du socialisme utopique. Pour cette raison, dans la Résolution sur les groupes politiques prolétariens adoptée par notre 2e Congrès international, nous soulignons que "La caractérisation des différentes organisations qui se réclament du socialisme et de la classe ouvrière est de la plus haute importance pour le CCI. Ce n'est nullement une question abstraite ou de simple théorie mais au contraire qui oriente de façon directe l'attitude du Courant à l'égard de ces organisations et donc son intervention face à elles : soit dénonciation en tant qu'organe et émanation du Capital, soit polémique et discussion en vue de tenter de favoriser leur évolution vers une plus grande clarté et rigueur programmatique ou de permettre et impulser en leur sein l'apparition de tendances à la recherche d'une telle clarté"[25].
Contrairement à cette position, Trotsky, comme nous l'avons vu précédemment, a rejeté le débat avec Bilan et s'est plutôt ouvert largement à une soi-disant "gauche de la social-démocratie". Munis a également été affecté par le sectarisme. Notre article en hommage à Munis[26] reconnaît avec satisfaction que "En 1967, il participe, en compagnie de camarades d'"Internacionalismo", à une prise de contact avec le milieu révolutionnaire en Italie. Aussi, à la fin des années 60, avec le resurgissement de la classe ouvrière sur la scène de l'histoire, il sera sur la brèche aux côtés des faibles forces révolutionnaires existantes, dont celles qui vont fonder "Révolution Internationale". Au début des années 70, il reste malheureusement à l'écart de l'effort de discussion et de regroupement qui allait notamment aboutir, en 1975, à la constitution du Courant Communiste International".
Cet effort n'a pas été poursuivi et comme nous le disons dans l'article précité ("Castoriadis, Munis et le problème de la rupture avec le trotskysme, deuxième partie") "le groupe souffrait d'une tendance au sectarisme qui affaiblissait encore sa capacité à survivre".
L'exemple de cette attitude évoqué dans l'hommage est le départ plutôt retentissant de Munis et de son groupe lors de la Deuxième conférence de la Gauche communiste, alléguant leur désaccord avec les autres groupes sur le problème de la crise économique.
Aussi important que cela puisse paraître, un désaccord sur l'analyse de la crise économique ne peut conduire à l'abandon du débat entre révolutionnaires. Un tel débat doit être mené avec la plus grande ténacité, avec l'attitude de "convaincre ou d'être convaincu", mais sans jamais claquer la porte dès les premiers échanges et sans avoir épuisé toutes les possibilités de discussion. Notre article souligne à juste titre qu'une telle attitude affecte quelque chose d'essentiel : la construction d'une organisation solide capable d'assurer la continuité. Le FOR n'a pas survécu à la mort de Munis et a disparu définitivement en 1993, comme indiqué dans l'article sur Munis et Castoriadis : "Aujourd'hui, le FOR n'existe plus. Il a toujours été fortement dépendant du charisme personnel de Munis, qui n'a pas su transmettre une solide tradition d'organisation à la nouvelle génération de militants qui se sont ralliés autour de lui, et qui aurait pu servir de base pour le fonctionnement continu du groupe après la mort de Munis."
De même que le poids négatif de l'héritage trotskyste a empêché Munis de contribuer à la construction de l'organisation, de même l'activité des révolutionnaires n'est pas celle d'une somme d'individus, encore moins celle de leaders charismatiques : elle est basée sur un effort collectif organisé. Comme nous le disons dans notre "Rapport sur le fonctionnement de l'organisation révolutionnaire" de 1982, "La période des chefs illustres et des grands théoriciens est révolue. L'élaboration théorique devient une tâche véritablement collective. À l'image des millions de combattants prolétariens "anonymes", la conscience de l'organisation se développe par l'intégration et le dépassement des consciences individuelles dans une même conscience collective"[27]. Plus profondément, "la classe ouvrière ne fait pas surgir des militants révolutionnaires mais des organisations révolutionnaires : il n’existe pas de rapport direct entre les militants et la classe. Les militants participent au combat de la classe en tant qu'ils deviennent membres et prennent en charge les tâches de l'organisation "[28].
Comme nous l'affirmions dans l'article que nous avons publié à la mort de Munis en 1989 : "malgré les erreurs sérieuses qu'il a pu commettre, Munis est resté jusqu'au bout un militant profondément fidèle au combat de la classe ouvrière. Il était un de ces très rares militants qui ont résisté à la pression de la plus terrible contre-révolution qu'ait subit le prolétariat dans son histoire, alors que beaucoup désertaient le combat militant ou même trahissaient, pour être présent aux côtés de la classe ouvrière lors de la reprise historique de ses combats à la fin des années 1960".
Lénine disait à propos des révolutionnaires, "Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de "consoler" les classes opprimées et de les mystifier". Pourquoi Nuevo Curso remplit-il son blog de photos de Munis, publie-t-il certains de ses textes sans le moindre regard critique ? Pourquoi l'élève-t-il au rang d'icône d'une "nouvelle école" ?
Peut-être s'agit-il du culte sentimental d'un ancien combattant prolétarien. Si tel est le cas, il faut dire que c'est une entreprise destinée à créer plus de confusion car ses thèses, transformées en dogmes, ne feront que distiller le pire de ses erreurs. Rappelons-nous l'analyse exacte du Manifeste communiste à l'égard des socialistes utopistes et de ceux qui, plus tard, ont tenté de les justifier : "C'est pourquoi, si, à beaucoup d'égards, les auteurs de ces systèmes étaient des révolutionnaires, les sectes que forment leurs disciples sont toujours réactionnaires, car ces disciples s'obstinent à maintenir les vieilles conceptions de leurs maîtres en face de l'évolution historique du prolétariat.".
Une autre explication possible est que la Gauche communiste authentique est attaquée avec une "doctrine" de spam construite du jour au lendemain en utilisant les matériaux de ce grand révolutionnaire. Si tel est le cas, c'est l'obligation des révolutionnaires de combattre une telle imposture avec le maximum d'énergie.
C.Mir 4-7-19
[1] Dans un article sur la série sur le communisme, "1924-28 : le triomphe du capitalisme d'État stalinien [46]", Revue internationale n° 102, nous avons critiqué l'utilisation du terme "Thermidor", très typique du trotskysme, pour caractériser l'essor et le développement du stalinisme. Le Thermidor de la Révolution française (28 juillet 1794) n'était pas à proprement parler une "contre-révolution" mais une étape nécessaire dans la consolidation du pouvoir bourgeois qui, au-delà d'une série de concessions, ne reviendrait jamais à l'ordre féodal. D'autre part, la montée du stalinisme depuis 1924 signifiait le rétablissement définitif de l'ordre capitaliste, et l'URSS de Staline ne représentait pas, comme Trotsky le pensait toujours à tort, un "terrain socialiste" où "quelques conquêtes d'Octobre" resteraient. C'est une différence fondamentale que Marx a déjà relevée dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte : "Les révolutions bourgeoises, comme celles du 18e siècle, se précipitent rapidement de succès en succès, leurs effets dramatiques se surpassent, les hommes et les choses semblent être pris dans des feux de diamant, l'enthousiasme extatique est l'état permanent de la société, mais elles sont de courte durée. Rapidement, elles atteignent leur point culminant, et un long malaise s'empare de la société avant qu'elle ait appris à s'approprier d'une façon calme et posée les résultats de sa période orageuse ". Le Thermidor était précisément un de ces moments d'"assimilation" des conquêtes politiques de la bourgeoisie, laissant la place aux factions plus modérées de cette classe et plus enclines à faire un pacte avec les forces féodales, qui restaient puissantes.
[2] "La izquierda comunista no fue comunista de izquierda" – La Gauche communiste n'était pas communiste de gauche.
[3] Le trotskysme contre la classe ouvrière [47]. Les erreurs de Trotsky. Le trotskysme, fils de la contre-révolution [48].
[4] En 1926, l'Opposition Unifiée a été formée, réunissant les groupes précédents du Manifeste des 46 avec Zinoviev et Kamenev - ces deux derniers étant des experts en manœuvres et en bureaucratie.
[5] Le trotskysme contre la classe ouvrière [47]. La tactique contre-révolutionnaire des trotskystes. Le trotskysme et la Deuxième Guerre mondiale [49].
[6] Parmi les individus et les petits groupes qui se sont opposé à la trahison des organisations de la IVe Internationale, il faut ajouter le RKD d'Autriche (voir note 16) et le révolutionnaire grec Stinas qui est resté fidèle au prolétariat et a dénoncé le nationalisme et la barbarie de la guerre. Voir Revue internationale n° 72,
[8] Voir par exemple La Gauche communiste et la continuité du marxisme [51] ; Notes pour une histoire de la Gauche communiste [52] (Fraction italienne 1926 - 39), Revue internationale n° 9.
[9] Comme l'écrivait la Gauche communiste de France dans sa revue Internationalisme : "Le trotskysme, loin de favoriser le développement de la pensée révolutionnaire et des organismes (fractions et tendances) qui l'expriment, est un milieu organisé pour le saper. C'est une règle générale valable pour toute organisation politique étrangère au prolétariat, et l'expérience a démontré qu'elle s'applique au stalinisme et au trotskysme. Nous avons connu le trotskysme pendant 15 ans de crise perpétuelle, à travers des divisions et des unifications, suivies d'autres divisions et crises, mais nous ne connaissons pas d'exemples qui ont donné lieu à des tendances révolutionnaires réelles et viables. Le trotskysme ne sécrète pas en lui-même un ferment révolutionnaire. Au contraire, il l'annihile. La condition pour l'existence et le développement d'un ferment révolutionnaire est d'être en dehors du cadre organisationnel et idéologique du trotskysme".
[10] Voir par exemple dans Bilan numéro 1, 1933, organe de la Fraction italienne de la Gauche communiste, l'article "Vers l'internationale 2 et 3/4", qui critique la perspective de Trotsky d'aller vers la formation d'une Quatrième Internationale.
[11] Voir par exemple en Espagnol Trotsky y la Izquierda italiana [53]– Trotsky et la Gauche communiste italienne (Textos de la Izquierda comunista de los años 30 sobre el trotskismo – Textes de la Gauche communiste dans les années 1930).
[12] Voir par exemple Textes de la Gauche Mexicaine (1937-38) [54], Revue internationale n° 10.
[13] Voir en Espagnol ¿Cuales son las diferencias entre la Izquierda Comunista y la IVª Internacional? [55] – Quelles sont les différences entre la Gauche communiste et la IVe internationale ?
[14] Né en 1889 et mort en 1970, il fut l'un des fondateurs du Parti Communiste d'Italie et apporta une contribution importante aux positions de la gauche communiste, surtout jusqu'en 1926.
[15] "¿Hubo izquierda comunista en Uruguay y Chile?" - Y a-t-il eu une Gauche communiste en Uruguay et au Chili ?
[16] "La "Izquierda comunista argentina" y el internacionalismo" - La Gauche communiste argentine et l'internationalisme.
[17] Une troisième tendance doit être ajoutée : le RKD autrichien, qui s'est détaché du trotskysme en 1945. Internationalisme a discuté sérieusement avec eux, mais ils ont fini par sombrer dans l'anarchisme.
[18] Le communisme est à l'ordre du jour de l'histoire : Castoriadis, Munis et le problème de la rupture avec le trotskisme [37] I et II [56]. Revue internationale n° 161 et 162.
[19] En 1948-1949, Munis discuta beaucoup avec le camarade MC, membre du GCF ; et c'est à cette époque que sa rupture définitive avec le trotskysme se concrétisa.
[20] À la mémoire de Munis, un militant de la classe ouvrière [35] ; Revue internationale n° 58. Polémique : où va le F.O.R. ? ("Ferment Ouvrier Révolutionnaire") [36] Revue internationale n° 52). Les confusions du « Fomento Obrero Revolucionario » sur Russie 1917 et Espagne 1936 [39] ; Revue internationale n° 25. Crítica del libro jalones de derrota promesas de victoria [38] – Critique du libre Jalons d'une défaite promesses de victoire.
[21] Marx. "Lettres à Arnold Ruge".
[22] Lettre ouverte au Parti Communiste Internationaliste [57]. Natalia Trotsky, Benjamin Péret, Grandizo Munis. Ajoutons, à titre d'exemple de ce volontarisme aveugle et dans un contexte de défaite, l'expérience tragique de Munis lui-même. En 1951, un boycott des tramways a eu lieu à Barcelone. C'était une réaction très combative de la part des travailleurs dans la nuit noire de la dictature franquiste. Munis s'y installe dans l'espoir de "promouvoir la révolution", sans comprendre le rapport de forces entre les classes. Internationalisme et MC lui déconseillent cette aventure. Cependant, rien n'y fait et il est arrêté, passant 7 ans dans les prisons de Franco. Nous apprécions la combativité du militant et nous sommes solidaires avec lui ; cependant, la lutte révolutionnaire exige une analyse consciente et non un simple volontarisme ou, pire encore, un messianisme, croyant qu'en étant "présents" parmi elles, les masses pourront atteindre la "Nouvelle Jérusalem".
[23] Article de Munis : La IVª Internacional [58]
[24] La lutte de classe contre la guerre impérialiste : Les luttes ouvrières en Italie 1943 [59]. Revue Internationale n° 75
[25] Les groupes politiques prolétariens [60]. Revue internationale n° 11.
[27] Rapport sur la fonction de l'organisation révolutionnaire [61]. Revue internationale n° 29.
[28] Rapport sur la structure et le fonctionnement des organisations révolutionnaires [62]. Revue internationale n° 33. Point 12.
Il y a 150 ans, au début des années 1860, le mouvement ouvrier international en était encore à ses débuts et ses différentes composantes n’avaient pas encore acquis beaucoup d’expérience dans la création et la défense d’organisations politiques. Suite à la vague de répression qui a suivi les luttes de 1848, de nombreux membres de la Ligue des communistes ont dû s’exiler ou être traduits en justice, comme lors du procès contre les communistes à Cologne en 1852.
En Allemagne, au début des années 1860, il n’y avait pas d’organisation politique indépendante de la classe ouvrière. Dans beaucoup de villes, il y avait des Arbeiterbildungsvereine (clubs d’éducation ouvrière), mais pas encore d’organisation politique prolétarienne avec une démarcation politique claire de la bourgeoisie. Le débat pour déterminer si la classe ouvrière pouvait encore soutenir certaines fractions de la bourgeoisie dans sa lutte pour l’unification nationale ou si l’antagonisme de classe avec la bourgeoisie devait être la question centrale était en plein développement. Dans ce contexte, où la bourgeoisie n’avait pas encore réussi à se débarrasser des chaînes de l’aristocratie et des Junkers, où le capital allemand n’avait pas encore réussi à s’unifier en tant que capital national, des tentatives furent menées pour forger le premier parti politique de la classe ouvrière.
En même temps, la classe ouvrière en Allemagne allait être confrontée à l’un des défis politiques les plus difficiles : celui de faire face aux activités des aventuriers politiques. Bien qu’il n’y ait pas qu’un seul profil de ce type d’individu, leur trait commun est qu’ils utilisent les organisations politiques, non pas pour renforcer la lutte de la classe ouvrière, mais plutôt pour les mettre à leur service, en s’appuyant sur elles pour favoriser leurs ambitions personnelles. Le plus grand défi est de démasquer les aventuriers, car ils n’agissent pas au grand jour et n’affichent pas leurs propres intentions en public. Au contraire, ils ont tendance à avoir une grande habileté à mobiliser un grand nombre de sympathisants derrière eux, ce qui rend la tâche de démasquer de telles figures “très estimées” beaucoup plus difficile.
Comme nous allons le montrer, la véritable nature de l’aventurier Lassalle n’a jamais été complètement démasquée de son vivant. Bien que le vrai visage de l’aventurier Schweitzer ait été dévoilé pour la première fois lors d’une conférence du parti au printemps 1869 à Wuppertal, l’effort pour le démasquer n’a pas vraiment réussi. Ce n’est que quelques années plus tard que la classe ouvrière a réussi, grâce aux efforts du Conseil général de la Première Internationale, à révéler les activités d’un autre aventurier, Mikhaïl Bakounine, au Congrès de La Haye. Les cas de Lassalle, Schweitzer, Bakounine montrent que la classe ouvrière et ses organisations politiques ont été confrontées dès le début aux activités des aventuriers politiques.
Dans cet article, nous traiterons des cas de Lassalle et de Schweitzer. Dans des articles précédents, nous avons déjà donné un compte rendu détaillé de la lutte contre l’aventurisme de Bakounine. (1)
En 1862, à Leipzig, les travailleurs d’une association appelée Vorwärts (En avant) proposèrent la préparation d’un congrès général des travailleurs. En janvier 1863, ces protagonistes de Leipzig contactèrent Ferdinand Lassalle. (2) Dans plusieurs conférences, Lassalle avait parlé de façon critique contre la bourgeoisie dans sa querelle avec les Junkers et, en même temps, il avait souligné l’importance de la classe ouvrière pour le progrès historique. Lassalle, cependant, se détachait des visions communistes exposées une bonne douzaine d’années plus tôt dans le Manifeste communiste.
La proposition que Lassalle écrive le programme de l’Association générale des travailleurs allemands (ADAV), finalement fondée à Leipzig le 23 mai 1863, s’adressait à un homme désireux depuis des années de jouer un rôle éminent dans la vie politique en Allemagne. Le fait que la direction ait été confiée à une personne qui, à part une brève activité durant les luttes de 1848, n’avait jamais participé à une organisation prolétarienne et qui ne pouvait représenter la continuité avec la Ligue des communistes, un homme qui s’était auparavant vu refuser l’admission à cette même Ligue et qui devait maintenant agir comme “sauveur” de fait “extérieur”, revendiquant immédiatement un rôle de grand leader, reflétait l’état du mouvement ouvrier à cette époque.
À l’âge de 20 ans, Lassalle avait rencontré Sophie Gräfin von Hatzfeldt, qui était alors deux fois plus âgée que lui. Afin de “la libérer” du mariage forcé avec son mari, Lassalle prit sa défense en tant qu’avocat. Il a non seulement réussi à gagner la cause de la comtesse, mais il a aussi fait une fortune extraordinaire, car la comtesse l’a financé et est devenue son alliée politique. (3) En même temps, en tant que membre de la noblesse, la comtesse entretenait des relations avec diverses parties de la classe dirigeante. En 1856 et 1857, Lassalle vécut dans sa maison à Düsseldorf et en 1858, il déménagea avec elle à Berlin. (4)
Encouragé par le succès du procès Hatzfeldt et motivé par son ambition de faire carrière, il s’est plaint dès le milieu des années 1850 de l’ “étroitesse de la province” de Düsseldorf, ville natale de la Comtesse. En mai 1855, il demanda au préfet de police de Berlin l’autorisation nécessaire pour déménager de Düsseldorf et se réinstaller à Berlin. (5) Au cours du même mois, il rédigea lui-un “rapport d’informateur sur lui-même”, destiné à être remis entre les mains du chef de la police de Berlin, Hinkeldey. Gustav Mayer a souligné “le vice, fourbe et sournois, la vilenie sophistiquée, la fourberie crapuleuse qui ont été utilisées” pour convaincre et impressionner le préfet de police de l’importance que revêtait sa propre personne. Lassalle se vantait d’être si fortement estimé par les ouvriers de Düsseldorf, qu’ “ils semblent considérer Lassalle comme leur patron et s’il quittait la province nord-rhénane, ils le verraient comme une injustice envers eux et leur relation commune ; ils n’ont pas rompu avec lui, mais comme l’a montré la conversation, ont menacé très énergiquement de rompre avec lui”. À propos du lieu de résidence des anciens rédacteurs en chef du Neue Rheinische Zeitung (y compris Marx) après la répression qui suivit 1848, il se vantait dans son “Spitzelbericht” (rapport de mouchard) de connaître le domicile de Marx : “J’ai fait semblant de supposer qu’ils avaient émigré en Amérique, mais Lassalle m’a dit qu’ils vivaient à Londres et qu’il était apparemment bien informé sur leurs conditions de vie”. Afin d’accroître encore l’intérêt du chef de la police, il se flattait de savoir qu’ “il s’ensuit donc en toute certitude que Lassalle doit être en correspondance continue et ininterrompue avec ces gens à Londres, au moins avec Marx”. Sachant à quel point la police était intéressée à obtenir des informations sur les réseaux de correspondance entre Marx et ses compagnons de combat, il écrit : “J’ai déjà mentionné que Lassalle doit correspondre avec Londres, au moins avec Marx. Je dois ajouter qu’il semble probable (comme je l’ai conclu d’une déclaration) qu’il semble recevoir ces lettres avec un faux nom d’expéditeur”.
Pour appâter le chef de la police avec de nouvelles informations plus croustillantes encore, Lassalle ajoutait : “La raison principale qui le pousse à ce déménagement est la monotonie de la vie à Düsseldorf qui lui est devenue insupportable. À cela s’ajoute une certaine tendance au plaisir et surtout aux distractions avec les femmes qui, malgré son grand amour du travail et sa persévérance, ne s’exprime pas moins fortement dans son tempérament, tendance qu’il ne peut satisfaire à Düsseldorf mais qu’il espère pouvoir satisfaire bien plus à Berlin. Il a répété le motif de son souhait de déménagement à Berlin. (…) Même s’il n’y avait pas eu l’influence de la Comtesse pour le pousser à quitter la province, il y avait principalement sa grande inclination déjà décrite pour le plaisir et le divertissement sensuel et l’insupportable monotonie de sa vie à Düsseldorf qui auraient été pour lui des facteurs décisifs…” Il se décrivait lui-même comme “très ambitieux et de caractère vaniteux”.
Toujours afin d’impressionner la police (et les forces politiques derrière elle), Lassalle se faisait mousser ainsi : “Puisque je considère Lassalle comme l’un des représentants de la démocratie les plus remarquables intellectuellement et doté d’une énergie exceptionnelle, à mon avis, cet homme très dangereux n’est jamais suffisamment surveillé d’assez près…” Lassalle ajoute un autre élément intéressant pour la police : l’auteur de la lettre, c’est-à-dire le mystérieux informateur, a la perspective de pouvoir travailler comme secrétaire de Lassalle. “J’ai déjà gagné dans une large mesure sa confiance. J’ai acquis cela, en partie grâce à une utilisation de sa grande vanité. (…) Dans quelque temps, au poste de secrétaire, je serai devenu non seulement le confident de ses pensées les plus secrètes, mais je serai aussi devenu complètement indispensable pour lui”. Prêt à livrer à la police ceux qui cherchaient à renverser le régime (Lassalle et ses amis), Lassalle termine ainsi son rapport d’espion : “Je n’aurai aucune difficulté, légitimé par ma position auprès de Lassalle et son amitié, à me faire connaître de tous les autres membres plus ou moins éminents de la démocratie et à enquêter sur leurs affaires depuis le début ; en un mot, je le remettrai donc, lui et ses associés, entre les mains des autorités, de telle manière qu’il ne dépendra que de leur propre discrétion de détruire ces incorrigibles partisans de la défaite, quand cela leur semblera opportun”. (6)
Ce rapport d’espion sur lui-même, qui n’a été retrouvé dans ses archives qu’après sa mort, met en lumière ses activités d’aventurier dans les rangs du mouvement ouvrier allemand.
Nous avons ici un premier trait des aventuriers. Contrairement aux combattants sincères qui se joignent de manière désintéressée à une organisation révolutionnaire pour aider la classe ouvrière à remplir son rôle historique, les aventuriers ne rejoignent des organisations révolutionnaires que pour remplir leur “propre mission historique”. Ils veulent mettre le mouvement à leur service et cherchent constamment à être reconnus à cette fin. Le rapport d’espion de Lassalle sur lui-même n’est rien d’autre qu’un “spectacle publicitaire” pour mettre en valeur ses capacités prétendument exceptionnelles. Par conséquent, les organisations prolétariennes ne leur servent que de tremplin pour leur carrière tant au sein de l’organisation prolétarienne elle-même que dans les rangs des dirigeants. Convaincus que leurs capacités sont plus grandes que celles qui leur sont reconnues, ils cherchent une reconnaissance tant au sein du mouvement ouvrier que dans la sphère dirigeante.
Mettre en avant ou dissimuler leurs revendications de leadership…
Lors de la fondation de l’ADAV en mai 1863, Lassalle réussit à se faire désigner comme président pour cinq ans, avec un pouvoir quasi-dictatorial sur les sections locales. Lassalle insista auprès de l’ADAV sur le fait qu’il ne voulait y participer que s’il était invité directement à prendre le rôle principal. En d’autres termes, au lieu de se joindre à une lutte collective, il a immédiatement revendiqué la direction de l’organisation.
Nous avons ici un autre trait distinctif, que l’on retrouve souvent chez les aventuriers. Non seulement ils aspirent à assumer un rôle de leader dans une organisation, mais ils revendiquent souvent directement une autorité spécifique (et même s’ils ne l’obtiennent pas d’un mandat, ils aspirent pour eux-mêmes à une autorité arbitraire et indépendante). Comme s’il avait été couronné empereur, il déclarait : “Je suis en mesure de répondre positivement aux exigences du poste que vous m’offrez, et je me déclare donc prêt à répondre à votre demande et à prendre la direction du mouvement ouvrier”. (7) Les sections locales de l’association n’avaient aucun droit, elles n’exécutaient que les ordres du chef.
Il s’agissait d’un grand pas en arrière par rapport à la Ligue des communistes qui était une organisation centralisée, qui avait établi un comité central élu par le congrès et des responsables de district qui garantissaient un fonctionnement collectif, et où les assemblées locales avaient un pouvoir décisionnel. À cet égard, Lassalle a réussi à faire tourner la roue de l’histoire à l’envers avec un “rôle de leader” taillé à sa mesure.
Bebel a écrit dans son autobiographie : “Lassalle n’était pas satisfait des applaudissements des masses, il attachait une grande importance à avoir à ses côtés des hommes de prestige et d’influence du camp bourgeois, et il se donnait beaucoup de mal pour les gagner”. (8) Alors que le pouvoir en Prusse et dans d’autres parties de l’Allemagne envoyait ses agents pour surveiller le mouvement ouvrier naissant et chercher d’éventuelles forces “coopératives” à attirer du côté de Bismarck, au même moment Lassalle, comme son rapport d’espion le révèle sans équivoque, avait lui-même déployé ses antennes pour capter l’oreille de Bismarck.
Deux semaines avant la fondation de l’ADAV, le 23 mai 1863, Lassalle commence un échange de lettres avec Bismarck. Bismarck, qui voulait unir l’Allemagne “par le sang et par le fer”, invita Lassalle à un entretien. Dans une série de quatre discussions, Lassalle a non seulement essayé de donner des conseils à Bismarck, mais a également fait des suggestions concrètes pour une collaboration.
Lassalle dit à Bismarck, qui était le bras droit du roi de Prusse, que la classe ouvrière “se sent instinctivement encline à accepter la dictature”. (9) Les ouvriers reconnaîtraient la monarchie comme un “vecteur naturel de la dictature sociale”, si la monarchie devait se transformer d’une “royauté des classes privilégiées en une royauté populaire, sociale et révolutionnaire”. Du point de vue de Lassalle, la monarchie prussienne était capable de devenir une royauté sociale. Ce fut le sujet de la première conversation avec Bismarck. Dans un autre entretien, le suffrage universel et les campagnes contre les factions de la bourgeoisie hostiles à Bismarck ont été discutées. Parce que la police de Düsseldorf avait pris des mesures contre les écrits de Lassalle au moment de la troisième entrevue, le 23 octobre 1863, Bismarck proposa à Lassalle de placer ses œuvres sous sa protection. À cet effet, Bismarck voulut adresser aux procureurs une circulaire interdisant la confiscation des œuvres de Lassalle. Lassalle répondit à Bismarck qu’il était contre cette offre. Il pensait que des mesures répressives à son encontre renforceraient sa crédibilité, alors que si ses écrits étaient “épargnés” par la répression, sa crédibilité en souffrirait. Au cours de cette troisième discussion, la possibilité et la nécessité d’un bloc électoral entre les conservateurs et l’ADAV furent également discutées. Le 12 janvier 1864, à la réunion suivante, Lassalle offrit une coopération politique directe dans la réforme de la loi électorale pour laquelle il voulut formuler un projet. Lassalle dit à Bismarck qu’il craignait la révolution, cette “voie sombre et sinistre”. Pour l’éviter, il proposa à Bismarck d’introduire immédiatement le suffrage universel afin de ne pas être confronté à un assaut révolutionnaire. Puisque, du point de vue de Lassalle, la bourgeoisie allemande était incapable d’une révolution, le parti ouvrier devait donner l’impulsion, et Bismarck devait inciter le roi à effectuer ce revirement. Enfin, Lassalle offrit son soutien à la Prusse dans la guerre contre le Danemark (y compris l’annexion du Schleswig-Holstein) si Bismarck modifiait la loi électorale.
Quand Wilhelm Liebknecht mit Lassalle en garde contre Bismarck, Lassalle lui répondit : “Bah, je mange des cerises avec Herr von Bismarck, mais c’est lui qui a les noyaux”. (10) En septembre 1878, lorsque Bebel interpella Bismarck au Reichstag, au moment des lois anti-socialistes, à propos de ses contacts avec Lassalle, Bismarck lui répondit que “Lassalle l’avait extraordinairement attiré, il avait été l’une des personnes les plus spirituelles et aimables avec lesquelles il avait été en contact. Il n’avait pas non plus été républicain : l’idée à laquelle Lassalle aspirait avait été l’empire allemand. En cela, ils avaient eu des points d’accord. Lassalle avait été très ambitieux”. (11) Lassalle avoua à Hélène von Dönniges, ce que Bebel découvrit plus tard lors d’une conversation avec elle, que Bismarck et Lassalle pensaient tous deux qu’ils étaient trop intelligents pour se piéger mutuellement. (12)
Lassalle, à sa manière de mégalomane, raconte ses rencontres avec les dirigeants du mouvement national italien après son voyage en Italie et déclare avec grandiloquence qu’il vient d’ “empêcher l’intervention de la Prusse avec son “petit livre sur la guerre italienne” et qu’il a, en fait, orienté de façon déterminante l’histoire de ces trois dernières années”. (Nous reviendrons là-dessus plus loin). En ce sens, un aventurier n’est pas la même chose qu’un agent de police ou un mouchard, qui vend ses informations. Les aventuriers n’ont pas besoin d’être corrompus pour servir un régime. Pour eux, le désir de “gloire”, de “reconnaissance”, c’est-à-dire des facteurs psychologiques, sont d’une certaine façon des motivations plus puissantes que de simples “compensations” matérielles.
Après que Lassalle fut élu à la présidence de l’ADAV en mai 1863, il présenta souvent l’orientation programmatique de l’ADAV de manière complètement différente en fonction de ses interlocuteurs. Cette duplicité est une autre caractéristique des aventuriers (ne pas jouer “cartes sur table” et ne pas entrer sur le ring ouvertement). Tandis que Marx et Engels, par exemple, écrivaient beaucoup de polémiques, Lassalle évitait le débat et changeait de veste en fonction des auditeurs.
Lassalle n’avait pas vraiment foi dans la force de la classe ouvrière (qui, selon lui, devait encore se développer), mais voulait rallier le plus grand nombre possible de personnalités du camp de la classe dirigeante à la cause de l’ADAV, car, à son avis, ces gens-là étaient appelés à libérer la classe ouvrière de ses chaînes. C’est ainsi que Lassalle essaya de gagner Johann Karl Rodbertus, un représentant du soi-disant socialisme d’État. Rodbertus soutenait que les “amis de la question sociale”, c’est-à-dire les conservateurs et la bourgeoisie, pouvaient aussi adhérer à l’association. Lassalle a écrit à Rodbertus : “Plus de bons membres bourgeois rejoignent l’association, mieux c’est”. (13)
Parce qu’il ne s’intéressait pas tant à la libération de la classe ouvrière qu’à la promotion du mouvement démocratique général, il plaidait aussi pour l’admission des libéraux et des conservateurs dans l’ADAV. Il s’opposait donc à la conception d’un parti politique ouvrier indépendant. En même temps, tous ceux qui le souhaitaient devaient pouvoir devenir membre et adhérer immédiatement. En conséquence, l’ADAV a été inondé de bourgeois et de petits-bourgeois. Ici aussi, il s’agissait d’un recul par rapport à la Ligue des communistes, dont l’adhésion était fondée sur la défense des principes d’organisation inscrits dans ses statuts.
Lassalle plaida la cause de l’État auprès des travailleurs en faisant miroiter que celui-ci “pouvait les approvisionner en capitaux par le biais du crédit, afin qu’ils puissent entrer dans une concurrence libre et égale avec le capital”. Lassalle n’a même pas pensé à la destruction de l’État prussien, mais espérait l’intervention socialiste de l’État prussien ! Il a suscité l’espoir qu’avec l’aide de l’État existant, s’ouvrirait une voie pacifique vers le socialisme. (14)
Selon Lassalle, dans la société capitaliste les travailleurs ne pouvaient recevoir un salaire supérieur au minimum nécessaire pour maintenir et reconstituer leur force de travail. Sur cette base, il s’opposa aux luttes ouvrières pour les revendications, aux grèves contre les licenciements et rejeta la nécessité d’organisation de la classe en syndicats. Bref, l’ADAV devait être une secte.
Au lieu de cela, les travailleurs devaient être élevés au statut d’entrepreneurs. L’État devait prêter de l’argent, construire et financer des coopératives de consommateurs.
Bien que Lassalle prétendait connaître à fond le Manifeste communiste, il n’a jamais été marxiste. Bien qu’il ait connu Marx, et plus tard Engels, après 1848, il leur envoya une nombreuse correspondance. Mais bien que Marx ait passé quelques jours dans son appartement de Berlin en 1862, lui et Engels furent en conflit assez rapidement avec Lassalle. Les raisons : les divergences politiques profondes (par exemple, sur la question du soutien à la Prusse, l’exigence de l’introduction du droit de vote et bien d’autres) ainsi que son comportement. Marx écrivit dans une lettre à Engels, le 30 juillet 1862 [63], après que Lassalle lui rendit visite ainsi qu’à sa famille à Londres : “Le séjour à Zurich (avec Rüstow, Herwegh, etc.) et son voyage ultérieur en Italie, puis son “Herr Julian Schmidt” (15), etc. lui ont complètement tourné la tête. Il est maintenant non seulement le plus grand érudit, le penseur le plus profond, le chercheur le plus brillant, etc., mais en même temps un Don Juan et un “révolutionnaire” cardinal de Richelieu. (…) En grand secret, il nous a confié à ma femme et à moi, qu’il avait conseillé à Garibaldi de ne pas faire de Rome la cible de l’attaque, mais d’aller à Naples, de se faire proclamer dictateur (sans que le roi Victor Emmanuel en soit blessé), d’appeler l’Armée populaire à faire campagne contre l’Autriche. (…) Comme levier d’action : l’influence politique de Lassalle et de sa plume à Berlin. Et de mettre Rüstow à la tête d’un corps expéditionnaire allemand avec la participation de Garibaldi lui-même. D’ailleurs, Bonaparte aurait été paralysé par ce “coup d’État” lassallien. Il était maintenant aussi avec Mazzini, et “lui aussi” approuvait et “admirait” son plan. Il s’est présenté à ces gens comme un “représentant de la classe ouvrière révolutionnaire allemande” et Itzig (16) s’est attribué (littéralement !) le mérite d’une connaissance qui “empêchait l’intervention de la Prusse” grâce à sa brochure sur la guerre d’Italie qui, en fait “aurait permis de servir de guide à l’histoire de ces trois dernières années”. Lassalle était très en colère contre moi et ma femme parce que nous nous moquions de ses plans, le taquinions en le traitant de “bonapartiste éclairé”, etc. Il s’est courroucé, s’est vexé, a fait des bonds et s’est finalement profondément convaincu que j’étais décidément trop “abstrait” pour pouvoir comprendre la politique”.
Ces déclarations de Marx sur le personnage, l’autoportrait, la mégalomanie et l’ensemble de son comportement montrent à quel point Marx était scandalisé par Lassalle. Quand Marx et Engels ont partagé leurs impressions sur son comportement, ils ne savaient rien de ses contacts et de son alliance avec Bismarck. Jenny Marx, l’épouse de Marx, a écrit sur Lassalle après sa visite chez eux en 1861. Elle se moque aussi de la façon qu’à Lassalle de se présenter : “Il était presque submergé par le fardeau de la célébrité qu’il a gagné en tant qu’érudit, penseur, poète et homme politique. Une couronne de lauriers frais reposait encore sur son front olympien et sur sa tête bouclée et ses cheveux gominés pour masquer leur rigidité. Il venait de terminer victorieusement sa campagne d’Italie (grâce à un nouveau coup d’État politique déclenché par de grands hommes d’action). Son esprit était agité de grandes batailles intérieures. Il n’était pas encore entré dans certains domaines de la science. Il y avait l’égyptologie, qu’il n’avait pas encore explorée à fond. Il se demandait : “devrais-je étonner le monde en tant qu’égyptologue, ou devrais-je montrer ma connaissance universelle en tant qu’homme d’action, en tant que politicien, en tant que combattant ou en tant que stratège militaire ?” (17)
Ce que Marx pensait des positions programmatiques de Lassalle et de son comportement est également précisé par une lettre qu’il envoya à Engels le 9 avril 1863 : “D’autre part, avant-hier, il m’a envoyé sa “Lettre ouverte de réponse” au Comité central ouvrier pour le Congrès ouvrier de Leipzig. Il s’est comporté (se vantant en lançant les phrases qu’il avait copiées de nos écrits) comme un futur dictateur ouvrier”. Marx avait, d’ailleurs, reconnu dans une lettre à Engels le 28 janvier 1863 que le fameux “Programme Ouvrier” n’était qu’une mauvaise vulgarisation du Manifeste Communiste.
Après que Marx et Engels eurent pris connaissance des négociations entre Lassalle et Bismarck, Marx écrivit à Engels : “D’ailleurs, puisque nous savons maintenant qu’Itzig [Lassalle] (ce qui ne nous était nullement connu jusqu’ici) voulait “offrir” le Parti ouvrier à Bismarck pour se faire connaître comme le “Richelieu du prolétariat”, je n’aurai maintenant aucune retenue pour indiquer suffisamment clairement dans la préface de mon livre qu’il est un simple perroquet et un vulgaire plagiaire”. Dans cette préface de la première édition du Capital, Marx a jugé nécessaire de rappeler la méthode avec laquelle Lassalle avait “emprunté” des idées à ses écrits sans en citer la source… (18)
Déjà à l’époque, ils considéraient les discours et les écrits de Lassalle comme “royalistes et totalement abjects”. (19) Marx écrivit à Kugelmann : “Cher ami, j’ai reçu hier votre lettre très intéressante et je vais maintenant répondre aux différents points. Permettez-moi tout d’abord d’expliquer brièvement ma relation avec Lassalle. Au cours de son agitation politique, notre relation a été suspendue : 1. à cause de sa tendance à louer sa propre réputation et sa négligence, alors qu’en même temps il était le plagiaire le plus éhonté de mes textes, etc. ; 2. parce que j’ai condamné sa tactique politique ; 3. parce que je lui avais déjà expliqué en détails avant le début de son activité, ici à Londres, et que j’avais prouvé que l’intervention socialiste immédiate de l’État prussien n’avait aucun sens”. (20) “Dès qu’il fut persuadé à Londres (fin 1862) qu’il ne pouvait pas jouer son jeu avec moi, il a décidé contre moi et le vieux parti de se faire passer pour un “dictateur ouvrier”. (21) “Ce type travaille maintenant uniquement au service de Bismarck…”
Lassalle a, en fait, entravé la diffusion des positions de Marx et Engels parmi les travailleurs et a tenté de les isoler de la classe ouvrière en Allemagne. Il s’est présenté comme le véritable “génie” en plus d’essayer de retarder et d’entraver la publication et la diffusion des textes de Marx et Engels, entre autres choses afin de diffuser ses propres positions qui s’écartaient souvent des leurs, ou qui leur étaient diamétralement opposées. Ou bien Lassalle publiait des textes qui n’étaient souvent qu’un plagiat des articles de Marx et Engels, sans toutefois en citer les sources. Marx a écrit un article là-dessus intitulé “Plagiat”.
Lassalle se présentait comme un “vrai connaisseur” des conditions de vie de la classe ouvrière et de la situation en Allemagne, alors que Marx et Engels vivaient à l’étranger et n’auraient pu avoir les connaissances nécessaires.
Dans sa correspondance avec Marx, Lassalle défend l’agent de Bonaparte, Karl Vogt. Il conseilla à Marx de ne pas engager d’action publique contre Vogt, de ne pas “remuer” l’affaire, car cela serait mal accueilli par le “public” allemand. Marx avait passé une année entière en 1860 à écrire une réponse au livre de Karl Vogt, Mon procès contre l’Allgemeine Zeitung, dans lequel ce dernier souille d’immondes calomnies les activités politiques de Marx et de ses camarades. “J’écrirai une brochure dès que j’aurai son texte diffamatoire (celui de Karl Vogt). Mais en même temps j’explique dans la préface que je n’en ai rien à foutre du jugement de votre “public allemand”. (22) Lorsque l’œuvre de Marx, Herr Vogt, fut publiée, Lassalle ne fit rien pour promouvoir sa diffusion en Allemagne. La presse bourgeoise était soucieuse de passer sous silence l’écrit de Marx. Le président de l’ADAV, pour sa part, sabota la lutte défensive de Marx.
À la fin de 1863, début 1864, la résistance s’était développée contre les positions de Lassalle, en particulier contre ses positions en faveur de la monarchie prussienne. Le 11 avril 1864, il appela ouvertement au soutien de la monarchie. Wilhelm Liebknecht, qui s’était installé à Berlin en juillet 1862 après son exil à Londres, fut l’un des premiers à s’opposer fortement à Lassalle. Marx mis en garde Liebknecht contre ses apparitions publiques aux côtés de Lassalle et lui conseilla de ne pas entrer dans des relations étroites avec lui. Liebknecht répondit : “Dans l’association de Lassalle [l’ADAV], quelque chose fermente. Si Lassalle n’abandonne pas l’attitude dictatoriale et son flirt avec la réaction, il y aura un scandale”. Dans la même lettre, Liebknecht disait : “Il joue un jeu si complexe qu’il ne pourra bientôt plus trouver d’issue”.
Avec d’autres forces comme Julius Vahlteich, le secrétaire de l’ADAV, ils ont tenté de libérer l’ADAV des griffes de son président dictatorial. Lorsque Lassalle a remarqué cette résistance et qu’il a senti qu’il allait bientôt devoir répondre devant l’organisation et donc devoir s’exposer à une demande d’explication publique, il chercha un moyen de quitter le mouvement ouvrier. Ses dernières lettres rendent claire cette recherche d’une “sortie”. Mais la mort subite de Lassalle mit un terme inattendu à ses activités.
Le 31 août 1864, il fut grièvement blessé lors d’un duel pour une femme et mourut trois jours plus tard de ses blessures. (23) Avant sa mort, Lassalle avait rédigé un testament en tant que président de l’ADAV dans lequel il avait choisi Bernhard Becker comme successeur à la présidence, qui, avec l’aide de la comtesse Hatzfeldt, mit tout en œuvre pour s’emparer de la présidence et se mit rapidement à proférer les insultes les plus infâmes à l’encontre du “Parti de Marx”.
Afin de préserver l’existence sectaire de l’ADAV, le successeur de Becker lutta contre l’affiliation à la Première Internationale, fondée entre-temps à Londres, le 28 septembre 1864, presque un mois après la mort de Lassalle.
Nous ne pouvons pas entrer ici dans les détails sur l’importance de la formation de la Première Internationale. Cependant, bien que sa fondation ait été un énorme pas en avant pour l’ensemble du mouvement ouvrier, les forces autour de Lassalle n’ont nullement contribué à la participation des travailleurs en Allemagne à sa formation, ni placé leurs efforts dans la perspective de la construction de la Première Internationale.
Lassalle s’assura un revenu financier par l’intermédiaire de la comtesse en remportant son procès en tant qu’avocat… et, en même temps, il devint dépendant de la comtesse. Donc, bien qu’il n’ait pas eu à gagner sa vie en tant qu’avocat, il eut un statut privilégié très particulier. De telles situations véritablement parasitaires sur le plan financier le faisaient apparaître à ses yeux comme “indépendant” à l’égard des représentants de la classe dirigeante avec laquelle il avait des relations. Lassalle ne vécut jamais l’expérience de la dépendance salariale ou des difficultés matérielles.
“C’était à ce moment un ami très peu sûr pour nous, à l’avenir un ennemi très sûr”. (24)
Dans leur “nécrologie” sur Lassalle, Marx et Engels ont écrit : “Le brave Lassalle s’avère peu à peu être un méchant ordinaire. Nous n’avons jamais jugé les gens sur ce qu’ils imaginaient être, mais sur ce qu’ils étaient, et je ne vois pas pourquoi nous devrions faire une exception pour Itzig [Lassalle]. Subjectivement, sa vanité a pu lui faire apparaître ses prises de position comme défendables, objectivement c’était une trahison de tout le mouvement ouvrier au profit de l’État prussien. Mais ce type stupide ne semble pas avoir exigé de Bismarck, la moindre chose en retour, aucune contrepartie, encore moins des garanties. Il semble s’être contenté de se fier au fait qu’il a dû tromper Bismarck, tout comme il ne pouvait manquer dans son esprit de tuer Racowitza. Cette attitude est typique pour décrire le baron Itzig [Lassalle]. D’ailleurs, le temps ne sera pas long où il sera non seulement souhaitable, mais nécessaire, de publier tout cela. Cela ne peut que nous servir à nous si l’affaire avec l’ADAV est publiée et si notre journal en Allemagne continue, alors bientôt le legs [au mouvement ouvrier] de cet individu devra être liquidé. Entre-temps, le prolétariat en Allemagne va bientôt voir ce que vaut Bismarck”.
Lassalle fut un aventurier dont le véritable rôle de son vivant n’a été reconnu que par très peu de gens et donc seulement au coup par coup. Comme mentionné ci-dessus, même Marx, Engels, Bebel et Liebknecht, qui avaient appris à mieux le connaître, n’avaient pas une image complète de lui.
En même temps, le cas de Lassalle montre qu’à cette époque, il y avait des différences importantes entre révolutionnaires quant à l’appréciation de ce type d’individus. Car des décennies plus tard, même des esprits politiques aussi importants que Rosa Luxemburg ou Franz Mehring se sont trompés de manière assez flagrante sur Lassalle.
Par exemple, en 1913, cinquante ans après la fondation de l’ADAV, Rosa Luxemburg écrivait un éloge de Lassalle : “Lassalle a certainement commis des erreurs dans sa tactique de combat. Cependant, ce n’est qu’un plaisir bon marché pour les petits voyous de la recherche historique de trouver des erreurs dans le grand travail d’une vie. Pour évaluer une personnalité aussi bien que son œuvre, il est beaucoup plus important de reconnaître la cause réelle, la source particulière à partir de laquelle ses erreurs ainsi que ses mérites sont nés. Lassalle a souvent péché par sa tendance à “la diplomatie”, à “tricher” avec les idées, comme il l’a fait dans ses négociations avec Bismarck sur le suffrage universel, et dans ses projets d’associations productives financées par un emprunt à l’État. Dans ses luttes politiques avec la société bourgeoise comme dans ses luttes judiciaires avec le pouvoir judiciaire prussien, il aimait se placer au niveau de son adversaire, lui accordant ainsi à première vue une concession de son point de vue, se voyant lui-même comme un acrobate audacieux : comme Johann Philipp Becker l’a écrit, il s’est souvent risqué à sauter au bord du gouffre, ce qui distingue une stratégie révolutionnaire d’un pacte avec la réaction. Mais la cause qui l’a conduit à ces sauts audacieux n’était pas l’insécurité intérieure, le doute intérieur sur la force et la faisabilité de la cause révolutionnaire qu’il représentait, mais, inversement, un excès de confiance en la puissance indomptable de cette cause. Lassalle marchait parfois sur le terrain de l’adversaire dans la lutte, tout en ne voulant abandonner aucun de ses objectifs révolutionnaires, mais ayant l’illusion d’une personnalité puissante. Il croyait qu’il était capable d’arracher tant de choses pour ses objectifs révolutionnaires sur son propre terrain que le sol lui-même aurait dû s’effondrer sous les pieds de l’adversaire. Si Lassalle, par exemple, a greffé son idée d’associations productives basées sur le crédit de l’État sur une fiction idéaliste et non historique de l’État, le grand danger de cette fiction réside dans le fait qu’en réalité, il n’a idéalisé que le pathétique État prussien. Mais ce que Lassalle, sur la base de sa fiction, voulait exiger et imposer à cet État en termes de tâches et de devoirs de la classe ouvrière, aurait non seulement ébranlé la caserne misérable de l’État prussien, mais l’État bourgeois en tant que tel”. (25)
Considérant le point de vue de Luxemburg selon lequel Lassalle était “un acrobate audacieux et téméraire, comme Johann Philipp Becker l’a écrit, il s’est souvent risqué à sauter au bord du gouffre qui distingue une stratégie révolutionnaire d’un pacte avec la réaction”, l’expérience montre en réalité le contraire ; elle montre que des déclarations politiques importantes et correctes, auxquelles un aventurier peut parvenir sur quelques points, ne changent ni son caractère ni sa contribution globale. L’évaluation de Franz Mehring, probablement l’historien du parti le plus célèbre et qui a longtemps été aux côtés de Rosa Luxemburg, n’a pas été moins erronée. Car, de son point de vue, Lassalle était un révolutionnaire et, en tant que tel, “à peu près égal” à Marx. (26) Selon Mehring, Lassalle était quelqu’un “que l’histoire de la social-démocratie allemande mentionnera toujours dans le même souffle que lui [Marx] et Engels”. Les écrits de Lassalle sur l’agitation ont “donné une nouvelle vie à des centaines de milliers d’ouvriers allemands”. Selon Mehring, Marx “n’a jamais complètement surmonté ses préjugés” contre Lassalle. Mehring regrettait que Marx “jugeait Lassalle mort encore plus amèrement et injustement que Lassalle vivant”.
En raison des circonstances historiques, Lassalle n’a jamais été complètement démasqué de son vivant. Comme mentionné ci-dessus, Marx et Engels ont rompu avec lui sur les questions programmatiques et en raison de son comportement vers 1861/62, mais ils n’avaient longtemps pas été au courant de la nature de ses liens avec Bismarck. Sa mort subite a augmenté les difficultés à saisir et à démasquer toute l’étendue de sa personnalité.
Après la mort de Lassalle en 1864, Jean-Baptiste von Schweitzer est élu président de l’ADAV en 1867 à l’âge de 34 ans. Pour avoir une idée du caractère de Schweitzer, nous citons August Bebel en détails ici : “Jean-Baptiste von Schweitzer est l’une des principales personnalités qui, après la mort de Lassalle, prit la direction de l’association que Lassalle avait fondée. Avec Schweitzer, l’association a reçu un chef de file qui possédait un grand nombre de qualités d’une grande valeur pour un tel poste. Il avait la formation théorique nécessaire, une vision politique large et un esprit calme. En tant que journaliste et agitateur, il avait la capacité de faire comprendre les questions et les problèmes les plus difficiles au travailleur le plus simple ; il savait comment fasciner, voire fanatiser, les masses comme peu en sont capables. Dans le cadre de son travail journalistique, il publia une série d’articles scientifiques de vulgarisation dans son journal, “Le Social-Démocrate”, qui sont parmi les meilleurs que possède la littérature socialiste. (…) Il savait rapidement saisir une situation donnée et comprendre comment l’exploiter. Enfin, il fut aussi un orateur capable et calculateur qui faisait forte impression sur les masses et les opposants.
Mais en plus de ces qualités, en partie brillantes, Schweitzer possédait un certain nombre de vices qui le rendaient dangereux en tant que dirigeant d’un parti ouvrier qui en était aux premiers stades de son développement. Pour lui, le mouvement auquel il s’est joint après plusieurs errances n’était pas une fin en soi, mais un moyen d’atteindre une fin. Il entra dans le mouvement dès qu’il vit qu’aucun avenir ne s’ouvrait à lui au sein de la bourgeoisie, en ayant été mis au ban très tôt par son mode de vie, il n’y avait l’espoir pour lui de jouer le rôle auquel son ambition et, pour ainsi dire, ses capacités le prédestinaient, que dans le mouvement ouvrier. Il ne voulait pas non plus être simplement le un des chefs du mouvement, mais son dirigeant, et il cherchait à l’exploiter à des fins égoïstes et personnelles. Éduqué dans un institut jésuite d’Aschaffenburg pendant plusieurs années, puis se consacrant à l’étude de la jurisprudence, il avait acquis les outils intellectuels de la casuistique jésuite et de la démagogie juridique qui sont par nature rusés et sournois. Il était un politicien qui cherchait sans scrupule à atteindre son but, à satisfaire son ambition à tout prix, à satisfaire son grand train de vie, ce qui n’était pas possible sans des moyens matériels adéquats, qu’il ne possédait pas”. (27)
Après l’élection de Schweitzer à la présidence du Frankfurter Arbeiterbildungsverein (Club d’éducation ouvrière de Francfort), avant même la fondation de l’ADAV en novembre 1861, il était non seulement connu localement comme président du Schützenverein (club de tir) et du Turnclub (club de gymnastique), mais il avait également établi des premières relations avec les notables aristocrates locaux, il fut accusé à l’été 1862 de détournement ou vol de fonds au Schützenverein et de contact pédophile avec un jeune de 12 ans dans un parc. Il a été condamné à deux semaines de prison pour l’agression sexuelle commise contre le garçon et pour avoir suscité la colère publique avec ce scandale.
Même si le garçon n’a jamais été retrouvé et même si Schweitzer a nié toute l’affaire, le reproche de maltraitance et d’abus sexuel envers un enfant était désormais constamment suspendu au-dessus de lui. Il n’a jamais nié le détournement de l’argent de la Schützenverein. Néanmoins, Lassalle l’a protégé et l’a accepté dans l’ADAV, le nommant même membre de son conseil d’administration.
Bebel écrira plus tard sur le comportement de Schweitzer et son soutien par Lassalle : “Il a vite compris qu’il y avait là une opportunité pour acquérir une position importante à l’avenir qui correspondait à son ambition, qui lui avait été coupée à tout jamais au sein du monde bourgeois à cause des événements décrits ci-dessus [abus d’enfant et détournement d’argent]. Dans ces cercles, toutes les portes lui étaient fermées”. (28)
Suivant les traces de Lassalle, Schweitzer s’efforça rapidement d’établir des contacts avec les milieux dirigeants, en particulier Bismarck et son entourage, par l’intermédiaire du conseiller privé, Hermann Wagener. (29)
Comme Lassalle, Schweitzer a également offert son soutien politique à Bismarck. Par exemple, une déclaration de Bebel dans son autobiographie montre à quel point Hatzfeldt était consciente des efforts de Schweitzer : “La comtesse Hatzfeldt, selon laquelle la politique de Schweitzer en faveur de Bismarck n’était pas allée assez loin, avait déjà essayé de justifier cette politique vers la fin de 1864 dans une lettre à Mme. Herweghs, dans laquelle elle écrivit : “Il y a un abîme formel entre les deux choses suivantes : se vendre à un adversaire, travailler pour lui, que ce soit secrètement ou à découvert, ou saisir le moment comme un grand homme politique, profiter des erreurs de l’adversaire, laisser un ennemi se faire éliminer par l’autre, le pousser sur une trajectoire descendante et profiter de la situation favorable, peu importe qui l’a créée. Les personnes qui ont de simples convictions honnêtes, celles qui se placent toujours seulement du point de vue idéal des choses à venir, flottant dans l’air, et qui n’agissent que par impulsion momentanée, peuvent être considérées en privé comme de très bonnes personnes, mais elles sont complètement incapables d’être utiles à quelque chose, à des actions qui influent réellement sur les événements, en bref, les grandes masses ont besoin de suivre un leader clairvoyant qui les dirige””.
Ici, on peut voir le point de vue que l’on trouve souvent chez les aventuriers : les masses sont stupides et doivent être dirigées, elles ont besoin d’une tête pensante qui peut agir efficacement contre l’adversaire. L’aventurier est “l’élu, l’appelé”. Et une partie de ce comportement est d’agir avec un double langage. Comme l’écrivait Bebel : “La manière dont Schweitzer a su flatter les masses, même s’il les méprisait intérieurement, je n’ai jamais vu quelqu’un d’autre l’exercer avec une telle ampleur”. (30)
Parce que Schweitzer disait que “Sa Majesté notre roi vénéré est l’ami des travailleurs” et que le principal ennemi de l’ADAV était les partisans du “parti bourgeois libéral”, il mettait en avant que “la lutte du parti social-démocrate doit avant tout être dirigée contre eux. Mais si vous défendez ce point de vue, messieurs, vous vous direz : Pourquoi Lassalle ne se serait-il pas tourné vers Bismarck ?” (31) Bebel continuait : “Schweitzer savait que le point de vue qu’il prêchait était fondamentalement réactionnaire, une trahison des intérêts des travailleurs, mais il le propageait parce qu’il croyait que cela servirait à promouvoir son ascension sociale. (…) Il était évident que Bismarck et les féodaux acceptaient volontiers une telle aide de l’extrême-gauche et soutenaient peut-être le défenseur d’une telle vision. (…) Les tentatives de rendre l’Association Générale des Travailleurs Allemands, acceptable pour la grande politique prussienne de Bismarck, furent donc entreprises très tôt et de façon permanente. C’est à moi de prouver que Schweitzer a consciemment servi les efforts de Bismarck”. Les efforts déployés pour réaliser leurs ambitions personnelles par des contacts directs ou indirects avec les dirigeants s’accompagnaient donc souvent de faiblesses et d’impostures programmatiques, comme on pouvait le voir dans la question du droit électoral. (32) Engels écrivit plus tard : “À cette époque, on tenta de placer l’ADAV (qui était alors la seule association organisée de travailleurs sociaux-démocrates en Allemagne) sous l’aile du ministère de Bismarck en donnant aux ouvriers la perspective que le gouvernement leur accorde le suffrage universel. Le “droit de vote universel, égal et direct” avait été prêché par Lassalle comme le seul et infaillible moyen de conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière”.
Engels écrivit alors deux textes programmatiques importants, La question militaire prussienne et le Parti Ouvrier Allemand, ainsi qu’une réponse à Schweitzer “À propos de Proudhon”. Comme Engels le commenta, “cet article avait Proudhon comme sujet, mais en fait il devrait aussi être une réponse au lassallisme lui-même”.
Dans le même temps, Schweitzer réagit à la critique de sa position sur la Prusse. Compte tenu du fait que Marx et Engels vivaient en Angleterre et non pas en Allemagne, ils ne pouvaient pas avoir de connaissances précises et profondes de la situation globale de l’Allemagne. Selon Schweitzer, ce n’est que si l’on a une vision “locale” ou “nationale” que l’on peut juger correctement : “En ce qui concerne les questions pratiques de tactique momentanée, je vous demande cependant de considérer que, pour juger ces choses, il faut se tenir au centre du mouvement”. Dans le Social-Démocrate du 15 décembre 1864, un article, “Notre Programme”, défendait ce point de vue national : “Nous ne voulons pas d’une patrie impuissante et déchirée, impuissante à l’extérieur et pleine d’arbitraire à l’intérieur ; nous voulons la toute-puissance de l’Allemagne, le seul État libre du peuple”. (33) Une vision nationaliste aussi forte avait été présentée au moment même où la Première Internationale soulignait le principe essentiel et indispensable de l’internationalisme pour l’ensemble de la classe ouvrière dans le monde.
Le 15 décembre 1865, Schweitzer publia un article dans le Social-Démocrate faisant l’éloge des “mérites” de Lassalle, comme s’il n’y avait eu aucun mouvement ouvrier avant lui. En réponse, Marx envoya l’article mentionné plus haut sur Proudhon afin d’encourager discrètement une réflexion critique sur le rôle de Lassalle. Outre la glorification de Lassalle, le Social-Démocrate de Schweitzer souhaitait élargir encore le soutien à Bismarck. En conséquence, Marx et Engels renoncèrent à leur collaboration au Social-Démocrate, le 23 février 1865, après quoi Schweitzer a de nouveau falsifié les positions de Marx et Engels. (34)
L’opposition au sein de l’ADAV commença à polémiquer contre les “dispositions organisationnelles dictatoriales dans les Statuts de l’Association visant à entourer d’une sorte de gloire le travail de Lassalle. Le culte de Lassalle était désormais systématiquement promu et tous ceux qui osaient émettre un point de vue différent étaient stigmatisés comme des profanateurs”. (35) Bebel poursuivait en disant : “Schweitzer soutenait ces points de vue idiots, qui finirent par devenir une sorte de croyance religieuse. (…) Au cours des années, le thème “le Christ et Lassalle” devint le sujet à l’ordre du jour de nombreuses réunions publiques”. (36)
Comme Lassalle, Schweitzer ne s’appuyait pas uniquement sur des sources de financement douteuses. Il n’a jamais expliqué d’où provenaient les fonds importants pour la production et la distribution du Social-Démocrate, après que l’on soupçonna qu’il recevait des fonds du gouvernement. Le simple soupçon exprimé qu’il dépendait de fonds gouvernementaux, qu’il pouvait ainsi non seulement faire l’objet de chantage, mais même être directement corrompu, n’aurait pas dû être laissé sans réponse par Schweitzer. Au lieu de cela, il évita toujours de répondre à cette accusation. (37)
Il n’a non plus rien fait lorsqu’on apprit qu’un informateur de la police nommé Preuß était actif dans l’organisation et se trouvait même en contact avec le chef de la police, avec lequel Schweitzer lui-même entretenait des contacts.
On pourrait rétorquer : les peines de prison ou les actions répressives contre les aventuriers ne sont-elles pas la preuve de leur “innocence” ?
En novembre 1865, Schweitzer fut emprisonné et aurait dû purger une peine d’un an pour insulte envers le roi et pour avoir bafoué les lois, le privant ainsi de ses droits civils. “Il a été affirmé que les différentes peines de prison sont des preuves contre l’accusation selon laquelle Schweitzer aurait été l’agent de Bismarck. Ce point de vue est tout à fait erroné. Les relations qu’un gouvernement entretient avec ses agents politiques ne les lient pas aux procureurs et aux juges. La condamnation temporaire d’un agent infiltré pour des actes d’opposition est également très appropriée pour éliminer la méfiance à l’égard de la personne concernée et pour renforcer la confiance en elle. Il est bien connu qu’à l’époque où Lassalle et Bismarck eurent leurs conversations politiques et entretinrent des “rapports cordiaux”, les tribunaux de Berlin n’hésitèrent pas à le condamner à une série de peines de prison sévères, même si l’on savait à l’époque comment Bismarck et Lassalle se comportaient l’un envers l’autre”. (38)
Alors que la police berlinoise terrorisait les suspects lors de leurs perquisitions policières tôt le matin, entre autres par des perquisitions à domicile, “Schweitzer […] n’a jamais eu à se plaindre de telles mesures ou de mesures similaires. Il est allé en prison et il en est sorti comme s’il était allé à l’hôtel”. (39) En fait, Schweitzer a été libéré de prison à plusieurs reprises et a presque pu entrer et sortir de prison en continuant ses activités, contrairement aux autres membres de l’ADAV qui y moisissaient.
En fait, la proche alliée de Lassalle, la comtesse Hatzfeldt, dénonça même Liebknecht à la police lorsqu’il séjournait “illégalement” à Berlin en 1865, après quoi il fut expulsé de la ville. (40)
Au printemps 1869, une résistance se forma au sein de l’ADAV contre le pouvoir dictatorial de Schweitzer. Tout d’abord contre son mode de vie dispendieux : “Schweitzer fait partie de ces personnages qui dépensent toujours au moins deux fois plus d’argent qu’ils n’en gagnent, et dont le slogan est : les besoins ne doivent pas dépendre des revenus, mais les revenus doivent dépendre des besoins, ce qui exige qu’ils prennent sans scrupules l’argent là où ils le trouvent. En 1862, Schweitzer avait pris 2 600 florins dans la caisse de la Schützenfestkasse (club de tir), mais plus tard, lorsqu’il fut président de l’ADAV et avait ainsi l’argent à sa disposition, il détourna des sommes collectées par des ouvriers mal payés afin de satisfaire ses désirs. Il ne s’agissait pas de sommes importantes, mais elles étaient destinées au maigre contenu de la caisse de l’association et non à Schweitzer. Il a été accusé de mauvaise gestion, même de malversation et cela a également été prouvé lors de diverses assemblées générales de l’ADAV, et Bracke, qui pendant de nombreuses années fut le trésorier de l’association et dû avancer l’argent sur ordre de Schweitzer l’a publiquement accusé de ces activités infâmes, sans que Schweitzer n’ose dire un mot pour sa défense. Mais quiconque est capable d’une telle chose doit être aussi considéré comme capable de se vendre politiquement, ce qui pourrait constituer une affaire encore plus lucrative pour lui. Personne ne peut prouver le montant détourné, car de telles transactions ne sont pas apparues au grand jour”. (41) Lorsque la section locale d’Erfurt voulut faire vérifier la gestion de trésorerie de Schweitzer, il menaça de dissoudre l’association… et trois semaines plus tard, la police monta une expédition punitive et en profita pour dissoudre l’association. Par la suite, après s’être entouré d’un cercle restreint de fidèles, il fonda une nouvelle association. Ses statuts prévoyaient : “Les nouveaux statuts contenaient des dispositions carrément scandaleuses. Ainsi, le président devait être élu six semaines avant l’assemblée générale ordinaire par les membres de l’association, c’est-à-dire avant que l’assemblée générale ne se soit prononcée et n’ait examiné sa gestion”. (42)
“Schweitzer déclara, en outre, contre Marx et Engels, qu’ils s’étaient retirés du “Social-Démocrate” dès qu’ils avaient réalisé qu’ils ne pouvaient jouer le premier rôle dans le parti. Contrairement à eux, Lassalle n’était pas l’homme de l’abstraction stérile mais un homme politique au sens strict du terme, pas un littérateur doctrinaire, mais un homme d’action pratique.
Il ne faut cependant pas oublier que Schweitzer flatta plus tard l’homme de “l’abstraction stérile”, le “littérateur doctrinaire” Karl Marx, et chercha à le convaincre”. (43)
Lors de l’assemblée générale de l’ADAV à Wuppertal Barmen-Elberfeld, fin mars 1869, au cours de laquelle Schweitzer devait rendre des comptes, Bebel rapporta à Marx : “Liebknecht et moi sommes assis ici à Elberfeld dans un petit cercle de personnes partageant les mêmes idées pour préparer le plan de campagne pour la bataille de demain. Ici, nous avons entendu une telle abondance d’actes malveillants et ignobles de Schweitzer que nos cheveux se sont dressés sur nos têtes. Il s’avère aussi que Schweitzer ne propose d’accepter le programme de l’Internationale que dans le but de porter un coup contre nous et de renverser une bonne partie des éléments d’opposition ou plutôt de les attirer à lui”. (44) Bebel ajouta que “Schweitzer utilise tous les moyens de perfidie et d’intrigue contre nous”. Bebel et Liebknecht voulurent mettre en accusation Schweitzer lors de cette séance plénière. (45) “L’après-midi suivant, nous sommes entrés dans la salle bondée, accueillis par les regards furieux des supporters fanatiques de Schweitzer. Liebknecht a parlé en premier, environ une heure et demie, j’ai suivi et parlé beaucoup plus brièvement. Nos accusations contenaient ce que j’avais jusque-là avancé contre Schweitzer. Plusieurs fois, il y a eu des interruptions violentes, notamment lorsque j’ai présenté Schweitzer comme un agent du gouvernement. Je devais retirer cette accusation. J’ai refusé de le faire. Je pensais que j’avais le droit de parler librement, eux, les auditeurs, n’étaient pas obligés de me croire. (…) Schweitzer, qui était assis sur le podium derrière nous lors de nos interventions, n’a pas ouvert la bouche. Nous avons donc quitté la salle, quelques délégués marchant devant et derrière nous pour nous protéger des assauts des supporters fanatiques de Schweitzer. Mais des mots aussi flatteurs que “bandit”, “traître”, “fumier”, “tu mériterais qu’on te brise les os”, etc. ont été entendus dans la foule pendant que nous essayions de nous frayer un chemin vers la sortie. L’une des personnes présentes a également essayé de me faire tomber de l’estrade en me portant un coup au genou. Devant la porte, nos amis nous ont accueillis pour nous escorter jusqu’à notre hôtel comme des gardes”.
Schweitzer a exigé un vote de confiance de la part des délégués. Après un débat animé, il a été confirmé dans ses fonctions de président, bien qu’avec un nombre de voix très réduit : “Même si Schweitzer a été réélu par l’assemblée générale, ses pouvoirs ont été sévèrement limités. Schweitzer a détourné le procès-verbal de l’assemblée générale et l’a fait disparaître. (…) Rien de ce qui le compromettait ne devait être porté à la connaissance de tous les membres de l’association et rendu public”. (46)
Pendant une courte période, les deux ailes dans lesquelles l’ADAV s’était scindée avaient proclamé leur réunification sous l’autorité de Schweitzer. Mais l’aile de l’opposition autour de Bracke conclut que “M. von Schweitzer n’utilise l’association que pour satisfaire son ambition et la transformer en un outil de politique réactionnaire contre les travailleurs”. (47) L’opposition a alors demandé la tenue d’un congrès de tous les travailleurs sociaux-démocrates en Allemagne (à Eisenach). Ils ont démissionné de l’ADAV et se sont exprimés ainsi : “Il deviendra clair si la corruption, la malveillance, les pots-de-vin d’un côté l’emporteront ou si l’honnêteté et la sincérité des intentions de l’autre, finiront par gagner.
Notre slogan est : À bas le sectarisme ! À bas le culte de la personnalité ! À bas les jésuites qui reconnaissent notre principe en paroles, et le trahissent en actes ! Vive la social-démocratie, vive l’Association Internationale des Travailleurs !
Le fait que dans cette déclaration, et plus tard à plusieurs reprises, nous ayons utilisé l’honnêteté de nos intentions contre tous les Schweitzers malhonnêtes sur le terrain, a par la suite valu au parti nouvellement fondé par les opposants le surnom “Le Parti honnête. (…)
La contre-offensive de Schweitzer ne tarda pas à arriver. Le “Social-Démocrate” observait maintenant la tactique consistant à proclamer constamment que notre organisation n’était pas composée de travailleurs mais d’intellectuels, de précepteurs et d’autres bourgeois”. (48) Surtout, l’opposition devait être discréditée par ses propres abus de pouvoir, ses prétentions grotesques et ses insinuations. “Derrière notre Congrès, disait l’article, se tenait toute la bourgeoisie libérale dans toutes ses nuances. Bien sûr, derrière son bataillon de littérateurs, de doctes professeurs, de marchands, etc., il ne saurait être question d’une organisation serrée et uniforme. Chacune de ces personnes éprouve le besoin de se rendre très importante. Toute la presse bourgeoise était à nos ordres, poursuivait-il. Il veillerait à ce qu’un nombre important de délégués viennent au Congrès d’Eisenach, mais pas des littérateurs et des bourgeois, mais de vrais ouvriers”. (49) Enfin, Tölcke, qui avait été élu président de l’ADAV en 1865, accusa Bebel dans le Social-Démocrate du 28 juillet 1869 “d’obtenir 600 thalers par mois de l’ex-roi de Hanovre”, une pure calomnie !
Lors du congrès fondateur d’Eisenach en août, les membres craignaient finalement une violente intrusion des fanatiques partisans de Schweitzer. Une centaine de sympathisants du cercle “Schweitzer” apparurent en effet au Congrès d’Eisenach, mais ne furent pas admis en raison de leur absence de mandats.
Avec la fondation du Parti d’Eisenach en 1869, qui s’était érigé sur la base de l’opposition au sein de l’ADAV, un premier parti fut fondé : le Sozialdemokratische Arbeiterpartei Deutschland (SDAP – Parti social-démocrate des travailleurs d’Allemagne).
Dans une lettre directement adressée à Schweitzer en 1868, Marx parle de l’étape indispensable pour passer d’une secte que le mouvement devait dépasser à un véritable mouvement de classe auquel Schweitzer a non seulement refusé de contribuer, mais auquel il s’est également opposé : “D’ailleurs, dès le début, comme celui qui déclare qu’il a dans sa poche une panacée pour les souffrances des masses, [Lassalle] a donné à son agitation un caractère religieux et sectaire. Chaque secte est en fait religieuse. De plus, ce n’est pas parce qu’il était le fondateur d’une secte qu’il a nié tout lien naturel avec le mouvement antérieur, tant en Allemagne qu’à l’étranger. Il tomba dans la même erreur que Proudhon : au lieu de chercher parmi les éléments authentiques du mouvement ouvrier la véritable base de son agitation, il essaya d’imposer ses propres orientations à ces éléments en appliquant une recette dogmatique déterminée.
Ce que je rappelle ici aujourd’hui, je l’avais en grande partie prédit à Lassalle en 1862, quand il vint à Londres et m’invita à me placer avec lui à la tête du nouveau mouvement.
Vous avez vous-même vécu en personne l’opposition entre le mouvement d’une secte et le mouvement d’une classe. La secte voit la justification de son existence et son “point d’honneur”, non pas dans ce qu’elle a en commun avec le mouvement de classe, mais dans le “shibboleth” (signe de reconnaissance propre aux initiés) particulier qui la distingue de lui. Par conséquent, à Hambourg lorsque vous avez proposé au congrès la formation de syndicats, vous n’avez pu vaincre l’opposition de la secte qu’en menaçant de démissionner de la fonction de président. En outre, vous étiez obligé de pratiquer un double langage et d’annoncer que, dans un cas, vous agissiez en tant que chef de la secte et dans l’autre en tant que représentant du mouvement de classe.
La dissolution de l’Association générale des travailleurs allemands vous a donné l’occasion historique de faire un grand pas en avant et de déclarer, pour prouver si nécessaire, qu’un nouveau stade de développement était maintenant atteint, et que le moment était venu pour le mouvement sectaire de se fondre dans le mouvement de classe et de mettre un terme à toute relation de dépendance personnelle vis-à-vis de cette secte. En ce qui concerne le contenu véritable de la secte, il serait, comme pour toutes les sectes ouvrières précédentes, développé dans le mouvement général comme un élément qui l’enrichit en dépassant ce stade. Au lieu de cela, vous avez exigé du mouvement de classe qu’il se subordonne au mouvement d’une secte particulière.
Ceux qui ne sont pas vos amis en ont conclu que quoi qu’il arrive, vous vouliez préserver votre “propre mouvement ouvrier””. (50)
En juillet 1871, la section de Braunschweig du parti publia cet appel : “Mais vis-à-vis de M. von Schweitzer qui, de la manière la plus malveillante et la plus répréhensible qui soit, tente de dresser les travailleurs les uns contre les autres, les sociaux-démocrates contre les sociaux-démocrates, nous sommes obligés de défendre la cause des travailleurs avec toute notre énergie. C’est pourquoi nous appelons les camarades du parti de Barmen-Elberfeld, (…) à prendre sans délai les mesures nécessaires en ce sens ; le parti est coupable et obligé de débarrasser le mouvement général d’un homme qui, sous couvert d’une attitude radicale, a jusqu’ici tout fait dans l’intérêt du gouvernement de l’État prussien pour nuire à ce mouvement. Le parti soutiendra les camarades de Barmen-Elberfeld. Maintenant en avant, avec vigueur !” (51) Au printemps 1871, Schweitzer fut exclu de l’ADAV. (52)
Comme dans le cas de Lassalle, Schweitzer n’a jamais été entièrement démasqué de son vivant (il mourut en 1875 d’une pneumonie). Il a été expulsé de l’ADAV, mais sans que les leçons en aient été suffisamment tirées.
Ce n’est que dans la lutte contre les activités de Bakounine que la Première Internationale et son Conseil Général ont développé la capacité d’exposer les agissements d’un aventurier de manière efficace.
Le rôle de ces deux aventuriers, tous deux avocats, qui pendant des années ont pu faire leur sale boulot dans l’ADAV (alors qu’aux yeux de beaucoup ils donnaient l’impression d’agir dans l’intérêt de la classe ouvrière) montre combien il est difficile d’identifier et d’exposer au grand jour le comportement, les buts et les méthodes d’un aventurier.
Exposer et découvrir leur comportement, leur carrière, leurs interactions, leurs réactions et leurs véritables motivations est l’un des plus grands défis pour une organisation révolutionnaire. Comme le passé l’a montré, le fait que ces personnes aient gagné la confiance de nombreux membres de l’organisation par ruse et jouissent d’une haute réputation dans l’ensemble de la classe ouvrière est un obstacle majeur, mais cela ne doit pas compromettre la capacité de reconnaître et de comprendre la véritable nature de tels individus. Le démasquage de ces aventuriers rencontre généralement l’horreur et la résistance de ceux qui se sentent les plus proches d’eux et qui sont incapables ou ne veulent pas reconnaître la réalité en raison d’une allégeance de longue date, d’une “fidélité personnelle” et/ou d’une affinité émotionnelle. Comme ces personnes peuvent être des figures “très estimées”, dont “personne n’attend une chose pareille”, il est d’autant plus important d’accepter l’expérience historique douloureuse du mouvement révolutionnaire. Engels écrivit peu avant la fin de sa vie, en 1891, qu’il “ne permettrait plus que la fausse renommée de Lassalle soit maintenue et prêchée à nouveau aux dépens de Marx”. (53)
Il résume ainsi les hésitations, les doutes, les scepticismes au sein du parti, et pourquoi il était important de démasquer Lassalle au grand jour et sans concession : “Vous dites que Bebel vous écrit que le traitement de Lassalle par Marx a provoqué de la rancune [ou de la colère] chez les anciens lassalliens. C’est peut-être le cas. Les gens bien sûr, ne connaissent pas la véritable histoire, et rien ne semble avoir été fait pour les informer. Si ces gens ne savent pas que toute la grandeur de Lassalle était basée sur le fait que Marx lui a permis de se parer pendant des années des résultats des recherches de M[arx] comme si c’était les siens, et en plus de cela pour les déformer par manque de connaissances économiques, ce n’est pas de ma faute. Mais je suis l’exécuteur littéraire de la volonté de Marx et en tant que tel, j’ai mes devoirs.
Durant les 26 dernières années, Lassalle a fait partie de l’histoire. Si lors des lois anti-socialistes, la critique de ses positions a été suspendue, il est grand temps maintenant de valider cette critique et que la position de Lassalle sur Marx soit clarifiée. La légende qui cache et glorifie la figure de Lassalle ne peut devenir une profession de foi du Parti. Qu’importe à quel point les mérites de Lassalle pour le mouvement peuvent être appréciés, son rôle historique dans ce mouvement demeure double. Le Lassalle socialiste est accompagné à chaque fois par le Lassalle démagogue. Derrière l’agitateur et l’organisateur Lassalle, le vrai visage de la vedette du procès Hatzfeld s’éclaire : partout le même cynisme dans le choix des moyens, la même préférence de s’entourer de gens peu recommandables et corrompus qui peuvent être utilisés ou jetés comme de simples instruments. Jusqu’en 1862, en pratique, il fut un vulgaire démocrate prussien à forte tendance bonapartiste (je viens de lire ses lettres à Marx), il a soudain retourné sa veste pour des raisons purement personnelles et a commencé son agitation activiste en tous sens ; et en moins de deux ans, il a exigé que les ouvriers prennent le parti de la royauté contre la bourgeoisie et a triché avec Bismarck qui a le même caractère que lui, d’une manière qui aboutirait à la trahison des intérêts de classe si on ne l’étouffait pas à temps pour assurer la propre survie du mouvement ouvrier. Dans ses écrits sur l’agitation, les choses justes qu’il a empruntées à Marx sont si régulièrement entrelacées de fausses déclarations que les deux peuvent difficilement être séparées. La partie des ouvriers qui se sentent choqués par le jugement de Marx ne connaissent de Lassalle que ses deux années d’agitation et ceci uniquement à travers des lunettes à prisme déformant. Mais face à de tels préjugés, la critique de l’histoire ne peut pas s’en tenir éternellement à une attitude respectueuse et passive. Il était de mon devoir de clarifier enfin la relation entre Marx et Lassalle. C’est fait. Je peux me contenter de cela pour l’instant. J’ai moi aussi maintenant d’autres choses à faire. Et le jugement impitoyable de Marx sur Lassalle publié, fera seul son travail et encouragera les autres. Mais si je devais le refaire, je n’aurai pas le choix : je devrai balayer la légende Lassalle une fois pour toutes”. (54)
Le démasquage des activités de Bakounine à travers le Conseil Général de la Première Internationale a montré que cette lutte n’était possible que grâce à la conscience politique et à la détermination pour démasquer ces aventuriers. Cela ne pouvait se faire qu’en établissant un rapport spécifique comme celui du Conseil Général au Congrès de La Haye. (55) Lorsque Bebel et Liebknecht ont dénoncé Schweitzer en 1869 lors de la conférence du Parti de Wuppertal, ils l’ont fait sans avoir présenté un rapport en bonne et due forme et sans avoir donné une image complète de son pouvoir de nuisance, ce qui a certainement contribué à ce que son démasquage soit seulement “à moitié fait”, et cela n’empêcha pas Schweitzer d’être réélu, malgré une résistance croissante.
La lutte contre les aventuriers, qui, comme l’a montré l’expérience de Marx et Engels dans leur combat contre Lassalle et Schweitzer, est un formidable défi. Il a été porté à un niveau beaucoup plus élevé et efficace par le Conseil Général de la Première Internationale au Congrès de La Haye. En tirant les leçons des faiblesses et des difficultés de la lutte contre Lassalle et Schweitzer, le Conseil Général a offert les armes pour affronter Bakounine. Il appartient aujourd’hui aux organisations révolutionnaires de se réapproprier les leçons de cette lutte.
Dino, juillet 2019
1“Question d’organisation, IV : la lutte du marxisme contre l’aventurisme politique [9]” Revue Internationale n° 88 (1e trimestre 1997)
2Ferdinand Lassalle est né en 1825 à Breslau, fils d’un riche marchand de soie juif. Déjà dans son adolescence, il s’est distingué par ses activités très indépendantes et ses ambitions. En tant qu’étudiant, il aspirait à un poste de professeur d’université.
3À cause de ses relations étroites avec la comtesse Hatzfeld, la Ligue des communistes a refusé de l’accepter dans ses rangs.
4L’un de ses biographes, Schirokauer, a mentionné son style de vie somptueux quand il était jeune homme et sa consommation élevée de vins et champagnes coûteux. Dans la résidence de Berlin, où lui et la comtesse vivaient, il a été rapporté qu’apparemment la consommation de haschisch et d’opium était également une pratique courante. Pour plus de détails, voir en allemand : Arno Schirokauer : Lassalle. Die Macht der Illusion, die Illusion der Macht. (Le pouvoir de l’illusion, l’illusion du pouvoir), aux éditions Paul List, Leipzig 1928.
5À cause la loi sur les associations de 1854, les associations de travailleurs politiques étaient interdites, ainsi que les liens entre les associations autorisées par les autorités.
6Gustav Mayer, Le rapport du mouchard Lassalle à propos de lui-même, republié dans les archives de Grünberg. Voir aussi, en allemand, du même auteur : Bismarck et Lassalle, leur correspondance et leurs entretiens (1928) ainsi que Johann Baptist von Schweitzer et la social-démocratie (1909).
7A.K. Worobjowa, L’histoire du mouvement ouvrier en Allemagne et la lutte de Karl Marx et Friedrich Engels contre Lassalle et le lassalisme (1961).
8Bebel, Ma vie. Plus tard, Bebel interpella à nouveau publiquement Bismarck sur ses liens avec Lassalle. “Par rapport aux relations avec Lassalle que je lui reprochais, il répondit que ce n’était pas lui, mais Lassalle, qui avait émis le souhait de lui parler, et il ne lui avait pas rendu difficile l’accès à la réalisation de ce désir. Il ne l’avait pas regretté non plus. Quant à des négociations entre eux, cela n’était nullement la question : qu’aurait bien pu lui offrir ce pauvre diable de Lassalle ?”.
9Gustav Mayer, Bismarck et Lassalle.
10Bebel, Ma vie.
11August Bebel, Ibid.
12“Hélène von Rakowicza (Hélène von Dönniges), l’ancienne amante de Lassalle, pour qui il provoqua le duel qui lui coûta la vie, a raconté dans son livre : Von anderen und mir, (D’autres et de moi) (1909), qu’ “elle posa la question à Lassalle dans une conversation nocturne : “Est-ce vrai ce qu’on dit ? Avez-vous pu soutirer des secrets de Bismarck ?” Il répondit : “En ce qui concerne Bismarck et ce qu’il attendait de moi et moi de lui ? Il devrait vous suffire de savoir que cela ne s’est pas produit et que cela ne pouvait pas se produire. Nous étions tous les deux trop intelligents (nous avions compris notre ruse mutuelle et nous n’aurions pu que rire ironiquement de nos vues politiques respectives. Mais nous sommes trop bien éduqués pour cela). Donc, nous n’avons eu que des entrevues et des échanges à la hauteur de notre esprit”.
13Lassalle, Archives de ses lettres et écrits (1925).
14Voir aussi Engels, La question militaire de la Prusse et le parti des travailleurs allemands [64] et On the Dissolution of the Lassallean Workers' Association [65].
15Ouvrage de Lassalle consacré à un célèbre journaliste et historien de la littérature de l’époque.
16Surnom donné par Marx à Lassalle.
17Jenny Marx, Bref aperçu d’une vie mouvementée (1865).
18“Itzig [Lassalle] m’envoie, inévitablement, son discours de défense (il a été condamné à quatre mois de prison) au tribunal. Macte puer virtute ! Tout d’abord, cet homme vantard avait la brochure que vous avez entre les mains, le discours sur “la classe ouvrière”, réimprimé en Suisse sous le titre pompeux : “Programme des travailleurs”. Vous savez que la chose n’est rien d’autre qu’une mauvaise vulgarisation du “Manifeste” et d’autres choses si souvent prêchées par nous qu’elles sont, pour ainsi dire, déjà devenues des lieux communs. (Cet énergumène, par exemple, parle de “positions” en parlant de la classe ouvrière.) Eh bien, dans son discours devant le tribunal de Berlin, il n’a montré aucune honte à proclamer : “J’affirme en outre que cette brochure n’est pas seulement un ouvrage scientifique qui, comme beaucoup d’autres, résume des résultats déjà connus, mais qu’elle est même à bien des égards une réalisation scientifique, un développement de nouvelles idées scientifiques… Dans des domaines scientifiques divers et difficiles, j’ai mis au jour de nombreux travaux, je n’ai épargné aucun effort ni aucune nuit blanche pour repousser les limites de la science elle-même, et je peux, peut-être, dire avec Horace : militavi non sine gloria [Je ne me suis pas battu sans gloire]. Mais je vais vous expliquer moi-même : non jamais, dans mes travaux les plus étendus, je n’ai écrit une ligne qui ne serait plus strictement scientifique que cette production de sa première page à sa dernière… Jetez donc un coup d’œil au contenu de cette brochure. Ce contenu n’est rien de plus qu’une philosophie de l’histoire comprimée en 44 pages… Il s’agit d’un développement de la pensée rationnelle objective qui est à la base de l’histoire européenne depuis plus d’un millénaire, d’un épanouissement de l’âme intérieure, etc.”… Cette indécence n’est-elle pas incroyable ? Ce type se prend pour l’homme qui dirige notre travail. C’est grotesque et ridicule !”
19Marx à Engels, 24 novembre 1864.
20Marx à Kugelmann, 23 février 1865.
21Engels, le 11 juin 1863 (trois jours avant la fondation de l’ADAV).
22Marx à Lassalle, le 30 janvier 1860.
23“Lassalle tomba amoureux d’une jeune femme nommée Hélène von Dönniges lors d’un séjour dans une station thermale. Il voulut l’épouser, mais ses parents s’y opposèrent. Afin de poursuivre avec succès son père, le diplomate bavarois Wilhelm von Dönniges, pour la séquestration de sa fille, il tenta, le 16 ou 17 août 1864, de rallier le roi de Bavière Louis II à sa cause. (…) Lassalle décida alors de se rendre en Suisse et de défier Wilhelm von Dönniges en duel. En tant que membre d’une société aristocratique, Lassalle demanda réparation au père d’Hélène, membre d’un autre club aristocratique. Le père, âgé de 50 ans, chargea alors le fiancé de sa fille, le boyard roumain, Janko von Racowitza, de l’affronter en duel en son nom.
Le duel eut lieu le matin du 28 août 1864 dans la banlieue genevoise de Carouge. L’assistant de Lassalle était Wilhelm Rüstow. À 7h30, les adversaires s’affrontèrent au pistolet. Racowitza tira le premier et toucha Lassalle à l’abdomen. Trois jours plus tard, le 31 août 1864, Ferdinand Lassalle mourut à Carouge à 39 ans”. On pourrait banaliser le fait de se battre en duel comme un comportement machiste typique des aristocrates ou, comme dans le cas de Lassalle, des bourgeois. Sa culture des rivalités intenses dans sa jeunesse (parce qu’à l’âge de 12 ans, il sollicita pour la première fois une demande de se battre en duel pour une jeune fille de 14 ans) pouvait encore être mise sur le compte d’un zèle pubère. Mais pour un adulte de 39 ans qui faisait semblant devant les ouvriers de poursuivre des objectifs révolutionnaires, vouloir éliminer un “concurrent” en duel tout en mettant sa propre vie en danger, était une grave perversion contre les objectifs de la classe ouvrière.
24Engels à Marx, 4 septembre 1864.
25Rosa Luxemburg : Lassalle et la révolution (1904).
26Mehring, Histoire de sa vie.
27August Bebel, Ma vie.
28August Bebel, Ma vie.
29Son assistant dans ces affaires était le conseiller supérieur privé du gouvernement, Hermann Wagener. Il y avait également l’agent de police Preuß, sous les ordres de Wagener. Preuß avait dénoncé la présence de Wilhelm Liebknecht à Berlin, à l’automne 1866, à l’encontre de l’ordre de la police, ce qui valut trois mois de prison à Liebknecht. Voir A.K. Worobjowa.
30August Bebel, Ma vie.
31August Bebel, Ibid.
32Voir, par exemple, l’article de Schweitzer : “Le Ministère de Bismarck et le gouvernement des États centraux et des petits États”.
33August Bebel, Ma vie.
34“J’avais écrit à Schweitzer, il y a une dizaine de jours, qu’il devait faire front contre Bismarck, et aussi sur l’impression de flirt du Parti des Travailleurs avec Bismarck. Cette politique devait donc être abandonnée, etc. En réponse, il s’est montré encore plus disposé à pousser son flirt avec Bismarck.” (Lettres de Marx à Engels, des 3 et 18 février 1865)
35August Bebel, Ma vie.
36August Bebel, Ibid. “Les deux premières publications tests contenaient déjà beaucoup de points douteux. J’ai fait une remontrance. Et j’ai notamment exprimé mon indignation devant le fait que, dans une lettre privée que j’ai écrite à la comtesse Hatzfeldt au sujet de la mort de Lassalle, quelques mots de réconfort avaient été extraits, publiés sans ma signature et utilisés sans vergogne pour “proclamer et faire résonner” un éloge servile de Lassalle” (Marx, le 15 mars 1865).
37Dans les rapports ultérieurs des membres du parti, il est devenu évident qu’il avait détourné les fonds du parti (Bebel, Ma vie).
38August Bebel, Ma vie.
39August Bebel, Ibid.
40A.K. Worobjowa, op cit.
41August Bebel, Ma vie.
42August Bebel, Ibid.
43August Bebel, Ibid.
44August Bebel, Ibid.
45En fait, la pratique et la tradition du mouvement ouvrier exigeaient que si un ou plusieurs membres de l’organisation soupçonnent un comportement anti-organisationnel ou expriment un doute sur la crédibilité d’un autre membre, un organe spécialement désigné de l’organisation intervienne afin de mener une enquête avec la discrétion et la méthode appropriées. Un tel organe n’existait pas dans l’ADAV et la situation était d’autant plus compliquée que la personne soupçonnée était le président de l’organisation.
46August Bebel, Ma vie.
47August Bebel, Ibid.
48August Bebel, Ibid.
49August Bebel, Ibid.
50Marx à Schweitzer, 13 octobre 1868.
51August Bebel, Ma vie.
52Bebel a rapporté que les partisans de Schweitzer au moment de la guerre franco-prussienne étaient soupçonnés d’avoir attaqué l’appartement de Liebknecht. (August Bebel, Ma vie)
53Engels à Bebel, 1-2 mai 1891.
54Engels à Kautsky, 23 février 1891.
55Voir les articles dans notre Revue Internationale : n° 84, 85 et 87.
Face à la publication de notre article : “Qui est qui dans Nuevo Curso ? [5]”, qui dénonce le fricotage de l’individu nommé Gaizka avec de hauts fonctionnaires et des institutions de l’État bourgeois, ce personnage a jusqu’à présent gardé un silence absolu. No comment… Le silence est sa réponse. Nous avons du mal à croire qu’il n’ait pas entendu ce que nous disons, puisque ses amis ont immédiatement pris sa défense. (1) Mais ni les uns ni les autres n’ont apporté un seul démenti aux faits que nous exposons : rien de rien, zéro.
Ce silence est une confirmation criante de la carrière de Gaizka, celle d’un arriviste et d’un aventurier. Ils ne disent rien parce qu’il n’y a rien à dire.
Ce silence est une réaction bien connue qui ne peut que corroborer le bien-fondé de notre accusation. À cet égard Paul Frölich (2) cite une anecdote édifiante dans son autobiographie sur le comportement d’un des rédacteurs de la presse : “Il avait un instinct pour le comportement tactique. Une fois, j’ai été très surpris qu’il ne réponde pas aux attaques répétées portées contre lui par un autre journal du parti : ‘C’est très simple, avait-il déclaré. J’avais tort sur une question importante et maintenant, je les laisse aboyer jusqu’à ce qu’ils deviennent aphones et que l’histoire soit oubliée. Jusque-là, je reste sourd’.” (3)
Cependant, chaque fois que des révolutionnaires ont été accusés d’être des agents provocateurs ou de collaborer avec la bourgeoisie, ou simplement soupçonnés de comportement indigne, ils ont consacré toutes leurs énergies à le nier. Marx a passé un an à préparer un livre entier en réponse aux accusations de Herr Vogt selon lesquelles il était un agent infiltré. (4) De même, un peu plus tard avec Engels, comme on peut le voir dans leur correspondance, (5) il a participé à tous les combats nécessaires contre les tentatives de discréditer l’AIT et eux-mêmes. Bebel a été accusé d’avoir volé de l’argent dans la caisse de l’Association générale des travailleurs allemands (ADAV) et n’a eu de cesse de se battre jusqu’à ce qu’il ait pu démontrer la fausseté de ces accusations. Trotsky, complètement isolé et harcelé par Staline, a rassemblé encore assez de forces pour profiter du peu de terrain qui lui restait et convoquer la Commission Dewey (6) pour sa défense, etc.
Mais au contraire, les vrais aventuriers et provocateurs ont toujours tout fait pour s’éclipser ou se terrer afin de tenter de passer entre les mailles du filet de la vérité.
Bakounine, par exemple, face à la circulaire interne de l’AIT sur “Les prétendues scissions dans l’Internationale”, a reconnu, sous l’apparence d’un ton scandalisé, qu’il n’a pu faire autrement que d’y opposer… un silence prolongé : “Pendant deux ans et demi, nous avons enduré en silence cette agression immonde. Nos calomniateurs ont d’abord commencé par de vagues accusations, mêlées de lâches réticences et d’insinuations venimeuses, mais en même temps si stupides que, faute d’autres raisons de se taire, le mauvais goût mêlé au mépris qu’elles avaient provoqué dans ma retraite aurait suffi à expliquer et légitimer mon silence”. (7)
C’est en vain que l’on peut chercher dans ce courrier la recherche d’un argument, qui brille par son absence. Cependant, Bakounine avait annoncé qu’il convoquerait un jury d’honneur et qu’il rédigerait un article avant le congrès de La Haye en 1872 : “D’autre part, je me suis toujours réservé le droit de convoquer tous mes calomniateurs devant un jury d’honneur, ce que le prochain Congrès ne me refusera sans doute pas… Il faut rétablir la vérité, en contribuant autant que possible à la démolition du tissu de mensonges construit par Marx et ses acolytes, tel sera le but d’une communication que j’entends publier avant la réunion du Congrès”.
Il va sans dire qu’il n’a jamais convoqué ce jury d’honneur, ni écrit le moindre article là-dessus. Au contraire, en apprenant la publication du rapport sur l’Alliance de la démocratie socialiste par l’Association internationale des travailleurs, (8) ce qu’il écrit dans une lettre du 25 septembre 1873 au Journal de Genève (en plus d’insultes contre Marx, traité à la fois de “communiste, allemand et juif”) est une capitulation : “J’avoue que tout cela m’a profondément bouleversé dans la vie publique. J’en ai assez de tout cela. Après avoir passé toute ma vie à me battre, je suis fatigué. J’ai plus de soixante ans et un problème cardiaque qui s’aggrave avec l’âge et rend mon existence de plus en plus difficile. Que d’autres jeunes se mettent au travail pour prendre la relève. Quant à moi, je ne ressens plus la force, ni peut-être la confiance, de pousser partout ce rocher de Sisyphe contre la réaction triomphante. Je me retire donc du combat, et ne demande à mes chers contemporains qu’une seule chose : l’oubli”. (9) Bakounine déploie ici aussi une autre des stratégies classiques des aventuriers, qui consiste à se présenter comme une malheureuse victime lorsque son comportement personnel est démasqué.
De la même façon, lorsque Schweitzer (10) a été accusé d’avoir volé et détourné l’argent de la caisse d’entraide aux travailleurs malades qui ne pouvaient pas continuer à travailler, pour le dépenser en champagne et en “amuse-gueules”, contrairement à Bebel, il n’a jamais été capable de se défendre : “Schweitzer a été publiquement accusé plus d’une fois de cette action ignominieuse, mais il n’a jamais osé se défendre”. (11)
De plus, lorsque Bebel et Wilhelm Liebnechkt l’ont dénoncé comme agent du gouvernement au congrès de Barmen-Elberfeld (province de Wuppertal), lui, qui était assis sur la même scène juste derrière eux, n’a pas prononcé un mot, laissant ses acolytes proférer des insultes et des menaces : “Nos discours contenaient un résumé de toutes les accusations que nous avions portées contre Schweitzer. Il y a eu plusieurs interruptions violentes, surtout lorsque nous l’avons accusé d’être un agent du gouvernement ; mais j’ai refusé de retirer quoi que ce soit… Schweitzer, qui était assis derrière nous lorsque nous avons parlé, n’a pas prononcé une seule parole. Nous sommes partis aussitôt protégés par certains délégués contre les assauts des défenseurs fanatiques de Schweitzer, au milieu d’une tempête d’imprécations et d’insultes comme “laquais !”, “traîtres !”, “coquins !”, etc. À la porte, nous avons retrouvé nos amis qui nous ont escortés sous leur protection jusqu’à ce que nous arrivions à l’hôtel en toute sécurité”. (12)
On peut encore citer l’exemple historique de Parvus, accusé par Gorki d’avoir extorqué de l’argent sur les recettes de sa pièce de théâtre Les Bas-fonds en Allemagne, dénoncé comme aventurier et social-patriote par Trotsky, (13) qui avait été son ami, rejeté par Rosa Luxemburg, Clara Zetkin et Leo Jogiches, pour avoir essayé de se vendre à l’impérialisme allemand, et que Lénine a empêché de retourner à Petrograd après la révolution, parce qu’il avait “les mains sales” ; et qui n’a jamais pris la peine de se défendre contre toutes ces accusations, laissant à d’autres (Radek, en particulier) le soin de le défendre dans le milieu des exilés en Suisse.
Et on pourrait continuer : Lassalle, Azev…, etc. ont tous essayé de faire oublier les accusations portées contre eux en dressant un mur de silence, de disparaître ou, comme Parvus, de faire semblant de rien.
Mais il n’est pas nécessaire de remonter si loin. En 2005, nous avons pu voir comment le “citoyen B”, qui s’est proclamé “à l’unanimité” (puisqu’il ne s’agissait que de lui) “Cercle des communistes internationalistes” d’Argentine se mettant au service de la FICCI (14) (aujourd’hui : Groupe international de la gauche communiste – GIGC) pour dénigrer le CCI, mais a déserté le forum dès que nous avons dénoncé son imposture. (15)
Il y a aussi d’autres exemples de silence assourdissant lorsque le CCI a dénoncé des aventuriers dans ses rangs. Tel fut le cas de la découverte des manigances et de la sanction du militant connu sous le nom de Simon, (16) à laquelle il répondit par un silence obstiné qui provoqua même une “Résolution sur le silence du camarade Simon”, qui disait : “Depuis que le camarade Simon s’est retiré de la vie du CCI à la fin du mois d’août 1994, il n’a jamais accédé à la demande de l’organisation de faire connaître par écrit les désaccords qu’il avait avec ses analyses et ses prises de position, ce qui, selon lui, a motivé en partie son retrait… Ce silence de Simon est d’autant plus inadmissible qu’il avait des désaccords fondamentaux avec les deux résolutions adoptées par la réunion élargie du Secrétariat international le 3 décembre 1994”.
Mais ce silence obstiné des aventuriers et des éléments troubles lorsqu’ils sont pris en flagrant délit n’est pas seulement une confirmation des accusations portées contre eux ou une manière de tenter de se faire oublier, c’est aussi une stratégie pour que d’autres prennent leur défense à leur place.
Si Gaizka n’a pas ouvert la bouche depuis que nous avons publié notre mise en accusation, ses amis n’ont pas perdu de temps pour prendre sa défense. C’est ainsi que le GIGC a publié quatre jours plus tard une déclaration : “Nouvelle attaque du CCI contre le camp prolétarien international. Nous ne sommes pas surpris qu’un groupe de parasites au comportement de gangsters et de voyous vienne prendre la défense d’un aventurier. Il a déjà fait la même chose en 2005 en prenant la cause du citoyen argentin B. Peut-être devrions-nous commencer à penser que le GIGC a des pouvoirs prémonitoires puisqu’il a publié et distribué un communiqué du “Círculo” d’Argentine, avant que le citoyen B ne le publie sur son site web. Le malheur de l’affaire est qu’à l’époque, le GIGC (alors FICCI) avait dupé le BIPR (17) (maintenant TCI) qui, bien que discrètement, sans prendre directement la parole, avait publié les communiqués de la FICCI et du “citoyen B” dénigrant le CCI en encourageant ainsi les comportements indignes de la part de ces deux larrons.
Bien entendu, le GIGC n’apporte dans son communiqué aucun démenti de ce que nous dénonçons dans notre article, à l’exception de la déclaration selon laquelle “ils n’ont rien remarqué” : “nous devons souligner qu’à ce jour, nous n’avons constaté aucune provocation, manœuvre, dénigrement, calomnie ou rumeur, lancée par les membres de Nuevo Curso, même à titre individuel, ni aucune politique de destruction contre d’autres groupes ou militants révolutionnaires”. Déclaration sur laquelle nous ne nous arrêterons même pas une seconde.
En réalité, l’objectif du communiqué est uniquement d’attaquer le CCI, car ce serait lui “qui a développé ces pratiques sous le couvert de sa théorie de la décomposition et du parasitisme et qui y revient maintenant”. D’autre part, le CCI tomberait “dans le domaine pourri de la personnalisation des questions politiques”.
Le site Pantópolis du Docteur Bourrinet (18) a immédiatement reproduit l’article précédé d’une introduction qui concurrence et même dépasse le GIGC en propos haineux contre le CCI.
L’autre groupe qui a condamné notre déclaration sur Gaizka est le GCCF, (19) qui a déclaré (20) : “nous ne pouvons que condamner cet assemblage scandaleux et immoral de ragots personnalisés et complètement en dehors d’un terrain politique”. (21)
En bref, deux récriminations : 1) que ce n’est pas Gaizka, mais le CCI qui se comporterait de manière indigne du prolétariat, ferait preuve de dénigrement et de provocation ; 2) que dans notre dénonciation, les questions politiques sont remplacées par des questions personnelles.
Ce n’est pas la première fois que, face à la rigueur dans la défense du milieu prolétarien et à la dénonciation de comportements indignes, les organisations révolutionnaires sont attaquées avec des calomnies sur leur “autoritarisme” et leurs “manœuvres”, comme si elles employaient les mêmes moyens que les aventuriers et les provocateurs découverts. Ce fut le cas à l’AIT : “Consciente du danger historique que les leçons tirées par la 1re Internationale représentaient pour ses propres intérêts de classe, la bourgeoisie, en réponse aux révélations du Congrès de La Haye, fit tout ce qui était en son pouvoir pour discréditer cet effort. La presse et les politiciens bourgeois déclarèrent que le combat contre le bakouninisme n’était pas une lutte pour des principes mais une lutte sordide pour le pouvoir au sein de l’Internationale. Ainsi, Marx était censé avoir éliminé son rival Bakounine au travers d’une campagne de mensonges. En d’autres termes, la bourgeoisie essaya de convaincre la classe ouvrière que ses organisations utilisaient les mêmes méthodes fonctionnaient exactement de la même manière que celles des exploiteurs et donc n’étaient pas meilleures. Le fait qu’une grande majorité de l’Internationale appuya Marx fut rabaissé au ‘triomphe de l’esprit de l’autoritarisme’ dans ses rangs et à la prétendue tendance à la paranoïa de ses membres à voir des ennemis de l’Association cachés partout. Les bakouninistes et les lassalliens firent même courir des rumeurs selon lesquelles Marx était un agent de Bismarck”. (22)
Bakounine lui-même n’a pas hésité à présenter la lutte de l’Internationale pour la défense de ses statuts et de son fonctionnement contre l’esprit sectaire et ses intrigues comme une “lutte entre sectes” : ainsi, dans Lettre aux frères d’Éspagne, Bakounine se plaint que la résolution de la Conférence de Londres (1872) contre les sociétés secrètes n’a en fait été adoptée par l’Internationale que “pour ouvrir la voie à leur propre conspiration pour la société secrète qui existe depuis 1848 sous la direction de Marx, qui a été fondée par Marx, Engels et Wolff maintenant décédé, et qui n’est rien d’autre qu’une société quasiment exclusivement allemande de communistes autoritaires. […] Il faut reconnaître que la lutte qui s’est engagée dans l’Internationale n’est rien d’autre qu’une lutte entre deux sociétés secrètes”. (23)
Dans la vision du monde d’éléments comme Bakounine, le GIGC ou Gaizka, il n’y a pas de place pour l’honnêteté, les principes d’organisation ou la morale prolétarienne ; ils ne font que projeter sur les autres leur propre façon de se comporter. Comme le dit la sagesse populaire, “le voleur croit que chacun agit comme lui”.
Cependant, “ce qui est plus grave et beaucoup plus dangereux, c’est que de telles infamies trouvent un certain écho dans les rangs du milieu révolutionnaire lui-même. Ce fut le cas, par exemple, dans la biographie de Marx par Franz Mehring. Dans ce livre, Mehring, qui appartenait à l’aile gauche combative de la Deuxième Internationale, déclare que la brochure du Congrès de La Haye contre l’Alliance était ‘impardonnable’ et ‘indigne de l’Internationale’. Dans son livre, Mehring défend non seulement Bakounine, mais aussi Lassalle et Schweitzer, contre les “accusations de Marx et des marxistes”. (24)
Le discrédit qu’a jeté Mehring sur la lutte marxiste contre le bakouninisme et le lassallisme a eu des effets dévastateurs sur le mouvement ouvrier dans les décennies suivantes, car il a non seulement conduit à une certaine réhabilitation d’aventuriers politiques comme Bakounine et Lassalle, mais il a surtout permis à l’aile opportuniste de la social-démocratie d’avant 1914 d’effacer les leçons des grandes luttes pour la défense de l’organisation révolutionnaire des années 1860 et 1870. Ce fut un facteur décisif dans la stratégie opportuniste visant à isoler les bolcheviks dans la Deuxième Internationale, alors qu’en fait leur lutte contre le menchevisme appartient à la meilleure tradition de la classe ouvrière. La Troisième Internationale a également souffert de l’héritage de Mehring. Ainsi, en 1921, un article de Stoecker (“Sur le bakouninisme”), également basé sur les critiques de Mehring à l’égard de Marx, a justifié les aspects plus dangereux et aventureux de la soi-disant Action de mars 1921 du KPD (parti communiste allemand) en Allemagne. (25) Le fait que le BIPR se soit laissé entraîner derrière la FICCI et le “citoyen B” en 2005 a également donné des ailes au parasitisme, rendant plus difficile la lutte contre celui-ci et sa dénonciation dans le milieu prolétarien.
Mais venons-en à la deuxième accusation, celle de la personnalisation des questions politiques. Pour commencer, notre accusation n’était pas basée sur la diffusion d’histoires sur la vie privée, mais sur la mise en lumière d’un comportement politique public, qui est largement documenté. Ce que nous avons exposé sur Gaizka sont des faits qui appartiennent à la sphère de l’activité publique des politiciens bourgeois, et donc ils devraient être soigneusement pris en compte par les militants communistes. Que faisait dans le domaine de la Gauche communiste un individu qui avait fréquenté à plusieurs reprises les cercles politiques de haut niveau de l’État bourgeois ?
Maintenant, en second lieu, il y a des faits “privés” (intrigues, manœuvres, contacts secrets, relations obscures, etc.) qui doivent être connus afin de comprendre et de pouvoir dénoncer les actions destructrices contre le prolétariat ou contre les organisations révolutionnaires. Les dénoncer n’a rien à voir avec des ragots.
Plutôt que d’y répondre nous-mêmes, nous laisserons Engels le faire. Dans l’un des nombreux articles que Marx et lui-même ont dû écrire pour défendre l’AIT, accusée par toute la presse bourgeoise, par les agents provocateurs et les partisans de Bakounine. Interrogé par des militants eux-mêmes indécis, Engels répond à un article de Pyotr Lavrov (26) dans son journal Vpered (En Avant !)27, qui remettait en cause le rapport de la commission du Congrès de La Haye sur “L’Alliance de la démocratie socialiste et l’AIT” (28) parce que ce ne serait qu’une “féroce querelle sur des questions purement personnelles et privées avec des informations qui ne peuvent provenir que de ragots”.
Voici ce qu’il répondait : “La principale accusation [contre le rapport sur l’Alliance], cependant, est que le rapport est rempli de questions personnelles dont la véracité ne pourrait pas être établie par les auteurs, car ils ne pouvaient les recueillir que par des ragots. Il ne nous est pas dit comment ‘l’ami Pierre’ (29) sait qu’une organisation comme l’Internationale, dont les organes officiels sont répartis dans le monde entier, ne pourrait recueillir les faits que par des commérages. Sa déclaration est en tout cas extrêmement faite à la légère. Les faits en question sont étayés par des preuves authentiques et les personnes concernées ont pris soin de ne pas y répondre.
Mais ‘l’ami Pierre’ est d’avis que les questions sur la vie privée, comme les lettres personnelles, sont sacrées et ne devraient pas être publiées dans les débats politiques. Accepter la validité de cet argument en quelques termes que ce soit revient à rendre impossible d’écrire sur l’histoire. Donc, si l’on décrit l’histoire d’une bande de gangsters comme l’Alliance, dans lequel on trouve bon nombre d’escrocs, d’aventuriers, de voleurs, d’espions de la police, de fraudeurs et de lâches, ainsi que sur ceux qui ont été abusés par eux, faut-il falsifier cette histoire en dissimulant sciemment les vilenies individuelles de ces Messieurs comme des ‘affaires privées’ ?
Cependant, lorsque le rédacteur de Vpered décrit le rapport comme une compilation maladroite de questions essentiellement privées, il commet un acte difficile à caractériser. Quiconque peut écrire une telle chose soit n’a pas du tout lu le rapport en question, soit est trop borné ou trop partial pour le comprendre, soit il écrit délibérément quelque chose qu’il sait être faux. Personne ne peut lire ‘Un complot contre l’internationale’ sans être convaincu que les questions privées intercalées en sont la partie la plus significative, qu’elles sont des illustrations pour donner une image plus détaillée des personnages impliqués, et qu’elles ne pourraient être supprimées sans remettre en cause le point principal du rapport. L’organisation d’une société secrète dans le seul but est de soumettre le mouvement ouvrier en Europe à la dictature cachée de quelques aventuriers, les infamies commises dans ce but, notamment par Necthaiev en Russie – c’est le thème central du rapport, et maintenir que tout tourne uniquement autour de questions privées est pour le moins irresponsable”. (30)
Le silence aigri de Gaizka est une confirmation de sa collaboration avec l’État bourgeois que nous dénonçons. Son activité au service des libéraux puis du PSOE, (31) ses contacts avec la Gauche communiste et sa disparition lors de l’enquête sur les aspects problématiques de son comportement pour un militant communiste, (32) constituent la trajectoire d’un aventurier.
L’aspiration d’un groupe formé autour de cet élément à être considéré comme faisant partie de la Gauche communiste, si elle devait se réaliser même occasionnellement, signifierait l’introduction d’un cheval de Troie dont le but ne pourrait pas être autre que de déformer et de saper l’héritage de la tradition prolétarienne et ses principes programmatiques et organisationnels représentés par les organisations de la Gauche communiste. Et ce, même indépendamment de l’honnêteté des autres membres du groupe Gaizka qui peuvent être trompés.
Dans ce sens, et toutes proportions gardées, tout comme Bakounine, comme le dit Engels, voulait imposer sa dictature à l’Internationale, qui regroupait le mouvement ouvrier en Europe, Gaizka veut être, également en se cachant sous la couverture d’un groupe (Nuevo Curso) où il peut y avoir également des éléments éventuellement dupés, comme une référence de la Gauche communiste, surtout pour de jeunes éléments en recherche de positions politiques prolétariennes. Mais son prétendu lien avec la Gauche communiste ne peut que semer la confusion avec les positions de cette dernière en faisant passer les principes et les méthodes aventureuses de la gauche bourgeoise ou du stalinisme pour des positions de la Gauche communiste.
Dans cette entreprise criminelle, Gaizka a le soutien organisé du groupe de parasites et de voyous du GIGC, qui le présente précisément comme un champion du regroupement ; mais il bénéficie aussi du consentement tacite d’autres groupes du milieu prolétarien qui restent muets face à leurs initiatives.
CCI, 11 avril 2020
1 Nous nous référons ici au Groupe International de la Gauche Communiste (GIGC) et au site web de Monsieur Bourrinet : Pantópolis. Nous y reviendront par la suite.
2 Membre de la Gauche de Brême pendant les luttes révolutionnaires en Allemagne. Il fut aussi le délégué envoyé par les Communistes Internationalistes d’Allemagne (IKD) au Congrès de fondation du Parti Communiste d’Allemagne (KPD).
3 Paul Frölich, “Im radikalen Lager” Politische Autobiografie 1890-1921, chapitre : “Leipzig”, Berlin (2013), p. 51 : “He had an instinct for tactical behaviour. Once I was very surprised that he did not respond to repeated attacks from another party newspaper. ‘Very simply’, he said, ‘I was wrong about one important point. Now I let them bark until they are hoarse and history is forgotten. Until then I'm deaf’.”
Il s’agit de Paul Lensch (1873-1926), un personnage douteux par rapport au mouvement ouvrier, qui avait travaillé avec Frölich comme rédacteur talentueux dans le journal social-démocrate Leipziger Volkszeitung, et qu’il avait lui-même caractérisé comme “un bouledogue au corps massif et aux pattes fortes, capable de mordre sans pitié […] qui se plaisait à croire qu’il avait l’élégance de Mehring, mais dont le caractère brutal finissait toujours par apparaître. Un fanfaron manœuvrier […] sans rien qui puisse le relier en son for intérieur à la classe ouvrière”. Il était aussi capable d’adopter une “position politique juste” si cela servait son carriérisme ; en 1910, il faisait partie de l’aile gauche de la social-démocratie mais en jouant un rôle trouble dans l’affaire Radek, ensuite il était présent dans l’appartement de Rosa Luxemburg, la nuit du 4 août 1914 (avec les opposants à la guerre impérialiste) et, peu de temps après, en 1915, on le retrouva avec l’extrême-droite de la social-démocratie comme défenseur, aux côtés de Cunow et de Haenish, du “socialisme de guerre” (qui défendait la guerre avec une argumentation “marxiste”) dans la revue Die Glocke de Parvus, entre autres. Lensch n’était pas simplement un social-démocrate qui s’était laissé entraîner par la droite pour finir par trahir le prolétariat ; tout en étant un élément sans aucune conviction militante et n’ayant pas la moindre confiance en la classe ouvrière, il était avant tout un carriériste malhonnête qui se cachait derrière une façade marxiste et qui était capable de garder le silence quand il l’estimait nécessaire à ses intérêts.
4 Dans ce livre, qui lui a coûté un an de travail, Marx s’est non seulement défendu contre les accusations crapuleuses de Vogt, mais il a également pris la défense de la Ligue des Communistes, même si cette dernière avait déjà disparu. Cependant, défendre la tradition que cela représentait, le Manifeste communiste, les principes d’organisation, la continuité du mouvement ouvrier, était d’une importance vitale, contrairement à tous ceux qui considèrent que Marx aurait perdu son temps sur des détails, ou même y aurait sacrifié la clarté de son jugement politique et son dévouement désintéressé à la lutte du prolétariat.
5 Source : Marx/Engels Collected Works, (2010) Lawrence & Wishart Electric Book, Vol. 24.
6 Étant donné que Staline avait écrasé et laminé tout vestige des milieux ouvriers de la période révolutionnaire, la Commission devait être composée de membres du milieu intellectuel et de la culture reconnus pour leur indépendance d’opinion et leur intégrité. Dewey était l’un d’entre eux. Les sessions de la commission ont eu lieu au Mexique.
7 En espagnol : Jacques Freymond, La Primera Internacional, Ed. ZERO (1973), p. 355.
8 Une commission d’enquête fut chargée d’élaborer le rapport pour le Congrès de La Haye de l’AIT (1872). Après avoir entendu et discuté le rapport, le Congrès prit la décision d’exclure Bakounine et certains de ses disciples de l’Internationale.
9 Source en portugais, traduit par nous : Bakunin por Bakunin – Lettres. “Lettre au Journal de Genève” ("Biblioteca Virtual Sit Inn") : “o Sr. Marx, o chefe dos comunistas alemães, que, sem dúvida por causa de seu tríplice caráter de comunista, alemão e judeu, me odiou”.“Eu vos confesso que tudo isso me enojou profundamente da vida pública. Estou farto de tudo isso. Após ter passado toda minha vida na luta, estou cansado. Já passei dos sesenta anos, e uma doença no coração, que piora com a idade, torna minha existência cada vez mais difícil. Que outros mais jovens ponham-se ao trabalho. Quanto a mim, não sinto mais a força, nem talvez a confiança necessária para empurrar por mais tempo a pedra de Sysipho contra a reação triunfante em todos os lugares. Retiro-me, pois, da liça, e peço a meus caros contemporâneos apenas uma coisa : o esquecimento”.
10 Voir l’article sur notre site internet : “Lassalle et Schweitzer : la lutte contre les aventuriers politiques dans le mouvement ouvrier [7]”.
11 Bebel, My Life, The University of Chicago press, The Baker & Taylor co., New York, p. 152. Texte original en anglais, traduit par nous : “Schweitzer was more than once publicly accused of this shameful action, but he never dared to defend himself”.
12 Ibid., p. 156 : “Our speeches contained a summary of all the accusations we had levelled against Schweitzer. There were several violent interruptions, especially when we accused him of being a Government agent ; but I refused to withdraw anything… Schweitzer, who sat behind us when we spoke, did not utter a Word in reply. We left at once, some of the delegates guarding us against assault from the fanatical supporters of Schweitzer, amid a storm of imprecations, such as “Knaves !” “Traitors !” “Rascals !” and so forth. At the doors our friends me thus and took us under their protection, escorting us in safety to our hotel”.
13 Voir dans Nashe Slovo nº 2 : “Epitaphy for a living friend”.
14 La prétendue “Fraction interne du CCI” est un groupe parasite qui a été exclu du CCI en refusant de défendre ses positions et ses agissements devant la Commission d’investigation nommée par le 15e congrès du CCI. L’un de ses membres éminents, connu sous le nom de Jonas, avait été expulsé auparavant pour un comportement indigne d’un militantisme révolutionnaire.
Voir : “Conférence extraordinaire du CCI : Le combat pour la défense des principes organisationnels [10]” et “Fraction interne du CCI : Tentative d’escroquerie vis-à-vis de la Gauche communiste [19]”.
15 Voir : “Communiqué à nos lecteurs : le CCI attaqué par une nouvelle officine de l’État bourgeois [26]”.
16 Simon a été exclu au 11e Congrès du CCI pour comportements incompatibles avec le militantisme communiste.
17 Bureau Internacional pour le Parti Révolutionnaire, héritier de la tendance Damen du Parti communiste internationaliste, actuellement Tendance Communiste Internationaliste (TCI).
18 Voir notre article : “Conférence-débat à Marseille sur la Gauche communiste : le Docteur Bourrinet, un faussaire qui se prétend historien [72]”.
19 Gulf Coast Communist Fraction.
20 Nous devons préciser ici que nous n’avons nullement l’intention de mettre sur le même plan le GIGC/Bourrinet et la GCCF. Le GIGC est un groupe parasite qui n’existe que pour attaquer le CCI. Même si nous avions publié un article pour dénoncer Mata Hari, ils diraient qu’ils “n’ont rien remarqué”, pour pouvoir passer directement à l’attaque contre nous. On peut dire la même chose de Bourrinet. La GCCF est un jeune groupe sans expérience et en quête de clarification, sensible aux basses flatteries de Gaizka et du GIGC/Bourrinet.
21 Traduit par nous de l’anglais : “we have nothing but condemnation for this egregious and immoral hit-piece of personalized gossips completely removed from a political terrain”.
22 “Questions d’organisation (partie IV) : la lutte du marxisme contre l’aventurisme politique”, Revue Internationale n° 88.
23 Ibid.
24 Ibid.
25 Voir la note 2.
26 Vpered (En Avant !) était un journal en russe édité en Grande-Bretagne, de tendance narodniki (populiste).
27 Lavrov Pyotr Lavrovich (1823-1900) philosophe, sociologue et journaliste russe se rattachant à la branche populiste ; il fut membre de la Ie Internationale et participa à la Commune de Paris.
28 En Allemagne, le rapport a été traduit sous le titre “Un complot contre l’Internationale” et c’est pour cela que dans les œuvres citées en langue anglaise, Engels fait référence sous cette dénomination au rapport de la commission d’investigation de La Haye, au lieu du titre “L’Alliance de la Démocratie Socialiste et l’Association Internationale des Travailleurs”, mais il s’agit bien du même rapport.
29 Engels fait ici référence à Pyotr Lavrov, mais comme il l’explique au début de l’article, afin de respecter l’anonymat que celui-ci lui demandait de respecter scrupuleusement et dont il se moque, puisque le vrai nom de l’éditeur de Vpered était bien connu, tant en Grande-Bretagne qu’en Russie, il désigne donc l’auteur sous le sobriquet de “l’ami Pierre”, un prénom très courant en Russie.
30 Engels, Refugiee Literature III, Marx/Engels Collected Works (2010), Lawrence & Wishart Electric Book, Vol. 24, pp. 21-22 (traduit de l’anglais par nous) : “The main charge, however, is that the report is full of private matters the credibility of which could not have been indisputable for the authors, because they could only have been collected by hearsay. How Friend Peter knows that a society like the International, which has its official organs throughout the civilised world, can only collect such facts by hearsay is not stated. His assertion is, anyway, frivolous in the extreme. The facts in question are attested by authentic evidence, and those concerned took good care not to contest them. But Friend Peter is of the opinion that private matters, such as private letters, are sacred and should not be published in political debates. To accept the validity of this argument on any terms is to render the writing of all history impossible.
Again, if one is describing the history of a gang like the Alliance, among whom there is such a large number of tricksters, adventurers, rogues, police spies, swindlers and cowards alongside those they have duped, should one falsify this history by knowingly concealing theindividual villainies of these gentlemen as “private matters”?… When, however, the Forward describes the report as a clumsy concoction of essentially private facts, it is committing an act that ishard to characterise. Anyone who could write such a thing had either not read the report in question at all ; or he was too limited or prejudiced to understand it ; or else he was writing something he knew to be incorrect. Nobody can read the “Komplott gegen die Internationale” without being convinced that the private matters interspersed in it are the most insignificant part of it, are illustrations meant to provide a more detailed picture of the characters involved, and that they could all be cut without jeopardising the main point of the report. The organisation of a secret society, with the sole aim of subjecting the European labour movement to a hidden dictatorship of a few adventurers, the infamies committed to further this aim, particularly by Nechayev in Russia – this is the central theme of the book, and to maintain that it all revolves around private matters is, to say the least, irresponsible”.
31 Partido Socialista Obrero Español (social-démocrate), actuellement au pouvoir.
32 Voir : “Qui est qui dans Nuevo Curso ? [5]”.
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/revue-internationale/201409/9119/conference-internationale-extraordinaire-du-cci-nouvelle-notre-disp
[2] https://fractioncommuniste.org/ficci_fra/b27/b27-4.php
[3] https://igcl.org/Comment-lutter-contre-l
[4] https://fr.internationalism.org/content/9961/nuevo-curso-et-gauche-communiste-espagnole-quelles-sont-origines-gauche-communiste
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