Soumis par Revue Internationale le
Présentation
- La guerre d'Espagne de 1936-39 devait être une épreuve décisive pour les groupes de gauche issus de la 3ème Internationale passée définitivement dans le camp de la bourgeoisie. Commencée comme une riposte foudroyante et spontanée des masses ouvrières contre le soulèvement de 1'Etat-major de l'armée sous la conduite de Franco, cette riposte de classe s'est vue rapidement déviée et dévoyée de son terrain de classe, avec l'aide de la "gauche", des partis socialiste et stalinien et aussi des anarchistes de la FAI et des syndicalistes de la CNT, pour se transformer en une guerre capitaliste.
Que les partis socialistes et staliniens exaltent la campagne pour la guerre et prennent leur place à la tête de celles-ci n'a rien de surprenant. Passés depuis longtemps dans le camp du capitalisme, ces partis "ouvriers" ne font qu'accomplir leur tâche ; la guerre n'étant rien d'autre que la continuation de la politique de défense des intérêts du capital national sous une autre forme. Par leur passé "ouvrier" et "socialiste", ces partis sont aussi les mieux placés parmi les forces politiques de la bourgeoisie pour mystifier la classe ouvrière, la détourner de sa lutte et l'embrigader dans le massacre impérialiste.
Concernant ces grands partis de la gauche, leur prise de position en faveur de la guerre et leur participation à sa direction est donc tout à fait dans l'ordre des choses. C'est le contraire qui aurait pu être une surprise incompréhensible. Mais comment comprendre que des courants comme les anarcho-syndicalistes, la CNT, ou celui des trotskystes et, derrière eux, la grande majorité des groupes de gauche, ont pu tomber et être pris dans le tourbillon de la guerre ? Les Uns allaient jusqu'à participer dans le gouvernement de défense nationale (Républicain) comme la CNT et le POUM ; les autres, quoique s'opposant à la participation gouvernementale (les trotskystes), ne prêchaient pas moins la participation à la guerre au nom d'un front unique antifasciste aussi large que possible. D'autres, plus radicaux, marchaient dans la guerre au nom de la résistance antifasciste OUVRIERE ; d'autres encore, au nom de l'ennemi n°l à abattre (Franco) sur le front de la guerre, pour mieux pouvoir faire ensuite, après la victoire (? !), la lutte de classe ouvrière. Il y en eut même pour considérer que l'Etat dans la zone républicaine avait complètement disparu ou qu'il n'était plus qu'une simple façade ayant perdu toute signification.
Dans leur immense majorité, ces groupes de gauche qui avaient, durant des années, trouvé la force et leur raison d'être dans la résistance à la dégénérescence des PC et de l'internationale Communiste, ces groupes qui combattaient sans merci le stalinisme au nom de l'Internationalisme prolétarien, se sont cependant laissés happer dans l'engrenage de la guerre par les évènements d'Espagne. Ce fut souvent à contrecoeur il est vrai, émettant beaucoup de critiques et pas mal de réserves, s'accrochant à toutes sortes de justifications fallacieuses pour calmer leurs propres angoisses, que ces groupes ont quand même marché et justifié leur soutien actif à la guerre d'Espagne. Pourquoi ?
Il y avait tout d'abord le phénomène fasciste. Ce problème n'a jamais été clairement et correctement posé ni analysé à fond dans l'Internationale Communiste qui l'a rapidement noyé dans un fatras de considérations de tactique et de manoeuvres savantes de Front Unique. La différence de formes de la dictature bourgeoise Démocratie et Fascisme devenait peu à peu un antagonisme fondamental de la société se substituant à celui d'opposition historique de classe : Prolétariat/Bourgeoisie. Les frontières de classe se trouvaient ainsi complètement escamotées et confondues : Démocratie devenait le terrain de mobilisation du prolétariat, Fascisme un synonyme de capitalisme. Dans cette nouvelle figuration de la division dans la société, le terrain historique du prolétariat, la lutte pour le communisme disparaissait définitivement et il ne restait à la classe ouvrière d'autre choix que de servir d'appendice à l'un ou à l'autre clans de la bourgeoisie, la répugnance et la haine naturelle des ouvriers contre la répression barbare et sans gants des bandes sanglantes du fascisme se prêtaient et ont été remarquablement exploitées par toutes les forces dites démocratiques du capital pour dévoyer le prolétariat, en fixant ses yeux sur un "ennemi principal" pour mieux lui faire oublier que ce n'était là qu'un élément d'une classe qui, face à lui, reste toujours unie en tant que classe ennemie.
L'antifascisme, comme entité se substituant à 1'anticapitalisme, comme front immédiat privilégié de la lutte contre le capitalisme, était devenu la meilleure et la plus précieuse plateforme pour engloutir le prolétariat dans les sables mouvants du capitalisme, et c'est dans ces mêmes sables que se sont laissés entraîner la majorité des groupes de gauche pour s'y perdre. Si des militants isolés ont pu se retrouver après la guerre, il n'en fut pas de même pour les groupes politiques tels l'Union Communiste en France, le Groupe Internationaliste de Belgique, le GIC en Hollande, la minorité de la Fraction Italienne et tant d'autres dont aucun n'a pu se sauver du naufrage.
Une autre pierre d'achoppement sur laquelle devaient trébucher ces groupes de gauche, résidait dans leur compréhension incomplète de la signification profonde, historique, de la guerre dans la phase de déclin du capitalisme. Ils ne voyaient dans la guerre que la seule motivation immédiate, contingente, d'affrontement inter impérialiste. Ils ne percevaient pas qu'au-delà de ces déterminations immédiates et directes, les guerres impérialistes de notre période, expriment l'impasse historique à laquelle est parvenu le système capitaliste comme tel. A ce stade, la seule solution possible aux contradictions devenues insurmontables est leur dépassement par la révolution communiste. A défaut de cette solution, la société s'engage dans un mouvement inexorable de décadence et d'autodestruction. La guerre impérialiste se présente ainsi comme l'unique alternative à la révolution. Ce caractère historique d'un mouvement de destruction et d'autodestruction, en opposition directe à la révolution, marque désormais toutes les guerres actuelles, quelle que soit la forme qu'elles prennent, guerres locales ou guerre généralisée, guerres soi-disant anti-impérialistes, d'indépendance ou de libération nationale, guerre de la démocratie contre le totalitarisme, ou encore qu'elles se présentent à l'intérieur même d'un pays sous la forme de fascisme ou d'anti-fascisme.
Deux groupes, pour s'être solidement ancrés sur le terrain de classe et du marxisme, ont su ne pas succomber à cette double épreuve que constituait la guerre d'Espagne de 1936-39 : les Fractions Italienne et Belge de la Gauche Communiste. Malgré bien des faiblesses, leur oeuvre reste une contribution sérieuse au mouvement révolutionnaire et constitue encore aujourd'hui une source précieuse de réflexion théorique pour les militants. Ils se savaient condamnés au pire des isolements mais leurs convictions ne fléchissaient pas car ils savaient que tel est le lot inévitable de tout groupe authentiquement révolutionnaire dans une période de défaite et de recul du prolétariat débouchant dans la guerre. Et alors que le bruit assourdissant des canons et des bombes de la guerre en Espagne étouffait la faible voix révolutionnaire de la Gauche Communiste, parvenait de l'autre bout du monde, d'un "groupe de travailleurs marxiste", du Mexique, un manifeste que Bilan saluait chaleureusement comme un "rayon de lumière".
C'est à la lumière noire de la guerre d'Espagne qu'un groupe de révolutionnaires, en partie en rupture avec le trotskisme, retrouve le chemin de classe et se constitue pour dénoncer la guerre impérialiste, pour dénoncer tous les pourvoyeurs conscients ou non, pour appeler les ouvriers à rompre avec ces répugnantes alliances de classes des fronts de guerre anti-fascistes. Particulièrement difficile était l'effort de constitution de ce groupe révolutionnaire, tragiquement isolé dans un pays lointain comme le Mexique, soumis à la lourde répression de l'Etat démocratique, attaqué de toutes parts et particulièrement par les trotskystes qui ont déchaîné contre lui une furieuse campagne d'immondes calomnies et de dénonciation policière. Partant de l'opposition à la guerre "antifasciste" d'Espagne, ce groupe a rapidement senti la nécessité impérieuse de remonter le cours de l'histoire et de soumettre à un examen critique et théorique toutes les positions, postulats et pratique des mouvements trotskystes et assimilés.
Sur bien des questions fondamentales, nous partageons avec lui la même démarche et les mêmes conclusions politiques, et tout particulièrement sur la période de décadence et la question nationale. Nous saluons en eux nos prédécesseurs et un moment de la continuité historique du programme du prolétariat. En publiant une première série de documents de ce groupe, nous montrons la vie et la réalité de cette continuité politique en mouvement. Ces documents, archi-ignorés dans le mouvement, trouveront, nous en sommes sûrs, un vif intérêt chez tous les militants révolutionnaires, car ils apportent de nouveaux éléments à la connaissance et à la réflexion des problèmes de la révolution prolétarienne.
Dans un prochain numéro, nous proposons de publier deux textes théoriques de ce groupe, l'un portant sur les nationalisations, l'autre sur la question nationale.
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Le massacre de Barcelone : Une leçon pour les ouvriers du Mexique !
- Au Mexique, ne doit pas se répéter l'échec subi par les travailleurs d'Espagne. Chaque jour, on nous dit que nous vivons dans une république démocratique, que nous avons un gouvernement ouvrier, que ce gouvernement est la meilleure défense contre le fascisme.>
Les travailleurs d'Espagne croyaient qu'ils vivaient dans une république démocratique, qu'ils avaient un gouvernement ouvrier, que ce gouvernement était la meilleure défense contre le fascisme.
Alors que les travailleurs n'étaient pas sur leurs gardes et qu'ils avaient plus de confiance dans le gouvernement capitaliste que dans leurs propres forces, les fascistes, au vu et au su du gouvernement, préparèrent leur coup du mois de juillet de l'année passée, exactement comme le gouvernement de Cardenas permet aux Cedillo, Morones, Cailles, etc., de préparer leur coup, tandis qu'il endort les ouvriers avec sa démagogie "ouvriériste".
Comment fut-il possible que les travailleurs d'Espagne, en juillet dernier, n’aient pas compris que le gouvernement "anti-fasciste" les avait trahis en permettant la préparation du coup des fascistes ? Comment se fait-il que les travailleurs du Mexique n’aient tiré aucune leçon de cette expérience douloureuse ? Parce que le gouvernement espagnol a continué habilement sa démagogie et parce qu'il s'est présenté devant le front des travailleurs en les trompant encore une fois avec la consigne : le seul ennemi, c'est le fascisme ! En prenant la direction de la guerre que les travailleurs avaient commencée, la bourgeoisie l'a convertie de guerre classiste en guerre capitaliste, en une guerre pour laquelle les travailleurs ont donné leur sang pour la défense de la république de leurs exploiteurs.
Leurs leaders, vendus à la bourgeoisie ont donné la consigne : ne présentez pas de revendication de classe avant que nous ayons vaincu le fascisme ! Et pendant neuf mois de guerre, les travailleurs n'ont organisé aucune grève, ont permis au gouvernement de supprimer leurs comités de base qui avaient surgis aux jours de juillet et d'assujettir les milices ouvrières aux généraux de la bourgeoisie. Ils ont sacrifié leur propre lutte pour ne pas préjuger la lutte contre les fascistes.
Pourquoi Cardenas donne-t’il son appui à Azana ?
Pour entretenir la confiance des travailleurs en leur esprit de classe ? Le gouvernement de Cardenas a un intérêt primordial à ce que les travailleurs du Mexique ne comprennent pas pourquoi le gouvernement anti-fasciste d'Espagne avait permis aux fascistes de préparer leur coup. Parce que s'ils comprenaient ce qui s'était passé en Espagne, ils comprendraient aussi ce qui est entrain de se passer au Mexique.
C'est pour cette raison que Cardenas a donné son appui au gouvernement légalement constitué de Azana et lui a envoyé des armes. Démagogiquement, il a dit que celles-ci étaient destinées à la défense des travailleurs contre les fascistes.
Les dernières nouvelles arrivées d'Espagne ont détruit pour toujours ce mensonge : le gouvernement légalement constitué de Azana utilisa les armes pour dompter les héroïques travailleurs de Barcelone lorsqu'ils durent se défendre contre ce gouvernement qui voulait les désarmer le 4 mai de cette année.
Aujourd'hui comme hier, le gouvernement de Cardenas aide le gouvernement légalement constitué de Azana, mais aujourd'hui non contre les fascistes mais contre les travailleurs. L'oppression sanglante qui succéda au soulèvement des travailleurs de Barcelone a montré la véritable situation en Espagne comme la foudre illuminant la nuit : que d'illusions de neuf mois détruites. Dans sa lutte féroce contre les travailleurs de Barcelone, le gouvernement "anti-fasciste" s'est démasqué. Non seulement, il a envoyé sa police spéciale, ses gardes d'assaut, ses mitrailleuses et ses tanks contre les travailleurs, mais il a libéré des prisonniers fascistes et a retiré du front des régiments "loyaux" en exposant ce front à l'attaque de Franco !
Ces faits ont prouvé que les véritables ennemis du Front Populaire ne sont pas les fascistes mais les travailleurs !
Travailleurs de Barcelone !
Vous avez lutté magnifiquement mais vous avez perdu. La bourgeoisie peut vous isoler. Votre force seule ne pouvait pas être suffisante. Travailleurs de l'arrière-garde, vous devez lutter conjointement avec vos camarades du front, contre l'armée de Franco, mais contre la bourgeoisie elle-même, qu'elle soit fasciste ou "anti-fasciste".
Vous devez envoyer des agitateurs au front avec la consigne : rébellion contre vos généraux ! Fraternisation avec les soldats de Franco - en majorité des paysans tombés dans les filets de la démagogie fasciste et cela parce que le gouvernement de front populaire n'avait pas rempli la promesse de leur donner la terre ! Lutte commune de tous les opprimés, qu'ils soient ouvriers ou paysans, espagnols ou maures, italiens ou allemands contre notre ennemi commun : la bourgeoisie espagnole et ses alliés, 1'impérialisme !
Pour cette lutte, un parti qui soit véritablement le vôtre est nécessaire. Toutes les organisations d'aujourd'hui, des socialistes aux anarchistes, sont au service de la bourgeoisie. Ces derniers jours à Barcelone, elles ont collaboré, une fois de plus avec le gouvernement pour rétablir "l'ordre " et la "paix". Forger ce parti de classe indépendant, voilà la condition de votre triomphe. En avant, camarades de Barcelone, pour une Espagne soviétique.
Fraternisation avec les paysans trompés, dans l'armée de Franco, pour la lutte contre leurs oppresseurs communs, qu'ils soient fascistes ou anti-fascistes !
A bas le massacre des ouvriers et des paysans pour le compte de Franco, Azana et Companys ! Transformons la guerre impérialiste en Espagne en guerre classiste !
Travailleurs du Mexique !
Quand vous insurgerez-vous ? Permettrez-vous à la bourgeoisie mexicaine de répéter la même tromperie qu'en Espagne ? Non ! Nous apprenons la leçon de Barcelone ! La tromperie de la bourgeoisie espagnole a été possible seulement parce que les leaders avaient trahi, comme au Mexique, en abandonnant la défense des intérêts des travailleurs à la magnanimité du gouvernement "ouvriériste" et parce qu'ils ont pu convaincre les travailleurs que la lutte contre le fascisme exigeait une trêve avec la bourgeoisie républicaine.
Les leaders sociaux du Mexique ont abandonné la lutte de conquêtes économiques et ont intégré les travailleurs en les ligotant au gouvernement. Tous les organismes syndicaux et politiques du Mexique appuient l'envoi d'armes de la part du gouvernement de Cardenas aux assassins de nos camarades de Barcelone. Tous donnent leur appui à la démagogie du gouvernement. Aucune organisation n'expose la véritable fonction du gouvernement de Cardenas.
Si les travailleurs du Mexique ne forgent pas un parti véritablement classiste, indépendant, nous subirons la même déroute que celle des travailleurs d'Espagne ! Seul un parti indépendant du prolétariat peut contrecarrer le travail du gouvernement qui sépare les paysans des ouvriers avec la force de la distribution de quelques lopins de terre de la lagune, pour les séparer des ouvriers industriels.
La lutte contre la démagogie du gouvernement, l'alliance avec les paysans et la lutte pour la révolution prolétarienne au Mexique sous le drapeau d'un nouveau parti communiste seront la garantie de notre triomphe et la meilleure aide à nos frères d'Espagne ! Alerte, travailleurs du Mexique ! Nous ne devons pas être surpris par le faux ouvriérisme du gouvernement !
Plus d'armes aux assassins de nos frères d'Espagne !
Luttons pour un parti classiste indépendant ! A bas le gouvernement de Front Populaire ! Vive la dictature du prolétariat !
"Groupe de Travailleurs Marxistes" Mai
1937 - Mexico –
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République en Espagne, “démocratie” au Mexique (extraits)
- Au premier moment de la lutte en Espagne, le prolétariat lutta comme force indépendante. Ainsi, la lutte commença comme une guerre civile. Mais rapidement la trahison de tous les partis transforma la lutte des classes en collaboration des classes, et la guerre civile en guerre impérialiste.>
Tous les partis (y compris les anarcho-syndicalistes) ont brisé le mouvement de grève pour donner la consigne : aucune revendication de classe avant que nous n'allions gagner la guerre ! Le résultat de cette politique a été que le prolétariat espagnol a abandonné la lutte des classes et a donné son sang pour la défense de la république capitaliste. Au travers de la guerre en Espagne, la bourgeoisie a oeuvré pour unifier dans le cerveau du travailleur espagnol et mondial, ses intérêts de classe avec les intérêts de la démocratie bourgeoise afin de lui faire abandonner ses propres moyens de lutte de classe, pour accepter la méthode de la bourgeoisie : lutte territoriale, prolétaire contre prolétaire. Nous voyons par là comment, dans la même mesure où croît 1'héroïsme du prolétariat espagnol et la solidarité du prolétariat espagnol, la conscience de classe des travailleurs descend au même rythme. La bourgeoisie mondiale, surtout celle dite "démocratique", approuve l'héroïsme du prolétariat espagnol et la solidarité du prolétariat international pour dévoyer la lutte du terrain national au terrain "international" : de la lutte contre sa propre bourgeoisie à la lutte contre le fascisme d'Espagne, d'Allemagne et d'Italie; Cette méthode a donné de grands bénéfices à la bourgeoisie dans tous les pays : c'est ainsi que les grèves ont été brisées. La guerre en Espagne et son utilisation par la bourgeoisie a relié plus étroitement le prolétariat de chaque pays à sa propre bourgeoisie.
Le gouvernement du Mexique dépasse tous les gouvernements capitalistes par sa manière systématique et démagogique d'approuver la guerre en Espagne pour renforcer sa position et relier le prolétariat mexicain à la bourgeoisie. Les organisations ouvrières qui demandent que leur gouvernement envoie des armes en Espagne, donnent en réalité leur appui, non au prolétariat espagnol mais à la bourgeoisie espagnole et à leur propre bourgeoisie. Egalement, les collectes et l'envoi de volontaires au front de bataille n'ont d'autres résultats que de prolonger les illusions du prolétariat d'Espagne et de chaque pays et de fournir de la chair à canon à la bourgeoisie espagnole et internationale.
Le gouvernement actuel du Mexique a pour tâche de continuer l'oeuvre de ses prédécesseurs, c'est à dire détruire le mouvement ouvrier indépendant afin de convertir le Mexique en un territoire d'exploitation certaine pour le compte du capitalisme international. Ce qui a changé par rapport au gouvernement antérieur, c'est seulement la forme dans laquelle s'accomplit cette tâche, c'est à dire l'intensification de la démagogie gauchiste. Le gouvernement actuel se présente aux masses comme l'expression de la véritable démocratie. Le devoir de l'avant-garde du prolétariat est de signaler à sa classe et aux masses travailleuses en général ce qui suit : primo, que la démocratie n'est autre chose qu'une forme de la dictature capitaliste et que la bourgeoisie emploie cette forme lorsque l'autre forme ouverte ne sert pas ; secondo, que la fonction de la démocratie est de corrompre l'indépendance idéologique et organisationnelle du prolétariat ; tertio, que la bourgeoisie complète toujours la méthode violente d'oppression des travailleurs avec la corruption ; quarto, que les méthodes démocratiques d'aujourd'hui tirent leur fonction de la préparation du terrain pour l'oppression brutale du mouvement ouvrier et pour une dictature ouverte pour l'avenir ; que le gouvernement de Cardenas permet aux éléments réactionnaires de l'intérieur et de l'extérieur du gouvernement de forger les instruments pour l'oppression brutale de l'avenir (amnistie, etc.).
Le gouvernement actuel vise à séparer les ouvriers de ses alliés naturels, les paysans pauvres et d'incorporer les organisations des deux classes dans l'appareil étatique. Le gouvernement organise et donne des armes aux paysans afin que ceux-ci les emploient à l'avenir contre le prolétariat. En même temps, il vise à en finir avec toutes les organisations du prolétariat pour former un seul parti et une seule centrale syndicale reliée directement à l'Etat. Le gouvernement profite de la division au sein du prolétariat pour débiliter toutes les organisations existantes ; premièrement en les opposant l'une contre l'autre, secondement en unifiant les sections locales et régionales avec une aide dirigée par l'Etat. Dernièrement, le gouvernement a utilisé Trotsky et les trotskystes pour affaiblir la CTM et les stalinistes. Le devoir de l'avant-garde du prolétariat est de dénoncer et de combattre systématiquement les manoeuvres du gouvernement en intensifiant la lutte anti-gouvernementale au même degré que le gouvernement intensifie son travail de corruption et de démagogie ; secondo, accélérer le travail de préparation d'un parti de classe ; tertio élaborer une tactique révolutionnaire pour l'unification du mouvement syndical pleinement indépendant de l'Etat ; quarto, commencer un travail systématique au sein des ouvriers agricoles et des paysans pauvres pour briser leur confiance dans l'Etat en vue de leur alliance avec le prolétariat des villes.
Chaque gouvernement capitaliste d'un pays semi colonial est un instrument de l'impérialisme. Le gouvernement actuel du Mexique est un instrument de l'impérialisme américain. Dans ses fondements, sa politique sert uniquement l'impérialisme et intensifie l'esclavage des masses mexicaines. Le devoir de l'avant-garde du prolétariat est de démasquer la démagogie anti-impérialiste du gouvernement et de signaler aux masses du continent et du monde que la collaboration du gouvernement mexicain est aujourd'hui indispensable pour l'extension de l'impérialisme, comme l'a prouvé, par exemple, la fonction qu'a développée la délégation mexicaine à la Conférence de Buenos-Aires. Le résultat de la Conférence fut l'intensification de la domination américaine surtout au Mexique.
Les méthodes démagogiques du gouvernement mexicain actuel, par rapport au mouvement ouvrier, et l'agitation dans les campagnes, a inspiré tellement de confiance en l'impérialisme américain que les banques de Wall Street ont offert un grand emprunt au gouvernement mexicain à la condition que les impôts des compagnies pétrolières servent de garantie pour le paiement des intérêts. Le gouvernement accepta cette condition sans rencontrer la moindre opposition dans le pays ainsi qu'il en fut le cas pour le gouvernement antérieur. Ceci lui fut possible grâce à la popularité que l'aide au gouvernement espagnol et la distribution des terres dans la lagune lui avaient donnée, et aussi grâce à l'affirmation que l'emprunt servirait à la construction de machines. Ainsi, nous voyons comment le prolétariat ne peut lutter avec fruit contre la politique intérieure de la bourgeoisie mexicaine sans lutter systématiquement contre sa politique extérieure et comment on ne peut pas lutter contre Cardenas sans lutter contre Roosevelt.
Puisque le gouvernement mexicain dépend par toute sa politique de l'impérialisme américain, il en est de même du droit d'asile pour Trotsky. Il est clair que Cardenas a concédé le droit d'asile pour Trotsky seulement avec l'autorisation de son maître : l'impérialisme américain, lequel escompte utiliser Trotsky pour ses manoeuvres diplomatiques internationales, surtout pour ses négociations avec Staline. Le devoir de l'avant-garde du prolétariat est de signaler cette situation aux travailleurs sans cesser naturellement, en même temps de lutter pour le droit d'asile de Trotsky.
"Groupe de Travailleurs Marxistes" - Mexico –
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Appel du Groupe de Travailleurs Marxistes du Mexique aux organisations ouvrières du pays et à l’étranger
- Camarades !
Une organisation qui se dit communiste et internationaliste vient de commettre un acte qui démontre qu'elle n'est ni communiste ni internationaliste. La section de la Ligue Communiste Internationaliste a commis le crime de dénoncer un camarade étranger qui habite Mexico en l'accusant de mener dans la classe ouvrière de ce pays une activité contraire à la politique du gouvernement. Notre enquête nous a permis d'établir que ce camarade a appartenu pendant onze ans, de 1920 jusqu'en 1931, au PC allemand et à l'Union Générale des Travailleurs du même pays. De 1931 à 1934, il a été membre du groupe d'émigration allemande de la Ligue Communiste et a rompu avec elle lors du tournant opéré par Trotsky, quand il ordonna aux différentes sections de l'opposition d'entrer dans la IVème Internationale. Depuis quelques années, ce camarade militait aux Etats-Unis dans la "Revolutionary Workers'League" (groupe Ochler) sous le pseudonyme d'Eiffel, comme membre du Comité central et du Bureau politique. Obligé de quitter les Etats-Unis parce que les autorités ne voulaient pas renouveler son passeport, c'est en tant que représentant du BP de Revolutionary Workers'League qu'Eiffel s'était réfugié au Mexique et qu'il travailla dans notre organisation.
Pour toute réponse à notre enquête, à notre demande loyale d'explications, comme il se doit entre organisations ouvrières, la Ligue a répondu par de nouvelles calomnies, combinées à une dénonciation à la police puisque dans sa revue "IVème Internationale", elle donne le nom du camarade, sa nationalité et son pseudonyme politique.
Nous sommes de plus accusés en tant qu'organisation d'être entretenus par les soins d'Hitler et de Staline.
Nous savons que de telles méthodes sont le lot d'organisations qui n'ont plus rien de prolétarien. Ce sont des méthodes staliniennes, des méthodes qu'employèrent auparavant les social-démocrates dans la lutte contre l'avant-garde révolutionnaire, contre les internationalistes. Que la Ligue Communiste s'engage dans cette voie est le signe d'une dégénérescence politique qui n'ose pas affronter la lumière d'une explication franche et honnête des divergences existant entre deux organisations. Nous nous efforcerons maintenant de donner le contenu de nos divergences.
- Le cas Trotsky
Depuis l'arrivée de Trotsky au Mexique, la Ligue a cessé ses attaques contre le gouvernement de Cardenas, elle en assure même la défense. Elle qualifie le gouvernement "d'anti-impérialiste", "d'anti-fasciste", de "progressiste" etc.. Voyant le danger d'une telle politique qui ramenait l'avant-garde au niveau du stalinisme, le camarade Daniel Ayala, alors membre de la Ligue mexicaine, avait demandé que la Ligue ne se considère pas liée par le compromis nécessaire que Trotsky avait dû passer pour obtenir le droit d'asile et qu'elle délivre également Trotsky de ses liens politiques avec l'organisation - le devoir évident pour toute organisation ouvrière, c'est de combattre pour le droit d'asile au camarade Trotsky, sans changer une seule ligne de sa doctrine, de sa propagande.
La Ligue Communiste ne l'a pas compris ainsi et en prenant la responsabilité des actes de Trotsky, elle donne au gouvernement la possibilité d'expulser ce camarade quand l'activité de la Ligue ne lui conviendra pas. Notre proposition comportait donc pour Trotsky une garantie de plus et permettait à la Ligue de conserver son entière indépendance idéologique. Daniel Alaya est devenu membre du Groupe des Travailleurs Marxistes et accusé de provocations, d'agent de la Gépéou, par la section mexicaine de la 4ème Internationale. Depuis, la nouvelle politique de la Ligue au Mexique rejoint celle du stalinisme, à part 1' argumentation théorique différente - un exemple ; Diego Riviéra, un des leaders de la Ligue parle ouvertement de la nécessite pour les travailleurs de défendre "l'indépendance de notre pays" (Excelsior, 3.9.1937). Les trotskystes rejoignent le social-patriotisme, même s'ils lui assignent le but de "défendre l'indépendance de notre pays" contre les tentatives de "soumettre l'administration de notre pays à Moscou". (Excelsior, 3.9.1937).
- La guerre d'Espagne
Dans notre tract du mois de mai 1937 sur le massacre de Barcelone, nous disions : "toutes les organisations syndicales et politiques du Mexique appuient l'envoi d'armes par le gouvernement de Cardenas aux assassins de nos camarades de Barcelone". Nous portions ce jugement et sur le Parti communiste et sur la Ligue, parce qu'ils font partie tous deux intégrante du front unique anti-fasciste dont la fonction est de détruire 1'indépendance idéologique des organisations ouvrières et les incorporer à l'Etat bourgeois.
Auparavant, la Ligue combattait les staliniens pour l'appui qu'ils donnaient au gouvernement Cardenas, dont elle disait qu'"il est en réalité la dictature des capitalistes sous une forme camouflée" et qu'"il représente les intérêts du capital yankee. L'unique raison de son existence, c'est de maintenir le système d'oppression en usant de phrases radicales". Depuis l'arrivée de Trotsky, la Ligue renonce à cette juste conception marxiste des Etats démocratiques bourgeois et agit comme si le gouvernement se tenait au dessus des classes. Les mots d'ordre de la Ligue font écho à ceux qu'on peut lire sur les manchettes de la presse stalinienne : "Le gouvernement doit mettre fin aux abus des capitalistes" ; "Il faut combattre la passivité du gouvernement" ; etc.
Sur la guerre d'Espagne, la Ligue critique l'appui des staliniens au gouvernement démocratique bourgeois, mais elle s'associe à cette trahison parce qu'elle n'explique pas aux ouvriers que la guerre d'Espagne est devenue impérialiste. Au contraire, elle tient le langage des staliniens quand elle dit qu'il est nécessaire de combattre sur le front.
- Notre position sur la guerre d'Espagne
Nous sommes contre l'appui au pouvoir républicain, mais non pour soutenir le pouvoir de Franco. Nous n'acceptons pas l'alternative "avec Azana ou avec Franco". Au contraire, nous pensons que l'unique façon de battre le fascisme, c'est d'abord pour les ouvriers de briser la discipline des oppresseurs "démocrates" parce que le seul front où puisse triompher le prolétariat, c'est le front de classe. La guerre en Espagne, comme toutes les guerres qui sont conduites par la bourgeoisie est une guerre impérialiste et non une guerre civile ; par conséquent, ceux qui recommandent aux ouvriers de donner leur appui à cette guerre trahissent les véritables intérêts de la classe opprimée. C'est seulement en suivant la politique des bolcheviks et autres marxistes révolutionnaires durant la guerre mondiale que les travailleurs pourraient faire leur révolution, en s'insurgeant contre leurs propres généraux et en fraternisant avec les soldats de Franco. C'est la seule manière pour convertir la guerre impérialiste actuelle en guerre civile.
Lénine, Liebknecht travaillèrent pour la défaite de "leur propre gouvernement", c'est-à-dire de la bourgeoisie et pour le triomphe du prolétariat. En Russie, la révolution triompha sur la base de la défaite du gouvernement russe. Mais les révolutionnaires russes utilisèrent cette défaite pour faire la révolution prolétarienne non seulement en Russie mais aussi en Allemagne. La même chose se produirait en Espagne. La rébellion des soldats d'Azana serait le signal de la rébellion pour les soldats qui sont sous la domination de Franco. C'est le seul moyen de faire surgir la révolution prolétarienne de l'actuelle guerre impérialiste. Ceux qui disent au contraire que la révolution surgira à la suite du triomphe du gouvernement Azana, ceux-là mentent ! Ce qui suivra la victoire du gouvernement républicain sera une oppression terrible pour les ouvriers et les paysans d'Espagne, une oppression bien plus sanglante que le massacre des ouvriers de Barcelone par le général démocrate Pezas.
- La guerre de Chine
Oubliant ce qu'il avait dit pendant plusieurs années sur la révolution chinoise, Trotsky affirme aujourd'hui qu'en Chine "Toutes les organisations ouvrières… accomplirent leur devoir jusqu'à la fin de la guerre de libération". Aujourd'hui, Tchang-Kaï-Chek est le héros de la guerre de libération et les ouvriers ont le devoir d'appuyer cette guerre. Mais Trotsky ne nous explique pas comment une guerre sous la direction de la bourgeoisie peut être une guerre de "libération".
Staline dit aussi que les ouvriers chinois "accompliront leur devoir jusqu'à la fin de la guerre de libération sans prendre en considération son programme et son indépendance politique". Tandis que Trotsky affirme qu'ils doivent accomplir leur devoir "sans abandonner d'une façon absolue leur programme et leur indépendance politique". Trotsky parle de lutte indépendante en même temps qu'il l'abandonne en fait. Il vaut la peine d'attirer l'attention sur le petit fait suivant. Une note insérée dans le n°13 de la revue "IVé Internationale" rectifie une erreur glissée dans le texte de l'article que Trotsky avait donné au journal de Mexico "Excelsior" sur la guerre de Chine, où les mots "sans abandonner absolument" avaient été remplacés par les termes staliniens "sans prendre en considération, etc.". Ce qu'il y a de grave et de piquant, c'est que la revue "IVè Internationale" ait reproduit sans rectifier la même version de l'article de Trotsky. Si les leaders eux-mêmes confondent les versions stalinienne et trotskyste, comment les ouvriers pourraient-ils s'y reconnaître en fin de compte ?
Dans le cas de la Chine comme celui de l'Espagne, les ouvriers ne retiendront qu'une chose : en leur demandant d'accomplir leur devoir, la Ligue et le Parti Communiste leur demandent d'abandonner leur propre lutte pour donner l'appui à la bourgeoisie "libératrice", "anti-impérialiste", "démocratique", etc.
- Notre position sur la guerre de Chine
L'unique sauvegarde pour les ouvriers et les paysans chinois, c'est de lutter comme force indépendante contre les deux gouvernements. En organisant la lutte contre leur propre bourgeoisie, les révolutionnaires chinois lèveront les germes de la révolte contre le gouvernement japonais, et de la fraternisation des ouvriers et des paysans des deux pays surgira la révolution prolétarienne. Si les révolutionnaires s'unissent avec la bourgeoisie pour défendre la patrie jusqu'à la fin de la guerre, comme le conseillent Staline et Trotsky, ils favorisent la destruction de la fleur du prolétariat et des paysans des deux pays et, en fin de compte, les deux bourgeoisies adverses sauront trouver Un accord pour assurer en commun l'exploitation des masses chinoises.
Dans toutes les situations, notre position se base sur un seul critère : l'intérêt de classe du prolétariat exige son indépendance absolue ; son unique sauvegarde, c'est la révolution prolétarienne. Toutes les "guerres de libération" et toutes les "guerres anti-fascistes" sont au fond dirigées contre la révolution prolétarienne. Donner son appui à de telles guerres équivaut à lutter contre la révolution prolétarienne.
Les camarades du Groupe des Travailleurs Marxistes concluent qu'ils ne sont ni agents d'Hitler, ni de Mussolini, ni de Staline. Ils prétendent rester des marxistes conséquents, alors que sur les questions fondamentales qui départagent le mouvement ouvrier, les staliniens et les trotskystes se trouvent du même bord.
- "Pour un vrai Parti Communiste du Mexique" éditorial du N°1 de "Comunismo", organe du Groupe de Travailleurs Marxistes
Jamais le mouvement communiste n'a été si effondré et si corrompu que dans ces moments. Il y a longtemps que les dénommés "communistes", stalinistes et trotskystes, ont abandonné le chemin communiste, capitulant devant les fétiches de notre ennemi de classe : la démocratie et le patrie. De vrais communistes, il y a seulement quelques groupes dans quelques pays, comme la "Fraction Italienne de la Gauche Communiste", qui se prépare dans l'exil pour le jour de la révolution prolétarienne dans son pays et une autre "fraction", avec une position politique semblable en Belgique. C'est le travail de ces deux groupes qui nous a inspiré dans notre effort de créer au Mexique un noyau communiste.
Au mois de mai de l'année dernière, nous avions à peine commencé les premières conservations entre plusieurs camarades, la majorité des membres ou ex-membres de la "Ligue Communiste Internationaliste", quand le massacre de nos frères de classe, à Barcelone, par les bourreaux du gouvernement "ouvriériste" d'Azana et Companys nous obligea à lancer une première publication : notre tract intitulé -; "Le massacre de Barcelone, une leçon pour les travailleurs du Mexique". Nous affirmons dans ce tract notre opposition de principe contre la participation des organismes ouvriers dans la guerre en Espagne, que l'on doit caractériser, des deux cotés, comme une guerre impérialiste et nous lançons le mot d'ordre de “défaitisme révolutionnaire” comme l'unique mot d'ordre qui peut séparer le prolétariat de "sa" bourgeoisie et l'amener à la révolution.
En même temps, nous dénonçons la complicité du gouvernement "ouvriériste" du Mexique et de toutes les organisations ouvrières du pays dans la tuerie de nos frères de classe en Espagne. Mais ces bases n'avaient pas quelque chose de spécial au Mexique. Au contraire, elles étaient communes au mouvement communiste dans tous les pays coloniaux et semi coloniaux, comme le démontra avec clarté la déroute de la révolution prolétarienne en Chine. Ces bases fausses avaient pour origine l'état inachevé et en partie incorrect dans lequel l'Internationale Communiste laissa le problème de la lutte prolétarienne dans des pays comme le Mexique ou la Chine.
Notre première tâche, par conséquent, est l'étude critique des positions de l'Internationale Communiste (naturellement pas de l'actuelle qui de communisme n'a plus que le nom mais de celle du temps de Lénine) au sujet de la tactique à suivre dans les pays coloniaux et semi coloniaux. A la seule condition d'accomplir cette tâche, nous pourrons créer des bases solides pour le futur Parti Communiste du Mexique.
En partant des mêmes bases marxistes que celles dont partirent Lénine et les autres communistes de cette époque, mais en tirant les leçons des grandes expériences prolétariennes postérieures, en premier lieu de celle de la révolution chinoise de 1926-1928, nous allons réviser les conclusions tactiques auxquelles aboutirent ces camarades. En d'autres mots, publier une nouvelle thèse sur la lutte dans les pays coloniaux et semi coloniaux est notre tâche la plus urgente. Si nous ne l'avons pas encore accomplie, cela est dû en premier lieu à notre nombre encore assez réduit et à notre manque d'expérience dans un tel travail théorique. C'est la première fois, au Mexique, qu'un groupe de travailleurs attaque les problèmes du pays, d'une manière indépendante, unique et exclusivement du point de vue classiste. Nos amis, au Mexique ou ailleurs doivent être indulgents sur la lenteur ou l'imperfection avec laquelle nous accomplissons cette tâche.
Pendant que se poursuit dans notre groupe la discussion sur les problèmes fondamentaux de la révolution prolétarienne au Mexique, les évènements du jour, comme la "nationalisation" du pétrole, nous obligent et en même temps nous permettent d'attaquer quelques points de ces problèmes bien avant d'arriver à une position complète, que l'on doit chercher dans une étude analytique de toute l'histoire du mouvement ouvrier au Mexique et dans d'autres pays à structure sociale semblable. Dans ce sens nous commençons dans le premier numéro de notre revue "Communismo", la discussion des principes fondamentaux de notre lutte, discussion qui est indispensable pour fonder le futur Parti de la révolution prolétarienne sur des bases solides et vraiment marxistes. Pour ce travail, nous invitons tous les camarades du Mexique et de l'étranger à coopérer.
Nous concluons en affirmant l'urgence de commencer le travail pour préparer les bases programmatiques et organisationnelles pour un nouveau Parti Communiste au Mexique, complètement indépendant de tous les courants qui, à l’intérieur du mouvement ouvrier représentent consciemment ou inconsciemment les intérêts de notre ennemi de classe.
La publication de ce tract, dictée par notre désir de réveiller la conscience prolétarienne contre le massacre à Barcelone et en Espagne en général, mais prématurée car, à cette époque, nous n'avions pas encore une position claire sur les problèmes de notre pays, eut un effet double :
D'un côté, elle provoqua contre notre groupe une furieuse campagne de calomnies de la part de Léon Trotsky et de la dénommée "Ligue Communiste Internationaliste, nous traitant "d'agents du fascisme", dénonçant à la police les camarades qui partagèrent notre point de vue.
D'un autre côté, notre premier tract nous apporta la solidarité du prolétariat de deux pays : les "Fractions Italiennes et belges de la Gauche Communiste", qui non seulement nous défendirent contre ces accusations mais publièrent des traductions du texte intégral de notre tract dans leurs revues "PROMETEO" (en italien) et "BILAN" (en français) et "COMMUNISME" (en français aussi), exprimant leur satisfaction qu'enfin soient apparus au Mexique les premiers "rayons de lumière".
Stimulés par cet appui international et par les lettres que nous envoyèrent les camarades italiens et belges, nous essayions d'accélérer la discussion déjà commencée à l'intérieur de notre groupe en formation; mais les difficultés politiques et personnelles que nous créèrent les accusations et les dénonciations des trotskystes furent si graves que nous perdîmes des mois entiers à notre autodéfense.
A la fin, nous avons pu avancer du travail négatif au travail positif. Ce fut plus difficile que nous ne l'avions pensé. La raison fondamentale est qu'en réalité, dans notre pays, les problèmes de la révolution prolétarienne n'ont jamais été posés dans la forme correcte. Pendant tout le temps de l'existence d'un mouvement communiste au Mexique, celui-ci était envenimé par l'idée de la coopération avec la bourgeoisie "anti-impérialiste" et "progressiste" du pays.
Notre travail, par conséquent, peut se baser sur des expériences positives du prolétariat mexicain, car il n'y en a pas. Au contraire, il doit commencer avec la critique marxiste des Bases fausses sur lesquelles s'est construit dans le passé le mouvement communiste au Mexique.
Le Groupe des Travailleurs Marxistes