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EN AUCUN CAS, ON NE PEUT JUGER LES GENS D'APRES CE QU'ILS DISENT D'EUX- MÈMBS ET CE QU'ILS DISENT FAIRE, PAIR SUR CE QU'ILS FONT PRATIQUEMENT.
Mais le discours de “Solidarité", si crû soit-il aujourd'hui; ne serait plus opérant s'il ne parvenait pas à travestir encore la réalité. Et ce qu'il cache est ceci : une telle activité n'est pas une phase "momentanée" que traverserait le syndicat depuis "la mi-novembre". Cette activité n'est nullement "en partie contradictoire avec sa raison d'être". ELLE EST SA RAISON D’ETRE. Depuis ses débuts, l'attitude du syndicat n'a pas varié. Elle a toujours constitué un barrage directement élevé contre les luttes ouvrières.
Ainsi, c'est à travers son attitude dans le déroulement même des luttes ouvrières que Ton peut juger de l'activité du nouvel appareil syndical "Solidarité".
Rappelons les faits : dans ses luttes en juillet-août, â partir de revendications alimentaires face à la pénurie, la classe ouvrière a été rapidement amenée à s'organiser de manière autonome en assemblées générales souveraines, nommant et contrôlant de façon permanente, les membres révocables des comités de grève aux délibérations publiques par voie de hauts parleurs et organes exécutifs des décisions de l'assemblée.
Une des revendications majeures mises en avant dans les assemblées était la dissolution du carcan que constituaient les syndicats officiels, ces milices de l'Etat dans les usines, dont la tâche dominante était la surveillance des quotas de production des ouvriers.
A l'intérieur du mouvement et des MKS s'exprimaient des positions diverses comme celle des militants de l'opposition pro-occidentale du KOR et aussi celle des partisans d'un "syndicalisme libre". Cette dernière idée a connu un rapide succès d'audience dans les assemblées, car ce que voyaient les ouvriers dans le "syndicalisme libre" n'était pas une activité syndicale dont ils n'avaient que faire dans l'épanouissement de leur lutte, mais la proclamation de liberté â l'égard du pouvoir. C'est dans ces conditions que les Walesa et consorts sont parvenus à placer comme première revendication la constitution de "nouveaux syndicats libres et indépendants". Mais en acceptant le principe de nouveaux syndicats, les ouvriers laissaient se créer une brèche qui signifiait l'acceptation d'une délégation de pouvoir â une minorité agissante, la création d'une structure hiérarchisée qui les privait de leur force essentielle. De publique, la négociation entre le MKS et l'Etat qui aboutit aux accords de Gdansk de fin août devint secrète et échappa au contrôle de l’assemblée générale pour devenir une affaire de "spécialistes de la conciliation." Ces "spécialistes", â l'image de Wales., sont passés rapidement d'un langage combatif tant qu'existait la pression directe et le contrôle de l'assemblée générale â des discours de plus en plus "responsables".
Tandis que le syndicat "libre" se constituait et ouvrait les portes de son siège à 5km du Chantier Lénine de Gdansk, début septembre, il obtint la reprise du travail avec, à la clé, un accroissement de la productivité "pour réparer le mal causé par la grève",dans une ambiance houleuse et malgré l'hostilité manifestée par plus d'un tiers des ouvriers. L'appareil syndical se structure avec des permanents dont les appointements sont fixés environ â 1/3 au-dessus du salaire moyen des ouvriers, des "experts-conseillers" syndicaux s'implantent dans les usines. En 3 mois, "Solidarité" aura absorbé officiellement plus de 60% des cadres du parti et de l'effectif des structures syndicales traditionnelles.
Dès le mois de septembre, les nouveaux dirigeants syndicaux s'opposent directement aux grèves et â leur extension. Les discours définissent déjà clairement le rôle que ces syndicats entendent jouer. Un des experts-conseillers déclare dans un entretien au "Matin de Paris" :"Il va falloir que nous nous appliquions à redonner des forces à ce gouvernement sinon à lui fournir un programme pour éviter qu'il ne s'effondre."(19-09-30)
Ils se placent déjà résolument du point de vue de la défense de l'économie nationale et de la patrie, tandis que vis-à-vis des ouvriers, ils réclament la délégation de pouvoir : les structures syndicales arrachent peu à peu le contrôle aux assemblées générales, sans toutefois parvenir à les empêcher. Durant tout le mois de septembre, les grèves revendicatives se multiplient, s'étendent aux mines de Silésie, aux centres textiles de la région de Lodz, à Varsovie et sa région, à celle de Cracovie, se généralisant à tous les secteurs jusqu’aux employés des ministères et aux ouvriers agricoles.
Tandis que les nouveaux syndicats s'offrent comme organes négociateurs avec les autorités, usine par usine, secteur par secteur, ville par ville, et que, substituant au contenu matériel des revendications le problème de la reconnaissance locale du syndicat, ils parviennent tant bien que mal à faire reprendre le travail, une fois les luttes isolées, sous de vagues promesses d'augmentations salariales, les ouvriers se battent pour conserver leur pouvoir collectif et s'orientent de plus en plus résolument vers une remise en cause générale du pouvoir d'Etat : les cheminots de Varsovie, les postiers, les hospitaliers de Gdansk qui occupent la préfecture, les ouvriers des sucreries qui, en opposition directe avec la direction syndicale, occupent une maison de la culture près de Gdansk.
Des mines de Silésie à Radom, les dirigeants de "Solidarité" parcourent en tous sens le pays pour lancer des appels au calme, et souvent, conspués, parviennent difficilement à éteindre les conflits et à faire reprendre le travail. Comme le note l'envoyé spécial du "Monde", l'autorité morale de Walesa1 qui, de "prestigieux Robin des Bois, tend â devenir pompier volant" s'affaiblit notablement -tandis que les rencontres-surprise des chefs syndicaux avec le vice-premier ministre Jagielski ou avec le ministre de la Justice se multiplient "dans une ambiance de cordialité". L'adhésion au nouveau syndicat fait l'objet d'un battage intense. Syndicats et gouvernements tentent de polariser l'attention générale autour de l'enregistrement des statuts du syndicat et tentent de dévoyer les luttes sur le terrain légal et juridique. Mais pas plus la question légale que la constitution de l'appareil syndical ne sont le problème réel des ouvriers, eux dont la réponse aux appels du parti, de Gierek à Kania, était : "Leurs discours, on les connaît". Ce qu'ils refusent, c'est la soumission à l'autorité de l'Etat, c'est de reconnaître "le rôle dirigeant du parti sur l'ensemble de la vie sociale". Face aux compromis syndicaux, ils menacent même de repartir en grève à Gdansk, et de reconstituer un MKS. L'impression générale jamais démentie est:"le gouvernement se moque de nous." La question
des statuts est largement débordée et l'opposition à l'Etat, polarisée par exemple par l'arrestation d'un syndicaliste coupable de recel de documents confidentiels d'Etat sur les manœuvres répressives se traduit par toute une remise en question de ses organes institués : la justice, la police, l'armée, les cadres locaux du pouvoir comme à Czestochowa, à Bielsko-eiala, près de la frontière tchécoslovaque ou â Olsztyn. Devant cette menace de mobilisation générale, les syndicats s'affolent et multiplient les démarches secrètes auprès du gouvernement.
A plusieurs reprises (24 octobre, 10 novembre, 27 novembre) des compromis sont trouvés in extrémis. Les dirigeants de "Solidarité“ sont contraints d'intensifier leurs appels au calme au nom de "l'intérêt national et de la patrie" : "Nous sommes prêts à participer à l'alliance de la sagesse, de la pondération et de la responsabilité nationale.'1, "Il faut s'abstenir de nouvelles revendications tant que le gouvernement n'aura pas formulé un programme réaliste et cohérent. Cette attitude est motivée par la nécessité de permettre la stabilisation de l'économie." Derrière ce respect des limites économiques qu'ils mettent sans cesse en avant, il y a une des pires illusions : que les ouvriers auraient une part à prendre dans la gestion de l'économie nationale, où l'exploité lutterait sans remettre en cause son exploitation, ni la patrie, ni la religion, ni aucune institution alors que dans la réalité les ouvriers sont contraints de remettre en cause le fonctionnement global de l'Etat et de l'ensemble de la société.
Dès la fin du plénum du Comité Central , face à la menace d'une intervention russe, "Solidarité" prône ouvertement l'union nationale :
Aujourd'hui, la lutte des ouvriers polonais fait trembler la bourgeoisie russe elle-même, contrainte d'entreprendre un ravalement grossier de son appareil d'encadrement â travers une campagne "pour la moralisation des syndicats" face au risque de contagion; aujourd'hui où les ouvriers en Pologne sont devant la nécessité vitale de trouver une extension du mouvement au-delà de leurs frontières, ils trouvent devant eux un Walesa qui tente de leur masquer la portée internationale de leur lutte, qui leur parle de “sauver la nation” et leur déclare comme lors de l'inauguration du monument commémorant les massacres de la Baltique en décembre 70 : "on n'a pas le droit d'entreprendre quoi que ce soit pouvant nuire aux intérêts de la patrie".
La vie de la classe ouvrière, c'est le terrain international de ses luttes, et c'est le contrôle de ses organes de lutte. Il n'y a que deux points de vue possibles dans cette société : national ou international, celui du pouvoir d'Etat ou celui du pouvoir des ouvriers. Partout, quel que ce soit le degré d'illusions qu'il est capable de semer, l'appareil syndical est contraint d'exercer la même fonction aussi bien dans l'Etat que vis-à-vis du prolétariat. Quelle que soit l'image qu'ils puissent offrir -ce n'est pas parce que les dirigeants d'un syndicat "libre" comme le SMOT en URSS, aujourd'hui, sont pourchassés et persécutés, font figure de victimes que le "syndicalisme libre" pourrait prendre en URSS une orientation différente de celle de la Pologne, qu'il adopte un langage radical pour mieux contenir la pression ouvrière ou qu'il prône ouvertement "les sacrifices nécessaires pour les travailleurs face aux réalités de l'économie nationale", tout syndicat met en œuvre toujours et partout la même pratique qui s'oppose directement -en cela un Walesa n'est pas différent d'un Séguy ou d'un Maire- non seulement eux intérêts mais aux pratiques mêmes de la classe ouvrière en lutte.
A Test comme à l’ouest, toute forme syndicale ne peut jamais correspondre à l'expression du mouvement ouvrier, mais toujours au besoin de la classe bourgeoise de freiner ce mouvement qui la menace.
Y.D.
Les luttes ouvrières de Pologne, de par leur ampleur, leur dimension, leur unité, constituent l'événement le plus important depuis la vague révolutionnaire de 1917-23 et, par là même occasion, remettent à l'ordre du jour la question de la grève de masse et imposent aux révolutionnaire d'aborder à nouveau l'examen de cette arme fondamentale du prolétariat.
Avant d'aborder cette forme de lutte de la classe ouvrière, il est nécessaire de la différencier des conceptions des anarchistes ainsi que des syndicalistes et gauchistes.
Les anarchistes n'emploient pas les termes de grève de masse, mais plutôt de grève générale. La grève générale mise en avant dans le programme de Bakounine est le "levier" qui sert à déclencher la révolution sociale. Il suffit qu'à un jour "J", tous les ouvriers d'un pays ou du monde entier s'arrêtent de travailler, pour que le monde des oppresseurs chavire et qu'une société nouvelle se mette en place. Cette conception est totalement extérieure à la réalité. Il ne prend en compte aucun facteur matériel, aucune situation sociale déterminée. C'est une conception totalement abstraite, utopique, basée sur la bonne volonté des ouvriers, sans aucune lutte de la classe ouvrière.
La conception des syndicalistes en Allemagne, à l'époque où Rosa Luxembourg écrivait "Grève de masse, partis et syndicats", ou bien celle des gauchistes de nos jours, rejoignent d'une certaine façon la conception des anarchistes. Pour eux aussi la grève de masse est le déclencheur, est une arme qui permet de créer une situation. C'est davantage un facteur numérique, quantitatif qui entre en jeu, comme un débrayage massif pour donner du poids â une revendication, qu'un processus, un mouvement spontané au sein de la lutte de classe issu de conditions économique, politiques et sociales déterminées.
La révolution russe a mis fin pratiquement à cette conception et le mouvement en Pologne aujourd'hui est là pour nous le montrer après 50 années de contre-révolution. Comme l'écrit encore Rosa Luxembourg :
LES CONCEPTIONS DES ANARCHISTES SYNDICALISTES ET GAUCHISTES
La grève de masse est un phénomène mouvant et ne suivant pas un schéma rigide et vide. Elle n'est pas un moyen inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne dans des conditions historiques déterminées. C'est un mouvement spontané qui, par son extension, son auto-organisation, ses avancées, ses reculs, connaîtra une évolution, prendra une ampleur.
Comme on peut le voir en Russie à partir de 1905 ou en Pologne aujourd'hui, la grève de masse n'est pas un acte unique mais toute une période de lutte.
Toutes ces caractéristiques se retrouvent en 1905 en Russie, mais aussi dans les événements de Pologne, où l'on peut voir un mouvement partir sur des revendications économiques -revendications qui peuvent paraître banales au départ, telles que des augmentations de salaires ou des luttes contre la pénurie de nourriture, mouvement parti d'une ville précise ou même d’une usine, faire tâche d'huile, s'étendre à toute la Pologne, déstabiliser un Etat aux allures et à la lourdeur d'un tank et mobiliser la bourgeoisie mondiale contre lui. Il connaîtra des arrêts, même des reculs face aux promesses de la bourgeoisie, mais il reprendra avec autant d'ampleur, de force, dans d'autres usines ou dans les mêmes, par solidarité avec d'autres ouvriers en grève, ou parce que la bourgeoisie n'a pas tenu ses promesses.
Une des caractéristiques de la grève de masse c'est l'enchevêtrement des revendications économiques et politiques. L'un n'exclut pas l'autre, le mouvement ne s'oriente pas uniquement dans un sens. On peut voir la lutte politique et économique se développer en même temps, l'un dynamisant l'autre et vice versa. Même si à un moment donné, l'élément politique a plus d'importance que l'économique, cela n'exclut pas qu'à un autre moment, des luttes dures pour des revendications économiques ne ressurgissent et posent avec de nouvelles forces la question politique, c'est à dire la question des perspectives, à un niveau supérieur.
Comme l'écrit Rosa Luxembourg :
Cet enchevêtrement de luttes politiques et économiques montre bien la vie du mouvement, sa force qui est loin de ressembler au schéma que nous laissent voir les sociaux-démocrates, anarchistes et gauchistes, et même les bordiguistes, schéma statique et vide de réalité.
Cette force se retrouve aussi dans l'auto-organisation de la classe. Au. sein de la lutte naissent des comités de grève, des comités inter-entreprises qui permettent d'éviter l'isolement des luttes, avec des délégués élus et révocables en assemblée générale.
Cette auto-organisation traduit la capacité qu’à la classe ouvrière â s’organiser lorsqu'elle lutte. La grève de masse est un mouvement qui tend vers une unité consciente de la classe ouvrière.
Ce processus, de par leur expérience de lutte des années passées, les ouvriers polonais ont su le voir. La force du mouvement est la participation même des ouvriers, qui ne se replient pas derrière les bonzes syndicaux, derrière les professionnels de la négociation, c'est la volonté d'auto-organisation ; cet aspect essentiel de la lutte, les révolutionnaires doivent particulièrement le mettre en avant dans leur intervention.
Qu'une classe exploitée, dominée économiquement et idéologiquement, brimée et humiliée quotidiennement, prenne son destin et sa lutte en mains, l'organise et la dirige collectivement, constitue justement le premier acte révolutionnaire de la classe ouvrière.
Toute cette expérience de prise en main des luttes, l'auto-organisation, les ouvriers sauront s’en resservir quand le moment sera venu de reprendre la lutte. Et ce n’est que plus fort, plus conscient que le mouvement reprendra, tout en évitant les pièges tendus par la bourgeoisie avec toutes ses mystifications.
En tant qu'"océan de phénomènes", la grève de masse met en avant à certains moments les faiblesses des ouvriers, tout comme l'océan dans la tempête fait remonter des profondeurs des épaves, des déchets, etc., la grève de masse fait que les ouvriers poussent à bout leurs illusions, par exemple en Pologne la religion, le nationalisme. Mais le cadre de la grève de masse permet de dépasser ces faiblesses. Toutes ces mystifications ne tombent pas sur la tête de prolétaires atomisés, divisés, indifférents, mais dans une classe en mouvement qui saura "railler impitoyablement ses faiblesses et ses erreurs".
Mettre en avant les avancées du mouvement pour éliminer ses faiblesses, c'est le rôle indispensable de l'organisation politique de la classe dans la grève de masse aujourd'hui.
E.V.
L'invasion de l'Afghanistan par les troupes russes n’avait pas pour but la répression des luttes ouvrières, mais la constitution d'une base stratégique et militaire face au bloc américain. Si les troupes russes intervenaient en Pologne, ce serait pour réprimer la classe ouvrière, et non pas un acte de guerre contre le bloc américain.
S'il s'agissait d'une question seulement militaire, une question qui relèverait de la guerre de positions que se livrent quotidiennement le bloc russe et le bloc occidental, l'intervention de la Russie en Pologne aurait déjà eu lieu.
En déclarant qu'une intervention des troupes russes signifierait la "fin de la détente", le bloc occidental entend faire croire que la guerre que se mènent le bloc occidental et le bloc russe a des causes "idéologiques", la démocratie contre le totalitarisme, alors que les causes réelles de l'antagonisme puisent leurs sources dans l'opposition de leurs Intérêts économiques, militaires et politiques. Cette manière de voir a 1'avantage de permettre à la bourgeoisie du bloc occidental d'affirmer que la lutte des ouvriers polonais est spécifique et particulière aux ouvriers polonais. C'est leur contribution à l'isolement de la lutte des ouvriers polonais.
Cela n'est pas tout. La bourgeoisie du bloc occidental entend aussi faire croire qu'en période de crise, la lutte de classe est un facteur de "déstabilisation internationale" et provoque des tensions guerrières, alors que les forces qui poussent à la guerre mondiale sont le produit direct de la crise du capitalisme mondial.
Bien au contraire, la lutte des ouvriers polonais montre aujourd'hui très concrètement comment le développement de la lutte de classe est un frein à l'issue de la crise dans une troisième guerre mondiale. Elle pose concrètement la nécessité et la possibilité d'une perspective révolutionnaire et internationaliste contre le nationalisme guerrier de la bourgeoisie.
La répression sanglante en 70/71 des luttes ouvrières en Pologne n'a jamais réussi à paralyser la classe ouvrière. Au contraire, le souvenir de cette répression, commémorée illicitement chaque année a constitué un fil entre tous les moments de la lutte et a largement contribué à les radicaliser.
Jamais oubliée, jamais cicatrisée, cette blessure n'a servi l'Etat en rien pour maintenir la classe ouvrière dans la docilité, l'acceptation passive d'une vie toujours plus dure et sombre. Durant ces dix dernières années, l'antagonisme et la rancœur vis à vis de l'Etat n'ont fait que se renforcer, se développer et après les poussées de 76 et 79, le mouvement de ces derniers mois n'en est ressurgi que plus fort, conscient et massif, fermement décidé à gagner.
Aujourd'hui, la question de la répression des luttes ouvrières en Pologne se pose à un autre niveau qu'en 70-71, parce que la lutte elle-même est à un autre niveau et surtout parce que la situation mondiale est différente.
En 70-71 l'armée et la police de l'Etat polonais suffiront â réprimer le mouvement, aujourd'hui l'Etat polonais déstabilisé et quelque peu en déroute ne pourrait plus compter sur ses seules forces pour mener la répression. Déjà en 70-71, pour s'assurer la "fidélité" de l'armée lors des massacres organisés à Gdynia, le gouvernement a envoyé l'armée investir les chantiers la nuit, en inventant le prétexte d'une "attaque d'espions ennemis venus par la mer" ! Aussi dégueulasse que grotesque.
Aujourd'hui, seule l'armée russe pourrait assurer la répression en Pologne. De fait la question de la répression, comme celle de l'avenir de la lutte en Pologne, est une question internationale qui ne peut avoir une réponse qu'internationale. De plus avant de pouvoir répondre à la question de savoir si la Russie va intervenir militairement en Pologne, il faut au minimum avoir répondu à la question : pourquoi ne l'ont-ils pas déjà fait ?
Pour ne parler que de la répression elle-même -l'entrée éventuelle des chars russes en Pologne :
Pour ce qui est des répercussions et des conséquences internationales d'une telle répression :
Ce qui inquiète aujourd'hui les bourgeoisies d'Etat du bloc de l'Est, c'est bien sûr qu'une de leurs positions mi1itaires et stratégiques soit affaiblie mais ce qui est dominant depuis le début de la lutte des ouvriers polonais, c'est que celle-ci, par son caractère exemplaire, annonce et joue un rôle d'amorce à des mouvements ouvriers similaires dans tous les pays de l'Est. Comme tous les correspondants de journaux des pays de l'Est le rapportent (même si c'est discrètement), tous les ouvriers qui le peuvent suivent de très près la lutte des ouvriers polonais malgré le black-out des informations par les autorités, en écoutant les radios occidentales.
Dans les pays occidentaux, après les premières vagues de luttes ouvrières dans le monde entre 68 et 70, contre les premiers effets de la crise économique mondiale, l'illusion que cette crise était passagère, l'illusion que les "programmes de relance" allaient l'enrayer et ouvrir une nouvelle perspectives était générale, et les yeux de la classe ouvrière internationale ne se tournèrent pas vers la Pologne, la répression sanglante des grèves ouvrières de 70-71 ne provoqua nulle part de mouvement de solidarité. Aujourd'hui, la situation est totalement différente, tous les yeux sont tournés vers la Pologne, car la lutte des ouvriers polonais est une réponse autre que la guerre à la crise que tout le monde vit, parce que les ouvriers polonais montrent que la classe ouvrière est une force sociale déterminante capable d’imposer son point de vue, parce que la lutte des ouvriers brise en mille morceaux le mensonge du "socialisme" dans les pays de l'Est et éveille leur pensée à une autre alternative que capitalisme d'Etat ou capitalisme privé, parce que ceux qu’on présente comme nos ennemis se battent pour la vie, comme partout.
Les crédits immenses que les pays occidentaux se sont empressés d'accorder à l'Etat polonais pour que celui-ci ne s'effondre pas prouvent que, comme pour les Etats du bloc de l'Est, la préoccupation fondamentale des Etats occidentaux n'est pas une question militaire et stratégique, mais bien que la lutte des ouvriers polonais ne s'étende pas internationalement.
Le dernier épisode marquant de la lutte des ouvriers polonais, la mobilisation générale pour faire libérer deux ouvriers de Solidarité de Varsovie et la remise en cause de la justice, de la police et de l'armée qui l'a accompagnée a montré que les ouvriers polonais étaient allés le plus loin possible dans le cadre des frontières polonaises. Aller plus loin à ce moment-là signifiait remettre totalement en cause le pouvoir d'Etat et pousser celui-ci à s'effondrer. Malgré toutes les conséquences internationales que cela provoquerait, la Russie ne peut se permettre de laisser l'Etat polonais s'effondrer et dans ce cas-là, serait contrainte d'intervenir militairement.
Que ce soit du point de vue de la lutte, comme du point de vue de la répression, toutes les questions se rejoignent dans la question internationale.
C'est de cette situation que la bourgeoisie mondiale tire profit pour mener une contre-offensive contre les ouvriers polonais, non parce que ceux-ci auraient reculé, mais parce que de leur propre force, ils ne peuvent aller plus loin et dégager une perspective internationaliste. Cette contre-offensive se résume à redonner quelque force à l'Etat polonais, à le forcer au moins à adopter une attitude homogène, à agiter très sérieusement la menace d'une intervention des troupes russes, et surtout à isoler les ouvriers polonais des ouvriers du reste du monde. Pour la mener, la bourgeoisie mondiale se partage le travail :
Aujourd'hui, les ouvriers polonais ne peuvent aller plus loin, ni recommencer ce qu'ils ont déjà fait. Même si la capacité de mobilisation reste toujours aussi grande, ils ne peuvent que conserver les positions gagnées contre l'Etat. Combien de temps ? Cela non plus ne dépend pas d'eux, mais là aussi de la classe ouvrière internationale.
Prênat
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En novembre, à la stupéfaction de l'appareil syndical "Solidarité", qui employait alors l'essentiel de son temps â stopper les grèves, les ouvriers polonais débordaient la revendication de la libération de deux membres de "Solidarité" en remettant en cause tout l'aspect répressif de l'Etat polonais, c'est à dire l'essentiel: armée, police, justice.
En fait, fin novembre, cette situation est l'aboutissement de toute une période où les luttes n'ont fait que s'étendre et se généraliser dans toute la Pologne, après les accords de Gdansk, fin août. Pourtant, après six mois de lutte, malgré une situation économique de plus en plus catastrophique, pas grand-chose â manger et pénurie de tout, pendant quelques semaines la Pologne "revenait à une situation sociale calme".
Pendant plusieurs jours, la seule image qui nous parvenait de Pologne n'était que l'image sinistre de milliers de chars massés aux frontières et prêts à intervenir.
Des luttes décidées et solidaires qui, pendant six mois avaient défié un des Etats les plus rigides et les plus caricaturalement militaire et policier du monde, "Solidarité" et Walesa en tête n'en donnaient plus que l'image : "Travail, famille, patrie", "prière et sacrifice". Enfin, rien de bien nouveau, encore moins de révolutionnaire.
Pour les ouvriers polonais, l'inauguration du monument à la mémoire des ouvriers fauchés par la répression en 70 donnait à "Solidarité", toujours Walesa en tête, l'occasion de développer un langage plus nationaliste, plus responsable, plus défenseur de la patrie et de l'économie nationale que jamais. Alors qu'ils avaient passé plusieurs mois â faire les "pompiers volants" et à faire barrage à la lutte, le silence des ouvriers polonais et la menace tant affirmée des chars russes, donnaient â "Solidarité" et Walesa l'occasion de dire tout haut ce qu'ils pensaient déjà tout bas.
Il y a une différence entre la réalité de la lutte des ouvriers polonais et l'image syndicale, nationaliste, religieuse et démocratique qu'en donnent les médias : journaux, radios et télévisions du monde entier. Même si les ouvriers polonais entretiennent encore beaucoup d'illusions nationalistes, religieuses et syndicales, toute leur pratique est en contradiction avec celles-ci et c'est cela qui est important. A aucun moment, ils n'ont cédé au chantage S la "catastrophe nationale" et "dieu sait si la crise économique est profonde en Pologne, à aucun moment il ils ne se sont rangés derrière les consignes démobilisatrices et les appels au calme du syndicat et de l'Eglise, pendant six mois, ils n'ont fait que les déborder1.
Aujourd'hui encore, après quelques semaines de calme et malgré :
Aujourd'hui des journaux titrent : "Epreuve de force entre "Solidarité" et l'Etat". Mais la véritable épreuve de force n'est pas entre "Solidarité" et l'Etat, mais entre la classe ouvrière qui ne veut pas reculer et l'Etat qui voudrait reconquérir le terrain perdu, et malgré les apparences, "Solidarité" n'est pas du côté de la classe ouvrière, mais du côté de l'Etat, de Tordre, de la patrie, de la famille et du sacrifice. Quelle est d'ailleurs l'image que Walesa, en voyage à Rome, a voulu donner de la lutte en Pologne, sinon celle-là ?
Si aujourd'hui il y a quelque chose qui a changé dans "Solidarité", ce n'est sûrement pas sa politique anti-ouvrière et bourgeoise mais sa façon de la faire passer. Si contrairement à son attitude directement anti-grève face aux luttes des mois de septembre, octobre, novembre, "Solidarité" ne s'est pas opposée directement aux grèves et à la mobilisation pour la semaine de cinq jours, c'est seulement parce qu'il a compris que s'opposer directement et frontalement à la lutte n'était pas le meilleur moyen de la briser. Ils ont compris que briser la lutte de l'intérieur, en demandant aux ouvriers de leur déléguer la direction et l'initiative de la lutte, en la planifiant vers des grèves de deux heures ou quatre, usine par usine, région par région, était le meilleur moyen de la désamorcer, le meilleur moyen de "mouiller la poudre". En cela, ils ne font pas mieux, ni autre chose que les syndicats traditionnels du bloc occidental, et Ton sait ce qu'il advient des luttes encadrées par les syndicats dans ce bloc.
Jusqu'à aujourd'hui, le tout neuf syndicat "Solidarité" n'avait aucune expérience, aucune homogénéité, aucune vision globale de ses tâches. Les grèves sans trêve d’août à décembre ne leur avaient pas laissé le temps de souffler, de se structurer, de définir une "stratégie, globale". D'autre part l'Etat polonais et tous les Etats du bloc de l'Est n'arrivaient pas à déterminer une attitude homogène par rapport à "Solidarité", parce qu'ils n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur l'attitude à adopter par rapport à la lutte ouvrière : répression ou tentative de récupération. Aujourd’hui, la combativité ouvrière qui ne se relâche pas à contraint l'Etat polonais à compter en premier lieu sur "Solidarité", pour ramener la classe ouvrière au calme, à une "attitude responsable".
Pendant les quelques semaines de calme qui ont précédé les luttes actuelles, "Solidarité" n'a pas perdu son temps et Ta employé non seulement à se structurer mais surtout à aller chercher l'expérience qui lui manquait, là où elle existait déjà, chez les syndicalistes du bloc occidental. Tous les voyages des syndicalistes européens en Pologne n’avaient pas d’autre but' que l'enseignement de leur propre expérience anti-lutte à leur jeune confrère "Solidarité". De même, le voyage de Walesa en Europe et ses visites au Pape n’avaient pas d'autre but que d'al1er prendre des leçons chez ses confrères italiens et d’isoler la lutte des ouvriers polonais de celle des ouvriers du bloc occidental en la dénaturant et en déclarant sans cesse que c'était une lutte "nationale", une lutte des ouvriers polonais, qui ne concernait que les ouvriers polonais.
Après avoir vu l’unité financière et militaire de la bourgeoisie mondiale pour enfermer et briser la lutte des ouvriers polonais, nous voyons apparaître en force son unité syndicale pour mener à bien la même tâche.
Ainsi, si la combativité et la capacité de mobilisation des ouvriers polonais restent entières, l’isolement de la lutte en Pologne par contre se fait de plus en plus cruellement sentir ne serait-ce que parce que l’Etat polonais peut, lui, compter sur l'aide militaire, financière et syndicale que lui accorde le bloc de l'Est comme le bloc de l'Ouest et qu’il peut compter sur une "opposition" qui dénature la lutte et la détourne de ses propres objectifs.
Prénat.
L'Est est socialiste, la Pologne est un cas â part, tout peut se résoudre par une conciliation à l'intérieur de la nation, voilà ce que matraque la bourgeoisie, de l'Est à l'Ouest. Voilà ce que matraquent ses partis, se syndicats. Voilà ce que matraque la "ligne d'action" de "Solidarité".
La problématique de Walesa et des "experts" est fondée sur un faux choix : "OU se plier aux diktats de l'économie nationale, rester sages et laisser manœuvrer les syndicats, Ou prendre la responsabilité d'un affrontement avec les forces militaires du bloc russe."
C'est cette vision de l'avenir qu'il offre aux ouvriers en Pologne, pendant qu'il contribue à propager partout que la lutte est "spécifiquement polonaise".
C'est cet esprit nationaliste, cette vision qu'il s'agit d'analyser en détail l'économie capitaliste pour voir quel créneau peut se permettre la classe ouvrière, qui domine l'appareil de Solidarité. Cet appareil, la ligne qu'il affiche, ne sont pas remises en causes, ouvertement. Mais toute la pratique des ouvriers va à son encontre : encore dernièrement, c'est dans leurs assemblées générales que les ouvriers ont décidé la grève pour les samedis libres, contre l'avis de Walesa, contre l'avis des "experts", qui estimaient que l'économie nationale ne pouvait pas tolérer que les ouvriers se reposent deux jours par semaine.
La classe ouvrière sait qu'avec ou sans samedis libres, la situation empirera de toutes façons. Que les queues, les pénuries (contre lesquelles le rationnement, présenté comme solution par les "experts" est impuissant : il n'y a rien à rationner, souvent), les coups bas de l'Etat continueront. Elle sait que sans la pression qu'elle maintient depuis six mois, la situation serait encore plus catastrophique. Elle sait aussi, d'expérience, que dès que sa vigilance baissera, dès que son unité s'affaiblira. , elle subira une répression à la hauteur de la peur qu'a eue la bourgeoisie, bien pire qu'aux lendemains de 70, où les ouvriers étaient traqués un par un comme des lapins.
La conciliation entre classes dans l'intérêt national, les ouvriers l'envisagent avec plus que de la méfiance. Walesa, lui proteste : "Comment l'Etat peut-il se méfier de nous?" (interview publié dans l’"Alternative" N°8) et reproche aux autorités de "présenter le syndicat comme un mouvement irresponsable, indifférent aux difficultés économiques du pays et manquant de bonne volonté" ("Le Matin", 24-1-81). Après que le syndicat ait arrêté tant de mouvements, aidé à faire passer tant de mesures de restrictions depuis octobre, discuté avec le gouvernement de ce qu'il serait possible de faire miroiter aux ouvriers en échange d'une nouvelle augmentation des prix, matraqué tant qu'il pouvait que des sacrifices étaient nécessaires pour la survie de la nation, on comprend que le syndicat insiste sur 1'ingratitude de l'Etat. Ce qui le préoccupe, c'est bien comme le dit Kuron, la façon de faire passer la pilule que l’Etat réserve aux ouvriers.
l'Etat polonais : ".si nous voulons convaincre ces millions de nos compatriotes et leur faire accepter les restrictions que nous estimons nécessaires, nous devons leur dire clairement les raisons." ("Le Monde" 19-1-81).
Dès que la classe a marqué un temps d'hésitation, les syndicats ont enfoncé plus ouvertement le clou de la résignation. La pression de la classe les a brutalement réveillés et on voit aujourd'hui Walesa afficher sa "fermeté de voir respectés les accords de Gdansk", et on présente partout la lutte actuelle comme une "victoire de Walesa". Après s'être opposé au mouvement, l'appareil de ’Solidarité’ tente d'en prendre la tête, selon une méthode bien connue en Occident : il vaut mieux, quand la lutte est trop forte, feindre d'aller dans son sens pour mieux en tordre la direction première vers des objectifs "réalistes" : abandonnez les revendications économiques, ce qui est important, c'est "Solidarité", la reconnaissance du syndicat, en soi.
Les ouvriers résistent à cet embrigadement, au niveau de leur pratique immédiate, ils ne se plient pas aux "diktats du bien national", mais ils ne veulent pas non plus "prendre la responsabilité d'un affrontement militaire". Et ils ont raison. Il n'est pas besoin d'experts pour savoir que, s'ils s'attaquent directement à cet Etat qui s'oppose à leur volonté, ils auront devant eux les forces militaires du bloc russe, mais aussi tous les déploiements idéologiques de la bourgeoisie occidentale et toute l'aide qu'elle apportera à la répression. Quand les ouvriers ont passé le cap de mettre en question les bases de l'Etat, ils ont eu une idée de l'ampleur des forces qui se dressaient contre eux. Les ouvriers ne sont pas prêts â se battre les mains nues dans un affrontement désespéré. Leur attitude actuelle témoigne d'une grande maturité sur cette question : de la compréhension de la nécessité de se renforcer contre 1'Etat avant de pouvoir s'opposer à lui.
Mais, selon cette fausse alternative : reculer ou être écrasés, l'appareil de ‘Solidarité’ apparaît comme un paravent qui protège de la répression tout en permettant quand même la pression ouvrière. Il n'en est rien. Il est l'instrument qui la livrera pieds et poings liés à la première alternative : la défaite. "Solidarité" brise la force de la mobilisation ouvrière, son extension qui SEULE EST UN OBSTACLE A LA REPRESSION: "les autorités soviétiques craignent qu'une intervention de 1'armée est-allemande en Pologne provoque un mouvement généralisé de grèves en RDA." (Lettre de l’"Expansion" du 22-12-80).
"Solidarié", comme tous les syndicats du monde, s'oppose aux besoins les plus fondamentaux pour une perspective de renforcement de la classe ouvrière : le besoin de rester mobilisés et la nécessité d'une internationalisation.
En posant la question, en août, de l'impossibilité d'arrêter l'aggravation de leurs conditions de vie dans ce système, les ouvriers ont posé la question de l'impossibilité de concilier les intérêts de deux classes antagoniques : bourgeoisie et prolétariat. "Solidarité" noie le poisson dans un fatras de perspectives nationalistes d'un progrès à la “japonaise" perdu dans l'abstraction, au-dessus de la crise mondiale.
La question qu'ont posée les ouvriers polonais, c’est celle d'un affrontement irréconciliable entre deux classes, affirmant que seule la lutte était une réponse à la crise, ils posent la question d'un affrontement inévitable. Même s'ils n'y sont pas prêts, les ouvriers doivent envisager l'avenir comme une préparation à l'affrontement inévitable avec la bourgeoisie.
Cette préparation passe d'abord et avant tout par une chose : la compréhension de l’INTERNATIONALISATION comme SEUL CADRE POSSIBLE pour cet affrontement. Ce n'est que sur le développement d'explosions sociales comme celles de la Pologne que la classe ouvrière peut compter contre la force de son ennemi. Les conditions de telles explosions mûrissent en RDA, en Hongrie, en Russie, comme dans les pays occidentaux de plus en plus pressurés par la crise. Pour que ce processus se déroule avec le plus de clarté, de force, de cohésion, il faut se garder des visions immédiatistes. Pour les ouvriers polonais, il ne s'agit pas de rester passifs, mais de maintenir leur position de force en clarifiant les perspectives d'extension, sans hâte, dans l'attente du mouvement international.
D.N.
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C'EST DE PLUS EN PLUS SIMULTANEMENT QUE LES OUVRIERS REPONDENT, AUX QUATRE COINS DE LA PLANETE, AUX ATTAQUES DE PLUS EN PLUS GENERALES ET BRUTALES DE LA BOURGEOISIE. ENCORE RECEMMENT, EN BELGIQUE ET EN GRANDE-BRETAGNE, DES LUTTES ONT EXPRIME CETTE TENSION MONTANTE. DANS LES PAYS DU BLOC DE L 'EST, LES POTENTIALITES D'UNE EXPLOSION GENERALISEE SE RENFORCENT: LA BOURGEOISIE STALINIENNE, DE LA HONGRIE A L'URSS EN PASSANT PAR LA RDA, EST CONTRAINTE D'ACCORDER DES AUGMENTATIONS DE SALAIRES, DES REDUCTIONS DE TEMPS DE TRAVAIL, POUR QUE L'AUSTERITE QU’ELLE IMPOSE PUISSE PASSER SANS AFFRONTEMENT.
POUR TOUS LES PROLETAIRES, LES LUTTES DE POLOGNE SONT UN PHARE QUI ECLAIRE LEUR PRESENT ET LEUR AVENIR : DEPUIS PLUS DE 8 MOIS, LA CLASSE OUVRIERE Y AFFIRME SA FORCE UNIE, CONTRE LA LOGIQUE D'UN MONDE POURRISSANT. DANS SA LUTTE, ELLE AFFRONTE TOUTES LES ARMES QUE LA BOURGEOISIE DEPLOIE PARTOUT DANS LE MONDE : LA REPRESSION, LE PIEGE SYNDICAL, LES MYSTIFICATIONS NATIONALISTES...
La classe ouvrière, en Pologne, a réussi à maintenir l'initiative. La bourgeoisie ne parvient pas à "rétablir l'ordre" ; l'autorité du parti et de l'Etat continue d’être mise en question au point d'ébranler toute la structure politique de la classe au pouvoir. La récente vague de grèves commencée au lendemain même du nouvel an, après la "trêve de Noël" est la troisième vague depuis l'été. Et, comme les deux qui l'ont précédée, elle a abouti à faire céder partiellement les bureaucrates du Pacte de Varsovie. Mais cette fois-ci, pour g parvenir, les ouvriers ont du s'opposer plus ouvertement à l'appareil de Solidarité. La bourgeoisie ne peut plus gouverner comme bon lui semble. Elle est obligée de tenir compte de ce que font et menacent de faire les exploités.
"La fin de l'été polonais. La Pologne à l'ombre de l'armée", titrait, ce mois-ci, parmi d'autres, le "Quotidien de Paris". Non, l'été polonais, n'est pas fini. L'image d'un talon de fer sur une classe ouvrière soumise par un syndicat "bien dans le rang" n'est pas encore la réalité.
Le nouveau changement de gouvernement est présenté comme la "solution" qui, maniant habilement la carotte et le bâton, réussirait à calmer la situation et â arrêter les grèves, par un subtil dosage de promesses de liberté et de menaces de répression. Le gouvernement actuel est la manifestation de la difficulté de manœuvre de la bourgeoisie face à une classe qui depuis maintenant 8 mois n'a cessé de se battre, de réfléchir collectivement, de construire un rapport de forces capable de desserrer l'étau, stalinien et d'améliorer ses conditions d'existence. LE GOUVERNEMENT ACTUEL EST LE RESULTAT DE L’INTRANSIGEANCE OUVRIERE ET D'UN ECHEC DE L'INTRANSIGEANCE DES BUREAUCRATES.
Depuis les cérémonies d'inauguration à Gdansk en décembre du monument aux victimes de la répression des luttes de 1970, l'espoir d'une UNION NATIONALE, ce consensus social tant désiré par Walesa, a bien volé en éclats.
La réunion des responsables du Pacte de Varsovie en décembre avait abouti à mettre en première ligne de front gouvernemental les tendances les plus "fermes"(le général Moczar en tête) afin de remettre l'ordre dans le pays.
Enhardi par le calme de la "trêve de Noël",1e gouvernement s'est attaché pendant près de 2 mois â tenir le langage de la force face aux luttes sociales : refus d'appliquer les accords de Gdansk en ce qui concerne les samedis libres; intervention de la police pour évacuer les bâtiments gouvernementaux occupés par des paysans et des ouvriers; refus net de céder à toute pression revendicative (jusqu'au point de pousser des responsables locaux â reprendre les démissions qu'ils avaient déjà acceptées face à des grèves locales) menaces ouvertes du conseil des ministres de "prendre des mesures pour remettre les usines en grève au travail"; au début février, des rumeurs courent sur l'imminence de l'imposition de la loi martiale dans le pays. "Il faut passer à l'offensive" déclare le général Moczar.
Les résultats ne se font pas attendre. Des millions d'employés en grève les samedis; le mouvement des paysans se généralise avec l'appui des ouvriers; les grèves exigeant la destitution des responsables locaux gouvernementaux se multiplient, provoquant dans le sud du pays des grèves générales avec occupation comme à Jelenia Gora et à Bielsko Biala, qui regroupent des centaines d'entreprises organisées pour la lutte ensemble. Au début février les grèves s'intensifient : les usines, les chantiers navals, les bureaux, les transports publics partent en lutte. Walesa, qui saute d'un foyer à l'autre pour "négocier avec les ouvriers" - étrange représentant!- s'écrie : "Le pays est en feu!"
La direction de Solidarité ne cesse de multiplier les appels au calme et à la responsabilité, sans succès. La presque totalité des grèves importantes ont été faites CONTRE L'AVIS DE SOLIRARITE.
L'Eglise traite le gouvernement d'irresponsable pour les mesures qu'il prend et qui ne font qu'attiser le feu social. Au moment des négociations sur Bielsko Biala, les éléments dits "modérés" du bureau politique menacent de démissionner si le gouvernement ne cède pas. La bourgeoisie a été obligée de céder partiellement sur les samedis libres, sur les revendications de ceux qui réclamaient la destitution des principaux responsables locaux de l'Etat.
Face à l'échec de la «fermeté" qui n'aboutissait qu'à des tergiversations, l'Etat fait un nouvel essai, tentant d'aligner ses divergences derrière la principale force cohérente de l'Etat :
L’ARMEE, elle n'efface pas la menace de répression qui pèse comme une épée de Damoclès sur la tête des ouvriers polonais : mais c'est que la classe ouvrière est trop forte. Il faut d’abord l'affaiblir. C'est pour ce but que le gouvernement met en avant aujourd'hui la "négociation", le "dialogue", en renforçant les moyens de contrôle sur la classe que sont le syndicat et les commissions chargées de régler les questions au sommet entre syndicats et représentants du gouvernement : démobilisez-vous, le syndicat s'occupe de vous ; plus de grèves, et plus de revendications économiques, pour commencer.
La classe ouvrière est trop forte, riais trop forte localement, et les tentatives de répression entraînent des réactions immédiates, mais aussi internationalement. Les ouvriers du monde entier, et surtout ceux des Pays de l'Est, gardent les yeux sur la Pologne. Si le mouvement se tassait, si le silence pouvait se faire, alors il serait plus envisageable de faire succéder à la déroute l'écrasement physi- que de la volonté ouvrière.
Et avec quoi réprimer? Si le général Jarulewski ne "voulait" pas employer la répression en 70, c'est que les premières tentatives d'utiliser l'armée pour la répression s'étaient soldées par des fraternisai tons avec les insurgés. Quant à l'URSS, elle a déjà des problèmes de désertions dans les contingents envoyés en Afghanistan, tirer sur les ouvriers de Pologne ne se ferait pas sans mal... Cet affaiblissement de l'armée bourgeoise, c'est le résultat de la formidable pression sociale qu'exerce la classe ouvrière quand elle lutte, quand elle fait entrevoir à l'humanité la possibilité d'une autre logique que celle qui fait aujourd'hui tourner ce monde à 1'envers.
Pour réprimer aujourd'hui la classe ouvrière en Pologne, il faut tenter de noyer cette lame de fond.
Le syndicat Solidarité est aujourd'hui pour l'Etat son atout majeur, pour la classe son pire danger. La nouvelle équipe dirigeante le place en première ligne de l'offensive anti-ouvrière.
La bourgeoisie peut tenter de prendre un autre visage. Mais elle ne peut pas céder sur des revendications qui sapent son économie et elle dit clairement, par la bouche du syndicat : plus de revendications économiques. D'AILLEURS, AVEC LES DIFFERENTES "CONCESSIONS" DE LA BOURGEOISIE, LA NEGOCIATION REUSSIE AVEC LES SYNDICATS PREVOIT DE NOUVELLES RESTRICTIONS SUR LA CONSOMMATION DE LA VIANDE ET DU SUCRE.
Or, justement, la classe ouvrière n'accepte toujours pas cette logique: rentable ou non, elle a exigé les samedis. Tant que l'économie peut produire des armes à la tonne, les ouvriers ne voient pas pourquoi ils devraient vivre dans la misère.
Solidarité, comme l'Etat en général, tend à présenter le problème et ses solutions sur le plan de la "distribution" de ce qui est disponible. La classe ouvrière pose le problème du BUT DE LA PRODUCTION ; le point de vue de la classe ouvrière n'est pas de répartir une misère imposée par des besoins qui lui sont étrangers, mais de produire en fonction de ses besoins, et de les satisfaire.
Or, justement, la classe ouvrière, jusqu'à présent a montré plus que de la méfiance vis à vis de la vision syndicale des négociations en bureau fermé par des délégués qui ne sont pas des délégués d'assemblées en lutte. A Bielsko Biala et à Jelenia Gora, elle a à nouveau montré que pour imposer sa volonté, il fallait se réorganiser en comités de grèves centralisés entre les différents secteurs.
De la force qu'ont eu ces réactions de la classe ouvrière en Pologne, c'est l'ensemble de la classe ouvrière mondiale qui doit en tirer la leçon, car ces problèmes ne sont pas "spécifiquement polonais". C'est la condition pour que la classe ouvrière affirme sa force et entrave la régression; c'est la condition pour approfondir la question qu'ont posé les ouvriers en Pologne : celle de la réorientation de la société vers la satisfaction des besoins humains. Elle ne peut se faire à l'échelle de la Pologne, mais à 1'échelle du monde.
Nous publions ci-dessous une lettre d’un de nos lecteurs à propos de la lutte de classe en Pologne.
Depuis 1905, la grève en masse, arme de lutte politique- est en Pologne une tradition bien enracinée. C'est à l'emploi de cette arme que le prolétariat polonais doit les premières brèches importantes ouvertes dans l'édifice tsariste. Aujourd'hui, dans la lutte historique du prolétariat moderne pour sa libération, la classe ouvrière polonaise occupe le tout premier rang et le prolétariat du monde entier se trouve poussé à comprendre son importance historique car, il livre en Pologne une de ces batailles décisives dans la lutte émancipatrice du prolétariat mondial.
En pleine crise économique et malgré la lourde menace de la répression militaire qui plane constamment sur lui, le prolétariat polonais continue de livrer une grandiose lutte, certainement une des sources les plus fécondes en enseignements qui se soient produites depuis des décennies. Il se bat seul pour sa propre existence ; il brandit très haut sa bannière ; il remet à l'honneur la pratique de la grève en masse propulsant dans l'action des centaines de milliers de protagonistes ; il a recours à l'assemblée générale renouant par là avec la pratique des organes de dualité de pouvoir. Les premières éruptions du prolétariat ne se sont pas terminées par une navrante défaite ; au contraire, elles auront encouragé les combattants à livrer de nouveaux assauts. Maintenant, le mouvement s'affronte à des forces infiniment plus puissantes matériellement, non plus Kania et l'Eglise apostolique romaine, mais le capitalisme mondial qui a trouvé en Walesa son plus efficace cheval de Troie.
Brutalement, les dernières flambées de grèves du prolétariat polonais sont venues confirmer qu'il n'y avait pas de quelconque socialisme en Pologne, mais une économie nationale soumise aux lois de la domination impérialiste du marché mondial. Qu'il n'existait pas â Varsovie un type d'Etat "ouvrier dégénéré", mais un appareil de domination policière, grand des intérêts généraux de la classe dominante, la bourgeoisie polonaise. Que, divisée économiquement pour l'exploitation des marchés et la conquête des indispensables débouchés, la bourgeoisie mondiale était tout comme en 1871 et en 1917, solidaire lorsqu'il s'agissait de réprimer les désordres sociaux par sa gendarmerie, et, de garantie â chacune de ses fractions nationales de la continuité du capitalisme par la ressource de ses coffres-forts. Qu'à cette franc- maçonnerie des brigands d'Est et d'Ouest, le prolétariat devait opposer sa propre solidarité internationale en s'inspirant des méthodes de Marx et d'Engels œuvrant à la constitution de 1'AIT en 1864 et, de l'effort des bolcheviks luttant pour la reformation de l'Internationale. Que toute lutte, voulue et vécue par le prolétariat freinait de manière conséquente les préparatifs militaires de la bourgeoisie en vue d'un troisième carnage impérialiste.
Quoi qu'obscurci par l'emprise religieuse et les ressentiments nationalistes qui subsistent dans une classe qui se relève de la plus tragique contre révolution de son histoire, le caractère fondamental du mouvement n'est en rien marqué par l'idéologie trade-unioniste. Bien plutôt, il constitue Un des maillons de la marche en avant du prolétariat qui se fraie la voie à travers une série d'avancées et de retraites car, seule classe révolutionnaire qui soit en même temps classe exploitée, il ne peut pas poursuivre son ascension sur une route rectiligne, à l'inverse de la bourgeoisie montante.
Les grèves conduites par le prolétariat polonais constituent une puissante réaction â la pression de plus en plus insupportable d'un capitalisme dominé par la crise. Ces grèves sont spontanées, en ce sens qu'elles réagissent immédiatement à une situation sociale donnée, qu'elles rendent coup pour coup dans la lutte. Elles permettent de développer les innombrables ressources et toutes les capacités créatrices du prolétariat. C'est un flot montant de réalisation des plus positives pour l'unification de la classe qui se produit en Pologne. rt dans cette mesure où s'est effectuée la plus large mobilisation et le regroupement du meilleur des forces prolétariennes, les machinations insensées des "jaunes" en vue de stopper le mouvement ont été étouffées dans l'oeuf, et les bouchers qui rêvent du sabre et du fusil pour noyer une fois pour toutes le mouvement dans un bain de sang doivent ronger leur frein. Par sa puissance, le mouvement a contraint les dirigeants à céder plus d'une fois sur leurs revendications : "Ce n'est pas l'emploi de la force physique, mais bien la résolution révolutionnaire des masses de ne pas se laisser effrayer, le cas échéant, dans leur action de grève par les conséquences les plus extrêmes de la lutte et de faire tous les sacrifices nécessaires qui confèrent à cette action une puissance si irrésistible qu'elle peut souvent amener dans un court laps de temps de notables victoires" (Rosa Luxembourg : "Grève de masse, partis et syndicats"). Telle est bien la situation en Pologne. Prêt à tout effort, disposé aux sacrifices les plus pénibles, le prolétariat se bat et, par cette lutte, il est devenu le facteur social le plus actif, celui qui tient entre ses mains la clé de la situation. Poussé S la lutte par Eine situation de crise, il agit sur les bases des lois de l'histoire qu'il plie sous sa volonté. Au niveau actuel de son développement conscient, le prolétariat est non seulement de taille à tenir tête à ses ennemis, mais aussi capable de les terrasser.
Luttant pour atteindre leur propre but, les ouvriers polonais ne se sont pas laissés entraîner à la remorque des dirigeants du KOR. A chaque élévation de leur conscience a correspondu une chute de l'autorité et de l'influence de Walesa. Ce que ce dernier désirait, c'était une grève prise d'avance dans les rets de la légalité ; une grève qui ressemble à une pieuse occupation d'usines durant laquelle brûleraient innocemment les cierges et l'encens de la "paix sociale". Après avoir cherché à échapper aux doucereux discours démobilisateurs du KOR, les prolétaires cessaient de s'organiser dans leurs propres organes centralisés.
Cette tâche est celle que doit se donner l'avant-garde des ouvriers qui, au cours de l'affrontement, ont acquis leur conscience de classe. Chaque fois que les ouvriers auront à agir en toute responsabilité par eux-mêmes, leur maturité et leur conscience se manifesteront toujours de manière spontanée. Depuis que les appareils syndicaux sont passés au service du capital, et rien qu'à lui, plus aucun pas réel n'a été franchi au travers de ces fausses grèves soigneusement préparées pour la défaite du prolétariat. A cet égard, Luxembourg a donné une opinion définitive et il suffit de confronter les surgissements de "grèves sauvages'' avec les actions légalistes, impuissantes, initiées par les centrales syndicales pour voir qu'un abîme les sépare. De longue date rompus à la politique de l'arbitrage et des négociations, les vieux syndicats se font les fourriers des défaites successives des luttes. Mais il est erroné d'assimiler tout organe centralisé du prolétariat à un syndicat qui, par voie de conséquence, serait néfaste aux intérêts des travailleurs. De même qu'est incorrecte l'opinion selon laquelle l'action spontanée se suffit à elle-même".
Au cours de la grève en masse, la classe ouvrière devient une totalité organique, une classe pour soi, animée d'une volonté commune pour le triomphe d'un objectif identique et général. Ainsi, les grèves polonaises ont offert et continuent d'offrir d’immenses possibilités pour une germination de la conscience de classe la plus élevée. Or, jusqu'ici, elles ne se sont pas transformées en lutte révolutionnaire, en affrontement direct avec l'appareil d'Etat. Aussi nécessaires qu'elles soient, ni l'assemblée générale, ni la grève en masse n'épuisent le problème. Elles ne forment que des moments de tout un processus qui, parti de la plus modeste grève, doit aboutir nécessairement à l'insurrection. Il ne fait pas de doute que la grève en masse et l'assemblée générale entraînent régulièrement dans la lutte des masses toujours plus grandes. De la sorte, elles conservent au mouvement son caractère de masse et lui assurent sa cohésion. Mais elles ne lui confèrent pas encore son contenu politique socialiste. En elles-mêmes, ni l'une, ni l'autre ne recèlent une vertu miraculeuse ; pour devenir la force motrice la plus puissante de la révolution, la manifestation de la lutte prolétarienne qui ne finit, pour ainsi dire qu'avec la prise du pouvoir, il leur faut ne pas se laisser détacher du but final.
Le socialisme ne jaillit pas de la lutte spontanée de la classe pour satisfaire ses propres intérêts quotidiens. Celui-ci ne peut naître que de l'accentuation des contradictions du capitalisme et de la prise de conscience, par la classe, que la révolution socialiste est indispensable. Alors, et alors seulement, chaque revendication particulière, chaque lutte partielle, chaque mot d'ordre limité peut prendre une signification révolutionnaire.
Mais, pour que la classe prolétarienne prenne conscience de ses intérêts socialistes, il faut qu'en elle s'exprime durant les heurts une force politique capable d'harmoniser l’activité pratique et immédiate avec le but final, pour parler comme Luxembourg. Ce noyau a comme fonction d'empêcher que le mouvement ne vienne se briser sur l'écueil qui est la perte de vue du but final, à accélérer le mouvement spontané en expliquant aux plus larges couches du prolétariat déjà en mouvement l'essence de sa lutte. Sa fonction ne consiste pas à se substituer à elles, qui luttent avec courage et abnégation, mais de coordonner chaque phase de la lutte à la somme entière du mouvement en ¡lui fournissant son orientation consciente.
Ici, en Pologne, cette organisation politique d'avant-garde apparaîtra à chaud plutôt comme l'émanation et la conséquence de la lutte que comme condition préalable au processus révolutionnaire. Ici encore, le parti révolutionnaire sera le produit historique de la lutte de classe, le résultat de grands actes créatifs de la lutte de la classe qui les expérimente, et non pas la machine à faire les révolutions dont rêvent les vulgarisateurs mécanistes.
Que les prolétaires en action deviennent conscients de leurs propres tâches et du chemin à suivre est aujourd'hui aussi indispensable historiquement pour le triomphe du socialisme que l'ignorance de ses mêmes tâches et voies était indispensable pour la survie de la bourgeoisie et la pérennité du capitalisme.
DI NEO 11/02/81
Les syndicats ont revêtu le bleu de travail et sont descendus à 1'usine. Faisant mine de réformer l'excessif bureaucratisme de leurs appareils, ils essaient de redéployer leurs tentacules sur le terrain du syndicalisme de base. De la sorte, ils s'adaptent aux nouvelles exigences que leur impose dans la situation actuelle leur rôle de gardiens de Tordre bourgeois dans les usines. Des exemples de cela, nous les trouvons accomplis dans la lutte de Longwy-Denain en France, dans la grève de l’acier en Angleterre et dans la grève de masse en Pologne.
Ces trois exemples sont les plus parlants pour souligner le caractère international de la lutte ouvrière et des problèmes qu'elle rencontre aujourd'hui.
A Longwy-Denain, la bourgeoisie française a tenté de mettre en place dans la sidérurgie un plan de 30 000 licenciements. Devant cette attaque, une violente réaction ouvrière s'est produite : dans les zones sidérurgiques des grèves et des manifestations de masse ont éclaté.
Comment la bourgeoisie française parvint-elle à freiner et à dévoyer momentanément cette grande lutte ?
Elle a employé la répression mais, et surtout, elle a usé d’une arme plus efficace : faire en sorte que les ouvriers soient DESORGANISES, DESUNIS ET SANS COORDINATION, les empêchant de former leurs organes d'unité et de décision souveraine : les ASSEMBLEES ET LES COMITES ELUS ET REVOCABLES. A cela, elle y est arrivée en poussant en avant le syndicalisme de base : elle a donné la liberté aux unions locales de se radicaliser et de regrouper dans leur sein les ouvriers les plus combatifs.
Par ailleurs, quand la combativité ouvrière commença à fléchir, les syndicats ont trouvé dans leurs organes ; de base un point d'appui pour réinstaller Tordre, organisant la démoralisation et la débandade des rangs ouvriers.
Dans le cas de la grève de l'acier, en Grande-Bretagne, les syndicats ont créé des comités de grève pour intégrer les ouvriers les plus combatifs et dominer la lutte. Ces comités se donnèrent des allures de radicalité et se dédièrent à la généralisation de la lutte en anticipant la combativité des ouvriers. En fait, et c'est là que nous pouvons voir comment agissent ces organes néo-syndicalistes de base, cette "généralisation", ils la limitèrent à la branche sidérurgique, ils la firent par le moyen des votes à bulletins secrets, collectes d'argent, etc...
En Pologne, alors que ce qui avait fait la force des luttes ouvrières l'été dernier, c'était le manque total d'illusions des ouvriers sur les syndicats officiels, la bourgeoisie est parvenue à faire passer la reconnaissance du nouveau syndicat "Solidarité" pour une victoire ouvrière. Sitôt mis en place, ce syndicat n’a pas tardé à jouer son rôle d'étouffoir de la lutte de classe. Le pompier Walesa parcoure la Pologne pour éteindre tout conflit qui risque de mettre le feu aux poudres.
En dévoyant la lutte sur des terrains légalistes, en soulignant la nécessité d’une modération de la lutte de classe, en menant des négociations secrètes, Solidarité à bien tiré les leçons du syndicalisme occidental.
Les expériences antérieures doivent guider notre compréhension des nouvelles manœuvres des syndicats pour noyer nos luttes.
Les bases du succès mystificateur du syndicalisme de base sont au nombre de trois :
Même relatif, le succès du syndicalisme de base est d'abord fait d'une faiblesse juvénile dans le regain de la lutte de classe. Il est fort d'un manque d'assurance encore sensible du prolétariat dans ses propres forces.
En dehors de situations de lutte de classe extrême, il est facile de se laisser enjôler par ces organes syndicaux qui revêtent l'apparence du "nouveau", du "plus démocratique", d’assurer une plus grande "participation", etc., par rapport aux vieux organes syndicaux déconsidérés, du style bonze.
Nous pourrions dire que le syndicalisme de base est au syndicat ce que ce dernier est au capitalisme : un amortisseur et un coupe-feu de la lutte ouvrière.
Face à la pression de la lutte, et pour ne pas en perdre le contrôle, les syndicats "assouplissent" leur discipline interne, laissant une certaine "liberté" à leurs organes de base qui sont ceux qui ont une relation directe à la lutte, leur donnant une marge d'action et davantage de possibilités de prendre des initiatives au niveau local, de l'entreprise et du secteur. Cela se traduit en "divergences" entre base et bureaucrates. Ces “divergences" constituent un ingrédient irremplaçable du syndicalisme de base, ils en sont un de ses piliers. Un de leurs objectifs est précisément de convertir n'importe quel affrontement entre ouvriers et syndicats en litige "interne" opposant base et sommet. Un peu comme dans les feuilletons américains de la TV, pleins de mauvais capitalistes et hommes politiques, mais nous laissant entendre que ce sont des exceptions, car il y en a aussi des bons et des intègres le syndicalisme de base nous présente les choses ainsi : le mal, c'est le sommet; ce qui est pur, c’est la base qui maintient l’"essence" du syndicalisme et rachète le tout.
Le jeu est clair : les organes syndicaux de base développent toute une série d’actions "radicales" auxquelles les directions "s’opposent de toutes leurs forces", mais les "tolèrent" parce que la démocratie, c’est la démocratie... Ça, c'est pour la galerie, la réalité est que les directions laissent faire "la base", tant que la lutte demeure globalement contrôlée par elles. Mais si il y a débordement, elles rétablissent l'ordre avec le recours aux bonnes vieilles calomnies de "provocateurs", "aventuristes", etc. ; elles attaquent la lutte ouvrière avec les organes de base en première ligne. Puis, dès que la lutte ouvrière commence à décliner, reviennent en force les directions syndicales
Cette radicalisation des syndicats par leur base, les syndicats ne la font pas, comme ça. Ils s'y voient contraints par la pression de la classe. Mais cela pourtant n'est pas pour nous dissuader de dénoncer les organes syndicaux de base. Cette dénonciation ne doit pas demeurer uniquement au plan du caractère syndical, telle qu'elle se fait parfois, de façon diffuse, mais s'attaquera à l'action de ces organes de base et à leurs fonctions. En rester au simple constat qu’ils naissent sous la pression ouvrière et que, par là même, ils méritent notre confiance parce qu'ils seraient une espèce de “premier pas", est une attitude totalement erronée qui, à terme, peut nous mener à la défaite. Le syndicalisme de base est une entrave de plus que fixe le capitalisme sur la voie des travailleurs, qu’il importe obligatoirement de surmonter. Nourrir l'illusion que notre pression peut nous rendre les syndicats favorables ou, du moins, neutres, est lourd de périls.
La fonction -et le rôle- des "Comités de grève" néo-syndicalistes anglais, de l'intersyndicale en France et de “Solidarité" en Pologne a été bien claire. Et ceux que remplissent les organes syndicaux de base sont similaires:
Cette orientation va de pair avec une idéologie corporatiste et nationaliste. Ainsi, par exemple, dans la lutte de la sidérurgie en Grande-Bretagne, l'extension du mouvement fut limitée au seul domaine privé et, à Longwy-Denain, toute la stratégie syndicale s'est dirigée à rendre responsables les ouvriers sidérurgistes allemands, “parce qu'ils produisaient à mei1leur marché" et "empêchaient que l'acier français se vende". Avec l’idéologie corporatiste, il n'y a qu'une seule voie de sortie : la défaite.
La situation actuelle du capitalisme, de crise permanente fait que l’unique manière de 1'affronter est de nous unir par-dessus les branches d'industrie et autres divisions que ¡nous impose la bourgeoisie. Les nombreuses expériences de luttes très combatives qui, pour ne pas s'être étendues, sont allées à la dérive, le confirment. Précisément, une des bases du syndicalisme de base consiste bel et bien à ne pas nous faire sortir du cadre de l'usine et de la branche d'industrie ou de la région.
Avec l'idéologie nationaliste, tout également, le syndicalisme de base, et le reste du capitalisme, veut nous faire avaler la couleuvre selon quoi il s'agit de nous opposer aux travailleurs des autres pays parce qu'ils seraient les vrais responsables de notre situation.
En Pologne, le refrain nationaliste chanté par Solidarité n'a qu'un seul but, enfermer les ouvriers sur le terrain national, faire croire que la solution à leurs problèmes est en Pologne et empêcher ainsi toute extension de la lutte par-delà les frontières.
Lorsque la lutte redescend, ces organes de base n'ont pas le moindre scrupule à céder la baguette de chef d’orchestre aux directions syndicales pour que celles-ci, en complicité avec le patronat et le gouvernement, fassent à leur guise. Par exemple, prenons la grève de la sidérurgie en Grande-Bretagne, où une fois la lutte retombée, se sont produits des centaines de licenciements en toute complaisance des syndicats, depuis les "directions bureaucratiques” jusqu'à la très "combative" base syndicale.
Il est très important par les temps actuels, à une époque où le moment décisif de l'affrontement capital-travail se rapproche, que nous puissions créer, à l'heure de la lutte, nos propres organes (Assemblées, comités élus et révocables par l'assemblée,)
Ces assemblées et ces comités, certes, ne sont pas en soi quelque chose dont le prolétariat devra se suffire, mais du moins c'est par eux que la classe se donne la possibilité de faire face aux attaques bourgeoises. En revanche, si le prolétariat â la faiblesse de croire dans le syndicalisme de base, il se coupe toute chance de gagner et assure la défaite.
(d'après “Acción Prolétaria", n°33).
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A l'heure où ces lignes sont écrites (samedi 28 mars), rien n'est tranché en Pologne. Les négociations entre Solidarité et le gouvernement sur les revendications mises en avant à la suite des violences policières de Bydgoszcz du 19 mars, se poursuivent sans qu'on puisse savoir avec certitude si elles vont aboutir à un compromis (ce qui semble cependant l'hypothèse la plus probable) ou à une rupture. Cependant, quel que soit le résultat de ces négociations, quelle que soit la suite des événements tant au niveau de l'attitude de la bourgeoisie que de la réponse de la classe ouvrière, l'évolution de la situation en Pologne jusqu'à aujourd'hui permet de mettre en évidence combien ce qui se passe dans ce pays n’est pas une péripétie locale mais trouve sa place dans un drame qui a le monde entier pour théâtre et comme protagonistes la bourgeoisie et le prolétariat de tous les pays.
S'il était encore besoin d'une preuve de la participation intensive des grandes puissances au maintien de l'ordre en Pologne, l'effervescence qui règne tant à Moscou que dans les principales capitales occidentales suffirait à ce rôle.
A Moscou, c'est â jets continus que l'Agence Tass et les autres institutions chargées de transmettre la pensée officielle dénoncent les "menaces" que font planer sur la Pologne "populaire et socialiste" les éléments "contre-révolutionnaires" du KOR et ceux qui tirent les ficelles de Solidarité. C'est de façon insistante que, depuis la capitale du "socialisme réel" et depuis les chefs «lieux de province de celui-ci, on réaffirme que la "communauté socialiste toute entière" est disposée à prêter main forte à la classe ouvrière de Pologne contre ces menaces. Pendant ce temps, à Bonn, Paris, Londres, Bruxelles, siège de l'OTAN, à Washington, on fait le plus grand cas des menaces "d'intervention extérieure" contre la Pologne et on réaffirme avec une belle unanimité que les pays occidentaux "tireraient toutes les conséquences" d'une telle "violation des accords d'Helsinki".
Est-ce-à dire que l'URSS s'apprête à envoyer les troupes du Pacte de Varsovie remettre de l'ordre en Pologne? Est-ce à dire que l'occident est prêt à employer tous les moyens à sa disposition pour empêcher une telle action?
Il est clair qu'une intervention massive des troupes du bloc de l'Est ne peut pas être exclue en toutes circonstances. L'événement n'est pas nouveau (Hongrie 56, Tchécoslovaquie 68) et on peut même affirmer que si les autorités polonaises étaient réellement menacées, elles seraient secourues et même éventuellement remplacées par les forces policières et militaires de l'URSS. Cependant, la situation présente est bien différente de celle de la Hongrie 56 ou de la Tchécoslovaquie en 68. Dans ces deux derniers cas, les autorités en place étaient en train de prendre leurs distances avec le bloc russe, ce qui n'est absolument pas le cas des autorités polonaises qui ne perdent pas une occasion d'affirmer leur fidélité à l'URSS. Par ailleurs, les événements de Hongrie et de Tchécoslovaquie étaient bien différents de ceux de Pologne, tant du point de vue de leur contenu que du point de vue du contexte dans lesquels ils prenaient place.
En effet, en Tchécoslovaquie, il n'y avait pas eu en 68 de mobilisation ouvrière autonome, ce qui garantissait une remise en ordre relativement facile puisqu'était exclue de la scène la seule force qui aurait pu opposer une réelle résistance à la répression. En Hongrie, la classe ouvrière était bien plus mobilisée, mais, d'une part, elle était considérablement mystifiée par le poison nationaliste et démocratique (cf. son appui à Imre Nagy) et, d'autre part, ce qui était en bonne partie la cause de ces mystifications, l'ensemble de la classe ouvrière européenne et mondiale était encore sous la botte de la contre-révolution, donc incapable de réagir au massacre des ouvriers hongrois.
Telle n'est pas la situation en Pologne où la plus grande lutte menée par le prolétariat depuis plus d'un demi- siècle prend place dans un contexte de reprise des luttes ouvrières â l'échelle mondiale, y compris dans les pays où la contre-révolution avait été le plus loin : ceux qui se prétendent "socialistes".
Une intervention des troupes du pacte de Varsovie en Pologne aujourd'hui se heurterait donc à bien plus de difficultés qu'en 56 ou en 68.
En premier lieu, une telle intervention devrait mobiliser au moins un million d'hommes (en 68, il y en avait 500.000 pour envahir un pays trois fois moins peuplé que la Pologne actuelle) qui seraient en partie retirés des avant-postes du bloc de l'Est face â l'occident (RDA, Tchécoslovaquie, Hongrie) ce qui affaiblirait d'autant, et pour une longue période, la capacité militaire d'un camp oriental déjà engagé en Afghanistan. Par ailleurs, la désorganisation qu'une arrivée des troupes des "pays frères" provoquerait dans l'économie du pays (la rumeur court que, en vue d'une telle éventualité, les mineurs de Silésie sont prêts à noyer leurs puits, que les ouvriers de Gdansk ont miné les chantiers navals) ainsi que dans les communications entre l'URSS et la RDA, serait un facteur supplémentaire d'affaiblissement du bloc de l'Est à une époque où s'exacerbent les tensions impérialistes. Mais le danger le plus grand couru par le capitalisme serait que l'intervention ne donne le signal â des luttes sociales massives dans les pays de l'Est et par contre coup également en occident.
EN D'AUTRES TERMES, CE QUE CRAINT A JUSTE TITRE LA BOURGEOISIE RUSSE, C'EST QUE SE GENERALISENT LES LUTTES OUVRIERES qui ont ces derniers temps secoue la Roumanie (été 80), la Tchécoslovaquie (Ostrawa en août 80), la RDA (automne 80, notamment à Magde- bourg) et même l'URSS (avril 80: Gorki et Togliattigrad; été 80: Vorkouta), que se reproduisent à une échelle bien plus vaste les mutineries qui ont secoué l'armée "rouge" dans la région de Kaboul l'année dernière.
Pour l'ensemble de ces raisons, les déclarations menaçantes de l'Agence Tass, de même que la publicité faite autour des présentes manœuvres du Pacte de Varsovie, si elles peuvent participer des préparatifs idéologiques d'une éventuelle intervention future ont bien plus pour fonction présente de dissuader de lutter les ouvriers de Pologne mais également ceux des autres pays du bloc oriental.
Et c'est dans cette manœuvre d'intimidation qu'intervient directement tout le remue-ménage provoqué dans les capitales occidentales et en premier lieu à Washington où vient d'être créé à grand renfort de publicité un "Etat-Major de crise" spécialement "chargé" de suivre la situation en Pologne. En effet, les menaces proférées par l'URSS, la Tchécoslovaquie, la RDA, et maintenant même par la Hongrie, n'ont pas beaucoup de succès auprès des ouvriers polonais, qui ont pris comme bonne habitude de ne pas croire un mot de la propagande officielle.
Par contre, dans la mesure où ils ont bien plus confiance dans les informations données par "Radio Europe Libre" et la BBC, ils risquent davantage de croire à cette menace si elle est évoquée avec insistance par l'occident. Le scénario qui avait déjà servi fin novembre 80 face à la mobilisation ouvrière contre l'arrestation de deux militants de "Solidarité" et dans lequel Carter avait multiplié les mises en garde à l'URSS contre toute velléité d'intervention se renouvelle donc aujourd'hui face â une nouvelle poussée prolétarienne avec comme chef d'orchestre Reagan et la participation beaucoup plus active des chœurs occidentaux.
Ainsi, face à la menace que représente pour le capitalisme mondial la persistance des luttes ouvrières en Pologne, les grandes puissances se partagent le travail : à l'URSS revient le rôle de "méchant croquemitaine", qui va sévir brutalement si on ne lui obéit pas, aux USA et à ses alliés le rôle du "gentil" qui distribue des vivres aux populations affamées (c'est un prêt de 10 milliards de dollars, soit presque la moitié de sa dette, que demande la Pologne aux occidentaux) pour que leur révolte n'aille pas trop loin et qui se charge de convaincre les ouvriers que leur intérêt est d'arrêter leur lutte.
Mais ce n'est pas seulement à l'échelle internationale que les divers secteurs de la bourgeoisie se partagent le travail. C'est également à l'intérieur que s'opère une telle distribution des rôles.
Nous avons souvent analysé dans notre presse de quelle façon dans les pays occidentaux les divers secteurs de la bourgeoisie se partagent le travail pour faire payer au prix fort la crise aux exploités. La droite au gouvernement se charge de mener directement l'offensive anti-ouvrière, la gauche dans l'opposition manœuvre pour immobiliser le prolétariat face à cette attaque.
En Pologne, la bourgeoisie a repris à son compte cette politique : au PGUP (qui, par la haine que lui portent les ouvriers et par les privilèges que se partagent ses dirigeants, est comparable à la droite de l'occident) revient le rôle de mettre en œuvre une austérité sans précédents, de conduire la répression, à “Solidarité" revient celui de canaliser et de contenir le mécontentement ouvrier.
Il est clair que l'analogie entre ce qui se passe en Pologne et ce qui se passe en occident ne peut pas être poussée dans tous les détails. Par exemple, c'est une ironie de l'histoire qui attribue à un parti "ouvrier" I et "communiste" les habits de la "droite" alors que ceux de la "gauche" sont portés par une organisation dirigée par un Walesa ,ami intime du cardinal primat d’une des églises les plus conservatrices du monde. Plus généralement, si les pays occidentaux avancés s'accommodent fort bien d'un partage des tâches entre des forces politiques au gouvernement et des forces politiques dans l'opposition, partage auquel ils ont été préparés par des décennies de fonctionnement des mécanismes "démocratiques" au sein duquel s'est épanoui leur développement capitaliste, les pays d'Europe de l'Est, comme d'ailleurs l'ensemble des pays au capitalisme faible, ou tardif, éprouvent par contre les plus grandes difficultés à mettre en place un tel jeu.
En Pologne, la poussée de la classe ouvrière a contraint les équipes gouvernementales d’accepter l'existence d'une opposition, mais les soubresauts auxquels on a assisté depuis le mois d'août, notamment les règlements de compte et les divisions au sein du POUP illustrent bien avec quelle difficulté un régime où règne le capitalisme d'Etat sous sa forme la plus achevée s'accommode mal des formules politiques en vigueur dans les pays occidentaux.
Ce n'est "qu'à chaud" que cette politique a pu s'imposer, ce qui en réduit l'efficacité face à la lutte de classe, comme on peut le voir aujourd’hui.
Cependant, malgré toutes les différences pouvant exister entre les situations qui prévalent dans les diverses régions du monde, c'est bien un même type de politique qui est mis en œuvre par la bourgeoisie là où une classe ouvrière concentrée secoue, face à la crise, le joug de l'exploitation ou s'apprête à le faire. Ainsi, il ne faudrait pas surestimer les divisions existant à l'heure actuelle au sein de l'équipe dirigeante en Pologne ou entre celle-ci et celle de Moscou. Si de telles différences peuvent se manifester entre, d'un côté une bourgeoisie nationale d'abord préoccupée par les problèmes qu'elle affronte â l'échelle de sa zone d'influence et le chef de file du bloc qui doit prendre en compte les problèmes qui se posent à l'échelle de la sienne (de telles différences se manifestent également aujourd'hui entre les USA et la RFA), si elles se manifestent également au sein même des équipes gouvernementales (comme en France entre Chirac et Giscard), c'est plus d'un partage des tâches qu'il s'agit que d'une réelle division.
En Pologne, il existe bien peu de différences entre le "dur" Olszewski (un ancien "libéral") et les "modérés" Jaruzelski et Kania (respectivement chef de l'armée et responsable des forces de répression depuis une dizaine d'années).
En réalité, face à la nécessité pour le gouvernement polonais, à la fois de lancer des "ballons d'essai" en vue d'intensifier la répression et à la fois de négocier quand la riposte ouvrière est trop forte, ces deux tendances prennent tour à tour le devant de la scène quand c'est l'une ou l'autre tâche qui est d'actualité. De même, les désaccords qu'on se plait à souligner entre Moscou et Varsovie (on a fait beaucoup de publicité sur la semonce qu'auraient reçue â Moscou les dirigeants polonais à la suite du 26ème congrès du PCUS) ont surtout comme fonction d'accréditer l'idée que ce n'est pas de gaîté de cœur que l'équipe gouvernante polonaise "renverse le cours des événements", mais qu'elle y est contrainte et forcée par le "grand frère" : il est donc inutile que Tes ouvriers polonais tentent de s'opposer sur place à une politique qui vient d'ailleurs.
Mais, comme en Occident, c'est fonda mentalement entre les forces gouvernementales et les forces d'opposition qu'existe la division du travail contre les luttes ouvrières. Cela fait déjà des mois que le syndicat "Solidarité", notamment grâce aux déplacements incessants de son président Walesa, joue, en s'appuyant sur la confiance qu'il conserve auprès des ouvriers, le rôle de pompier de l'ordre social. Il y a moins de deux semaines, c'est avec un certain cynisme que Walesa avait dit tout de go aux ouvriers d'Ursus prêts à faire grève : "Bon, tout le monde le sait... je suis venu ici pour arrêter la grève". Au cours de la crise présente, on a pu constater également avec quelle habileté la commission nationale de "Solidarité", à la suite de son président, et malgré la réticence des délégués venant des secteurs les plus combatifs, a réussi à reporter d'une semaine l'éventuelle grève générale illimitée que la majorité des travailleurs était prête à engager immédiatement après les violences policières de Bydgoszcz. Ce délai laissait le temps aux autorités de préparer une réponse appropriée à la mobilisation prolétarienne, de même qu'il avait le "mérite" de laisser retomber un peu la colère, des ouvriers que “Solidarité" a pris soin de laisser s'exprimer par la grève de 4 heures du 91 mars.
Comme en Occident également, la politique de sabotage des luttes par les syndicats, qui trouve sa meilleure expression dans les appels â la défense de "l'économie nationale" aussi chère à un Séguy qu'à un Walesa qui ne cesse de proclamer qu1"un polonais peut toujours s'entendre avec un autre polonais", a besoin pour être efficace de discours radicaux. Et Walesa ne s'en prive pas quand ils n'engagent rien de concret. Ainsi aux mêmes ouvriers d'Ursus qu'il avait démobilisés quelques jours avant, il déclare le 27 mars, pendant la "grève d'avertissement" : "Solidarité est fermement décidé à lutter jusqu'au bout... si nous reculons aujourd'hui, nous en reviendrons rapidement à ce qu'il y avait auparavant nous ne voulons pas de retour en arrière". De même, c'est la radio et la télévision officielles qui ont permis à Walesa de se refaire une image radicale, qui lui sera indispensable plus tard pour calmer les ouvriers, en retransmettant sa déclaration â la première séance de négociation le 25 mars dans laquelle on l'entend dire : "Nous ne reculerons pas. Nous allons attendre que nos demandes soient satisfaites... Nous n’avons pas d'autre choix."
Ainsi, parfaitement consciente de l'utilité d'une image "radicale" pour ‘Solidarité’ les autorités polonaises ne lésinent pas sur les moyens, comme d'ailleurs les autorités de l'URSS, dont les dénonciations du syndicat polonais et de son leader sont les bienvenues pour renforcer cette image.
C'est, comme nous l'écrivions dans la "Revue Internationale" du CCI n°25, "de façon mondiale que la bourgeoisie fourbit son offensive. Cette classe a tiré les leçons du passé. Elle sait que, face au danger prolétarien, elle doit faire preuve d'unité et de coordination de son action, même si celle-ci passe par un partage des tâches entre différentes fractions de son appareil politique. Pour la classe ouvrière, la seule issue réside dans le refus de se laisser piéger par les chausse-trappes que lui tend la classe dominante, et d’opposer sa propre offensive de classe à l'offensive bourgeoise :
Plus que jamais est à l'ordre du jour le vieux mot d'ordre du mouvement ouvrier:
"PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !".
F. M.
C'est au moment de la lutte des sidérurgistes de Denain et Longwy que le syndicat des métaux de Dunkerque va dissoudre la section CFDT d'Usinor et exclure une dizaine de militants. Cette mesure avait pour but d'éliminer quelques militants un peu trop indépendants et critiques à l'égard des options de la direction syndicale. A l'époque, la CFDT comme la CGT avait eu peur d'une extension de la lutte à Usinor-Dunkerque et avait préféré liquider des militants peu sûrs et peu contrôlables, certes liés à la tradition gauchiste mais n'appartenant pas au courant trotskyste. Une fois la lutte retombée, ces militants, loin de tirer la leçon de leur travail syndical ont cru bon mettre I profit les divergences et les rivalités d'appareil entre la CFDT et la CGT d'Usinor en adhérant à ce dernier syndicat afin d’y former ce qu'il faut nommer une fraction politique. 11 faut ajouter que la CGT connaissait des difficultés internes et il est tout à fait probable qu'une frange de l'appareil CGT était prête â ce moment-là à utiliser nos braves syndicalistes "de base" pour mener leurs propres magouilles bureaucratiques...
Aujourd'hui, jouant 1'écoeurement et l'impossibilité de faire un "vrai" travail syndical dans la CGT, les mêmes militants plus quelques autres qui étaient restés en dehors de la CGT, influencés par les thèses anarcho-syndicalistes, ont décidé de créer le "syndicat de lutte des travailleurs"
Le nouveau syndicat précise qu'il est : "pour la démocratie directe, c'est-à-dire pour que tous les travailleurs en grève élisent eux-mêmes parmi eux des délégués de lutte qui se coordonnent en comités de grève réunis en Assemblée générale. L'assemblée générale des travailleurs grévistes ayant tous les pouvoirs de décision sur la conduite de la grève et aussi de changer les délégués de lutte qui ne feraient pas ce qui a été décidé."
Dans ces conditions, la première question qu'on peut se poser est POURQUOI un syndicat ?
Nous ne présumerons pas de la sincérité de ces militants, de leur volonté de "lutter", mais une telle initiative va a l'encontre de la véritable dynamique des luttes ouvrières.
Bien au contraire, ce syndicat d'usine qui se réclame de la "démocratie directe" ne peut que rendre plus difficile l’émergence d'organes unitaires de lutte, de comités de grève élus et révocables, d'assemblées générales, etc...
Se proclamant de fait les “véritables représentants des intérêts immédiats des travailleurs", ces syndicalistes de “base" rééditent les vieux mensonges et les vieilles illusions entretenues justement par les syndicats qu'ils viennent de quitter. Les premières revendications mises en avant montrent à l'évidence que le SLT est bien dans la continuité du syndicalisme : localisme, usinisme, économisme. Ainsi, la revendication de l'arrêt de la sous-traitance des travaux faits à Usinor est typique des revendications syndicales : elle tend à opposer les intérêts des ouvriers d'Usinor à ceux des entreprises sous-traitantes. La lutte contre les licenciements ne peut passer par la défense du corporatisme d'entreprise.
On ne crée par artificiellement des structures de défense des intérêts prolétariens, indépendamment de la lutte, du degré de conscience et d'organisation autonome de la classe ouvrière.
Par ailleurs, toutes les luttes récentes démontrent que le contenu et la forme syndicaliste ne correspondent plus aux besoins de la lutte de la classe ouvrière. Depuis dix ans, tous les syndicats "autonomes" ou "de base" ont été rapidement récupérés par les appareils officiels ou ont dégénéré en de petites sectes gauchisantes localiste vivotant dans une ou deux usines. Un organe unitaire de classe implique l'existence d'un haut niveau de lutte et la rupture avec les syndicats, cela ne peut pas être un cercle de militants gauchisants agissant à leur petite échelle comme n'importe quel autre syndicaliste du PC ou du PS.
Si elle subsiste, cette structure ne peut que devenir un panier de crabe déboussolant encore un peu plus ceux qui veulent se battre contre les syndicats "officiels" et renouer avec les positions révolutionnaires. C'est pourquoi nous ne pouvons que dénoncer une telle démarche néfaste aussi bien sur le plan de la lutte immédiate que sur le plan du travail politique révolutionnaire. Sur leur lieu de travail, les communistes ne peuvent perpétuer l'idée et la pratique qui consistent à se présenter comme le représentant, le défenseur, l'organisateur des ouvriers du rang, qui seraient par nature incapables de prendre leurs destinées en main. Les communistes révolutionnaires doivent combattre tous les aspirants bureaucrates qui flattent la passivité ouvrière parce qu'ils en vivent politiquement ! La rupture avec le syndicalisme c'est la rupture avec l'idéologie contre-révolutionnaire qui présente la classe ouvrière comme une classe impuissante, incapable de s'organiser spontanément dans sa lutte ! Mais si le prolétariat n'était pas capable de cela, pourquoi la bourgeoisie aurait-elle besoin de tous ses gardes - chiourmes syndicaux et de tous ses valets staliniens, socialistes et gauchistes ?
Nous publions ci-dessous des extraits d’une lettre d’une lectrice qui relate une expérience de contact avec l'organisation Lutte Ouvrière et qui s'attache à analyser le rôle de LO par rapport à la politique actuelle du PCF.
Outre la dénonciation de pratiques d'organisation vides de toute discussion, visant à faire des "militants" des pions disciplinés et passifs, la lettre illustre surtout comment, par cette "pratique", une telle organisation fait en sorte que des individus qui "ont compris que la solution aux problèmes qu'ils se posent ne se trouve pas au PC, mais sans savoir pourquoi", "ne le sachent jamais".
La politique d'une organisation comme LO ne vise qu'à enrayer la clarification des intérêts de la classe ouvrière, à empêcher que la "méfiance" et le plus souvent le désintérêt général que rencontrent les soi-disant partis et syndicats "ouvriers", de la part de ceux qu'ils prétendent "défendre", "organiser", "diriger" -les ouvriers- ne puissent déboucher sur la compréhension que ces partis et syndicats font partie intégrante, sont un pilier fondamental, de l'ordre capitaliste.
Leur méthode organisationnelle et leurs attitudes dans leurs rapports avec leurs "sympathisants" que décrit la première partie de la lettre, sont la traduction pratique de leur rôle social et politique.
Les tâches que se donne une organisation politique déterminent sa structure interne, et les structures bureaucratiques et manœuvrières des organisations gauchistes ne font que révéler les tâches contre-révolutionnaires de ces organisations.
Comme le montre la lettre sur la question des immigrés, dans l’appui critique de LO au PC, si la "critique" n'est que de la phraséologie et du vent, l’"appui" est par contre bien réel en pratique :
Cette attitude n'est pas nouvelle ; elle fonde au niveau théorique sa légitimité "révolutionnaire" par la référence à Trotsky -notamment ses positions dans les années 30 prônant des tactiques d'appui aux partis "ouvriers" jusqu'à faire entrer les militants dans la Social-Démocratie. Nous ne développerons pas ces questions ici ; disons simplement que ces tactiques lamentables de l’opposition de Trotsky amenèrent ce courant au naufrage et au passage définitif dans le camp de la contre-révolution, avec, entre autres, l'appui au gouvernement républicain en Espagne en 1936 puis l'appui et la participation à la deuxième guerre mondiale dans un des camps impérialistes.
Mais si au début des années 30, dans la confusion régnante, ces positions pouvaient être considérées comme un “naufrage" d’un courant encore ouvrier, aujourd’hui, le bavardage qui tient lieu de théorie à des organisations comme LO ne sert qu'à couvrir leur tâche véritable de dévoiement de la combativité ouvrière. Pour mener à bien cette tâche, LO comme ses organisations sœurs, happe les individus dans l'activité sur "la boite". Ce "militantisme" n'a pour fonction que de donner l’illusion de “faire quelque chose" et d'épuiser les énergies qui peuvent surgir.
Depuis la reprise prolétarienne internationale de la fin des années 60, l'activité de ce type d'organisations parmi les ouvriers a eu pour conséquence de dégoûter de toute politique des centaines d'individus, d'embrouiller et d'entraver la compréhension et l'activité dans la lutte de la classe ouvrière.
Le prolétariat, pour mener à bien sa lutte pour la révolution communiste, devra se débarrasser des scories de la contre-révolution dont le trotskysme fait partie.
En 1917-19, les conseils ouvriers avaient pris le pouvoir en Russie, et ils étaient en train de s'étendre dans toute l'Allemagne. Mais en 1921, ces espoirs avaient été sapés par toute une série de défaites en Allemagne, Hongrie, Italie, Grande-Bretagne, et ailleurs.
Les grèves de masses et les soulèvements n'avaient pas réussi à créer une autre avancée de pouvoir des ouvriers qui aurait pu venir en aide aux conseils de Russie. Pendant ce temps, le pouvoir des conseils en Russie, isolé, était ébranlé par la guerre civile, la famine et le désastre économique. Dans ces conditions, la vie des conseils ouvriers commença à refluer et le pouvoir devint de plus en plus concentré dans la machine étatique. Le parti bolchevik, qui en 1917 avait appelé à "tout le pouvoir aux soviets" s'empêtrait dans cet appareil de plus en plus bureaucratique qui réduisait les conseils à de simples bureaux d'enregistrement de la politique de l'Etat.
En mars 1921, faisant suite à une série de grèves dans d'autres régions du pays, éclate une révolte des ouvriers et des marins de Kronstadt, qui demande : "Je pouvoir aux soviets, la liberté de mener une agitation politique, la libération des prisonniers politiques de la classe ouvrière, 1'expulsion de la police hors des Usines, et sur le front économique, ils demandent un relâchement de 1'emprise étatique rigide de la période d'économie de guerre." A ce mouvement," l’"Etat ouvrier" répondit par l'envoi de l'armée rouge contre "ce complot de la réaction blanche". Des milliers d'ouvriers furent massacrés, arrêtés, déportés.
Dans cet article, nous ne pourrons pas rentrer dans le détail des événements de Kronstadt. Nous l'avons déjà fait dans la Revue Internationale N°3 [9]. Nous voulons plutôt parler des nombreuses interprétations fausses de la révolte de Kronstadt, et voir ce que ces événements peuvent nous enseigner pour la révolution de demain.
Puisque nous vivons sous le règne de la "démocratie libérale occidentale", commençons par l'explication classique de la révolte des "libéraux". La vision libérale est que Kronstadt fut la première d'une longue série de révoltes du "peuple" contre le "communisme totalitaire", série qui va jusqu'au soulèvement hongrois en 56 et à la Pologne aujourd'hui.
Le but de cette vision n'est pas de prouver que les surgissements populaires sont une bonne chose, mais de MONTRER QUE LE MARXISME MENE TOUJOURS AU STALINISME, que le parti bolchevik de 1917-21 était de la même veine que les partis communistes actuels, et surtout, QUE LES REVOLUTIONS NE PEUVENT ABOUTIR QU'A UNE CHOSE : LE REMPLACEMENT D'UNE DICTATURE PAR UNE NOUVELLE, souvent pire. Le message des libéraux, qui peuvent afficher une sympathie empreinte de pitié, est essentiellement celui-là. QUELS QUE SOIENT LES MAUX DONT VOUS SOUFFREZ, UNE REVOLUTION NE PEUT QU'EMPIRER LES CHOSES.
Cette vision, que l'on retrouve dans les manuels d'histoire, s'appuie sur un dogme religieux : l'humanité est si dépravée qu'elle ne peut espérer se libérer par ses propres efforts. Elle rejette l'idée qu'il soit possible d'expliquer le succès ou 1'échec des révolutions passées d'après les conditions historiques dans lesquelles elles se trouvaient. Pour elle, le massacre de Kronstadt ne fut pas le RESULTAT DE L'ISOLEMENT DE LA REVOLUTION RUSSE, LA CONSEQUENCE DU FAIT QUE LA DEMOCRATIE OUVRIERE SUFFOQUAIT, ET DES ERREURS POLITIQUES DU PARTI BOLCHEVIK, en particulier celle qui consistait à penser que le parti devait exercer le pouvoir à la place de la classe, et contre elle si nécessaire.
Trotsky disait que "l'anarchisme, c'est du libéralisme, sans la police."
Et, très certainement, les anarchistes, qui revendiquent Kronstadt comme LEUR révolte, leur preuve irréfutable contre le "marxisme", le "léninisme" et le "communisme autoritaire", parlent de Kronstadt dans des termes qui ne sont pas si différents de ceux des libéraux.
Pour eux, le fait que ce soit le parti bolchevik qui contrôlait l'Etat qui a écrasé Kronstadt est la preuve que tous les partis marxistes sont essentiellement répressifs, que toutes les dictatures (des ouvriers ou d'autres) sont moralement mauvaises, et que l'Etat est une chose qu'il faut éviter à tout prix. COMME LES LIBERAUX LES ANARCHISTES GEIGNENT : VOUS VOYEZ, VOILA OU CONDUIT LE MARXISME.
Bien sûr, ils ne disent pas, comme les libéraux : ne faites pas la révolution. Mais ce qu'ils disent, c'est : faites une révolution sur une base fédérale, anti-étatique. En d'autres termes : FAITES UNE REVOLUTION QUI EST PERDUE D'AVANCE. Le fédéralisme n'est d'aucune utilité à la révolution prolétarienne, parce qu'elle doit établir L'AFFIRMATION CENTRALISEE DE SA PUISSANCE POUR BATTRE UN ENNEMI QUI, LUI, EST HAUTEMENT CENTRALISE.
L'anti-étatisme abstrait de l'anarchisme n'est pas plus utile. Si l'Etat de la période de transition du capitalisme au communisme sera un "mal nécessaire", il sera cependant nécessaire aussi longtemps que la société comportera encore des divisions en classes. Et quand les anarchistes demandent aux ouvriers de faire une révolution sans théorie marxiste et sans parti marxiste, ils demandent aux ouvriers de faire une révolution sans clarté politique, sans méthode et sans organisation pour mieux cerner les buts et les moyens de la révolution.
Et, comme les libéraux, LES ANARCHISTES MONTRENT PEU D'INTERET POUR L'ANALYSE DES TRANSFORMATIONS MATERIELLES REELLES QUI ONT RENDU LA REVOLTE DE KRONSTADT POSSIBLE: expliquer comment le pouvoir des conseils a décliné et comment le parti bolchevik a dégénéré. Occupés à prouver que le bolchevisme a toujours été contre-révolutionnaire, ils expliquent l'intransigeance de la défense du pouvoir des conseils par les bolcheviks en 17 comme une conspiration: ce n'était qu'une tactique des bolcheviks pour accéder eux-mêmes au pouvoir. Et pourquoi faisaient-ils cela? Parce que tous les partis se conduisent ainsi: Nous revenons à l'argument du péché originel, attribué cette fois aux seuls partis. Naturellement, les anarchistes N'ONT JAMAIS TENTE D'EXPLIQUER POURQUOI C'EST L'ENSEMBLE DE LA CLASSE OUVRIERE D'ALORS, et pas seulement le parti bolchevik, QUI PENSAIT QUE C'ETAIT LE PARTI QUI AVAIT LA TACHE DE PRENDRE LE POUVOIR. Ils ne parlent pas des effets corrosifs qu'a eu sur le mouvement ouvrier la période social-démocrate, qui a conduit les ouvriers à penser que les conseils devaient fonctionner comme des parlements bourgeois. Ils ignorent
aussi qu'en 1921, un parti MARXISTE, le parti communiste ouvrier d'Allemagne (KAPD) avait déjà commencé à mettre en question cette vision, insistant sur le fait que le pouvoir devait être exercé DIRECTEMENT par les conseils et non délégué à un parti.
Les anarchistes ne voient pas que c'est 1'isolement de la révolution, et la baisse de l'activité de la classe qui en a suivi, qui a permis aux erreurs des bolcheviks d'être aussi fatales. On peut penser que si la révolution s’était étendue et épanouie, ces erreurs auraient pu être clarifiées et dépassées par le mouvement prolétarien international.
Tous ceux qui voient la révolte de Kronstadt comme le produit inévitable du bolchévisme s'Stent toute possibilité d'apprendre quelque-chose de ces événements. Kronstadt fut une tragédie parce QU'ELLE SE SITUAIT A L'INTERIEUR DU CAMP PROLETARIEN. Une des principales leçons à garder de Kronstadt est QU'UN PARTI DE LA CLASSE OUVRIERE NE DEVRA PLUS JAMAIS SE RETROUVER DANS UNE SITUATION OU IL PUISSE PENSER QUE LA SEULE FACON DE DEFENDRE LA REVOLUTION SOIT DE MASSACRER UNE PARTIE DES SECTEURS LES PLUS COMBATIFS DE LA CLASSE QU'IL DEFEND.
Ensuite, il y a ceux, -la majorité de la soi-disant "gauche"- qui applaudissent carrément à ce qu'ont fait les bolcheviks en 1921 à Kronstadt.
Il y a les staliniens, flanqués de trotskystes jusqu'au-boutistes de la défense de l'URSS (comme la Ligue Spartakiste) qui se contentent de répéter les calomnies du gouvernement de l'époque : la rébellion de Kronstadt n'était qu'un complot de russes blancs et cette racaille n’a eu que ce qu'elle méritait. Et ils ne cachent pas qu'ils sont prêts à recommencer demain.
La plupart des trotskystes sont beaucoup plus subtils. L'argument des russes blancs étant trop grossier, ils vous diront que la révolte de Kronstadt était une révolte de PAYSANS contre les rigueurs de l'économie de guerre et donc "OBJECTIVEMENT" contre- révolutionnaire. Certains peuvent même aller jusqu'à vous confesser que les marins et les ouvriers de Kronstadt ETAIENT des marins et des ouvriers, et que c'était une révolte ouvrière. Mais enfin, c’était une "tragique nécessité" Pourquoi? Parce que, si les bolcheviks avaient perdu le contrôle de l'Etat, ils auraient été remplacés par quelque- chose de pire.
Les bolcheviks ont écrasé la révolte de Kronstadt, et pourtant, ils ont été balayés par quelque chose de mille fois PIRE : le stalinisme, le pouvoir absolu de la bureaucratie capitaliste d'Etat. En fait, en écrasant les efforts des ouvriers pour régénérer les conseils, les bolcheviks PREPARAIENT LA VOIE au stalinisme. Ils aidaient à accélérer un processus contre-révolutionnaire qui devait avoir plus de conséquences tragiques pour la classe ouvrière que toutes les "réactions blanches". Si les généraux tsaristes étaient revenus au pouvoir, l'issue aurait été plus claire comme cela a été le cas après la Commune de Paris, où tout le monde pouvait voir que les ouvriers avaient perdu et le capitalisme gagné. Mais le plus terrible de la défaite en Russie fut que la contre-révolution triompha et PRIT LE NOM DU SOCIALISME.
L'idée que le stalinisme est un exemple de socialisme, un produit direct de la révolution d'octobre devait semer une confusion et une démoralisation profonde dans la classe ouvrière du monde entier. Nous vivons encore les conséquences de cette hideuse distorsion de la réalité : un désenchantement profond et généralisé pour l'idée d'une révolution communiste.
Un argument de ce type ferait probablement bondir tout trotskyste "orthodoxe" pour qui les régimes staliniens sont des "Etats ouvriers", certes avec une "déformation bureaucratique", mais qui ont nationalisé une large part de l'économie. De ce fait, ils valent sûrement mieux qu'une réaction blanche. Pour que l'Etat stalinien garde son contrôle sur l'économie russe, les trotskystes pensent que le sacrifice de millions de vies ouvrières valait la peine. Et pas seulement les morts de Kronstadt, mais aussi tous ceux qui sont restés dans les purges et les camps de travail staliniens, et les millions supplémentaires de morts pour la défense du soit disant "Etat ouvrier" dans la seconde guerre mondiale. Tout cela montre bien que le trotskysme est bien le petit frère du stalinisme, et qu'il a eu sa part dans la déroute des idées du socialisme et de la révolution ouvrière.
Certains trotskystes reconnaissent aujourd'hui que la Russie est devenue capitaliste d'Etat avec la période stalinienne. Mais ils continuent à dire, avec un tremblement dans la voix, que l'écrasement était un "mal nécessaire". Si la Russie est de toute façon revenue au capitalisme, qu'a donc sauvé l'action sanglante des bolcheviks? La seule façon d'expliquer cette théorie apparemment inconsistante est de voir qu'ils partagent avec les autres variantes staliniennes et trotskystes une même conception de la classe ouvrière : dans aucun cas, on ne peut faire confiance à la classe pour se gouverner elle-même. Il faut que le parti lui apporte le socialisme. L'appel des insurgés de Kronstadt : "Le pouvoir aux conseils, pas au parti" doit effectivement résonner â leurs oreilles comme un blasphème.
C'EST LA VISION BOURGEOISE DE LA CLASSE OUVRIERE. ELLE NE CONSIDERE PAS LA CLASSE OUVRIERE COMME LA CLASSE QUI PORTE LE COMMUNISME, COMME LE FONT LES REVOLUTIONNAIRES. ELLE VOIT LA CLASSE COMME UN TROUPEAU D'IDIOTS DESORDONNES, PEU DIGNES DE CONFIANCE ET INCULTES, QU'ON DOIT DIRIGER A COUPS DE PIEDS DANS LE DROIT CHEMIN SI ON VEUT EN TIRER QUELQUE CHOSE DE BON.
On peut nous objecter que la prochaine révolution sera différente de la première et qu'il n'y aura pas de répétition de la débâcle de Kronstadt.
Il est vrai que dans la vague révolutionnaire à venir la question que le parti prenne le pouvoir à la place de la classe ne se posera peut-être pas de façon aussi sérieuse. L'expérience des partis politiques que les ouvriers ont accumulée depuis la révolution russe, et les leçons tirées par les révolutionnaires eux-mêmes engendreront une méfiance extrême à l'égard de toute délégation au pouvoir des ouvriers â une quelconque minorité politique.
Mais cela ne veut pas dire que la mentalité substitutioniste qui s'est manifestée dans la réponse des bolcheviks à Kronstadt ne sera plus un danger dans la révolution à venir. La MENTALITE SUBSTITUTIONISTE EST BASEE SUR UN MANQUE DE CONVICTION SUR LES CAPACITES REVOLUTIONNAIRES DE LA CLASSE, et elle tend à réapparaître CHAQUE FOIS QUE LA CLASSE S'AFFAIBLIT OU RECULE. Chaque fois que la révolution semble s'immobiliser, que des secteurs de la classe perdent de vue ce pour quoi ils se battent, chaque fois que l'enthousiasme révolutionnaire semble déserter la majorité des ouvriers, chaque fois, l’idée ressurgira que le socialisme doit être imposé aux ouvriers qu'ils le comprennent ou non. Même si le parti lui-même évite de tomber dans ce travers et continue à le combattre, cette tendance peut très bien se manifester dans 1'APPAREIL D'ETAT -chez les administrateurs et les militaires provisoirement nécessaires, Ces éléments -bureaucrates potentiels- tendront à voir la révolution comme un problème de décrets étatiques et de plans â respecter, et ils ne seront pas en mesure de manifester beaucoup de patience pour les hauts et les bas de la conscience et de la créativité de la classe ouvrière.
Aussi, bien qu’il puisse y avoir moins de danger que le parti se substitue à la classe dans la prochaine révolution, l'autre leçon fondamentale de Kronstadt reste plus actuelle que jamais : NE TOLERER SOUS AUCUN PRETEXTE QUE L'ETAT SE SUBSTITUE AUX CONSEILS OUVRIERS ; S'ASSURER TOUJOURS QUE L'ETAT EST CONTROLE, SUPERVISE, ET DIRIGE PAR LES CONSEILS OUVRIERS.
Mais la théorie substitutioniste peut très bien aussi montrer le nez dans les CONSEILS OUVRIERS. A certains moments difficiles, certains secteurs de la classe, combatifs mais impatients, peuvent faire l'erreur de FORCER leurs frères de classe, plus hésitants, à les suivre, en utilisant l'exemple de la force plutôt que la force de l'exemple. Là encore, l'expérience de Kronstadt a beaucoup à nous apprendre. L'utilisation de la violence pour régler les conflits entre les secteurs de la classe ouvrière NE RENFORCE JAMAIS L'UNITE ET LA CONSCIENCE DE LA CLASSE. Au contraire, elle ne fait que semer la haine, la méfiance, la division et le découragement.
Quand les bolcheviks ont tiré sur les ouvriers de Kronstadt, ils n'ont pas fait que tuer les ouvriers les plus révolutionnaires de cette ville particulière : ils ont tué l'esprit de la révolution, pour des millions d'autres ouvriers, pas seulement en Russie, mais dans le monde entier. Face à cela, il ne suffit pas de D' ESPERER que de telles tragédies ne se reproduisent plus dans la prochaine révolution. Les révolutionnaires doivent proclamer clairement et à voix haute QUE LA REVOLUTION COMMUNISTE NE PEUT SE GAGNER EN UTILISANT DE TELLES METHODES.
Nous devons systématiquement rappeler à notre classe les événements qui restent des leçons vivantes et actuelles pour l'avenir. C'est la seule façon d'agir pour que la prochaine révolution ne voit pas se répéter le cauchemar de Kronstadt.
D'après C.D. Ward,
traduit de "World Revolution" N°36.
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Dès qu'un courant de luttes ouvrières se développe aujourd’hui, il rencontre immanquablement 1'Etat. Ce qu’on a vu à Longwy-Denain ou bien au cours des grèves des sidérurgistes de Grande-Bretagne, on l'a également observé en Espagne, en Italie, au Brésil, partout, et, exemple le plus parlant de tous, en Pologne. Ce que rencontre ainsi la mobilisation ouvrière, nécessaire riposte à la misère capitaliste, c'est le totalitarisme de l'Etat bourgeois. C'est l'implacable férule autoritaire d'une classe dominante qui ne peut absolument plus tolérer quelque remise en cause que ce soit de son ordre social.
Sous un autre rapport, il n'y a plus de lutte ouvrière de quelque envergure, aujourd'hui, qui, portée par sa dynamique propre et ses exigences concrètes à se développer en s’étendant et en s'auto-organisant, ne rencontre comme obstacle à son élan les syndicats, le syndicalisme et les partis de gauche.
En vérité, ces deux éléments d'opposition à la lutte ouvrière n'en font qu'un. Syndicats, partis de gauche et gauchistes sont la première avant-garde de l'Etat bourgeois que le prolétariat affronte sur le chemin de sa lutte.
Le présent article voudrait démontrer que les syndicats et les partis de gauche sont justement l’expression du totalitarisme étatique en milieu ouvrier. L'Etat a absolument besoin d'eux comme instruments de sa dictature totale sur la société. Notre position contre les syndicats et les partis de gauche ne nous est pas inspirée par le sectarisme ou un radicalisme irresponsable, alors que d'importantes fractions ouvrières manifestent encore une certaine confiance dans ces organisations. C'est la compréhension de ce qui force ainsi, maintenant, le prolétariat à lutter en permanence, c'est la compréhension de ce que porte en lui d'espérances révolutionnaires le combat de notre classe qui exige de nous que nous sachions contribuer à clarifier la conscience du prolétariat, de ses ennemis ; que nous tendions tous nos efforts à lui rendre bien net le rôle anti-ouvrier réel des syndicats et des partis de gauche. Par rapport aux vastes combats de classes que la période annonce, cette exigence est vraiment primordiale.
L'ordre bourgeois, l'ordre capitaliste, a toujours été une dictature sur les exploités, et en particulier sur la classe ouvrière. Mais, au XXème siècle, la nécessité pour la bourgeoisie de cette dictature s'impose à elle d'une manière totale, négatrice de toutes les libertés et de toutes les réformes sociales qu'au XlXème siècle elle pouvait, fut-ce de manière limitée et provisoire, octroyer aux revendications des exploités.
C'est qu'au siècle dernier, le développement continu du capitalisme, ses capacités à promouvoir des conditions d'existence toujours supérieures par l'ensemble de la société, lui offraient l'opportunité de trouver des exutoires, au moins temporaires, aux contradictions minant le système de l'intérieur, au sein même des couches bourgeoises, et, surtout, à l'antagonisme fondamental opposant la bourgeoisie au prolétariat.
Expression de cette situation historique prévalant alors, l’Etat bourgeois était en mesure d'intégrer en lui le libre jeu de tous les partis du capitalisme ainsi que d'autoriser, non sans lui opposer toujours une résistance acharnée, l'action légale des partis et syndicats que les ouvriers avaient créés dans le cours même de leur lutte. A cette époque, le combat ouvrier pour des réformes avait donc un contenu réel, avec la possibilité d'utiliser le parlement.
La situation a fondamentalement changé, à l'aube du siècle présent, dès lors que le capitalisme, achevant son emprise sur le monde entier, perdait toute capacité de développement supérieur. Alors, le capitalisme a cessé d'être un facteur de progrès, ne serait-ce que par rapport au monde féodal, pour n'être plus qu'un ordre social décadent porteur de toutes les calamités pour l'humanité ; les crises, les guerres mondiales et tous les types de catastrophes, famines, génocides...
Dans cette nouvelle situation historique, toutes les contradictions contenues dans le capitalisme, puisque les exutoires liés à son développement sont désormais interdits, tendent à exploser au grand jour. La bourgeoisie n'est plus qu'une meute criminelle de capitalismes nationaux se déchirant sans cesse entre eux pour le repartage du marché économique mondial. La société civile est convulsée toute entière par les antagonismes sociaux. Par-dessus tout, l'impossibilité nouvelle d'accorder des réformes sociales de fond fait apparaître dans toute sa dimension historique l'opposition violente entre la bourgeoisie et le prolétariat.
Dans cette situation, le problème primordial de la bourgeoisie est simplement celui de la conservation autoritaire de son système. Ainsi placée en position d'affaiblissement, la bourgeoisie a le besoin imprescriptible d'une force capable de fondre en une seule toutes les exigences capitalistes et nationales, de réguler l'ensemble de la vie économique par une loi dictatoriale. Il a besoin d’une force apte à investir l’entièreté de la vie civile de la société, jusqu'à s'immiscer dans les moindres aspects de la vie privée des individus.
C’est le totalitarisme, expression suprême de l'âge décadent du capitalisme, sa tendance universelle s'imposant, qu'importe les différences formelles, de l'ouest à l'est du monde bourgeois. Et ce totalitarisme, suint organique du capitalisme historiquement sénile, c'est l'Etat bourgeois qui en concentre la réalité ! L’Etat français, comme l'Etat russe, seul corps aujourd'hui capable de maintenir en vie l'ordre capitaliste.
L'Etat n'est plus que le Conseil d'Administration des intérêts capitalistes, il se remplit de leur substance et en devient l’expression même. Selon la formule d'Engels, il devient le capitalisme collectif. Monstrueusement grossi par l'incorporation en lui de toute l'activité bourgeoise, il s'impose à la société comme un écrasant appareil de domination totalitaire et terroriste de la vie humaine. L'Etat bourgeois du XXème siècle est la réalisation, poussée à son terme extrême, la nature dévoilée de l'ordre d'exploitation capitaliste.
Mais si c'est sur l'ensemble de la société que doit peser la férule totalitaire de l'Etat, afin d'écraser toutes les expressions d'antagonismes sociaux, devenus un luxe inadmissible pour le capitalisme, c'est particulièrement vis-à-vis du prolétariat que cette exigence est pressante. Ceci, parce que le prolétariat est la principale force de production, dont le travail associé, fournit la plus-value que doit accumuler le capitalisme. D'abord, mais ensuite et plus encore, parce qu'il est l'unique force capable d'une révolution contre le capitalisme, d'entraîner derrière lui tous ceux que l'oppression et la misère dressent contre l'ordre existant.
C'est pourquoi l'Etat doit occuper tout le champ d'existence du prolétariat et le soumettre à la loi du capital, en surveillant le moindre de ses mouvements, en prévenant et en dénaturant toutes ses initiatives, en canalisant vers des voies de garage ses revendications, en étouffant dans l'œuf ses luttes, en isolant les foyers de combat les plus ardents, en matant ou en corrompant ses militants les plus radicaux.
C'est seulement ainsi que l'Etat peut satisfaire aux deux nécessités vitales de l'ensemble du capital national à notre époque : maintenir la paix sociale et pressurer au maximum les ouvriers, leur faire consentir les plus grands sacrifices pour que le capital national soutienne sa position sur le marché mondial
Comment l'Etat réalise-t-il ce contrôle totalitaire du prolétariat et de toute la société ? Historiquement, il se démontre que deux méthodes existent : la "démocratie" et la "dictature". Mais ce ne sont justement que deux méthodes parce que :
Sous la forme dictatoriale (fascisme, dictature militaire ou parti unique) le contrôle et, le quadrillage du prolétariat est réalisé directement par les corps policiers de l'Etat, aidé par les structures du parti unique et la syndicalisation obligatoire.
C'est ce qu'on a pu voir dans l'Espagne franquiste où une police et une armée omniprésente étaient relayées par l'appareil du Mouvement National et le Syndicat Vertical. Dans l'Allemagne nazie ou dans l'Italie fasciste fonctionnait le même schéma de fond. C'est encore le calque du même schéma qui se présente dans les dictatures militaires d'Amérique Latine ou dans les pays de l'Est. Pour ces derniers, le centre de l'appareil policier est carrément le parti staliniste lui-même d’où partent les excroissances de la police et de l'armée et de toute la machinerie syndicale.
Cette forme de totalitarisme étatique se maintient exclusivement par le moyen de la terreur et de la surveillance policière. Elle est dépourvue, par contre, de toute capacité politique d'encadrer le prolétariat. Il en est ainsi, parce que les organes chargés de cela (parti unique, syndicat obligatoire) sont privés de toute crédibilité pour tromper les ouvriers et faire qu'ils soient considérés comme leurs représentants et leurs défenseurs. En effet, leur affiliation directe au gouvernement et à la classe dominante, leur idéologie effrontément réactionnaire de soutien à l'ordre existant, leur caractère monopoliste et imposé, leur rôle, enfin, de simple courroie de transmission du pouvoir exécutif, leur ôte toute possibilité d'abuser idéologiquement les travailleurs.
Pour ces raisons, ces formes dictatoriales n'ont de validité pour la bourgeoisie qu'aux époques de total écrasement et soumission du prolétariat, ou bien dans les situations extrêmes de chaos économique, de crise politique inextricable ou de guerre imminente. A l'opposé, ces formes sont absolument inaptes à contenir un mouvement prolétarien ascendant : l'échec du régime franquiste, comme celui du stalinisme en Pologne est bien la preuve pratique de ce que la simple répression policière ne suffit plus pour juguler l’éveil de la lutte autonome du prolétariat.
La forme de domination la plus efficace dont dispose la bourgeoisie pour affronter le prolétariat, et a fortiori quand la lutte de celui-ci est en train de se développer, c'est le totalitarisme démocratique.
C'est d'ailleurs bien pourquoi des pays comme l'Espagne, le Portugal, la Grèce ont accompli une spectaculaire "démocratisation" et pourquoi aujourd'hui, en Pologne, on voit cette même manœuvre bourgeoise s’effectuer.
Dans son mode "démocratique", l'Etat bourgeois maintient absolument intacts aussi, bien son contrôle omniprésent sur l'ensemble de la vie sociale que ses appendices hypertrophiés de la police et de l'armée, avec la différence qu'il est renforcé et protégé :
1°) par une façade de "libertés", de "droits", d'"organes de représentation populaire, qui tente de créer aux yeux du prolétariat de l'ensemble de la population une image, totalement vide de contenu, de participation à leur destinée : la Nation ;
2°) par un corps de partis de gauche et de syndicats "de classe", théoriquement indépendants du gouvernement et du patronat, donnant même 1'apparence de leur être opposés, dotés d'une idéologie "ouvrière" et "progressiste" et qui se présentent comme les "porte-parole" et les "défenseurs" de la classe ouvrière.
Cet ordonnancement de l'Etat est mille fois plus efficace. Il est surtout mieux adapté en période de montée générale des luttes ouvrières.
Le totalitarisme démocratique oppose à la lutte de classes un double obstacle : en première ligne, la police, sans uniformes et sans armes de la gauche et des syndicats ; en second rideau, prête à intervenir à tout moment, la police, costumée et équipée, des corps répressifs de l'Etat.
Les deux appareils combinent leur action, se renforçant mutuellement. La gauche et les syndicats, par le moyen des mystifications ’démocratiques" et légalistes, en lançant la classe ouvrière sur des voies de garage, affaiblissent la résistance de celle-ci à la répression. C'est justement le but recherché : faciliter l'action répressive. De l'autre côté, les corps répressifs au moyen d’attaques sélectives, et de l'intimidation, concourent à rabattre les ouvriers mis en état de faiblesse clans les alternatives de conciliation et d'abdication de la lutte, de la gauche et des syndicats
L'action combinée des deux appareils est mue par les nécessités globales du capital. Divisée en contradictions internes et fractions rivales, la bourgeoisie tend toujours à faire bloc contre la menace ouvrière.
L'action anti-ouvrière des syndicats ne se résume pas en une pure démagogie ; sa force mystificatrice ne dérive pas de la simple idéologie, elle est, avant tout, le produit d'une force matérielle, le résultat d'un appareil qui enracine ses ramifications bureaucratiques dans toutes les cellules de la vie ouvrière (quartier, usine, agence d'emploi) et, ainsi implanté, effectue un labeur permanent de :
Nous venons de définir l'ensemble du fonctionnement de l'Etat totalitaire bourgeois dans sa forme la plus apte à affronter un prolétariat combatif : la démocratie. Du même coup, nous avons établi le rôle irremplaçable, indispensable, qu'y tiennent les partis de gauche et les syndicats, contre le prolétariat. C'était l'objet propre de cet article, qui laisse naturellement la place à d'autres questions que nous ne traitons pas ici, mais sur lesquelles nous aurons, d'une façon ou d'une autre, à écrire dans de prochains articles- notamment pour dénoncer :
Tous ces travaux répondent à une claire volonté militante d'alerter le prolétariat sur les obstacles que présentent à sa lutte ses ennemis de classe.
(d'après "Accion Proletaria", publication en Espagne du CCI, n° 35).
Les magouilles du .syndicat "Solidarité" pour étouffer toutes les dernières grèves, de Jelenia Gora Radom, ont trouvé leur apothéose dans la façon dont Walesa a manœuvré pour éviter que les réactions à la répression à Bydgoszcz ne se transforment en grève généralisée.
Si ce dernier coup porté au mouvement en Pologne semble avoir réussi provisoirement à déboussoler et démoraliser les ouvriers, elles ont aussi commencé pour certains à leur ouvrir les yeux sur ce qu’est le travail syndical. "Walesa, tu nous as trahis !" ont dit les ouvriers à Bydgoszcz.
Mais les accords-bidons entre "Solidarité" et l'Etat dans le seul but de museler la grève ne sont pas qu'une trahison d'un dirigeant syndical ; c’est la continuité de tout le travail syndical des accords de Gdansk à aujourd'hui qui en s'opposant en tous points à ce qui a fait la force du mouvement en Pologne désigne le camp où il se situe : celui de la bourgeoisie.
"La démocratie, il faut l'apprendre ; car, à vrai dire, telle que nous la pratiquons dans le syndicat, j'en ai assez. Chacun veut présenter ses arguments. Il faut apprendre à déléguer ses décisions". (Walesa - "Le Monde” du 21.3.81)
En août dernier, les ouvriers n'ont pas eu besoin qu'un syndicat leur apprenne ce qu'était la démocratie et la délégation de décisions. L'une des forces du mouvement a justement été l'organisation centralisée des comités inter-entreprises, le MKS, qui est l’opposition vivante à la forme syndicale.
C'est justement dans le bouillonnement permanent des assemblées générales où "chacun peut présenter ses arguments" en permanence que le mouvement a puisé sa force.
C'est parce que les ouvriers n'avaient pas appris à déléguer leurs décisions aux mains de délégués patentés "spécialistes" de la négociation, mais au contraire gardaient le contrôle sur ce que disaient et faisaient les délégués des comités de grève que ce mouvement a gardé sa force. Les négociations de Gdansk étaient retransmises en direct par des haut-parleurs et chacun pouvait y intervenir.
La démocratie syndicale dont rêve un Walesa nous la voyons à 1'oeuvre, lorsqu'il brise les grèves, en prétendant parler au nom des intérêts de la classe ouvrière; lorsque comme à Bydgoszcz il décide à la place des ouvriers; lorsque, comme par hasard, les haut-parleurs se détraquaient lors des moments difficiles des négociations de Gdansk.
La démocratie à la Walesa est une démocratie bâillonnée où apprendre à déléguer des décisions, c’est apprendre à se taire. On comprend qu'il faille apprendre une telle démocratie aux ouvriers quand on prône comme le fait "Solidarité", la remise au travail et les sacrifices, quand il n'y a rien à négocier et rien à concilier, les spécialistes de la conciliation et de la négociation auxquels la classe délègue son pouvoir de décision sans le contrôle permanent que permet une mobilisation permanente en assemblées générales, ne peuvent que devenir les porte-parole des intérêts de la bourgeoisie. Ce qu'est "Solidarité" comme tous les syndicats du monde.
"Au début de notre action, nous réclamions que la vie publique se déroule au grand jour. Maintenant que c'est dans le syndicat, c'est de mal en pire". (Un ouvrier polonais, cité par "Le Matin” du 2 avril 1981)
"Il y a d'autres moyens que la grève... On peut comme en France faire des meetings après les heures de travail pour amener les autorités à négocier. On peut inventer beaucoup de choses, faire des marches de protestation... et puis nous allons avoir notre hebdomadaire" (Walesa - ''Le Monde" du 21.3.81).
Ce que les syndicats reprochent à la grève, ce n'est pas la perte qu'elle constitue pour la classe, c'est la perte qu'elle constitue pour le capital national, et le danger que constitue pour lui le fait que les ouvriers soient en discussion permanente sur la façon de mener leur combat. Une des forces de la classe ouvrière est que justement elle a la capacité d'arrêter ou de redémarrer la production. L'affaiblissement du capital national qu'elle entraîne n'est pas SON affaiblissement à elle. Dans les grèves en masses d'août, les ouvriers ont appris beaucoup de choses sur les moyens de leur combat, mais certainement pas dans le sens où l'entend Walesa.
Pour défouler la combativité dans des amusettes, les syndicats occidentaux ne manquent pas de créativité : meetings, rallies, manifestations-kermesses, pétitions, journaux, réunions syndicales... Walesa a bien appris sa leçon au contact de ses "grands frères" occidentaux.
Entre les ouvriers bien embrigadés et dociles des mornes défilés syndicaux et l'explosion incontrôlable de la grève de masse de Pologne, l'efficacité de ces autres formes de lutte saute aux yeux... pour la bourgeoisie.
"Nous ne faisons par nos luttes que nous mettre au service de notre pays. Nous voulons que les ouvriers travaillent pour le bien de la Patrie". (Walesa, TF1, le 15 janvier 1981).
L'homme est né pour servir, tout est pour le mieux, le bonheur est dans l'esclavage. Tel a été, en gros, tout le sens des propos de Walesa lors de cette interview à TF1 : "plus l'homme est grand, plus il doit servir les autres".
Quel est l'ordre "naturel" des choses pour Solidarité ? Une bourgeoisie forte qui exploite ses ouvriers avec leur libre consentement et dans l'illusion que travailler beaucoup profite à tout le monde, bourgeois et prolétaires.
"Nous voulons que le gouvernement soit fort et il ne faut pas 1'empêcher de travailler. Il a besoin de temps pour cacher les vieux meubles et changer de décor... les voleurs ont volé, c'est fini. Maintenant c’est à nous de travailler, car nous voulons vivre mieux et cela dépend de nous” (Discours de Walesa à Radom, le 16 mars 1981).
"Nous ne ménagerons ni le gouvernement ni le parti, ni le socialisme, ni les alliances signées, nous n'attaquons ni la milice, ni l'appareil du pouvoir" (Walesa)
"Il faut que le syndicat prenne en compte la réalité des difficultés économiques et en explique les conséquences, c'est pourquoi il faut arrêter toutes les actions revendicatives" (un expert de "Solidarité'- "Le Monde" du 17.12.80).
Quelle différence y a-t-il entre ces propos et ceux d'un Kania et d'un Jaruzelski pour qui "il ne faut pas désorganiser la vie économique sociale et politique. La grève dans la situation actuelle est une invitation à l'auto-destruction" ? AUCUNE. Le but est le même : être fort pour imposer à la classe ouvrière les sacrifices, imposer l'ordre capitaliste. Les façons d'y parvenir diffèrent mais se complètent pendant que le gouvernement agite la matraque de la répression, “Solidarité" use de son auréole ouvrière pour obtenir le même résultat par la persuasion.
En luttant cet été dernier par la grève de masse, en réclamant des augmentations de salaire "irréalistes" pour l'économie polonaise, les ouvriers ne se battaient ni pour le bien de la patrie, ni pour un gouvernement fort.
Il n'y a aucun terrain d'entente possible entre exploiteurs et exploités, les intérêts des uns ne peuvent que s'opposer aux intérêts des autres. En affirmant ses propres intérêts de classe indépendamment des "réalités" du capital, la classe ouvrière en Pologne mettait en cause l'existence de l'Etat capitaliste.
Mais ce que dit Solidarité aujourd'hui plus crûment n'est pas différent de ce qu'il disait dès sa création lors des accords de Gdansk :
Un ouvrier bâillonné qui se consacre avec ardeur à son travail pour mieux servir sa patrie en défilant docilement après ses heures de travail, et donne jusqu’à la dernière goutte de sa sueur et de son sang pour défendre l'intérêt national dans la joie du service accompli. N'est-ce pas là le rêve de toute bourgeoisie ?
Transformer la puissance des ouvriers polonais unis par la lutte en une somme d'esclaves rampant aux pieds de la bourgeoisie, tel est le sens des efforts de Solidarité. Tel est le sens des efforts de tous les syndicats du monde.
G.N.
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OUI, NOUS DENONÇONS LA GAUCHE, PS, PC ET GAUCHISTES. NOUS LES DENONÇONS POUR LES INNOMBRABLES SERVICES RENDUS AU CAPITAL NATIONAL, POUR LE NOMBRE DE GREVES ET MEME DE REVOLUTIONS, QU' ILS ONT BRISEES. POUR LEUR PATRIOTISME QUI A DEJA COUTE DES MILLIONS DE MORTS DANS UNE GUERRE INUTILE.
NON, DENONCER LA GAUCHE, CE N'EST PAS OBLIGATOIREMENT DEFENDRE LA DROITE. LA FAUSSE ALTERNATIVE AVEC LAQUELLE ON VEUT NOUS BOURRER LE CRANE, NOUS LA REFUSONS.
IL Y A UNE AUTRE ALTERNATIVE QUI SE TROUVE DANS LA DIVISION REELLE DE LA SOCIETE : D’UN COTE LA CLASSE OUVRIERE, LES MILLIONS D'EXPLOITES QUI PEUPLENT LE MONDE ET DE L'AUTRE TOUTES LES FRACTIONS BOURGEOISES, DE DROITE COMME DE GAUCHE, QUI ESSAIENT DE SAUVEGARDER UN SYSTEME ECONOMIQUE POURRI.
LA LUTTE QUI OPPOSE LA CLASSE OUVRIERE A L’ETAT BOURGEOIS N'EST PAS LA LUTTE DROITE- GAUCHE. LA QUERELLE ENTRE LES CLIQUES BOURGEOISES PORTE SUR LE MEILLEUR MOYEN DE SAUVER LE CAPITAL NATIONAL, SUR LE DOS DE LA CLASSE OUVRIERE. LA LUTTE DE LA CLASSE OUVRIERE, ELLE, AVANCE DANS LA VOIE DE DETRUIRE DE FOND EN COMBLE LE CAPITALISME, ET SON APPAREIL POLITIQUE, DE DROITE COMME DE GAUCHE.
Pour les travailleurs ou les chômeurs qui ont pu se laisser duper par des vaines promesses électorales, la joie frelatée d'un soir d'élection ou d'investiture ne tardera pas à faire place à la plus amère désillusion. Pour la "relance de la consommation populaire", la disparition du chômage, la semaine de 35 heures sans diminution de salaire, l'élimination des "inégalités sociales", RIEN ne sera fait. Cela, c'était seulement des fariboles électorales, déversées sans compter durant des semaines pendant lesquelles la gauche s'abritait encore sous le paravent de "l'opposition".
Les mesures annoncées avant les élections d'austérité et de licenciements massifs vont s'avérer aussi inévitables pour la bourgeoisie avec un gouvernement de gauche qu'avec un gouvernement de droite. L'EQUIPE A CHANGE, MAIS CE QUI LUI ECHOIT C'EST LA MEME TACHE : ASSURER LA DEFENSE DU CAPITAL NATIONAL et, COMPTE-TENU DE L'AMPLEUR ET DE LA GRAVITE DE LA CRISE MONDIALE, cela signifie une attaque encore plus vive contre l'ensemble de la classe ouvrière. Ce "nouveau" gouvernement -même affublé d'une étiquette "de gauche"-va devoir pratiquer une politique "impopulaire", une politique "de droite" qui est celle que tout gouvernement est aujourd'hui condamné à pratiquer.
Les illusions sur un "changement de politique" ou sur un "pas positif" pour la classe ouvrière, avec une équipe de gauche au gouvernement ne peuvent résister à l'épreuve des faits. On l'a déjà vu dans le passé : contrairement à ce que veut faire croire la bourgeoisie, les grèves de 1936 n'ont pas été favorisées , ni produites par la victoire électorale de la gauche, type de situation qui encouragerait les travailleurs à imposer leurs revendications. Si des grèves éclatent en 1936, c'est face à une situation de crise économique où le niveau de vie de la classe ouvrière est durement attaqué par la bourgeoisie, et non grâce aux élections. Même si elles ont pu être dévoyées par la bourgeoisie, ces grèves ont lieu sur le terrain de l'auto-défense ouvrière et si un gouvernement de "front populaire" a été mis sur pied, c'est justement pour contrer efficacement le mécontentement social et qu'il représentait la force capable de casser ces grèves.
Quant aux "mesures sociales" qu'on nous cite de ce gouvernement :
Des acquis de cet acabit, des millions d'ouvriers ont dû les payer ensuite au prix de leur sang et de leur vie dans la seconde boucherie mondiale où la gauche avait réussi à les enrôler.
Mais l'œuvre de la gauche française au service du capital national ne s'est pas arrêté là : on lui doit encore le bombardement de Sétif en mai 45; le massacre de la rébellion malgache en 47, la participation au conflit de Suez puis l'intensification de la guerre d'Algérie sous Guy Mollet en 56 (doublement des effectifs du contingent).
On lui doit le "retroussage des manches" entre 45 et 47 pour l'œuvre de reconstruction nationale, le blocage des salaires et l'envoi des premiers CRS pour réprimer les grèves ouvrières en 1947.
C'est pourquoi LA GAUCHE COMME LA DROITE SONT NOS ENNEMIS DE CLASSE.
Mais aujourd'hui la situation est toute différente de 1936 et des lendemains de la guerre mondiale, les quelques maigres "miettes" sociales que pouvait recueillir la classe ouvrière en contrepartie de sa démoralisation et de ses "sacrifices" ont disparu. Aujourd'hui c'est directement un programme draconien d'austérité qu'un gouvernement de gauche -comme l'on fait les travaillistes en Grande-Bretagne- va devoir faire appliquer. Une fois retombé le délire électoral, ce qui restera, c'est comme AVANT et comme PARTOUT, avec de plus en plus de netteté, l'épreuve de force entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, c'est les mesures d'expulsion à l'encontre des travailleurs immigrés (la social-démocratie allemande ne s'est pas privée !), c'est la mise au chômage pour des centaines de milliers d'ouvriers dans les principaux secteurs industriels du pays pour "sauvegarder la compétitivité nationale", c'est l'envoi de la police contre les grévistes, c'est faire travailler plus intensivement avec moins de salaires. Aujourd'hui, ils nous parlent encore de "justice sociale", de "réduction des inégalités", d'"imagination au pouvoir", mais sous cet emballage, cet enrobage de circonstance, percent déjà les vrais projets. Dès les premiers discours du nouveau premier ministre Mauroy, lors même de sa prise de fonction, il est question "d'un gouvernement qui sera celui de la rigueur". Nous voici discrètement prévenus : "en ces temps difficiles, rien ne nous sera donné sans effort". Voici un air connu. L'univers à dimension "nationale" qu'on nous promet, c'est bien toujours le même univers d'exploitation, d'austérité, de misère .
Les boniments ont changé, la camelote non.
Il va s'agir de "travailler dur", de "réalisme", de "sacrifices" et de "solidarité nationale", comme en témoigne déjà le ministère nouvellement institué sous ce nom.
Pendant des mois, le gouvernement va s’employer à invoquer le "danger de la droite". -Elle va lui attribuer l'insuccès des mesures de redressement économique et des soi-disant "tentatives d'amélioration sociale".
Les mesures d'austérité seront mises sous la responsabilité des "patrons traîtres à la nation qui font fuir les capitaux", l'alibi des "manœuvres réactionnaires pour saborder l'œuvre sociale" permettra de repousser " "les mesures de changement de société" aux calendes grecques.
Ce sera la même argumentation qui sera utilisée pour dévier toute volonté d'attaque des prolétaires contre le gouvernement : il faudra laisser "ses chances" au gouvernement du Président Mitterrand (n'a-t-il pas dit que la durée était "un facteur primordial dans la situation actuelle" ?) , il faudra rester "responsables" ; faire grève, ce sera "faire le jeu de la droite".
Mais les illusions là-dessus seront de plus en plus difficiles à entretenir. La bourgeoisie le sait. Elle a pu constater le désintérêt croissant pour le jeu des partis politiques et la désyndicalisation importante de ces dernières années en France. C'est pourquoi CGT et CFDT se sont empressés de proclamer hautement dès le lendemain du 10 mai, leur "pleine indépendance" et leur "autonomie" vis-à-vis du gouvernement et de lancer des appels pour une "syndicalisation massive" .
Au gouvernement comme dans l'opposition, la gauche va continuer de faire écran au profit de l'ensemble de la bourgeoisie.
Pour la classe ouvrière, RIEN N'EST FAIT, TOUT RESTE A FAIRE.
Même avec une de ses fractions au gouvernement, la gauche ne va pas abandonner sa fonction essentielle au sein de la bourgeoisie qui est la nécessité de l'encadrement de la classe ouvrière et le dévoiement de ses luttes. Pour le prolétariat, rien n'a changé. Comme hier, comme aujourd'hui, la tâche va être demain de déjouer les pièges des mystifications de la gauche. La tâche va être d'affirmer à travers le terrain de la lutte de plus en plus nécessaire face aux attaques accrues de la bourgeoisie, une autonomie réelle de classe fondée sur la pratique des assemblées générales et de la solidarité ouvrière dans la lutte.
C'est aussi bien à toute la gauche, que ses fractions soient au pouvoir ou dans l’opposition, qu'à toute la droite que la classe ouvrière va devoir s'affronter. Quelles que soient les manœuvres et le partage des tâches au sein de la bourgeoisie, c'est à tous les défenseurs du capital national, qu’ils soient en face de lui ou se prétendent à ses côtés qu’il lui faudra s'opposer.
Y.D.
"On a gagné !" ont crié des milliers de voix. Toute la nuit, ils ont dansé à la Bastille. Tous, y compris l'extrême-gauche, étaient dans l'euphorie de la défaite de Giscard-les-diamants. Le rêve de toute une génération de gauchistes français et de gens de gauche est exaucé, enfin, la gauche a battu la droite !
Mais, au fait, qui a gagné, et où en est-on ? Certes, le méchant Giscard est viré, les révolutionnaires ne verseront pas une larme pour lui. Malheureusement, il ne s'agit pas de la défaite de "la bourgeoisie"! La bourgeoisie est une classe et une force sociale, force de domination qui ne se reconnaît pas toute entière dans un seul homme ; a fortiori, celui-ci peut remplacer celui-là. On peut même considérer qu'il n'y a pas défaite dans ce cas précis puisque la bourgeoisie tout entière a "gagné" les élections, puisque la participation a été massive, avec un taux d'abstention incomparablement plus faible qu'aux USA, puisque l'illusion qu'on peut changer quelque chose en votant a marché, d'autant plus que le président est "changé". Hélas, en général, sur le plan électoral, la bourgeoisie ne perd jamais rien, même pas son pouvoir, car sa classe ennemie, le prolétariat, est diluée dans les diverses couches sociales, atomisée, isolée dans les isoloirs ; au lieu de menacer comme force collective à l'image des ouvriers polonais, ils sont fractionnés et façonnés comme toute la population par les différentes facettes de l'idéologie bourgeoise : droite, centre, gauche, extrême-gauche.
La bourgeoisie a la vie dure, les illusions qu'elle sème dans la tête des prolétaires pour les maintenir sous le joug aussi. Ces élections viennent confirmer cette vérité qu'il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l'avoir tué", le fort taux de participation électoral est là pour le démontrer, même s'il est en baisse par rapport à celui des élections précédentes, même si ne sont pas recensés tous ceux qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales (et dont le pourcentage est très fort chez les jeunes).
Et pourtant, qu'on se souvienne du manque général d'intérêt pour les élections il y a à peine six mois. Le mythe électoral s'était usé pour avoir trop servi sans rien changer dans les années 70. La bourgeoisie avait abondamment utilisé cette arme de dilution de la conscience ouvrière, tout y était passé : élections présidentielles, législatives, municipales, cantonales, européennes, sans parler de toutes les élections locales et partielles. Devant cette avalanche, les élections sont apparues de plus en plus pour ce qu'elles étaient, une gigantesque farce.
Nous avons déjà maintes fois affirmé que les élections sont étrangères à l'expression 'du prolétariat, qu'elles ne sont qu'une noix vide, foire d'empoigne de personnes, qui cache l'appareillage des partis et la bureaucratie étatique. Cette fois-ci encore, nous pouvons constater que ce spectacle navrant du choc des ambitions personnelles ne serait qu'une vulgaire enceinte de cirque si des millions de prolétaires n'étaient pas illusionnés par les promesses fallacieuses des uns et des autres, délaissant momentanément le seul terrain où ils s'expriment en tant que classe pour une société totalement différente : celui de la lutte collective et sans cachotteries sur leur opinion, la lutte pour la destruction du capitalisme.
En six mois, la bourgeoisie est parvenue à repolariser toute l'attention sur les élections, à transformer les prolétaires en électeurs-citoyens, comme tous les Français, par-delà les classes. Comment y est-elle parvenue si on se souvient du dégoût de la politique bourgeoise qui marquait la vie politique en France il y a six mois ?
Sous la IVème République, pour la bourgeoisie, les choses paraissaient simples, le président était directement désigné par les partis. Le référendum de 1961, en instituant le suffrage universel pour l'élection présidentielle, renforçait le pouvoir présidentiel exécutif mais aussi son poids mystificateur en faisant croire que le choix d'un président était une responsabilité de tous les citoyens. Partant de ce point de vue, rien n'est fondamentalement changé, les élections sont toujours une gigantesque entreprise de manipulation où le choix final ne dépend pas tant des votes que du jeu des partis (multiplicité des candidatures et des désistements).
Ce que le suffrage universel introduit, c'est la nécessité pour la bourgeoisie d'une manipulation des médias de masse (radio, télévision, presse, etc.…) où les techniques utilisées sont celles qui ont été rodées dans la publicité et le show-business pour aboutir à ce que la bourgeoisie appelle pudiquement des élections "à l'américaine".
L'essentiel pour la bourgeoisie est de ramener le plus de prolétaires possible sur le terrain électoral; là-dessus, toutes les forces bourgeoises sont d'accord, de l'extrême-droite aux gauchistes, qui, toutes, appellent à voter, le tout renforcé par des campagnes intensives de culpabilisation des abstentionnistes par les mass-médias du style "ne tournez pas le dos à la France" (spot publicitaire qui est passé à la télé et qui ressemble à n'importe quel spot publicitaire pour une lessive ou une couche-bébé).
Mais, cela est classique et pas nouveau, il fallait encore plus pour ramener les prolétaires dans l'isoloir, les techniques du show business sont venues épauler celles de la publicité avec Coluche.
Sans que cela soit forcément volontaire, la candidature Coluche est venue, en créant l'événement, fixer l'attention de tous ceux qui étaient dégoûtés de la politique bourgeoise, sur les élections, la dérision du clown est devenue, malgré son acteur, une arme électorale. Une fois cette fonction remplie, Coluche a été jeté comme une vieille guenille usée, éliminé de tous les médias contrôlés par l'Etat ; interdit d'antenne, Coluche a sombré dans l'oubli, ce qui prouve bien que la bourgeoisie n'autorise les candidatures que tant qu'elles la servent (qu'on réfléchisse à ce que cela signifie pour les soi-disant candidatures révolutionnaires style Laguiller).
Tout l'art électoral de la bourgeoisie consiste à faire croire qu'au travers des élections peuvent se réaliser les aspirations de la population : la démagogie électorale n'a pas d'autre but. Pourtant, ce ne sont même pas toutes les promesses des candidats qui ont fait voter, c’est avant tout un désir de "changement". Le "changement”, l'"alternance" ont été les maîtres-mots de cette campagne électorale : même la droite a voulu se montrer comme l'expression de ce changement : Chirac "le changement dans la sécurité" et sans ironie, Giscard, qui prétend avoir "changé".
La bourgeoisie gagne toujours les élections puisque c'est elle qui les a instituées et que, de toutes façons, elle a le monopole des candidats ; on vote toujours pour la bourgeoisie. Cependant, sa victoire, c'est avant tout la forte participation, c'est d'avoir fait croire que le "changement" peut être électoral.
Pourtant, cette victoire est fragile. La gauche au pouvoir n'est pas plus capable de réaliser un quelconque changement réel que la droite. L'austérité, la misère croissante des ouvriers sont toujours à l'ordre du jour, la réalité de la crise mondiale du capitalisme est là. Le seul "changement" que la bourgeoisie pouvait offrir par les élections a eu lieu, ce n'est pas lui qui peut réellement satisfaire les prolétaires.
La gauche au pouvoir ne fera pas mieux que la droite. Du même coup, les illusions sur l'"alternance", le "changement" par les élections, risquent de fondre avec la crédibilité du parti socialiste au pouvoir. Avec l’arrivée de Mitterrand au pouvoir, la bourgeoisie use de manière accélérée ses cartes mystificatrices. Il est des victoires qui annoncent la défaite. Le désir de "changement" des prolétaires aujourd'hui, même s'il s'est traduit par la victoire électorale de la bourgeoisie maintenant annonce la révolution de demain.
J.J.L.
Nous avons fréquemment analysé dans notre presse les armes actuellement utilisées par la bourgeoisie dans son offensive contre la classe ouvrière. Depuis plus de deux ans, nous avons mis en évidence le fait que :
"...après avoir eu pendant des années comme principal ennemi la gauche au pouvoir ou en marche vers le pouvoir, la classe ouvrière, dans la période qui vient, retrouvera de façon quasi générale le même ennemi dans l'opposition n'hésitant pas à radicaliser son langage pour pouvoir mieux saboter ses luttes". Résolution sur la situation internationale du 3ème Congrès du C.C.I -Revue Internationale n°18)
Aujourd'hui, l'élection du socialiste François Mitterrand à la tête de l'Etat français et la constitution du 1er gouvernement de gauche depuis des décennies semble contredire complètement cette analyse.
Faut-il en conclure que cette analyse était fausse ? Faut-il penser que c'en est fini pour la bourgeoisie de la carte de "la gauche dans l'opposition" contre la classe ouvrière ? Le cas de la France constitue-t -il une exception ? Et, dans ce cas, comment peut-on l'expliquer ?
L'analyse du CCI s'est basée sur le constat de faits objectifs. En effet, ces dernières années, un mouvement de passage de la gauche de sa position gouvernementale vers l'opposition s'était manifestée en de nombreux pays : Pays-Bas, Suède, Grande-Bretagne, Portugal, Israël, Vénézuéla, Italie (fin du "compromis historique"), USA (où les démocrates font figure de "gauche") alors que dans d'autres tels l'Espagne ou la France, la gauche qui était restée en dehors du gouvernement, abandonnait une politique de coopération avec celui-ci (pacte de la Moncloa) ou d'accession au pouvoir (Programme Commun de gouvernement en France liquidé en 77). Le nombre de pays où la gauche continuait de participer au gouvernement se restreignait finalement à ceux que la crise avait relativement épargnés (RFA, Autriche) ou pour lesquels c'était indispensable pour assurer une représentation équitable des diverses fractions régionales de la bourgeoisie (Belgique : cf. analyses publiées dans "Internationalisme").
Le CCI avait donc analysé ce phénomène non comme une succession de cas d'espèce mais bien comme une tendance générale qui s'expliquait à la fois par l'aggravation de la crise du capitalisme et par la reprise des luttes prolétariennes après une accalmie au milieu des années 70.
En effet, notre organisation a mis en évidence la différence existant entre la première période de développement de la crise mondiale, celle qui couvre en gros les années 70, et celle qui lui succède au moment d'entrer dans les années 80. Malgré la gravité de la crise (avec notamment la brutale chute de 74-75) les années 70 peuvent être considérées comme les années "d'illusion". Illusions pour la classe dominante qui s'imaginait que les difficultés de son économie étaient temporaires (c'était l'époque où le premier ministre Chirac annonçait "la fin du tunnel”). Illusions pour la classe ouvrière qui se laissait encore persuader par les campagnes idéologiques des partis de gauche que la crise résultait d'une "mauvaise gestion de l'économie" par les partis de droite et par les "grands monopoles avides de profits". Dans ce contexte, la politique de "gauche au pouvoir" ou " "en marche vers le pouvoir", mise en place par la bourgeoisie, répondait au besoin de faire accepter passivement l'austérité aux travailleurs en leur faisant croire "qu'après" les choses "iraient beaucoup mieux".
Mais tout a une fin ; y compris les illusions sur la nature de la crise. La persistance de celle-ci, l'échec de tous les "plans de relance" destinés à "en sortir", son aggravation irrémédiable sont progressivement venus à bout des croyances dans "les lendemains qui chantent". Comme toujours, la crise économique tend à mettre à nu les contradictions fondamentales de la société capitaliste. Son aggravation ouvre la porte "aux années de vérité", celles où il devient impossible aux gouvernements de masquer le caractère général et insoluble de la crise, celles où les discours sur "ça ira mieux demain" ne prennent plus. Pour la classe ouvrière, il n'apparait d'autre alternative que de reprendre le combat.
Et quant aux partis de gauche, ils servent bien plus efficacement les intérêts du capitalisme en tenant un langage radical qui leur permet de contrôler et de saboter les luttes, qui sont de toutes façons inévitables, qu'en conservant celui du passé sur le thème de "la lutte ne paie pas", il s'agit de "bien voter", qui risque d'être de moins en moins entendu par les travailleurs.
C'est dans ce contexte que la classe dominante se partage aujourd'hui le travail entre d'une part ses secteurs qui ont le moins d'emprise sur la classe ouvrière, en général les partis de "droite" et du "centre", auxquels revient la charge de "parler clair" (Barre en était l'exemple typique) depuis le gouvernement et, d'autre part, ses secteurs qui ont une influence sur les travailleurs, les partis de gauche et les syndicats, qui se doivent de conserver ou renforcer cette influence en faisant des discours "radicaux" depuis l'opposition.
Cette situation reste valable pour l'ensemble des pays d'Europe et on peut même voir le parti social-démocrate encore au pouvoir en Allemagne se reconvertir peu à peu en parti d'opposition.
Et l'élection de Mitterrand là-dedans ?
Eh bien, il faut la voir comme une anomalie, un événement qui a échappé à la volonté et au contrôle des secteurs politiques dominants de la bourgeoisie française, y compris le parti socialiste.
Contre toute attente sérieuse, il s’est passé en effet quelque chose de très important le 10 mai ; mais pas ce qu'on veut nous faire avaler pourtant : de "victoire des travailleurs", il n'y en a eu que dans les discours des démagogues de gauche et d'extrême- gauche. Il s'est passé quelque chose MAIS dans les sphères de la bourgeoisie : une sorte de coup d'Etat d'opérette involontaire.
Certes, contrairement à 1851 ou 1958, tout s'est passé dans la légalité. Le juriste Mitterrand a respecté scrupuleusement la loi.
Mais il n'empêche que son accession à la tête de l'Etat fait violence à la bourgeoisie (celle de Washington, de Moscou et de la Bourse de Paris) comme elle fait violence d'ailleurs à lui-même (ses déclarations au moment de son élection sont significatives : "Quelle histoire!" "c'est maintenant que les ennuis commencent"). Ici, ce qui a surpris la bourgeoisie et l'a mise dans l’embarras ce ne sont pas les baïonnettes mais un instrument dont elle tire habituellement efficacité et tranquillité : l'institution électorale. Est-ce à dire que celle-ci pourrait redevenir un terrain de combat pour la classe ouvrière ? Nullement ! La classe ouvrière n'a rien à gagner sur ce terrain qui reste exclusivement celui de la bourgeoisie, n'en déplaise aux rabatteurs gauchistes.
Est-ce à dire que, désormais, et en tous lieux, les élections ne servent plus les intérêts de la bourgeoisie ? Qu'il en sort des résultats contraires à ses intérêts ? Ce n'est pas le cas non plus. En général, les résultats électoraux sont conformes aux nécessités du moment du capitalisme. Non pas qu'on bourre les urnes : là où cela arrive, les élections perdent leur crédibilité et donc leur efficacité comme instrument de mystification des masses. En réalité, ce que l'on bourre, c'est les crânes : à travers toutes sortes de manœuvres préalables, et à grand renfort de mass-médias, les divers partis bourgeois s'arrangent en général pour que les électeurs votent "comme' il faut". C'est ainsi qu'en 1977, l’union de la gauche fut rompue fort à propos pour lui faire perdre les élections législatives de 1978. De même, pour empêcher une réélection du démocrate Carter, dont elle n'avait plus besoin, la bourgeoisie américaine a suscité la candidature Anderson destinée à lui retirer des voix. Plus récemment, face à une menace de raz-de-marée du parti travailliste aux prochaines élections en Grande-Bretagne, la bourgeoisie de ce pays s'est arrangée pour que se crée une scission dans ce parti et qu'apparaisse sur la scène politique un parti concurrent, capable de lui faire perdre les élections, le Parti Social-Démocrate.
Pour les présidentielles françaises, le PS avait tout fait pour que son candidat soit battu : il avait choisi Mitterrand alors que Rocard paraissait à l'époque le mieux placé pour battre Giscard ; sitôt désigné, le candidat Mitterrand était parti en voyage en Afrique et en Chine, comme si l'élection présidentielle ne l’intéressait pas...
De son côté, le PCF, jusqu'au 1er tour, avait également fait tout son possible pour que Giscard rempile.
La gauche dans son ensemble, avait donc, comme en 1978, "joué le jeu", celui qui devait lui permettre de rester dans l'opposition. En l'occurrence, c'est la droite qui n'a pas joué le sien. .
En effet, une utilisation efficace du dispositif électoral suppose qu'il existe une lucidité et un consensus suffisants au sein de la classe dominante, que les divers partis soient capables de se hisser au-dessus de leurs querelles particulières, de faire prévaloir, par-delà leurs intérêts de boutique, les intérêts d'ensemble du capital national.
C'est cette lucidité et ce consensus qui ont fait défaut à la droite qui, confiante dans une réélection facile de Giscard, telle que l'annonçaient les sondages il y a six mois, a donné libre cours à ses règlements de compte internes entre le clan giscardien et le clan chiraquien. A priori, la bourgeoisie n'était pas hostile à un rééquilibrage des forces au sein de l'ancienne majorité : bien de ses secteurs se réjouissaient de "l'effet Chirac" qui aurait permis à celle-ci de donner une plus grande pugnacité, un ton plus combatif (à l'exemple de celui de Reagan) à son offensive anti-ouvrière. Mais, "l'effet Chirac" est allé au-delà des espérances : le mécontentement des couches petites-bourgeoises capitalisé et amplifié par le chef du RPR a finalement privé au second tour Giscard d'une partie de son électorat habituel, ce qui a suffi pour lui faire perdre son poste.
Ce ne sont donc pas Mitterrand et la gauche qui ont gagné l'élection, mais bien Giscard et la droite qui l'ont perdue.
Ce faux-pas de la bourgeoisie française ne veut pas dire que désormais cette classe sera incapable au niveau international de se donner les moyens politiques les plus appropriés pour affronter la classe ouvrière. Ce faux-pas doit être mis au compte d'un certain nombre de faiblesses spécifiques à la bourgeoisie française qui concernent non pas tellement son économie (laquelle a résisté mieux que bien d'autres à la crise du capitalisme) mais sa sphère politique. Cette faiblesse politique s'est illustrée par sa longue paralysie face au problème de la décolonisation (elle n'a été dépassée dans ce domaine que par la bourgeoisie portugaise), de même que par le coup d'Etat du 13 mai 58 et l'appel à un "homme providentiel” De Gaulle. Elle s'est illustrée également par la mise en place d'institutions qui étaient à la mesure de cet "homme providentiel" et ont garanti une bonne stabilité politique pendant toute une période, mais qui ne convenaient plus à ses successeurs (les chaussures de De Gaulle, notamment le mandat présidentiel de 7 ans, étaient trop grandes pour un Giscard) de même qu'elles étaient trop rigides face à un surgissement de la lutte de classe (comme cela s'était déjà révélé en mai 68).
Une autre faiblesse enfin, consiste dans la place trop réduite occupée par le PS dans la vie politique depuis 58, ce qui n'a pas permis de réelle alternance (notamment lorsqu'elle aurait été "positive" au milieu des années 70) et a conduit à une certaine usure des partis de droite au pouvoir depuis 23 années.
Si elle résulte donc d'une faiblesse politique de la bourgeoisie française, l'élection "malencontreuse" de Mitterrand va encore renforcer cette faiblesse. D'une part, Mitterrand aura les plus grandes difficultés à trouver une majorité au Parlement, et cela même si la "gauche" l'emporte car le PC est appelé, à terme, à poursuivre son rôle d'opposition capable de contrôler la classe ouvrière. D’autre part, contraint par la crise économique à mener une politique d'austérité, de chômage et de répression, en complète contradiction avec les promesses électorales de Mitterrand, le PS, une fois éteints les lampions de la fête, va perdre en peu de temps une crédibilité qu'il avait conquise péniblement et patiemment auprès des travailleurs. Face à l'intensification de l'exploitation de la classe ouvrière qui se prépare, le PC et le PS et leurs syndicats respectifs, n'auraient pas été de trop pour se partager le travail pour encadrer les travailleurs et dévoyer leurs luttes.
On peut faire confiance au PCF pour faire un maximum de zèle dans cette sale besogne, mais c'est une faiblesse pour la bourgeoisie nationale que de confier une responsabilité aussi importante à un parti qui n’est pas "sûr" en politique internationale. En fin de compte, le bilan de l'élection de Mitterrand se présente pour la bourgeoisie par un petit plus (les illusions présentes : "on a gagné!") et un grand moins : le sacrifice prématuré d'une carte importante dans l'encadrement du prolétariat. Cependant, cet affaiblissement de la bourgeoisie n'en sera vraiment un que si la classe ouvrière engage le combat. Il revient donc aux révolutionnaires non seulement de dénoncer toutes les illusions sur la prétendue "victoire des travailleurs" que représenterait l'élection du bourgeois de gauche Mitterrand, mais également d'affirmer clairement que tous les avatars, toutes les crises politiques que peut subir la classe dominante n'apportent rien au prolétariat.
Les prolétaires ne peuvent compter que sur leurs propres forces, que sur leurs propres luttes.
F.M.
Nous publions ci-dessous un tract distribué lors de la kermesse du 1er mai par le "Mouvement de libération des cigales". S'il est toujours bon de trouver une critique du monde actuel au milieu des litanies de la "fête du travail", de la fête de l'esclavage quotidien, les limites de l'idéalisme y apparaissent clairement.
"LE POINT LE PLUS ELEVE AUQUEL ATTEINT LE MATERIALISME INTUITIF C'EST À DIRE LE MATERIALISME QUI NE CONÇOIT PAS LE MONDE MATERIEL COMME ACTIVITE PRATIQUE, EST LA FACON DE VOIR DES INDIVIDUS DE LA "SOCIETE BOURGEOISE" PRIS ISOLEMENT." (Marx : Thèses sur Feuerbach)
"EN MARGE DES LABORIEUX PROGRAMMES ELECTORAUX PRECONISANT "LE DROIT A L'EMPLOI", une nécessité s'impose d'informer la majorité salariale et besogneuse : en ce jour du 1er mai 81, nième Fête du Travail, UNE DECOUVERTE SCIENTIFIQUE RECENTE RISQUE DE SEMER LE TROUBLE DANS LA FRANCE PROFONDE ET TRAVAILLEUSE : pur produit de l'éducation laïque et républicaine. Une information transpire ... Elles ne sont pas à la hauteur de leur réputation :
LES FOURMIS SONT DES FEIGNASSES !
"Lorsque nous nous penchons sur une fourmilière, nous avons 1'impression qu'il y règne une activité fiévreuse, mais c'est seulement parce qu'il y a quantité de fourmis et qu'elles sont toutes semblables. De fait, les fourmis individuelles passent : LE PLUS CLAIR DE LEUR TEMPS A SE PRELASSER ! et plus choquant encore : LES OUVRIERES (toutes FEMELLES) CONSACRENT BEAUCOUP DE TEMPS À LEUR TOILETTE ! (J. et C. Wheeler, éthologistes.)
Le M.L.C. (Mouvement de Libération de la Cigale) se fait un devoir de révéler ce jour cette conséquente information étouffée par les Phallos du Patronat, les Héros de la Production, les Zorros de la "Relance", les Zéros Économistes, créateurs de Pénurie.
Le M.L.C. profite de ce jour de congé pour questionner l’Homo-ça-Pionce, dans le débat à résonance ethnologique qui agite les milieux pensants de la planète...Louis le Prince-Ringuard s'offusque que l'on puisse comparer l'Homo-Sapiens de nos prospères banlieues H.L.M- isées à des insectes ordinaires : "Nous avons le progrès, la science, la technique qui nous font prospérer et allègent la peine productive ... ".
CET HOMME-LA NOUS RACONTE DES FABLES ! La Fontaine des inepties économiques n'est point tarie pour les tarés et les tartares de la Science Conquérante ! Qui n'utilisent la technique que pour faire de l'Homme un appendice de chair dans une Machinerie d'Acier. (Une autre utilisation de la technique est urgente !).
En effet, le M.L.C. s'indigne que de conséquentes informations en provenance de France, de Navarre et de la "Marlboro Country" soient étouffées par le poids des bourses capitalistes, des bouses chimiques, des boues rouges et des hiboux taciturnes du déclin occidental !
Incroyable, MAIS IRREFUTABLEMENT VRAI : LES SAUVAGES DE L'AGE DE PIERRE TRAVAILLAIENT 2 A 3 HEURES PAR JOUR !
C'est une moyenne, conséquence d'UN CHOIX POLITIQUE. N'étant pas intoxiqués par les balivernes scolaires, laïques et judéo-crétinisantes, la transpiration ne leur semblait pas la finalité de l'existence. Les ethnies préservées ne sont pas assez cons pour "gagner leur pain à la sueur de leur front" !
"QUAND ON ME PARLE DU DROIT AU TRAVAIL, JE SORS MON HAMAC !" (Proverbe mélanésien).
L’AMOUR, la sieste, le bavardage, la danse, 1'exploration sociale étaient préférés au sur-travail, AUSSITOT LE NECESSAIRE PRODUIT. Produire pour Vivre et non Vivre pour Produire, telle aurait pu être leur devise.
Lorsqu''à l'aube du deuxième millénaire après J.C., en nos sociétés "d'abondance" TOUJOURS PROVISOIRE et de désespérante servilité salariale, LA SEMAINE DE 40 H ET LA RETRAITE A 60 ANS NE SONT PAS ENCORE EFFECTIVES, on peut donc mesurer tous les "bienfaits du progrès" QUI LAISSENT AFFAMEE LA MOITIE, VOIRE LES 2/3 DE L'HUMANITE !
LA SOCIETE MODERNE EST UNE SOCIETE DE MISERE ! Sans précédent dans l'histoire.
C'est pourquoi à la Misère de la Production, le Mouvement de Libération de la Cigale oppose l'inaction Libératoire et Révolutionnaire.
crise...chômage...récession…ELECTIONS.? SOYONS REALISTES ET EXIGEONS LA FAINEANTISE ! (y'en a pour tout le monde).
La fourmi ayant travaillé toutes ces années se trouva fort dépourvue lorsque la crise fut venue... voilà LA REALITE DE NOTRE GESTION "COURAGEUSE".
En conséquence, LES CIGALES que nous sommes, réfugiées près des excédents à détruire du Marché Commun, des stocks d'invendables, loin des cumuls à neutrons, des cucus à diplômes, des clowns de la démocratie, des concentrations thermo-nucléaires, des gaspillages en institution ... Nous chantons en chœur ;
NOUS NE MANGEONS PAS DE CE PAIN-LA ! Pas davantage, nous nous salirons les mains dans la collaboration. Nous ne sommes pas résignés à avoir une vie de Primate pour acquérir une résidence secondaire dans un monde de robots dévoreurs de temps... Et lorsque la bise sera venue, nous dirons aux accapareurs, philosophes du Droit au Travail : VOUS SPECULIEZ ? FORT BIEN, BOSSEZ MAINTENANT !
Nous, démissionnaires en force du productivisme, pensons que c'est la seule façon d’éviter le grand froid de la Déflagration et de dénoncer le danger de cette
"ETRANGE FOLIE QUI POSSEDE LES CLASSES OUVRIERES des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est 1'amour du travail, la PASSION FURIBONDE DU TRAVAIL, poussée jusqu'à l’épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes ont sacro-sanctifié le travail ".
(Paul Lafargue in "Le droit à la paresse"). —
M.L.C. (Mouvement de Libération de la Cigale).
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Cela fait toujours plaisir de trouver, au milieu des lugubres cérémonies du 1er mai, un son de cloche qui ne soit pas empêtré dans la problématique à courte vue de la politicaille, du degré de pourcentage auquel on se fera de toutes façons avoir, du nez collé sur son lopin de terre, comme si la réalité en était fondamentalement différente du reste du monde.
Dans ce tract, passe la vision de l'absurdité du monde actuel, un monde où l'écrasante majorité des hommes crève de faim alors que la technologie ouvre les portes d'une maîtrise des éléments incalculable. Un monde où les hommes s'épuisent dans un travail inutile parce que non orienté vers leurs besoins. Non, ce monde n'est pas réformable ! Il faut casser la logique qui le fait tourner, détruire ses bases, pour pouvoir construire autre chose.
Cependant nous pensons que si nos cigales se sont donné tant de mal pour écrire, taper, tirer et distribuer ce tract, c'est qu'elles pensent qu'il ne suffit pas de se croiser les bras pour changer le monde. Ou il y a une lutte à mener, quelque part. Mais où ?
Pour le moment, nos cigales se bornent à se "réfugier près des excédents à détruire" ... à se mettre en marge de la société en refusant de mener "une vie de primate". Cela rappelle le "on arrête tout et c'est pas triste" d'après mai 68, et qui était si triste !
Un par un, on ne peut avoir la vision du changement de la société. On en a une vision partielle, morcelée, impuissante : "l'amour, la sieste, le bavardage, la danse, l'exploration sociale" de l'âge de pierre... Pourquoi et comment l'humanité serait passée de cette "saine innocence" à l'enfer présent ? Par "amour du travail" ? Ou â cause de la pénurie qui domine la communauté primitive ?
Aujourd'hui, la pénurie est devenue un fait SOCIAL et non plus un fait NATUREL. Pour la première fois dans l'histoire, la possibilité d'une véritable communauté humaine fondée sur l'abondance existe. Et les possibilités qu'elle ouvrira en libérant toutes les facultés humaines, en libérant l'homme de son esclavage salarié, ne sont pas comparable à l'âge de pierre.
Au bas du tract, en gros, est portée une inscription : "seules contre les fourmis du capital, les taupes du gauchisme, les moutons du salariat" signé : "les cigales du mouvement de libération des cigales". Qui sont les moutons du salariat ? Ceux qui restent au boulot ? Si nos cigales se pensent deux pelées, trois tondues face à une horde de moutons passifs qui ont "la passion furibonde du travail", elles peuvent rêver la transformation du monde, elles ne comprendront jamais comment elle peut se réaliser et n'y participeront jamais autrement que dans leur tête. Si elles voient les ouvriers nageant dans la béatitude des bienfaits du travail salarié, il n'y a pas de raison de voir le monde capitaliste s'arrêter de tourner.
Non, les ouvriers ne sont pas des moutons. Les cigales ne voient que la misère dans le monde actuel. Ils ne voient pas ce qui est en germe dans la misère : l'explosion d'une révolte capable de TRANSFORMER LE MONDE : la révolution, dont le protagoniste principal sera justement la classe "travailleuse", la classe ouvrière, le prolétariat.
Seul le soulèvement de ces ouvriers, que bourgeois et petit-bourgeois méprisent tant, a ébranlé le monde du capital dans ses fondements, laissant enfin entrevoir une issue pour l'humanité. Des luttes de 1848 à la Commune, â la révolution de 17 et jusqu'à "l'été polonais" de 1980, en passant par toutes les autres tentatives, L'AFFIRMATION D'UNE COMMUNAUTE HUMAINE QUI SE LIBERE EST TOUJOURS LIEE A LA MISE EN MOUVEMENT DES "PRODUCTEURS" Les révoltes d'étudiants font pâle figure en matière de "créativité" comparées au bouleversement social que peut mettre en mouvement la classe ouvrière. Encore dernièrement en Pologne, les ouvriers n'ont pas fait qu'une démonstration de leur force en faisant reculer momentanément la bourgeoisie, mais aussi ils ont montré qu'on pouvait rompre l'isolement, la solitude, la démerde de chacun pour soi, la monotonie, l'absence d'avenir. "L'ambiance dans les rues en Pologne ne sera plus jamais la même" disait un passant à un journaliste occidental. C'est ce mouvement-là qui contrecarre la perspective du "grand froid de la déflagration mondiale", et pas les "pacifistes", les "objecteurs", les individualistes qui ne voient pas dans quel sens tourne l'histoire.
Quand demain ce formidable mouvement gagnera d'autres parties du monde, espérons que nos cigales ne seront pas trop fatiguées, pas trop écœurées et pas trop plongées dans la préhistoire pour comprendre la signification de la lutte des "moutons".
D.N.
Deux sympathisants du C.C.I., décident de créer, en avril 81, un comité ouvert à tous pour rompre leur isolement et en faire un lieu de discussion et d'intervention. Ils ont pris contact avec l'organisation et nous ont envoyé la lettre suivante : "Comme prévu, nous vous envoyons l'exemplaire du tract que nous voulons diffuser sur "J.". Nous vous demandons si le CCI peut prendre en charge la réalisation technique de ce tract (2 000 tracts). Il est évident que nous participerons aux frais. Nous ne nous étendrons pas sur cette initiative. Nous en avons déjà discuté avec vous. Nous pensons que cette intervention est nécessaire, sans pour autant privilégier celle-ci".
Voici le contenu du tract :
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"OUVRIERS, CHOMEURS, BRISONS L'ISOLEMENT !"
Notre silence nous rend complices et satisfait l'ordre capitaliste. Nous sonnes tous des chômeurs ou en passe de le devenir. Ne nous laissons pas gagner par la misère morale qui nous conduit tôt ou tard au suicide. Ne nous laissons pas illusionner par des charlatans (UDF, RPR, PS, Syndicat, Gauchistes...) qui n'ont qu'un seul but : maintenir le capital en nous envoyant à la 3ème boucherie mondiale.
NOUS NE POUVONS PLUS ETRE PASSIFS ET SILENCIEUX, ORGANISONS-NOUS !
Seules, l'extension et la généralisation de nos luttes peuvent mettre fin aux funestes projets que nous réserve la bourgeoisie de l'Est contre de l'Ouest.
TRAVAILLEURS ACTIFS, TRAVAILLEURS SANS EMPLOI, TRAVAILLEURS IMMIGRES, NOUS APPARTENONS A IA MEME CLASSE, LA CLASSE OUVRIERE INTERNATIONALE.
Organisons-nous, ne cooptons que sur nous-mêmes, luttons et manifestons notre unité par la lutte contre le capital de droite comme de gauche en reprenant l'exemple de nos frères en Pologne.
Camarades, nous t'invitons à une réunion qui aura lieu le 15 avril afin que nous organisions tous ensemble un comité dont les tâches et les actions seront à définir par nous-mêmes. CAMARADES, DANS L'ISOLEMENT, NOUS NE SOMMES RIEN !
ORGANISONS-NOUS NOUS-MEMES ET SOYONS TOUT !"
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Dans la mesure où ces éléments sympathisants du CCI depuis un certain temps demandaient le soutien du CCI pour ce projet, nous avons engagé la discussion avec eux
Le CCI appuie et participe à toute tentative de la classe de former des lieux de luttes, de discussions servant à tous : comités de chômeurs, cercles de discussions, noyaux ouvriers... etc...
Ces comités sont le produit direct de la vie de la classe, à un moment donné de sa réflexion et de son organisation. Ils surgissent, en général, du besoin créé par la lutte de classe de se regrouper pour lutter -hors du syndicat, de la gauche et des gauchistes, de poursuivre la réflexion engendrée par la lutte.
Cela dit, il serait erroné de croire que l'intervention des révolutionnaires suffit pour faire naître la vie au sein de la classe. L'activité la fébrile et dévouée qui soit ne peut jamais remplacer l'activité de dizaines, centaines ou milliers d'ouvriers agissant et réfléchissant ensemble, créant eux-mêmes leur propres assemblées.
En même temps, que ces éléments formulaient le besoin et le désir de créer ce comité, ils critiquaient le CCI sur son peu d'intervention au sein de la classe.
Mais de quelle intervention s'agit-il ?
La création d'un comité ouvert à tous, lieu de réflexion et de lutte, est un pas positif pour la vie de la classe. Positif, dans la mesure où il matérialise une dynamique, une vie potentielle qui se fait jour au sein d'un groupe d'ouvriers ou de chômeurs. Mais nous pensons qu'il serait erroné de vouloir les créer artificiellement, en utilisant des sympathisants comme moyen d'établir le "contact" avec les ouvriers. Notre tâche n'est pas de travailler à l'aide de nos contacts, de nos sympathisants à la formation de petits groupes ou cercles, "courroies de transmission" entre l'organisation politique -"celle qui a la conscience"- et l'ensemble de la classe, qu'elle soit à l'usine ou au chômage.
Notre tâche pour contribuer à la clarification de toutes les questions posées par la lutte de classe :
est de développer une organisation politique à l'image de sa classe internationale. La création de liens solides et organisés à l'échelle mondiale est la base indispensable pour développer une intervention révolutionnaire internationale et non éphémère. La diffusion des idées révolutionnaires dans tous les pays du monde, tâche fondamentale d'une organisation politique, ne peut être réalisée sans une presse régulière, diffusée dans toutes les langues, reposant sur l'existence d'un pôle solide et uni à l'échelle internationale[1].
L'organisation ne peut, ni créer, ni développer une base d'intervention internationale à partir d'activités locales et ponctuelles.
Seul le développement d'une organisation révolutionnaire internationale permet aux révolutionnaires d'intervenir et de participer activement aux luttes ouvrières et aux manifestations de la vie de la classe, chaque fois que cela est possible.
L'intervention des révolutionnaires, pour être efficace, ne peut se concevoir que comme une activité volontaire et décidée, et de longue haleine, à long terme.
Pour cela, elle doit se garder de deux dangers essentiels :
La lutte en Pologne a marqué un pas important dans le processus de développement de la lutte de classe[2]. Elle a montré la nécessité de l'internationalisation des luttes, de l'unification des luttes prolétariennes â l'Est avec celles des prolétaires â l'Ouest. Elle est venue rappeler la nécessité de l'intervention d'une organisation révolutionnaire internationale.
L.A.
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Six ans après s'être constitué en organisation internationale centralisée, un an à peine après le surgissement en Pologne du plus puissant mouvement de classe depuis la vague révolutionnaire des années 20, le Courant Communiste International a réuni son 4ème congrès.
En cette période charnière de la vie de la société marquée par une accélération des évènements, sous le double impact de l'accélération de la crise économique du capitalisme mondial et des premiers pas de la reprise internationale des luttes ouvrières, ce congrès, le premier des années 80, "années de vérité" pour la société comme pour les révolutionnaires se fixait un double objectif :
1) apprécier la capacité du CCI à faire face à cette accélération de l'histoire qui tend à balayer impitoyablement les illusions et comportements illusoires que les deux classes fondamentales de la société et leurs organes respectifs sont parvenus à conserver jusqu'ici, en même temps qu'elle commence à indiquer le type d'attitude que ces deux mêmes classes et leurs organes seront désormais contraintes d'adopter.
2) voir quels enseignements nouveaux la lutte du prolétariat en Pologne a apporté pour comprendre le déroulement du processus révolutionnaire dans une période de crise économique mondiale et non de guerre impérialiste généralisée.
Dans ce but, le congrès a discuté des rapports et résolutions portant sur les questions suivantes :
Ces rapports et résolutions, que nous publions dans la "Revue Internationale" n°26 et dont nous convions ici les lecteurs à prendre connaissance ont ainsi pleinement mis en évidence l'accélération de l'histoire vers le développement des affrontements de classe qui décideront du sort de l'humanité : révolution communiste mondiale ou guerre impérialiste généralisée. Mais se faisant, ils ont également mis en évidence deux autres "vérités".
La première est que, si le CCI peut être satisfait aujourd'hui d'avoir su mettre à profit les années 70 pour se réapproprier de façon critique les apports du mouvement ouvrier sans lesquels il lui serait impossible d'aborder positivement les nouveaux problèmes que posera nécessairement la lutte de classe â venir; si le CCI peut être satisfait d'avoir au cours de ces mêmes années réussi à constituer et à fonctionner en tant qu'organisation internationale, c’est à dire au seul plan où peuvent être posés, analysés et résolus les problèmes de la révolution communiste comme l'a mis en évidence la lutte du prolétariat en Pologne; si enfin le CCI peut être satisfait d'avoir vu ses positions et analyses générales confirmées tout au long de ces années, il aurait tort de croire que désormais tout ira au mieux pour lui, avec le nouveau développement de la lutte de classe. Les difficultés à distinguer dans le travail d'analyse ce qui relève de l'immédiat, du local, du contingent, de ce qui relève du plus historique, du plus international; les difficultés à agir véritablement comme une organisation unique ayant des expressions locales qui se sont manifestées au cours de ces deux ans écoulés où le CCI s'efforçait de prendre place dans la reprise internationale de la lutte de classe, sont autant de faiblesses auxquelles notre organisation se doit de pallier sous peine de voir à terme, sa capacité de jouer un rôle d'avant-garde au sein des combats de classe, remise en cause.
La seconde vérité, est que, si les groupes révolutionnaires qui ont surgi ou se sont maintenus au lendemain de 68 ont pu se permettre sans autre conséquence grave, autrement que pour eux-mêmes, de rester fixés sur des positions invalidées par 60 ans d'histoire, ou de cultiver leur originalité, leurs spécificités, leur particularisme sectaire au détriment d'un travail de confrontation politique au plan international en vue du regroupement des révolutionnaires, désormais le maintien de telles positions et attitudes constitueront autant d'obstacles majeurs aux efforts redoublés de la classe ouvrière à se doter d'un parti communiste mondial indispensable à l'auto-émancipation de la classe ouvrière mondiale.
CAR L'EPOQUE DE L'APRES-68 A VECU, L'EPOQUE DE L'APRES-POLOGNE COMMENCE !
L 'ORGANISATION DES COMMUNISTES, CONTRAIREMENT À LA CONCEPTION DEFENDUE PAR DES COURANTS REVOLUTIONNAIRES SCLEROSES, N'EST PAS MONOLITHIQUE. LES DIVERGENCES QUI Y APPARAISSENT SONT UNE MANIFESTATION D'UN CORPS VIVANT ET LES DISCUSSIONS AUXQUELLES ELLES DONNENT LIEU NE RELEVENT PAS SEULEMENT DE SA VIE INTERNE OU "PRIVEE", MAIS CONCERNENT TOUTE LA CLASSE OUVRIERE.
C'EST EN CE SENS QUE NOUS PORTONS ICI À LA CONNAISSANCE DE NOS LECTEURS LES ELEMENTS D'UN DEBAT QUI SE POURSUIT DANS NOTRE ORGANISATION AUTOUR DE L'ANALYSE DE "LA GAUCHE DANS L'OPPOSITION" (comme nous le faisons également dans la Revue Internationale n°26).
L'ARTICLE DU CAMARADE CHENIER, QUI EXPRIME UNE POSITION MINORITAIRE DANS LE CCI, CRITIQUE NOTAMMENT L'ANALYSE FAITE DANS LE n°68 DE RI SUR LES ELECTIONS DE MITTERRAND EN FRANCE. LA REPONSE QUI EST FAITE À CET ARTICLE, EN DEFENSE DE LA POSITION DE L'ORGANISATION, NE SE PROPOSE PAS DE REVENIR SUR LE FOND DE L'ANALYSE DE LA GAUCHE DANS L'OPPOSITION (AMPLEMENT DEVELOPPEE DANS LES COLONNES DE RI ET DANS LA REVUE INTERNATIONALE) MAIS ABORDE ESSENTIELLEMENT LE PROBLEME DU CADRE ET DE LA METHODE D'ANALYSE AINSI QUE CELUI DE L'IMPACT DE LA CRISE POLITIQUE DE LA BOURGEOISIE SUR SES ORIENTATIONS POLITIQUES FACE AU PROLETARIAT.
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Dans l'article "La crise politique de la bourgeoisie" paru dans le n° précédent de R.I., est défendue la thèse selon laquelle la prise en main du gouvernement par la fraction socialiste de l'appareil politique de la bourgeoisie française serait un "accident", un "faux pas" qui devrait "être mis au compte d'un certain nombre de faiblesses spécifiques à la bourgeoisie française qui ne concernent pas tellement son économie mais sa sphère politique". L'article justifie de cette manière les positions précédentes prises par notre presse qui avait notamment annoncé une défaite "voulue" de Mitterrand aux élections.
Au-delà du fait ponctuel de la victoire électorale du PS qui semble démentir l'analyse développée par notre organisation, il est nécessaire de réévaluer la logique qui se tient derrière l'article du camarade F.M. Jusqu'à présent, notre analyse de l'activité politique de la bourgeoisie tenait dans ce raisonnement :
"Face à la montée de la lutte de classe, la bourgeoisie sera de plus en plus contrainte de mettre ses partis de gauche dans l'opposition puisque c'est là où se situe leur rôle historique spécifique : encadrer et dévoyer les luttes prolétariennes". Dans l'absolu, cette hypothèse est évidemment correcte : la bourgeoisie face au prolétariat possède un atout fondamental qui réside dans la gauche et les syndicats. Ces organes sont les derniers remparts du capital et ils ne peuvent assumer leur rôle jusqu'au bout que s'ils maintiennent l'illusion qu'ils luttent eux aussi contre le système avec la classe ouvrière. Au gouvernement, ils ne peuvent, en période de crise économique, qu'organiser ouvertement l'austérité et ils perdent ainsi leur crédit auprès des travailleurs (sans que cela n'amène automatiquement ceux-ci à s'engager dans la voie révolutionnaire, comme le prétendent mensongèrement les trotskystes... C'est donc dans l'opposition que les partis de gauche sont THEORIQUEMENT les plus efficaces pour contrôler les mouvements de la classe ouvrière.
Mais il ne suffit pas de partir des besoins de la bourgeoisie pour bâtir une analyse des CAPACITES politiques de celle-ci. L'article de F.M. tente de faire coïncider la victoire de la gauche aux élections en France avec la thèse de la mise en place de la gauche dans l'opposition par la bourgeoisie au niveau MONDIAL. Cependant, cette thèse, telle qu'elle est défendue par l'article, comporte de nombreuses faiblesses.
Premièrement, l'article ne parvient pas à masquer le fait qu'il y a eu une sous-estimation des aspects spécifiques de l'appareil politique de la bourgeoisie française dans nos analyses antérieures. S'il y avait des faiblesses dans cet appareil, pourquoi ne pas en avoir tenu compte au moment où il s'agissait d'évaluer les possibilités politiques de la bourgeoisie avant les élections ? Par ailleurs, l'article évite de se poser la question pour les autres pays : va-t-on vers de tels types d'"accidents" en Italie ou en Grande-Bretagne ? En fait, en ce qui concerne la situation en France, il est faux de présenter l'élection de Mitterrand comme un "accident" dû à des faiblesses spécifiques. Bien au contraire, le Parti Socialiste a été reconstitué il y a dix ans pour suppléer à ces faiblesses dues à l'usure et à l'inadéquation de la tradition gaulliste. On peut dire que le centrisme giscardien a assuré l'intérim gouvernemental en attendant que le PS ait la force d'assurer ces tâches gouvernementales indépendamment du P.C.F., chose qui n'avait pas été possible au moment de l'Union de la gauche. La thèse de la "radicalisation" du PS après la rupture du Programme Commun est un non-sens et a été démentie par toute la stratégie du PS depuis 1979 où a notamment été développée la campagne sur Rocard destinée en fait à revaloriser le PS auprès des couches moyennes, des cadres qui constituaient l'électorat centriste; à la même époque, la CFDT pratiqua sa politique de "recentrage" préparant le terrain au PS.
Le fait que ce soit Mitterrand qui ait été finalement candidat est un point secondaire et il faut dire que ce personnage était bien plus digne de confiance pour l'ensemble de la bourgeoisie que l'ancien "gauchiste" Rocard, bien plus capable aussi de rassembler les suffrages "ouvriers"...
Tout cela montre la relative maîtrise de la situation par la bourgeoisie française permise par l'accalmie des luttes ouvrières depuis deux ans et non par une aggravation importante de sa crise politique comme l'envisage l'article. Certes, à terme, ce choix nécessaire de la bourgeoisie française risque de créer une situation explosive où le PCF et certains gauchistes comme Lutte Ouvrière se retrouveraient seuls pour casser les luttes de l'intérieur, mais pour l'instant, c'est le côté mystificateur de l'austérité "de gauche" qui risque momentanément de prendre le dessus et de paralyser la classe ouvrière. Qui peut dire qu'un nouveau gouvernement Barre aurait eu cette capacité ?
En fait, la mauvaise évaluation de la crise politique de la bourgeoisie en France provient d'une difficulté à définir les critères qui permettent de mesurer les capacités de la bourgeoisie face au prolétariat. Ce dernier ne lutte pas encore de façon unifiée au niveau mondial; il y a encore des niveaux de lutte différents suivant les pays.
Dans certaines zones, la bourgeoisie se doit de répondre au coup par coup (Pologne, Grande-Bretagne) car la lutte ouvrière est plus aigüe. Par contre, dans d'autres zones (Allemagne de l'Ouest, pays Scandinaves) la bourgeoisie peut déployer une stratégie politique plus "préventive". Enfin, dans des pays comme l'Italie ou l'Espagne, on assiste plutôt à une difficulté croissante de la bourgeoisie à mettre au point une réponse homogène et cohérente face au danger prolétarien. Toutes ces facettes de la politique de la bourgeoisie démontrent qu'il n'est pas possible aujourd'hui de raisonner dans un schéma figé qui voudrait que la bourgeoisie déploie au niveau MONDIAL une réponse politique UNIQUE qui serait "la gauche dans l'opposition". De plus, les exemples de la Pologne, de la Grande-Bretagne, sans parler de la France, tendent plutôt à montrer que l'instabilité politique de la bourgeoisie va s'aggraver au fur et à mesure que la classe ouvrière va intervenir sur le terrain social. Et cela, parce que la bourgeoisie doit répondre à des nécessités contradictoires qui tiennent à la place des partis de gauche, à la question de l'État, à la période historique que nous traversons.
La difficulté, voire l'incapacité de la bourgeoisie à déterminer une stratégie d'ensemble homogène au niveau mondial face à la classe ouvrière ne vient pas d'un manque de volonté contre-révolutionnaire de sa part, mais d'une incapacité historique liée à l'effritement de ses appareils contre-révolutionnaires de gauche qui sont seuls capables de s'opposer à terme à la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. L'affaiblissement des syndicats, des capacités mystificatrices des partis staliniens et socialistes dû à la lente mais sûre reconstitution de la classe ouvrière comme force historique entrave les capacités politiques de la bourgeoisie. Ce phénomène est d'ailleurs un des facteurs essentiels qui a permis au prolétariat de repousser l'éclatement d'une troisième guerre mondiale.
Une des premières contradictions de la bourgeoisie vient justement de sa difficulté à maintenir la gauche dans l'opposition lorsque la crise économique s'approfondit : les partis de gauche, pour justifier leur existence auprès de la classe ouvrière, sont contraints d'aller au pouvoir. En effet, l'échec répété des luttes revendicatives qu'ils contribuent d'ailleurs à saboter sape leur influence puisqu'ils ne peuvent même plus se prévaloir de "victoires économiques" ! Par ailleurs, les partis de gauche sont les mieux placés idéologiquement pour tenter de recrédibiliser la société en crise et son État... Une fois au pouvoir, ils se retrouvent dans de nouvelles contradictions et sont contraints de revenir dans l'opposition pour ne pas se couper totalement du prolétariat lorsque celui-ci reprend sa lutte, etc...
Il y a donc une exacerbation des contra dictions internes des partis de gauche qui sont de moins en moins capables de définir une orientation homogène. C'est cela qui est à la base des scissions et des éclatements au sein de la gauche depuis ces dix dernières années... Tout cela se répercute sur l'ensemble de l'appareil étatique de la bourgeoisie... C'est ce processus qui est "oublié" dans l'article du camarade F.M. qui n'envisage la bourgeoisie que comme un corps homogène, conscient et machiavélique (sauf en France !) capable de surmonter ses contradictions face au prolétariat alors que ce dernier les accentue !
Enfin, si pour la bourgeoisie, il se sera de plus en plus difficile de répondre à la question : comment arrêter les luttes de la classe ouvrière, comment battre le prolétariat ? Il est vital pour les révolutionnaires d'aider la classe ouvrière à évaluer les faiblesses de la bourgeoisie afin de savoir déterminer les perspectives politiques les plus claires possibles ! L'article de F.M. conclue trop vite à un affaiblissement de la bourgeoisie en France dû au ’ sacrifice prématuré d'une carte importante dans l'encadrement du prolétariat"', il n'est pas du tout évident que le PS va s'affaiblir dans les usines, outre le fait que le PS n'était pas jusqu'à présent une force fondamentale d'encadrement du prolétariat, sa présence au pouvoir risque d'accroître son impact idéologique auprès de certaines franges ouvrières estimant que leur adhésion au PS peut favoriser leurs revendications face aux patrons, cette illusion est d'ailleurs savamment entretenue par une frange importante du milieu gauchiste (trotskystes de l'OCI, de la L.C.R., certains maoïstes, le PSU ...), milieu totalement oublié par l'article de F.M. !
S'il est vrai qu'à moyen terme, les contradictions au sein de la gauche risquent d'augmenter surtout s'il y a des luttes puissantes, la solution du PS au pouvoir était la meilleure carte que la bourgeoisie française .pouvait jouer aujourd'hui face aux nécessités sociales et économiques compte-tenu de l'accalmie sociale de ces dernières années; cette attitude peut paraître un pari sur la “paix sociale". Mais, la bourgeoisie pouvait-elle faire autrement ?
Enfin, il faut noter que la question essentielle des revirements du PCF, des difficultés de celui-ci à définir une stratégie anti-prolétarienne pour le futur n'est pas abordée sérieusement par l'article de F.M., alors que cette question est une des clés pour l'avenir de la lutte de classe en France !
Pour toutes ces raisons, l'orientation de l'article de F.M. semble marquée par une incapacité à saisir la complexité de l'activité politique de la bourgeoisie et à interpréter correctement les faits réels.
9.6.81 Chénier
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Nous tenons avant tout à nous excuser auprès de nos lecteurs de ne pouvoir répondre à tous les aspects soulevés par l'article de Chénier à cause du manque évident de place dont nous disposons dans un journal de 8 pages. De ce fait, nous allons nous attaquer à quelques questions qui nous ont paru fondamentales dans son article, et en premier lieu à :
L’ABSENCE DE CADRE ET DE METHODE D’ANALYSE
Chénier nous dit :
D'un côté, il claironne l'incapacité historique de la bourgeoisie, de l'autre il nous "démontre" la préméditation concertée de l'arrivée du PS au pouvoir. Par ailleurs, cet article conclut : -"La solution du PS au pouvoir était la meilleure carte que la bourgeoisie française pouvait jouer aujourd'hui..."; mais aussi :
Là, par contre, il semble que cette carte de la bourgeoisie (la gauche au pouvoir) soit à la fois la meilleure aujourd'hui et la pire puisque les perspectives qu'elle annonce sont catastrophiques.
Voilà quelques-unes des contradictions que nous ne demanderons pas à Chénier de résoudre (la "dialectique" en a secouru bien d'autres avant lui), mais qui pour nous prouvent à l'évidence ce qui est la lacune principale de sa position l'absence d'un cadre d'analyse cohérent.
En effet, il nous présente la situation comme une somme d'éléments disparates, contradictoires, sans que l'on puisse trouver un lien réel entre eux, | dans laquelle la bourgeoisie, mais surtout sa fraction de gauche est tantôt forte, tantôt faible, et cela qu'elle soit dans l'opposition ou au pouvoir; c'est selon!
À ne vouloir trouver que des contradictions à la bourgeoisie, Chénier finit par tomber sur celles de sa propre vision.
Pour nous, toute analyse marxiste s'appuie sur un cadre qui n'englobe pas seulement de vastes périodes comme l'ascendance et la décadence du capitalisme, ou même des périodes importantes marquées par un renversement dans le rapport de forces entre les classes comme une période révolutionnaire et une période contre-révolutionnaire, mais également des périodes plus réduites, délimitées par des modifications sensibles à l'intérieur d'un même rapport de forces. C'est dans ce sens, qu'avec FM (confer article : la crise politique de la bourgeoisie française, RIn°86) nous affirmons que, depuis la reprise prolétarienne de 1968-70, les "années de vérité” (années 80) ont succédé aux "années d'illusion", et qu'à la tendance générale de la "gauche au pouvoir" a succédé celle de la "gauche dans l'opposition".
Il ne s'agit pas là d'une "thèse" ou d'un "schéma" abstrait, comme le croit Chénier, mais bien d’une analyse générale basée sur la réalité et l'évolution de la crise économique, de la lutte de classe et sur les nécessités vitales de la bourgeoisie dans cette réalité. C'est ce cadre qui nous permet de déterminer une tendance générale valable pour une période donnée et pour une majorité de pays ; et c'est l'importance et la nécessité d'un tel cadre que ne semble pas voir Chénier.
Qu'est-ce que cela signifie concrètement aujourd'hui ?
Il est vrai, d'un côté, que la politique de "gauche au pouvoir" entraîne provisoirement, une certaine "adhésion" des ouvriers ; mais en même temps, par l'obligation qu'elle a de gérer la crise, cette même gauche ne peut, à terme, que se décrédibiliser et se démasquer à leurs yeux.
A l'opposé, la "gauche dans l'opposition" présente, quant à elle, l'inconvénient de ne pas fournir d'alternative "réaliste" ; mais, par contre, par le radicalisme de son opposition, elle peut, plus facilement, assumer son rôle d'encadrement et de sabotage des luttes.
Sur ces deux évaluations, il semble que nous soyons d'accord avec le camarade Chénier.
Qu'est-ce qui nous différencie donc ? Si chacune des deux formules présente à la fois des avantages et des inconvénients, cela ne signifie pas qu’elles soient interchangeables à tout moment. C'est le contexte mondial (niveau de la crise et de la lutte de classe) qui détermine laquelle des deux présente le plus d'avantages et le moins d'inconvénients pour la bourgeoisie. Et cela ne se détermine pas sur une période de quelques mois, mais sur une période de quelques années et, est valable pour l'ensemble des pays capitalistes avancés.
Par contre, Chénier nous dit que ce qui prédomine aujourd'hui, de plus en plus, c'est la crise politique de la bourgeoisie, ce qui la mène à agir dans le désordre, au cas par cas, au coup par coup.
Ainsi, si une politique peut être valable à un moment donné, la bourgeoisie peut en changer si la conjoncture l'exige. De plus, les spécificités nationales déterminent la politique des bourgeoisies nationales. La gauche donc, qu'el- le soit au pouvoir ou dans l'opposition peut être, tantôt une force, tantôt une faiblesse, pour la bourgeoisie.
Contrairement à une vision aussi simpliste, nous affirmons qu'il existe, aujourd'hui, une tendance générale pour la bourgeoisie qui est la gauche dans l'opposition parce que la réalité de la crise économique et la reprise globale de la lutte de classe à l'échelle mondiale, font que les différentes bourgeoisies sont de plus en plus confrontées aux mêmes problèmes.
De ce fait, les aspects spécifiques, qui existent toujours dans chaque pays, tendent, contrairement à ce que dit Chénier, à rester au second plan dans la situation d'accélération des antagonismes de classe que nous vivons. La tendance générale que nous avons définie prédomine et reste valables pour la majorité des pays ; et les spécificités nationales s'inscrivent en général dans cette tendance.
Il est vrai, comme nous l'avons dit à propos de la France, que ces spécificités ("les faiblesses spécifiques de la bourgeoisie française") peuvent, à certains moments, prévaloir localement et temporairement. Mais ce sont des cas minoritaires et exceptionnels.
Les spécificités aujourd'hui ne peuvent en aucun cas déterminer une tendance générale de la situation : est-ce que l'écrasement du prolétariat chilien en 1973 aurait dû nous mener à croire que s'ouvrait une période de défaite pour le prolétariat mondial, alors que 1968 avait marqué la reprise mondiale des luttes ouvrières ?
LA CRISE POLITIQUE
Mais, abstraction faite des contradictions, de l'absence de méthode et du simplisme, la vision de Chénier nous propose donc comme fondement de la situation : la crise politique, pour ne pas dire la décomposition accélérée de la bourgeoisie mondiale et son incapacité a répondre aux problèmes cruciaux qui se posent à elle, notamment la lutte de classe.
À cela nous pouvons répondre : - OUI, soixante ans de décadence, qui s'achèvent par une crise mortelle du système, sont responsables d'un affaiblissement historique de la bourgeoisie;
Mais :
C'est pour cela que nous pouvons affirmer que, face au danger prolétarien, la bourgeoisie est capable de taire ses divisions les plus fondamentales et agir dans le même sens. Et si elle est capable de le faire à l'échelle mondiale, elle l'est d'autant plus au niveau national.
Pour nous donc, c'est la vision de Chénier qui mène à ne pas saisir "la complexité de la réalité", à ne pas saisir les capacités encore énormes de la bourgeoisie, à ne pas voir le pourquoi des difficultés de la classe ouvrière dans sa reprise. C'est une telle vision, qui, poussée au bout de sa logique, et si par malheur elle était reprise par la classe ouvrière, l'empêcherait de voir les embûches qui se dressent devant elle, les pièges que lui tend la bourgeoisie, et la mènerait inexorablement à la défaite.
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Le renforcement des préparatifs militaires, la menace atomique, constamment suspendue au-dessus de nos têtes, poussent à une révolte toujours plus forte contre la barbarie militaire. Mais cette révolte, parce qu'elle ne parvient pas à se lier à la lutte de classe, parce qu'elle reste en dehors d'une claire perspective prolétarienne, tend à être utilisée, manipulée par la bourgeoisie derrière les étendards du pacifisme, de l'anti-américanisme. Mettre fin aux guerres ne peut être autre chose que détruire le capital.
50.000 manifestants à Berlin-Ouest contre la venue du général Haig, secrétaire d'État américain et naguère chef suprême des forces de l'Otan, et dans plusieurs États d'Europe du Nord (Pays-Bas, pays Scandinaves, RFA...) et même aux Etats-Unis, de nombreuses marches et manifestations contre la guerre ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes.
Ces réactions contre l'armement nucléaire et la bombe à neutrons, la course aux armements et l'engagement européen dans l'OTAN, les crédits militaires et contre les armées elles-mêmes, traduisent une angoisse réelle. Celle d'hommes et de femmes, pris de vertige devant une fantastique accumulation de moyens de destruction, qui sont amenés à s'interroger sur leur avenir et sur celui de leurs enfants. Angoisse qui fait peser sur le monde entier l’ombre permanente de la guerre. Il n'est nullement surprenant que la crainte du déclenchement d'un nouveau conflit mondial s'exprime le plus fortement là où est abritée la concentration la plus massive de l'arsenal guerrier du bloc occidental et notamment en RFA, c'est à dire au voisinage direct des blocs adverses, dans la zone géopolitique où la stratégie des tensions inter impérialistes s'exerce à travers la pression la plus intense.
Oui ! Le fait qu'on assiste à des réactions contre la guerre et les menaces de guerre est pleinement JUSTIFIE ET NECESSAIRE du point de vue prolétarien.
Dans ses "Thèses sur les tâches de la social-démocratie internationale" Rosa Luxembourg rappelait que "l'action de classe du prolétariat de tous les pays doit EN TEMPS DE PAIX COMME EN TEMPS DE GUERRE se fixer comme but principal de combattre l'impérialisme et de faire obstacle à la guerre".
Mais la soudaine attirance de fractions non négligeables de la bourgeoisie envers le "pacifisme" traduit, elle, tout autre chose.
De l'aile "gauche" du Labour Party (Benn) en Grande-Bretagne qui prône un "désarmement unilatéral" à l'aile "pacifiste" de la social-démocratie allemande (Brandt) qui feint aujourd'hui de militer pour un désengagement "neutraliste", de la social-démocratie suédoise qui cherche à faire peau neuve aux travaillistes norvégiens, retournant dans "l'opposition", on se découvre une fibre "pacifiste". On se gargarise à qui mieux mieux de phrases sur la "paix" et le "désarmement". La vérité c'est que l'on cherche ainsi à dévoyer les manifestations d'inquiétude face à la menace de conflit mondial que mettent en avant les grondements bellicistes des Haig, des Reagan, des Brejnev, des Strauss et des Thatcher sur le terrain du "pacifisme" pour les détourner complètement du terrain de la lutte de classe. Cette pression bourgeoise est d'autant plus forte dans des États ayant mieux résistés que d'autres jusqu'ici à la crise où, malgré l'ampleur des attaques de la bourgeoisie, la question de la guerre est, encore aujourd'hui, plus présente dans les esprits que celle de l'austérité. Mais l'heure est venue où la situation économique (voir l'article sur la crise en Europe dans ce n°) exige pour ces pays la mise en place d'un programme d'austérité sans précédent.
Ainsi, le pacifisme, remis au goût du jour dans la social-démocratie allemande, est d'une part un cache misère aux rigoureuses mesures d'ores et déjà adoptées par le gouvernement Schmidt au lendemain du sommet d'Ottawa comportant une considérable réduction du budget de L'Etat et d'autre part une préparation au passage de cette fraction de la bourgeoisie dans l'opposition pour pouvoir y prêcher la "paix sociale" au moment où celle-ci pourrait être remise en question tout en laissant à d'autres les rênes du pouvoir et la responsabilité de nouvelles mesures draconiennes impopulaires ainsi que le renforcement militaire de l'alliance atlantique. Toute la question du "pacifisme", du "neutralisme" est une fausse polémique entretenue pour masquer la réalité qui est bien pour l'ensemble de la bourgeoisie de faire passer ses mesures d'austérité à travers la paix sociale.
Dans les années 60, l'opposition à la guerre a pu être dévoyée sur le terrain de "la libération nationale des peuples opprimés". Aujourd'hui, où cette mystification a fait long feu, c'est sur la voie d'un "pacifisme de principe" où elle s'opposerait directement à toute expression de classe que tente de l'exploiter, de la drainer la bourgeoisie.
Cela dévoile la nature véritable du pacifisme : ce n'est pas la "paix" en opposition aux puissances impérialistes qui est défendue mais bien uniquement la "paix" entre les classes, la paix sociale, la pacification nationale au profit du capitalisme impérialiste.
"L'opposition à la guerre qui peut se manifester au sein de la bourgeoisie se résume tout crûment à son opposition à la guerre civile, à la guerre de classe".
Sur ses manœuvres, l'histoire nous livre des expériences édifiantes. La même entreprise que nous voyons à l'œuvre aujourd'hui, les révolutionnaires la dénonçaient déjà il y a plus de 50 ans avec la dernière énergie : "la bourgeoisie a précisément besoin que, par des phrases hypocrites sur la paix, on détourne les ouvriers de la lutte révolutionnaire" énonçait Lénine en mars 1916.
L'usage du "pacifisme" n'a pas changé : "en cela réside l'unité de principe des social-chauvins (Plekhanov, Scheidemann) et des social-pacifistes (Turati, Kautsky) que les uns et les autres, objectivement parlant sont les serviteurs de l'impérialisme : les uns le servent en présentant la guerre impérialiste comme la "défense de la patrie", les autres servent le même impérialisme en déguisant par des phrases sur la paix démocratique, la paix impérialiste qui s'annonce aujourd'hui. La bourgeoisie impérialiste a besoin de larbins de l'une et de l'autre sorte, de l'une et de l'autre nuance : elle a besoin des Plekhanov pour encourager les peuples à se massacrer en criant : "À bas les conquérants !" ; elle a besoin des Kautsky pour consoler et calmer les masses irritées par des hymnes et dithyrambes en l'honneur de la paix" (Lénine, janvier 1917).
Dans la première guerre mondiale, TOUS les propagandistes du "pacifisme de principe" ont sombré dans l'union sacrée. Mais surtout ils ont été les principaux responsables de l'entraînement du prolétariat au massacre sur le de la "défense nationale et de la patrie". Le pacifisme est purement une arme de la bourgeoisie ! et en aucun cas on ne peut s’opposer à la guerre à travers lui.
Pour les révolutionnaires, la question du pacifisme a été clairement définie par Lénine : "notre programme de paix" doit consister à expliquer que les puissances impérialistes et la bourgeoisie impérialiste ne peuvent donner la paix démocratique. Il faut chercher cette paix et l'obtenir, mais non sur des positions en arrière, dans l'utopie d'un capitalisme qui ne serait pas impérialiste ou d'une alliance de nations qui seraient égales en droit sous le capitalisme, mais en avant dans la révolution socialiste du prolétariat. Pas une revendication radicale de la démocratie n'est réalisable avec ampleur et solidité (...) autrement qu'à travers les batailles révolutionnaires menées sous les étendards du socialisme. Et celui qui promet aux peuples la paix "démocratique" sans prêcher en même temps la révolution socialiste, celui qui nie la lutte pour un but total..., celui-là dupe les prolétaires" (mars 1916).
Avec quelle actualité résonnent les phrases de Rosa Luxembourg : "La paix mondiale ne peut être préservée par des plans utopiques ou franchement réactionnaires, tels que les tribunaux internationaux de diplomates et de capitalistes, des conventions diplomatiques sur le "désarmement", la liberté maritime..., les alliances politiques européennes, des "unions douanières"...» des États-tampons nationaux, etc. On ne pourra pas éliminer ou même enrayer l'impérialisme, le militarisme et la guerre aussi longtemps que les classes capitalistes exerceront leur domination de classe de manière incontestée. Le seul moyen de leur résister avec succès et de préserver la paix mondiale, c'est la capacité d'action politique du prolétariat international et sa volonté révolutionnaire de jeter son poids dans la balance... Dans la lutte contre l'impérialisme et la guerre, les forces décisives ne peuvent être engagées que par les masses compactes du prolétariat de tous les pays",
La guerre impérialiste est un produit du capitalisme et on ne peut lutter contre la guerre qu'en s'attaquant au capitalisme à sa racine. C'est uniquement par le développement de la lutte de classe que la guerre peut être combattue. Sans cela, livrée à sa propre dynamique, le capitalisme ne peut échapper à la guerre impérialiste qui n'est que la continuation, par la violence des armes, de la guerre économique incessante que se livrent les États et les diverses fractions de la bourgeoisie. Mais beaucoup plus que cela, les "temps de paix" sont devenus le règne d'une "paix impérialiste". C'est ce qu'affirment fermement Lénine et Zinoviev dans "Contre le Courant".
C'est ce qu'atteste l'histoire depuis le début de ce siècle où est démontré "qu'il n'existe pas une opposition fondamentale en régime capitaliste entre guerre et paix". On a pu vérifier le bien-fondé de ce qu'affirmait déjà "le rapport à la conférence de juillet 1945, de la Gauche Communiste de France" car depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, "la production est essentiellement axée sur la production de moyens de destruction, c'est-à-dire en vue de la guerre. La décadence de la société capitaliste trouve son expression éclatante dans le fait que des guerres en vue du développement économique (période ascendante) , l'activité économique se restreint essentiellement en vue de la guerre (période décadente). Cela ne signifie pas que la guerre soit devenue le but de la production capitaliste, le but restant toujours pour le capitalisme la production de la plus-value mais cela signifie que la guerre, prenant un caractère de permanence, est devenue le mode de vie du capitalisme décadent". Cela signifie que les questions de la crise et de la guerre sont complètement liées. C'est pourquoi le problème de la guerre est d'un poids énorme et constant dans la société capitaliste décadente en crise.
La véritable réponse -et il n'y en a pas d'autre, c'est que la lutte contre la guerre passe nécessairement par la lutte de classe. C'est le développement de la lutte de classe qui est, dans cette société, le seul moyen de lutter contre la guerre. Contrairement à la propagande de la bourgeoisie qui, à travers les événements de Pologne, a assené, massivement et internationalement l’idée que la lutte de classe poussait vers la guerre mondiale :"si la lutte va trop loin en Pologne, les russes interviendront, et alors...", on a là précisément la preuve concrète d'une réalité inverse, ainsi que témoignent certains "observateurs" avisés de la situation (voir notre encart) : la mobilisation ouvrière sur son terrain de classe a été et reste l'obstacle décisif à l'intervention de l'URSS en Pologne.
Il faut éviter le piège du pacifisme, de la "paix sociale" en comprenant que la lutte contre la guerre c'est aussi la lutte contre l'austérité et tirer les leçons de la lutte de classe que la lutte contre l'austérité est aussi une lutte contre la guerre dans un monde où la crise et la guerre sont les deux phases d'une même réalité, la manifestation inéluctable d'une pourriture qu'exhale par tous ses pores le monde capitaliste.
C'est pourquoi nous traversons aujourd'hui des "années de vérité" dont l'enjeu se précise et se révèle de jour en jour internationalement. N'accepter ni la marche à la guerre ni l'austérité, rejeter les mensonges de la bourgeoisie et ses marchés de dupes, ne pas suivre la gauche dans la voie mensongère du pacifisme, du désarmement de la lutte de classe, refuser la paix sociale. Le développement international des luttes ouvrières est seule capable de porter une réponse au problème de la guerre car "classe qui porte en elle la fin de toutes les guerres et le seul devenir possible de la société, le socialisme, mais aussi classe qui est en première ligne des sacrifices imposés par la guerre impérialiste et qui exclue de toute propriété soit la seule à ne pas avoir de patrie, à être réellement internationaliste, le prolétariat tient en ses mains le sort de toute l'humanité. Et plus directement de sa capacité à réagir sur son terrain de classe à la crise historique du capitalisme, dépend la possibilité ou non de ce système d'y apporter sa propre réponse -la guerre impérialiste- et de l'imposer à la société" (Revue Internationale, n°18: "Le cours historique").
Zinoviev rappelait déjà en 1916 : "La question qui se pose pour nous est beaucoup plus vaste que celle de la conduite à tenir durant les quelques mois qui restent à attendre jusqu'à la fin de la première guerre impérialiste mondiale. La question qui se pose pour nous est celle de toute une époque de guerres impérialistes" pour lancer l'appel au prolétariat mondial : "la révolution prolétarienne ou bien une nouvelle série de guerres impérialistes, de nouvelles mers de sang, de nouveaux millions de victimes. C'est ainsi que l'histoire a posé la question pour tous les pays ... La révolution et le socialisme s'imposent ou bien ce sera une nouvelle série de guerres impérialistes".
Cet appel a conservé toute son actualité et il est plus que jamais crucial de le faire entendre pour l'avenir de l'humanité.
Y.D.
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CETTE FOLIE CESSERA LE JOUR OU LES OUVRIERS D’ALLEMAGNE ET DE FRANCE, D’ANGLETERRE ET DE RUSSIE SE RÉVEILLERONT ENFIN DE LEUR IVRESSE ET SE TENDRONT UNE MAIN FRATERNELLE, COUVRANT À LA FOIS LE CHOEUR BESTIAL DES FAUTEURS DE GUERRE IMPERIALISTES ET LE RAUQUE HURLEMENT DES HYÈNES CAPITALISTES, EN POUSSANT LE VIEUX ET PUISSANT CRI DE GUERRE DU TRAVAIL : PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS ! (R. Luxembourg, "La Crise de la Social-Démocratie")
Considérer les questions de la guerre du seul point de vue d'un vague humanitarisme ne peut amener à comprendre ce qui détermine les guerres.
C 'est le rapport qui existe entre la crise économique et la guerre qui détermine objectivement les véritables enjeux de la situation mondiale. Dans la débâcle économique du capitalisme mondial, à l'Est comme à l'Ouest, l’alternative "guerre ou paix" est tout aussi fausse que "austérité ou prospérité" ; la seule véritable alternative est : guerre ou révolution.
La "paix", le "désarmement", la "prospérité, en pleine crise capitaliste, ne sont que des illusions. Et des illusions qui peuvent coûter cher, comme elles ont coûté cher lors de la 1ère et de la 2ème guerres mondiales. Les vagues déclarations d'intentions pacifistes, les attitudes pacifiques ne peuvent en aucun cas construire la force qui peut s'opposer à la perspective de guerre qu'implique la crise mondiale du capitalisme. Au contraire, ceux gui organisent aujourd'hui les "marches pour la paix" un peu partout en Europe, la gauche, ne font qu’organiser une vaste entreprise de récupération.
Les mobilisations qu'ils préconisent sur les faux mots d‘ordre de paix, font partie d'une vaste entreprise de démobilisation générale face à la crise militaire et économique du capitalisme mondial.
Dans cette ambiance de crise mondiale, le renforcement des préparatifs de guerre, l'accumulation de moyens de destruction monstrueux qui, est-il encore besoin de le dire, dépassent l'entendement, vient, comme une décharge électrique, secouer la conscience de millions de personnes.
La crise, économique et le danger d'une 3ème guerre mondiale forment aujourd'hui un couple dont l'unité s'affiche de plus en plus au grand jour. La profondeur de l'une révélant la possible terreur de l'autre.
C'est justement le lien qui existe entre la crise économique mondiale du capitaliste et la guerre qu'il faut saisir pour comprendre la situation mondiale et ses enjeux.
Crise et guerre sont indissociables, le capitalisme détermine nécessairement l'une qui engendre l'autre.
Si la crise n'est pas autre chose que le procès d'autodestruction du capital au niveau économique, fermeture d'usines, inemploi de plus en plus grand de l'appareil productif...etc. la guerre, elle, n'est que le prolongement ultime de cette réalité. La destruction massive, systématique, directe, par les moyens militaires des forces productives et humaines que le capitalisme ne peut plus contenir et encore moins développer.
Ainsi, l'accumulation colossale d'armements aujourd'hui et leur capacité destructrice témoigne de la profondeur des contradictions du système.
Plus l'appareil de production est "moderne", plus la production s'effectue sur une large échelle, plus la crise de surproduction est profonde et généralisée. L'armement suit le même chemin, la même logique ; son modernisme, sa capacité de destruction, la place aujourd'hui énorme qu'il occupe dans l'ensemble de la production, ne fait que renforcer le danger de guerre.
"L'équilibre de la terreur" est un mensonge total, du début des années 50 â la fin des années 60, ce n'est pas l'accumulation des bombes atomiques qui a empêché la guerre ; si, durant ces années-là; une 3ème guerre mondiale n'était pas à l'ordre du jour, c'est que la situation économique mondiale ne le nécessitait pas de façon immédiate. Le repos qu'offraient au capitalisme mondial les désastres de la seconde guerre repoussait de quelques années la nécessité d'une troisième guerre mondiale. Et pourtant, les données essentielles de cette 3ème guerre furent données dès la fin de la 2ème guerre, la guerre froide mettant clairement en opposition les deux camps autour desquels allaient s'axer tous les conflits mondiaux. Le bloc des pays de l'Est et celui des pays de l’Ouest.
C'est dans les grandes années de "prospérité" d'après-guerre que sont accumulées à une vitesse accélérée les contradictions économiques qui débouchent aujourd'hui sur la crise économique mondiale. Ici aussi le lien entre la guerre et la crise est net. Les périodes dites de "prospérité" ne sont en fait que des périodes de reconstruction, qui ne peuvent que déboucher sur une nouvelle période de crise. Les années de "paix" ne sont que les années de préparation à la guerre.
Si dans les pseudos périodes de "prospérité" se sont accumulées les contradictions économiques, durant les pseudos années de "paix" se sont accumulés les moyens d'une 3ème guerre mondiale.
Le lien qui existe entre la crise et la guerre pose déjà nettement que l'alternative face à la situation mondiale n'est ni "prospérité" ou "austérité", ni "guerre" ou "paix", mais ne peut être que guerre ou révolution.
La préparation de la guerre est, par centre, elle, bien concrète, les déclarations de Reagan sont claires. En fait, le flou des déclarations "pacifistes”, le spectacle des "marches pour la paix" permettent aux préparatifs de guerre de s'affirmer nettement, de s'imposer massivement.
La question qui se pose est : le "pacifiste" est-il ou non un moyen efficace de lutte contre la guerre ? À CELA NOUS REPONDONS CATEGORIQUEMENT : NON !
L'expérience le démontre amplement, les deux guerres mondiales, ainsi que la période de guerre froide, ont toujours été précédées de larges mouvements pacifistes animés, encadrés, dirigés par la gauche. Dans ces mouvements, la gauche, non seulement n'a pas empêché les guerres, mais de plus a préparé le lit du militarisme où la gauche s'est vautrée pendant la première et la deuxième guerre mondiales.
Ici il faut renverser le dicton qui est la philosophie affichée de l'État : "Si tu veux la paix, prépare la guerre", la réalité est plutôt s "Si tu prépares la guerre, parle de paix".
D'ailleurs, de manière générale déjà, la guerre ne se fait jamais au nom de la guerre maïs toujours au nom de la paix. Quand les blocs russe et américain préparent activement la guerre, ils le font au nom de la "paix mondiale". Le bombardement atomique d'Hiroshima a été fait, lui aussi, au nom de la paix.
Bonn, 11 octobre : 300.000 personnes sont réunies pour une marche de la paix :
Les manifestations pacifistes comme les marches pour la paix qu'organise en ce moment la gauche dans toute l'Europe n'ont pour seul but que : 1°) de brouiller les cartes par leurs mots d'ordre pacifistes 2°) d'anéantir l'idée d'une alternative possible face à la guerre et à la crise du capitalisme. L'impuissance manifeste de tels "rassemblements humanitaires" contre la guerre n'aboutissent finalement qu'à entretenir l'idée que la guerre est inévitable, qu’on n'y peut rien, que finalement "l'ennemi", 1'"oppresseur", c'est "les autres", et que bien qu'on soit contre la guerre, il faut tout de même se "défendre".
Les grandes déclarations sur la paix s'alternent avec celles de la nécessité de préparer celle-ci. La lutte contre la guerre se ramène à de vagues déclarations humanitaires, se réduit à la lutte contre l'installation de tel ou tel missile nucléaire, entretient plus qu'un flou artistique sur les causes, les buts et les moyens d'une véritable lutte contre les perspectives de guerre. Souvent, cette fameuse "lutte pour la paix" se conclut par l'affirmation de la guerre elle-même :
Considérer la question de la guerre d'un point de vue humanitaire ne peut permettre ni de comprendre ce qui détermine les guerres, ni, encore moins, de s'opposer efficacement à la perspective d'une autre guerre mondiale.
Pour la bourgeoisie, les "pacifistes" sont autant nécessaires que les "bellicistes" peur faire passer le message, pour habituer les populations à l'idée de la guerre, canne elle les habitue à l'horreur par le spectacle d'une guerre nucléaire qu'elle diffuse, 1'air désolé, quotidiennement par le réseau des médias, radio, télévision et journaux. Le "dialogue" entre les "pacifistes de gauche" et les "bellicistes de droite" n'a pour fonction que de donner la parole à la bourgeoisie et lui permettre, en brouillant les cartes, de dire ce qu'elle veut de la guerre.
Avec le pacifisme, la gauche du bloc occidental a aussi trouvé un mot d'ordre, le thème d’une campagne qui lui permette de refaire le plein dans ses rangs, qui lui permette de retrouver "l'écoute des masses". Elle en avait bien besoin.
Les discours pacifistes de la gauche sont un canal à travers lequel la gauche peut faire passer une idéologie nationaliste et de paix... sociale.
Le neutralisme, un certain "anti-américanisme" ne s'appuient sur aucune réalité concrète au sein du bloc américain où les nations serrent de plus en plus les rangs. L'attitude de Mitterrand aux USA est, sur ce sujet, éloquente. Par contre, ils permettent de développer de façon indirecte, sans choquer les consciences, une pensée, une démarche, une attitude FONDAMENTALEMENT NATIONALISTE. Et pour la bourgeoisie, c'est cela qui est important.
Si le "neutralisme" permet de développer des thèmes nationalistes, ^"pacifisme" permet, lui, d'essayer d'inculquer aux les exploités une mentalité pacifique, passive, bien utile à la bourgeoisie dans la guerre sociale, dans la lutte de classe entre la bourgeoisie et le prolétariat, qu'attise chaque jour l'approfondissement de la crise économique.
Ainsi le pacifisme prépare le terrain de la guerre en maintenant la "paix sociale" et cette paix-là est la seule paix pour laquelle se bat réellement la gauche.
C'est ce que dénonçaient les révolutionnaires lors de la 1ère guerre mondiale :
La "paix sociale", 1'"union nationale", le nationalisme qui drape le tout, sont les fondements de toute situation de guerre et ils sont aussi les fondements des compagnes "pacifistes".
Un mouvement qui s'oppose véritablement à la perspective de guerre ne peut être qu'un mouvement qui brise le cadre de la guerre : les frontières nationales, un mouvement qui aille vers l'unification de la société humaine à l'échelle mondiale, un mouvement solidaire internationalement, une lutte internationale et internationaliste, qui est l'antithèse absolue de la guerre qui est, du point de vue ouvrier, "un suicide de la classe ouvrière" carme le dit Rosa Luxembourg :
Lors de la manifestation pacifiste de Bonn, un avion survolait la manifestation tirant derrière lui une banderole : "Qui manifeste à Moscou ?"... "Provocation" se sont écriés les organisateurs de la manifestation. Mais de la manifestation ne s'est élevé aucun appel à la solidarité avec les ouvriers des pays de l'Est, aucun appel à unifier les efforts et les luttes des ouvriers des deux blocs antagoniques, et, pourtant, en cas de guerre, ce sont eux qu'on appellera à se massacrer mutuellement.
Il n'y avait personne qui manifestait à Moscou pour la paix lors de la manifestation de Bonn. Mais en Pologne depuis plus d'un an, il y a une classe ouvrière qui a lutté de façon acharnée contre son état et qui, aujourd'hui, crève de son isolement. 300 000 personnes à Bonn "contre la guerre" et pas un mot d'ordre, pas la plus petite déclaration de "solidarité" avec les ouvriers polonais et les autres ouvriers des pays de l'Est qui, dans la perspective de guerre, sont présentés carme "les ennemis".
Enfin, nous ne pouvons pas reprocher aux manifestations pacifistes de ne pas être internationalistes et révolutionnaires alors qu'elles ont pour vocation et pour tâche d'enrayer le processus qui mène vers la révolution mondiale.
Sans l'affirmer dans de grandes déclarations humanitaires, la lutte de classe en Pologne constitue dans la pratique un véritable frein à la perspective de la guerre mondiale,' de la même manière que les soulèvements révolutionnaires des années 1917 ont contraint la bourgeoisie a stopper la guerre mondiale, de la même manière que les soulèvements, les grèves en 1944 en Italie, ont contraint la bourgeoisie italienne à se retirer de la guerre mondiale :
La bourgeoisie -et cela vaut pour toutes les bourgeoisies, à l'Est corme à l'Ouest- ne peut manœuvrer Ie sur ce front-là, ses meilleurs officiers mains libres sur le front social, et sur ce fait-là, ses meilleurs officiers sont la gauche, ses meilleurs états-majors, les syndicats.
Il n'y a qu'une seule force qui puisse s'opposer à la perspective d'une 3e guerre mondiale, c'est la force qui sera capable de briser le mur de Berlin, non pas pour réunifier la "nation allemande" mais pour unifier la lutte des ouvriers des pays de l'Est et de l'Ouest par-delà toutes les frontières nationales. Cette lutte-là ne peut être qu'une lutte révolutionnaire qui s'attaque aux racines du mal, aux causes de la crise et de la guerre, une lutte qui s'attaque au capitalisme et à ses différents États nationaux.
Prénat
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Liens
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[6] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/courrier-des-lecteurs
[7] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/syndicalisme
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[9] https://fr.internationalism.org/rinte3/kronstadt.htm
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[18] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/francois-mitterrand
[19] https://fr.internationalism.org/tag/evenements-historiques/election-presidentielle-1981
[20] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/mystification-parlementaire
[21] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/valery-giscard-destaing
[22] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/coluche
[23] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/arlette-laguiller
[24] https://fr.internationalism.org/tag/4/459/democratie
[25] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/gaule
[26] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/crise-politique-bourgeoisie-francaise
[27] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/polemique
[28] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_87_i.pdf
[29] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/prises-position-du-cci
[30] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/debat
[31] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/vie-bourgeoisie-france
[32] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/chenier
[33] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_88_i.pdf
[34] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_89_i.pdf
[35] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_90_i.pdf
[36] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/guerre
[37] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/pacifisme
[38] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_91_i.pdf
[39] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_92_i.pdf
[40] https://fr.internationalism.org/files/fr/pologne_19_decembre_1981_tract_cci_i_0.pdf