Face à la fuite en avant dans le chaos et la guerre: Développement mondial de la lutte de classe

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Toutes les calamités générées par le capitalisme, l'exploitation, la misère, le chômage, les catastrophes climatiques, la guerre pèsent de plus en plus lourdement et dramatiquement sur la vie de la société et en particulier sur la classe exploitée et les miséreux du monde. Ainsi, le conflit meurtrier en Ukraine semble parti pour durer jusqu'à épuisement des deux protagonistes, quant à celui plus récent et particulièrement barbare au Moyen-Orient, entre Israël et le Hamas, il comporte des risques d'escalade guerrière incontrôlée dans la région. Cependant, une autre dynamique opposée à celle de la barbarie généralisée émerge dans la société : après 30 années de paralysie face aux attaques de la bourgeoisie, notre classe commence à résister à travers des luttes souvent très massives face à de nouvelles attaques plus violentes. Cette autre dynamique, à l'œuvre depuis l'été de la colère en 2022 au Royaume Uni, illustre l'existence dans la société de deux pôles opposés et antagoniques :

D’un côté, une spirale infernale de convulsions, de chaos et de destruction, dont le moteur sera de plus en plus la guerre impérialiste et la militarisation générale de la société mêlant leurs effets à ceux de la décomposition de la société[1], de la crise économique, de la crise écologique. Tous ces facteurs n'agissent pas indépendamment les uns des autres mais se combinent, interagissent pour produire un "effet tourbillon" (dont les plus clairvoyantes instances de la bourgeoisie mondiale ne peuvent faire autrement que de reconnaître l'existence[2]) qui concentre, catalyse et multiplie chacun des effets propres aux divers facteurs en cause, provoquant une dévastation à un niveau encore supérieur.

De l'autre côté, stimulée par un déferlement d'attaques économiques conduisant à une dégradation considérable de ses conditions de vie, la classe ouvrière se manifeste sur son terrain de classe avec détermination et souvent massivement dans les principaux pays industrialisés du monde.

La dynamique du premier pôle -la spirale de convulsions du capitalisme- ne peut qu'aboutir à un enfoncement dramatique de l'humanité dans la misère, le chaos et la barbarie guerrière, voire à sa disparition dans un futur pas si éloigné si rien n'est fait pour renverser le cours de choses. Le second pôle, par contre, est celui de l'ouverture pour l’humanité d'une autre perspective, portée par le développement de la lutte de classe. Ainsi, si la classe ouvrière est capable de développer ses luttes à la hauteur des attaques de la bourgeoisie, mais également de hisser leur politisation à la hauteur des enjeux historiques, alors s'ouvrira une nouvelle fois après la première vague révolutionnaire mondiale de 1917-23,  la perspective de renversement du capitalisme à l'échelle mondiale.

Les convulsions du capitalisme

a. La marée montante de la décomposition de la société

Celle-ci est le produit d'une situation où, dans les années 1980, face à l'approfondissement de la crise économique sans issue, les deux classes fondamentales et antagoniques de la société s'affrontent sans parvenir à imposer leur propre réponse décisive (celle de la guerre mondiale pour la bourgeoisie, celle de la révolution pour le prolétariat). L'incapacité de la classe dominante à offrir la moindre perspective pour l'ensemble de la société et l'incapacité du prolétariat à affirmer ouvertement la sienne, débouchent sur une période de décomposition généralisée, de pourrissement sur pied de la société alors que s'aggravent les contradictions du capitalisme en crise[3].

Une nouvelle aggravation de la crise ne pouvait que donner une impulsion supérieure à tous les ravages de la décomposition de la société en marche depuis 25 ans, à la fragmentation et la dislocation croissantes du tissu social à un point tel que certaines de ses expressions font maintenant clairement partie du paysage de désolation : la dégradation de la pensée, l'explosion de maladies mentales et psychologiques, le développement de comportements les plus irrationnels et suicidaires, l'irruption de la violence dans tous les aspects de la vie sociale, tueries de masse qui sont le fait de déséquilibrés, harcèlement dans les écoles et sur Internet, règlements de compte sauvages entre gangs, …

Aucune des fractions mondiales de la bourgeoisie n'est épargnée par la décomposition de son système dont témoigne la montée du populisme avec l'arrivée au gouvernement de personnalités aberrantes comme Trump aux États-Unis, Bolsonaro au Brésil, Milei en Argentine, … . L'accession du populisme au pouvoir est synonyme dans certains pays de choix tout aussi aberrants, irrationnels du point de vue même des intérêts de la bourgeoisie, avec de possibles répercussions mondiales. Ainsi, si Trump revient au pouvoir lors des prochaines élections américaines, il supprimera vraisemblablement le soutien financier et militaire à l'Ukraine –destiné pourtant, à l'origine, à affaiblir la Russie et ainsi à priver la Chine d'un éventuel appui militaire russe lors d'un probable futur conflit militaire entre les États-Unis et la Chine. De même, il est prévisible que Trump au pouvoir ne fera qu'encourager Netanyahu à se lancer partout à l'offensive au risque d'un embrasement régional rendant nécessaire une implication très importante de l'oncle Sam dans la région pour y défendre son hégémonie.

b. La crise climatique produit de l'exploitation à outrance de la nature par le capitalisme

Les événements récents ne laissent aucune place au doute ou à la relativisation quant aux conséquences des dégâts écologiques sur l'habitabilité de la planète et la survie de nombreuses espèces dont, à terme, l'espèce humaine : Inondations massives catastrophiques au Pakistan ; hausse de la température cet été à plus de 40 degrés dans les pays du sud de l'Europe ; pollution qui a obligé les écoles à fermer en Inde pour les vacances de Noël en novembre, en entrainant des problèmes respiratoires chez 1 enfant sur 3 ; épidémie actuelle de pneumonie chez les enfants en Chine ; famines en Afrique, etc.

Soumise aux lois du capitalisme, la nature sera de moins en moins en mesure d'héberger et de nourrir l'espèce humaine : Les stocks de poissons sont menacés non seulement par la surpêche industrielle, mais aussi par le réchauffement des océans ; l'épuisement des sols et la pénurie d'eau -résultant d'une sécheresse persistante- réduisent considérablement les rendements, en particulier dans les zones tropicales et subtropicales. Ainsi, dans la Corne de l'Afrique, plus de 23 millions de personnes sont en situation d'insécurité alimentaire aiguë et 5,1 millions d'enfants souffrent de malnutrition aiguë. Et le pire est clairement devant nous car l'environnement s'approche d'une série de "points de basculement" où les dommages causés deviendront incontrôlables, conduisant à de nouveaux niveaux de destruction.[4]

Face à ces perspectives désastreuses, les grandes conférences internationales telles que la COP 28 aux Émirats arabes unis ne sont rien d'autre que des forums de discussion visant à donner l’illusion que "quelque chose est fait", tandis que certaines parties de la classe dirigeante deviennent de plus en plus "réalistes" en choisissant de s'adapter à l'inévitable réchauffement climatique plutôt que tenter de lutter contre. En fait, la fonction objective de la COP 28 (et des autres qui ont précédé ou suivront) est d’entretenir la mystification que le capitalisme peut résoudre les défis climatiques, alors que l’incapacité des différentes bourgeoisies nationales de mettre de côté leurs rivalités mène l'humanité au néant.

Face à ceux qui n'ont aucune illusion par rapport aux duperies du type de celles de la COP,  il y a les appels à lutter pour la planète émanant de groupes souvent critiques -voire très radicaux- par rapport aux rencontres de la COP ou même par rapport à la société actuelle, mais qui, dans leur programme, ne mettent pas en avant la seule solution aux problèmes du climat, le renversement du capitalisme par la seule force de la société qui en soit capable, la classe ouvrière.

c. Le cancer de la guerre et du militarisme

En prenant des proportions inégalées dans l'histoire de l'humanité, la guerre sous le capitalisme décadent plonge l’humanité dans la misère et menace sa survie. Les deux Guerres mondiales et les multiples conflits "locaux" qui n’ont cessé depuis la Seconde en sont une expression édifiante.

Actuellement, on dénombre globalement de par le monde 56 guerres impliquant 1,1 milliard de personnes (14% de la population mondiale). La guerre constitue ainsi la composante la plus "dynamique" de la spirale de destruction qui ravage le monde.

 Alors que le carnage se poursuit en Ukraine, au Soudan, au Yémen, en Éthiopie, dans le Caucase du Sud, au Nagorno-Karabakh, que les tensions guerrières se maintiennent dans les Balkans, un nouveau foyer de guerre impérialiste, celui entre Israël et le Hamas, fait sa brutale apparition avec son cortège de destructions, d'émigrations massives, de morts civils, de barbarie. Les guerres actuelles en Ukraine[5] et au Moyen Orient[6], constitue une confirmation dramatique de la dynamique du capitalisme et, pour l'instant, des sommets de celle-ci.

Ces guerres ont déjà tué ou blessé des centaines de milliers de soldats et de civils. Elles plongent dans la misère la plus extrême des parties importantes de la population. Leur impact va au-delà des frontières de l’Ukraine, de la Russie ou de la Palestine. Ainsi, les dégâts occasionnés à l'agriculture de l'Ukraine ou le blocus affectant les exportations de ce pays en produits agricoles ont pour conséquence l'aggravation et l'extension de la sous-nutrition dans le monde. De plus, la férocité de la bourgeoisie israélienne ne laissant pas un mètre carré de terre dans l'enclave de Gaza à l'abri des bombes (et de la faim, des épidémies), elle est en train de provoquer un gigantesque exode de la population palestinienne. Immanquablement la guerre à Gaza va encore grossir significativement le flot mondial des réfugiés de guerre.

Les risques d'effets collatéraux menacent également les populations même éloignées des champs de bataille, avec par exemple en Ukraine la possible émission de nuages radioactifs issus de centrales nucléaires, endommagées accidentellement ou délibérément durant les combats.

Non seulement les hommes pâtissent de la guerre mais aussi la planète. En effet, les besoins en pétrole, gaz et charbon de la machine de guerre entraînent une augmentation exorbitante de la consommation d’énergies fossiles. Si l'incapacité de la COP 28 à s'engager à réduire la consommation de combustibles fossiles a justement été attribuée au véto de l'Arabie saoudite et d'autres producteurs de pétrole (qui en réalité ne fait que dissimuler un véto de la plupart des États), ce qui a néanmoins été délibérément laissé dans l'ombre c'est le besoin insatiable, de la part des forces armées (chars, véhicules militaires, avions de combats, …. toutes très gourmandes en fuel) du monde entier, à commencer par les plus puissantes, en pétrole, gaz et charbon. Ainsi une étude[7] sur la consommation de carbone des forces armées américaines prises dans leur ensemble (aviation, armée de terre et marine) révèle qu'à elles seules, elles "polluent et consomment plus de carburant que la plupart des pays du monde". Les forces armées des pays de l'UE contribuent davantage à l'effet de serre que toutes les voitures du Portugal, de la Norvège et de la Grèce réunies, sans parler de "l'empreinte carbone" de l'industrie militaire européenne. Il convient également de prendre en compte ce fait avéré qu'est la pollution des sols et de l'atmosphère, dans les zones de guerre, du fait des munitions tirées. Si toutes ces considérations ont soigneusement été évitées dans les palabres de la COP28 c'est justement parce que le capitalisme c'est la guerre et qu'on ne se débarrassera de la guerre qu'en se débarrassant du capitalisme.

Quant au coût économique de toutes les guerres (la destruction des infrastructures économiques et sociales, les dépenses d'armement, …) il est en définitive supporté par la population, la classe ouvrière en particulier, à travers des ponctions de plus en plus importantes sur les budgets nationaux.

L'irrationalité de la guerre sur le plan économique durant la décadence du capitalisme saute aux yeux : tous les belligérants y perdent. Mais, ce qui frappe le plus, c'est qu'avec la période de décomposition, l’irrationalité des guerres affecte également les gains stratégiques escomptés par tous les belligérants, y compris les "vainqueurs". Tous y perdent sur ce plan. Et la guerre qui vient d'éclater au Moyen-Orient surpasse déjà en irrationalité et barbarie celle en Ukraine.

d. Les ingrédients de la prochaine récession économique sont présents

La crise de surproduction qui a réapparu en 1967, et dont les premiers effets furent à l'origine des vagues internationales de lutte de classe, n'a depuis lors fait que s'aggraver malgré tous les efforts de la bourgeoisie pour en ralentir le cours. Et il ne pouvait en être autrement car il n'existe pas de solution à la crise au sein du capitalisme. La seule chose que celui-ci peut faire, et dont il a déjà usé et abusé, c'est d'en reporter les effets à plus tard. Ainsi l’endettement, principal palliatif à la crise historique du capitalisme et déjà massivement utilisé, perd non seulement de son efficacité, -restreignant ainsi davantage la possibilité de relancer l’économie- mais, de plus, l'existence de cette dette colossale accumulée rend le capitalisme vulnérable à des convulsions toujours plus dévastatrices.

Après la crise ouverte de 2008, qui a marqué la fin des "opportunités" offertes par la mondialisation, l’incapacité encore plus manifeste pour la classe dominante à surmonter la crise de son mode de production s’est traduite par l’explosion du chacun pour soi dans les rapports entre nations et au sein de chaque nation, avec le retour progressif du protectionnisme et la remise en cause unilatérale, de la part des deux principales puissances, du multilatéralisme et des institutions de la mondialisation. En conséquence, la bourgeoisie se trouve aujourd'hui plus mal armée que jamais face à l'approfondissement de la crise actuelle ainsi qu’à de possibles expressions brutales de celles-ci, d'autant plus que se trouve exclue de fait l'unité d'action de la bourgeoisie au niveau international qui avait encore eu lieu lors de la crise de 2008.

La situation est d'autant plus sérieuse que trois facteurs prennent une part croissante dans l'aggravation de la crise : la décomposition sociale, le changement climatique et la guerre. En effet :

  • la décomposition sociale contribue de plus en plus à désorganiser la production et le commerce ;
  • Le changement climatique impacte la production et la productivité de l’agriculture aux États-Unis, en Chine et en Europe. Les pluies et les inondations extrêmes ruinent irrémédiablement des régions entières ou même des États (Pakistan) en provoquant la destruction d'infrastructures vitales, perturbant et ainsi le fonctionnement de l'appareil de production industriel ;
  • la guerre représente un coût pour l'économie, du fait de l'augmentation des dépenses improductives (armement) mais aussi des destructions occasionnées par les conflits.

Pour toutes ces raisons, la prochaine expression ouverte de la crise économique promet d'être plus grave que le fut celle de 1929.

Un nouveau palier est atteint dans la montée des périls

Tous les États se préparent désormais à la guerre de ‘haute intensité’. Les budgets militaires sont partout en hausse rapide si bien que la part de la richesse nationale dédiée à l’armement revient au même niveau que -et même dépasse- celui atteint lors du plus fort moment de l’affrontement entre les blocs. Chaque capital national réorganise son économie nationale en vue de renforcer son industrie militaire et de garantir son indépendance stratégique.

Ainsi, l'aggravation des tensions et conflits impérialistes depuis deux ans met en évidence que la guerre, en tant qu’action voulue et planifiée par les États capitalistes, devient le facteur le plus puissant de chaos et de destruction.

a. La pérennisation des conflits en Ukraine et Israël/Palestine représente un énorme potentiel d'amplification de la guerre et du chaos.

En Ukraine, les deux camps doivent enrôler davantage de soldats pour maintenir la pression actuelle sur les fronts et l'équilibre des forces militaires en présence. Ce qui demande plus de sacrifices de chaque côté et aussi implique plus de répression face à toute expression de résistance aux exigences de l'État. Il apparait déjà clairement que les États-Unis ne vont pas pouvoir maintenir le soutien financier et militaire à l'Ukraine à son niveau actuel et il est prévisible que l'Europe ne pourra, ni même ne voudra, prendre le relais des États-Unis à ce niveau. Cette question est à même de la diviser, la fragiliser et possiblement, à terme, aboutir à son éclatement laissant la place à une mosaïque de tensions impérialistes entre ses ex membres.

Au Moyen-Orient, après trois mois de conflit, rien ne semble en mesure de calmer les visées impérialistes de Netanyahou incluant sans complexe l'éradication des Gazaouis. La présence militaire massive des États-Unis dans la région – justifiée par le fait qu'Israël constitue depuis des décennies un appui stratégique de l'impérialisme américain au Moyen-Orient - a jusqu'à présent permis d'empêcher que l'énorme poudrière que constitue le Moyen Orient ne s'embrase notamment en mettant aux prises Israël et l'Iran appuyé par ses différentes milices au Liban et au Yémen. Le fait que les États-Unis aient dû constituer à la hâte une force navale pour sécuriser le trafic maritime sur la mer rouge, affecté par les tirs hostiles des houthistes yéménites, est un sérieux indice du caractère explosif de la situation. Cet autre fait qu'un certain nombre de pays européens ont gardé leur distance par rapport à une telle initiative américaine en dit long sur les difficultés que les États-Unis pourront rencontrer dans le futur dans cette zone[8].

b. Les limites de la stratégie mondiale américaine

En toile de fond de la situation mondiale actuelle se trouve le projet de la bourgeoisie américaine de donner un coup d'arrêt à l'expansion de la Chine avant que celle-ci mette en péril la domination militaire et économique des États-Unis sur le monde[9]. Un tel coup d'arrêt passe nécessairement par une confrontation militaire dont les conséquences seraient désastreuses pour le monde même si l'ampleur d'un tel conflit serait restreinte par plusieurs facteurs, notamment l'absence de blocs impérialistes mondiaux constitués et le fait que la bourgeoisie américaine sera face à certaines limites pour faire accepter les conséquences de la guerre à une classe ouvrière non vaincue et qui a démontré encore récemment sa combativité face à aux attaques économiques[10]. La guerre en Ukraine s'inscrivait entièrement au service de cette perspective des États-Unis qui ont incité la Russie à envahir l'Ukraine[11]. Mais le fait que ce conflit perdure au-delà de ce qui était certainement escompté par les États-Unis, de même que l'éclatement de la guerre au Moyen Orient – à contre-courant des plans de l'oncle Sam - compliquent énormément la tâche des États-Unis, comme le mettent en évidence les passages suivants d'un article du journal Le Monde :  "Face aux nouveaux conflits en Europe et au Moyen-Orient, et à des tensions en Indo-Pacifique, Washington doit mobiliser ses forces sur tous les fronts, ce qui exacerbe les vulnérabilités de son appareil militaire à une période politique charnière. (…)"[12]

c. Sur quel type de guerre la dynamique actuelle peut-elle déboucher ?

La troisième guerre mondiale n'est pas à l'ordre du jour de la situation actuelle. Contrairement aux discours -d'où qu'ils viennent- pointant la perspective de la Troisième Guerre mondiale, la prolifération actuelle de conflits n'est pas l'expression d'une dynamique vers la formation de deux blocs impérialistes, condition requise pour une Troisième Guerre mondiale, mais confirme au contraire la tendance au "chacun pour soi" dans les confrontations impérialistes. Le fait que nous vivions dans un monde essentiellement multipolaire s'exprime à travers la multiplicité des conflits en cours de par le monde et est illustré, par exemple, par les relations ambigües entre la Russie et la Chine. Si la Russie s'est montrée très disposée à s'allier à la Chine sur des questions spécifiques, généralement en opposition aux États-Unis, elle n'en est pas moins consciente du danger de se subordonner à son voisin oriental, comme en témoigne le fait qu'elle est l'un des principaux opposants à la "Nouvelle Route de la Soie" de la Chine vers l'hégémonie impérialiste.

La multipolarité sous-tendant les conflits impérialistes actuels ne doit cependant pas conduire à sous-estimer le danger de surgissement de conflits militaires incontrôlés, comme cela s'est produit au début de la guerre en Ukraine en 2022.[13]

d. La guerre mondiale n'est pas à l'ordre du jour mais la destruction de l'humanité dans le chaos généralisé constitue de plus en plus une menace réelle

Dans les pays capitalistes centraux, la bourgeoisie ne dispose pas pour le moment des moyens politiques et idéologiques permettant de maintenir son contrôle sur la classe ouvrière -qui n'a pas subi de défaite physique et politique- en vue d'une confrontation militaire frontale et totale avec une autre puissance, requérant de faire supporter au prolétariat les sacrifices nécessaires à l'effort de guerre.

Cela dit, même en l'absence d'une guerre mondiale entre blocs impérialistes rivaux, dont les conditions ne sont pas réunies, la situation actuelle regorge de périls qui menacent l'humanité dont les guerres. Le nombre de guerres locales va croissant, avec des conséquences de plus en plus dommageables pour la vie sur terre, qui est à la merci de l’utilisation de toute sorte d'armes, y compris nucléaires, chimiques, …

Le futur appartient à la lutte de classe

Face au pôle conduisant à la destruction de l'humanité se dresse celui de la lutte de classe du prolétariat. Le premier, tant il accumule la barbarie et des périls mortels à une échelle toujours plus vaste, apparait tel un Goliath, terrifiant et démesuré, face au David d'un renouveau de la lutte de classe, datant de moins de deux ans.

Comment le David prolétarien peut-il mettre fin à la spirale infernale de convulsions, de chaos et de destruction du capitalisme en décomposition ? En marchant sur les traces de la première tentative mondiale du prolétariat pour renverser le capitalisme en 1917-23. C'est elle, avec à sa tête la révolution russe de 1917, qui avait mis fin à la Première Guerre mondiale. À l'inverse, la défaite et l'enrôlement du prolétariat dans la Seconde Guerre mondiale ont ouvert la porte à une succession interminable de guerres (Corée, Vietnam, Moyen-Orient). Ainsi, la période 1914-68 permet de tirer une claire leçon : seul le prolétariat mondial peut mettre fin à la guerre, alors que son enrôlement sous des bannières bourgeoises ouvre la porte au déchaînement du militarisme.

La période 1968-1989 est également riche d’enseignements. La réémergence historique de notre classe, s’exprimant dans des luttes telles que Mai 68, l’automne chaud italien, la grève de masse en Pologne, etc., a stoppé la marche vers la troisième guerre mondiale qui, avec sa course effrénée aux armements nucléaires, aurait pu anéantir la planète. Cependant, ces luttes ouvrières ne sont pas allées plus loin que de constituer un obstacle à la marche vers la guerre mondiale, car elles se sont cantonnées au plan économique sans être capables de se politiser davantage à travers la mise en question du capitalisme et la compréhension des enjeux historiques de la lutte de classe. Par conséquent, elles ne pouvaient empêcher le pourrissement sur pieds du capitalisme et ses conséquences sur tous les plans de la vie de la société, dont l’exacerbation du chacun pour soi au niveau impérialiste.[14]

Les grèves massives de l'été 2022 en Grande-Bretagne, avec leur slogan « Enough is enough », ont été les premières d'une nouvelle dynamique internationale de la lutte de classe rompant avec toute une période de 30 années de recul important de celle-ci.

Depuis lors, des mobilisations importantes ont lieu en France, Allemagne, Canada, Danemark, États-Unis, Islande, Bangladesh, Scandinavie, Québec, … la plupart d'entre elles constituant, de l’avis même des médias bourgeois, un "fait historique", marquant une "rupture" par rapport à la situation antérieure sur le plan de la massivité et de la combativité. Elles sont portées par une nouvelle génération de travailleurs qui n'a pas subi le rouleau compresseur des campagnes sur la mort du communisme et la « disparition » de la classe ouvrière développées par la bourgeoisie à l'occasion de l'effondrement des régimes staliniens ; elles sont au contraire le produit d'une maturation de la conscience au sein de notre classe nourrie par une aggravation considérable des attaques du capitalisme en crise.[15]

En cela, ce renouveau de la lutte de classe est comparable au surgissement de la lutte de classe en 1968, face au retour de la crise ouverte du capitalisme et porté par une nouvelle génération de la classe ouvrière qui n'avait pas, comme ses ainés, été laminée au niveau de la conscience par la contre-révolution consécutive à l'échec de la vague révolutionnaire de 1917-23. Mais la nouvelle génération est aujourd'hui confrontée à une tâche bien plus difficile que la génération de 68. Celle-ci avait impulsé des luttes à l'échelle du monde face auxquelles la bourgeoisie avait dû mobiliser ses syndicats, sa gauche et parfois son extrême gauche. Cependant, le niveau de politisation alors atteint par la classe ouvrière s'était avéré insuffisant pour faire face à un ensemble d'obstacles : illusions démocratiques en Pologne en grande partie responsables de la défaite des luttes de 1980, regain du corporatisme dans les pays d'Europe de l'Ouest, comme conséquence de l'impact sur la classe ouvrière du développement du chacun pour soi dans la société. Il incombera désormais aux générations actuelles et futures d'ouvriers la tâche de hisser la politisation de leurs luttes à un niveau bien supérieur pour les orienter vers la perspective révolutionnaire de renversement du capitalisme. Dans cette nécessaire prise de conscience, les révolutionnaires ont un rôle fondamental à jouer.

Le rôle et les responsabilités des révolutionnaires

Pour qu'une avant-garde politique totalement partie prenante du combat de la classe ouvrière soit capable de l'orienter, il est indispensable que celle-ci ait pu émerger du processus de confrontation des positions politiques initié par l’activité de la Gauche communiste et son intervention dans des luttes. En ce sens, il faudra que les organisations qui appartiennent à ce courant assument une telle responsabilité, ce qui est loin d'être le cas encore aujourd'hui, plus préoccupées qu'elles sont par leurs succès immédiat de recrutement, souvent au prix de concessions opportunistes.

Sylunken (xx/01/2024)


[1] "Toutes ces manifestations de la putréfaction sociale qui aujourd'hui, à une échelle inconnue dans l'histoire, envahissent tous les pores de la société humaine, ne savent exprimer qu'une chose: non seulement la dislocation de la société bourgeoise, mais encore l'anéantissement de tout principe de vie collective au sein d'une société qui se trouve privée du moindre projet, de la moindre perspective, même à court terme, même la plus illusoire" (THESES : la décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste).

[2] Cf. le rapport présenté au Forum de Davos de janvier 2023, évoqué dans le Rapport sur la décomposition pour le 25e congrès international du CCI. Revue internationale 170.

[4] L'effondrement du système de courants océaniques comme le Gulf Stream, régulateur essentiel du climat de la planète, pourrait, s'il se confirme, modifier radicalement le climat de la Terre et affaiblir considérablement l'espèce humaine en l'espace de quelques décennies. La fonte de la toundra et des calottes glaciaires du Nord ou le dépérissement de la forêt amazonienne (de plus en plus menacée par les sécheresses et les incendies de forêt) ouvrent la perspective effrayante que la forêt commence à émettre plus de dioxyde de carbone dans l'atmosphère que la quantité qu'elle peut absorber.

[7] Étude qui révèle que les forces armées aux USA polluent et consomment plus de carburant que la plupart des pays de monde. Elle-même s'appuie sur une autre étude publiée dans TRANSACTIONS of the INSTITUTE of BRITISH GEOGRAPHERS.

[8] "Même si les Etats-Unis ont annoncé, en décembre, avoir le soutien de plus d’une vingtaine de pays, les renforts à la coalition se sont révélés jusqu’à présent extrêmement limités, se résumant parfois au seul envoi de quelques officiers supplémentaires : trois Néerlandais, deux Canadiens et une dizaine de Norvégiens. Le Danemark avait annoncé, fin décembre, l’envoi d’une frégate « avant fin janvier », mais ce déploiement nécessitait l’approbation du Parlement. L’Italie a aussi annoncé l’envoi d’un navire en mer Rouge fin décembre, avant de prendre ses distances avec la coalition anti-houthistes. À l’instar de Paris et de Madrid, qui ont dérouté un bâtiment opérant déjà dans des zones proches (le golfe d’Aden et le détroit d’Ormuz), Rome a souhaité conserver un commandement autonome sur son bâtiment." "Coalition anti-houthistes : les États-Unis en manque de renforts en mer Rouge" - Le Monde (12 janvier 2024)

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Lutte de classe mondiale ou dévastation capitaliste