Rapport sur la crise économique pour le 24e Congrès du CCI

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Ce rapport fait suite au rapport adopté par le 24e Congrès de Révolution Internationale[1]. Plusieurs aspects sont traités de manière adéquate dans ce rapport, notamment les mesures prises dans le domaine économique face à la pandémie, l'incursion violente de la décomposition sur le terrain économique, l'attaque des conditions de vie des ouvriers qui devient un véritable cauchemar. Nous ne développerons pas ces éléments mais nous nous concentrerons sur la perspective : où va l'économie mondiale après le grand cataclysme qui a éclaté avec la pandémie ?

1. Une crise largement annoncée

Le rapport sur la crise économique adopté par le 23e Congrès annonçait : "nous devons considérer la possibilité de secousses significatives dans l’économie mondiale pour 2019-2020. Les facteurs négatifs s’accumulent : une dette de plus en plus incontrôlable ; la guerre commerciale qui se déchaîne ; dévaluations brutales des actifs financiers surévalués; contraction de -0,1% de l’économie allemande au troisième trimestre de 2018, l’économie chinoise est tombée à son rythme le plus bas de la dernière décennie".

Pour 2020, la Banque mondiale a enregistré une baisse globale de la production de 5,2%, soit 7% pour les 23 premières économies du monde et 2,5% pour les "économies en voie de développement". Selon la Banque mondiale, la baisse de la production est la pire depuis 1945 et "pour la première fois depuis 1870, un nombre sans précédent de pays vont enregistrer une baisse de leur production par habitant"[2]. Un phénomène très important est la chute du commerce mondial. Un indicateur est la baisse du commerce maritime mondial, qui a diminué de 10% en 2020. Mais, paradoxalement, "les prix des conteneurs ont en moyenne quadruplé au cours des deux derniers mois. D'environ 1.500 dollars à près de 5.000 dollars. Et dans certains cas, il a même atteint 12.000 dollars. Cela s'explique par le fait que des pays comme la Chine utilisent leurs navires et leurs conteneurs pour leur propre usage, les soustrayant au trafic mondial [3].

Pour 2021, un rebond de l'économie mondiale est prévu, à condition toutefois que la pandémie soit vaincue d'ici juin 2021, sinon les prévisions sont beaucoup plus pessimistes. Il y aura des augmentations fébriles de la croissance, mais au-delà, il faut considérer que les prévisions les plus sérieuses indiquent une stabilisation de l'économie mondiale à partir de 2023. L'expérience de la reprise post-2008 est qu'elle a mis du temps à s'installer (à partir de 2013), qu'elle a été plutôt anémique et qu'en 2018, elle a montré des signes d'épuisement. Comme nous le verrons tout au long de ce rapport, les conditions actuelles de l'économie mondiale sont bien pires qu'en 2008 et, plutôt que de faire des prédictions, l'important est de comprendre cette importante détérioration.

D'une part, les "experts" donnent une image trompeuse des effets de la crise pandémique sur l'économie. Ils partent de l'axiome selon lequel une telle crise n'aura pas d'effets irréversibles sur l'appareil économique et que l'économie se redressera à un niveau supérieur à celui de la période précédente. Une telle hypothèse sous-estime l'importante détérioration de longue date du tissu productif, financier et commercial, que la crise pandémique risque d'affaiblir profondément. On estime que 30% des entreprises pourraient disparaître définitivement dans les pays de l'OCDE. Nous avons là plus de 100 ans de décadence capitaliste, avec une économie distordue par l'économie de guerre et les effets de la destruction de l'environnement, profondément altérée dans ses mécanismes de reproduction par l'endettement et les manipulations étatiques, érodée par les pandémies, et de plus en plus touchée par les effets de décomposition. Dans ces conditions, il est illusoire de penser que l'économie se redressera sans la moindre égratignure.

D'autre part, la profonde faiblesse de la "reprise" proclamée de 2013 - 2018 annonçait déjà la situation actuelle. En dehors des États-Unis, de la Chine et, dans une moindre mesure, de l'Allemagne, la production de tous les grands pays du monde a stagné ou baissé (selon les estimations de la Banque mondiale) - ce qui ne s'était pas produit depuis la Seconde Guerre mondiale.

2. L'irruption de la décomposition sur le terrain économique

Déjà au 22e Congrès, nous avons constaté l'impact croissant des effets de la décomposition sur le terrain économique et en particulier sur la gestion capitaliste d’État de la crise. Nous étions conscients de cette tendance dans le rapport sur la crise économique adopté par le 23e Congrès qui notait cette irruption de la décomposition comme l'un des principaux facteurs de l'évolution de la situation économique et, enfin, le rapport sur la crise adopté par le 24e Congrès de "Révolution Internationale" approfondissait cette analyse de la pandémie comme résultat de la décomposition et aussi de l'aggravation de la crise économique mais, en même temps, comme puissant facteur d'accélération de cette dernière.

Il est important de souligner notre approche de la question : l'une des caractéristiques de la décadence est que le système capitaliste tente d'étendre toutes les possibilités contenues dans ses rapports de production jusqu'à leurs limites extrêmes, même au risque de violer ses propres lois économiques. Ainsi, "une des contradictions majeures du capitalisme est celle découlant du conflit entre la nature de plus en plus mondiale de la production et la structure nécessairement nationale du capital. En poussant vers ses dernières limites les possibilités des "associations" de nations sur les plans économique, financier et productif le capitalisme a obtenu une "bouffée d’oxygène" significative dans son combat contre la crise qui le gangrène, mais en même temps il s’est mis dans une situation risquée" (Rapport du 23e Congrès). Cette "situation risquée" a démontré ses graves conséquences liées à l'impact de la décomposition sur le terrain économique, en particulier au cours des cinq dernières années de la décennie 2010.

La pandémie représente une accélération de la décomposition et, en même temps, une aggravation de celle-ci. Le rapport sur la crise économique est centré sur cette réalité fondamentale. La résolution sur la situation en France (Bulletin interne ; 2020) met en évidence cet axe central : "En 2008, lors de "la crise des Subprimes", la bourgeoisie avait su réagir de façon coordonnée à l’échelle internationale. Les fameux G7, G8,… G20 (qui faisaient la Une de l’actualité) symbolisaient cette capacité des États à s’entendre a minima pour tenter de répondre à la "crise de la dette". 12 ans plus tard, la division, la "guerre des masques" puis la "guerre des vaccins", la cacophonie régnant dans les décisions de fermetures des frontières contre la propagation de la Covid-19, l’absence de concertation à l’échelle internationale (hormis l’Europe qui tente difficilement de se protéger contre ses concurrents) pour limiter l’effondrement économique, signent l’avancée du chacun pour soi et la plongée des plus hautes sphères politiques du capitalisme dans une gestion de plus en plus irrationnelle du système". Cette tendance est particulièrement forte aux États-Unis où une longue tendance au déclin économique se combine avec une aggravation sans précédent de la décomposition de son appareil politique et de son tissu social.

Toutefois, ce serait une erreur de penser que cette tendance se limite aux États-Unis. En Europe, l'Allemagne semble avoir réagi, mais les tensions au sein de l'UE sont de plus en plus évidentes et le choc du Brexit aura des conséquences qui ne sont pas encore visibles. La "stabilité" de la Chine est plus apparente que réelle.

Par conséquent, nous pouvons dire que les effets de la rupture dans la sphère économique et dans la gestion étatique de l'économie sont destinés à perdurer et auront une influence de plus en plus forte sur les développements économiques. Il est vrai que la bourgeoisie va mettre en place des contre-tendances (par exemple, les accords de l'UE sur la mutualisation partielle des dettes ou l'annulation par Biden de certaines mesures adoptées par Trump). Cependant, au-delà des freins ou des revirements, le poids de la décomposition sur l'économie et sur la gestion étatique de cette dernière va se renforcer avec des conséquences pour l'instant difficiles à prévoir. Plutôt que de tenter des prédictions, nous devons suivre de près l'évolution de la situation et en tirer des conclusions dans le cadre global que nous avons mis en place.

3. Le sauvetage de l'économie ne peut se faire dans les mêmes conditions qu'en 2008

Avec la réponse que le capital dans la plupart des pays a été contraint de donner à la pandémie (le confinement qui n'a pas encore pris fin), l'une des pires récessions de l'histoire s'est produite.

Pour éviter un effondrement généralisé, la bourgeoisie a été obligée d'injecter des milliards. Cela lui a permis de "s'en sortir", de "résister à la tempête".[4] Il va falloir "sauver l'économie mondiale". Et comment va se dérouler cette opération compliquée ?

Nous pouvons dire qu'elle se fera dans des conditions bien pires qu'en 2008, qu'elle impliquera une violente dose d'austérité et que l'économie mondiale se retrouvera dans un état bien plus dégradé, avec une moindre capacité de reprise, du chaos et des convulsions importantes.

Cinq facteurs participent de l'aggravation du contexte :

  • Le poids croissant de la décomposition dans l'économie et le capitalisme d'État ;
  • La Chine ne pourra plus jouer le rôle de locomotive, offrir une bouée de sauvetage, comme elle l'a fait en réponse à 2008 ;
  • La catastrophe environnementale ;
  • Le poids de l'économie de guerre ;
  • Le poids écrasant de la dette.

4. La dislocation progressive de l'édifice économique de la mondialisation

Avec la pandémie, nous avons assisté à une réponse chaotique et irrationnelle des États, à commencer par les plus grands et les plus puissants. L'OMS a été ignorée par tous les États, empêchant ainsi une stratégie internationale nécessaire basée autant que possible sur des critères scientifiques. Chaque État a essayé de fermer son économie le plus tard possible afin de ne pas perdre ses avantages compétitifs et impérialistes sur ses rivaux ;Les économies qui ont été rouvertes dans le but de prendre l'avantage sur les rivaux, et les fermetures provoquées par l'aggravation de la pandémie se sont trouvé piégées par la contradiction existant entre, d'une part la nécessité de maintenir et d'augmenter la production face aux rivaux et, d'autre part, celle d'éviter que l'appareil productif et la cohésion sociale ne soient affectés par de nouvelles vagues de contagion.

La guerre des masques a donné lieu à un spectacle dégradant : des États considérés comme "sérieux", tels que la France ou l'Allemagne, volaient ouvertement des cargaisons de masques destinées à d'autres capitaux nationaux. Il en a été de même pour les équipements tels que les appareils respiratoires, l'oxygène, les équipements de protection individuelle, etc.

Dans le contexte de l’actuelle guerre des vaccins, leur fabrication, leur distribution et les vaccinations elles-mêmes sont autant d'indices du désordre croissant dans lequel s'enfonce l'économie mondiale.

Dans le domaine de la recherche et de la fabrication de vaccins, nous avons assisté à une course chaotique entre des États en concurrence féroce. La Grande-Bretagne, la Chine, la Russie, les États-Unis... se sont lancés dans une course contre la montre pour être les premiers à disposer du vaccin. La coordination internationale a été absente. Les vaccins ont été testés en un temps record, sans réelle garantie d'efficacité.

La distribution est tout aussi chaotique. Le conflit entre l'UE et la société britannique Astra Zeneca en témoigne. Les pays les plus riches ont laissé les plus pauvres sans protection. Israël a vacciné ses ressortissants tout en négligeant les Palestiniens. La Russie utilise une propagande trompeuse pour présenter son vaccin comme le meilleur. C'est la preuve que le vaccin est utilisé comme un instrument d'influence impérialiste. La Russie et la Chine ne le cachent pas et proclament ouvertement qu'elles offriront des prix plus bas aux pays qui se plieront à leurs exigences économiques, politiques et militaires.

Enfin, la manière dont la population est vaccinée est vraiment ahurissante de désorganisation et d'indiscipline. En France, en Allemagne, en Espagne, en Italie, pour ne citer que quelques exemples, on constate un manque constant d'approvisionnement, des retards de vaccination même dans les groupes identifiés comme prioritaires (personnel de santé, personnes de plus de 65 ans). Les plans de vaccination ont été retardés à plusieurs reprises. Souvent, la première dose est administrée et la seconde est retardée sine die, annulant ainsi l'efficacité du vaccin. Les dirigeants, les politiciens, les hommes d'affaires, les militaires, etc. ont contourné la liste des groupes prioritaires et ont été vaccinés en premier.

Ce spectacle dégradant autour des vaccins nous montre une tendance croissante du capitalisme à saper la capacité de "coopération internationale" qui avait réussi à atténuer la crise économique au cours de la période 1990-2008. Le capitalisme est fondé sur la concurrence à mort - et cette caractéristique constitutive du capitalisme n'a pas disparu à l'apogée de la "mondialisation" - mais ce que nous voyons aujourd'hui, c'est une concurrence exacerbée, qui prend pour champ d'action quelque chose d'aussi sensible que la santé et les épidémies. Si dans la période ascendante du capitalisme, la concurrence entre les capitaux et les nations était un facteur d'expansion et de développement du système, dans la décadence, elle est au contraire un facteur de destruction et de chaos : Destruction avec la barbarie de la guerre impérialiste ; chaos (qui inclut également la destruction et les guerres) surtout avec l'irruption des effets de la décomposition sur le terrain économique et sa gestion étatique. Ce chaos affectera de plus en plus les chaînes de production et d'approvisionnement mondiales, la planification de la production, la capacité à combattre les phénomènes "inattendus" tels que les pandémies ou autres catastrophes.

Le rapatriement de la production dans le pays d'origine par les multinationales était déjà en cours depuis 2017 mais semble s'être accéléré avec la pandémie : "Une étude publiée cette semaine par Bank of America, portant sur 3.000 entreprises totalisant une capitalisation boursière de 22 billions de dollars et situées dans 12 secteurs mondiaux majeurs, indique que 80% de ces entreprises ont des plans de relocalisation pour rapatrier une partie de leur production depuis l'étranger. 'C'est le premier tournant d'une tendance qui dure depuis des décennies', proclament les auteurs. Au cours des trois dernières années, quelque 153 entreprises sont retournées aux États-Unis, tandis que 208 l'ont fait dans l'UE"[5].

Ces mesures sont-elles irréversibles ? Assistons-nous à la fin de la phase de "mondialisation", c'est-à-dire une production mondiale, fortement interconnectée avec une division internationale du travail, avec des chaînes de production, de transport et de logistique organisées à l'échelle mondiale ?

La première considération est que la pandémie dure plus longtemps que prévu. Le 28 septembre 2020, le chiffre d'un million de morts était atteint ; le 15 janvier, moins de trois mois plus tard, il atteignait deux millions. Bien que la vaccination soit en cours, la directrice scientifique de l'OMS, Soumya Swaminathan, prévoit qu'il faudra attendre 2022 pour atteindre une immunisation raisonnable de la population en Europe. Il est probable que les perturbations et les interruptions de production se poursuivront tout au long de l'année 2021.

Deuxièmement, si nous examinons l'expérience historique, nous pouvons constater que les mesures de capitalisme d'État qui ont été prises en réponse à la Première Guerre mondiale n'ont pas complètement disparu après la fin de la guerre, et 10 ans plus tard, avec la crise de 1929, elles ont fait un bond gigantesque, confirmant la prédiction correcte du premier congrès de l'Internationale communiste : "toutes ces questions fondamentales de la vie économique du monde ne sont plus réglées par la libre concurrence, ni même par des combinaisons de trusts ou de consortiums nationaux et internationaux. Elles sont tombées sous le joug de la tyrannie militaire pour lui servir de sauvegarde désormais. Si l'absolue sujétion du pouvoir politique au capital financier a conduit l'humanité à la boucherie impérialiste, cette boucherie a permis au capital financier non seulement de militariser jusqu'au bout l’État, mais de se militariser lui-même, de sorte qu'il ne peut plus remplir ses fonctions économiques essentielles que par le fer et par le sang"[6].

De même, il est probable que les mesures prises en réponse à la pandémie sur le terrain économique resteront en place, même s'il y aura des reculs partiels.

Cela est confirmé par le fait que, depuis 2015, comme nous l'avons précisé dans le rapport du 23e Congrès, la Chine, l'Allemagne et les États-Unis s'orientent dans cette direction. Les mesures prises pendant la pandémie ne font qu'accentuer une orientation qui était déjà présente dans les années 2010.

Le fait que les grandes puissances n'aient pas, pour l'instant, coordonné leurs réponses financières et économiques au danger de faillite en est l'illustration. Alors que, lors de la crise de 2008, les réunions du G8, du G20, etc. se sont multipliées, ce type de réunion est aujourd'hui manifestement absent[7].

Cependant, la structure mondialisée de la production mondiale offre des avantages majeurs aux économies les plus puissantes, et celles-ci prendront des mesures pour corriger les principales perturbations décrites ci-dessus. Un exemple très clair : le plan de mutualisation des dettes dans l'UE profite particulièrement à l'Allemagne qui va consolider ses exportations vers l'Espagne, l'Italie, etc. Ces pays, présentés comme "les grands bénéficiaires", seront finalement les grands perdants, car leur tissu industriel sera affaibli par la concurrence écrasante des exportations allemandes. En fait, la mutualisation des dettes aidera l'Allemagne à contrer la présence chinoise dans les pays du sud de l'Europe, qui s'est renforcée depuis 2013. Nous n'assistons pas à un démantèlement de la mondialisation, mais plutôt à sa dislocation croissante - par exemple, à travers la tendance à la fragmentation en zones régionales -, à l'importance grandissante des tendances protectionnistes, à la relocalisation des zones de production, à la multiplication des mesures que chaque pays prend de son côté, en violation des accords internationaux. Bref, à un chaos croissant dans le fonctionnement de l'économie mondiale.

5. La politique chinoise

Au cours de la période 2009-2015, la Chine a joué un rôle essentiel, par ses achats et ses investissements, dans la faible relance de l'économie mondiale après les graves bouleversements de 2008. Face à la situation actuelle, la Chine peut-elle jouer le même rôle de locomotive de l'économie mondiale ?

Nous pensons que cette possibilité est très peu probable pour au moins 4 raisons :

  • 1 La situation actuelle de la Chine est bien plus fragile qu'à l'époque : la croissance de la production continue de diminuer lentement mais sûrement ; selon le FMI, la Chine connaîtra sa pire croissance en 35 ans : seulement 1,2%. Pour le PCI – Le Prolétaire (cité dans le BII 528 page 60) "en Chine, le taux officiel du chômage était de 6 % fin avril ; mais l’étude d’une organisation chinoise estimait à la même date que le chômage réel était de 20,5 % (soit 70 millions de chômeurs) ; l’étude a été retirée et la direction de l’organisation punie par les autorités, mais des économistes occidentaux avancent des chiffres du même ordre". Le niveau d'endettement de la Chine est gigantesque (300% du PIB en 2019) ; la situation de beaucoup de ses entreprises est très fragile. Par exemple, en Chine, il y a 30% d'entreprises zombies[1], ce qui est le pourcentage le plus élevé au monde (en Allemagne et en France, il est estimé à 10%). De plus, les entreprises d'État détiennent toujours une part importante de l'économie et ces entreprises sont les plus endettées.
  • 2  Le projet de Route de la soie - un plan d'expansion commerciale, économique et impérialiste concernant 60 pays - vise à définir une zone économique mondiale exclusive à la Chine, avec pour conséquence une diminution du rôle qu'elle peut jouer dans la stimulation du commerce mondial. Les rivaux de la Chine, et en particulier les États-Unis, ont répondu par une guerre commerciale et, dans la zone Asie-Océanie, par l'Accord de partenariat transpacifique qui lie 12 pays de la zone. Et, parmi les pays qui ont dû s'endetter auprès de la Chine dans le cadre de leur participation au projet de Route de la soie, certains ont été plus durement touchés par les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, menaçant leur solvabilité.
  • 3 Ces "accords" montrent que la dynamique qui dominera les années à venir - sauf changement de tendance, ce qui est hautement improbable - n'est pas celle de la "coopération", mais plutôt celle d'une grande fragmentation de la production mondiale en zones réservées, sous tutelle chinoise, américaine ou allemande.
  • 4 L'accumulation de dettes, qui a servi à "alimenter" le moteur chinois après 2008, a permis une croissance à deux chiffres en Chine et a également créé des marchés plus importants en Chine même pour de nombreux exportateurs des États-Unis, d'Asie de l'Est et d'Europe. Mais les conditions pour que cela se répète ne sont pas réunies. Tous les pays sont devenus plus protectionnistes. En outre, la main-d'œuvre chinoise, qui percevait des salaires parmi les plus bas, a reçu des salaires plus élevés, ce qui a entraîné d'importants transferts d'emplois de la Chine vers d'autres pays, toujours moins chers (Asie du Sud-Est, Afrique).

6. La catastrophe environnementale

Le processus de destruction écologique (dévastation et pollution de l'environnement et des ressources naturelles) ne date pas d'hier. La guerre impérialiste et l'économie de guerre ont contribué à ce processus dans une large mesure. Cependant, la question qui se pose est de savoir dans quelle mesure ce processus a influencé négativement l'économie capitaliste en entravant l'accumulation.

Dans le cadre de ce rapport, nous ne pouvons pas donner une réponse élaborée. Cependant, il est probable que dans le contexte des difficultés croissantes de collaboration entre les pays, de manœuvres nationalistes de chaque État, … la destruction écologique aura un impact de plus en plus négatif sur la reproduction du capital et contribuera à rendre les moments de reprise économique de la période à venir beaucoup plus faibles et instables que par le passé.

On estime que la pollution atmosphérique tue 7 millions de personnes chaque année. La consommation d'eau contaminée provoque environ 485.000 décès par an.[9]

Au cours du XXe siècle, 260 millions de personnes sont mortes de la pollution de l'air intérieur dans le tiers-monde, soit environ deux fois le nombre de victimes de toutes les guerres du siècle. Ce chiffre est plus de 4 fois supérieur à celui des décès dus à la pollution de l'air extérieur[10].

Les phénomènes météorologiques extrêmes, les extinctions massives, la baisse des rendements agricoles et la toxicité de l'air et de l'eau nuisent déjà à l'économie mondiale, la pollution coûtant à elle seule 4,6 billions de dollars par an[11].

La protection même des villes situées le long des côtes engloutira des sommes considérables, égales, sinon supérieures, à tous les plans de sauvetage qui ont dû être adoptés dans le cadre de la pandémie de Covid-19. Les implications économiques de ce chaos sont bien réelles. L'impact de ce processus d'autodestruction est stupéfiant. Il est calculé que, si le changement climatique augmente la température de 4ºC, alors le PIB mondial chutera de 30% par rapport aux niveaux de 2010, la chute pendant la dépression des années 1930 ayant atteint 26,7% (la chute actuelle sera permanente). 1,2 milliards d'emplois pourraient ainsi être perdus. Ces chiffres ne tiennent pas compte de l'aggravation de la crise économique ni de l'impact du COVID.

Tous ces dommages sont considérablement aggravés par la crise COVID, même s'il faudra du temps pour en évaluer l'impact. En effet, celle-ci illustre clairement les conséquences pour l'économie de la destruction écologique : "La colonisation des espaces naturels et le contact humain avec les animaux réservoirs de virus et d'agents pathogènes est le premier maillon de la chaîne qui explique les pandémies. La destruction des habitats forestiers dans les zones tropicales permet la transmission aux humains de nombreux agents pathogènes qui étaient auparavant confinés dans des endroits inaccessibles. Les gens rencontrent des espèces avec lesquelles ils n'étaient pas associés auparavant, ce qui augmente le risque d'être infecté par des maladies d’origine animale. Les marchés d'animaux, les transports et la mondialisation les propagent ensuite"[12].

Des institutions telles que la Banque mondiale mettent clairement en garde contre les conséquences de la destruction écologique, par exemple en termes d'expansion de la pauvreté : "Selon de nouvelles estimations, le changement climatique pourrait entraîner de 68 à 135 millions de personnes dans la pauvreté à l'horizon 2030. Il représente une menace particulièrement grave pour les pays d'Afrique subsaharienne et d'Asie du Sud, ces deux régions concentrant la plupart des pauvres de la planète. Dans un certain nombre de pays, comme le Népal, le Cameroun, le Liberia et la République centrafricaine, une grande partie des pauvres vivent dans des zones à la fois en situation de conflit et fortement exposées aux inondations."[13].

L'effondrement de la coopération internationale autour de la pandémie de COVID est un avant-goût de l'attitude de chacun pour soi qui prédominera face au changement climatique. La concurrence économique accrue résultant du COVID ne peut qu'accélérer cette dynamique. La capacité du capitalisme à limiter l'augmentation de la température globale s'affaiblit.

  • "Ensemble, une action rapide contre la hausse des températures et un engagement renouvelé en faveur de la mondialisation permettraient à l'économie mondiale d'atteindre une production de 185 billions de dollars en 2050. Si l'on tarde à prendre des mesures pour réduire les émissions de carbone et si l'on laisse les liens transfrontaliers se distendre, elle pourrait plafonner à 149 billions de dollars, ce qui équivaudrait à dire adieu à la totalité du PIB des États-Unis et de la Chine de l'année dernière"[14].

La contradiction entre les intérêts de la nation capitaliste, et de l'ensemble du système capitaliste, et l'avenir de l'humanité ne pourrait être plus claire. Si des mesures suffisantes sont prises contre le changement climatique, les tensions impérialistes et économiques s'intensifieront qualitativement avec la montée en puissance de la Chine comme principale économie mondiale. Si aucune mesure n'est prise, l'économie mondiale se contractera de 30% avec toutes les conséquences que cela entraînera.

Cela ne peut que développer de manière exponentielle la destruction de l'environnement par le capitalisme et préparer le terrain pour d'autres pandémies au fur et à mesure que les conditions de celles-ci se développent, comme le montrent plusieurs contributions dans les bulletins internes[15].

7. La barrière de l'économie de guerre

L'économie de guerre, comme nous l'a rappelé Internationalisme, est un poids mort pour l'économie mondiale. Malgré la position claire du texte d'orientation Militarisme & Décomposition[16] des parties de l'organisation ont eu tendance à penser que dans le cadre de la décomposition, les dépenses d'armement auraient tendance à être réduites et n'auraient pas l'impact énorme qu'elles avaient à l'époque des blocs et de la Guerre froide. Cette vision est fausse, comme le souligne le rapport adopté par le 23e Congrès. "Les dépenses militaires mondiales ont connu - en 2019 - leur plus forte augmentation en dix ans. Au cours de l'année 2019, les dépenses militaires ont atteint 1,9 billion de dollars (1,8 billion d'euros) dans le monde, soit une augmentation de 3,6 % en un an, la plus importante depuis 2010. "Les dépenses militaires ont atteint leur plus haut niveau depuis la fin de la guerre froide", a déclaré Nan Tian, chercheur au SIPRI"[17].

La nécessité de faire face au COVID n'a pas ralenti le réarmement. Le budget de la Bundeswehr augmente de 2,85% pour 2021, l'Espagne augmente ses dépenses militaires de 4,7%, la France de 4,5%, tandis que le Royaume-Uni les accroît de 18,5 milliards d'euros supplémentaires[18].

Aux États-Unis, attisant l'hystérie anti-Chine, le Sénat a approuvé une augmentation astronomique des dépenses militaires, qui atteindront 740 milliards de dollars en 2021. Au Japon, "le Premier ministre Yoshihide Suga a approuvé lundi la neuvième hausse consécutive du budget militaire, établissant un nouveau record historique à 5,34 billions de yens (environ 51,7 milliards de dollars), soit une augmentation de 1,1 % par rapport au budget de l'année précédente"[19].
"Les guerres américaines en Afghanistan, en Irak, en Syrie et au Pakistan ont coûté aux contribuables américains 6,4 billions de dollars depuis leur début en 2001. Ce total est supérieur de 2 billions de dollars à l'ensemble des dépenses du gouvernement fédéral au cours de l'année fiscale qui vient de s'achever"[20].

Il n'y a pas de données disponibles pour la Chine pour 2021, mais les dépenses militaires ont apparemment moins augmenté en 2020 qu'en 2019. Cependant, "l'Armée populaire de libération a franchi deux étapes majeures, en dévoilant son premier porte-avions 100 % indigène et son premier missile balistique intercontinental capable d'atteindre les États-Unis. La Chine a également construit sa première base militaire à l'étranger à Djibouti en 2017. Pékin conçoit également une nouvelle génération de destroyers et de missiles pour renforcer sa dissuasion contre ses voisins asiatiques et la marine américaine."[21]

La Russie a augmenté de façon spectaculaire ses dépenses militaires au cours de la période triennale 2018-2021, l'Australie "a lancé au cours des deux dernières années un ambitieux programme naval visant à créer une marine de douze nouveaux sous-marins qui seront construits par le chantier naval français DCNS, neuf frégates (un programme pour lequel Navantia soumissionne), deux navires logistiques et douze patrouilleurs ; elle recevra également 72 avions de combat américains F-35 de Lockheed Martin d'ici 2020. Les autorités australiennes prévoient même de doubler son budget en une décennie pour le porter à 21 milliards de dollars par an (…) [Les pays scandinaves] considèrent que les menaces russes sur leur espace aérien et dans l'Arctique relèvent de moins en moins de la fiction, et dans le cas de la Suède, le rétablissement du service militaire obligatoire et des augmentations significatives du budget de la défense ont été annoncés"[22].

Ce survol de la jungle sanglante des dépenses militaires montre que l'économie de guerre et l'armement, au-delà de l'impulsion initiale qu'ils peuvent donner, finissent par constituer un fardeau de plus en plus lourd pour elle, et on peut prévoir qu'ils participeront à la tendance à rendre plus fragile et convulsive la reprise économique que le capitalisme recherche pour la période post-COVID[23].

8. Le poids écrasant de la dette

En 1948, le plan Marshall a représenté un montant total de prêts de 8 milliards de dollars ; le plan Brady pour sauver les économies sud-américaines en 1985 a impliqué 50 milliards de dollars ; les dépenses pour sortir du bourbier de 2008 ont atteint le chiffre astronomique de 750 milliards de dollars.

Les chiffres actuels font de ces injections dans l'économie de la menue monnaie. L'UE a déployé un programme de 750 milliards d'euros. En Allemagne, "le gouvernement déploie le plus grand plan d'aide de l'histoire de la République fédérale. Pour financer ce programme, la Fédération contractera de nouveaux emprunts pour un montant total d'environ 156 milliards d'euros."[24] Biden a proposé au Congrès un programme de soutien et de relance économique de 1,9 billion de dollars. Le montant total des mesures de relance versées dans l'économie américaine en 2020 est estimé à 4 billions de dollars.

La dette mondiale au troisième trimestre 2020 était de 229 billions d'euros, soit 365% du PIB mondial (un nouveau record historique). Cette dette atteint 382% dans les pays industrialisés. Selon l'Institut de la finance internationale, cette escalade s'accélère depuis 2016 avec une augmentation sur les 4 dernières années de 44 billions d'euros. C'est dans ce cadre que nous devons aborder les conséquences de l'escalade actuelle de l'endettement mondial[25].

L'accumulation du capital (la reproduction élargie définie par Marx) a pour base de développement les marchés extra-capitalistes et les zones non encore complètement intégrées au capitalisme. Si les uns et les autres se réduisent, la seule issue pour le capital, organisé par l'État, est l'endettement, qui consiste à jeter des sommes toujours plus importantes dans l'économie en acompte de la production attendue des années à venir.

S'il n'y a pas de chocs inflationnistes dans les grandes économies, c'est pour trois raisons :

  • 1 La tendance déflationniste qui touche l'économie mondiale depuis 2008.
  • 2 La surévaluation des actifs des entreprises et même des États est devenue chronique et a dégradé les chiffres économiques qui ont cessé d'être fiables depuis des décennies.
  • 3 Taux d'intérêt nuls ou même négatifs.

L'un des facteurs qui a permis au capital global d'amortir les effets de la dette était la coordination internationale des politiques monétaires, un certain degré de coordination et d'organisation des transactions financières à l'échelle mondiale. Si ce facteur commence à faire défaut et que le "chacun pour soi" l'emporte, quelles sont les conséquences attendues ?

Le capitalisme a utilisé l'équivalent de trois ans et demi de production mondiale. S'agit-il d'un chiffre insignifiant qui pourrait être étiré à l'infini ? Absolument pas. Cette gigantesque gangrène est le terreau non seulement de folles poussées spéculatives qui ont fini par s'institutionnaliser dans le labyrinthe indéchiffrable que sont les transactions financières, mais aussi de crises monétaires, de gigantesques faillites d'entreprises et de banques, voire de faillites d'États importants. Logiquement, ce processus implique que le marché intérieur pour le capital ne peut croître à l'infini, même s'il n'y a pas de limite fixe en la matière. C'est dans ce contexte que la crise de surproduction au stade actuel de son développement pose un problème de rentabilité au capitalisme. La bourgeoisie estime qu'environ 20% des forces productives mondiales sont inutilisées. La surproduction des moyens de production est particulièrement visible et touche l'Europe, les États-Unis, l'Inde, le Japon, etc.[26]

Depuis 1985, date à laquelle les États-Unis ont abandonné leur position de créancier pour devenir l'un des plus gros débiteurs, l'économie mondiale souffre d'une situation aberrante : pratiquement tous les pays sont endettés, les plus gros créanciers sont à leur tour les plus gros débiteurs, et tout le monde le sait. Aujourd'hui, après des décennies de dettes gigantesques, ces récents plans de sauvetage ont surpassé toutes les interventions précédentes. Cependant, en raison du niveau actuel d’endettement de tous les grands acteurs, le risque de "détonations"/avalanches de dettes augmente. La situation actuelle de "taux d'intérêt zéro" facilite encore la politique d'augmentation du fardeau de la dette, mais - tous les autres facteurs mis à part - si les taux d'intérêt augmentent..... Quelque chose s'écroulera ...

9. Une économie mondiale affaiblie et instable

L’arrêt brutal de la production a des conséquences. Tout d'abord, la Chine et l'Allemagne, ainsi que d'autres grands pays producteurs, vont se retrouver avec une énorme surcapacité de production qui ne pourra pas être compensée immédiatement. D'une manière générale, le secteur des machines, l'électronique, l'informatique, l'approvisionnement en matières premières, les transports, etc. se retrouveront avec des stocks énormes et une reprise lente de la demande.

Même s'il y aura indubitablement des moments de reprise de la production (qui seront applaudis avec enthousiasme par la propagande capitaliste) et même s'il y aura des contre-tendances que les secteurs les plus intelligents du capital activeront[27], ce qui est indiscutable, c'est que l'économie mondiale sera secouée et affaiblie au cours de la prochaine décennie.

Au cours du dernier demi-siècle, le capitalisme a montré une capacité à "continuer" face aux nombreux bouleversements qu'il a subis (1975, 1987, 1998, 2008). Cependant, les conditions globales que nous venons d'analyser nous permettent d'avancer que cette capacité a été considérablement affaiblie. Il n'y aura pas - comme l'espèrent les conseillistes et les bordiguistes - un Grand Effondrement Final mais, parce que c'est le cœur de l'économie mondiale qui est fortement déstabilisé - en particulier les USA et de manière croissante aussi certaines parties de l'Europe - il sera plus difficile de coordonner une réponse à la crise au niveau international, ce qui, avec le poids écrasant de la dette, fournit une confirmation claire de la perspective esquissée par le rapport du 23ème Congrès sur la crise : "Poids déstabilisateur d’un endettement sans frein ; saturation croissante des marchés ; difficultés croissantes de "gestion globalisatrice" de l’économie mondiale provoquées par l’irruption du populisme, mais aussi l’aiguisement de la concurrence et le poids des investissements énormes demandés par la course aux armements ; enfin, un facteur qu’il ne faut pas négliger, les effets de plus en plus négatifs de la destruction galopante de l’environnement et le bouleversement incontrôlé des équilibres "naturels" de la planète".

L'une des politiques que les États vont lancer pour donner un coup de fouet à l'économie sont les plans dits d'"économie verte". Ceux-ci sont motivés par la nécessité de remplacer la vieille industrie lourde et les combustibles fossiles par l'électronique, l'informatisation, l'IA, les matériaux légers et les nouvelles sources d'énergie qui permettent une plus grande productivité, une réduction des coûts et des économies de main-d'œuvre. Pendant un certain temps, les investissements importants qu'exigera une telle relance de l'économie - qui inclura également la production d'armements - pourront donner un coup de fouet aux économies des pays les mieux placés dans le processus, mais le spectre de la surproduction reviendra une fois de plus hanter l'économie mondiale.

10. La résistance ouvrière - un facteur clé dans l'évolution de la situation

La détérioration des conditions de vie des ouvriers a été très progressive au cours de la période 1967-80.

Elle a commencé à s'accélérer dans les années 1980, lorsque les prestations sociales ont commencé à être limitées, que des licenciements massifs ont eu lieu et que la précarité du travail a commencé à s'installer.

Au cours de la période 1990-2008, la détérioration s'est poursuivie : la réduction systématique des ouvriers employés est devenue "normale". Une crise du logement a également commencé. La migration massive a exercé une pression à la baisse sur les salaires et produit une détérioration des conditions de travail dans les pays centraux. Cependant, la baisse des conditions de vie dans les pays centraux restait graduelle et limitée. Il y avait quelque chose de pervers qui masquait la baisse : le développement du crédit massif dans les ménages ouvriers.

Dans le rapport adopté par le 23e Congrès, nous avons montré l'énorme dégradation du niveau de vie du prolétariat dans les pays centraux, les coupes importantes dans les retraites, la santé, l'éducation, les services sociaux, les prestations sociales etc..., la hausse du chômage et surtout le développement spectaculaire de la précarité de l’emploi. Les années 2010 ont signifié une escalade majeure de la dégradation de la vie professionnelle dans les pays centraux. Les attaques graduelles auxquelles nous avons assisté entre 1970 et 2008 ont commencé à s'accélérer dans la décennie 2010-2020.

La crise pandémique a intensifié les attaques contre les conditions de vie des ouvriers. Tout d'abord, dans tous les pays, les ouvriers ont été envoyés à l'abattoir parce qu'ils ont été contraints de se rendre au travail en empruntant des transports publics bondés et se sont retrouvés sans équipement de protection sur leur lieu de travail (il y a d'ailleurs eu nombre de protestations dans des usines, des entrepôts, etc. au début du confinement à cause de cela). Il convient toutefois de noter que les travailleurs de la santé et ceux des maisons de retraite ont souffert d’un nombre élevé d'infections et de décès. Les travailleurs de l'industrie alimentaire ont également été durement touchés[28], de même que les travailleurs agricoles, dont la plupart sont des migrants[29].

Les attaques contre la classe ouvrière dans tous les pays, mais particulièrement dans les pays centraux, sont clairement à l'ordre du jour. Le rapport de l'OIT "Le COVID-19 et le monde du travail" ne mâche pas ses mots : "le COVID-19 a engendré la crise la plus grave jamais enregistrée par le monde du travail depuis la Grande dépression des années 1930".

Le chômage. Les surcapacités dans l'industrie, et la lente et faible reprise de la demande vont fortement stimuler les licenciements massifs. Pendant la période de strict confinement, les énormes subventions de l'État aux chômeurs à temps partiel ont masqué la gravité de la situation de nombreux ouvriers souffrant d'une réduction drastique de leurs revenus. Cependant, une "normalisation" graduelle du fonctionnement économique entraînera une nouvelle dégradation des conditions de vie des ouvriers, la rendant dans de nombreux cas irréversible. Selon l'OIT, les estimations mondiales pour 2021 sont celles d’une perte allant de 36 millions d'emplois au mieux à 130 millions au pire[30].

Nous pouvons illustrer cela par une analyse des sombres perspectives pour l'industrie automobile : "Un expert de l'industrie automobile allemande a donné l'aperçu, la prévision suivants : selon les prévisions, tous les grands marchés automobiles connaîtront une contraction en pourcentage à deux chiffres. La France et l'Italie seront les plus touchées, avec un déclin de 25% chacune, l'Espagne avec 22%, et l'Allemagne, les États-Unis et le Mexique avec 20% chacun. Pour le plus grand marché automobile du monde, la Chine, Dudenhöffer prévoit une baisse des ventes d'environ 15%. Dans les usines allemandes, il y a soudainement une capacité excédentaire de 1,3 à 1,7 million de véhicules. Le chômage partiel ne peut combler que de courtes périodes. Aucune entreprise ne pourrait conserver des capacités de production inutilisées pendant des années. C'est pourquoi 100.000 des 830.000 emplois actuels chez les constructeurs et équipementiers automobiles en Allemagne sont menacés - "selon des hypothèses optimistes", écrit Dudenhöffer."[31]

La précarité. L'OIT appelle la précarité "emploi sous-utilisé" et estime qu'il y a 473 millions de travailleurs dans le monde dans cette condition (2020). Le travail informel est tout aussi important : "plus de 2 milliards de travailleurs sont engagés dans des activités économiques qui sont soit insuffisamment couvertes, soit pas du tout couvertes par des dispositions formelles en droit ou en pratique". Selon l'OIT, "plus de 630 millions de travailleurs dans le monde ne gagnent pas suffisamment pour pouvoir se sortir eux-mêmes et leur famille de la pauvreté"[32].

Les salaires. En ce qui concerne les salaires, l'OIT a évalué la baisse globale des salaires dans le monde à 8,3% jusqu'en 2020. Malgré les mesures de soutien gouvernementales, les salaires ont baissé en 2020 (selon les données de l'OIT) de 56,2% au Pérou, de 21,3% au Brésil, de 6,9% au Vietnam, de 4,0% en Italie, de 2,9% au Royaume-Uni et de 9,3% aux États-Unis.

Le rapport susmentionné de l'OIT prévient que "La crise a eu des effets particulièrement dévastateurs sur nombre de catégories de populations vulnérables et de secteurs à travers le monde. Les jeunes, les femmes, les personnes faiblement rémunérées et les travailleurs peu qualifiés disposent d’un potentiel inférieur pour embrayer rapidement sur la reprise économique et les risques de stigmates à long terme et d’un éloignement du marché du travail sont bel et bien réels en ce qui les concerne".

Le niveau incroyable d'endettement national ne peut être maintenu indéfiniment ; à partir d'un certain point, il conduira nécessairement à l'adoption de mesures d'austérité drastiques touchant l'éducation, la santé, les retraites, les subventions, les prestations sociales, etc.

On ne peut rien attendre de la "gestion intelligente" du capitalisme d'État, seulement l'austérité, la misère, le chaos et aucun avenir. L'avenir de l'humanité est entre les mains du prolétariat, sa résistance contre l'austérité brutale, et la politisation de cette résistance seront la clé de la période à venir.


[1] L’irruption de la décomposition sur le terrain économique (Rapport juillet 2020). Revue internationale n°165

[4] Les chiffres et l'analyse de ce gigantesque déploiement d'injections monétaires sont fournis dans le rapport sur la crise économique adopté par le 24e Congrès de RI, nous ne les répéterons donc pas ici.

[7] Biden a bien proposé de mettre en place une réunion du G10 non pour une coordination économique, mais pour isoler la Chine.

[8] Les entreprises zombies sont celles qui doivent constamment refinancer leur dette, au point que le remboursement de celle-ci absorbe tous leurs profits et les oblige même à contracter de nouvelles dettes.

[9] Source : Britannica

[12]Source LAVANGUARDIA Rapport de l'Agence européenne pour l'environnement

[15] "la conquête inconsidérée par le capital de territoires "sauvages", comme on l'a déjà vu avec Ebola [qui] a à voir avec la soif de terre de ce système capitaliste, c'est-à-dire avec le fonctionnement de la rente. L'urbanisation croissante, l'exploitation de chaque centimètre carré de la planète (...) conduit à une coexistence forcée entre les espèces." (D.). "Il y a effectivement tendance à sous-estimer à quel point la pandémie est un produit de la dimension écologique, autre caractéristique fondamentale de la décomposition. La citation de Le Fil Rouge est intéressante : la façon dont la tendance aux pandémies est liée à l'échange métabolique avec la nature (Marx) - qui a atteint des proportions déformées par le développement du capitalisme dans la décadence et la décomposition. L'idée qu'il s'agit presque d'une catastrophe naturelle - conduit aux racines sociales qui ont été mises sur la touche." (B.)

[17] Rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) publié le 27/04/2020. Source : DW.

[20] Source CNBC.

[21] Source EL COMERCIO.  

[22] China y Rusia doblan su gasto militar en una década ABC Internacional

[23] L'économie de guerre peut, dans un premier temps, stimuler l'économie. Mais cette stimulation est trompeuse, et on peut le constater si l'on regarde sur le long terme. Il y a l'exemple de la Russie. Plus récemment, il y a le cas de la Turquie qui, après un décollage spectaculaire, est aujourd'hui de plus en plus affaiblie par le poids étouffant de l'effort de guerre. De même, les économies de l'Iran et de l'Arabie Saoudite, engagées dans une rivalité extrême, sont de plus en plus affaiblies.

[24] Cité par le communiqué sur l'Allemagne dans le bulletin interne de l'année 2020

[26] Rapport sur la crise économique (juillet 2020) adopté par le 24e Congrès de Révolution Internationale.

[27] Voir à ce sujet le rapport sur la crise économique du 24e Congrès de Révolution Internationale.

[28] "La situation dans l'industrie du conditionnement de la viande a révélé une image similaire à celle des abattoirs de Chicago d’il y a plus d'un siècle. Tout à coup, les taux d'infection élevés parmi le personnel des abattoirs ont été connus. On a appris qu'il s'agissait d'ateliers de misère modernes en Allemagne, avec une main-d'œuvre très bon marché venant d'Europe de l'Est, vivant dans des baraquements ou des appartements particulièrement délabrés et surpeuplés - loués par des sous-traitants des abattoirs. Des centaines d'entre eux ont été infectés, en raison de leurs conditions d’entassement au travail comme au logement" (communiqué de Welt-D, dans le bulletin interne de l'année 2020).

[29] En Espagne, en avril 2020, des cueilleurs de fraises, pour la plupart des ouvriers originaires du Maroc et d'Afrique, ont tenté de faire grève contre la surpopulation effroyable dans leurs quartiers et le gouvernement de coalition de gauche a immédiatement envoyé la Guardia Civil.

[30] Observatoire de l’OIT Le COVID‑19 et le monde du travail. Septième édition

[31] Cité par le communiqué sur la situation en Allemagne de l'année 2020.

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