Où en est la crise économique ? : L’Europe en première ligne.

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La bourgeoisie n'a pas de solution à la crise de son système et ses remèdes ne sont que des palliatifs provisoires qui répercutent les effets de la crise à un niveau toujours plus grave et plus dramatique. La fin de la "reprise" américaine implique une nouvelle plongée dans la récession de l'économie mon­diale. Et l'Europe, moins bien placée que les Etats-Unis et le Japon, va se retrouver en première ligne.

Cette nouvelle aggravation de la crise, conjuguée avec le développement de la vague de lutte de classe commencée en 1983, qui manifeste la combativité intacte du prolétariat, est un facteur déterminant de l'évolution future de la situation internationale, et va tendre à se traduire par une perte des illu­sions au coeur même des métropoles industrielles, et notamment en Europe, où se trouve la plus forte concentration  du prolétariat mondial.

Avec la perspective d'une nouvelle plongée accélérée dans la récession, c'est une rupture qui est en train de s'opérer dans la situation mondiale, où même les pays les plus développés n'arrivent plus à se préserver des effets les plus graves de la crise, et la tragédie du tiers-monde montre sur quel chemin économique ils  sont  engagés.

Depuis le début des années 80, et sous l'im­pulsion de Reagan qui donne le ton, la classe dominante ne cesse de proclamer par tous ses médias que la situation de l'économie mondiale s'assainit, que tout va bien, et que les sacrifices imposés sont nécessaires pour sortir définitivement de la crise. L'économie est devenue une star des médias. Un brouhaha permanent de chiffres divers annoncés pêle-mêle jusqu'à saturation, des émissions didac­tiques programmées régulièrement, des décla­rations contradictoires de "responsables" poli­tiques et économiques commentées à satiété, des reportages sur le bon exemple de l'en­treprise "modèle" et "performante à l'exporta­tion", etc., tout cela sert à masquer l'essen­tiel : la crise ne cesse de s'aggraver et la bourgeoisie est impuissante à la juguler. Le capitalisme, en .tant que système économique, est en train de faire faillite, et il entraîne l'humanité dans son effondrement. Les déclarations optimistes actuelles des diri­geants capitalistes sur la durée de la "reprise" de l'économie américaine, sur le déploiement de ses effets bénéfiques à l'Europe, sur les effets positifs de la chute du cours du dollar et du pétrole, tout cela n'est que pur men­songe.

LE MYTHE DE LA REPRISE

Avec une chute de la croissance aux USA à 3 %, après avoir atteint 6,8 % l'année précédente, 1983 marque la fin de la "reprise américaine". Mais sur le plan mondial, cette "reprise" n'a pu que compenser, essentiellement par la création d'un imposant déficit commercial, la chute des marchés du tiers-monde du­rement secoués par la baisse des matières premières. La courbe des échanges mondiaux est restée désespé­rément stagnante depuis le début des années, 80, montrant par là que l'économie mondiale n'est en fait pas sortie de la récession depuis la fin des années 70.


 

L'EUROPE ET LE JAPON SOUS LES COUPS DE LA CRISE

Même les USA qui sont la première puissance écono­mique mondiale n'ont plus les moyens, par les déficits budgétaires et commerciaux qu'ils ont accumulés, de soutenir l'activité de l'économie mondiale. La chute des cours du dollar de 35 % par rapport aux monnaies de ses principaux concurrents européens et japonais va redonner une compétitivité recouvrée aux produits américains qui s'étaient retrouvés pénalisés par le cours élevé du dollar, ce qui avait permis aux Euro­péens et aux Japonais de développer leurs exporta­tions. Cette situation signifie à terme une fermeture du marché américain aux exportations européennes et japonaises, fermeture accentuée par les mesures pro­tectionnistes.

De la même manière, la chute des cours du pétrole (principale matière première dans le commerce mon­dial) de moitié, en quelques mois, si dans un premier temps, conjuguée à la chute du dollar, elle permit aux pays industriels importateurs de réaliser de sub­stantielles économies, dans un second temps, cela si­gnifie une réduction du marché à l'exportation que constituent les pays producteurs, et notamment de l'OPEP et du COMECON dont c'est la principale ex­portation.

Cela signifie que 1/5ème des exportations euro­péennes et près de la moitié des exportations ja­ponaises vont être directement touchées par la réduction des marchés consécutive à la chute du dollar et du prix du pétrole.


 

Ce qui commence c'est un nouveau pas en avant dans la récession ; la chute inéluctable des exportations ne peut se traduire que par un ralentissement de la pro­duction et donc des fermetures d'usines, des faillites, des licenciements.

UNE CONCURRENCE EXACERBEE

Dans ces conditions, la concurrence va être acharnée pour préserver "sa" part de marché, et les pays les moins bien lotis vont subir de plein fouet les effets de la crise, et notamment en Europe. Parce qu'ils sont la puissance dominante, les Etats-Unis sont évi­demment les plus à même de défendre les intérêts de leur capital national face à leurs rivaux. En imposant la baisse du dollar, en recourant à des mesures pro­tectionnistes pour protéger leur marché intérieur, et en recourant à toute la panoplie de moyens à leur disposition pour placer leurs exportations (subventions, pressions économiques et militaires, etc.), les USA af­fichent leur ambition : rétablir leur balance commer­ciale, et cela ne peut se faire qu'aux dépens de leurs rivaux européens et  japonais.

La guerre commerciale bat d'ores et déjà son plein, et dans cet exercice difficile, c'est le Japon qui s'est particulièrement illustré ces dernières années tandis que l'Europe est restée en arrière. Dans la perspective d'une concurrence renforcée, c'est l'Europe qui est la plus fragile, c'est elle qui déjà a le moins profité des effets de la "reprise" de 1983, son indice de produc­tion est resté quasiment stagnant depuis la fin de 1979.


 

UNE ATTAOUE RENFORCEE CONTRE LA CLASSE OUVRIERE

La bourgeoisie, tout au moins dans ses cliques diri­geantes, n'est certainement pas dupe de ses bonnes paroles optimistes. Chaque fraction nationale de la classe dominante met en place de manière accélérée de nouveaux programmes d'austérité afin de faire baisser les coûts de la main-d'oeuvre pour rester con­currentiels face à une accélération prévisible du ré­trécissement des marchés d'exportation. C'est toujours au nom de la défense de la compétiti­vité de l'économie nationale que les sacrifices sont exigés de la part de la classe ouvrière. Comme la même chose se passe dans tous les pays, les mêmes sacrifices sont exigés et partout le pouvoir d'achat baisse, si bien que la baisse du niveau de vie de la classe ouvrière, loin d'être une solution à la crise, si­gnifie en fait une nouvelle réduction du marché. C'est la contradiction même que l'économie capitaliste ne peut surmonter. C'est la surproduction qui entraîne la récession.

Le chômage qui atteint déjà des proportions dramati­ques ne peut que croître encore plus, comme il n'a cessé de le faire depuis le début des années 80 en Europe. Le chiffre de 10,8 % de la population active au chômage dans la CEE en 1983 va être largement dépassé dans la période qui vient.


 

Développement du chômage, gel des salaires, augmen­tation des prélèvements sociaux, depuis quelques mois, les attaques s'accentuent en Europe contre la classe ouvrière, toujours justifiées au nom de la santé de l'économie mondiale. Les résultats ne seront pas dif­férents des programmes d'austérité précédents; ils seront pires pour la classe ouvrière et sans effet sur la crise qui continue de s'approfondir.

Jusqu'à présent, la classe dominante a su utiliser au mieux la stagnation économique pour essayer de ré­partir son attaque contre le prolétariat, et ainsi per­mettre la dispersion des luttes, empêcher leur unifi­cation. Une nouvelle chute des échanges mondiaux, et donc de la production, va réduire drastiquement la marge de manoeuvre de la bourgeoisie qui va être obligée d'attaquer frontalement la classe ouvrière. L'évolution même de la crise économique détermine les formes que prend l'attaque de la bourgeoisie et donc la dynamique de la lutte de classe.

L'évidence du fait que le capitalisme n'a plus rien à offrir va déchirer l'écran de la propagande capitaliste. Dans la période qui vient, partout dans le monde, le prolétariat va être durement attaqué, poussé à expri­mer ses réserves de combativité. Mais c'est en Europe, première et plus ancienne concentration prolétarienne de la planète, que la situation est particulièrement si­gnificative. De la capacité du prolétariat le plus an­cien et expérimenté du monde à tirer les leçons de la faillite économique du capital, à résister à l'attaque redoublée de la classe dominante, à traduire la perte de confiance dan? L’économie capitaliste en une prise de conscience de la nécessité ce détruire ce système économique et politique dépend l'avenir. La fin des années 80, marquée par l'accélération dramatique de la crise, sera décisive.

28/5/86.

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