Elections législatives : les ouvriers n'ont rien à attendre des urnes

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Et rebelote, pas de repos pour les braves électeurs. Les "citoyens français" sont à nouveau conviés à se rendre aux urnes, les 10 et 17 juin, afin d'élire cette fois ces dames et ces messieurs députés de l'Assemblée nationale.

Décidément, les enjeux électoraux auront été cette année au cœur de toutes les préoccupations, omniprésents à la télévision, à la radio et dans la presse. L'intérêt suscité par tout ce remue-ménage semble bien réel puisque les taux de participation aux présidentielles ont atteint des sommets. Voter, ce "geste citoyen", est aujourd'hui ressenti par la très grande majorité de la population comme un véritable devoir. Dans le climat actuel, celui qui ose avouer à ses collègues ou à son entourage qu'il ne vote pas, s'attire instantanément les foudres et la désapprobation générale.

S'inquiéter pour l'avenir, vouloir mettre un terme à la dégradation continuelle de nos conditions de vie est tout à fait légitime. Mieux, c'est une nécessité. Mais est-ce vraiment en se mobilisant ainsi massivement sur le terrain électoral que les ouvriers pourront faire face ensembles à toutes ces attaques ?

La démocratie, une grande machine à semer des illusions

Officiellement, le droit de vote est un bien précieux. Grâce à lui, chaque citoyen a entre ses mains le pouvoir de choisir la politique à mener dans sa commune, son département, sa région, sa nation. C'est le fondement de la démocratie. Mais ce "pouvoir" n'est-il pas qu'une farce ?

A chaque élection, des projets différents pour l'avenir de la société sont censés s'affronter. Ainsi, pour ces législatives toutes proches, le Parti socialiste martèle qu'il faut absolument éviter la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d'un seul homme, Sarkozy. En donnant du poids à la gauche dans l'hémicycle de l'Assemblée, le PS pourrait, soi-disant, s'opposer à la politique d'austérité de la droite et se battre en faveur de mesures sociales. Du vent ! La politique menée par les socialistes depuis des décennies et ressentie dans sa chair par la classe ouvrière, ne diffère en rien de celle de la droite. D'ailleurs, toutes les attaques à venir du gouvernement Fillon faisaient aussi parti du "plan d'action" de Ségolène Royal : réforme des retraites et des régimes spéciaux, démantèlement progressif des couvertures de santé, augmentation des charges de travail... Et il ne pouvait en être autrement. Toutes ces mesures sont nécessaires pour la compétitivité de l'économie nationale et, donc, toute fraction au pouvoir a pour mission de les mettre en place.

La propagande électorale est justement là pour cacher cette vérité toute crue en faisant croire à l'éventualité d'une alternative: "oui, une autre politique est possible... à la condition de bien voter". Mensonges et poudre aux yeux! Que signifie ce nouveau gouvernement, cette "équipe de France" teintée du rose des transfuges socialistes tels Kouchner ou Besson, si ce n'est que tous ces gens là appartiennent bel et bien à la même famille... la bourgeoisie. Les différences qui séparent les partis bourgeois ne sont rien en comparaison de ce qu'ils ont en commun : la défense du capital national. Pour ce faire, ils sont capables de travailler très étroitement ensemble, surtout derrière les portes fermées des commissions parlementaires et aux plus hauts échelons de l'appareil d'Etat. Ce n'est qu'un petit bout des débats de la bourgeoisie qui se montre au parlement. Et les membres du parlement sont en fait devenus des fonctionnaires d'Etat qui de temps à autres gesticulent dans l'hémicycle devant les caméras de France 3 pour feindre l'indignation face à telle ou telle mesure, tel ou tel mot "déplacé" d'un autre député... tout ceci afin d'épater la galerie et faire croire à l'intensité de la vie démocratique.

Les élections n'offrent donc en vérité aucune véritable alternative, aucune issue de secours. La possibilité de faire entendre sa voix par les urnes n'est qu'une illusion savamment entretenue.

Isolé, l'ouvrier est impuissant

Si la classe ouvrière n'a rien à gagner sur le terrain électoral, la bourgeoisie, quant à elle, remporte la mise à tous les coups. En transformant les ouvriers en citoyen-électeur, elle les dilue dans la masse de la population, les isole les uns des autres. Seuls et donc impuissants, elle peut ainsi leur bourrer le crâne à sa guise.

"Tous les hommes naissent libres et égaux en droit" comme cela est gravé dans le marbre de la déclaration universelle des droits de l'homme. Pour ce faire, chaque citoyen a un droit inaliénable, celui de voter. Cette idéologie peut se résumer en une simple équation : un individu = un vote. Mais le problème, c'est justement que cette belle déclaration de principe n'est que virtuelle. Dans le monde réel, les hommes sont tout sauf égaux. Dans le monde réel, la société est divisée en classes. Au dessus et dominante, tenant les rênes, il y a la bourgeoisie; en dessous, il y a toutes les autres couches de la société et en particulier la classe ouvrière. Dans la pratique, cela signifie qu'une minorité détient l'Etat, les capitaux, les médias... La bourgeoisie peut ainsi imposer au quotidien ses idées, sa propagande.

Ce rouleau compresseur médiatique passe et repasse sur le corps électoral depuis plus d'un an. Pas une seule minute la propagande n'a cessé. Les magazines, les journaux, les émissions spéciales se sont succédées à un rythme infernal afin que jamais, oh grand jamais, les ouvriers puissent réfléchir un instant par eux-mêmes. Ce bourrage de crâne n'est pas nouveau, le premier congrès de l'Internationale communiste affirmait déjà en 1919: "[la liberté de la presse] est un mensonge, tant que les meilleurs imprimeries et les plus gros stocks de papier sont accaparés par les capitalistes [...]. Les capitalistes appèlent liberté de la presse la faculté pour les riches de corrompre la presse, la faculté d'utiliser leurs richesses pour fabriquer et pour soutenir la soi-disant opinion publique" 1.

En votant, l'ouvrier devient passif et spectateur

Revenons à notre pauvre bougre qui dans un élan inconscient de témérité osa "avouer" à ses collègues son peu de foi dans le cirque électoral, recevant immédiatement en récompense d'autant de sincérité une volée de bois vert. Le dialogue à couteaux tirés est facile à imaginer. Lui, la goutte au front, bégayant que ça fait des années que nous nous faisons avoir, qu'ils sont tous pareils ces politiciens, que lui refuse de choisir entre la peste et le choléra. Tous les autres coupant court à la discussion puisque ne pas voter c'est... faire le lit du Front national !

En s'appuyant sur la peur du fascisme, telle une ombre planant de façon lointaine au dessus des têtes, la bourgeoisie insiste inlassablement sur la fragilité de la démocratie, sur la nécessité pour tous de la défendre et de la faire vivre. Elle est ainsi parvenue à annihiler d'avance toute discussion potentiellement honnête et constructive sur la question électorale. Le ressort de l'argumentaire est simple: même si la démocratie n'est pas parfaite, elle permet à chacun de se faire entendre. Il est donc interdit de gâcher cette chance.

Mais à y regarder de plus près, là encore, la réalité est toute autre. La démocratie bourgeoise sert de masque à la dictature qu'exerce le capital. Voter donne l'illusion d'agir. L'électeur est acteur juste pendant 3 secondes, le temps de glisser le bulletin dans l'urne, et encore un acteur contraint de jouer un script écrit par un autre. Une fois "le responsable politique" élu, l'électeur n'est plus qu'un spectateur.

La classe ouvrière se doit de développer une façon de vivre, d'agir et de décider collectivement radicalement différente. Dans la démocratie bourgeoise, une fois tous les cinq ans, la société fait semblant d'avoir un grand débat collectif où tout le monde est impliqué. Dans la lutte, au contraire, cette implication de tous est réelle. Dans les assemblées générales authentiquement prolétariennes, la parole est partagée, les débats y sont ouverts et fraternels et, surtout, les délégués sont révocables. Cette révocabilité est importante, elle signifie que le pouvoir reste entre les mains des masses. Si le délégué ne défend plus l'intérêt général, eh bien on en change. La lutte en Pologne en 1980 est un exemple frappant de cette vie ouvrière en action, de cette volonté d'agir réellement collectivement. Quand le comité de grève se réunissait, constitué des délégués élus, la foule écoutait dehors, grâce à des micros et des hauts-parleurs, l'avancée des discussions et manifestait par des cris son approbation ou son mécontentement ! Il n'était pas question de laisser une poignée décider pour tout le monde 2.

C'est donc un gouffre qui sépare la démocratie bourgeoise de la vie politique prolétarienne. D'un côté, les manœuvres, les manipulations, le pouvoir au main d'une minorité dominante. De l'autre, la solidarité, le débat ouvert et fraternel, le pouvoir entre les mains des masses ! Depuis des décennies, les élections se suivent et se ressemblent. Le temps de la campagne, les candidats rivalisent de promesses, jurant la main sur le cœur qu'avec eux, l'avenir sera meilleur. Une fois élus, de gauche ou de droite, toutes leurs belles paroles s'envolent pour retomber sous la forme d'attaques brutales. Toujours la même politique anti-ouvrière, toujours la même austérité. Ces "désillusions", la classe ouvrière en a soupé jusqu'à la nausée.

Le terrain électoral est LE terrain de la bourgeoisie. Sur ce champ de bataille, toutes les armes sont entre les mains de la classe dominante. Elle en sort chaque fois victorieuse et le prolétariat chaque fois vaincu. Par contre, dans la rue, dans les usines, en assemblée générale, les ouvriers peuvent s'unir, s'organiser et se battre collectivement. La solidarité de la classe ouvrière est une des clés de l'avenir contrairement à ces petits bouts de papiers nommés bulletins de vote !

Pawel

 

1 Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne présentées par Lénine le 4 mars 1919.

2 Lire notre brochure "Sur la Pologne" (non disponible en ligne à ce jour) .


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