Trente années d'aggravation de la crise économique

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Depuis la fin de la période de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, le monde capitaliste a continué à sombrer, lentement mais inexorablement, dans la crise économique.

Alors que cette crise est de nouveau sur le point de connaître une accélération brutale, nos gouvernants essaient d’embarquer la classe ouvrière vers les explications boiteuses du genre "c’est la faute aux excès de l’économie libérale", pour donner aux ouvriers un semblant de sens à la détérioration de leurs conditions de vie depuis la réapparition de la crise économique à la fin des années 1960 et spécialement depuis le début des années 2000.

La classe ouvrière, qui paie un lourd tribut à la banqueroute du capitalisme, sans parler des attaques massives contre les retraites et du démantèlement des services de santé doit aussi essuyer cet autre discours cynique de la bourgeoisie qui essaie, comme toujours, de la convaincre que tous ces sacrifices ne sont que le fruit de difficultés passagères, "tout ira mieux demain", que ses conditions de vie s’amélioreront et que le chômage diminuera. Les mensonges n’ont encore cette fois qu’un seul but : faire en sorte que la classe ouvrière accepte et paie par une misère et une exploitation accrues la plongée catastrophique du capitalisme dans sa propre crise économique.

En dépit de ce que nous raconte la bourgeoisie, l’évolution de l’économie est celle d’un déclin, lent mais inéluctable.

Le capitalisme a tiré un maximum de leçons à la suite de l’effondrement économique qui a frappé le monde à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Depuis lors, et surtout après la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme s’est organisé de façon à prévenir un effondrement soudain de son économie. Nous voyons ainsi un renforcement du rôle de l’Etat dans toutes les économies nationales. Par-dessus le marché, la bourgeoisie s’est adjointe des organismes internationaux tel le FMI qui ont la tâche de limiter tout à-coup violent dans l’économie. Ainsi, le capitalisme d’Etat peut certainement ralentir sa crise mais il ne peut empêcher son développement inexorable.

 C’est pourquoi, depuis les années 1960, les reprises économiques ont été de plus en plus limitées et les récessions, celles de 1967, 1970-71, 1974-75, 1991-93 et 2001-2002, de plus en plus profondes.

 Le monde capitaliste s’enfonce dans la crise. L’Afrique, l’Amérique Centrale, l’ancien bloc russe et la plus grande partie de l’Asie, chacun avec ses particularités, ont sombré dans un chaos économique grandissant. Depuis des années, les effets de la crise ont atteint directement les Etats-Unis, l’Europe et le Japon. Aux Etats-Unis, le taux de croissance par décennie entre 1950-1960 et 1990-1999 est passé de 4,11 à 3 % et pendant la même période, de 4,72 à 1,74 % en Europe (source : OCDE). Après la période de reconstruction qui a suivi le  deuxième conflit mondial, l’économie a progressivement pris le chemin de la récession. Si cette période a été entrecoupée de périodes de reprise (de plus en plus courtes), ce n’est que parce que la bourgeoisie mondiale s’est endettée et s’est autorisée des déficits budgétaires sans cesse croissants. La principale puissance de la planète, les Etats-Unis, en donne l’exemple le plus criant. De surplus budgétaires de 2 % en 1950, elle en est aujourd’hui à un déficit budgétaire qui approche les 4%. Ainsi, la dette totale des Etats-Unis, qui s’est lentement accrue depuis les années 1950 jusqu’au début des années 1980, a connu une réelle explosion en une vingtaine d’années. Elle a doublé de quinze mille milliards à plus de trente mille milliards de dollars. Les Etats-Unis, qui étaient le principal financier de la planète, sont devenus le pays le plus endetté du monde. Cependant, il serait complètement faux de penser que c’est une situation spécifique de la principale puissance mondiale : cette tendance s’inscrit dans l’évolution globale de l’économie capitaliste. A la fin des années 1990, la dette de l’Afrique atteignait plus de 200 milliards de dollars, celle du Moyen-Orient aussi ; la dette de l’Europe de l’Est dépasse les 400 milliards de dollars ; celle de l’Asie et de la région Pacifique (y compris la Chine), plus de 600 milliards ; et c’est la même chose pour l’Amérique Latine (source : Etat du Monde, 1998).

Si on considère la production industrielle, la réalité du ralentissement de l’économie mondiale depuis la fin de la période de reconstruction est encore plus évidente. De 1938 à 1973, soit en 35 ans, la production des pays développés s’est accrue de 288 %. Pendant les vingt années qui ont suivi, cette croissance n’a été que de 30 % (source : OCDE).

Le ralentissement de la production industrielle mondiale est donc bien visible. Et c’est la classe ouvrière qui paie inévitablement le prix de cette réalité. On peut voir une évolution tout à fait frappante du chômage quand on considère les cinq pays les plus développés économiquement. Le chômage est passé d’une moyenne de 3,2 % en 1948-1952 à 4,9 % en 1979-1981, pour arriver finalement à 7,4 % en 1995 (source : OCDE). Ces chiffres sont ceux de la bourgeoisie et tendent consciemment à minimiser la réalité aux yeux de la classe ouvrière. Depuis 1995, le chômage n’a fait que continuer à se développer dans l’ensemble du monde.

Pour ralentir sa descente dans la crise, il n’a pas suffi que la bourgeoisie se dote de nouvelles institutions au niveau international, ou accumule une dette qui dépasse l’entendement pour maintenir artificiellement un peu de vie sur un marché mondial saturé. Il lui a aussi fallu essayer de freiner la chute progressive du taux de profit. Les capitalistes n’investissent que pour dégager un profit du capital investi. C’est ce qui détermine son fameux taux de profit. De 1960 à 1980, celui-ci a chuté de 20 à 14 % en Europe, pour s’élever comme par magie à 20 % aux Etats-Unis et à plus de 22 % en Europe à la fin des années 1990. Deux facteurs peuvent expliquer cette augmentation : l’élévation de la productivité sur les lieux de production ou l’austérité accrue imposée aux ouvriers. En fait, l’augmentation de la productivité du travail a été divisée par deux pendant cette période. C’est donc bien en attaquant les conditions de vie de la classe ouvrière que la bourgeoisie a été capable d’améliorer, momentanément, son taux de profit. L’évolution des salaires en pourcentage du PIB (Produit Intérieur Brut) en Europe illustre parfaitement cette réalité. Dans les années 1970-80, ce pourcentage s’élevait à plus de 76 % pour chuter à moins de 66 %. C’est bel et bien l’aggravation de l’exploitation et le développement de la misère ouvrière qui est la cause de cette amélioration temporaire du taux de profit dans les années 1990.

T.

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