Soumis par Révolution Inte... le
Au moment où le gouvernement impose brutalement et sans fards à la classe ouvrière les attaques les plus massives et frontales possibles, touchant tous les secteurs et tous les aspects de ses conditions de vie et de travail, les syndicats apparaissent étrangement en retrait, singulièrement mous et divisés sur le terrain social, en complet décalage par rapport à l'ampleur et à la multiplication des attaques actuelles.
Les syndicats entraînent les ouvriers sur le terrain du pacifisme...
Mais en même temps, tout-un-chacun peut constater que les syndicats appellent unitairement à la mobilisation la plus large possible, contre ... "la guerre de Bush". Ils se sont placés aux avants-postes sur le terrain du pacifisme et derrière cette "union nationale" que Chirac et Raffarin réclament ardemment dans tous leurs discours. Ainsi, des syndicats comme SUD et la CGT se mettent en campagne dans les entreprises, tracts et pétitions à l'appui, pour appeler à réagir vigoureusement contre la guerre, appels directement en soutien du gouvernement français. Pourquoi une telle attitude face à la situation ?
Il est clair que toute la bourgeoisie profite de l'actuelle préoccupation légitime de la classe ouvrière, de son inquiétude sur la question de la guerre et de sa polarisation sur les événements internationaux pour faire passer une série d'attaques antiouvrières. Déjà, le gouvernement se prépare à utiliser le prétexte que la conjoncture internationale guerrière est une grande épreuve pour l'économie nationale et qu'elle va le contraindre à renforcer ses plans d'austérité, et à réduire les budgets sociaux. S'il est vrai que la guerre constitue un puissant facteur d'accélération de la crise économique, ce que veut cacher la bourgeoisie, c'est que la récession était déjà une réalité concrète bien avant la perspective de déclenchement d'une guerre en Irak. Ce n'est pas la première fois que la bourgeoisie utilise ce genre de stratagème pour masquer la crise de son système et cela lui permet d'avoir les mains encore plus libres pour cogner encore plus fort sur les ouvriers. Dans ce contexte, la tentative par les syndicats d'entraîner un maximum d'ouvriers sur le terrain interclassiste du pacifisme et surtout dans "une union sacrée" derrière toute la bourgeoise nationale prend tout son sens. Elle participe d'une opération idéologique concertée pour anesthésier leur conscience de classe.
... sabotent les réactions ouvrières ...
Mais cette manœuvre ne s'arrête pas là. Elle est
parallèlement accompagnée d'une activité plus classique
mais aussi pernicieuse de sabotage sur le terrain social. Les syndicats
poursuivent et intensifient leur sale travail habituel en organisant
et en assurant l'éparpillement, la dispersion et la division
de la riposte ouvrière aux attaques qui s'abattent tous azimuts.
Quelques exemples suffisent pour montrer comment syndicats et gouvernement,
main dans la main, agissent pour faire passer de nouvelles mesures.
Pour les fonctionnaires qui sont particulièrement en ligne de
mire avec simultanément l'attaque sur les retraites, les suppressions
de poste, le gel des salaires, le projet de modernisation et de "décentralisation"
de la fonction publique qui va se traduire par une "mobilité"
et une "flexibilité" nouvelle, ils mettent à
part des autres attaques, la plus explosive d'entre elles, celle sur
les retraites (qui va faire progressivement passer, entre 2004 et 2007,
la durée de cotisations et de travail de 37 annuités et
demi à 40 pour tous les agents de la fonction publique). De plus
chaque secteur a eu sa propre journée d'action. Par exemple,
le ministère des finances le 10 mars, l'Education nationale le
18 (la quatrième en deux mois), en mettant en avant et en martelant
en chaque occasion la "défense du service public".
La défense et l'amélioration du service public, une administration
moins bureaucratique et plus efficace au service des usagers servent
à nouveau d'emballage-cadeau au chantage à la mise en
place d'une nouvelle attaque, chantage exercé en retour par le
ministre de tutelle Delevoye contre tous les fonctionnaires : "augmentation
de salaires, pourquoi pas ? Mais à une condition préalable,
le salaire au mérite, en fonction de votre productivité,
de votre "flexibilité", de votre zèle à
contribuer aux économies de l'Etat, de votre docilité
à accepter des sacrifices, et donc la réduction du nombre
de fonctionnaires".
Et, pour accentuer le déboussolement, la démobilisation
et le sentiment d'impuissance, les syndicats se présentent en
désaccord et divisés sur la question des retraites pour
la journée de mobilisation prévue le 3 avril prochain.
Dans le privé, au milieu d'une pluie de plans de licenciements,
les syndicats enferment de plus belle les ouvriers dans le cadre de
l'usine ou de l'entreprise (Métaleurop, Danone, Grimaud, Daewoo,
Alstom, Aubert et Duval, ...) en encourageant des actions isolées,
focalisées sur tel ou tel patron particulier, tel ou tel problème
spécifique à "la boîte". On a vu resurgir,
comme dans les années 1970, des actions-commandos téléguidées
par la CGT : pour pousser les ouvriers d'une entreprise de textile,
dans la voie du nationalisme le plus exacerbé, à s'en
prendre aux camions transportant des vêtements faits "à
l'étranger" ; pour encourager ceux de Metaleurop à
aller casser les vitrines du siège social de la société
"étrangère" Glencore. Pendant ce temps-là,
on fait croire que ceux d'Air-Lib, licenciés "légalement
et à la française" seront repris par Air France ou
par… la RATP.
Dans ces manoeuvres d'émiettement, l'objectif poursuivi par les
syndicats n'est pas seulement d'étouffer, de défouler,
d'isoler ou de canaliser la combativité des ouvriers, mais elle
est aussi de minimiser et de masquer l'ampleur des attaques, d'empêcher
les ouvriers de prendre conscience que ces attaques concernent et touchent
de la même façon et partout tous les prolétaires.
... et donnent les mains libres au gouvernement pour ses attaques
Quand les officines syndicales laissent entendre que le meilleur moyen
de lutter contre la régression sociale, ce serait de lutter d'abord
en priorité contre la guerre, aux cotés des pacifistes
qui organisent des rassemblements massifs un peu partout dans le monde,
ils participent au premier plan à une offensive idéologique
entreprise par toute la bourgeoisie pour dénaturer dans la conscience
des ouvriers le lien entre les attaques économiques qu'ils subissent
de toutes parts et la guerre en les poussant à agir à
l'exact opposé de leurs intérêts de classe.
Ils les empêchent de comprendre que le seul moyen de refuser la
guerre pour le prolétariat, c'est de se battre et de développer
ses luttes de la façon la plus unitaire possible sur son terrain
de classe. C'est tout le contraire que de participer au grand carnaval
des pacifistes qui revient à la défense des intérêts
impérialistes du capital national, à apporter son soutien
à un camp contre un autre sur le terrain des rivalités
et des dissensions impérialistes de la bourgeoisie. C'est la
faillite même du système capitaliste dans son ensemble,
entraîné dans une crise irréversible, que les syndicats
comme l'ensemble de la bourgeoisie s'attachent à masquer aux
yeux des ouvriers en les empêchant de prendre conscience que c'est
le même ennemi de classe qui, d'un côté, livre au
massacre et à la barbarie des populations entières et,
de l'autre, les condamne à une exploitation de plus en plus féroce,
à une misère toujours plus grande.
Les actuelles manœuvres de la bourgeoisie, Etat et syndicats en
tête, pour minimiser les attaques en cherchant à entraîner
les ouvriers derrière le char bourgeois du pacifisme constituent
une attaque importante contre le développement de la conscience
ouvrière. C'est la fonction essentielle de ces défenseurs
du capitalisme que sont les syndicats d'y faire barrage. Leurs manœuvres
visent toujours le même objectif : empêcher la mobilisation
massive contre les attaques économiques qui, seule, peut permettre
aux ouvriers de s'opposer en tant que classe au système et à
terme de le renverser, en mettant fin à la guerre comme à
l'exploitation capitaliste