Un texte d'anarchistes madrilènes sur le mouvement des Indignés

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Le texte que nous publions ci-dessous a été rédigé par un groupe d'anarchistes madrilènes autour du 27 mai. Il nous a été envoyé sur notre site en espagnol1 par un de nos lecteurs. Nous l’avons publié et nous le traduisons ici parce qu'au-delà des divergences que nous pouvons avoir parfois, il donne une description vivante et juste de ce qui s'est passé dernièrement sur la Puerta del Sol de Madrid. Par ailleurs, il pose le problème de l’intervention des révolutionnaires dans ce genre de mouvement.

CCI (15 juin)

 Les anarchistes et le mouvement du 15 mai : réflexions et propositions

 Ce texte a été écrit à Madrid, il se peut donc que pas mal de descriptions et de réflexions ne soient pas celles d’autres endroits, à cause ne serait-ce que de l’hétérogénéité du mouvement du 15-M2. Cependant, nous pensons qu’il peut être utile en tant que point de départ pour la réflexion de tous les compagnons3 qui sont impliqués dans les assemblées, quel que soit le lieu. Ce texte a été rédigé et corrigé un peu dans la précipitation pour qu’il soit disponible avant l’appel aux assemblées de quartier ou de villes de banlieue du 28 mai. Tenez-en compte au moment de lire ce qui suit et excusez-nous pour toutes sortes d’erreurs que ce texte pourrait contenir.

Quelques anarchistes madrilènes.

 0. Quelques mots pour commencer...

 Mettons les choses au clair. Nous, qui signons ce texte, sommes des anarchistes, des communistes antiautoritaires, anticapitalistes ou bien une autre étiquette à votre goût. Autrement dit, nous sommes pour l’abolition du travail salarié et du capital, pour la destruction de l’Etat et son remplacement par de nouvelles formes horizontales et fraternelles de vie collective. Nous pensons que les moyens pour y arriver doivent être le plus en cohérence possible avec les objectifs recherchés et, par conséquent, nous sommes contre la participation aux institutions, contre les partis politiques (parlementaires ou pas) et les organisations hiérarchiques, nous misons sur une politique basée sur l’assembléisme4, la solidarité, l’entraide, l’action directe, etc., parce que nous sommes convaincus que ces moyens sont les plus efficaces pour atteindre la révolution. Si nous déclarons tout cela d'emblée, c’est pour éliminer toute défiance et bien marquer le cadre dans lequel cette contribution a été faite. Cependant, le fait que nous soyons favorables à une révolution sociale qui détruise le capitalisme, l’Etat et qui implique l’abolition des classes sociales (et de tant d’autres choses), ne signifie pas du tout que nous croyons que cela puisse se réaliser à court terme, du jour au lendemain. Ce que nous mettons ici en avant ce sont des objectifs, c'est-à-dire des situations que nous pourrons atteindre, avec de la chance, après un long parcours et un développement considérable du mouvement révolutionnaire. Croire le contraire ce n’est pas de l’utopie, c’est tout simplement un exercice de délire et de rêverie immédiatiste. Quand on met en avant un projet révolutionnaire, il faut qu’il se concrétise dans une stratégie à court terme, dans une série de propositions pour intervenir dans la réalité, des propositions qui nous rapprochent de situations dans lesquelles des questions comme l’abolition du travail salarié, l’instauration du communisme libertaire, la révolution sociale... peuvent être à l’ordre du jour, des questions qui aujourd’hui ne le sont pas du tout, évidemment. Cette intervention ne peut pas se limiter à répéter en rabâchant jusqu’à plus soif l’impérieuse nécessité d’une révolution, de l’abolition de l’État et du capital. Être anarchiste ne veut pas dire être un casse-pied qui poursuit les autres en répétant encore et encore que l’État est très méchant et que l’anarchie est très bonne. Et pourtant, à la suite du mouvement du 15-M, dans ces derniers jours, nous avons pu lire sur Internet des textes et des commentaires proches du délire et, pire encore, nous avons entendu des compagnons et des amis qui glissent vers « l’anarcho-casse-pieds », qui, avec les meilleures intentions du monde, s’accrochent au maximalisme des mots d’ordre grandioses, des propositions à long terme, etc. Nous savons tous très bien de quoi il s’agit, nous nous sommes tous trouvés dans des situations semblables et, ce qui est pire encore, nous avons contribué souvent à les répandre. Il faut dire clairement que ce texte est autant une critique qu’une autocritique et qu’il doit avant tout nous servir à ne pas tomber nous mêmes dans ces pièges-là. Enfin, il faut tenir compte du fait que ce texte a été écrit à la va-vite, au rythme que les événements nous imposent, avec le but qu’il sorte avant le 28 [mai], jour où des assemblées populaires ont été convoquées dans différents quartiers et dans la banlieue de Madrid : ne vous étonnez donc pas si sur certains points, on peut remarquer un peu de précipitation et d’urgence. Nous sommes limités : c’est ainsi.

Ce texte prétend être une réflexion et une proposition pour sortir de l’impasse dans lequel nous nous trouvons depuis longtemps, pour nous défaire des lourdeurs que beaucoup d’entre nous traînons et qui nous immobilisent. C’est, au fond, une réflexion pour essayer de nous clarifier, pour savoir qu’est-ce que nous pouvons apporter et comment nous pouvons participer dans tout ce qui arrive autour de nous.

 1. Le Mouvement du 15 mai :les coordonnées de base

Et ce qui arrive autour de nous, c’est bien évidemment le mouvement appelé 15-M qui, la dernière semaine, a fait irruption dans la vie politique nationale comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Que cela nous plaise ou non, qu’on le veuille ou non, le mouvement du 15-M a brisé toutes les perspectives et a surpris tout le monde : la police, les politiciens, les journalistes, ceux qui ont fait l’appel [aux manifs], les gens en général, les citoyennistes5, les gauchistes et, bien entendu, les anarchistes. Dans un premier temps, tout le monde était hors jeu, et à partir de là, il y a eu toute une série de tentatives plus ou moins heureuses de prendre position face ou à l’intérieur du 15-M. On ne va pas se mettre à en analyser les causes ou passer en revue les différentes théories « conspiranoïaques » ou les intoxications idéologiques diverses surgies de cet événement ; ce n’est pas important pour ce que nous voulons dire. Nous voudrions mettre en avant comment nous comprenons les coordonnées de base de ce qu’on appelle le mouvement du 15-M ou, du moins les plus importantes, pour pouvoir ainsi voir si une participation anarchiste ou anticapitaliste est possible en son sein et, si oui, quel type de participation. Ce sera, logiquement, une description fragmentaire, partielle et incomplète. Ce n’est pas le plus important, les choses vont trop vite.

La première chose à affirmer c’est que le mouvement du 15-M est un mouvement social authentique et, comme tel, il est énormément hétérogène et contradictoire. Il y a de tout et ce tout est déversé à des doses très diverses. Il ne s’agit pas de donner des caractéristiques définitives et absolues, mais plutôt de distinguer des tendances, des nuances, etc. Des expressions d’un mouvement en construction au sein duquel il y a des luttes, des tensions, un changement continu.

Cela dit, par sa composition sociale et par les mots d’ordre qu’on entend le plus souvent dans les assemblées et les groupes de travail, ainsi que par les idées des gens qui en font continuellement la propagande sur Internet (Twitter) on pourrait dire qu’il s’agit, surtout, d’un mouvement d’idéologie « citoyenne» et ouvertement démocrate. Dit autrement, c’est bien ce genre d’idées de réformisme politique et social (reforme électorale, démocratie réelle, plus de participation, critique des partis politiques majoritaires, mais pas du système représentatif et des partis en général...) qui, en général, agglutinent autour d’elles le plus de monde et des mains levées.

Cependant, ce contenu s’exprime avec des formes assembléistes, qui rejettent toute représentation classique (comme, par exemple, le rejet de devenir un autre parti politique de plus) et qui rejettent toute idéologie, tout symbole ou forme politique déjà cuisinée (des partis aux drapeaux républicains, en passant par les A encerclés). Il y a un mot d’ordre qui circule sur Twitter : « Ce n’est pas une question de gauche ou de droite, mais de haut et de bas ». Et, pour le moment, ce mouvement mise majoritairement sur l’auto-organisation, sur l’action directe (non violente) et sur la désobéissance civile, même si on n’y utilise pas ces mots magiques. La non-violence est, de fait, une autre des coordonnées fondamentales du 15-M, quelque chose qui est, sans doute, assumé collectivement sans discussion. Nous y reviendrons plus loin.

Tout cela n’empêche pas qu’en son sein il y ait clairement une « lutte pour le pouvoir » entre différentes « fractions », organisées ou non. Il y a des membres et des militants des partis politiques de gauche, des membres des mouvements sociaux, des libertaires, des gens « normaux » et des « indignés » qui se pointent avec leur propre vision du monde, etc. Tous s’y battent à tous les niveaux, depuis l’orientation idéologique ou pratique du mouvement, jusqu’au contrôle (et, très souvent, la manipulation) des assemblées, des commissions, etc.

Au sein de beaucoup des commissions ou des regroupements, on voit de tout : des disparitions fortuites de comptes rendus, des personnalismes, des gens qui s’accrochent au rôle de porte-parole, des délégués qui taisent des choses lors des assemblées générales, des commissions qui ignorent les accords adoptés, des petits groupes qui font leurs petites affaires dans leur coin, etc. Beaucoup de ces choses sont sans doute le fruit de l’inexpérience et des égos, d’autres paraissent sorties directement des vieux manuels de manipulation des assemblées. Autour de cette lutte, il y a aussi tous les gens qui passent par là. Des personnes qui s’approchent pour y participer, écouter, être écoutées, apporter de la nourriture ou du matériel divers ou même, tout simplement, se faire quelques photos comme des touristes dans leur propre ville. Sous les tentes de la Puerta del Sol, on a la sensation d’être dans un grand bazar où rien ne se vend ni ne s’achète.

Par ailleurs, l’un des grands problèmes des campements, c’est la difficulté pour y participer pleinement : il n’y a pas beaucoup de monde qui puisse aller au centre ville tous les jours, qui puisse y rester pour dormir, qui puisse participer fréquemment aux commissions, etc. Ceci peut favoriser l’apparition de leaderships informels, des chapelles, des trucs bizarres, d’étranges tournures que les gens, qui ne sont pas bêtes, vont remarquer, vont commenter en agissant en conséquence. En fait, une conséquence possible due aux gens qui commencent à prendre un rôle prépondérant dans le campement (et aussi qui sont les plus habitués à y aller et à proposer des activités) est la ghettoïsation progressive que le campement a subi ce week-end-end. Ce week-end-end, comparé avec l’ambiance de retrouvailles et de contestation des jours les plus intenses (surtout vendredi dernier, à cause de la situation d’attente liée à l’interdiction des rassemblements de la part de la Commission électorale centrale), il y avait beaucoup moins d’élan et on a commencé à remarquer une ambiance plus ludique et moins protestataire, malgré les commissions, les sous-commissions et les groupes de travail qui continuaient à fonctionner. À certains moments, on dirait que « l’acampada de Sol » reproduit le pire et le plus banal des gens ghettoïsés : des ateliers, des concerts, des batucadas6, des repas, des spectacles de clowns, etc. au détriment des ce qui était marquant au début : la protestation, la politique, « l’indignation » (aussi pro-démocrate et limitée qu’elle fût). Sur Twitter, dont il ne faut pas oublier le rôle dans la montée du mouvement du 15-M et du campement de la Puerta del Sol, est en train de se faire jour ce mécontentement des gens qui critiquent cette dérive. Un exemple clair de ce mécontentement a eu lieu ce week-end : ça a été la discussion autour de « botellón sí-botellón no »7 : samedi une des assemblées a dû partir de Sol à cause de la quantité des gens à coté complètement pétés et, dimanche on a dû remettre quelque assemblée parce qu’on n'entendait rien à cause du bruit des batucadas. Il faut dire que, aussi bien les batucadas que le botellón ont eu pas mal de succès.

Il est évident que le mouvement du 15-M n’est pas une révolution, même le plus naïf des militants s’en rend compte, et ce n’est pas la peine de le critiquer en se basant sur le hashtag #spanishrevolution avec lequel il s’est étendu au début : c’était un mélange de marketing, de trucs marrants et de rêve. Pas plus.

La dernière chose que nous voudrions faire remarquer, c’est que, pour nous, le plus important peut-être de tout ce qu’on a vu, en plus du caractère assembléiste et horizontal (avec tous ses défauts, et ils sont nombreux), a été le changement brutal d’attitude qu’on a pu observer dans les parages de Sol pendant toute cette semaine. Récapitulons. À la suite de la manifestation massive initiale du 15 mai et, surtout, après l’expulsion des premiers campeurs, le gens ont pris possession soir après soir de la Puerta del Sol, d’une manière qu’aucun d’entre nous n’avait jamais vu. Les mobilisations contre la guerre, même si certaines furent plus massives, n’eurent ni de près ni de loin la continuité, la participation, l’attitude et l’ambiance que nous avons pu voir cette semaine à Sol. C’est comme si, soudainement, la passivité et le chacun pour soi s’étaient brisés autour de la Puerta del Sol de Madrid. Distribuer des tracts à Sol et dans les rues adjacentes est une joie, les gens s’approchent pour t’en demander, les prennent avec le sourire, te questionnent, te remercient... Les premiers jours, il suffisait d’un petit cercle pour parler de quelque chose et les gens tendaient l’oreille pour ensuite écouter et intervenir. C’était quelque chose qui est devenu normal de voir des gens les plus divers discutant en petits groupes. Les groupes de travail et les assemblées générales sont des événements massifs, rassemblant 500, 600 ou 2000 personnes (assises, debout, se resserrant pour mieux entendre), etc. Au-delà de ça, il y avait l’impression permanente de vivre une bonne chose, dans la meilleure ambiance, « quelque chose d'exceptionnel ». Tout cela a atteint son point culminant lors de la journée dite de réflexion. Entendre quelque 20 000 personnes crier ‘Nous sommes des hors-la-loi’8 en jouissant du fait de passer par-dessus la loi, franchement, ça impressionne. Il est bien vrai que cette ambiance intense, de participation et de politique véritable a commencé à décroître à partir de cette nuit-là. En partie à cause de la montée de tension elle-même de vendredi soir, en partie à travers la décision de « ne pas faire de politique » pendant tout le samedi et dimanche, ayant ainsi ce week-end un ton plus festif, plus « cirque » que les jours précédents. Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas de souvenir de quelque chose de semblable auparavant, voilà la vérité.

 2. Ce qui n’est pas en jeu. Une vision stratégique

 Cela dit, qu’est-ce que nous, anarchistes, avions-nous à faire là-dedans ? Pour n’importe quel libertaire avec deux sous de jugeote, la grande majorité heureusement, il est évident qu’il fallait être là, il n’y a pas matière à discuter là-dessus. Ce qui n’est pas clair pour nous, c’est ce qu’on peut y faire, ce qu’on peut y apporter et espérer du mouvement du 15-M. Il est logique de se poser ces questions, étant donné l’hétérogénéité et les contradictions qui le traversent. Nous allons essayer dans cette partie d’exprimer comment et dans quel sens nous voyons l’intérêt d’y participer et ce qu’on peut apporter à ce mouvement. Nous parlons d’une vision stratégique parce qu’il s’agit d’une vision générale, que nous essayerons de définir plus loin avec des propositions concrètes et quelques considérations tactiques.

La plus grande partie du processus qui se développe ces jours-ci au sein du mouvement du 15-M consiste à essayer de trouver les mots d’ordre et les revendications politiques qui vont le définir. Ce processus se produit aussi bien au sein des groupes de travail qu’au sein des commissions elles-mêmes. Au sein de ces groupes, dominent le débat et le combat idéologiques, et dans quelques commissions, où se concrétisent ces débats, c’est là que l’on voit les ruses, les manigances, etc. Pas besoin d’être très futé pour savoir où se trouve le problème : c’est dans des commissions telles que celles nommées « communication », « interne », « assemblée et politique » où l’on peut trouver le plus grand nombre de politiciens au mètre carré, alors qu’au sein des commissions comme « infrastructure », « alimentation » ou « respect », les coups bas sont bien moins nombreux. Attention ! On n’est pas en train de dire qu’au sein des commissions on ne fait que ça, mais il y a certaines choses qu’on a vues ou qu’on nous a racontées qui ne sont pas piquées des vers...

Comme nous l’avons dit plus haut, les revendications qui ont le plus d’écho dans #acampadasol sont celles qui concernent la reforme politique et, dans une moindre mesure, la reforme sociale, toutes avec un contenu pleinement citoyenniste : reforme de la loi électorale, une loi de responsabilité politique, une plus grande participation, une loi de révision des hypothèques immobilières, etc. Les membres et les militants des partis de gauche (IU, IA, etc.) et d’autres mouvements sociaux sont en train d’essayer de faire tourner le bateau du mouvement vers la gauche, pour que celui-ci prenne en charge les revendications classiques de la gauche (depuis le revenu de base ou le moratoire sur la dette extérieure jusqu’à la nationalisation des banques) mais, en face, il y a ceux qui préfèrent que le mouvement soit le plus neutre possible (voir, par exemple, https://twitpic.com/51lyqa) et qu’il soit centré sur un #consensodeminimos9 [consensus a minima, NdT]. À notre avis, le plus probable, c’est que l’objectif final des uns et des autres (par le biais d’une Initiative Législative Populaire10, ou conduit par quelque parti politique, sans doute Izquierda Unida (IU) soit de présenter une proposition au Congrès qui soit ratifié par référendum. En ce sens, les uns et les autres débattent sur les contenus de cette proposition et sans doute sur les moyens pour la réaliser, mais à un moment donné, ils finiront par se mettre d’accord sur quelques points fondamentaux.

Il est évident que nous, anarchistes, sommes convaincus que si on réussissait à mettre en place certaines de ces reformes, même en changeant quelques uns des « défauts » du système qui mettent le plus en colère les gens, cela ne va rien changer pour l’essentiel. Le problème n’est pas la corruption politique, mais la politique en tant que sphère séparée de la vie ; le problème n’est pas le manque de transparence des gouvernements mais les gouvernements eux-mêmes ; et le problème n’est pas la banque et les banquiers, mais l’exploitation capitaliste : la grande et la petite.

Ceci dit, nous pensons que nous, les anarchistes, ne sommes pas ni ne devons être dans cette bagarre, celle des revendications grandiloquentes et de la politique de haut vol. Nous ne devrions pas rentrer dans ce jeu, et étant donné que nous voulons être présents dans les assemblées, il faudra assumer le fait que nous devrons endurer ce genre de choses et les affronter. Nous n’avons rien à faire dans cette histoire. Le mouvement du 15-M n’est pas un mouvement anarchiste ou anticapitaliste, ce qui veut dire que les revendications anarchistes maximalistes sont hors de propos. Cela n’a pas de sens de se battre pour que les assemblées générales assument des choses comme l’autogestion généralisée, l’abolition des prisons et même, tout simplement, la grève générale indéfinie, parce qu’il est évident que les gens qui sont là, qui suivent les débats avec attention et sympathie, ne sont pas là pour ces revendications. En supposant (ce qui est trop beau pour être vrai) que pour une quelconque et étrange raison ou manigance, on arrive à ce que l’assemblée générale ou les assemblées de quartiers acceptent ou assument comme le leur l’un de ces mots d’ordre, on peut être sûr que le mouvement du 15-M se dégonflerait aussi sec, perdrait une grande partie de ses soutiens et ses sympathies et resterait dans un étrange cocktail front-populiste de militants gauchistes, citoyennistes, communistes et anarchistes. Autrement dit, juste tout ce que nous avons toujours critiqué et le lieu où nous n'avons jamais voulu être. En politique, il y a une expression « voter avec les pieds » qui veut dire que si la gestion d’un endroit quelconque te déplait, tu pars simplement ailleurs. Quelque chose de semblable arrive dans toutes les assemblées, il y a pas mal de personnes qui, quand quelque chose ne leur plaît pas ou qu'elles ne se sentent pas à l’aise, se taisent, baissent la tête et ne manifestent pas leur mécontentement. Pourquoi arrive-t-il tout cela ? Parce que les mouvements réels sont souvent assez complexes. Ils ont leur propre composition, leur nature et leur propre dynamique et, surtout parce qu’on ne peut pas prétendre que les gens deviennent des anarchistes du jour au lendemain. Aucun de nous n’est arrivé à le devenir par la voie rapide et sans casse, mais à coups d’erreurs, d’illusions, de désillusions, d’incohérences, de débats, de frustrations, de flips et de chutes par terre au sens figuré comme au sens propre, parfois avec un flic sur le dos. La question n’est pas de déplorer avec mille regrets que dans des occasions comme celle d’aujourd’hui, les personnes et les choses n'évoluent à toute vitesse, mais de reconnaître que cela ne marche pas ainsi.

Nous devons être conscients de la représentativité des commissions face aux personnes mobilisées. On l’a vu clairement dans la commission Politique, qui au moment le plus haut a pu rassembler quelque 350 personnes entre les deux sous-commissions (à court et à long terme). Il est clair que les assemblées sont ouvertes et que tout le monde peut y participer mais en vérité, à la fin, cette commission « Politique » s’est donc scindée en deux sous-commissions qui apparemment se sont créés sur des bases temporelles mais qui, en définitive, recouvrent des points de vue très différents, le « réformiste » et le « révolutionnaire », entre ceux qui exigent de petites ou de grandes reformes législatives, légitimant ainsi les structures de pouvoir et ceux qui veulent mettre en avant un programme de rupture avec le modèle imposé par le capitalisme.

Ceci est une erreur grave, parce qu’il peut exister des mesures « révolutionnaires » ou radicales à court et à long terme. C’est le contexte actuel qu’il faut avoir clairement en tête et les pas qu’on veut faire dans ce contexte. Pour ne citer qu’un exemple : dans la Commission Court Terme, on met en avant des changements dans la Constitution espagnole, et dans la Commission Long Terme, on discute sur le consensus pour la grève générale. Nous ne pensons pas qu’un changement dans la Constitution (qui requiert le vote favorable des 3/5 des députés et des sénateurs) soit plus faisable à court terme que l’appel à une grève générale (qui est d’ailleurs plus un outil de lutte qu’une fin en soi), même si, à l’heure actuelle, ce serait très compliqué à faire avancer.

Nous pensons qu’il faut faire une réflexion sur notre implication au sein des commissions, en essayant de les rendre plus efficaces, en évitant l’usure de tant d’énergie. Il ne sert à rien que 200 personnes avec des idées « similaires » se rassemblent et donnent une orientation qui ne peut pas être assumée par ce mouvement (au jour d’aujourd’hui), il ne sert à rien non plus de laisser le champ libre aux exigences à court terme qui ne sont rien d'autre qu'un plaidoyer pour renforcer l’Etat-providence... Lors de cette réflexion à faire, il nous faudra faire une autocritique et mettre en avant dans l’immédiat des propositions à court et long terme qui puissent être assumées et qui nous fassent avancer petit pas à petit pas vers une vraie révolution sociale, autrement nous déboucherons sur l'inaction typique d’un groupe de personnes qui planent au-dessus du mouvement actuel.

Nous devrions montrer une certaine intelligence et nous joindre réellement à cette envie de changement qu’on respire ces jours-ci du coté de la Puerta del Sol, pour voir si entre tous, nous réussissons à faire que ce changement aille un peu au-delà de quelques raccommodages sur la façade de la démocratie.

Quel choix nous reste-t-il à faire alors ?

Il est sûr que beaucoup se seront posés la question de ce qu’on pourrait appeler un affaiblissement de notre discours, et sans doute ils se seront trouvés en train de le faire sans même s’en rendre compte. C'est-à-dire d’édulcorer nos propositions pour voir si avec un peu de sucre ça passe mieux. Par exemple, en jouant sur une confusion sémantique intéressée qui parle de « démocratie directe » au lieu « d’anarchie », d’avaler tout ce qu’il faudra avaler pour être dans l'air du temps, etc.

Une autre alternative c’est d’abandonner la partie à cause du réformisme de ces assemblées. Tel que nous le voyons, ceci serait tout simplement absurde. Fondamentalement, parce que les mouvements révolutionnaires, aujourd’hui comme dans le passé, ne surgissent pas du néant ou tous seuls. Ce sont les révolutionnaires eux-mêmes, et les événements, qui avec leur effort et leur persévérance, réussissent parfois à ce que les mouvements sociaux cessent d’être la chasse gardée des partis, des profiteurs, etc.

Nous parlerons de tout cela plus loin, mais nous voulons déjà faire comprendre que notre idée n’est pas de transformer le mouvement du 15-M en « mouvement révolutionnaire » de masse, ce serait se raconter des histoires, quelque chose comme rêver que l’anarchie arrivera demain si nous le désirons avec force. Nous ne disons pas non plus qu’il faut y rester jusqu’à la fin parce qu’il faut y rester. Il est clair pour nous que si nous ne faisons pas bien les choses, il faudra bien partir un jour ou, ce qui plus probable, qu’on finisse par nous mettre dehors. Mais il nous semble évident qu’on n’en est pas encore là, qu’il reste encore des moments où l’on peut participer à cet événement en y apportant des choses, surtout en vue de la convocation d’assemblées populaires dans les quartiers.

Nous ne sommes donc pas des naïfs auxquels le 15-M aurait troublé la vue ou qui auraient fermé leurs petites boutiques « pour cause de révolution », mais nous sommes tout simplement des anarchistes qui se sont trouvés face à une occasion claire, la première depuis longtemps, d’être partie prenante d’un mouvement réel d’une ampleur considérable.

 3. Pour une participation anarchiste pratique et concrète

 À notre avis, ce qui est en jeu dans le mouvement du 15-M, c’est d’arriver à faire qu’il soit un point de départ capable d’activer la lutte quotidienne pour des choses concrètes et de base, une lutte menée de façon horizontale, basée sur l’assembléisme, l’action directe, la participation directe, la solidarité, etc., tout ce qui fait partie des axes de base du mouvement du 15-M. Pour que les assemblées ne soient que des lieux d’où l’on exige (de qui ?, comment ?) des lois, des reformes et des référendums (lesquels ?), mais des espaces ouverts où les gens débattent sur les propres problèmes, cherchent des solutions et décident sur comment les mener à bien par eux-mêmes. Pour qu’elles deviennent des points de rencontre, de communication et de participation véritables ; des petits (ou grands) noyaux solidaires de résistance.

Il est clair qu’une partie importante de ce processus consiste à savoir quels problèmes et quelles solutions on va y traiter, quel contenu, pour ainsi dire, va s’exprimer au sein des ces assemblées. Voilà une autre tache que nous pourrions nous donner : essayer de faire que les sujets à traiter dans les assemblées soient des questions de classe, de lutte contre le sexisme, etc. qu’on y approfondisse, à partir de la pratique, sur la critique de l’Etat, du capital et du travail salarié.

Autrement dit, nous proposons qu’on participe pratiquement et concrètement dans une perspective et un fonctionnement antiautoritaires, sur des questions fondamentales de classe et sur d’autres oppressions aussi importantes tel que le patriarcat, le racisme, etc.

Pour compléter cette contribution pratique, nous devons apporter notre point de vue et notre discours, et, encore une fois, sans tomber dans des maximalismes du genre « Révolution maintenant ! ».

Tel que nous le voyons, le fait d’essayer que les gens fassent que notre discours soit le leur n’est pas, ça ne doit pas être, d'aller rabâcher nos mots d’ordre et nos principes anarchistes de toujours. Ces mots d’ordre seraient, à notre avis, hors de propos. Et non pas parce qu’ils n’auraient aucun sens ou qu’ils ne seraient pas vrais, mais parce qu’ils ne sont pas dans le coup de ce qui se passe, ils sont hors contexte. C’est comme si on était en train de parler avec un copain de football et un autre se pointe et commence à te raconter un film iranien. Est-ce que cela signifie que nous devrions abandonner l’anarchisme et passer du coté de la démocratie ? Évidemment pas. Devrions-nous nous cacher ? Non. Devrions-nous exhiber face au monde notre condition d’anarchistes ? Pour nous, cela n’a aucun sens si ça ne va pas plus loin que se « déclarer anarchiste ». Se dire soi-même anarchiste ne veut rien dire en soi, ni bon ni mauvais. Â notre avis, il ne s’agit pas de nous cacher ni de nous exhiber, mais de pratiquer l’anarchisme dans un contexte donné. Un exemple : entre tous les slogans que quelques-uns d’entre-nous et d’autres copains avons chanté les premiers jours à la Puerta del Sol il n’y a eu que deux qui se sont un peu rependus au-delà de notre cercle : « le peuple uni fonctionne sans partis » et « A…anti…anticapitalistes ». Pourquoi ? Non pas parce que ces slogans seraient particulièrement extraordinaires, ils ne le sont pas, non pas parce qu’ils seraient ingénieux non plus, mais nous pensons que c’est parce que, à ce moment-là et en ce lieu, c’étaient des slogans qui pouvaient être pris en charge par une partie au moins des gens présents. Que cela nous plaise ou non, les gens n’étaient pas là contre la police nationale, ou parce qu’ils voulaient démolir l’État.... Le travail est bien plus de fond... Si nous nous limitons à chanter ou à proposer dans les assemblées des mots d’ordre hors du contexte, ce que nous faisons c’est de la propagande pure et dure, dans le plus mauvais sens du terme, et non pas de la participation.

Parce qu’il arrive souvent que l’inertie nous gagne, comme aux autres sans doute, au lieu de réfléchir à ce qu’on peut et ce qu’on veut dire, on finit par aller au plus facile, du genre « la lutte est le seul chemin », ou « du nord au sud, d’est en ouest », « mort à l’État » et ainsi de suite. Voilà un discours, à notre avis, hors sujet et par conséquent, inefficace. La même chose à peu près est arrivée au sein du Bloc Libertaire lors de la manif du 15 mai. Après une première phase avec des slogans (meilleurs ou moins bons, plus ou moins utiles, ce n’est pas important) mais sur le sujet en question (démocratie, capitalisme, crise) on est passé à une mixture typique du ghetto11 (des prisonniers jusqu’à Patricia Heras en passant par les « police assassin  ! »), en glissant vers « l’autoréférentiel », vers l’attitude de faire bloc... Malheureusement, personne ne savait dans les parages qui était Patricia Heras, excepté quelques uns d’entre-nous, quel sens ça avait de crier son nom sans un tract qui l’explique ?, la seule chose que nous avons réussie à faire, c’est de dérouter les gens, qui nous regardaient comme si on venait d’une autre planète... Toute chose a son moment et son lieu, et si nous ne savons pas adapter notre discours à ce moment et ce lieu, ça ira mal pour nous. Adapter le discours, ce n’est pas le rabaisser, c’est ajuster le message au contexte, adapter le code au récepteur, c’est donner notre avis sur ce dont les gens parlent, et non pas sur ce que nous pensons qu’ils devraient parler.... Et donner cet avis dans leur « idiome » et non pas dans notre « dialecte », plein de langue de bois et de formules, qui sont pratiques pour parler entre nous, mais qui créent des barrières et des confusions chez qui ne les utilise pas.

 4. Quelques objectifs et axes possibles d’action

Cette proposition de participer à partir de la pratique et à partir du concret a plusieurs objectifs. Celui, évidemment, d’améliorer nos conditions de survie dans le capitalisme. Sans doute certains taxeront cela de réformisme, mais pour nous, c’est simplement une nécessité. Un autre objectif pendant tout le processus est celui d’être capables de montrer et de démonter toutes les contradictions et les misères du capitalisme, de la démocratie, des syndicats, etc. Non pas par le biais des discours préfabriqués, mais par le débat et la réflexion sur tout ce qu’on trouvera sur notre chemin, quelque chose de bien plus complexe et difficile que de simplement éditer des bouquins écrits à d’autres moments et dans d’autres lieux. Chercher aussi à créer et à rependre au sein de la population une culture de la lutte, un sentiment collectif du fait que les objectifs s’atteignent en luttant avec d’autres comme nous, en réglant les problèmes par les personnes mêmes qui les subissent, sur la base de la solidarité et du soutien mutuel, sans les laisser entre les mains des professionnels de la médiation ou de la représentation. Un sentiment de « aujourd’hui c'est pour toi, demain c'est pour moi » doit rentrer profondément dans la population et remplacer ceux du « chacun pour soi » ou du « encore heureux que j’ai pu l’éviter ! » qui sont en train de démolir notre société.

Enfin, s’il y a quelque chose qui a été clair pour nous pendant cette semaine c’est que, s’il est vrai que les anarchistes ont beaucoup de choses à apporter, nous avons aussi beaucoup, énormément de choses à apprendre, autant des gens que nous trouverons sur notre chemin que des situations que nous devrons affronter. Participer aux assemblées est l’occasion parfaite pour mous clarifier nous-mêmes, nos positions et la manière avec laquelle nous les ferons passer à nos égaux. Ceci est on ne peut plus normal. La meilleur façon de nous rendre compte de nos failles et de nos incohérences (et on en a sûrement à la pelle), c’est d’essayer d’expliquer et de partager nos positions avec ceux qui ne les connaissent pas.

Nous pensons sincèrement que c’est là une bonne façon de nous tirer du piège d’une intervention à partir de l’idéologie, qui cherche à faire adopter des principes ou des objectifs à long terme spécifiquement anarchistes, une chose qui, comme on l’a déjà répété maintes fois, ne peut pas être à l’ordre du jour, du jour au lendemain. Nous pensons aussi que ce serait là une manière d’esquiver les luttes de pouvoir qu’il va y avoir dans les assemblées, quand il s’agira des questions de « haut vol » (les lois… etc.) sans pour autant cesser de participer à un mouvement qui a encore de l’avenir devant lui. S'installer dans une guerre d’usure pour que de telles propositions ne se fassent pas jour ou nous affronter ouvertement et sans répit à tous les gauchistes, les citoyennistes et des gens en général qui ne veulent qu’un ou deux changements, ne nous servira à rien du tout. Nous devons être conscients, à tout instant, du moment où on en est et jusqu’où peut-on aller. Si nous ne faisons pas cet exercice d’analyse et de réflexion, on va sentir passer les coups multiples et variés et on va ressentir une frustration considérable.

Bien évidemment, en participant au mouvement du 15-M, il y a toujours le risque pour nous de finir par faire le boulot et le sale travail de la gauche et de l’idéologie citoyenne. Nous pensons qu’à l’heure actuelle, étant donné notre faible capacité d’appel et de soutien, ce risque sera toujours là, dans n’importe laquelle des mobilisations réelle qu’on rejoindra (grèves et autres conflits). C’est un risque qu’on ne peut pas prévoir et c’est sans doute quelque chose d’inévitable jusqu’un certain point, mais ce qu’on doit faire, c’est être toujours attentifs, ne pas se laisser emporter par les émotions et essayer d’évaluer à quel moment notre participation commence à ne devenir qu’une main d’œuvre pour d’autres, et, à ce moment-là, il faut plier bagage.

Pour en finir avec cette partie, nous considérons qu’il est nécessaire de concrétiser quelques lignes sur les actions, quelques exemples de ce que nous avons dans nos têtes. Ce ne sont pas les seules, ni les meilleures, elles sont même un peu vagues ; ce ne sont que quelques exemples d’idées qui nous trottent dans la tête ou que nous avons entendues ces jours-ci dans les assemblées. Nous devrions entre tous les compléter, les éclaircir, les critiquer, etc...

  • Logement : S’auto-organiser pour résister aux expulsions et au harcèlement immobilier. Proposer le squat comme alternative temporaire lors des expulsions qu’on ne puisse pas stopper. Faire pression sur les propriétaires qui se fichent ou profitent de leurs locataires. Faire pression par l’action directe sur les succursales bancaires qui gèrent les hypothèques des familles en difficulté pour les renégocier ou, simplement, pour rendre visible le conflit. Rendre visible le conflit avec des banderoles ou quelque chose de ce genre sur les fenêtres des logements sous pression.
  • Travail/Chômage : Profiter de l’exemple de Sol pour le porter sur les lieux de travail, débattre et parler dans les assemblées sur les conflits du travail, sur nos problèmes en tant que chômeurs, proposer que les assemblées soient un point d’appui au cas où on aurait un problème au boulot. Visiter et dénoncer les lieux de travail où se produisent des accidents de travail...
  • Migrations : Essayer d’incorporer les immigrés, qui sont sans doute sous-représentés, informer les gens sur ce qui se passe dans les CIE (Centres d’internement des étrangers), renseigner et proposer des mécanismes d’action face aux coups de filet contre les immigrants, s’auto-organiser pour leur offrir des renseignements légaux, avec des centres de conseils, des ateliers, etc.
  • Santé : essayer d’impliquer les travailleurs et les usagers-bien-souffrants de la santé publique dans la lutte contre la dégradation et l’inaccessibilité, en évitant qu’on nous monte les uns contres les autres («c'est  la faute aux travailleurs qui ne bossent pas assez » ou « c'est la faute aux petits vieux qui n’arrêtent pas d’aller se faire soigner dans les centres hospitaliers »).
  • Sexisme : il faudrait se pencher sur comment freiner la vague actuelle d’antiféminisme qui déferle sur la société et qu’on a pu vérifier à plusieurs reprises dans les campements. Il serait intéressant de pouvoir débattre sur la violence machiste...
  • Organisation : Essayer d’améliorer le fonctionnement des assemblées. Lutter pour une véritable horizontalité, pas seulement formelle, en évitant les camarillas de spécialistes ou de représentants perpétuels, en évitant de devenir nous-mêmes une camarilla de spécialistes ou de représentants perpétuels.

Ces sujets et ces propositions ne peuvent qu’être limitées, parce qu’il faut aller vite et à cause de notre manque d’expérience dans ce genre de mouvements. Il faut les améliorer, les clarifier et les partager. Et, surtout, il faut les construire en commun avec les gens qui viennent aux assemblées, dans un processus qui changera aussi bien ces propositions que ceux qui les assument et les mettent en pratique. Ceci dit, nous ne pensons pas que c'est parce qu’on se pointe avec quatre propositions concrètes au lieu du couplet anarchiste de toujours, que les gens vont les accepter comme par enchantement. Non, nous ne proposons pas des incantations. Il doit être clair pour nous que, tout en étant capables d’entamer ce processus, ce sera un chemin long et difficile. Nous pensons qu’avec le temps, on apprendra et on s’éclaircira de plus en plus. D’une certains manière, les anarchistes devront prendre ces assemblées du 15-M comme un laboratoire où l’on expérimente, où l’on propose, où l’on se trompe, où l’on réapprend et l’on recommence.

 5. Assemblées de quartier : espoirs et localismes

 Une grande partie de ce texte a été rédigé avec l’idée de le réaliser avant l’installation des assemblées populaires dans les quartiers appelées pour le 28 mai. C’est la raison de son urgence, de sa précipitation et d’une bonne partie des erreurs qu’il peut contenir.

L’extension vers les quartiers est une extension logique parce que l’acampada à Sol devient insoutenable à long terme et parce que, de par ses caractéristiques, elle ne permet pas une large participation, comme nous l’avons déjà dit.

En parlant avec pas mal de compagnons, nous avons pu vérifier que certains ont mis leurs espoirs sur les assemblées de quartier. L’idée est : « il n’y a plus rien à faire à Sol, allons dans les quartiers ». Ne nous trompons pas : si le mouvement du 15-M continue à avoir son pouvoir d’attraction, les quartiers vont devenir des petites « Puertas de Sol », avec leurs bons et leur mauvais cotés, y compris avec les militants des partis qui vont à la pêche, les citoyennistes, etc. En fait, dans certains quartiers et banlieues du sud de Madrid, la proportion des militants des partis politiques peut même augmenter par rapport à ce qu’on a vu à Sol. Il se peut que le terrain soit plus petit et moins pesant, mais l’hétérogénéité, les problèmes, les contradictions et les conflits seront les mêmes, si ce n’est pas plus grands.

Nous pensons que les militants gauchistes, mais aussi tous les gens « normaux » [en espagnol « courants », ce qui n’est pas un terme péjoratif : « de la rue », « sans militantisme particulier ». NdT], qui sont favorables aux quatre reformes de base, vont essayer de transformer les assemblées populaires en plateforme pour faire la promotion des mots d’ordre et des revendications pour lesquelles ils se sont bagarrés à Sol. Ils vont se mettre à ramasser des signatures, à faire de la propagande lors des mobilisations et comptabiliser les soutiens dans les quartiers (associations d’habitants, de commerçants…) dans une stratégie à moyen terme pour pousser aux changements légaux. Et pas beaucoup plus. Les citoyennistes essayeront sans doute d’entraîner les gens vers les problèmes spécifiques des quartiers, en établissant des liens avec les associations d’habitants, en mettant en avant leurs locaux, leurs centres sociaux et leurs bureaux des droits sociaux là où ils en possèdent, etc.

Nous avons déjà dit précédemment qu’il peut être intéressant de participer à ces assemblées. Mais nous voudrions ajouter que certains sujets ou propositions peuvent avoir plus de profondeur dans un quartier ou dans une banlieue que dans d’autres, (par exemple, dans certaines zones, les coups de filet contre les immigrants sont plus fréquents que dans d’autres, à certains endroits la santé est dans une plus mauvaise situation encore que dans d’autres, etc.) Il faudra voir ce qui est plus urgent et plus important dans chaque cas, les formules magiques n’existent pas.

 6. Questions tactiques

 Ce texte commence à être long et nous voudrions le conclure avec quelques réflexions –on va essayer d’être brefs- sur quelques aspects tactiques sur tout ce qu’on a pu voir et qu’on continuera à voir ces jours-ci.

  • Violence/Non-violence :

Comme nous l’avons dit plus haut, le rejet de la violence est un point fondamental sur lequel repose le mouvement du 15M. Les initiateurs (Democracia Real Ya) se sont chargés de le mettre en avant de la manière la plus répugnante qui soit : en se démarquant des incidents d’après manif et en montrant du doigt ceux qui s'en prenaient aux flics. Ce n’est vraiment pas étonnant, étant donné le bombardement médiatique qu’on a subi sur ce sujet dans les dernières années. La police, les journaux comme La Razón [droite] ou Público [gauche] n’ont pas hésité à donner l’alerte sur le « danger des 400 antisystème » qui essayaient de contrôler et/ou de faire exploser le mouvement. Une semaine après, rien de tout cela. Il semble que la grande majorité des anarchistes a assumé (avec plus ou moins de difficultés) qu’il ne se passe rien de particulier quand quelqu’un se déclare non violent. La violence ou l’autodéfense sont des questions qui seront toujours là mais qui sont totalement secondaires. Si nous cessons de considérer ces questions comme des choses qui peuvent être utiles ou inutiles, qui peuvent être bénéfiques ou nuisibles selon les circonstances et si, au contraire, nous les déclarons comme quelque chose à laquelle on ne peut pas renoncer, ou si on se met à trépigner parce que le 15-M chante des louanges à la non-violence, nous serions dans le déboussolement le plus total. Aujourd’hui, c’est le tour de la non-violence, demain ce sera autre chose.

  • Assembléisme :

On entend souvent une critique selon laquelle les assemblées ne sont pas de véritables assemblées, qu’il n’y a pas de véritable horizontalité, que certains essayent de les manipuler, etc. Voilà qui est des plus normal, parce que justement ce sont des vraies assemblées, avec des gens de la rue, au milieu d’une bagarre entre différents secteurs pour le « contrôle » (consciemment ou pas) de la situation. L’horizontalité, l’égalité, l’efficacité des assemblées, la communication des assemblées… ce n’est pas quelque chose qui tombe du ciel tout rôti dans le bec parce que des gens se réunissent sur une place et parlent entre eux. Absolument pas. Pour construire une assemblée, il faut se bagarrer contre les manipulateurs, les politiciens et ceux qui l’intoxiquent ; et face à des années de démobilisation, de grégarisme et de mentalité quotidienne de délégation de pouvoir. Si ceci n’est pas clair pour nous, nous nous trouverons entre les mains de ceux qui viennent aux assemblées pour qu’elles deviennent des courroies de transmission qui se limitent à approuver leurs propositions cuisinées chez eux.

  • Lutter contre des monstres :

Participer dans des assemblées où des gens sont disposés à tout faire (manipuler, mentir et, la plupart du temps, ne pas se faire remarquer) pour que leurs idées s’imposent, c’est quelque chose de très compliqué et frustrant. N’importe qui, ayant été contraint d’avaler ces couleuvres, sait que c’est une sacrée merde. D’abord à cause de tout ce qu’il doit ravaler, ensuite parce que beaucoup de gens n’arrivent pas à le voir, de sorte que si on accuse quelqu’un, c’est soi-même qui finit par être suspecté, on finit par confondre les simples erreurs ou étourderies avec les tentatives de manipulation (autrement dit, on frise la paranoïa) et, enfin, parce que, sans s’en rendre compte, on finit par être obligé de faire de trucs qui ressemblent à ceux des autres. Ces jours-ci, nous avons entendu des trucs comme « prendre la tête des commissions », « prendre les postes de pouvoir dans les assemblées », « se disperser dans les assemblées », « faire semblant de ne pas se connaître » et quelques autres gracieusetés de ce genre, de la part des compagnons sur qui on n’a pas le moindre doute ou suspicion, et qu’on ne va pas juger ici, évidemment. Ces situations sont ainsi, la frustration, la rogne contre les manipulateurs, le fait de se retrouver le dos au mur, nous font dire et faire des choses de ce genre. Contre cela, il n’y a pas d’autre solution que d’être constamment sur ses gardes, de faire l’autocritique, savoir critiquer et encaisser les critiques, en évitant les accusations hystériques ou le victimisations stupides. Il faut assumer le fait qu’à un moment ou à un autre, on devra se salir les mains, qu’on le veuille ou non. Cela arrive dans les meilleures familles (comme on dit en espagnol).

  • « N’aie pas peur : va de l’avant et joue » (Charlie Parker) :

En lien avec ce qui précède, il faut être conscients du fait que participer au mouvement du 15-M veut dire entrer en territoire inconnu pour la plupart d’entre nous. Il faut assumer les multiples gaffes qu’on va faire. Les anarchistes ne sont pas et ne veulent pas être des gens parfaits, on a tous le droit de se tromper. Se refuser à agir par la peur de devenir un réformiste ou, pire encore, par peur qu’un imbécile quelconque nous taxe de réformiste ou encore d’avant-gardiste, est aussi absurde que de renoncer à penser par peur de se tromper.

  • Avant-gardisme anarchiste :

Ces deux mots ensembles pourraient paraître une contradiction, mais ce n’est pas du tout le cas. Certains courants marxistes ont la prétention de se considérer l’avant-garde, même si personne ne les suit. Nous, les anarchistes, refusons de devenir une avant-garde, ce qui n’empêche que si on n'y prend pas garde, on finira par tomber dans l’avant-gardisme. S’il s’agit d’aller plus vite que les événements, on court le risque de s’en détacher de plus en plus jusqu’à ce qu’on reste seuls, loin du réel et de tout ce qui se passe. Ça ne nous assure même pas d’être « devant » les autres, parce qu’on aurait pu emprunter un chemin erroné. Nous, les anarchistes, ne voulons pas dire à quiconque ce qu’il doit ou ne doit pas faire sur la base d’on ne sait quel livre sacré ou tiré d’un bréviaire des saints révolutionnaires, mais cela ne nous empêche pas de finir par nous croire parfois meilleurs que les autres, en pensant qu’ils « devraient suivre notre exemple », surtout quand on participe dans des conflits comme celui qui est pleinement actuel.

  • Symboles et dialectes :

Pour que notre participation soit efficace, pour qu’on puisse construire collectivement quelque chose qui vaille la peine, il faut qu’on laisse de coté tous ces symboles, ces codes à nous, ces mots fétiches et d’autres trucs du merchandising typique de notre mouvement-ghetto. Pareil avec la question du discours dont nous parlions plus haut. Cela ne veut pas du tout dire édulcorer son discours ou tromper les gens, cela signifie abandonner les mots et les concepts parfois incantatoires qu’on utilise. Des concepts comme « abstention active », « action directe », « soutien mutuel », « révolution », etc. qui ne peuvent pas être compris d’emblée par des gens qui ne sont pas familiers de ces idées. Il ne sert à rien de rester bloqués là-dessus. Il est plus utile d’essayer de s'expliquer dans un langage simple, sans jouer à l’intellectuel en utilisant des termes abstraits anarchistes. Et c’est la même chose en ce qui concerne l’esthétique de la propagande, qui est souvent aussi uniforme que lointaine pour la majorité des gens. Un exemple clair nous a été donné avec le problème qu’on a eu avec les A encerclés au campement de Sol. Étant donné qu’aucun symbole ou drapeau politique n’est permis, beaucoup de gens étaient d’avis, avec raison ou pas, que les A encerclés ne devraient pas être là. Étant bien entendu que ces A encerclés ne sont pas des symboles politiques mais tout le contraire, certains l’ont très mal pris. D’autres, montrant qu’il arrive très souvent que l’horizontalité et le consensus ne sont respectés que quand ça les intéresse, ont continué à les utiliser sur des pancartes et des affiches. Quoi qu’il en soit, il faudra réfléchir si ce n’est pas de notre faute de ne pas avoir su pendant toutes ces années faire comprendre que nous n'avons pas la même camelote que les autres à refiler, même s'il faut dire à notre décharge que la décision d’interdire aussi les A encerclés parait avoir été discutée 12. Mais ce qui est important ce n’est pas l’histoire des A encerclés, mais les messages que nous voulons faire passer ; donc, s’il faut enlever ces A, on les enlève, ce n’est vraiment pas si grave. En fin de compte, comme le disait un compagnon l’autre jour, nous n’avons rien à vendre (ce qui est vrai quand, dans la pratique, nous avons ce comportement, ce qui n’est pas le cas parfois). Bien pire que l’affaire des A encerclés qui, même si elle nous a fait du tort, est jusqu’à un certain point compréhensible, est celle du féminisme, qui se heurte à une certaine opposition aussi bien dans les campements que sur Twitter, avec des gestes moches et des commentaires hors de propos.

 7. La fin, enfin

On va enfin terminer en livrant une dernière réflexion. Le mouvement du 15-M a eu un début et il aura une fin. Pour être réalistes et en sachant qu’on n’est vraiment pas nombreux, nous les anarchistes, et qu’on n’a pas une grande expérience, il est peu probable que notre participation dans ce mouvement soit une composante qui puisse être déterminante dans son développement ou sa fin. Malgré tout, nous pensons qu’on a de la marge et la capacité pour y participer en faisant des apports pour qui ne se limite pas à un mouvement de reforme citoyenne ou au bricolage d'un minable cabanon d’un parti dérisoire. Cette proposition va dans ce sens, celle d’essayer d’aller plus loin. Nous n’avons pas de grands espoirs sur la possibilité que le mouvement du 15-M change radicalement la nature de la société actuelle ; il ne le pourrait pas même s’il le voulait et tout nous fait penser qu’il ne le veut pas. Même s’il arrivait à atteindre ses objectifs, tout se concrétiserait dans une reforme du système démocratique ou, peut-être même, d’un renforcement temporaire de l’Etat-providence. Mais tout cela ne peut constituer des excuses pour rester à la maison. Nous pensons qu’il faut être là et y participer, parce que si nous faisons les choses ne serait-ce qu’un peu plus correctement, cela peut être bénéfique pour l’anticapitalisme et l’anarchisme à moyen et à long terme.

En premier lieu, nous pensons que le système démocratique et le capital sont ce qu’ils sont et que tous les partis sont, dans le fond, à mettre dans le même sac. Si le mouvement du 15-M prospère et réussit à faire réformer le système démocratique, en en finissant avec le « bipartisme » et la « partitocratie », le temps passant, les partis minoritaires finiront aussi par apparaître pour ce qu’ils sont, parce que le système démocratique et le capital sont ainsi faits.

En deuxième lieu, il y a une chose positive dans tout cela, quoi qu’il arrive. Il y a un mois, le sentiment général était « ce monde, c’est de la merde, mais qu’est-ce qu’on peut y faire ? ». Aujourd’hui, il y a une foule de gens qui pense qu’on peut changer la loi électorale, qu’il est légitime de sauter par-dessus de ce que dit la Commission Electorale, quand ce qu’elle dit est injuste, etc. Il faut bien commencer par quelque chose. Si le mouvement du 15-M continue et si on arrivait à obtenir des choses par le biais des mobilisations et des assemblées (et celles-ci fonctionnent plus ou moins bien, mais elles fonctionnent, indépendamment du résultat) voilà qui est un filon à exploiter. Dans ce pays, on n’a rien gagné du tout depuis des lustres : rien contre l’entrée dans l’OTAN, rien concernant la catastrophe du Prestige, rien sur la guerre en Irak, rien à partir des luttes à l’Université, ... En fait, le seul changement que beaucoup de gens avaient assumé comme le leur, fut au moment où le PSOE (gauche) gagna sur le PP (droite) à la suite des attentats du 11 mars [2004], et cela s’est fait en votant !, ce qui n’a fait, en plus, que renforcer les illusions démocratiques.

En troisième lieu, le mouvement du 15-M a réussi à faire sortir les gens dans la rue pour y parler collectivement et publiquement de politique, de quelques uns des problèmes sociaux et politiques qui les entourent. Il y a longtemps qu’on ne n'avait pas vu quelque chose de semblable. La plupart des conversations se sont faites autour des questions des réformes, de changements minimaux mais, comme on le disait tout à l’heure, il faut bien commencer par quelque chose. D’une certaine manière, on a ouvert une brèche au milieu du « ne te mêle pas de politique ! », du « désenchantement » ou du « on ne peut rien faire », autrement dit au milieu des trois petits « cadeaux » que le franquisme, la transition et la démocratie nous avaient légués. Ce qui n’est pas acceptable, c’est que lorsque les gens restent chez eux, on les critique parce qu’ils ne sortent pas dans la rue et, lorsqu’ils sortent dans la rue, on les critique parce que ce qu’ils demandent n’est pas la révolution sociale. Cela n’a aucun sens.

Si on arrive à obtenir certaines choses par la lutte dans la rue, à avoir gain de cause sur certaines revendications, nous pensons que, une fois tout cela terminé, ce sera sans doute plus facile de convaincre les gens du fait qu’une assemblée sur le lieu de travail peut fonctionner, que sortir dans la rue pour manifester peut servir à quelque chose, qu’on peut sortir gagnant d’une grève ou défaire un plan d’urbanisme : grâce à la solidarité, l’action directe, etc. Bien évidemment, si ce qu’on arrive à obtenir n’est le résultat que des manœuvrés politiques, des votes, des référendums, etc. (quelque chose de peu probable s’il n’y a pas une pression considérable dans la rue), la seule chose qui va sortir renforcée c’est le système démocratique. Voilà la question, voilà où les anarchistes devront être présents.

Nous verrons comment tout cela va se terminer, mais le mouvement anarchiste en sortira renforcé si ses pratiques, sa manière d’affronter la réalité et quelques uns de leurs points de vue s’étendent et s’enracinent dans les idées collectives. Le mouvement anarchiste sera aussi d’autant plus fort si notre participation dans le mouvement du 15-M se concrétise, après la critique, l’autocritique et l’analyse publique, à travers de nouvelles expériences collectives. Il est peu probable que, grâce au 15-M, on atteigne nos objectifs au niveau social à long terme et significativement, au-delà du fait que nous puissions convaincre certaines personnes. Cette lutte pour nos objectifs emprunte d’autres chemins, ceux du travail constant pour ouvrir des locaux, pour éditer du matériel, faire des analyses, organiser des journées, des réunions de discussions, etc. toutes choses qu’en aucun cas nous ne devrions abandonner pour être présents uniquement dans le mouvement du 15-M.

Quelques anarchistes madrilènes

 

1 En espagnol : https://es.internationalism.org/book/export/html/3110 ou sur https://www.alasbarricadas.org/noticias/?q=node/17755 (NdT) et d’autres sites.

2 Le mouvement des Indignés a pris toute son ampleur en Espagne après la brutale répression du 15 mai ce qui lui a donné son nom le 15-M (NdT).

3 Le mot « compañero » en espagnol est utilisé indistinctement par les anarchistes ou par nous, militants de la Gauche communiste, qui utilisons aussi le terme « camarada ». En espagnol, « compañero » a un sens plus large, étendu aux gens qui luttent à nos cotés, etc… C’est à la fois « camarade », « collègue » et « compagnon ». L’usage d’un terme ou l’autre pourrait paraître quelque chose de secondaire. Mais, malheureusement, pour la traduction en français, il faut choisir, parce qu’on dirait que, derrière les mots, il y a toute un contentieux historique. Ce texte a été rédigé par des anarchistes madrilènes ce qui nous incite à le traduire par « compagnon » qui est le mot utilisé en France par les anarchistes pour parler de leurs « camarades » de combat. Curieusement, ce mot français, camarade, a été emprunté à la langue espagnole. Que ce soit « celui qui partage la chambrée » ou « celui qui partage le pain », nous partageons tous le même combat : celui de combattre le capitalisme et de construire une autre société. [NdT]

4 Nous adoptons ce néologisme en français pour traduire l’idée des « partisans des assemblées souveraines »

5 En espagnol « ciudadanistas » est, nous le pensons, un néologisme pour nommer cette nébuleuse altermondialiste, pro-État dit protecteur et national contre un capitalisme apatride, un État au sein duquel on est citoyen et non pas exploité ou exploiteur, la « démocratie réelle » et autres idéologies citoyennes, ATTAC et autres « résistances » diverses et plutôt avariées. [NdT]

6 Groupes de percussionnistes brésiliens jouant dans la rue. [NdT]

7 Le « botellón » est l’habitude prise par des groupes de jeunes, parfois des centaines, de se saouler à mort avec des mélanges d’alcool, sur les places publiques, surtout le week-end-end. Lors de ce mouvement, une des préoccupations était d’éviter toute confusion à ce sujet. [NdT]

8 Dimanche 22 mai il y a eu des élections locales en Espagne. La loi stipule que le samedi précédant (le 21) c’est le jour de « réflexion » où tout rassemblement est interdit…[NdT]

9 Au moment où l’on corrigeait ce texte, l’acampada de Sol a approuvé les quatre points qui définissent le dénommé #consensodeminimos. Nous n’allons pas analyser ce vote, car nous pensons que cela ne change en rien ce qui est dit dans ce texte-ci : nous nous attendions à ce que quelque chose de ce genre arrive tôt ou tard.

10 https://es.wikipedia.org/wiki/Iniciativa_popular

11 Les auteurs de ce texte font sans doute référence, dans une autocritique implicite, à leur « monde », un peu refermé sur lui-même.[NdT]

12 Il nous est difficile de comprendre ce paragraphe. La traduction peut s’en ressentir. (NdT)

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