Où en est la crise économique ? : Guerre commerciale : l'engrenage infernal de la concurrence capitaliste

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«Guerre», «bataille», «in­vasion»t le langage belli­ciste a envahi la sphère de l'économie et du commerce. Avec la crise économique qui sévit depuis de nom­breuses années, la concur­rence pour des marchés solvables qui rétrécissent comme peau de chagrin se fait de plus en plus âpre, et prend la dimension d'une vé­ritable guerre commerciale.

La concurrence écono­mique est une constante de la vie du capitalisme, un de ses fondements inhérent à son être. Mais il y a une dif­férence fondamentale entre les périodes de prospérité, durant lesquelles les entre­prises capitalistes luttent pour s'ouvrir des marchés et accroître leurs profits, et les périodes de crise aiguë, comme celle que nous tra­versons actuellement, où la question n'est plus tant d'accroître les profits, que de limiter les pertes et d'assurer sa survie dans la bataille économique de plus en plus sévère. Preuve irréfutable de la bagarre économique qui fait rage : le record historique du nombre de faillites dans tous les pays du monde. Celles-ci ont ainsi augmenté de 56 % en 1991 en Grande-Bretagne, de 20 % en France, une hécatombe qui touche tous les secteurs économiques.

Exemple parmi d'autres : le transport aérien

Exemple parmi d'autres, mais par­ticulièrement significatif de la guerre commerciale, le secteur des transports aériens. L'avion est de­venu le symbole du développement du commerce et des échanges mondiaux dans leurs aspects les plus modernes depuis des décen­nies.

De la deuxième guerre mondiale jusqu'au début des années 1970, le boom du développement de ce mode de transport va permettre aux entreprises de ce secteur de se partager un marché en pleine ex­pansion qui laisse à chacune de larges marges de développement dans une situation de faible concurrence. Les plus grandes compagnies grandissent douillet­tement sous la protection des lois et des réglementations mises en place par les Etats qui les parrai­nent. Les faillites sont rares et tou­chent seulement des entreprises d'importance secondaire.

Avec le retour de la crise capitaliste à la fin des années 1960, la concur­rence va se faire plus rude. Le dé­veloppement des compagnies «charters» qui viennent concur­rencer les grandes compagnies sur les lignes les plus rentables et briser ainsi leur monopole, est le signe annonciateur de la crise terrible qui se développe dans les années 1980. Sous la pression accrue de la concurrence, les réglementations qui la limitaient volent en éclat; la dérégulation du marché intérieur américain, au début de la prési­dence Reagan, va sonner le glas de la période de prospérité et de sécu­rité que connaissaient jusque là les grandes compagnies aériennes. En une décennie, le nombre des grandes compagnies intérieures US passe de 20 à 7. Ces dernières an­nées, les plus grands noms du transport aérien américain font un atterrissage brutal dans la banque­route; tout récemment encore TWA vient de déposer son bilan, rejoignant au cimetière des ailes brisées PanAm, Eastern, Braniff, et d'autres.

Les pertes s'accumulent. En 1990, Continental a totalisé 2 343 mil­lions de dollars de pertes; US air 454 millions ; TWA 237 millions. En 1991, la situation est encore pire. United airlines et Delta airlines, qui étaient les seules grandes compagnies américaines à annon­cer un profit en 1990, affichent respectivement 331 millions de dollars de pertes pour l'année et 174 millions pour le premier semestre.

En Europe, la situation des com­pagnies aériennes n'est pas plus florissante. Lufthansa vient d'annoncer 400 millions de Deutschemarks de provision pour perte, Air France annonce des pertes consolidées de 1,15 milliard de francs au premier semestre 1991, SAS accumule 514 millions de couronnes suédoises de pertes pour le premier trimestre 1991, Sabena est à vendre, tandis que c'est l'hécatombe parmi les petites compagnies de transport régional. Quant à la première compagnie aérienne mondiale, officiellement Aeroflot, elle ne trouve plus de ké­rosène pour faire voler ses avions et est menacée d'éclatement avec la disparition de l'URSS.

Ce sombre bilan a d'abord eu son explication officielle toute trouvée dans la guerre du Golfe, qui a, ef­fectivement, fait baisser pendant plusieurs mois la fréquentation des lignes aériennes. Mais, celle-ci terminée, les comptes ne se sont pas redressés, et le mensonge a fait long feu. La récession de l'économie mondiale ne vient pas de la guerre du Golfe et le transport aérien est un parfait résumé de ses effets dévastateurs.

Les lignes les moins rentables sont délaissées et des régions entières du globe, les plus sous-développées, sont de moins en moins bien reliées aux centres industriels du capita­lisme.

La concurrence fait rage sur les trajets les plus rentables. Ainsi, sur l'Atlantique nord, les vols se sont multipliés, aboutissant à une surcapacité et diminuant le coefficient de remplissage des avions, tandis que la guerre des prix aboutit à des tarifs de dumping, détruisant ainsi leur rentabilité.

Depuis des années, pour renforcer leur compétitivité, à un moment où le marché était plus florissant, les compagnies aériennes se sont lancées dans des programmes ambi­tieux d'achats de nouveaux avions, s'endettant très lourdement dans la perspective de lendemains pros­pères. Elles se retrouvent au­jourd'hui avec des avions neufs dont elles n'ont pas l'usage et sont obligées d'annuler leurs com­mandes ou de demander aux constructeurs aéronautiques de re­tarder les livraisons. Les avions ne trouvent plus preneur sur le marché de l'occasion et des dizaines de «jets» se retrouvent immobilisés sur des aéroports-parkings, sans emploi.

Pour restaurer les trésoreries défi­cientes, les compagnies aériennes rognent sur tous les postes de leur budget d'exploitation :

- elles licencient à tour de bras ; de­ puis deux ans, pas une seule com­pagnie qui n'ait pas licencié ; des dizaines de milliers de travailleurs très qualifiés se sont retrouvés au chômage sans possibilité de retrouver un emploi dans un secteur en crise ;

- l'entretien des avions est «allégé » ; ces dernières années, plusieurs compagnies ont été sur­prises à ne pas respecter les règles très strictes de contrôle du bon état des appareils ;

-  les budgets de formation du per­sonnel ont été réduits et les exi­gences de qualification des pilotes et techniciens assouplies ;

-  le personnel navigant est soumis à des conditions d'exploitation plus sévères.

De telles mesures n'ont pour conséquence qu'une dégradation de la sécurité sur les lignes aé­riennes et la multiplication des ac­cidents.

Alors que d'un côté, les compa­gnies sont engagées dans une poli­tique d'économies tous azimuts pour renflouer leurs bilans, de l'autre, les mêmes règles de la concurrence les poussent à des dé­penses massives. Une des lois de la survie, dans une situation de concurrence exacerbée, est la re­cherche de la taille critique par le développement d'alliances com­merciales, de fusions, de rachats d'autres compagnies. Mais si cette politique se traduit à terme par des «économies d'échelle», par une meilleure gestion du matériel vo­lant et du réseau, elle signifie d'abord des investissements lourds. Un exemple parmi d'autres : Air France qui vient de racheter UTA, de fusionner avec Air Inter, de prendre une participation dans la compagnie tchèque, nouvellement privatisée et voudrait bien racheter la Sabena belge, non parce que cette dernière serait particulière­ment intéressante économique­ment, mais surtout parce qu'il s'agit de ne pas laisser la concur­rence s'en emparer. Une telle poli­tique est très dispendieuse et signi­fie d'abord un développement de l'endettement. Dans leur volonté de survie, toutes les compagnies sont engagées dans ce jeu à «qui-perd-gagne», où les victoire sont des victoires à la Pyrrhus qui ne peuvent qu'hypothéquer l'avenir.

La guerre commerciale qui secoue le transport aérien est une illustra­tion de l'absurdité d'un système basé sur la concurrence et les contradictions catastrophiques dans lesquelles plonge le capita­lisme en crise. Cette réalité domine tous les secteurs de l'économie et toutes les entreprises, des plus pe­tites aux plus grandes. Mais elle met aussi a nu une autre vérité, ca­ractéristique du capitalisme dans sa phase de décadence : le rôle do­minant du capitalisme d'Etat.

Les états au coeur de la guerre commerciale

Le secteur du transport aérien est un secteur stratégique essentiel pour tout Etat capitaliste, non seulement sur le strict plan écono­mique, mais aussi sur le plan mili­taire. On voit que, pour le trans­port de troupes, comme lors du conflit dans le Golfe, la réquisition et la mise à disposition de l'armée de l'aviation civile sont néces­saires. Chaque Etat, quand il en a les moyens, se dote d'une compa­gnie aérienne qui porte ses cou­leurs, qui a une position de quasi-monopole sur les lignes intérieures. Toutes les compagnies aériennes un tant soit peu importantes sont sous le contrôle d'un Etat ou d'un autre. Cela est évidemment vrai des compagnies comme Air France qui est directement la propriété de l'Etat français, mais cela est tout aussi vrai des compagnies à statut privé. Celles-ci dépendent totale­ment de tout l'arsenal juridico administratif que chaque Etat a mis en place pour les contrôler étroi­tement. Et ce sont même souvent des liens plus occultes du contrôle du capital qui sont en jeu, comme durant la guerre du Vietnam, où la compagnie Air America s'est en fait révélé appartenir à la CIA.. Derrière la guerre commerciale qui se mène dans le secteur du trans­port aérien, comme dans tous les domaines, ce ne sont pas simple­ment des entreprises qui s'affrontent, mais des Etats.

Le discours offensif du capitalisme américain, qui se drape dans les plis de l'étendard du «libéralisme», de la sacro-sainte «loi du marché» et de la «libre concurrence» est un mensonge. Le protectionnisme éta­tique est la règle générale. Chaque Etat veut protéger son marché inté­rieur, ses entreprises, son écono­mie. Là encore, le marché du transport aérien est un bon exemple. Alors que les USA se font les champions de la dérégulation pour faire jouer la «libre concur­rence», le marché intérieur US est protégé et réservé aux transpor­teurs américains. Chaque Etat édicté un fatras de lois, de règles, de normes dont le but essentiel est de limiter la pénétration de pro­duits étrangers. Le discours sur le libéralisme vise surtout à imposer aux autres Etats l'ouverture de leur marché intérieur. L'Etat est par­tout le principal agent économique et les entreprises ne sont que les champions d'un capitalisme d'Etat ou d'un autre. La forme juridique de propriété, privée ou publique, ne change rien à l'affaire. Le mythe des «multinationales» véhiculé par les gauchistes dans les années 1970 a fait long feu. Ces entreprises ne sont pas indépendantes de l'Etat, elles ne sont que le vecteur de l'impérialisme économique des plus grands Etats du monde.

Les rivalités économiques dans la logique de l'impérialisme

L'effondrement du bloc russe, en mettant fin à la menace militaire de l'armée rouge, a brisé un des ci­ments essentiels qui permettait aux USA d'imposer leur discipline aux pays qui constituaient le bloc occi­dental. Des pays comme l'Allemagne ou le Japon, qui étaient les principaux concurrents économiques des USA, n'en res­taient pas moins des alliés fidèles. En échange de la protection militaire américaine, ils acceptaient la discipline économique que leur imposait leur tuteur. Ce n'est au­jourd'hui plus le cas. La dyna­mique du chacun pour soi, de la guerre commerciale à tout crin, s'en est trouvée relancée. Logi­quement, aux armes de la compéti­tion économique s'associent les moyens de l'impérialisme. C'est cette réalité que vient d'exprimer tout haut Dan Quayle, le vice-pré­sident américain en déclarant en Allemagne, début février : «Il ne faut pas remplacer la guerre froide par la guerre commerciale», ajou­tant pour bien préciser sa pensée : «le commerce est une question de sécurité», et : «Une sécurité na­tionale et internationale exige une coordination entre sécurité politique, militaire et économique »

Dans la bataille économique, les arguments de la propagande idéo­logique sur le «libéralisme» n'ont que peu de lien avec la réalité. La dernière réunion du G7 ([1]) et les né­gociations du GATT ([2]) sont un exemple frappant de la situation présente de guerre économique où, au nom du «libéralisme», ce sont les Etats qui négocient.

Le temps où les Etats-Unis pou­vaient imposer leur loi est révolu. Le G7 n'est parvenu à aucun ac­cord pour tenter une relance mon­diale ordonnée. L'Allemagne oc­cupée à sa réunification fait cava­lier seul en maintenant des taux d'escompte élevés, limitant la ca­pacité des autres pays de baisser les leurs pour favoriser cette hypothé­tique relance. Le voyage du prési­dent Bush au Japon, qui avait pour but explicite d'ouvrir le marché ja­ponais aux exportations améri­caines, a été un fiasco. Les négo­ciations du GATT s'enlisent malgré le forcing des USA qui utilisent tous les atouts de leur puissance économique et impérialiste pour tenter d'imposer des sacrifices économiques à leurs concurrents européens.

De manière significative, ces négo­ciations prennent l'allure d'une foire d'empoigne entre les USA et la CEE. Chacun accuse l'autre de subventionner ses exportations, donc de déroger aux sacro-saintes lois du libre-échange, et tous ont raison. Les Etats européens sub­ventionnent directement le constructeur d'avions Airbus par des aides, des prêts, des garanties de change, tandis que l'Etat améri­cain subventionne indirectement ses constructeurs aéronautiques par des commandes militaires ou des budgets de recherche. En 1990, les pays de l'OCDE ont consacré 600 milliards de dollars à aider leurs industries. Dans le secteur agricole, la même année, les sub­ventions au sein de l'OCDE ont cru de 12%. Un fermier américain bé­néficie en moyenne d'une subven­tion de 22 000 dollars ; pour un fermier japonais celle-ci atteint, toujours en moyenne, 15 000 dol­lars ; et pour un fermier européen 12 000 dollars. Les belles paroles libérales sur la «magie du marché» sont de l'hypocrisie : c'est l'intervention permanente et ren­forcée de l'Etat dans tous les do­maines à laquelle on assiste.

Loin des phrases sur la «libre concurrence», le «libre-échange» et la «lutte contre le protectionnisme», tous les moyens sont bons à chaque capital national pour assurer la survie de son économie et de ses entreprises dans la bagarre sur le marché mondial : subventions, dumping, pots-de-vin sont pra­tiques courantes des entreprises qui agissent sous l'oeil bienveillant de leur Etat protecteur. Et quand cela ne suffit pas, les hommes d'Etat se font représentants de commerce, ajoutant aux arguments économiques ceux de la puissance impérialiste. Sur ce plan les USA donnent l'exemple. Alors que leur économie subit la récession et manque de compétitivité face à ses concurrents, le recours aux argu­ments concrets que lui fournit sa puissance impérialiste, est devenu un moyen essentiel pour lui ouvrir des marchés, moyen que le simple jeu de la concurrence économique ne peut lui permettre de gagner. Et tous les Etats font d'ailleurs de même, dans la mesure de leurs moyens.

Il n'y a plus de loi qui vaille que celle de la survie, tous les moyens sont bons pour gagner la bataille. Telle est la loi de la guerre com­merciale, comme celle de toute guerre. «Exporter ou mourir» disait Hitler : c'est devenu la devise obsédante de tous les Etats du monde. L'anarchie et la pagaille règnent sur le marché mondial, la tension monte et ce n'est pas un accord formel du GATT qui pourra freiner cette dynamique vers le chaos. Alors que, depuis des an­nées, des négociations se mènent à couteaux tirés pour essayer de mettre un peu d'ordre sur le mar­ché, la situation échappe déjà à tout contrôle, les accords de troc se multiplient qui ne rentrent pas dans les réglementations du GATT. Chaque Etat se préoccupe déjà de trouver les moyens de contourner les accords futurs.

La perspective n'est pas à une atté­nuation des tensions.

Plongée dans la récession la guerre commerciale ne peut que s'intensifier

Malgré l'attente et les espoirs des dirigeants du monde entier, l'économie américaine ne parvient pas à sortir de la récession dans la­quelle elle est officiellement plon­gée depuis un an. Les mesures de relance par la baisse du taux d'escompte de la Banque Fédérale, ont tout juste permis de freiner la chute et de limiter les dégâts. Fi­nalement, l'année 1991 se solde par une baisse de 0,7 % du PNB améri­cain. De manière significative, les autres pays industrialisés sont en train de suivre l'économie améri­caine dans sa chute.

Au Japon, la production industrielle a chuté de 4 % durant les douze mois précédant janvier 1992. Sur les trois derniers mois de l'année 1991, la production industrielle a baissé de 4 % dans la partie occidentale de l'Allemagne, de 29,4 % en Suède (!), de 0,9 % en France. En 1991, le PIB de la Grande-Bretagne a diminué de 1,7% par rapport à l'année précédente. La dynamique de récession est généralisée à tous les grands pays industrialisés.

Le récent discours du président Bush sur l'état de l'Union, qui de­vait annoncer des mesures pour sortir l'économie américaine du marasme est une déception. Pour l'essentiel, il s'agit d'un sau­poudrage de recettes qui ont déjà démontré, tout au long de ces der­niers mois, leur inefficacité et qui relèvent en fait plus de la démagogie électoraliste que d'une réelle efficacité économique. Les baisses des impôts vont essentiellement avoir pour effet de creuser encore plus le déficit budgétaire qui a déjà atteint 270 milliards de dollars en 1991 et doit, selon les prévisions officielles, culminer à 399 milliards de dollars en 1992, posant encore plus lourdement le problème de la dette américaine. Quant à la réduc­tion du budget d'armement, les fameux <r dividendes de la paix », il n'aura pour seul résultat que de faire encore plus s'empêtrer l'économie US dans le marasme en diminuant les commandes de l'Etat à un secteur déjà en crise et pour lequel plus de 400 000 licencie­ments sont prévus dans les années qui viennent.

De fait, le seul aspect un tant soit peu positif pour le capital améri­cain en 1991 est le redressement de sa balance commerciale, bien qu'elle soit encore très largement déficitaire. Sur les onze premiers mois de l'année 1991, il atteint 64,7 milliards de dollars, en résorption de 36 % par rapport à la même pé­riode de l'année précédente où il atteignait 101,7 milliards de dol­lars. Cependant ce résultat n'est pas le produit d'une plus grande compétitivité économique, mais de la capacité des USA d'utiliser tous les atouts conjugués, économique et impérialiste, que lui donne son statut de première puissance dans la guerre économique qui se joue sur la scène mondiale. Ce redres­sement de la balance commerciale américaine signifie, avant tout, une dégradation de celle des autres pays concurrents, et donc une ag­gravation de la crise mondiale et une concurrence toujours plus forte sur le marché mondial.

Le mensonge nationaliste, un danger pour la classe ouvrière

Le corollaire de la guerre commer­ciale, c'est le nationalisme écono­mique. Chaque Etat essaie d'embrigader «ses» ouvriers dans la guerre économique, leur deman­dant d'accepter de se serrer la cein­ture au nom de la solidarité autour de la nécessaire défense de l'économie nationale, lançant des campagnes pour encourager l'achat de produits nationaux. «Buy american» est le nouveau slogan des lobbies protectionnistes aux USA.

Depuis des années les prolétaires sont appelés à la sagesse, à la res­ponsabilité, à se soumettre aux me­sures d'austérités pour que demain la situation s'améliore, et depuis des années tout va de mal en pis. Partout, dans tous les pays, la classe ouvrière a été la première victime de la guerre économique. Ses salaires et son pouvoir d'achat ont été amputés au nom de la com­pétitivité économique, les licen­ciements ont été effectués au nom de la survie de l'entreprise. Le pire des pièges serait pour les prolétaires de croire le mensonge du nationalisme économique comme solution, ou moindre mal, face à la crise. Cette propagande nationaliste, martelée aujourd'hui pour que les ouvriers exsudent plus de sueur pour le capital, est la même que celle qui sert à justifier qu'ils donnent leur sang pour la « défense de la patrie».

La guerre commerciale, avec ses ravages sur l'économie mondiale, est l'expression de l'impasse ab­surde dans laquelle s'enfonce le capitalisme mondial en proie à la plus grande crise économique de son histoire. Alors que la pauvreté, la pénurie dominent la majeure partie de la population mondiale, la production chute, les usines fer­ment, les terres sont stérilisées, les travailleurs réduits au chômage, les moyens de production inutilisés. Telle est la logique du capitalisme basé sur la concurrence qui mène au chacun pour soi, à l'affrontement de tous contre tous, à la guerre, vers toujours plus de destructions. Seule la classe ou­vrière, qui n'a pas d'intérêts particuliers à défendre, qu'elle soit d'un pays où d'un autre, elle qui partout subit l'exploitation et la misère, peut, par sa lutte, offrir une autre perspective à l'humanité. En défendant, par delà toutes les divisions et toutes les frontières du capitalisme, son unité et sa soli­darité de classe internationale, elle seule peut permettre une sortie de la tragédie chaque jour plus dramatique dans laquelle le capi­talisme est en train d'entraîner la planète.

JJ, 3/3/92

«La loi selon laquelle une masse toujours plus grande des éléments constituants de la richesse peut, grâce au développement continu des pouvoirs collectifs du travail, être mise en oeuvre avec une dépense de force humaine toujours moindre, cette loi qui met l'homme social à même de produire davantage avec moins de labeur, se tourne dans le milieu capitaliste - où ce ne sont pas les moyens de production qui sont au service du travailleur, mais le travailleur qui est au service des moyens de production - en loi contraire, c'est-à-dire que plus le travail gagne en ressources et en puissance, plus il y a pression des travailleurs sur les moyens d'emploi, plus la condition d'existence des salariés, la vente de sa force de travail devient précaire.»

Marx, Le Capital, livre I, 7e section.



[1] Groupe des sept plus grands pays indus­trialisés qui organisent des réunions régu­lières afin de «tenter» de coordonner leurs politiques économiques pour faire face à la crise mondiale.

[2] General agreement on tarifs and trade : négociations internationales destinées à établir des accords de régulation du marché mondial en «réglementant» les conditions de la concurrence.

 

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