Soumis par Revue Internationale le
Bilan nos 34 – 35 – 36 – 37 (1936).
Présentation des textes de "Bilan"
En republiant les textes de "Bilan" (organe de la Fraction italien ne de la Gauche communiste) concernant les événements de 1936-39 en Espagne, nous n'entendons pas faire oeuvre d'historiens soucieux de donner des descriptions détaillées et chronologiques de leur déroulement. Il existe aujourd'hui, à ce sujet, des dizaines de livres d'histoire souvent fort bien documentés, que le lecteur à la recherche d'une documentation pourrait largement mettre à profit. Notre objectif est tout autre. Si l'histoire de l'humanité est toujours l'histoire de la lutte des classes, les luttes d'hier ne se présentent pas au prolétariat comme un "passé" figé, mort, mais comme des moments toujours vivants de sa lutte historique pour la transformation révolutionnaire de la société, de sa lutte toujours présente. Non seulement le contenu, le but, de cette lutte demeurent toujours les mêmes mais encore les configurations politiques fondamentales, les forces politiques en présence, leurs poids et les positions qu'elles occupent et défendent ont à peine varié. La compréhension de ses luttes d'hier constitue pour le prolétariat, seule classe révolutionnaire dans la société capitaliste, un effort nécessaire et incessant de connaissance toujours plus approfondie du contenu et des moyens de la lutte qu'il mène; de saisir et de surmonter ses défaillances et ses erreurs, de connaître et éviter les impasses et les déviations, de forger sa conscience et ses armes pour les batailles futures et sa victoire finale.
Les textes de "Bilan" gardent un intérêt énorme et cela, non seulement parce que les positions défendues par la Gauche italienne étaient la seule réponse juste de classe aux problèmes auxquels se heurtait le prolétariat espagnol il y a 40 ans mais encore parce que les mêmes problèmes restent au centre des luttes actuelles du prolétariat espagnol et international. Il ne s'agit pas de distribuer de satisfecit à un groupe révolutionnaire dans le passé dont par ailleurs nul révolutionnaire ne saurait ignorer son apport mais de saisir de ses positions qui ont largement soutenu l'épreuve du feu de l'expérience et qui doivent nous servir de fil conducteur dans les affrontements présents et futurs de la classe ouvrière.
La force de l'analyse que fait "Bilan" sur la situation en Espagne, réside avant tout, dans le fait qu'il place cette situation particulière dans un contexte mondial et historique. Une erreur devenue commune et qu'on retrouve jusque dans les rangs des Communistes de Gauche, consiste à analyser des situations en partant du pays, isolément, en soi. Une telle démarche qui se veut "marxiste", déterministe, concrète, mène inévitablement aux pires aberrations. Le "développement inégal" du capitalisme dont parlait Marx et ses implications sur, 1a lutte de classe avait toute son importance et jouait pleinement au début du capitalisme et dans sa période ascendante. Le capitalisme naît dans une économie régionalisée de laquelle il se dégage lentement. Dans de telles conditions, 1e poids des particularités régionales ou nationales pèse encore d'une façon prépondérante sur l'évolution tant locale que générale. Mais au fur et à mesure que le capitalisme se développe et crée le marché mondial, les spécificités locales, tout en subsistant perdent en importance et cèdent devant les lois générales du capitalisme en tant que système mondial qui impose sa domination à tous les pays et à chaque pays pris isolément. On peut ainsi donner comme formulation générale : plus le capitalisme s'est développé comme système, plus les pays individuels se trouvent dépendants de l'évolution du système comme un tout et moins jouent les caractères particuliers de chaque pays dans l'analyse de leur développement propre.
C’est dans la période de décadence, quand le système capitaliste comme un tout, entre dans le déclin, suite au développement de ses contradictions devenues insurmontables que se manifeste le plus hautement cette unité mondiale du système. Il est alors aberrant, sous prétextes de la loi du "développement inégal", d'axer l'analyse en partant des particularités propres à chaque pays et du degré de développement capitaliste qu'il aurait atteint. Nombreuses sont ces analyses "marxistes" qui partant de l'état arriéré de l'économie russe pris isolement, arrivent à rejeter jusqu'à la possibilité même d'une révolution socialiste, et à nier en conséquence toute signification prolétarienne à la Révolution d’Octobre 1917. C!est là une démarche typiquement menchevik en dernière analyse elle consiste à appliquer à la crise du capitalisme et à la Révolution prolétarienne le schéma et les normes qui présidaient à la Révolution bourgeoise. C’est à ce schéma, que l'Internationale Communiste de Boukharine-Staline se référait pour justifier sa politique de bloc des classes en Chine, en redécouvrant la Révolution bourgeoise-démocratique, 10 ans après la Révolution d'Octobre. Cette démarche sert de plateforme commune, aussi bien à eaux qui combattaient pour la dévolution Prolétarienne en Allemagne mais niaient sa possibilité en Russie, qu'à ceux qui ont inventé une théorie de "Révolution double" (à la fois bourgeoise et prolétarienne), qu'à ceux qui continuent à voir un mouvement progressiste dans les guerres de "libération nationale" et persistent à voir à l'ordre du jour de l'histoire des Révolutions dérnocratico-bourgeoises pour les pays sous-développês et coloniaux en même temps qu'ils bavardent volontiers sur la Révolution prolétarienne dans les pays industrialisés.
La première difficulté, 1e premier obstacle auquel se heurtait "Bilan" à propos des événements en Espagne, consistait dans la démarche de tous ceux qui mettaient en avant le "cas particulier" de l'Espagne, qui parlaient de "féodalisme et de lutte contre le "féodalisme réactionnaire". L'état arriéré de l'économie Espagnole devenant une chose en soi, servait ainsi de justification à toutes les compromissions et ouvrait la porte à toutes les trahisons. Replaçant l'Espagne dans l'économie mondiale, "Bilan" démontrait la nature capitaliste de ce pays, que ce n'est que dans ce cadre, d'une économie capitaliste mondiale en crise que devait et pouvait être comprise la situation de l'Espagne.
Non moins important était de situer la lutte du Prolétariat espagnol dans le contexte de l'évolution générale mondiale de la lutte du Prolétariat. Dans quel cours se trouve le Prolétariat dans la décennie de 1939 : dans un cours de montée de la lutte révolutionnaire ou dans celui, où après avoir subi des défaites profondes , démoralisé , il s'est laissé intégrer dans la défense nationale, au nom de la défense de la démocratie et de 1!antifascisme, débouchant inévitablement dans la guerre impérialiste? Trotsky qui avait vu et dénoncé dans le victoire d'Hitler en Allemagne l'ouverture d'un cours vers la guerre, change complètement de perspective avec l'avènement du Front Populaire en France et en Espagne et annoncera en gros titre en 1936 que "La Révolution a commencé en France". Tout autre sera l'analyse de "Bilan" qui non seulement ne verra pas dans le triomphe du Front populaire un renversement du cours vers la guerre mais au contraire le considérera comme un renforcement de ce cours, une réplique adéquate dans les pays "démocratiques" l'hystérie guerrière de l'Allemagne et de l'Italie, un moyen, et des plus efficaces, pour faire quitter au prolétariat son terrain de classe, pour le mobiliser autour de la défense de la "démocratie" et de l'intérêt national, préparation nécessaire pour le mener à la guerre impérialiste.
Dans un tel contexte quelle pouvait être la perspective des luttes héroïques du prolétariat espagnol? Il est indéniable que le prolétariat d'Espagne donne, dans sa vigoureuse lutte surtout les premiers jours contre le soulèvement des armées de Franco, un magnifique exemple de combativité et de décision. Mais pour si grande que fut sa combativité le développement des événements devait vite démontrer qu'il n'était pas en son pouvoir d'aller seul à la victoire révolutionnaire dans un cours mondial de recul et de démobilisation de la classe ouvrière internationale.
La plupart des groupes communistes qui se situaient à la gauche du trotskysme jugeaient autrement. Rejetant ce qui leur paraissait du "fatalisme" de la part de "Bilan"' et ne se référant comme critère décisif qu'à la combativité des ouvriers d'Espagne, ils croyaient à la possibilité pour le Prolétariat espagnol de renverser le cours général de recul et engager ainsi un nouveau départ pour la Révolution. Entraînés davantage par un sentimentalisme révolutionnaire que par un raisonnement rigoureux, ils ne voient dans les événements d'Espagne une dernière onde de la grande vague révolutionnaire des années 17-20, un dernier soubresaut d'un prolétariat mondial s'engloutissant dans la marée de l'Union nationale et de la guerre, mais l'annonce d'un réveil de la Révolution, rejoignant ainsi la perspective de Trotsky. Rien d'étonnant que, s'accrochant à l'espoir d'un miracle qui ne pouvait venir,ils étaient amenés à voir comme conquête ouvrière ce qui n'était qu'un renforcement du capitalisme, comme les fameuses milices ou la participation au gouvernement, à fermer les yeux sur la réalité tragique dans laquelle le Prolétariat d'Espagne complètement désorienté était livré au pire massacre capitaliste, à se voir eux-mêmes sombrer politiquement et devenir les complices "critiques" et rabatteurs de la guerre, à l'instar des trotskystes et autres poumistes. Des événements tragiques du Prolétariat en Espagne 1936, nous devons retenir cette leçon précieuse : autant Octobre 17 nous montre la possibilité d'une victoire de la Révolution prolétarienne dans un pays capitaliste arriéré parce que portée par une vague générale de la Révolution, ce prolétariat ne fait qu'exprimer et annoncer, autant 1936 en Espagne nous montre qu'il est impossible à un prolétariat d'un pays sous développé quelle que soit sa combativité de renverser un cours général de contre-révolution triomphante. Cela n'a rien à voir avec un fatalisme et un croisement de bras. Comme l'écrira "Bilan" "La tâche de l'heure:était de ne pas trahir". En Espagne 36 ce n'était pas la victoire de la Révolution qui était en question mais essentiellement ne pas laisser le prolétariat se désarçonner, abandonner son terrain de classe et se laisser s’immoler sur l'autel au bénéfice de la contre-révolution, qu'elle se présente sous la forme fasciste ou démocratique. Si le Prolétariat espagnol ne pouvait faire triompher la révolution, il pouvait et devait rester fermement sur son terrain de lutte de classe, rejeter toute alliance et coalition avec des fractions de la bourgeoisie, se refuser aux mensonges d'une guerre antifasciste qui elle, oui contenait la fatalité de son écrasement et servait de prélude à 6 ans de massacres ininterrompus de millions de prolétaires dans la 2ème guerre impérialiste mondiale. Telle était la tâche de l'heure et le devoir premier des révolutionnaires que leur assignait "Bilan" en dénonçant de toutes ses forces cette fausse "solidarité" qui consistait à réclamer et envoyer des armes et des hommes en Espagne et qui ne pouvait avoir d'autre résultat que de prolonger et élargir la guerre au point de transformer la guerre capitaliste locale en guerre impérialiste générale.
La guerre d'Espagne devait encore rajeunir et développer un autre mythe, un autre mensonge. En même temps qu'on substituait à la guerre déclasses du prolétariat contre le capitalisme, la guerre entre "Démocratie et Fascisme, qu'on remplaçait les frontières de classes par des frontières territoriales, on défigurait le contenu même de la Révolution en changeant l'objectif central de la Révolution : Destruction de l'Etat bourgeois et prise du pouvoir politique par le Prolétariat en celui de soi-disantes mesures de socialisation et de gestion ouvrière des usines.
Ce sont surtout les anarchistes et certaines tendances se réclamant du Conseillisme qui se distinguaient à exalter le plus ce mythe, allant jusqu'à voir et proclamer dans cette Espagne républicaine, antifasciste et stalinienne la conquête de positions socialistes bien plus avancées que n'aurait atteint la Révolution d'Octobre.
Il n'est pas de notre intention d'entre ici dans une analyse détaillée de l'importance et de la signification de ces mesures. Le lecteur trouvera dans les textes de "Bilan" que nous publions une réponse suffisamment claire à ces questions. Ce que nous voulons mettre en évidence ici est que ces mesures mêmes si elles auraient été plus radicales qu'elles ne furent en réalité, n’auraient en rien changé le caractère fondamentalement contre-révolutionnaire du déroulement des événements en Espagne. Pour la bourgeoisie comme pour le prolétariat le point central de la révolution ne peut-être que celui de la conservation ou de la destruction de l'Etat capitaliste. Le capitalisme peut non seulement s'accommoder momentanément des mesures d'autogestion ou de soi-disant socialisations (lire mise en coopératives) des exploitations agricoles en attendant la possibilité de les ramener dans l'ordre à la première occasion propice (voir les récentes expériences au Portugal) mais elle peut parfaitement les susciter comme moyens de mystification et de dévoiement des énergies du Prolétariat vers des conquêtes illusoires afin de le détourner de l'objectif central qui est l'enjeu de la Révolution : la destruction de la puissance du Capitalisme, son Etat.
L'exaltation de prétendues mesures sociales comme le summum de la Révolution n'est qu'une radicalité de mots qui recouvre dans le meilleure des cas une même racine du vieux réformisme : 1a marche graduelle de la transformation sociale. Dans la réalité de l'Espagne 36, ce radicalisme de la phrase est plus que cela; elle fait sienne la mystification du capitalisme tendant à détourner le prolétariat de sa lutte révolutionnaire contre l'Etat. Victimes eux-mêmes, dans un premier temps de la mystification et des apparences, ces courants deviennent rapidement des complices de ce détournement, s'employant de leur mieux à brouiller la vision claire de la tâche première du Prolétariat dans la Révolution. A l'encontre de ces radicaux de la phrase et en total accord avec "Bilan" nous affirmons qu'une Révolution qui ne commence pas par la destruction de l'Etat capitaliste peut-être tout ce que l'on veut sauf une Révolution prolétarienne. Les événements d'Espagne 36 n'ont fait que confirmer tragiquement ce postulat révolutionnaire mis en évidence et appliqué en 1917 par le Parti bolchevique et qui était une des conditions décisives de la victoire d'Octobre
En 36 en Espagne le prolétariat a subi une de ses plus sanglantes défaites qui lui a valu 60 ans de répression féroce. Reflet de ce cours de défaites et de réaction triomphante, 1a Gauche Communiste réduite à de petits groupes qui trouvaient leur expression dans Bilan, avait douloureusement conscience de son isolement et de son impuissance dans l'immédiat. Tout comme le Parti Bolchevik et la poignée de révolutionnaires en 1917, elle restait fidèle au communisme en allant à contre-courant. Si la guerre et 40 années de contre-révolution triomphante avaient eu raison matériellement de son organisation, les enseignements du combat et des positions révolutionnaires de la Gauche Communiste des années 30 n'ont pas été perdus. Aujourd'hui avec la reprise de la lutte de classe et la perspective de son développement révolutionnaire, les communistes retrouvent et renouent le fil de cette continuité politique. En republiant les textes de "Bilan", nous entendons en faire des instruments pour un réarmement politique du prolétariat d'aujourd'hui et des leçons de la défaite d'hier forger les armes de la victoire finale de demain.
Au front impérialiste du massacre des ouvriers espagnols il faut opposer le front de classe du prolétariat international.
(Bilan n°34, Août-Septembre 1936)
La simple affirmation générale qu’actuellement, en Espagne, se déroule une bataille sanglante entre la bourgeoisie et le prolétariat, loin de permettre d'établir les positions et les forces politiques pouvant permettre la défense et la victoire du prolétariat, peut conduire au pire désastre et au massacre des travailleurs. Pour arriver à des conclusions positives il faut déterminer tout d'abord si les masses ont occupé leur retranchement spécifique de classe, se trouvent dans la possibilité d'évoluer, de faire sortir de leur sein les forces capables de briser l'attaque ennemie.
Plusieurs alternatives occupent, en ce moment, la scène politique. Commençons par celle soulevée par le Front Populaire et à laquelle les centristes ont donné une consécration "théorique". Il s'agirait d'une lutte à mort des "factieux, des rebelles, des fascistes" contre le "gouvernement légal, défendant le pain et la liberté"; le devoir du prolétariat serait, par conséquent, de défendre le gouvernement qui serait en définitive celui de la bourgeoisie progressive en lutte contre les forces de la féodalité. Les ouvriers qui auraient permis la victoire contre les représentants du régime féodal pourraient, par la suite, passer à la phase supérieure de la lutte pour le socialisme. Dans notre précédent numéro, nous avons mis en évidence que si, en Espagne, le capitalisme se trouvait dans l'impossibilité d'organiser une société du type des autres existantes en Europe, c'est bien une bourgeoisie qui détient le pouvoir et le seul protagoniste de la refonte du mécanisme économique et politique est le prolétariat et lui seul.
Le Front Populaire en Espagne, tout comme d'ailleurs dans les autres pays, se révèle être, même au cours des événements actuels, non pas une force dont les ouvriers pourraient se servir, mais une arme puissante de l'ennemi ayant pour fonction l'écrasement de la classe ouvrière. Qu'il suffise de réfléchir au fait que c'est bien sous son gouvernement qui a pu s'organiser méthodiquement toute l'action de la droite, dont les supports ne consistent pas seulement dans la conjuration (cet aspect le plus théâtral est quand même le moins important), à laquelle toute latitude a été donnée pour se préparer que, dans le domaine social, l'action du gouvernement de Front Populaire avait déterminé la démoralisation des masses paysannes, l'hostilité profonde des ouvriers s'acheminant à nouveau vers l'éclosion de grandes grèves du type de celle de 1931-32 et qui furent écrasées par la terreur dirigée justement par le gouvernement de gauche composé d' une équipe analogue à celle du Front Populaire d'aujourd'hui.
Même au début des événements actuels, l'orientation bien marquée du Front Populaire était celle d'aboutir à un compromis avec la droite, ainsi qu'en témoigne la tentative de constitution du gouvernement Barrios. Aussi Azana peut-il bien s'étonner du fait que Franco, tout en pouvant le faire sans le moindre risque, ne soit pas allé l'arrêter dès le premier jour. C’est qu'une grande inconnue planait sur la situation et le capitalisme tout en ayant décidé une première attaque frontale dans toutes les villes, ne savait point si son aile droite aurait pu obtenir immédiatement une victoire totale. En prévision de cela l'arrestation d’Azana a été réservée, et c'est bien l'action successive du Front Populaire qui a donné les plus grandes chances de succès à l'offensive capitaliste.
A Barcelone en premier lieu et dans les autres centres ouvriers aussi, l'attaque de la droite se heurta à un soulèvement populaire, lequel, parce qu'ils luttaient sans la moindre attache avec la machine étatique capitaliste et affirmaient leur base de classe, purent rapidement désagréger les régiments, où en correspondance avec les événements qui se déroulaient dans les rues, la lutte de classe éclata et les soldats se révoltèrent contre leurs chefs» A ce moment, le prolétariat s'acheminait directement vers un intense armement politique, d'où ne pouvait résulter qu’une offensive dirigée contre la classe capitaliste et vers le triomphe de la révolution communiste.
En conséquence de la riposte véhémente et puissante du prolétariat, le capitalisme sentit qu'il devait abandonner son premier plan d'attaque frontale et uniforme. En face d'ouvriers qui s'étaient insurgés, qui allaient acquérir une puissante conscience de classe, la bourgeoisie sentit qu'il n'y avait d'autre moyen de se sauver et de vaincre, qu'en chargeant le Front Populaire de diriger l'action politique des ouvriers. La tolérance de l'armement des masses s'accompagnait avec son encadrement, que Caballero veut aujourd'hui porter à sa perfection au point de vue technique au travers du "commandement unique", et avec une orientation politique spécifiquement capitaliste. A la première phase du faible armement matériel, mais de l'intense armement politique, succédait l'autre de l'accroissement des instruments techniques à la disposition d'ouvriers qui, progressivement, étaient transportés de leur base primitive de classe vers l'autre opposée et qui est celle de la classe capitaliste.
A Madrid, rapidement, moins facilement aux Asturies, par un procédé bien plus compliqué à Barcelone, le Front Populaire a pu obtenir son succès et les masses se trouvent actuellement englobées sous cette devise centrale : qu'elle soit Sacrée, la machine étatique du capitalisme, qu'elle fonctionne au plus haut rendement pour permettre la victoire contre la droite; l'écrasement des "factieux" étant le suprême devoir du moment.
Le prolétariat a déposé ses armes spécifiques de classe et a consenti au compromis avec son ennemi, au travers du Front Populaire. Aux frontières de classe, les seules qui auraient pu démantibuler les régiments de Franco, redonner confiance aux paysans terrorisés par la droite, d'autres frontières ont surgi, celles spécifiquement capitalistes, et l'Union Sacrée a été réalisée pour le carnage impérialiste, région contre région, ville contre ville en Espagne et, par extension, Etats contre Etats dans les deux blocs démocratique et fasciste. Qu'il n'y ait pas la guerre mondiale, cela ne signifie pas que la mobilisation du prolétariat espagnol et international ne soit pas actuellement achevée, pour son entrégorgement sous le drapeau impérialiste de l'opposition : fascisme-antifascisme.
Après les expériences italienne et allemande, il est extrêmement désolant de voir des prolétaires d'une haute préparation politique qui, en se basant sur le fait que les ouvriers sont armés, en concluent que, bien que le Front Populaire dirige ces armées, les conditions se seraient présentées, sans un bouleversement total de la situation, pour permettre la défense et la victoire de la classe ouvrière. Non, Azana et Caballero sont les dignes frères des socialistes italiens et allemands, ils en sont les émules parce que dans une situation extrêmement tendue ils sont parvenus à trahir les ouvriers, à qui ils ont laissé les armes uniquement parce qu'elles devaient servir une bataille de classe, non contre le capitalisme espagnol et international, mais à une bataille de classe contre la classe ouvrière d'Espagne et du monde entier sur le front de la guerre impérialiste.
A Barcelone la façade offusque la réalité. Parce que la bourgeoisie se retire provisoirement de la scène politique, parce que les bourgeois ne sont plus à la tête de certaines entreprises, l'on en arrive à considérer que le pouvoir bourgeois n'existe plus. Mais si ce dernier est vraiment inexistant, alors c'est l'autre qui aurait dû surgir : celui du prolétariat. Et ici la réponse tragique des événements est cruelle : toutes les formations politiques, mêmes les plus extrêmes, la CNT, proclament ouvertement qu'il ne faut nullement attenter à la machine étatique capitaliste à la tête de laquelle Compagnys serait même d'utilité pour la classe ouvrière. Notre avis à ce sujet est absolument net : deux principes s'opposent, deux classes, deux réalités : celle de la collaboration et de la trahison, l'autre de la lutte. A la tension extrême de la situation, correspondent aussi des forces extrêmes de la collaboration. Si en face d'une conflagration sociale du type de celle de Barcelone les ouvriers sont poussés non vers l'attaque contre la machine étatique capitaliste, mais vers sa sauvegarde, alors c'est la collaboration et non la lutte de classe qui triomphe. La voie pour l'éclosion de la lutte de classe ne se trouve point dans l'élargissement successif des conquêtes matérielles, tout en laissant debout l'instrument de domination de l'ennemi, mais dans la voie opposée qui connaît le déclenchement des mouvements prolétariens. La socialisation d'une entreprise tout en laissant intact l'appareil étatique est un maillon de la chaîne qui bloque le prolétariat derrière son ennemi aussi bien sur le front intérieur que sur le front impérialiste de l'antagonisme fascisme-antifascisme, alors que le déclenchement d’une grève pour la moindre revendication de classe et cela même dans une industrie "socialisée" est un anneau qui peut conduire à la défense et à la victoire du prolétariat espagnol et international.
Il est tout aussi impossible d'opérer un mélange entre le prolétariat et la bourgeoisie qu’il l'est entre les Fronts territoriaux actuels, les armées d'Union Sacrée et les frontières de classe, les armées de classe. La différenciation s'opère sur les questions fondamentales et non sur celles de détail. Il existe actuellement une opposition apparente entre le détail et l'essentiel, entre la composition, l'ardeur, le sacrifice, l'héroïsme des prolétaires enchaînés par le Front Populaire et la force politique, historique que représente ce dernier. Tout comme Lénine en avril 1917, nous devons opérer sur le noeud central du problème et c'est là que la seule différenciation politique "réelle" peut s'opérer. A l'attaque capitaliste on ne peut répondre que sur une base prolétarienne. Ceux qui négligent ce problème central se mettent délibérément de l'autre côté de la barricade et les prétendues réalisations sociales ne sont, en définitive, qu’une maille reliant les ouvriers à la bourgeoisie.
De la situation actuelle où le prolétariat est tenaillé entre deux forces capitalistes, la classe ouvrière ne peut passer à l'autre opposée qu'en empruntant le chemin conduisant à l'insurrection. Il n' y a pas évolution possible des armées actuelles de Catalogne, de Madrid, d'Asturies mais il faut la rupture brutale, sans la moindre équivoque. La condition essentielle pour le sauvetage de la classe ouvrière espagnole réside dans le rétablissement des frontières de classe qui sont opposées à celles territoriales actuelles. En Catalogne surtout, où les énergies prolétariennes sont encore puissantes, ces énergies doivent être mobilisées sur un plan de classe. Il faut faire échec au plan capitaliste qui consiste à écraser par la terreur les masses paysannes et à convoiter, par la corruption politique, les masses paysannes industrielles pour les diriger vers le même front de la victoire du capitalisme espagnol et international. Pas d'Union Sacrée, à aucun échelon de la lutte, à aucun instant de la bataille. Cet acte de la guerre impérialiste peut ne pas se relier avec l'éclosion immédiate de la conflagration mondiale. Dans ce cas, les batailles actuelles en Espagne, faute d'un bouleversement total de la situation, se dirigeront vers la victoire de la droite, car c'est à cette dernière que revient la fonction politique d'écraser par milliers les prolétaires, d'instaurer la terreur générale, totale, du type de celle qui a exterminé le prolétariat italien et allemand. La gauche, le Front Populaire a une fonction capitaliste différente et consistant à faire le lit à la réaction, un lit sanglant où sont déjà couchés des milliers de travailleurs espagnols et d’autres pays.
La classe ouvrière n'a que des forteresses de classes et ne peut vaincre du moment qu'elle est emprisonnée dans les forteresses ennemies que sont actuellement les fronts militaires. Les héroïques défenseurs d'Irun étaient condamnés d'avance, ils avaient été livrés au capitalisme par le Front Populaire qui était parvenu à les extirper de leur terrain de classe et en a fait la proie des armées de Franco.
La lutte armée sur le front impérialiste est la tombe du prolétariat. Il faut y opposer la lutte armée sur le terrain social. A la compétition pour la conquête des régions et des villes, il faut opposer l’attaque contre la machine étatique, et c'est uniquement de cette attaque que peut résulter la désagrégation des régiments de la droite, c'est ainsi seulement que le plan du capitalisme espagnol et international pourra être brisé. Autrement, avec ou sans l'acceptation du plan français de neutralité, avec ou sans le Comité de Coordination composé de fascistes, démocrates et centristes, (tous les pays importants y étant représentés), c'est l'orgie capitaliste qui triomphe et les marchands de canons de France, d'Angleterre, d’Allemagne, d'Italie, l'Etat Soviétique lui-même livreront les munitions aux deux Etats-majors, celui de Franco, l'autre de Caballero pour massacrer les ouvriers et les paysans en Espagne.
Dans tous les pays au mot d'ordre capitaliste, pour ou contre la neutralité, pour ou contre l'envoi de munitions à Franco ou au gouvernement, opposés des manifestations de classe, des grèves contre les transports légaux d'armes, des batailles dirigées contre chaque impérialisme. C'est à cette condition uniquement que la solidarité peut s'affirmer réellement pour la cause du prolétariat espagnol.
L'abattoir des prolétaires en espagne.
Extraits (Bilan n°35, Septembre-Oct. 1936)
Les fascistes attaquent en Espagne. Les traîtres à la classe ouvrière de tous les pays sont à leur place quand ils réclament de leurs gouvernements respectifs des envois d'armes et munitions au gouvernement "légal de la République". Mais autre chose serait de lancer un appel à la classe ouvrière de chaque pays afin qu'elle se mobilise dans une lutte acharnée contre ses capitalismes respectifs. Ce serait là de la lutte de classe, ce serait là la seule solidarité à manifester aux ouvriers espagnols. Une telle action, les traîtres ne pouvaient même pas la concevoir elle conduirait, en effet, à l'affaiblissement du capitalisme dans tous les pays et, par ricochet, arrêterait les chances de succès de l'attaque fasciste en Espagne. Cette directive n'appartient qu'à des groupes restreints de prolétaires qui s'amenuisent d'ailleurs de jour en jour si l'on considère que le parti d'unification marxiste, POUM, la CNT et la FAI s'insurgent contre la mystification du discours de M. Bloum à Luna-Parc et demandent aux ouvriers français, non de déclencher une lutte de classe contre leur impérialisme, mais d'imposer au gouvernement de Front Populaire de lever le blocus, pour neutraliser l'aide apportée par Hitler et Mussolini aux fascistes espagnols.
Si l'on réfléchit à l'opposition criante qui existe entre la première et la deuxième phase des événements, l'on comprend enfin la cruelle logique des situations actuelles. Le 19 juillet, le prolétariat s'insurge contre l'attaque fasciste et déclenche la grève générale. Le prolétariat est debout, le prolétariat est lui-même, il est la classe qui est capable d'arrêter l'offensive des fascistes, il lutte avec son arme spécifique : la grève. Lutte armée, oui, mais au service d'une revendication de classe. Et à ce moment il n'existe pas de gouvernement à côté des ouvriers, pas de républicain pas de séparatistes. Le prolétariat est terriblement fort parce qu'il est terriblement seul. Par après la situation est bouleversée. Autour des ouvriers espagnols il y a le gouvernement de Front Populaire et la sympathie de gouvernements puissants : français, anglais, russe, mais le prolétariat n'existe plus car, sorti de sa base primitive de classe, il a été cloué dans une base qui n'est plus la sienne, qui est le contraire de la sienne, celle de son ennemi de classe.
Et la tragédie commence. Les fascistes se renforcent dans la mesure même où les ouvriers se collent —au travers du gouvernement de Front Populaire- à leur bourgeoisie. A Barcelone la machine étatique capitaliste non seulement est laissée intacte, mais elle est sanctifiée lorsqu'on pousse les ouvriers à la faire fonctionner avec le maximum de rendement pour permettre la guerre militaire. Le renforcement de la machine étatique à Barcelone, à Madrid, à Valence avec son corollaire : le renforcernent de la même machine à Séville et Burgos, détermine des chances toujours plus favorables pour l'attaque fasciste.
Les traîtres dans les différents pays poussent les ouvriers à invoquer l'intervention des gouvernements respectifs. Quel serait le résultat ? Mais la leçon de 1914-18 est là : tragiquement éloquente. A supposer même qu'il ne s'en suivrait pas de conflit mondial, et que de meilleures conditions militaires pour les armées "loyales" permettent la victoire sur les généraux, les ouvriers espagnols qui auraient lutter sous la direction, les objectifs, le contrôle du gouvernement du Front Populaire, se trouveraient demain tout comme les ouvriers français et anglais en 1918 à devoir payer avec le renforcement de leur esclavage le prix de n'avoir pas su déjouer la tromperie ennemie. La manoeuvre du capitalisme, consistant à jeter les travailleurs les uns contre les autres, se serait bornée à l'Espagne, elle n'aurait pas embrasée le monde entier mais cela n’en aurait pas moins pour conséquence que le prolétariat espagnol aurait été le seul à en faire les frais.
Mais cette hypothèse n'est pas celle qui semble correspondre à l’évolution des terribles événements d’Espagne. Nos prévisions primitives semblent se confirmer. Le capitalisme était forcé de procéder à une sanglante conversion de son extrême gauche vers l’extrême droite. Le plan initial n'avait pas abouti : écraser d'un coup les masses dans toute l'Espagne. Pour y arriver la bourgeoisie avait besoin d'une force complémentaire à celle de l'attaque frontale des généraux. Cette force a été représentée par le Front Populaire.
De son front de classe primitif, les batailles de rues contre la bourgeoisie, les ouvriers ont été arrachés par le succès de la manoeuvre du Front Populaire qui les a jetés vers le Front opposé des frontières territoriales. Et progressivement, à chaque défaite sur le front territorial, la manoeuvre capitaliste a gagné de nouvelles forces agissant au sein des masses. La défaite d’Irun correspond à la formation du gouvernement d’extrème-gauche de Caballero, la chute de Tolède à l'entrée du POUM et des anarchistes dans la Généralidad de Barcelone. C'est ainsi que le capitalisme espagnol suffoquait toute réaction de classe.
Les ouvriers espagnols et du monde entier se souviendront de la douloureuse tragédie actuelle, ils l'ajouteront à celle de l'Allemagne, d'Italie, de Russie, des autres pays. L'ennemi capitaliste allonge la file de ses victoires contre le prolétariat, mais sur le terrain historique, il est définitivement condamné : pour se venger de son incapacité de mater l'éclosion des forces de production, il amoncelle des montagnes de cadavres d'ouvriers. De ces innombrables victimes jaillit la force invincible qui construira la société communiste. Les ouvriers d'Espagne se battent comme des lions, mais ils sont battus parce qu'ils sont dirigés par les traîtres dans l'enceinte de la forteresse ennemie sur les Fronts territoriaux. De leur défaite, jaillira la digue de fer de la lutte des classes contre laquelle aucune arme n'aura de puissance car les travailleurs, qui devraient la diriger contre leur frères, sauront s'en servir contre leur ennemi de classe pour la victoire de la révolution.
La consigne de l’heure : ne pas trahir.
Extraits (Bilan, n°36, Nov. 1936).
Une phrase suffit pour détruire de fond en comble notre position : quoi ? Alors que les ouvriers espagnols luttent d'arrache-pied contre l'attaque fasciste, se battent comme des lions contre un ennemi qui reçoit armes et munitions de Hitler et Mussolini avec la complaisance de Blum et de Eden quand ils dressent des barricades avec leurs corps pour arrêter l'avance des hordes fascistes, alors que, dans tous les pays, des centaines et des milliers d'ouvriers s'apprêtent à rejoindre le front de la bataille, votre position consiste à démoraliser les rangs des combattants, à faciliter l'invasion de l'ennemi fasciste, à démanteler les fronts où les prolétaires disputent, mètre par mètre, le terrain à Franco derrière qui se trouvent coalisés, les fascistes de tous les pays.
Seulement cette phrase n'est point un argument et si elle peut facilement, —à cause de son caractère démagogique— avoir raison de nous, elle ne représente guère une manifestation de solidarité aux ouvriers espagnols. Elle n'est, en définitive qu'un anneau de plus enchaînant les prolétaires, livrant ces derniers aux forces qui conduisent à l'échafaud leurs vies, leurs institutions et leur classe. Encore une fois, il ne s'agit pas —au cours des discussions entre les courants qui prétendent oeuvrer pour la libération des ouvriers du joug capitaliste— d'une bataille polémique tendant à écarter et à réduire au silence l'adversaire, ainsi que ses arguments. Il s'agit de présenter des positions politiques, de mobiliser des forces qui puissent déterminer la lutte, la défense et la victoire de la classe ouvrière contre l'ennemi capitaliste. C’est uniquement sur ce terrain que la diversification politique peut correspondre aux intérêts des ouvriers espagnols et de tous les pays : c'est sur ce front seulement que les énergies de la classe ouvrière peuvent se nouer pour construire le barrage de la défense et de la victoire.
Les flots de la démagogie peuvent nous noyer, mais le cruel développement des événements laissera non seulement debout l'ensemble de nos positions politiques, mais donnera la plus tragique des confirmations à ces dernières et cela parce que nous restons inébranlablement ancrés, dans les fondements de classe des masses prolétariennes et uniquement dans ceux-ci. Autant nous serions disposés à détruire jusqu'à la dernière syllabe de nos considérations si cela pouvait apporter une aide aux ouvriers espagnols, autant nous sommes forcés de voir l’opposition enragée des militants qui luttent contre nous, non un élément positif pour la résistance du prolétariat espagnol, mais une nouvelle manifestation de la victoire de la manoeuvre de l'ennemi capitaliste qui ne pouvait gagner cette nouvelle bataille qu'à la condition de pouvoir enchaîner à son char —avec la colossale mystification de l'anti-fascisme qui se révèle être, encore une fois, le lit du fascisme— jusqu'aux secteurs les plus avancés où résistaient les militants révolutionnaires.
C'est la plus tragique des confirmations du marxisme que celle qui se déroule aujourd'hui. Plus encore que dans les situations intermédiaires, dans des situations définitives, le sort de la classe ouvrière ne peut être sauvé que sur le front d'une politique de classe et uniquement d'elle, toutes les autres conduisant au pire massacre des ouvriers. La moindre compromission comporte en contre partie de l'illusion d'un appoint de la lutte, la lugubre certitude de la pénétration dans les rangs des ouvriers de la colonne ennemie qui en prépare méthodiquement la déroute.
Oui! Avant les événements d'Espagne existait une décision ferme, inébranlable: "nous ne marcherons pas, à aucun prix, d’aucune façon, quelle que soit l'embûche que l'on nous présentera. A l'ennemi qui nous appellerait aux armes pour battre le fascisme, nous répondrons par la proclamation de la lutte contre notre propre capitalisme. Les millions d'ouvriers tombés en 1914-18 croyaient combattre pour déraciner, dans le tsarisme ou le prussianisme, l'obstacle principal à l'affranchissement de la classe ouvrière. Mais, en réalité, ils sont tombés pour la sauvegarde du capitalisme, de son régime, pour construire —au travers de cette digue macabre des cadavres des ouvriers des deux camps— la barricade de la bourgeoisie contre l'assaut révolutionnaire des masses. Cet enseignement tragique, nous ne l'oublierons jamais, au grand jamais, et notre devise sera celle de battre chaque secteur du capitalisme pour faire crouler le système dans chaque pays et ,dans le monde entier".
Encore, à l'égard du pouvoir bourgeois la devise était tout autant ferme : "la leçon de 1914 nous a appris que, sous aucun prétexte, il ne faut collaborer avec la bourgeoisie. A l'appât que constitue l'idée de pénétrer dans l'Etat capitaliste afin de la faire servir au socialisme, ou pour repousser l'attaque de la réaction, les millions d'ouvriers tombés dans la lutte pour leur libération sont là pour nous dire que la collaboration avec la bourgeoisie c'est l'emprisonnement des ouvriers, leur perte, leur livraison à l'ennemi".
Les événements d'Espagne sont arrivés. Que reste-t-il des événements tragiques de 1914 ? L'on a commencé à parler de l’ouverture d'une situation révolutionnaire, mais immédiatement après l'on a ajouté que déclencher des luttes de classe?, passer à l'attaque contre l'Etat capitaliste, pour le détruire, pour fonder un pouvoir prolétarien, c'était réaliser, en fait, une condition favorable non pour les ouvriers, mais pour les fascistes qui attaquaient. De deux choses l'une : ou bien la situation révolutionnaire existe et il faut lutter contre le capitalisme, ou bien elle n'existe pas et alors parler de révolution aux ouvriers alors que malheureusement, il ne s'agit que défendre leurs conquêtes partielles, signifie substituer au critère de la nécessité d'une défensive mesurée pour empêcher le succès de l'ennemi, celle qui consiste à lancer les masses dans le gouffre où elles seront écrasées, "Les ouvriers croient lutter pour le socialisme"! Bien sûr, il n'en a jamais été autrement? Il en fut de même en 1914. Mais le devoir des militants est-il de se jeter parmi les ouvriers pour leur dire que le chemin du socialisme est celui qui se dirige vers la destruction du régime capitaliste ou celui qui encastre les ouvriers dans ce régime?
Mais, nous dira-t-on, nous ne sommes pas en 1914. En Espagne, ce ne sont pas deux armées impérialistes au service d' Etats antagonistes qui se heurtent, ou, dans un sens plus limité, ce n'est pas encore cela; actuellement, c'est le fascisme qui attaque, le prolétariat qui se défend. En participant à la lutte armée des ouvriers, en oeuvrant pour la victoire militaire contre le fascisme, nous ne répétons nullement les gestes de ceux qui conduisirent les ouvriers à la boucherie de 1914.
Ah! Oui la leçon de la derrière guerre était trop cruellement vive dans la mémoire des ouvriers ; le traquenard de la guerre sous le drapeau de l'antifascisme ne suffisait plus et les prolétaires, du moment qu'ils auraient vu l’entrée en lice des états capitalistes, auraient vite compris que c'eût été pour les intérêts de leurs ennemis et contre les leurs qu'ils se seraient battus et fait tuer. Avant la dernière guerre, les mouvements nationalistes de chaque pays se dressaient les uns contre les autres alors que le socialisme levait le drapeau de l'unification des peuples pour sauver la paix. Aujourd'hui, les mouvements de droite de tous les pays établissent une sympathie solidaire pour l'écrasement de la classe ouvrière de chaque pays et c'est là une réédition sous d'autres formes, d'une subsistance qui est la même que celle de 1914. Les formes différentes sont à la fois commandées par la tension extrême des situations et des rapports entre les classes, ainsi que par la nécessité où se trouve le capitalisme d'agiter devant les masses, pour les égarer, les tromper et les égorger, une autre enseigne sur le même drapeau, qui reste toujours celui de la sauvegarde et de la défense du régime capitaliste. Mais, nous a-t-on dit si souvent, les événements d'Espagne ne se déroulent pas encore, mais pourraient, demain, se dérouler sur la même ligne que ceux de 1914. Tant qu'ils n’en seront pas là, il faut défendre les territoires que le fascisme menace de sa conquête.
Mais le devenir n'est-il pas le réel. Peut-on demain être autre chose que le développement de ce que l'on est actuellement? Du moment que les ouvriers ont emprunté un certain chemin qui peut conduire à la guerre, ils se sont mis dans le chemin opposé à celui qui leur est propre et sont les victimes de forces qu'ils ne pourront plus déjouer parce qu'ils ont été désarmés politiquement par elles du moment que celles-ci les ont happés. Bien sur, le militant, un groupé déterminé pourraient se laver les mains au moment où plus aucun doute ne serait possible et que les Etats impérialistes antagonistes interviendraient ouvertement, mais la masse des ouvriers comment pourrait elle se désintégrer d'un tourbillon qui l'emporte? Au surplus, dès le premier jour des événements espagnols, n'était-il pas clair quelles différents Etats capitalistes tiraient les ficelles des situations pour permettre l'écrasement des ouvriers espagnols ; tous les Etats, les fascistes comme les démocratiques et l'Etat soviétique. Et, pour déloger ces Etats, y avait-il d'autres directives que celle de la lutte des celasses dans chaque pays ? Lancer le mot d'ordre de là "levée du blocus" n'était-ce pas précipiter le cours se dirigeant, vers la guerre impérialiste? N’était-ce pas suivre les traces de Jouhaux, de la Deuxième, de la Troisième Internationale, qui parviennent —avec succès d' ailleurs à suffoquer les mouvements de classe (les seuls qui puissent apporter une aide solidaire aux ouvriers espagnols). Pour accoupler les ouvriers à l'Etat capitaliste et pousser ce dernier vers ce même débouché de la guerre impérialiste ?
Notre position centrale consiste à faire découler de la thèse —que tout le monde semble admettre comme indiscutable- que le fascisme étant l'expression la plus cruelle du capitalisme, c' est uniquement par une attaque contre ce dernier que le prolétariat peut défendre ses intérêts et briser l'offensive ennemi. Et il est vraiment déconcertant de nous entendre dire que le déclenchement des luttes, de classe dirigées contre le capitalisme puisse favoriser ce dernier, A Barcelone, par rapport à Séville, il est évident que de bien plus amples possibilités existent aujourd'hui pour mener la lutte contre le capitalisme et il est incompréhensible que l'on emploie ces énergies, non pour la lutte contre la bourgeoisie, mais dans la direction opposée d'une intégration du prolétariat dans l'Etat capitaliste. Il nous revient que les anarchistes, pour justifier leur entrée dans le gouvernement Caballero affirment que c'était là le seul moyen pouvant permettre le réel armement des ouvriers saboté dès gouvernements précédents. Tout en devant faire la part de l'affolement dont sont victimes ceux qui se trouvent dans le tourbillon des événements, nous ne pouvons voir, dans cette thèse de la CNT, que la répétition de ce qu'ont toujours dit les réformistes et d'après quoi il fallait entrer dans l’appareil de l'Etat pour éviter qu'il serve aux intérêts du capitalisme : la tragédie espagnole ajoute une nouvelle note lugubre à celle de 1914.
"Le déclenchement des luttes de classe dans les régions non soumises au fascisme, aurait pour résultat de faciliter la chute et l'occupation des territoires par les hordes de Franco", L'on nous riposte cela pour prouver l'impossibilité d'appliquer les positions que nous défendions dès le début des événements. A part le fait que cela n'est nullement prouvé, reste cette autre considération que même si une position de classe peut avoir pour résultat de hâter le dénouement tragique d'événements qui se seraient, par cela même démontrés extrêmement préjugés pour, les ouvriers, au moins alors l'entrée des fascistes se ferait quand les énergies prolétariennes —ou au moins une parti d'entre elles- seraient encore sauvés et l'ennemi: n'aurait pu étrangler —au cours d'une lutte qui ne pouvait qu'aboutir à la défaite— les meilleures forces ouvrières en démoralisant les masses dans leur ensemble.
Immédiatement après que les ouvrirs se soient insurgés le 19 Juillet, le capitalisme espagnol a emprunté un double chemin pour étrangler la lutte de classe du prolétariat : dans les secteurs paysans, au travers de la terreur blanche, dans les centres ouvriers en englobant les masses dans l'appareil de l'Etat et en mettant à leur tête un état major qui devait inévitablement les conduire au massacre. Dès le début des événements, une double directive planait sur la situation d'un côté, celle du capitaliste gagnant chaque jour avantage les forces agissant au sein du prolétariat pour retenir les masses sur les fronts où elles sont massacrées ; de l'autre, celle des ouvriers qui, ayant emprunté leur chemin au cours de la première semaine, en ont été évincés par l'intervention de ceux-là mêmes à qui ils avaient confié leurs intérêts. Chaque, fois que les ouvriers auraient pu se redresser et reprendre leur chemin de classe, lors des défaites militaires, le capitalisme élargissait sa manoeuvre et passait du ministère Giral à celui de Caballero, et, enfin, à celui où se trouvent les anarchistes. Ainsi il agissait afin que le prolétariat ne puisse retirer les enseignements des défaites qu'il subissait et maintiennent sa confiance à ce qui ne pouvait le conduire qu'au massacre car, une fois intégré dans l'appareil de l'ennemi, on oeuvre non pour le prolétariat, mais pour le capitalisme.
Dans la situation extrêmement préjugée d’aujourd'hui, quand les chances de résistance et de victoire deviennent de plus en plus restreintes, les militants qui soulèvent la nécessité de reprendre le chemin de classe et de déclencher des luttes sur ce terrain sont exposés aux coups d'un appareil capitaliste qui à Valence et en Catalogne peut s'appuyer sur toutes les organisations agissant au sein du prolétariat. Les conditions semblent donc être remplies, comme en 1914, plus qu'en 1914, pour éviter que la moindre voir de classe ne s'élève parmi les ouvriers. Notre fraction qui, en Espagne, comme dans les autres pays, n'a négligé aucune possibilités concrètes —si modestes qu'elles pouvaient être- pour défendre ses positions, notre fraction qui s'est toujours laissée guider par la considération que pour mériter la confiance des masses, il faut rester sur le plan de la lutte de classe, que toute autorité conquise sur les ouvriers en entrant dans les fronts où ceux-ci ont été jetés par le capitalisme, est une autorité qui ne peut servir que la manoeuvre ennemie, notre fraction, dans un poignant isolement que les cadavres des ouvriers espagnols illuminent tragiquement, reste persuadée que ce qui ce creuse actuellement, ce n'est pas le tombeau du prolétariat, mais des idéologies et des forces qui, n'étant pas armées —au travers du marxisme— de la théorie de la classe prolétarienne ne pouvaient que conduire au massacre des masses ouvrières.
La hyène fasciste peut cyniquement dire qu’en face de cinquante mille de leurs assassins, les millions d'ouvriers n'ont pu résister et vaincre, mais cette hyène sait bien que cela a été uniquement possible parce que les ouvriers ont été extirpés de leur base de classe, parce que pour diriger leurs combats, se trouvaient les complices directs des Franco, les antifascistes de toutes les gradations.
La condition pour rester sur le chemin des ouvriers, à supposer qu'aucune possibilité n'existe plus pour bouleverser la situation à cause de la supériorité écrasante de l'ennemi, et de ne pas trahir, tout comme le fit Lénine en 1914.
La désertion des fronts militaires en Espagne, comme indication de classe pour l’ensemble des prolétaires, c'est de dissocier du capitalisme, c'est lutter contre lui, c'est se battre pour les ouvriers.
Dans tous les pays, lutter contre chaque capitalisme c'est se battre en solidarité avec les prolétaires espagnols.
Toute autre directive avec n'importe qu'elle étiquette : socialiste, centriste ou anarchiste, conduit à l'écrasement du prolétariat en Espagne et dans tous les autres pays.
La réalité d’un "gouvernement de façade".
Extraits ("Bilan" n° 37, Nov. Dec. 1936)
Combien de fois ne nous l'a-t-on pas dit ? Caballero et Companys ne sont que des façades. En réalité, les ouvriers ont le pouvoir en mains et ils dissimulent la réalité de crainte d'une intervention étrangère. 4 mois déjà que cette rengaine est servie aux prolétaires avec l'accompagnement de cette autre rengaine qu'il s'agit de répéter le schéma de l'affaire Kornilov. Décidément, la démagogie ne désarme jamais et les milliers de cadavres de travailleurs ne sont pas fait pour lui permettre de réfléchir ou de se réfréner.
Companys n'est qu'une façade, Caballero un simple paravent et cela suffirait pour donner l’échange aux Etats capitalistes. Ces messieurs prennent-ils vraiment les ouvriers pour des imbéciles? Car on a peine à croire que les anarchistes, le POUM, les socialo centristes se soient donnés tant de peine pour faire partie des gouvernements si telle avait la réalité. Depuis le plénum national des régionales de la CNT de septembre, celle-ci se démenait pour faire partie d'un gouvernement Caballero (baptisé Conseil), alors que le POUM n'avait de repos avant d'obtenir un portefeuille dans le Conseil de la Généralité de Catalogne.
Mais voyons les choses de plus près encore. La soi-disant façade de Madrid avait-elle oui ou non la direction des forces militaires de la "démocratie"? N'était-ce pas cet élément qui déterminait les anarchistes à demander à corps et à cris leur participation à cette façade ? Drôles de "révolutionnaires" qui disent que la révolution dépend de la guerre et qui donnent la direction de la guerre à M Caballero.
Mais lorsqu'on veut vraiment prouver que les gouvernements bourgeois du Front Populaire sont nuls et sans importance, il faut tout au moins prouver qu'en dehors d’eux existent des gouvernements véritables. Comme cela est quelque peu difficile on recourt à d'autres arguments : l'entrée des organisations ouvrières dans les ministères a modifié l'aspect et la nature de l'Etat. Certes, une apparence subsiste et elle fait ressembler l'Etat ancien à l'Etat nouveau comme une goutte d'eau à une autre. Mais cela n'est que la façade extérieure. Pas autrement résonnaient les réformistes lorsqu'ils participaient à des gouvernements de la bourgeoisie. Seulement le problème est de savoir qui se modifie : l'Etat bourgeois qui reçoit en son sein des "ministres ouvriers" ou ces derniers qui accèdent à des charges étatiques. Un demi-siècle de réformisme a résolu le problème et c'est Lénine qui a eu raison lorsqu’en Octobre 17 il est resté fidèle aux enseignements de Marx prônant la destruction violente et complète de l'Etat capitaliste.
Si l’on reste sur le terrain concret de l'expérience espagnole, il ne sera pas très difficile de prouver que la façade est la réalité de la situation, alors qu’inversement la soi-disant réalité des anarchistes et polémistes n'est qu'une grossière façade.
Que voulait la bourgeoisie espagnole ? En finir pour de longues années avec les mouvements ouvriers, mettant obstacle à la constitution d'un pouvoir stable assurant "pacifiquement" son exploitation sur les ouvriers et les paysans. Elle ne pouvait arriver à ses fins qu'aux travers d'un monstrueux massacre des ouvriers révoltés le 19 juillet, et dans la mesure où ces massacres devenaient une guerre sainte, une croisade anti-fasciste au cours de laquelle les travailleurs auraient cru lutter pour leur révolution.
Une condition essentielle devait être respectée : laisser intact le mécanisme de l'Etat bourgeois et le renforcer par l'apport des organisations ouvrières auxquelles étaient dévolus les rôles de propulsion, de Pierre l'Ermite, dans la guerre antifasciste. Bien sûr, l'on a collectivisé les usines expropriées par les ouvriers, l'on a partagé les grandes terres appartenant à des fascistes, mais toujours en conformité avec le maintien et le renforcement de l’Etat bourgeois qui peut croître et se développer dans une ambiance où les usines collectivisées sont devenues des usines militarisées où le prolétaire doit produire plus et plus qu'avant le 19 juillet et où il ne peut plus émettre la moindre revendication de classe. L'Etat bourgeois vit et se renforcé dans la mesure même où l'on jette une digue militaire pour empêcher les ouvriers de vivre et de se renforcer sur le terrain des luttes sociales. " Tous au front ou à l'usine" voilà la situation qui permet aux organisations bourgeoises et ouvrières de remplacer l'activité spécifique du prolétariat par l'activité spécifique de la bourgeoisie.
Ah! Si la révolution prolétarienne avait grondé en Espagne, les ouvriers auraient vite exigé que la clarté des situations se traduise dans les faits. Comment peut-on agir, appeler les ouvriers des autres pays à la rescousse lorsqu'on farde et dissimule ses gestes? Enfin, le passage du pouvoir des mains d'une classe entre celles d'une autre est la chose la moins conformiste et la moins traditionnelle qu'on puisse s'imaginer. Le problème des "façades" ne se pose pas un seul instant car il s'agit de bouleverser de fond en comble l'ancien état de choses et d’y substituer un nouveau.
La réalité est pourtant bien simple. Ceux qui demandent aux ouvriers d’applaudir la "façade" que seraient Companys et Caballero, sont les mêmes qui pensent que l'on peut faire la révolution prolétarienne avec la permission de la bourgeoisie démocratique et que l'on peut construire un pouvoir prolétarien en réformant l'Etat bourgeois. Ce sont ces intentions que le prolétariat doit considérer et non la réalité : cette vulgaire façade.
Si pourtant les faits ne dégageaient pas souvent de cruelles vérités, tout serait excellent : les ouvriers se feraient tuer sur les fronts, la législation économique et sociale de la "nouvelle société" se développerait petit à petit et Franco progresserait militairement. Mais il y a les faits qui font naître bien des inquiétudes parmi les ouvriers. Ainsi, la bourgeoisie catalane a jeté dernièrement un coup de sonde. Peut-être en proclamant la République indépendante de la Catalogne permettrait-on à Franco d'en finir plus vite avec Madrid. Le "complot" a été découvert : les coupables ont été punis (?) et tout est rentré dans l'ordre car les anarchistes ne veulent pas d'une "république médiévale". D'autre part, l'Avangardia —organe sous l'influence de la Généralité- s'est élevée dans son N° du 2 décembre contre l'indiscipline à l'arriêre garde. Puisque tous les partis et organisations ouvrières sont représentés dans les gouvernements, ceux qui agissent sans représentation au gouvernement doivent être considérés comme des fascistes. L'Etat "façade", comme on voit ne se porte pas trop mal. La bourgeoisie peut lancer des coups de sonde parmi le prolétariat et personne ne peut agir en dehors de l'Etat.
Jusqu'au POUM qui se lamente devant son pseudo "gouvernement ouvrier et petit bourgeois". Les ministres socialistes de Valence prétendent qu'un quart d'heure après avoir pris des décisions, leurs services les transmettent à Franco. Tout l'appareil ancien de la bourgeoisie est resté sur pied. Et quand les Cortes se réuniront à Valence, la stupéfaction sera générale. La C.N.T. décidera que ses ministres ne participeront pas aux discussions peut-être par décence. Mais elle laissera se jouer la comédie parlementaire sans souffler mot. Les anarchistes sont de grands hommes d'Etat qui comprennent la politique extérieure de Caballero et qui, pour rien au monde, ne voudraient l'aggraver. Le POUM permettra au représentant de son aile gauche de bavarder sur l'Etat bourgeois qui subsiste et sur la nécessité de baser la révolution non sur les Cortes mais sur des comités d'ouvriers, de paysans s1assemblant en Congrès, Quatre mois après juillet, il devra écrire que la bourgeoisie émet un geste symbolique qui signifie la préservation de la forme et du fond de l'Etat démocratique bourgeois,
La révolution est bien profonde en Espagne. N'étaient-ce les milliers d'ouvriers et paysans qui se font massacrer, l'on serait tenté de repousser seulement du pied, le verbiage des démagogues. Mais il s'agit de lutter et d'appeler les prolétaires de tous les pays à lutter pour aider à sortir le prolétariat ibérique du massacre. Déjà plus personne n'ose nier que l'intervention de plus en plus active de l'Allemagne, de l’Italie et de la Russie, fait des événements espagnols une phase de la guerre impérialiste. La résistance des républicains autour de Madrid accélère la tension de la situation internationale et clarifie l'aspect réel de la lutte. Seulement, l'intervention des ouvriers de tous les pays engageant la lutte contre leur propre bourgeoisie et l'intervention des ouvriers espagnols retournant leurs armes contre le gouvernement de "façade" de Valence, de Barcelone, comme contre Franco déchaînant leurs batailles revendicatrices, jalons d'une attaque générale contre l'Etat capitaliste, peuvent permettre au prolétariat mondial de retrouver le chemin de la révolution prolétarienne.
L'isolement de notre fraction devant les événements d’Espagne
Extraits ("Bilan" n° 36, OCT. NOV. 36)
A l!heure actuelle, selon l'enseignement des bolcheviks après 1914, nous tentons vainement de repérer les rares îlots marxistes qui devant le déchaînement de la guerre en Espagne, la vague mondiale de trahison et de revirement brusque, tiennent bon et malgré la meute enragée des traîtres d'hier et d'aujourd'hui, continuent à proclamer leur fidélité à l'action d'indépendance du prolétariat pour la réalisation de son idéal de classe.
Combien sont-ils ? Où sont-ils ? C’est là des problèmes auxquels les faits se chargent de répondre avec un laconisme sinistre. Il semble que tout a sombré et que nous vivions une lamentable époque de faillite de tout ce qui subsistait comme éléments révolutionnaires.
Notre isolement n'est pas fortuit : il est la conséquence d'une profonde victoire du capitalisme mondial qui est parvenu à gangrener jusqu'aux groupes de la gauche communiste dont le porte-parole a été jusqu'à ce jour Trotsky. Nous ne poussons pas la prétention jusqu'à affirmer qu'à l'heure actuelle nous restons le seul groupe dont les positions aient été confirmées sur tous les points par la marche des événements, mais ce que nous prétendons catégoriquement c'est que, bien ou mal, nos positions ont été une affirmation permanente de la nécessité d'une action indépendante et de classe du prolétariat. Et c'est sur ce terrain que s'est précisément vérifiée la faillite de tous les groupes trotskystes et semi-trotskys-tes.
A aucun prix et sous aucun prétexte nous ne voulons nous départir d'un critère de principe pour repérer les groupes avec lesquels il faut rechercher un terrain de travail commun et avec lesquels il faut constituer un centre de liaisons internationales en vue de jeter les fondements programmatiques de cette internationale que la vague réellement révolutionnaire de demain nous permettra de fonder. Ce critère consiste à rejeter impitoyablement ceux que les événements eux-mêmes ont liquidé ou qui agissent ouvertement sur le terrain de l'ennemi en tenant bien compte que tout accord avec ces catégories d'opportunistes sur le terrain où le prolétariat doit être d'une intransigeance brutale : le terrain de la formation des partis, peut compromettre pour toujours l'avenir de la classe ouvrière.
Ni en France, ni en Belgique les deux partis trotskystes ne représentent des organismes de la vie et de la lutte du prolétariat. Ici la base programmatique pour le nouveau parti est remplacée par la lutte entre le clan Naville et le clan Molinier et au moment où se déchaîne en France la vague des batailles grévistes de Juin, le nouveau parti se crée sur un compromis et avec des positions où l'aventurisme et la démagogie deviennent programme (armement des ouvriers, création de milices armées etç.) Après ces événements, c'est la liquidation du clan Molinier et ce seront les événements d'Espagne où -malgré l'avertissement de Trotsky traitant Nin de traître- l'on marche à toute peur derrière le POUM.
En Belgique, où le caractère ouvrier des groupes trotskystes est de loin plus accentué qu'en France, sous l'impulsion de Trotsky, c'est la rentrée dans le P.O.B. à laquelle résiste le groupe de Bruxelles, non pour des raisons de principe mais pour des considérations de "tactique" (en France la rentrée était justifiée mais pas en Belgique etc.). Au sein du P.O.B., c'est l'alliance des trotskystes orthodoxes avec l'ex-gauche du Ministre Spaak, décapitée de son chef et remplacé par Walier Bauge. Les circonstances où l'exclusion de "l'Action Socialiste Révolutionnaire" se situe, ne sont pas très brillantes : il s' agit d'une affaire électorale où le P.O.B. décida d'enlever Bauge de la liste de ses candidats à moins que ce dernier veuille n'accepter des conditions qui l'auraient liquidées comme gauchiste. Après des tentatives de marchandages la scission eut lieu et après les élections ce fut la campagne pour la création d'un parti socialiste révolutionnaire qui vient de se fonder avec le groupe Spartacus de Bruxelles. Au sujet de l'Espagne, c'est la même position qu'en France : L'envoi d'armes en Espagne, la lutte contre la neutralité, l'envoi de jeunes ouvriers sur les champs de bataille d'Espagne, etc .... II est donc évident qu'avec les groupes trotskystes le fossé antérieur a été transformé par les événements de l'Espagne en un gouffre qui est en réalité celui qui existe entre ceux qui luttent pour la révolution communiste et ceux qui se sont incorporés des idéologies appartenant au capitalisme.
Mais déjà l'année passée, au Congrès de notre fraction, nous avions exprimé notre inquiétude devant l'isolement de la fraction et avions passé en revue ceux qui auraient pu être sollicités pour un travail commun. Nous avions d'abord rejeté les propositions du groupe américain de la Class Struggle voulant convoquer une Conférence Internationale pour y élaborer, le programme d'une Nouvelle Internationale. Nous y avons opposé la notion plus sérieuse de la constitution d'un centre de liaisons avec ces groupes se revendiquant du deuxième Congrès de l'IC ,ayant rompu avec Trotsky et proclamant la nécessité de passer au crible de la critique tout le bagage de la révolution russe.
Notre proposition n'eut pas de suite et nos rapports restèrent ce qu'ils étaient avec tous les autres groupes. En Belgique les rapports avec la Ligue des Communistes Internationalistes restèrent empreints d'un désir mutuel de discussion et de confrontation et c'est bien là le seul endroit où notre fraction ait rencontré un désir d'oeuvrer dans une direction progressive. Aujourd'hui encore, c'est au sein de la Ligue que s'élèvent les seules voix internationalistes qui osent se faire entendre dans la débâcle espagnole et c'est pour nous une joie réelle de pouvoir saluer publiquement ces camarades qui restent fidèles aux bases mêmes du marxisme.
La majorité des camarades de la Ligue ([1]) ont des divergences profondes avec notre fraction, mais l'entente, y compris pour un centre de liaison, reste toujours du fait que la Ligue comme notre fraction évolue sur le terrain de classes du prolétariat et que dans cette direction aucune rupture ne s'est encore vérifiée dans les documents programmatiques de la Ligue.
En France, il est temps de faire un bilan sommaire de nos tentatives d'arriver à réaliser un accord avec des groupes de militants révolutionnaires.
Si aujourd'hui, se vérifie la faillite de l'Union Communiste ce n'est pas un hasard mais le fait que ce groupement a refusé, malgré nos multiples invitations et nos avertissements, à s'engager dans la voie réelle et historique où se forgent les cadres que le prolétariat aura besoin pour fonder, dans les situations de demain son parti de classe. Conglomérat de tendances opposées, l'Union n'a jamais voulu emprunter la voie de la délimitation idéologique et ses positions politiques n'ont été qu'un éternel compromis entre le trotskysme orthodoxe et des tentatives confuses de se dégager des formules de ce dernier. Au moment des événements de juin, l'Union s'est effondrée et une partie de sas membres a rejoint le parti des trotskystes. A cette époque nous sommes intervenus en France afin de déterminer les camarades de l'Union à faire de cette nouvelle scission le signal d'une délimitation programmatique. A ce moment nous avons proposé l'organisation de réunions de confrontation entre différents tronçons communistes (y compris l'Union) en insistant pour que chacun d'eux envisage d'y apporter sa contribution politique spécifique, justifiant son existence comme groupe indépendant afin de permettre aux ouvriers de s'orienter dans le maquis qu'est aujourd'hui le mouvement ouvrier en France. Ici aussi, nos tentatives se sont heurtées à l'impossibilité pour tous ces groupes de faire le moindre pas et à leur volonté d'exprimer fidèlement le cours de dégénérescence du prolétariat français mais non la réaction de ce dernier. Les événements espagnols ont nettoyés ici également. Ils ont montrés les débris de l'Union Communiste emboîter le pas au POUM et défendre plus ou moins les positions des groupes trotskystes. Nous ne doutons pas un seul instant qu'au sein de ce qui subsiste de l'Union pourraient se trouver des militants qui veulent rester fidèles au marxisme internationaliste. Mais si à la faveur des massacres de la Péninsule Ibérique ils n'arrivent point à se dégager de l'ornière et a préparer leur rupture avec le passé et les bases de leur Union, ils seront perdus pour la cause prolétarienne.
Nous déclarons ouvertement que nous nous sommes trompés sur l'éventualité d’un travail de clarification qui aurait pu être effectué avec l'UNION Communiste. Ses positions plus ou moins déclarées sur l'Espagne nous obligeront à maintenir à son sujet la même attitude qu'en vers d' autres groupements que nous rencontrons.
Il ne serait pas inutile de passer en revue ce qui existe en Espagne comme force de classe du prolétariat. A ce sujet nous refusons d'admettre le POUM autrement que comme un obstacle contre-révolutionnaire de l'évolution de la conscience des travailleurs.
On sait tout d'abord que les trotskystes espagnols refusèrent d'entrer dans le parti socialiste, comme le demandait Trotsky, mais ce fut pour sauter dans le parti opportuniste de Maurin, le Bloc Ouvrier et Paysan. Il convient aussi de reprocher au POUM (résultat de ce mariage politique) son régionalisme catalan qu'il baptise de marxiste au nom du droit d'auto-détermination des peuples. Cela lui a permis d'entrer dans un gouvernement d'Union Sacrée en Catalogne sans même se préoccuper de Madrid (tout comme la CNT d'ailleurs). Enfin, il ne faut pas oublier que le POUM est membre du Bureau de Londres où se trouve l'Indépendant Labour Party; qu'il travaille avec la gauche du parti socialiste français (Pivert, Collinet et cie) : qu'il est en étroite liaison avec les maximalistes italiens de Balabanova et le groupe de Brandier qui, tout en restant pour le redressement de la troisième internationale et la défense de l'URSS, a décidé de donner toute son aide au POUM.
Le POUM ne sait jamais bien dégagé des partis de l'Esquerra Catalane avec lesquels, au nom du front unique avec la petite bourgeoisie, il a fait toutes les compromissions. Dès le 19 juillet le POUM s'est lié à la Généralité comme les autres organisations de la Catalogne et c'est sans heurts qu'il est passé de sa revendication confuse : Assemblée Constituante appuyée sur des Comités d'Ouvriers et de Soldats et pour un gouvernement ouvrier, à la participation du gouvernement de la Généralité qui n'est pas précisément "ouvrier".
Toutes les tendances du POUM, celle de Gorkin (qui n’est que le continuateur de la politique de Maurin), de Nin, d'Andrade, gravitent autour du même axe politique sans s'opposer fondamentalement dans leurs divergences. Nous ont participé à 1étranglement de la bataille de classe des prolétaires espagnols par l'organisation des colonnes militaires et si Andrade s'est différencié dans l'organe du POUM de Madrid par sa phraséologie pseudo-marxiste, en réalité il a soutenu dans ses grandes lignes toute la politique de collaboration de classe de la direction centrale du POUM. Les trotskystes espagnols ont voulu concrétiser la notion "Léniniste" (?) consistant à entrer dans un parti opportuniste afin de le conquérir, à des positions révolutionnaires. Le résultat a été la transformation des dirigeants de l'ancienne gauche communiste en des traîtres avérés à la cause du prolétariat. Ce n'est pas un hasard si M.Nin est aujourd’hui Ministre de la Justice en Catalogne où il appliquera la justice "de classe" sous l'égide de M. Companys. Nin a oublié sa parenthèse "Trotskyste" de la Russie et il est redevenu le bonze de L'I.SR. qu'il était auparavant. Quant à la gauche d'Andrade, ce n'est pas non plus un hasard si elle s'est associée à la campagne militaire du POUM et si elle nous désigne autant que les Nin et Gorkin, comme des contre-révolutionnaires qui osent dénoncer la duperie monstrueuse et criminelle dont les ouvriers espagnols sont les victimes. Le POUM est un terrain où agissent les forces de l'ennemi et aucune tendance révolutionnaire ne peut se développer en son sein. Le même que les prolétaires qui veulent retrouver leur chemin de classe doivent s'orienter vers un bouleversement radical de la situation en Espagne et opposer aux fronts territoriaux leurs fronts de classe, de même, les ouvriers espagnols qui veulent oeuvrer pour jeter les bases d'un parti révolutionnaire, doivent tout d'abord briser avec le POUM et opposer au terrain capitaliste où il agit, le terrain de la lutte spécifique du prolétariat. Les Andrade et Cie représentent ceux qui lient les ouvriers plus avancés à la politique contre-révolutionnaire du POUM et par là même il s'agit non de les accréditer par des appuis politiques, mais il faut les dénoncer avec vigueur.
Il n’entre donc nullement dans les intentions de notre fraction de réaliser le moindre accord politique avec qui que ce soit du POUM (à ce sujet nous rappelons que la minorité de notre organisation se réclame de positions différentes) ou de considérer la nécessité d'appuyer la soi-disant gauche du POUM. Le fait est que le prolétariat de la péninsule ibérique a encore à jeter les fondements pour créer les bases d'un noyau marxiste et ce dernier ne se constituera pas par des manoeuvres "révolutionnaires" avec les opportunistes, mais en appelant les ouvriers à agir sur des bases de classe, indépendamment de toute influence capitaliste, en dehors et contre les partis agissant pour le compte de la bourgeoisie, tels le POUM ou la FAI qui ont réalisé 1!Union Sacrée la plus étroite avec la gauche républicaine et le Front Populaire.
Ainsi, l’on constatera que tant en Espagne, que dans les autres pays ne s'effectue pas un effort politique dans une direction historique analogue à celle que les prolétaires italiens ont tracé au cours de plusieurs années de guerre civile contre le fascisme et que notre fraction, avec ses forces restreintes, voudrait exprimer. Nous sommes profondément conscients de l'impossibilité de bouleverser cette situation internationale, qui n'est que le reflet d'un rapport de force entre les classes défavorables au prolétariat, par des propositions de création d'Internationales ou par des alliances avec des opportunistes du type trotskystes ou poumistes. Si la défense du marxisme révolutionnaire signifie aujourd'hui l'isolement complet, nous devons l'accepter en considérant que nous ne ferons, dans ce cas, qu'exprimer l'isolement terrible du prolétariat, trahi par tous et jeté dans l'anéantissement par tous les partis se réclamant de son émancipation. Nous ne dissimulons pas les dangers qui peuvent découler de cette situation pour notre organisation qui sait parfaitement qu'elle ne possède pas le summum de la connaissance marxiste et que les mouvements sociaux de demain en remettant les prolétaires sur leur terrain de classe, redonneront seulement sa véritable puissance au marxisme révolutionnaire et aux organismes qui s'en réclament, notre fraction y comprise.
Brèves leçons "espagnoles"
Il y a quarante ans, .le 19 juillet .36, les prolétaires espagnols, avec leurs poings nus, se jettent en travers le Pronunciamiento des batailles franquistes. Qu'ils furent capables de cet élan, sans mot d'ordre ni directives des organisations de masse révéla de quel farouche instinct de classe ils étaient capables. Ils constituent alors, une force autonome tendant à se défaire des liens idéologiques avec l'Etat. Au soir de ce jour mémorable, la classe ouvrière créa spontanément ses organes de lutte : la milice Ouvrière englobant en son sein l'ensemble des exploités indépendamment des divisions corporatives et syndicales et de la différence de maturité politique de chaque milicien,, En ce sens elle constitue la seule conquête et l'arme matérielle du prolétariat lors de ces journées qui virent la centrale CNTiste engager les travailleurs à reprendre le travail sous les hospices de la République "sociale", celle la même qui précédemment les avait massacrés et équipés de pieds en cap ces mêmes bataillons de "factieux".
Le prolétariat espagnol s'est montré capable de stopper le soulèvement franquiste mais aussi trop faible pour s'emparer du pouvoir, pour conserver et développer ses propres organes de lutte. Et entre cette impuissance et la situation mondiale existe un intime rapport de cause à effet. En 36, les procès de Moscou jettent les dernières pelletées sur le cercueil, de la révolution mondiale. Les salves des pelotons qui exterminent le dernier carré de bolchevik sont assourdies par les tintamarres antifascistes.
De quelle Révolution sociale s'agit-il quand le critère international fait complètement défaut, quand l'Etat reste debout ? Dans ces conditions c’est répandre le mensonge que d'expliquer l’échec par des références à la "trahison" des dirigeants anarchistes ; à la "non-intervention" de Daladier et de Chamberlain (sic) ou d'accuser le POUM de ne pas avoir été à la hauteur ; seul la lutte ou s’allier avec les fractions de la bourgeoisie. Ici., il prit la seconde voie entraîné par les chefs anarchistes guéris, comme par enchantement, de leur phobie de toute "politique". De guerre de classe contre l'ennemi capitaliste, sa propre lutte se transforma .en conflit mettant aux prises deux fractions de la bourgeoisie : la démocratique et la fasciste. Au lieu de marcher résolu sur le chemin du défaitisme révolutionnaire, à l'exemple de l'Octobre victorieux, il servait de chair à canon aux appétits de Franco ou aux instincts de survie du gouvernement Négrin-Gaballero.
Le militant qui avait avec une petite poignée d'internationalistes, levé le drapeau du défaitisme révolutionnaire dans la première boucherie mondiale, Trotsky, trouvait le chemin du parjure. A ses partisans espagnols, il inculqua les idées de la défense de la démocratie, fut-elle pourrissante, sous couvert que cette dernière conserve sur le fascisme l'avantage de permettre au prolétariat sa liberté de mouvements. Sous la plume des uns et des autres, ce qui revient comme un lancinant leitmotiv c'est le maintien des forces antifascistes pour assurer la victoire militaire du gouvernement légal. Reprenant un par un les numéros de "la Batalla", de "Solidaritad Obrera", de""Mundo Obrero" : il est impossible de les lire sans une nausée de dégoût. Tous en sont venus à conclure une alliance complète avec la bourgeoisie tous se sont mis à plat ventre devant l'Etat militariste. Le "marxisme" d'Union Sacrée, le POUM, ne rougit pas de caractériser le gouvernement républicain comme expression de la volonté de lutte des masses laborieuses ; les anti-étatistes de la CNT-FAI ne rechignent pas à endosser la livrée de domestiques qui fera d-eux l'alter ego du stalinisme : "D' abord la guerre (impérialiste s'entend) ensuite le pain! ". C'est grâce à eux, si l'Etat put rassembler entre ses mains criminelles les fils, un moment rompus, de son contrôle sur la classe et ses organes de lutte.
Mais parce qu’à l’époque de la décadence aucune étape intermédiaire ne peut s'intercaler entre la dictature de la bourgeoisie et celle du prolétariat, durant ce dernier se présente un dilemme insoluble sur le terrain national : ou poursuivre seul la lutte ou s'allier avec les fractions de. la bourgeoisie. Ici., il prit la seconde voie entraîné par les chefs anarchistes guéris, comme par enchantement, de leur phobie de toute "politique". De guerre de classe contre l'ennemi capitaliste, sa propre lutte se transforma en conflit mettant aux prises deux fractions de la bourgeoisie : la démocratique et la fasciste. Au lieu de marcher résolu sur le chemin du défaitisme révolutionnaire, à l'exemple de l'Octobre victorieux, il servait de chair à canon aux appétits de Franco ou aux instincts de survie du gouvernement Négrin-Caballero.
Le militant qui avait, avec une petite poignée d'internationalistes, levé le drapeau du défaitisme révolutionnaire dans la première boucherie mondiale, Trotsky, trouvait le chemin du parjure. A ses partisans espagnols, il inculqua les idées de la défense de la démocratie, fut-elle pourrissante, sous couvert que cette dernière conserve sur le fascisme l'avantage de permettre au prolétariat sa liberté de mouvement. Sous la plume des uns et des autres, ce qui revient comme un lancinant leitmotiv c'est le maintien des forces antifascistes pour assurer la victoire militaire du gouvernement légale Reprenant un par un les numéros, de "la Batalla", de "Solidaritad Obrera" de""Mundo Obrero" : il est impossible de les lire sans une nausée de dégoût. Tous en sont venus à conclure une alliance complète avec la bourgeoisie, tous se sont mis à plat ventre devant l'Etat militariste. Le "marxisme" d'Union Sacrée, le POUM, ne rougit pas de caractériser le gouvernement républicain comme expression de la volonté de lutte des masses laborieuses, les anti-étatistes de la CNT-FAI ne rechignent pas à endosser la livrée de domestiques qui fera d'eux l'alter ego du stalinisme : "D’abord la guerre (impérialiste s'entend) ensuite le pain"? C'est grâce à eux, si l'Etat put rassembler entre ses mains criminelles les fils, un moment rompus, de son contrôle sur la classe et ses organes de lutte.
A partir de l'instant où le prolétariat se laissa tirer hors de son terrain de classe, le capitalisme trouvait la voie libre menant au massacre. Défendait-il des positions fondamentales pour sa montée révolutionnaire ou des conquêtes de carton pâte qu'étaient les réformes agraires et le contrôle ouvrier sur la production ? Tout nous oblige à affirmer qu'en croyant écraser l’hydre fasciste sous la direction d'un gouvernement républicain, les prolétaires espagnols furent rapidement et plus complètement conduits à la défaite. Pendant que, de toutes parts, on courrait sus à la bête fasciste (avait-elle surgie des flans putrides de la bourgeoisie sénile ou du cerveau enfiévré de l'état-major militaire félon?) le capitalisme pouvait célébrer ses noces de sang en dansant la sarabande sur le corps de centaines de milliers de "rouges" et de "hoirs". Franco monta au pouvoir et se tint à l'écart de la deuxième guerre impérialiste dont l'Espagne, comme le conflit sino-japonais et les opérations militaires italiennes d'Abyssinie ne fut qu'un épisode scellé du sang de la multitude. Faites encore une fois au nom des principes humanistes et démocratiques celles-ci devait transformer toute la production du temps de paix en production de cadavres humains comme cela ne s'était encore jamais vu.
La guerre permit, dès que les brigands impérialistes eurent signé l'acte diplomatique mettant fin aux hostilités, à la bourgeoisie d'entreprendre de relever le monde de ses ruines fumantes. Ce fut au prix de la pire exploitation et d'indicibles privations que l'ordre capitaliste put se remettre de sa terrible blessure, toutes choses que la bourgeoisie présenta comme oeuvre humanitaire. Au nom de l'humanité je fais des ruines, au nom de l'humanité je les reconstruis, ainsi vogue la galère capitaliste jusqu'à ce qu'elle se brise sur l'écueil du prolétariat.
En ce moment même, un nouvel acte de la lutte mondiale du prolétariat contre la société capitaliste se joue sur la scène espagnole, et précipite la marche des événements. Loin de pouvoir signifier cette stabilisation du système, la mort de Franco, qui avait pris appui sur l'église comme point le plus stable pour asseoir sa dictature, a ouvert pour l'Espagne une nouvelle ère d'instabilité.
Ces dernières dizaines d'années de reconstruction avaient apporté de profonds changements dans la structure économique espagnole. Profitant des possibilités offertes par une haute conjoncture, la bourgeoisie espagnole développa et concentra son appareil productif. De nouveaux centres, des secteurs flambant neuf ont surgi d'un sol fertilisé par la pluie de monnaies fortes que déversaient généreusement les nations occidentales. Mais à cette haute conjoncture d'après-guerre a succédé la dépression mondiale des activités industrielles et du courant d'échange commercial. Si l'on désire soutenir l'activité industrielle, alors il faut obtenir les marchés indispensables. Or, l'économie mondiale ne vit plus aujourd'hui qu'à l' air vicié du protectionnisme. Pour l'Espagne le retournement de situation se concrétise par une chute des commandes.
Malgré le soutien actif qu'apportent, en premier lieu, la puissance américaine et l'Europe des neuf à l'économie espagnole dans l'attente de l'intégrer complètement dans la communauté atlantique, la bourgeoisie s'avère avec Juan Carlos, incapable d'assumer une transition en douceur vers l'après-franquisme. Par suite, ce même capitalisme assez infatué de sa personne pour croire que certaines de ses usines allaient éclipser les plus proches rivales, françaises et italiennes, se présente au prolétariat sous la réalité hideuse de la faim, de la baisse des salaires, de l'insécurité matérielle et de la violence d'Etat. La fausse perspective de l'amélioration continuelle du niveau de vie des travailleurs en régime capitaliste, la théorie de l'aplanissement des contrastes de classes présentés triomphalement par les "dépasseurs" du marxisme, a vécu.
La classe ouvrière dut payer d'un lourd tribut les progrès d'une industrialisation qui fit enregistrer à l'Espagne des taux de croissance, dans la décennie précédente, supérieurs à 10%, et en outre, se satisfaire de recevoir une part insignifiante de son labeur. Maintenant, elle doit non seulement retrousser ses manches, mais aussi faire sienne la politique de réconciliation nationale.
La vie politique est un marais duquel montent les relents pestilentiels de la décadence. Qui pouvait penser que staliniens et monarchistes s'allieraient un jour ? Qui pouvait prévoir que les fiers rebelles anarchistes rentreraient sans vergogne dans les syndicats verticaux pour pouvoir "faire jouer, le corporatisme en faveur des ouvriers" ? Mais l'étonnement n’est pas de mise chez ceux qui ouvrent les yeux et font parler l'histoire. Toutes les fractions de la bourgeoisie peuvent se rassembler dans une union sacrée pour sauver leur économie, elles ne réussiront pas pour autant à contrôler les antagonismes de classe. Ce dont il est question aujourd'hui, c'est l'épuisement historique de la bourgeoisie, son impuissance à résoudre un problème la dépassant de plusieurs têtes : la contradiction toujours plus explosive entre le développement des forces productives et la forme d'organisation sociale.
La classe ouvrière en Espagne n'a pas voulu se laisser mettre à genou et du coup renoncer à sa lutte. Dès avant même la fin "du prodige espagnol", emporté comme un fétu de paille par le souffle de la crise mondiale, de nombreux foyers d’incendie social se sont allumés dans la plupart des centres économiques du pays. Il était courant de voir cette détermination se matérialiser non seulement par l'arrêt de travail, mais aussi par des émeutes de rues, intrépide comme toujours, bravant les balles de la Guardia Civil, le prolétariat espagnol s'est lancé, vers les années 60, résolument dans la lutte. Ces dernières semaines, des centaines de milliers de grévistes ont marqué d’une empreinte indélébile la vie sociale espagnole. Pour la bourgeoisie, les sacrifices sont difficiles à faire accepter au prolétariat. La grève devait éclater avec un maximum de puissance quand le gouvernement d'Arias Navarro se mit fâcheusement en tête de bloquer les salaires tout en augmentant la durée du travail. A partir de la grève du métro de Madrid, d'anneau en anneau, la chaîne de solidarité de classe s'est forgée au feu de la lutte contre les réquisitions de grévistes et l'intervention de la troupe. Le mouvement, de lui-même, prenait son caractère politique. Les dockers de Barcelone, les électroniciens de la Standard à Madrid, les employés de banque à Valence et Séville n'avaient qu'à se montrer sur leur propre terrain pour causer l'insomnie du gouvernement et de l'opposition qui aspire à s'y installer avec un minimum de remous sociaux.
Sur cette scène politique qui réfracte l'impossible essor du capitalisme dans de violents soubresauts, l'héroïque prolétariat espagnol tient le premier plan. De nouveau lui que les "novateurs" et autres "dépasseurs" du marxisme tenaient pour une classe non révolutionnaire? Lui que le système croyait avoir domestiqué avec les miettes de la fameuse prospérité, se bat.
Cette combativité le place à l'avant-garde du mouvement mondial de la classe. Alors que, du fait de son tragique isolement au point de vue international dans les années 30, chaque bataille du prolétariat en Espagne devenait une hécatombe, cette fois-ci, il constitue le détachement avancé de l'immense armée prolétarienne qui, aussi bien à l'est qu'à l'ouest, a relevé la tête. Représentant l'un des enjeux les plus décisifs pour la lutte de classe dans le monde, la situation en Espagne nous permet de comprendre l'ampleur des efforts faits par la bourgeoisie internationale pour dresser les derniers remparts à son ordre.
Le prolétariat a ressurgi sur un terrain devant lui permettre d'orienter les événements vers leur issue révolutionnaire. Ce terrain, c'est son indépendance de classe, cette issue, c'est la prise du pouvoir politique. De cette capacité à tenir en mains son drapeau arboré depuis ses premiers assauts au ciel dépend la possibilité pour l'humanité toute entière de sortir de l'ornière dans laquelle elle croupit depuis 3/4 de siècle.
Les ennemis et leurs armes
Face aux grèves qui se sont développées comme une traînée de poudre, malgré la ferme vigilance des commissions ouvrières à assurer une paisible transition, les formations de gauche usent toute leur science. Elles essaient de dévier la riposte ouvrière et de faire que celle-ci soit rabaissée à devenir une "force tranquille", tentant de transformer la conscience ouvrière en vulgaire "opinion publique".
Les staliniens, les sociaux-démocrates, avant la victoire militaire de Franco terrorisaient les travailleurs. Donnez-vous corps et âme aux nécessités de la lutte contre le fascisme et nous vous abattrons comme des chiens! Et, ils ne se privèrent pas d'utiliser l'appareil d'Etat contre le prolétariat. En Mai 37 la canaille stalino-réformiste brisa, par les armes, l'ultime bataille livrée par le prolétariat de Barcelone et des banlieues ouvrières, pour lui ôter jusqu'à l'envie de déclencher la grève dans les secteurs présentés comme conquêtes révolutionnaires. A nouveau, ils viennent demander aux travailleurs de se montrer "responsables" dans le respect des lois. Toute volonté de lutte autonome, toute action indépendante de la classe est comme l'intrusion d'un éléphant dans un magasin de porcelaines. La sainte alliance nouée par les vieux chevaux de retour, staliniens, poumistes, socialistes, anarchistes, a pour fonction d'étouffer dans l'oeuf ce qui fait la force du prolétariat.
Chaque mot d'ordre démocratique, chaque revendication transitoire pousse le prolétariat à la soudure avec l'aile gauche de la bourgeoisie espagnole. Les Gauchistes jouent le rôle de la mouche et du coche. Les staliniens respecteront-ils le verdict des urnes quel qu'en soit le résultat, les trotskystes le respecteront aussi pour ne pas se couper des masses. Les staliniens feront-ils rentrer les ouvriers dans les usines qu'ils auront désertées pour descendre dans la rue, les trotskystes appèleront à ne pas donner prise à la "réaction" qui n'attend qu'un prétexte pour réprimer. Dans tous les cas, on marque son intention à garantir à la bourgeoisie la paix sociale par l'encadrement de masses toujours plus grandes de prolétaires en éveil.
Que le capitalisme ne puisse plus gouverner dans le cadre de l’autoritarisme franquiste, c'est ce que nous démontrent l'assouplissement de la procédure "sumarisimo" et les amendements apportés à la loi anti-terroriste de l'été 75. La bourgeoisie espagnole doit aller vers le nécessaire changement politique. L'enveloppe démocratique dans un pays où 3 décennies et un lustre a régné un autocrate à poigne est toute indiquée pour servir de paratonnerre capable de capter l'électricité sociale. Dans ce pays, les sentiments anti-franquistes sont à vif et, les mots d'ordre de "conquête des droits démocratiques" revêtent une importance exceptionnelle pour dupés la masse ouvrière. On légalisera les partis démocratiques, on convertira la CSN en véritables syndicats représentatifs", pour reculer le plus possible l'affrontement direct avec la classe ouvrière.
Que celle-ci ne s'y trompe pas et : prenne garde de tous ceux qui se servent du miroir aux: alouettes démocratique. L'Etat, quel que soit sa constitution restera la machine d'oppression de la classe ouvrière. Lorsque celle-ci franchira une nouvelle étape la conduisant à la prise du pouvoir, cet Etat "épuré" fera couler le sang des ouvriers qui auront su retrouver le chemin de l'insurrection armée.
Les sirènes démocratiques font beaucoup de bruit comme s'il s'agissait d'un véritable embarquement pour cette île où pousse en abondance l'arbre à pain. Cette démocratie formelle n'est rien d'autre que la dictature bourgeoise déguisée. Plus la coquette est décrépite, plus elle use de fards et de maquillage. Ainsi, des mêmes armes séductrices usent la bourgeoisie en pleine décadence. C'est vrai : comme les Thugs indous, Franco pratique largement le meurtre d'Etat par garrottage. Mais la République espagnole que fit-elle pendant son interrègne ?
A chaque dictature, tombât d'elle-même telle un fruit pourri, a correspondu une concentration supérieure des forces de la bourgeoisie pour préparer l'écrasement physique de la classe ouvrière. De 1931 à 36, le gouvernement de la République sociale mitrailla, bombarda, déporta dans ses pénitenciers africains des fournées entières d'ouvriers rebelles. Il conserva quasi intégralement l'héritage policier et l'appareil judiciaire de la dictature de Primo de Rivera. Très vite, la coalition des républicains et socialistes dans le gouvernement d'Azana donna sa pleine mesure. Les 114 députés socialistes aux Cortès Constituantes couvrirent tous les crimes du cannibalisme libéral. De cette interminable série d'assassinats légaux perpétrés au nom de la"démocratie" il y a Arnido et il y a Casas Viejas. Plus horrible encore fut, la répression dans les Asturies. Requêtes, regulores et légionnaires du "Tercio" plongèrent les mineurs d’Ovièdo et les travailleurs de Giron dans un bain de sang avec la bénédiction de l'église. C'est cette république qui donna toute licence à sa soldatesque pour porter la terreur sur les cités ouvrières et c'est elle qu'appellent aujourd'hui tout le ramassis de "gauche" et de "gauchistes".
Quinze ans plus tôt, à son premier Congrès, l'I.C. honorant les victimes de la Terreur Blanche avivée par les campagnes de calomnie des sociaux démocrates contre le pouvoir des Soviets devait déclarer :
"Dans sa lutte pour le maintien de l'ordre capitaliste, la bourgeoisie emploie les méthodes les plus inouïes, devant lesquelles pâlissent toutes les " cruautés du moyen âge, de l'inquisition et de la colonisation."
Héritier au travers des Fractions issues de la Troisième Internationale d'un programme communiste cohérent, le CCI. estime devoir réaffirmer que l'avènement d'une république espagnole élue au suffrage universel ne créera nullement les conditions constitutionnelles favorables au prolétariat. Au contraire, l'érection de celle-ci résultera du besoin d'opérer la répression à l'abri de règles juridiques et de lois"légales" puisque voulues par la majorité du "Peuple". En tant que planche de salut du capitalisme -mais planche pourrie- il est dans la logique que les partis "démocratiques" se présentent avec des paroles endormeuses sur le "compromis nécessaire" et sur "l'unité antifasciste". S’opposer à eux les dénoncer pour ce qu'ils sont des étrangleurs de grèves, des massacreurs de soulèvements ouvriers, voilà une des premières attitudes politiques à adopter.
Le prolétariat en Espagne s'est donné avec fougue à la Révolution, mais la bourgeoisie, elle, a donné le ban et l'arrière ban de ses avocaillons, de ses journaleux, de ses parlementaires et de ses agents autonomistes pour le réduire à l'impuissance.
C'est avec un relief tout particulier que les expériences en Espagne contiennent leurs enseignements politiques. La tragédie espagnole doit guider le combat d'aujourd'hui et servir d'avertissement au prolétariat mondial. La classe doit s’emparer d'abord du pouvoir politique parce que, à l'inverse des autres classes révolutionnaires du passé, elle ne dispose d'aucune assise économique au sein de la société. Telle est la condition "sine qua non" du procès de socialisation des forces productives. Nécessité vitale de la lutte, les grèves ne sont que le point de départ pour affranchir complètement la classe ouvrière la destruction de l'Etat.
R.C
[1] Le courant représenté par le camarade Hénnaut, combat énergiquement nos positions mais sans verser dans un interventionnisme du type trotskyste.