La leçon des évènements d’Espagne (Bilan n°36, novembre 1936)

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Il nous importe tout d'abord de bien mettre en lumière quelques éléments de fait. Lorsque le mouvement du 17 Juillet, au Ma­roc, fut connu à Madrid et à Barcelone, la préoccupation première du capitalisme fût d'attendre les réactions du prolétariat pour s'orienter dans une direction ou dans l'autre. Tout d'abord, comme cela a été noté dans l'avant dernier numéro de "Bilan", au gouvernement de Quiroga fut substitue ce­lui de Barrios, afin de tenter d'aboutir à une conversion pacifique de la gauche à la droite. Mais, devant l'ampleur du soulève­ment ouvrier en Catalogne et à Madrid, cet­te tentative échoue lamentablement et Giral vient au pouvoir alors que Barrios part pour Valence, où il tentera, au nom du gouver­nement, de légaliser la révolte ouvrière.

Le déroulement des événements à partir du 17 Juillet confirme notre appréciation : le 17 Juillet, le syndicat des transports maritimes de Barcelone s'était emparé des armes se trouvant dans les navires "Manuel Artus", "Argentina" "Uruguay" et "Marquis de Cornillas" (150 fusils et des munitions). Il les avait transportées à son local. Le 18, veille du soulèvement militaire, la po­lice enleva une partie des armes.

Lorsque les chefs des divers partis ou­vriers allèrent demander, après le 17 des armes à Companys, car il était de notorié­té publique que les militaires descendrai­ent dans la rue à l'aube du dimanche, le chef de la Généralité les rassura en expliquant que la Garde Civile et d'Assaut suffiraient et, qu'en tout cas, si elles reculaient, les ouvriers n'avaient qu'à ra­masser les fusils des morts et à intervenir. Pour Companys, le mieux que les ouvriers avaient à faire le samedi soir et le diman­che, c'était de rentrer chez eux et d'at­tendre l'issue de la lutte.

Mais l'effervescence du prolétariat de Barcelone était à son paroxysme.

Les événements du 19 juillet

Le dimanche au matin tout le proléta­riat, armé avec des moyens de fortune et dans sa majorité sans armes, est dans les rues. A cinq heures la bataille se déclen­che. Entourées par les ouvriers la garde d'Assaut et une partie de la Garde Civile doit marcher contre les militaires. Bien­tôt le courage et l'héroïsme des ouvriers où se distinguent particulièrement les militants de la CNT et de la FAI, ont rai­son des points essentiels du soulèvement car ici et là les soldais fraternisent avec les prolétaires, telle la caserne de Tarragona. Le soir même, les soldats sont vaincus et le général Godet capitule. C’est à partir de ce moment que l'armement du prolétariat devient général.

La Généralité, quant à elle, s'efface peureusement devant l'élan des ouvriers mais ne craint cependant pas que ceux qui lui ont demandé des armes, maintenant que les ouvriers les ont prises par la force, ne se tournent contre elle.

Le Lundi 20, la CNT et à sa suite l’UGT lancent le mot d'ordre de grève géné­rale dans toute l'Espagne. Mais partout les ouvriers sont dans la rue. Ils pren­nent les armes mais posent leurs revendi­cations de classe. Le contraste ancien en­tre CNT  et UGT au sujet de la semaine de 36 heures ou de 40 heures; le problème des salaires, tout cela surgit au cours de la lutte car déjà les ouvriers commencent à mettre la main sur de nombreuses entre­prises. Le 20 apparaissent et se constituent des milices qui nettoieront Barcelo­ne. Le 21 est publié un décret de la Généralité affirmât : "primo : il est crée des milices (ciutadines) citadines pour la défense de la République et la lutte contre le fascisme et la réaction". Le C.C. des milices comprendra un délégué du conseiller Gouvernacion, un délégué du Commissaire géné­ral d'ordre public et des représentants de toutes les forces ouvrières ou politiques luttant contre le fascisme.

Ainsi, la Généralité tente dès le 21, non seulement de mettre son cachet sur les initiatives des ouvriers armés, mais d'enfermer leurs efforts dans les cadres de la légalité bourgeoise.

Le 21 la grève générale continue tou­jours et le POUM (parti d'unification marx­iste) .parle de la faire durer jusqu'à ce que le fascisme soit écrasé partout.

Mais déjà la CNT, qui domine Barcelone, lance ce jour lé mot d'ordre de rentrée pour les industries d'alimentation et de service public. Le POUM publie l'avis mais ne le critique pas. Cependant, l'on continue à parler des revendications de clas­se. Les ouvriers exproprient la Compagnie des Trams, le Métropolitain, tous les mo­yens de transports, y compris les chemins de fer. Ici  aussi la Généralité intervient et légalise en prenant l'expropriation à son compte. Plus tard elle prendra les devants, dans certaines entreprises et les expropriera avant les ouvriers.

Le même jour, le front d'Esquerres, qui groupe tous les partis bourgeois de gauche, reçoit une lettre du POUM où celui-ci invité par Companys, accepte de collaborer avec TOUS LES PARTIS contre le fascisme mais refuse, après délibération de sa C.E. de collaborer à un gouvernement de Front Populaire.

Il semble que dès le 24, sous la pres­sion de la Généralité, la plupart des or­ganisations ouvrières tentent de freiner le mouvement revendicatif. Les socialo centristes de Barcelone sont contre la prolongation des grèves, la CNT a donné le mot d'ordre de rentrée, le POUM s'efforce de maintenir son programme de revendication mais il ne dit pas s'il approuve ou non la rentrée.

Dès le 24 le départ des colonnes de mi­liciens pour Saragosse s’organise. Mais il faut que les ouvriers partent avec la sensation qu’ils obtiennent satisfaction au sujet de la revendication. La Généralité lance un décret : les jours de grève seront payés, Mais, ici aussi, dans la plupart des usines les ouvriers ont déjà, les armes à la main, obtenus des satisfactions partiel puisque, grâce aux partis et aux organisa­tions syndicales se réclamant du prolétari­at, la bourgeoisie est parvenue à faire cesser la grève générale et que, dans les entreprises occupées par les ouvriers, la semaine de 36 heures est instaurée ipso facto, le 26 juillet la Généralité lance un décret instituant la semaine de 40 heures avec augmentation le salaires de 15%.

Et, pendant que la Généralité s'effort ce d'encadrer l'explosion des contrastes sociaux, nous arrivons au 28 juillet, qui marque déjà un important tournant de la si­tuation. Le POUM qui contrôle au travers de la F.OU.S., le "syndicat mercantile" ([1]) et quelques minuscules entreprises, lancent le mot d'ordre de reprise du travail pour les ouvriers qui ne se trouvent pas dans les milices. Il faut créer la mystique de la marche sur Saragosse. Prenons Saragosse, dira-t-on aux ouvriers, puis nous réglerons leur compte à la Généfalité et à Madrid.

Par son mot d'ordre de rentrée, le POUM exprimera clairement le tournant de la situation et la réussite de la manoeuvre de la bourgeoisie parvenant à obtenir la cessa­tion de la grève, générale, puis lançant des décrets pour éviter les réactions des ouvriers et, enfin, poussant les prolétaires en dehors des villes vers le siège de Saragos­se.

Mais à Saragosse, la grève générale avec des phases de recul et d'accélération continue et ce ne sera que bien plus tard que les ouvriers céderont à l'ultimatum de Cabanellas, les mettant devant le choix de reprendre le travail ou d’être massacrés tous.

Dès lors, leur espoir ne sera porté vers un rebondissement des batailles gré­vistes, mais dans la victoire des forces gouvernementales et Cabanellas pourra or­ganiser sa répression féroce et sanguinai­re.

Selon la "Batalle", organe du POUM (29 août), il ressort que les ouvriers de Saragosse auraient mené pendant quinze jours la grève générale. Voici ce que dit ce journal : "Le dimanche matin, 19 juil­let (lorsque les militaires descendirent dans la rue. N.D.L.R.) : "Les ouvriers organisèrent immédiatement la résistance et la lutte dura de nombreux jours. La grè­ve fut absolument générale jusqu'à quinze jours plus tard, et beaucoup plus longtemps durèrent les tirs aux barricades ouvrières. Toujours il y avait quelques héros irréduc­tibles, qui préféraient perdre la vie qu'accepter la domination fasciste.

A partir du 28 juillet; l'aspect du mouvement en Catalogne change. On continue bien à exproprier des entreprises, à nommer des conseils ouvriers, mais, déjà, tout ce­la se fait en accord avec des délégués de la Généralité, qui ne manifestent évidem­ment pas de résistance aux ouvriers armés, mais qui savent que, pour les besoins de la guerre où s1engage le gros du prolétariat, ils obtiendront ce qu'ils voudront.

Déjà, les contours précis de l'attaque générale du capitalisme espagnol se précise. Dans les régions agricoles, où la répression du Front Populaire a déjà passé et où n'e­xiste pas un prolétariat nombreux et dense, le problème agraire sera résolu par l'é­crasement féroce et sanguinaire de Franco qui, à ce point de vue, n'aura rien a envier à Mussolini ou à Hitler. Dans les centres industriels, et surtout en Catalogne, où le problème agraire ne se pose pas, il faut affronter de biais le prolétariat. Le lan­cer dans un guet-apens militaire, désagré­ger son front intérieur, mais arriver coûte que coûte à l'anéantir. A Madrid, se sera le Front Populaire qui s’en  chargera. En Catalogne, la Généralité parviendra, au prix de concessions formelles et non substantiel­les, sur le terrain de la gestion économi­que et de la direction politique, à s'inféoder la CNT  et le POUM, parti opportuniste du bureau de Londres, dont l'un des chefs, l’ex-trotskiste Nin, est aujourd'hui minis­tre de la justice.

A Madrid, après le 19 juillet la grève générale ne sera que le prolongement de la grande grève de la construction qui durait depuis juin et elle ne cessera que quelques jours après sa cessation en Catalogne, du fait de l'extrême confusion qui se dévelop­pe dans la capitale.

Ici les ouvriers sont dans la rue seu­lement le lundi alors qu’à Barcelone les militaires sont déjà écrasés. Le gouverne­ment de Barrios a duré quelques heures et Giral qui lui succède promet tout ce  que l’on veut à l'exception d'armes que les orga­nisations ouvrières lui demandent. Le lun­di, sans armes, les prolétaires madrilaines se ruent vers la caserne de la Montana qu'ils emportent d’assaut. Dès lors, les caser­nes de Madrid fraternisent toutes et c'est une lutte assez brève dans les environs de Madrid d'où les militaires voulaient marcher sur la ville. Le mardi les ouvriers qui font la grève générale cherchent leurs ennemis, et puisque de la CNT aux socialo-centristes, tout le monde a proclamé que le gouvernement était un allié, le bras vengeur du proléta­riat armé, les travailleurs se dispersent dans la province de Madrid et rencontrent les militaires sur le Guadarama où après une lutte sanglante mais confuse, de part et d'autre, on se retira sur ses  positions alors que le gros des ouvriers refluera vers Madrid où à ce moment sera lancé le mot d' ordre de cessation de la grève et de l'or­ganisation des colonnes.

Comme à Barcelone et dans toute l'Espa­gne, les ouvriers, qui, depuis février 36 ont été appelés à considérer le Front Populaire comme un allié sûr, lorsqu'ils se sont jetés dans la rue, le 19 juillet, nf ont pu diriger leurs armes dans une direction qui leur aurait permis de briser l' Etat capitaliste et de battre Franco. Ils ont laissé les Giral à Madrid, les Companys à Barcelone à la tête de l'appareil d'état en se contentant de brûler les églises, de "nettoyer" des institutions capitalistes telles là Sûreté Publique, la police, la Guardia Civile,.la Garded’Assaut. Ils ont bien exproprié, en Catalogne, les bran­ches fondamentales de la production, mais l'appareil bancaire est resté intact et avec son fonctionnement capitaliste antérieur.

D'ailleurs, ces éléments seront examinés minutieusement et sur la base d'une docu­mentation, ultérieurement.

Du 19 au 28 juillet, la situation aurait permis aux ouvriers armés, du moins à Bar­celone, de prendre intégralement le pouvoir sous dès formes confuses, certes, mais qui auraient néanmoins représenté une expérien­ce historique formidable. Le tournant vers Saragosse a sauvé la bourgeoisie. La "Batalla", organe du soi-disant parti "marxiste", proclamait qu'autour de Saragosse se concen­trait l'attention révolutionnaire mondiale. Mais, déjà, à partir du 27 juillet, la bourgeoisie tâte prudemment le terrain. A Figueras, des militants de la CNT  sont désar­més par des gardes civils et des miliciens du Front Populaire, après avoir vaincu les fascistes. La CNT publie à ce moment un ap­pel aux masses, où elle recommande de tirer sur ceux qui voudraient les désarmer. La Généralité est avertie. Elle s'y prendra par d'autres moyens.

Le 2 août, nouvelle tentative de la Géné­ralité de légaliser organiquement la situ­ation : elle décide d'appeler sous les ar­mes plusieurs classes. Les soldats refusent de partir ailleurs que dans les milices. La CNT prend immédiatement position : "des miliciens ? Oui! Des soldats ? Non!" Le POUM lui, demande "la dissolution", non pas la destruction, mais la dissolution de l"armée.

Bien entendu, la Généralité laissera faire en se contentant de relier le C.C. des milices anti-fascistes au Département de la Défense de la Généralité.

La composition du C.C. des milices anti­fascistes sera d'ailleurs la suivante : trois délégués de la CNT, trois délégués de l'UGT, deux délégués de la FAI, un délégué de la Gauche Républicaine, deux socialistes unifiés, un délégué de la Ligue des Rabasseres (petits fermiers sous 1!influence de la gauche catalane), un délégué à la coali­tion des partis républicains, un délégué du POUM et quatre représentants de la Généra­lité (le conseiller de la défense, le colonel Sandino, le commissaire général de l'ordre public, préfet de Barcelone et deux délégués de la Généralité sans charge fixe).

Au point de vue de l'évolution politi­que, le prolétariat de Madrid est rapide­ment poussé sur une plateforme ouvertement bourgeoise, alors qu'à Barcelone il faudra quelques semaines de guerre et des manoeu­vres pour y arriver.

Dès le 30 juillet, à Madrid, la Pasionaria déclare qu'il s'agit de défendre la Ré­volution bourgeoise qui doit être faite complètement. Le 1er août, la police teste­ra active à Madrid et "Mundo Obrero", de­vant la tentative de Giral d'enlever le droit d'arrestation aux milices, parlera de la "confusion" qu'il faut dissiper en con­vainquant le Front Populaire de l'action d'ordre des milices.

Le trois août, "Mundo obrero" proclame qu'il défend la propriété privée des amis de la République. Et il dira : "Pas de grè­ves dans l'Espagne démocratique ". Pas d'ouvriers au repos sur le front arrière. Tout son programme se résumera en ces mots : après avoir écrasé le fascisme, la gauche républicaine se souviendra et ne laissera plus instaurer la situation d'avant le 19 juillet.

Le 8 août, Jésus Hernandos célébrera, dans un discours à grand retentissement, la lutte des ouvriers pour la République dé­mocratique bourgeoise et rien que pour elle, et, le 18 août, les centristes pourront di­re que la lutte, en Espagne, a pris l'aspect d'une guerre nationale, une guerre pour l'indépendance de l'Espagne. Pour eux,  il faudra créer une nouvelle armée du peuple avec les vieux officiers et les milices et, dès lors, ils deviendront les partisans d'une sévère discipline.

Dès la constitution du cabinet Giral, les Caballero, les Prieto demanderont la constitution d'une commission du Front Populaire, près du ministère de la Guerre, où ils participeront. Par ce moyen, ils seront des ministres"officieux".

Pour ce qui est de Barcelone, une fois entré dans la nouvelle phase de la guerre pour Saragosse, condition primordiale pour "résoudre" (?) le problème social, la "Solidaridad Obrero" du premier août salue­ra l'ère nouvelle et l'ouverture de la pha­se menant au communisme libertaire.

Lors de la constitution du gouverne­ment de Casanovas (après la sortie du gou­vernement des délégués du PSUC)([2]), la CNT, bien qu'affirmant que ce gouvernement ne concrétisait pas la réalité de ce que les ouvriers avaient conquis, lui donna cependant son appui total.

Toute la première semaine d'août, la CNT mobilisa les masses autour du départ pour le front d'Aragon, en insistant qu'il ne s’agissait pas d'une armée régulière, mais de bataillons de volontaires où cha­que officier de l'ancienne armée devait être surveillé par un milicien. Enfin, elle mit en évidence une notion totalement incon­nue jusqu'ici par les anarchistes : la dis­cipline militaire.

Mais la CNT sera alors absorbée par la nécessité de contrôler les initiatives ou­vrières sur le terrain économique afin de les maintenir sur la ligne du plus grand rendement pour la guerre.

Le 14 août, la "Solidaridad Obrero" écrira ouvertement que, dans le domaine économique, existent des rapports de guerre.

Mais, cet aspect du problème, nous l’examinerons séparément au cours de l'ana­lyse des réalisations économiques et des organes nouveaux surgis sur le terrain so­cial et politique en Catalogne.

Il nous faut encore marquer la posi­tion du POUM qui, loin d'être un parti pouvant évoluer vers des positions révolutionnaires, représente un amalgame de tendances opportunistes (socialistes de gauche, communistes d'extrême droite, trot­skistes) qui est un obstacle de plus à la clarification révolutionnaire.

Le schéma selon lequel le POUM est in­tervenu dans les événements est à peu près celui-ci : les bolcheviks luttèrent d'abord contre le tsarisme, puis contre la bourgeoisie et ses agents mencheviks. Sans Tcheka et armée rouge, la Russie n'aurait pas vaincu ses ennemis extérieurs, et in­térieurs ("Batalla" du 4 août). Le POUM luttera d'abord contre le fascisme, puis contre la bourgeoisie, comme Nenni combat­tait d'abord Mussolini, puis contre la bourgeoisie; comme Breitscheid luttait d'abord contre Hitler puis contre la bourgeoisie et comme si Lénine n'avait pas apporté, en avril 1917, contre Staline et Kamenev, un programma de lutte contre toutes les formes de la domination bourgeoise, et comme si il était possible de lutter contre le fas­cisme sans entamer une lutte contre l'en­semble du système capitaliste.

Les institutions nouvelles et leur signification

Avant tout, nous voudrions bien mettre en évidence un élément central sur lequel les événements projettent leur lumière. Au moment où l'attaque capitaliste se déchaî­ne avec le soulèvement de Franco, ni le POUM, ni la CNT ne songent à appeler les ouvriers à descendre dans le rue. Ils or­ganisent des délégations près de Companys afin d'obtenir des armes, Le 19 juillet, c'est spontanément que les ouvriers sont dans la rue et la CNT avec l'UGT, lorsqu' ils lancent le mot d'ordre de grève géné­rale, ne font que consacrer une situation de fait.

Puisque les Companys, les Giral sont immédiatement considérés comme les alliés du prolétariat, comme les personnes devant fournir les clefs pour ouvrir les dépôts d’armes, il est naturel que personne, lors­que les ouvriers prirent les armes après avoir écrasé les militaires, ne songea un seul instant à poser le problème de la destruction de l'Etat qui, avec Companys à sa tête, resta intact. On essaya, dès lors, d'accréditer l'utopie, qui revient à affirmer qu'il est possible de faire la révolution en expropriant les entreprises, en prenant les terres, sans toucher à l' Etat capitaliste, ni même à son système bancaire.

La constitution du Comité Central des milices devait donner l'impression de l'ouverture d’une phase de pouvoir prolétarien et la constitution du Conseil Central de l'Economie l'illusion que l'on entrait dans la phase de la gestion d'une écono­mie prolétarienne.

Pourtant, loin d'être des organismes de dualité des pouvoirs, il s'agissait bien d'organismes ayant une nature et une fonction capitalistes, car au lieu de se cons­tituer sur 'la base d'une poussée du prolé­tariat cherchant des formes d'unité de lut­te afin de poser le problème du pouvoir, ils furent, des l'abord, des organes de col­laboration avec l'Etat capitaliste.

Le C.C. des milices de Barcelone sera d'ailleurs un conglomérat de partis ou­vriers et bourgeois et de syndicats et non un organisme du type des soviets surgis­sant sur une base de classe, spontanément, et où puisse se vérifier une évolution de la conscience des ouvriers. Il se reliera, à la Généralité, pour disparaître, avec un simple décret, lorsque sera constitué, en octobre, le nouveau gouvernement de la Catalogne.

Le C.C. des milices représentera l'ar­me inspirée par le capitalisme pour en­traîner, par l'organisation des milices, les prolétaires en dehors des villes et de leurs localités, vers les fronts ter­ritoriaux où ils se feront massacrer impitoyablement, il représentera l'organe qui rétablira l'ordre en Catalogne, non avec les ouvriers, mais contre ceux-ci,  qui seront dispersés sur les fronts. Certes, l'armée régulière sera pratiquement dissou­te, mais elle sera reconstituée graduel­lement avec les colonnes de miliciens dont l'Etat Major restera nettement bourgeois, avec les Sandino, les Villalba et consorts. Les colonnes seront volontaires elles pour­ront le rester jusqu'au moment où finiront la griserie et l'illusion de la révolution et réapparaîtra la réalité capitaliste. Alors on marchera à grands pas vers le ré­tablissement officiel de l'armée régulière et vers le service obligatoire.

Loin de pouvoir être un  embryon d'ar­mée Rouge, les colonnes se constitueront sur un terrain et dans une direction qui  n'appartiennent pas au prolétariat. Pour que cela ne se vérifiât pas, il aurait fallu prendre le pouvoir, en détruisant l'Etat capitaliste, ou tout au moins, que les ouvriers armés, tournent leurs armes contre cet Etat. Et les colonnes de mili­ciens ne se constituèrent pas dans cette direction : ils s'agissait plutôt de par­tir vers Saragosse et Huesca pour ce qui est de la Catalogne, vers Tolède et le Guadarama pour ce qui est de Madrid. Les ouvriers armés furent jetés dans l’anti­fascisme et non dans une lutte contre l'ensemble des formes du capitalisme. Et, dans ces conditions, toutes les formes dé­mocratiques qui, dans un premier moment, se manifestèrent au sein des colonnes, n’avaient qu’une importance insignifiante. Ce qui importait, c'était la direction suivie par les milices, et celle-là était franche­ment celle du Front Populaire; la lutte antifasciste respectant les organes de la domination capitaliste, les renforçant mê­me, par l’appui que leur donneront les an­archistes et le POUM entrant dans les mi­nistères,

A Madrid, les milices seront même pra­tiquement sous le contrôle du Département de la Guerre de Caballero, qui fournira les gradés aux différentes organisations passant à la formation des colonnes.

En définitive, si le gros de l'armée régulière passa à Franco, le Front Popu­laire et ses alliés, par l'organisation des milices, tenta de pousser les ouvriers du terrain de la lutte sociale sur le terrain de la formation d'une nouvelle armée régu­lière, et cela explique pourquoi les ou­vriers, malgré leur courage, seront écra­sés. Sur le terrain militaire, Franco agi­ra avec certitude, alors que Companys, les Caballero et compagnie déploieront une stra­tégie non militaire mais sociale consistant à favoriser le massacre des ouvriers qui, par leur incorporation dans une armée, n'auront plus la force de retrouver le chemin au travers duquel ils vaincurent les militaires à Barcelone, à Madrid,le 19 juil­let.

Passons maintenant à l'examen des autres instruments de la domination capitaliste. La Garde Civile, célèbre pour ses massacres d'ouvriers à l'époque de la monarchie, a été transformée en Garde Nationale Républicaine, Certes, à Barcelone, la CNT a procédé à un nettoyage de cette dernière, mais l'insti­tution est restée debout, embellie par l' entrée des militants anarchistes en son sein,

A Madrid, la Garde Civile est restée intacte et garde jalousement les coffres-forts du capitalisme : les banques.

Il n'y a vraiment qu'à Valence, où des ouvriers de la colonne de Fer (CNT), pas­sant outre à l'accord conclu par leur or­ganisation, demandant à la Garde Civile de remettre seulement les fusils, sont descendus du front pour obliger, avec la menace de leurs mitrailleuses, les gardes civiles à désarmer complètement et sont allés brû­ler les archives de la police, Madrid a d'ailleurs compris qu'ici il val ait mieux retirer Garde Civile, Garde d'Assaut et laisser se constituer, sous la direction du Comité Exécutif Populaire (sorte de Front Populaire), une GPA (Garde Populaire Anti-Fasciste) qui maintiendra tout aussi bien l'ordre à l'arrière, La Garde d'Assaut, que les ouvriers ont affronté sous la Républi­que, est restée intacte et, actuellement, à Barcelone, a été puissamment armée.

Pour ce qui est de la Sûreté Publique; l'on a procédé à un simple nettoyage de cette institution qui est restée intacte. En France, Blum remplace les fonctionnaires par décrets et démocratise l'Etat ; en Es­pagne, c'est avec des fusils que l'on a remplacé des fonctionnaires pour "prolé­tariser" les institutions capitalistes, Les anarchistes ont pris la direction de la Sûreté à Barcelone, d'abord sous la forme de la Section d'investigation du C.C. des mi­lices, aujourd'hui sous la forme du Département de la Sécurité dont le militant de la CNT, Fernandez, est le secrétaire géné­ral.

A Madrid, au commencement d'octobre, après la promulgation du décret sur la mi­litarisation, toutes les sections de vigilance des organisations politiques ou syn­dicales ont été soumises au Département de la Sûreté Publique. Ni à Barcelone, ni à Madrid, l'on a publié les listes des mou­chards entretenus par la police politique dans les organisations ouvrières : et cela est significatif,

Les tribunaux ont été rétablis rapi­dement dans leur fonctionnement avec l'aide de l'ancienne magistrature, plus la participation des organisations"antifascistes". Les Tribunaux Populaires de la Catalogne sous leur première version "extrémiste" (décret du ministre du POUM, Nin), partent toujours de la collaboration entre des magistrats professionnels et des représen­tants de tous les partis, mais Nin a innové en supprimant le jury populaire,

A Madrid le pourcentage des magistrats professionnels sera plus élevé qu'a Barce­lone, mais, dès octobre, Caballero lancera des décrets pour simplifier la procédure au cours du jugement des fascistes et il s'élèvera donc à la hauteur d!un Nin,

Une seule institution sera balayée sérieusement en Catalogne : L'Eglise, et puisqu’il ne s'agit pas d'un instrument essentiel de la domination capitaliste, on don­nera l'impression aux masses, d'un boulever­sement général, alors qu'il est très faci­le de reconstruire des églises, de les peu­pler, de nouveaux prêtres, lorsque le régi­me capitaliste subsiste dans ses fondements.

D'ailleurs, si l'on prend un autre fait, l'on saisira immédiatement que là n'est pas le noeud du problème. Les banques et la Banque d'Espagne sont  restées intactes et partout les mesures de précaution furent prises pour empêcher (même par la force des armes) la main mise des masses. Dans l'extrémisme, pour ce qui est de la démolition des Eglises et la passivité devant les ban­ques, l'on retrouve le fil du déroulement des événements, où les masses ont été pous­sées à démolir en marge du système capita­liste, mais non le système lui-même, :.

Examinons maintenant deux genres d'or­ganismes qui se sont constitués en opposi­tion les uns aux autres. Les Conseils d'U­sine et le Conseil de l'Economie de la Ca­talogne.

Lorsque les ouvriers reprirent le tra­vail, là où les patrons avaient fui ou fu­rent fusillés par les masses, se consti­tuèrent des Conseils d'Usine qui furent l'expression de l'expropriation de ces entre­prises par les travailleurs. Ici intervin­rent rapidement les syndicats pour établir des normes tendant à admettre une repré­sentation proportionnelle là où se trouvaient des membres de la CNT et de l'UGT. Enfin, bien que la reprise du travail s’ef­fectua avec la demande des ouvriers de voir appliquées la semaine de 36 heures, l'aug­mentation des salaires, les syndicats in­tervinrent pour défendre la nécessité de travailler à plein rendement pour l'orga­nisation de la guerre sans trop respecter une réglementation du travail et des salai­res.

Immédiatement étouffés, les comités d’usine, les comités de contrôle des entre­prises où l'expropriation ne fut pas réa­lisée (en considération du capital étran­ger ou pour d'autres considérations) se transformèrent en des organes devant acti­ver la production et, par là, furent dé­formés dans leur signification de classe. Il ne s'agissait pas d'organismes crées pendant une grève insurrectionnelle pour renverser l'Etat, mais d'organismes orien­tés vers l'organisation de la guerre, con­dition essentielle pour permettre la survivance et le renforcement de cet Etat.

De suite contrôlés par les syndicats mobilisant pour la guerre antifasciste, dès le 11 août, les comités d'usine fu­rent reliés au Conseil de l'Economie qui, d'après le décret officiel fut l'organis­me délibératif pour établir des accords en matière économique entre les diverses or­ganisations représentées (Etat Républicain Catalan, 3 ; Parti Socialiste Unifié ,1 ; CNT, 3 ; FAI, 2 ; POUM, 1; UGT, 3 ; Action Catalane, 1 ; Union Républicaine, 1) et "le gouvernement de la Généralité qui exécutera les accords qui résultent de ses délibérations".

Désormais les ouvriers, au sein des usines qu'ils avaient cru conquérir sans détruire l'Etat capitaliste, deviendront à nouveau les prisonniers de ce dernier et bientôt, en Octobre sous prétexte d'oeuvrer pour la réalisation d'une nouvelle ère, de gagner la guerre, on militarisera les tra­vailleurs des usines. Le Conseil de l'Eco­nomie se proposera, dés sa constitution, d'oeuvrer pour le socialisme en accord avec les partis républicains et la Généra­lité. Ni plus, ni moins. Celui qui réali­sera (sur le papier) ce "premier pas du capitalisme au socialisme", sera Monsieur Nin, qui élaborera les 11 points du Conseil. Fin septembre, c'est le nouveau mi­nistère "ouvrier" de là Généralité qui se­ra alors chargé de faire ce premier pas". Mais, alors, la mystification, la duperie, sera plus évidente.

Le fait le plus intéressant dans ce domaine est le suivant : à l'expropriation des entreprises en Catalogne, à leur coordination effectuée par le Conseil de l'Economie en août, au décret d'octobre du gouvernement donnant les normes pour passer à la "collectivisation", succéde­ront, chaque fois, de nouvelles mesures pour soumettre les prolétaires à une dis­cipline dans les usines, discipline que jamais ils n'auraient toléré de la part des anciens patrons. En Octobre, la CNT lancera ses consignes syndicales où elle interdira les luttes revendicatives de toute espèce et fera de l'augmentation de la production le devoir le plus sacré du prolétaire. A part le fait que nous avons déjà rejeté la duperie Soviétique qui consiste à assassiner physiquement les pro­létaires au nom "de la construction d'un socialisme", que personne ne distingue en­core, nous déclarons ouvertement qu'à no­tre avis, la lutte dans les entreprises ne cesse pas un seul moment tant que sub­siste la domination de l'Etat capitaliste. Certainement, les ouvriers devront faire des sacrifices après la révolution prolétarienne, mais jamais un révolutionnai­re ne pourra prêcher la fin de la lutte revendicative pour arriver au socialisme. Même pas après la révolution, nous n'enlèveront l'arme de la grève aux ouvriers et il va de soi que lorsque le proléta­riat n'a pas le pouvoir - et c'est le cas en Espagne— la militarisation de l'usine équivaut à la militarisation des usines de n'importe quel Etat capitaliste en guerre.

Pour devenir des armes révolutionnai­res, les conseils d'usine auraient dû permettre aux ouvriers de déverser leur lutte contre l'Etat, mais puisque leurs organisations s'allièrent immédiatement avec la Généralité, cela était impossible, sous peine de se dresser contre la C.N.T, l'UGT, etc. Il est donc vain de bavarder à leur sujet de dualité de pouvoir avec de la Catalogne. Il est évident que ni à Valence, ni à plus forte raison à Ma­drid, nous retrouverons ces formes d'in­terventions ouvrières. Mais la place nous manque pour examiner de plus près les initiatives ouvrières dans ces deux cen­tres.

Avant de reprendre l'analyse des événements, nous voudrions encore dire quelques mots au sujet du problème agrai­re. Certes, dans ce domaine, se sont pro­duites de nombreuses innovations. En Catalogne a été décrétée la "syndicalisation" obligatoire de diverses activités agricoles (vente des produits, achat du matériel agricole, assurances, etc.). D' autre part, il est évident qu'après le 19 juillet, les rabassaires (petits pro­priétaires) se sont déchargés d'une sé­rie de rentes et de redevances, alors que là où les terres appartenaient à des pro­priétaires suspects de sympathie envers le fascisme, l'on est passé à un partage .sous l'égide des comités antifascistes. Mais, dans la suite, le Conseil de l'Eco­nomie d'abord, le Conseil de la Généra­lité d'octobre ensuite, se sont mis au travail pour encadrer ces initiatives et les diriger vers les besoins de l'écono­mie de guerre que l'on mettait en marche.

Le 11° point du programme du Conseil Economique disait déjà, au mois d'août : " collectivisation de la grande propriété" agraire qui sera exploitée par les syndicats de paysans avec l'aide de la Généralité..."(souligné par nous : N.D.L.R.).

Dans la suite, et plus particulièrement en septembre et en octobre, le mot d'ordre de la C.N.T, et des autres organisations fut : "Nous respectons  la petite propri­été paysanne". Paysans, remettez-vous au travail! Enfin, l'on s'élèvera contre la collectivisation forcée et la Conseillerie de l'Agriculture veillera à rassurer les paysans qui seront simplement encadrés dans des mesures générales concernant la vente des produits et l'achat de matériel, alors que l'on mettra clairement en évidence que "la collectivisation de la terre devait se limiter aux grandes propriétés agricoles confisquées". Pour ce qui est de la pro­vince de Valence, ici aussi l'on tendra, après le reflux des événements, à constitu­er plutôt des comités d'exportation des oranges, du riz, des oignons, etc., alors que les terres appartenant à des proprié­taires fascistes seront confisquées par les paysans qui maintiendront un caractère collectif aux exploitations par suite des nécessités mêmes de la culture (problème de l'irrigation).

A Madrid, Uribe, le ministre communis­te de l'Agriculture, lancera un décret au mois d'octobre où il spécifiera "qu'est  autorisée l'expropriation sans indemnisation et en faveur de l'Etat, des propriétés agricoles, quels que soient leur étendue et leur type appartenant, au 18 juillet 1936, aux personnes naturelles ou juridiques qui sont intervenues de manière directe ou indirecte dans le mouvement insurrectionnel contre la République".

Rien d'autres, en substance, que des mesures de guerre, que, dans tout Etat bourgeois, l’on prend contre les "ennemis". La seule différence, c'est que les Uribe et consorts devront tenir compte de l'in­tervention des masses paysannes qui ont été bien plus loin après le 19 juillet que leurs décrets. Mais même en admettant qu'une "révolution agraire" se soit effec­tuée en Espagne, il faudrait prouver que c'est là l'axe de la situation et non le renforcement de l'Etat capitaliste dans les villes qui rend précisément illusoire tout bouleversement profond et durable des rapports économiques et des bases de l'agriculture dans un sens  révolutionnaire. Nous ne pensons pas en finir avec tous ces problèmes par la brève énonciation que nous devons nous borner à effectuer ici. Dans d'autres études, nous les approfon­dirons, documentation à l'appui.

Le massacre des ouvriers

Pendant le mois d'août, la ruée vers les fronts territoriaux se poursuit, au milieu de l’enthousiasme des prolétaires. Nous menaçons Huesca, nous marchons triom­phalement sur Saragosse, notre encercle­ment: de Teruel s'effectue. Tels seront les leitmotivs que les prolétaires enten­dront, répétés par toutes les organisations pendant deux mois. Mais parallèlement, chaque organisation interviendra, pour subs­tituer aux initiatives des ouvriers à l'arrière-front, les initiatives et décisions prises en commun.

Le 19 août, le POUM interviendra avec un éditorial dont le motif central sera : "Les organes réguliers, créés par la Révolution même, sont les uniques, organes chargés d'administrer la justice révolutionnaire".

A peu près à cette époque, l'Espagne Antifasciste, édition de Barcelone, publie­ra une interview de Companys où celui-ci mettra en évidence que la CNT et la FAI sont aujourd’hui les représentants de l'ordre et que la bourgeoisie catalane n'est pas une bourgeoisie. ... capitaliste mais huma­nitaire, et progressiste. ([3])

Le 22, sous le signe de "Hasta el fin" s'organisera l'expédition vers Majorque où seront jetés dans l'aventure des milliers d'ouvriers catalans dont "une grosse partie devra, par la suite, être évacuée vers Barcelone dans le silence le plus complet de tout le front antifasciste. Cette expérience qui prouvera clairement la volonté de la bourgeoisie "humanitaire" de la Catalogne de jeter les prolétaires dans des massacres militaires trouvera sa répercussion dans une plus grande liaison entre le comité de guerre du C.C. des milices et le département de guerre de la Généralité.

Le 25 l'aggravation de la situation mi­litaire se répercutera dans les rapports entre les diverses organisations. Le POUM s'en fera l'écho en demandant que la cordi­alité des miliciens au front s'exprime aus­si à l'arrière garde. A la CNT, le POUM di­ra que la convergence est complète entre l'élan révolutionnaire de cette dernière et le sien et que l'unité, d'action des masses doit être maintenue à tout prix.

Mais, dès le 25, la "Solidaritad Obrero" écrira qu'à son dernier plénum la CNT a adopté des accords concluant au désarme­ment de 60 % des miliciens appartenant aux différents partis. Ceux-ci appliqueront eux-mêmes ces mesures sans, quoi la CNT se char­gera bien de les faire adopter par ses pro­pres moyens. Le mot d'ordre central du Plé­num était toutes les armes au front.

La CNT faisait ainsi comprendre que, pour elle, la lutte violente à l'arrière— dans les villes— était bien terminée et qu'il ne restait plus qu'un front où les ouvriers devaient se battre : le front militaire.

Tous les partis partagèrent cette fa­çon de voir car, le 29, était publié un dé­cret du C.C. des milices : ceux qui possè­dent des armes doivent les remettre immédia­tement ou se rendre au front. Companys put, dès lors, se frotter les mains avec satis­faction.

En même temps se précisera la comédie de la non-intervention. Tous les Etats ca­pitalistes et la Russie soviétique, se mettront d'accord pour faciliter l'envoi d'armes puissantes à Franco et l'expédition de colonnes d'ouvriers étrangers à Companys et Caballero. Tous les Etats veilleront à intervenir en Espagne pour activer le mas­sacre des prolétaires selon l'accord de "non intervention". L'Italie et l'Allema­gne fourniront des armes à Franco, Blum fa­cilitera la formation de "légions étrangè­res prolétariennes" (Solidaridad Obrero) mais surveillera l'envoi d'armes.

Dès cette époque, le POUM, la CNT, con­cevront l'aide du prolétariat international comme une pression sur leurs gouvernements pour obtenir "des avions pour l'Espagne". Ces avions, ces tanks, viendront de la Rus­sie, quand la militarisation sera appliquée et que les ouvriers espagnols seront mis dans l'impossibilité d'échapper au massacre de Franco. Nous examinerons cela plus loin.

Le 1er septembre, Monsieur Nin, lors d'un meeting du POUM, défendra la thèse que "notre révolution est plus profonde que cel­le faite par la Russie en 1917". Peut-être la raison en sera-t-elle qu'en Espagne on appellera les masses à faire la révolution sans jeter par terre l'Etat capitaliste ? Pour lui, l'originalité de la révolution espagnole consistera en ce que la dictatu­re du prolétariat sera exercée par tous les partis et organisations syndicales (y com­pris les partis de la gauche bourgeoise de Monsieur Companys). Mais le premier septem­bre, alors que l'on entrait dans la phase de la chute d’Irun, les journaux de Barce­lone et la "Batalla" en premier lieu, lan­çaient le cri d'allégresse : "la chute de Huesca est imminente". Demain l'on criera : "nous sommes dans les premières rues de Hu­esca", mais les jours et les semaines se passeront sans résultats et, finalement, l'on chuchotera que le commandant en chef des forces gouvernementales, Villalba, est un traître et que c'est de sa faute..., etc. Le 2, le POUM "approfondira "la révolution en liquidant son organisation syndicale dans l’UGT (Union générale des Travailleurs réformistes) sous prétexte d'in­jecter un vaccin révolutionnaire à cette dernière.

Mais la défaite d’Irun sera bientôt connue avec la trahison d'éléments du Front Populaire. Dans la "Batalla", la "Soli", se déclenchera une campagne contre ceux qui, comme Priéto, voudraient réaliser un compromis avec les fascistes.

Que s'est-il passé à Badajoz, que se passe-t-il à San Sébastian ? Demandera le POUM. Et il répondra lui-même en disant : il faut un gouvernement ouvrier.

La CNT et les Socialo-centristes de Barcelone réagiront à l'aventure de Ma­jorque, à la trahison de Badajoz et d’Irun en déclenchant une forte campagne pour le commandement unique des milices, la centralisation de celles-ci. Mais, à ce moment, l'attention des masses sera reportée vers Huesca, car l'on dira par­tout : "l'encerclement de Huesca est com­plet" et sa chute est imminente.

C'est ici que débute le gouvernement de Caballero qui se présentera avec "un programme constitutionnel" et qui se donnera pour tâche de réaliser le commande­ment unique pour mener la guerre "Hasta el fin". Badajoz, Irun, seront vite oubli­és et lorsque les nationalistes basques remettront San Sébastian aux armées de Franco, l'on constituera un département basque du gouvernement Caballero qui éla­borera un statu juridique pour l'Etat li­bre des pays basques.

Caballero, qui avait tenté d'entraî­ner la CNT dans son ministère, se conten­tera du soutien technique de cette derniè­re et passera à l'organisation de la défai­te de Tolède et de la chute de Madrid.

Avant cela, le POUM avait salué ("Ba­talla" du 11 septembre) le cabinet de Caballero comme un gouvernement progres­sif par rapport à Giral, mais avait décla­ré que, pour être vraiment un gouvernement ouvrier, il aurait dû incorporer tous les partis prolétariens et, en premier lieu, la CNT et la FAI (vraisemblablement aussi le POUM). Pour ces raisons il maintenait, son mot d'ordre d'un gouvernement ouvrier appuyé sur une Assemblée Constituante d'ouvriers et soldats. "Mundo Obrero", l'organe des centristes madrilènes, qui aura plusieurs ministres dans le gouvernement, lancera l'appel : "tout pour le gouvernement et par le gouvernement".

Le 12,  l'on sera "devant les premières maisons de Huesca".

Mais le 13, l'on n'aura pas pris Huesca et il faudra essayer de normaliser la vie de la Catalogne en prévision d'une longue guerre. La CNT s'adressera aux paysans pour affirmer qu’elle, ne voulait collectiviser que les grands domaines, alors qu'elle respectait la petite propriété : "au travail, paysans", tel sera le mot d'ordre. Le POUM exprimera pudiquement son accord et con­tinuera à se traîner lamentablement derriè­re la CNT à laquelle il jettera régulière­ment des fleurs, d'ailleurs méprisées pu­bliquement par cette dernière.

Le 20 de Madrid, partira une campagne en faveur du rétablissement d'une armée ré­gulière. Ce sont les socialo-centristes qui l’entameront,, Le POUM acceptera le principe d'une armée rouge. La CNT se taira dédai­gneusement et passera à l’organisation du plénum national de ses régionales à Madrid.

Les décisions de ce dernier seront les suivantes : entamer une campagne pour obte­nir le, création d’un Conseil National de Défense, appuyé sur des Conseils régionaux, qui auront à mener la lutte contre le fascisme et la lutte pour la construction des nouvelles bases de l'économie. La composi­tion du Conseil National de Madrid devrait être : cinq représentants de la C.N.T., cinq de l'U,G.T., quatre des partis républicains. La présidence du Conseil reviendrait à Lar­go Caballero, alors qu'Azana resterait à la tête de la République. Son programme comporterait la suppression du volontariat, le commodément unique, etc..

Immédiatement, autour de ces proposi­tions se déclenchèrent de vives polémiques. Mais deux faits essentiels étaient acquis : les anarchistes entreraient dans les minis­tères à la condition d'en changer  les noms : ce qui n'est pas très difficile, dira "Claridad", l'organe de Caballero. Enfin, ils acceptent le principe de la militari­sation, eux qui recommandaient le 2 août aux ouvriers de Barcelone de se refuser à faire les soldats, sinon les miliciens du peuple.

Entre temps, la situation militaire s’ aggrave. Tolède va tomber et l'on est toujours "dans les premières rues de Huesca". La menace sur Madrid se précise.

Le 26 septembre s'ouvre la crise du gouvernement de la Généralité. Le lende­main se constitue le nouveau gouvernement où participent la C.N.T, le POUM et les socialo-centristes. Le programme de ce "gouvernement ouvrier", où les partis de la gauche bourgeoise participent comme expression de la "petite bourgeoisie", comporte le commandement unique, la discipline, la suppression, du volontariat, etc..

Quelques jours après, Monsieur Caballero estime le moment venu pour lancer son fameux décret sur la militarisation des milices et l'application du code mili­taire dans cette nouvelle armée régulière. A Madrid, le décret sera appliqué à par­tir du 10 octobre : dans les régions de la périphérie, où il faudra manoeuvrer plus longtemps parmi le prolétariat, c’est seulement le 20 qu'on l'appliquera. La constitution du nouveau Conseil de la Généralité, le décret de Caballero, arriveront à point pour empêcher le pro­létaire de se poser le problème : que s'est-il passé à Tolède? Pourquoi som­mes-nous toujours dans "les premiers jours de Huesca" ? Pourquoi Oviedo, qui allait être prise par les mineurs peut-elle être dégagée facilement par les secours fascistes ? Pourquoi et pour qui nous faisons-nous massacrer ? Les Caballero, les Companys, les Sandino, les Villalba, le grand Etat-Major républicain, auquel se sont joints les Grossi, les Durruti, les Ascasso, ne sont-ils pas les mêmes qu'en 1931, 1932, 1934, lorsqu'ils ont fait avec nos cadavres un tapis pour l'avène­ment des droites. Pouvons-nous, avec des traîtres à la direction des opérations militaires, connaître autre chose que des défaites et des massacres ?.

Les ouvriers n'ont pas le temps de se poser ces problèmes qui signifieraient l'abandon des fronts territoriaux et le déchaînement de la lutte armée autant contre Caballero que contre Franco. Les prolétaires n'ont pas le temps d'entrevoir ce chemin qui, pourtant, était le seul où ils auraient rencontré une possibilité d'en finir avec le fascisme, car ils en auraient fini avec le capitalisme. Le nouveau Conseil de la Généralité les hap­pe en Catalogne : le décret sur la mili­tarisation de Madrid intervient pour les autres régions avec la menace de sanctions graves.

Les événements vont se pour suivre main­tenant avec rapidité. En Catalogne, un sim­ple décret dissout le Comité Central anti­fasciste (qui conservait un aspect "révo­lutionnaire" aux manoeuvres du capitalis­me), car, dira Garcia Oliver, délégué de la C.N.T, nous sommes tous représentés au Conseil de la Généralité. Tous les Comi­tés antifasciste seront dissous et rempla­cés par les "ayuntamientos" (les municipa­lités traditionnelles). Plus aucune ins­titution du 19 juillet ne survivra et un second décret précisera que toute tentati­ve de reconstituer des organismes en mar­ge des municipalités sera considéré comme acte factieux.

Le 11 octobre, paraîtront les "Consi­gnes syndicales" de la C.N.T : le décret de militarisation et de mobilisation pour la Catalogne. Le même jour, le navire soviétique, "Zanianine", fera escale dans le port de Barcelone pour marquer avec pompe que l'URSS avait rompu avec la politique de "non-intervention" et volait enfin au secours de ouvriers espagnols.

Les consignes de la C.N.T. visèrent à interdire absolument "pendant que nous sommes en guerre" la présentation de la revendication de nouvelles bases de travail, surtout si elles devaient aggraver la si­tuation économique. Elles affirmaient que dans les productions qui ont une relation directe ou indirecte avec la lutte anti­fasciste, on ne pourra exiger que soient respectées les bases de travail, ni en salaires, ni en temps de travail. Enfin, les ouvriers ne pourront demander d'être payé pour les heures supplémentaires dans les productions utiles à la guerre anti­fasciste et ils devront activer la produc­tion plus qu'avant le 19 juillet.

Ce seront les syndicats, les comités et délégués de fabriques, d'ateliers et de chantiers, avec "le concours des hommes révolutionnaires", qui devront appliquer ces consignes.

La militarisation des milices substitue­ra au lever de prolétaires et de paysans jetés sur les fronts au nom de la guerre pour le "socialisme", l'appel aux classes, puis à toute la population afin d'opposer au fascisme "la Nation armée" "luttant pour la liberté".

Certes, le POUM, la C.N.T., devront ma­noeuvrer pour jeter de la poudre aux yeux des masses et déguiser la militarisation en une nécessité vitale que leur vigilan­ce de classe (?) empêchera de se transfor­mer en un instrument de l’étranglement des ouvriers. Mais le fait essentiel c’est quelle sera appliquée strictement. Dans sa substance, elle nous montrera le capitalisme parvenant à crucifier le pro­létariat sur des fronts où les Caballero et ses alliés "révolutionnaires" prépare­ront minutieusement les catastrophes mi­litaires. Désormais, le massacre des ou­vriers en Espagne prendra la forme d'une guerre essentiellement bourgeoise où, par deux armées régulières : celle de la démocratie et celle du fascisme, les ou­vriers se feront massacrer.

Et c'est le jour même où le décret sur la militarisation est appliqué à Bar­celone qu'y débarquera le "Zanianine", navire soviétique, marquant symboliquement le tournant de la Russie envers l'Espagne. L'URSS interviendra avec ses apports d'ar­mes et de techniciens seulement après que la constitution de l'armée régulière de Caballero aura marqué ouvertement qu'il s'agit bien d'une guerre bourgeoise. N'ou­blions pas qu'au début des événements, la Russie passait à l'assassinat de Zinoviev, Kamenev et de tant d'autres. Maintenant, elle peut passer directement à l'assassi­nat des ouvriers espagnols pour qui ses avions et ses tanks seront un argument de poids dans leur acceptation ou dans l'ac­ceptation de leur incorporation dans une armée bourgeoise, dirigée par des gens habiles dans le massacre des prolétaires.

A Madrid, jusqu'au moment de la cons­titution du nouveau ministère (ou Conseil comme l'appellent les anarchistes), la C.N.T. s'opposait plutôt à la militarisa­tion. Encore dans le "Frente Libertario" (organe des milices confédérales de la C.N.T. à Madrid) du 27 octobre, nous trou­verons cette position : "Milices ou Armée Nationale? Pour nous autres milices popu­laires!" Mais, ici aussi, la position de la C.N.T. découle d'un honteux opportunis­me. Tant qu'elle n'a pas sa part d'activi­té au sein du gouvernement et qu'elle ne pourra pas contrôler les opérations mili­taires, elle manifestera une opposition farouche.

Comme on sait Caballero est parvenu à faire d'une pierre deux coups,  en remani­ant son cabinet huit jours  avant sa fuite pour Valence. Les  anarchistes sont entrés dans le "Conseil" et ainsi ont non seule­ment sanctionne la militarisation et la création d’une Armée Nationale,  mais  aussi toute l'oeuvre de Caballero qui,   après la chute de Tolède, a permis,  sinon faci­lité,  la ruée des fascistes vers Madrid. Pour chaque bain de sang prolétarien, la bourgeoisie fera un pas vers l'extrème-gauche. De Giral à Caballero à Madrid; de Casanovas à Frabegas-Nin en Catalogne; aujourd’hui Garcia   Oliver est ministre et les représentants des jeunesses socia­listes et libertaires de Madrid sont entrés dans la Junte de Défense.

Et c'est à ce rythme que se poursui­vent les événements. En Catalogne, sous le drapeau du Conseil Révolutionnaire de la Généralité, c'est l'alliance des anar­chistes avec les socialo centristes en vue d'empêcher les ouvriers de lutter pour leurs revendications de classe et de les maintenir sous la pluie meurtrière des balles et des obus "hasta el fin". A Madrid, Caballero part à Valence, mais les prolé­taires devront se faire massacrer jusqu'au dernier afin de payer le prix de l'aberration tragique qui les pousse à con­fier leur sort à des agents du capitalisme et à des traîtres. Ah! Le général Mola avait bien raison lorsqu’il disait : j’ai cinq colonnes qui marchent sur Madrid : quatre autour de la ville et une à l'in­térieur. La cinquième colonne, celle de Caballero et consorts, a fait son œuvre et maintenant elle va poursuivre son oeu­vre fraternellement unie, à la CNT et au POUM, dans les autres régions. Après Madrid c'est au prolétariat de Barcelone, de Va­lence que le capitalisme s'attaquera avec rage.

Nous devons conclure ici notre examen des événements d'Espagne,  bien que nous sentons nettement l'insuffisance de notre analyse de la période que nous qualifions de "massacre des prolétaires". Nous revien­drons sur ce moment dans le prochain numé­ro de "Bilan",  car il nous importe surtout de finir avec l’énonciation brève des po­sitions que notre fraction oppose à la mystification de l'antifascisme.

Nous nous  adresserons avec véhémence aux prolétaires de tous les pays afin qu’ils n’accréditent pas,  par le sacrifice de leur vie, le massacre des ouvriers en Espagne. Qu'ils refusent de partir dans les colonnes internationales pour l'Espa­gne,  mais qu'ils engagent leur lutte de classe contre leur propre bourgeoisie. Le prolétaire espagnol ne doit pas être main­tenu au front par la présence d'ouvriers étrangers qui lui donnent l'impression qu'il lutte vraiment pour sa cause inter­nationale.

Quant aux prolétaires de la péninsule ibérique, ils n'ont qu'une voie aujourd'hui, celle du 19 juillet : la grève dans toutes les entreprises, de guerre ou non ; du coté de Companys, comme du côté de Franco ; contre les ukases de leurs organisations syndicales et du Front Popul­aire et pour la destruction du régime ca­pitaliste.

Et que les ouvriers ne s'effrayent pas si on leur criera qu'ainsi ils font le jeu du fascisme. Seuls les charlatans,  les traîtres,  pourront prétendre qu'en luttant contre le capitalisme, qui se trouve à Bar­celone comme à Séville, l'on fait le jeu du fascisme. Le prolétariat révolutionnaire doit rester fidèle à son idéal de classe, à ses armes de classe et tout sacrifice qu'il fera dans cette direction,  sera fructifié par les batailles révolutionnaires de demain.


[1] Syndicats d'employés.

[2] Parti socialiste unifié de Catalogne adhérant à la Troisième internationale.

[3] "...Question : Est-ce que le rôle quotidien prépondérant de la CNT en Catalogne ne serait pas nocif au gouvernement démocratique ?

Réponse de Çompanys : Non. La CNT prit sur elle les devoirs abandonnés par les bourgeois et les fascistes ensuite  elle établit l'ordre et défend la Société. Elle est mainte­nant la Force,.la Légalité, l'Ordre.

Question : Ne craignez vous pas que le prolétariat révolutionnaire ayant écrasé le fas­cisme extermine à son tour la bourgeoisie ?

Réponse : N'oubliez pas que la bourgeoisie catalane diffère de la bourgeoisie de certains pays démocratiques d'Europe. Le capitalisme est mort, entièrement mort. Le soulèvement fasciste était son suicide. Notre gouvernement, bien que bourgeois, ne défend pas des in­térêts, financiers d'aucune sorte ; il défend les classes moyennes. Aujourd'hui nous marchons vers un ordre prolétarien. Nos intérêts en auront peut-être à pâtir quelque peu, mais nous, nous, sommes donnés comme devoir d'être utiles encore dans le processus de la transformation sociale. Nous ne voulons pas donner des privilèges exclusifs aux classes moyennes,. Nous voulons créer le droit démocratique individuel, sans contraintes sociales ou économiques.

(Interview donné le 21 août par Çompanys au "New Chronicle" et reproduit par "LÀ Vanguardia" de Barcelone, organe du gouvernement catalan, "ainsi que par l'Espagne Antifasciste, organe de la CNT-FAI, le 1er septembre).

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