Soumis par Revue Internationale le
Le "Spartacusbond", groupe hollandais dans la tradition du communisme de conseils, a récemment publié deux numéros d'un "bulletin de discussion internationale" en anglais. Il est extrêmement encourageant que le "Spartacusbond" ait voulu rendre ses idées plus accessibles à ceux qui ne comprennent pas le hollandais et se soit activement préoccupé de .participer aux discussions et débats internationaux.
Les deux numéros du bulletin de discussion internationale de Spartacusbond ont été consacrés à. la critique de notre courant international : le premier est une réponse à un article sur le regroupement international paru dans Internationalism n°5 (USA), le second applaudit l’éloignement de "Workers’ Voice" de notre courant et critique un article sur le KAPD paru dans RI n°6 et Internationalism n°5.
L'article d’Internationalimm n°5 sur la conférence internationale de 1974, mettait l'accent sur la nécessité du regroupement des révolutionnaires en cette période de lutte montante de la classe aujourd'hui. Dans le passé, cinquante années de .contre-révolution, la défaite des efforts révolutionnaires de la classe ouvrière, la mobilisation pour la guerre mondiale et la léthargie due aux années de reconstruction, ont eu des conséquences sur les groupes révolutionnaires qui tentaient de garder vivante la flamme de la théorie révolutionnaire pour contribuer à la lutte future. La conséquence inévitable de cette longue période de défaite et de chaos, fut l’atomisation et l'isolement des groupes révolutionnaires. Mais il ne faut pas faire de nécessité, vertu. La fragmentation, l'isolement des révolutionnaires, au niveau international sont inévitables dans la défaite, mais aujourd'hui, alors que la perspective de la révolution resurgit dans les luttes de la classe ouvrière dans le monde entier, cet isolement des révolutionnaires n'est plus inévitable. Au contraire, notre nouvelle période de lutte de classe a réanimé -et réanimera- la conscience de la classe ouvrière qui s'est déjà manifestée avec 1;apparition de groupes et cercles-révolutionnaires dans le monde entier.
L'objet de 1'' article d'Intemationalism était de mettre en avant l’idée que :
— les groupes révolutionnaires doivent faire l’effort de comprendre et défendre les principes d'une orientation révolutionnaire aujourd'hui: ils doivent fonder leur activité sur des positions de classe claires?
— ceci ne peut être mené a bien qu'en comprenant la dynamique historique de la lutte de classe aujourd'hui et en tirant les leçons des luttes des ouvriers dans le passé par la discussion et la confrontation internationale des idées ;
— la discussion internationale doit se situer dans le cadre d'une éventuelle unification de nos efforts, si un accord, sur les principes fondamentaux est acquis, pour pouvoir contribuer au développement de la conscience de classe au sein du prolétariat aujourd'hui par la participation active aux luttes de la classe.
Mais là où nous écrivons "regroupement des révolutionnaires"!, le Spartacus-bond voit le parti bolchevik montrer la tête une fois encore. "Nous nous demandons si les groupes présents à la conférence internationale veulent réellement former un parti bolchevik" (Bulletin n°1, p.3). Pour le Spartacusbond, apparemment toute organisation est un parti, et tout parti est bolchevik. Ce syllogisme renferme en fait une condamnation de tout travail révolutionnaire aujourd7hui… par peur que les démons du passé n'aient pas été exorcisés.
En premier lieu, il est surprenant que le Spartacusbond pense nécessaire de demander si nous nous orientons vers un parti bolchevik ou non. S'il a lu notre presse, il doit sûrement se rendre compte que la plateforme politique sur laquelle est fondée notre activité dans plusieurs pays, est claire et non équivoque sur le rejet de la conception bolchevik du parti, à la fois dans le rapport parti-classe et dans sa structure interne. Une des prémisses de base pour tout travail révolutionnaire aujourd'hui est le rejet de la conception Bolchevik du parti; sans cette base, aucun progrès dans la discussion n'est possible. Dès ses débuts, notre courant: a dépendu 1’idée que :
I- La conception léniniste de la conscience de classe apportée "de l'extérieur", par des éléments "intellectuels", est complètement fausse, Il n'y a pas de séparation entre l'être et la conscience, entre le prolétariat comme classe économique et son but historique du socialisme, entre la classe et ses luttes. Les organisations politiques des révolutionnaires sont une manifestation du développement de la conscience dans la classe; elles sont une émanation de la classe ouvrière.
La conscience n’est pas circonscrite au parti, elle existe dans l'ensemble ne la classe mais de façon ni homogène, ni simultanée, Le bue de ceux gui ont pris conscience plus vite que d'autres dans la classe est de s'organiser en vue de contribuer à la généralisation de la conscience de l'ensemble de la classe Le parti n'est pas le dépositaire exclusif de la conscience tel que la conception ultra léniniste des Bordiguistes le voudrait; il est simplement une intervention organisée qui tend à une plus grande clarté et une plus grande cohérence des perspectives de classe, peur contribuer ainsi activement au processus de développement de la conscience dans la classe. Le parti n’est en aucune manière un absolu éternel mais un effare constant pour renforcer la conscience du prolétariat.
II- La conception léniniste, partagée par presque tous les révolutionnaires a l'époque a un degré ou à un autre:, selon laquelle le parti doit prendre le pouvoir "au nom de la classe" : doit être rejetée. L’expérience historique de la révolution russe montre que cette conception ne mène qu’au capitalisme d’Etat, pas au socialisme.
La classe ouvrière DANS SON ENSEMBLE est le sujet de la révolution et ce n’est pas une minorité de la classe ou venant de l’extérieur aussi éclairée soit-elle ou pense-t-elle être qui peut lui "apporter" le socialisme Le socialisme n'est possible que par l’activité consciente, autonome de la classe ouvrière, qui apprend par sa pratique et sa lutte.
Le rôle du parti n'est en aucune façon d'exercer le pouvoir sur les ouvriers, ni d'assumer le pouvoir d'Etat. Le rôle du parti est de contribuer à la conscience de classe, à la compréhension des intérêts généraux et du but historique de la lutte. Les conseils ouvriers sont l'instrument de la dictature du prolétariat et non le parti.
III- Avec Marx, en rejetant la notion anarchiste de "fédéralisme" dans l’organisation révolutionnaire, notre courant soutient que la centralisation internationale des organisations révolutionnaires n’implique en rien le rejet de la démocratie dans le cadre des principes politiques du groupe. Un groupe politique n'est pas un monolithe sur le modèle stalinien et ne peut l'être parce qu5il doit exprimer les débats et discussions réelles du mouvement ouvrier. Les militants n’ont pas simplement le "droit", ils ont le devoir d'exprimer et de clarifier toutes les divergences librement dans l'organisation, dans le cadre des principes politiques. Les Bolchevicks ont construit le parti comme un appareil quasi-militaire parce que le but était envisagé comme la prise du pouvoir par le partie. Tel n’est PAS le but du parti prolétarien et par conséquent, sa structure interne doit être appropriée aux besoins de clarification politique pour laquelle il est crée au sein de la classe.
Tels étaient et sont, en résumé, les principes sur lesquels tous les groupes de notre courant sont basés. Demander si nous ne deviendrons pas tout simplement un autre parti Bolchevik, montre que soit le Spartacusbond ne connaît pas nos principes, soit il pense que quelque "destin fatal" nous transformera en notre contraire, parce que, malgré tout ce que nous disons ou faisons, Spartacusbond voit en nous l'invisible stigmate de la mort, nous pouvons seulement dire que le Spartacusbond n’a pas le monopôle d'être sincèrement opposé à la conception léniniste du parti, qu'en rejetant les conceptions léninistes sur la question du parti, il n'est pas nécessaire d'aboutir aux idées du Spartacusbond.
Le véritable problème est que notre courant est en train de former une organisation internationale. Pas un parti, parce qu’un parti ne peut se former que dans une période de lutte de classe intense et généralisée, mais nous construisons une base politique et organisationnelle en vue d’un regroupement internationale Voilà le hic! En rejetant la conception léniniste de 1‘organisation, le Spartacusbond rejette TOUTES les formes d1'organisation internationale. "Nous combattons toute idée de la nécessité d’un parti dans la lutte de classe" (Bulletin n°2, p.3) et de plus : "Leur présentation (celle CCI) estompe la différence et l'opposition entre parti et classe" (bulletin n°1, p.1). Les léninistes voient le parti comme extérieur et au-dessus de la classe, et le Spartacusbond admet cette définition comme inévitable et juste, et par conséquent rejette tout parti. Le raisonnement est le même, seules les conclusions changent.
Tout au long de l’histoire du mouvement ouvrier, des organisations politiques se sont formées, groupant ceux des individus qui défendent une orientation donnée dans la lutte de classe Depuis Babeuf, en passant par les sociétés secrètes, la Ligue des Communistes et la Première Internationale, les premières années du mouvement ouvrier foisonnent d’activité et de débats politiques. Graduellement, à travers 1’expérience de la lutte elle-même, la perspective et le rôle de ces organisations politiques sont confrontées à. la réalité et beaucoup d'aspects sont clarifiés ou rejetés. Les sectes de conspirateurs, les conceptions putschistes sont abandonnées, et le rôle du parti comme contribution au développement de la conscience de classe s'est clarifié par les leçons positives et négatives des Deuxième et Troisième Internationales. Pendant cette période, les marxistes et Marx lui-même ont combattu le refus Proudhonien de s'organiser politiquement aussi bien que la résistance anarchiste à la centralisation, pour mettre l'accent sur la nécessité pour les révolutionnaires de mettre en avant une idée claire des "buts finaux de la lutte et des moyens d’y parvenir".
Il est vain de prétendre que la généralisation de la conscience dans la classe ouvrière ne s’est pas manifestée par la croissance et l'unification de groupes révolutionnaires. Le Spartacusbond ne le prétend pas. Il spécifie simplement qu'AUJOURD'HUI ces types d'organisations sont devenus non seulement inutiles mais encore un véritable obstacle au mouvement de la classe ouvrière.
Pourquoi ? Le développement de la conscience de classe si essentiel à la lutte prolétarienne est--il miraculeusement devenu un processus homogène et automatique dans la classe ? N’y-a-t-il plus aucune nécessité pour les éléments qui voient plus clairement les choses plus tôt de s'unir pour propager leurs analyses et leurs perspectives ? La réponse à ces deux questions est non. Même le Spartacusbond le reconnaît : "il n’y a pas de doute que ceux qui parviennent à cette clarté (sur la nécessité des conseils ouvriers) ressentiront le besoin de propager leurs expériences sur tout terrain de lutte. Mais dès qu'ils prétendent lancer un parti ou une internationale considéré comme leader de la classe, ils retombent dans les idées et les modèles organisatinnels du passé" (bulletin n°2, p.3).
Il y a la une contradiction claire. Si ceux qui parviennent à se clarifier vont inévitablement vouloir s'organiser pour propager leur clarification, vont-ils alors contribuer positivement à la lutte eu non ? La réponse semble être : si c'est un groupe informel d'individus isolés, ils peuvent dire sans crainte ce qu'ils ont à dire; mais dès qu’ils tentent de s'organiser dans une organisation internationale, et d'élargir effectivement leur influence, alors ils sont un obstacle selon le Spartacusbond. Aussi longtemps que les groupes sont: inefficaces, isolés et flous, le Spartacusbcnd approuve leur existence. Mais dès qu'ils tendent vers une cohérence politique et organisationnelle, ils sont censés devenir néfastes. Nous pouvons nous demander, pourquoi le Spartacusbond existe ? Pour s'organiser lui-même afin de dire aux autres de ne pas s'organiser ? Pour le Spartacusbond, dès qu'un groupe essaye de développer quelque influence pour ses idées, il devient inévitablement "leader" (c'est-à-dire, le modèle Bolchevik). Dans cette logique, notre seul espoir est de nous condamner nous-mêmes à nous contraindre à l’impuissance.
Le Spartacusbond prétend se réclamer de la tradition communiste de Conseils de Ho11onde. Faut-il lui rappeler que les communistes de conseils avec Gorter essayèrent de former une IV° Internationale dès les années 20 ? Est-ce que cela signifie que Gorter était devenu le disciple hollandais de Lénine ? Un bolchevik qui se serait ignoré ? Un effort semblable fut tenté par le groupe communiste de conseil hollandais (a prés la rupture avec le Spartacusbond) en 1947. Ce groupe encouragea l’initiative des communistes de conseils belges qui appelèrent à une conférence internationale et le groupe hollandais participa activement en 1943 à cette conférence des différents groupes de la gauche communiste. N'est-ce pas là la véritable tradition du communisme de conseils plus que la non-participation et la condamnation par le Spartacusbond des regroupements internationaux aujourd'hui?
Cependant, le débat est plus profond : quel est le rôle des révolutionnaires? Est-ce simplement de propager leurs expériences actuelles en tant qu'individus, comme le sous-entend la phrase citée plus haut, ou est-ce de distiller l'expérience de toutes les luttes de la classe ouvrière dans l'histoire, d'enrichir les luttes présentes des leçons du passé ? Pour le Spartacusbond, le passé est effacé d’un coup de balai anti-léniniste. La révolution Russe était simplement une révolution bourgeoise et les Bolcheviks, un parti capitaliste d'Etat "par essence" dès le début.
Les conceptions erronées des Bolcheviks sont la reprise d'éléments de la Social-démocratie., Par conséquent, la II° Internationale doit tout autant être rejetée. On aboutit à un pot-pourri, à une approche incohérente, moraliste de l'histoire. Pourquoi donc analyser à la fois les luttes passées et la défaite, lors qu'il est beaucoup plus facile de les rayer d'un trait de plume.
La révolution russe, selon Spartacusbond, a été une révolution bourgeoise. Mais à l’"Ouest" (Europe de l'Ouest), la révolution était a l'ordre du jour du fait des changements objectifs du système capitaliste (la période de décadence, le début du cycle crise-guerre-reconstruction) et cela a fait surgir des soulèvements révolutionnaires en Allemagne et partout. Le Spartacusbond se rend compte qu'une nouvelle période de lutte, de lutte révolutionnaire, a commencé à cette époque, parce qu'il soutient correctement que les syndicats ne sont plus, dès cette époque, des organisations adéquates de la lutte de la classe ouvrière, Nous nous trouvons alors avec cette contradiction absurde que le capitalisme était mûr pour la révolution prolétarienne en "Europe de l'Ouest", mais pas en Russie, où la bourgeoisie comme classe historique était encore capable d'avancer vers sa révolution bourgeoise ; Le capitalisme cesse d'être un système qui domine le monde et devient une question de régions géographiques : ici, la révolution prolétarienne est a l'ordre du jour ; là, la bourgeoisie commence sa tâche. Ici, les ouvriers tentent de prendre le pouvoir, tandis que là leurs camarades ouvriers combattent le "féodalisme" russe? Et les ouvriers de l'Europe de l'Ouest qui poussent en avant les luttes contre l'ordre bourgeois sont, au même moment, si peu conscients qu'ils rejoignent la Troisième Internationale et prennent la révolution "bourgeoise" en Russie pour l'avant-garde de leur propre révolution! C'est une logique complètement incohérente, une vision d’Alice au Pays des Merveilles de l’histoire. Où le programme révolutionnaire, socialiste est une possibilité mondiale ou il est simplement une aventure utopique de l'Europe de l'Ouest. Comment le Spartacusbond explique-t-il l'existence de conseils ouvriers, organisation de la classe pour l’assaut révolutionnaire contre l'ordre capitaliste, au sein d'une révolution "bourgeoise" en Russie? Nous l'abandonnerons aux contorsions théoriques d'une argumentation illogique. Mais la révolution Russe reste un livre fermé à ceux qui sont tellement obsédés par la défaite qu'ils doivent simplement nier tout caractère prolétarien à l'expérience russe. Ceci amène inévitablement ou rejet de toute racine prolétarienne de la Troisième Internationale. L'histoire devient une énigme où chacun tourne en rond en faisant des choses incompréhensibles. Pour le Spartacusbond toute leçon du passé est inutile parce que la plus importante des luttes des ouvriers est "bourgeoise"; 1'histoire prolétarienne devient un immense vide.
Il est compréhensible que le Spartacusbond voit la contribution des révolutionnaires comme simplement la propagation de "leurs expériences" de façon immédiatiste et sans dimension historique. Il a une difficulté regrettable à renouer avec le passé tel qu'il était. Dans l'article sur le KAPD paru dans Internationalism n°5, Hembé cite l’intervention de Jan Appel (Hempel) au 3° Congrès de la Troisième Internationale, pour montrer que le KAPD n’était pas anti-parti comme le furent plus tard certains communistes de conseils. Le KAPD s'opposa à la politique Bolchevik dans l'Internationale Communiste et combattit l'idée de la prise du pouvoir d'Etat par le parti "au nom de la classe". Niais il ne rejeta pas le parti comme contribution nécessaire à la conscience de classe.
"Le prolétariat à besoin d'un parti-noyau ultra-formé. Chaque communiste doit être individuellement un communiste irrécusable… et il doit pouvoir être un dirigeant sur place. Dans ses rapports, dans les luttes où il est plongé, il doit pouvoir tenir bon et, ce qui le tient, c'est son programme. Ce qui le contraint à agir, ce sont les décisions prises par les communistes. Et là règne le plus stricte disciplinée. Là, on ne peut rien changer, ou ben, on sera exclu ou sanctionné" (…) JAN APPEL
Le Spartacusbond "veut exprimer son indignation sur le fait qu’Internationalism abuse du nom de J. Appel pour tenter d’enchaîner à nouveau la classe ouvrière" (Bulletin n°2, p.5).
Avant tout, le Spartacusbond pense nécessaire de prouver que le KAPD est "leur" tradition et que notre courant n'a rien à faire en citant le KAPD pour soutenir nos idées. Il en est réduit à "douter de l'exactitude de la citation", ce qui est une tactique puérile, puisque personne du KAPD ni Appel lui-même, que ce soit à l'époque, un peu plus tard ou aujourd'hui, n'a jamais protesté que ces discours étaient falsifiés. Les lecteurs peuvent se référer au livre sur La Gauche Allemande, La Vecchia Talpa., Invariance, La Vieille Taupe pour savoir si Internationalisrri a correctement transcrit cette citation des interventions du KAPD.
Mais le Spartacusbord va plus loin. "Le fait est qu'il (Appel) quitta l'Internationale Communiste et qu’après cela comme membre du KAPD rejoignit la lutte théorique et pratique de la classe ouvrière allemande" (bulletin n°2, p.5). Cette phrase implique qu'après avoir fait son discours, Appel se rendit compte de son erreur et rejoignit le KAPD. En fait, Appel parlait comme délégué du KAPD à l’Internationale Communiste et exprimait les idées de son organisation qui n'a jamais démenti ses discours. Appel n'attendit pas 1921 pour prendre part aux luttes de la classe ouvrière allemande et il en fit partie dès la Première Guerre Mondiale. Il est encore actif dans le mouvement révolutionnaire, participa à notre conférence internationale et contribue à notre organisation. Nous n'aurions pas relevé cette question si le Spartacusbond avait estimé nécessaire de manifester bruyamment son "indignation" et de nous accuser publiquement de falsification dans notre presse. C'est certainement une accusation qui peut-être retournée contre les accusateurs. Laissant de coté la polémique, il est révélateur que ceux dont la vision historique est limitée à l'obsession du parti léniniste ont des difficultés à comprendre le contenu des expériences du passée
Mais de quel droit le Spartacusbond prétend-il que notre courant veut "enchaîner à nouveau la classe ouvrière"? Outre les principes auxquels nous avons déjà fait allusion, le Spartacusbond nous reproche d'essayer de comprendre les contributions positives des Bolcheviks. Notre courant a en effet affirmé que les positions claire et in équivoques des Bolcheviks contre la Première Guerre impérialiste mondiale furent un appel retentissant à la classe ouvrière et rallièrent la gauche internationale qui maintint une position internationaliste à l'époque. Les positions du Parti Bolchevik sur cette question et sur la nécessité de rompre avec la II° Internationale influencèrent profondément le mouvement de la gauche communiste allemande, entre autre. La position Bolchevik contre tout compromis avec le gouvernement démocratique bourgeois de Kerenski et l'appel pour "tout le pouvoir aux soviets" sont des contributions extrêmement positives à la pratique révolutionnaire. Quoique nous ne puissions pas approfondir ici l'expérience Russe, nous voulons simplement faire observer que ces positions méritent l'attention et l'analyse des révolutionnaires et ne peuvent pas simplement être éliminées par l’idée de Spartacusbond de "l’essence" du Bolchevisme ou en prétendant que tout ceci n'était qu’une manœuvre machiavélique pour tromper les ouvriers.
Partager la contribution positive des Bolcheviks sur ces questions, ne peut en aucune manière être interprète comme une apologie de la position Bolchevik sur le parti ou sur d’autres aspects de la lutte de classe. Si les Bordiguistes font l'apologie de chaque phrase ou mot de Lénine, le Spartacusbond prend le contre-pied, jette l'enfant avec l'eau sale et condamne tout ce que les bolcheviks ont pu dire. Il est dommage que l’histoire prolétarienne ne puisse concorder avec les analyses simplistes du "tout bon ou tout mauvais" que le Spartacusbond avance.
Nous sommes entièrement d'accord avec le Spartacusbond que les conseils ouvriers sont l'instrument essentiel du pouvoir prolétarien, les organisations unitaires de la classe, et de la démocratie prolétarienne pour la lutte révolutionnaire et, la venue du socialisme Nous sommes d’accord également que l’existence de partis est un vestige d'une société divisée en classe, Malheureusement, le fait que le prolétariat soit une classe exploitée signifie que le pouvoir des "idées dominantes", l'idéologie bourgeoise retarde et repousse le développement homogène et simultané de la conscience de classe dans le prolétariat. Par conséquent, il est inévitable et nécessaire que ceux qui peuvent voir les racines de la lutte plus clairement s'organisent et essayent de propager ces idées dans la classe Le but ne peut être servi en restant des individus isolés et inefficaces ou des groupes locaux, pas plus que les activités doivent être limitées à dire aux ouvriers "formez des conseils ouvriers" ou réduites à 1’idée ridicule de dire aux autres révolutionnaires "ne vous organisez pas ".
La classe ouvrière n'a pas besoin des révolutionnaires pour être poussée à former des conseils ouvriers. Dans les périodes révolutionnaires, les ouvriers l'ont fait sans qu'on leur donne des conseils sur les mécanismes de cette opération. Dans le passé, quand la classe ouvrière était inexpérimentée, les révolutionnaires jouaient un rôle important en encourageant la formation des organisations de lutte économique, les syndicats. Aujourd'hui, la période est différente et la forme des conseils ouvriers est beaucoup moins le résultat de l’agitation révolutionnaire qu’un mouvement relativement spontané de la classe en réponse aux conditions objectives.
La tache de l'organisation révolutionnaire est beaucoup plus une question de clarification des perspectives pour la lutte, de définition des buts et de dénonciation claire des dangers des luttes corporatistes et partielles.
Il n’y a pas opposition entre les conseils ouvriers et le parti, entre le tout et l'une de ses parties. Chacun a un rôle à jouer dans la vie de la classe
Le rejet par le Spartacusbond de tout rôle d’une organisation révolutionnaire internationale sans parler d’un parti n’est pas une continuation des idées centrales du KAPD; il reflète les idées de la fraction Ruhle qui quitta le KAPD et ces idées furent partiellement développées dans les années 30 pendant la période de défaite et de démoralisation,, Malgré les nombreuses contributions du communisme de conseils pour renforcer l’idée de l'importance des conseils ouvriers, les théories de certaines de ses tendances et notamment le Spartacusbond reste inachevées et partielles. Celui-ci reste prisonnier de la dynamique léniniste en en prenant simplement le contre-pied : au lieu de dire "le parti est tout" on dit, "le parti né est rien".
"Bien sûr, il n'y a pas d'objection à l'étude et à la coopération internationale des groupes qui prétendent stimuler la lutte autonome des ouvriers. Mais ces groupes ne peuvent pas créer un nouveau mouvement international de la classe ouvrière" (Bulletin n°2, p. 4).
Ceci signifie qu'aussi longtemps que les groupes révolutionnaires "étudient" et "coopèrent", ils font partie de la classe. Mais dès qu'ils veulent porter 1a "coopération" de groupes locaux ou nationaux au niveau d'une organisation internationale principielle ayant une fonction active dans la classe, ils cessent d'en faire partie et le Spartacusbond condamne alors leurs efforts. Chaque pays pour lui-même, chaque groupe pour lui-même -par dessus tout, ne pas s'unir parce que le regroupement fera de vous des "leaders" et des "léninistes". Apparemment, non seulement le pouvoir corrompt, mais aussi l'organisation. Cette incohérence fondamentale est théoriquement insoutenable. Mais plus fondamentalement, l'influence de cette peur et de cette résistance au regroupement affaiblit le mouvement ouvrier et ralentit les efforts de la nouvelle génération de révolutionnaires pour créer toute réponse organisationnelle aux nécessités de la nouvelle situation d'aujourd'hui.
J.A.