Soumis par Révolution Inte... le
Lors de sa visite à l'usine Liebherr en Alsace (Colmar), au début du mois de septembre, Nicolas Sarkozy a affirmé qu'il allait engager "un gigantesque plan contre la fraude" aux allocations chômage. Il a déclaré par ailleurs : "ce n'est pas normal que quand on est au chômage on refuse un emploi qui correspond à votre qualification, parce que ce sont les autres qui paient". Avec sa volonté accrue de masquer les chiffres réels du chômage (voir RI n° 382), le gouvernement augmente d'un cran sa politique de flicage. Accusés de "fraude" et d'être des "profiteurs du système", les chômeurs sont dans les faits systématiquement fichés et traqués par les services de l'Etat. Le rapprochement des fichiers UNEDIC et de l'ANPE, à cet effet, constitue un véritable mouchard. Comme le confie avec indignation un agent de l'ANPE sous anonymat : "Le vrai bouleversement, c'est le suivi mensuel des chômeurs fondé idéologiquement sur une logique de résultat. Tout le monde s'attend à ce que la multiplication des convocations entraîne des radiations et des cessations d'inscriptions" 1. Par le recoupement de renseignements, "Big-brother" pourra exercer une pression constante plus forte. L'objectif est double : radier un maximum de chômeurs afin de ne plus les indemniser et les faire disparaître des statistiques, utiliser pour le reste un volant de main d'oeuvre servile aux coûts extrêmement bas. Toutes les informations recueillies sur la vie du chômeur seront non seulement à la disposition des boîtes d'intérim et de prestataires privés, qui peuvent eux aussi effectuer un contrôle au nom de leur appartenance au "service public pour l'emploi", mais également à disposition de la police et de la justice. Entre autres renseignements, ces fichiers attestent de la présence de l'allocataire sur le territoire, de sa situation familiale, des revenus de son conjoint, son nombre d'enfants à charge, sa disponibilité comme demandeur d'emploi. Grâce au DUDE (Dossier unique du demandeur d'emploi) et son "service personnalisé plus rapide", tout un arsenal d'intimidation et de stigmatisation passe ses victimes à la moulinette. Tous les chômeurs sont soumis à une véritable "chasse à l'homme", particulièrement les chômeurs de longue durée qui sont en ligne de mire car davantage suspectés de vivre "aux crochets de la société", de même que les enfants d'immigrés - car estampillés "délinquants" - ainsi que les familles pauvres - car trop "assistées" - menacées en permanence de mise sous tutelle de leurs allocations familiales. Au bout de six mois de chômage, le bureaucratique "parcours de type 3" de l'ANPE déclenche déjà un véritable harcèlement : tous les huit jours, le chômeur est convoqué par un "référent", obligé de se déplacer parfois des centaines de kilomètres dans la journée pour un rendez-vous bidon, induit dans un "parcours" qui doit "aboutir à un résultat" : c'est-à-dire offre pourrie, déqualification, CDD, intérim, stage ou... radiation (laquelle s'applique dès le deuxième refus d'un emploi "correspondant à la qualification du demandeur d'emploi et pas trop loin de son domicile", éléments subjectifs s'il en est) ! Afin d'obtenir la "flexibilité" souhaitée, le chantage à la perte des droits et revenus sera encore accentué ! Les chômeurs n'apparaissent plus depuis longtemps comme tels, ils ne sont, pour l'Etat, que des " fainéants" qui refusent de se "prendre en charge" ! Dans le langage de l'administration, un chômeur est un DE (demandeur d'emploi), bref, une sorte de "quémandeur". L'ANPE et l'UNEDIC, dont les agents sont progressivement transformés et regroupés en véritable "brigade anti-chômeurs", sont partie prenante d'un engrenage répressif d'autant plus insidieux qu'il "dématérialise" les victimes : tout est fait par la hiérarchie pour qu'on ne voit plus, derrière une énième procédure de radiation, un être humain en détresse, mais simplement, dans le langage bureaucratique professionnel des initiés, un dossier "GL2" ou encore "202" ! Bien entendu, afin de saper toute démarche de révolte chez les victimes, les mécanismes de la culpabilité, l'isolement et la détresse, sont exploités à outrance par l'infâme propagande d'Etat et ses médias. La logique du capitalisme en crise se doit, afin d'assurer son ordre et sa rentabilité, de "transformer les chômeurs en précaires , en coupables, coupables de ne pas faire l'effort de réinsertion (la "réinsertion" étant le terme réservé antérieurement aux condamnés), ces efforts consistant à se soumettre aux injonctions de l'ANPE, présence à toutes les convocations, quels qu'en soient les motifs, participation à des stages absurdes et vides de sens, acceptation de travailler gratuitement, sans aucune excuse pour s'y soustraire, pas plus la garde d'un enfant malade que le manque de moyen de locomotion, ou, le comble, que quelques heures de travail le jour de la convocation".2 Il n'est pas étonnant que lorsque l'ANPE rémunère un cabinet privé pour évaluer un chômeur, seules les évaluations qui le desservent sont prises en compte. Le chômeur n'a pas de véritable choix : ou il accepte des travaux pénibles, peu rémunérés et il sombre davantage dans la précarité ; ou alors il refuse ces mêmes travaux proposés et il plonge sans aucune ressource dans l'exclusion totale. Cette pression terrifiante permet de mettre en concurrence sauvage les chômeurs afin de faire baisser partout les salaires bloqués depuis des années et rognés de toutes parts maintenant par le retour de l'inflation.
Avec de telles méthodes, il serait étonnant que les chiffres du chômage ne parviennent pas à baisser. Mais pour qu'ils continuent à diminuer, malgré le rejet croissant d'ouvriers hors de la production capitaliste, il faudra sans cesse que la bourgeoisie accentue son arsenal répressif et pousse les chômeurs à l'épuisement.
Il n'y a aucune illusion à se faire, derrière le masque hypocrite de la démocratie, de la "lutte pour l'emploi", la dictature implacable du capital s'exerce impitoyablement par son Etat tentaculaire et policier. Un Etat qui ne peut que multiplier les intimidations et les attaques massives du fait de l'enfoncement dans une crise économique sans issue. Le véritable choix, pour les chômeurs comme pour les autres ouvriers, c'est donc de résister et de mener un combat uni et solidaire. Seule la lutte de classe pourra en effet briser l'isolement et offrir à terme une perspective autre que celle de la misère et de l'exploitation.
WH
1) Témoignage sur le site CQFD.
2) Témoignage sur le site Rue 89.