Un an après les émeutes des banlieues, la bourgeoisie renforce son arsenal policier

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Une immense publicité médiatique est faite aujourd’hui autour de l’ "anniversaire" des émeutes de l’automne dernier dans les banlieues. Les caméras sont même invitées à filmer en direct des opérations d’interpellations musclées dans diverses cités où les flics se "trompent d’appartement", mettent en joue et menottent à tours de bras, y compris les mères de famille !

Pourquoi un tel vacarme sur les banlieues alors qu’il y a un véritable silence radio sur tout ce qu’a été la lutte des jeunes générations contre le CPE au printemps ? Où est le véritable danger pour la bourgeoisie ?

Les émeutes sont un alibi pour renforcer l’arsenal policier …

Toute la classe politique promettait plus de moyens pour les "quartiers difficiles". Un an après, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour constater "l’effort" soi-disant entrepris pour "tarir la source" des violences : rien. Rien n’a bougé, ni dans le fond, ni en vitrine, sinon en pire! Les banlieues transpirent toujours la misère, le chômage et l’ennui à tous les étages. Les éducateurs promis? Les crédits sont très largement à la baisse et les jeunes encore plus livrés à eux-mêmes sans possibilité d’accueil ou d’écoute. La réussite scolaire tant attendue ? Ce sont 8500 suppressions de postes enseignants dans le budget 2007. Par contre la bourgeoisie sait faire les efforts qui lui importent : à Clichy-sous-Bois, point de départ des émeutes de l’année dernière, un nouveau commissariat et une nouvelle antenne de justice sont enfin annoncés !

  On peut largement comprendre que des centaines de jeunes, qu’ils soient chômeurs, actifs ou lycéens restent prêts à en découdre à nouveau, la rage au ventre, même si le fait de brûler la voiture de son voisin de palier n’exprime que l’impuissance et le désespoir  sans lendemain. Cette violence permet par contre au gouvernement de justifier le renforcement de son propre arsenal répressif pour soi-disant protéger les "bonnes gens", qu’il laisse d’ailleurs crever le reste du temps. Le gouvernement, Sarkozy en tête, a misé toute sa politique sur la répression, y compris celle qui se veut de proximité , toujours avec force brigades d’intervention de la BAC ou bataillons de CRS en réserve. Dans le budget pour 2007, toutes les dépenses sont revues à la baisse, exception faites de celles de la justice et de la police qui devraient augmenter de 5% ! Face à des émeutes totalement aveugles, c’est parfois la peur, plus largement la méfiance ou le ras-le-bol qui s’insinuent dans la classe ouvrière. C’est le parfait alibi pour la bourgeoisie pour renforcer Etat policier et répression dont le principal objectif n'est certainement pas de protéger la population mais au contraire d’encadrer l’ensemble de la classe ouvrière. Rappelons-nous , lors de la lutte contre le CPE, ces cordons de CRS autour de la Sorbonne qui terrorisaient les étudiants barricadés.

et une occasion pour rabattre les jeunes dans le piège électoral

Le ministre de l’Intérieur est devenu la bête noire de toutes les cités. Sur les murs, on y voit fleurir le nouveau sigle à la mode "T.S.S.": "Tout sauf Sarko". Tout un programme …électoral, bien sûr !!! Il faudrait virer Sarko par les urnes : c’est ce que clame en fait l’ensemble de la gauche. Et comme toutes les pointures politiques sont à la "ramasse", on demande à tous les  relais culturels , issus si possible de l’immigration , sans doute plus crédibles, d’assurer le rabattage vers les bureaux d’inscription électorale. Associations, "personnalités", comme Joe Starr ou Djamel Debouzze ; n’en loupent pas une  pour matraquer le message à tous les jeunes des cités : "Votez et virez Sarkozy, faîtes-vous entendre dans les urnes !". "Sur dix rappeurs, huit appellent à s’inscrire et voter". (J.Claude Tchikaya, membre de Devoirs de mémoire). Axiom First, le plus politique d’entre eux, va jusqu’à affirmer que "Le Vote est une arme". Force est de constater que cette "mobilisation citoyenne" a un impact : les inscriptions sur les listes électorales, très hésitantes au départ, s’accélèrent. "La hausse des inscriptions sur les listes électorales [avait] varié selon les villes de 7 à 32% par rapport à 2004. Dans les 2/3 des cas, elle concerne les jeunes de 18 à 35 ans" (collectif Banlieues Respect). Les villes de banlieue y enregistrent les augmentations les plus notables (Nanterre +25%, Bobigny +26%).

Tout sauf Sarkozy, alors ? Mais qu’en est-il des autres prétendants à transformer les banlieues et à changer la vie ? Les partis de gauche, PS et PCF en tête, sont les premiers à stigmatiser la politique sécuritaire de Sarkozy, à critiquer le gouvernement pour son inertie face aux problèmes des banlieues. Ont-ils fait mieux  pendant leurs années au pouvoir ? Ont-ils donné du travail aux jeunes et aux moins jeunes, investi dans le social, le logement, la culture, l’éducation pour "tarir la source" des violences urbaines? Que dalle ! C’est tout le contraire qui est vrai. Qu’on en juge !

Quand Ségolène Royal, l’égérie du PS, alter ego au féminin du "diabolique" Sarko pour ces fameuses présidentielles, affirme sa différence, c’est pour dire que "la faillite de la politique de sécurité est flagrante… Il faut une autre politique, beaucoup plus ferme". (Bondy, Juin 2006). Concrètement ? "Il faut trouver une réponse de masse à un système de production de délinquance de masse." Donc ? "stages de parentalité obligatoires… mise sous tutelle des allocations familiales dans une logique éducative… systèmes d’encadrement à dimension militaire (pour les plus de 16 ans) au lieu de la prison." Sarko en a rêvé, Ségolène et la gauche le feront : plus de flics et de flicage !!

Dans les banlieues et chez tous les jeunes ou moins jeunes qui aujourd’hui se questionnent sur l’avenir que la société nous réserve, il doit être clair qu’il n’y a RIEN à attendre ni de la droite ni du PS et d’un gouvernement de gauche, quel qu’il soit. Car au niveau de la gestion de la crise et de la répression, la gauche n’a JAMAIS eu de leçons à recevoir de la droite. De la création des Compagnies Républicaines de Sécurité par Jules Moch, ministre SFIO d’après guerre, en passant par tous les massacres coloniaux, à Madagascar, en Algérie où se sont illustrés nombre de  pointures "socialistes" et staliniennes à la tête de l’Etat, en continuant par la répression des luttes ouvrières, comme en 1984 où le ministre PCF des Transports, Fiterman, faisait matraquer les grévistes de la SNCF à la gare Saint-Lazare, les exemples sont légions.

La gauche a toujours défendu, toutes griffes dehors, l’intérêt de l’Etat, l’exploitation bourgeoise, contre la classe ouvrière qu’elle soit jeune, immigrée ou retraitée. Hier, aujourd’hui comme demain.

La seule arme, c’est la lutte

Les nouvelles générations vivant en banlieue sont pour une grande part prises dans l’étau de la misère et de la répression policière. C’est insupportable et inacceptable. Mais pour y faire face, il faut absolument éviter les deux pièges tendus par la bourgeoisie : répondre aux provocations par une révolte désespérée et destructrice ou tomber dans l’illusion électorale.

La seule voie, c’est la lutte sur le terrain de la classe ouvrière. La seule ! Exactement comme l’ont fait les étudiants durant le mouvement anti-CPE ! Prise en main de leur lutte, unie et solidaire, mots d’ordre communs à l’ensemble des travailleurs. Les étudiants avaient justement mis en avant l’amnistie des émeutiers et de très nombreux "banlieusards" s’étaient ralliés à cette lutte qui proposait une perspective, une véritable alternative. Plus la bourgeoisie mettra en scène les banlieues et ses "horreurs", plus nous devrons mettre dans la lumière les leçons de la lutte contre le CPE, la lutte ouvrière, véritable oxygène contre le doute ou le désespoir .

Ross (22 octobre)


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