Soumis par Révolution Inte... le
Fin mars, à l'issue du scrutin, la bourgeoisie française a présenté le résultat des élections régionales et cantonales comme une grande victoire du jeu démocratique, d'une part à travers une participation électorale plus forte que prévue, d'autre part à travers un triomphe écrasant de la gauche (surtout pour le PS) qui enlevait la présidence de 21 régions sur 22 en métropole. Cela marquait surtout un camouflet cinglant pour l'équipe Chirac-Raffarin au gouvernement.
Mais le message de la principale mystification idéologique de la classe dominante était délivré quelques jours plus tard.A peine quelques heures après avoir reconduit Raffarin à la tête d'un "nouveau gouvernement" qui ressemblait beaucoup au précédent à part une valse de portefeuilles ministériels, lors de son interview télévisée, le président Chirac cédait spectaculairement sur un certain nombre de revendications catégorielles jusque là refusées avec intransigeance et qui avaient tenu le haut du pavé au milieu du fort mécontentement social de ces derniers mois. Ainsi, Chirac acceptait de rouvrir le dossier sur le régime de chômage des intermittents du spectacle, comme il promettait l'octroi de crédits supplémentaires permettant de débloquer les 1000 postes réclamés par le secteur de la recherche et surtout il faisait mine de suspendre une partie de l'attaque appliquée depuis le 1er janvier contre les chômeurs qui a fait perdre brutalement le droit de toucher l'allocation Assedic à des centaines de milliers d'entre eux et à leur famille tout en réduisant de plusieurs mois la durée de leur indemnisation.
Les mystifications entretenues par les élections régionales
La bourgeoisie voudrait bien persuader les ouvriers contre toute évidence, 
          que le bulletin de vote serait la principale arme pour faire reculer 
          le gouvernement. En tentant de mettre en avant de fausses leçons 
          tirées de ces élections, l'objectif de la bourgeoisie 
          était bien de jeter de la poudre aux yeux pour jeter le trouble 
          et obscurcir la conscience des prolétaires. Elle peut évidemment 
          renvoyer l'image de l'échec cuisant de la lutte en mai 2003 contre 
          la réforme du régime des retraites en cherchant à 
          faire croire que la mobilisation massive de tous les prolétaires 
          dans la rue ne paie pas, venant cautionner les propos de Raffarin l'été 
          dernier lorsqu'il avait imposé cette attaque : "Ce n'est 
          pas la rue qui gouverne". La bourgeoisie cherche à faire 
          avaler l'idée, que pour faire changer la société 
          et corriger les inégalités les plus criantes, il faut 
          voter. C'est un leurre. Cet appât grossier ne peut longtemps faire 
          illusion et les ouvriers ne doivent pas être dupes.
          Mais à travers les résultats électoraux eux-mêmes, 
          la bourgeoisie insinue qu'il faut également bien voter, c'est-à-dire 
          que les ouvriers auraient tout intérêt à voter pour 
          les partis de gauche pour se défendre. Cette propagande constitue 
          une tentative pour effacer des mémoires le discrédit qui 
          pèse sur la gauche en distillant la mystification que la gauche 
          serait "plus sociale" ou "moins pire" que la droite, 
          bref, qu'elle ne mènerait pas la même politique.
Les difficultés de la bourgeoisie française
Cette mobilisation électorale traduit-elle pour autant un retour 
          en arrière, un important recul de conscience pour le prolétariat 
          ? Non, car si la bourgeoisie ne peut qu'exploiter au mieux cette situation, 
          elle n'a elle-même pas les moyens d'entretenir la moindre illusion 
          sur ce genre de "victoire" et sur la portée de ses 
          arguments. En fait, la bourgeoisie française voit sa marge de 
          manoeuvre se réduire sérieusement et la politique de ses 
          partis traduit une réelle inquiétude. Son problème 
          est qu'elle est confrontée à un enjeu politique de taille 
          ; le "trou phénoménal" des caisses de sécurité 
          sociale, l'ampleur du déficit budgétaire qui dépasse 
          largement le seuil de Maastricht (4,1% au lieu de 3%) ne lui laisse 
          pas le choix et la pousse dans les prochains mois à porter inévitablement 
          des attaques énormes, massives et générales contre 
          la classe ouvrière. La bourgeoisie française l'a clamé 
          sur tous les tons : "la réforme de la sécurité 
          sociale" est urgente. La France cumule le plus gros déficit 
          européen en matière de dépenses de santé 
          et a un retard énorme à rattraper sur ses concurrents. 
          Mais c'est "un dossier" encore beaucoup plus brûlant 
          que les retraites, dans la mesure où, même sur les retraites, 
          le gouvernement a pu jouer sur la division entre ouvriers du secteur 
          public qui se sont retrouvés en première ligne de l'attaque 
          et ouvriers du secteur privé moins immédiatement concernés, 
          tandis qu'avec l'attaque sur la sécurité sociale, tous 
          les prolétaires dans le privé comme dans le secteur public, 
          vont se retrouver également touchés. Tout le monde est 
          immédiatement concerné.
          Mais pour imposer des attaques aussi lourdes au prolétariat, 
          le dispositif politique de la bourgeoisie française n'est pas 
          le mieux adapté et représente au contraire une hypothèque 
          pour l'avenir, même si elle va faire en sorte de laisser le sale 
          boulot à sa fraction la plus impopulaire. 
          De ce point de vue, elle court le risque d'avoir de sérieuses 
          difficultés à faire face à une mobilisation massive 
          provoquée par ses attaques. Car elle subit un lourd handicap. 
          Elle connaît depuis des années un problème spécifique 
          : l'archaïsme de la fraction qui tient les leviers de commandes 
          de l'Etat tout en étant minoritaire et qui tend à s'agripper 
          au pouvoir de même qu'à faire prévaloir des intérêts 
          de clan. Par ailleurs, elle est confrontée à une montée 
          du populisme, phénomène international lié à 
          sa décomposition qu'elle a du mal à contrôler et 
          qui vient gripper les rouages de son appareil politique. Ces aléas 
          ont déjà bousculé le jeu politique traditionnel 
          lors des élections présidentielles de 2002, évinçant 
          les partis de gauche du second tour. La presse et même le ministre 
          Fillon ont parlé d'un "21 avril à l'envers", 
          face au nouveau déséquilibre politique du jeu entre gauche 
          et droite issu des régionales. La bourgeoisie est parvenue à 
          rattraper le coup momentanément le 21 avril 2002 mais elle est 
          affaiblie et risque de payer l'addition très cher. La droite 
          se trouve en situation d'autant plus délicate que depuis des 
          décennies, ses clans, ses divisions, ses rivalités, ses 
          guerres de chefs incessantes (Giscard-Chirac, Chirac-Balladur, Chirac-Sarkozy), 
          ne cessent de constituer un handicap de plus en plus lourd qui a déjà 
          provoqué des "accidents" en série lors des présidentielles 
          en 1981, en 1995, ou encore en 2002. Il est clair que ce gouvernement 
          a du mal à se parer d'une légitimité et à 
          parler au nom de toute la nation alors qu'il ne représente que 
          20% des voix. Et cela peut difficilement passer pour une grande victoire 
          pour crédibiliser la démocratie. 
          Les faiblesses de l'appareil politique de la bourgeoisie française 
          ont déjà joué un rôle important dans le retard 
          accumulé face à ses principaux concurrents par le capital 
          national pour porter ses attaques contre le prolétariat, notamment 
          dans la remise en cause de la protection sociale, ce qui le contraint 
          à cogner encore plus fort aujourd'hui, dans la logique du capitalisme 
          en crise. Mais l'impopularité de l'équipe gouvernementale 
          actuelle et sa légitimité douteuse du point de vue des 
          règles démocratiques impliquent qu'elle n'est pas la mieux 
          placée pour faire passer les mesures brutales qu'exige la situation. 
          Si la bourgeoisie française peut se prévaloir d'un clair 
          succès dans l'immédiat, la situation réelle est 
          particulièrement difficile à gérer dans l'avenir 
          et peut se retourner contre elle. La défaite de la droite est 
          plus qu'un simple revers électoral, elle traduit en réalité 
          un état de profonde difficulté politique pour toute la 
          bourgeoisie française. C'est incontestablement dans un état 
          de faiblesse relative que celle-ci se trouve placée pour faire 
          face au prolétariat. Même si les difficultés que 
          rencontre son ennemi de classe ne sont pas en toutes circonstances exploitables 
          par la classe ouvrière, elles constituent néanmoins un 
          atout pour l'avenir afin de réaliser une avancée dans 
          le développement de la lutte de classe.
La gauche ou la droite :
          le même ennemi pour le prolétariat
        Le PS a hérité de la gestion des régions mais 
          a l'avantage de s'éviter la charge du pouvoir central qui le 
          contraindrait à prendre les mesures les plus impopulaires et 
          à faire face à un énorme mécontentement.
          C'est pourquoi la bourgeoisie en profite pour chercher à redorer 
          le blason de la gauche et pour tenter de faire oublier un passé 
          encore récent aux yeux des ouvriers. C'est pourquoi il est nécessaire 
          de rappeler quelques faits. Rappelons ce que la gauche, qui cherche 
          aujourd'hui à se redonner une image plus sociale, a fait au gouvernement 
          avec la même logique de concurrence et de rentabilité du 
          capital national, avec les mêmes arguments, au nom de la réforme, 
          de la modernisation, de l'adaptation. La gauche au gouvernement a efficacement 
          contribué à la paupérisation croissante de la classe 
          ouvrière et à l'attaquer sur tous les fronts. Les années 
          pendant lesquelles elle a officié à la tête de l'Etat 
          depuis 1981 ont vu une poussée vertigineuse du chômage, 
          une succession ininterrompue de plans de licenciements avec les "restructurations" 
          dans les grandes entreprises modernes comme dans les autres qui ont 
          fait perdre des centaines de milliers d'emplois dans tous les secteurs 
          de l'industrie (sidérurgie, mines, automobile, chantiers navals, 
          textile, etc), mais aussi l'explosion et la généralisation 
          du travail précaire. Sa grande oeuvre reste les lois Aubry sur 
          les 35 heures qui ont représenté une première attaque 
          d'envergure touchant l'ensemble de la classe ouvrière en introduisant 
          un maximum de flexibilité dans l'exploitation tout en contribuant 
          à bloquer les salaires. La gauche a déjà multiplié 
          les coupes claires dans les effectifs de la fonction publique comme 
          dans les différents services publics. C'est elle aussi qui a 
          renforcé le flicage de la société, organisé 
          la chasse aux "travailleurs clandestins", fait voter les premières 
          lois pour réduire drastiquement l'immigration. Rappelons aussi 
          que c'est elle qui s'est faite le défenseur zélé 
          des intérêts impérialistes de la France à 
          travers la multiplication des raids militaires en Afrique, du Tchad 
          au Zaïre, sans parler du génocide au Rwanda déjà 
          organisé et préparé de longue date par Mitterrand 
          à son époque (voir RI 345) et de son implication dans 
          la première guerre du Golfe comme dans les Balkans.
          Quand elle n'a pas porté les attaques elle-même, la gauche 
          a activement préparé le terrain à ses successeurs 
          ; ainsi, sur les retraites, depuis le livre blanc de Rocard dans les 
          années 1980 jusqu'au candidat Jospin qui avant sa veste du 21 
          avril 2002 avait déclaré que "la réforme des 
          retraites serait sa priorité numéro un", en passant 
          par le rapport Charpin, commandé par le même Jospin.
          De façon plus évidente encore, la gauche a massivement 
          réduit les indemnisations des chômeurs. Dès 1982, 
          c'est la gauche qui instituait par décret la limitation de la 
          durée d'indemnisation des chômeurs et instaurait en même 
          temps une hausse de cotisation des actifs tout en abaissant le montant 
          des allocations des chômeurs. En 1992, la ministre du travail 
          Martine Aubry portait de 3 à 4 mois la durée minimale 
          de travail dans les 8 mois précédents ouvrant droit à 
          indemnisation. La même année, était mise en place 
          l'allocation unique dégressive et les contrôles trimestriels 
          des démarches de recherche d'emploi pour tous les chômeurs. 
          Avant le PARE (plan d'aide au retour à l'emploi), c'est encore 
          elle qui en 2000 introduisait une allocation conditionnelle aux chômeurs; 
          tout refus d'offre d'emploi se traduisant par une réduction, 
          une suspension et finalement une suppression de son indemnisation. 
          Quant à la remise en cause de la protection sociale concernant 
          l'accès aux soins, le PS a également joué les pionniers. 
          C'est lui qui a procédé aux suppressions massives de lits 
          d'hôpitaux et des postes dans le secteur de la santé, qui 
          a décrété les restrictions de certains examens 
          médicaux, qui a dressé les premières listes de 
          "déremboursement" des médicaments instituées 
          par Aubry. Auparavant, le forfait hospitalier avait été 
          instauré par le "camarade ministre" Ralite du PCF. 
          C'est le gouvernement Rocard qui a créé la CSG. Mais rétorqueront 
          certains, c'est aussi la gauche qui a institué un certain nombres 
          de mesures "sociales" comme le RMI ou la CMU. Mesures sociales 
          ? Foutaises ! Toujours la loi de la rentabilité capitaliste ! 
          Non seulement le RMI coûte beaucoup moins cher à l'Etat 
          que les indemnités-chômage mais il permet un filtrage très 
          sélectif et un contrôle beaucoup plus étroit de 
          l'absence de ressources des "bénéficiaires". 
          Quant à l'établissement de la CMU elle n'a permis que 
          le déplacement de la prise en charge des soins des plus pauvres 
          de certains organismes (les dispensaires leur assuraient déjà 
          des soins gratuits alors qu'ils ont aujourd'hui disparu) vers d'autres, 
          avec comme conséquence pour les plus démunis d'adhérer 
          à une mutuelle dont ils pouvaient auparavant se passer. D'ailleurs, 
          aucune de ces mesures n'a été remise en cause par la droite 
          au pouvoir.
Les prolétaires n'ont aucune illusion à se faire ni sur 
          la nature antiouvrière de la gauche, ni sur les pseudo-reculades 
          du gouvernement dans ses attaques. Ces attaques ne peuvent que se multiplier 
          massivement et s'intensifier au cours des prochains mois. 
          Aussi, ce n'est qu'en développant des luttes massives, ouvertes, 
          sur son terrain du combat de classe, et en rejetant tous ceux qui comme 
          la gauche et les syndicats prétendent les défendre, que 
          le prolétariat pourra faire reculer les attaques grandissantes 
          actuelles.






 del.icio.us
 Digg
 Newskicks
 Ping This!
 Favorite on Technorati
 Blinklist
 Furl
 Mister Wong
 Mixx
 Newsvine
 StumbleUpon
 Viadeo
 Icerocket
 Yahoo
 identi.ca
 Google+
 Reddit
 SlashDot
 Twitter
 Box
 Diigo
 Facebook
 Google
 LinkedIn
 MySpace