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Révolution internationale n° 479 - novembre décembre 2019

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Seules la solidarité et l’unité dans la lutte peuvent repousser les attaques !

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Le 27 octobre, des cheminots écrivaient dans un communiqué : “Nous agents grévistes du matériel au Technicentre de Châtillon, sur le réseau TGV Atlantique, avons cessé le travail massivement depuis lundi 21 octobre au soir, sans se concerter ou être encadrés par les syndicats. (…) Notre colère est réelle et profonde, nous sommes déterminés à nous battre jusqu’au bout de nos revendications, pour le respect et la dignité. Nous ne pouvons plus accepter de travailler avec des salaires proches du SMIC et gelés depuis 5 ans, en sous-effectif et avec des agents qui démissionnent de plus en plus. Nous avons honte de voir comment la SNCF joue avec la sécurité ou encore le confort des voyageurs, pour des questions de flexibilité et de rentabilité. (…) Les voyageurs (…) payent de plus en plus cher des trains, avec de moins en moins de service, des siéges vétustes, des rames parfois avec des toilettes condamnées, des portes bloquées, ou encore des climatisations HS en période de canicule. (…) Marre des réorganisations, des bas salaires, des suppressions d’emplois et des sous-effectifs ! Nous appelons l’ensemble des cheminots à relever la tête avec nous, car la situation aujourd’hui à Châtillon est en réalité le reflet d’une politique nationale. (…) Nous avons trop longtemps laissé faire sans rien dire, mais aujourd’hui au TATL nous disons stop à cette politique d’entreprise. Nous ne braderons pas notre dignité, notre sécurité, ni notre santé !”

Toute la classe ouvrière est attaquée

Les mêmes conditions de travail dégradées et insoutenables sont le quotidien de tous les travailleurs, de toutes les corporations, de tous les secteurs, du privé comme du public. Il y a un an, les salariés des EPAHD criaient leur détresse face à la maltraitance des personnes âgées dont ils ont la charge et aux pressions qu’ils subissent pour être toujours plus rapides et rentables. Il y a quelques mois, les urgentistes dénonçaient les sous-effectifs, les cadences infernales, l’impossibilité de soigner dignement les blessés. Le mois de septembre 2019 a été marqué par le suicide d’une directrice d’école et sa lettre poignante, symboles de la souffrance au travail de tous les enseignants, croulant sous les tâches toujours plus nombreuses. Aucune partie de la classe ouvrière n’est épargnée. Partout, les salariés doivent être de plus en plus corvéables, flexibles, adaptables, précaires…

Et les réformes en cours annoncent un avenir plus dur encore. La chasse aux chômeurs et à leurs maigres allocations est ouverte. Les futurs retraités seront plus vieux et plus pauvres. À la réduction des effectifs de fonctionnaires et à la systématisation des CDD dans le public, font écho les vagues de licenciements et l’explosion de la précarité dans le privé.

Toute la classe ouvrière est en colère

Comme à la SNCF, la colère gronde et les grèves se multiplient. Ont ainsi arrêté le travail : les pilotes de Transavia, le 1er septembre, les agents des Finances publiques, le 16, et d’EDF, le 19, des laboratoires de biologie médicale, le 1er octobre en Bretagne, des écoles, le 8 octobre, en région parisienne, de Michelin à La Roche-sur-Yon, le lendemain, les éboueurs dans le Nord, le personnel des EPAHD en Indre-et-Loire, etc. En réalité, pas un jour ne passe sans que des travailleurs à bout se mettent en grève.

Seulement, toutes ces luttes, souvent peu médiatisées, demeurent isolées les unes des autres, enfermées à l’échelle locale et de leur corporation. Que dire, par exemple, de la mobilisation des urgentistes séparée de leurs collègues des autres services du même hôpital lui-même ? Les prolétaires ne parviennent pas, aujourd’hui, à lutter en tant que classe ; ils le font en tant que cheminots, urgentistes, électriciens, enseignants, pilotes, laborantins, etc. Tous touchés par les mêmes conditions de vie et de travail inacceptables, chaque salarié se bat pourtant pour des revendications qu’il croit spécifique à sa boîte, sa branche, son métier. La raison essentielle de ce morcellement est que les ouvriers ne se sentent plus appartenir à une classe, à une classe qui, unie et solidaire dans la lutte, représente la plus grande force sociale de la société. La bourgeoisie est parvenue à leur faire croire que la classe ouvrière n’existait plus, qu’ils n’étaient pas des ouvriers mais des cheminots, des urgentistes, des électriciens, des enseignants, des pilotes, des laborantins. Mieux encore, aux yeux de la classe dominante : des “citoyens”.

Divisions gouvernementales, divisions syndicales

Diviser pour mieux régner est un vieil adage. Le gouvernement l’applique à la lettre. Les agents de la RATP seraient des égoïstes qui “gagnent plus de 3 000 euros à la retraite”, les fonctionnaires seraient des “privilégiés” pour qui sont comptabilisés les six derniers mois de carrière pour le calcul de leur retraite. Les navigants et les infirmières refuseraient la solidarité en voulant conserver leur régime “autonome”... Les mensonges et les prétextes pour opposer les travailleurs les uns contre les autres sont sans fin. Toute cette propagande n’existe que pour justifier, au nom de “l’équité” et de la “justice”, une attaque généralisée contre les travailleurs.

Ce discours médiatique et gouvernemental est accompagné sur le terrain d’une séparation systématique des luttes entre elles par les syndicats. En septembre et octobre, toute une série de journées d’action a ainsi été programmée en ordre dispersé : RATP, Trésor public, Éducation nationale, Ministère de la Justice, EDF, pompiers… à chaque secteur sa journée, ses mots d’ordre, sa lutte.

Un seul exemple symbolise le travail permanent des syndicats pour saper l’unité ouvrière : alors que le 13 septembre, ils organisaient une grande journée d’action à la RATP pour défendre son régime spécial, le 16 septembre, les syndicats faisaient sortir les infirmières, les libéraux, les navigants et les avocats dans la rue en opposant ces travailleurs à tous les autres : “Les avocats comme les professions libérales dans leur ensemble bénéficient de ce qui s’appelle un régime autonome, qu’il ne faut pas confondre avec les régimes spéciaux” ; “Nous ne sommes absolument pas opposés à une réforme des retraites. (…) Un régime universel (…) peut être acceptable. (…) En revanche, nous exigeons de conserver notre régime complémentaire” ; “On ne demande pas à la fourmi de donner à la cigale !”…

Seulement, cette division par les syndicats était par trop caricaturale. Ils prenaient le risque que la colère ne déborde et, surtout, d’être trop discrédités. En octobre, ils ont donc annoncé une grande journée de grève rassemblant tous les salariés pour le… 5 décembre ! Pourquoi une date si tardive ? Pourquoi ne pas battre le fer tant qu’il est chaud ? Pour le laisser refroidir, justement. Le secrétaire d’État aux Transports Jean-Baptiste Djebbari a lui-même craché le morceau, jeudi 31 octobre, comme le rapporte le journal Ouest-France : “Ça bouillonne dans les rangs de la SNCF et la grève contre la réforme des retraites se profile à l’horizon… Dans ce contexte, l’exécutif “a un mois pour (…) faire baisser la tension, pour répondre à des angoisses qui souvent sont légitimes et pour tracer le chemin pour la convergence de ces régimes spéciaux”. (…) “Nous avons pris l’engagement, à la RATP comme à la SNCF, d’étudier toutes les options, y compris celles qui sont portées par les syndicats” (…), faisant référence à la “loi du grand-père” selon laquelle seuls les nouveaux embauchés seraient concernés par la réforme”. Pour calmer le jeu, le gouvernement mise donc encore et toujours sur l’action syndicale et… la division, celle entre les générations ouvrières cette fois.

Comment lutter ?

Les grèves spontanées des cheminots de la fin octobre montrent en partie la voie à suivre. À Châtillon, suite à l’annonce d’un plan de réorganisation du travail induisant, entre autres, une suppression de douze jours de congés, les agents du centre ont immédiatement arrêté le travail et déclaré la grève, sans attendre de consignes syndicales. Le plan a été retiré 24 heures plus tard. Quelques jours plus tôt, le 16 octobre, suite à une collision avec un convoi exceptionnel en Champagne-Ardenne, mettant en évidence la dangerosité de n’avoir qu’un seul agent (le conducteur) dans un train, les cheminots de la ligne avaient, eux aussi, refusé spontanément de maintenir les transports dans ces conditions. La contestation s’est étendue rapidement, dès le lendemain, aux lignes de l’Île-de-France. Le 17 au soir, les syndicats reprenaient le contrôle de la situation, en proclamant le droit de retrait au plan national pour les 18 et 19.

Ce n’est pas un hasard si ce sont les cheminots qui indiquent les premiers comment les travailleurs peuvent prendre en main leur lutte. C’est la conséquence à la fois de l’expérience et de la combativité historiques de ce secteur de la classe ouvrière en France, mais aussi de la réflexion qui mûrit depuis un an en son sein après l’amère défaite du long mouvement mené en 2018 par… les syndicats. Ils avaient alors enfermé les cheminots dans une lutte, seuls, isolés, jusqu’à l’épuisement de leur force.

Mais les difficultés et faiblesses sont encore nombreuses pour développer une lutte massive, unie et solidaire. Par exemple, ces cheminots grévistes sont demeurés cloîtrés au sein de la SNCF. Il n’y a pas eu d’assemblées générales autonomes décidant d’envoyer des délégations massives, voire toute l’assemblée, aux centres de travail le plus proche (un hôpital, une usine, une administration…) pour les entraîner dans la lutte, pour étendre géographiquement le mouvement, pour cultiver cette idée que les ouvriers ont tous les mêmes intérêts, qu’ils mènent la même lutte, que c’est unie et solidaire, au-delà des secteurs et des corporations, que la classe ouvrière est forte.

Cette étape est difficile. C’est un véritable cap. Elle implique de se reconnaître non plus comme cheminots, infirmiers, enseignants ou informaticiens, mais comme ouvriers. Pour la franchir, les ouvriers les plus conscients doivent diffuser l’idée que c’est possible, que l’histoire et l’expérience du mouvement ouvrier le prouvent, qu’en 1968 les travailleurs de France ou en 1980 ceux de Pologne l’ont fait, que le prolétariat est la principale force sociale de la société quand elle est unie, solidaire et organisée. Ces ouvriers doivent se regrouper, discuter, se réapproprier les leçons du passé, pour préparer l’avenir de la lutte de classe. Ces ouvriers, si peu nombreux soient-ils aujourd’hui, ont une grande responsabilité, celle de faire vivre la mémoire de l’immense expérience de lutte de la classe ouvrière.

Pawel, le 7 novembre 2019

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Mouvements sociaux

Mouvement social au Chili: l’alternative dictature ou démocratie est une impasse

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Nous assistons depuis plusieurs semaines à l’émergence de nombreux mouvements sociaux dans plusieurs pays sur différents continents : Liban, Irak, Équateur, Bolivie, Haïti, Guinée, Algérie… Bien que ces mobilisations aient leurs particularités, elles expriment toutes une réaction de protestations et de colère face aux effets de la crise économique qui a connu un nouveau regain ces derniers mois. Nous traiterons prochainement sur notre site internet de ces mobilisations internationales de manière plus globale. En attendant, nous publions ci-dessous un article écrit par nos camarades en Amérique latine au sujet du mouvement social qui a lieu actuellement au Chili. Certaines analyses dressées dans cet article sont applicables à d’autres mobilisations actuelles. Tous ces mouvements, de par leur nature interclassiste et populaire, ainsi que par les illusions auxquelles ils sont prisonniers mènent fatalement à une impasse et constituent un piège pour le prolétariat mondial. Par conséquent, ils mettent en évidence la grande responsabilité qui incombe au prolétariat des pays centraux du capitalisme, le plus expérimenté, le plus aguerri aux pièges tendus par la bourgeoisie, et le seul capable de montrer la direction vers la lutte autonome de la classe ouvrière mondiale.

Ce qui se passe au Chili découle de la crise économique internationale qui se manifeste dans ce pays par le déficit budgétaire que l’État chilien traîne depuis plusieurs années. Des organismes tels que la Banque mondiale, le FMI et la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes indiquent une réduction progressive de la croissance au cours des trois ou quatre dernières années. En dépit des efforts déployés pour diversifier son économie, le Chili est essentiellement dépendant du cuivre dont le cours, en tant que manifestation de l’aggravation de la crise, a fortement chuté. Les mesures d’augmentation des tarifs du métro tentent de répondre à la situation de déficit de l’État chilien. À l’échelle mondiale, les premiers pas d’un important bouleversement économique sont en cours et, comme dans d’autres épisodes de la crise capitaliste, les pays les plus faibles sont les premiers touchés : le Brésil, la Turquie, l’Argentine, l’Équateur et maintenant le Chili.

L’idée que le Chili serait une “exception” en Amérique du Sud en raison de sa situation économique ou du prétendu “bien-être” de sa classe ouvrière est clairement démentie. Piñera a dû ravaler ses proclamations triomphalistes selon lesquelles “le Chili était une oasis de paix et de prospérité en Amérique du Sud”.

Ce qui apparaît derrière cet écran de fumée, c’est la moyenne des salaires à 368 €, la précarité généralisée, le coût disproportionné de la nourriture et des services, les graves lacunes en matière d’éducation et de santé, le système de retraite qui condamne les retraités à la pauvreté. Une réalité qui montre la dégradation croissante des conditions de vie de la classe ouvrière et de l’ensemble de la population.

L’explosion des troubles sociaux

Le gouvernement Piñera a sous-estimé le degré d’agitation sociale. Une attaque, apparemment anodine, provoquée par la hausse des tarifs du métro à Santiago, a déchaîné la colère générale. Cependant, la réponse ne s’est pas posée sur le terrain de classe du prolétariat, mais dans un autre contexte défavorable et dangereux pour lui : la révolte populaire et éventuellement favorisée par l’État, la violence minoritaire et l’action du lumpenproletariat.

Profitant de cette faiblesse de la riposte sociale, le gouvernement a lancé une répression brutale qui, selon les chiffres officiels, aurait fait 19 morts. L’état de siège est décrété depuis plus d’une semaine et le maintien de l’ordre a été confié à l’armée. Les tortures sont revenues comme dans les pires moments de Pinochet, démontrant que la démocratie et la dictature sont les deux faces du même État capitaliste. L’irruption du lumpenproletariat avec son vandalisme, les pillages, les incendies, la violence irrationnelle et minoritaire, typique de la décomposition capitaliste, (1) ont été utilisées par l’État pour justifier la répression, semer la peur dans la population et intimider le prolétariat, détournant ses tentatives de lutte vers le terrain de la violence nihiliste sans aucune perspective. (2)

Des mobilisations syndicales pour démobiliser et démoraliser les travailleurs

Cependant, la bourgeoisie chilienne a compris que la brutalité répressive ne suffisait pas pour calmer le mécontentement. Pour cette raison, le gouvernement Piñera a fait son mea culpa, le président si arrogant a adopté une pose “humble”, a déclaré “comprendre” le “message du peuple”, a “provisoirement” retiré les mesures et a ouvert la porte à un “accord social”. Il faut traduire cela par : les attaques seront imposées par la “négociation”, autour d’une “table de dialogue” où les partis de l’opposition, les syndicats, les employeurs, tous ensemble “représenteront la Nation”.

Pourquoi ce changement d’attitude ? Parce que la répression n’est pas efficace si elle n’est pas accompagnée de la tromperie démocratique, du piège de l’unité nationale et de la dissolution du prolétariat dans la masse amorphe du “peuple”. L’attaque économique requise par la crise nécessite la répression, mais surtout une offensive politique.

Le prolétariat, bien que subissant une situation de faiblesse importante au Chili et dans le monde, reste la menace historique à l’exploitation et à la barbarie capitaliste. Par conséquent, celui du Chili, l’un des plus concentrés en Amérique du Sud, a une certaine expérience politique. Il a, par exemple, participé au mouvement de grève de masse en 1907 à Iquique (3) et a subi le terrible coup de la duperie d’Allende (1970-1973) qui a préparé le terrain à la dictature brutale de Pinochet (1973-1990).

L’offensive politique de la bourgeoisie a connu une première étape avec les mobilisations syndicales appelant à une “grève générale” plus d’une semaine plus tard. Quel cynisme ! Lorsque le gouvernement a adopté la mesure de hausse de prix du métro, les syndicats n’ont appelé à rien. Lorsque le gouvernement a déployé l’armée dans les rues, ils ont gardé un silence complice. Lorsque l’armée et les carabiniers sont intervenus, ils n’ont pas davantage bougé le petit doigt. Et maintenant, ils appellent à la “mobilisation”.

Lorsque les travailleurs doivent se battre, les syndicats les paralysent. Lorsque les travailleurs se lancent dans la bataille, les syndicats les bloquent. Et lorsque les travailleurs n’ont plus de forces ou sont désorientés, les syndicats appellent à “la lutte”. Les syndicats agissent toujours contre les travailleurs, aussi bien lorsqu’ils s’opposent à une grève spontanée que lorsqu’ils appellent à se battre alors les travailleurs sont faibles, confus ou divisés. Les syndicats démobilisent la mobilisation des prolétaires et ne se mobilisent que pour parvenir à une démobilisation plus forte encore.

Les groupes de gauche d’obédience trotskiste, stalinienne ou maoïste parachèvent le piège en proposant “une grève générale illimitée”, leur parodie “d’auto-organisation des travailleurs” où, au lieu d’assemblées et de comités de grève élus et révocables, ils mettent en place une “coordination” composée de syndicalistes et de groupes gauchistes. Son “alternative politique” est de “jeter Piñera dehors”. Pourquoi ? Pour le remplacer par une Michelle Bachelet qui, au cours de ses deux mandats, a fait la même chose ou pire ? Choisir une “assemblée constituante” ? Derrière leur radicalisme de façade et leurs discours au nom de la “classe ouvrière”, les gauchistes défendent le capitalisme parce qu’ils enferment les travailleurs sur le terrain de la défense de la démocratie et dans le cadre des méthodes de “luttes” syndicales.

L’offensive politique de la bourgeoisie chilienne

La deuxième phase de l’offensive a été l’entrée sur la scène des partis d’opposition (la nouvelle majorité, le parti stalinien et le Front démocratique) qui ont appelé à la “négociation” et au “consensus” et qui ont salué comme une “victoire” les quelques miettes que Piñera a accordées. En liaison avec le gouvernement et l’armée, (4) la bourgeoisie chilienne s’est donnée un cadre pour porter un nouveau coup idéologique à la conscience du prolétariat, pour dissoudre toute tentative en son sein d’agir comme classe autonome, pour l’attacher au char de la Nation, l’accrocher aux idéologies de l’ennemi de classe, en particulier à la démocratie.

Des mobilisations importantes ont été organisées le week-end du 25 au 27 octobre avec les axes suivants :

– L’unité nationale : ainsi, lors de la manifestation de Santiago où un million de personnes se sont rassemblées, le slogan était : “Le Chili se réveille”. C’est-à-dire, qu’on affirme qu’il ne s’agissait pas d’une confrontation de classe mais d’une prétendue lutte de la “Nation entière” contre une minorité de corrompus et de voleurs. À l’époque d’Allende, le slogan était : “le peuple uni, jamais ne sera vaincu”. Nous devons nous rappeler contre cette mystification qui revient au goût du jour que “le prolétariat dilué dans le peuple et la nation toujours sera vaincu”.

– Réclamer une “nouvelle constitution”. Une “assemblée constituante” est revendiquée. C’est un piège crapuleux. En Espagne, en 1931, la “nouvelle constitution” affirmait que l’Espagne était une “République ouvrière”. C’est cette république qui a assassiné 1 500 personnes dans la répression des grèves ouvrières entre 1931 et 1933. En 1936, Staline proclamait pour l’URSS “la constitution la plus démocratique du monde”, en même temps qu’elle initiait les procès de Moscou où elle liquidait les derniers bolcheviks et intensifiait la terreur la plus féroce. La République de Weimar a réprimé la tentative de révolution prolétarienne en Allemagne (1918-1923) et a permis la montée légale d’Hitler et de la terreur nazie en 1933.

– L’orientation est de dissoudre le prolétariat dans la masse indistincte et manipulable du “peuple” où toutes les classes sociales “s’uniraient” dans le corps de la nation. Sur la place d’Italie de Santiago, une grande banderole indiquait “Pour la dignité de notre peuple, manifestez dans la rue sans crainte”. Le terme à la mode dans les médias chiliens est de parler de “mouvement transversal”. Ce mot signifie qu’il n’y aurait plus de lutte de classe, mais “un mouvement qui traverse toute la ville” dans lequel même les enfants des riches quartiers résidentiels de Santiago seraient inclus. Le président Piñera a publié ce tweet : “La marche massive, joyeuse et pacifique d’aujourd’hui, où les Chiliens demandent un Chili plus juste et plus équitable, ouvre de grandes voies pour l’avenir et donne de l’espoir. Nous avons tous entendu le message. Nous avons tous changé. Avec l’unité et l’aide de Dieu, nous ferons la route de ce Chili meilleur pour tous”. C’est le comble du cynisme ! Mais cela nous donne aussi la mesure de la manœuvre politique de la bourgeoisie. Même le responsable du métro de Santiago a affiché fièrement la photo de sa fille participant à la manifestation !

La bourgeoisie impose la misère, la barbarie et le meurtre, sous le drapeau de la démocratie

Nous dénonçons cette manœuvre politique de la bourgeoisie basée sur la démocratie. La démocratie est la forme la plus perverse et la plus retorse de la domination capitaliste. Au nom de la démocratie, les pires massacres contre les travailleurs ont été perpétrés. Pour se limiter au seul cas du Chili, il faut se souvenir que lors de la grève de masse d’Iquique en 1907, 200 travailleurs ont été tués rien qu’au cours du massacre dans l’école de Santa María. Le “champion de la démocratie”, Salvador Allende, a brutalement réprimé les luttes des mineurs contre la hausse des cadences et la baisse des salaires. “En mai-juin 1972, les mineurs se sont à nouveau mobilisés : 20 000 personnes se sont mises en grève dans les mines d’El Teniente et de Chuquicamata. Les mineurs d’El Teniente ont réclamé une augmentation de salaire de 40 %. Allende a placé les provinces de O’Higgins et de Santiago sous contrôle militaire, la paralysie d’El Teniente “menaçant sérieusement l’économie”. Les dirigeants “marxistes” de l’Union populaire ont expulsé les travailleurs et les ont remplacés par des briseurs de grèves. Cinq cents carabiniers ont attaqué les ouvriers à l’aide de gaz lacrymogène et de canons à eau. Quatre mille mineurs se sont rendus à Santiago pour manifester le 11 juin. La police les a chargés sauvagement. Le gouvernement a traité les mineurs comme des “agents du fascisme”. Le PC a organisé des défilés à Santiago contre les mineurs, appelant le gouvernement à faire preuve de fermeté”. (5)

Toutes les fractions de la bourgeoisie, et en particulier la gauche, ont resserré les rangs pour défendre l’État capitaliste “démocratique”. “En novembre 1970, Fidel Castro est venu au Chili pour cautionner les mesures anti-ouvrières d’Allende. Castro a réprimandé les mineurs, les traitant comme des agitateurs et des “démagogues”. À la mine de Chuquicamata, il a déclaré que “cent tonnes de moins par jour entraînent une perte de 36 millions de dollars par an”. (6)

Allende a envoyé l’armée réprimer les ouvriers, mais pire encore, lors d’un rassemblement devant le Palais de La Moneda, en juin 1972, il a fait applaudir Pinochet en le présentant comme “un militaire fidèle à la Constitution”.

Le rétablissement de la démocratie depuis 1990 n’a apporté aucune amélioration aux conditions de vie et de travail. Les différents présidents (d’Alwyn à Bachelet, en passant par Lagos ou le premier mandat de Piñera) ont préservé et renforcé la politique économique promue par l’École de Chicago qui a imposé la dictature de Pinochet. Ils n’ont pas du tout touché à un système de retraite qui condamne les retraités à recevoir une pension inférieure au salaire minimum, à continuer à travailler et à survivre avec de petits boulots jusqu’à 75 ans ou plus. Un système qui refuse toute pension future aux nombreux jeunes condamnés à des emplois précaires. Le Chili est aujourd’hui l’un des pays les plus inégalitaires au monde et l’inégalité s’est aggravée avec la démocratie : “Lorsque nous avons retrouvé la démocratie, le gouvernement militaire, qui avait également été mauvais en économie, a laissé un taux de pauvreté de 4,7 %. Aujourd’hui, notre PIB a plus que doublé, nous sommes plusieurs fois plus riches qu’alors. Mais le pourcentage de pauvres s’est élevé à 35 %”. (7)

La gauche agissant en tant que porte-parole privilégié de la bourgeoisie nous appelle à soutenir la démocratie et à considérer la dictature comme le mal suprême : comme si cette dictature avait le monopole de la répression et de la spoliation des travailleurs, sa devise étant “Non à la dictature, oui à la démocratie parlementaire”. Toute cette propagande fait beaucoup de dégâts dans la classe ouvrière, car elle lui fait croire qu’elle est “libre”, qu’elle peut “choisir”, qu’avec le vote elle aurait le “pouvoir” et surtout, elle atomise et individualise les travailleurs, où il s’agit d’effacer en eux tout sentiment de solidarité et d’unité en les poussant dans les eaux fangeuses d’un engrenage de la rivalité et du chacun pour soi, de “la loi du plus fort” et du “ôte-toi de là pour que je m’y mette”.

Les méthodes de lutte de la classe ouvrière

Les travailleurs et leurs minorités les plus conscientes doivent rejeter le piège tendu par la bourgeoisie et préparer méthodiquement le terrain pour l’émergence de véritables luttes ouvrières. Cette perspective est encore très lointaine et ne découlera pas d’une somme de processus dans chaque pays mais d’une dynamique internationale dans laquelle le rôle des grandes concentrations de main-d’œuvre expérimentée de l’Europe occidentale sera fondamental. (8)

La classe ouvrière au Chili et dans le monde entier doit se réapproprier les véritables méthodes de la lutte ouvrière qu’ont développé de nombreuses luttes à travers l’histoire (Mai 68 en France, 1980 en Pologne, le mouvement anti-CPE de 2006 en France, le mouvement des Indignés en Espagne en 2011). Ce sont des méthodes de lutte et d’organisation radicalement opposées à celles du syndicalisme :

– La grève massive que les travailleurs déclenchent par leur propre décision en dehors des voies légales et syndicales.

– Des assemblées générales ouvertes à tous les travailleurs, actifs et au chômage, à la retraite, aux étudiants, aux futurs travailleurs, aux émigrés comme aux natifs du pays, TOUS ENSEMBLE.

– L’extension directe des luttes à travers des délégations massives.

– La coordination et l’unification des luttes assurée par des comités élus et révocables.

Des conclusions claires s’imposent :

– Face aux attaques brutales telles que celles de l’Équateur ou du Chili, la réponse n’est pas la révolte populaire, le pillage ou la violence minoritaire, mais la lutte de classe autonome.

– La lutte doit être contrôlée par les travailleurs eux-mêmes contre le sabotage des syndicats.

– Contre la répression, les travailleurs doivent s’unir et se défendre par la solidarité et une réponse ferme et combative. Prolonger le combat et atteindre l’unité de la classe est la seule défense possible.

– Comme on l’a vu précédemment en Équateur et lors des révoltes au Chili, le drapeau national a été brandi. C’est le drapeau de l’exploitation, de la répression et de la guerre. C’est le drapeau du capital.

– Le capitalisme s’enfonce dans une crise mondiale qui causera toujours plus de misère et de souffrance et se joindra à de nouvelles guerres impérialistes et à une destruction accrue de l’environnement.

– Le problème est mondial et n’a pas de solution nationale. Il n’y a qu’une solution globale et cela ne peut être fait que par la lutte internationale des travailleurs.

Nous savons que cette perspective de combat va coûter cher. De nombreuses luttes, de nombreuses défaites, de nombreuses leçons douloureuses seront nécessaires. Cependant, nous avons les leçons de trois siècles d’expériences qui, élaborées par la théorie marxiste, nous donnent les moyens théoriques, organisationnels et politiques de contribuer à ce combat. L’organisation communiste internationale est l’organe qui défend cette continuité historique du prolétariat. Ses principes programmatiques, politiques, organisationnels et moraux sont la synthèse critique globale de cette expérience historique mondiale de trois siècles de lutte de classe. Construire l’organisation, la défendre, la renforcer, est la meilleure contribution au combat du prolétariat, aujourd’hui à contre-courant de toute cette campagne pour l’union nationale autour de la défense de la démocratie et demain en faveur de la renaissance de la lutte de classe internationale du prolétariat.

CCI, 1er novembre 2019

 

1) Voir : “La décomposition, phase ultime du capitalisme”, Revue internationale n° 107.

2) Le prolétariat a besoin de recourir à la violence de classe, mais celle-ci n’a rien à voir et s’oppose à la terreur de la bourgeoisie, au terrorisme de la petite bourgeoisie et au vandalisme sauvage du lumpen. Voir : “Terreur, terrorisme et violence de classe”, Revue internationale n°14 et la résolution à ce sujet dans la Revue internationale n° 15.

3) Voir, en espagnol sur notre site internet : “Le mouvement ouvrier au Chili au début du XXe siècle”.

4) Le chef de la Défense nationale, le militaire Iturriaga del Campo, a contredit le chef de l’État qui avait déclaré qu’il était “en guerre” en déclarant : “je suis un homme heureux, la vérité est que je ne suis en guerre avec personne”.

5) Voir : “Il y a 30 ans, la chute d’Allende : la dictature et la démocratie sont les deux visages de la barbarie capitaliste”, Révolution internationale n° 339.

6) Idem.

7) Voir en espagnol : “Crisis en Chile : es la desigualdad, estúpido” sur le site internet clarin.com.

8) Voir sur notre site la “Résolution sur le rapport de forces entre les classes” (2019) du 23e congrès international du CCI.

Géographique: 

  • Amérique Centrale et du Sud [4]

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Mouvements sociaux

Mort de Chirac: un représentant typique du cynisme de la bourgeoisie

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L’ancien président de la République Jacques Chirac est décédé et la classe ouvrière ne le pleurera pas. Il était prétendument un homme d’État exceptionnel qui marquera l’histoire, un homme au “charisme extraordinaire”, “proche du peuple”, “bon vivant”, “fidèle en amitié”, “défenseur de la paix” en 2002, “écolo d’avant-garde et éveilleur des consciences” en 2004. Que de mensonges ! Lui-même affirmait cyniquement en 1988 que “les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent”. Sa fidélité ne valait que pour les intérêts de sa classe, la bourgeoisie qui lui rend hommage aujourd’hui.

Pour le prolétariat, c’est une autre affaire : il a concrètement vécu dans sa chair toutes les activités de Chirac au service des intérêts bourgeois, contre les conditions de vie ouvrières, pendant plus de quarante ans. Alors oui, souvenons-nous…

40 ans d’attaques contre la classe ouvrière

Les débuts de la vie politique de Chirac heurtent d’ailleurs de plein fouet la lutte de la classe ouvrière en Mai 68. Face à une grève générale qui comptera jusqu’à 10 millions de gré­vistes, le pouvoir veut reprendre le contrôle des événements jugés de plus en plus dangereux. Pompidou, Premier ministre, confie le soin à son jeune secrétaire d’État à l’Emploi, Jacques Chirac, de secrètement prendre contact avec les syndicats, notamment la CGT pour négocier ce qui deviendra les Accords de Grenelle. Un journaliste (Guy Konopnicki) rapportera d’ailleurs une anecdote significative lors de la rencontre entre Jacques Chirac et Krasucki, numéro 2 de la CGT à l’époque : “Chirac faisait des bonds à chaque revendication… Dix millions de grévistes et l’envoyé du gouvernement qui s’agite sur sa chaise à chaque proposition. Il n’avait rien préparé. Pas une idée ! Il se figurait que la proclamation des Soviets était imminente, alors je lui ai dit qu’à notre avis, la prise du Palais d’hiver, ce n’était pas pour tout de suite”. La version de l’histoire est bien sûr toute autre quand Chirac prétend en 1977 que “la rencontre s’était déroulée dans une chambre de bonne, une sorte de planque clandestine”. Il se vantait même de s’y être rendu “avec un revolver dans la poche !” (sic). S’il a pu vendre un temps le journal du parti stalinien dans sa jeunesse et se donner l’illusion d’une activité sinon “prolétarienne”, du moins populaire, cela a toujours été en défense du capitalisme. Sa défense inflexible de l’État en 68 fut marquée par une détermination et une volonté de “rétablir l’ordre” le plus rapidement possible. Pompidou l’appelait d’ailleurs “mon bulldozer”.

S’il y a effectivement eu une constante chez Jacques Chirac, c’est bien pour attaquer la classe ouvrière. Après avoir gravi tous les échelons, ce “loup politique”, grand serviteur de l’État, s’est appliqué à attaquer la classe ouvrière dans la période qui s’ouvrait avec l’inflexion de la crise :

– Lors du mouvement social de 1995, un des plus massifs depuis 68 du fait d’une vaste manœuvre syndicale, Chirac fraîchement élu et son Premier ministre Juppé s’attaquent violemment aux régimes des retraites et à la sécurité sociale, signant ainsi le début d’attaques qui se poursuivent jusqu’à aujourd’hui.

– Fin 2003, après un autre mouvement social d’ampleur, Chirac inaugure une nouvelle offensive contre les chômeurs et une nouvelle aggravation des conditions de vie : pression accrue sur les salaires avec l’augmentation de la CSG, plan de démantèlement du système de protection sociale, licenciements dans le secteur privé, suppressions d’emplois dans le secteur public, etc.

– En 2006, la mobilisation massive des étudiants en France contre les attaques économiques du gouvernement voulant faire passer coûte que coûte le “Contrat première embauche” (CPE), aboutit à faire reculer le gouvernement par une lutte exemplaire.

Chirac, figure dégénérée du gaullisme

Avec cette nouvelle période, ouverte en 68 et la réapparition de la crise économique, la bourgeoisie française est consciente qu’elle doit se débarrasser de certains héritages archaïques du gaullisme et de son fonctionnement rigide, trop pyramidal. De plus, de façon chronique, la droite gaulliste, au lieu d’être le levier d’une politique cohérente au service des besoins supérieurs du capital français, s’avère n’être qu’un panier de crabes, de clans qui s’entre-déchirent, pire, un ramassis d’ambitions personnelles, où chaque chef de bande veut être calife à la place du calife. Chirac en est l’expression la plus aboutie ! Saboteur, traître à ses “amis”, opportuniste, arriviste… Chirac concentre tous les qualificatifs mais surtout les concrétise à merveille !

Clairement, Chirac n’a jamais fait l’unanimité au sein du camp gaulliste. Dès les années 1970, les gaullistes “historiques” s’insurgent contre cet arriviste. Chaban-Delmas, dont la candidature à la présidence de la république sera directement sabotée par Chirac au profit de Giscard d’Estaing, estime que “Chirac n’a découvert le gaullisme qu’en com­ptant les sièges de l’Assemblée”. De même, le ministre Robert Boulin, en 1974, qualifie son arrivée à la tête de l’UDR de “hold-up” et il n’est pas exclu que cette confrontation lui ait été facturée au prix fort : il sera en effet “suicidé” en 1979. Certains avancent que le Service d’action civique (SAC), officine gaulliste de barbouzes aurait commandité l’assassinat dans la crainte que Boulin ne dévoile le réseau de fausses factures participant au financement du RPR.

Pour autant, son appui à la fraction libérale de la bourgeoisie française, la plus à même d’être l’alternative cohérente au gaullisme déclinant, n’est que de circonstance. Dès 1976, il quitte son poste de Premier ministre avec fracas et dénonce dans la foulée le “parti de l’étranger”, c’est-à-dire l’UDF en accusant le parti de Valéry Giscard d’Estaing d’agir au nom de l’Europe et “contre les intérêts de la France” ! En 1995, c’est encore le clan autour de Chirac qui empêche la victoire de Balladur, alors que celui-ci représentait une possible transition permettant à la bourgeoisie française de se débarrasser des fractions gaullistes les plus rétrogrades et archaïques.

En 1997, la dissolution du parlement exigée par Chirac et l’organisation d’élections législatives anticipées échoue du fait que la majorité est de plus en plus discréditée par ses propres divisions. Cela, alors que le but était, dans un tel contexte, de resserrer l’équipe gouvernementale en vue d’accélérer les attaques anti-ouvrières (ce qui aurait pu également permettre au PS de se refaire une santé dans l’opposition).

En 2005, rebelote : en choisissant le référendum pour l’acceptation de la constitution européenne, Chirac prend le risque d’un “vote sanction”, alors qu’il aurait pu faire ratifier la constitution par voie parlementaire comme s’apprête à le faire la bourgeoisie en Allemagne. Le “Non” l’emporte.

Lors des élections présidentielles de 2002, Chirac sera élu massivement contre Le Pen. “Votez escroc, pas facho !” était le slogan repris massivement par les jeunes. Chirac était en effet caricaturé en “Super Menteur” tous les soirs dans une émission satirique à la télé et risquait d’être mis en examen s’il n’était pas réélu : ce n’était pas des casseroles que se trimballait Chirac mais une véritable batterie de cuisine !

Chirac et les affaires

La bourgeoisie est une classe de truands et de “ripoux” avec des mœurs de gangsters aux pratiques mafieuses. Les scandales n’ont cessé d’éclabousser les principaux partis bourgeois en France au cours de ces dernières décennies, à gauche comme à droite. Chirac n’a pas d’exclusivité en pratiques douteuses et clientélistes. Mais il atteint des sommets ! Difficile de faire un listing complet de toutes les affaires auxquelles Chirac est associé :

– Emplois fictifs de la Mairie de Paris : durant son bail à l’hôtel de ville (de 1977 à 1995), Chirac aura distribué les jobs comme on multiplie les pains : 699 “chargés de mission”, reflétant toute sa galaxie affective ou politique.

– L’ “affaire Karachi” : affaire politico-financière impliquant Chirac et Balladur et à l’origine de l’attentat du 8 mai 2002 dans cette ville du Pakistan.

– Affaire Elf : Elf-Gabon est devenue dans les années 1980-1990 la principale caisse noire de l’État français, au profit de chefs d’État africains (la politique impérialiste des réseaux Françafrique oblige !) et de plusieurs partis politiques français, dont le Parti socialiste et le RPR.

– L’affaire des HLM de la ville de Paris en 2006 : un marché de 2,2 milliards d’euros avec commissions destinées à alimenter, de façon occulte, les caisses du RPR. La cassette posthume de Jean-Claude Méry, faux facturier et membre du comité central du RPR, relatant les magouilles de Chirac sera envoyée… aux oubliettes !

– L’affaire de la rénovation des lycées d’Île-de-France entre 1988 et 1995 : un pactole de 24 milliards de francs, contre le reversement occulte de 200 millions à différents partis (tous, sauf le FN et les Verts).

L’ombre de Jacques Chirac plane également sur deux autres feuilletons judiciaires : l’affaire “Clearstream” et l’ “Angolagate”. Il n’est plus question de gros sous, mais de règlements de comptes en coulisses via un cabinet noir de l’Élysée consignant scrupuleusement les boules puantes visant les concurrents de droite comme de gauche.

La pourriture généralisée des mœurs de la classe dominante n’est qu’une des expressions de la décadence de ce système. L’avalanche des coups tordus et les affrontements sans merci témoignent de la violence exceptionnelle des règlements de compte entre les hommes et les clans rivaux au sommet de l’État. Cependant, les “affaires” à répétition du clan Chirac ont régulièrement discrédité l’État français sur la scène internationale, en particulier au sein de l’Europe.

Chirac, “le pacifiste”

Celui qu’on a fait passer pour le chef de file mondial de la cause “anti-guerre” en 2003, n’était en fait qu’un va-t-en-guerre de la pire espèce. Il l’a démontré à plusieurs occasions : au Kosovo en 1999, dans les bombardements sur la Serbie, en Afghanistan en 2001. Le refus de participation à la guerre en Irak en 2003 était une manière de prendre la tête d’une campagne dirigée directement contre les États-Unis. Le véritable objectif de ce vernis “anti-guerre”, c’était de pouvoir affirmer ses propres ambitions impérialistes en cherchant à contrecarrer la domination de l’impérialisme américain sur le Moyen-Orient.

Comble du cynisme, les puissances européennes avaient misé sur une guerre plus longue et meurtrière, sur davantage de résistance dans les populations ou l’armée de Saddam Hussein, sur un exode massif des populations et un grand nombre de réfugiés, espérant ainsi que les méthodes et le manque d’efficacité des États-Unis seraient discrédités.

Son “pacifisme” s’est concrétisé également dans la répression sanglante de la grotte d’Ouvéa. Le 5 mai 1988, sur l’île d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie, des forces spéciales françaises et le GIGN prennent d’assaut une grotte dans laquelle des indépendantistes kanaks détiennent des gendarmes. Au terme de combats très violents, dix-neuf ravisseurs kanaks et deux militaires sont tués. À propos des kanaks, Chirac parlera de “la barbarie de ces hommes, si l’on peut les appeler ainsi”. Sans commentaire…

Chirac et l’immigration

Le portrait de Chirac serait incomplet sans son mépris, sa xénophobie vis-à-vis des prolétaires étrangers. En 1991, sa “compassion” pour les braves Français qui doivent “supporter les bruits et les odeurs” de leurs voisins de palier “musulmans” ou “noirs”, “polygames” et “profiteurs” sera certes dénoncée, mais comme un travers circonstanciel : des mots prononcés “sous l’effet de l’alcool” mais “ne reflétant pas le personnage”. Pourtant Chirac ne faisait que confirmer ce qu’il disait quelque temps auparavant : “Plus on aura d’immigration, plus on aura d’insécurité. Ce n’est pas une question ethnique, mais notre immigration est une immigration bas de gamme. On va vers de graves conflits raciaux qui seront la conséquence du refus des Français d’être envahis par d’autres cultures. Toute race a l’instinct de se préserver”. Un discours clairement xénophobe !

D’ailleurs, c’est sous sa houlette de chef de gouvernement que sont inaugurées en octobre 1988, la politique d’expulsions massives et musclées (exécutées par son ministre de l’intérieur Pasqua) par charters entiers “d’immigrés clandestins” qui devait devenir un modèle repris par tous ses successeurs, des “socialistes” à Macron en passant par Sarkozy.

Chirac et l’écologie

“Notre planète brûle !” La formule prononcée au Sommet de la Terre en 2002 a fait le tour du monde et nous est rappelée aujourd’hui. Chirac aurait été un précurseur en matière d’écologie. Foutaises ! On en rigolerait si le sujet n’était pas si dramatique : l’année de son élection, en 1995, il disait de l’écologie que c’était un “passe-temps pour amateurs de pâquerettes”. Il défendait d’ailleurs systématiquement une agriculture exportatrice et intensive utilisant massivement des pesticides et autres produits chimiques. La Charte de l’environnement, votée en 2005 et utilisée comme feuille de vigne, ne changeait donc rien à l’affaire !

En juin 1995, anniversaire des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, juste après son entrée à l’Élysée, Chirac annonce au son des trompettes la fin des essais nucléaires à Mururoa. Mais cela, après en avoir réalisé six supplémentaires, après 20 ans d’interruption ! De fait, il se souciait de la question écologique comme de sa première chemise.

Voilà donc “l’héritage” de cet “humaniste éclairé”. Loin d’être une grande lumière de la bourgeoisie, il fut un arriviste sans états d’âme, prêt à tout pour exister au sommet du pouvoir.

Stopio, 27 octobre 2019

 

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Vie de la bourgeoisie

Scandale Windrush: une campagne nationaliste orchestrée par la bourgeoisie

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Après 1945, le Royaume-Uni, affaibli par la guerre, dut faire face à sa reconstruction. Ses plus grandes colonies (l’Inde et le Pakistan) ayant obtenu leur indépendance, il ne lui était désormais plus possible d’y puiser des ouvriers corvéables à merci, comme cela avait été le cas lors de la Guerre mondiale de 1939-45.

Celui-ci se tourna donc vers ses colonies outre-Atlantique, les Antilles britanniques, où le taux de chômage était important, afin d’y importer la main-d’œuvre nécessaire à sa reconstruction.

Pour le capital, les migrants sont une marchandise comme les autres

Ainsi, “dès 1946, la Royal Commission on Population propose de faire venir une “population de remplacement” afin de renouveler la population britannique à moyen terme”. (1) Pour cela, le British Nationality Act de 1948 prévoyait l’octroi du statut de “citoyen du Royaume-Uni et des colonies” à toute personne née sur le territoire britannique ou dans une de ses colonies. Il s’agissait de disposer facilement et rapidement d’une main-d’œuvre peu coûteuse. Quelques mois plus tard, le navire Empire Windrush débarquait des Caraïbes avec une main-d’œuvre toute fraîche, prête à être exploitée par le capital national. Jusqu’en 1971, (2) près de 600 000 ouvriers, issus des anciennes colonies et attirés par les promesses d’emploi, de prospérité et de logement, émigrèrent au Royaume-Uni : c’est la “génération Windrush”.

D’emblée, les premiers ouvriers débarqués, alors sans-emploi, furent entassés dans des abris anti-aériens et ce sur leurs propres deniers ! Nombre d’entre eux furent employés par l’État lui-même (la poste, les hôpitaux ou encore les chemins de fer) pour des salaires dérisoires.

Le cas de la “génération Windrush” refit surface en 2010, lorsque Teresa May prit la tête du Home Office avec l’objectif de durcir la politique migratoire du pays. Celle qui déclarait en 2012, vouloir “instaurer en Grande-Bretagne un climat particulièrement hostile pour les migrants illégaux”, organisa dès son arrivée au ministère la destruction des tickets d’embarquement (3) prouvant que les travailleurs de la “génération Windrush” étaient arrivés au Royaume-Uni avant 1971, afin de lancer une chasse aux migrants devenus “illégaux”. Les employés du ministère eurent d’ailleurs pour ordre, en cas de demande de confirmation des dates d’arrivée sur le territoire par les migrants de la “génération Windrush”, de répondre qu’il n’existait pas de telles données.

Nombre de ces immigrés, ainsi que leurs descendants, furent alors dans l’incapacité de prouver que leur présence sur le territoire était “régulière”. Menacés d’expulsion, ils perdirent aussitôt leur emploi, l’accès aux soins et leur logement, puis furent expédiés dans des centres de détention, en attendant leur renvoi vers leur pays de naissance.

Le scandale éclate en novembre 2017, alors que May est devenue Premier ministre, et met momentanément un coup d’arrêt aux expulsions. Teresa May et Amber Rudd, la ministre de l’Intérieur (qui servira finalement de fusible et sera évincée) présentent leurs excuses en avril 2018 et promettent une compensation financière et une naturalisation d’office pour toute la “génération Windrush”.

Pourtant, la bourgeoisie continue encore aujourd’hui d’expulser ces ouvriers. En effet, malgré les promesses de May, et de toute la bourgeoisie britannique, une trentaine d’ouvriers ont encore été expulsés vers la Jamaïque en février dernier, alors que leurs demandes de régularisation étaient toujours à l’étude, et ce à cause de leur casier judiciaire.

Derrière les campagnes xénophobes et humanitaires : le nationalisme

En réalité, l’État a profité de tous ces événements pour mener sous deux angles d’attaque des campagnes nationalistes contre la classe ouvrière.

Dans un premier temps, de nombreuses campagnes xénophobes ont émergé, en lien avec la politique hostile et très offensive déclenchée par May à l’encontre des travailleurs caribéens et leurs descendants. Elle espérait en effet qu'un certain nombre d'immigrants “indésirables” et leurs descendants quitteraient “volontairement” le territoire britannique. Son “environnement hostile” est d’emblée mis sur pied grâce à la nouvelle loi sur l’immigration : pour travailler, louer un logement ou accéder à des prestations sociales et médicales, il faut désormais montrer ses papiers. Les propriétaires ont alors l’obligation de vérifier le statut migratoire de leurs potentiels locataires, sous peine de se voir infliger une amende et d’écoper de 5 ans de prison. Les médecins sont également incités à dénoncer les patients qui ne seraient pas en situation “régulière”. Le ministère de l’Intérieur utilise d’ailleurs les données du National Health Service pour traquer les “délinquants en matière d’immigration”, et ainsi, “empêcher que les personnes sans droit aux prestations et services y aient recours, et ce aux frais du contribuable britannique”, explique un porte-parole du gouvernement. Cette ambiance de terreur, conséquence de l’immonde campagne de May, est poussée à son paroxysme lors de la campagne officielle anti-immigrés, mise en œuvre en 2013 par le gouvernement tory, cultivant la suspicion en cherchant à induire et attiser la xénophobie au sein de la classe ouvrière. Le ministère de l’Intérieur avait en effet pour projet de faire circuler des camions publicitaires dans tout le pays avec un slogan qui n’était pas autre chose qu’un appel à la délation : “In the UK illegally ? Go home or Face arrest”, autrement dit : “En situation illégale au Royaume-Uni ? Rentrez chez vous, ou faites face à une arrestation”. Durant six semaines, mi 2013, plusieurs véhicules ont donc sillonné Londres et ses alentours, mais, loin de rencontrer le succès escompté, le gouvernement a dû renoncer à cette campagne.

Face à l’indignation qu’a suscitée cette ignoble politique, la bourgeoisie britannique s’est vue dans l’obligation de retourner sa veste et d’orienter différemment le débat sur l’immigration. C’est May, elle-même, qui a impulsé une campagne qui se voulait plus “humaine”, forme plus pernicieuse de campagne nationaliste. Après avoir mis à la rue et expulsé un certain nombre d’ouvriers “Windrush”, le gouvernement May a décidé d’instaurer un hypocrite Windrush Day qui sera l’ “occasion annuelle de se souvenir du travail acharné et du sacrifice de la génération Windrush”. Le Windrush Day, objet de multiples célébrations officielles, se voit également doté d’un fonds spécial de 500 000 livres sterling, dans le but proclamé de rendre justice à ces travailleurs qui “ont traversé l’océan pour construire un avenir pour eux-mêmes, pour leurs communautés et surtout pour le Royaume-Uni, le pays qui sera toujours le leur”. Alors que ce sont ces mêmes travailleurs qui aujourd’hui, continuent d’être menacés d’expulsion.

Ce scandale et cette nouvelle facette de la campagne nationaliste ont permis à la bourgeoisie britannique de diriger la classe ouvrière sur un terrain totalement pourri, en insi­nuant que les migrants se classent en deux catégories distinctes : ceux qui sont utiles (pour le capital), et ceux qui “profitent” indûment de la “générosité” de la nation.

La bourgeoisie a donc instrumentalisé l’indignation suscitée par la situation scandaleuse de la “génération Windrush”, occultant ainsi que ce même traitement est réservé à des millions de migrants dans le monde. Pendant que le gouvernement britannique légalise plus ou moins la situation des travailleurs qui “ont contribué à construire notre pays”, il laisse crever des Asiatiques dans des camions, contraints de prendre toujours plus de risques face aux murailles physiques et administratives que May et consorts ont dressées ! Sous ses airs hypocritement humanistes, la bourgeoisie cherche encore à diviser la classe ouvrière.

Que son discours soit ouvertement xénophobe ou prétendument plus humain, les frontières nationales de la bourgeoisie demeurent. Le gouvernement britannique peut bien instaurer son jour de commémoration, les morts continueront à s’échouer sur les barbelés comme sur les rivages. Seule la classe ouvrière, dans son combat pour le communisme, est en mesure de détruire ces frontières meurtrières en mettant fin au capitalisme.

Olive, 1er novembre 2019

 

1) “Royaume-Uni : il y a 70 ans, les débuts de la génération Windrush”, RFI (30 avril 2018).

2) À compter de 1971, le Royaume-Uni n’ayant plus besoin de ce type de main-d’œuvre, la loi migratoire évolue ; seuls les citoyens du Commonwealth résidant déjà au Royaume-Uni obtiennent le droit de rester sur le territoire britannique de manière permanente.

3) Aucun des travailleurs de la “génération Windrush” ne possédait de papier officiel attestant de leur nationalité, à l’exception des tickets d’embarquement détenus par le ministère de l’Intérieur.

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Barbarie du capitalisme

Lubrizol: Derrière l’écran de fumée, la responsabilité du capital !

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Le 26 septembre à 2h40 du matin, Lubrizol, usine de produits chimiques classée Seveso, prend feu. Un épais nuage de fumées noires de 20 km de long envahit le ciel rouennais. À 7h00, les premières sirènes d’alertes à la population retentissent. 8h00, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, déclare sans sourciller : “Il n’y a pas d’éléments qui permettent de penser que les fumées seraient dangereuses”, comme si un incendie de 9050 tonnes de composés chimiques divers et variés pouvait être inoffensif ! Et le gouvernement de multiplier les fumisteries : “À ce stade, les mesures n’ont pas permis de voir des polluants préoccupants” (d’Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire !). “Nous sommes à un état habituel de la qualité de l’air à Rouen” (Pierre-André Durand, préfet de Seine Maritime) et de compléter quelques jours plus tard “ça ne veut pas dire que l’état de l’air habituel à Rouen est bon”… apprécions l’ironie de la déclaration !

Tandis que de nombreuses plaintes pour migraines, nausées, étourdissements (y compris au sein des forces de l’ordre que l’État lui-même n’a pas pris soin de protéger en les envoyant sans masque au plus fort de l’incendie), le Premier ministre Édouard Philippe (r)assure de nouveau : “Dès que [les analyses] seront réalisées, nous communiquerons l’ensemble des résultats. Je vous dis simplement ce que disent les analyses qui m’expliquent qu’elles ne sont pas nocives mais qu’elles sont gênantes”. Dans le même temps, un toxico-chimiste (le professeur André Picot) déclare : “les analyses livrées par la préfecture sont hors de propos”. Selon lui, “ce qui est recherché […] ce sont des produits classiques comme le dioxyde d’azote qu’émettent les moteurs diesel. Donc vous ne risquez pas de trouver des taux dans l’air différent de la normale. Il faudrait savoir exactement ce qui a brûlé au sein de l’entreprise”. (1) Il rajoutera plus tard que ce qui est bien plus préoccupant que la liste des composés qui ont brûlé, ce sont les réactions chimiques que peut provoquer le mélange de ces composés lors de l’incendie. D’autant plus que près de 80 tonnes de ces composés sont “sans papier”, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de “fiche d’identité fournie par Lubrizol”. (2)

Face à ce battage médiatique, les réactions dans la rue ne se font pas attendre. Des enseignants exercent leur droit de retrait. Des manifestations ont régulièrement lieu. Un mois après la catastrophe, les habitants sont toujours autant en colère face aux mensonges éhontés et aux faux-semblants de l’État.

Le 22 octobre, le patron de Lubrizol déclare toujours que ce qui a brûlé à Rouen n’est “pas plus toxique qu’un incendie de maison” ! Aujourd’hui, l’État parle d’indemnisations, de compensations pour les entreprises ou les agriculteurs ainsi que pour des habitants de certains quartiers ou communes. Mais le panache de fumée, s’il a duré moins de 24h de manière visible, s’est en réalité volatilisé plus haut dans l’atmosphère pour ensuite être dispersé par les vents jusqu’en… Belgique. Les retombées de cet incendie sont donc bien plus importantes que ce que le gouvernement nous laisse entendre. Lui se préoccupe des stocks de denrées du port de Rouen qui ont été impactées par les fumées, des pertes économiques, de la perte d’attractivité de la région… pas de la santé des personnes touchés par toutes les toxines et autres polluants.

Et ce n’est pas nouveau ! Ce sont bien les États et les patrons qui, main dans la main, œuvrent à obtenir toujours plus de profits en faisant fi des contraintes sécuritaires minimum. C’est l’État français qui a voté, en août 2018, la loi ESSOC (loi pour un État au Service d’une Société de Confiance) permettant la simplification des contrôles. Loi qui a directement permis au patron de Lubrizol, via l’autorisation du préfet, d’augmenter ses capacités de production (plus 1598 tonnes) et de stockage (plus 600 tonnes) dès janvier 2019, “en contournant le plus légalement du monde l’autorité environnementale, laquelle a pour mission de mener sur ce genre d’équipement des études de danger décisives”. (3) Ce sont les États qui, pour permettre l’accumulation, défendent par tous les moyens les intérêts du capital national et ce au détriment des exploités et de la planète. Et ce sont ces mêmes États qui jurent la main sur le cœur se préoccuper de l’écologie en jouant les mêmes rengaines à chaque nouvelle catastrophe depuis des décennies :

– 1976, Seveso en Italie, pollution chimique. Un nuage d’herbicide, contenant de la soude caustique et de la dioxine, s’est échappé durant vingt minutes d’un réacteur d’une usine chimique. Cette catastrophe a donné son nom à la directive “Seveso” (série de directives européennes qui imposent aux États membres de l’Union européenne d’identifier les sites industriels présentant des risques d’accidents majeurs).

– 1978, pollution du Love Canal, banlieue proche des chutes du Niagara aux États-Unis : 21 000 tonnes de produits toxiques sont découverts à proximité de l’usine Hooker Chemical. La zone est à l’heure actuelle toujours interdite !

– 1979, accident nucléaire de Three Mile Island aux États-Unis.

– 1984, explosion d’une usine de pesticides à Bhopal en Inde. Bilan : plusieurs milliers de morts, 300 000 malades et une zone d’habitation toujours sinistrée par la pollution des sols et de la nappe phréatique.

– 1986, explosion d’un réacteur nucléaire à Tchernobyl en ex-URSS : l’État ne pouvait plus entretenir l’infrastructure. Heureusement, la radioactivité n’a jamais franchi la barrière naturelle des Alpes ! (4)

– 2011, catastrophe nucléaire à Fukushima au Japon : les infrastructures construites sur une zone sismique n’ont pas résisté à un tremblement de terre. Aujourd’hui encore, aucune solution n’a été trouvée !

– 2015, Tianjin en Chine : explosion meurtrière d’entrepôts de stockage de produits chimiques : 114 morts, 720 blessés, 700 tonnes de cyanure de soude déversés, et une zone urbaine à l’heure actuelle toujours polluée. (5)

Sans compter les ravages engendrés par de nombreuses marées noires : en 1978 sur les côtes bretonnes, en 1989 en Alaska, en 1999 à nouveau sur les côtes bretonnes, en 2002 sur les côtes de la Galice en Espagne, en 2010 en Louisiane aux États-Unis…

Les beaux discours de la bourgeoisie sur l’environnement n’ont jamais rien changé et ne changeront jamais rien à la course au profit d’un capitalisme toujours plus moribond. Seule la révolution prolétarienne peut mettre un terme à ce cycle sans fin de catastrophes et faire vivre l’humanité en harmonie avec l’environnement car, comme l’écrivait Engels dans sa Dialectique de la nature : “les faits nous rappellent à chaque pas que nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger, comme quelqu’un qui serait en dehors de la nature, mais que nous lui appartenons avec notre chair, notre sang, notre cerveau, que nous sommes dans son sein et que toute notre domination sur elle réside dans l’avantage que nous avons sur l’ensemble des autres créatures de connaître ses lois et de pouvoir nous en servir judicieusement”.

Manon, 1er novembre 2019

 

1) “Incendie de l’usine Lubrizol : ‘Les analyses livrées par la préfecture sont hors de propos’”, Paris-Normandie (30 septembre 2019).

2) “La com’ toxique de l’État à Rouen”, Le canard enchaîné (9 septembre 2019).

3) “Une fumée, des fumeux”, Le canard enchaîné (2 octobre 2019).

4) “Après Tchernobyl, Fukushima… ce ne sont pas les atomes qui sont à craindre, mais le capitalisme”, Révolution internationale n° 422 (mai 2011).

5) “Explosion meurtrière de Tianjin (Chine) : apprendre de tout, ne rien oublier !”, Révolution internationale n° 454 (septembre-octobre 2001).

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Crise écologique

90 ans après la crise de 1929: Le capitalisme en décadence peine de plus en plus à endiguer la surproduction

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Il y a 90 ans, le krach boursier d’octobre 1929 qui annonçait la crise économique des années 1930 venait confirmer ce que la Première Guerre mondiale avait signifié, à savoir que le capitalisme était définitivement entré dans sa période de décadence. En quelques mois, des dizaines et des dizaines de millions de personnes allaient tomber dans un dénuement total. Bien-sûr, depuis cette période, la bourgeoisie a appris à atténuer la violence de la crise mais, malgré les leçons qu’elle a pu en tirer, cette crise n’a jamais été surmontée. Cela confirme que dans la période ouverte par la Première Guerre mondiale, les contradictions du capitalisme ne pouvaient qu’amener à la dégradation des conditions d’existence de la très grande majorité de l’humanité.

Une crise d’ampleur mondiale

La crise de 1929 correspond, sans aucune ambiguïté, au diagnostic qu’avaient fait Marx et Engels dans le Manifeste du Parti communiste au sujet des crises que connaissait déjà le capitalisme au XIXe siècle : “Une épidémie sociale éclate, qui, à toute autre époque, eût semblé absurde : l’épidémie de la surproduction”. Un tel diagnostic est d’autant plus vrai quand on se rend compte que la crise de 1929 n’a pas éclaté avec le krach boursier des 24 et 29 octobre 1929, mais que la situation du capital se dégradait avant ces dates dans de plus en plus de secteurs et de pays.

Ainsi, aux États-Unis, la production des secteurs de la construction et de l’automobile baissait depuis mars 1929, baisse qui s’est généralisée à l’ensemble de l’économie pendant l’été de la même année. Par ailleurs, l’activité économique en général était à la baisse dans les pays européens qui ont eux-mêmes connus le krach boursier avant les États-Unis ; dans ces conditions, la spéculation à la hausse à la bourse de New York ne pouvait que se heurter à la diminution des profits et finir par un krach.

Cette baisse de l’activité économique dans les pays centraux du capitalisme avait pour cause, d’une part, la surproduction mondiale des produits agricoles depuis le milieu des années 1920, ce qui impliquait une baisse de revenus dans l’agriculture et, d’autre part, la faiblesse persistante des salaires qui avaient augmenté beaucoup moins que la production dans l’ensemble des pays industrialisés. Une telle dynamique vérifie totalement la cause de la surproduction qu’avait identifiée Marx : “la raison ultime de toutes les crises réelles, c’est toujours la pauvreté et la consommation restreinte des masses, face à la tendance de l’économie capitaliste de développer les forces productives, comme si elles n’avaient pour limites que le pouvoir de consommation absolu de la société”. (1)

Bien sûr, le krach boursier va amputer sévèrement les réserves du capital financier et provoquer la faillite de grandes banques comme la Bank of The United States, aggravant ainsi la surproduction car il devenait de plus en difficile de financer l’accumulation du capital. S’ensuivit une chute drastique de l’investissement venant surajouter une surproduction massive de biens de production à la tendance générale existant depuis plusieurs années. Cette dynamique a provoqué une accélération rapide de la chute de la production industrielle. Dans le même sens, du fait des relations financières et commerciales internationales, l’aggravation de la crise va être mondiale. Il faut signaler que c’est dans les deux pays les plus développés, à savoir les États-Unis et l’Allemagne, que la diminution de l’activité va être la plus profonde et la plus rapide.

Pourtant, pendant les premiers mois qui ont suivi le krach, la bourgeoisie et la plupart de ses économistes, aveuglés par l’idée que le système capitaliste est éternel, pensaient avec le président des États-Unis, Hoover, que “tout serait terminé en soixante jours” et que comme dans les crises du XIXe siècle, la reprise économique surviendrait spontanément. La violence de la crise a provoqué un profond désarroi au sein de la classe dominante mais, puisqu’il s’agissait d’abord de maintenir un minimum de profit, la réaction des entreprises a été de licencier massivement et de diminuer les salaires. Les États, quant à eux, malgré des hésitations, tentèrent de garder leur crédibilité financière en maintenant l’équilibre budgétaire par la diminution des dépenses publiques. C’est ainsi que fut menée aux États-Unis une politique de réduction de la masse monétaire et de hausse massive des impôts directs et indirects votée en juin 1932 ; en Allemagne, le chancelier Brüning, surnommé le chancelier de la faim, a augmenté les impôts, baissé les salaires des fonctionnaires de 10 % et les indemnités des chômeurs dès 1930 ; puis, dans ce même pays, des mesures encore plus dures furent prises contre les chômeurs en juin 1931 ; en France, dès 1933, les différents gouvernements baissèrent les dépenses publiques, les retraites et les salaires des fonctionnaires et en 1935 ces mêmes salaires furent amputés de 15 % puis de 10 %.

L’autre orientation adoptée par les États a été de protéger l’économie nationale par le protectionnisme : tous les pays ont emboîté le pas des États-Unis dont le Congrès avait voté, avant le krach d’octobre 1929, la loi Smoot-Hawley qui augmentait les droits de douane de 50 %. En fait, les années 1930 ont vu une véritable guerre commerciale et monétaire se développer entre les grandes puissances. En particulier, le flottement de la valeur de la Livre Sterling et sa dévaluation de plus de 30 % décidée en septembre 1931 ainsi que celle du dollar d’un montant de 40 % en 1933 montrent que chaque grande puissance, à l’image du Royaume-Uni et du Commonwealth qui décrètent la préférence impériale pour leur commerce extérieur, se repliait sur sa zone d’influence.

La mise en œuvre d’une telle politique révèle que la bourgeoisie n’avait pas compris que, contrairement à la période qui précède la Première Guerre mondiale, le capitalisme, qui était alors dans sa période ascendante, n’avait plus les moyens de juguler la surproduction vers laquelle poussent irrémédiablement ses contradictions. Dans cette période, les crises avaient débouché sur de nouvelles phases de croissance parce que le marché mondial était encore ouvert et permettait donc aux capitaux nationaux les plus modernes et dynamiques de trouver de nouveaux marchés qui permettaient de surmonter les problèmes cycliques de surproduction. Comme l’a montré Rosa Luxembourg, la Première Guerre mondiale était la manifestation du fait que le marché mondial était globalement partagé entre les grandes puissances et qu’il n’y avait plus assez de nouveaux marchés à conquérir. Ceci impliquait que l’issue de la crise ne pouvait être que la destruction du capitalisme par la classe ouvrière ou l’éclatement d’une nouvelle guerre mondiale. En conséquence, les politiques des États, inspirées par la situation du siècle précédent, dans les trois ou quatre premières années qui ont suivi le krach d’octobre 1929 n’ont même pas permis de diminuer l’impact de la surproduction ; au contraire, elles l’ont aggravé.

De fait, comme le dit l’économiste Kindleberger, ces années ont été “un glissement vers l’abîme”. Entre l’automne 1929 et le premier trimestre 1933, le PNB des États-Unis et de l’Allemagne a été divisé par deux, le niveau moyen des prix mondiaux a baissé de 32 %, le volume du commerce mondial a diminué de 25 %. Une telle dégradation de l’activité économique provoqua la chute des profits, ce qui explique qu’en 1932, l’investissement brut aux États-Unis était proche de zéro. En d’autres termes, beaucoup d’entreprises ne remplacèrent pas leurs machines usées. Comme l’avait dit Keynes, au-delà d’un certain niveau de baisse des prix et donc de pertes, les entreprises ne peuvent plus rembourser leurs dettes et les banques ne peuvent que s’effondrer ; et c’est bien ce qui s’est passé. Des grandes banques firent faillite dans tous les pays. Le 13 mai 1931, le KreditAnstaldt (2) était en cessation de paiements ; en juillet de la même année, la grande banque allemande Danatbank était aussi en situation de faillite et, du fait de la panique bancaire, toutes les banques allemandes fermèrent pendant trois jours ; aux États-Unis, au début 1932, le nombre de faillites bancaires était tel que Roosevelt, fraîchement élu Président, fut obligé de fermer l’ensemble du système bancaire (plus de 1 000 banques ne rouvriront jamais !).

Les conséquences pour la classe ouvrière furent terrifiantes : le chômage augmentait dans tous les pays : à la fin de 1932, le chômage atteignit au moins 25 % aux États-Unis (alors que, dans ce pays, il n’y a aucun secours pour les chômeurs) et 30 % en Allemagne. (3) Une grande partie des ouvriers travaillaient à temps partiel dans un total dénuement ; les allocations chômage furent diminuées en Allemagne et en Grande-Bretagne ; les files d’attente de gens hagards, presque en haillons, pour une soupe populaire, s’allongèrent, alors qu’étaient détruites des tonnes de marchandises invendables. Au Brésil, on en vint même à brûler les stocks de café dans les locomotives ! Enfin, les augmentations des impôts vinrent torpiller davantage une classe ouvrière paupérisée.

Quelles leçons la bourgeoisie tire de la crise de 1929 ?

L’effondrement de l’économie mondiale a obligé la classe dominante et certains de ses experts à remettre en cause leurs vieux préceptes libéraux de non-intervention de l’État et du respect de l’équilibre budgétaire et à se rendre compte que la cause de la crise était la surproduction que la bourgeoisie a habilement rebaptisée, avec la théorie de Keynes, “insuffisance de la demande”.

Pour stopper l’effondrement du capital, il s’est d’abord agi pour les États de prendre en mains l’appareil productif, quelquefois directement, comme ce fut le cas en France pour le transport ferroviaire ou en Grande-Bretagne pour les transports londoniens ou le transport aérien. Mais surtout, cette prise en mains par l’État a consisté dans le fait de contraindre l’ensemble des entreprises, par la réglementation, d’adopter des gestions conformes aux intérêts du capital national : c’est cela le contenu du fameux New Deal du Président Roosevelt aux États-Unis ou du plan De Man en Belgique. Aux États-Unis, par le Banking Act, l’Administration américaine a créé un organisme d’assurance auquel les banques devaient adhérer pour recevoir des fonds de la Banque centrale (la FED). Une autre loi organisait le soutien des prix agricoles en proposant des indemnités aux agriculteurs s’ils réduisaient les surfaces cultivées. Dans l’industrie, le NIRA demandait aux branches industrielles de s’organiser (en Allemagne, ce furent les corporations qui en furent chargées) pour fixer des quotas de production et les prix de vente des entreprises ; par ailleurs, il accordait le droit aux syndicats de signer des conventions collectives, ce qui d’ailleurs permettait à ces derniers d’accroître leur emprise sur la classe ouvrière. De telles lois (que l’on retrouvait de manière analogue dans les autres pays comme en France sous le Front Populaire) n’ont pas amélioré les salaires puisque les prix augmentaient davantage. Pour diminuer la surproduction, ces lois visaient non seulement à réduire la production mais aussi à relancer la demande par le déficit budgétaire. C’est ainsi que le NIRA a organisé une politique de grands travaux publics comme l’assainissement de la vallée des Appalaches, la construction du Triborough Bridge à New York ou encore l’aménagement de nombreux barrages dans la vallée du Tennessee. On retrouve la même volonté en Allemagne dès 1932 avec la construction d’autoroutes, le creusement de canaux, l’assainissement de certaines zones géographiques. Accroître artificiellement la demande tout en renforçant le contrôle sur la classe ouvrière fut aussi l’objectif de la bourgeoisie britannique dans le fait de réintroduire des allocations de chômage, puis un régime de retraite et de stimuler la construction de logements.

Le développement de l’emprise de l’État sur le capital qui s’est mis en place de manière assez chaotique dans les années 1930 va avoir un grand avenir. Il va même être théorisé dans ce que l’on a appelé le keynésianisme. Le contrôle de l’ensemble du capital par l’État en utilisant toute une série de moyens (de la nationalisation au soutien par des organismes publics aux entreprises) va être de plus en plus systématique. L’endettement de plus en plus massif (impulsé par l’État) de toute l’économie, ainsi que la pratique de déficits publics vont continuellement se développer dans le but d’atténuer les effets de la surproduction. De même, la mise en place après la Seconde Guerre mondiale de “l’État providence”, prolongeant ce qui avait été fait dans les pays de l’Europe de l’Ouest dans les années 1930, va constituer un régulateur de la demande tout en étant un instrument de contrôle idéologique de la classe ouvrière. Comme cela s’est passé dans les années 1930, le déploiement de tous ces moyens va permettre à l’État d’étaler dans le temps les effets de la surproduction. Mais en aucun cas, la bourgeoisie ne peut résoudre la crise et surmonter réellement la surproduction.

Aujourd’hui, la crise du système capitaliste continue à s’approfondir, même si c’est à un rythme bien plus lent que dans les années 1930. Elle confirme que le capitalisme d’État n’est pas un moyen permettant de mettre fin à la surproduction, celle-ci étant inhérente au capitalisme. En fait, la réponse du capital à la crise est elle-même une expression de la sénilité du mode de production capitaliste qui ne cesse de s’affermir. Elle ne permet que la gestion en vue de limiter les effets de sa crise permanente : cela, au prix de contradictions de plus en plus aiguës et destructrices.

 

Vitaz, 8 octobre 2019

 

1) Marx, Le Capital chapitre XVII

2) Banque dans laquelle est concentré le capital financier autrichien.

3) Certaines statistiques publiées par la bourgeoisie donnent des chiffres beaucoup plus élevés.

Questions théoriques: 

  • L'économie [10]

Rubrique: 

Crise économique

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