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Révolution Internationale n°459 - juillet août 2016

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[1]
  • Que défend le livre "On Vaut Mieux Que Ça" ? [2]
  • La politique allemande et le problème des réfugiés : un jeu dangereux avec le feu [3]

Lutter contre tous les nationalismes!

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“En outre, on a accusé les communistes de vouloir abolir la patrie, la nationalité. Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut leur ravir ce qu’ils n’ont pas” (Le Manifeste communiste, 1848).

Le capitalisme, le système d’exploitation qui domine toute la planète, ne peut se maintenir par la seule force et la violence. Il ne peut se passer de la puissance de l’idéologie – la production sans fin d’idées qui renversent le rapport à la réalité pour faire croire aux exploités qu’ils ont tout intérêt à soutenir ceux qui les exploitent. Il y a exactement cent ans, des centaines de milliers d’ouvriers en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne ont payé de leur vie la croyance à ce grand mensonge de la classe dominante : les ouvriers doivent “se battre pour leur pays”, ce qui veut dire tout simplement se battre et mourir pour les intérêts de la classe dominante.

Les massacres horribles de la Première Guerre mondiale ont démontré une fois pour toutes que le nationalisme est l’ennemi idéologique le plus mortel de la classe ouvrière.

Aujourd’hui, après des décennies d’attaques contre les conditions de vie, le démantèlement de pans entiers de l’industrie et l’exode massif de populations entières, après des décennies de crise économique et de programmes d’austérité, et aussi après toute une série de luttes défaites, la classe ouvrière est soumise à un déversement de poison nationaliste sous la forme des campagnes populistes de Trump aux États-Unis, de Le Pen en France, des “pro-Brexit” en Grande-Bretagne et de divers politiciens dans beaucoup d’autres pays. Ces campagnes s’appuient ouvertement sur une colère et une désorientation réelles au sein de la classe ouvrière, sur une frustration croissante à cause du manque d’emplois, de logements, de soins et sur des sentiments très répandus d’impuissance face à la globalisation et aux puissances impersonnelles du capital. Ces campagnes cherchent surtout à empêcher les ouvriers de se mettre à réfléchir de façon critique sur les véritables origines de tous ces problèmes. Au contraire, la fonction du populisme est de contrer toute tentative pour comprendre un système social complexe et apparemment mystérieux qui gouverne nos vies, de proposer une solution beaucoup plus simple : trouver quelqu’un sur qui rejeter la faute.

C’est la faute aux “élites”, hurlent-ils : les banquiers cupides, les politiciens corrompus, les bureaucrates qui dirigent l’Union européenne dans l’ombre et nous étouffent avec des règlements et la paperasserie. Tous ces personnages font certes bel et bien partie de la classe dominante et jouent leur rôle dans l’augmentation de l’exploitation et la destruction des emplois. Mais l’idée selon laquelle “c’est la faute aux élites” ne provient pas de la conscience de classe, elle en est au contraire un complet dévoiement. On peut démonter la supercherie en posant la question : qui sont ceux qui veulent nous vendre ce nouvel “anti-­élitisme” ? Il suffit de voir Donald Trump, les dirigeants de la campagne du Brexit ou les médias qui les soutiennent, pour constater que cette espèce d’anti-élitisme est l’œuvre d’une autre partie de l’élite elle-même. Dans les années 1930, les nazis se sont servis d’une escroquerie analogue, prenant comme boucs-émissaires une supposée “élite internationale de financiers juifs”, sur qui ils rejetaient toute la responsabilité des effets dévastateurs de la crise économique mondiale, afin d’attirer les ouvriers derrière une fraction de la classe dominante qui prétendait défendre les “véritables intérêts de l’économie nationale”. Josef Goebbels, le ministre de la propagande nazie, a dit une fois que “plus un mensonge est gros, plus il a de chances d’être cru”. Et quand des politiciens de l’acabit du milliardaire Trump prétendent défendre “le petit peuple” contre l’élite, il s’agit là d’un mensonge digne de la propagande de Goebbels lui-même.

Mais cette nouvelle campagne nationaliste ne vise pas seulement une fraction parmi les riches, elle cible surtout les couches les plus opprimées de la classe ouvrière elle-même, les victimes les plus immédiates de la crise économique capitaliste, de la barbarie impérialiste et de la destruction de l’environnement. Elle vise notamment la masse des migrants économiques et des réfugiés, poussés vers les pays capitalistes centraux, à la recherche d’un refuge face à la pauvreté et aux tueries de masse. Une autre solution “simple” est proposée par les populistes : si on pouvait les empêcher de venir, si on pouvait les “mettre dehors”, les ouvriers “natifs” auraient plus de chances de trouver un emploi et un logement. Mais ce bon sens commun apparent cache le fait que le chômage et le manque de logements sont les produits du fonctionnement du système capitaliste mondial, des “forces du marché” qui ne peuvent être bloquées par des murs ou des gardes-frontières. En réalité, les migrants et les réfugiés sont les victimes du capitalisme au même titre que les prolétaires des vieilles régions industrielles réduits au chômage par les fermetures d’usines ou les délocalisations qui transfèrent la production de l’autre côté du monde où la main-d’œuvre est moins chère.

Face à un système d’exploitation qui est par nature planétaire, les exploités ne peuvent se défendre qu’en s’unissant au-delà et contre toutes les divisions nationales, en forgeant une puissance internationale face à la puissance internationale du capital. La tactique qui consiste à diviser pour mieux régner, utilisée par tous les partis et toutes les factions capitalistes, poussée à l’extrême par les populistes, va directement à l’encontre de ce besoin. Quand une partie de la classe ouvrière se laisse convaincre de rejeter la responsabilité de ses problèmes sur d’autres ouvriers, quand elle pense que ses intérêts sont défendus par des partis qui exigent des mesures fortes contre l’immigration, elle abandonne toute possibilité de se défendre et elle affaiblit la capacité de résistance de la classe ouvrière dans son ensemble.

Les fausses alternatives au populisme

Derrière la rhétorique anti-immigrés des populistes existe une vraie menace de violence et de pogrom. Dans des pays comme la Grèce ou la Hongrie, la haine toxique des “étrangers”, la montée de l’islamophobie et l’antisémitisme ont engendré des groupements carrément fascistes qui sont prêts à terroriser, à assassiner les migrants et les réfugiés : Aube dorée en Grèce, Jobbik en Hongrie, etc., la liste serait encore longue. Depuis la victoire du Brexit en Grande-Bretagne, nous avons assisté à une recrudescence d’attaques, de menaces et d’insultes racistes et xénophobes, par exemple contre les Polonais et autres immigrants de l’UE, ainsi qu’à l’encontre des Noirs et des Asiatiques. Les courants les plus ouvertement racistes sentent ainsi que le moment est venu de faire davantage entendre leur propagande nauséabonde.

Mais l’exemple de la Grande-Bretagne montre qu’il existe également une fausse alternative au populisme qui “reste”1 prisonnière de l’idéologie capitaliste. La situation politique chaotique créée par la victoire du Brexit (que nous analyserons dans un autre article), la menace croissante à l’encontre des ouvriers immigrés, ont poussé beaucoup de gens bien intentionnés à voter pour le remain et à participer, suite au référendum, à des manifestations importantes en faveur de l’UE. Nous avons même vu des anarchistes paniqués face aux expressions ouvertes de racisme encouragées par la campagne pour le Brexit, oublier leur opposition aux élections capitalistes pour finalement voter en faveur du remain.

Voter ou manifester en faveur de l’UE est une autre façon de rester ligoté par la classe dominante. L’UE n’est pas une œuvre charitable mais bien une alliance capitaliste qui impose l’austérité sans merci à la classe ouvrière, comme on peut le voir clairement à travers les exigences imposées aux ouvriers grecs (cela en contrepartie de fonds par l’UE à l’économie grecque en faillite). L’UE n’est certainement pas un gentil protecteur des migrants et des réfugiés. Elle est en faveur de la libre circulation de la main-d’œuvre lorsque cela convient à la rentabilité et elle est tout autant capable de construire des murs de barbelés quand les réfugiés et les migrants sont trop nombreux pour ses besoins, négocie des arrangements sordides pour renvoyer ces réfugiés dont elle ne peut se servir vers les camps dont ils essaient de s’échapper – comme elle l’a fait par son accord récent avec la Turquie.

La tour de Babel nationaliste et le mensonge de la démocratie bourgeoise

La division entre les pro et anti-UE va au-delà de la division politique traditionnelle bourgeoise entre gauche et droite. La campagne pour rester (remain) dans l’UE a été menée par une fraction du Parti conservateur et soutenue officiellement par une majorité des Travaillistes et par le SNP2 en Écosse. La gauche était également divisée entre les pro et anti-UE. Corbyn3 défendait le remain, mais son point de vue idéologique trouve ses origines chez les Travaillistes traditionnels partisans d’une “Grande-Bretagne socialiste”, c’est-à-dire d’un îlot de capitalisme d’État autarcique. Il était évident qu’il soutenait la campagne pour Rester avec peu d’enthousiasme. Ses supporters dans le Socialist Workers’ Party4 et autres groupes semblables soutenaient le “Left Exit” (sortie à gauche), un reflet caricatural du camp Brexit. Cette tour de Babel des nationalismes, qu’ils soient pro ou anti-­UE, crée un brouillard idéologique de sorte qu’il en émerge seulement les intérêts de la Grande-Bretagne et ceux du système existant.

Et tous les groupes et partis capitalistes rendent le brouillard encore plus épais en répandant leurs mensonges sur la “démocratie”, l’idée que les élections capitalistes peuvent vraiment exprimer “la volonté du peuple”. Un élément clé dans la campagne pour “Sortir” (Leave) était l’idée de “reprendre le contrôle de notre pays” des mains des bureaucrates étrangers – un pays qui pour l’immense majorité n’a jamais été “à eux” parce qu’il appartient et est contrôlé par une petite minorité qui utilise les institutions démocratiques pour assurer sa domination. Finalement, indépendamment du vainqueur des élections, la classe ouvrière sera toujours exclue du pouvoir et exploitée. L’isoloir démocratique n’est pas – comme la “gauche” le prétend souvent – un moyen pour que la classe ouvrière puisse exprimer sa conscience, même de façon défensive. Les référendums, en particulier, ont depuis toujours été un moyen de mobiliser les forces les plus réactionnaires de la société, ce qui était déjà évident sous le régime dictatorial de Louis-Napoléon Bonaparte en France au xixe siècle. Pour toutes ces raisons et malgré les convulsions politiques créées par le vote en faveur du Brexit, le référendum est un “succès” pour la démocratie bourgeoise présentée comme le seul modèle possible de débat politique.

L’alternative ouvrière

Face à un système mondial qui semble déterminé à transformer chaque pays en bunker où seuls les patriotes sont dignes de survie, certains groupes ont défendu le slogan : “À bas les frontières !” (“No borders”). C’est un objectif louable, mais pour se débarrasser des frontières, il faut se débarrasser des États-nations. Et pour se débarrasser de l’État, il faut se débarrasser des rapports sociaux capitalistes qu’il protège. Tout cela nécessite une révolution mondiale des exploités qui établiront une nouvelle forme de pouvoir politique qui démantèlera l’État bourgeois et remplacera la production capitaliste soumise à la loi du profit par la production communiste visant à satisfaire les besoins universels de l’humanité.

Ce but semble infiniment éloigné aujourd’hui, la décomposition progressive de la société capitaliste – surtout sa tendance à emporter la classe ouvrière dans sa propre chute matérielle et sa déchéance morale – contient le danger que cette perspective soit définitivement perdue. Pourtant, cela reste le seul espoir pour l’avenir de l’humanité et il ne s’agit pas de l’attendre passivement comme on attendrait le Jugement dernier. Les graines de la révolution se trouvent dans le renouveau de la lutte de classe, retrouvant le chemin de la résistance contre les attaques de droite et de gauche, dans les mouvements sociaux contre l’austérité, la répression et la guerre ; dans la lutte pour la solidarité avec tous les exploités et les exclus, dans la défense des ouvriers “étrangers” contre les commandos xénophobes et les pogroms. C’est la seule lutte qui puisse ranimer la perspective d’une communauté mondiale.

Alors que devons-nous faire, nous communistes, en tant que minorité de la classe ouvrière qui reste convaincus que la perspective d’une communauté mondiale humaine est possible ? Nous devons reconnaître que dans la situation actuelle nous nageons totalement à contre-courant. Comme les fractions révolutionnaires du passé qui ont résisté face à la marée de la réaction et de la contre-révolution, nous devons rejeter tout ce qui compromet nos principes révolutionnaires issus de décennies d’expérience de la classe ouvrière. Nous devons insister sur le fait qu’il ne peut y avoir aucun soutien en faveur d’un État capitaliste ou une alliance d’États, aucune concession à l’idéologie nationaliste, aucune illusion sur le fait que la démocratie capitaliste nous offrirait le moyen de nous défendre contre le capitalisme. Nous refusons de participer aux campagnes capitalistes d’un côté ou de l’autre, précisément parce que nous avons la responsabilité de participer à la lutte de classes. D’autant plus que la lutte de la classe ouvrière doit être indépendante de toutes les forces du capitalisme qui cherchent à la dévoyer ou l’embrigader. Face à l’immense confusion et au désarroi qui règne actuellement dans notre classe, nous devons engager un effort théorique sérieux pour comprendre un monde qui devient de plus en plus compliqué et imprévisible. Le travail théorique ne signifie pas s’abstraire de la lutte de classe, il aide à préparer le moment où, comme le disait Marx, la théorie devient une force matérielle en se saisissant des masses.

Amos, 9 juillet 2016


1 En anglais, remains, un jeu de mots sur le slogan “Remain” de ceux qui menaient campagne pour le maintien de la Grande-Bretagne au sein de l’UE.

2 Parti nationaliste écossais.

3 Jeremy Corbyn, dirigeant du Parti travailliste.

4 Le plus important groupement trotskiste en Grande-Bretagne, qui joue un rôle dans la politique bourgeoise similaire à celui de Lutte ouvrière en France.

 

Géographique: 

  • Grande-Bretagne [4]

Personnages: 

  • Donald Trump [5]
  • Marine Le Pen [6]
  • Aube Dorée [7]
  • Jobbik [8]
  • Jeremy Corbyn [9]

Rubrique: 

Situation internationale

Le “radicalisme” syndical au service des attaques!

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“L’épreuve de force” ! La “guerre d’usure” ! La “montée des tensions” ! Telles sont les expressions consacrées dans les médias depuis plusieurs semaines pour caractériser l’affrontement supposé entre le gouvernement français et les syndicats à propos de la loi “El Khomri”. La confrontation est spectaculaire, médiatisée, pleine de rebondissements. Elle a même été jusqu’au point où le gouvernement a, pendant quelques heures, interdit une manifestation syndicale avant de se dédire et l’autoriser : du jamais vu depuis plus de cinquante ans !

Un réel mécontentement s’est exprimé et s’exprime encore face à cette attaque contre les conditions de travail de l’ensemble de la classe ouvrière. Ce mécontentement a donné lieu à une combativité et une mobilisation relativement importantes lors de certaines journées d’action. Pourtant, cette combativité, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, n’a pas embrasé la majorité des salariés. Malgré les images de barrages, de pneus enflammés sur les routes, les grèves sont très souvent restées minoritaires et rien n’a été dans le sens de dynamiser et développer la confiance, l’unité et la conscience dans les rangs ouvriers. Au contraire ! “Les défilés syndicaux qui consistent à battre le pavé les uns derrière les autres, au bruit de la sono et de slogans rabâchés ad nauseam, sans pouvoir débattre et construire quoi que ce soit ensemble, n’ont pour seul effet que de démoraliser et véhiculer un sentiment d’impuissance” (1). Il en est de même pour les questionnements de nombreux salariés, de jeunes lycéens, étudiants et chômeurs qui sentent bien que l’omniprésence syndicale et les journées d’action sans lendemain ne vont pas dans le sens de la lutte. Mais ils n’ont pas aujourd’hui la capacité de remettre en cause cette chape de plomb ni de développer une critique collective et ouverte. Même le mouvement Nuit debout, censé offrir un “espace” de réflexion plus profonde, “les conduit dans l’impasse et renforce les visions les plus conformistes qui soient. Pire, Nuit debout permet même à des idées nauséabondes, telle la personnalisation des maux de la société sur quelques représentants du système (les banquiers, l’oligarchie...), de s’épanouir sans complexe” (2). Souvent, parmi les plus jeunes, certains sont tentés de s’illusionner sur une “guerre de classe”, un avant-goût de “grand soir”, un “Mai 68”, une mobilisation ouvrière telle qu’on ne l’a pas vu depuis des années. Mais le gouvernement n’est pas prêt à reculer sous la pression de la rue comme en 2006 lors de la lutte contre le CPE. Même si la cohérence est loin d’être effective au sein du pouvoir gouvernemental socialiste, dans un premier temps du moins, gouvernement et syndicats, CGT en tête, ont largement mis en scène la confrontation sociale, l’ensemble de la classe ouvrière se trouvant manipulé pour renforcer sa désorientation actuelle.

La “radicalisation” de la CGT, à la pointe de la contestation, a été grandissante. Pendant plusieurs mois, le mouvement social ne s’est pas calmé et chacun des acteurs syndicaux et gouvernementaux a alimenté à sa façon cette “confrontation” : la CGT par des blocages de raffineries, de centrales nucléaires, des barrages routiers, des grèves à répétition dans les transports en commun, dans le secteur public, dans les secteurs de l’énergie. Le gouvernement, particulièrement Manuel Valls, a multiplié les mises en demeure, les déclarations provocatrices jusqu’à cette décision momentanée, mais stupéfiante, d’interdire une manifestation syndicale à Paris. Tout cela sur fond de violences des “casseurs”, médiatisées et instrumentalisées à l’extrême. La tension aurait ainsi été à son comble et le pays à feu et à sang. Quasiment l’état de guerre… si l’on en croit la bourgeoisie et sa presse qui ne manquent pas une occasion d’employer ce vocabulaire guerrier et de tout dramatiser au point que cela en devient surréaliste si l’on prend la peine de quitter son écran de télévision et de regarder la réalité en face.

Le paroxysme de la confrontation a, nous dit-on, été atteint lors des opérations de “blocage de l’économie”, en particulier des raffineries et des ports pétroliers. Bloquer les raffineries serait, comme en 2010 contre la loi sur les retraites, l’arme ultime face à la bourgeoisie, une manière de “taper là où ça fait mal”. Or, non seulement la réalité de la paralysie du secteur pétrolier a été plus faible qu’en 2010, mais cela a constitué un puissant facteur de division au sein de la classe ouvrière. D’un côté, les secteurs les plus combatifs se sont trouvés enfermés derrière des barrières dérisoires, coupés du reste de leur classe, à la merci de la répression policière ; de l’autre, des ouvriers mécontents mais dans l’expectative, peu impliqués dans un mouvement social qui leur échappe complètement et qui sont parfois exaspérés par des grèves à répétition dans les transports, par des blocages qui les pénalisent en priorité.

La CGT et l’ensemble des syndicats dits “combatifs” ne sont pas soudainement devenus “révolutionnaires”, pas plus qu’ils ne se battent pour la défense des intérêts ouvriers. Avec la décadence du système capitaliste, les syndicats, dont la raison d’être originelle (l’aménagement de l’exploitation capitaliste) est profondément conservatrice, sont devenus un rouage essentiel de l’appareil étatique qui a pour objectif d’enfermer la classe ouvrière sur le terrain de la négociation afin de saboter les luttes et la conscience ouvrière, d’étouffer toute perspective révolutionnaire. Le rôle fondamental des syndicats, depuis près d’un siècle et leur passage dans le camp bourgeois, c’est la division et le cloisonnement des luttes pour saper tout mouvement de masse susceptible de remettre en cause l’ordre capitaliste  (3). Le radicalisme actuel des syndicats leur sert donc à faire oublier leur complicité directe dans les attaques portées depuis des décennies par le gouvernement socialiste et leur gestion de l’exploitation dans les entreprises et les administrations.

La complicité des syndicats et du gouvernement n’empêche pas les luttes d’influence et la confrontation entre cliques. La volonté du gouvernement de recrédibiliser l’appareil syndical passait aussi par une remise au pas de l’hégémonie de la CGT dans le paysage syndical français, au profit de syndicats plus “tolérants”, plus “gestionnaires” comme la CFDT. L’article 2 de la loi Travail visant à faire passer les accords d’entreprise avant les accords de branche aboutirait surtout à voir le “fonds de commerce” financier et le pouvoir syndical de la CGT s’étioler au bénéfice d’autres syndicats dits “réformistes”, particulièrement dans les petites et moyennes entreprises qui sont majoritaires en France. Voilà quel est le sens de la radicalité de la CGT : préserver son leadership syndical au sein de l’État et maintenir sa position dans l’appareil d’exploitation !

Du point de vue des intérêts de la classe ouvrière, la CGT est tout sauf radicale. Alors que notre classe tire sa force de sa capacité à s’unir, à étendre ses luttes par-delà les frontières corporatistes et nationales, chacun se doit de défiler derrière “son” syndicat catégoriel, avec “sa” chasuble bien visible, “ses” mots d’ordre et “ses” banderoles spécifiques. “Tous ensemble” peut-être, mais dans la limite de sa propre boutique syndicale. Rien à voir avec une recherche d’extension de la lutte, de propositions pour entraîner tous les secteurs à se battre ensemble, comme ce fut le cas en 2006 pendant plusieurs semaines.

De la même manière, les assemblées qui devraient être le poumon de la lutte laissent place à des simulacres réunissant une minorité de salariés, où les syndicats décident de tout, où sont entérinées des décisions d’appareils prises à l’avance. Rien à voir avec des AG ouvertes à tous, jeunes ou vieux, sans considération d’appartenance professionnelle, syndicale ou politique, des AG où sont élus les comités de grève, où doit se discuter ouvertement la conduite de la lutte, son extension, pour établir un rapport de force avec l’État. La lutte anti-CPE de 2006, dont l’État et ses syndicats veulent nous faire oublier les enseignements, fut exemplaire à ce niveau et décrédibilisa ouvertement les pratiques syndicales.

Ce partage du travail de la part des agents de l’État, gouvernementaux et syndicaux, a pour but de profiter au maximum de la faiblesse de la classe ouvrière pour faire passer les attaques, la manipuler, la diviser et en définitive la démoraliser, tout en lui faisant prendre des vessies pour des lanternes : au bout du compte, il faut arriver à lui faire croire que seuls des syndicats combatifs comme la CGT ou FO sont capables de tenir tête à un gouvernement arrogant, pire que la droite, et sont susceptibles de faire gagner les revendications ouvrières. Sans eux, rien ne serait possible.

C’est pourquoi la classe ouvrière se doit de faire l’analyse la plus profonde et lucide de ce mouvement social pour pouvoir reconnaître ses ennemis et préparer les véritables luttes du futur.

Stopio, 24 juin 2016


1) “Quelle est la véritable nature du mouvement Nuit debout ?”, RI no 458.

2) Idem.

() Voir notre brochure, Les syndicats contre la classe ouvrière.

 

Géographique: 

  • France [10]

Récent et en cours: 

  • Loi El Khomri [11]

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Situation en France

La répression montre le vrai visage de l’État démocratique!

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Le 24 mars dernier, une scène filmée par un téléphone portable faisait le tour des réseaux sociaux et des journaux télévisés : trois policiers saisissaient un lycéen à terre et tandis que le jeune garçon se relevait, un policier le frappait d’un violent coup de poing au visage. Il ne s’agit là que d’un exemple parmi tant d’autres. La répression policière a en effet été féroce tout au long de ce mouvement contre la loi El Khomri. Et cela, avec la bénédiction d’un gouvernement prétendument “socialiste” qui, depuis plusieurs mois, a instauré un climat ultra-sécuritaire. Chaque manifestation, chaque blocage de lycée, d’université ou de raffinerie, ont été le théâtre de la brutalité des forces de l’ordre. C’est surtout la jeune génération qui a fait les frais des interpellations musclées, des passages à tabac et des provocations en tout genre, comme s’il fallait marquer dès le plus jeune âge les enfants d’ouvriers du sceau de la force et de l’ordre bourgeois.

L’État avait d’ailleurs très bien préparé le terrain de la répression. Comme nous l’écrivions dans nos articles sur les attentats de Paris de janvier et de novembre 2015, le renforcement inouï du quadrillage policier et la mise en place de l’État d’urgence ont été de formidables leviers pour créer une situation, tant sur le plan matériel qu’idéologique, où la répression et les provocations policières peuvent s’exercer plus facilement, notamment en exploitant le phénomène des “casseurs” qui servent en grande partie d’alibi à l’action des flics.

La nature répressive de l’État bourgeois

L’État et ses forces de répression sont le produit des contradictions de classes inconciliables et l’instrument de l’exploitation des opprimés au service exclusif de la bourgeoisie. Comment “l’ordre” est-il maintenu ? “Pour que les antagonistes, les classes aux intérêts économiques opposés, ne se consument pas en une lutte stérile, le besoin s’impose d’un pouvoir qui, placé en apparence au-dessus de la société, doit estomper le conflit, le maintenir dans les limites de l’“ordre” ; et ce pouvoir, né de la société mais qui se place au-dessus d’elle et lui devient de plus en plus étranger, c’est l’État”. Mais “Ce pouvoir, en quoi consiste-t-il principalement ? En des détachements spéciaux d’hommes armés, disposant de prisons, etc. (…) L’armée permanente et la police sont les principaux instruments de la force du pouvoir d’État”  (1). Ainsi, la réalité de la violence policière n’est ni nouvelle, ni un accident de l’Histoire ou le produit d’une réalisation imparfaite de la démocratie ; elle est une claire expression de la nature profondément oppressive de l’État. La classe dominante a ainsi toujours été extraordinairement brutale face à toute expression de remise en cause de son ordre social. À chaque poussée du prolétariat, la bourgeoisie a tenté de l’ensevelir sous un déluge de fer et de feu. C’est ainsi que sur les pavés mêmes où la police matraque aujourd’hui la jeunesse ouvrière, les armées versaillaises noyaient, en 1871, la Commune de Paris dans le sang.

Dès les origines du mouvement ouvrier, les organisations révolutionnaires ont été confrontées non seulement à la violence de l’État mais à la question même du recours à la violence dans les rangs du prolétariat. Les actions violentes, en elles-mêmes, n’ont jamais été perçues comme une expression de la force politique du mouvement, mais étaient considérées dans un cadre et un contexte historique plus généraux. Même quand elles s’expriment contre les forces de l’ordre, les actions violentes, pas moins que les réponses individuelles, contiennent le danger de saper l’unité de la classe ouvrière. Ceci ne signifie pas pour autant que le mouvement des travailleurs soit “pacifiste”. Il utilise forcément une certaine forme de violence : celle de la lutte de classe contre l’État bourgeois. Mais il s’agit là d’une violence d’une autre nature, libératrice, celle qui accompagne une démarche consciente qui n’a rien à voir avec la violence et la brutalité des classes dominantes dont le pouvoir n’est assuré que par la terreur et l’oppression. Ainsi, l’expérience d’un prolétariat, qui se constituait alors peu à peu en classe distincte, organisée et consciente, a permis de progressivement lutter contre les tentations immédiates de violence aveugle qui furent une des caractéristiques des premières émeutes ouvrières. Par exemple, au xviie siècle, de nombreux ouvriers, un peu partout en Europe, s’étaient soulevés très violemment contre l’introduction de machines à tisser en les détruisant. Ces actes violents, exclusivement contre les machines, étaient le produit du manque d’expérience et d’organisation propre à l’enfance du mouvement ouvrier. Comme le soulignait Marx : “il faut du temps et de l’expérience avant que les ouvriers, ayant appris à distinguer entre la machine et son emploi capitaliste, dirigent leurs attaques non contre le moyen matériel de production, mais contre son mode social d’exploitation” (2).

Les “casseurs”, un phénomène qui se nourrit de la décomposition

En revanche, les expressions politiques cédant à la violence aveugle qui ont émergé au cours du xxe siècle sous des formes diverses et caricaturales, particulièrement après 1968, par exemple en Italie, inspirant les idéologies de type “opéraïstes”,3 ou en Allemagne de l’Ouest, sous de multiples tendances “autonomes”, ne faisaient qu’exprimer l’absence de réflexion et d’orientation sur les moyens nécessaires pour un projet politique contre le capitalisme. À Berlin, par exemple, depuis les années 1980, le Premier mai est devenu le moment ritualisé d’affrontements sans lendemain entre la police et toutes sortes de “casseurs” qui cherchent encore aujourd’hui la confrontation avec les flics, saccagent des magasins et des voitures, identifiant faussement cela avec l’idée de “faire la révolution”.

Les forces “autonomes” d’aujour­d’hui, de plus en plus assimilées à celles des “terroristes” par l’État, traduisent l’impuissance et le vide politique laissé actuellement par la grande faiblesse d’une classe ouvrière qui, si elle a pu sortir de plusieurs décennies de contre-révolution stalinienne traumatisante, ne parvient pas encore à se reconnaître comme une classe sociale, à affirmer ses authentiques moyens de lutte et a fortiori sa perspective communiste. Déboussolée, sans orientation, manquant totalement de confiance en ses propres forces, le prolétariat ne parvient pas à reconnaître son identité propre et encore moins sa force historique. Il laisse donc le champ libre à toute l’impatience d’une jeunesse exaspérée, privée du legs de l’expérience politique et momentanément privée de son futur.

C’est ce qui explique en grande partie l’attrait relatif aux yeux de certains jeunes pour les méthodes “autonomes” et “insurrectionnalistes”, ou le succès des théories fumeuses comme celles de la brochure L’insurrection qui vient,4 publiée en 2007 par un certain “Comité invisible”. On peut notamment y lire : “L’offensive visant à libérer le territoire de son occupation policière est déjà engagée, et peut compter sur les inépuisables réserves de ressentiment que ces forces ont réunies contre elles. Les “mouvements sociaux” eux-mêmes sont peu à peu gagnés par l’émeute”. Ce type de discours que partagent peu ou prou bon nombre d’autonomes regroupés sous diverses bannières protéiformes (Black Blocs, défenseurs de “zones autonomes” et certains anti­fascistes) les propulse de plus en plus sur les devants de la scène sociale. Depuis quelques années, de plus en plus de jeunes qui subissent la violence sociale du capitalisme, la précarité et le chômage, expriment leur colère et leur exaspération par la révolte, parfois de manière violente. Leur ras-le-bol les conduit facilement à affronter les forces de l’ordre lors des manifestations. Une partie de ces jeunes s’expose ainsi aux influences et agissements de “casseurs” ou de ces groupes se revendiquant comme “autonomes” qui se singularisent par des actes stériles tels que dégradations, saccages de vitrine, etc., qui peuvent malheureusement fasciner les plus désespérés.

Il ne s’agit nullement de mettre sur un pied d’égalité, comme s’y emploie sans vergogne la presse bourgeoise, la violence de l’État, par l’entremise de policiers suréquipés, et celle de quelques manifestants souvent armés de projectiles dérisoires, comme si la première était la conséquence “légitime” de la seconde. Mais le problème de cette violence stérile, de ces rixes avec la police, c’est que l’État les instrumentalise totalement à son profit. Ainsi, le gouvernement a volontairement poussé tous ces “casseurs” et autres “autonomes” dans une souricière tout en cherchant à “démontrer par les faits” à l’ensemble des prolétaires que la violence et la révolte conduisent inévitablement au chaos. La dégradation de l’hôpital Necker à Paris en est une parfaite illustration : le 14 juin, la police chargeait avec une rare violence une manifestation qui passait aux abords d’un hôpital pour enfants. Des groupes de casseurs, probablement excités par des agents provocateurs infiltrés,5 ont fini par s’en prendre à quelques vitrines de l’hôpital sous l’œil tout à coup passif et satisfait de plusieurs compagnies de CRS. Le soir-même, la presse bourgeoise faisait évidement ses choux gras de l’événement et des déclarations scandalisées du gouvernement qui n’a pas raté l’occasion d’opposer les “radicaux” aux enfants malades. La bourgeoisie polarise ainsi l’attention sur les éléments les plus radicaux à la marge de toute une jeunesse meurtrie, victimes eux-mêmes de l’ordre bourgeois, pour justifier la brutalité de la répression policière. Pour mieux présenter l’État et ses institutions comme les ultimes remparts face à ceux qui menacent “l’ordre public” et la démocratie, les média exhibent les violences et les destructions symboliques des “casseurs”. Cela a également pour effet de diviser les manifestants, de générer de la méfiance au sein de la classe ouvrière et surtout d’étouffer, par l’amalgame, la moindre idée de solidarité et de perspective révolutionnaire. Ainsi, loin d’ébranler le système, ces phénomènes permettent à la bourgeoisie d’exploiter leurs actions pour imprimer sa volonté de discréditer toute forme de lutte contre l’État mais surtout de mieux déformer la perspective révolutionnaire. Les manifestations de violence actuelles sont à la fois le reflet d’une faiblesse de la lutte de classe et le produit d’une décomposition sociale que l’État et son gouvernement utilisent en s’appuyant sur la désorientation de notre classe, pour développer une ambiance pouvant donner libre cours à des comportements propres aux couches sociales sans avenir, frustrées et incapables d’opposer à la barbarie du capitalisme d’autre perspective que la rage aveugle et nihiliste. Les actes de minorités révoltées (telle que l’agression au cocktail Molotov, le 18 mai dernier, de deux policiers dans leur véhicule, en marge d’un rassemblement totalement téléguidé par l’État pour dénoncer la “haine anti-flics”) expriment un certain désespoir et sont animés par un esprit de haine et de vengeance. Ces jeunes tombent ainsi dans un piège, celui de la spirale d’un déchaînement de violence aveugle.

Tout au long de son existence comme à travers son expérience, le mouvement ouvrier a démontré que la construction et la manifestation d’un véritable rapport de forces avec son ennemi de classe s’engage sur un tout autre chemin et avec des méthodes radicalement à l’opposé. Pour ne prendre que quelques exemples : durant l’été 1980 en Pologne, face aux menaces de répression, les ouvriers s’étaient immédiatement mobilisés massivement par-delà les secteurs dans les villes de Gdansk, Gdynia et Sopot, faisant reculer le gouvernement. Lorsque l’État menaçait d’intervenir militairement pour réprimer, les ouvriers de Lublin, solidaires, menacèrent à leur tour de paralyser les transports, les chemins de fers qui reliaient les casernes russes en RDA au reste de l’Union soviétique. L’État polonais avait fini par reculer. Face aux répressions passées des années 1970 et 1976, la réponse ouvrière n’avait pas été celle de la vengeance, de la violence, mais celle du souvenir et de la solidarité.6 Plus récemment en France, dans un contexte différent, au moment de la lutte contre le CPE en 2006, la jeunesse prolétarisée des universités avait pris en main ses luttes en organisant des assemblées générales ouvertes à tous pour étendre le mouvement. Le gouvernement Villepin, craignant l’extension, dut reculer. En 2011, lors du mouvement des Indignés en Espagne, les gens s’étaient réunis dans des assemblées de rue pour discuter, échanger leur expérience et ainsi forger une commune volonté de lutte. La bourgeoisie espagnole a tenté de casser cette dynamique en provoquant des affrontements avec la police et en déchaînant des campagnes médiatiques sur les “casseurs”. Mais la force et la confiance accumulées dans les assemblées ouvertes ont permis au prolétariat de répondre par des manifestations massives, en particulier à Barcelone où des milliers de personnes ont plusieurs fois su résister courageusement aux attaques policières.

Ainsi, ce n’est pas la violence en soi, l’esprit de revanche, l’action coup-de-poing minoritaire et isolée qui crée la puissance d’un mouvement face à l’État capitaliste mais au contraire une dynamique d’actions conscientes dans la perspective de son renversement et de sa destruction.

La force de notre classe réside donc précisément dans sa capacité à opposer à la provocation policière sa massivité et sa conscience.

Le pourrissement sur pied du capitalisme, générant une tendance à la fragmentation du tissu social et dévalorisant tout effort de pensée et de réflexion cohérente, poussant à “l’action pour l’action” et aux solutions simples et immédiates,7 alimentées par un ras-le-bol et des rancœurs accumulées, un esprit de revanche, favorisent l’élan de groupuscules qui agissent d’autant plus facilement qu’ils sont eux aussi la proie choisie des provocations et manipulations policières. Les éléments les plus violents sont souvent le produit décomposé d’individus issus des couches petites-bourgeoises ou d’une intelligentsia parfois déclassée, connaissant une révolte exacerbée face à la barbarie du système capitaliste. Sans avenir, leurs actions marquées par l’individualisme, l’aveuglement de la haine et l’impatience, sont les expressions d’impulsions immédiates, souvent sans véritable but à atteindre. On retrouve ainsi les mêmes racines nihilistes qui poussent par exemple les jeunes qui partent pour le djihad et certains de ces “autonomes” vers la violence pure, la fascination pour la casse et les destructions. Ce n’est donc pas un hasard si les autorités utilisent et laissent délibérément entrer ces “casseurs” dans les manifestations, aidés en cela par les supplétifs de la police que sont les “gros bras” qui composent le service d’ordre syndical, notamment celui de la CGT, pour pourrir toute expression de lutte.

Cette réalité sociale correspond bien aujourd’hui à une situation où l’État se sent suffisamment fort pour porter ses attaques brutales contre la classe ouvrière tout en pouvant disqualifier toute idée de perspective révolutionnaire. La bourgeoisie utilise les violences et les saccages pour faire peur et recrédibiliser en partie l’action syndicale, pour rabattre “faute de mieux” certains ouvriers combatifs vers les syndicats qui, malgré la méfiance dont ils font l’objet, apparaissent comme les seuls capables “d’organiser et mener la lutte”. Une telle situation ne fait qu’affaiblir les consciences en redorant le blason de ces saboteurs de la lutte, accentuer l’exposition à la répression, renforcer la terreur étatique par la surveillance et le flicage.

Qu’est-ce qu’une perspective révolutionnaire?

Un authentique mouvement de la classe ouvrière n’a rien à voir avec ces fausses alternatives à l’encadrement des syndicats officiels, aux violences “émeutières” qui ne font que conduire ceux qui veulent vraiment lutter, notamment les jeunes présents dans les manifestations, vers le néant politique et la répression. Ce qui, a contrario, caractérise la nature du combat ouvrier, c’est la solidarité, la recherche de l’unité dans la lutte, la volonté de combattre le plus massivement possible contre l’exploitation capitaliste. L’essence de ce combat est celle de l’unification des luttes, celle d’un point de vue international faisant l’union de tous, chômeurs, actifs, jeunes, vieux, retraités, etc., une forte mobilisation capable de rallier toutes les autres couches de la société victimes des souffrances générées par le système. Cela, afin de créer un véritable rapport de force capable de faire reculer la bourgeoise et ses attaques et de retenir le bras de la répression de l’appareil d’État. C’est bien cette mobilisation en grand nombre, avec une réelle prise en main par les ouvriers eux-mêmes, générant une autonomie de classe basée sur la confiance, qui peut seule avoir la capacité de faire reculer l’État et la bourgeoisie. L’arme principale de cette lutte est avant tout son caractère solidaire et massif, son unité et sa conscience, sa volonté de faire la clarté maximale sur les moyens et les buts du combat. C’est pour cela que la classe ouvrière ne recherche pas d’emblée à utiliser la violence pour créer un rapport de forces face à la classe dominante, mais s’appuie d’abord sur son nombre et son unité.

La lutte du prolétariat n’a rien à voir avec les escarmouches et les heurts filmés par les journalistes. Loin des impasses et de l’instrumentalisation auxquelles nous assistons, son combat historique et international repose au contraire sur son action consciente et massive. Elle incarne un vaste projet dont la dimension culturelle et morale contient en germe l’émancipation de toute l’humanité. Comme classe exploitée, le prolétariat n’a aucun privilège à défendre et que des chaînes à perdre. C’est pour cela, par exemple, que dans la programme de la Ligue spartakiste, rédigé par Rosa Luxemburg, le point 3 énonce que : “pour atteindre ses buts, la révolution prolétarienne n’a pas besoin de terreur ; elle hait et méprise l’assassinat des hommes. Elle n’a pas besoin de ces moyens de lutte, car elle ne combat pas des individus mais des institutions”. Le projet d’épanouissement social de tous et de chacun, par son esprit de solidarité et de lutte collective, préfigure la véritable communauté humaine mondiale du futur. Sa lutte n’est pas celle d’un état-major qui dirige du sommet à la base mais prend la forme d’une résistance consciente, faite d’initiatives multiples et créatrices : “La grève de masse (…) voit tantôt la vague du mouvement envahir tout l’Empire, tantôt se diviser en un réseau infini de minces ruisseaux ; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades – toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l’une sur l’autre c’est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants” (8). Cet élan vivant, libérateur, s’exprimant par la grève de masse puis les conseils ouvriers devant mener à l’insurrection, est une des conditions de la prise du pouvoir à l’échelle internationale. Pour l’instant, cette perspective n’est pas à la portée du prolétariat qui est bien trop faible. Bien que non défait, il n’a pas la force suffisante pour s’affirmer et a besoin d’abord de prendre conscience de lui-même, de renouer avec sa propre expérience et son histoire. La révolution n’a rien d’immédiat et d’inéluctable. Un long et difficile chemin, chaotique, semé d’embûches, reste encore à parcourir. Un véritable bouleversement des esprits doit encore s’opérer en profondeur avant de pouvoir imaginer l’affirmation d’une perspective révolutionnaire.

EG-WH, 26 juin 2016


1) Lénine, L’État et la révolution.

2) Marx, Le Capital, livre I.

3 L’opéraïsme est un courant “ouvriériste” apparu en 1961 [12] autour de la revue Quaderni Rossi. Mario Tronti et [13]Toni Negri [14] en étaient les principaux théoriciens. En 1969 [15], le courant opéraïste se divisa en deux organisations rivales : Potere Operaio [16] et Lotta Continua [17]. À partir de 1972 [18], les opéraïstes s’engagèrent dans le mouvement autonome prônant les émeutes et les actions violentes dites “exemplaires”.

4 Cette brochure se serait vendue à plus de 40 000 exemplaires.

5 Comme ce fut, par exemple, le cas pour les policiers démasqués en Espagne par les manifestants eux-mêmes lors du mouvement des Indignés en 2011. En France, l’infiltration des manifestations par des policiers de la BAC chargés d’exciter les foules est de notoriété publique.

6 Les ouvriers avaient parmi leurs revendications demandé un monument pour commémorer leurs morts, les victimes de la répression sanglante des mouvements précédents en 1970-71 et en 1976.

7 À l’image des slogans entonnés : “Nous devons détester la police” ou “Tous les flics sont des bâtards”.

8) R. Luxemburg, Grève de masse, Parti et Syndicats.

 

Géographique: 

  • France [10]

Récent et en cours: 

  • Loi El Khomri [11]
  • Hôpital Necker [19]

Rubrique: 

Situation en France

Des difficultés croissantes pour la bourgeoisie et pour la classe ouvrière

  • 2039 lectures
[20]

Lorsque 52 % des votants au référendum en Grande-Bretagne sur le maintien du pays dans l’Union européenne ont choisi la porte de sortie, ceci n’était pas un événement isolé mais un exemple supplémentaire du poids grandissant de populisme. Cela se voit aux États-Unis dans le soutien à Donald Trump dans la bataille pour la présidence du pays, en Allemagne avec l’apparition de forces politiques à la droite des Démocrates chrétiens (Pegida et Alternative für Deutschland), aux dernières élections présidentielles en Autriche où les Sociaux-démocrates comme les Démocrates chrétiens ont été dépassés par la concurrence entre les Verts et la droite populiste, en France, avec la montée en puissance continue du Front national, en Italie, avec le mouvement Cinq Étoiles ou encore à travers les gouvernements actuels en Pologne et en Hongrie.

Le populisme n’est pas un acteur de plus dans le jeu politique entre partis de gauche et de droite ; il doit son existence à un mécontentement très répandu qui ne trouve aucun autre moyen de s’exprimer. Il se place entièrement sur le terrain bourgeois et s’appuie sur un rejet des élites et de l’immigration, comme sur une méfiance envers les promesses et l’austérité de la gauche et de la droite, exprimant ainsi une perte de confiance à l’égard des institutions de la société et l’incapacité de reconnaître l’alternative révolutionnaire de la classe ouvrière.

Dans nos “Thèses sur la décomposition” publiées en 1990, nous parlions déjà de “... cette tendance générale à la perte de contrôle par la bourgeoisie de la conduite de sa politique”, et “la perte du contrôle sur sa propre stratégie politique”. Bien que l’utilisation de la démocratie ait été un outil et une idéologie très efficaces pour la classe capitaliste, lui permettant de maintenir son contrôle de la situation politique, la montée du populisme traduit la tendance latente à ce qu’émergent de plus en plus de difficultés pour la classe capitaliste.

A un certain niveau, la montée du populisme renforce la démocratie : les mécontents se rallient aux partis populistes, alors que d’autres s’y opposent farouchement. Cependant, le vote en Grande-Bretagne pour “Sortir” (Leave) de l’Union européenne nous rappelle les difficultés que le populisme peut engendrer pour le contrôle politique de la bourgeoisie. La classe dominante utilise la démocratie pour essayer de légitimer son règne, mais le populisme mine ses tentatives de maintenir cette légitimité. Le populisme pose des problèmes à l’ensemble de la bourgeoisie parce que son développement provoque des bouleversements imprévisibles du “bon fonctionnement de la démocratie”.

La bourgeoisie britannique face au problème du populisme

Nous avons souvent, à juste titre, souligné que la bourgeoisie britannique est la plus expérimentée au monde, capable de manœuvrer sur les plans diplomatique, politique, et électoral à tel point que les autres États capitalistes de toute la planète l’envient. Or, le vote pour le Brexit remet en cause ces capacités.

Bien que le capitalisme au Royaume-­Uni ait une longue tradition de l’utilisation des élections, il n’a que rarement eu recours à des référendums. Après celui pour l’adhésion à la CEE (le prédécesseur de l’Union européenne actuelle) en 1975 et mis à part des référendums locaux en Irlande du Nord, au Pays de Galles et en Écosse, avant cette année, il n’y avait eu que celui sur la modification du système de vote parlementaire en 2011. Éviter les référendums est une politique sage pour la bourgeoisie, puisqu’il y a toujours le danger que le vote soit utilisé comme moyen de protestation à propos de n’importe quoi. En fait, la mise en place de ce référendum sur le Brexit par David Cameron était une immense erreur de calcul compte tenu de la croissance du populisme. Loin d’être limité à une bataille avec l’UKIP1 et les Conservateurs eurosceptiques, des gens de toute obédience politique étaient attirés dans la bagarre. Ceci explique aussi la faiblesse de la campagne pour “Rester” (Remain) dans l’UE qui présentait des arguments de bon sens et des considérations rationnelles (du point de vue capitaliste), alors que la campagne “Sortir” a fait appel, avec davantage de succès, aux émotions irrationnelles.

Les “Brexitistes” ont personnalisé le débat en ciblant les riches Cameron et Osborne2 qui ne comprenaient pas les soucis des gens ordinaires ; en disant que les gens en avaient marre des experts, et qu’ils devaient faire confiance à leurs pulsions tout en pointant l’immigration comme un problème, aggravé de surcroît par l’appartenance à l’UE. Ils ont aussi promis 350 millions de Livres supplémentaires par semaine pour le NHS,3 disant après coup qu’il s’agissait d’une “erreur”. Face à cela, la campagne “Rester” appuyait ses arguments sur le besoin de continuer de profiter de l’appartenance à l’UE, affichait les analyses d’une armée d’économistes et relayait les témoignages de nombreux hommes d’affaires reconnaissant l’importance de l’UE. Lorsque la campagne “Rester” parlait de l’immigration, elle était d’accord avec les “Brexitistes” pour dire que c’était un problème mais insistait sur le fait que le cadre de l’UE offrait la meilleure garantie pour limiter l’arrivée de gens à la recherche d’un emploi ou tout simplement venant sauver leur peau.

Les conséquences prévisibles et imprévisibles du Brexit

Après le référendum, il n’y aura pas de “retour à la normale”. Aucun parti n’avait prévu de plan en cas de victoire du Leave. Quoi qu’il arrive, ce seront ceux qui souffrent déjà qui souffriront le plus. Alors qu’Osborne annonçait rapidement une baisse de l’impôt sur les entreprises afin d’attirer les investisseurs en Grande-Bretagne, il est clair que c’est la classe ouvrière qui subira les pires attaques. Sur le plan économique, il y a eu beaucoup de spéculations sur ce qui va se passer désormais. Comment le capitalisme peut-il au mieux défendre ses intérêts ? Comment les pays de l’UE peuvent le mieux se défendre contre les dommages collatéraux du résultat du référendum ? Les répercutions sont évidemment internationales. Bien sûr, il y aura des tentatives d’en limiter l’impact sur l’UE. Les dangers d’une contagion du Brexit vers d’autres pays sont réels. Une sortie complète de la Grande-Bretagne pourrait renforcer ces forces centrifuges.

Une autre perspective est le renforcement des tendances séparatistes. Suite au vote écossais largement majoritaire pour “Rester” et aux élections parlementaires de 2015 à l’issue desquelles presque tous les députés écossais appartenaient au SNP,4 il existe la possibilité d’une perte de contrôle encore plus grande au point même de mettre en danger l’unité du Royaume-­Uni. La situation est différente en Irlande du Nord, mais là aussi la majorité était pour “Rester”, ce qui pourrait créer des difficultés supplémentaires pour le Royaume-Uni.

Sur le plan politique, il y aura de nouvelles alliances et il n’y a aucune garantie que nous verrons un retour à la division classique entre la Gauche et la Droite. Les choses ne vont pas se calmer si facilement après toutes les luttes intestines au sein du Parti conservateur. Le gouvernement conservateur était profondément divisé par la campagne et suite au référendum la bagarre entre Gove5 et Johnson6 a révélé encore plus de divisions dans le camp du Brexit. Des deux candidates pour la direction du Parti conservateur, Theresa May7 était du côté “Rester” mais dit maintenant que “Brexit veut dire Brexit” alors qu’ Andrea Leadsom déclarait en 2013 qu’une sortie de l’Europe “serait une catastrophe pour notre économie”, mais elle a rejoint la campagne pour “Sortir” en 2016.8

La situation au sein du Parti travailliste reflète bien les difficultés politiques auxquelles est confrontée la bourgeoisie. Ce parti n’est pas au gouvernement, mais son rôle dans l’opposition est important et il doit se préparer pour l’avenir lorsque la classe ouvrière se mettra à bouger. Il y a un fossé entre les députés travaillistes qui ne soutiennent pas Corbyn en tant que dirigeant, et les militants du parti qui l’ont élu.9 Les syndicats, quant à eux, ne sont pas unis, mais ils joueront un rôle dans la situation et pas forcément dans le sens de la stabilité.

Le résultat du référendum en Grande-­Bretagne est un fait majeur qui inquiète la bourgeoisie des autres pays. Si la bourgeoisie britannique, droite et gauche confondues, a du mal à maîtriser le populisme, alors ce sera pareil dans tous les États. Si la démocratie est un des principaux moyens pour contenir et dévoyer les poussées de la classe ouvrière et d’autres couches sociales, la force du populisme montre que le contrôle du processus démocratique par la bourgeoisie a ses limites et ne suit pas toujours la volonté de ses fractions les plus éclairées.

La classe ouvrière face au populisme

Une des raisons de la montée du populisme est la faiblesse de la classe ouvrière sur le plan de ses luttes, de sa conscience et de la compréhension de sa propre identité. Si la classe ouvrière se reconnaissait comme étant capable de présenter une alternative au capitalisme, ce serait un facteur déterminant dans la perspective de l’édification d’une réelle communauté humaine. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

En plus de cela, beaucoup d’ouvriers se sont laissés berner par le populisme, trompés par l’idée que “le peuple” doit se dresser contre “les élites”. Il est significatif que les ouvriers ont eu plus tendance à voter “Sortir” dans les vieilles régions industrielles qui ont été les plus appauvries et négligées. Le Parti travailliste a pensé que le soutien des ouvriers dans ces régions lui était acquis, mais bien que la majorité de l’électorat travailliste ait voté pour “Rester”, une minorité significative a voté dans le sens inverse. Ce sont ces secteurs de la classe ouvrière qui ont le plus souffert des politiques “néo-libérales” qui ont démantelé des pans entiers d’industrie dans les anciens pays centraux du capitalisme, qui ont transformé le marché du logement en une arène de spéculation débridée,10 et qui ensuite ont proposé l’austérité comme le seul remède permettant d’éviter une désintégration du système financier international.

Face à ces attaques, souvent présentées comme les agissements d’une sorte “d’internationale” capitaliste, il n’est pas étonnant que de larges secteurs de la classe ouvrière ressentent une réelle colère contre les élites, qui en elle-même ne mène nullement à un développement de la conscience de classe. L’attraction exercée par des démagogues populistes est due au fait qu’ils proposent concrètement des cibles faciles sur lesquelles rejeter la faute : l’UE, une élite de la métropole londonienne, les immigrés, les étrangers, etc. Le capitalisme génère une perception abstraite et déformée de la réalité, ce qui explique que les populistes peuvent changer de cible comme ils changent de chemise : les réglementations de l’UE, le terrorisme islamiste, la globalisation, les riches parasitaires... Le populisme représente un danger pour la classe ouvrière car il n’a pas besoin d’être cohérent pour être efficace. C’est un défi majeur pour les révolutionnaires d’analyser la signification de tout ce phénomène et nous ne faisons qu’entamer ce travail.

Le référendum en Grande-Bretagne, à la fois sa campagne et son résultat, n’est qu’une expression d’une situation mouvante, directement influencée par la montée du populisme. C’est un problème qui ne peut qu’empirer tant que le prolétariat ne comprendra pas son rôle historique en tant que classe exploitée ayant la capacité de renverser le capitalisme et de mettre en place une communauté humaine mondiale.

Car, 9 juillet 2016


1 United Kingdom Independence Party, un parti de droite britannique fondé essentiellement sur un programme de sortie de l’UE.

2 Ministre des Finances du gouvernement Cameron.

3 National Health Service (services de santé).

4 Scottish National Party (Parti nationaliste écossais).

5 Michael Gove, ministre de la Justice dans le gouvernement Cameron.

6 Boris Johnson, ancien maire de Londres jusqu’aux dernières élections municipales.

7 Secrétaire d’État à l’Intérieur dans le gouvernement Cameron

8 Depuis que cet article a été écrit, Gove et Leadsom se sont retirés de la course, laissant Theresa May comme nouveau dirigeant du Parti conservateur. Selon la constitution britannique elle devient donc automatiquement Premier ministre.

9 Les dirigeants du Parti travailliste sont élus selon un système qui inclut les voix des membres des syndicats affiliés au Parti ainsi que celles des militants ayant rejoint le Parti individuellement. Jeremy Corbyn était élu suite à la défaite de son prédécesseur Ed Milliband dans les élections parlementaires de 2015. Fortement marqué à gauche, il a reçu le soutien en particulier d’un grand nombre de jeunes qui venaient tout juste de s’inscrire au Parti.

10 Ceci se réfère notamment à la politique introduite par Thatcher, qui donnait aux locataires des HLM appartenant aux municipalités, le droit d’acheter leur logement.

 

Personnages: 

  • Jeremy Corbyn [9]
  • David Cameron [21]
  • Theresa May [22]
  • Boris Johnson [23]

Récent et en cours: 

  • Brexit [24]

Rubrique: 

Situation internationale

La société bourgeoise est la principale responsable des catastrophes!

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Au mois de mai dernier, une partie de l’Europe a été marquée par de fortes précipitations. Ces intempéries ont touché essentiellement l’Allemagne, la France, la Belgique et une partie de l’Europe centrale, faisant au moins dix-neuf morts et causant d’importants dégâts matériels d’un montant de près d’un milliard d’euros.

Au début du mois de juin, lors d’un Conseil des ministres, le Premier ministre Manuel Valls et son ministre de l’Intérieur ont salué “l’intervention des services de l’État, totalement mobilisés pour venir en aide aux populations sinistrées” avant de mettre en œuvre une prétendue “solidarité” en débloquant “plusieurs millions d’euros” visant à aider les personnes “sans ressources ayant tout perdu”. On voit ici toute l’hypocrisie et le cynisme du gouvernement qui prétend racheter le malheur et le désarroi de ces populations qui, du jour au lendemain, perdent leur maison, leur voiture, leurs biens de première nécessité, mais surtout leurs amis ou des membres de leur famille. Car ce gouvernement a voulu nous faire croire que cette “catastrophe” a été maîtrisée, que les victimes ont bien été prises en charge, ce qui aurait permis de limiter le nombre de disparus. Mais dix-neuf morts dans des inondations touchant l’une des zones les plus développées du monde, c’est dix-neuf morts de trop !

Alors que les puissances capitalistes, comme la France ou l’Allemagne, sont capables de déployer des moyens technologiques inouïs dans le domaine militaire par exemple, elles ne voient aucun intérêt à prendre des mesures durables pour éviter de telles catastrophes, dès lors que ce n’est pas rentable. En Allemagne, où ces inondations ont fait le plus de morts (onze au total), les experts soulignent l’archaïsme des infrastructures berlinoises et la mise en œuvre d’un programme de protection rendue compliquée par des conflits d’intérêts entre les différents acteurs.1 Ce seul exemple montre le côté suicidaire de ce système, incapable de voir ce qui est bénéfique au développement de l’humanité.

Bien entendu, on ne peut pas rendre le capitalisme totalement responsable de la météo d’autant plus que le réchauffement climatique ne semble pas avoir joué un rôle primordial dans ces intempéries. En revanche, cet événement démontre une nouvelle fois “l’incapacité de la civilisation bourgeoise à organiser une protection efficace dans la mesure où la prévention n’est pas une activité rentable” (2). Le désintérêt du capitalisme envers tout ce qui ne génère pas du profit rend la société extrêmement vulnérable et démunie face à ce genre de catastrophes, beaucoup plus sociales que naturelles.

L’une des grandes tendances historiques du capitalisme réside dans l’urbanisation du monde. Désormais, des millions de personnes s’agglutinent dans de grandes agglomérations pour servir de main-d’œuvre. Cette concentration nécessite la construction effrénée de bâtiments et d’infrastructures (parking, lotissements, zones commerciales et industrielles, routes, zones de loisirs). Dès lors, cette “bétonisation” anarchique provoque l’imperméabilité des sols et accentue le ruissellement, ce qui accroît le débit de l’eau. La “canalisation” de certains fleuves, comme la Seine par exemple, ne permet plus au tissu végétal d’absorber les quantités d’eau qui peuvent tomber en quelques jours. Ce phénomène est aggravé par l’irresponsabilité des promoteurs immobiliers et des autorités publiques qui, obnubilés par les gains financiers, ne cessent d’ériger des logements, y compris sur des zones inondables, sans se soucier le moins du monde des répercussions que cela peut entraîner sur les populations.

Dans un précédent article,3 nous insistions sur la multiplication de ces catastrophes pseudo-naturelles ainsi que sur l’augmentation du nombre de victimes. Entre 1994 et 2013, environ 6800 catastrophes naturelles ont coûté la vie à 1,35 millions de personnes.

Si la fréquence des phénomènes géophysiques (séismes, éruptions volcaniques, tsunami, etc.) reste constante, celle des catastrophes liées au climat (inondations, tempêtes) ne cesse d’augmenter.4 Le GIEC5 souligne que l’augmentation de ces précipitations extrêmes et des inondations est causée en grande partie par le dérèglement climatique. L’actualité de ces dernières semaines voit ces assertions se vérifier. Le 23 juin, au moins 26 personnes ont trouvé la mort en Virginie-Occidentale. Quelques jours avant, au moins 22 personnes périssaient dans le centre de la Chine et près de 200 000 personnes ont dû être déplacées. Le séisme qui a dévasté l’Équateur en avril dernier a fait 646 morts et plus de 26 000 personnes sans logements.6 Ces quelques exemples montrent la contradiction de plus en plus flagrante entre la société capitaliste et la nature. Désormais incapable de favoriser le progrès général de l’humanité, la bourgeoisie gère ces catastrophes à la fois avec cynisme et impuissance.

Pour le moment, la classe ouvrière encaisse ces chocs avec fatalisme et désarroi. Son incapacité à identifier le vrai responsable de ces drames à répétition l’empêche de s’indigner et de transformer ces épreuves en un élan de combativité contre la société bourgeoise. Pourtant, la survie du capitalisme en décomposition ne peut rendre ces drames que plus fréquents et meurtriers et encourager la plongée de l’humanité dans le chaos. Seule l’instauration d’une société où le travail sera tourné vers les propres besoins de la communauté humaine mondiale pourra permettre un pas supplémentaire dans le développement de l’humanité, en harmonie avec la nature.

FP, 1er juillet 2016


1 “L’Allemagne face aux difficultés de prévenir les inondations”, La Croix, 2 juin 2016.

2) Amedeo Bordiga, Espèce humaine et croûte terrestre, Petite bibliothèque Payot, 1978.

3 “Intempéries, tremblements de terre, inondations... catastrophes “naturelles”  ? Non, catastrophes capitalistes  !”, Révolution internationale no 455.

4 D’après l’EM-DAT (la base internationale de données sur les situations d’urgence).

5 Groupe d’experts inter-gouvernemental sur l’évolution du climat.

6 Voir à ce sujet l’article écrit par nos camarades en Equateur sur notre site en espagnol [25] dont la traduction en français paraîtra prochainement également sur notre site.

 

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Situation en France

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Liens
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