Le 15 décembre dernier, plusieurs dizaines de milliers de travailleurs participaient à la manifestation nationale que tous les syndicats, fraternellement unis, avaient organisé à Bruxelles pour la sauvegarde du pouvoir d'achat et pour la solidarité ("sauvons le pouvoir d'achat et la solidarité "). Et indéniablement, pour les travailleurs, une large mobilisation et un développement de la solidarité s'imposent afin de faire face aux attaques contre leurs conditions de vie et de contrer le battage médiatique autour des chimères nationalistes.
- hausse sans précédent de l'essence et du gasoil de chauffage, du gaz et de l'électricité, ainsi que de certains produits alimentaires de première nécessité : ainsi, en un an, les prix des produits alimentaires ont augmenté en moyenne de 4,4% (De Standaard, 12.12.07) et certains annoncent déjà le double pour 2008 (De Morgen, 13.12.07);
- détérioration continuelle des conditions de travail des travailleurs (hausse de la productivité, baisse de la norme salariale, réduction graduelle du système de la sécurité sociale) ;
- vagues incessantes de rationalisations et de licenciements, dans tous les secteurs.
En réalité, l'année 2008 annonce une sévère récession dans l'ensemble des pays industrialisés, illustrant une fois de plus le cancer qui ronge le système capitaliste, et la confusion actuelle au sein des forces politiques de la bourgeoisie ne fait qu'accumuler les nuages de tempête et les promesses d'austérité sur nos têtes : le dernier rapport de la Banque Nationale prédit déjà une augmentation de l'inflation, un déficit budgétaire pour 2007 et 2008 et un ralentissement de la croissance industrielle (De Morgen, 13.12.07).
Depuis 6 mois en effet, les travailleurs subissent un déchaînement sans précédent des campagnes nationalistes et sous-nationalistes, les appelant à prendre parti comme citoyen wallon, flamand, bruxellois ou belge. Ces campagnes sont particulièrement pernicieuses dans la mesure où:
- elle détourne l'attention de la classe ouvrière des attaques qui continuent à pleuvoir sur elle et qui s'expriment en particulier aujourd'hui;
- elles se centrent plus spécifiquement sur une thématique centrale pour le développement de la lutte ouvrière, la solidarité, pour la détourner vers un plan nationaliste ou sous-nationaliste : la solidarité de tous les Belges, la solidarité de tous les Flamands ou de tous les francophones.
Bref, la nécessité d'une large mobilisation ouvrière et d'un développement de la solidarité apparaît plus que jamais. Ils s'imposent d'autant plus que les infos sur la hausse du coût de la vie et sur la baisse du niveau de vie, combinées avec une impression croissante de chaos et d'irresponsabilité de la classe politique, ont alimenté ces dernières semaines un sentiment grandissant de ras-le-bol parmi les travailleurs. En même temps, des grèves isolées contre les rationalisations, les licenciements, les réductions de salaires se multiplient : Janssens Pharma Beerse, Volvo Cars Gand, Bayer Anvers, employés communaux d'Anvers, conducteurs de train ... et un mouvement étudiant contre le plan de rationalisation des universités se dessine aussi en Flandre. Cette tendance vers une montée de la colère et de la combativité était nettement perceptible lors de la manif du 15 décembre. De plus, la situation en Belgique doit être placée dans un cadre plus large : la période actuelle est caractérisée par une situation d'effervescence sociale dans divers pays européens : grèves des conducteurs de trains en Allemagne, grèves de la SNCF, de la RATP, des fonctionnaires et des étudiants en France, mouvements sociaux importants en Hongrie et en Grèce, manifs lycéennes importantes en Hollande avec des comités d'étudiants qui surgissent spontanément, etc.
C'est dans ce contexte qu'il faut apprécier l'objectif visé par l'organisation de cette manif syndicale du 15.12 : constituait-t-elle véritablement un jalon vers de larges mobilisations et vers un développement de la solidarité pour la lutte?
- "Trouver des manifestants un samedi à la mi-décembre n'est pas chose aisée. (...) ils ont toute sorte de choses à faire ce samedi" (De Standaard, 12.12.07). Loin de mettre l'accent sur la dynamique collective de lutte, les syndicats semaient le découragement parmi les ouvriers individuels, confrontés aux difficultés d'un week-end juste avant les fêtes de fin d'année, moment que ces mêmes syndicats ont par ailleurs consciemment choisi pour organiser leur manif ;
- "Une deuxième menace pèse sur la manif. Le petit syndicat indépendant des machinistes - en dispute avec les grandes centrales - menace de faire grève samedi" (Id.). Une fois de plus, tout en se présentant sous un drapeau unitaire, les syndicats jouaient de la division entre eux pour provoquer une immobilisation des transports ferroviaire, ce qui permettait d'éviter toute convergence massive de travailleurs "non contrôlés" vers le lieu de la manif;
- "la mobilisation se développe difficilement. Les syndicats tablent sur 25.000 participants. Pour cela, ils ont convenu de ‘contingents' : la FGTB et la CSC devront ‘livrer' chacun 15.000 manifestants, le syndicat libéral CGSLB 5.000. S'ils restent quelque peu en deçà des chiffres requis, ils atteindront malgré tout le chiffre de 25.000" (Id.). Pouvait-on avouer plus clairement ses intentions ? Les syndicats ne visaient nullement à stimuler une mobilisation massive. Afin d'éviter tout ‘débordement', ils s'arrangeaient même entre eux pour fournir de la ‘piétaille', ils fixaient entre eux les quotas de participants!!
Il n'était donc nullement surprenant qu'après la manif, les chiffres des organisateurs et de la police concordaient (20.000 participants), sous-estimant consciemment le nombre des manifestants : on n'en voulait pas plus et donc il ne pouvait pas y en avoir plus ! De toute évidence, derrière les grands discours sur la nécessité de faire barrage au recul du pouvoir d'achat, l'objectif des syndicats n'était clairement pas de stimuler la lutte mais, au contraire, de prendre les devants, d'occuper le terrain social afin de l'encadrer et de décourager toute velléité de développement ou d'extension.
Derrière un discours de défense du pouvoir d'achat et de solidarité, les syndicats ont en réalité organisé cette manifestation pour saboter toute tendance vers l'extension et l'unification des luttes et pour détourner la question cruciale de la solidarité ouvrière vers un engagement ‘citoyen' en soutien à l'Etat national démocratique. De cette manière, ils ne font que prolonger la tactique qu'ils ont développée dans des luttes comme celles à VW Forest, Opel Anvers, à la Poste ou chez les fonctionnaires communaux : prendre les devants et occuper le terrain social pour encadrer la combativité, pour éviter toute extension du mouvement et étouffer dans l'œuf toute réflexion sur le besoin de solidarité entre travailleurs. Sur ce plan, la manoeuvre de la manif du 15.12 est particulièrement habile dans la mesure où l'opération d'encadrement social et de détournement nationaliste s'opère au travers un langage de défense des conditions de vie et de maintien de la solidarité.
Pour développer un combat massif et uni de l'ensemble des travailleurs, indispensable face à la poursuite inévitable des attaques, il faut tirer les leçons du sabotage syndical. Et une des leçons centrales, c'est que, pour pouvoir se battre efficacement, opposer une riposte unie et solidaire en recherchant toujours plus l'extension de leur lutte, les travailleurs ne peuvent compter que sur leurs propres forces. Ils n'auront pas d'autre choix que de prendre eux-mêmes leurs luttes en mains et de déjouer tous les pièges, toutes les manœuvres de division et de sabotage des syndicats.
CCI / 27.12.07
Le 17 octobre, le parlement turc votait massivement en faveur du droit de l'armée turque de poursuivre la guérilla kurde du PKK jusqu'à leurs bases établies dans le Nord de l'Irak. Quatre jours plus tard, treize soldats turcs étaient tués dans une embuscade tendue par le PKK, mettant le feu aux poudres d'une campagne belliciste qui avait déjà commencé. Des manifestations nationalistes, parfois très nombreuses, ont été organisées partout en Turquie, avec le soutien total de l'armée, de la police, de la majorité des partis politiques et des syndicats, des médias et du système d'éducation nationale. Chaque citoyen est invité à arborer un drapeau turc à la fenêtre ou aux matches de football. Magasins et bureaux rivalisent pour déployer le plus grand drapeau.
Pour la bourgeoisie turque, cela fait partie de la "guerre contre le terrorisme", qui bénéficie du label US. Mais la bourgeoisie américaine, qui considère la Turquie comme un allié majeur dans sa stratégie militaire au Moyen-Orient, n'est pas entièrement satisfaite de ces développements. Peu avant la déclaration du Parlement turc, la majorité Démocrate au Congrès américain avait soulevé la question du massacre des Arméniens en 1915, le cadavre dans le placard de la Turquie. Les Républicains, avec Bush à leur tête, ont demandé de ne pas indisposer les Turcs en qualifiant le massacre de "génocide". Mais suite au vote du Parlement turc le 17 octobre, Bush lui-même a prévenu qu'une escalade de la présence turque en Irak (puisque Bush lui-même a laissé échapper que l'armée turque y avait déjà quelques hommes) pourrait saper la fragile stabilité de la région autonome kurde, le seul "havre de paix" en Irak depuis que l'invasion US et la destitution de Saddam ont plongé le pays dans un désarroi total. Les Turcs accusent les partis dirigeants kurdes de cette région d'aider et d'encourager le PKK, et bien que Barzani et Talabani (les principaux politiciens kurdes d'Irak) aient appelé le PKK à cesser ses attaques, la situation demeure extrêmement tendue. Barzani, par exemple, a déclaré que, bien que ne souhaitant prendre part à aucun conflit, ils (le gouvernement du Kurdistan irakien et des troupes intactes de peshmergas) se défendraient certainement.
Cette guerre larvée à la frontière turco-irakienne est un chapitre de plus dans le film d'horreur qui inclut maintenant la guerre ouverte en Irak, en Afghanistan, au Liban et en Israël/Palestine, et la menace d'autres conflits en Iran et au Pakistan. Confrontés à ce glissement dans la barbarie et le chaos, les camarades de EKS (Gauche Communiste Internationaliste) en Turquie ont répondu en publiant la position internationaliste que nous reprenons ci-dessous. Ils l'ont distribuée sous forme de tract avec leur récent bulletin "Night Notes", qui fait également état de la grève militante dans les Telecom de Turquie et souligne le fait que de telles luttes sont l'unique alternative au militarisme et à la guerre.
Les camarades de EKS interviennent dans un climat d'hystérie belliciste alimenté par l'Etat, dans un pays où (comme le savent ceux qui ont lu Show de Orhan Pamuk) le meurtre politique est une tradition établie depuis longtemps. Ils méritent la solidarité et le soutien des révolutionnaires partout dans le monde.
Amos / 31.10.07
Nous publions ci-dessous le tract que nous avons reçu de nos camarades d'Enternasyonal Komünist Sol (EKS [5]) en Turquie et qui prend position contre les menaces de guerre de l'Etat turc contre les Kurdes aux frontières avec l'Irak. La version complète de ce tract peut se lire sur notre site web, en langues turque [6], allemande [7] et anglaise [8].
Une fois encore, nous avons récemment appris que des enfants d'ouvriers étaient sacrifiés pour la guerre brutale dans le Sud-Est. La bourgeoisie et ses médias réclament comme toujours plus de sang et de chaos. En conséquence, les gens cherchent maintenant des "terroristes" dans les rues. Mais pourquoi de telles choses se sont-elles passées ?
Parce que l'Etat bourgeois est dans une situation de crise à un niveau qu'on n'avait pas vu depuis longtemps. La raison économique à la base de tout cela, c'est que les ouvriers en Turquie n'ont plus de sang pour la sangsue bourgeoise; et en plus, comme à Turkish Airlines hier et encore plus dans les grèves chez Türk Telecom et Novamed aujourd'hui, ils commencent à résister. Dette internationale croissante, capital devenant de plus en plus fictif, fragilité grandissante sur les "marchés monétaires", les conséquences pèsent sur les épaules des ouvriers. La bourgeoisie exploite le racisme pour laisser perdurer cette situation; ce qui fait que les ouvriers kurdes sont employés à moindres frais et les ouvriers turcs sont laissés pour compte, dans la rue. La conséquence politique de cette situation sont les cris de guerre que nous entendons toujours, mais qui ne sont en rien une solution. Les murs idéologiques de l'Etat bourgeois se fissurent tous les jours davantage. Plus l'indignation que vivent les ouvriers est remise en question, plus le capitalisme poussera la société vers la dégénérescence, la décadence et la décom-position, et plus il perdra la légitimité sociale qui était sa première signification. (...)
Pour la fraction nationaliste de la bourgeoisie, la question est, comme toujours, la "conspiration" orchestrée par les Etats-Unis. Selon eux, si les Forces armées turques envahissent l'Irak, "la terreur sera éradiquée". En réalité, il y a seulement trois ans que les Etats-Unis eux-mêmes voulaient envoyer se battre des fils de la classe ouvrière de Turquie contre d'autres ouvriers en Irak. Mais la bourgeoisie turque a été incapable de mener à bien ce projet, à cause de son incapacité à convaincre les ouvriers d'aller à la guerre et à cause de son impuissance et de sa faiblesse. La vérité est que la bourgeoisie turque s'est toujours alignée derrière les Etats-Unis et que les forces armées turques se tiennent prêtes à tuer des ouvriers au Liban et en Afghanistan si nécessaire. Aussi, contrairement au mensonge de l'aile nationaliste destiné à le faire croire aux ouvriers, il n'y a pas de conflit d'intérêts entre elle et l'impérialisme américain. Tout au contraire, il existe des intérêts communs et l'armée turque est un exécuteur armé de cette alliance. De plus, non seulement chaque massacre perpétré dans le Nord de l'Irak provoquera la mort de "soldats" et l'exode de "civils" repoussés dans des camps de concentration ou assassinés dans les champs de bataille, mais aussi plus de bombes exploseront dans les villes principales.
La fraction islamique et libérale de la bourgeoisie à son habitude, ne soutient pas la guerre de manière très sérieuse. Bien sûr, le fait qu'elle ait des doutes sur la façon dont se déroulera l'opération n'est que l'expression de sa tentative de recevoir la permission qu'elle souhaite de la part des USA. Pour cela, elle n'a pas d'autre choix que d'attendre "patiemment" d'obtenir un compromis avec Barzani et Talabani.
La fraction de gauche de la bourgeoisie alors, ne fait rien d'autre que se lamenter depuis ses tribunes. Elle s'en fout carrément de la faim, la misère, la pauvreté ou de la mort d'ouvriers. Elle adapte de plus en plus sa rhétorique face à ses maîtres pour protéger sa position. En bref, elle prouve une fois de plus l'inutilité des parlements.
En conséquence, les ouvriers de Turquie sont aussi poussés dans la spirale infernale de plus de guerre, de destructions, de terreur et de chaos qui sont infligés au Moyen-Orient par une bourgeoisie qui ne se soucie ni de leur vie ni de leur mort. Parce que le capitalisme ne peut repousser l'éclatement de sa crise insolvable qu'en entraînant l'humanité vers plus de destructions.
La réponse du prolétariat met en lumière la perspective d'avenir comme on a pu le voir dans la grève de Telekom. Une simple grève qui n'a duré que quelques jours a suffi pour faire trembler la bourgeoisie. Ce n'est que si les ouvriers manifestent leur solidarité avec leurs frères de classe pour étendre leurs luttes, et que s'ils disent Non internationalement à la guerre, que le massacre impérialiste pourra prendre fin. Le moyen d'arrêter la guerre et les massacres n'est pas de les approfondir ni de les élargir, mais de forger la solidarité de classe par-delà les frontières, touchant chaque terrain de bataille militaire. L'ennemi n'est pas chez nos frères et nos soeurs de classe mais chez les capitalistes ici, assis dans leurs maisons, bien au chaud!
Le 27 décembre 2007, Benazir Bhutto était assassinée. Son retour de Dubaï en octobre dernier avait déjà été l'occasion d'un attentat qui la visait et avait fait 139 morts. Bien sûr, cette égérie défunte de la "démocratie" s'est vue offrir un panel circonstancié d'hommages venant de la presse bourgeoise internationale. Son "charisme" et son "courage extraordinaire", sa "résistance à l'hégémonie militaire" ont fleuri la une de la plupart des journaux occidentaux et des pays arabes modérés. Mais c'est aussi l'inquiétude qui a marqué les réactions tant des éditoriaux journalistiques que des hommes politiques : "ouverture vers l'abîme", "vers le chaos politique" et "l'implosion du Pakistan", etc. L'ONU s'est réunie en urgence, pour se replier dans l'impuissance tout aussi précipitamment. Et les Etats-Unis, par la voix du département d'Etat, condamnaient "des gens qui là-bas (...) essayent d'interrompre la construction d'une démocratie" et Bush exhortait " le Pakistan à honorer la mémoire de Benazir Bhutto en poursuivant le processus démocratique pour lequel elle a donné courageusement sa vie". Bref, selon la bourgeoisie, Benazir Bhutto incarnait à elle seule le salut d'un Pakistan qui fait face à une instabilité grandissante. Son retour avait soulevé toute une vague d'espérances sur la possibilité de mettre un frein à l'anarchie qui gangrène un État dont l'armée est de plus en plus infiltrée par les islamistes radicaux et qui est détenteur de l'arme nucléaire.
Ainsi, en 2007, on a dénombré 800 morts, principalement du fait d'attentats suicides. Les talibans font des percées régulières en territoire pakistanais, en particulier au nord-ouest où des soldats sont tués ou enlevés par centaines. Pas plus les 90 000 hommes de troupe massés à la frontière que les dix milliards de dollars alloués à l'Etat pakistanais n'ont permis un contrôle de la situation. Les conflits religieux entre Chiites et Sunnites, qui à eux seuls ont fait 4000 morts en 15 ans, sont une source chaque jour plus ouverte de violence, conflits auxquels les tensions toujours plus exacerbées entre ethnies viennent faire du Pakistan une nouvelle poudrière. L'assassinat de Benazir Bhutto est venu jeter une nouvelle dose de haine sur le feu des dissensions entre Sindis (ethnie de la famille Bhutto) et Pendjabis (dont le territoire a été le théâtre de l'attentat contre l'ex-premier ministre).
De plus, des millions d'Afghans se sont réfugiés au Pakistan, ce qui vient rajouter à l'instabilité du pays, et même si environ 2,3 millions d'entre eux ont été rapatriés en 2005, plus d'un million restent encore.
Le climat de suspicion et de guerre larvée est généralisé dans toute la classe politique, exprimant de façon aiguë les mœurs de gangsters de la bourgeoisie : par exemple, immédiatement après l'assassinat, c'est la main d'Al Qaïda qui était désignée mais, dans le même temps, les militaires proches du pouvoir étaient eux aussi considérés comme des organisateurs potentiels de l'attentat.
En clair, le Pakistan est un pays à la limite d'une explosion politique, militaire et socio-ethnique. Le régime de Musharraf y a sa part de responsabilité : corruption généralisée, accoin-tances avec les talibans, double langage avec les Etats-Unis. Il ne plaît d'ailleurs à personne : de moins en moins aux islamistes depuis le massacre de la Mosquée rouge l'an dernier, comme à des secteurs de plus en plus larges d'une armée divisée entre les partisans islamistes et les clans anti-américains, aux occidentaux depuis la mise en place de l'état d'urgence à l'automne 2006, pour mieux préparer sa réélection à la présidence, jusqu'aux Etats-Unis eux-mêmes pour lesquels il manque totalement de fiabilité en tant "qu'allié". Et c'est pourtant à présent sur ce seul homme politique qu'ils vont être contraints de s'appuyer dans le conflit en Afghanistan.
Lorsque les Etats-Unis ont lancé leur invasion de l'Afghanistan en 2003, se servant de la destruction du World Trade Center et de la cause de la "guerre contre le terrorisme" comme prétexte, le soutien du Pakistan leur était nécessaire. L'Amérique lui avait promis qu'elle soutiendrait les tribus hostiles à l'Alliance du Nord, ennemie traditionnelle et barrière à l'influence pakistanaise en Afghanistan, mais cette promesse a fait long feu du fait de l'influence gagnée par l'Alliance du Nord dans la situation qui a prévalu après la défaite des talibans. Cependant, l'aide du Pakistan aux Etats-Unis n'avait été initialement obtenue que sous la menace de Bush de bombarder le pays à un tel point qu'il le renverrait "à l'âge de pierre" ! s'il ne lui donnait pas "volontairement" son soutien pour la guerre en Afghanistan. Cette menace a d'ailleurs été récemment plus ou moins rappelée par le démocrate Barack Obama dans la campagne présidentielle actuelle, sous-entendant que les Etats-Unis pouvaient toujours bombarder les bastions d'Al Qaïda au Pakistan sans permission ; ce à quoi le président Musharraf a répondu qu'il considérerait de telles attaques comme des attaques ennemies !
Aussi, c'était afin d'essayer de trouver un appui plus fiable au sein de l'Etat, tout en donnant un vernis plus "démocratique" à l'alliance avec le Pakistan, et pour tenter de ralentir les forces centrifuges qui font ravage, que l'Amérique avait fait appel à Benazir Bhutto. Issue d'une famille de politiciens pakistanais de longue date, vieille routarde de la politique puisque par deux fois premier ministre, bénéficiant d'une aura internationale de défenseur patenté de la "démocratie", la dirigeante du Parti du Peuple Pakistanais était de plus connue comme une "fidèle des Etats-Unis" 1 .
C'est donc en tant que telle que son retour au pays avait été organisé et arraché à Musharraf par l'Administration américaine dans l'objectif de constituer une coalition incluant des "modérés", mieux à même de soutenir la politique américaine en Afghanistan et au Pakistan.
Quels que soient les commanditaires de cet assassinat, la disparition de Benazir Bhutto est donc un échec cuisant pour la Maison Blanche dans sa croisade contre le terrorisme. Déjà englués dans le chaos irakien et loin de sortir du bourbier afghan, les Etats-Unis se trouvent une nouvelle fois devant une aggravation de leur affaiblissement sur la scène internationale.
Que l'Amérique se trouve en butte à une difficulté supplémentaire par rapport au Pakistan ne signifie pas pour autant que ce dernier puisse profiter en quoi que ce soit d'une telle situation. Celle-ci ne peut que s'aggraver et s'accélérer. Le problème de fond n'est d'ailleurs pas en soi Musharraf. Il s'agit d'une question plus large qui touche aux origines mêmes de la fondation en 1947 de l'État pakistanais, tiraillé en tous sens, proie de multiples tensions guerrières ainsi que de nombreuses pressions internes et externes.
Le conflit congénital entre le Pakistan et l'Inde vient au premier plan. C'est ce conflit qui a poussé l'État pakistanais à se doter (sous l'impulsion de Bhutto père) de l'arme nucléaire. Rappelons que les dissensions indo-pakistanaises sur le Cachemire et la course aux armements nucléaires entre ces deux pays ont conduit à la menace de guerre en 2002, et le risque réel d'utilisation de l'arme atomique. Ce n'est que sous une puissante pression des Etats-Unis que le danger de guerre a été enrayé, ces derniers craignant que ce conflit ne vienne entraver leur propre perspective militaire. Mais aucun des problèmes entre Islamabad et New-Delhi n'a été résolu. La course aux armements entre les deux États a pris de telles proportions qu'ils sont devenus les deux principaux canaux de transfert d'armes vers le tiers-monde en 2006, tandis qu'ils alimentent chacun de leur côté attaques terroristes et attentats aveugles, excitant le nationalisme le plus répugnant, au plus grand mépris des populations qu'ils prétendent "libérer" du joug de l'adversaire.
Mais c'est aussi dans le cadre de l'affrontement entre les blocs de l'Est et de l'Ouest, aux temps de la Guerre froide, que le Pakistan a joué un rôle important dans la guerre impérialiste. Ainsi, durant les années 1980, le Pakistan était stratégiquement important pour l'aide accordée par le bloc de l'Ouest aux Moudjahidines, qui combattaient l'URSS en Afghanistan. A l'époque, ces islamistes n'avaient pas que Dieu mais aussi des missiles Stinger américains de la CIA de leur côté.
Globalement, la situation stratégique du Pakistan n'est pas à son avantage et rend ses positions très complexes. Ce pays détient en effet des frontières importantes avec l'Afghanistan, tout comme avec l'Iran, la Chine et l'Inde.
Contraint par la force de soutenir les Etats-Unis dans leur "guerre contre le terrorisme", il ne peut en même temps rien gagner de cette loyauté, car il est pris dans une convergence d'intérêts entre l'Inde, son ennemie intime, et les Etats-Unis, le Big Boss qui lui impose son diktat. D'autre part, son autre "protecteur", la Chine, a de son côté des appétits impérialistes qui la poussent au conflit avec l'Inde mais aussi avec l'Amérique, ce qui le met donc en porte à faux vis-à-vis de Washington. Le tout sur fond d'une guerre avec l'Afghanistan qui ronge littéralement le pays par tous les bouts et d'une guerre larvée mais permanente avec l'Inde.
Quel que soit le résultat des élections de février, le Pakistan ne peut échapper à une instabilité et à un chaos croissants qui font planer une menace supplémentaire sur l'équilibre de toute cette région du monde.
Wilma / 21.01.2008
1) Démise par deux fois de ses fonctions pour corruption, impliquée dans l'assassinat de son propre frère devenu en 1992 un rival potentiel, pour ne citer que ces deux exemples, il va sans dire que sa carrière politique a montré qu'elle n'avait rien à envier en matière de coups tordus à des Nawaz Sharif et Pervez Musharraf.
A l'échelle internationale, une nouvelle génération commence à mettre en œuvre une politique prolétarienne. D'abord et avant tout, c'est le débat qui est nécessaire pour clarifier les positions. C'est dans ce sens qu'il y a peu s'est formé un cercle de discussion à Anvers. A la Vrije Universiteit de Bruxelles aussi a maintenant surgi un groupe de discussion politique. Lié à aucune tendance politique, ses participants préparent eux-mêmes des introductions et apportent des thèmes. Ont notamment été traités Ecologie et capitalisme, la Révolution d'octobre en Russie en 1917, et les récentes manifestations étudiantes. Nous publions ci-dessous la majeure partie d'une de ces introductions, sur l'identité et l'Etat. Le résumé de la discussion sur les manifestations étudiantes se trouve sur notre site Web.
Les rêves humains n'ont aucune chance dans la société actuelle. Et il n'y a pas non plus de perspective très enthousiasmante pour nous, les jeunes : travailler de 9 à 17h jusqu'à ses soixante ans et espérer ne pas être licencié. De plus, la plupart des emplois n'ont que peu d'utilité sociale, comme par exemple le secteur bancaire ou l'administration. Et quand on trouve un bon job, c'est le train-train quotidien qui fait peur.
Avec la crise d'identité, la crise économique et sociale devient de plus en plus cuisante : les travailleurs doivent travailler toujours plus dur, alors que les revenus des chômeurs et retraités diminuent sans cesse. L'enseignement se dégrade, les parents ont de moins en moins de temps à consacrer à leurs enfants, et le stress est en augmentation. Les frictions entre voisins empirent : allochtones et autochtones, Flamands et Wallons, Européens et Américains, musulmans et chrétiens. Il y a des guerres partout dans le monde, et le saccage de la nature s'accélère.
Qui croit encore en ce système ? Peut-on s'épanouir dans le capitalisme ? Pourquoi le monde est-il divisé en nationalités et en Etats ? Les intérêts de l'humanité correspondent-ils à ceux du capitalisme ? Ne peut-on pas faire autrement, ne peut-on pas faire mieux ? Grâce au capitalisme, nous avons développé les forces productives à un point tel que toute la population mondiale devrait pouvoir satisfaire ses besoins vitaux. Malgré la possibilité technique, cela semble impossible dans la capitalisme : seule une petite partie de la population mondiale dispose de cette abondance, tandis que la majorité du monde -ravagée par des catastrophes naturelles- subit la famine et ne connaît ni logement ni enseignement.
Il s'agit d'un énorme gaspillage de matières et de vies humaines. Cette absurdité ne tient pas à la « nature humaine », mais au mode de production capitaliste : une maximalisation inhumaine du profit. Les forces productives et créatives de l'humanité ne sont utilisées que lorsque la société le permet. La bourgeoisie -la classe dominante dans le capitalisme- n'investit que dans des activités rentables. La bourgeoisie et la concurrence empêche l'humanité de mettre en œuvre une société pacifique et internationale, qui satisfasse les besoins de l'humanité.
Dans l'article précédent (Ecologie et capitalisme, 'de Moeial' octobre 2007) et durant la discussion du 17 octobre, il y a eu un débat sur la façon dont le capitalisme provoque les problèmes écologiques. Dans cet article, l'attention se porte plutôt sur l'influence qu'exerce le capitalisme sur la créativité et l'identité de l'humanité que sur la mauvaise utilisation des forces productives.
Pourtant, il y a un lien fondamental entre la satisfaction des besoins vitaux et l'identité et la créativité : sans cette satisfaction, l'humanité ne développe pas son identité ni sa créativité, ses pensées sont dominées par le besoin de nourriture, de logement, de sécurité. Aussi longtemps que dure la pénurie, les besoins vitaux empêchent le développement d'autres besoins. Ces autres besoins ne sont ni artificiels ni inventés, l'humanité est un être créatif et social qui a toujours besoin de se développer, d'interaction et de culture.
L'heure de la liberté a sonné. Le capitalisme dispose en suffisance d'ouvriers qualifiés, et il devra continuer à entretenir des ouvriers. La bourgeoisie n'a jamais concédé la moindre amélioration des conditions de vie par charité, mais seulement pour augmenter son profit ou maintenir son système en vie. C'est ainsi qu'elle a accordé l'enseignement et les soins de santé pour pouvoir disposer d'ouvriers plus intelligents et en meilleure santé. Elle a concédé aux ouvriers le droit de vote et la diminution du temps de travail pour entretenir l'illusion que le capitalisme peut encore apporter des améliorations. Nous sommes ces futurs ouvriers, et la bourgeoisie réduit de plus en plus ses concessions, parce que la crise économique et politique s'aggrave (la retraite commence de plus en plus tard, les ouvriers travaillent de plus en plus longtemps et la sécurité d'emploi est en chute libre). Nos loisirs également -le temps qui reste après le travail et toutesles autres tâches indispensables, comme faire les courses, cuisiner, se déplacer- sont sous pression.
L'augmentation de liberté de l'individu dans le capitalisme est apparue parce qu'une plus grande partie de la population ne devait plus travailler constamment pour la satisfaction de ses besoins vitaux, mais disposait de temps (libre) et de moyens pour satisfaire ces besoins supplémentaires. Cela n'était pas possible pour les paysans de la féodalité ou les esclaves qui les ont précédés. Le capitalisme a représenté un progrès, mais les circonstances ont changé, et actuellement, le capitalisme limite le temps libre et donc la liberté de l'individu. La liberté que nous connaissons aujourd'hui, c'est-à-dire le temps et les moyens que la société met à la disposition de l'individu, est relativement réduite. Non seulement le capitalisme exige des ouvriers qu'ils travaillent beaucoup au nom du profit, mais il n'organise pas la société de sorte que chacun puisse jouir de l'abondance. Seuls ceux qui ont de l'argent, qui travaillent donc, ont accès à cette abondance. Le communisme propose un système où chacun travaille selon ses capacités, pour la satisfaction de chacun. Le communisme, ce n'est pas la maximalisation du profit, mais la satisfaction des besoins humains (et donc aussi de tous les besoins qui viennent après les besoins vitaux). Alors ont peut vraiment parler d'individualité. L'idée que le communisme imposerait à tous les humains une idéologie et les mêmes standards de vie (des bâtiments gris, la même alimentation et les mêmes vêtements pour tout le monde) est en opposition avec son objectif : une société qui s'organise dans le but d'épanouir le développement de l'individu. C'est pourquoi, il faut remplacer le capitalisme, car c'est le capitalisme qui peint l'humanité en gris, la précipite dans la guerre et saccage notre monde...
Intro cercle de discussion VUB
Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un article de World Revolution n°258 d'octobre 2002 (organe du CCI en Grande-Bretagne) traitant de la dynamique d'un groupe de discussion qui s'est constitué aux Midlands en 2000. Cet article rappelle la nécessité de ce type de formation pour la clarification de la conscience au sein de la classe ouvrière. Le Groupe de discussion des Midlands (GDM) implique depuis 8 ans des personnes de Leicester et Birmingham provenant de milieux politiques divers (de la Gauche communiste, du conseillisme, de l'anarchisme, du mouvement écologiste et du gauchisme). Le but de ce groupe était de discuter de l'alternative prolétarienne au capitalisme à l'instar d'autres groupes de discussion qui existent ou ont existé au Mexique, en Inde, en France, en Espagne, en Suisse et en Australie.
Les cercles de discussion ne peuvent s'appréhender que dans le contexte du développement historique de la conscience de classe. Ils sont partie prenante de l'effort du prolétariat pour développer sa conscience de classe en essayant de comprendre la signification et les implications des crises du capitalisme dans le cadre des positions politiques du prolétariat.
Dans le contexte historique actuel, c'est-à-dire celui d'un chaos impérialiste et économique grandissant, il est important de souligner que le processus de développement de la conscience de classe se révèle de plus en plus difficile, en particulier depuis l'effondrement du bloc de l'Est. Le travail des cercles de discussion est de ce fait d'une grande importance pour le développement futur de la compréhension par le prolétariat de son propre rôle historique.
Le GDM est apparu au départ comme Groupe de Discussion de Leicester (GDL) avec des éléments qui avaient discuté dans la région tout en ayant un contact de longue date avec le Courant Communiste International. Ces discussions avaient été favorisées par des questionnements sur la guerre au Kosovo. Afin de donner à ces discussions une forme plus systématique et fructueuse, le CCI suggéra qu'il devienne un cercle de discussion. Les premières discussions du GDL portèrent sur un article du CCI qui tirait les leçons politiques d'un groupe de discussion qui avait existé à Zurich, en Suisse, dans les années 1990. Cet article mettait en avant qu'un cercle est un rassemblement ouvert mais non permanent d'ouvriers qui se rencontrent pour discuter et clarifier des questions politiques. Ces cercles sont des lieux que le prolétariat crée afin de pousser en avant sa conscience, surtout dans les moments où il n'existe aucun parti et aucun Conseil Ouvrier... Nous les considérons comme une expression concrète de la classe. Ils expriment la conscience de la classe, démontrant qu'ils ne sont pas prêts à subir la crise et la banqueroute du capitalisme sans faire preuve de résistance ; ils montrent la volonté de se défendre contre les attaques du système capitaliste. En même temps, ils sont l'expression d'une tentative de recherche de moyens de lutte et de développement d'une perspective révolutionnaire..." (World Revolution n° 207, "Les cercles de discussion dans la classe ouvrière : un phénomène mondial"). Puisqu'un cercle n'est pas une organisation se regroupant autour d'une plate-forme politique, il ne peut être une entité permanente ou stable. C'est un moment de clarification politique, permettant aux militants, à travers la participation à un processus de discussion collective, de rechercher où ils en sont politiquement en se situant du point de vue de la classe exploitée et par rapport aux courants historiques existant déjà au sein du milieu prolétarien marxiste internationaliste.
Un élément central des discussions du GDM fut la détermination à mieux comprendre les principales questions théoriques et historiques du mouvement ouvrier et de combiner cet aspect avec le souci de se référer et de discuter des événements nationaux et internationaux au fur et à mesure qu'ils se déroulaient. C'est ainsi qu'après le 11 septembre 2001, le cercle a également discuté les tracts et communiqués publiés par le CCI et d'autres groupes de la Gauche communiste. Lors d'une réunion particulière, le groupe a considéré ces attaques comme une expression de l'aggravation des tensions impérialistes. Cette préoccupation de dénoncer la guerre impérialiste d'un point de vue prolétarien a été une grande force du groupe. Tous les participants ont clairement manifesté leur opposition à la guerre au Kosovo et en Afghanistan ainsi qu'à toutes les guerres impérialistes.
La publication dans le journal World Revolution (WR) n° 257 de la présentation d'une discussion sur la Commune de Paris, montre la profondeur et la qualité de ces discussions. Entre autres choses, le GDM a discuté du mouvement anti-capitaliste, de la Révolution russe (que le groupe considère comme prolétarienne, bien qu'il y ait des désaccords sur le rôle des bolcheviks et sur les raisons de sa dégénérescence), de la conscience de la bourgeoisie en se centrant sur le rôle des partis de gauche contre la classe ouvrière.
Dès le début, le GDM a fait de la Gauche communiste un point de référence. Il a invité les groupes de la Gauche communiste à participer à ses réunions. Cela a permis aux participants de profiter non seulement d'une meilleure compréhension des positions des différents groupes mais aussi de gagner en expérience dans la discussion avec des organisations politiques du prolétariat. Le CCI est intervenu dans les réunions du groupe depuis sa fondation et la Communist Workers Organisation (CWO) est aussi intervenue plus récemment.
Le GDM a pleinement rempli son rôle central, celui de la clarification. Mais il a dû mener un grand débat politique pour y arriver. En particulier il a dû se confronter à des confusions sur sa propre nature et sur le rôle qu'il devait jouer.
Le GDM a basé initialement son travail sur les leçons de l'expérience plus large de la classe ouvrière, notamment celle du cercle de discussion de Zurich. Cependant, la pleine assimilation de ces leçons a été entravée par des confusions au sein du groupe sur ses relations avec le CCI. Certains éléments, alors qu'ils voyaient, au début, la nécessité d'un débat ouvert, ont commencé à voir la fonction du GDM comme étant un lieu pour la discussion des positions du CCI. Cette vision tendait à considérer le groupe comme une sorte d'antichambre du CCI. Le CCI a fermement rejeté cette vision et a souvent insisté sur la nécessité pour le groupe de discuter l'histoire plus globale du mouvement ouvrier et des positions des autres organisations communistes.
Le CCI a toujours défendu la vision suivant laquelle les cercles de discussion sont des lieux de clarification et non des appendices, la "propriété privée" ou la "chasse gardée" des organisations politiques prolétariennes. Ces cercles de discussion doivent agréger quiconque recherche la clarification. Les seules raisons justifiant l'exclusion du débat de tel ou tel individu (ou groupuscule d'individus) doivent être basée sur certains principes élémentaires de comportement prolétarien : les manœuvres de sabotage ou les tentatives de prise de contrôle de ces cercles de discussion (de même que le mouchardage)..
Des éléments issus du milieu gauchiste ont participé aux réunions du GDM, ce qui a permis une confrontation politique avec les positions de l'idéologie bourgeoise. Loin d'être une diversion, de telles discussions ont amené à une clarification sur la nature et le rôle du gauchisme.
Ainsi, comme ce fut le cas avec le GDM, les cercles de discussion peuvent être très hétérogènes. Mais il n'y a rien de dommageable à cela. Chercher à imposer des critères (autres que ceux du comportement politique cités ci-dessus) pour la participation aux cercles de discussion signifierait affaiblir leur force fondamentale : leur nature ouverte permettant un débat contradictoire. De tels critères impliqueraient, en effet, un accord préalable sur des positions politiques - (c'est-à-dire un certain niveau de clarification), ce qui reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs. Toute tentative d'imposer de tels critères amènerait à geler le processus de clarification. L'évolution politique de ceux qui participent à la discussion ne peut être que le résultat de la confrontation entre différentes positions. Le CCI, pour sa part a toujours fait confiance à la capacité de jugement et au "bon sens" de tous ceux qui ont accepté de discuter loyalement avec lui, sans ostracisme et sans préjugés (y compris ceux qui ont milité dans des partis bourgeois).
Cependant, si un cercle de discussion ne peut être la "propriété" d'une organisation, il n'est pas non plus un groupe politique ou une organisation en tant que telle1 .
Cela ne veut pas dire que les organisations politiques prolétariennes ne doivent pas stimuler l'émergence de tels groupes et intervenir en leur sein afin de contribuer à la clarification la plus efficace. Les principes animant l'intervention du CCI sont "l'intervention organisée, unie et centralisée au niveau international, pour contribuer au processus qui mène à l'action révolutionnaire de la classe ouvrière". (Positions de base du CCI). Il est du devoir du CCI et des autres organisations politiques prolétariennes de prendre la parole au sein des cercles de discussion afin de permettre aux participants de mieux connaître les groupes historiques de la Gauche communiste et de prendre position, en développant la culture du débat.
Le GDM a dû aussi faire face à un certain nombre de tensions personnelles dans ses rangs. Cependant, suite à une discussion franche, tous les participants sont tombés d'accord sur le fait que les intérêts du groupe étaient prioritaires et que la personnalisation de la discussion était à rejeter.
Une fois ces difficultés résorbées, le groupe a pu s'épanouir et les débats s'enrichir. Au début de 2002, le GDM a tenu une réunion sur l'opposition prolétarienne à la guerre impérialiste. Cette réunion a attiré des individus qui n'étaient jamais venus auparavant, accompagnés de la CWO et du Socialist Party of Great Britain (SPGB) (voir WR n° 252). La plupart de ces éléments ont par la suite participé aux discussions du GDM.
Le Groupe de discussion des Midlands a exprimé, en Grande-Bretagne, l'effort le plus large possible du prolétariat pour développer sa conscience. La dynamique que les participants ont été capables de maintenir a révélé toute la vitalité politique de ce groupe. Tous les éléments qui l'ont animé ont entrepris un réel processus de clarification politique. Cela ne veut pas dire que chacun a déjà une conscience parfaitement claire des enjeux de la situation historique. Mais cela veut dire que les participants sont plus clairs sur ce qu'ils défendent, sur la façon dont ils envisagent leur avenir politique.
Certains éléments du GDM (une toute petite minorité) ont fini par demander leur adhésion au CCI, tandis que le groupe de discussion continue à se rencontrer régulièrement en menant une politique d'ouverture vers d'autres éléments à travers des informations sur le site libcom.org et la participation à des réunions de groupes anarchistes. Les éléments du groupe viennent également régulièrement à nos réunions de Birmimgham. Pour notre part, nous continuons de participer aux réunions du groupe de discussion.
D'après World Révolution n° 258 (octobre 2002),
1) Voir l'article sur notre site Internet "L'organisation du prolétariat en dehors des périodes de lutte ouverte"
Les prix s'envolent! Au 1er mars, l'inflation atteignait 3,64 %, le niveau le plus élevé depuis seize ans. Pendant trois mois d'affilée, la consommation privée par les ventes au détail chute plus que n'importe où en Europe. Cette perte de pouvoir d'achat touche toute la classe ouvrière. Les salaires, les allocations et les retraites diminuent. La conséquence la plus importante en est que des couches toujours plus larges de la population sombrent dans la pauvreté (1). Seule la lutte en tant que classe peut y faire barrage. "Une large mobilisation des travailleurs et un développement de la solidarité s'imposent", écrivions-nous à la veille de la manifestation nationale du 15 décembre appelée par les syndicats, en défense du pouvoir d'achat. " Ils s'imposent d'autant plus que les infos sur la hausse du coût de la vie et sur la baisse du niveau de vie, combinées avec une impression croissante de chaos et d'irresponsabilité de la classe politique, ont alimenté ces dernières semaines un sentiment grandissant de ras-le-bol parmi les travailleurs. En même temps, des grèves isolées contre les rationalisations, les licenciements, les réductions de salaires se multiplient [...]Cette tendance vers une montée de la colère et de la combativité était nettement perceptible lors de la manif du 15 décembre"(2). Pour endormir ce mécontentement naissant, les syndicats ont sauté dans la brèche et organisé cette manifestation derrière le mot d'ordre: "Sauvons le pouvoir d'achat et la solidarité", juste avant le congé de Noël. Une édition unique et sans suite où les ouvriers ont été appelés à défendre une fausse solidarité nationale " pour une sécurité sociale forte et fédérale" et à soutenir l'Etat national, celui-là même qui est à la base des vagues d'austérité. "Derrière les grands discours sur la nécessité de faire barrage au recul du pouvoir d'achat, l'objectif des syndicats n'était pas clairement de stimuler la lutte mais, au contraire, d'en prendre les devants, d'en occuper le terrain social afin de l'encadrer et de décourager toute velléité de développement ou d'extension"(2).
Cela n'a pas duré longtemps avant que la classe ouvrière montre qu'elle n'avait pas enterré sa combativité comme les syndicats et l'ensemble de la bourgeoisie l'avaient espéré.
Ce qui avait commencé à la mi-janvier spontanément comme un conflit social local chez un fournisseur de Ford Genk pour "1 euro de plus" a très vite tourné en une réelle vague de grèves pour une augmentation du pouvoir d'achat, vague toujours pas calmée à l'heure actuelle. Ces mêmes ouvriers qui étaient sous pression à l'occasion des restructurations chez Ford, Opel ou VW ont mis le feu aux poudres. D'abord, le mouvement revendicatif spontané a réussi à déborder vers Ford Genk et vers pratiquement toutes les entreprises des environs immédiats pour ensuite atteindre toute la province du Limbourg et le secteur métallurgique. La vague de grèves sauvages s'est étendue lentement vers d'autres branches industrielles et d'autres provinces, surtout dans la partie néerlandophone et à Bruxelles. Début mars, on compte déjà "des centaines d'autres entreprises, et depuis quelques jours aussi les fonctionnaires de la communauté flamande" (De Standaard (DS)7.3.08), confrontés à des cahiers de revendications en plus des conventions en cours. Syndicats et employeurs, pour étouffer les foyers, canalisent les revendications dans le sens de primes uniques et de boni liés aux résultats. Dans la plupart des cas, les patrons essaient même d'acheter la paix sociale pour mettre fin à la vague de grèves avant même que les ouvriers engagent effectivement l'action. "Parce qu'ils ont eux-mêmes à tenir compte de protestations subites, mais plus encore parce qu'ils veulent à tout prix éviter une grève sauvage et sont donc prêts à racheter à l'avance un éventuel désordre"(interview de H. Jorissen, président du syndicat flamand de la métallurgie de la FGTB dans De Morgen (DM), 2.2.08)(). Car comme un fil rouge à travers tout le mouvement, "il ne s'agit pas de grèves organisées par les syndicats, mais de grèves sauvages. C'est la base qui se révolte, et ce sont les syndicats qui tentent de négocier" (un des témoins au forum de discussion de DS sur la vague de grèves).
Chaque jour, de nouvelles revendications salariales émergent. Mais déjà depuis le début, à côté des exigences salariales, les grévistes avancent également d'autres revendications comme les plaintes à propos des pressions trop élevées au travail, et l'exigence de transformer en emplois fixes les contrats temporaires. Cet élargissement du cahier de revendications favorisait nettement l'extension potentielle du mouvement. C'était surtout le cas les premières semaines, à cause de la surprise créée par l'explosion spontanée et du fait que les appareils syndicaux ne contrôlaient pas encore suffisamment les revendications.
En outre, cette vague de grèves spontanée a renforcé la confiance des ouvriers en eux-mêmes, a suscité l'action pour d'autres revendications directes, encore plus explicitement que dans la période avant la manifestation syndicale du 15 décembre. Nous avons vu ainsi, à côté d'une série de mouvements de grèves importants dans le cadre syndical (comme à Electrabel, SONACA et les sapeurs pompiers) des actions sauvages comme chez le géant pétrochimique BP autour d'une restructuration et des conditions de travail où le patronat a appelé "à cesser les actions incontrôlées et à suivre le modèle de concertation sociale", parmi les 240 travailleurs de l'entreprise logistique Ceva contre les licenciements et à La Poste à Mortsel contre la sous-occupation et les contrats temporaires, "si on en vient à des actions dures à Mortsel, je crains que(...) Les autres bureaux pourraient alors suivre. Nous voulons éviter cela" (Ludo Gauwloos, délégué sectoriel du syndicat de fonctionnaires CGSP d'Anvers dans DS ). De plus, il y a encore des interruptions de travail imprévues chez les conducteurs de tram et de bus de De Lijn à propos des conditions de travail et des pauses, à la SNCB...
Finalement, la grève à l'abattoir de volailles Lintor est un autre exemple de la solidarité croissante dans la classe ouvrière, incontestablement stimulée par la combativité, la détermination et la confiance grandissante des ouvriers dans leurs propres forces. Cette entreprise, qui ne travaille qu'avec des ouvriers d'origine étrangère et beaucoup d'intérimaires en provenance de Chine ou de Pologne, entre en grève comme un seul bloc et démontre par là dans la pratique que les divisions contractuelles, de langue, d'origine ou de race ne constituent pas des barrières infranchissables pour la classe ouvrière. Ils exigeaient une application correcte des rémunérations et des bonifications pour tous exactement comme pour tout autre ouvrier.
"Le consommateur belge doit s'attendre dans les mois à venir à la plus forte hausse de prix généralisée depuis le début des années 1990. Dixit le bureau fédéral du Plan" (DS, 1.3.08). Pourtant, une partie de la bourgeoisie ose prétendre que la perte du pouvoir d'achat "n'est qu'un mythe, ou plutôt une impression, mais pas une réalité". Elle souligne que "le pouvoir d'achat réel de l'ensemble des Belges s'est encore accru". L'organisation patronale Unizo parle d'une "hystérie du pouvoir d'achat". Le gouverneur de la Banque Nationale Guy Quaden, rejoint par beaucoup d'autres directions d'entreprise, met en garde contre des augmentations de salaires incontrôlées qui réveilleraient l'inflation et coûteraient des emplois. L'organisation patronale flamande Voka, également, appelle les actions de grève une aventure mettant l'économie en danger. "Les grèves pour plus de salaire ne sont pas une bonne idée" titrent plusieurs éditoriaux. La direction de Ford a envoyé à tous ses ouvriers une lettre au ton menaçant dont le message était clair. Ces réactions datent surtout des premières semaines de janvier.
La réalité quotidienne montre la pression sous laquelle vive la plupart des familles ouvrières: "Le Belge moyen s'enfonce toujours plus dans les dettes" ( rapport annuel de la centrale de crédit de la Banque Nationale), 4,7 millions de Belges empruntent ou achètent à crédit, les achats à échéances ont augmenté de 75 % ces cinq dernières années. "Le Belge est au bout du rouleau quand arrivent les factures" affirme le directeur de Datassur (banque de données centrale pour les assureurs). Car le nombre de Belges dénoncés pour défaut de paiement de leur assurance voiture ou incendie a une nouvelle fois progressé jusqu'aux environs de 40.000.
Après les produits énergétiques, ce sont surtout les prix alimentaires, le gaz et l'électricité qui tirent le niveau des prix vers le haut. Le courant et le gaz en 2008 coûteront en moyenne 300 euros de plus par famille. L'appel dans le mouvement de grève à une hausse supplémentaire des salaires nets en plus de l'indexation automatique, indique clairement que l'indexation des salaires ne suffit pas à compenser cette chute du pouvoir d'achat. Beaucoup de prix alimentaires, de produits de base et de produits pétroliers ne sont même plus repris dans l'index des prix, alors que le prix des Porsche et d'autres produits de luxe qui ont légèrement diminué, le sont. Ils font pression à la baisse sur l'index et ainsi faussent l'image de la réalité . Il est significatif d'entendre que "les CPAS nous font part que des gens achètent de plus en plus à crédit des biens quotidiens comme l'alimentation ou les habits" (Koen Steel, président du KWB (Mouvement Ouvrier Chrétiens), DM, 18.1.08). D'ailleurs, "Chaque Epargne pension a déjà perdu 600 euros ", "Pertes historiques en Bourse", n'étaient pas par hasard les titres des journaux de première page dans cette même période de mécontentement social où ils soulignaient, en plus de la perte de pouvoir d'achat, la diminution des économies pourtant rudement épargnées.(3)
"C'est une impression, Monsieur" répète la presse. Et entretemps, la pression sur les travailleurs et le climat social se poursuit: l'insécurité et la précarité de beaucoup de contrats temporaires et d'intérim, l'arbitraire croissant, le stress et la fatigue consécutifs au caractère destructeur de la pression pour plus de productivité et d'efficacité, traduite dans d'ingénieux tableaux de procédures et minutée par tâche, ou même en fractions de secondes, la lutte contre le soi-disant absentéisme, la misère grandissante dans des couches toujours plus larges de la population et par-dessus tout cela, les augmentations de prix des produits de base. On comprend très bien pourquoi le manque de perspective d'avenir se renforce. C'est la réalité oppressante! Et on ne dit encore rien des conséquences qu'auront les 3,5 milliards d'économies supplémentaires que le nouveau gouvernement Leterme devra trouver pour sortir du rouge son budget fédéral 2007 et 2008.
En plus des reproches, avertissements et intimidations, la bourgeoisie tente aussi de nous jeter de la poussière aux yeux: le champ d'application des chèques-service devrait s'élargir, l'allocation de 400.000 chômeurs devrait augmenter d'environ 7 % (2 % d'index et 5 % de rattrapage de perte de prospérité, ce qui en fin de compte revient à une allocation encore plus basse que celle des années 1990), et les retraites les moins élevées, en deçà du seuil de pauvreté, seront un peu augmentées, et quelques subsides seront versés à ceux qui ne parviennent pas à payer leur facture de chauffage. Des miettes!
Donc, Messieurs, vous avez bien raison de dire que l'augmentation du prix des produits de base quotidiens est la goutte qui fait déborder le vase, si c'est ce que vous entendez par impression, alors la réponse est certainement oui! C'est la frontière entre l'acceptable et ce qui ne l'est plus.
Lorsque la bourgeoisie a été contrainte de faire des concessions dans des centaines d'entreprises, c'est finalement parce que dans des dizaines d'entreprises, les travailleurs ne se sont pas laissés intimider ou endormir et ont engagé la lutte. Toutes les tactiques de division et de domination classiques, par entreprise, par métier, par secteur, par statut, privé ou public, chômeurs ou actifs ou retraités, jeune ou vieux, région et tout le reste, tout cet arsenal semblait avoir moins d'emprise. Tous les ouvriers, actifs, chômeurs, retraités, étudiants peuvent en fait se retrouver dans ces mouvements contre la perte du pouvoir d'achat, les cadences de travail et l'instabilité des contrats.
Afin d'éviter une extension plus importante et surtout une unification, la bourgeoisie a très vite mis en avant ses syndicats. Il fallait arrêter les dégâts et en particulier éviter l'extension vers les très combatifs bassins industriels wallons grâce au silence des médias surtout dans la presse francophone. Il fallait racheter la combativité là où c'était nécessaire en utilisant l'encadrement syndical pour canaliser les revendications et en reprenant le contrôle des mouvements.
Quelques échantillons, qui se passent de commentaire, du sale rôle que jouent les syndicats: lorsqu'a éclaté spontanément la lutte chez le fournisseur de Ford: "Notre homme sur place s'est dépêché de négocier, car chacun veut toujours éviter que la grande usine, Ford donc, s'arrête aussi. Après une heure, je recevais un coup de fil: Herwig, ça se passe mal" (H. Jorissen, président de la centrale métallurgique FGTB, dans DM, 2.2.08). La direction de Ford appelle le syndicat à réagir rapidement pour reprendre le contrôle, quitte à devoir payer. "Derrière les coulisses, les délégués de Ford Genk 'comprennent' l'appel spontané à une augmentation de salaire, mais en même temps comprennent aussi que ce n'est pas favorable à l'entreprise" (DS , 22.1). "Croyez-moi, nous avons tout fait pour limiter les dégâts. Nos délégués à Genk savent quels efforts ont été faits pour sauver Ford il y a cinq ans. Et l'an dernier, en avril, j'ai eu tout le monde sur le dos quand j'ai été le seul, je dis bien le seul, à tenir tête à une grève semblable sur les salaires et les cadences chez les fournisseurs de Ford. A l'époque, j'avais dit aux grévistes qu'ils faisaient le mauvais choix. Aujourd'hui encore, en tant que syndicat, nous ne sommes pas à l'avant et nous n'organisons aucune grève" (H. Jorissen, dans DS 2.2). "Lors de la grève chez les fournisseurs de Ford, Tony Castermans (FGTB) a été le seul à dire à haute voix: 'je ne suis pas heureux'. Lors de la grève à Sabca, Johnny Fransen (FGTB) a lui-même accepté la proposition du médiateur social, sans la mettre au vote des travailleurs. Juste pour conserver le contrôle de la situation" (H. Jorissen, dans DM, 2.2).
C'est enfin grâce à l'encadrement syndical que la revendication "un euro de plus par heure" a pu être contournée. Agoria, la fédération patronale de la métallurgie, a immédiatement conseillé à ses entreprises membres de couper court aux revendications en accordant une prime unique, comme application du bonus salarial. Ce bonus, récemment introduit en compensation d'une augmentation de production obtenue ou encore à venir(sic!) est fiscalement plus intéressant et devrait plus tard être compensé dans les négociations centrales sur les salaires. Même les clausules de norme salariale restent d'application pour affaiblir les mesures supplémentaires, comme le confirment cette déclaration du syndicaliste Jorissen: "Pour prouver que les syndicats sont très raisonnables: dans le secteur de la métallurgie il existe un mécanisme de solde. Concrètement: si cette année devait arriver une indexation de salaires non planifiée, la dernière partie de l'augmentation nette de salaires disparaît de la convention collective. On peut dépasser la norme salariale par l'index, mais pas par d'autres formes d'augmentations salariales. Nous ne plaidons donc pas gratuitement pour un cumul de toutes les augmentations salariales possibles" (H. Jorissen dans DS, 2.2).
"Pour développer un combat massif et uni de l'ensemble des travailleurs, indispensable face à la poursuite inévitable des attaques, il faut tirer les leçons du sabotage syndical. Et une des leçons centrales, c'est que, pour pouvoir se battre efficacement, opposer une riposte unie et solidaire en recherchant toujours plus l'extension de leur lutte, les travailleurs ne peuvent compter que sur leurs propres forces. Ils n'auront pas d'autre choix que de prendre eux-mêmes leurs luttes en mains et de déjouer tous les pièges, toutes les manœuvres de division et de sabotage des syndicats" (2).
Le mouvement de grève démontre que les travailleurs ne peuvent plus faire confiance aux spécialistes syndicaux des "négociations" secrètes pour diriger leur lutte. Tous ensemble, les ouvriers qui sont dans le mouvement doivent prendre les décisions sur la façon de mener la lutte. Les Assemblées Générales appelées par les syndicats ne peuvent plus se satisfaire de voter pour ou contre la poursuite de la grève sans qu'un réel débat soit mené, d'être une simple chambre d'enregistrement.
- L'AG est l'organe souverain de la lutte. Dans ce sens, les comités de grève qui ont pour tâche de mettre en œuvre les décisions de l'AG doivent être nommés par l'assemblée sur base d'un mandat et rester sous son contrôle. Ils doivent être les garants contre toute magouille de la part des syndicats.
- Les AG doivent discuter de l'envoi de délégations massives vers d'autres entreprises pour expliquer la signification du mouvement et appeler les travailleurs d'autres secteurs à la solidarité active et ne pas seulement compter sur une extension de leur lutte "spontanée", automatique, passive.
- L'extension de la lutte doit immédiatement être un objectif, dès les premiers jours du mouvement, pour éviter que les syndicats et leurs manœuvres enferment le mouvement dans un secteur ou une région, dans un mécanisme de négociation séparé, dans des revendications spécifiques. Pour étendre la lutte, les travailleurs doivent poser en priorité des revendications unifiantes, qui soient communes à tout le monde, c'est justement de ça que la bourgeoisie a eu si peur aujourd'hui. L'assemblée générale doit donc immédiatement produire une plateforme de revendications qui mène à l'unité la plus large possible, à la plus grande solidarité.
Les miettes que la bourgeoisie distribue aujourd'hui seront reprises demain. Mais la pire défaite serait de ne pas avoir engagé la lutte. Plus la classe ouvrière courbe l'échine et cède à l'intimidation, et plus la bourgeoisie aura les mains libres pour attaquer et opprimer. "Près de quatre décennies de crise ouverte et d'attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière, notamment la montée du chômage et de la précarité, ont balayé les illusions que "ça pourrait aller mieux demain" : les vieilles générations de prolétaires aussi bien que les nouvelles sont de plus en plus conscientes du fait que "demain sera encore pire qu'aujourd'hui" (4).
Quelles que soient les limitations de cette vague de grèves, les leçons qu'on peut en tirer sont de la première importance pour l'avenir. Pour pouvoir mener avec succès la lutte contre les attaques de plus en plus drastiques du patronat et du gouvernement, la classe ouvrière doit continuer à reprendre confiance en elle, à reconstruire sa solidarité de classe, à mener ses luttes non seulement de façon simultanée, comme elle le fait aujourd'hui, mais surtout de façon à unifier ce combat, à se considérer comme un tout, à regagner confiance en ses propres forces, en ses capacités bien réelles (si souvent démontrées par le passé) pour prendre en mains sa lutte et son sort.
La véritable force des travailleurs se trouve dans la solidarité contre toutes les tentatives de les diviser et dans le développement de leur lutte et le refus d'accepter la loi du capital. Les événements en Belgique sont encourageants et cadrent parfaitement dans la remontée internationale de la lutte ouvrière. De l'Egypte à Dubaï, du Pérou au Venezuela, de la Turquie à la Russie, de l'Espagne à la Finlande et surtout de l'Allemagne à la France, la classe ouvrière développe sa résistance contre les mêmes attaques incessantes du capital sur ses conditions de vie et de travail.
Lac / 10.3.08
(1) voir Internationalisme n° 334 article sur la pauvreté
(2) Internationalisme n° 335, 14.12.07
(3) voir les articles sur la crise dans ce numéro
(4) Résolution sur la situation internationale du 17ème Congrès du CCI, mai 2007, Revue Internationale n° 130, 3ème trimestre 2007
Avec la "crise des subprimes", la récession économique mondiale se profile nettement. De façon simultanée, sur l'ensemble du globe, des centaines de milliers de prolétaires sont brutalement frappés par la crise économique. Parmi les premières victimes, les familles expulsées de leurs maisons qui ne peuvent plus rembourser leurs prêts ou qui perdent leur emploi. En un an, aux Etats-Unis, le taux de saisies/expulsions a doublé : 200 000 procédures de saisies par mois au deuxième semestre 2007 accentuant le phénomène des "villes fantômes". Ainsi, la paupérisation galopante sollicite beaucoup plus fortement les programmes d'aide alimentaire existants (1 ). En plus, 27 000 licenciements sont programmés dans le secteur du bâtiment, 28 000 dans le secteur de l'agro-alimentaire. Dans le secteur automobile, 12 000 suppressions d'emploi sont envisagés pour les usines Ford ! 74 000 "départs volontaires" sont demandés pour General Motors. En 2006 déjà, le licenciement de 30 000 ouvriers payés à l'heure avait montré la détermination de la direction pour "rattraper la productivité des constructeurs asiatiques". Le plan aujourd'hui met à exécution cette même volonté afin "d'embaucher de nouveaux venus, payés trois fois moins : 25 dollars de l'heure au lieu de 75 dollars actuellement, prestations sociales comprises" (2 ). Il faut ajouter "la grande différence avec les plans précédents" : les ouvriers doivent "accepter de perdre leur assurance santé et leurs pensions retraite en passant les portes de l'usine".3 Les licenciements se multiplient dans l'industrie manufacturière, le commerce de détail, etc. Il est clair que l'hécatombe va suivre dans le secteur des services. Dans la finance mondiale, 26 000 licenciements sont déjà prévus, touchant des temples comme HSBC, UBS. Citigroup prévoit entre 17 000 et 24 000 licenciements !
Aujourd'hui, ce choc frontal lié à la crise ne peut plus être uniquement reporté à la périphérie du capitalisme, dans les pays pauvres. C'est maintenant le cœur du système capitaliste et son prolétariat le plus concentré au monde qui est touché. En Europe, dans un pays comme l'Allemagne, dont on vante pourtant la performance des exportations et le dynamisme des entreprises, les charrettes de licenciements se multiplient : à la Deutsche Telekom, 35 000 licenciements sont prévus d'ici fin 2008. Chez BMW, 8000 emplois doivent être supprimés pour des questions de "rentabilité". Idem chez Siemens qui prévoit de jeter à la rue 3000 employés de sa division Enterprise Network (SEN). L'opérateur Nokia s'apprête à déménager en Roumanie avec une main d'œuvre bien meilleur marché. Ailleurs aussi, dans le secteur des télécommunications, l'entreprise néerlandaise KPN prévoit de supprimer 2000 postes qui s'ajouteront aux 8000 prévus par un plan divulgué en 2005. En France, outre les 23 000 suppressions de postes programmées dans la fonction publique et les collectivités locales, 18 000 licenciements chez Peugeot seront étalés jusqu'en 2010. Une myriade de faillites d'entreprises entraîne d'ores et déjà des licenciements secs, en particulier pour les ouvriers les plus vulnérables que sont les travailleurs immigrés en situation irrégulière, sans papiers, mais "légalement" employés dans les secteurs du BTP, la restauration, l'électronique... Ce désastre, qui n'en est qu'à ses débuts, touche tous les autres pays en Europe et le reste du monde. Même dans ce qu'on nous présente comme le nouvel El Dorado, la Chine, la contraction du marché mondial entraîne de nombreuses faillites et licenciements (4 ).
Il n'y a pas d'illusions à se faire, la paupérisation s'accélère partout ! Ce qui nous est présenté par la bourgeoisie comme des "dégraissages" et selon certains économistes une "purge salutaire" n'est en réalité qu'une des expressions les plus significatives de la faillite du système capitaliste.
WH / 23.02.2008
1) Pour les enfants, « Kids Café » distribue davantage de repas dans 18 comtés. Dans l'Etat de New York, les soupes populaires connaissent une hausse de 24 % en un an.
2) Libération du 23 février 2008.
3) Idem.
4) Pour s'adapter, "depuis le premier janvier 2008, la Chine applique un nouveau droit du travail dont l'arrivée provoque depuis des mois des licenciements massifs". Dans le sud de la Chine (Shenzhen), une entreprise sur 10 est amenée à fermer dans cette mégalopole industrielle. Voir le site Internet WWW.lagrandeepoque.com
Le 26 mars, une discussion a eu lieu à Anvers à l'occasion des cinq ans de guerre en Irak, à l'initiative de quelques jeunes. Chacun y était bienvenu, pour discuter et partager ses analyses à propos de l'origine des guerres qui paraissent ne plus devoir quitter ce monde. L'objectif était, comme le précisait l'invitation, de "tenir une discussion ouverte, dans laquelle on cherche sincèrement des réponses". Le CCI soutient cette initiative. L'introduction et la discussion confirment une fois de plus la thèse de notre dernier Congrès international sur le ressurgissement d'une nouvelle génération de révolutionnaires.
A tous les coins de la planète, un nombre croissant de personnes se posent les mêmes questions fondamentales sur la nature du système capitaliste et veulent débattre sur comment pouvoir établir une alternative. Comme organisation, nous voulons contribuer à ce processus partout et le plus que nous le pouvons, avec les moyens dont nous disposons. Nous publions ci-dessous l'introduction et une courte synthèse du débat qui a suivi que nous avons reçues de l'un de ceux qui en a pris l'initiative.
A l'occasion des cinq ans de guerre en Irak, nous organisons aujourd'hui une soirée de discussion à propos des guerres qui ravagent ce monde et auxquelles aucune fin ne semble arriver. En premier lieu, nous pensons à la guerre en Irak, mais aussi à celles qui font rage en Afghanistan, entre Israël et la Palestine, au Soudan, au Tchad, au Congo, en Somalie, au Kenya, en Tchétchénie, et également aux tensions entre le Venezuela, l'Equateur et la Colombie. Pour la discussion de ce soir, nous partons de la situation en Irak, mais il n'est pas exclu que les autres soient aussi à l'ordre du jour. On peut par exemple se poser la question de savoir s'il existe un lien entre ces guerres et si elles ont un terrain favorable commun.
Je commence par un petit tableau de la situation actuelle en Irak, pour ne quand même pas oublier ce que cette guerre représente concrètement: 94.000 morts, 4,4 millions de réfugiés, 3.000 milliards de dollars en dépenses militaires, dévastation des installations électriques et hydrauliques, état catastrophique des soins de santé. "Chaque jour", il y a un attentat (exemple, mi-mars, une femme explosa et entraîna avec elle des dizaines de morts et de blessés), chaque quartier à Bagdad reflète la milice par laquelle elle est contrôlée, la corruption est générale (exemple, les vendeurs doivent corrompre les postes de l'armée irakienne pour faire passer leurs marchandises "c'est pire qu'à Gaza -si on ne me fait pas passer je dois faire le tour de tout un quartier pour atteindre un autre poste de contrôle, 99% de chance qu'alors je meurs.")
Face à ces faits, la première question de la plupart des gens est comment mettre fin à cette folie. Pour y répondre, nous devons nous poser une autre question: "pourquoi cette guerre?". Je propose de partir de ces deux questions ("pourquoi cette guerre?" et "comment arrêter la guerre?") pour commencer la discussion.
Une guerre de personnalités?
Comment une telle guerre est-elle possible? Personne ne veut quand même cela? Et pourtant, beaucoup prétendent que les guerres en Irak et en Afghanistan seraient menées par quelques personnes de "mauvaise volonté": Bush, Donald Rumsfeld, Blair... ou Oussama Ben Laden, Saddam Hussein, Moqtada El Sadr... Mais les guerres sont-elles vraiment menées par des individus? L'histoire est-elle faite par quelques personnes? Est-ce que Monsieur Bush détermine à lui seul de la marche de l'Etat le plus puissant du monde? Est-il le dirigeant ou est-il le représentant de la politique US? Et la société dans laquelle nous vivons, le capitalisme, ne pousse-t-elle pas en avant les dirigeants dont elle a besoin?
Une guerre issue d'une mauvaise politique?
Si ce n'est pas une question de personnalités, c'est peut-être alors une question de mauvaise politique? Les dirigeants ont-ils pris des décisions "erronées"? Ou la guerre était-elle une bonne affaire, mais aurait été mal menée? C'est du moins ce que nous répètent beaucoup de politiciens et de médias. Mais pourquoi faire la guerre?
Une guerre préventive?
Pendant 5 ans, les USA ont argumenté, avec la G-B, que l'Irak disposait d'armes de destruction massive. Depuis quand un Etat place-t-il des milliards dans une guerre uniquement destinée à désarmer un pays? Qui trouve la rationalité d'une "guerre pour préserver la paix"? ("War is peace, freedom is slavery, ignorance is strength", le slogan de l'Etat totalitaire de 1984, le livre de George Orwell). Après 5 ans, les preuves ne manquent pas que cet argument est creux, et que ce n'était pas la véritable raison de la guerre.
Quelles forces mouvantes?
L'histoire, et donc les guerres, est-elle propulsée par des personnalités, par des gens de mauvaise volonté, une "mauvaise direction" ou une propension arbitraire à faire la guerre? Je ne le pense pas. Les questions que je me pose sont: Quelles forces sociales font que cette (ces) guerre(s) doi(ven)t être menée(s)? Quels mobiles poussent la classe dominante à mener la guerre? (Car même la bourgeoisie veut la paix, mais du fait de sa nature de défenseur du capitalisme, elle est contrainte à l'hypocrisie et à la poursuite de la guerre). Quel est le terreau de ces guerres? Où sont les racines de la guerre? Ce sont là, je pense, les questions essentielles qui peuvent nous conduire à fonder une réponse sur des arguments matériels.
Une guerre impérialiste?
Selon les anti-globalistes, les altermondialistes et beaucoup d'organisations de gauche, la guerre serait menée pour le pétrole irakien, que ce soit pour le revendre ou pour l'utiliser. Et le même argument est utilisé pour quelques guerres en Afrique: les multinationales et/ou les grandes puissances soutiendraient des guerres pour les matières premières. Mais je peux difficilement m'imaginer qu'une guerre qui a déjà englouti 3.000 milliards de dollars aurait été menée pour un profit immédiat. Par ailleurs, les USA disposent eux-mêmes de plusieurs champs pétrolifères, et a conclu de nombreux accords avec des pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud pour être à l'abri de toute pénurie sur ce plan. Un autre argument est que les USA et d'autres pays auraient envahi l'Irak, non pour le pétrole lui-même, mais pour le contrôle sur le pétrole et la région. La guerre est-elle menée pour élargir la sphère d'influence de chaque pays? Mais influence sur quoi et pourquoi? Influence sur une économie à genoux? Et les pays occupés ne constituent certainement pas non plus un marché. La guerre est-elle lors déterminée par des intérêts militaires et stratégiques? Mais le capitalisme n'est-il pas en premier lieu un mode de production basé sur le profit économique? Pourquoi alors attaquer l'Irak? Quels intérêts pèsent-ils le plus lourd: économiques ou stratégiques?
Comment arrêter la guerre?
"Comment arrêter la guerre?" est sans doute la question la plus souvent posée, ou du moins la plus angoissante. Récemment, des dizaines de milliers de manifestants protestaient contre la guerre à Londres, et des dizaines de milliers aux USA. Dans d'autres pays aussi, des gens sont descendus dans la rue. Et pourtant, ni ceux-là, ni les millions de manifestants des dernières années n'ont pu empêcher la guerre. Pourquoi? Peut-on mettre fin à la guerre sans détruire le système capitaliste? Le capitalisme ne porte-t-il pas la guerre en lui? Qui peut empêcher la guerre et comment? On peut évoquer quelques exemples historiques pour comprendre qui peut et qui ne peut pas arrêter une guerre:
- à la veille des deux guerres mondiales, de nombreuses manifestations pacifistes ont été organisées, et pourtant les deux guerres ont éclaté;
- la première guerre mondiale ne s'est terminée par la victoire d'aucun camp, contrairement à la seconde, mais a abouti à un armistice. Il y avait des désertions massives, une fraternisation entre soldats des deux camps, aussi bien sur le front de l'Est qu'à l'Ouest. La révolution russe éclata en 1917, et en 1918, des vagues de grèves ébranlèrent l'Allemagne. Un lien existe-t-il entre ces événements? Je le pense effectivement;
- la guerre du Vietnam a pris fin, d'une part suite aux changements d'alliance entre USA, Chine et Union soviétique, mais d'autre part du fait d'une pression dans l'armée américaine elle-même, où des milliers de GI's se sont organisés contre la guerre, et aux USA, où les ouvriers se sont mis en grève contre la guerre. On peut se demander à quel point les seconds ont déterminé les premiers, mais cela nous mènerait sans doute trop loin.
Devons-nous choisir un camp dans ces guerres? Devons-nous choisir entre terroristes, nationalistes irakiens et impérialistes? Ou sont-ils tous des impérialistes? Pour ma part, je refuse de choisir, et je pense qu'aucun nationalisme, qu'il soit irakien, américain, turc ou kurde, n'a quoi que ce soit à offrir d'autre que plus de guerre, encore plus de bains de sang. Selon moi, seul l'opposé, l'internationalisme, offre une issue.
Chiffres et citations
De Standaard, 19.3.08
https://archive.intal.be/nl/article.php?articleId=267&menuId=1 [14]
https://www.nrc.nl/buitenland/article976972.ece/Internationale-_Rode_Kru... [15]
https://www.icrc.org/Web/Eng/siteeng0.nsf/htmlall/iraq?OpenDocument [16]
https://www.indymedia.be/fr/node/26620 [17]
Dans la discussion qui a suivi, il a semblé qu'il existait des différences d'appréciation sur un certain nombre de points. C'est ainsi que la question reste posée de savoir si ce sont des intérêts économiques ou stratégiques qui ont déterminé le déclenchement de la guerre. Le but initial des pays qui ont déclenché la guerre était-il de gagner du pétrole, et cela a-t-il dégénéré en catastrophe? Mais alors, quid de l'Afghanistan, dont nous savons tous que sur le plan économique, mis à part l'opium, il n'y a rien à gagner? Ici, les intérêts stratégiques prennent le dessus. Ou ne s'agissait-il que d'un terrain d'exercice pour la guerre en Irak? Et dans ce cas, l'Irak est-il la préparation à une prochaine guerre?
La discussion a également abordé la manière de mettre fin à une guerre. Les "journées d'action" sont-elles suffisantes pour mettre la pression sur des Etats et les contraindre à changer de politique? En se limitant à de telles actions uniques, sans réflexion en profondeur, la guerre et la société qui la produit ne sont pas vraiment mises en question. Le pacifisme est-il aussi innocent qu'il paraît?
Ensemble, les participants ont clarifié différentes questions, de façon dynamique, en échangeant des arguments. Mais de nouvelles questions ont surgi. Le débat fait clairement partie d'un processus de clarification. Un sentiment de décontraction et une réelle volonté de chercher des réponses ont contribué à une agréable ambiance de discussion.
Un des organisateurs / 26.3.08
Dans le communiqué ci-dessous, Internacionalismo (la section du CCI au Venezuela) analyse les événements en Amérique du Sud, suite à l'incursion de troupes colombiennes sur le territoire équatorien.
A l'aube du samedi 2 mars, l'armée colombienne bombarde un camp des Farc situé en territoire équatorien, à quelques kilomètres de la frontière colombienne. L'objectif de la mission est d'éliminer le leader de la guérilla surnommé Raul Reyes, un membre important du secrétariat des Farc, qui est décédé avec seize combattants de la guérilla. Le président colombien (Alvaro Uribe), qui a suivi l'opération toute la nuit, a averti de l'action le président équatorien (Rafael Correo), qui a réagi de façon modérée après avoir écouté les explications du président colombien.
Dimanche, Correo change d'avis et décide d'expulser de l'Equateur l'ambassadeur colombien, ordonnant un renforcement de la présence militaire à la frontière avec la Colombie. Lundi, l'Equateur décide de rompre les relations diplomatiques avec la Colombie, accusant le président Uribe d'être "belliqueux", après que le directeur de la police colombienne eût déclaré que des documents saisis sur les ordinateurs de combattants de la guérilla montraient qu'il y avait des liens entre les Farc et les gouvernements d'Equateur et du Venezuela (1).
Le dimanche 3 mars, Chavez, dans son show télévisé « Aló, Presidente », après avoir accusé Uribe d'être "un gangster et un laquais impérialiste", et menacé d'envoyer un bombardier russe Sukhoï si le président colombien décidait de mener une action similaire sur le territoire vénézuélien, ordonne le retrait du personnel de l'ambassade de Bogotá et la mobilisation de dix bataillons militaires le long de la frontière avec la Colombie; ce même jour (même si cela n'a pas été rendu officiel), le gouvernement vénézuélien donne l'ordre de fermer la frontière avec la Colombie (2).
Comme on pouvait s'y attendre, cette situation a créé des tensions dans la région et une inquiétude dans la population, surtout à la frontière entre la Colombie et le Venezuela.
La réaction du gouvernement vénézuélien a été disproportionnée, alors que la Colombie n'a mené aucune action militaire d'aucune sorte sur le territoire du Venezuela. Les commentateurs soulignent que la réaction du Venezuela a été plus importante que celle de l'Equateur, le pays "envahi".
On suppose que Chavez, après la première réaction modérée de Correa (qui partage le projet chaviste de "révolution bolivarienne"), a fait pression sur le président équatorien pour qu'il rompe les relations avec la Colombie et fasse la démonstration d'un front uni contre les agressions d'Uribe.
Cette réaction exagérée du Venezuela n'est d'aucune manière surprenante. Le gouvernement gauchiste de Chavez a mis en place la stratégie politique de s'ériger en puissance régionale, sur base du pouvoir que lui confère le pétrole, et de la sorte, il exploite un anti-américanisme croissant dans le but d'utiliser les problèmes sociaux et politiques des pays de la région et les difficultés géopolitiques des USA dans le monde. Cette position a conduit le Venezuela à apporter son soutien politique et financier à des groupes et partis gauchistes de la région, certains d'entre eux détenant déjà le pouvoir, comme dans le cas d'Evo Morales en Bolivie ou de Correa en Equateur. La réaction de Chavez et ses pressions sur l'Equateur ne sont pas une surprise, puisque l'opération colombienne a révélé le soutien des deux pays à la guérilla colombienne, allant jusqu'à permettre l'établissement de camps sur leurs territoires pour échapper aux militaires colombiens. La décision du gouvernement vénézuélien de mobiliser des troupes le long de la frontière avec la Colombie était une réponse à la réelle possibilité que l'armée colombienne attaque des camps de guérilleros sur le territoire vénézuélien.
Chavez a connu continuellement des affrontements politiques et diplomatiques avec la Colombie, qui a été transformée en base militaire la plus importante des USA dans la région, sous prétexte d'attaquer la guérilla et le trafic de drogues, via le Plan Colombie, entamé en 2000.
En vue de déstabiliser le gouvernement colombien, Chavez a offert de plus en plus ouvertement son soutien aux organisations de guérilla (FARC et ELN); il apporte également son soutien politique (et peut-être financier) au Polo Democrático Alternativo (Pole Démocratique Alternatif), un parti gauchiste colombien qui défend le projet bolivarien contre le parti pro-Uribe au pouvoir.
La confrontation Chavez-Uribe s'est plus ou moins maintenue en équilibre instable depuis novembre de l'an dernier, quand Chavez était encore considéré comme un possible médiateur dans le cadre de "l'échange humanitaire" de divers otages aux mains des Farc (3) et des militants de cette organisation. On ne devrait pas oublier que l'inexplicable décision du gouvernement colombien d'accepter la médiation de Chavez pour l'échange des otages pourrait faire partie de la stratégie de la bourgeoisie colombienne et des USA pour mieux connaître les manœuvres des Farc et les affaiblir sur le plan géopolitique, exactement comme c'est en train de se dérouler aujourd'hui.
Il est vrai que les guérillas se sont retrouvées affaiblies du fait des actions déterminées de Uribe (4), une situation qui explique l'insistance de Chavez à les défendre comme une force combattante, ce qui pourrait ouvrir les portes à leur transformation en parti politique. La récente action colombienne en Equateur pourrait faire partie de la nécessité de faire barrage à cette dernière option et de mettre fin au processus unilatéral de remise des otages à Chavez, et de rendre publics les liens du gouvernement vénézuélien avec les Farc. Le gouvernement colombien, grâce à ses services secrets (épaulés par la technologie militaire américaine très avancée), a souvent dénoncé l'existence de camps de la guérilla dans les pays voisins de la Colombie, en particulier au Venezuela et en Equateur. En fait, il y a quelques mois, le président Uribe avait déjà proclamé que le leader de la guérilla Raul Reyes se cachait sur le territoire équatorien. On jurerait que le gouvernement colombien n'attendait que l'occasion favorable de l'éliminer (5).
Les bourgeoisies US et colombienne sont au courant de l'affaiblissement de Chavez sur le plan intérieur, révélé par sa défaite au référendum le 2 décembre de l'an dernier, dont le but était de le rendre indéfiniment rééligible. Les masses qui avaient placé en lui tous leurs espoirs commencent à ne plus y croire. C'est pour cela que le gouvernement de Chavez tente sans arrêt d'entraîner la population dans une campagne agressive contre l'ennemi extérieur (les USA, et plus récemment la Colombie), en vue de détourner l'attention des masses de leurs réels problèmes quotidiens (pénurie de biens de consommation de base, criminalité, chômage...).
La stratégie géopolitique des USA a été de laisser le chavisme se décrédibiliser progressivement lui-même, c'est pourquoi le gouvernement américain a évité de tomber dans les continuelles provocations; une situation qui a mené Chavez à ajuster son artillerie nationaliste et rhétorique contre Uribe. La bourgeoisie US et ses homologues les plus "conscientes" de la région savent que les gros profits pétroliers ne suffiront pas à alimenter la voracité de la bourgeoisie bolivarienne (la "bolibourgeoisie"), qui a besoin d'énormes quantités de ressources pour ses affaires légales et illégales (le fruit du haut degré de corruption qui règne dans les rangs bolivariens); en même temps, soutenir une politique anti-américaine (financée par l'URSS du temps de la guerre froide) coûte très cher. Pareillement, la poursuite d'une politique populiste implique de grosses dépenses, une raison de l'affaissement de cette politique en 2006 (phénomène particulièrement ressenti par les secteurs les plus pauvres).
A cause du malaise social (6), la confrontation avec la Colombie et les mobilisations bellicistes n'ont pas rencontré le soutien de la population du Venezuela. Les appels de Chavez, de l'Assemblée Nationale et des grands bureaucrates du chavisme à la mobilisation de la population aux frontières ont été écoutés avec indifférence, avec hostilité, ou avec l'idée que les deux gouvernements feraient mieux de trouver un autre moyen de résoudre leur conflit. Le gouvernement a bénéficié du soutien de l'ex-bureaucrate Lina Ron, nouvelle lumpen, qui a mis ses 2.000 partisans au service du "commandeur"! Ils font partie des partisans rétribués qu'utilise le chavisme pour réprimer son opposition, et les masses d'ouvriers qui protestent ou luttent pour leurs conditions de vie. D'autre part, dans le cas du Venezuela, les fractions d'opposition de la bourgeoisie et ses partis ont resserré les rangs contre Chavez, alors que la bourgeoisie colombienne formait un front uni autour d'Uribe.
Il y a aussi un facteur non moins important qui joue contre les tendances bellicistes du chavisme: la division des forces armées, un reflet de la division que les différentes fractions de la bourgeoisie ont inculquée au niveau de la population civile. Bien que ceci ne soit pas exprimé ouvertement, il est évident qu'il y a des secteurs militaires qui sont en désaccord avec le type de relations que le gouvernement entretient avec la guérilla: celle-ci a attaqué les forces armées vénézuéliennes à maintes occasions, laissant un grand nombre de morts civils et militaires. Selon les déclarations de l'ancien ministre de la défense Raúl Baduel, qui depuis l'an dernier est passé à l'opposition, et qui a ses origines dans les forces armées, le gouvernement n'a pas le soutien des classes moyennes, celles qui ont la responsabilité des troupes.
Même si différents pays (7) et même l'OAS elle-même tentent de minimiser les tensions dans la région, il est évident qu'il est profitable pour le Venezuela de prolonger la crise. Dans ce sens, la pression sur l'Equateur va continuer: au moment où est écrit ce communiqué, le président Correa termine une visite à Caracas, un moment que lui-même et Chavez ont utilisé pour raviver les flammes du conflit. Après cela, Correa ira au Nicaragua, une occasion que le président Daniel Ortega utilisera pour rompre les relations diplomatiques avec la Colombie.
Il est possible que le conflit ne dépassera pas le discours médiatisé des deux côtés. Toutefois, il existe un contexte de décomposition qui rend impossible de prédire ce qui peut se passer:
- les USA, au travers du plan Colombie, ont introduit des facteurs d'instabilité dans la région qui sont irréversibles: la Colombie a été équipée militairement et dispose de forces armées très entraînées, qui selon les spécialistes sont quatre fois supérieures à celles du Venezuela et de l'Equateur réunies; et disposant du soutien de la technologie militaire la plus avancée. Une situation qui crée un déséquilibre militaire dans la région;
- avec la décision d'Uribe de dénoncer Chavez devant la Cour internationale pour financement de groupes terroristes, il est possible que la Colombie utilise les événements récents pour se renforcer et poursuivre la dénonciation de Chavez, et la dévalorisation de son prestige au niveau international; par exemple, la dénonciation publique du soutien du gouvernement vénézuélien aux Farc et la mise en avant de preuves de l'existence de camps de la guérilla sur le territoire vénézuélien;
- les chavistes, dans leur fuite en avant, peuvent utiliser n'importe quel moyen pour justifier une confrontation militaire avec la Colombie. Dans une de ses récentes déclarations, Chavez a menacé beaucoup d'entreprises colombiennes de nationalisation.
Internacionalismo / Mars 2008
Note: le vendredi 7 mars, en même temps que la réunion en république dominicaine des dirigeants de différents pays d'Amérique latine, Uribe, Chavez, Correa et Ortega n'ont cessé de s'étreindre; ce qui est supposé mettre fin au conflit. Nous savons tous que les politiciens ont l'habitude de s'embrasser tout en dissimulant un poignard à l'attention de leurs adversaires. De notre point de vue, Uribe a clairement dévoilé ses plans contre ses adversaires, qui n'avaient pas d'autre choix que de chercher à l'étouffer. Il est possible que les tensions diminuent provisoirement d'elles-mêmes, mais la situation conflictuelle existe toujours. Chavez a besoin d'un ennemi extérieur; pour le soutenir, l'Equateur a décidé, pour le moment, de ne pas reprendre ses relations diplomatiques avec la Colombie.
(1) Certaines des preuves trouvées concernaient le transfert de 300 millions de dollars et d'armements du Venezuela vers les Farc. La preuve soulignait également que les Farc avaient donné 50.000 dollars à Chavez en 1992, alors que celui-ci était emprisonné suite à son coup d'état manqué.
(2) La Colombie est le deuxième partenaire commercial du Venezuela, juste derrière les USA. Trente pourcent des importations du pays transitent par la frontière avec la Colombie, dont un pourcentage important de produits alimentaires. La fermeture de la frontière serait de nature à aggraver la pénurie de produits alimentaires dans le pays, qui s'est déjà alourdie depuis fin 2007. Ce fait est une expression de l'irrationalité de la fuite en avant du chavisme.
(3) Toute l'affaire de l'échange "humanitaire" a été suivie par un flot d'hypocrisies de la part des différentes fractions de la bourgeoisie, parce que l'ensemble de celles-ci tentent d'exploiter la situation (en particulier Chavez et les Farc) pour la défense de leurs propres intérêts; beaucoup de pays ont pris part à cette farce "humanitaire" (dont la France). Tous sont très peu soucieux de la vie des otages. Il faut également signaler que beaucoup des otages font partie des institutions bourgeoises (parlement, partis politiques, etc.). Nous devons dénoncer fermement l'exploitation du sentiment des masses en faveur des intérêts géopolitiques de la bourgeoisie.
(4) La force numérique des Farc est tombée de 17.000 à 11.000 depuis qu'Uribe est devenu président en 2002. Près de 7.000 guérilleros sont morts, et plus de 46.000 éléments des Farc, de l'ELN (Armée Nationale de Libération) et des AUC (Forces unies d'autodéfense de Colombie) ont été démobilisés (source: El Nacional, 3.9.07).
(5) Selon les nouvelles les plus récentes, la localisation exacte du leader de la guérilla Raúl Reyes a été possible suite à un appel de Chavez sur son téléphone satellite.
(6) Les protestations de la population sont de plus en plus fréquentes. Depuis l'an dernier, les ouvriers se sont mobilisés pour de meilleures conditions sociales et de meilleurs salaires: les travailleurs de secteurs comme le pétrole, la métallurgie, l'industrie du pneu, la santé, etc.
(7) Un des pays qui peut jouer un rôle important est le Brésil, puisque Lula est "l'ami" de tous les pays en conflit, et particulièrement de Chavez. La France, qu'on a beaucoup vu se mêler de l'affaire à cause de l'orage Betancourt, a adopté une position ambiguë qui lui a attiré des critiques: elle s'est d'abord lamentée à propos de l'incident à cause du rôle que jouait Reyes dans la médiation pour la libération des otages, montrant une position pour le moins confuse vis-à-vis des Farc; ensuite, elle a jugé nécessaire d'expliquer que ses relations avec Reyes ne dataient que de la mi-2007. Dans des déclarations récentes, elle a "menacé" les Farc de les étiqueter comme terroristes si Ingrid Betancourt devait décéder.
A l'occasion de l'anniversaire de la Révolution russe d'Octobre 1917, les plumitifs de la classe dominante nous servent régulièrement le même refrain : le dictateur Staline serait l'héritier de Lénine?; ses crimes étaient les conséquences inéluctables de la politique des bolcheviks dès 1917. Moralité: la révolution communiste ne peut conduire qu'à la terreur du stalinisme[1].
Ce sont les hommes qui font l'histoire, mais ils la font dans des circonstances déterminées qui pèsent nécessairement sur leurs actes. Ainsi, la principale cause de l'instauration d'un régime de terreur en URSS fut l'isolement tragique de la Révolution d'Octobre 1917. Car, comme le disait Engels dès 1847, dans ses "Principes du communisme", la révolution prolétarienne ne peut être victorieuse qu'à l'échelle mondiale : "La révolution communiste (...) ne sera pas une révolution purement nationale?; elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés (...) Elle exercera également sur tous les autres pays du globe une répercussion considérable et elle transformera complètement et accélérera le cours de leur développement. Elle est une révolution universelle?; elle aura, par conséquent, un terrain universel."
La Révolution russe ne fut pas vaincue par les forces armées de la bourgeoisie, pendant la guerre civile (1918-1920), mais de l'intérieur, par l'identification progressive du Parti bolchevique à l'État. C'est ce qui a permis à la bourgeoisie de répandre le plus grand mensonge de l'histoire consistant soit à présenter l'URSS comme une État prolétarien, soit à faire croire que toute révolution prolétarienne ne peut conduire qu'à un régime de type stalinien.
Contrairement à ce qu'affirment les idéologues de la bourgeoisie, il n'y avait pas de continuité entre la politique de Lénine et celle menée par Staline après la mort de celui-ci. La différence fondamentale qui les séparait résidait dans la question clef de l'internationalisme. La thèse du "socialisme en un seul pays", adoptée par Staline en 1925, constitue une véritable trahison des principes de base de la lutte prolétarienne et de la révolution communiste. En particulier, cette thèse, présentée par Staline comme un des "principes du léninisme", constitue l'exact contraire de la position de Lénine. L'internationalisme intransigeant de Lénine, marque de son adhésion totale au combat du prolétariat pour son émancipation, est une constante de toute sa vie[2]. Son internationalisme ne s'est pas éteint avec la victoire de la révolution russe en Octobre 1917. Au contraire, il conçoit celle-ci uniquement comme premier pas et marchepied de la révolution mondiale : "La Révolution russe n'est qu'un détachement de l'armée socialiste mondiale, et le succès et le triomphe de la révolution que nous avons accomplie dépendent de l'action de cette armée. C'est un fait que personne parmi nous n'oublie (...). Le prolétariat russe a conscience de son isolement révolutionnaire, et il voit clairement que sa victoire a pour condition indispensable et prémisse fondamentale, l'intervention unie des ouvriers du monde entier." ("Rapport à la Conférence des comités d'usines de la province de Moscou", 23 juillet 1918).
C'est pour cela que Lénine a joué un rôle déterminant, avec Trotski, dans la fondation de l'Internationale communiste (IC), en mars 1919. En particulier, c'est à Lénine qu'il revient de rédiger un des textes fondamentaux du congrès de fondation de l'IC : les "Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature du prolétariat".
Du temps de Lénine, l'I.C. n'avait rien à voir avec ce qu'elle est devenue par la suite sous le contrôle de Staline : un instrument de la diplomatie de l'État capitaliste russe et le fer de lance de la contre-révolution à l'échelle mondiale.
Contrairement à Lénine, Staline affirmait qu'il était possible de construire le socialisme dans un seul pays. Cette politique nationaliste de défense de la "patrie du socialisme" en Russie a constitué une trahison des principes prolétariens énoncés par Marx et Engels dans le Manifeste communiste : "Les prolétaires n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays unissez-vous !". Cette politique a servi à justifier le renforcement du capitalisme d'État en URSS avec l'accession au rênes du pouvoir d'une classe de privilégiés, la bureaucratie, qui vivait de l'exploitation féroce de la classe ouvrière. Staline était le bras armé et la figure de proue de la contre-révolution.
S'il a pu être le bourreau de la Révolution russe, c'est aussi parce qu'il avait certains traits de personnalité qui le rendaient plus apte que les autres membres du Parti bolchevique à jouer ce rôle. Ce sont justement ces traits de personnalité que Lénine a stigmatisés dans son testament:
- "Le camarade Staline en devenant secrétaire général a concentré un pouvoir immense entre ses mains et je ne suis pas sûr qu'il sache toujours en user avec suffisamment de prudence (...)".
Et dans un post-scriptum, rédigé à la veille de sa mort, Lénine ajoutera:
- "Staline est trop brutal, et ce défaut, pleinement supportable dans les relations entre nous, communistes, devient intolérable dans la fonction de secrétaire général. C'est pourquoi je propose aux camarades de réfléchir au moyen de déplacer Staline de ce poste et de nommer à sa place un homme qui, sous tous les rapports, se distingue de Staline par une supériorité - c'est-à-dire qu'il soit plus patient, plus loyal, plus poli et plus attentionné envers les camarades, moins capricieux, etc. Cette circonstance peut paraître une bagatelle insignifiante, mais je pense que pour prévenir une scission, et du point de vue des rapports entre Staline et Trotski que j'ai examinés plus haut, ce n'est pas une bagatelle, à moins que ce ne soit une bagatelle pouvant acquérir une signification décisive" (Testament de Lénine, 4 janvier 1924).
Dès le milieu des années 1920, Staline va mener une politique de liquidation impitoyable de tous les anciens compagnons de Lénine en utilisant à outrance les organes de répression que le Parti bolchevique avait mis en place pour résister aux armées blanches (notamment la police politique, la Tckéka).
Après la disparition de Lénine en janvier 1924, Staline s'empresse de placer ses alliés aux postes clef au sein du parti. Il prend comme principale cible Trotski, alter ego de Lénine pendant la Révolution d'Octobre 1917. Staline s'allie de façon opportuniste avec Boukharine qui commet l'erreur fatale de théoriser la possibilité de construire le socialisme en un seul pays (plus tard, Staline n'aura aucun scrupule à faire exécuter Boukharine).
A partir de 1923-24, toute une série de divergences sont apparues au sein du Parti bolchevique. Plusieurs oppositions se sont constituées dont la plus importante était dirigée par Trotski auquel se sont joints d'autres militants de la vielle garde bolchevique (notamment Kamenev et Zinoviev). Avec la montée de la bureaucratie au sein du parti, l'Opposition de gauche avait compris que la Révolution russe dégénérait.
Staline occupait un poste clef. Il contrôlait l'appareil du parti de même que la promotion des dirigeants. C'est ce qui lui a permis de mettre ses hommes en place et de transformer le Parti bolchevique en machine à broyer. Il a favorisé en particulier l'entrée dans le parti d'une grande masse d'arrivistes. C'est sur gens-là, qui ne cherchaient qu'à faire carrière au sein de l'appareil d'État, que Staline s'est appuyé.
Il avait désormais les mains libres pour mettre en place la grande purge au sein du parti, avec pour principal objectif d'écarter de la direction de celui-ci les principales figures de la Révolution d'Octobre (Kamenev, Zinoviev, Boukharine et surtout Trotski) pour finalement les liquider tous.
Progressivement Staline retire à Trotski toutes ses responsabilités politiques jusqu'au moment où il le fait expulser du parti en 1927 et de Russie en 1928. C'est la période où tous les opposants à Staline et les suspects remplissent les "goulags". Les Procès de Moscou (1936-38) vont permettre à Staline de liquider la vieille garde bolchevique sous le prétexte fallacieux de la chasse aux "terroristes", suite à l'assassinat du chef du parti de Leningrad, Sergueï Kirov, le 1er décembre 1934.
Des dizaines de bolcheviks ont ainsi été persécutés, emprisonnés, et finalement exterminés dans des conditions effroyables. C'était l'époque de la grande campagne stalinienne de dénonciation des "hitléro-trotskistes". Au nom de leur manque de "loyauté" envers la "patrie du socialisme", Staline a également fait exécuter des milliers de militants bolcheviks parmi les plus impliqués dans la Révolution d'Octobre. Il fallait museler définitivement tous ceux qui avaient gardé des convictions internationalistes et communistes. Il fallait effacer à jamais la mémoire de ce que fut réellement Octobre 1917. Il fallait faire disparaître tous les témoins susceptibles de contredire l'histoire "officielle" en mettant à nu son plus grand mensonge : l'idée suivant laquelle Staline aurait été l'exécuteur testamentaire de Lénine, l'idée d'une "continuité" entre la politique de Lénine et celle de Staline.[3]
Face à la barbarie de la répression stalinienne, quelle fut la réaction des grandes démocraties occidentales ? Lorsque Staline organise, à partir de 1936, les ignobles "procès de Moscou", où l'on voit les anciens compagnons de Lénine, brisés par la torture, s'accuser des crimes les plus abjects et réclamer eux-mêmes un châtiment exemplaire, cette même presse démo-cratique à la solde du capital laisse entendre "qu'il n'y a pas de fumée sans feu" (même si certains journaux ont pu émettre quelques timides critiques à la politique de Staline en affirmant qu'elle était "exagérée").
C'est avec la complicité de la bourgeoisie des grandes puissances que Staline accomplit ses crimes monstrueux, qu'il extermine, dans ses prisons et dans ses camps de concen-tration, des centaines de milliers de communistes, plus de dix millions d'ouvriers et de paysans. Et les secteurs bourgeois qui font preuve du plus grand zèle dans cette complicité, ce sont les secteurs "démocratiques" (et particulièrement la social-démocratie), les mêmes secteurs qui aujourd'hui dénoncent avec la plus extrême virulence les crimes staliniens et se présentent comme des modèles de vertu.
C'est bien parce que le régime qui se met en place en Russie, après la mort de Lénine et l'écrasement de la révolution en Allemagne (1918-23), n'est qu'une variante du capitalisme, et même le fer de lance de la contre-révolution, qu'il reçoit un soutien chaleureux de toutes les bourgeoisies qui avaient combattu férocement, quelques années auparavant, le pouvoir des soviets. En 1934, en effet, ces mêmes bourgeoisies "démocratiques" acceptent l'URSS dans la Société des Nations (l'ancêtre de l'ONU) que les révolutionnaires comme Lénine avaient qualifiée de "repaire de brigands" lors de sa fondation. C'est le signe que Staline est devenu un "bolchevik respectable" aux yeux de la classe dominante de tous les pays, la même qui présentait les bolcheviks de 1917 comme des barbares avec le couteau entre les dents. Les brigands impérialistes ont reconnu en ce personnage un des leurs. Ceux qui, désormais, subissent les persécutions de toute la bourgeoisie mondiale, ce sont les communistes qui s'opposent au stalinisme.
C'est dans un tel contexte international que Trotski, expulsé de pays en pays, soumis à une surveillance policière de tous les instants, doit faire face aux campagnes de calomnies les plus ignobles que les staliniens déchaînent contre lui et qui sont complaisamment répercutées par les bourgeoisies de l'Occident "démocratique".
Mais là ou la complicité des grandes puissances démocra-tiques avec Staline s'est avérée la plus évidente, c'est dans le fait qu'aucune n'ait accepté de donner l'asile à Trotski lorsqu'il fut expulsé de Russie. Partout, l'ancien dirigeant de l'Armée Rouge était considéré comme persona non grata. Le monde était devenu pour Trotski une planète sans visa.
Lors de son séjour en France en 1935, l'intelligentsia compo-sée de journalistes et de certains membres de l'Académie française (comme Georges Lecomte) iront même jusqu'à faire circuler des rumeurs suivant lesquelles Trotski était en train de préparer un "coup d'État terroriste". Suite à ces rumeurs, Trotski est expulsé par l'Etat "démocratique" français. Pour empêcher qu'il ne soit livré à la police politique de Staline, le gouvernement norvégien lui offre provisoirement l'asile politique, avant de finir par l'expulser.
Après avoir erré plus de dix ans, Trotski est finalement accueilli par le gouvernement mexicain en 1939 grâce au peintre Diego Rivera qui avait des sympathies pour le trots-kisme. Après une première tentative de meurtre par un commando dirigé par un peintre stalinien, Siqueiros, Trotski est assassiné le 20 août 1940 par un agent de Staline, Ramón Mercader, qui s'était infiltré dans son entourage en séduisant une des collaboratrices du vieux révolutionnaire.
Trotski succombe sous les coups de la répression stalinienne au moment même où il commence à comprendre que l'URSS n'est pas cet "État prolétarien aux déformations bureau-cratiques" si cher à ses épigones de la Quatrième Internationale (dont se réclament certaines organisations "trotskistes" comme la LCR et Lutte ouvrière et le MAS).
Nos bons démocrates contemporains (comme Marc Ferro et Stéphane Courtois) peuvent toujours pousser des cris d'orfraie devant les crimes abominables du Parti bolchevique. Ils ne parviendront pas à effacer de nos mémoires ces faits historiques : c'est bien avec la complicité et la bénédiction de leurs prédécesseurs que Staline a pu exécuter ses basses œuvres.
Ce rappel d'un des épisodes les plus tragiques de l'histoire du vingtième siècle révèle, s'il en était encore besoin, qu'il n'y a aucune continuité mais bien une rupture radicale entre la politique de Lénine et celle de Staline. Sur son lit de mort, Lénine avait vu juste : Staline avait concentré trop de pouvoir entre ses mains[4]. Son remplacement n'aurait pas changé le cours de l'histoire : un autre dirigeant de son acabit aurait pris le rôle de bourreau de la Révolution. Mais s'il s'est finalement imposé, c'est que sa personnalité en a fait le plus apte à tenir ce rôle tout comme celle d'Hitler lui a valu les faveurs de la bourgeoisie allemande avide de revanche après sa défaite de 1918 et après la peur qu'elle avait éprouvée face à la révolution prolétarienne entre 1918 et 1923.
Contrairement aux mensonges répandus à outrance par la propagande "démocratique", le ver n'était pas dans le fruit dès Octobre 1917. Le bolchevisme de la première heure ne contenait pas, en germe, la terreur du stalinisme. Car c'est bien l'écrasement de la révolution en Allemagne qui a ouvert la voie royale à la contre-révolution en Russie, de même que la disparition de Lénine le 20 janvier 1924 a levé un des derniers obstacles à la mainmise de Staline sur le Parti bolchevique. Ce dernier est devenu le parti stalinien avec l'adoption de la théorie du "socialisme en un seul pays".
Le bolchevisme appartient au prolétariat, pas à son bourreau, le stalinisme.
Sylvestre / 20.01.08
[1] Voir l'article sur notre site Web : "Russie, Octobre 1917 : Salut à la Révolution prolétarienne ! [20]".
[2]) Voir notre article dans la brochure Effondrement du Stalinisme, consultable en ligne sur notre site Web : "Lénine : un combattant du prolétariat ; Staline : un agent du capitalisme [21]".
[3]) Pour effacer toute trace du passé, tout témoignage, Staline a même tenté de liquider les militants étrangers qui résidaient en Russie, tel Victor Serge qu'il a fait emprisonner. Ce dernier était un écrivain bénéficiant d'une certaine notoriété. S'il a pu être sauvé, c'est grâce à une campagne de mobilisation internationale.
[4]) C'est pour cela d'ailleurs que le médecin de Lénine, sur ordre de Staline, a estimé qu'il n'était pas nécessaire de prolonger son agonie et a procédé à son euthanasie (ce geste "humanitaire" avait le "mérite" d'empêcher Lénine de donner ses dernières directives concernant les dérives du parti)
"Le consommateur belge doit s'attendre dans les mois à venir à la plus forte hausse de prix généralisée depuis le début des années 1990. Dixit le bureau fédéral du Plan" (De Standaard, 1.3.08). Avec la hausse vertigineuse du coût des produits alimentaires de base et de l'énergie, l'inflation s'envole. Elle est chiffrée aujourd'hui à 4.39 %, le niveau le plus élevé depuis 1985, alors que les économistes tablaient, il y a quelques mois encore, sur 2%. Dans la réalité quotidienne, c'est entre 20 et 50 % que les prix des principales denrées alimentaires (pain, pâtes et céréales, produits laitiers, fruits, légumes, viande...) ou de l'énergie ont augmenté ces derniers mois. Le mazout de chauffage, par exemple, a augmenté de 50% en un an (De Morgen, 12.4.08). Et sans doute ne s'agit-il là que des premières averses d'un terrible orage qui s'annonce.
Cette paupérisation en forte croissance n'est ni "nationale" ni conjoncturelle. Et l'accélération actuelle de la crise mondiale, qui se manifeste par la sévère récession qui s'annonce suite à la crise de l'immobilier aux Etats-Unis, par une crise bancaire gravissime causée par une politique de crédits illimités, par un sévère recul des bourses, par une spéculation folle sur les matières premières, renforce son impact sur l'ensemble de la planète. Dans des pays comme l'Egypte, les Philippines, Haïti ou le Burkina Faso, des émeutes de la faim éclatent contre la hausse vertigineuse des denrées alimentaires de base. Aux Etats-Unis, le problème du logement est devenu central et chaque mois depuis l'été dernier, 200.000 personnes en moyenne sont jetées à la rue. Et cette déferlante touche aujourd'hui de plus en plus l'Europe. Dans les grandes métropoles européennes, les travailleurs sont souvent réduits à s'entasser dans des taudis plus ou moins insalubres, alors que les prix des loyers, du gaz, des transports en commun, de l'essence ne cessent de grimper. Outre les fameuses cités de banlieue dont l'état ne cesse de se dégrader, à la périphérie, des bidonvilles (que les pouvoirs publics prétendaient avoir éradiqués au début des années 1980), des abris de fortune ou de véritables "favelas" comme dans le "Tiers-monde" sont en train de refleurir.
En Belgique, 14,6% de la population vit aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté. En Wallonie, ce chiffre grimpe même jusqu'à 17%, et à Bruxelles, on atteint déjà les 25%. Les soupes populaires (à commencer par les "Restos du Cœur") sont de plus en plus fréquentées par des salariés. Le nombre de colis alimentaires distribués s'accroît fortement et les demandes d'aide auprès des CPAS pour faire face à un endettement non gérable ont augmenté en 2007 de 21%. Par ailleurs, avec la multiplication des emplois précaires, temporaires ou partiels, un nombre croissant de travailleurs n'ont plus de revenu stable, ce qui entraîne même les familles dont les revenus se situent au-dessus du seuil de pauvreté dans les difficultés. La baisse des salaires tout comme les incertitudes sur le marché de l'emploi accentuent encore ces tendances (cf. DM, 12.4.08).
Les travailleurs peuvent-ils espérer une politique d'aide sociale du nouveau gouvernement ou des partis politiques qui le soutiennent ? Après 9 mois d'un psychodrame interminable, la bourgeoisie belge a enfin accouché d'un gouvernement dirigé par le social-chrétien Yves Leterme. Et, à en croire le programme gouvernemental, le temps semble effectivement au beau fixe : baisse des impôts, création de 200.000 nouveaux emplois, augmentation des bas salaires, dégagement d'un surplus de 1% du budget pour investir dans le système des retraites, etc. Bref, la promesse du paradis social ! En réalité, cette déclaration est une pure mystification, comme le reconnaissent d'ailleurs divers économistes bourgeois : "Ce gouvernement prétend diminuer les charges, augmenter les dépenses tout en dégageant un surplus budgétaire [...]. En fait, de telles intentions devraient déclencher un éclat de rire généralisé car ce gouvernement nous raconte tout simplement des histoires " (P. De Grauwe, prof. d'économie à l'U. de Louvain, DM, 29.3.08).
Si le programme gouvernemental actuel n'est que de la poudre aux yeux, c'est que le gouvernement Leterme n'est une fois encore qu'un gouvernement "transitoire", "en sursis" (pour une analyse de la crise politique, voir notre article "La crise politique n'empêche pas une attaque unifiée contre la classe ouvrière", dans Internationalisme 335). La bourgeoisie belge a dû se donner une fois de plus du temps jusqu'au 15 juillet pour négocier entre les diverses fractions politiques impliquées un grand compromis concentrant en un paquet global les mesures de réorganisation de l'Etat fédéral, d'assainissement budgétaire et de renforcement de la position concurrentielle de l'économie nationale. Dans ce cadre, le pourrissement de la situation économique à travers une année de paralysie politique pourrait bien être la stratégie suivie pour accroître la pression sur les diverses fractions régionales afin de se réunir derrière une politique commune.
Car, si le pénible cheminement pour la constitution du gouvernement et la détermination de son programme illustrent les difficultés croissantes de la bourgeoisie belge à gérer ses institutions, la classe ouvrière n'a pas d'illusion à avoir : quelles que soient les dissensions entre partis bourgeois, quelles que soient les tensions existantes, la bourgeoisie retrouve toujours son unité dans les attaques contre les travailleurs. Et les chants de sirène de la déclaration gouvernementale d'avril ne font que masquer le mûrissement du contexte pour lancer de telles agressions :
- L'encre du programme gouvernemental n'était pas encore sèche que les experts soulignaient déjà que les équilibres budgétaires proposés ne tenaient pas la route et que des restrictions s'imposeraient inévitablement lors du "contrôle budgétaire" de l'été;
- Les indicateurs économiques sont à l'orage : les prévisions de croissance de l'économie belge pour 2008 sont en chute libre de 1,9% à 1,4% (alors que la croissance était encore de 2,7% en 2007). L'instabilité économique mondiale incitera encore moins les entreprises à investir et les gens auront moins d'argent à dépenser par le fait que leurs rentrées réelles baisseront à cause de l'inflation croissante. Déjà, on constate une baisse des demandes de construction de 12%. Or budget et programme gouvernemental comptaient sur une croissance de 1,9%;
- Pour la première fois depuis 15 ans, la balance commerciale de la Belgique est en déficit. "C'est un signal important que notre position concurrentielle est en fort recul. Et cela pour un pays comme la Belgique qui se targue d'être un pays exportateur" (l'économiste G. Noels, DM, 16.4.08);
- Lorsque la bourgeoisie prépare un mauvais coup contre les salaires, elle ressort le monstre du Loch Ness de la liaison automatique des salaires à l'index, comme ce fut le cas début avril, lorsque le directeur de la Banque Nationale, Guy Quaden, évoqua la nécessité de supprimer cette indexation des salaires. Cela permet alors aux syndicats de jouer aux matamores pour "sauver l'index", tandis que le gouvernement fait passer ses mesures d'attaques contre les salaires en modifiant par exemple la composition de l'index (le gouvernement Dehaene en 1994), en imposant un "saut d'index" (dans les années 1980) ou en introduisant une norme complémentaire (la hausse des salaires belges ne peut dépasser la moyenne de celle des principaux concurrents). Comme le dit cyniquement le gouverneur Quaden (DM, 12.4.08) "L'index est important comme élément de la paix sociale en Belgique mais ce système ne peut néanmoins pas devenir économiquement trop coûteux".
L'orientation du "programme caché", que prépare le gouvernement Leterme, avec l'appui actif des partis socialistes (le PS francophone, depuis des années "aux affaires" à tous les niveaux de pouvoir, et le SPa flamand, assumant pleinement ses responsabilités dans le gouvernement régional flamand), est sans ambiguïté : une nouvelle attaque directe contre les salaires qui se combinera avec d'autres mesures : réduction des retraites et implémentation de l'âge légal du droit à la retraite à 65 ans, voire davantage comme en Allemagne (67 ans) ou en Grande-Bretagne (68 ans) ; augmentation de la productivité à travers la lutte contre l'absentéisme et la réduction des pauses ou des jours de récup ; "flexibilité" et précarité accrues dans le privé ; dégraissage de la Fonction publique ; forte dégradation des droits des chômeurs indemnisés et pressions accrues pour une mise au travail entre les diverses régions du pays. Et ceci alors que, sous l'impact de l'aggravation de la crise, des plans de licenciements massifs s'apprêtent à toucher des secteurs comme les banques et les assurances.
La classe ouvrière est la première victime de l'aggravation de la crise économique mondiale. Le capitalisme en crise n'a pas d'autre moyen pour tenter de faire face à la concurrence sur le marché mondial que d'augmenter la productivité en réduisant le nombre d'emplois et de baisser le coût de la rémunération de la force de travail : pertes d'emplois et baisse des salaires; mais la paupérisation et la précarité croissantes, qui touchent la classe ouvrière, sont aussi le révélateur de la faillite irrémédiable du système capitaliste. Le capitalisme est de plus en plus incapable d'entretenir la force de travail de tous ceux qu'il exploite : l'incapacité d'intégrer une majorité de prolétaires à la production que révèlent le chômage massif et la précarité de l'emploi s'ajoute à l'incapacité de continuer à les nourrir, à les loger, à les soigner décemment.
L'accélération actuelle de la crise économique et la vague de paupérisation qui l'accompagne se produisent alors que, depuis quelques années maintenant, la classe ouvrière redresse progressivement sa tête et retrouve une combativité grandissante. Ces nouvelles attaques assénées par la bourgeoisie vont donc constituer un terreau fertile sur lequel vont se développer la lutte du prolétariat et son unité. D'ores et déjà, d'ailleurs, monte une colère dont témoigne en Belgique la "rafale gréviste" de l'hiver 2008.
Face aux hausses des prix et malgré l'absence de gouvernement, ce qui avait commencé à la mi-janvier spontanément comme un conflit social local chez un fournisseur de Ford Genk pour "1 euro de plus", se transforme très vite en une réelle vague de grèves pour une augmentation du pouvoir d'achat. Ce sont les mêmes ouvriers qui étaient sous pression à l'occasion des restructurations chez Ford, Opel ou VW en début d'année qui ont mis le feu aux poudres. D'abord, le mouvement revendicatif spontané a réussi à déborder vers Ford Genk et vers pratiquement toutes les entreprises des environs immédiats pour ensuite atteindre toute la province du Limbourg et le secteur métallurgique. La vague de grèves sauvages s'est étendue lentement vers d'autres branches industrielles et d'autres provinces, surtout dans la partie néerlandophone et à Bruxelles.
Syndicats et employeurs, pour étouffer les foyers, ont canalisé les revendications dans le sens de primes uniques et de boni liés aux résultats. Souvent, les patrons essayaient même d'acheter la paix sociale pour mettre fin à la vague de grèves avant même que les ouvriers engagent effectivement l'action. "Parce qu'ils ont eux-mêmes à tenir compte de protestations subites, mais plus encore parce qu'ils veulent à tout prix éviter une grève sauvage et sont donc prêts à racheter à l'avance un éventuel désordre" (interview de H. Jorissen, président des métallos de la FGTB dans DM, 2.2.08). Car, s'il y a bien un fil rouge à travers tout le mouvement, c'est "qu'il ne s'agit pas de grèves organisées par les syndicats, mais de grèves sauvages. C'est la base qui se révolte, et ce sont les syndicats qui tentent de négocier" (un des témoins au forum de discussion de DS sur la vague de grèves).
Les syndicats font tout pour favoriser un éparpillement des luttes qui les stérilise. Leur fonction d'encadrement repose entièrement sur leur capacité de diviser et d'isoler les luttes afin d'empêcher les prolétaires de prendre conscience de leur capacité collective à s'opposer à ces attaques. Face à ce sabotage, il est nécessaire que les ouvriers arrivent à développer l'unification des nombreuses luttes simultanées qui éclatent aujourd'hui, par le biais par exemple de revendications ou de plateformes de lutte communes. C'est ainsi que pourra s'enclencher une véritable dynamique d'unité et de solidarité, que ces luttes portent en elle et qui est non seulement le seul moyen de résister à des attaques qui touchent tous les ouvriers, dans tous les secteurs, mais qui débouche sur une perspective de remise en cause de l'impasse où les plonge le capitalisme.
Jos / 15.04.08
Nous publions un tract que notre section en Grande Bretagne a diffusé à l'occasion de la grève générale des enseignants le 24 avril. C'est une démonstration nette que les problèmes qui se posent et les combats ouvriers qui se mènent en Belgique se retrouvent dans tous les pays en Europe.
Le 24 avril, 250.000 enseignants lanceront une grève d'un jour contre les dernières propositions salariales du gouvernement. Ils seront rejoints par des éducateurs, des travailleurs des services publics et des employés communaux. Des manifestations et des meetings seront organisés dans de nombreuses villes.
Il y a effectivement toute une série de raisons pour lancer des actions, pas seulement d'ailleurs dans ces secteurs mais aussi dans l'ensemble de la classe ouvrière:
- des propositions salariales en dessous de l'inflation;
- la hausse des prix des produits de première nécessité, comme les produits alimentaires ou l'essence;
- la hausse du chômage, songeons par exemple aux 6.500 emplois menacés à la banque Northern Rock fraîchement nationalisée;
- les attaques contre les pensions et d'autres allocations;
- le démembrement des services sociaux, tels la santé ou l'éducation.
Toutes ces attaques contre le niveau de vie des travailleurs, ainsi que d'autres d'ailleurs, ne sont pas décidées et imposées par des patrons individuels mais par l'Etat, sous sa forme nationale ou locale. Confronté au développement d'une crise économique qui a clairement une dimension globale, l'Etat national apparaît de plus en plus comme la seule force capable d'organiser la réponse requise par le système capitaliste : réduire le coût du travail afin de pouvoir concourir pour les marchés et de préserver les profits. C'est pourquoi l'Etat intervient pour se porter garant de banques en faillite en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, pour imposer aux travailleurs du secteur public des ‘restrictions salariales', pour introduire des réductions budgétaires dans les domaines de la santé, de la sécurité sociale et de l'enseignement (en d'autres mots des réductions du salaire social). C'est pourquoi aussi il introduit de nouvelles lois qui réduisent les allocations de retraite et retardent le départ à la retraite. Et lorsque la compétition économique laisse la place à la compétition militaire, comme dans les Balkans, en Afghanistan ou en Irak, c'est l'Etat qui détourne de vastes montants de richesse sociale vers la production d'armement et la tenue de la guerre.
Ces politiques ne sont pas le résultat de méchants individus ou de partis gouvernementaux spécifiques. Les gouvernements de droite ou de gauche mènent la même politique de base. En Amérique du Nord, le gouvernement Bush loue la libre entreprise et dirige une économie dans laquelle 28 millions de personnes ont besoin de bons de nourriture pour survivre. En Amérique du Sud, Chavez dénonce Bush, parle du ‘Socialisme du 21ème siècle' et envoie des escadrons de ‘révolutionnaires bolivariens' pour réprimer les sidérurgistes en grève.
Confrontés à ces attaques centralisées et menées par l'Etat contre leurs conditions de vie et de travail, les travailleurs ont partout les mêmes intérêts: résister aux pertes d'emplois et aux réductions des salaires, réagir aux attaques contre leurs avantages sociaux. Mais ceci n'est pas possible en se battant séparément, secteur par secteur, entreprise par entreprise. Face à la force de l'Etat capitaliste, ils doivent de leur côté constituer leur propre force, basée sur leur unité et leur solidarité, au-delà de toute division en profession, syndicat ou nationalité.
Après des années de dispersion et de désarroi, les travailleurs commencent tout juste à redécouvrir ce que l'unité et la solidarité signifient. Ils doivent saisir chaque opportunité pour transformer ces principes généraux en action pratique. Si les syndicats appellent à des grèves et des manifestations autour de questions qui les concernent directement, comme c'est le cas le 24 avril, les travailleurs doivent répondre aussi massivement que possible - allez aux rassemblements de masse, rejoignez les manifs, participez aux piquets, discutez et échangez des idées avec des travailleurs d'autres secteurs ou entreprises.
Mais attention : les syndicats, qui se présentent comme les représentants des travailleurs, servent en réalité à nous garder divisés.
Ceci n'est nulle part plus évident que dans le secteur de l'éducation. La grève du 24 avril implique les membres du NUT dans l'enseignement primaire et secondaire. Elle n'implique pas les enseignants de la sixième dans les lycées qui ont des employeurs ‘différents'. Elle n'implique pas non plus les enseignants d'autres syndicats, comme ceux du NAS/ UWT, qui affirment que le problème n'est pas le salaire mais la masse de travail. Elle n'implique pas non plus des milliers de travailleurs de l'éducation qui ne sont pas des enseignants, comme les assistants pédagogiques, le personnel administratif, de nettoyage ou de restauration, etc.., même si ceux-ci ont de nombreuses revendications à faire valoir. Et si le NUT aujourd'hui développe un discours radical, en 2006, lorsque un grand nombre de ces travailleurs de soutien éducationnel sont partis en grève, ce même NUT a appelé ses membres à franchir les piquets de grève.
La même histoire peut être répétée pour les services publics, les employés communaux, dans le métro ou les chemins de fer et dans bon nombre d'autres secteurs industriels, où les travailleurs sont divisés en différentes catégories et syndicats. Depuis longtemps, l'Etat britannique a rendu toute grève de solidarité illégale pour des ouvriers travaillant pour des employeurs différents. En maintenant les travailleurs dans le carcan de ces lois, les syndicats font le travail de l'Etat dans l'usine. Il en va de même des lois interdisant aux ouvriers de décider des actions de grève en assemblée générale. La magouille des votes syndicaux lie les mains aux ouvriers et les empêche de prendre des décisions en tant que force collective.
En conséquence, si nous voulons développer une telle force, nous devons commencer à prendre notre lutte en main et pas la laisser entre les mains des ‘spécialistes' des syndicats. Les employés municipaux de Birmingham ont voté en assemblées générales qu'ils participeraient aux grèves autour du 24 avril. C'est un bon exemple à suivre : nous devons tenir des assemblées partout sur les lieux de travail, là où tous les travailleurs, de tous les syndicats ainsi que les non-syndiqués, peuvent être présents et participer à la prise de décision. Et nous devons insister que les décisions prises en assemblée générale soient contraignantes et pas dépendantes de votes syndicaux ou de réunions privées de délégués syndicaux.
L'unité sur le lieu de travail est inséparable du développement de l'unité avec des travailleurs d'autres entreprises et d'autres secteurs, que ce soit par l'envoi de délégations à leurs assemblées, en rejoignant leurs piquets de grève ou en se retrouvant lors de meetings ou de manifestations.
Appeler tous les travailleurs à se rassembler, à faire grève et à manifester ensemble pour des revendications communes est évidemment ‘illégal' pour un Etat qui veut mettre hors la loi la véritable solidarité de classe. L'objectif peut donc sembler à première vue effrayant, un pas trop important à franchir. Mais c'est dans l'action même de prendre les choses en main et de chercher l'unité avec d'autres travailleurs que nous développerons la confiance et le courage nécessaires à la poursuite du combat.
Et étant donné les sombres perspectives proposées par le système capitaliste mondial - un futur de crise, de guerre et de désastre écologique - il ne fait guère de doute que la lutte devra aller plus loin. De la défense de nos conditions de vie basiques, elle devra s'orienter vers un questionnement et une mise en cause de l'ordre social dans sa totalité.
Amos / 5.04.08
Les cinq dernières années ont témoigné d'un développement international de la lutte de classe. Ces luttes se sont développées en réponse à la brutalité de la crise capitaliste et à l'aggravation dramatique des conditions de vie et de travail à travers le monde.
Et en ce moment même en Allemagne, nous sommes les témoins du début d'une nouvelle étape de cette dynamique. Dans ce principal pays industriel de l'Europe, de nombreuses grèves se développent dans les secteurs les plus importants de l'économie allemande. Licenciements massifs, baisses brutales des salaires et aggravations drastiques des conditions de travail sont le ferment du développement de ces luttes dans un pays où la classe ouvrière était réputée, il y a quelques années encore, pour avoir un des niveaux de vie les plus élevés d'Europe.
L'année 2008 avait commencé avec l'obligation de la compagnie de chemin de fer Deutsche Bahn (DB) de garantir dès fin janvier une augmentation de salaire de 11 % et une heure de réduction de la semaine de travail pour les conducteurs de train. Cela avait été le résultat de 10 mois d'un conflit que ni la mise hors-la-loi des grèves au niveau national ni la division au sein des travailleurs de DB par les syndicats n'avaient pu éroder.
Cette grève avait été suivie par une forte mobilisation dans la région de la Ruhr au sujet de l'arrêt de la production de téléphones mobiles chez Nokia. Une journée d'action en solidarité avec les employés de Nokia à Bochum a vu par exemple la mobilisation dans les rues d'ouvriers de différents secteurs et l'envoi de délégations de différentes parties de l'Allemagne. En particulier, les ouvriers des usines automobiles Opel de Bochum se sont mis en grève en soutien aux "Nokianers" ce jour-là. Le rôle de l'usine automobile Opel à Bochum est loin d'être négligeable car il est vrai que les employés de Nokia se sont sentis démo-ralisés et intimidés par la brutalité provocatrice avec laquelle la fermeture de l'usine avait été annoncée. Et ce fut dans une large mesure l'intervention massive des ouvriers d'Opel à Nokia, appelant à la lutte et leur promettant de se joindre à eux dans une grève éventuelle, qui a rendu possible la mobilisation qu'on a pu voir.
Mais c'est l'ouverture des négociations salariales annuelles qui a déclenché dès mi-février de nombreuses expressions de combativité ouvrière brisant le mythe du "modèle de consensus social allemand" cher à la bourgeoisie. Les grèves tournantes des ouvriers de la métallurgie ont été suivies d'arrêts de travail de dizaines de milliers d'ouvriers du secteur public partout dans le pays. Depuis janvier, la tension ne cesse de monter. Aussi, le 5 mars, le syndicat Verdi appelait les employés des hôpitaux, y compris les médecins, les ouvriers des lignes des trains et de transports régionaux (non gérés par DB), ceux des crèches, des caisses d'épargne et de nombreuses adminis-trations publiques, des aéroports, pilotes inclus, à se mettre en grève et à manifester, exigeant une augmentation de salaire de 12 %. Or le gouvernement ne propose d'accorder qu'une augmentation de 4 %, alors que les salaires réels ont officiellement baissé de 3,5 %, assortie d'une augmentation de la durée de travail hebdomadaire de deux heures!
Verdi était initialement prêt à faire passer la pilule de cet accord aux salariés, mais la force de l'hostilité envers l'accord et les risques très réels de débordements des syndicats ont été tels qu'il a été contraint de faire marche arrière et de s'efforcer de prendre la tête du mécontentement en appelant à faire grève, mais région par région.
Mais c'est surtout la grève totale illimitée des ouvriers des transports locaux de Berlin qui, depuis la fin de la première semaine de mars, a démontré que, cette année, les "rounds" de négociations salariales mettent directement en cause l'offensive capitaliste contre la classe ouvrière. Cette grève de 10 000 ouvriers - déjà la plus massive et la plus longue de ce secteur de l'histoire allemande de l'après-guerre - a manifesté une com-bativité et une détermination qui ont tout de suite pris la bourgeoisie par surprise. Ce conflit a surgi à un moment où les chemins de fer allemands faisaient une dernière tentative pour rejeter les concessions qu'ils avaient été contraints de faire envers les conducteurs de DB qui menaçaient alors de se mettre à nouveau en grève, et à un moment où les négociations dans le secteur public étaient sur le point de capoter. Cette grève des transports municipaux, excepté les trains de banlieue (S-Bahn, qui appartient à la DB), a été soigneusement isolée du reste des grèves qui se développaient sur l'ensemble du pays et des autres secteurs à Berlin même. Dans le contexte de luttes simultanées qui se déroulaient dans l'ensemble de l'Allemagne sur les mêmes revendications salariales, et après les fortes expressions de solidarité existant dans la classe ouvrière comme on l'a vu autour de la fermeture de Nokia, patrons et syndicats ont dû tirer le signal d'alarme. Pour faire diversion, Verdi planifiait une journée d'action un samedi vers la fin février pour tenter de faire passer l'accord passé entre lui et BVG, patron des employés des transports locaux, accord prévoyant que les salaires seraient gelés jusqu'en 2007, avec des augmentations uniquement pour ceux qui avaient été embauchés depuis 2005. Mais la colère des ouvriers était telle qu'ils se mirent en grève 24 heures avant la date prévue, sans attendre aucune "permission" des syndicats. L'indignation fut si forte, non seulement sur les salaires, mais aussi sur la tentative évidente de diviser les ouvriers entre "jeunes" et "vieux", que Verdi a abandonné sa requête d'un "accord négocié et cordial" et a retourné sa veste en un clin d'œil en appelant dans de grands discours radicaux à faire grève... mais tout en s'efforçant, en réalité, d'enfermer les ouvriers dans "leur" lutte et de les isoler de leurs frères de classe. Ainsi, alors que le mouvement de grève dans les aéroports touchaient massivement Stuttgart, Cologne, Bonn, Hambourg ou Hanovre, Verdi, sous prétexte de ne pas "saboter" le salon allemand du tourisme, faisait en sorte que l'aéroport de Berlin ne connaisse ni grève ni débrayages. De la même façon, devant le dévelop-pement d'un tel contexte, DB faisait rapidement marche arrière quelques heures avant la reprise d'une grève générale des conducteurs de trains qui traversent Berlin, grève qui menaçait du fait des tentatives de la direction de remettre en cause les accords sur les 11% et la diminution du travail promise fin janvier. Cette grève a montré un début de remise en question des syndicats et a conduit à une confrontation ouverte avec la coalition qui dirige Berlin entre l'aile gauche de la social-démocratie et le "Linkspartei". Ce dernier, qui est sorti du parti stalinien SED, anciennement à la tête de l'Allemagne de l'Est et gagnant à présent du terrain dans l'ex-Allemagne de l'Ouest avec l'aide de l'ancien leader du SPD, Oskar Lafontaine, a dénoncé la grève comme une expression de la "mentalité privilégiée" des Berlinois de l'Ouest "dorlotés" !
Signe de cette évolution, de nombreux blogs sur Internet sont apparus, dans lesquels les ouvriers du rail ou encore des pilotes et des personnels hospitaliers exprimaient leur admiration et leur solidarité avec la grève de BVG. Cela est très important car dans ces secteurs, où le poids du corporatisme est particu-lièrement fort et puissamment alimenté par les syndicats, ils expriment par-là clairement une profonde tendance vers l'unité et la solidarité dans la période qui vient.
Wilma / 21.03.08
Depuis le début de l'année, des grèves, des manifestations et des révoltes ont éclaté contre la vie chère dans 37 pays du tiers-monde et dits "émergents" : émeutes de la faim en Mauritanie et en Indonésie, manifestations contre le prix du pain et pillages de boulangeries en Egypte, violents affrontements comme au Cameroun et en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso et au Sénégal, manifestations au Mexique ou encore émeutes en Haïti où la population est contrainte de se nourrir de galettes de boue. Au Pakistan, des enfants sont même assassinés par leurs familles car elles ne peuvent plus les nourrir !
Le dénominateur commun de toutes ces expressions de la misère la plus terrible, c'est la flambée des prix qui frappe à de divers degrés les populations pauvres et ouvrières. Le prix du maïs a quadruplé depuis l'été 2007, le prix du blé a doublé depuis le début 2008 et les denrées alimentaires ont globalement augmenté de 60 % en deux ans dans les pays pauvres. En Thaïlande, pays exportateur, le prix du riz a doublé en un mois. Les effets dévastateurs de la hausse de 30 à 50 % des prix alimentaires au niveau mondial frappent les populations des pays "riches" aussi bien que celle des pays pauvres. Ainsi, aux Etats-Unis, première puissance économique de la planète, 28 millions d'Américains ne pourraient pas survivre sans les programmes de distribution de nourriture des municipalités et des Etats fédéraux.
D'ores et déjà, 100 000 personnes meurent de faim chaque jour, un enfant de moins de 10 ans meurt toutes les 5 secondes, 842 millions de gens souffrent de malnutrition chronique aggravée, les réduisant à l'état d'invalides. Et dès à présent, pour deux des six milliards d'êtres humains de la planète (c'est-à-dire un tiers de l'humanité) le prix des denrées alimentaires les place en situation de survie quotidienne. Pourtant, selon Jean Ziegler, rapporteur spécial de l'ONU, l'agriculture mondiale serait en mesure de nourrir 12 milliards d'individus.
Les experts de la bourgeoisie - FMI, FAO, ONU, G8, etc. - sont formels et annoncent que ce "tsunami alimentaire" (comme le dit le Commissaire européen au développement et à l'action humanitaire) est une crise grave et qu'il n'est pas "conjoncturel" mais "structurel". La situation ne peut donc que s'aggraver (1 ). Les experts prévoient que, d'ici 2010, le maïs aura encore augmenté de 20 %, le soja et le colza de 26 %, le blé de 11 %, le manioc de 33 %. A l'horizon 2020, ce sera encore pire : plus 41 % pour le maïs, plus 76 % pour le soja et le colza, plus 30 % pour le blé et 135 % pour le manioc.
Aussi, la bourgeoisie s'attend avec "lucidité" à une multiplication de conflits sociaux et de révoltes de la faim dans des zones toujours plus larges, craignant même l'apparition de conflits militaires pour l'appropriation de denrées alimentaires et de terres cultivables. Devant la gravité de cette perspective, l'ONU s'est réunie fin avril pour "élaborer une stratégie commune en soutien aux pays en développement confrontés à la crise alimentaire mondiale". En fait de "stratégie", il s'agissait essentiellement de parer au plus pressé et de recueillir 500 millions de fonds supplémentaires d'urgence auprès des pays développés qui ne lâchent que 3 milliards de dollars pour le Programme alimentaire mondial (PAM) tandis que leurs Etats auront déboursé 1000 milliards de dollars pour soutenir les banques en faillite à la suite de la crise immobilière de l'été 2007.
Les médias et les spécialistes de tous bords fournissent de multiples explications à cette inflation galopante des prix de la nourriture ; on voudrait nous faire croire que certaines prévalent sur d'autres, alors qu'en réalité les unes et les autres se cumulent et se conjuguent entre elles, exprimant l'enfer des effets et des contradictions du monde capitaliste.
L'augmentation vertigineuse du prix du pétrole qui augmente le coût des transports et des frais de machines agricoles est une des raisons mises en première ligne par les médias. Celle-ci est certes bien réelle mais c'est loin d'être la seule.
On nous parle aussi de la croissance significative de la demande alimentaire, en particulier pour l'élevage (qui augmente les cultures en plantes fourragères), du fait d'une certaine augmentation du pouvoir d'achat des classes moyennes et de nouvelles habitudes alimentaires dans les pays "émergents" comme l'Inde et la Chine qui expliqueraient la pénurie actuelle sur le marché mondial, et l'augmentation des prix.
La spéculation effrénée sur les produits agricoles est aussi dans le collimateur. Même si Kouchner, toujours prêt à poser devant les caméras pour donner son avis sur n'importe quel sujet, a affirmé qu'il fallait "bannir la spéculation sur les produits alimentaires", celle-ci va bon train et est loin de ralentir. D'une part, les produits destinés à la consommation humaine font l'objet d'un affairisme boursier débridé : à la Bourse de Chicago, "le volume d'échange des contrats sur le soja, le blé, le maïs, la viande de porc et même le bétail vivant" (le Figaro du 15 avril) a augmenté de 20 % au cours des trois premiers mois de cette année. Chaque jour, ce sont 30 millions de tonnes de soja qui s'échangent dans la seule ville de Chicago. Fait aggravant, les stocks de céréales sont au plus bas depuis trente ans, cela accentuant encore la soif spéculatrice des investisseurs, grosses fortunes et autres hedge funds, toujours plus nombreux à se ruer sur la manne alimentaire, surtout depuis la crise immobilière. D'autre part, le marché en plein développement des biocarburants a également ouvert une spéculation effrénée sur ces produits qu'on espère revendre au prix fort dans l'avenir, poussant ainsi à l'explosion de ce type de culture au détriment des végétaux destinés à la consommation alimentaire et à l'épuisement des terres cultivables.
La culture des biocarburants elle-même est soumise à une critique en règle de nombreux scientifiques. De nombreux pays producteurs de produits de première nécessité ont transformé des pans entiers de l'économie agricole vivrière pour cultiver des biocarburants en masse, sous prétexte de lutter contre l'effet de serre, réduisant de façon drastique les produits de première nécessité et augmentant leur prix de façon dramatique. C'est le cas au Congo Brazzaville qui développe de façon extensive la canne à sucre dans cette optique, tandis que sa population manifeste et crève de faim. Au Brésil, où Lula se vante que tout le monde puisse désormais manger à sa faim alors que 30 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et peine à se nourrir, le choix agricole est celui de la production vers les biocarburants à outrance.
En outre, la perspective de ce marché "juteux" pousse à des délires contre nature : dans les Montagnes Rocheuses, aux Etats-Unis, où les cultivateurs du pays ont déjà détourné 30 % de leur production de maïs en production d'éthanol, des superficies gigantesques sont consacrées au maïs "énergétique" sur des terres impropres à sa culture, entraînant un gâchis incroyable en termes d'utilisation d'engrais et d'eau pour un résultat bien maigre. Jean Ziegler explique : "Pour faire un plein de 50 litres avec du bioéthanol, il faut brûler 232 kilos de maïs" et, pour produire un kilo de maïs, il faut 1000 litres d'eau. Selon de récentes études, non seulement le rapport "pollution" des biocarburants est négatif (une recherche récente montre qu'ils augmentent la pollution de l'air en déchargeant plus de particules de chaleur que le carburant normal), mais leurs conséquences globales au niveau écologique et économique sont désastreuses pour l'ensemble de l'humanité. Un tel changement de destination des cultures en vue de la production d'énergie au lieu de celle de nourriture est une expression typique de l'aveuglement capitaliste et de sa capacité de destruction. Voilà encore une expression typique de la "rationalité capitaliste".
Les subventions agricoles et la taxation des produits à l'importation pratiquées par les Etats-Unis et les pays de l'Union Européenne se trouvent aussi au banc des accusés. L'UE dépense par exemple 40 % de son budget, 50 milliards d‘euros, à sa Politique Agricole Commune et impose des "taxes qui peuvent s'élever jusqu'à 430 % sur certains produits agroalimentaires" (d'après le site Web rfi.fr du 21 avril 2008).
La compétition et le protectionnisme dans le domaine agricole ont fait que les agriculteurs les plus productifs des pays industrialisés exportent (souvent grâce aux subventions gouvernementales) une partie importante de leur production vers les pays du tiers-monde, ruinant ainsi la paysannerie locale - augmentant également l'exode vers les villes, et provoquant des vagues internationales de réfugiés et conduisant à l'abandon de terres initialement destinées à l'agriculture.
En Afrique, par exemple, de nombreux fermiers locaux ont été ruinés par les exportations européennes de poulet ou de bœuf. Le Mexique ne peut plus produire assez de produits de première nécessité pour nourrir sa population. Ce pays doit ainsi dépenser 10 milliards de dollars pour son importation alimentaire.
Les conséquences sur l'environnement de l'effet de serre, les inondations ou la sécheresse, sont aussi invoquées, à juste titre. Le réchauffement de la planète signifie qu'avec un degré Celsius de température supplémentaire, la production de riz, de blé et de maïs chuteront de 10 %. Les récentes vagues de chaleur en Australie ont conduit à de sévères dommages et des baisses significatives dans les productions agricoles. Les premières recherches montrent que l'augmentation des températures menace la capacité de survie de nombreuses espèces animales et végétales ou réduisent la valeur nutritionnelle des plantes. Malgré le fait que de nouvelles terres soient gagnées pour les cultures, celles qui sont utilisables pour l'agriculture le sont à cause de la salinisation, de l'érosion, de la pollution et de l'épuisement des sols, c'est-à-dire sur des terres incultes ou terriblement appauvries..
Plusieurs tendances destructrices inhérentes au mode production capitaliste sont également devenues indéniables :
Aussi, un nouveau danger s'accroît - celui de la famine généralisée - que l'humanité aurait pu croire n'être plus qu'un cauchemar du passé. Les effets combinés des sécheresses et des inondations provoquées par le dérèglement climatique et leurs conséquences pour l'agriculture, la destruction continue et la réduction de terres cultivables, la pollution et la pêche à outrance dans les océans conduisent à une raréfaction de la nourriture.
Il ne s'agit pas là de "catastrophes naturelles" ou d'évènements dont on pourrait affirmer que "c'est la faute à pas de chance", mais bel et bien le résultat des effets pervers et destructeurs de l'économie capitaliste, une économie aux abois dont l'irrationalité gagne tous les terrains et tous les niveaux. Plus ce système perdure en déchaînant sa folie, plus il expose des pans toujours plus gigantesques de l'humanité et de la planète à une destruction irréversible.
A cause de ces effets destructeurs du mode de production capitaliste sur l'agriculture et l'environnement, l'humanité est confrontée à une course contre le temps. Plus le capitalisme exerce ses ravages, plus les fondements mêmes de la survie de l'espèce humaine sont menacés.
Dino-Mulan / 6.05.08
1) On est loin du discours lénifiant de la FAO qui "prédisait" en 2000 que, grâce à l'action de l'ONU, les 826 millions de personnes sous-alimentées ne seraient plus que 580 millions dans le monde.
Depuis que le cyclone Nargis a dévasté la Birmanie, la population redoute avec terreur l'arrivée d'une nouvelle tempête. Quelques jours plus tard, c'est la Chine qui était frappée, principalement dans la province du Sichuan, par un tremblement de terre meurtrier et ses nombreuses répliques. En Birmanie, il y a probablement près de 100 000 morts et disparus, tandis qu'un million et demi ou deux millions de survivants sont menacés par la famine. Pour la Chine, le nombre de victimes dépasse 80 000 morts et plus de cinq millions de personnes se retrouvent sans abri. Dans les deux cas, diverses épidémies résultant de conditions de survie épouvantables imposées à la population sont en train de se propager à toute vitesse. De telles catastrophes sont elles vraiment naturelles et inéluctables ? Est-ce le sort, la fatalité qui en sont responsables ? Certainement pas !
Le doute n'est plus permis quant à la responsabilité du capitalisme dans la pollution de l'atmosphère par les gaz à effets de serre qui aggravent le réchauffement global de la planète et contribuent au déchaînement d'aberrants dérèglements climatiques dans le monde entier. Mais invoquer les "caprices de la nature" est une pure mystification pour encore une autre raison. L'homme a acquis la capacité de prévoir et de se protéger de ces divers phénomènes tels que cyclones, tsunamis, inondations, tremblements de terre, éruptions volcaniques. Il a su développer des progrès scientifiques et technologiques qui permettent de prévenir et de faire face aux intempéries ou aux séismes les plus violents mais c'est l'aberration de son système social basé sur la rentabilité qui le rend incapable de les utiliser et de les mettre au service de l'humanité. Le caractère de plus en plus dévastateur des catastrophes naturelles à travers le monde d'aujourd'hui est une conséquence de toutes les politiques irresponsables au niveau de l'économie et de l'environnement que mène le capitalisme dans sa recherche incessante de profit. C'est bien ce système qui, en multipliant leurs effets ravageurs et en décuplant leurs conséquences meurtrières, transforme ces phénomènes en énormes et effroyables catastrophes sociales. Et ses victimes sont pratiquement toujours les mêmes : ce sont les populations les plus pauvres et déshéritées que leurs conditions de survie misérables rend les plus vulnérables. C'est parce que ces populations sont entassées sur des zones exposées et qu'elles en sont réduites à survivre dans les constructions les plus précaires, qu'elles sont les principales victimes des catastrophes.
En Birmanie, la région la plus touchée, le delta de l'Irrawaddy, est pourtant le grenier à riz du pays. Les conséquences en sont dramatiques pour l'économie du pays tout entier dont les stocks de riz ont été détruits. Mais cette population d'un des Etats les plus pauvres du monde est déjà réduite à vivre les pires conditions d'exploitation et, dans la région dévastée, le milieu naturel était déjà porteur de conditions de vie particulièrement insalubres. Face à cette situation, la junte militaire au pouvoir a manifesté un mépris révoltant et un cynisme monstrueux vis-à-vis du sort des habitants victimes de la catastrophe. Aucune aide sérieuse ne lui a été apportée par l'Etat, tandis que la clique de Than Shew, numéro un birman, est fortement soupçonnée de s'accaparer sans vergogne le peu de l'aide internationale qu'elle laisse pénétrer sur son territoire (1 ). Son abjection a été poussée jusqu'à transformer la plupart du temps les camps de réfugiés en véritables camps de travail, tandis que ce gouvernement en a rajouté dans le délire en maintenant en plein milieu de ces terribles évènements un référendum en vue de l'adoption d'une "nouvelle Constitution" ouvrant prétendument la voie... à un "transfert de pouvoir aux civils" ! Aussi, à coups de spots publicitaires télévisés, alors que plus d'un million et demi de Birmans pataugeaient dans la boue et luttaient contre la mort, survivant à peine dans les décombres, le gouvernement vantait de façon surréaliste et hallucinante sa "réussite" et sa "victoire" dans ce référendum, voté "massivement" pour un peuple auquel s'ouvrait à présent "le plus bel avenir" !
Les politiciens occidentaux et leurs médias se sont indignés avec véhémence devant cet état de fait et ont réclamé de façon insistante, voire menaçante, l'ouverture des frontières à l'aide internationale et à l'arrivée de travailleurs humanitaires. De l'ONU à l'Union européenne en passant par Bush, ils ont tous fustigé la "paranoïa" des autorités birmanes, les "lourdes contraintes imposées" tout exprès par les autorités pour accorder des visas, l'insuffisance notoire de l'aide qui parvient au compte-goutte en Birmanie du fait de la fermeture et de la méfiance de l'Etat, etc. Bref, ils ont voulu démontrer avec une belle unanimité l'intérêt que les "grandes démocraties" portent aux populations et leur volonté humanitaire de tout mettre en œuvre pour porter secours à des Birmans en souffrance, subissant jusque dans la pire catastrophe le joug implacable d'une dictature militaire. Si les agissements de la junte du Myanmar qui laisse crever des centaines de milliers de gens, voire des millions, sont d'une écœurante monstruosité, que faut-il penser des hauts cris d'indignation des grandes puissances ? Ils ont beau jeu de pointer du doigt les tares de cette clique birmane arriérée, rongée par la corruption et conduite par des pratiques sectaires et les croyances astrologiques d'un autre âge.
Les réactions vis-à-vis de la Chine, qui a eu droit à un traitement médiatique beaucoup plus nuancé offrent un début de réponse. Le pays est atteint précisément dans une des régions proches du Tibet qui connaît depuis deux mois une féroce répression de la part des forces armées et de la police chinoise. Sarkozy, à l'instar de tous les pays développés qui ont vilipendé sans retenue la junte birmane, a assuré avec bonhomie le gouvernement chinois de son "soutien personnel". Tous ont loué les efforts du gouvernement chinois pour faire face à la situation. C'est pourtant l'Etat chinois lui-même et son armée, comme l'Etat birman, qui assure pour l'essentiel l'acheminement de l'aide vers les zones sinistrées, en contrôlant étroitement toute intervention "étrangère" dans l'organisation des secours. Là aussi, l'ampleur de la catastrophe a rayé de la carte des villes et des villages entiers à cause des constructions bon marché. Et il est particulièrement révoltant de constater que plus de 7000 écoles, construites à la va-vite avec une irresponsabilité criminelle, avec des matériaux friables au coût le plus bas, se sont effondrées sur des dizaines de milliers d'enfants, alors même que les bâtiments voisins tenaient encore debout.
Il est vrai que, pour l'ensemble des pays occidentaux, les marchés commerciaux avec la Chine n'ont aucune commune mesure avec les maigres relations conçues avec la Birmanie et, surtout, que vilipender l'Etat chinois risquerait de provoquer des secousses "diplomatiques" faisant autrement désordre. Même le fait que le tremblement de terre et les pluies diluviennes qui tombent aujourd'hui sur la région sinistrée, et ont vu naître le risque d'effondrements pour un certain nombre des multiples et gigantesques barrages construits à la hâte pour les besoins d'irrigation de la Chine, ne provoque pas de réactions significatives sur l'incompétence de l'Etat chinois de la part des Etats développés, malgré tous les risques de catastrophe en chaîne pour des millions de gens que cela pourrait entraîner. Et pour cause ! Derrière cette attitude hypocrite de pseudo-compassion humanitaire, les grandes démocraties cherchent à faire oublier leur propre mépris tout aussi répugnant de la vie humaine dont elles ont naguère fait la preuve. Il faut rappeler ici quelques faits récents. Le tsunami de décembre 2004, qui a fait plus de 220 000 morts en Indonésie, en Inde, en Thaïlande et au Sri-Lanka, tsunami dont les signes avant-coureurs manifestes n'ont pas été signalés, à la fois par négligence comme par manque d'équipement en moyens de prévention et de protection jugés exorbitants en termes de rentabilité capitaliste. Quant à l'aide humanitaire qui a suivi, c'est en grande partie sur les dons des particuliers qu'elle s'est appuyée, notamment dans les pays développés comme l'Allemagne, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, où les fonds fournis par les populations ont dépassé celle des Etats eux-mêmes.
Qu'on se souvienne aussi du cyclone Katrina, fin août 2005, qui a ravagé le Sud des Etats-Unis et frappé notamment la région et la ville de la Nouvelle-Orléans. Alors que la violence et la force du cyclone étaient prévues et établies scientifiquement, la catastrophe a cette fois bien été annoncée. Mais ce n'est qu'à peine deux jours avant que le gouvernement a décrété l'état d'urgence, tout en ne mettant aucun moyen réel au service de la majorité de la population pour la sauver. La plus grande puissance économique de la planète a alors laissé à l'abandon, livré à elle-même, la population des quartiers pauvres et déshérités, vivant dans des maisons balayées comme des fétus de paille, s'efforçant essentiellement de protéger les quartiers riches de la ville. Quand l'ordre d'évacuer la Nouvelle-Orléans et la côte du Golfe du Mexique est arrivé, de façon typiquement capitaliste, c'était chacun pour soi. Ceux qui pouvaient payer l'essence sont partis vers le nord et vers l'ouest pour se mettre en sécurité et trouver refuge dans des hôtels, des motels ou chez des amis ou de la famille. Mais dans le cas des pauvres, la majorité s'est trouvée sur la route du cyclone, incapable de fuir. A la Nouvelle-Orléans, les autorités locales ont ouvert le stade du Superdome et le centre de conférences comme abri contre le cyclone, mais elles n'ont fourni ni intendance, ni nourriture, ni eau, ni rien ; les gens s'entassaient dans ces bâtiments et y étaient abandonnés à leur sort. La seule préoccupation de l'administration américaine a été le maintien de l'ordre afin de contenir d'éventuelles émeutes et la mise en œuvre de mesures répressives. Le bilan avait été de 1500 morts, 250 000 personnes sans foyer, dont la plupart sont encore hébergés aujourd'hui dans des centres et foyers d'accueil d'urgence, et plus d'un million de déplacés.
Le cynisme et l'hypocrisie suintent par tous les pores de la société capitaliste qui démontrent ainsi une fois encore que tous ses dirigeants sont partout guidés par les mêmes sordides intérêts de classe. Contrairement à leurs insinuations, leur attitude ne dépend pas du régime dictatorial ou démocratique du gouvernement ni du fossé creusé entre pays riches et pays pauvres. Non seulement ils cherchent à masquer leur complète impuissance face aux désastres qu'ils engendrent, mais ils font surtout leur possible pour occulter la faillite totale de ce système qui se révèle, lui comme la politique de tous ceux qui le défendent, comme la pire catastrophe de l'histoire de l'humanité qu'il faut définitivement éradiquer.
Wilma / 25.05.08
1) Les quelques sacs de nourriture qu'elle a laissé pénétrer dans le pays ont été saisis par l'armée et ont été re-étiquetées de façon à laisser croire à la population que c'est la junte qui subvenait à ses besoins. Plus fort que Kouchner photographié avec son sac de riz sur l'épaule en Somalie dans les années 1990 ! Par pure gloriole, le même inénarrable Kouchner a envoyé un navire de guerre le Mistral chargé de nourriture sans aucun accord avec les autorités birmanes et cette cargaison en train de pourrir au voisinage des eaux territoriales birmanes a dû finalement être déchargée piteusement en Thaïlande.
« Nous exigeons que le gouvernement prenne des mesures pour augmenter le pouvoir d'achat avant le 15 juillet. Sinon, nous reprenons les mobilisations à la rentrée » déclaraient les leaders syndicaux à la fin de la semaine d'action dans les différentes provinces belges qui, malgré son caractère éclaté et inoffensif, a réuni au total plus de 100.000 personnes. Avec un art consommé du saucissonnage de la lutte, ces saboteurs professionnels préparent déjà l'occupation du terrain social à la rentrée. Pour éviter de rester enfermés dans la logique des actions syndicales qui mènent à l'impuissance et au découragement, les travailleurs doivent choisir le meilleur moment et les conditions optimales pour imposer un rapport de force en leur faveur. Pour ce faire, il est indispensable qu'ils réfléchissent aux opportunités actuelles et prennent conscience des enjeux qui se posent pour leur combat.
La perte de pouvoir d'achat, qui touche l'ensemble de la classe ouvrière, est le produit d'une politique systématique de la bourgeoisie. La conférence de 2003 pour l'emploi, qui réunissait l'ensemble des forces patronales, syndicales et politiques, en donnait les orientations: «baisse des charges des entreprises, modération salariale, diminution des frais liés au chômage, rallongement de la semaine de travail et de la carrière, et finalement le financement alternatif de la sécurité sociale». Ainsi, la « défense » de la compétitivité de l'économie nationale a impliqué tout au long de ces dernières années:
- l'assainissement drastique des frais de production, la délocalisation ou l'exclusion de forces de travail au moyen de plans de restructuration et de procédures de licenciement assouplies, dans le secteur privé ou public (VW, Gevaert, GM, Janssens Pharmaceutica, La Poste...);
- l'augmentation de la productivité (déjà parmi les trois les plus élevées du monde) par un accroissement important de la flexibilité sans frais supplémentaires, une diminution de l'absentéisme et des pauses, entraînant un rallongement effectif de la durée de travail et de la carrière;
- la révision à la baisse des normes salariales (réduction et suppression des barèmes d'ancienneté, des primes et suppléments);
- enfin, la révision et réduction graduelles du système de la sécurité sociale, surtout au niveau du chômage, des frais de santé et des retraites.
Pas étonnant donc que les salaires, les allocations et les retraites diminuent et, qu'en conséquence, des couches toujours plus larges de la population sombrent dans la pauvreté. Le pouvoir d'achat de l'ouvrier belge est parmi les plus bas des pays industriels d'Europe, 25 % moins élevé qu'aux Pays-Bas par exemple (selon la Fédération européenne des entrepreneurs, citée dans De Morgen, 5.06.2006). De plus, en 2006, «La masse salariale totale dans notre pays a donc augmenté moins vite que le PIB, alors que les profits des entreprises ont crû relativement plus vite» (De Tijd, 3.10.2007). Avec la multiplication des emplois précaires, temporaires ou partiels, un nombre croissant de travailleurs n'a plus de revenu stable, ce qui entraîne même les familles dont les revenus se situent au-dessus du seuil de pauvreté dans les difficultés.
Dans un tel contexte de dégradation systématique des conditions de vie de la classe ouvrière, il faut souligner l'importance de la conjonction de deux phénomènes qui s'expriment de manière de plus en plus nette en Belgique depuis la fin de l'année 2007. D'une part, une forte croissance de la combativité ouvrière et d'autre part, une détérioration marquée de la situation économique nationale, suite à l'accélération de la crise mondiale. La conjonction de ces deux phénomènes durant ces derniers mois a inscrit de manière particulièrement nette la situation sociale en Belgique dans la dynamique de reprise de la lutte ouvrière en Europe et dans le monde.
Pendant longtemps, le ras-le-bol des travailleurs a eu de grandes difficultés à dépasser les campagnes mystificatrices de la bourgeoisie et à se concrétiser en un mouvement de résistance aux attaques. La «rafale gréviste» de l'hiver 07-08 a pleinement confirmé que les luttes en Belgique présentaient les mêmes caractéristiques de fond que partout dans le monde : potentiel de combativité retrouvé, lente mais certaine récupération par le prolétariat de son identité de classe, multiples expressions de solidarité naissante.
- Dès la fin de l'automne 07, divers secteurs entrent en lutte contre les rationalisations, les licenciements, les réductions de salaires: Janssens Pharma Beerse, Volvo Cars Gand, Bayer Anvers, employés communaux d'Anvers et de Liège, ... Par une manifestation nationale autour de la défense du pouvoir d'achat le 15.12.07, les syndicats tentent de désamorcer la colère et de détourner le mécontentement vers un engagement dans les querelles communautaires (‘non à la scission de la sécurité sociale', commune aux Wallons et aux Flamands).
- Cependant, les luttes reprennent immédiatement après les fêtes de fin d'année. Ce qui avait commencé à la mi-janvier 08 spontanément comme un conflit social local chez un fournisseur de Ford Genk pour «1 euro de plus», se transforme très vite en une réelle vague de grèves pour une augmentation du pouvoir d'achat. Ce sont les mêmes ouvriers qui étaient sous pression à l'occasion des restructurations chez Ford, Opel ou VW en début d'année 2007 qui ont mis le feu aux poudres. D'abord, le mouvement revendicatif spontané déborde vers Ford Genk et vers pratiquement toutes les entreprises des environs immédiats pour ensuite atteindre toute la province du Limbourg et le secteur métallurgique. La vague de grèves sauvages s'étendra lentement vers d'autres branches industrielles et d'autres provinces, surtout dans la partie néerlandophone et à Bruxelles. A côté de mouvements de grèves importants dans le cadre syndical (comme à Electrabel, SONACA et les sapeurs pompiers), il y a des actions sauvages à l'entreprise logistique Ceva contre les licenciements ou chez BP autour d'une restructuration et des conditions de travail, où le patronat a appelé «à cesser les actions incontrôlées et à suivre le modèle de concertation sociale». De plus, il y aura encore des interruptions de travail imprévues chez les conducteurs de tram et de bus de De Lijn à propos des conditions de travail et des pauses, à la SNCB...
Plusieurs caractéristiques du mouvement sont exemplaires des tendances qui se manifestent aussi dans d'autres pays européens :
- d'abord, il faut pointer la simultanéité des mouvements, de même que leur extension rapide;
- s'il y a bien un fil rouge à travers une large partie du mouvement de l'hiver 08, c'est «qu'il ne s"agit pas de grèves organisées par les syndicats, mais de grèves sauvages. C'est la base qui se révolte, et ce sont les syndicats qui tentent de négocier» (un des témoins au forum de discussion de DS sur la vague de grèves). Cette vague de grèves spontanées renforce la confiance des ouvriers en eux-mêmes, suscite l'action pour d'autres revendications directes;
- le mouvement s'est développé en réaction à la hausse du coût de la vie et la baisse du"niveau de vie. Il se développe dans une impression croissante de chaos et d'irresponsabilité de la classe politique, ce qui s'exprime par la vacance gouvernementale de plus de neuf mois. Ce contexte de luttes en réaction aux mêmes attaques tend à réduire quelque peu l'emprise de l'arsenal des tactiques de division et de domination classiques, par région, secteur, entreprise, métier, privé ou public, etc. et donc à instiller un sentiment de solidarité. Tous les ouvriers, actifs, chômeurs, retraités, étudiants peuvent en fait se retrouver dans ces mouvements contre la perte du pouvoir d'achat, les cadences de travail et l'instabilité des contrats.
Parallèlement, des signaux insistants confirment que la Belgique est de plus en plus affectée par la détérioration de la situation économique, engendrée par la crise immobilière et les placements boursiers douteux (Junk Bonds), par la récession aux USA ainsi que par l'envolée des prix pétroliers et des denrées alimentaires :
- ralentissement économique : baisse du croissance de l'économie de 2,7% (2007) à 1,7% (2008) et à 1,4% (2009) selon l'IMF (DM, 03.06.08);
- nouvelle flambée de l'inflation : la Belgique bat les records en Europe avec une inflation de 5,2% (zone EURO: 3,6%) et une hausse des denrées alimentaires de 6,1% (zone EURO: 6,2%, EU : 7,1%) (DM, 03.06.08). Conséquence directe : vie plus chère, recul des salaires et explosion des dettes;
- la hausse du coût de la vie a un effet multiplicateur sur les mesures de flexibilisation et de précarisation des emplois. Si les emplois ont spectaculairement augmenté en 2007 (+116.000 emplois) et si le chômage ne remonte pas encore, il faut souligner que le type d'emploi créé génère un recul constant des conditions de vie et de travail de la classe ouvrière (ce que les sociologues bourgeois appellent le phénomène des ‘working poor');
- les syndicats eux-mêmes reconnaissent que « l'Etat social actif n'est pas une situation win-win mais loose-loose » (rapport FGTB, dans DM, 17.03.08). La flexibilité n'a pas apporté une stabilité d'emploi mais la précarité;
- la pression sur la qualification et les salaires: 20% des salariés n'arrive pas à boucler son mois avec son salaire et 50% y arrivent à peine (DM, 23.04.08).
Ceci ne peut qu'accentuer encore la pression sur les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière.
La bourgeoisie a déclenché tout au long de la seconde partie de 2007 des campagnes communautaires intenses visant à occuper le terrain avec la mystification du nationalisme ou du sous-nationalisme en vue de détourer l'attention des travailleurs de la détérioration du niveau de vie et de paralyser toute velléité de combativité. Ces campagnes pernicieuses n'ont toutefois pu empêcher la montée du ras-le-bol et la multiplication de luttes. Aussi, depuis début 2008, face à la multiplication et la simultanéité des actions ouvrières, la bourgeoisie a quelque peu changé son fusil d'épaule :
- elle a généralisé un black-out dans ses médias sur les informations concernant les luttes ouvrières, entre régions tout comme au niveau international;
- syndicats et employeurs tentent de désamorcer les foyers de combativité en cédant non pas sur des hausses de salaire, mais en accordant des majorations uniques sous forme de primes uniques et de boni liés aux résultats. Parfois même, les patrons essaient d'acheter la paix sociale avant que les ouvriers n'engagent effectivement l'action. «parce qu'ils veulent à tout prix éviter une grève sauvage et sont donc prêts à racheter à l'avance un éventuel désordre» (interview de H. Jorissen, président des métallos de la FGTB dans DM, 2.2.08). Cela a encore été le cas à la SNCB, où patrons ‘publics' et syndicats ont proposé une prime salariale de 1000 euro répartie sur 3 ans (DM, 03.06.08) pour désamorcer le ras-le-bol;
- elle a pleinement engagé les syndicats en première ligne pour contrer le développement de la combativité. Ceux-ci ont pris leur distance vis-à-vis des partis socialistes et jouent, ici l'unité, là la division. Ils ont profité des élections sociales dans les entreprises pour mener de larges campagnes sur la ‘démocratie sociale' et sur l'importance de la représentativité ouvrière à travers leurs délégations syndicales;
- les actions générales des syndicats, telles la manifestation ‘sauvons le pouvoir d'achat et la solidarité' du 15.12.08 ou la semaine d'actions tournantes par région à la mi-juin pour ‘sensibiliser', ont toutes comme objectif :
a) d'identifier les syndicats comme les vecteurs par excellence de la solidarité;
b) d'assimiler la solidarité ouvrière à la défense d'une fausse solidarité nationale, la solidarité avec l'Etat national et ses structures de contrôle social.
Ces campagnes visent à dévoyer la classe ouvrière sur la question cruciale pour le développement de la lutte, qui est celle de la solidarité.
Si elle ne peut plus aujourd'hui empêcher l'explosion des luttes, la bourgeoisie investit le terrain social de manière proactive pour éviter l'extension et l'unification des luttes, pour détourner la solidarité dans la lutte pour la défense des intérêts prolétariens vers le combat pour le maintien des structures étatiques nationales de contrôle social. Et dans cette politique, les syndicats jouent un rôle central.
Depuis un an, la situation politique belge a été caractérisée par une quasi-absence de politique gouvernementale (et même de gouvernement tout court). Si durant la seconde partie de 2007, cette « paralysie gouvernementale » participait des campagnes autour de l'avenir de la Belgique, l'absence d'orientations politiques dans un contexte de détérioration de l'économie et de la position concurrentielle du capital belge est en train de devenir intolérable pour la bourgeoisie:
- dérapage budgétaire (on tablait sur une croissance de 1,9%) qui mettrait à mal l'équilibre financier, fruit d'une décennie d'austérité ;
- balance commerciale en déficit pour la première fois depuis 15 ans : «C'est un signal important que notre position"concurrentielle est en fort recul. Et cela pour un pays comme la Belgique qui"se targue d"être un pays exportateur» (l'économiste G. Noels, DM,"16.4.08);
- difficultés croissantes dans les entreprises de différents secteurs : l'aéronautique, où la plupart des compagnies aériennes sont dans le rouge à cause de la hausse du carburant ; le secteur bancaire, avec de grosses difficultés qui touchent aussi des banques belges comme Fortis (cotation -12%) ; Dexia (baisse de ses bénéfices de 60% (15.05.08) et cotation -21%) ; KBC (cotation -14%).
Aussi, la fameuse date butoir du 15 juillet, que la bourgeoisie belge a dû se donner pour négocier entre les diverses fractions politiques impliquées dans un grand compromis"sur un paquet global de mesures de réorganisation de l'Etat fédéral, s'annonce peut-être encore plus comme un moment crucial pour la prise de mesures d'assainissement budgétaire et de renforcement de la position concurrentielle de l'économie nationale. Dans ce cadre, le pourrissement de la situation économique au travers de la paralysie politique de ces derniers mois pourrait bien être la stratégie suivie pour d'abord épuiser la combativité ouvrière au sein du carcan syndical, pour ensuite réunir les diverses fractions régionales autour d'une politique commune de sauvetage de l'économie belge.
La question de l'indexation des salaires pourrait jouer un rôle central dans le maquillage de l'attaque. Lorsque la bourgeoisie prépare un mauvais coup contre les salaires, elle ressort le monstre du Loch Ness de la liaison automatique des salaires à l'index. Cela permet alors aux syndicats de jouer aux champions de la solidarité en mobilisant pour « sauver l'index », alors que « l'indexation automatique » n'est plus qu'un mythe, avec un index largement manipulé et limité par une «norme salariale», qui prescrit que les augmentations de salaires ne peuvent en aucun cas dépasser la moyenne de celles des principaux concurrents.
Jos / 14.06.08
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Les Bourses s'effondrent, les actions chutent, les banques font faillite, l'économie est quasiment immobilisée. "Que se passe-t-il ? Vivons-nous un nouveau krach comme en 1929?" et surtout: "Comment en est-on arrivés là? Qui (quoi) est responsable?" Est-ce la faute de la politique de crédit irresponsable des banques hypothécaires américaines, d'une gestion de fonds sans scrupules par les banques, ou des spéculateurs, qui en semant la panique ont sérieusement perturbé l'équilibre des Bourses? Voilà les premières questions que chacun se pose. Mais très vite, vient une seconde série de questions: comment pouvons-nous nous protéger? Que pouvons-nous faire face à la récession qui menace? Existe-t-il une perspective de lutte commune pour nous défendre contre les conséquences de la crise? Dans quelle sorte de monde vivons-nous donc, n'existe-t-il vraiment aucune alternative?
La "crise du crédit", c'est la crise du capitalisme
Le 24 septembre 2008, George W. Bush, président des USA, a tenu devant des commentateurs et des journalistes un discours remarquable. Il a annoncé sans détour quels tourments allaient s'abattre sur "le peuple américain" : "Depuis quelques semaines, de nombreux Américains éprouvent de l'anxiété au sujet de leur situation financière et de leur avenir. [...] Nous avons observé de grandes fluctuations à la Bourse. De grands établissements financiers sont au bord de l'effondrement, et certains ont fait faillite. Alors que l'incertitude s'accroît, de nombreuses banques ont procédé à un resserrement du crédit. Le marché du crédit est bloqué. Les familles et les entreprises ont plus de difficulté à emprunter de l'argent. Nous sommes au milieu d'une crise financière grave [...] toute notre économie est en danger. [...] Des secteurs clés du système financier des États-Unis risquent de s'effondrer. [...] l'Amérique pourrait sombrer dans la panique financière, et nous assisterions à un scénario désolant. De nouvelles banques feraient faillite, dont certaines dans votre communauté. Le marché boursier s'effondrerait encore plus, ce qui réduirait la valeur de votre compte de retraite. La valeur de votre maison chuterait. Les saisies se multiplieraient."
En France aussi, la tempête financière a frappé. Tous les indicateurs sont au rouge. Le vendredi 26 septembre, le gouvernement a présenté son premier budget pluriannuel (2009-2011), qui avait tout d'un budget de crise. Beaucoup de promesses et d'engagements antérieurs ont été retirés. Ce budget de crise ne doit pas nous surprendre. Car dans un discours prononcé la veille, le président avait déjà dit que la France avait été très rudement touchée par la crise financière mondiale. "Dire la vérité aux Français, c'est leur dire que dans les mois à venir, la crise actuelle aura un impact sur la croissance, sur le chômage, sur le pouvoir d'achat".
Et en Belgique, ce n'est pas différent: "Lorsque la crise a complètement éclaté, c'est comme si une avalanche ou un ouragan menaçait de s'abattre sur le pays" a déclaré le premier ministre Yves Leterme. Toute l'économie est menacée. "Dans l'intérêt du pays et de la population, il faut serrer les rangs" a-t-on déclaré. Et à des remarques sur le fait que l'opération de sauvetage de Fortis et Dexia aurait de sérieuses conséquences pour le budget, le premier ministre a répliqué promptement mais sans détour: "Avez-vous une alternative? Préférez-vous peut-être la faillite?".
Pour nous rassurer, une flopée d'économistes vient nous expliquer dans les médias que certes, la crise actuelle est très sérieuse, mais qu'elle n'est pas comparable avec le krach de 1929, et que le moteur va bien redémarrer. Ils n'ont qu'à moitié raison. Durant la grande dépression, des milliers de banques avaient fait faillite aux USA, des millions de personnes avaient perdu leurs économies, le taux de chômage était grimpé à 25 %, et l'activité économique avait baissé de près de 60 %. Bref, l'économie était pratiquement immobilisée. A l'époque, les dirigeants des États n'avaient réagit que très tardivement. De long mois durant, ils avaient laissé les marchés à leur sort. Pire encore, leur seule mesure consistait à fermer les frontières aux marchandises étrangères (mesures protectionnistes), et cela avait mené à une paralysie totale du système.
Le contexte actuel est très différent. La bourgeoisie a tiré des leçons de cette catastrophe économique, elle s'est dotée d'organismes internationaux et surveille la crise comme le lait sur le feu. Depuis l'été 2007, les différentes banques centrales (surtout la FED américaine et la banque centrale européenne) ont injecté presque 2000 milliards de dollars pour sauver les institutions en détresse. Ils ont ainsi réussi à éviter l'effondrement total et brutal du système financier. . L'économie est en train de décélérer très vite mais ne se bloque pas: en Belgique, on s'attend pour 2009 à une croissance de 1 %, en Allemagne de seulement 0,5 %.
Mais, contrairement à ce que prétendent ces spécialistes érudits, la crise actuelle est bien plus grave que celle de 1929. En effet, le marché mondial est complètement saturé, et la croissance des dernières décennies n'a été possible que par une fuite en avant massive dans l'endettement et la spéculation sauvage. Désespérément à la recherche d'un peu de rentabilité, 65 trillions (1 trillion = 1018) de dollars errent dans le monde financier et ont été investis pendant les dernières décennies partout dans le monde avec des risques croissants: des rendements plus faibles, et de moins en moins de contre-valeur réelle. Par ailleurs, des personnes de plus en plus nombreuses ont été poussées à acheter des maisons à des prix dépassant de loin leur valeur réelle et à prendre des hypothèques supplémentaires pour alimenter la caisse familiale. Tout cela a fonctionné tant que le prix des maisons augmentait. Quand cela menaçait de tourner mal, beaucoup de spéculateurs ont essayé de mettre leurs fonds à l'abri en investissant massivement dans le pétrole, les carburant biologiques et les produits d'alimentation de base. Cela a provoqué une augmentation importante du prix de ces denrées, ce qui a placé les ménages dans une situation encore plus difficile. De plus en plus d'hypothèques ne pouvaient plus être remboursées, et le marché immobilier, déjà sous pression, s'est effondré dans différents pays, principalement aux Etats-Unis. Ainsi, des millions de familles américaines ont été expulsées de leur logement, leur maison étant mise en vente pour un prix très inférieur à la valeur de l'hypothèque, ce qui a placé les institutions de crédit hypothécaire dans une situation problématique. L'énorme poids de ces dettes et la recherche désespérée de rentabilité menacent aujourd'hui de plus en plus d'étouffer le capitalisme.
Les politiciens et les hauts responsables de l'économie comme Karel Vinck nous racontent aujourd'hui que les dirigeants et spéculateurs irresponsables doivent être sanctionnés, et qu'il faut "moraliser" le monde de la finance pour empêcher les excès qui ont provoqué la crise actuelle,et pour rendre possible le retour à un "capitalisme sain". Ce qu'ils ne disent pas, c'est que la "croissance" des années passées a justement été permise par ces "excès", c'est-à-dire la fuite en avant du capitalisme dans l'endettement généralisé et l'économie "de casino". Ce ne sont pas les "excès des financiers" qui sont les véritables responsables de la crise actuelle ; les excès et la crise financière, où des fonds équivalents à la production mondiale de quatre années sont partis en fumée en l'espace de quelques semaines, ne sont qu'une expression de la crise insoluble, de l'impasse historique dans laquelle est embourbé le capitalisme dans son ensemble. C'est pour cela aussi qu'il n'y aura pas de "fin du tunnel". Le plan Bush (Paulson) de 700 milliards de dollars pour "assainir le système financier" est immanquablement voué à l'échec. Le plan va récupérer les créances douteuses pour apurer les comptes des banques et relancer le crédit, mais il ne résout rien sur le fond. Les causes profondes de la crise sont toujours présentes: un marché saturé de marchandises invendables et des institutions financières, des entreprises, des Etats et des particuliers lourdement accablés par l'endettement.
Les perspectives de croissance économique sont donc particulièrement sombres. La bourgeoisie n'hésitera pas à présenter à la population la facture de sa crise. Entre-temps, les Etats devront tenter de récupérer les fonds utilisés à "soutenir" le monde financier, ce qui signifie qu'il y aura encore moins de moyens pour les travailleurs et les allocataires sociaux, et que la planche à billets va fonctionner à plein régime, avec pour résultat une inflation galopante. Cela signifie de nouvelles vagues de fermeture d'entreprises, de réorganisations, de licenciements, de baisses de salaires et d'augmentations d'impôts, des retraites toujours plus menacées et aussi le retardement de l'âge de la retraite, un enseignement et des soins de santé de plus mauvaise qualité. De plus en plus de familles vont dépendre d'allocations en baisse.
Depuis l'été 2007, plus de deux millions de familles américaines ont été expulsées de leur logement, et un million de familles supplémentaires le seront d'ici à Noël. Et le phénomène commence à faire son apparition en Europe, en Grande-Bretagne le nombre d'expulsions dans la première moitié de 2008 a augmenté de presque 50 %, et en Espagne ce n'est guère mieux.
Depuis un an environ, l'inflation a refait son apparition. Les prix des matières premières et les prix des aliments de base ont explosé, provoquant famine et révoltes dans de nombreux pays, et également de nombreuses réactions dans les entreprises.
Il s'agit d'une paupérisation de la population mondiale: logement, alimentation, déplacements, tout cela va devenir de plus en plus difficile pour des milliards de prolétaires.
A court terme, on peut constater une certaine panique. Nous sommes submergés par les événements. Chacun pense à ses économies, aux factures à payer, au paiement des études des enfants, à la future retraite. Mais, chacun dans notre coin, nous ne pouvons ressentir qu'un sentiment d'impuissance. Ce sentiment, la bourgeoisie cherche à le renforcer, de façon à ce que la classe ouvrière subisse la situation, accablée et soumise. Gouvernements, partis politiques, médias et patronat crient en chœur "punissons les coupables", plaident l'innocence du système capitaliste basé sur le profit et l'exploitation forcenés, répandent largement cette image fataliste et appellent à l'esprit de responsabilité, à resserrer les rangs derrière "leurs" mesures qui destinent la facture de cette débâcle à la classe ouvrière.
Parmi les ouvriers en Belgique, l'élan d'avant les vacances est provisoirement brisé. Ce n'est pas seulement du à la stupéfaction suite à la crise financière; la bourgeoisie a orchestré d'intenses campagnes communautaires, où elle a exploité ses propres divisions internes pour rejeter la responsabilité de tout ce qui ne va pas sur ceux de l'autre côté de la frontière linguistique et tenter de dresser les ouvriers les uns contre les autres. Ces campagnes étaient clairement destinées à occuper le terrain social au moyen de campagnes nationalistes et régionalistes, pour détourner l'attention des travailleurs de la dégradation de leur niveau de vie. Or brusquement, "Wallons", "Flamands" et "Bruxellois" sont appelés à constituer une "union sacrée" pour la défense de l'économie belge. La crise financière a même été exploitée pour rehausser la crédibilité du gouvernement Leterme : "Ils prennent enfin des mesures pour diriger le pays" entend-on. "Fortis et Dexia ont été sauvées, et donc aussi les économies des gens, la NVA a été éjectée du gouvernement, la voie est donc libre pour mettre les problèmes communautaires sur une voie de garage et commencer à prendre les mesures qui sont nécessaires pour l'Etat belge". On peut aisément deviner ce que ces mesures seront! Ne nous laissons pas abuser: si le gouvernement prétend garantir nos économies, il ne le fait pas pour ce qui est de notre pouvoir d'achat, nos salaires ou nos allocations.
Il faut dire clairement qu'à terme, le problème ne pourra pas se résoudre sur un terrain strictement économique, à l'intérieur du capitalisme. Et surtout, que toute concession, tout compromis dans la logique de ce système moribond, ne peut conduire qu'à des mesures encore plus graves. La bourgeoisie des différents pays est en effet contrainte de faire travailler "sa" classe ouvrière encore plus dur, moins cher, avec moins de "charges sociales", etc. Et cette concurrence entre Etats mènera inévitablement à de nouvelles confrontations militaires à propos de sphères d'influence, de marchés susceptibles d'écouler des marchandises, de matières premières, de régions stratégiques. Voilà à quoi ressemble l'avenir du capitalisme en crise: tensions sociales et militaires croissantes, paupérisation et guerre.
La véritable différence avec 1929 ne se trouve pas dans le fonctionnement de l'économie capitaliste, ni dans la gravité de la crise. Elle réside dans la combativité et la conscience de la classe ouvrière. Depuis 1968, la classe ouvrière s'est relevée de la contre-révolution. Non seulement elle a montré sa volonté de lutter dès les premiers signes de la crise, mais elle a aussi recherché en permanence une perspective, une "autre" façon de vivre, meilleure, libérée de l'exploitation, de la recherche du profit, de la crise et des violences guerrières, et elle a ainsi développé sa conscience. Les énormes campagnes à partir de 1989 sur la "mort du communisme" ont porté un coup dur à cette résistance, et en ont surtout fait douter beaucoup sur la possibilité d'une alternative. Mais après tant d'années de promesses fallacieuses, et surtout avec la dure réalité de la misère croissante et de la violence guerrière, la combativité et la conscience ont recommencé à progresser.
Tous les ouvriers ont les mêmes intérêts dans la défense contre les attaques sur leurs conditions de vie et de travail, mais face à une attaque généralisée de la part de l'Etat, comme nous la vivons aujourd'hui, il est impossible de résister si nous restons divisés. En 1980, les ouvriers polonais ont entamé une grève de masse en réponse à l'augmentation des prix, tous ensemble, suite à laquelle les augmentations ont été retirées, même si par la suite elles ont malgré tout été graduellement imposées. Et en 2006, c'est parce que les étudiants avaient commencé à opérer une jonction avec les ouvriers que le gouvernement a décidé de retirer le CPE, une attaque sur les conditions de travail des jeunes. Pendant la "vague de grèves" de l'hiver 2007-2008 en Belgique également, on a vu les premiers signes de prise en compte de ces nécessités de la lutte actuelle: une capacité retrouvée à engager le combat, une identité de classe retrouvée lentement mais sûrement, des tentatives répétées d'oeuvrer à la solidarité de classe. Ce qui avait spontanément commencé à la mi-janvier 2008 comme un conflit social local pour "un euro de plus" s'est vite transformé en une vague de grèves pour l'augmentation du pouvoir d'achat, qui s'est rapidement étendue à d'autres secteurs industriels et d'autres provinces. Et le lien avait alors été établi entre les licenciements, l'attaque sur les conditions de travail, l'érosion du pouvoir d'achat. Il est nécessaire de renouer avec la dynamique de cette résistance!
Les actions syndicales générales, comme la manifestation du 12.12.2007 autour de "la défense du pouvoir d'achat et de la solidarité" ou la semaine d'action syndicale par région à la mi-juin 2008, visent toutes le même but: faire barrage à ce processus de réflexion et à cette résistance naissante, les mener sur des voies de garage. C'est pourquoi les syndicats annoncent différentes journées d'action, comme récemment celle du 6 octobre, autour d'un cahier de revendications complètement vidé de son contenu. De cette façon, seul le sentiment d'impuissance est renforcé. Alors que la bourgeoisie se prépare à frapper un grand coup sur le plan des salaires et des allocations, le syndicat mobilise derrière la liaison des salaires à l'index ; cela les met en position de se présenter comme des champions de la solidarité en mobilisant pour "la défense de l'index", alors que cette "liaison automatique" est depuis longtemps bien plus un mythe qu'une réalité. Les syndicats ont donc pleinement conscience du mécontentement qui existe au sein de la classe ouvrière et de la nécessité de réagir, mais ils le font dans le but de conserver un contrôle sur les luttes, non pour les encourager. L'attitude de Herwig Jorissen, le flamboyant président du syndicat rouge des métallos, en dit long à ce sujet. Il caractérise carrément la journée du 6 octobre de dangereuse pour l'emploi: "Le pouvoir d'achat est une préoccupation des travailleurs, d'accord, mais le maintien de leur emploi l'est encore beaucoup plus. Si on considère l'industrie, on se rend compte que des moments difficiles sont à venir. Regardez donc ce qui se passe dans le textile. Cela n'a pas de sens de mettre en danger encore plus d'emplois en faisant la grève". Cela lui a valu des fleurs de la part de l'organisation patronale flamande Voka, qui loue "son courage et son sens des responsabilités" (sic). Par ces termes, il concrétise parfaitement le rôle que doivent jouer les syndicats pour la bourgeoisie : maintenir les ouvriers dans les limites du terrain capitaliste et les enchaîner à la logique de concurrence de ce système moribond. Pourtant, celui qui a peur se fera battre, et le gouvernement ne nous fera certainement cadeau d'aucun milliard pour "renflouer" notre niveau de vie. Ce n'est qu'en résistant par la lutte que les ouvriers peuvent faire barrage à l'austérité.
Les travailleurs ne peuvent développer leur force pour résister aux attaques que s'ils s'unifient à d'autres travailleurs, d'abord et avant tout en se réunissant par-delà toutes les divisions syndicales ou professionnelles, pour discuter de la façon de faire reculer les attaques. Cela veut dire que nous devons prendre nos luttes en mains, ne pas la laisser gérer par les "spécialistes" des syndicats, pour faire en sorte que tous les ouvriers puissent participer aux prises de décision sur la manière de mener la lutte. Cela veut aussi dire se réunir avec d'autres ouvriers en lutte, dans d'autres entreprises, d'autres industries, en envoyant des délégations vers d'autres assemblées générales, vers des piquets ou des manifestations.
C'est la seule perspective qui nous permette de défendre notre niveau de vie, et de recouvrer une confiance en soi pour à l'avenir remettre en cause tout le système capitaliste, avec la crise économique, les guerres et les catastrophes écologiques qu'il nous annonce. Plus d'illusions! Il ne s'agit pas de jouer à présent à tout ou rien, mais de forger progressivement une force, de chercher et de témoigner la solidarité, de clarifier notre réflexion en engageant tous ensemble le débat.
Internationalisme
6.10.08
Le 23 août, le CCI a pour la deuxième fois organisé avec succès une ‘journée de rencontre et de discussion avec le CCI' à Anvers.
"Cela demande une suite !" était la conclusion générale en 2007. Les nombreuses réactions positives et la participation active, pleine d'enthousiasme, des participants en 2007 démontrent que ce genre de rencontre correspond à un besoin qui existe chez beaucoup d'entre nous. Il suffit d'observer les nombreuses discussions en petit groupe ou sur internet, la correspondance que nous recevons sur un plan international de personnes qui prennent pour la première fois contact avec nous, les discussions avec de nouveaux groupes ou avec des gens que nous rencontrons lors de réunions ou de manifestations ou le succès d'initiatives similaires par le CCI, à Londres, Marseille ou Naples (1). Tout ceci témoigne d'un nombre croissant de personnes qui, dans tous les recoins de la planète, se posent des questions fondamentales. On veut réfléchir ensemble au futur, rechercher ensemble, et pas chacun dans son coin, une alternative pour cette société agonisante, où les catastrophes écologiques, la crise économique, le chômage, la guerre et la famine avec ses masses de réfugiés, sont monnaie courante et se multiplient. Mais aussi pour apprendre à tirer les leçons des expériences du passé, des nombreux efforts et contributions théoriques, pour mieux saisir la dynamique les forces qui peuvent réaliser cette alternative. Qui peut réaliser ces changements nécessaires ? Qui peut établir un rapport de force et comment ? La discussion politique et le débat ont toujours constitué les artères vitales du mouvement ouvrier car c'est ainsi que sont clarifiées les questions qui surgissent concrètement dans les confrontations quotidiennes avec la réalité de la crise, de la dégradation des conditions de vie et de la guerre, mais aussi dans la lutte et dans la quête d'une alternative historique. Aujourd'hui surtout dans la nouvelle phase de resurgissement de la lutte de classe, non seulement à travers les multiples expressions de luttes ouvertes (2) mais surtout par l'émergence d'une nouvelle génération en recherche de réponses fondamentales, la création d'un espace pour ce processus de réflexion politique est d'une importance essentielle.
-Créer l'espace pour une nouvelle génération signifie aller le plus possible à l'encontre des questionnements qui existent en son sein en abordant un large éventail de sujets, autant de points de départ pour approfondir la réalité sociale. En préparation de cette rencontre nous avons diffusé à autant de contacts et lecteurs possible, aussi par notre site web (3), un questionnaire comprenant une large liste de sujets possibles que nous avons distillés des réunions publiques et permanences, courriers ou de rencontres précédentes. Liste au sein de laquelle chacun pouvait indiquer les sujets qui lui tenaient le plus à cœur ou en ajouter d'autres. Nous nous sommes aussi réunis avec quelques jeunes contacts où ont surgi des idées et des sujets nouveaux.
-Créer de l'espace signifie aussi, comme nous l'a également appris l'expérience de 2007, que chacun peut y participer et contribuer selon sa capacité et ses intérêts sans être obligé de participer à toutes les parties. Plus encore que l'année précédente, les contacts ont eu une part active à tous les aspects de la journée : écriture de l'introduction sur l'art, confection de plusieurs synthèses, traductions et présidence à certains des débats. Egalement l'existence de moments plus informels, la préparation collective des repas ou des tables de lecture faisaient partie intégrante du succès de cette journée. La réussite d'une journée de discussion et de rencontre est plus que simplement la somme de ses différentes parties comme en témoignent ces deux témoignages : "Après avoir recueilli les remarques des camarades présents l'année dernière, il a été décidé de tenter une nouvelle formule. Les participants de l'année passée s'étaient plaints de la longueur des discussions et avaient avoué avoir du mal à tenir un tel rythme. Le CCI a pris en compte ces difficultés et a décidé de faire des discussions moins longues et surtout qui ne présentaient aucun caractère d'obli-gation."(M. 05.09.2008). "C'était bien aussi que tout le monde ne devait pas tout le temps participer aux discussions. On pouvait facilement se lever et aider à la préparation du barbecue ou simplement prendre une petite pause. Ceci n'était pas fait pour donner à ceux qui sont plus « pratiques » et « moins intellectuels » un sentiment de participation, non !, une telle vision dénigrante je ne la partage pas, ils étaient tout aussi importants pour la réussite de cette journée. Chaque individu a ses capacités et ses qualités et doit se sentir libre de les utiliser selon ses moyens. Cette liberté leur était donnée." (Y., 17.09.2008). Cette année, un réel effort a été fait pour mieux faire connaissance avec le CCI et mieux renforcer les liens entre les présents. Par le moyen des stands permanents, des tables thématiques et du panneau informel, il y avait largement l'occasion d'une façon plus informelle d'échanger les idées. Et surtout il y avait le barbecue où nous avons pu par après rester à causer aussi avec d'autres invités et resserrer des liens de solidarité.
-Créer de l'espace signifie que les participants aient pleinement l'occasion de débattre librement ensemble, dans un climat ouvert, fraternel où chacun sans crainte peut mettre en avant ses questions, réflexions mais aussi ses doutes pour ainsi chercher des réponses d'une façon consciente et collective. Ce n'était pas une journée de spécialistes ou pour spécialistes, un lavage de cerveau ou "une formation" ex-cathedra. "C'était une journée où des questions furent posées librement et discutées. On a abordé et approfondi des sujets actuels et brûlants comme ceux de la guerre en Géorgie et la crise socio-économique (et écologique). Quels problèmes menacent le monde, quels en sont leur racine et comment les prendre en mains ?Aussi l'art et la société sont venus à l'ordre du jour." (Y.,17.09.2008)
-Créer de l'espace finalement, c'est également souligner que cette journée et ce débat ne sont qu'un moment de tout un processus de réflexion et doit être compris ou conçu dans une continuité. Une participante le formule ainsi : "Dès le début, il a été dit que cette journée n'avait pas pour but de donner des réponses définitives sur les sujets abordés mais d'ouvrir le débat, de donner le goût de partager. En ce qui me concerne, je considère que les buts annoncés ont été atteints."(M). "Beaucoup de questions évidemment touchaient à toute sorte d'autres questions, qui loin de là ont toutes été posées et répondues. Pour moi, les différentes discussions ont ouvert des portes et c'est ce qui compte." (Y), confirme un autre participant. De voir comment on peut traiter les choses, d'exprimer de la manière la plus claire possible les problèmes et les questions, de formuler les questions de telle manière que cela contribue à une meilleure compréhension et une plus grande profondeur dans notre processus de compréhension était pour le CCI un des plus importants objectifs. Aujourd'hui, la volonté de débattre et la méthode utilisée pour approcher les questions sont d'une importance vitale pour développer la clarification.
Des sessions donc, cette année, plus courtes mais plus nombreuses. Dans une première session commune, on a essayé de tracer un cadre pour les discussions de la journée "Quels enjeux pour la période actuelle? Inflation, récession, guerre, lutte face à la flambée des prix, émeutes de la faim,...."; "Le but de la première discussion sur l'enjeu de la période actuelle n'était pas très clair au début. Finalement, il est apparu que cette première discussion voulait mettre les prochains thèmes abordés dans un contexte social, voulait donner une base pour les prochaines discussions. Elle devait offrir un cadre solide pour une meilleure compréhension des thèmes suivants." (Y). Dans l'après-midi, deux groupes ont été formés autour de plusieurs thèmes :
- "Est-ce que l'art/ la culture peut changer le monde? Est-ce que l'art peut exercer une influence sur les mouvements sociaux?"
- "Quelle est la nature de la crise économique actuelle? est-ce qu'une solution est possible?"
-En dernier lieu, une session commune autour du thème "Comment mettre fin à la guerre ? » et en particulier traitant de la guerre en Géorgie a été abordée.
Le dernier sujet : " A quoi sert une organisation politique comme le CCI ? D'où vient-elle et quel rôle peut et doit-elle jouer?" n'a pu être discuté par manque de temps.
Nous reviendrons sur les différentes introductions ainsi que sur certaines remarques et synthèses de discussion. Nous comptons les rendre publiques aussi vite que possible dans notre presse et/ou sur notre site web.
Pour compléter l'image de cette journée, nous traçons quelques passages de commentaires que certains participants nous ont déjà fait parvenir :
"La journée a été excellente à tous les niveaux tant du point de vue du fond que de la forme. L'accueil a été fort agréable, l'ambiance très chaleureuse et fraternelle. Les discussions étaient toutes très riches et très intéressantes. Il est important de dire également que le repas du soir ne fût pas juste un moment de détente pour se remettre de cette journée mais qu'il avait une place à part entière dans le déroulement de la journée...il a permis à des camarades qui n'avaient pas pu aborder les questions qui les préoccupaient de discuter avec d'autres camarades sur ces sujets. Il a permis également pour certains de découvrir ce que peuvent être les rapports humains dans un cadre autre que celui de la société capitaliste....A la fin de la journée, nous fonctionnions comme un groupe avec de réelles relations qui se sont tissées tout au long de la journée."(M)
"Les discussions étaient vivantes :des visions contradictoires n'étaient pas évitées, mais on cherchait à dépasser les contradictions. Le CCI a fait des efforts de donner la parole à chacun. Ceci est positif. Ce n'est pas facile d'éclaircir toutes les questions d'un public aussi hétérogène. Je trouvais le barbecue un succès, très agréable et excellent... un grand pas en avant par rapport à l'année précédente!" (Y).
"Je trouvais intéressant les contributions sur le caractère international de la classe ouvrière, qu'on ne peut pas se laisser diviser entre Taïwanais et belge, entre flamands et wallons, par entreprise ou corporation. Quand une entreprise ici ferme ses portes, que des licenciements tombent et que l'entreprise est délocalisée, les gens ailleurs ainsi devront travailler avec des salaires de misère, tous sont exploités et la solidarité alors est la seule arme. Je suis toujours impressionné par la capacité d'analyse globale dont rayonnent les éléments du CCI. Je trouvais également très instructif les différences entre les périodes d'esclavage, du système féodal et du capitalisme. Concernant la guerre en Géorgie, celle-ci ne diffère pas avec celles des dernières dizaines d'années, chacun trouve qu'il a des droits à faire valoir dans cette guerre. C'est à nous d'expliquer que des deux côtés ce sont toujours les soldats et les civils, donc les ouvriers qui meurent. Il n'y a aucune raison de prendre partie et justement il ne faut pas prendre partie exceptée celle de la classe ouvrière. La guerre devient de plus en plus la réalité quotidienne sur cette terre. Cela ne sert à rien de savoir si les Etats Unis étaient au courant ou ont donné leur permission car de par la disparition des deux blocs, les pays feu satellites font une politique du chacun pour soi contenant le risque que des petits conflits s'agrandissent.... Je trouvais la journée de hier très réussie...bien organisée...et avec une assistance consistante." (AT., 24.08.2008).
"C'était bien et très intéressant. L'introduction générale, je la trouvais trop longue, différents passages dans la discussion sur l'art un peu trop abstraits pour moi. La discussion sur la guerre en Géorgie était très intéressante. Les interventions du CCI étaient très complémentaires. En plus, il y avait des positions hétérogènes, mais pas contradictoires... Peut-être que sur une telle journée, une discussion aurait suffi pour aller au fond des choses... C'était un bon barbecue et un moment vraiment convivial." (E.13.09.2008).
"D'abord, je veux remercier ceux qui ont organisé cette réunion. Le lieu de la réunion, les anciens journaux, les textes dans d'autres langues (comme ceux en farsi) sur les tables, la documentation sur le panneau étaient très intéressants et attirants. La réunion a bien démarré par les exemples des jeunes et autres qui veulent changer la société. L'introduction soulignait les changements dans la conscience des ouvriers. On entendait comment les ouvriers en Egypte avec leurs manifestations de solidarité ont atteint un niveau de conscience supérieur. Les exemples de solidarité parmi les ouvriers là-bas et le choix du CCI de lire dans la réunion des passages de leurs prises de position étaient impressionnants...car dans la lutte des ouvriers pour leurs propres intérêts, ni l'islam, ni le nationalisme peuvent les convaincre. L'introduction allait logiquement aux causes: la crise du capitalisme...L'art comme symptôme de la société a aussi été abordé. Dommage que le sujet de l'organisation a été moins discuté. La présence des jeunes était intéressante. Ils étaient très actifs (surtout sur le sujet sur l'art). Dans ce sujet attirant pour les jeunes, beaucoup de points ont été avancés dans la discussion. On peut avec de tels sujets avancer beaucoup de points concernant toute la société... Personnellement, je trouvais dommage que deux discussions se déroulaient en même temps. Conclusion générale: selon moi, c'était une journée de discussion très riche et réussie."(N.05.09.2008).
CCI 19.09.2008
1. Voir notre site Web : WR Day of Study: Presentations and discussions; Journée d'étude du CCI en Grande-Bretagne: un débat vivant et fraternel; Journée de rencontre et de discussion avec le CCI d'août 2007: chercher ensemble une alternative pour cette société agonisante en "Journée de discussion à Marseille: un débat ouvert et fraternel sur un autre monde est-il possible?"
2.Voir les multiples articles dans notre presse et surtout sur notre site Web sur les manifestations de lutte de classe dans le monde
3.Voir l'invitation sur notre site Web aussi en format PDF
Depuis 15 mois, les travailleurs belges subissent une campagne nationaliste et sous-nationaliste d'une ampleur rarement atteinte depuis quarante ans. Et pendant tout un temps, malgré un ras-le-bol croissant, ils ont eu les plus grandes difficultés à dépasser ce barrage de mystifications, malgré une détérioration de plus en plus durement ressentie de leurs conditions de vie. Cependant, la "rafale gréviste" de l'hiver 2007-2008 et les mobilisations du printemps dernier ont amplement démontré que les ouvriers flamands, wallons et bruxellois avaient un potentiel de combativité intact, qu'ils récupéraient lentement mais sûrement leur identité de classe et commençaient à développer une résistance solidaire contre la dégradation de leurs conditions de vie. Dans notre presse en juin, nous soulignions les potentialités présentes dans la situation : "Il faut souligner l'importance de la conjonction de deux phénomènes qui s'expriment de manière de plus en plus nette en Belgique depuis la fin de l'année 2007. D'une part, une forte croissance de la combativité ouvrière et d'autre part, une détérioration marquée de la situation économique nationale, suite à l'accélération de la crise mondiale" (Internationalisme, n° 338, juin-septembre 2008). Que s'est-il passé depuis lors ? Comment la situation s'est-elle développée pendant l'été ?
La première caractéristique marquante pendant la période considérée est sans nul doute le véritable bombardement médiatique visant à souligner la détérioration constante de la situation économique, dans un contexte d'approfondissement de crise sur le plan international. Le survol des titres d'un journal particulier pendant les derniers trois mois le met bien en évidence: : "La vraie crise est devant nous" (De Morgen, 19.06.08), "Une famille sur cinq arrive difficilement à payer son logement" (DM, 30.06.08), "L'économie européenne malade se raidit pour des profits plus importants" (DM, 03.07.08), "Le moteur s'essouffle mais ne s'arrête pas encore" (DM, 31.07.08), "La crise hypothécaire aux USA tire les Bourses vers le bas" (DM, 02.08.08), "Les prix énergétiques sont de nouveau fortement à la hausse" (DM, 14.08.08), "Pour la première fois, l'économie recule dans la zone euro" (DM, 16.08.08), "La crise du crédit durera au moins jusqu'à 2010" (DM, 18.08.08), "Les coûts salariaux dérapent" (DM, 19.08.08), "La croissance de l'économie belge s'affaiblit encore" (DM, 04.09.08). Loin de camoufler le caractère dramatique de la situation économique, les médias tartinent largement en première page les problèmes économiques qui s'amoncellent : la crise bancaire et les menaces de faillites, l'inflation, la réduction des salaires, les licenciements et les rationalisations (UCB, Domo...).
Et tandis que les médias soulignent le caractère préoccupant de la situation, la deuxième caractéristique à pointer aujourd'hui est l'attitude de passivité et d'absence de réaction du gouvernement fédéral. C'est bien comme s'il était le seul à passer des vacances insouciantes ! Alors que la Banque Nationale annonce qu'il faudra 3 à 4 milliards d'euros de réduction des dépenses sur les budgets 2008 et 2009 pour atteindre l'équilibre, que les recettes fiscales pour 2008 sont 1,1 milliard en dessous des prévisions, le gouvernement Leterme se limite à enregistrer les choses. Il annonce placidement qu'il prendrait des mesures en temps opportun, c'est-à-dire ... vers la mi-octobre, alors que tous les observateurs avaient déjà souligné en début d'année que son budget 2008 était fantaisiste et surestimait grossièrement les rentrées, bref, que c'était une fumisterie : "On peut donc supposer que consciemment et sciemment, un budget trompeur a été rédigé" (DM, 04.09.08).
La conjonction d'une avalanche de mauvaises nouvelles et d'un immobilisme gouvernemental pesant crée une impression de fatalité, et le sentiment d'impuissance est accentué par l'attitude des syndicats qui affirment qu'il n'y a pas à mener d'actions puisqu'il n'y a pas de mesures gouvernementales, qu'il n'y a pas à négocier puisqu'il n'y a pas de négociateurs. Comme si l'absence d'initiatives gouver-nementales entravait aussi la hausse de l'inflation, la baisse du pouvoir d'achat, la multiplication des restructurations et des fermetures d'entreprises!
La conjonction d'une avalanche de mauvaises nouvelles et d'un immobilisme gouvernemental pesant crée une impression de fatalité et le sentiment d'impuissance est accentué par l'attitude des syndicats qui affirment que, si on peut exprimer son mécontentement, il faut le faire avec modération car il ne faut pas saborder les négociations. Et comme le gouvernement ne compte pas lancer des négociations avant le 15 octobre .... Comme si l'absence d'initiatives gouvernementales entravait aussi la hausse de l'inflation, la baisse du pouvoir d'achat, la multiplication des restructurations et des fermetures d'entreprises!
Et de fait, cette manœuvre de la bourgeoisie porte momentanément ses fruits sur le terrain social. Certes, il existe toujours bien de multiples actions, souvent spontanées, contre la dégradation du pouvoir d'achat et contre les restructurations : c'était le cas de la grève ‘sauvage' des bagagistes à Zaventem, vilipendés dans les médias pour avoir gâché le retour de vacances de milliers de citoyens. Il y a eu aussi des actions spontanées chez les ouvriers à GM ou dans le port d'Anvers, actions souvent occultées dans les médias. Cependant, l'extension de celles-ci est entravée par les caractéristiques de la situation actuelle, la confusion ambiante où, en fin de compte, on ne sait plus très bien si des mesures seront prises, et ce que le gouvernement fera.
Cette confusion sur le terrain social est donc clairement stimulée et exploitée par la bourgeoisie pour bloquer et désamorcer la colère ouvrière, bien réelle face à la détérioration marquée de ses conditions de vie. Début juin, les leaders syndicaux jouaient aux matamores : "Nous exigeons que le gouvernement prenne des mesures pour augmenter le pouvoir d'achat avant le 15 juillet. Sinon, nous reprenons la mobilisation à la rentrée". Aujourd'hui, le syndicat socialiste ne prévoit une "journée d'action avec mouvements de grève" que pour ... la seconde semaine d'octobre. Et encore, aucune mobilisation nationale n'est envisagée, tout au plus des "actions sur le terrain, dans les entreprises" (De Standaard, 17.09.08). Le syndicat chrétien renchérit en soulignant que les actions doivent être "proportionnées" (sic !) pour ne pas hypothéquer les négociations avec les patrons et le gouvernement qui doivent encore débuter.
"Qu'est ce qui rapporte le plus de résultat? Négocier ou agir? On doit mesurer entre les émotions chez des gens qui veulent exprimer leur mécontentement et l'efficacité d'une journée d'action" (DS, 17.09.08). Non seulement, les actions sont reportées, faute de négociation sur laquelle faire pression, mais plus que jamais, l'idée est instillée que la lutte ne constitue au fond qu'un appoint à la négociation, la concertation sociale entre ‘partenaires' sociaux pour négocier un "compromis honorable". Et pour renforcer cette appréhension de la réalité, des actions limitées et éparpillées de diverses catégories d'agents communaux sont lancées, mêlées aux actions corporatistes des pompiers où à celles d'autres groupes, liés à l'appareil de maintien de l'ordre, les gardiens de prison ou les policiers. Bref, tout est fait pour accentuer la confusion et le désarroi, favoriser les actions isolées et suicidaires, pour faire passer le sentiment que, dans le contexte actuel, on ne peut au fond rien faire d'autre que de subir les irrémédiables restructurations du système comme une fatalité !
Gouvernement, patronat et syndicats exploitent ainsi pleinement l'emprise bien réelle - et renforcée encore pendant les années 1990 et le début du nouveau millénaire - de la mystification démocratique au sein de la classe ouvrière afin de couper toute perspective d'unification aux luttes de résistance contre les attaques. L'effondrement des régimes staliniens en Europe de l'Est, présenté comme la preuve ultime de la faillite du communisme et de la victoire définitive du capitalisme, a en effet répandu au sein de la classe ouvrière l'idée qu'en dehors du cadre de la concertation au sein de l'Etat démocratique, il n'y a pas d'alternative. Et cette conception pèse encore lourdement sur le développement de la prise de conscience au sein du prolétariat.
En outre, la bourgeoisie exploite la confusion ambiante pour relancer l'immonde battage nationaliste (1). Sous des dehors apparemment contradictoires, bourgeoisies wallonne et flamande jouent le même jeu hypocrite, visant à exploiter la pression de la crise pour attiser la haine de l'autre : si les médias flamands multiplient les premières pages pour mettre en évidence le poids de la crise sur l'économie belge, les politiciens du Nord soulignent que c'est le refus des francophones de renforcer la régionalisation qui entrave le combat contre la récession. Les politiciens francophones, de leur côté, affirment vouloir s'attaquer aux vrais problèmes des gens, pouvoir d'achat et emploi, et ne pas vouloir perdre leurs temps en vaines querelles communautaires, tandis que c'est ici la presse du Sud qui exhorte les wallons et les bruxellois à accentuer leur identité francophone face au chantage des flamands.
La bourgeoisie sait que, dans la situation actuelle, elle ne pourra empêcher que le ras-le-bol des travailleurs débouche sur des réactions combatives, sur des luttes. Toutefois, à travers les campagnes démocratiques et nationalistes, à travers le saucissonnage de la combativité et du détournement de cette dernière vers un soutien au front syndical pour engager la concertation sociale, elle met le paquet pour garder les luttes aussi isolées, divisées et inoffensives que possible, pour les enfermer dans le carcan suicidaire de la concertation ‘démocratique' au sein du système en crise. Ce qu'elle veut par contre éviter à tout prix, c'est précisément ce que les travailleurs développaient lors des mouvements de début 2008 : les tendances à l'extension de la solidarité dans la lutte, à l'unification des mouvements. Car c'est au sein d'une telle dynamique que se développe au sein de la classe ouvrière la prise de conscience des vrais enjeux, mis en évidence par le caractère dramatique de la situation économique actuelle : l'incapacité de la bourgeoisie de résoudre les problèmes fondamentaux d'un mode de production à l'agonie et d'une société en irrémédiable décomposition, la nécessité impérieuse de développer l'alternative d'une société réellement au service de l'humanité.
Jos / 17.09.2008
L'été a été marqué par un nouveau déchaînement de la barbarie guerrière du capitalisme. En Géorgie, en Afghanistan, au Liban, en Algérie, au Pakistan, ce sont essentiellement des populations civiles qui ont été sauvagement massacrées dans les conflits armés entre les différentes cliques impérialistes. Ce sont aussi de jeunes garçons, à peine sortis de l'adolescence, qui ont été décérébrés pour servir de chair à canon dans les attentats terroristes et les interventions militaires des petites et grandes puissances. Partout le capitalisme sème la mort ! Partout la classe dominante se vautre, jour après jour, dans la boue et le sang !
Et une fois encore, c'est au nom de la "paix", de la lutte contre le "terrorisme", de la défense de la "civilisation", des "droits de l'homme" et de la "démocratie" que la bourgeoisie, en France comme aux Etats-Unis et dans les autres pays européens, participe au déchaînement de ce chaos sanglant. En prétendant vouloir jouer les justiciers en Géorgie, en Irak ou en Afghanistan, les grandes puissances ne visent, en réalité, qu'à défendre leurs propres intérêts de requins impérialistes sur la scène internationale.
Les promesses de Bush père d'un "nouvel ordre mondial" censé ouvrir une nouvelle ère de "paix" et de "prospérité" après l'effondrement du bloc de l'Est, apparaissent maintenant de plus en plus clairement pour ce qu'elles étaient : un énorme mensonge ! C'est au nom de cet "ordre mondial" que fut déclenchée la première croisade de l'Occident "civilisé" contre la "barbarie" du régime de Saddam Hussein : l'opération "Tempête du désert" en 1991 qui a permis à l'Etat américain d'expérimenter ses nouveaux armements (et notamment les bombes à effet de souffle qui retournaient les soldats irakiens comme des gants !). En réalité, cette intervention militaire massive des grandes puissances "démocratiques" n'a fait qu'ouvrir une boîte de Pandore et aggraver le chaos mondial.
La folie meurtrière du capitalisme ne peut que continuer à se déchaîner. Parce que ce système décadent est basé sur la division du monde en nations concurrentes, ayant des intérêts antagoniques, il porte avec lui la guerre. Le seul moyen de mettre fin à la barbarie guerrière, c'est d'en finir avec le capitalisme. Et cette perspective de renversement du capitalisme n'est pas une tâche impossible à réaliser.
La guerre n'est pas une fatalité face à laquelle l'humanité serait impuissante. Le capitalisme n'est pas un système éternel. Il ne porte pas seulement en son sein la guerre. Il porte aussi les conditions de son dépassement, les germes d'une nouvelle société sans frontières nationales, et donc sans guerre.
En créant une classe ouvrière mondiale, le capitalisme a donné naissance à son propre fossoyeur. Parce que la classe exploitée, contrairement à la bourgeoisie, n'a pas d'intérêts antagoniques à défendre, elle est la seule force de la société qui puisse unifier l'humanité. Elle est la seule force qui puisse édifier un monde basé non pas sur la concurrence, l'exploitation et la recherche du profit, mais sur la solidarité et la satisfaction des besoins de toute l'espèce humaine. Et cette perspective n'est pas une utopie!
Contrairement à ce que prétendent les sceptiques de tous poils et les idéologues de la classe dominante, la classe ouvrière peut en finir avec la guerre et ouvrir les portes de l'avenir. Elle a pu mettre fin à la première boucherie mondiale grâce à la révolution d'Octobre 1917 en Russie et à la révolution en Allemagne en 1918.
Depuis la fin des années 1960, c'est la reprise des luttes ouvrières contre les effets de la crise économique qui a empêché la classe dominante d'embrigader les prolétaires des pays centraux dans une troisième guerre mondiale.
Aujourd'hui, face à l'aggravation de la crise économique et aux attaques contre toutes leurs conditions de vie, face à l'impasse du système capitaliste, les prolétaires ne sont pas prêts à accepter passivement le renforcement de la misère et de l'exploitation, comme en témoignent les luttes ouvrières qui ont surgi aux quatre coins du monde ces dernières années.
Le chemin est encore long avant que le prolétariat mondial puisse hisser ses combats à la hauteur des enjeux posés par la gravité de la situation présente. Mais la dynamique des luttes ouvrières actuelles marquées par la recherche de la solidarité, de même que l'entrée des nouvelles générations dans le combat de classe, montre que le prolétariat est sur la bonne voie.
Face à la barbarie guerrière, les ouvriers des pays centraux ne peuvent pas rester indifférents. Ce sont leurs frères de classe qui tombent tous les jours sur les champs de bataille. Ce sont les populations civiles (hommes, femmes, enfants, vieillards) qui sont à chaque conflit décimés par les pires actes de barbarie que le capitalisme aux abois sécrète de tous ses pores.
Face aux horreurs de la guerre, le prolétariat n'a qu'une seule attitude à adopter : la solidarité.
Cette solidarité avec les victimes des bains de sang, il doit la manifester d'abord en refusant de choisir un camp belligérant contre un autre. Il doit la manifester en développant ses luttes contre les attaques du capital, contre ses exploiteurs et ses massacreurs. Il doit développer son unité et sa solidarité de classe internationale en faisant vivre son vieux mot d'ordre : "Les prolétaires n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays unissez-vous !"
Sylvestre / 26.08.2008
Politiciens et économistes ne savent plus comment exprimer la gravité de la situation : "Au bord du gouffre", "Un Pearl Harbor économique", "Un tsunami qui approche", "Un 11-Septembre de la finance" [1] ... seule l'allusion au Titanic manque à l'appel !
Que se passe-t-il vraiment ? Face à la tempête économique qui se déchaîne, chacun se pose de nombreuses questions angoissantes. Vivons-nous un nouveau krach comme en 1929? Comment en est-on arrivé là? Que peut-on faire pour se défendre ? Et dans quelle sorte de monde vivons-nous?
Il n'y a aucune illusion à se faire. A l'échelle de la planète, l'humanité va subir dans les mois à venir une effroyable dégradation de ses conditions de vie. Le Fonds Monétaire International (FMI) vient d'annoncer, dans son dernier rapport, que "cinquante pays" vont "d'ici début 2009" rejoindre la liste macabre des pays frappés par la famine. Parmi eux, de nombreux pays d'Afrique, d'Amérique latine, de la zone caraïbe et même d'Asie. En Éthiopie, par exemple, douze millions de personnes sont déjà officiellement en train de mourir de faim. En Inde et en Chine, ces prétendus nouveaux Eldorados capitalistes, des centaines de millions d'ouvriers vont être frappés par la plus noire des misères. Aux États-Unis et en Europe aussi, une grande partie de la population va plonger dans une misère intenable.
Tous les secteurs d'activité seront touchés. Dans les bureaux, les banques, les usines, les hôpitaux, dans les services de haute technologie comme l'électronique, dans l'automobile, le bâtiment ou la distribution, les licenciements vont se compter par millions. Le chômage va exploser ! Déjà, depuis début 2008 et uniquement aux États-Unis, presque un million de travailleurs ont été jetés à la rue. Et ce n'est qu'un début. Cette vague de licenciements signifie que se loger, se soigner et se nourrir va devenir de plus en plus difficile pour les familles ouvrières. Cela signifie aussi pour les jeunes d'aujourd'hui que ce monde capitaliste n'a plus d'avenir à leur offrir !
Cette perspective catastrophique, les dirigeants du monde capitaliste, les politiciens, les journalistes aux ordres de la classe dominante n'essaient même pas de la cacher. D'ailleurs, comment le pourraient-ils ? Les plus grandes banques du monde sont en état de faillite ; elles n'ont survécu que grâce aux centaines de milliards de dollars et d'euros injectés par les banques centrales, c'est-à-dire par les États. Pour les Bourses d'Amérique, d'Asie et d'Europe, c'est le plongeon sans fin : elles ont perdu 25 000 milliards de dollars depuis janvier 2008, soit l'équivalent de deux années de la production totale des États-Unis. Tout cela illustre la véritable panique qui s'est emparée de la classe dominante, partout dans le monde. Si aujourd'hui les Bourses s'effondrent, ce n'est pas seulement à cause de la situation catastrophique des banques, c'est aussi parce que les capitalistes s'attendent à une chute vertigineuse de leurs profits résultant d'un recul massif de l'activité économique, d'une explosion des faillites d'entreprise, d'une récession bien pire encore que toutes celles qu'on a connues au cours des quarante dernières années.
Les principaux dirigeants du monde, Bush, Merkel, Brown, Sarkozy, Hu Jintao enchaînent rencontres et "sommets" (G4, G7, G8, G16, G27, G40) pour tenter de limiter les dégâts, d'empêcher le pire. On planifie pour la mi-novembre un nouveau "sommet" destiné, d'après certains, à "refonder le capitalisme". L'agitation des dirigeants du monde n'a d'égale que celle des journalistes et des "experts" : télévisions, radios, journaux... la crise est omniprésente dans les médias.
Pourquoi un tel battage ?
En fait, si la bourgeoisie ne peut plus cacher l'état désastreux de son économie, elle tente en revanche de nous faire croire que, dans toute cette histoire, le système capitaliste n'est absolument pas à remettre en cause, qu'il s'agit simplement de lutter contre des "dérapages" et des "excès". C'est la faute aux spéculateurs ! C'est la faute à la cupidité des "patrons voyous ! C'est la faute aux paradis fiscaux ! C'est la faute au "libéralisme" !
Pour nous faire avaler cette fable, on a appelé à la rescousse tous les bonimenteurs professionnels. Les mêmes "spécialistes" qui hier encore affirmaient que l'économie était saine, que les banques étaient solides... se précipitent aujourd'hui sur les plateaux télé pour déverser leurs nouveaux gros mensonges. Les mêmes qui nous racontaient que le "libéralisme" était LA solution, que l'État devait se garder d'intervenir dans l'économie, appellent maintenant les gouvernements à intervenir encore plus.
Plus d'État et plus de "morale", et le capitalisme pourra repartir de plus belle ! Voilà le mensonge qu'on veut nous faire avaler !
En fait, la crise qui déferle aujourd'hui sur le capitalisme mondial ne date pas de l'été 2007, avec la crise de l'immobilier aux États-Unis. C'est depuis plus de 40 ans que les récessions se sont succédées les unes aux autres : 1967, 1974, 1981, 1991, 2001. Cela fait des décennies que le chômage est devenu une plaie permanente de la société, que les exploités subissent des attaques croissantes contre leurs conditions de vie. Pourquoi ?
Parce que le capitalisme est un système qui produit non pas en fonction des besoins humains mais pour le marché et le profit. Les besoins non satisfaits sont immenses mais ils ne sont pas solvables c'est-à-dire que la grande majorité de la population mondiale n'a pas de quoi acheter les marchandises produites. Si le capitalisme est en crise, si des centaines de millions d'êtres humains, bientôt des milliards, sont jetés dans une misère intenable et la famine, ce n'est pas parce que ce système ne produit pas assez mais parce qu'il produit plus de marchandises qu'il ne peut en vendre. Chaque fois, la bourgeoisie s'en sort temporairement par un recours massif au crédit et la création d'un marché artificiel. C'est pourquoi ces "relances" préparent toujours des lendemains plus douloureux puisque, au bout du compte, il faut bien rembourser tous ces crédits, faire face à toutes ces dettes. C'est exactement ce qui se passe aujourd'hui. Toute la "fabuleuse croissance" de ces dernières années était exclusivement basée sur l'endettement. L'économie mondiale a vécu à crédit et maintenant que vient le moment de rembourser, tout s'écroule comme un vulgaire château de cartes ! Les convulsions actuelles de l'économie capitaliste ne résultent pas d'une "mauvaise gestion" des dirigeants politiques, de la spéculation des "traders" ou du comportement irresponsable des banquiers. Tous ces personnages n'ont fait qu'appliquer les lois du capitalisme et ce sont justement ces lois qui conduisent le système à sa perte. C'est pour cela que les milliers de milliards injectés sur les marchés par tous les États et leurs banques centrales n'y changeront rien. Pire ! Ils vont rajouter de l'endettement à l'endettement, ce qui revient à vouloir éteindre un incendie avec de l'essence ! Par ces mesures désespérées et stériles, la bourgeoisie fait la preuve de son impuissance. Tous ses plans de sauvetage sont condamnés, tôt ou tard, à l'échec. Il n'y aura pas de relance véritable de l'économie capitaliste. Aucune politique, qu'elle soit de gauche ou de droite, ne pourra sauver le capitalisme car ce système est rongé par une maladie mortelle et incurable.
Partout, nous voyons fleurir des comparaisons avec le krach de 1929 et la Grande Dépression des années 1930. Les images de cette époque sont encore dans les mémoires : les interminables files d'attente de travailleurs au chômage, les pauvres faisant la queue pour obtenir simplement de quoi manger, les usines désespérément fermées... Mais la situation actuelle est-elle vraiment identique ? La réponse est clairement NON. Elle est en fait beaucoup plus grave, même si le capitalisme, instruit par son expérience, a réussi à s'éviter un effondrement brutal grâce à l'intervention des états et à une meilleure coordination internationale !
Mais il y a une autre différence encore. La terrible dépression des années 1930 avait débouché sur la Seconde Guerre mondiale. La crise actuelle va-t-elle déboucher sur une 3e guerre mondiale ? La fuite en avant dans la guerre est la seule réponse que la bourgeoisie soit capable d'apporter à la crise insurmontable du capitalisme. Et la seule force qui peut s'y opposer est son ennemi irréductible, la classe ouvrière mondiale. Celle des années 1930 avait subi une terrible défaite suite à l'isolement de la révolution de 1917 en Russie et elle s'était laissé embrigader dans le massacre impérialiste. Mais le prolétariat d'aujourd'hui a fait la preuve, depuis les grands combats commencés en 1968, qu'il n'était pas disposé à verser son sang une nouvelle fois pour ses exploiteurs. Depuis 40 ans, il a pu subir des défaites souvent douloureuses mais il est encore debout et partout dans le monde, surtout depuis 2003, il se bat de plus en plus. Le déchaînement de la crise du capitalisme va provoquer pour des centaines de millions de travailleurs, non seulement dans les pays sous-développés mais aussi dans les plus développés, de terribles souffrances, le chômage, la misère, voire la famine, mais il va provoquer aussi, nécessairement, des luttes de résistance de la part des exploités.
Ces luttes sont indispensables pour limiter les attaques économiques de la bourgeoisie, pour l'empêcher de plonger les exploités dans une misère absolue. Mais il est clair qu'elles ne pourront empêcher le capitalisme de s'enfoncer toujours plus dans sa crise. C'est pourquoi les luttes de résistance de la classe ouvrière répondent à une autre nécessité, bien plus importante encore. Elles permettent aux exploités de développer leur force collective, leur unité, leur solidarité, leur conscience en vue de la seule alternative qui puisse donner un avenir à l'humanité : le renversement du système capitaliste et son remplacement par une société fonctionnant sur des bases entièrement différentes. Une société non plus basée sur l'exploitation et le profit, sur la production pour un marché, mais basée sur la production pour les besoins humains ; une société dirigée par les travailleurs eux-mêmes et non par une minorité privilégiée : la société communiste.
Pendant huit décennies, tous les secteurs de la bourgeoisie, de droite comme de gauche, se sont entendus pour présenter comme "communistes" les régimes qui dominaient l'Europe de l'Est et la Chine et qui n'étaient qu'une forme particulièrement barbare de capitalisme d'État. Il fallait convaincre les exploités qu'il était vain de rêver à un autre monde, qu'il n'y avait d'autre horizon que le capitalisme. Aujourd'hui que le capitalisme fait la preuve de sa faillite historique, c'est la perspective de la société communiste qui doit animer de plus en plus les luttes du prolétariat.
Face aux attaques d'un capitalisme aux abois ; pour mettre fin à l'exploitation, à la misère, à la barbarie guerrière du capitalisme :
Vivent les luttes de la classe ouvrière mondiale !
Prolétaires de tous pays, unissez-vous !
Courant Communiste International / 25.10.2008
1. Respectivement : Paul Krugman (dernier prix Nobel d'économie), Warren Buffet (investisseur américain, surnommé «l'oracle d'Omaha» tellement l'opinion du milliardaire de la petite ville américaine du Nebraska est respectée par le monde financier), Jacques Attali (économiste et conseiller des présidents français Mitterrand et Sarkozy) et Laurence Parisot (présidente de l'association des patrons français).
La Belgique est l'un des pays où la crise actuelle se fait déjà cruellement ressentir. D'abord, l'inflation a explosé : la Belgique a réalisé de nouveaux records en Europe avec une inflation de 5,2% (contre 3,6% pour la zone euro) et une progression des prix alimentaires de 6,1% (De Morgen, 03.06.2008). Malgré les promesses optimistes que l'inflation est à présent sous contrôle, les prix des denrées alimentaires, des vêtements et d'autres biens vitaux continuent à augmenter (lire De Standaard, 01.11). La conséquence de ceci est une montée sensible du coût de la vie, un recul des salaires et des allocations, une croissance des dettes.
Ensuite, le pays a subi la tornade financière avec rien que chez Fortis plus de 500.000 petits porteurs qui ont vu leur argent fondre comme neige au soleil. En particulier chez Fortis, Dexia et Ethias, traditionnellement les institutions les plus populaires dans la mesure où ils ont absorbé les institutions publiques CGER, le Crédit Communal et la SMAB, ce sont surtout de petits épargnants qui ont écopé. Les institutions publiques ont déjà avancé 42,6 milliards d'euro rien qu'aux 4 plus grandes banques et assurances (Fortis, Dexia, KBC et Ethias), mais les épargnants ne sauront que plus tard ce qu'il subsistera de leur argent. Et n'oublions pas que ce soutien public n'est pas un cadeau : ce qui est avancé aujourd'hui devra être récupéré quelque part. Pire encore : ceux qui ont déposé leur épargne auprès de la banque islandaise Haupting voient leur argent bloqué et pour qui a acquis des produits avec garantie sur le capital auprès de la banque Lehman Brothers, la faillite a fait disparaître leur épargne en fumée, tout comme les 20.000 euros que le premier ministre Leterme avait placés à la Citybank. Par l'avalanche de faillites, les fonds de pension sont également sous forte pression. Cette année, les fonds de pension belge ont perdu en moyenne 15,5% (De Standaard, 01.11). Pour beaucoup de gens, cette perte combinée a signifié l'effondrement de leurs rêves, c'est l'espoir d'une retraite sans soucis qui est parti en fumée.
Enfin, 90.000 ménages n'arrivent plus à sortir de la spirale infernale de l'endettement et sont soumis à une médiation de dette ; des milliers d'autres sont sur les listes d'attente (Métro, 20.10). Les conséquences de la crise sur le marché du crédit et l'effondrement des valeurs hypothécaires aggraveront encore fortement la situation. 20% de la population peut déjà être considérée comme faisant partie des pauvres, 8% sont à situer dans l'extrême pauvreté. Près de 19% des enfants en Belgique vit dans une famille ayant des problèmes financiers. Un enfant sur sept vit dans une famille qui se situe en dessous du seuil de pauvreté. Quels chiffres révoltants !
Il est clair qu'en Belgique, toutes les générations sont touchées par l'uppercut de la crise financière mondiale actuelle : tous ceux qui ont essayé de mettre « quelque chose de côté » se retrouvent Gros-Jean comme devant et se voient confrontés avec la réalité implacable de la pire récession économique depuis les années 1930. Seuls les gens de quatre-vingt-dix et plus se remémorent encore une telle situation.
L'accélération et l'approfondissement de la crise ont des conséquences encore plus importantes pour l'emploi et les conditions de travail. A l'heure actuelle, il n'y a que 62% de la population active qui a du travail. Les investissements extérieurs ont reculé ces derrières années et cela a eu un impact sur le marché du travail. Si en 2006, la création d'emplois s'élevait à 10.000 unités, en 2007, cela n'en représentait plus que 7.800 (Métro, 23.10). Le chômage n'a pas augmenté jusqu'en 2008 mais il faut souligner que le type d'emplois créés représente un recul constant des conditions de vie et de travail de la classe ouvrière.
De nombreuses mesures ont été déguisées comme des solutions au problème du chômage et ont fait baisser fortement les chiffres officiels du chômage: le contrat d'embauche plein temps de durée illimitée cède de plus en plus la place à des emplois aléatoires, sous-payés et à temps partiel. Ils représenteraient aujourd'hui 30% des emplois. Dans les pays périphériques et du tiers-monde, ce phénomène prend de plus en plus la forme de travailleurs journaliers, sans contrats, salaire minimum ou sécurité sociale.
Aujourd'hui, même Frank Vanden Broucke, ministre flamand de l'emploi, reconnaît « que les chiffres du chômage ne continueront pas à baisser ». C'est un euphémisme pour dire : les perspectives pour 2009 annoncent une perte de 200 emplois par jour ! Des sources officielles attendent en effet 70.000 licenciements pour 2009. Fin octobre 2008, on relevait déjà le chiffre record de 6.953 faillites dont quelques entreprises importantes (+7,6% par rapport à 2007). En dix mois, 16.957 emplois se sont envolés en fumée, soit une augmentation de 25% par rapport à l'année précédente ! Rien que depuis août il y en a eu 5.290, ce qui a produit dans les médias des titres du genre ; « La vague de licenciements menace de devenir un tsunami » (De Morgen, 23.10). A côté des nombreux licenciements dans des entreprises importantes il y a aussi les pertes d'emplois dans les entreprises sous-traitantes. Et les contrats temporaires et intérimaires ont connu une chute record de plus de 8%, tandis que le recrutement de nouveaux employés est suspendu. Des licenciements dans le secteur bancaire sont inéluctables, on parle déjà de 15.000 suppressions d'emploi, mais ce n'est sans doute qu'un début. A cela s'ajoute une extension massive du chômage économique parmi les ouvriers, ce qui a justifié une dérogation à la norme légale qui fixe le maximum à 4 semaines de suite. Le phénomène s'est massivement développé en Belgique et ceci dans de nombreux cas sans compensation salariale.
L'approfondissement de la crise fait irrémédiablement sentir ses effets sur les salaires et les conditions de travail.
Le battage autour des primes de licenciements élevées pour les cadres dirigeants dans le secteur bancaire est révélateur. Ces sommes astronomiques provoquent de manière compréhensible la colère des travailleurs mais la bourgeoisie tente par ce battage de mobiliser les travailleurs derrière des propositions pour « mettre le holà à ces excès », elle tente d'exploiter l'occasion pour « déterminer une réglementation des délais et des conditions de préavis » (Pieter Timmerman de l'organisation patronale FEB), d'après l'exemple de l'Autriche, des Pays-Bas ou d'autres pays européens. « La réglementation sur les licenciements et l'ancienneté est la cause d'une mobilité limitée sur le marché du travail » répondent en écho les sociaux-chrétiens du CD&V et le syndicat chrétien CSC. La mobilité, la polyvalence et la flexibilité sont des prétextes pour justifier l'insécurité d'emploi et le recul des salaires et des conditions de travail.
Ces orientations se confirment pleinement dans la réalité, aussi bien dans le secteur public que dans le privé :
- Dans le secteur public, 5.000 emplois sont supprimés au niveau des fonctionnaires fédéraux ; au niveau régional et local, la nouvelle réglementation statutaire est loin d'être favorable aux employés : baisse des primes, flexibilité accrue, allongement de la semaine de travail, réduction des jours de congé. Et ces mesures ne tiennent pas encore compte des pertes de rentrées causées par la crise financière, en particulier chez Dexia et Ethias, dont les communes sont des actionnaires importants. Dès à présent, les communes wallonnes annoncent une perte de 90 millions d'euros (Métro, 24.10). Par ailleurs, le gouvernement fédéral compte transférer le paiement des retraites pour le personnel statutaire vers les pouvoirs régionaux et locaux, ce qui implique aussi que « chaque région ou commune pourrait revoir les réglementations concernant ces retraites » ;
- Dans le secteur privé, la pression sur les salaires est constante : divers exemples démontrent combien la bourgeoisie s'évertue à faire baisser significativement les salaires. Chez Carrefour, une épreuve de force se déroule avec le personnel car dans le nouvel hypermarché de Bruges, les salaires et normes de travail sont en baisse de 25 à 30%, tandis que les groupes les plus vulnérables et désespérés de chômeurs sont utilisés de manière cynique pour remettre en question l'ensemble des conditions salariales et de travail des travailleurs du groupe Carrefour et de tout le secteur de la distribution.
Chez IKEA aussi, les salaires sont attaqués et le système de bonus est remplacé par un système liant les primes aux frais et aux résultats de l'entreprise. De même, chez les entreprises énergétiques on oppose les ‘vieux' et les ‘nouveaux' employés au moyen de barèmes salariaux très différents. Et puis, il y a les secteurs du nettoyage et de l'alimentation où ce type d'opposition est déjà pleinement développé. Dans les hôpitaux ‘autonomisés' du CPAS d'Anvers, le nouveau personnel ne reçoit plus de chèque repas, d'assurance hospitalisation et il aura moins de jours de congé, à travers un engagement en sous-traitance.
Ces exemples ne sont encore que le sommet de l'iceberg.
Gouvernements, patronat et partis politiques de la gauche à la droite crient en cœur depuis septembre qu'il faut arrêter ce pillage. Ils proclament l'innocence du système capitaliste, diffusent une image fataliste et appellent au sens des responsabilités, à resserrer les rangs derrière ‘leurs' mesures qui présentent la note de la débâcle économique à la classe ouvrière. A court terme, il y a de la panique et de l'inquiétude : chacun songe à ses économies, ses traites, les frais de scolarité de ses enfants, son emploi, sa retraite à venir. Mais chacun dans son coin, on ne peut que ressentir un sentiment d'impuissance. Beaucoup se sentent coincés entre un patronat agressif et un syndicat conciliant qui ‘comprend le sérieux de la situation'.
Mais les mouvements de protestation face à une telle situation doivent forcément voir le jour.
Ainsi, il y a eu des mouvements de grève massivement suivis auprès du personnel communal d'Anvers avec des AG largement fréquentées et des discussions houleuses sur la manière de mener la lutte, avec des manifs spontanées. A La Louvière, Willebroek et Bruxelles, le personnel communal et du CPAS est descendu dans la rue. Les services privatisés d'éboueurs ont obtenu des succès dans le Centre et le Borinage, surtout grâce à la solidarité du personnel communal qui a refusé de prendre en charge des tâches impliquées (Solidair n°40). Egalement à Anvers, près de 1.000 employés des hôpitaux ‘autonomisés' du CPAS sont sortis dans la rue pour protester contre les attaques visant le personnel d'entretien. Dans l'entreprise textile Beaulieu ainsi que dans les entreprises énergétiques et les divers sièges de la chaîne IKEA il y a eu de nombreuses actions de grève dans pratiquement tous les sites. Pendant des semaines, il y avait dans tout le pays les actions du personnel des hypermarchés Carrefour contre les conditions salariales scandaleuses au nouvel hypermarché de Bruges.
Beaucoup de mouvements donc et ici ou là aussi des actions de solidarité, dont quelques grèves spontanées en Wallonie. Mais la résistance doit être plus forte et plus unie. Dans ce cadre, il est important de dénoncer les manœuvres syndicales qui freinent et détruisent la lutte. Les syndicats sont conscients du mécontentement au sein de la classe ouvrière et de la nécessité d'y apporter une réponse mais celle-ci ne vise qu'à assurer le contrôle sur ces mouvements, pas à les stimuler.
Il faut reprendre le fil de la dynamique enclenchée avant les vacances et qui est momentanément brisée. Ce qui avait commencé spontanément à la mi-janvier 2008 comme un conflit social local pour ‘un euro de plus' s'est vite transformé en une véritable vague de grèves pour l'augmentation du pouvoir d'achat. Un lien y était établi entre les licenciements, l'attaque contre les conditions de travail et les atteintes au pouvoir d'achat.
Tous les travailleurs ont les mêmes intérêts à défendre face aux attaques contre les conditions de vie et de travail. Mais face à l'agression généralisée que nous subissons aujourd'hui, cette résistance est illusoire si nous restons divisés (lire l'encadré p.5: « comment répondre aux attaques? »).
KS & LAC / 15.11.2008
Pour voir comment répondre aux attaques, il est important d'observer d'abord des mouvements qui ont été capables de repousser de telles attaques. Certes, il faut être conscient qu'au sein du système capitaliste, chaque victoire est temporaire et ne restera valable qu'aussi longtemps que les travailleurs sont vigilants et réagissent lorsque le patronat remet en question les promesses faites. Celui-ci est mû par l'appât du profit et par le besoin d'exclure les concurrents et pour ce faire, il doit comprimer les dépenses sur le dos des travailleurs. Cela, c'est sa logique.
Notre logique est basée sur les expériences qui renforcent notre solidarité. Ainsi, la ‘victoire' (80€ net, payés en chèques-repas) des éboueurs du Centre et de Mons-Borinage n'a été possible que parce qu'ils ont pu compter sur la solidarité de travailleurs d'autres secteurs : les travailleurs communaux ont refusé d'assumer des tâches des grévistes et la tentative de faire assumer la récolte des déchets par une entreprise privée a également échoué. Malgré la menace d'opérer une retenue de 50% sur le salaire des grévistes, il faut constater que le mouvement de grève a réussi grâce à la solidarité des autres travailleurs.
Il est étonnant de relever avec quelle rapidité patrons et syndicats peuvent arriver à un accord lorsque les travailleurs organisent leur lutte d'une telle manière: cela a également été le cas lors du dernier mouvement de grève en Grande-Bretagne. Lorsque les chauffeurs de camion de Shell ont refusé de forcer les piquets des postiers, que des chauffeurs d'autres entreprises leur ont emboîté le pas en refusant de forcer les piquets de Shell, que des employés communaux exprimaient lors d'assemblées générales leur solidarité avec la grève des enseignants du 24 avril, patrons et syndicats se sont tellement inquiétés de cette solidarité qu'ils ont conclu en toute hâte un accord.
Comment expliquer que des succès peuvent être obtenus au moyen de grèves de solidarité spontanées et pas via les actions et grèves syndicales? C'est une question que se posent aujourd'hui de nombreux grévistes. Pourquoi les ‘actions de solidarité' des syndicats contre les conditions d'embauche pour le nouvel hypermarché de Bruges ne payent pas? Pour répondre à cette question, il faut examiner de quelle manière les syndicats ‘(dés)organisent la lutte': tout d'abord, ces organisations agissent au sein du cadre national et légal (des lois capitalistes); ils siègent dans les comités paritaires qui doivent veiller à la ‘position concurrentielle' de l'économie nationale (une fois de plus selon les normes capitalistes). Lorsque la pression de la base devient trop forte et que le mécontentement des militants ne peut plus être contenu dans ce cadre de cette gestion paritaire, ils organisent des ‘actions' qu'ils maintiennent soigneusement dans les limites de l'atelier ou du secteur. Ils argumentent toujours dans le sens de conditions ‘spécifiques' à l'entreprise en question qui n'auraient rien en commun avec ce qui se passe dans d'autres entreprises. C'est un mensonge! Les syndicats sont parfaitement conscients du ras-le-bol au sein de la classe ouvrière et ils font tout pour garder la lutte sous contrôle. Les travailleurs en ont souvent conscience mais ont des difficultés à prendre en main la direction des luttes parce que les syndicats occupent le terrain social et avancent des actions pour canaliser la lutte et pour la désamorcer.
Les travailleurs ne peuvent développer leur force pour échapper à cette logique qu'en se réunissant avec d'autres travailleurs, qu'en s'unissant au-delà de toute division sectorielle ou syndicale afin de discuter de la meilleure manière de s'opposer aux attaques. Il faudra donc prendre en main les luttes et ne pas abandonner leur organisation à des ‘spécialistes', de sorte que tous les travailleurs puissent participer aux décisions sur la manière de développer le mouvement. Il est donc fondamental de s'unir avec d'autres travailleurs qui luttent contre les mêmes attaques dans d'autres entreprises ou secteurs industriels en envoyant des délégations massives vers d'autres assemblées, piquets ou manifs. C'est la seule façon de renforcer le mouvement et de faire avancer la lutte. La solidarité est notre oxygène!
Voilà la seule perspective qui peut nous permettre de défendre nos conditions de vie et de développer notre confiance pour remettre en question ce système capitaliste qui n'a rien d'autre à nous proposer que des crises économiques, des guerres et des catastrophes écologiques et certainement pas un futur digne. Seule la classe ouvrière en se basant sur ses propres forces peut assurer un futur à l'humanité.
KS / 11.11.08
Après avoir célébré la défaite du « communisme » lors de l'effondrement du bloc de l'Est au début des années 1990, la bourgeoisie, gauchistes en tête, célèbre aujourd'hui la défaite du libéralisme. « Place au capitalisme équitable ! », semble nous dire la classe dominante : le capitalisme pour la prospérité, l'intervention de l'État pour la justice sociale. Mensonge ! L'État n'a jamais été absent de l'économie, bien au contraire ! Son intervention massive aujourd'hui n'est que la manifestation de la panique de la bourgeoisie face à la débâcle de son système. Ce qui attend la classe ouvrière, c'est encore plus d'attaques et de misère, plus de chômage et de coupes dans les budgets sociaux, au nom de la crise du capitalisme, qu'aucun sauvetage, aussi massif soit-il, ne pourra sortir de sa spirale mortelle. Ce n'est pas en confiant son sort à l'État que le prolétariat pourra répondre aux assauts de la crise, mais bien en développant ses luttes de façon la plus large possible. Il n'est pas d'autre réponse à l'accélération de la crise et à la gravité de la situation mondiale.
Sarkozy proclame aujourd'hui que « le capitalisme doit se refondre sur des bases éthiques ». Madame Merkel insulte les spéculateurs. Zapatero pointe d'un doigt accusateur les "fondamentalistes du marché" qui prétendent que celui-ci se régule tout seul sans intervention de l'État. Tous nous disent que cette crise implique la mort du capitalisme « néolibéral » et que l'espoir aujourd'hui se tourne vers un « autre capitalisme », débarrassé des requins financiers et spéculateurs qui auraient poussé comme des champignons sous prétexte de « dérégulation », « d'inhibition de l'État », de primauté de l'intérêt privé sur « l'intérêt public », etc. À les entendre, ce n'est pas le capitalisme qui s'effondrerait, mais une forme particulière de capitalisme. Les groupes de la gauche du capital (staliniens, trotskistes, altermondialistes...) exultent en proclamant : « Les faits nous donnent raison. Les dérives néolibérales ont provoqué ces désastres ! » Ils proclament que la solution passe par « le socialisme », un socialisme qui consisterait en ce que l'État remette à leur place « les capitalistes » au bénéfice du « peuple » et des « petites gens ».
Ces explications sont-elles valables ? Un « autre capitalisme » est-il possible ? L'intervention bienfaitrice de l'État pourrait-elle porter remède au capitalisme en crise ? Nous allons tenter d'apporter des éléments de réponse à ces questions d'une actualité brûlante. Il faut cependant au préalable éclaircir une question fondamentale : le socialisme est-il l'État?
Le socialisme véritable défendu par le marxisme et les révolutionnaires tout au long de l'histoire du mouvement ouvrier n'a rien à voir avec l'État. Le socialisme est même la négation de l'État. L'édification d'une société socialiste exige en premier lieu la destruction de l'État dans tous les pays.
L'intervention de l'État pour réguler l'économie, pour la mettre au « service des citoyens », etc., n'a donc rien à voir avec le socialisme. L'État ne sera jamais « au service de tous les citoyens ». L'État est un organe de la classe dominante et est structuré, organisé et configuré pour défendre la, classe dominante et maintenir son système de production. L'État le « plus démocratique du monde » n'en sera pas moins un État au service de la bourgeoisie, qui défendra, bec et ongles, le système de production capitaliste. En outre, l'intervention spécifique de l'État sur le terrain économique n'a pas d'autre objectif que celui de préserver les intérêts généraux de la reproduction du capitalisme et de la classe capitaliste.
Tout au long du XXe siècle, avec l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence, l'État a été son principal rempart face à l'exacerbation de ses contradictions sociales, guerrières et économiques. Les XXe et XXIe siècles se caractérisent par la tendance universelle au capitalisme d'État. Cette tendance existe dans tous les pays, quels que soient leurs régimes politiques. On trouve essentiellement deux voies de réalisation du capitalisme d'État :
L'étatisation plus ou moins complète de l'économie (c'est celle qui existait en Russie et existe encore en Chine, à Cuba, en Corée du Nord...) ;
La combinaison entre la bureaucratie étatique et la grande bourgeoisie privée (comme aux États-Unis ou en Espagne, par exemple).
Dans les deux cas, c'est toujours l'État qui contrôle l'économie. Le premier affiche ouvertement sa propriété d'une grande partie des moyens de production et services. Le second intervient dans l'économie à travers une série de mécanismes indirects : impôts, fiscalité, achats aux entreprises , fixation des taux d'intérêt interbancaires, régulation des prix, normes de comptabilité, agences étatiques de concertation, d'inspection, d'investissements , etc.
Après une relative période de prospérité de 1945 à 1967, le capitalisme mondial est retombé dans des crises récurrentes, les épisodes convulsifs se sont succédés comme des séismes qui mettaient l'économie mondiale au bord de l'abîme. Les différentes étapes de la crise qui se sont succédées tout au long des dernières quarante années sont le produit d'une surproduction chronique et de la concurrence exacerbée. Les États ont tenté de combattre ses effets en usant de palliatifs, le principal d'entre eux étant bien sûr l'endettement. Les États les plus forts ont aussi repoussé les conséquences les plus néfastes en "exportant" les pires effets sur les pays les plus faibles .
Il ne faut pas nous raconter d'histoires sur « l'initiative privée » qu'encouragerait le « néolibéralisme » : ses mécanismes ne sont pas nés spontanément du marché mais ont été le fruit et la conséquence d'une politique économique étatique dans le but de juguler l'inflation. Elle n'a fait que la reporter mais en payant le prix fort : par d'obscurs mécanismes financiers, les dettes se sont transformées en créances spéculatives à haut niveau d'intérêt, rapportant dans un premier temps de juteux bénéfices mais dont il fallait se débarrasser le plus tôt possible car, tôt ou tard, personne ne pourrait plus les payer...
La crise actuelle peut être assimilée à un gigantesque champ de mines. La première à exploser fut la crise des subprimes durant l'été 2007 et on aurait pu croire à première vue que les choses allaient rentrer dans l'ordre, moyennant le versement de quelques milliards. N'en avait-il pas toujours été ainsi ? Mais l'effondrement des institutions bancaires depuis fin décembre a été la nouvelle mine qui a fait exploser toutes ces illusions. L'été 2008 a été vertigineux avec une succession de faillites de banques aux États-Unis et en Grande- Bretagne. Nous en arrivons au mois d'octobre 2008 et une autre des illusions avec lesquelles les bourgeoisies comptaient apaiser nos préoccupations vient de partir en fumée : ils disaient que les problèmes étaient immenses aux États-Unis mais que l'économie européenne n'avait rien à craindre. Soit. Mais les mines commencent à présent à exploser aussi dans l'économie européenne en commençant par son État le plus puissant, l'Allemagne, qui contemple sans réagir l'effondrement de sa principale banque hypothécaire.
Cet aphorisme est une fausse consolation. Les épisodes précédents de la crise avaient pu être « résolus » par les banques centrales en déboursant quelques milliards de dollars (une centaine lors de la crise des "Tigres" asiatiques en 1998). Les États ont aujourd'hui investi 3 000 milliards de dollars depuis un an et demi et ils ne voient toujours pas d'issue.
Par ailleurs, les pires effets de la crise avaient jusqu'ici été circonscrits à quelques pays (Sud-Est asiatique, Mexique et Argentine, Russie), alors qu'aujourd'hui l'épicentre où se concentrent les pires effets se trouve précisément dans les pays centraux : États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne... et irradient forcément le reste du monde.
Ensuite, les épisodes précédents, en général et à l'exception de celui de la fin des années 1970, étaient de courte durée et il suffisait de 6 mois à un an pour apercevoir le « bout du tunnel ». Cela fait un an et demi que nous sommes dans cette crise et on n'aperçoit pas la moindre lueur. Au contraire, chaque jour, la crise est plus grave et la débâcle plus profonde !
Enfin, cette crise va laisser le système bancaire mondial très affaibli. Le mécanisme du crédit se retrouve paralysé à cause de la méfiance généralisée, personne ne sachant vraiment si les « actifs » présentés par les banques (et les entreprises) dans leurs bilans ne sont pas de l'esbroufe. Le capitalisme d'État « libéral » ne peut fonctionner s'il n'a pas des banques fortes et solides, l'économie capitaliste s'est à présent tellement accrochée à la drogue de l'endettement que si le système du crédit s'avère incapable d'apporter un flux d'argent abondant, la production sera paralysée. Le robinet du crédit est fermé malgré les sommes énormes allouées aux banques centrales par les gouvernements. Personne ne voit clairement comment va pouvoir se rétablir un système percé de toutes parts et qui perd ces organes vitaux - les banques - les uns après les autres. La course folle entre les États européens pour voir lequel pouvait donner le plus de garanties aux dépôts bancaires est une sinistre augure qui ne révèle que la recherche désespérée de fonds. Cette surenchère de « garanties » révèle précisément que rien n'est garanti !
Les choses sont donc claires : le capitalisme connaît aujourd'hui sa crise économique la plus grave. L'histoire vient de s'accélérer brutalement. Après 40 années d'un développement de la crise lent et heurté, ce système est en train de plonger dans une récession épouvantable et extrêmement profonde dont il ne se relèvera pas indemne. Mais surtout, dès maintenant, les conditions de vie de milliards de personnes se trouvent durement et durablement affectées. Le chômage frappe de nombreux foyers, 600 000 en moins d'un an en Espagne, 180 000 au mois d'août 2008 aux États-Unis. L'inflation frappe les produits alimentaires de base et la famine ravage les pays les plus pauvres à une vitesse vertigineuse depuis un an. Les coupes salariales, les arrêts partiels de production avec les attaques qui en découlent, les risques qui pèsent sur les pensions de retraite... Il ne fait pas le moindre doute que cette crise va avoir des répercussions d'une brutalité inouïe.
Le capitalisme ne va pas jeter l'éponge. Jamais une classe exploiteuse n'a reconnu la réalité de son échec et n'a cédé son pouvoir de son plein gré. Mais nous constatons qu'après plus de cent ans de catastrophes et de convulsions, toutes les politiques économiques avec lesquelles l'État capitaliste a tenté de résoudre ses problèmes non seulement ont échoué, mais elles ont en plus aggravé les problèmes. Nous n'avons rien à attendre des prétendues « nouvelles solutions » que va trouver le capitalisme pour « sortir de la crise ». Nous pouvons être certains qu'elles nous coûteront surtout toujours davantage de souffrances, de misère et nous devons nous préparer à connaître de nouvelles convulsions encore plus violentes.
C'est pourquoi il est utopique de se fier à ce qu'on nous présentera comme une « sortie » de la crise du capitalisme. Il n'y en a pas. Et c'est le système entier qui est incapable de masquer sa faillite. Être réaliste, c'est participer à ce que le prolétariat reprenne confiance en lui, reprenne confiance en la force que peut lui donner sa lutte comme classe et construise patiemment par ses luttes, par ses débats, par son effort d'auto-organisation, la force sociale qui lui permettra de s'ériger en alternative révolutionnaire face à la société actuelle afin de renverser ce système pourrissant.
CCI / 8.10.08
Nous publions ci-dessous l'exposé à propos de l'art, qui avait été présenté par un contact de notre organisation durant la journée de rencontre et de discussion avec le CCI, en août 2008. La discussion qui a suivi était très vivante et riche. Nous invitons vivement nos lecteurs à donner des commentaires. Un compte-rendu de cette journée a été publié dans le numéro précédent d'Internationalisme (n° 339).
La définition habituelle de l'art ne désigne que les beaux-arts, c'est à dire, la réalisation d'une forme libérée de toute exigence. Comme l'artiste qui donne forme à des couleurs sur une toile en suivant sa propre vision, ou le musicien qui organise des sons dans des concerts selon ses sentiments, ou le poète qui enrichit la page de ses mots, au gré de sa fantaisie. La réalisation dans les beaux-arts exige du travail et recherche une valeur artistique, c'est donc une activité productive. Cette définition des beaux-arts n'existe que comme contrepoids d'un art vil, c'est-à-dire la production qui n'aurait qu'un objectif, la recherche du profit. On peut en effet dire que si l'homme est libéré de toute oppression, comme l'emploi salarié ou les besoins physiques, il poursuit une activité créative et amusante, tous ses produits deviennent des "beaux-arts". Mais cette liberté n'est pas admise par la bourgeoisie; en tant que classe dominante dans le capitalisme, elle impose son mode de production, et avec l'extension de la production de masse, la créativité humaine est de plus en plus réduite et isolée.
Cette introduction a été principalement limitée à l'étude de l'art dans le capitalisme, où son influence dans la société est, suite à la division inégale du travail, complètement différente que dans une société sans classe comme le communisme, dans laquelle toute production peut être artistique et humaine. Comme Trotski le dit dans Littérature et Révolution:
"Il est fondamentalement faux d'opposer la culture bourgeoise et l'art bourgeois à la culture prolétarienne, à l'art prolétarien. Ces derniers n'existeront en fait jamais, parce que le régime prolétarien est temporaire et transitoire. La signification historique et la grandeur morale de la révolution prolétarienne résident dans le fait que celle-ci pose les fondations d'une culture qui ne sera pas une culture de classe mais la première culture vraiment humaine." [https://www.marxistsfr.org/francais/trotsky/livres/litterature/litteratu... [32]
Commençons par poser la question inversée et simplifiée: quelle est l'influence de la société sur l'art? Celle-ci est dominante et existera toujours, elle est une conséquence directe du fait que l'esthétique est fonction des rapports de production et du mode de production. Prenons l'exemple de l'architecture: la pyramide est une glorification du pharaon conquérant, et sa forme simple et monotone reflète le dégoût de son constructeur, l'esclave. Cette influence est si énorme que l'histoire de l'art n'est compréhensible qu'à la lumière de l'histoire des sociétés. Beaucoup de livres sont déjà dédiés à ce sujet, aussi bien dans la littérature prolétarienne que dans celle de la bourgeoisie.
Retournons maintenant le microscope et regardons l'influence, à première vue minuscule, que l'art peut avoir sur la société. Cette influence est en effet plus discrète et indirecte: le constat est évident, un objet d'art ne peut changer la structure d'une société, mais comment ce même objet peut-il influencer le spectateur, c'est un sujet plus compliqué. En tout cas, on peut déjà partiellement répondre à la question: dans une société où la création artistique n'est pas permise dans le mode de production, où elle est réduite à un rôle marginal, son influence est limitée à la conscience, elle ne peut en rien modifier les rapports de production ni le mode de production de la société. Il faut remarquer que cette influence est souvent sous-estimée; le questionnement contient ce préjugé: la question n'est pas comment l'art a de l'influence, mais si il peut en avoir.
La production sous le joug de la vile logique du profit mène naturellement à un travail gris et monotone, à des produits non créatifs. Il y a eu des tentatives dans l'histoire pour contrer cette division du travail, comme l'Arts and Crafts en Angleterre ou la Sécession en Autriche, toutes ont échoué. Le capitalisme a dû isoler sa production artistique parmi un nombre assez réduit de personnes, les artistes. Il serait naïf de penser que comme individus ou comme entité, ceux-ci pourraient changer directement la structure sociale du capitalisme; quelques artistes décident aussi de réduire leur activité à une sphère personnelle, leur capacité d'influencer le monde est donc minime, d'autres artistes décident d'exclure tout contenu social de leur travail (l'art pour l'art), d'autres encore sont persuadés que leurs performances ou objets ont une influence et s'engagent dans un but social; c'est ce dernier groupe qui s'associe aux mouvements sociaux et qui sera étudié ici.
L'objectif social d'une personne dépend évidemment beaucoup de sa position sociale, d'où la question, quelle est la position sociale de l'artiste? Les artistes qui vivent de la vente de leur production ont une position de petit-bourgeois dans la société, ils doivent concurrencer leurs confrères artistes pour améliorer leur position, et cette attitude asociale les rend incapables de défendre un intérêt commun en tant que groupe. La qualité de leur vie est dépendante de la qualité et de la quantité de leur production; ainsi ils doivent - avec ou sans envie - s'exploiter eux-mêmes. Par contre, ceci ne veut pas dire que leur production même a un caractère petit-bourgeois, ce serait une insulte à tous les artistes qui ont dénoncé virulemment l'injustice sociale, mais il est sûr que leur dépendance du marché a une influence sur la nature de leur production. Cette position sociale rend difficile la tâche de viser un but social commun, en effet, c'est un groupe hétérogène uni seulement par l'activité créative de ses membres: chaque individu, de sa propre manière donne une forme à ses émotions, expériences, environnements et espoirs. Il s'agit d'un réseau d'individus, chaotique, et c'est dans cette forme anarchique que l'art se développe le mieux. Chaque mode de vie, chaque forme de contrôle, comme le socialisme réel en ex-URSS ou la révolution culturelle de la Chine maoïste, l'ampute de son caractère libre et la condamne à mourir.
L'artiste engagé socialement ne peut avoir aucune influence sans spectateurs, et donc son influence est totalement liée à la situation sociale de la société. Cependant, les artistes n'attendent pas de bouleversements sociaux pour travailler sur certains sentiments ou certains événements. Comme minorité qui essaie d'influencer la conscience, les artistes ont des points communs avec les minorités politiques, qui analysent et interprètent des événements politiques, en espérant de cette façon renforcer la conscience politique. En fait leur influence est très similaire.
D'abord il y a les périodes de calme social, où l'influence de l'artiste (ou du révolutionnaire) ne se sent pas de manière directe et massive, mais plutôt à un niveau souterrain, dans la conscience de beaucoup de personnes isolées, elle est comme une petite rivière qui coule goutte à goutte dans la conscience et y fait son chemin. Dans les périodes de calme social, il n'y a pas de croissance quantitative importante de l'activité, et cela empêche un saut qualitatif. Jusqu'au moment soudain où, si d'autres conditions sont remplies, un effet multiplicateur fait éclater un mouvement social qui met l'art dans une relation intime avec le mouvement: les fondements sociaux établis sont remis en question et bousculés, les canaux endigués par la censure et les murs du musée sont dépassés, ils laissent passer de plus en plus de courants qui viennent alimenter la conscience. Ainsi surgit la créativité chez de plus en plus de personnes, la petite rivière gonfle et accélère, ce qui en soi tire encore plus de personnes dans son courant. Quantitativement l'activité artistique monte et tire le niveau qualitatif vers le haut.
Intimement impliqué dans ce mouvement social, l'art porte les traces de ce mouvement, cet art se donne alors pour fonction d'habiller le mouvement d'une image qui lui convienne: la musique psychédélique et sexuelle de The Doors plaisait aux hippies et les incitait à ne pas accepter la répression et à critiquer la guerre du Vietnam, un slogan de mai 68 spontané et direct comme la nouvelle génération, il devait ouvrir les yeux et impliquer les personnes immédiatement. Chaque artiste a de sa manière contribué à la prise de conscience en saisissant l'air du temps, en donnant aux émotions une forme appropriée qui encourage le mouvement. Cette interaction, présente lors des grands mouvements sociaux, touche les spectateurs aussi bien que l'artiste: les développements dans l'art ne sont pas par hasard les plus importants autour des mouvements sociaux massifs de 1905, 1917 et 1968. Une fois le caractère massif du mouvement social retombé, il laisse un esprit rafraîchi et passionné qui continue à faire vivre et développer chez chaque participant la créativité artistique; les périodes après 1905, 1917 et 1968 le confirment.
Ce processus est en effet très similaire au développement de la conscience politique, mais il y a une différence fondamentale, comme Trotski le dit:
"Le marxisme offre diverses possibilités : évaluer le développement de l'art nouveau, en suivre toutes les variations, encourager les courants progressistes au moyen de la critique ; on ne peut guère lui demander davantage. L'art doit se frayer sa propre route par lui-même. Ses méthodes ne sont pas celles du marxisme." [La Politique Du Parti en Art, www.marxist.org [33]]
Tandis que l'artiste représente une expression individuelle et artistique, le révolutionnaire défend le point de vue de la classe ouvrière. Les mouvements sociaux dans le capitalisme ont inévitablement une dimension politique, ainsi les mouvements sociaux mettent en contact ces deux minorités et il existe souvent une envie de mélanger l'art et la politique. On essaye souvent de présenter un message politique de façon artistique, ou de mettre son art au service de la révolution prolétarienne, comme par exemple chez Maïakovski, le Proletkult ou les Situationnistes. A mon avis, ce mélange affaiblit les efforts visant à influencer le mouvement social d'une manière positive, car par leur incompatibilité, leur démarche conduit à des compromis honteux. Combien de fois n'est-il pas arrivé qu'une belle oeuvre d'art soit gâchée par un discours politique, ou qu'un texte politique perde en clarté et en force de conviction parce qu'on y a cherché à tout prix un effet artistique.
Quelques exemples: 1) Gorter et d'autres écrivains politiques ont utilisé des effets artistiques dans leurs textes politiques, qui en ont perdu de la clarté et du pouvoir de persuasion. La beauté d'un texte politique - tels que ceux de Marx, Luxembourg et Pannekoek - a été atteinte précisément par la fidélité à leur conception: la formation d'une conscience politique tranchante et claire comme du cristal. 2) Le Guernica de Picasso essaye de résumer la misère du peuple Espagnol en 1936 dans une peinture. Si l'on compare ce tableau avec sa période bleue, la Guernica ne réussit pas à générer la même profondeur d'indignation ni à expliquer la situation politique. Toutefois, la période bleue peut politiser, il est difficile de ne pas être ému par la représentation géniale de la misère autour de lui et en lui. 3) Beaucoup de groupes de musique américains montrent leur mépris envers l'administration Bush pendant leurs tournées européennes, mais les arguments politiques pour ceci ne sont jamais formulés. Personnellement, je pense qu'il y a même des raisons commerciales qui se cachent derrière ce dégoût, car en Amérique ces sentiments ne sont généralement pas exprimés. La musique de Patti Smith est très inspiratrice et stimulante, mais son appel à voter pour Obama est un douloureux affaiblissement de ses textes. 4) A Anvers et à Bruxelles, des concerts pour la tolérance ont été organisés par de nombreux groupes, comme dEUS et Arno, mais je ne vois pas clairement comment cet unique concert, où chaque individu écoute de la musique sans discuter de la tolérance réelle avec d'autres, peut faire avancer la tolérance. Cela me semble plutôt être un coup de la bourgeoisie belge pour faire voter les jeunes pour des partis "tolérants" et "démocratiques".
Dans les milieux gauchistes, ces événements sont vus comme des moments tactiques, il pourrait se passer des choses. Trotski a pris la peine d'analyser dans son livre les grands mouvements artistiques présents pendant la Révolution russe; il montre page après page que tout courant qui essaye de contribuer à la révolution prolétarienne en introduisant un point de vue politique dans l'art, et pense parfois même inventer une sorte d'art prolétarien, affaiblit la valeur artistique de sa production ou échoue dans la défense de l'esprit de la révolution. Parce que la révolution prolétarienne est une révolution prin-cipalement économique et politique, l'art ne peut pas vraiment l'aider sur ce plan. Pour Trotski, l'anarchie propre à la création artistique doit être défendue par les révolutionnaires, et ceux-ci ne peuvent aider l'art qu'en lui offrant une analyse historique, de façon à ce qu'il puisse suivre "sa propre voie" de manière critique.
Il est étrange que les artistes doivent être mis en garde contre l'ingérence politique, qu'on doive protéger l'art d'une démarche politique, pour qu'il ne s'y perde pas. Mais c'est justement de cette manière là que l'art est vraiment libéré de sa longue imbrication dans des sociétés de classes. Dans une telle structure, l'art est toujours contraint de choisir le camp de la classe dominante, alors qu'en fait, l'art est finalement l'expression la plus intime et profonde de chaque individu.
23.08.08
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