Depuis le mois d'octobre, la France est le théâtre d'une grève de longue haleine que les mineurs mènent, appuyer, par intermittence par d'autres corporations, tels les dockers, cheminots.
Cette grève entraîne normalement une réaction gouvernementale qui, débutant d'une manière hésitante, se durcit au fur et à mesure, et la provocation est dans, des échauffourées sanglantes se déroule, entraînant des protestations, des grèves partielles de solidarité, un déploiement considérable de forte police, le tout couronné par un assaut de patriotisme : le gouvernement interdisant aux anciens combattants d'obédience stalinienne l'accès aux soldats inconnus, provoquant ainsi une grève générale de protestation patriotique, à Paris.
De tels événements semblent ressortir d'un grand mouvement de lutte de classe si on ne regarde que la masse importante de travailleurs en lutte.
Pourtant, c'est luttes, malgré la participation généralisée des ouvriers, demeure sur le plan strictement impérialiste, exprimant pleinement un dévoiement de la conscience de classe, et par là une préparation idéologique intensive de la prochaine guerre mondiale.
Revenons en arrière pour mieux expliquer la nature des mouvements ouvriers actuels en France.
Avec une hausse croissante des prix et par là du coût de la vie, le gouvernement Schuman, au début de l'été, se trouvait devant un problème économique “salaire-prix” qui se heurtait à un problème d'assainissement des finances publiques pour permettre l'application du plan Marshall.
Devant l'acuité du problème “salaire-prix” et du problème financier, le gouvernement Schumann préférait démissionner. Sa composition 3e force créait des tiraillements en son sein, entre les socialistes, MRP, et les radicaux détenteurs du ministère des Finances (R. Meyer). La crise ainsi ouverte ne devait qu’accentuer encore plus les divergences SFIO, MRP, d'une part et radicaux et indépendants d'autre part.
André Marie essaye bien de former un gouvernement axé sur une continuation de la politique financière de Meyer. Paul Reynaud établit à cet effet un plan qui rencontre l'hostilité des SFIO et MRP, en raison de sa dureté en matière financière et revendication de salaire.
Non seulement il fallait poursuivre la réduction des dépenses d'administration mais de plus, il fallait supprimer les subventions économiques, accroître l'assiette des impôts et augmenter leur recouvrement.
Ce formidable coup de pouce donné à la hausse des prix, ne trouvait son pendant que par une indemnité de vie chère uniforme de 1250 francs par mois, présentée comme un palliatif pour compenser la hausse des prix de janvier août 1948 et celle découlant de l'accentuation du plan Meyer-Reynaud.
Cette trop forte politique d'autorité devrait effrayer un peu trop les parties du gouvernement liées à des centrales syndicales comme la CFTC et FO.
A. Marie et Reynaud durent céder la place à un nouveau gouvernement Schuman axés un peu plus sur la SFIO, avec Pineau ministre des Finances.
Le premier acte de ce gouvernement -qui dura comme celui de Marie que quelques jours- fut l'attribution d'une indemnité de vie chère de 2500 francs pour calmer les possibilités d'effervescence ouvrière que la CGT cherchait à exploiter pour le compte des staliniens.
Mais le problème était d'envergure. Car il ne répondait pas seulement à un aspect particulier de la situation intérieure, mais exprimait plutôt la mise en place du dispositif économique du plan Marshall de préparation à la guerre mondiale.
Ainsi, le mécontentement ouvrier était craint, non en raison d'une prétendue de classe mais uniquement pour parer à l'influence grandissante des staliniens et à l'agitation qu'ils déploient pour détacher la France du bloc occidental, et lui faire rejoindre le bloc oriental.
Le deuxième gouvernement Schumann, parce que l'enjeu était d'envergure, ne put même pas réunir une majorité relative pour le soutenir. Il fallait que le gouvernement reprenne directement ou indirectement la ligne de conduite du plan Meyer-Reynaud. La crise ouverte par la démission du deuxième gouvernement Schumann, ne pouvait pas durer trop longtemps sans entraîner sur le plan extérieur une méfiance américaine -donc une coupure de crédit Marchal- et sur le plan intérieur un renforcement des deux ailes oppositionnelles, les staliniens et les gaullistes. Déjà on parlait de dissolution de l’Assemblée, c’est-à-dire 2 à 3 mois d’expectative gouvernementale en France avec une situation extérieure d’antagonismes impérialistes pouvant éclater brusquement.
Si ceci pouvait faire le jeu de stalinien, qui voyez déjà matière à agitation et désordre pour empêcher l'intégration de la France dans le bloc américain, et des gaullistes qui espérait pouvoir regrouper dans l'incertitude de l'expectative de nouvelles élections, une majorité pouvant asseoir le pouvoir personnel de De Gaulle, il en était tout autrement des parties influence américaine, représentant effectivement ce qui peut encore rester les intérêts bourgeois français. Aussi la crise se dénoue très rapidement et une personnalité radicale format un gouvernement de 3e force avec comme objectif l'application du plan Meyer Reynaud. La SFIO et le MRP accepter de participer au gouvernement Queuille malgré l'opposition de la fraction syndicaliste.
Les effets ne devraient pas se faire attendre ; le gouvernement Queuille constitué mi-septembre, avait déjà fin septembre réalisé une partie de son programme. Un premier train de hausse des produits de base -transport entre autres- paresseux à l'officiel et la presse faisait état d'un déblocage de 75 milliards de francs accordés à la France par les États-Unis. Fin septembre, le gouvernement Queuille s'attaque aux problèmes des prix et salaire et malgré un tapage monstre accouche d'une souris et de beaucoup de promesses. 15% d'augmentation des salaires par la suppression de l'impôt séculaire ; par l'attribution d'une prime horaire de 7 francs et 500 francs d'indemnités de transport ; enfin une promesse de baisse. En fait, c'est 15% étaient déjà englouti par la hausse précédente. Les frais de ces 15% étaient amorti par les 5% d'impôts que les employeurs devaient verser en plus au titre de l'impôt séculaire -comme quoi le capitalisme d'État est obligé pour survivre d'écraser le capitalisme privé- cet impôts nouveau devant se répercuter tôt ou tard sur les prix, malgré la réduction promise sur les marges bénéficiaires.
Bien plus, ce réajustement de salaire préludait et servait à justifier un nouveau train de hausse sur les prix alimentaires et domestiques. Il est vrai que la hausse envisagée était tellement excessive qu'elle laissait place à une baisse spectaculaire inopérante de 5%.
Début octobre donc, la situation financière de la France semblait rétablie, accentuant par là sa fusion dans le bloc américain. La réunion de l'ONU à Paris donnait un semblant de stabilité au pays.
Les staliniens ne pouvaient rester insensible à cette situation défavorable pour eux. Il leur fallait frapper un grand coup pour désorganiser l'économie marshallisée de la France et neutraliser ainsi un pivot de la stratégie américaine à défaut de le conquérir. Un tel coup a été inopérant sans l'aggravation des conditions de famine des travailleurs en France. Une telle situation de misère pouvait servir de tremplin à l'agitation des staliniens pour assurer les intérêts du bloc impérialiste oriental. Seulement la leçon de la grève générale de novembre-47 avait porté ses fruits. Les staliniens ne pouvaient songer à déclencher un mouvement généralisé. À côté des grèves tournantes, ils cherchèrent à immobiliser l'industrie-clé du pays. Les efforts sont donc portés sur les mineurs. La CGT lance un ultimatum au gouvernement, d'avoir à satisfaire les revendications "justifier" des mineurs. Ces revendications n'étaient pas exorbitantes par rapport au coût de la vie, mais elles étaient inacceptables pour le gouvernement qui cherchait à réaliser un équilibre financier bien précaire. Les staliniens le sachant, déclenchèrent la grève générale dans les usines.
Dès ce moment les revendications des mineurs passent au deuxième plan pour découvrir tout l'arsenal de la propagande anti-Marshall, pro-bloc oriental. C’est le Conseil national de la CGT proclamant comme objectif premier l'opposition à la “marshallisation de la France”, c'est le retrait des propagandistes syndicaux devant les propagandistes officiels du parti stalinien.
Toute la mine est en grève ; à ses débuts cette grève du sous-sol se fait dans le "calme et la discipline". Le gouvernement temporise espérant réduire cette grève par la famille. Mais peu à peu dans le courant d'octobre l'attitude du gouvernement et des staliniens se durcit.
Par les mauvaises conditions de vie, par une politique d'intimidation violente, la CGT brise les efforts de la CFTC et de la FO pour arrêter la grève.
C’est le moment pour le gouvernement d'intervenir en massant dans les zones des grèves des cas et des troupes
Pour les staliniens qui recherchent l'épreuve de force avec le gouvernement, l'occasion est trouvée. Il s'agit pour eux de créer un désordre économique pouvant entraîner un désordre social. Pour le gouvernement c'est plus qu'une question de prestige, c'est 3 millions de tonnes de charbon perdu, c'est une révision du Plan d'importation, enfin la carte d'une paralysie de l'industrie de base. Du coup la tendance vers la stabilité économique et ruinée
Nous assistons alors à de véritables opérations militaires de dégagement des puits. Par la force le gouvernement cherche à briser l'unité de la grève. La propagande se transforme de part et d'autre en violence et intimidation. Les staliniens font une pression brutale (sabotage, explosion, brimades) sur les mineurs, le gouvernement dessine une politique d'intimidation sur les mineurs étrangers. La reprise du travail s'effectue fin octobre, accompagné de troubles et de répression des deux côtés.
La lutte devient franchement partisane. Moch, ministre de l'Intérieur, fait des déclarations “sensationnelles” sur les relations du Kominform et du PC français. Les staliniens font à leur tour des pétitions et des manifestations spontanées contre “Moch-assassin”.
La classe ouvrière est au plus bas, aucun ressort, une passivité qui oblige la Fédération des métaux au cours du congrès du 5 novembre à remettre à plus tard la grève de la métallurgie. Les dockers font la grève dans les ports mais la troupe les remplace et déjà des sections importantes comme Marseille décide de reprendre le travail. Les cheminots, quant à eux, fortement influencé par la CFTC et FO et malgré le référendum organisé par la CGT, hésite à se mettre en grève.
Cette fatigue ouvrière qui résulte de toute une longue suite de luttes au profit des impérialismes en présence, russe et américain, profile déjà la guerre, admise comme une fatalité. La compréhension de la situation tragique où la classe ouvrière se trouve lui échappe totalement, tellement la confusion est grande entre capitalisme d'État et socialisme.
Mais la lutte d'influence ne joue pas seulement entre gouvernement et PCF. Sur le plan parlementaire, après les élections du Conseil de la République, et la victoire du RPF, le gouvernement cherche sa majorité pour ne pas se trouver avec une assemblée en conflit avec le Conseil de la République.
Aussi après un mois de troubles sociaux le gouvernement Queuille risque fort de se voir bloquer par le RPF et toute la politique financière de stabilité à coup de décret et d'arrestation de trafiquant ne sera plus qu'un souvenir.
La France ne joue plus sans l’un ou l'autre bloc impérialiste, elle est partie intégrante du département de guerre américain. Ce qui se joue réellement c'est la place qu'occupera la France dans la stratégie militaire de la prochaine guerre.
Devant ce problème ou la classe ouvrière ne sert que de masse de manœuvre, les trotskystes ne se départent pas de leur traditionnel mot d’ordre "gouvernement ouvrier et paysan". C’est encore Kerenski pour eux. La crise qui les a secoués rend encore plus ridicule leur "tactique" dans le vide et leur politique de soutien à l'URSS.
Cette situation de voile de guerre ne laisse pas entrevoir une possibilité de sursaut pour les terriens. Les deux blocs se préparent par des déclarations de paix à présenter la guerre inévitable. Les révolutionnaires subissent un éloignement idéologique de la classe ouvrière. Ils vont contre le courant, refusant de poser constamment les problèmes immédiats car ils savent bien que ces problèmes ne font que camoufler ou fausser dans la période tragique actuelle la véritable signification historique de la classe ouvrière et sa mission.
Les révolutionnaires peuvent-ils prendre position dans les bagarres du 11 novembre opposant un sens économique du patriotisme à un autre. Et pourtant la classe ouvrière a été appelée par la CGT à faire une grève générale de 24 heures.
Les révolutionnaires n'ont pas de mot d'ordre à l'emporte-pièce, mais une volonté d'action dans la constitution d'un programme politique de classe.
Mousso
Cette “caverne de brigands impérialistes” qu’est devenu sous l'égide de l'ONU, le Palais de Chaillot, retentit de pacifistes vociférations. Mais tout le pathos diplomatique ne saurait masquer les antagonismes irréductibles entre les deux blocs qui se partagent les délégués et si les excités du type Spaak, lesquels grandissent leur peur comme un revolver sont rares, chacune des séances de l'assemblée se termine par le renvoi à la suite des questions litigieuses. Ainsi il en est de l'affaire de Berlin ou du singulier imbroglio palestinien, ou trêves et combats reprennent selon les intérêts de l'une ou de l'autre partie intéressée. Ce qui domina pourtant la session, c'est l'apparente expectative américaine devant la récente et formidable offensive que la Russie a déclenché par toute la planète. Notable est en ce sens, la parfaite concordance entre l'offensive juridique du Kremlin à l'ONU et l'offensive stalinienne dans le monde. C'est à ce point que la motion visant au contrôle des engins atomiques, déposée par Vychinski, s'est doublée par le déclenchement de grèves dans les mines d'uranium au Congo belge. L'on sait que l'industrie atomique des USA est tributaire, au moins pour partie encore, de l'extraction congolaise.
il est probablement trop tôt, en cette fin de mois, de préciser ce que seront les réactions de Washington, mais la période électorale et ses séquelles politiques, la mise en marche relativement lente du plan de mobilisation industrielle -conséquences de l'échec du plan de reconversion- la marée des attaques staliniennes déferlant sur les points faibles du dispositif Marshall en Europe : l'Italie et la France, permettront difficilement à la Maison Blanche de quitter, dans l'immédiat le stade défensif, l'obligeront à composer avec les événements. Sans doute le Pacte à cinq entre dans la phase des réalisations pratique -lisez militaire ; sans doute les recommandations de la Conférence du Fond Monétaire International ont-elles reçu un commencement d'application dans le nouvel alignement du franc ou l'unification économique de la trizone ; à Berlin enfin, les positions occidentales resteront entamées. Mais l'instauration d'un commandement militaire unique pour les cinq était contenue dans les termes même de l'accord de Bruxelles. Dans la conjoncture actuelle, Berlin est tout plus un abcès de fixation, une caisse de résonance aux entreprises divergentes des impérialistes russes et américains en Allemagne. Aussi la Commission des Affaires Etrangères au Sénat américain, déclare la situation en Chine plus dangereuse “pour la paix” que celle de Berlin ; et en Chine c'est le très stalinien Mao Tsé Toung qui dame le pion à Tchang Kai Cheik.
Toute proportion gardée, la Chine remplie dans le dans le présent cours vers la guerre un rôle analogue à celui joué par la Turquie dans les préliminaires à la Première Guerre mondiale. Pays essentiellement agricole, et de structure féodale, vivant en grande partie sous le régime de l'économie naturelle, la Chine connaît le séparatisme provincial les maréchaux et la pénétration intense du capital étranger lié au transport et une industrie faible et inégalement répartie et développer. Il n'est pas jusqu'à la fameuse construction du Bagdad en 1913-14 qui ne trouve une manière de similitude dans la reconstruction de la voie ferrée stratégique canton-Hankeou par des spécialistes américains et 60 millions de dollars. Un trait toutefois distingue radicalement la Chine d'aujourd'hui de l'Empire ottoman : la guerre que s’y livre russes et américain.
La situation y a évolué dans le même sens des rapports entre les impérialistes dominants. En 1945 un pacte Russo chinois fut conclu et, par-là acquis un semblant de stabilisation politique interne. Un semblant seulement car Tchang Kai Cheik devait s'efforcer de réduire les nombreuses poches tenues par les armées staliniennes, afin de consolider sa dictature. Un des grands propriétaires, suzerain de ces généraux, son objectif principal était de percevoir sa dîme sur les revenus au feu dataire ou aux banques par l'impôt, la rente foncière ouvre à la (fréquemment 60% de la récolte annuelle) ou les prêts usuraires dont le taux atteint aisément 1000% et souvent plus.
La pénétration américaine dans la Chine de Nankin a pris pendant la guerre une extension considérable. Sous forme de prêt et bail ont été livrés près de 2 milliards de dollars en marchandise, en échange de bases militaires et de concession privilégiée. La Grande-Bretagne a dû céder au capital américain le contrôle de la plupart de ses investissements chinois, tandis que la France était évincée. Cependant les américains ne s'accommodent guerre de leur présent allié. Rentrant d'une longue mission en Chine, le général Marshall déclarait à sa rentrée aux États-Unis, il ne fallait pas signer une "police d'assurance pour la Chine". Le motif en est simple : la puissance d'achat du pays chinois (90% de la population) a été extrêmement réduite par le régime féodal.
Les américains, en conséquence, en conséquence, n’ont manqué aucune occasion de faire savoir à Tchang Kai Cheik, qu'il souhaitait une Chine "vraiment démocratique". Émanation du pouvoir féodal, le chef du Kuomin Tang n'a plus céder que quelques lopins de terre aux "héros" parmi ces trois millions de soldats, et convoquer une grotesque parodie des parlements occidentaux. Ainsi l'aide américaine à la Chine s'est-elle vu diminuer. Si le volume des exportations américaines s'est maintenu à son niveau d'avant-guerre -et les envois de techniciens civils et militaire - les allocations Marshall- ou assimiler- ne se montent qu'à 26,5 millions de dollars, soit la moitié des crédits, pour le même temps et le même titre, consenti à la bizone. Enfin, les Américains n'ont rien fait pour favoriser la réforme monétaire, tant les victoires staliniennes en Chine du Nord associées à la désastreuse conjoncture économique, réduisent à néant les effets.
Après un bref essaie de collaboration avec Tchang Kaï-Tchec la clique stalinienne du Yunnan a repris les hostilités. Elle était poussée pour bonne part, par la nécessité où se trouve le bloc russe de parer à une éventuelle pénétration américaine en Mandchourie. Aguerri par vingt années de guérillas, soumise à un commandement unique et rigoureux, l'armée de Mao Tsé-Toung n'a pas tardé à prendre l'initiative des opérations et à la conserver. Elle s'est emparée de la Mandchourie, du Chan Tung et, a renforcé de nombreux nids sur les arrières de Tchang Kaï-Tchec. Tout en effet, joue et jouera contre ce dernier ; la corruption extraordinaire des généraux et fonctionnaires pour corollaire à des armées mal équipées, sous-alimentées, une direction incapable et déchirée. Dans les territoires occupés, Mao procède immédiatement à ses "réformes" : limitation de la rente foncière et du taux de l'usure, réduction de la fiscalité, nationalisation des banques, chemin de fer, les usines d'aviation, expropriation de grands propriétaires terriens. Le côté remarquable des dites réformes, et l'exonération totale des impôts pour les capitaux qui s'investiraient dans l'industrie.
Tout laisse à penser que dans les semaines à venir l'effondrement des nationalistes chinois s'accentuera et que les armées staliniennes prendront leurs quartiers d'hiver dans les campagnes entre le fleuve Jaune et le fleuve bleu. L’offensive victorieuse des "rouges" a provoqué aux États-Unis un concert de récrimination contre la politique du Département d'État en Chine. L’aide promise depuis mai 1948, de 510 millions de dollars en marchandise entretenait non seulement en cours d’exécution, mais serait accompagné de dizaines de millions de dollars sous forme d'armes. Washington cependant, préférerait rééditer avec Mao le coup qui a si bien réussi avec Tito. Un groupe dissident de Tchang a été formé à Hong Kong dont fait partie la veuve du général chrétien Feng Yu Siang. Après un long séjour aux USA, cette dame est entrée en Chine via Moscou. Le but de ce groupe est de former avec Mao un gouvernement de coalition. Il exprime ainsi une tendance qui, d'une manière ou d'une autre prévaudra dans la politique chinoise : à savoir : élever sensiblement le niveau de vie du paysan par la limitation des privilèges féodaux, reconstituer et rebâtir avec l'équipement américain une industrie chinoise. Ce programme réalisé sera le parachèvement de l'œuvre de la Révolution bourgeoise entamée il y a une trentaine d'années par Sun Yat-San. L’absence d'une bourgeoisie indigène, économiquement puissante et indépendante, l'ampleur et la rapidité que prendra une industrialisation de la Chine, transformera cette révolution bourgeoise en un régime évoluant vers le capitalisme d'État. Mao connaîtrait ainsi le sort de cette "démocratie populaire" appuyée militairement sur l'URSS, mais que la nécessité de développer les bases industrielles du régime mène sous les coups de l’Amérique.
Il n'y a pas de groupe révolutionnaire prolétarien en chine. Le sanglant échec de la révolution de 1927-29, puis les policiers de Chang et de Mao expliquent en partie cette absence. D’autre part, après avoir lutter "contre l'agresseur japonais" dans les armées du Yunnan, les éléments trotskystes ont été décimés par les soins de la GPOU chinoise. Dans la Chine nationaliste quelques groupes anarchistes se contentent d'une altitude intellectuelle et d'éditer des brochures à tous égards dépassés, tandis que des trotskistes participent, sur un plan syndical, aux luttes de revendicatives, se faisant ainsi les fourriers de Mao, par leur contribution à l'entretien des illusions réformistes.
La capitulation des Nippons en août 1945 fut accompagné de la proclamation d'une république indonésienne dirigée par Soekarno et autres nationalistes. Ces derniers ont cherché à promouvoir leur politique capitaliste d'État en l'organisant à partir des entreprises hollandaises, que l'occupation japonaise avait arraché à leurs premiers possesseurs. Pour se faire, les nationalistes obtinrent, dans leur lutte contre le Japon et pour leur contrôle des exploitations ex-hollandaise, l’appui des staliniens des socialistes et, celui plus réticent des trotskistes. Bientôt cependant, avec l'aide britannique, les impérialistes néerlandais, négociants ou combattants, récupèrent certaines de leurs anciennes positions en Insulinde. Le conflit devenait inéluctable, car il devait opposer nationalistes et colonialistes. En effet, les Pays-Bas sont dans l'obligation de reprendre l'exploitation de l'archipel indonésien, exploitation dont vit directement près d'un dixième de leur population. À quoi, on peut ajouter, que dans la seule branche des huiles, les britanniques contrôlaient, avant-guerre, au travers de groupe mixte, environ 26 millions de livres sterling d'investissement. De son côté la clique nationaliste de Short Djokdjakarta[1], devait chercher à garder le contrôle des entreprises dont elle s'était accaparée. Elle avait donc à lutter contre les premières tentatives de reprise du pouvoir dans les îles, et contre le "front du peuple" qui réunissait autour des leaders trotskistes Tem Malakka et Soebardjo certains éléments dit avancés de l'intelligentsia ultra-nationaliste. Ces derniers, d'abord emprisonnés, furent libérés au moment où la pression hollandaise se transforma en guerre ouverte, le 24 juillet 1947. Très rapidement les armées des "États-Unis d'Indonésie" se sont vu confinées sur une portion du territoire javanais, tandis que les néerlandais s’assuraient un contrôle effectif des territoires de l'Insulinde. Il y resterait un gouvernement du fédératif analogue à celui installé par les impérialistes français dans les territoires indochinois. Les Néerlandais et les Britanniques qui ont repris la direction de leur entreprise. On aura une idée de l'accumulation de l'exploitation à laquelle ils soumettent leur "associés dans l'Union néerlandaise" lorsque l'on saura que 352 millions de Florins pour l'année 47, les exportations indonésiennes se chiffrent à 520 millions de Florins pour les 7 premiers mois de 48. Les capitaux que les trusts hollandais, anglais ou américain investissent ne font qu'accroitre cette exploitation. Si important soit-il cependant, ils s'y montrent insuffisants, et les États-Unis allouent aux indes néerlandaises, 84 millions de dollars au titre du plan Marshall. C’est que l'Insulinde se situe au premier rang des producteurs de matières premières stratégiques, caoutchouc, étains, pétrole plus particulièrement.
De son côté la République de Djokdjakarta a dû se plier aux exigences américaines. Se conduisant en francs-tireurs du capital d'État américain, un groupe de businessman, le groupe Fox, c'est assuré le monopole des exportations et importations indonésiennes. 500 millions de dollars de marchandises, réparti sur cinq ans, seront livrés à la République, tandis que 250 millions de dollars en marchandises seront annuellement exportés par les soins de Fox. Ce groupe prendra en main, d'autre part le développement industriel de la République. Aussi les staliniens ont dû, sur les injonctions de Moscou, abandonner le soutien du gouvernement Soekarno et passer à l'attaque. Ce "cours nouveau" du stalinisme en Indonésie s'inscrit dans celui imprimé aux divers mouvements staliniens du Sud-Est asiatique, le Vietnam excepté. Il s'agit moins pour lui de s'emparer d'un pouvoir, auquel il ne saurait s'accrocher longtemps, que de freiner la promotion et l'exportation des matières premières.
En 3 semaines l'insurrection du Madiun, ou les staliniens avaient organisé un "gouvernement populaire" a été étouffé par les nationalistes. Ceux-ci ont refusé le concours proposé à cette fin, par les Hollandais. Soekarno, muni de pouvoir extraordinaire, à préférer, pour bien mener sa lutte anti-stalinienne, s'appuyer Tan Malakka et ses trotskystes des groupes de jeunesse. Il entendait par là, pouvoir traiter de puissance à puissance avec les Pays-Bas dans les négociations qui s'ouvraient.
Dans l'attitude de Malakka, nous retrouvons l'une des constantes du comportement des trotskistes. Pour eux il s'agit moins de défense inconditionnelle de la Russie que de défendre les gouvernements exprimant selon l'appréciation du trotskisme, les aspirations des masses opprimées et de promouvoir par la suite un gouvernement ouvrier et paysan. Mais en Asie Sud-oriental il s'agit bien moins pour les staliniens, répétons-le, de s'emparer d'un pouvoir illusoire que de saboter la production. L’appât qui miroitait aux yeux des trotskistes, c'était au contraire la transformation de Soekarno en Kérensky, l'installation du susdit gouvernement ouvrier et paysan. Dans ces conditions Malakka et les siens ne pouvait faire autrement que de se rallier à Soekarno, afin de le dépasser au cours de l'action, en dénonçant leur associé comme gouvernement "bourgeois" traite à la classe ouvrière quantitativement minime d'ailleurs en Indonésie.
Un accord donc était en vue, respectant "l'autonomie de la République indonésienne dans le cadre de l'Union néerlandaise". Tan Malakka en sera pour ses frais, mais des centaines d'hommes, résolu à renverser révolutionnairement l’ordre existant, auront été massacré inutilement. Ceux qui resteront, gangrené par la collaboration de classe, ou dégoûté de ladite collaboration, seront perdus pour le mouvement révolutionnaire prolétarien. Tels sont les aboutissants concrets du trotskisme : aider à dresser les cadres capitalistes d'État, rejeter les militants révolutionnaires vers ces objectifs stérilisants que sont les revendications économiques des syndicats ou le combat dans les rangs des nationalistes progressistes en Chine au Vietnam, à Ceylan, en Indonésie.
Ainsi l'offensive laissée par le Kremlin en Extrême-Orient vise surtout à réduire l'importance de cet atout de taille que l'Asie représente dans les mains de la Maison Blanche. Moscou sait maintenant que ces hommes au pouvoir se verraient acculés rapidement à négocier avec Washington l'envoi d'équipement industriels et agricoles. Staline peut sans doute, abandonner quelques miettes de la plus-value extraite aux travailleurs dans les pays satellites de la Russie. Décréter en Pologne la suppression du rationnement du pain, décider en Roumanie une nouvelle baisse des prix, allant de 25 à 50%. Mais ces pays sont situés à ses portes, il les tient à la gorge par des créances multiples et des gouvernants à sa dévotion. En Asie nous l'avons vu il n'en va pas de même : Mao Tsé-Toung, victorieux devrait entrer dans l'orbite américaine.
La substitution des États-Unis aux vieille puissances coloniales en Asie appuyées par les survivants du féodalisme et sur une bourgeoisie embryonnaire comme tuteur de bourgeoisies indigènes s'acheminant vers un système capitaliste d'État ; telle est la conséquence fondamentale des victoires et de la défaite de l'impérialisme nippon. Les prodromes de la 3e guerre mondiale, qui se manifestent sous la forme du sabotage stalinien de la croissante emprise américaine sur l’Orient, s’y font ressentir. Moscou sape ainsi les bases même du plan Marshall, en frappant ses sources d'approvisionnement en produit "stratégiques", en détournant maints crédits de leur européenne destination. Laissant demain s'occuper de lui-même, la politique impérialiste russe se content de ces résultats. Dans cette perspective, le Kremlin entravera les balades entre Mao et Hong Kong, entre Hô Chi Minh et Bao Dati. Les différentes sections du front stalinien seront épurées de leurs éléments "petit-bourgeois". L’heure est passée des participations au gouvernement non entièrement stérilisées. C’est la guerre en Grèce, en Chine, au Vietnam, les guérillas en Malaisie, Birmanie, Indonésie ; ce sont des opérations militaires en France et en Italie.
L’internationaliste, organe de la Fraction Française de la Gauche Communiste, publie dans son numéro d’octobre, une analyse en gros correcte des rivalités impérialistes en Birmanie et en Malaisie. On pourra cependant lui reprocher l’imprécision de ses conclusions. Le communisme révolutionnaire, écrivent ces camarades ne renaitra "que lorsque les groupes qui s'efforcent de retrouver une position de classe auront rompu avec les motifs trompeurs de la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes". Cette rupture ne s'effectuera pas par une révolution mystique du caractère de classe de ladite idéologie, mais bien par l'étude approfondie des tendances étatique du capitalisme contemporain. Le volontarisme de "construction d’un parti de classe" est pour le présent, voué à l'échec. La classe ouvrière, disait Marx, est révolutionnaire ou ne l'est pas. Aujourd’hui, ni les ouvriers ni les paysans surexploités ne sauraient se comporter en révolutionnaires conscients. Par leur suppression, en Orient les prérogatives féodales dépassées par l'histoire, par leur lutte nuancée contre les vieux impérialismes anglais, hollandais, et Français-stalinien et nationalistes indigènes trouvent une base de masse. La nécessité où se trouve ses vieux impérialismes, d'abaisser chez eux le niveau de vie ouvrier, cette nécessité fournie aux "progressistes occidentaux" cette même base populaire. Aussi longtemps que cette conjoncture durera les tenants du capitalisme d’Etat auront beau jeu de se donner des apparences progressistes, et même révolutionnaires. Ils peindront au rouge nationaliste et social-démocrate ou stalinien la façade de leur sweating-system. La troisième guerre mondiale les oblige à abandonner ses apparences pour les tâches fixées par leur patron -les superviseurs américains ou russe- peut favoriser une reprise de la conscience révolutionnaire du prolétariat. Alors seulement le capitalisme d'État se démasquera non comme une tendance progressive dans l'histoire, mais comme un produit de décadence du système capitaliste, de la baisse du taux de profit Monopoliste et de la centralisation et concentration capitaliste, dans les mains de l'État. Alors seulement le travail, les activités des petits groupes d'avant-garde prolétarienne, trouveront un écho dans la classe ou l'idiologie du "droit des peuples à leur auto-détermination" ne trompe pas plus personne.
Cousin
[1] Région indonésienne dans l’ile de Java.
Dans un récent numéro, nous avons vu le poids politique des partis staliniens et socialistes, l’importance, la place occupée par chacune de ces organisations dans la vie politique en France et l'influence qu'elle exerce respectivement sur les masses ouvrières.
Sans répéter l'analyse des causes qui ont leurs racines dans les conditions internationales - et dans l'évolution générale du capitalisme- transformation structurelle interne vers un capitalisme d'État- mais aussi dans les conditions particulières propres à la France, et du mouvement ouvrier français tel qu'il apparaît après les décades de fourvoiement et de destruction idéologique, nous rappellerons la conclusion centrale à laquelle c'est analyse nous a conduit : la tendance générale va au renforcement sinon absolu du moins relatif de la SFIO au dépend du stalinisme. Dans la masse ouvrière en général on peut observer une tendance croissante au découragement et à l'apathie.
Cette tendance, du fait même de l'adhésion des ouvriers à l'idéologie nationale de leur bourgeoisie, qui est un fait incontestable, s'explique aisément par le sentiment prédominant de l'impossibilité du rétablissement économique de la France. Ce sentiment d'impuissance qui domine la classe dirigeante du pays et qui fait accepter au capitalisme français de subir et de et de se soumettre aux exigences des puissances étrangères et particulièrement des États-Unis, se répercute au sein des classes inférieures, et développe chez elle doublement un sentiment de fatalisme et de désespoir. En reconnaissant et en admettant derrière leur bourgeoisie nationale, cet état de fait, les ouvriers signifient non pas un détachement de l'intérêt national (ce qui aurait une tout autre signification et qui serait à saluer), mais seulement qu'ils acceptent comme inévitable sinon souhaitable l'incorporation et la soumission de la France au bloc américain.
Le stalinisme, c'est l'action, la lutte pour un autre une autre solution (indépendance nationale dans le cadre du bloc russe). Mais pour lutter il faut croire, il faut être convaincu dans la réalisation possible de cette solution. Or les masses ouvrières y croient de moins en moins.
Les socialistes au contraire, c'est la soumission à un cours fatal. Celle-ci à l'avantage de n'exiger aucune lutte, elle repose sur la passivité, sur le laisser faire. De là, la tendance qui ne peut aller qu’en se développant de la défection à l'égard des staliniens et ceux qui, du même coup, signifie le renforcement du parti socialiste.
La tentative des staliniens de mobiliser derrière eux, les ouvriers en créant un réseau de comité de défense de la République à la faveur des grotesques manifestations de césarisme du général De Gaulle, à lamentablement échoué.
Il n'y a que les trotskistes, ces masochistes de la politique, toujours prêts à offrir leur bêtise et leur souffrance en holocauste, qui avait un moment pris au sérieux ces Comités et s'était demandés comment y participer. Aujourd'hui il ne reste plus aucune trace de ses Comités qui, jusqu'à la mémoire de leur nom, sont effacés. Mais est-ce que les staliniens ne sont plus en mesure de faire les socialistes l'ont partiellement réussi en promouvant le Rassemblement Démocratique dit Révolutionnaire.
Certainement le RDR se défend d'être une annexe de la SFIO. Il est exact que le RDR n'est pas une annexe directe du type stalinien comme le sont la CGT et autres organisations entièrement soumises aux directives de ce parti. Tout comme pour la centrale syndicale FO, il n'y a pas pour le RDR une soumission au parti socialiste ni même un lien organique avec ce dernier, mais il en existe d'autres au moins aussi forts : ce sont les liens idéologiques et politiques. Là-dessus l'identité profonde entre le PS et le RDR est plus réelle que ne le laisse supposer la différence apparente de langage et qui se caractérise pour le RDR dans un verbalisme plus creux, plus ronflant, plus hypocrite et qu'il appelle sans rire, révolutionnaire.
On remarquera tout d'abord la composition du comité d'initiative pour la création du RDR. Sur un total de vingt personnes quatre sont membres du comité directeur de la SFIO (Rous, Rimbert, Arrès-Lapoque, et Boutbien), quatre sont députés du même parti (Badiou, Lamine-Gueye, Pouyet et Rabier), des journalistes socialisant comme Altman et Bénédicte de Franc-Tireur, et les écrivains résistants D. Rousset et Sartre. Ces deux derniers occupent les places de vedettes.
Cette seule composition suffit largement pour faire comprendre ce que peut être l'orientation politique de ce rassemblement. Les fanfaronnades creuses sur le socialisme des hommes de bonne volonté et autres, pas moins creuses, sur la révolution démocratique, et la démocratie révolutionnaire couvre une pauvre politique bornée, de réforme à l'intérieur du régime capitaliste. En voici un exemple typique : on sait que l'impérialisme français a cru politique de se mettre à la mode charlatanesque du jour, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, en se muant en Union française. Il n'y a plus d'impérialisme, ni de colonies exploitées et opprimées par lui. Il n'y a plus qu'une coopération fraternelle des peuples et des pays au sein d'une même Union qui par une habitude languée, on appelle encore française. Et c'est aussi certainement par pure habitude du passé que, depuis sa proclamation, la nouvelle notion d'union s'impose aux populations libérées de ci devant, colonies-Afrique du Nord, Madagascar et Indonésie, à coup de mitrailleuses et de bombardement aérien.
Le RDR qui, comme son nom l'indique, se dit révolutionnaire a aussi une politique réaliste. Loin de dénoncer la fumisterie sanglante que constitue l'Union française, il la considère comme un fait, un événement progressif qu'il importe d'élargir et d'approfondir démocratiquement. Aussi dans son appel qui est en quelque sorte son programme, sa revendication ne va pas au-delà de : “toute la liberté doit être proclamée et implantée dans l'Union Française”.
le rassemblement se réclame de Marx, de Proudhon, de Saint-Just, de la révolution de 89, de 1848, de la révolution d'Octobre 1917 russe de tout et de tous, pêle-mêle dans une confusion inextricable, reflétant l'éclectisme et les idées confuses des chefs de file de ce rassemblement mais pour une bonne part cette confusion est consciemment voulu et entretenu afin de mieux contrecarrer tout effort du dégagement de la pensée révolutionnaire qui ne peut se faire que dans la clarté et la précision idéologique.
Le RDR se prétend tantôt une organisation de la classe ouvrière tantôt d'être au-dessus des classes.
"Notre rassemblement -écrit Rousset dans le numéro 2 de la gauche- ne tend pas à interpréter et à représenter les intérêts d'une classe. Il veut être l'organe d'expression et d'action de cet ensemble vital pour la démocratie qui embrasse à la fois les oreillers inquiets, le classe moyenne déçu.".
Toutes les divagations de Rousset et de ses amis ont pour leitmotiv la nécessité de doubler le Parti socialiste et la troisième force sur le terrain extra parlementaire. Dans le même article, cité plus haut, Rousset explique la raison d'être du RDR en ces termes :
"La catastrophe SFIO créer un vide politique sans précédent dans l'histoire française de ces vingt dernières années. Ce vide fausse tout le jeu de la démocratie". Et B. Lefort dans le même numéro d’expliciter cette idée. Après avoir constaté que la politique économique du gouvernement qui pèse lourdement sur les conditions de vie des masses travailleuses, ne manque pas de provoquer du mécontentement et que ce mécontentement à son tour est exploité par les staliniens et les gaullistes il écrit :
"Mais les intrigues et les manœuvres gaullistes, pas plus d'ailleurs que celle des communistes ne rencontraient les moindres chances de succès si ministère est majorité se trouvaient soutenu hors du Parlement par une masse imposante de citoyens. C’est là le drame de cette Troisième Force qui en pratiquant au gouvernement contre son gré le plus souvent une politique réactionnaire, c'est interdit par là même tout résonance dans le pays. C’est là également que se trouve la justification du RDR, qui au moment où il devient parfaitement clair qu'il s'opère un glissement vers la droite, dois assurer avec tous ceux qui croient au progrès, au socialisme dans le respect des libertés individuelles la défense de la démocratie".
Remplacer la SFIO "défaillante", remplacer auprès des masses la Troisième Force occupée à la tâche gouvernementale, être présent sur le plan extra-parlementaire pour contre-carrer l'influence des gaullistes et surtout des Staliniens, et pour canaliser les mécontents et les mobiliser pour la défense de la République et de la Démocratie, voilà la première tâche que se donne le RDR. Entreprise de confusion, mais surtout entreprise de sauvetage du régime actuel.
La seconde tâche est moins immédiate et à plus longue vue. Dans la guerre que le RDR doit venir, malgré sa démagogie pacifiste endormante, sur la non-fatalité de la guerre, démagogie destinée à obscurcir un peu plus la vue des ouvriers, le rassemblement en temps occupé une place et ne pas se laisser évincer par le gaullisme.
C’est le thème cher à Rousset qui volontiers revient là-dessus dans ses discours.
La guerre contre l'hitlérisme allemand, la libération nationale n'aurait pas été possible dit-il sans notre participation.
Les appels à la résistance de De Gaulle et de son comité de Londres ne trouvait que peu d’écho dans les masses en France. Les travailleurs se méfier de ces militaires galonnés bien connu pour leurs sentiments réactionnaires. Ce sont les partis ouvriers, les militants socialistes, syndicalistes, eux qui avaient la confiance de larges masses ouvrières qui ont pu les entraîner et faire de la résistance un mouvement efficace de masse.
En disant cela Rousset Énonce une vérité qui dépasse son propre entendement. C’est une vérité fondamentale que sans l'adhésion des ouvriers, ni la résistance, ni en général la deuxième guerre mondiale n'aurait pu avoir lieu. Pour obtenir cette adhésion il fallait broyer la conscience de classe du prolétariat, lui faire ingurgiter sous l'étiquette socialiste, un contenu idéologique capitaliste, nationaliste, étatiste, il fallait pendant des années le dérouter, et l'entraînant sur le terrain de l'opposition strictement capitaliste entre démocrate et fascisme, il fallait le faire se battre pour "le socialisme en un seul pays" où "l'État ouvrier dégénéré" en Russie, pour "l'émancipation nationale et sociale" en Allemagne, pour le Négus en Éthiopie, pour la "République" en Espagne, pour le Front populaire en France, il fallait l'intégrer dans la nation lui faire croire que le capitalisme d'État est socialisme, que les nationalisations sont des mesures anticapitalistes et socialiste. Pour un tel travail de dévoiement, d'abrutissement des ouvriers, de la destruction de leur conscience révolutionnaire de classe, il fallait des parties et des hommes politiques qui se présentent être de la classe ouvrière. Pour obtenir le maximum d'efficacité, Staline est préférable à Nicolas II, Blum plus à sa place que Laval, Caballero ou Garcia Olivier que Franco.
D. Rousset et les hommes du RDR ont raison de disputer à De Gaulle l'œuvre de la Résistance. Ces pacifistes qui se refusent à accepter en parole l'inévitabilité de la guerre ont été en fait les artisans les plus actifs de la guerre d'hier ; à eux appartient le redoutable mérite d'avoir fait épouser aux ouvriers la cause de leurs maîtres et accepter de se faire massacrer mutuellement pendant des années sur tous les champs de bataille du monde.
Mais ce n'est pas simplement pour discuter à de Gaulle la gloire et les mérites dans le passé que s'est constitué le RDR. Il y a surtout l'avenir. L’avenir de la troisième guerre. Il faut garder le contact avec les ouvriers, il faut les encadrer, les préparer. Demain comme hier il faudra pour la conduite de la guerre l'adhésion des ouvriers. Qui mieux que les résistants d'hier sont à même exécuter la tâche de leur embrigadement pour demain ? et cette préoccupation est d'autant plus grande que contrairement à la guerre d'hier où tous les partis ouvriers mobilisaient les ouvriers dans le même camp, celle de demain verra les partis se diviser en deux camps, selon la division du bloc "socialiste" totalitaire russe et le bloc démocratique "socialiste" anglo-américain, ce qui rendra la tâche plus difficile. Et on ne peut vraiment pas laisser cette tâche aux hommes "réactionnaires" de De Gaulle.
Le RDR est contre la guerre, bien sûr, bien sûr ! tout le monde est contre la guerre. Hier aussi on était contre la guerre mais il fallait le faire pour combattre le fascisme. Demain il faudra la faire pour combattre le totalitarisme. On s'aperçoit comme des pays du capitalisme la démocratie vaut d'être sauvée. Le socialisme, la révolution, bien sûr, bien sûr, dans l'avenir, mais dans l'immédiat il y a un choix à faire pour le moindre mal et pour tous ces révolutionnaires le moindre mal, comme par hasard, coïncide avec les intérêts de leur état capitaliste national.
La deuxième tâche du RDR et, en un mot, d'aller de la résistance à la résistance, de la deuxième à la troisième guerre.
Quels sont les perspectives du RDR en tant qu'organisation ?
Un moment les dirigeants se sont laissés aller à croire possible de regrouper une centaine de mille et même plus d'adhérents. Il va de soi que ce sont là les illusions infantiles. Quelques groupes par-ci par-là quelques milliers de membres grignotés sur la gauche socialiste et les Trotskistes toujours anxieux et en quête des “masses” et le RDR a fait son plein. Un journal qui malgré la fantaisie d'en faire un hebdomadaire sœur avec difficulté une fois par mois et encore irrégulièrement.
Il ne faudrait certainement pas négliger complètement une influence possible du RDR dans certains milieux sociaux (étudiant employé et enseignement) et politique, surtout à la gauche de la SFIO. Mais loin de relever le Parti socialiste "défaillant" comme s'illusionnaient certains de ses dirigeants, le RDR ne fera que lui servir de doublure sur un certain plan.
Tel paraît être le RDR, son sort et la place qu'il occupe dans la vie politique en France.
Avant le RDR, d'autres tendances issues du Parti socialiste ont essayé de créer en France un mouvement socialiste de gauche. C’était d'abord les vestiges de l'ancien Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) dans la guerre de 1939-45 avait complètement anéanti et dispersé les membres dans toutes les formations de la "Résistance". Ces vestiges attendirent longtemps le retour du Mexique du grand "chef" M. Pivert mais ils furent déçus dans leur espoir. L’enfant terrible du socialisme français, ce Saint-Just du Front populaire s'était bien assagi pendant les années de la guerre et renoncer à la prétention vraiment par trop ridicule de jouer au Lénine français, dont il n'y avait ni la formation doctrinale, ni la force de caractère, ce révolutionnaire en carton-pâte à sagement repris sa place dans les rangs du vieux parti SFIO. Après tout, quand on est de la taille théorique d'un M. Pivert, il est bien plus sage et plus sûr de jouer les seconds rôles dans un grand parti, que les premiers dans un petit. En troquant le titre de secrétaire général du PSOP pour celui plus modeste de secrétaire de la fédération socialiste de la Seine, Pivert a somme toute ramené les choses à des proportions plus exactes, et prouver qu'il n'était pas complètement dépourvu de bon sens.
Derrière l'autorité d'un L. Blum et sous sa haute direction il est bien plus aisé d'organiser des conférences pour les États-Unis socialiste d'Europe et autres conférences des peuples opprimés où Pivert et consort trouve un champ pour dépenser le besoin d'activité "socialiste".
En fin de 1946, une partie de la Fédération de la Jeunesse socialiste "travaillée" par les trotskystes en "plein essor" fut exclue de la SFIO et constitua une organisation autonome : la Jeunesse Socialiste Révolutionnaire. Longtemps les trotskystes leurs espoirs dans cette organisation JSR, l'entourant de soins particuliers, la flattant, l'encourageant, lui faisant parfois, mais très gentiment la leçon, espérant faire d'elle le catalyseur des éléments mécontents dans la SFIO en vue d'un nouveau regroupement et de la Constitution avec les trotskistes d'un nouveau "parti révolutionnaire". En cas d'échec de ce grand plan les trotskistes étaient sûrs de pouvoir absorber purement et simplement la JSR, et l'intégrer dans le PCI. Les remous internes et finalement la sortie de la tendance "action socialiste révolutionnaire" de la SFIO, semblait un moment favoriser le plan des trotskistes qui jubilaient. Mais ce triomphe fut de très courte durée. La nouvelle tendance ASR s'unifiait effectivement avec la JSR formant un parti sous ce nom, mais refusa la tutelle trotskiste et toute unification avec ces derniers. Les trotskistes en été pour leur frais. Mais de son côté le nouveau parti devait aussi très rapidement déchanter. Après quelques flambées, une anémie pernicieuse devait s'emparer de lui, ses sangs s'amenuiser et son organe bi-mensuel –"Révolution"- battait de l'aile au point de ne paraitre que très espacé et fort irrégulièrement. La constitution du RDR devait être le coup de grâce pour ce nouveau parti qui finalement fut absorber dans le Rassemblement.
Aujourd’hui, subsiste officiellement le parti Socialiste Révolutionnaire, mais dans la pratique son activité ne se manifeste qu'au sein de la grande famille socialiste qu'est le RDR. En somme nous avons assisté à un processus qui va du centre à la périphérie, de la centrale à l'annexe, de la maison mère à la succursale. Ces militants se trouvent-ils mieux dans l'antichambre que dans les salons du parti socialiste. C’est la question qui ne les regarde. Pour nous, un fait importe à constater, c'est que tous ces "mouvements" ne sont que des remuages se passant au sein de la sociale démocratie, sans parvenir au grand jamais à déborder ce cadre, ni à esquisser même timidement une nouvelle orientation au-delà de l'orbite socialiste.
Une fois de plus nous pouvons vérifier ce postulat qui ne subsiste aucune possibilité de faire surgir un courant révolutionnaire du sein des partis historiquement incorporés à la bourgeoisie ou au capitalisme d'État. Les crises et les luttes de tendance au sein de ses partis ne portent en elle aucune contribution à la constitution des organismes du prolétariat et de ce point de vue n'ont aucune signification. Ce n'est pas dans la continuité, mais seulement dans le détachement pur et simple et individuel, de ces partis, c'est-à-dire après la rupture organique et idéologique totale que l'ancien militant de ses partis trouve la condition pour devenir un militant révolutionnaire du prolétariat.
Une autre vérification expérimentale d'une grande importance et le fait de l'impossibilité de construire un parti révolutionnaire dans une période de recul. Tout groupement qui dans une telle période tend vers un travail large de masse, doit inéluctablement tomber dans l'ornière d'un des deux grands partis ouvriers capitalistes : la social-démocratie ou le stalinisme est devenu d'une façon ou d'une autre un appendice de ses partis. L’ASR le devient par voie indirecte en se laissant absorbé par le RDR. Il cesse d'exister en réalité, par lui-même parce qu'il cesse d'avoir toute fonction propre. Par contre le MSUD, (Mouvement Socialiste Unitaire Démocratique) la tendance stalinisante exclue de la SFIO peut subsister et même se transformer en parti "indépendant" (Partie Socialiste Unitaire) parce que cette tendance est elle-même, directement l'appendice du stalinisme.
La tactique stalinienne à cet égard est double selon les pays intégrés ou non dans le bloc russe. Dans les premiers et par sa nature même (expression plus achevée du capitalisme d'État), le stalinisme tolère difficilement l'existence de plusieurs partis. Il tend à l'heure à les liquider ou les unifier au sein d'un parti unique (ce qui est la même chose). C’est le cas de tous les partis socialistes qui, dans les pays de la démocratie nouvelle ce sont vue obligés d'entrer dans le parti stalinien. Dans les pays du bloc occidental par contre, ou le stalinisme se trouve dans une situation d'infériorité et sur une position défensive, le stalinisme préfère ne pas concentrer toutes les forces dans une seule organisation. En multipliant des organisations annexes il se laisse toujours la possibilité d'un meilleur camouflage et d'une action défensive plus efficace. C’est le cas en Italie avec le Parti socialiste de Nenni et en France avec le Parti Socialiste Unitaire. Et aussi peu importante que soit ce parti (PSU), numériquement et politiquement, le stalinisme trouve tout de même son compte à le maintenir indépendant et non à l'incorporer dans le PCF.
Le PSU ne se développe guère et il n'est pas question pour lui de se développer. Dans les pays du bloc occidental le stalinisme ne livre pas de bataille de conquêtes et de développement, mais pour garder le maximum de barrages en harcelant sans cesse les arrières lignes du bloc capitaliste adverse. Ce n'est donc pas surprenant que dans cette guérilla les staliniens soient amenés à abandonner parfois des positions acquises. C’est le cas de "Franc-tireur" le journal ayant le plus grand tirage en France. Pendant des années il était dominé par l'équipe pro-stalinienne, les chefs actuels du PSU, et leur position semblait inébranlable. Mais l'aggravation de la tension entre les deux blocs se traduisant par l'accroissement de la lutte entre les partis socialistes et staliniens, devait mettre fin à cette collaboration en apparence idyllique dans la rédaction de "Franc-tireur", entre les gauches socialistes du RDR et les pro-staliniens du PSU. Ce dernier a perdu la bataille et ses représentants furent obligés de se retirer pour lancer le journal "Libération" abandonnant le "Franc-tireur" à l'équipe du RDR.
Victoire du RDR qui possède officieusement un des plus grands journaux de France. En réalité, victoire du Parti socialiste sur le parti stalinien et au-delà d’eux, épisode dans la guerre de position que se livre les deux blocs impérialistes pour la préparation de la troisième guerre mondiale.
On ne peut brosser un tableau quelque peu achevé de tous ces groupes et tendance politique qui gravitant autour des parties socialistes et staliniens sans mentionner l'équipe de la Revue Internationale. Son histoire comme son sort présentent un certain intérêt, car aussi bien par sa composition personnelle, que par son travail, elle prétendait jouer un rôle dans la vie politique, les ouvriers en France et même en dehors de la France. C’est un phénomène assez curieux que cette équipe éclectique de quelques jeunes intellectuels à prétention marxiste venant en majeure partie du trotskisme et souffrant du mal de devenir des théoriciens révolutionnaires du prolétariat.
La rédaction comprenait Naville, Rosenthal, Bettelheim, Martinet, Nadeau-Rousset-Bessaignet des noms pas inconnus pour les militants ouvriers. Des hommes ayant des qualités certaines pour la rédaction d'une politique précise. Tant qu'il s'agissait de traiter des problèmes généraux abstraits, la Revue gardait un certain niveau et un intérêt indéniable, mais dès que la Revue fut amenée à exprimer des questions politiques concrètes, et essayer d'y donner une réponse, le manque d'unité d'orientation éclatait au grand jour. La fragilité politique de la revue s'est révélée à l'occasion de la discussion sur la "théorie" de Burnham et de son livre "l'ère des organisateurs". À travers la confusion théorique, les orientations politiques diamétralement opposées des rédacteurs devaient nécessairement rendre impossible tout travail ultérieur en commun. Au bout d’une vingtaine de numéros et après trois ans d'existence la revue était à bout de souffle et l'équipe devait se disloquer.
il n'est pas sans intérêt de voir ce qu'est devenu cette équipe cela est très significatif et permet de comprendre pourquoi la Revue Internationale n'a en fin de compte rien apporté, et pourquoi il lui était interdit d'apporter quoi que ce soit en réponse au problème brûlant qui se pose aux militants révolutionnaires à savoir : l'analyse de l'évolution du capitalisme moderne vers le capitalisme d'État et tout ce que cela comporte comme un réexamen théorique indispensable sur la nature, le contenu et les conditions de la révolution socialiste à venir et sur la tâche des militants dans le présent. Sur les sept rédacteurs nommés plus haut nous en trouvons aujourd'hui trois (Naville, Betelheim Martinet) dans le Parti Socialiste Unitaire stalinisant, trois autres (Rousset, Rosenthal et Nadau) dans le RDR socialisant. De ces sept seul Bessaignet a eu la force de rompre avec la Revue dès qu'il lui est apparu se dessiner ses véritables tendances : socialiste et stalinienne. En rompant avec la Revue et en dénonçant ses tendances également étrangères à la lutte pour la révolution socialiste, Bessaignet est resté fidèle à la cause du prolétariat et s'est placé dans des conditions pour pouvoir militer pour cette cause au lieu de se perdre.
L’histoire de la Revue Internationale apporte la preuve que la théorie révolutionnaire de classe ne peut pas s'élaborer ni se diffuser par l'intermédiaire de n'importe quel organe, serait-ce même une Revue qui se dit international. L’élaboration théorique est étroitement liée et directement conditionnée au milieu politico-social. Dans une revue à orientation politique incertaine, ne peuvent pas s'élaborer que des théories vagues, incertaines, confuses. Pour ce qui est de la théorie révolutionnaire du prolétariat, son élaboration exige, un milieu révolutionnaire, un groupe, une revue révolutionnaire.
La Revue Internationale est morte. Les hommes qui l'ont dirigée ont repris chacun leur place qui était toujours la leur. Les trotskistes pleurent la perte d'une revue théorique trotskisante. Le prolétariat n'a aucune perte à pleurer, car on ne peut perdre ce qu’on n’a jamais eu.
(à suivre)
Marco
Il y a toujours eu des penseurs humanistes qui ont fait des "plans" pour éliminer la pauvreté et les iniquités du monde. Pour la réalisation des "plans" ils faisaient appel aux riches et aux puissants de la terre. Cela va sans dire que le prolétariat était quasi inexistant et l'analphabétisme presque général, tandis que l'Église et le bistrot étaient les seuls endroits de distraction. On ne pouvait guère trouver là les conditions pour changer le monde.
À la fin de la première moitié du 19e siècle Marx se fit connaître. Il disait qu'une société ne peut se changer par des plans fortuits, mais qu'elle se change par le développement des forces antagoniques engendré par cette société même. Quand on cherche la perspective du développement d'une société on doit analyser les forces antagoniques en son sein. Quant au capitalisme c'est un système fort, révolutionnaire, qui transforme le monde dans ses fondements économiques et politiques et transport ainsi la psychologie des hommes.
Le capitalisme n'est pas seulement une production d'article pour les besoins des hommes, mais aussi et surtout une production de capital. Ce sont deux côtés du même processus. Les machines et les matières premières ne sont pas seulement des moyens de production mais c'est aussi du capital. C’est-à-dire : le but de la production c'est de produire un profit (plus générale, plus-value) pour ses entrepreneurs, et le moyen pour atteindre ce but se trouve dans la production des marchandises pour les besoins des hommes.
Marx nous enseigne que le double aspect ne se même processus mène à de grandes catastrophes dans la société : chômage, incertitude de l'existence, stagnation de production, pauvreté, guerre, abaissement de la culture en général.
Pour Marx le problème du socialisme se poser ainsi : l'abaissement du niveau de vie, les catastrophes économiques sous forme de crise et de guerre engendre une effervescence dans la classe ouvrière et dans cette effervescence apparaît la lutte de classe. La classe ouvrière devient consciente des causes de catastrophes sociales. Elle comprend que la contradiction entre les moyens de production comme moyen pour satisfaire aux besoins de consommation et comme moyen de produire des profits, les forces productives entre en conflit avec la base juridique de la société et là exige la suppression du capital lui-même et son corollaire, le salariat. Il s'agit de donner de nouvelles règles économiques pour toute la production, l'industrie, l'agriculture et pour la distribution des biens. Société sans marcher, sans valeur, sans prix et sans argent. Une économie réglée par le temps de travail. Le temps de travail servant de mesures et de base pour la production et la consommation. Une économie réglée par les travailleurs, eux-mêmes comme association de producteurs consommateur libre et égaux (voir “la critique du programme de Gotha”).
Cette perspective de catastrophe et de stagnation à susciter beaucoup d'erreurs chez les révolutionnaires. Pendant une trentaine d'années jusqu'en 1890 le capitalisme ne se développait guerre (excepté en Allemagne après 1870) et on croyait le capitalisme déjà au bout de ses forces. Et cette stagnation a donnée naissance à l'opinion que la période de la Révolution devait commencer. Marx lui-même était victime de cette erreur. Après 1890 le capitalisme éprouvait de nouveau stimulant par de nouveaux procédés de production et par l'impérialisme. L’élévation du niveau de vie (engendrer par l'augmentation de l'intensité du travail et par là l'augmentation de la valeur de la force de travail) s’est produite sur une très grande couche du prolétariat. Ce phénomène était en contradiction avec les prévisions des révolutionnaires et Rosa Luxembourg cherche à donner une explication dans son livre “l'accumulation du capital”. Elle cherchait à prouver qu'il s'agissait seulement d'un délai de la mort certaine du capitalisme.
En Allemagne 1923 envoyer de nouveau un “effondrement du capitalisme” et les discussions véhémentes sur la “crise mortelle” conduisaient à une scission du K.A.P.D. (communiste de conseils). Ceux qui ne pouvaient souscrire à la thèse de la “crise mortelle” étaient exclus à cause de leur “penchant réformiste”. Mais la crise s'est montrée de longue durée puisque maintenant en 1938 le patient n'est pas encore mort et plus prudent, on parle à présent du capitalisme décadent.
Il est bon d'examiner un peu les théories de l'effondrement. Rosa avait l'opinion que le capitalisme ne pouvait exister sans marcher non capitaliste (comme l'Asie, l'Afrique) parce que, selon son opinion, la production capitaliste doit toujours avoir une surproduction, laquelle ne peut être absorbé dans les sphères capitalistes. La conséquence de cette théorie était un effondrement certain du capitalisme quand ces marchés supplémentaires auraient disparu le capitalisme ne marcherait plus. R. L. Croyez pouvoir éprouver cette thèse par des schémas de production et d'échanges qui, selon elle, montre toujours un déséquilibre.
Entre autres le bien connu marxiste hollandais A. Pannekoek, à critiquer ce livre et montrer que Rosa s'était trompé utilisant les schémas de Rosa Luxembourg. Mais cela se pose seulement parce qu'elle a utilisé de faux chiffres. Il n'est pas difficile de donner des schémas ou la reproduction ne marche pas. Mais dans une œuvre théorique, la tâche de Rosa Luxembourg était de montrer qu'il n'était jamais possible d'établir un schéma ou les deux sections de production soit équilibrée. Justement Pannekoek apportait la preuve du contraire en établissant un schéma d'après laquelle ce n'était plus le capitalisme mais la théorie de Rosa qui s'écroulait.
Environ 20 ans après, en 1929, H. Grossmann publia "la loi de l'effondrement du système capitaliste". Dans ce livre il fait une critique serrée des schémas de Rosa Luxembourg contre lesquels il utilise des schémas équilibrés. Aussi pour Grossman il n'est nullement nécessaire pour l'économie capitaliste qu'il y ait des marchés supplémentaires extra-capitalistes. Mais malgré cette production “harmonieuse” les crises économiques sont, chez Grossman inévitable et au cours du processus historique, toujours plus difficile à surmonter. Enfin ces crises mènent à un effondrement certain du capitalisme.
Pourquoi cet effondrement ? l'explication est assez simple. Tout le monde sait que la technique va, de conquête en conquête, rationalisant la production. Cela a pour conséquence d'augmenter le capital constant et fixe : les machines et les quantités de matière première qui sont usées en moins de temps. Autrement dit : le capital fixe dans les moyens de production s’agrandit toujours. Mais étant donné le sens de la rationalisation qui est justement de produire plus de marchandises avec moins de travailleurs, il va sans dire que le capital investi par travailleur ça grandit toujours. Par conséquent chaque ouvrier doit produire un profit toujours plus grand. Plus la technique se développe, plus l'exploitation des travailleurs doit augmenter. C’est là la conséquence du développement technique pour les travailleurs.
Mais quelles sont les conséquences pour les capitalistes ? quand la plus-value, créer par les travailleurs se répartit sur un capital croissant, le taux de profit a tendance à diminuer dans la mesure où le capital s'accroît. Tant que le capital augmente il est difficile de maintenir le taux de profit.
On peut exprimer cette difficulté en d'autres termes. Un manque de profit signifie que l'exploitation des travailleurs est trop basse. Alors il s'agit d'augmenter l'exploitation par la diminution des salaires, l'augmentation de la productivité de travail et l'augmentation du temps de travail journalier. Mais il est clair que ces moyens on leur limite, et enfin ils ne peuvent pas sauver la base du capitalisme. Il y a pourtant d'autres moyens. Ce sont les changements dans l'organisation du capital et de la vie économique en général. Ce sont la concentration et la centralisation du capital, l'élimination des petits marchands, l'organisation de la consommation. À notre époque nous voyons ces méthodes l'organisation de la consommation dans l'économie dirigée par l'État et dans les nations nationalisation.
Grossman montre que tout cela ne peut pas sauver le capitalisme parce que le processus de l'accumulation doit se continuer. Non seulement continuer mais s'accélérer parce que la lutte sur le marché mondial détermine cela. Le résultat de tout cela est que l'accumulation mène à des guerres acharnées, à un niveau de vie très bas pour les classes travailleuses et enfin une stagnation économique permanente. Le capitalisme ne marche plus et s'écroule.
A. Pannekoek a combattu cette théorie également. Il voit en l'aile un nouvel effort d'établir un effondrement automatique du système capitaliste. Et c'est ce qu'il estime faux et dangereux. Ce n'est cependant pas qu'il voit de meilleures perspectives pour les capitalistes ou pour les ouvriers, c'est-à-dire pour le développement de la société capitaliste. Les schémas de production il avait donné en sa critique de Rosa mène à une marche toujours plus lente de l'accumulation, dans la pratique à une crise permanente, une société figée. Mais on doit immédiatement ajouter que ces schémas n'était pas fait pour montrer un effondrement, ou pour démontrer une fin certaine du capitalisme, ils avaient seulement pour raison de démontrer que le capitalisme n'a pas besoin de marchés supplémentaires comme le croyait Rosa Luxembourg.
Quand Pannekoek attaque les théories de "l'effondrement", c'est pour montrer le processus de la révolution réelle. Chez Grossman, l'effondrement signifie que le capitalisme aboutit économiquement à une situation de fonctionnement impossible, comme une machine qui s'est grippée et s'arrête. C'est-à-dire que les hommes sont obligés d'intervenir et la remplacer par une meilleure, peu importe que la classe des propriétaires qui doit l'accomplir soit encore composé d'esclaves humble ou obéissant. Cette conception de la révolution, comme une contrainte mécanique était très répandue, c'est-à-dire chez l'intelligentsia bourgeoise et socialiste qui ne comprenait pas la base du matérialisme historique. La conscience est déterminée par l'existence. Ils cherchent la force motrice de la révolution dans la libre volonté c'est-à-dire dans la morale des hommes (les réformistes) ou dans la contrainte d'un effondrement économique (les fatalistes). Et à celui qui nie cette catastrophe on lui attribue une conception volontariste.
Mais cela n'a rien à voir avec le "volontarisme". Il est sûr que le capitalisme se développe au travers de catastrophe économique et politique, et que la classe ouvrière se défend contre les tendances destructrices. Parmi les catastrophes et ses luttes de travailleurs, la conscience pour changer le monde croît… Il niait une "conscience socialiste" qui s'exprime déjà à présent dans le désir d'une "économie dirigée". Cette conception malheureusement fausse et défiguré profondément par une partie de la classe possédante et par les bureaucrates des parties et des syndicats pour augmenter l'exploitation de la population travailleuse et qui pour résultat de diminuer la liberté individuelle, est malgré tout, aussi un trait de la conscience socialiste une acquisition de la conscience prolétarienne. Cette acquisition est aussi née des catastrophes économiques et politiques et des luttes de classe.
Dans l'avenir cette conscience sera remplie d'un contenu plus précis. Sous le joug de l'économie dirigée du capital et ses acolytes, les masses apprennent que l'exploitation peut seulement être abolie et la liberté assurée que sous la direction des masses travailleuses elles-mêmes. Et ce n'est pas une chose de harangues ou de "volontarisme". C’est la lutte de classe même qu'il le leur apprend. De plus les syndicats et les partis sont reconnus comme partisans de l'oppression et la lutte ira en se développant de plus en plus sous la direction des masses. Ils deviennent des millions, dirigeant leur propre force point et quand cette façon de lutter sera devenue le "sens commun" les conceptions de l'économie dirigée prendront aussi la tendance d'une direction de la société par les masses sans détour de l'État. La société sera alors mûre pour la révolution, c'est-à-dire : pour l'effondrement du capitalisme.
Et c'est ainsi que la révolution est elle-même l'effondrement du capitalisme et cela, on ne peut le trouver dans aucun schéma.
Dans la seconde moitié du 19e siècle on croyait le capitalisme au bout de son rouleau, en 1923 on parlait de la crise mortelle, et en 1948 on parle de capitalisme décadent. Par ces appréciations on veut dire que le capitalisme sera bientôt vaincu par le socialisme. C’est-à-dire, on compte toujours sur un effondrement économique du capitalisme. Cette orientation est erronée. L'étude de l'économie mondiale est sûrement d'une très grande importance mais pour juger de l'effondrement du capitalisme nous sommes obligés de mesurer les forces du prolétariat sous sa propre direction. Quand ces forces sont encore peu développées, l'effondrement n'est pas proche malgré un capitalisme "décadent", ou une crise "mortelle". C'est pourquoi l'orbite de la propagande dans l'avenir doit être dirigée sur la lutte de classe indépendante de tous les partis et les syndicats.
Quelles sont les perspectives de cette pluie ? Ce problème sera examiné dans le prochain numéro.
(à suivre)
Polo
Avec Sartre, c'est une autre histoire. Il s'agit ici d'un esprit philosophique authentique qui, sans son propre plan, sait ce qu'il veut. Aussi sa pièce présente-t-elle une thèse là où l'œuvre de Steinbeck se contentait d'un développement.
Les “Mains sales” reprennent et prolongent les thèmes auxquels la revue de Sartre, “Les temps modernes” ont accoutumé le public international depuis 3 ans Ces thèmes concernent le stalinisme et sont liés aux conceptions philosophiques présidant à l'activité de la revue. La pièce s'inscrit donc dans un courant de pensée -la version sartrienne de la philosophie de l'existence- et elle constitue le terme (actuelle mais provisoire peut-être) d'une querelle commencée depuis longtemps.
Sartre a toujours professé (si l'on condense ses idées à l'extrême) que si -en termes familiers- un coupe-papier a besoin d'être conçu avant qu'il soit fabriqué, l’homme par contre a besoin d'exister avant que sa pensée ne s'exprime. Autrement dit en termes métaphysique, que pour les objets (fabriqués ou connus dans la “nature”, car c'est la même chose pour ces derniers, puisqu'ils n'ont d'existence, c'est-à-dire pour l'homme, qu'une fois connus par lui) l'essence, l'idée de la chose précède l'existence, (disons la chose elle-même), tandis que pour l'homme l'existence précède nécessairement l'essence. Il se déduit de cette conception qu'un individu se trouve engagé par un acte, par l'état d'existence, avant même qu'il n'y ait pensé, qu'il n'en ait conscience. Une “situation” est un beau jour donné, et voilà notre homme en demeure d'en déduire après coup l'entendement, et en tout état de cause de la subir, sa démarche s’en déduisant seulement comme “projet”.
De ce cadre philosophique générale, Merleau-Ponty -disciple de Sartre- avait, bien avant “les Mains sales”, c'est-à-dire depuis 3 ans, déduit dans “les temps modernes”, une interprétation des problèmes de la politique et de la morale tel que le stalinisme les pose pour lui-même. Cette interprétation aboutissait à la fois à une explication et à une justification rétrospective des procès de Moscou, dans leur caractère le plus typique et le plus odieux : "l’aveu" tel que les accusés oppositionnels au régime l'ont pratiqué dans la circonstance. Par-là, Merleau-Ponty anticipait du même coup, justifiant aussi par avance, procès et aveux futurs. Ces aveux étaient la conséquence des nécessités de la "situation". On conçoit que dans ces conditions, si l'on voulait donner à cette façon de voir la réponse qu'imposerait une critique révolutionnaire, il faudrait remonter une critique du système philosophique et la développer au point de vue de la théorie marxiste de la connaissance, puisque les considérations politiques n'en sont qu'une transcription. Mais un tel travail n'a pas sa place ici. Ce que par contre nous devons faire, et cela va être notre idée centrale, c'est de montrer le lien étroit qui unit la thèse soutenue dans "les Mains sales" et elle concerne elle aussi le stalinisme avec, certes, la conception philosophique de Sartre mais surtout avec les idées exprimées par Merleau-Ponty en fonction des mêmes principes philosophiques. Or, un examen rapide montre précisément que l'enseignement, la morale, la thèse (comme vous voudrez) des "Mains sales" procède de la même conception que celle de Merleau-Ponty sur les procès de Moscou. L’une (la dernière) présentait une plaidoirie, l'autre livre un réquisitoire : par définition il s’agit du même procès, spécifiquement stalinien, dont le verdict reste unique en tout état de cause. Ce verdict c'est le devoir de mourir quads "l'histoire" a raison contre vous.
Dans les articles de Merleau-Ponty (réunis par antithèse au titre du livre de Koestler, sous celui de : "le yogi et le prolétaire") en soutenait qu'un individu peut "avoir raison" par rapport à une perspective possible, ou même en fonction de son honnêteté et de sa justesse politique, tout en étant socialement "coupable" parce que l'histoire s'oriente autrement qu'il l'avait pensé ou préconisé. La discipline de parti (et l'on croit qu'il s'agit ici du parti "révolutionnaire" tirer comme si un tel parti pourrait objectivement exister dans la période de contre-révolution succédant à 1917) exige que ceux que les rapports de force condamnent, non seulement se soumettent mais périssent. C’est ce que "comprirent" les oppositionnelles russes en 1936 et 37. Il ne se contentèrent pas de subir leur réduction, conséquence de leur défaite. Ils l'acceptèrent et même plus : ils l’appelèrent, Zinoviev, Kamenev, Boukharine surtout, Dont Merleau-Ponty dissèque le comportement en détail, hommes convaincus de la justesse de leur façon de voir, persuadé d'être dans le parti communiste, qu'il tenait pour le parti de la révolution, l'aile la plus consciente, se proclamèrent pourtant coupables d'enthousiasme, dès que les événements se retournèrent contre eux. Ils comprirent en effet que le temps et les circonstances en se prononçant pour un moment donné en faveur de leur adversaire politique, leur enjoignaient de disparaître. Ils plaidèrent coupable, s'accusèrent même au-delà de l'accusation, simplement parce que leurs idées n’avaient pas triomphé, preuve qu'ils avaient "tort" du point de vue historique. Là, siège l'explication de leurs aveux spontanés qui n'avait besoin, ni de violence, ni d'hypnotisme, ni de drogue. Boukharine fournissait selon Merleau-Ponty le meilleur exemple, puisque, justement tout en niant les chefs d'accusations relevés contre lui (sabotage, trahison, complicité avec l'ennemi etc.) il ne convainc pas moins de sa responsabilité politique, laquelle voulait qu'étant battu il disparaisse. Autrement dit, pour rendre explicite par rapport à notre point de vue, la réalité de l'histoire (ce qui est ici la réalité contre-révolutionnaire) serait à entendre Merleau-Ponty, le critère sur lequel devrait se régler ceux qui luttent pour la révolution alors que leur fonction est précisément, non seulement de mettre cette réalité en doute, mais de la rejeter et de la bouleverser.
Pour l'essentiel nous retrouvons tout cela dans "Les mains sales" que pourtant en divers milieux et même parfois parmi les éléments restés fidèles au communisme, on célébra comme une pièce "révolutionnaire", non seulement parce qu'elle s'en prend au capital monopoliste, à la bourgeoisie dans ces classiques, mais aussi au stalinisme expression politique aux formes actuelles d'évolution du capitalisme mondial.
La pièce met en scène un jeune bourgeois nommé Hugo, qui devient stalinien comme tant d'autres au cours de la Résistance. Les nazis ont occupé son pays -nous sommes pendant la dernière guerre- lequel au moment où commence l'action est sur le point d'être "libéré" par les armées de l'URSS. Le héros accepte d'enthousiasme de participer à une machination intérieure à l'appareil stalinien, une de celles -nombreuses- que provoquèrent les changements successifs de rapports entre le Kremlin et les autres gouvernements. Ils s'apprêtent à descendre un des chefs du parti pour le compte d'une des clics de l'appareil : la clique participante de la lutte à outrance contre l'occupant provisoire. Pour cela, il se fait introduire comme secrétaire auprès du chef en question. Il partagera sa vie, son intimité, puis brandira un revolver au moment voulu pour faire feu.
Pourquoi ce leader politique, chef estimé, fils du peuple, comme il se doit, qui a pour nom Hoederer, devient-il soudain une cible pour les véritables "patriotes" du parti ? Simplement parce qu'il pense que l'Armée rouge étant victorieuse il faut tirer le parti maximum de la situation, il faut aider à ses succès militaires. Dans ce but Hoederer préconise de se rapprocher davantage des partis "bourgeois" en resserrant d'une part les liens qui (…) aux éléments non staliniens de la résistance, et en ménageant de l'autre une complicité auprès du gouvernement installé par l'occupation. Il pense préparer ainsi un régime provisoire et comme les staliniens contrôlent déjà les plus fortes unités de guérillas, qu'ils disposent en outre de l’appui déclaré du Kremlin -puissance occupante de demain- ils exigeront une place prépondérante. Par la suite, on se débarrassera une fois au pouvoir, de ces alliés d’un moment et on fera alors la "révolution" pour son compte. Ce plan Hoederer l'explique avec le cynisme qui convient aux deux autres parties traitantes : la fraction non stalinienne de la Résistance et autorité de la collaboration. Disons pour traduire la situation en français : aux gaullistes et aux vichyssois "double jeu". C’est à prendre leur dit-il ou à laisser ; c'est ou cela, ou la liquidation immédiate dès l'occupation par les armées russes. Argument qui pèse auprès du fils du Régent collaborationniste, politicien trouillard et cynique lui aussi, mais qui révolte le gaulliste phraseur, lequel s’emporte, exige de la part du lion et la conteste aux Staliniens, oubliant que les rapports de force commandent en fait la situation. Enfin le plan est accepté puisqu'il n'y a rien d'autre à faire. Or, c'est précisément ce plan que, par contre rejette la fraction du parti stalinien adverse de Hoederer. Elle y voit une compromission avec l'adversaire. Elle y voit une compromission avec l’adversaire. Elle groupe les "vrais" ceux qui veulent "l'indépendance" nationale, la "révolution". Pour eux Hoederer apparaît comme un traître et c'est pourquoi ils veulent l'exécuter.
En fait, cette situation fournit simplement le cadre dans lequel se situera le geste homicide du héros. Et c'est la motivation de ce geste qui fonde et permet toute la thèse de Sartre...
En effet Hugo a une jeune femme qui l'a tiré de la bourgeoisie, femme bébé qu’excède "la politique". Elle se peigne ou fait joujou pendant qu'on parle. Pour la première fois cependant, elle trouve en Hoederer militant sur la cinquantaine qui a une vie active et dure derrière lui, dont l'ascendant se manifeste sur tous, à chaque minute, l'expression d'une virilité pour elle inconnue. En quelques minutes une situation naitra un matin. Hoederer privé de femme depuis de longs mois par la clandestinité embrassera la jeune femme et, Hugo entrée à ce moment par hasard, sortant son revolver en un clin d'œil, tirera sans hésiter. Ici se situe la clef du drame.
Hugo en effet, est arrêté, pour sortir enfin de prison une fois la libération survenue. Les staliniens -ces camarades de parti- ont bien tenté de l'empoisonner d'abord en prison, et l'ont fait passer afin de dissimuler la provenance du meurtre par un agent hitlérien. En vérité, il pense qu'il a tué par jalousie et non point par conviction politique. Cette supposition les fait douter qu'on puisse le "récupérer" dans le parti. Comment peut-on en effet compter sur un homme qui mêle ses propres affaires à celle du prolétariat ? Seulement entre-temps un nouvel événement est survenu. Le Kremlin a, après coup, approuvé la politique de Hoederer. Celui-ci est devenu héros national l'homme qui avait vu juste et qui tomba sous les coups de l'occupant, Hugo apprend tout cela à sa sortie de prison. Il est effaré. Le parti falsifie son geste, trahit sa conviction, l'a fait passer pour un agent à gage. De plus, même en le déifiant, il a dénaturé la pensée de Hoederer, homme d'une réelle puissance que Hugo, malgré son geste, avait appris à estimer. À son effarement succède bientôt l'angoisse. Le parti somme en effet Hugo de s'expliquer sur son geste : a-t-il tué par esprit de vengeance passionnelle, ou pour des fins politiques qui lui ont été assignés ? Si la jalousie seule l’a animé on peut dire qu'il a trahi en un sens sa mission. Cela on peut l'oublier pour le passé, dans la mesure où ce qui est fait est fait, mais on doit en tenir compte pour juger de l'avenir. Demain peut-être de nouvelles tâches de confiance lui seront dévolus. S’il recommence à faire passer d'abord ses affaires personnelles quel crédit pourra-t-on lui faire ?
Aux questions pressantes dont il est assailli Hugo répond qu'il ne peut rien dire. Il croit lui, que son amour pour sa femme explique le geste tel qu'il s'est produit, mais qu’en tout état de cause il l’eut accompli ; parce que sa conviction politique était faite. Il croyait juste d’abattre Hoederer, il avait été volontaire pour ce "travail". Sans doute avait-il lambiné. Mais cela ne voulait rien dire, il s'apprêtait graduellement à frapper.
Pour répondre ainsi, Hugo doit avoir du courage. Il est prévenu en effet que s'il ne peut affirmer le caractère exclusivement politique du crime, on devra le lâcher et laisser faire ceux qui dans le parti veulent, par prudence le "liquider". C’est à grand peine qu'on a obtenu d’eux les quelques heures nécessaires pour sa confession. Pour finir, Hugo qui veut rester fidèle à ses convictions, son meurtre, la mémoire de Hoederer et ses mobiles personnels se livrera aux tueurs du parti en se proclamant lui-même "non récupérable".
On voit immédiatement l'analogie complète de la conclusion avec les théories de Merleau-Ponty : le héros se rend compte que le parti a raison contre lui, car si lui-même a vu juste dans les principes, du moins s'est-il trompé dans les délais et dans l'exécution. Aussi est-ce volontairement que -tel Boukharine lors des procès de Moscou- il met lui-même sa tête sous le couperet de la vengeance. Car ce qu'il appelle être "non récupérable" ce n'est pas refusé, mais (quoi qu'il semble) accepter. Mais si avec tout cela Sartre a vraiment prétendu présenter les problèmes qui assaillent quotidiennement -ou même occasionnellement- les révolutionnaires, mieux vaut tirer l'échelle. Car l'affaire se limite en réalité à des situations propres, non à la lutte révolutionnaire contre le Capital, mais au contraire aux conditions de son maintien.
Les révolutionnaires rejettent en effet le crime politique, le terrorisme, parce qu'il s'opère derrière le dos des ouvriers. L’assassinat a besoin d'ombre, de souterrain, de cagoule, ce qui exclut que, par nature, il puisse convenir même à l'avance, à un mouvement prétendant à instaurer, sous la forme de la dictature du prolétariat, l'exercice de la force par les travailleurs eux-mêmes. Certes la lutte révolutionnaire de prise du pouvoir et sa consolidation initiale n'est plus évidemment ni l'arbitraire, ni l’injustice, ni les procédés expéditifs provisoires, dans la mesure où les circonstances d'une révolution ne permettent pas de faire disparaître par enchantement les vices sociaux engendrées par la division en classe au nombre desquels compte l'usage de la force. Mais ceci n'a rien à voir avec les conspirations terroristes surtout à l'intérieur d'un même parti. La conviction du marxisme révolutionnaire a été proclamé sur ce point depuis un siècle.
D’autre part, le révolutionnaire, admet que la lutte passe par des conditions très diverses, réunis des éléments très dissemblables, bref les hommes tels que la société bourgeoise les connaissent. Par conséquent il ne fait de puritanisme ni sur les "sentiments" ni sur les erreurs. La révolution suscite l'enthousiasme, l'idéalisme le plus pur, le dévouement ; mais elle connaît nécessairement des circonstances où les hommes "pêchent" aussi par brutalité, l'acheter, infidélité. En d'autres termes, lorsqu'il s'agit des comportements individuels, il admet les réactions, les réflexes, les impulsions. Naturellement il ne les idéalise pas. Il a une morale très stricte même, mais celle-ci implique, parce qu'elle est une morale révolutionnaire, le rejet des répressions, des tabous et des punitions. Mais cette conception s'applique aussi bien aux problèmes personnels qu'aux conditions de la lutte car ils sont intimement mêlés. Par exemple un cas comme celui que présente les mains sales où il y a meurtre par jalousie se situe en dehors de la morale révolutionnaire. Un communiste qui est dans la situation d'Hugo trouvant sa femme avec Hoederer, peut admettre cette circonstance ou en souffrir profondément (la morale révolutionnaire ne saurait être sur ce point uniforme). Mais il ne conçoit pas de tuer qui que ce soit pour autant. Pas même lui, car ce serait son cadavre, pour toujours peut-être, qu'il imposerait à quelqu'un qui a le droit de vivre quoi qu'il ait fait. Encore moins par conséquent ira-t-il tirer sur ce que le bourgeois du coin considère comme son rival ! D'un autre côté, rien de cela n'empêche que s'il sort de ses principes sous l'emprise d'une poussée inconsciente (qu'on veuille y voir l'œuvre d'Œdipe ou celle de J. Prudhome) ses camarades ne puissent encore l'estimer au point de vue politique et lui faire confiance sur ce plan. Militer pour le communisme c'est y mettre son être et non pas le retrancher. C’est être homme révolutionnaire pour la révolution de l'homme. C’est donc admettre qu’en tout état de cause des motivations affectives puissent parfois interférer avec celle de la lutte politique. Pourquoi pas après tout ! Cette question n'embarrasse personne, elle laisse calme ceux qui n'ont plus de difficultés qu'il n'est légitime avec leur libido.
S’il y a embarras dans toutes ces histoires c'est ailleurs. Par exemple le cas de ce "militant" tel que l'admet Sartre qui fait davantage figure de mouton que d'autre chose. Il pense que sa conviction est fondée mais rien mais n'en déduit pas moins (voilà précisément le nœud de l'affaire) qu'il doit se livrer aux coups de la racaille. La belle âme révolutionnaire vraiment il se laisse liquider par les procédés du milieu.
Un révolutionnaire, Sartre l'oublie, ne se laisse pas abattre. Moralement peut-être, parce qu'il y a des lois historiques ou découragement, mais aussi parce que seuls les monstres ne connaissent jamais la faiblesse. Mais "physiquement" sûrement pas. Devant les mœurs policières d'un parti dans lequel il milite, et qu'il avait cru jusqu'à ce jour être un parti révolutionnaire, il réalise qu'il s’est fourvoyé en y adhérant, ou sinon c'est qu'il a accepté déjà la résignation, idéologique qui provient de la classe ennemie, de ses prêtres et de ses sbires. Aussi il résiste. D’abord par la lutte, en posant la question sur le plan politique. Les adversaires ont-ils posé le problème avec le cadre de règlement de compte ? lui-même les contraints par son initiative à prendre une position de classe, c'est-à-dire à démasquer qu'ils servent la répression des exploiteurs. Il appelle à la conscience des ouvriers. Si ce n'est pas possible il se soustrait, c'est-à-dire qu'il se cache, éventuellement émigre à l'étranger pour continuer la lutte. Si aucune de ces issues ne subsiste, il reçoit les assassins à coup de pistolet. De toute façon comme l'ont dit : il fait quelque chose. Ni, il ne conçoit d'attendre ni de se livrer. Il cherche avant tout à vivre politiquement et physiquement. Il rejette toute "attitude", et ne voie en aucun cas dans le sang des martyrs une semence de communiste. Il laisse la philosophie de la mort, celle qui accepte ou qui appelle la suppression, aux bureaucrates. Il y voit le complément idéologique nécessaire du système des coupables professionnels, accusés volontaires, bataillon de la mort, hommes torpilles et camp d'extermination. S’il n'agit pas ainsi c'est qu'au lieu de considérer l'organisation comme le moyen par lequel agit pour sa classe, il en fait une fin à la direction de laquelle il se met servilement. Il perd de vue, ce faisant, que ce dernier phénomène révèle le caractère contre-révolutionnaire de l'organisation.
C'est la preuve qu'il a perdu toute vigilance révolutionnaire. Car s'il l’avait conservée, c'est-à-dire s'il se sentait militant et non pas engagé, il rejetterait tout cela avec dégoûts, dédain, révolte. Mis en présence d'arguments qui l'inciterait à la soumission comme le font en fait (n'est pas n'est-ce pas clair ?) ceux de Sartre, il répondrait d'abord par les arguments du philistin avant d'en venir à ceux du philosophe : il poserait la question, comme on l'a fait ci-dessus, sur le terrain politique.
Par conséquent, rien de ce que Sartre anime pour nous sur le théâtre n'a, que ce soit un titre ou un autre, le moindre rapport avec la révolution. Il s'agit tout au plus d'affaires de conspirateurs, de gangsters et de cocus, toutes gens qui n'ont d'existence que par rapport à la vie bourgeoise. Les thèmes, thèses et autres situations de la pièce, enfin les problèmes soi-disant angoissants, s'évaporent en tant que problèmes pour les communistes. Avec "Les Mains Sales" nous sommes ailleurs, tout simplement. Nous assistons à un débat (mené d'ailleurs avec un tel talent dramatique et une telle précision de penser qu'on est littéralement tenu pendant trois heures) qui nous situe en effet -par le truchement du stalinisme- à l’intérieur de la bureaucratie politique du capitalisme d'état.
On dira peut-être que Sartre ne reprend pas à son compte les personnages qu'il peint : ce sont des staliniens, que lui-même rejette. Les montrer tels qu'ils sont c'est dans son esprit, les condamner.
Très juste. Nous ne prétendons en aucun cas dire le contraire. Mais comment, pour employer le langage des pédagogues de lycée, la morale, l'enseignement de la pièce, se tirent-il ? voilà la question. Le fait que ni l'une ni l'autre ne sortent du cadre de mœurs stalinienne, du moins si nous admettons qu'elles sont bien ce que Sartre nous en dit (même cela serait avoir) fournit déjà une réponse. Car enfin Sartre ne fait œuvre dans "Les Mains Sales" ni d'anatomiste ni de zoologue. Il ne se limite pas à une description, ce qui serait absurde et retirerait à la pièce toute valeur comme telle. Sarthe pose un problème. Dans la manière de le situer siège nécessairement les éléments de la réponse. Il n'y a pas moyen de s'évader de cette situation. Or la manière dont le problème est ici posé, enfin le problème lui-même, est propre à la bureaucratie et n'existe pas pour les révolutionnaires. Cela détermine de toute façon le sens de classe -inéluctable- de l'œuvre. C'est un cri autrement subtil que celui de Steinbeck. Là on nous parlait ouvertement de l'État et de ses "privilèges" : les ouvriers. Ici, par contre, c'est à travers la situation dramatique qu'on se trouve amené à dégager le son. Toutefois le sens -sens bourgeois bureaucratique- apparaîtra peut-être mieux si nous recourons à des exemples parce qu'on se situant par rapport au cadre général ceux-ci lui donneront plus de relief.
Un premier exemple déjà fourni par le type social et psychologique d'Hugo. Sartre l’a pêché dans des eaux où il arrive à lui-même de voir nager des staliniens : les eaux basses du Café de Flore. C’est un bourgeois, nous avons dit, mais d'un genre qui ne produit qu'exceptionnellement des révolutionnaires : le fil du faiseur de sous dans les affaires. C’est le jeune gars à chemise de soie et bagnole qui, bien qu'irrésolu est en fait plus bagarreur que combattant. C’est un intellectuel, nous dit-on, et cela est le plus incroyable. Comment ? Sartre, universitaire, philosophe, essayiste, auteur dramatique, et "engagé" de Rassemblements, nous présente un gaillard qui doit ses titres de culture à ce qu'il transporte avec lui des extraits de Hegel ! il est docteur en droit. Allons donc ! Sartre sait mieux qu'un autre qu'un "docteur en droit" n'est nullement un intellectuel, même s’il lit Hegel parce que c'est une bible du parti. Ce personnage pour bars "de gauche" n'a rien de tel, ni ses cravates ni ses réflexions. Encore moins n'a-t-il rien d’un l'intellectuel révolutionnaire. Cela montre que Sartre lui-même n'a aucune notion, pour aussi "révolutionnaire" qu'il se prenne, du procès de réflexion et de renouvellement de soi par lequel un jeune bourgeois vient à la révolution pour des mobiles de connaissance, pour s'efforcer à comprendre "à force d'études -comme le dit Marx- le procès de l'histoire. À plus forte raison par une révolte contre l'exploitation dont il vit. Il est vrai que le type d'Hugo existe bien parmi les staliniens d'après 1942 -surtout d'après 1944. Encore même là est-ce approximatif. Mais c'est précisément un indice parmi tant d'autres du caractère capitaliste des partis "communistes".
Un deuxième exemple illustre aussi la situation, c'est lorsque ce personnage est confronté avec des ouvriers. Car, dans la pièce, le prolétariat est sur la scène, authentiquement : du moins Sartre le croit-il, ce qui n'est pas pareil.
Le "prolétariat" est figuré par deux ouvriers qui, mitraillette en bandoulière sert de garde du corps à Hoederer. Ce sont deux "brutes", telle est l'opinion d'Hugo, qui leur jette d'ailleurs en pleine figure. Ces deux malheureux ont été placés là par le parti, lequel leur a fait troquer outils contre armes automatiques. Inutile de dire que ni eux ni Sartre -si l'on peut dire- ne comprennent qu'ils n'ont rien d’un détachement d’une milice ouvrière en insurrection, mais qu'ils sont simplement des formations paramilitaires dans l'appareil politique qui tend à s'installer, à travers une situation de guerre, dans les rouages de l'État bourgeois. Ils ne sont responsables devant rien, et pas davantage il n'assume une responsabilité de contrôle : ils sont au service de la direction supérieure du parti dans une guerre engagée pour le partage de l'Europe. Ils ont déjà quitté une bonne part de leur caractère de classe. Il parle de tuer, non de gérer ? surtout, il ne se donne pas pour tâche de comprendre, mais d'exécuter. On le voit bien dans le rapport avec Hugo.
Celui-ci, les subis, c'est bien le mot. Il y a un obstacle. Figurez-vous : ils n'ont pas Hegel dans leurs valises. En bon gardes du corps déclassés par le stalinisme, ces deux hommes pensent d'ailleurs d’eux-mêmes, que les préoccupations ne sont pas leurs affaires. Ils le disent et ils se font répondre par Hugo que leur sort est enviable. "Je souhaiterais avoir comme vous une tête de brute qui n'a pas besoin de penser leur réponds à peu près celui-ci". Cela m'éviterait les préoccupations les hésitations, les problèmes, je pourrais agir sans penser. Voilà comment la pièce nous présente de soi-disant communistes intellectuels et ouvriers car à aucun moment il n'y a lieu de penser qu'ils ne sont pas tenus pour tel, par Sartre. Personne ne leur oppose une conscience d'ouvriers ou d'intellectuels révolutionnaires, nul se refuse, nulle censure. Pas un personnage, bonne situation révélant que de tels états de conscience qui "accepte la division capitaliste entre l'esprit et les mains" ne sont rien moins que l'expression idéologique de la bourgeoisie, que cette acceptation vient de l'une ou l'autre des parties en cause. C’est que, malgré les apparences ou la prétention, on reste dans le cadre du stalinisme, tel que celui-ci apparaît à Sartre. Et l'ouvrier prend nécessairement la figure que le bourgeois réactionnaire ou le bureaucrate veulent bien lui donner.
La pièce de Sartre, critique prétendue du stalinisme d'une portée que d'aucun croient valable pour la révolution, et donc simplement une pièce bourgeoise située du point de vue de la bureaucratie.
Ce jugement peut à première vue surprendre. Les staliniens ont écumé, et les critiques littéraires et autres de leurs feuilles ont déployé comme à l'ordinaire le cortège de leurs grossièretés. bien sûr ils ont dit aussi, comme nous qu'il s'agissait d'une pièce "bourgeoise" ce qui est amusant dans leur bouche. Mais par-là, il rattachait l'idéologie de l'œuvre, naturellement, à la bourgeoisie qui relève de la propriété privée, c'est-à-dire pour eux, qui correspondent à des couches bourgeoises liées à la propriété d'État capitaliste, l'ennemi numéro un après le prolétariat. D’où leur fureur et leur erreur. On comprend bien que notre point de vue est opposé aussi à celui-là.
La critique stalinienne se trompe en effet. Son simplisme sert à cacher une mauvaise cause. En insistant -car ce fut un de leur thème- sur le fait que le "tout-Paris" se pressait à l'orchestre des "Mains sales", pour dégager leur sens de classe, les staliniens camouflent la situation. Il est bien vrai qu'au théâtre Antoine, le spectacle est autant dans la salle que sur les planches, pour autant que ce qu'on pouvait y voir puisse amuser. Le public s'emble sortir des gravures de mode. Plumes, fourrures et cigare donnent leur marque à l'atmosphère et les travées empestent le parfum trop abondant. Statistiquement, dans le public, les mentons niais et doux des monopoleurs l'emportent de loin en nombre sur les faces aigres des bureaucrates. Or, le public ne donne pas directement son sens à la pièce. Il faut voir la chose sous un angle plus historique.
La question fondamentale, et qu'il faut bien comprendre, c'est que cette pièce qui est conçu comme une charge féroce contre le stalinisme ne sort rien des problèmes soulevés par lui. C’est sur le plan philosophique qu'il faut juger une telle pièce, pas seulement sur le costume social des Saint-Georges et des Dragons qui sortira sur la scène.
Par conséquent même en admettant que les vues de Sartre débordent du cadre étroit du stalinisme, de toute façon, elles ne sortent ni des problèmes philosophiques ni des idéologies auxquelles, par rapport à la situation actuelle du capitalisme, le stalinisme fait le pendant dans la politique. Le dilemme tragique qui fait toute la pièce, qui vaut l'opposition entre Hoederer et Hugo, l'assassinat du premier par le second, enfin l'attitude finale du jeune docteur en droit vers qui, se proclamant lui-même non récupérable, se fait exécuter par les flics de son parti plutôt que de s'insurger et de passer à la révolution, ce dilemme n'existe qu'en fonction de la bureaucratie et de la police du capitalisme d'État. L’acceptation par Sartre de l'idée qu'un tel dilemme existe suffit à ranger ses développements philosophiques, même critique, dans une "rationalisation" de la bureaucratie. De même on irait-il d'un juriste qui théoriserait sur la propriété, même avec l'idée de la détruire en fait, il ne sortirait pas des problèmes de droit propre à la classe des propriétaires.
Par conséquent, l'engouement pour la pièce des classes bourgeoises liées à la propriété privée, ne doit en rien faire illusion. Certes ces classes haïssent l'État, c'est-à-dire en principe le leur, surtout aujourd'hui qu'il devient l’épine dorsale d'une forme structurelle du capitalisme qui, s'en prend à la propriété monopoliste. C’est bien pour cela qu'une charge apparente contre le stalinisme suscite leurs jubilations, parce que celui-ci représente l'aile marchante de l'étatisation. Néanmoins la bourgeoisie monopoliste, ni aucune autre classe de la bourgeoisie prise dans son ensemble n'est aujourd'hui extérieure au capitalisme l'état même si elle le croit et si pour partie elle s'y oppose. La logique du capital opère dans le sens du capitalisme d’État, et chaque couche bourgeoise en devient une fonction. Cela, c'est le monde d'aujourd'hui, dans lequel les courants "libéraux" de la bourgeoisie prennent, une fois au pouvoir des mesures étatistes. Au siècle dernier "Les Mains sales" étaient inconcevables et même si nous admettons par l'absurde quelles l’étaient, du moins pouvons-nous affirmer qu'elles n’eurent suscité que l'horreur et non l’attrait parmi la bourgeoisie. Le fait qu'elle applaudit aujourd'hui est un signe de sa capitulation devant l’État. En réalité la critique sartrienne du stalinisme ne change pas davantage le sens de classe de la philosophie de Sartre que l'éviction des ministres staliniens du gouvernement en 1946 n'a changé quoi que ce soit le caractère social de la production et de l'État capitaliste en France. Avec ou sans ces ministres, le régime reste celui du capitalisme d'État. La présence des staliniens nécessaires lorsque, mines, usines, transports, banques et assurances devenaient au nom du "socialisme" la propriété de l'État capitaliste en mal de plus-value, ne l'est plus dès qu'il s'agit seulement de la maintenir et aussi de ranger l'impérialisme français dans le bloc anti-soviétique. Dans la première période Sartre était "impressionné" par le stalinisme et sous la plume de Merleau-Ponty, la philosophie sartrienne de l'existence nationalisait les procès de Moscou ; dans la seconde se sentant plus dégagé, Sartre passe désormais à la satyre, mais toujours en fonction des mêmes principes. Il reste stalinien d'esprit.
L'essence philosophique de sa démarche, les fondements dont elle procède, des astuces sur l'engagement aux angoissantes prisons morales des "Mains Sales", sont les mêmes qu'avant et il conserve le même caractère de classe. Il procède des imbroglios psychologiques du système bureaucratique. Ces éléments et même leur critique telle qu'elle est entreprise dans la pièce n'ont pas de sens pour la révolution.
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"Les raisins de la colère" et "Les Mains Sales » constituent donc une unité. Les deux œuvres ont un sens social analogue, et le fait qu'elles ont paru simultanément en France cette année n'est que l'accident qui permet le rapprochement dans cet article. La vérité est qu'ensemble, sous le couvert d'étiquettes révolutionnaires elle reflète le capitalisme d'État et sa bureaucratie. Elle marque une étape de la conscience sociale telle que l'exprime l’œuvre d'art écrite. Leurs différences tiennent seulement à une inégalité de développement entre l'Amérique et l'Europe et à une différence dans des conditions historiques. En effet l'Amérique possède encore un puissant système monopoliste, fissuré certes, déjà engagé sur la voie de la décadence. Le New Deal ; les nationalisations du temps de guerre, et aujourd'hui de nouveaux contrôles d'État le prouve abondamment. Mais le capital Monopoliste américain comme forme du capital, est encore intact. Il s'est étendu pendant la guerre. Les monopoleurs sont toujours là, et si des rapports de fusion se dessinent déjà avec l'appareil, ils sont l'œuvre des monopoleurs eux-mêmes qui s'installent dans l'administration. Bref toutes les choses égales d’ailleurs (l'histoire ne se répétant pas), le capitalisme américain en est à une situation qui rappelle celle de l'Europe pendant l'entre-deux-guerres. On en est encore qu'à l'étatisme et le fait que la reconversion, c'est-à-dire le retour des industries d'État au capital privé, a été possible en 1945 prouve qu'elle est encore sa vitalité. Si l'on se fie à l'expérience de l'Europe qui passa de l'étatisme de contrôle à la propriété d'État entre 1930 et 1945, avec la deuxième guerre mondiale, on peut penser que la politique d'État suivi depuis le New Deal est l'annonce d'un développement analogue aux États-Unis. La troisième guerre mondiale et les décades à venir en décideront. C’est une hypothèse qu'on a déjà envisagée plus haut. Mais pour l'instant il s'agit davantage d'une orientation que d’un achèvement. Aussi, compte tenu des particularités de l'histoire des États-Unis, les formes préparatoires du capitalisme d'État se limitent-elles aux interventions sous le couvert des formes politiques traditionnelles. Elles s'inspirent des préceptes économiques fort restreint de Keynes : déficit budgétaire, syndicalisme et travaux publics. C’est ce que traduisent les "Raisins de la colère" qui du point de vue de leur signification sociale ne dépassent pas le cadre du syndicalisme et des chantiers gouvernementaux.
En Europe, la situation est inverse. Là se trouve l'épicentre de la décadence impérialiste. Le capital monopoliste est abattu. Le monopole d'État le remplace dans les secteurs primordiaux. Les rapports de classe sont tout autres. L’état détenant l'essentiel des moyens de production et d'échanges dans certains pays -et c'est le cas de la France- donne à la bureaucratie et elle ses ramifications un poids qui entre en balance avec celui de la bourgeoisie monopoliste. Important économiquement, la bureaucratie développe ses armes politiques propres de pouvoir. Elle compte des alliés dans la société. Elle usurpe la phraséologie révolutionnaire. Son aile "avancée" s'organise à travers les partis politiques issus de l'ancien mouvement ouvrier, partis qui deviennent des réservoirs d'hommes pour ses équipes. C'est donc seulement en Europe que peuvent se discuter des problèmes tels que celui des "Mains Sales", qui suppose que la bureaucratie a déjà posé, à travers les partis, tel que le parti stalinien, des problèmes politiques de gestion bureaucratique. Ce qui se traite dans la pièce de Sartre indique donc un stade plus avancé de décomposition du capitalisme, un arrêt plus prononcé de l'accumulation, un "plan" économique, enfin une bureaucratisation des mœurs et des esprits plus fortes que ce n'est le cas aux États-Unis, où une telle pièce n'est pas encore concevable, comme production du cru.
D'autre part, les différences historiques de cultures apparentes aussi le cadre de Sartre à celui de Steinbeck. Les conditions de l'histoire font dès aujourd'hui, de la bourgeoisie américaine une classe barbare culturellement, aussi conçoit-on qu'elle pose ses problèmes dans l’œuvre dramatique, par des exemples concrets, un examen empirique. Les paysans fournissent ici un type. En Europe, en France, c'est différent. La bourgeoisie française a eu une haute culture, donc elle épuise aujourd'hui les restes et, hormis les périodes basses de la barbarie médiévale reprend le dessus, comme avec Pétain, c'est ailleurs que dans les campagnes, quelle porte ses spéculations. Elle reste philosophe. Elle pose encore les questions, mieux les fausses questions, sur le plan philosophique, tentant de donner une valeur universelle aux drames qui traduisent sa crise sociale. C’est, là aussi, une grande différence qui prouve, que à l'inverse de ce qui se passe en Amérique, sa vitalité intellectuelle dure plus longtemps que sa vitalité économique.
Sans doute, la valeur des problèmes traités, leur ampleur comme leur sens, a-t-il profondément échappé aux deux écrivains convient de rapprocher. Il est sûr qu'en aucun cas, ils n'ont pas prétendu frayer délibérément les voies à un cinéma et un théâtre, pour lesquels la bureaucratie viendrait exprimer ses aspirations et ses angoisses sur la scène. Ils n'ont pas eu conscience de l'avoir fait. Nul doute qu'ils ignoraient vers où va l'accumulation du capital. Steinbeck comme Sartre, cherchaient à œuvrer, sur le plan philosophique et artistique, dans un sens qui aide l'homme à se dégager de l'asservissement capitaliste. Il n'y a aucune difficulté à admettre, si l'on veut, leur résolution sur ce point. Encore qu'il ne faille prendre les honnêtes gens pour aussi sot qu'on voudrait bien le croire. Car enfin pour Steinbeck, l'attitude politique ne va pas -d'après ce que nous croyons savoir- au-delà de coup d'œil langoureux vers le stalinisme, comme il est fréquemment de règles parmi les meilleurs des écrivains américains, il n'en va pas de même pour Sartre.
Celui-ci, pris à son piège a, voici quelques mois, jouer à l'engagé politique, et une critique de la portée sociale de sa pièce ne serait l'oublier. Il figure publiquement sur la tribune d'un mouvement politique, qu'il a contribué à fonder : le Rassemblement Démocratique Révolutionnaire, lequel, après quelques mois, a déjà atteint la liquéfaction à laquelle il était destiné. Or le RDR, si on s'en tient aux articles publiés par sa presse s'est proposé comme but avoué de renoncer à l'appel direct au prolétariat, préférant "rejoindre" cette classe par le truchement de la petite bourgeoisie. On proclame qu'il s'agit de remplir le vide creusé par la désagrégation du parti socialiste -petit bourgeois s'il en est- vide, nuisible à l'équilibre français. On appelle au soutien de la social-démocratie allemande, forces collaboration collaborationniste qui sert de point décisif d'appui à l'impérialisme anglo-américain. Tout cela, qui ressorti à la politique du Capital, ne peut-être ignorer, et fournit un contexte instructif aux "Mains Sales" qui vient renforcer notre thèse. Mais même si par une négligence coupable, nous décidions, par respect pour la valeur authentique d'écrivain des deux hommes, de tenir leur démonstration politique respective, pour des pantalonnades qui n'engagent pas directement leur œuvre comme artiste, ou comme penseur, si nous acceptions l'idée qu'il se prennent de parfaite bonne foi, pour des écrivains révolutionnaires, il resterait néanmoins que dans les deux échantillons que nous avons examiné de cette œuvre. Ils ont en réalité, assimiler le capitalisme en général à l'une de ses formes, et de ce fait plaidé le contraire de ce qu'ils voulaient. Aussi leur tragédie est-elle moins celle qu'ils écrivent que celles dont ils sont acteurs. L'événement grave si l'on en tient compte du fait qu'aujourd'hui, il domine également le prolétariat, c'est de dégager cela et non de dénigrer ce qui nous semble important et utile. Ecrivains bourgeois comme prolétaire sont pris dans la même contradiction, voilà l'enseignement capital ; leur action présente, dans l'art pour les uns et la lutte politique pour les autres, parce qu'elle ne s'exerce pas dans le sens de la révolution, quelques soient leurs illusions à cet égard, ne conduit qu’a aidé à l'asservissement de l'homme, à l'élaboration des états de conscience "révolutionnaire" dont le capitalisme d'État a besoin pour se développer. En appelant l'homme à s'affranchir d'une structure dépassée du capitalisme, mais sans quitter en fait le plan propre du capital, artistes bourgeois et ouvriers détournés de la lutte "révolutionnaire", participe en réalité à son asservissement plus forcené sous une nouvelle structure plus décadente. C’est la preuve que le sort de l'art et de la conscience est le même que celui du prolétariat, le destin des drames littéraires identique à celui des drames sociaux.
C’est aujourd'hui, le sort de tous les "hommes de bonne volonté", que de faire comme Steinbeck et Sarthe. Ainsi le veut l'histoire, qui dans les sociétés divisées en classe se fait toujours à l'encontre des intentions, lorsqu'on n'est pas le fruit d'une conscience claire de la révolution.
Morel
P.S. : Je voudrais dire quelques mots personnels pour les lecteurs de cette revue. La théorie encore incertaine à laquelle je souscris qui voit dans les transformations du capitalisme contemporain, y compris le secteur "soviétique", l'avènement d'une nouvelle forme structurelle : le capitalisme d'État, forme succédant au monopole, ne trouvera sa confirmation théorique et historique que si elle permet d'expliquer, outre les conditions actuelles de l'accumulation du capital, les autres manifestations de la société traduisant ses conditions. Au premier rang de celles-ci ne se trouve l’art. mais ce ne serait vrai aussi pour le droit, la religion, la science etc. ; et en général toutes les formes de la culture. Ou elle expliquera ou elle échouera dans sa tentative d'expliquer. Là, est la preuve qu'il ne faut en aucun cas éviter de tenter quelle qu'en soit l'issue.
Le présent essai est une tentative de ce genre. Elle voudrait être une suggestion et seulement cela. À ma connaissance c’est une des toutes premières. Si elle reçoit une volée de bois vert et s'effondre effectivement sous les coups de la critique, d'où qu'elles viennent pourvu qu'elle porte, cela aiderait d'une manière d'une certaine manière à examiner, approfondir ou réviser ce que la théorie du capitalisme d'État sous tous ses aspects, a encore de profondément et désespérément infantile. Comme cette théorie pose elle-même des problèmes de théorie économique extrêmement difficile à résoudre dans l'état actuel des connaissances et de l'expression historique, il est bon d'étayer dès maintenant ce qui n’est encore que le résultat (quoi qu'on en dise parfois) d'une vue intuitive mais encore correcte de la philosophie de l'histoire par des examens détournés. Puisse cet écrit ouvrir la boîte à ceux que leur formation prépare spécialement à ces travaux.
M.
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