La publication de l’enquête de Victor Castanet, Les Fossoyeurs, a remis sur le devant de la scène médiatique le traitement barbare auquel sont soumises d’innombrables personnes âgées dans les maisons de retraite. Bien sûr, la bourgeoisie, gouvernement en tête, a feint la stupéfaction : Comment ? On maltraite les vieux dans les EHPAD ? C’est une « révélation » fracassante ! Alors, branle-bas de combat ! Convocation du directeur chez la ministre de l’Autonomie ! Indignation gouvernementale ! Enquêtes administratives !…
Quel cynisme ! Quelle ignominie de la part de tous ces faux indignés ! Ce n’est pourtant pas la première fois que de tels scandales éclatent. Si ces récentes publications ont le mérite de remettre sur le tapis des pratiques choquantes à grande échelle, elles n’ont de « révélations » que le nom. Il suffisait d’écouter, parmi tant d’autres, le cri de détresse du personnel de la maison de retraite des Opalines à Foucherans dans le Jura, en grève pendant cent jours, en 2017 ! Ou la colère des aides-soignants lors de la grève nationale de 2018 ! Ou les alertes répétées des familles restées lettres mortes pendant des années ! Il suffit de prêter l’oreille à l’angoisse des anciens redoutant l’heure fatidique où, faute de solutions, il faudra bien quitter la maison et rejoindre un EHPAD. La stupéfaction indignée de la bourgeoisie n’est qu’une triste farce car tout le monde sait pertinemment comment sont traitées les personnes âgées dans la plupart des établissements !
Partout, dans le privé comme dans le public, la politique des directions est, dans le fond, similaire : réduction drastique des coûts, y compris pour la bureaucratie d’État dans les établissements publics, obsédée par les chiffres de ses tableurs Excel, rentabilité et profits coût que coût dans les établissements privés. Partout, des contrats précaires pour ajuster le personnel en fonction du taux d’occupation des chambres, le manque chronique de matériel basique (gants, papier toilette…), bas salaires et formations insuffisantes. Tout cela ne peut que générer de la souffrance au travail pour les employés et de la maltraitance pour les « résidents ». Les salariés subissent non seulement une exploitation féroce et une course à la rentabilité les contraignant à traiter les personnes agées comme de la marchandise (sous peine de perdre leur boulot), mais ils sont aussi régulièrement culpabilisés par des directions qui, pour se dédouaner à l’annonce du moindre scandale, n’hésitent pas à pointer les « besoins en formation » (en langage clair : l’incompétence du personnel !). Devoir traiter de façon si indigne des personnes vulnérables qu’on côtoie au quotidien et avec qui on noue, forcément, des liens affectifs, c’est aussi une immense souffrance psychique : « On sait bien qu’on n’habille pas bien, qu’on ne lave pas bien. Faire face aux familles sachant ça, c’est dur », disait déjà une aide-soignante lors de la grève de 2018. (1)
Quant à la « clientèle » (parce qu’il ne s’agit, finalement, que de cela !), les conditions d’existence sont tout bonnement révoltantes. Les sous-effectifs se traduisent par des toilettes bâclées et irrégulières parce que le temps dont dispose le personnel pour des personnes dépendantes est souvent de moins de dix minutes, par des petits vieux dormant parfois dans leurs urines parce que les deux aides-soignantes de nuit sont débordées et que les « résidents » n’osent pas déranger, ou par des assistances au moment des repas de cinq à six personnes en même temps, voire plus… La maltraitance est parfois cauchemardesque : les cas de malnutrition ou de déshydratation, voire de brutalisation physique, sont nombreux. Des témoignages ont même rapporté que des personnes âgées tombées au sol n’étaient pas relevées pendant des heures et que d’autres, en pleine crise de démence, étaient enfermées dans leur chambre, comme en prison. Les 390 pages du livre de Victor Castanet sont pleines de scènes plus ignobles les unes que les autres.
Pour le capitalisme, les vieux, comme les handicapés, les marginaux ou les clochards, ne sont que des bouches inutiles à nourrir, des improductifs aux yeux de l’État et des patrons, des « assistés », tout juste bons à se faire « plumer » par des rapaces comme ceux du groupe Orpea. Dans les sociétés du passé, les anciens étaient respectés parce que leur expérience était un trésor à transmettre aux générations futures. Dans le monde sans lendemain de la bourgeoisie, la « personne dépendante », si elle veut survivre, doit être solvable, parce que les maisons de retraite, au même titre que n’importe quelle entreprise, doivent faire l’objet d’un « retour sur investissement ». Pour ce faire, tous les moyens sont bons pour rogner sur les coûts et employer un minimum de personnel.
Mais toute la campagne médiatique et la fausse indignation du gouvernement contre le « cynisme pur » de ce « groupe privé » n’est qu’une tartuferie ! D’abord parce que l’État finance grassement ce juteux business et qu’il est censé assurer un contrôle, via les Agences régionales de santé notamment, d’une inefficacité criante : il faut dire que les effectifs d’inspecteurs n’ont cessé de fondre d’année en année.
Mais, surtout, dans les maisons de retraite publiques, la situation n’est pas meilleure ! Partout, les mêmes coupes budgétaires et les mêmes suppressions de poste ont engendré la même maltraitance et la même souffrance au travail. Contrairement aux balivernes des gauchistes, défenseurs zélés de l’État « social », ce dernier n’échappe pas à la logique capitaliste de la rentabilité. Face à la concurrence sans limite entre nations, il doit aussi assurer la rentabilité maximum dans ses services, minimiser les coûts et maximiser l’exploitation. Pour l’État, le bien être des vieux, surtout ceux de la classe ouvrière, ne sont pas un investissement profitable mais une charge insoutenable. Dans un contexte de décomposition des rapports sociaux qui fondent toute vie en société, même le plus simple vernis « morale » n’a plus prise : si l’État accepte de « prendre en charge la dépendance », c’est parce que s’occuper à plein temps de personnes âgées est un frein à l’exploitation de leurs enfants qui doivent, par contre, assurer l’énorme charge financière. Le soi-disant « État providence », « garant » de la « solidarité », n’est qu’un mythe ! Dans la réalité, c’est le plus féroce et le plus cynique de tous les patrons !
En polarisant à nouveau la responsabilité des violences dont sont victimes les personnes âgées sur tel ou tel « groupe privé », sur tel ou tel directeur crapuleux, sur tel ou tel « manquement dans les contrôles », la bourgeoisie et ses médias cherchent, encore une fois, à détourner l’indignation du prolétariat du terrain de la réflexion sur les racines de cette barbarie. La violence dans les rapports sociaux et la maltraitance dans les maisons de retraite sont non seulement à l’image de la barbarie du capitalisme, mais elles en sont également le produit direct.
EG, 5 février 2022
1« Chez Orpea, la fin de vie se paye au prix fort », Mediapart (29 janvier 2018). Signalons que l’article date de 2018 et concernait déjà le groupe Orpea aujourd’hui mis sur le banc des accusés.
Dans la première partie de l’article [5], nous avons mis en évidence que ce sont les fondements économiques qui déterminent la composition de la classe ouvrière, fondements économiques sur lesquelles la bourgeoisie tente de mettre un voile en opérant un tour de passe-passe idéologique visant à faire croire que la classe ouvrière n’existe plus. Cette base économique détermine les oppositions de classe et, donc, la lutte de classe. Cette deuxième partie vise à répondre aux courriers de la camarade Pomme au sujet du rapport de force entre les classes. Rappelons d’abord la façon dont la camarade expose le problème dans son courrier (1) : « le matérialisme dialectique permet de comprendre que l’histoire des hommes repose sur une dynamique, un processus fruit des antagonismes de classes et que ces classes se définissent, donc, dans et uniquement dans ce rapport de force ».
Plus loin, la camarade rajoute : « La frontière de classe se réalise et se pense dans la lutte : quels sont les mouvements, les discours et les prises de position qui correspondent aux nécessités révolutionnaires du prolétariat et de ce fait apparaît qui appartient au prolétariat ou non. […] Le prolétariat en tant que classe n’existe qu’au sein de la lutte, non dans le sens où il n’existerait que dans les périodes de mouvements ouvriers, mais que son existence ne peut se penser que dans le rapport de force qui l’oppose à la bourgeoisie ».
La vision développée par la camarade l’amène à défendre une vision schématique du processus de développement de la conscience de classe et du combat pour la perspective révolutionnaire. Si les luttes en tant que telles en sont un des creusets, elles n’en forment pas le seul terrain. Pour la camarade, ce combat semble se réduire essentiellement à une réaction à son exploitation. Mais c’est perdre de vue que ce combat, portant en lui la perspective révolutionnaire, repose avant toute chose sur une vision historique.
C’est sur la base de la défense de ses intérêts économiques que le prolétariat pourra retrouver son identité de classe, condition indispensable pour développer son combat révolutionnaire et intégrer toutes les oppressions générées par le capitalisme. Contrairement aux classes révolutionnaires du passé, la classe ouvrière ne peut pas construire son projet de société au sein de l’ancienne société, le communisme étant la négation de l’exploitation et de la propriété privée des moyens de production qui permet cette exploitation. C’est un immense défi pour la classe révolutionnaire, car il s’agit de libérer l’humanité des chaînes de l’exploitation, ce dont aucune des classes révolutionnaires précédentes (comme la bourgeoisie contre le système féodal) n’a jamais été porteuse. Or, le chemin qui mène à son émancipation est semée d’obstacles dressées par la bourgeoisie qui tente d’entraver le combat révolutionnaire de la classe ouvrière en exploitant ses illusions, son manque de confiance en elle. Une telle dynamique n’est pas linéaire, mais plutôt en dents de scie, avec des phases d’avancée et des phases de reflux, déterminant ainsi le rapport de force entre les classes. Comme le prolétariat est une classe exploitée au sein de la société bourgeoise, il subit tout le poids des idées dominantes qui sont celles de la classe dominante et en même temps, étant au cœur des contradictions du capitalisme, il est amené à s’opposer à lui et à se projeter dans l’avenir. C’est cette caractéristique du prolétariat qui donne à sa lutte un caractère heurté, où chaque période de reflux permet cependant de tirer les leçons de ses expériences afin d’enrichir la conscience de la classe ouvrière.
Rappelons que Marx et Engels ne sont pas les « inventeurs » de la lutte de classes, ce phénomène avait déjà été mis en évidence par des penseurs bourgeois avant eux. En revanche, leur apport théorique réside dans le fait que cette lutte de classe porte en elle un projet de société radicalement opposé au capitalisme : le communisme. Tant que les conditions matérielles n’étaient pas réunies, le développement des forces productives restant insuffisant et la classe porteuse de ce projet pas encore totalement constituée, le communisme ne pouvait être qu’une « belle idée ». Le développement de l’exploitation capitaliste et les premiers conflits entre bourgeois et prolétaires sécrétèrent au sein de la classe ouvrière les premières esquisses d’un programme communiste, présentées de façon rudimentaire certes, mais qui font partie du patrimoine du prolétariat, comme la conjuration des Égaux et les écrits de Babeuf sous la Révolution Française de 1789. Chaque grande étape des luttes ouvrières apporta des améliorations et une clarification de ce projet : les insurrections de 1848, la Commune de Paris en 1871, la grève de masse en Russie de 1905, la vague révolutionnaire de 1917-1923. Toutes ces expériences sont le fruit d’un combat dans lequel évolue la conscience, les leçons restant inscrites dans la mémoire historique du prolétariat. C’est la traduction pratique de ce que disaient Marx et Engels dans le Manifeste du Parti communiste : le capitalisme a créé son propre fossoyeur. Ses seules armes sont sa conscience et son organisation, son unité grandissante au-delà de toute division de sexe, de race, de religion et de nation. La révolution communiste sera donc le produit historique du combat titanesque entre la bourgeoisie et le prolétariat et non le produit d’un simple rapport de force saisi à un moment donné de manière abstraite, en dehors de tout contexte et sans avoir au préalable analysé où en est la lutte de classe, dans quel contexte historique elle évolue, où en est le prolétariat, quelle est la stratégie de la bourgeoisie… Pour le dire plus simplement, nous ne pouvons pas analyser le rapport de force entre les classes si nous ne le remettons pas dans un cadre historique. La condition nécessaire pour que ce projet aboutisse étant que la classe qui en est porteuse en soit consciente.
Dans sa contribution, la camarade nous dit : « Je souscris à cette description qui pose clairement la place occupée par le prolétariat dans les rapports de production (elle est une classe exploitée) et qui détermine le caractère révolutionnaire de la classe ouvrière ». Or, le fait d’être une classe exploitée ne suffit pas pour être une classe révolutionnaire. Dans le capitalisme, au niveau mondial, il existe des paysans pauvres exploités par des États, des banques ou des usuriers qui prélèvent, sur le fruit de leur travail, des impôts, ou des intérêts sur des dettes contractées pour pouvoir subsister. Comme nous le disons dans la Revue Internationale n° 73 : « En réalité, dans la mesure où l’abolition de l’exploitation se confond, pour l’essentiel, avec l’abolition du salariat, seule la classe qui subit cette forme spécifique d’exploitation, c’est-à-dire le prolétariat, est en mesure de porter un projet révolutionnaire. Seule la classe exploitée au sein des rapports de production capitalistes, produit du développement de ces rapports de production, est capable de se doter d’une perspective de dépassement de ces derniers. » Dans ce même article, il est indiqué : « le capital a concentré la classe ouvrière dans des unités de production géantes, qui n’ont rien à voir avec ce qui pouvait exister du temps de Marx. En outre, ces unités de production sont elles-mêmes, en général, concentrées au cœur ou à proximité de villes de plus en plus peuplées. Ce regroupement de la classe ouvrière, tant dans ses lieux d’habitation que de travail, constitue une force sans pareil dès lors qu’elle sait le mettre à profit, en particulier par le développement de sa lutte collective et de sa solidarité. Une des forces essentielles du prolétariat est sa capacité de prise de conscience. Toutes les classes, et particulièrement les classes révolutionnaires, se sont données une forme de conscience. Mais celle-ci ne pouvait être que mystifiée, soit que le projet mis en avant ne puisse aboutir (cas de la guerre des paysans en Allemagne, par exemple), soit que la classe révolutionnaire se trouve obligée de mentir, de masquer la réalité à ceux qu’elle voulait entraîner dans son action mais qu’elle allait continuer à exploiter (cas de la révolution bourgeoise avec ses slogans “Liberté, Égalité, Fraternité”). N’ayant, comme classe exploitée et porteuse d’un projet révolutionnaire qui abolira toute exploitation, à masquer ni aux autres classes, ni à lui-même, les objectifs et les buts ultimes de son action, le prolétariat peut développer, au cours de son combat historique, une conscience libre de toute mystification. De ce fait, celle-ci peut s’élever à un niveau de très loin supérieur à celui qu’a jamais pu atteindre la classe ennemie, la bourgeoisie. Et c’est bien cette capacité de prise de conscience qui constitue, avec son organisation en classe, la force déterminante du prolétariat ».
La camarade nous dit « la frontière de classe se réalise et se pense dans la lutte » et précise par la suite : « quels sont les mouvements, les discours et les prises de position qui correspondent aux nécessités révolutionnaires du prolétariat et de ce fait apparaît qui appartient au prolétariat ou non ». Contrairement à ce que dit la camarade, les frontières de classe ne se définissent pas au cours de la lutte, elles sont le produit historique du combat de classe. Si la classe, à chaque fois qu’elle lutte, devait ré-expérimenter les leçons que nous a léguées son combat historique, son combat révolutionnaire s’en trouverait affaibli et son but historique risquerait de ne pas se réaliser. Prenons l’exemple des syndicats, auxquels la classe doit se confronter pour développer son combat. Les leçons tirées de l’histoire de la lutte de classes nous permettent d’affirmer que cela fait plus d’un siècle qu’ils sont passés avec armes et bagages dans le camp de la bourgeoisie, devenant ainsi un organe de l’État bourgeois visant à saboter, voire réprimer toute action autonome de la classe ouvrière. Or, comme on peut le voir dans les dernières luttes, et même si nous remontons encore plus loin, lors du mouvement contre la réforme des retraites en France, durant l’hiver 2019/2020, la classe a laissé les syndicats organiser sa lutte, en raison de son manque de confiance en elle et de la faiblesse de sa conscience de classe, la rendant vulnérable à l’égard des mystifications et des illusions véhiculés par ces ennemis de classe que constituent les syndicats. Il revient aux organisations révolutionnaires, qui sont la mémoire de toutes ces expériences du passé, qui, dans une continuité historique, et en fonction de l’évolution du combat de classe, ont la responsabilité d’intervenir afin de pousser le prolétariat à développer sa lutte et montrer quels sont les obstacles qui l’entravent. En se focalisant uniquement sur les ressorts des luttes ouvrières, la camarade semble largement sous-estimer l’importance fondamentale du rôle des révolutionnaires, une telle vision l’amenant à occulter le fait que la conscience est une force matérielle agissante, intégrant dans les moments présents les leçons du passé dans la perspective du futur. Les organisations révolutionnaires sont le produit de tout l’effort que fait la classe pour son émancipation. C’est la classe qui leur confie la tâche d’être un élément agissant en son sein afin qu’elle développe sa conscience et ainsi réaliser sa tâche historique, abattre le capitalisme et libérer l’humanité de toute exploitation.
Comme nous l’avons toujours défendu : « l’intervention des révolutionnaires ne représente rien d’autre que la tentative pour le prolétariat d’arriver à la conscience de ses intérêts véritables en vue de dépasser la simple constatation empirique des phénomènes particuliers, en cherchant la relation avec ses principes généraux tirés de son expérience historique. Parce que la mise en avant incessante des frontières de classe, la clarification théorique de plus en plus profonde des buts historiques du prolétariat ne concrétisent en fin de compte que la nécessité pour celui-ci d’avoir pleinement conscience de sa pratique, l’existence des organisations révolutionnaires est bien le produit de cette nécessité. Parce que cette prise de conscience précède et complète à la fois la prise du pouvoir du prolétariat par les conseils ouvriers, elle annonce un mode de production où les hommes, enfin maîtres des forces productives, développeront celles-ci en pleine conscience pour que s’achève le règne de la nécessité et que commence celui de la liberté ». (2)
André, 20 janvier 2022
1 De très larges extraits du courrier ont été publiés dans Révolution internationale n°491 ainsi que sur notre site web.
Un blog qui se nomme Barbaria dénonce le capitalisme et sa variante stalinienne, les syndicats et la gauche du capital, le féminisme et les luttes partielles, il s’élève contre la démocratie et le patriarcat, parle de lutte prolétarienne, prétend défendre le communisme comme alternative au capitalisme. Cependant, il nie la lutte de classe du prolétariat, il présente comme une « révolution » ce qui est plutôt la plongée dans la barbarie et, tout en se gargarisant de phrases remplies « de revendications de la Gauche communiste », cache soigneusement l’existence des groupes de la Gauche communiste.
La « lutte des classes » que Barbaria nous présente et le « prolétariat » dont il nous parle n’ont rien à voir avec la véritable lutte des classes et le véritable prolétariat. Barbaria nous explique : « Lorsque les tisserands lyonnais prennent les armes en 1831, la bourgeoisie a une mémoire de classe. Elle s’est souvenue des invasions de ces peuples primitifs qui ont assailli l’Empire romain et qu’ils appelaient barbares, parce que leur langue ressemblait à du bruit. Les tisserands de Lyon ne parlaient pas non plus une langue que la bourgeoisie pouvait comprendre. Dans la lutte séculaire entre la civilisation et la barbarie, la révolution s’exprime dans une langue qui n’est pas celle des maîtres, une langue que l’Empire de la civilisation ne peut atteindre. Chaque fois que les classes exploitées se sont soulevées dans l’histoire, elles ont apporté avec elles la même barbarie, la même communauté humaine contre l’exploitation. Barbaria est un lieu de mémoire. C’est là qu’est conservée l’histoire millénaire de notre classe, des communautés primitives à la communauté humaine mondiale ». (1)
Cette vision fait disparaître le prolétariat, dilué dans toutes les classes exploitées de l’histoire. Si le prolétariat est solidaire avec elles et intègre le meilleur de leur lutte, le prolétariat est différent en ce qu’il n’est pas seulement la classe exploitée sous le capitalisme, mais il est aussi la classe révolutionnaire. Les esclaves et les serfs n’ont pas pu mettre fin à l’exploitation, mais le prolétariat est la première classe exploitée de l’histoire qui a la capacité et la conscience pour mettre fin au capitalisme et créer une nouvelle société, le communisme.
Dans le cadre des débats au sein de la Ligue des communistes, Engels a écrit Les principes du communisme, (2) où il a montré pourquoi le prolétariat est différent des esclaves et des serfs et où, dans cette différence, réside sa nature révolutionnaire. Barbaria laisse tout cela de côté et soutient que les révoltes interclassistes, les « mouvements sociaux » tels que les « gilets jaunes » ou les manifestations au Chili ou en Équateur en 2019, seraient l’expression de la lutte des classes : « Une réalité faussement comprise tente de nous faire croire que nous vivons dans un monde sans révolutions ni révoltes. Il suffit de regarder de la Roumanie à l’Albanie, de l’Algérie à l’Irak, de la Bolivie à l’Équateur, de l’Argentine à Oaxaca, pour voir l’intensité des révoltes et des révolutions qui ont balayé la surface de la terre au cours des 25 dernières années, sans parler de l’intense processus de lutte de classe qui s’est déroulé en 2011 dans le monde arabe, au moment même où de nombreux sociaux-démocrates avaient annoncé la fin des révolutions […] L’avenir immédiat sera donc celui d’une intense lutte de classe. C’est un phénomène que l’on observe déjà depuis quelques mois dans des régions comme la Chine, l’Iran, l’Irak, le Kurdistan, Haïti… Et plus récemment, il a touché aussi la France avec le mouvement des ‘gilets jaunes’, la Hongrie ou la Tunisie ».
Aujourd’hui, le prolétariat souffre cruellement de la perte de son identité de classe, du manque de confiance en ses propres forces, Barbaria panse cette plaie en vendant comme « lutte des classes » la mobilisation interclassiste et nationaliste des « gilets jaunes » qui chantaient La Marseillaise et arboraient le drapeau tricolore avec lequel la Commune de Paris a été écrasée. (3)
Barbaria parle de « révolution ». Le changement de régime à Cuba en 1959 aux mains du castrisme nous a été vendu comme une « révolution ». L’éviction de Trump de la présidence américaine aurait été une « révolution citoyenne ». Les trotskystes transforment toute agitation dans un pays exotique en « révolution ». Barbaria apporte sa contribution à cette entreprise semant la confusion en nous parlant, comme nous l’avons déjà vu, de « révoltes et révolutions » en Irak (?), en Haïti (??), au Kurdistan (???), en Chine (????), chez les « gilets jaunes » (?????)…
Les émeutes et les convulsions que Barbaria amalgame sous le nom de « révoltes et révolutions » sont très différentes les unes des autres. Cependant, elles ont un point commun : elles n’ont rien à voir avec la lutte du prolétariat. Certaines sont des révoltes désespérées et nihilistes, d’autres sont des mouvements clairement bourgeois, d’autres des affrontements impérialistes. En Chine, par exemple, nous connaissons la rébellion nationaliste des Ouïghours ou le mouvement démocratique à Hong Kong. Quant au Kurdistan, Barbaria fait-il référence au mouvement guerrier et nationaliste du Rojava tant vanté par les anarchistes ? (4)
Mais en quoi consiste la révolution prolétarienne pour Barbaria ? Dans un texte intitulé « 11 points sur Marx », on peut trouver des choses très générales, formellement correctes, sur l’abolition des relations de production capitalistes, la dictature du prolétariat, la destruction de l’État, etc. Cependant, lorsqu’il s’agit d’être concret, nous trouvons des déclarations comme celle-ci : « La réponse de ces communes, comme celle de Puerto Resistancia, est une démonstration de la capacité de notre classe à construire des relations sociales en dehors de celles imposées par le capital et ses États, où, en même temps que les conditions matérielles de vie sont réorganisées, une révolution des valeurs et des relations humaines a lieu. Le monde n’est plus inversé, comme c’est le cas sous le capitalisme, et les besoins sociaux ont la priorité sur tout autre critère (comme l’accumulation illimitée de capital) dans les décisions que prennent les communes sur l’utilisation des ressources disponibles et les efforts qui sont consacrés à leur réalisation. Tout est chamboulé. Ainsi, par exemple, une militante des luttes environnementales, qui avait jusqu’alors besoin d’une escorte face aux multiples menaces et assassinats des paramilitaires, se promène désormais librement, sans crainte, parmi ses voisins. La mobilisation prolétarienne lui a rendu sa sécurité, elle a stoppé la violence du capital dans les espaces où notre classe a imposé sa logique de vie (contre la logique de mort du capital). » (5)
De ce passage, on peut tirer une série de conclusions :
– les relations sociales pourraient être construites en dehors de celles imposées par le capital, au sein même du capitalisme ;
– il y aurait une « révolution dans les valeurs et les relations humaines » (sic !) ;
– au sein du capitalisme, « on pourrait faire en sorte que les besoins humains aient la priorité sur l’accumulation capitaliste" !
En bref, les « révoltes et révolutions » présentées par Barbaria prouveraient des idées telles que :
– le communisme peut déjà être créé au sein du capitalisme ;
– des « espaces libérés » pourraient être créés à partir de la répression de l’État capitaliste ;
– l’économie pourrait être changée sans avoir besoin de détruire le capitalisme…
En d’autres termes, la négation de tout ce qui est « théoriquement » affirmé dans les « 11 points sur Marx ».
Le passage sur la « commune de Puerto Resitancia » à Cali en Colombie présente comme des actes « révolutionnaires » des événements qui expriment l’éclatement de la société en fragments où de petites communautés se protègent désespérément, sans avenir, de la dislocation des relations sociales. Les couches sociales marginalisées, les prolétaires individuels, sont emportés dans le tourbillon de la décomposition et cela est glorifié par Barbaria comme « les lueurs annonciatrices d’une société nouvelle, les étincelles du communisme, les balbutiements, les débuts, de la constitution révolutionnaire d’une classe qui refuse de succomber aux côtés d’un capitalisme moribond ». Pour couronner le tout, Barbaria propose comme alternative de généraliser ce naufrage dans la barbarie à l’échelle mondiale : « Ce que nous voyons à travers l’expérience des communes de Cali ou de Medellin, ou dans les quartiers de Santiago du Chili, est encore insuffisant, ces nouvelles relations sociales ne peuvent s’imposer à la logique du capital qu’au niveau mondial ».
Barbaria revendique la « barbarie » ! Le prolétariat appartiendrait à « la lutte millénaire entre la civilisation et la barbarie », et sa lutte rappellerait les « barbares antiques qui ont pris Rome d’assaut ». Nous nous demandons si cette « revendication » relève de la plus effroyable confusion ou d’une volonté délibérée de présenter le glissement croissant du capitalisme vers la barbarie comme la « perspective révolutionnaire ». Les promoteurs propagandistes de Barbaria doivent l’expliquer.
Cependant, ce qui est très clair pour nous, c’est, tout d’abord, que la civilisation qui naît avec les modes de production esclavagiste, féodal, asiatique despotique et capitaliste, est la pire et la plus sophistiquée forme de barbarie parce qu’elle est institutionnalisée et sanctifiée dans l’État avec ses armées, sa police, ses prisons, ses tribunaux……
Deuxièmement, comme Engels l’avait annoncé en 1890, l’alternative qui se présente à l’humanité est la barbarie ou le communisme. Le visage de la barbarie se dessine de plus en plus rapidement aujourd’hui avec le Covid-19, le désastre écologique, les guerres impérialistes, le chaos croissant… Le tour de passe-passe de Barbaria consistant à inclure le prolétariat dans la « tradition des barbares » et nous montrer comme des « étapes vers la révolution », ce qui n’est rien d’autre que des manifestations de l’enfoncement dans la barbarie.
Barbaria parle beaucoup de la Gauche communiste, sur son blog, on trouve plusieurs articles : « Amadeo Bordiga, un dinosaure du communisme » (sic !) ; « Sur la fondation du PC d’Italie et de la Gauche communiste italienne » ; « Le passé de notre être » (6), etc.
Les camarades de Programa Comunista font une critique assez judicieuse de l’article sur Bordiga. (7) Ils dénoncent la manipulation de Barbaria qui détache Bordiga de la lutte des groupes de la Gauche communiste pour tenter de « définir un apport personnel de Bordiga qu’il s’approprie pour y construire sa propre théorie, sa vision particulière des problèmes qui ne peuvent être abordés, en termes marxistes, qu’à partir du travail anonyme et collectif de l’organe du parti ».
Les camarades du PCI soulignent que la biographie de Bordiga par Barbaria « est soigneusement découpée en 1929 et laisse de côté tout le travail que, depuis l’après-guerre, Bordiga et tant d’autres camarades ont fait pour restaurer le marxisme ».
Cette amputation est également évidente dans les autres textes de Barbaria qui parle de la Gauche communiste en Allemagne, en Russie, etc., mais seulement jusqu’à la fin des années 1920. Il parle de Bilan sans dire un mot de ses continuateurs, Internationalisme et le CCI. Nous ne trouvons pas la moindre trace des groupes actuels de la Gauche communiste, du CCI, de la TCI, de Programme communiste……
Nous n’allons pas spéculer sur les raisons de cet oubli, c’est à Barbaria de l’expliquer. Cependant, il y a une conclusion que tout lecteur peut tirer de cette absence : la Gauche communiste appartiendrait à un passé lointain, que l’on pourrait étudier comme un « fonds documentaire » dans lequel on pourrait puiser les interprétations qui conviennent à ses propres intérêts. La conséquence est évidente : le prolétariat est privé de sa principale force, la continuité historique critique de ses organisations communistes, le fil historique qui va de la Ligue des communistes aux petits groupes actuels de la Gauche communiste. La méthode de Barbaria consiste à faire disparaître ces derniers de l’horizon, en donnant à comprendre au prolétariat et à ses minorités révolutionnaires qu’il ne dispose pas de cet héritage historique fondamental. Cette amputation de la mémoire contre notre classe n’est pas nouvelle. On assiste ces derniers temps à des entreprises comme celle de Nuevo Curso qui ignore totalement les groupes de la Gauche communiste pour chercher à se faire passer comme « Gauche communiste », en se basant sur une resucée de positions du révolutionnaire Munis qui n’a pas réussi à rompre réellement avec le trotskysme. (8)
Il est possible que les promoteurs de Barbaria ne soient pas d’accord avec les positions que nous défendons au sein du CCI ou avec celles d’autres groupes actuels de la Gauche communiste. L’analyse que nous avons faite ci-dessus le démontre clairement. Comme pour n’importe quelle organisation qui a l’intention de prendre la Gauche communiste comme base de son activité organisée (alors que Barbaria laisse entendre que la Gauche communiste serait « le passé de son propre être »), ce que ce groupe devrait faire est de s’engager dans un débat large et profond avec les organisations qui aujourd’hui se réclament de la Gauche communiste. Si finalement, après un débat approfondi, il arrivait à la conclusion qu’elles défendent des positions erronées, la formation d’un nouveau groupe serait alors une contribution possible. Mais ce qui est malhonnête, c’est de parler de la Gauche communiste en laissant entendre qu’elle appartiendrait « au passé de l’être » de Barbaria, et, en même temps, d’ignorer totalement les groupes actuels de la Gauche communiste.
Nous pensons que la contribution que nous apportons doit être soumise à un débat critique et non ignorée. Nous nous en tenons à ce que la fraction Bilan signalait dans le premier numéro de sa revue (novembre 1933) : « Notre fraction revendique un long passé politique, une profonde tradition dans le mouvement italien et international ; un ensemble de positions politiques fondamentales. Mais il ne prétend pas s’appuyer sur ses précédents politiques pour exiger l’adhésion aux solutions qu’il préconise pour la situation actuelle. Au contraire, elle invite les révolutionnaires à soumettre à la vérification des événements les positions qu’elle défend aujourd’hui, ainsi que les positions politiques contenues dans ses documents de base ».
Acción Proletaria, organe du CCI en Espagne, 26 octobre 2021
1 « Qui sommes-nous ? » [8], Barbaria.net
2 F. Engels, Principes du communisme [9] (1847).
3 Voir notamment parmi autres articles que nous lui avons consacré :
– « Le tract d’intervention de la CCI sur le piège du mouvement des Gilets jaunes [10] »
4 Voir notre article : « Les anarchistes et l’impérialisme kurde [12] » en espagnol.
5 « Por qué lucha el proletariado en Colombia » [13], Barbaria.net.
6 Voir sur le site Barbaria.net :
– « Amadéo Bordiga, un dinosaurio del comunismo » [14]
– « Sobre la fundacion del PCDI y la izquierda comunista italiana » [15]
– « El pasado de nuestro ser » [16]
7 Voir l’article du Parti communiste international (PCI-Programme) en espagnol : « Grupo Barbaria, el bordiguismo a la carta » [17], El proletario n° 22 (janvier – avril 2021).
Comme à chaque élection présidentielle, toute l’artillerie électorale de l’État bourgeois est à l’œuvre pour rameuter la classe ouvrière vers les urnes. La bourgeoisie a besoin de cette mystification pour maintenir l’illusion que les choses peuvent changer en mieux dans le cadre de la société capitaliste, et assurer sa légitimité aux yeux des exploités.
Mais avec le discrédit croissant des partis traditionnels de gouvernement (PS et LR, en particulier), les élections ne font plus recette comme avant, renforçant l’hypothèse d’une forte abstention. C’est même un vrai casse-tête pour la bourgeoisie de rendre tout ce cirque crédible alors que sa faillite morale, politique, économique s’étale au grand jour.
Au-delà du spectacle mystificateur des élections, ce qui apparaît de plus en plus nettement, c’est l’indiscipline croissante des cliques bourgeoises dans le paysage politique, en France comme à l’échelle internationale. En effet, le poids de la décomposition sur l’ensemble de la société pousse les différentes cliques concurrentes à s’entre-déchirer de façon encore plus ostentatoire, à coups de trahisons, de volte-faces ou de ralliements opportunistes.
Le système des primaires, qui devait avoir un rôle régulateur et permettre que sorte du chapeau un candidat incontesté pour chacun des différents groupes politiques, n’a fait que contribuer à la débandade et montrer leur difficulté à résister aux pressions centrifuges de la décomposition. Il suffit de regarder ce qui s’est passé à droite, avec les LR, où la tentative de hold-up de Xavier Bertrand et l’intensité des luttes internes ont bien failli hypothéquer la capacité du « parti de l’ordre » à présenter une candidature unique.
Cette tendance au chacun pour soi, au carriérisme, à la lutte d’ego s’exprime aussi de manière éclatante à gauche. Les écologistes se sont livrés une bataille acharnée entre la tendance « social-démocrate » incarnée par Jadot et la « radicalité » sociétale affichée par Rousseau. Quant au Parti socialiste, le naufrage de la candidate Hidalgo suite à ses innombrables volte-faces, n’a fait que renforcer les luttes internes pour sauver les strapontins qui peuvent encore l’être aux élections législatives.
Face à cette situation d’éclatement de la gauche, la bourgeoisie qui s’est voulue innovante, moderne, au fait de l’évolution des « aspirations » de la société, s’est dotée d’un nouvel outil de propagande, présenté comme encore « plus démocratique » : la « primaire populaire » qui a réuni près de 400 000 participants (c’est-à-dire plus que les primaires LR, EELV et FI réunies). Les candidats étaient évalués à la « sauce démocratique » revisitée : du « très bien » au « passable ». Le résultat fût une pagaille sans nom entre les écuries en lice, accouchant d’une candidature qui a aussi pris la forme d’une tentative de hold-up, celle de la prétendue « égérie » de la gauche, Taubira, ex-ministre de Valls et de Hollande.
S’il semble que la gauche de gouvernement n’ait pas eu de véritable intention de jouer la « victoire » à la présidentielle, la bourgeoisie s’inquiète, malgré tout, de la disparition de structures fiables sur lesquelles elle a pu compter auparavant en tant que force d’encadrement et de mystification du prolétariat. Et ce n’est pas l’appui surprise opportuniste de Ségolène Royal à Mélanchon qui fera la différence !
À l’extrême droite, la nouvelle carte Zemmour vient encore entacher le sérieux de l’élection. Les scores annoncés des partis populistes posent problème au reste de la bourgeoisie, même si la « mise en orbite » médiatique de la candidature de Zemmour avait initialement comme fonction de diviser et affaiblir électoralement le camp de l’extrême droite.
La persistance de l’extrême droite et du populisme n’est pas un phénomène spécifique à la France. C’est même une expression de la perte de contrôle toujours plus grande de la classe dominante sur la conduite de sa politique, contrainte de laisser se développer au sein de son appareil politique, des fractions totalement irrationnelles qui pourraient affaiblir la capacité à gérer au mieux les intérêts du capital national et accélérer la crise historique du capitalisme, comme on a pu le voir avec Trump aux États-Unis ou avec le Brexit au Royaume-Uni. Le populisme s’est ainsi implanté dans de nombreux pays : Autriche, Pologne, Danemark, Canada, Inde, Turquie, Tchéquie, Portugal, etc. Ces groupes prétendent et parviennent, petit à petit, à prendre leur place aux côtés des partis traditionnels, de même que l’ancrage et l’influence persistante du « trumpisme » aux États-Unis, malgré la défaite de Trump. Une partie de la classe ouvrière précarisée et atomisée se trouve ainsi happée par cette propagande qui se présente comme étant « anti-système » et ne s’est pas encore trop mouillée avec l’exercice du pouvoir.
La bourgeoisie essaie d’utiliser Zemmour au mieux de ses intérêts. Face au prétendu « péril fasciste », les prolétaires sont priés de se rendre aux urnes pour défendre l’État démocratique bourgeois. Il est vrai que la ficelle de l’anti-fascisme (ou de l’anti-populisme) n’est plus aussi efficace qu’auparavant, comme lorsque la bourgeoisie avait fait sortir la population dans les rues en 2002 pour protester contre l’accession de Le Pen-père au second tour de la présidentielle. Aujourd’hui, de nombreux « électeurs » ont bien compris que le RN était avant tout utilisé comme épouvantail au profit de partis « de gouvernement » dont la politique anti-migratoire et les représsions brutales n’ont rien à envier aux propositions des Le Pen.
Mais les outrances et les discours immondes de Zemmour facilitent grandement l’idéologie anti-fasciste. On a ainsi pu voir les partis et les médias de gauche affirmer que nous étions dans une période « pré-fasciste ». Les manifestations « contre le populisme » se sont également multipliées à chaque déplacement du candidat « Z ».
À ce petit jeu sordide, la bourgeoisie prend cependant des risques : Le Pen va finir par apparaître moins comme une candidate populiste que « démocratiquement acceptable », respectueuse des Institutions, ne faisant plus peur à personne.
Les élections sont une vraie arme de guerre contre la classe ouvrière consistant à entraver la capacité de celle-ci à prendre conscience qu’elle demeure la seule force sociale capable de combattre la barbarie capitaliste. Il s’agit de lui faire croire qu’elle fait partie d’une même « nation » constituée d’individus et de « catégories » diverses : les jeunes, les femmes, les retraités, les handicapés, les LGBT, les classes moyennes, etc., pour mieux lui faire oublier qu’elle est une classe exploitée par une autre et que son intérêt réside, non pas dans la perpétuation d’un capitalisme prétendument « mieux géré » et « plus humain », mais dans la destruction de ce système et de ses États !
Tous les appels à participer au cirque électoral ne font que renforcer le mensonge présentant les élections comme un véritable choix pour les exploités. Ils livrent individuellement les prolétaires à la propagande de la bourgeoisie : une classe sociale qui gagne toujours les élections. N’oublions pas que la « démocratie » est la forme la plus hypocrite de la domination de la bourgeoisie pour assurer l’exploitation capitaliste.
Toutes les fractions de la bourgeoisie sont également réactionnaires. Tous les soi-disant partis ouvriers, socialistes, communistes, les organisations gauchistes participent à cette mascarade électorale afin de contenir et détourner le prolétariat de son combat révolutionnaire.
Après les « marches pour le climat », EELV comme l’ensemble des partis de gauche, vont profiter d’un temps d’audience non négligeable pour distiller leurs fausses solutions (comme la « décroissance » ou la « taxation des pollueurs », par exemple). Le « vote de survie » pour le climat proposé par EELV tente de rameuter la jeunesse en direction des urnes, même si, pour le moment, il semblerait que leurs gesticulations soient infructueuses et ne paient pas vraiment électoralement parlant. Cela, sans jamais remettre en cause le système capitaliste.
Du côté de La France insoumise, et son chef Mélenchon, dont les colères théâtralisées animent les débats sur les plateaux de télévision, le discours pseudo-radical n’est qu’un poncif éculé de l’idéologie républicaine. Derrière les fables de la « redistribution des richesses », du « renouveau du service public » et de l’ « économie verte », Mélenchon et sa clique n’ont qu’un seul objectif : faire croire au « peuple » que son intérêt réside dans la défense de la République et de la nation !
Les organisations gauchistes (principalement le NPA et LO) ont également leur place réservée dans ce cirque électoral. Eux aussi participent pleinement à entretenir un double discours : d’un côté, il n’y a rien à attendre des élections, mais d’un autre, ils présentent systématiquement des candidats quand ils ne soutiennent pas ouvertement le PS comme ils ont pu le faire en appelant à voter Miterrand en 1981… C’est leur fonction mystificatrice, d’ailleurs, et pour ce qui est de leur participation aux élections bourgeoises en France, depuis de nombreuses décennies, les trotskistes jouent pleinement leur rôle de soutien à la bourgeoisie nationale comme rabatteurs visant à redonner crédit aux institutions. Renvoyer la lutte ouvrière à la participation à un scrutin revient à demander aux exploités de se livrer pieds et poings liés à leurs exploiteurs comme somme d’individus et non comme une classe combative.
Sans préjuger du résultat de la prochaine élection, tant la situation semble instable, il apparaît que la bourgeoisie a pleinement conscience que le cirque électoral s’organisant autour de l’alternance des partis traditionnels, la « social-démocratie » et des conservateurs, est usé et rejeté. La situation politique risque à l’avenir de devenir plus confuse, plus chaotique et imprévisible.
Pour l’heure, la grande préoccupation de la bourgeoisie est l’abstention : alors que l’incurie dont elle fait preuve dans la gestion du Covid et son incapacité à endiguer la crise sautent aux yeux, la bourgeoisie cherche à limiter l’abstention massive qui est annoncée face au sentiment de dégôut des exploités. La classe ouvrière sait faire les comptes des promesses non tenues, elle a accumulé une méfiance envers les élections bourgeoises, elle a partiellement assimilé, au fil de son expérience historique, le fait que ces élections ne peuvent absolument rien changer à ses conditions de vie, d’exploitation et qu’elles ne sont, en définitive, qu’un piège pour l’entretenir dans des illusions et de faux espoirs sur le futur. Mais cela ne signifie pas qu’elle soit en mesure de rejeter clairement la mystification démocratique et avancer sur la voie de la remise en cause du système capitaliste. Pour cela, il lui faudra mener un combat, prendre en main ses luttes pour affirmer sa perspective révolutionnaire de manière consciente à l’échelle internationale.
Mathilde, février 2022
Démonstration de force de l’armée russe au moyen de « manœuvres » de grande ampleur le long des frontières ukrainiennes depuis janvier, annonces quasi journalières par les États-Unis d’une invasion russe imminente, envoi de troupes de l’OTAN dans les pays baltes et en Roumanie, ballet diplomatique intense « pour sauver la paix », campagne médiatique russe dénonçant l’hystérie occidentale et annonce du retour de troupes dans leurs cantonnements, ce qui est aussitôt démenti par les États-Unis et de l’OTAN, accrochages entre armée ukrainienne et séparatistes dans le Donbass : dans ce sabbat guerrier macabre entre bourgeoisies impérialistes, les intentions sont diverses et complexes, liées aux ambitions des divers protagonistes et à l’irrationalité caractérisant la période de décomposition. Cela n’en rend la situation que plus dangereuse et imprédictible : mais, quelle que soit l’issue concrète de la « crise ukrainienne », elle implique dès à présent une intensification appréciable de la militarisation, des tensions guerrières et des contradictions impérialistes en Europe.
Le battage hystérique des États-Unis dénonçant l’invasion russe imminente de l’Ukraine fait suite à un battage similaire orchestré par les États-Unis en automne 2021 concernant « l’invasion imminente » de Taiwan par la Chine. Confrontée à un déclin systématique du leadership américain, l’administration Biden mène une politique impérialiste qui consiste, dans le prolongement de l’orientation initiée par Trump, d’abord à concentrer ses moyens économiques, politiques mais aussi militaires contre l’ennemi principal, la Chine ; de ce point de vue, le positionnement intransigeant face aux visées russes accentue le signal donné à Pékin en automne 2021. Ensuite, en créant des « points chauds » dans le monde, Biden développe une politique de tension visant à convaincre les différentes puissances impérialistes jouant leurs propres cartes qu’elles ont tout intérêt à se positionner sous la protection du parrain dominant. Cette politique s’était cependant heurtée aux limites imposées par la décomposition et avait abouti à un succès mitigé dans le Pacifique face à la Chine avec la création de l’AUKUS, regroupant uniquement les pays anglophones « blancs » (États-Unis, Grande-Bretagne, Australie), tandis que le Japon, la Corée du Sud et l’Inde gardaient leur distance. Ce même type de politique est mené aujourd’hui envers la Russie pour ramener les pays européens sous l’obédience américaine au sein de l’OTAN : la propagande américaine dénonce continuellement l’invasion russe, tout en précisant cyniquement que les États-Unis n’interviendront pas militairement en Ukraine puisqu’ils n’ont pas d’engagement de défense envers ce pays, contrairement à ceux existant au sein de l’OTAN. Il s’agit là d’un message perfide destiné aux pays européens. Or, à côté de Boris Johnson qui se positionne, comme en Asie, comme le fidèle lieutenant des Américains, le ballet diplomatique récent vers Moscou, orchestré par Macron et Scholz, souligne combien les bourgeoisies allemande et française tentent par tous les moyens de préserver leurs intérêts impérialistes particuliers.
En même temps, Joe Biden espère redorer par cette politique de confrontation son blason fortement terni par la fuite des forces américaines d’Afghanistan et par ses échecs répétés au niveau de ses plans socio-économiques : « Après un an de mandat, le président Joe Biden a la plus mauvaise cote de popularité de presque tous les présidents élus, à l’exception de l’ancien président Donald Trump » (CNN politics, 06.02.22) et, en conséquence, « son parti s’achemine, en novembre prochain, vers une défaite aux élections de mi-mandat » (La Presse, Montréal, 23 janvier 2022). Bref, si les États-Unis sont à l’offensive, la marge de manœuvre de leur président est néanmoins réduite à cause de son impopularité intérieure mais aussi par le fait qu’il ne peut être question, après les expériences irakiennes et afghanes, d’engager aujourd’hui massivement une force militaire sur le terrain du conflit. La présence de troupes américaines aux frontières de l’Ukraine reste donc plutôt symbolique.
Depuis une dizaine d’années, nous avons mis en évidence que la Russie joue un rôle de « fauteur de troubles » dans le monde – alors qu’elle est un nain économique – grâce à la puissance de ses forces armées et de ses armes, héritage de la période où elle était à la tête de tout un bloc impérialiste. Cela ne signifie toutefois pas qu’elle soit aujourd’hui globalement à l’offensive. Au contraire, elle se retrouve dans une situation générale où elle subit de plus en plus de pressions tout le long de ses frontières.
– En Asie centrale, avec les Talibans au pouvoir à Kaboul, la menace musulmane pèse sur ses alliés asiatiques des « stans » (Ouzbékistan, Turkménistan, Tadjikistan) ; ensuite, entre la mer Noire et la Caspienne, elle est en guerre larvée avec la Géorgie après l’occupation de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie en 2008, et tente de maintenir le statu quo entre l’Arménie-Azerbaïdjan après la guerre dans le Haut-Karabakh de 2020, ce dernier pays étant largement courtisé par la Turquie. Enfin, la déstabilisation récente du Kazakhstan constitue un cauchemar pour la Russie car ce pays occupe une place centrale dans la défense de son glacis oriental.
– Sur le versant européen, l’Ukraine et la Biélorussie, qui sont des territoires essentiels de son glacis occidental (la frontière ukrainienne n’est qu’à 450 km de Moscou), sont soumis à de fortes pressions ces dernières années. La Russie y comptait bien conserver des régimes qui lui seraient favorables, mais la « révolution orange » à Kiev en 2014 a vu basculer le pays vers l’Europe, et la même chose a failli se passer au Belarus en 2020.
À travers l’occupation de la Crimée en 2014 et le soutien aux sécessionnistes russophones dans l’est de l’Ukraine (Donetsk et Lougansk), Poutine espérait garder le contrôle sur l’ensemble de l’Ukraine : « En effet, il comptait sur les accords de Minsk, signés en septembre 2014, pour obtenir un droit de regard sur la politique ukrainienne par l’intermédiaire des républiques du Donbass [structure fédérale du pays avec une grande autonomie des régions]. C’est tout l’inverse qui s’est produit : non seulement leur application est au point mort, mais le président Volodymyr Zelensky, dont l’élection en avril 2019 avait donné l’espoir au Kremlin de renouer avec Kiev, a amplifié la politique de rupture avec le « monde russe » engagée par son prédécesseur. Pis, la coopération militaro-technique entre l’Ukraine et l’OTAN ne cesse de s’intensifier, tandis que la Turquie, elle-même membre de l’Alliance, a livré des drones de combat qui font craindre au Kremlin que Kiev ne soit tenté par une reconquête militaire du Donbass. Il s’agirait donc, pour Moscou, de reprendre l’initiative, quand il en est encore temps » (Le Monde diplomatique, février 2022).
Voyant la tendance des États-Unis à se polariser de plus en plus sur la Chine, Poutine a estimé le moment favorable pour accroître la pression sur l’Ukraine et par là aussi « négocier sa place sur la scène impérialiste » ; il a engagé une politique de « guerre hybride » impliquant des pressions multiples, basées sur des tensions militaires, des cyberattaques des menaces économiques (gaz russe) et politiques (reconnaissance des républiques en sécession). Cependant, l’offensive politique et médiatique américaine le prend au piège : à force d’annoncer à grands renforts de tambours une opération militaire d’occupation de l’Ukraine par la Russie, les États-Unis font que toute action plus réduite de la part de la Russie sera appréhendée comme un recul et tentent donc en quelque sorte de la pousser à s’engager dans une opération militaire hasardeuse et probablement d’assez longue haleine, alors que la population russe, elle non plus, n’est pas prête à aller à la guerre et à voir revenir des « body bags » en nombre. La bourgeoisie russe le sait parfaitement ; ainsi le politologue russe, expert en politique internationale de la Russie, Fyodor Lukyanov souligne que « Franchir la ligne entre la démonstration de force et l’utilisation (de celle-ci) est une transition vers un autre niveau de risques et de conséquences. Les sociétés modernes n’y sont pas prêtes et leurs dirigeants le savent » (cité dans De Morgen, 11.02.22).
Dès à présent, les événements en Ukraine ont un impact très important sur la situation en Europe, et ceci sur un double plan :
Tout d’abord, l’exacerbation des confrontations impérialistes, la pression américaine et l’accentuation du « chacun pour soi » exercent une pression extrêmement forte sur le positionnement des divers États européens. Les déclarations intransigeantes de Biden les obligent à prendre position et les fissures s’accentuent entre eux, ce qui entraînera des conséquences profondes, tant pour l’OTAN que pour l’Union Européenne. D’un côté, la Grande-Bretagne, débarrassée des contraintes du consensus au sein de l’UE, se positionne comme le lieutenant fidèle parmi les fidèles des États-Unis : son ministre des affaires étrangères qualifie même de « second Munich » les tentatives franco-allemandes de trouver un compromis. Différents pays est-européens comme la Roumanie, la Pologne ou les États baltes appellent à la fermeté de la part de l’OTAN et se placent résolument sous la protection des États-Unis. Face à cela, la France ou l’Allemagne sont nettement plus hésitantes et tentent de développer leurs propres orientations par rapport au conflit, comme le soulignent les négociations intenses de Macron et Scholz avec Poutine. Le conflit met en évidence que des intérêts particuliers de type économique mais aussi impérialiste poussent ces pays à avoir leur propre politique envers la Russie, et c’est précisément ce qui est la cible des pressions des États-Unis.
À un niveau plus général, avec la confrontation en Ukraine, les bruits de guerre et la tendance à la militarisation de l’économie vont marquer à nouveau le continent européen, et ceci à un niveau beaucoup plus profond que que nous avions pu voir lors de la guerre en ex-Yougoslavie dans les années 1990 ou même lors de l’occupation de la Crimée par la Russie en 2014, vu l’approfondissement des contradictions dans un contexte de chaos et de chacun pour soi. Le positionnement des divers pays (en particulier de l’Allemagne et de la France) en défense de leurs intérêts impérialistes ne peut qu’accentuer les tensions au sein de l’Europe, aggraver encore le chaos lié au développement du chacun pour soi et accroître l’imprédictibilité de la situation à court et à moyen terme.
Sans doute, aucun des protagonistes ne cherche à déclencher une guerre générale car, d’une part, à cause de l’intensification du chacun pour soi, les alliances ne sont pas fiables et d’autre part et surtout, dans aucun des pays concernés, la bourgeoisie n’a les mains libres : les États-Unis restent centrés sur leur ennemi principal, la Chine et le président Biden, comme Trump d’ailleurs avant lui, évite à tout prix l’intervention de troupes sur place (cf. le désengagement des troupes en Irak et en Afghanistan et la délégation de plus en plus fréquente de tâches à des prestataires de services privés) ; la Russie craint une guerre longue et massive qui saperait son économie et sa force militaire (le syndrome d’Afghanistan) et évite également d’engager trop fortement ses unités régulières, faisant faire le « sale boulot » par des firmes privées (comme le groupe Wagner). De plus, comme le montre la difficulté persistante à accroître le taux de vaccination, la population russe se méfie profondément de l’État. Pour l’Europe enfin, cela constituerait un suicide économique et la population y est fondamentalement hostile.
Le non-déclenchement d’une guerre totale et massive ne signifie toutefois en aucun cas que des actions guerrières n’éclateront pas ; elles se déroulent d’ailleurs déjà pour le moment en Ukraine à travers la guerre « de basse intensité » (sic) avec les milices sécessionnistes de Kharkov et Lougansk. Les ambitions impérialistes des divers impérialismes, conjuguées à l’accroissement du chacun pour soi et de l’irrationalité liés à la décomposition impliquent irrémédiablement une perspective de multiplication de conflits en Europe même, qui risquent de prendre une forme de plus en plus chaotique et sanglante : multiplication de conflits « hybrides » (combinant des pressions militaires, économiques, politiques), de nouvelles vagues de réfugiés déferlant vers l’Europe de l’Ouest, tout comme des tensions au sein des bourgeoisies, aux États-Unis (cf. la « bienveillance » de Trump envers Poutine) comme en Europe (en Allemagne par exemple), et une perte de contrôle croissante de celles-ci sur leur appareil politique (vagues populistes).
Contre le battage haineux du nationalisme, la Gauche communiste dénonce les mensonges impérialistes de quelque camp que ce soit qui ne peuvent que servir les intérêts des différentes bourgeoisies, russe, américaine, allemande, française… ou ukrainienne et entraîner les ouvriers dans des conflits barbares. La classe ouvrière n’a pas de patrie, la lutte ouvrière contre l’exploitation capitaliste est internationale et rejette toute division sur la base du sexe, de la race ou sur une base nationale. Les ouvriers doivent prendre conscience que s’ils ne contrent pas par leurs luttes l’exacerbation des confrontations entre requins impérialistes, ces confrontations se multiplieront à tous les niveaux dans un contexte d’accentuation du chacun pour soi, de la militarisation et de l’irrationnel. Dans cette optique, le développement des luttes ouvrières en particulier au cœur même des pays centraux du capitalisme constitue aussi une arme essentielle pour s’opposer à l’extension de la barbarie guerrière.
R. Havanais, 18 février 2022
Le conflit en Ukraine, qui implique l’une des plus importantes puissances impérialistes de la planète, est un rappel dramatique de la véritable nature du capitalisme, un système dont les contradictions conduisent inévitablement à des affrontements militaires et à des massacres de populations.
Afin de comprendre pleinement la signification historique de cette guerre, il est essentiel de la placer dans un cadre d'analyse cohérent. C’est pourquoi nous invitons les camarades à lire ou relire :
– « Militarisme et décomposition [32] », texte que nous avions publié en 1991, après la dislocation de l’URSS.
Ce texte, publié pour la première fois dans la Revue internationale n° 64, a été écrit en 1990 comme une contribution à la compréhension de la signification d’une autre guerre : la guerre du Golfe menée par les Américains suite à l’invasion du Koweït par Saddam Hussein. Il est donc paru après la désintégration du bloc de l’Est mais avant l’éclatement définitif de l’URSS. Nous sommes convaincus qu’il reste un guide indispensable pour comprendre la nature de plus en plus irrationnelle et chaotique des guerres impérialistes aujourd’hui. Face à la propagande de la bourgeoisie selon laquelle le monde était à l’aube d’un « Nouvel Ordre Mondial » de paix et de prospérité, le texte insistait sur le fait que « dans la nouvelle période historique dans laquelle nous sommes entrés, et que les événements du Golfe ont confirmée, le monde apparaît comme une vaste foire d’empoigne, où la tendance au “chacun pour soi” fonctionnera à plein régime, et où les alliances entre États seront loin d’avoir la stabilité qui caractérisait les blocs impérialistes, mais seront dominées par les besoins immédiats du pouvoir. Un monde de chaos sanglant, où le gendarme américain tentera de maintenir un minimum d’ordre par l’usage de plus en plus massif et brutal de la force militaire ».
Ce scénario a été amplement confirmé par les événements des trois dernières décennies. Cela ne signifie pas que le texte soit une clé aux données invariables pour prédire l’avenir. Le texte lui-même commence par souligner que si un cadre solide est essentiel pour comprendre l’évolution des événements, il doit être constamment testé et adapté à la lumière de cette évolution, afin de voir quels aspects restent valables et lesquels doivent être révisés. Ainsi, par exemple, si le texte est parfaitement correct lorsqu’il montre l’incapacité de l’Allemagne à constituer la tête d’un nouveau bloc contre les États-Unis, il ne prévoit pas la renaissance de l’impérialisme russe ou la montée fulgurante de la Chine en tant que puissance mondiale. Mais comme nous l’affirmons ailleurs, ces développements sont devenus possibles précisément en raison de la tendance dominante au “chacun pour soi” qui marque les relations impérialistes dans la phase de décomposition.
Sur le contexte mondial permettant de comprendre la montée de la Chine, voir notamment les points 10 à 12 de la « Résolution sur la situation internationale (2019) : Conflits impérialistes ; vie de la bourgeoisie, crise économique [33]», Revue internationale n° 164.
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
[2] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/ehpad
[3] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/maison-retraite
[4] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/orpea
[5] https://fr.internationalism.org/content/10662/quest-ce-combat-historique-classe-ouvriere-partie-1
[6] https://fr.internationalism.org/rinte7/conscience.htm
[7] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/courrier-des-lecteurs
[8] https://barbaria.net/quienes-somos/
[9] https://www.marxists.org/francais/marx/works/47-pdc.htm
[10] https://fr.internationalism.org/content/9801/face-a-misere-et-a-degradation-nos-conditions-vie-comment-lutter-faire-reculer
[11] https://fr.internationalism.org/content/9960/bilan-du-mouvement-des-gilets-jaunes-mouvement-interclassiste-entrave-a-lutte-classe
[12] https://es.internationalism.org/content/4160/los-anarquistas-y-el-imperialismo-kurdo
[13] https://barbaria.net/2021/05/30/por-que-lucha-el-proletariado-en-colombia/
[14] https://barbaria.net/2020/07/21/amadeo-bordiga-un-dinosaurio-del-comunismo/
[15] https://barbaria.net/2021/02/09/audio-sobre-la-fundacion-del-pcdi-y-la-izquierda-comunista-italiana/
[16] https://barbaria.net/2018/05/27/el-pasado-de-nuestro-ser/
[17] https://www.pcint.org/05_Elprol/022/022_barbaria.htm
[18] https://fr.internationalism.org/content/9961/nuevo-curso-et-gauche-communiste-espagnole-quelles-sont-origines-gauche-communiste
[19] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/vie-bourgeoisie-france
[20] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/macron
[21] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/melenchon
[22] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/jadot
[23] https://fr.internationalism.org/tag/30/371/pen
[24] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/presidentielle-2022
[25] https://fr.internationalism.org/tag/4/491/populisme
[26] https://fr.internationalism.org/tag/4/459/democratie
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[28] https://fr.internationalism.org/tag/5/399/ukraine
[29] https://fr.internationalism.org/tag/5/513/russie
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[32] https://fr.internationalism.org/rinte64/decompo.htm
[33] https://fr.internationalism.org/content/10545/resolution-situation-internationale-2021
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[35] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/guerre-ukraine