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Révolution internationale n°485 - novembre décembre 2020

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Deuxième vague de la pandémie de Covid-19: l’impuissance de tous les États et des gouvernements!

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Depuis plusieurs semaines, le nombre de personnes contaminées par Covid-19 augmente fortement dans plusieurs régions du monde et tout particulièrement en Europe qui semble redevenue l’un des épicentres de la pandémie. La “possible deuxième vague” annoncée depuis plusieurs mois par les épidémiologistes est désormais une réalité et il y a fort à parier qu’elle sera bien plus virulente que la précédente. Dans plusieurs pays, le nombre de décès quotidien s’élève déjà à plusieurs centaines et les services de réanimation nécessaires à la prise en charge des patients les plus gravement atteints sont déjà au bord de la saturation, voire débordés comme en Italie, alors que nous ne sommes qu’au début de cette nouvelle vague.

Face à la gravité et à la dégradation rapide de la situation, de plus en plus d’États n’ont pas d’autres solutions que d’improviser des couvre-feux ou des semi-confinements locaux ou nationaux afin de maintenir la population à résidence… en dehors des heures de travail, bien sûr.

L’incurie criminelle de la bourgeoisie

Tout au long de ces derniers mois, les médias de nombreux pays n’ont pas cessé de relayer les discours mesquins et mensongers des autorités qui n’ont pas hésité à jeter en pâture la “jeunesse irresponsable et égoïste” qui se regroupait “pour organiser des fêtes clandestines”, ou les vacanciers profitant des derniers beaux jours de l’été pour prendre un verre à la terrasse d’un café en enlevant momentanément leur masque (les gouvernements du pourtour méditerranéen les y ont pourtant lourdement incités afin de “sauver le secteur du tourisme en danger” !). Cette grande campagne ciblant quotidiennement “l’irresponsabilité des citoyens” n’est que le cache-sexe de l’incurie et du manque d’anticipation dont la classe dominante s’est rendue coupable depuis de nombreuses années, (1) tout comme ces derniers mois après le reflux relatif de la “première vague”.

Alors que les gouvernements étaient parfaitement au courant qu’aucun traitement probant n’existait, que la mise au point d’un vaccin était loin d’aboutir et que le virus ne serait pas nécessairement saisonnier, aucune mesure visant à prévenir une potentielle “deuxième vague” n’a été prise. Les effectifs de personnels hospitaliers n’ont pas vu leur nombre augmenter depuis le mois de mars dernier tout comme ceux des lits dans les services de réanimation. Les politiques de démantèlement des systèmes de santé se sont même poursuivies dans plusieurs pays. Tous les gouvernements ont donc poussé la société à revenir au “monde d’avant”, célébrant le retour “des jours heureux” avec un seul et même slogan à la bouche : “il faut sauver l’économie nationale !”

Aujourd’hui, c’est avec le même slogan que les bourgeoisies européennes obligent les exploités à se claquemurer de nouveau chez eux, tout en les exhortant à se déplacer sur les lieux de travail, faisant fi du brassage de populations propice à la prolifération du virus (tout particulièrement dans les grandes métropoles) et de l’absence de mesures sanitaires suffisantes pour garantir la sécurité des personnes sur les lieux de travail comme dans les établissements scolaires !

L’incurie et l’irresponsabilité dont la classe dominante à fait preuve ces derniers mois la rend une nouvelle fois incapable de maîtriser la pandémie. Par conséquent, la très grande majorité des États européens ont clairement tendance à perdre le contrôle de la situation. Cela pour le plus grand malheur de ceux contraints d’aller travailler dans l’angoisse et la peur de la contamination, pour eux comme pour leurs proches.

Le profit ou la vie ?

Contrairement à ce qu’elle prétend, il ne fait aucun doute que l’objectif de la classe dominante n’est pas de sauver des vies mais de limiter au maximum les effets catastrophiques de la pandémie sur la vie du capitalisme, tout en évitant d’accentuer la tendance au chaos social.

Pour cela, le fonctionnement de la machine capitaliste doit être assuré coûte que coûte. Il est notamment indispensable de permettre aux entreprises de dégager du profit. Sans travailleurs salariés sur les lieux de production, pas de travail possible, donc pas de profit à réaliser en perspective. Un risque que la bourgeoisie souhaite éviter à tout prix. Dès lors, la production, le commerce, le tourisme et les services publics doivent être garantis au maximum ; les conséquences sur la vie de centaine de milliers, voire de millions d’êtres humains importent peu. La classe dominante n’a pas d’autre alternative pour garantir la survie de son propre système d’exploitation.

Quoi qu’elle fasse, elle n’est désormais plus en mesure de stopper l’enfoncement inexorable du capitalisme dans sa crise historique. Ce déclin irréversible la pousse donc à se montrer telle qu’elle est, totalement insensible à la valeur de la vie humaine. Prête à tout pour préserver sa domination y compris laisser mourir des dizaines de milliers de personnes, à commencer par les retraités, jugés “inutiles” aux yeux du capital. La pandémie éclaire crûment l’irréconciliable survie d’un capitalisme pourrissant sur pied et celle de l’humanité !

Seule la lutte de classe peut mettre fin à toutes les pandémies

Les exploités n’ont donc rien à attendre des États et de leurs gouvernements qui, quelles que soient leurs couleurs politiques, font partie de la classe dominante et demeurent à son service. Les exploités n’ont rien à gagner en acceptant sans broncher les “sacrifices” qu’on leur impose pour “sauver l’économie”.

Tôt ou tard, la bourgeoisie sera en mesure de dissiper les dégâts sanitaires de ce virus via l’élaboration d’un vaccin efficace. Mais, les conditions de décomposition sociale qui ont conduit à cette pandémie, ne disparaîtront pas. Compte tenu de la guerre que se livrent les États dans leur folle “course au vaccin”, sa distribution s’annonce déjà hautement problématique. À l’image des catastrophes industrielles ou environnementales, il est plus que probable qu’à l’avenir l’humanité sera de plus en plus confrontée à des pandémies planétaires, sans doute encore bien plus mortelles.

Face à la catastrophe économique aggravée par la pandémie, l’explosion du chômage, la misère croissante et l’augmentation des cadences et des pressions, la classe ouvrière n’aura pas d’autre choix que de se battre pour défendre ses conditions de vie. Déjà la colère grandit un peu partout et la bourgeoise essaie de l’atténuer momentanément en promettant à toutes les familles ouvrières que les fêtes de fin d’année pourront avoir lieu (même s’il faudra limiter les grands rassemblements). Mais cette “pause” du confinement pour la trêve des confiseurs ne changera rien sur le fond. L’année 2021 ne sera pas meilleure que celle de 2020, avec ou sans un vaccin. À un moment ou un autre il faudra reprendre le combat, une fois que le choc de cette pandémie sera surmonté.

C’est seulement en reprenant le chemin de la lutte contre les attaques de la bourgeoisie, son État et son patronat, que la classe ouvrière pourra développer son unité et sa solidarité. Seule sa lutte de classe, en brisant l’union sacrée avec ses exploiteurs, pourra, à terme, ouvrir une perspective pour l’ensemble de l’humanité menacée de disparition par un système d’exploitation en pleine putréfaction. Le chaos capitaliste ne peut que continuer à s’aggraver, avec de plus en plus de catastrophes et de nouvelles pandémies. L’avenir est donc entre les mains du prolétariat. Lui seul a les moyens de sauver la planète et de renverser le capitalisme pour construire une société nouvelle.

Vincent, 11 novembre 2020

 

1 ) Voir sur notre site les différents articles dénonçant le démantèlement du système hospitalier à l’échelle mondiale : “Dossier spécial Covid-19 : le vrai tueur, c’est le capitalisme [2]”.

Récent et en cours: 

  • Coronavirus; Covid-19 [3]

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Covid-19

Le battage médiatique au service du poison démocratique

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Les États-Unis, le pays le plus puissant de la planète, sont devenus la vitrine de la décomposition progressive de l’ordre mondial capitaliste. La campagne électorale a jeté une lumière crue sur un pays déchiré par des divisions raciales, par des conflits de plus en plus brutaux au sein de la classe dominante, par une incapacité choquante à faire face à la pandémie de Covid-19 qui a fait près d’un quart de million de morts dans le pays, par l’impact dévastateur de la crise économique et écologique, par la propagation d’idéologies irrationnelles et apocalyptiques. Du reste, ces idéologies reflètent paradoxalement une vérité sous-jacente : nous vivons bien les “derniers jours” d’un système capitaliste qui règne pourtant au quatre coins de la planète.

Mais même dans la phase finale de son déclin historique, alors même que la classe dominante démontre chaque jour un peu plus sa tendance à la perte de contrôle sur son propre système, le capitalisme sait encore retourner son propre pourrissement contre son véritable ennemi, contre la classe ouvrière et le danger que celle-ci représente en prenant conscience de ses véritables intérêts. Ainsi, le taux de participation record à ces élections, les protestations comme les célébrations bruyantes des deux camps représentent un puissant renforcement de l’illusion démocratique, c’est-à-dire de la fausse idée que le changement de président ou de gouvernement peut stopper la chute du capitalisme dans l’abîme, que le vote permet au “peuple” de prendre en main son destin.

Aujourd’hui, cette idéologie est attisée par la conviction que Joe Biden et Kamala Harris “sauveront” la démocratie américaine des brimades et foucades autoritaires de Trump, qu’ils panseront les blessures de la nation, restaureront la rationalité et la fiabilité des relations des États-Unis avec les autres puissances mondiales. Ces idées trouvent un gigantesque écho dans une campagne idéologique internationale qui salue le renouveau de la démocratie américaine et le recul de l’assaut populiste contre les valeurs libérales.

Mais nous, les prolétaires, devrions être avertis : si Trump et son “America First” se sont ouvertement prononcés en faveur d’une intensification du conflit économique et même militaire avec d’autres États capitalistes (la Chine en particulier), Biden et Harris poursuivront également la politique de domination impérialiste de l’Amérique, peut-être avec des méthodes et une rhétorique légèrement différentes. Si Donald Trump était favorable aux réductions d’impôts pour les riches et que son règne s’est conclu par une immense poussée du chômage, une administration Biden, confrontée à une crise économique mondiale que la pandémie a sévèrement aggravé, n’aura d’autre choix que de faire payer la crise à la classe des exploités en multipliant les attaques contre ses conditions de vie et de travail. Si les travailleurs immigrés et illégaux pensent qu’ils seront plus en sécurité sous une administration Biden, qu’ils se souviennent que sous la présidence d’Obama et de son vice-président Biden, trois millions de travailleurs illégaux ont été expulsés des États-Unis.

Il ne fait aucun doute qu’une grande partie du soutien actuel à Biden est surtout une réaction aux véritables horreurs du trumpisme : les mensonges éhontés, les messages racistes subliminaux, la répression sévère des protestations, l’irresponsabilité totale face au Covid-19 et au changement climatique. Il ne fait aucun doute que Trump est l’expression d’un système social en putréfaction. Mais Trump prétend également parler au nom du “peuple”, agir comme un outsider opposé aux “élites” irresponsables. Même lorsqu’il sape ouvertement les “règles” de la démocratie capitaliste, il renforce davantage le contre-argument selon lequel nous devrions plus que jamais nous rallier à la défense de ces “règles”. En ce sens, Biden et Trump sont les deux faces d’une même médaille, celle de l’escroquerie démocratique.

Cela ne signifie pas que ces deux “antagonistes” travailleront ensemble pacifiquement. Même si Trump est démis de ses fonctions, le trumpisme ne disparaîtra pas. Trump a normalisé les milices armées d’extrême-droite qui défilent dans les rues et a fait entrer dans le courant idéologique des sectes conspirationnistes comme QAnon. En réaction, tout cela a nourri la croissance des escouades antifascistes et des milices pro-black power prêtes à s’opposer aux suprémacistes blancs les armes à la main. Derrière tout cela, la bourgeoisie américaine et sa machine étatique sont rongées par des intérêts économiques et de politique étrangère contradictoire que les discours de “guérison” de Biden ne peuvent pas faire disparaître. Il est fort possible que ces conflits deviennent plus intenses et plus violents dans la période à venir.

La classe ouvrière n’a aucun intérêt à être prise dans ce genre de “guerre civile”, à donner son énergie et même son sang aux conflits entre les factions populistes et anti-populistes de la bourgeoisie. Dans leurs discours respectifs, ces factions n’hésitent d’ailleurs pas à propager une vision tronquée de la “classe ouvrière”. Trump se présente comme le champion des ouvriers dont les emplois ont été mis en danger ou détruits par une concurrence étrangère “déloyale”. Les démocrates, en particulier les figures de gauche comme Sanders ou Ocasio-Cortez, prétendent également parler au nom des exploités et des opprimés.

Mais la classe ouvrière a ses propres intérêts et ils ne coïncident avec aucun des partis de la bourgeoisie, républicain ou démocrate. Ils ne coïncident pas non plus avec les intérêts de l’ “Amérique”, du “peuple” ou de la “nation”, ce lieu légendaire où les exploités et les exploiteurs vivent en harmonie (bien que dans une concurrence impitoyable avec les autres nations). Les prolétaires n’ont pas de patrie. Ils font partie d’une classe internationale qui, dans tous les pays, est exploitée par le capital et opprimée par ses gouvernements, y compris ceux qui osent se dire socialistes, comme la Chine ou Cuba, simplement parce qu’ils ont “nationalisé” les rapports entre le capital et ses esclaves salariés. Cette forme de capitalisme d’État est l’option préférée de l’aile gauche du Parti démocrate, dans laquelle, pourtant, “les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. Le rapport capitaliste n’est pas supprimé, il est au contraire poussé à son comble”. comme l’a souligné Engels. (1)

Le vrai socialisme est une communauté humaine mondiale où les classes, l’esclavage salarié et l’État ont été abolis. Ce sera la première société de l’histoire où les êtres humains auront un réel contrôle sur le produit de leurs propres mains et de leur propre esprit. Mais pour faire le premier pas vers une telle société, il faut que la classe ouvrière se reconnaisse comme une classe opposée au capital. Une telle prise de conscience ne peut se développer que si les travailleurs se battent bec et ongles pour défendre leurs propres conditions d’existence, contre les efforts de la bourgeoisie et de son État pour faire baisser les salaires, supprimer des emplois et allonger la journée de travail. Il ne fait aucun doute que la récession mondiale qui se dessine dans le sillage de la pandémie fera de ces attaques le programme inévitable de toutes les parties de la classe capitaliste. Face à ces attaques, les travailleurs devront se lancer massivement dans la lutte pour la défense de leur condition de vie. Il ne peut y avoir de place pour l’illusion : Biden, comme tout autre dirigeant capitaliste, n’hésitera pas à ordonner la répression sanglante de la classe ouvrière si elle menace leur ordre.

La lutte des travailleurs pour leurs propres revendications de classe est une nécessité, non seulement pour contrer les attaques économiques lancées par la bourgeoisie, mais surtout comme base pour surmonter leurs illusions sur tel ou tel parti ou dirigeant bourgeois, pour développer leur propre perspective, leur propre alternative à cette société en déclin.

Au cours de ses luttes, la classe ouvrière sera obligée de développer ses propres formes d’organisation comme les assemblées générales et les comités de grève élus et révocables, formes embryonnaires des conseils ouvriers qui, dans les périodes révolutionnaires passées, se sont révélés être les moyens par lesquels la classe ouvrière a été en mesure de s’emparer du pouvoir et commencer la construction d’une nouvelle société. Dans un tel processus, un authentique parti politique prolétarien aura un rôle vital à jouer : non pas pour demander aux travailleurs de le porter au pouvoir, mais pour défendre les principes issus des luttes du passé et pour indiquer la voie vers l’avenir révolutionnaire. Comme le dit L’Internationale, “Il n’est pas de sauveurs suprêmes. Ni Dieu, ni César, ni tribun”. Pas de Trump, pas Biden, pas de faux messie. La classe ouvrière ne peut s’émanciper que par ses propres moyens et, ce faisant, libérer l’humanité toute entière des chaînes du capital.

Amos, 10 novembre 2020

1) Engels, Socialisme utopique et socialisme scientifique (1880).

 

Géographique: 

  • Etats-Unis [4]

Questions théoriques: 

  • Démocratie [5]

Rubrique: 

Elections aux États-Unis

Derrière tous les terroristes, c’ est le capitalisme qui nous tue !

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Un enseignant décapité dans la rue en représailles d’un cours sur la liberté d’expression… Cela ne s’est pas passé au fin fond de l’Afghanistan ni des territoires irakien ou syrien dominés par Daesh, mais au cœur de l’Europe, dans la région parisienne, au moment où s’ouvre le procès des responsables survivants des attentats islamistes de 2015 et l’assassinat des dessinateurs Charb, Wolinski, Cabu, Tignous dans les locaux de Charlie Hebdo. Ce meurtre s’inscrit d’ailleurs dans la continuité de l’attaque terroriste du 25 septembre 2020 à Paris, commise à proximité des anciens locaux du journal satirique. Deux personnes ont été gravement blessées à l’arme blanche, par un jeune pakistanais de 18 ans qui affirme avoir agi en repré­sailles de la récente republication des caricatures de Mahomet. Samuel Paty, lui, a été froidement assassiné parce qu’il a eu le malheur de faire un cours sur la liberté d’expression concrétisée par ces caricatures.

L’horreur et la barbarie de cet acte ignoble ont provoqué un état de choc, un “sursaut” et une indignation légitime dans la grande majorité de la population. Samuel Paty, professeur d’histoire stigmatisé et dénoncé sur les réseaux sociaux par un parent d’élève pour avoir tenu des propos prétendument “blasphématoires”, était un simple défenseur de la “liberté d’expression”. Il ne faisait qu’appliquer le programme scolaire d’une éducation “citoyenne” dans le respect des règles de la “démocratie républi­caine”. Qu’il ait fait l’objet, pour cela, d’une dénonciation publique et d’un assassinat crapuleux et prémédité est ahurissant. Le déchaînement de la vindicte sur les réseaux sociaux de la part d’élèves, de parents d’élèves, de citoyens se sentant une légitimité pour dénoncer et insulter celui qui ne pense pas comme eux a effectivement préparé les conditions du passage à l’acte et à son exécution atroce par un jeune fanatique islamiste.

Il n’a pas fallu deux semaines pour qu’un nouvel attentat au couteau soit perpétré par un autre fanatique dans la basilique de Nice, causant trois morts. Là encore, les victimes sont de simples fidèles catholiques venant prier dans leur lieu de culte sensé représenter un espace sacré de paix et de pardon soi-disant préservé du chaos, et qui est devenu, l’espace d’un instant, le théâtre de la barbarie la plus sauvage.

Une nouvelle manifestation de la décomposition du capitalisme

Ces “faits divers” qui ont bouleversé l’ensemble de la population, notamment les enseignants, sont de nouvelles manifestations de la barbarie et de l’état avancé de décomposition du monde actuel. La haine, l’obscurantisme religieux et le culte de la violence sont des symptômes, parmi beaucoup d’autres, du pourrissement de la société capitaliste. D’un côté, c’est la satire, l’humour comme “forme la plus saine de la lucidité” (selon Jacques Brel), une expression de la civilisation, de la pensée humaine, qui a été encore une fois la cible du nihilisme mystique et du fanatisme religieux. De l’autre, c’est la religion catholique, religion “concurrente” de l’islam qui est visée par un jeune fanatique, un paumé désocialisé devenu tueur bestial et qui se rêve en martyr.

Nous écrivions déjà en 2015 : “La haine et le nihilisme sont toujours un moteur essentiel dans l’action des terroristes, et particulièrement de ceux qui font délibérément le sacrifice de leur vie pour tuer le plus massivement possible. Mais cette haine qui transforme des êtres humains en machines à tuer froidement, sans la moindre considération pour les innocents qu’ils assassinent, a souvent eu pour cible principale ces autres “machines à tuer” que sont les États. Rien de ça, le 7 janvier à Paris : la haine obscurantiste et le désir fanatique de vengeance sont ici à l’état pur. Sa cible est l’autre, celui qui ne pense pas comme moi, et surtout celui qui pense parce que moi j’ai décidé de ne plus penser, c’est-à-dire d’exercer cette faculté propre à l’espèce humaine”. (1)

Le pire, c’est que l’attentat de 2015 n’était que la pointe émergée d’un iceberg, de toute une mouvance qui prospère de plus en plus dans les banlieues pauvres, une mouvance qui s’était exprimée à travers l’idée revancharde que Charlie Hebdo l’avait bien cherché en insultant le prophète ! Depuis les attentats de Charlie Hebdo, de l’hyper casher et des attentats dévastateurs de novembre 2015 à Paris (130 morts), il n’est pas de mois où d’autres attentats semant la mort parsèment l’actualité en France ou en Europe. Mais ce qui donne une dimension singulière, particulièrement effroyable, au meurtre de Samuel Paty, c’est son caractère organisé et les moyens mis en œuvre. Ce crime n’a pu aboutir que grâce à la complicité “innocente” d’ “honnêtes citoyens” qui ont donné des informations au meurtrier, facilitant ainsi son passage à l’acte : deux jeunes collégiens et des parents d’élèves jurant la main sur le cœur qu’ils “ignoraient” les sinistres intentions du terroriste ! De plus, le mode opérationnel du meurtrier ne peut que nous glacer d’effroi : la décapitation au couteau, selon les méthodes sanguinaires enseignées par Daesh. Avec de surcroît, la circulation sur les réseaux sociaux de photos prises par le meurtrier de sa victime décapitée. Une telle abomination, digne d’un film d’horreur, dépasse l’impensable !

Le capitalisme produit des bombes humaines

Derrière l’État islamiste ou plutôt derrière sa vitrine, de plus en plus de jeunes désespérés, déclassés, sans avenir, s’enrôlent et se découvrent un “idéal de purification” de la société par la mort. Ces terroristes se recrutent de plus en plus parmi de jeunes adolescents (et pas seulement ceux des ban­lieues les plus défavorisées).

Ce deuxième attentat de Nice, commis selon les mêmes modalités que celui de Conflans ou celui de Paris le 25 septembre, montrent que ces crimes sont de plus en plus souvent des actes d’individus isolés, désespérés qui trouvent dans l’idéologie mortifère de l’islam radical un moyen stérile et destructeur de devenir quelqu’un. Bien que ces individus soient poussés et parfois aidés par des réseaux, il s’agit moins pour le moment d’actes bien structurés et organisés par des organisations ou des États, dans un contexte où Daesh est affaibli et n’a plus autant de marge de manœuvre pour mener des “raids” planifiés, structurés et financés, dans les pays centraux. Que ce soit à Conflans-Sainte-Honorine, à Nice ou tout dernièrement à Vienne en Autriche, ces actes terroristes sont la claire démonstration que ces fanatiques devenus monstres ne sont plus sous contrôle de qui que ce soit. Ils ne sont même plus le bras formé et armé de telle ou telle officine djihadiste déclarée ou revendiquée mais de simples machines à tuer low cost, l’expression de “l’ubérisation” d’idéologies décomposées qui produisent ces “auto-entrepreneurs” du terrorisme. (2)

Comment comprendre alors que l’idéologie djihadiste, irrationnelle, nihiliste et digne du fascisme gangrène une partie de la jeunesse ? Ces adolescents kamikazes qui s’engagent dans la “guerre sainte” pour gagner le paradis ne sont-ils que des créatures monstrueuses, étrangères à l’espèce humaine ? Sont-ils de simples bourreaux que les forces de l’ “ordre répu­blicain” sont acculées à abattre comme des chiens ? Ou sont-ils aussi des victimes de leurs crimes innommables et d’un système qui transforme les hommes en machines à tuer ? Derrière leur radicalisation et leur passage à l’acte terroriste, il y a une attitude nihiliste suicidaire caricaturale mais entretenue par un idéal mystique que véhicule toute conception religieuse du monde.

L’islam n’a pas d’exclusivité en matière de radicalisation violente. Cela vaut pour toutes les religions. D’un côté, elles proposent compassion, miséricorde, “vie éternelle” dans le royaume des cieux et un “paradis” qui ne peut être trouvé sur terre, lieu de tous les “pêchés”. De l’autre, elles stigmatisent les impies, les mécréants, les “infidèles”, les “tentateurs”, sources du Mal et adorateurs de Satan, qu’il faut éradiquer dans leur chair, sous le glaive ou sur le bûcher. Les religions ne font que justifier l’injustifiable et perpétuer la soumission à l’exploitation dans le “royaume des hommes”. Comme disait Marx, la religion est “l’opium du peuple”. Elle est “le cœur d’un monde sans cœur et l’esprit d’un monde sans esprit”.

Ces jeunes apprentis “martyrs” n’imaginent comme seule perspective qu’une action spectaculaire et barbare n’ayant de glorieux que le fait d’entraîner avec soi dans la mort quelques innocents soi-disant “mécréants”, ou des symboles de cette société “souillée” et honnie : militaires, flics, journalistes, enseignants, fidèles d’autres religions… Pour ces djihadistes, c’est un moyen de cesser d’être invisibles aux yeux des autres, de la société, et d’ “exister” un ultime instant avant de se faire sauter avec une ceinture d’explosifs ou se faire descendre sous les balles des flics, en criant qu’ “Allah est le plus grand”.

La montée de l’irrationalité, de l’intégrisme religieux, du nihilisme est la trame fondamentale d’une conception mortifère totalement décomposée des liens sociaux, de l’humanité, véhiculée par des individus déjà broyés dans leur tête et totalement décérébrés.

C’est donc très clairement qu’il faut s’attendre à la recrudescence de tels actes, nourris par la spirale infernale de la décomposition de l’ensemble de la société capitaliste, nourris par les réponses répressives, politiques et sociales des États bourgeois qui ne pourront que jeter de l’huile sur le feu.

Le fait que des adolescents n’aient d’autre ambition que de mourir en héros est le reflet du système capitaliste, un système pourri qui n’a aucun avenir à offrir aux jeunes générations. C’est à cause de cette absence de perspective, de l’atmosphère ambiante du no future, qu’une partie de ces jeunes, souvent laissés pour compte, cherchent un refuge et un exutoire à leur désespoir dans le fanatisme religieux.

Bernard, 2 novembre 2020

 

1) Révolution internationale no 450.

2) Bien qu’il semble attesté que l’assassin de Samuel Paty par exemple était en contact avec des djihadistes basés en Syrie.

 

Questions théoriques: 

  • Terrorisme [6]

Rubrique: 

Meurtre de Samuel Paty

À qui profite le crime ?

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L’assassinat abominable de Samuel Paty, survenu en pleine campagne médiatique sur le procès des terroristes qui ont attaqué Charlie Hebdo en 2015, les attentats de Nice et tout dernièrement celui survenu à Vienne n’ont fait que renforcer un climat social de peur et d’insécurité. Le battage médiatique en rajoute encore sur les “ennemis de l’ombre” (Covid-19 et le terrorisme) qui peuvent frapper n’importe qui, n’importe quand et à n’importe quel moment !

Non à l’union sacrée !

À les entendre tous, hommes politiques et médias, nous sommes en guerre et nous devons tous entrer en résistance contre l’obscurantisme et “l’ennemi intérieur”. La République, la laïcité, la liberté d’expression, la démocratie, la nation, l’Éducation nationale… la civilisation, sont attaquées. Mobilisation générale ! Pour la défense de la liberté d’expression et des valeurs démocratiques de la République, on nous appelle encore une fois à l’union sacrée, derrière le slogan : “ne nous laissons pas diviser” ! La solidarité et l’hommage solennel rendu à Samuel Paty ont donné lieu encore une fois au déploiement d’une vaste campagne idéologique d’union nationale derrière l’État républicain. Toute la classe politique, de droite comme de gauche (avec son Premier ministre Castex, et son ministre de l’Éducation nationale Blanquer), était présente, derrière le drapeau tricolore, lors du grand rassemblement place de la République à Paris, le dimanche 18 octobre. Samuel Paty s’est même vu érigé en héros et grand défenseur de la République par Emmanuel Macron dans le discours que celui-ci prononça le jour des funérailles. Qui récupère et s’approprie l’indignation légitime de l’ensemble de la population face à la sauvagerie du meurtre de Samuel Paty ? À qui profite le crime ? À la classe dominante qui se sert de ce meurtre ignoble pour les besoins de sa propagande patriotarde à la gloire de la démocratie bourgeoise !

Si la majorité des enseignants se trouve à juste titre traumatisée par un acte criminel abominable et dont chacun aurait pu être victime du simple fait de sa profession, si maintenant le tout-venant des catholiques se sent la cible de tueurs fanatiques quand il se rend à l’office le dimanche, tous sont appelés à défendre en priorité, non leurs conditions de travail et de vie, mais leur statut d’ “éducateurs de la République” pour les uns et “la liberté de religion” pour les autres. Tous les enseignants, comme l’ensemble de la classe ouvrière, mobilisés d’abord et avant tout en tant que citoyens, sont appelés à resserrer les rangs derrière l’État démocratique et à faire cause commune avec le gouvernement. Cette tentative d’embrigadement pousse, par exemple, les travailleurs de l’Éducation nationale à se retrouver avec leurs exploiteurs dans la rue, à devoir chanter La Marseillaise, à se tenir au garde à vous et imposer une minute de silence citoyenne à tous leurs élèves regroupés dans les cours des établissements scolaires (au mépris, d’ailleurs, de toutes les règles de protection sanitaire) et, bien sûr, à signaler à l’État républicain tout élève ou famille “déviante” comme ce fut le cas dans quelques établissements comme, par exemple, dans des collèges de l’agglomération de Strasbourg. Et pour quel crime ? “Apologie du terrorisme” après des “incidents” survenus lors de l’hommage à Samuel Paty ! Le parquet précise que l’enquête vise deux adolescents de 12 ans ! Ils auraient tenu des propos laissant entendre qu’ils justifiaient l’assassinat. D’autres incidents ont été signalés à la justice, l’un concerne cette fois des enfants de 8 et 9  ans (!) scolarisés dans des écoles primaires. Au Mans, une proviseure d’établissement a même déclenché le “protocole sécurité” pour faire intervenir les forces de l’ordre, après qu’un élève a été aperçu en train de photocopier une feuille de papier portant une inscription en arabe, à la bibliothèque du lycée. Apparemment l’État veille et ne laisse plus rien passer à ces jeunes “djihadistes radicalisés” ! À quand les déscente de police dans les écoles maternelles ?

De fait, là encore, l’État est en train de réprimer, stigmatiser des gamins dès leur plus jeune âge, leur asséner qu’ils ne sont que déviants et doivent se soumettre à tout prix à l’ordre démocratique capitaliste qui les a déjà de fait, exclu eux ou leurs familles. Dans ce climat de délation et de répression, l’ambiance dans les établissements scolaires ne peut que se dégrader, chacun se méfiant de chacun, aggravant les tensions, le rejet des uns par les autres. L’État contribue ainsi directement, en complément de tous les discours djihadistes, à créer les “monstres” de demain, pris entre le marteau et l’enclume de deux visions du monde réactionnaires qui ne peuvent que les pousser au néant et à la folie. La boîte de Pandore est ouverte.

La xénophobie est un poison pour la classe ouvrière

Encore une fois, le principe “diviser pour mieux régner” cher à la classe dominante va faire des ravages : renforcement des discours et d’actes de rétorsion contre les musulmans avec la suspicion que derrière chaque musulman ou derrière chaque gamin de banlieue se cache un terroriste potentiel. Cet amalgame et l’islamophobie croissante seront le fruit à la fois de ces meurtres crapuleux et des campagnes nationalistes citoyennes justifiant le renforcement des contrôles policiers (notamment des jeunes) pour délit de “sale gueule”, le flicage permanent et la répression de tout ce qui sera considéré comme “antirépublicain”, non démocratique et atteinte potentielle à la sécurité de l’État.

C’est cette logique qui est de fait à l’œuvre dans le projet de loi sur le séparatisme proposé par le gouvernement : toutes les expressions un tant soit peu déviantes à l’encontre de la République et de ses prétendues “valeurs” sont stigmatisées et considérées comme dangereuses. En appelant tous les “citoyens” à les combattre, l’État bourgeois tente de raffermir, auprès des exploités, l’adhésion à l’ordre de la démocratie bourgeoise, présentée de manière fallacieuse comme “le meilleur des mondes”.

Le développement de la xénophobie ne peut qu’engendrer encore plus de violences sociales (telle l’agression de femmes voilées traitées de “salopes” le jour même des funérailles de Samuel Paty). Cette xénophobie se manifeste aussi par le durcissement des contrôles aux frontières revendiqué par le gouvernement avec la volonté manifeste de renvoyer “chez eux” les étrangers “louches”, les “séparatistes” de tous poils, etc. et la remise en cause du droit d’asile. Tout ce dont, bien évidemment, le Rassemblement national (ex-FN)cherche à profiter à outrance en surfant sur la peur et le repli sur soi. Ce terrain pourri du nationalisme (dont le Rassemblement national est d’ailleurs loin d’avoir l’exclusivité !), de l’exclusion et de la délation, de la recherche d’un bouc-émissaire pour justifier la barbarie, n’est pas le terrain de la classe ouvrière. Son terrain, c’est celui de l’internationalisme, de la solidarité dans la lutte contre l’exploitation et particulièrement l’exploiteur en chef, le plus hypocrite et pernicieux : l’État bourgeois.

Pour en finir avec le terrorisme, il faut en finir avec le capitalisme

Ces derniers assassinats sont un révélateur du pourrissement nauséabond du système capitaliste. Ce système en putréfaction, laissé à sa propre dynamique morbide et barbare, ne peut qu’entraîner progressivement toute l’humanité vers le chaos sanglant, la folie meurtrière et la mort.

Comme l’illustre le terrorisme, le capitalisme ne cesse de fabriquer des individus totalement désespérés, broyés et capables des pires atrocités.Ces terroristes, le capitalisme les façonne à son image. Si de tels “monstres” existent, c’est parce que la société capitaliste est devenue “monstrueuse” !

Ni la bourgeoisie, ni son État, ne peuvent protéger la population de ces monstres qu’ils ont créés et qui peuvent frapper de manière aléatoire et ponctuelle. La classe dominante perd de plus en plus le contrôle sur son propre système en décomposition qui ne peut que continuer à semer la mort. Pire encore : toute la cristallisation médiatique et la mise en avant du danger islamiste radical ne peut hélas que faire naître des vocations de terroristes martyrs.

Face à la barbarie du terrorisme, l’impuissance des États et de leurs gouvernements est de plus en plus manifeste. Ces États et gouvernements démocratiques qui dans leurs croisades impérialistes, depuis la guerre du Golfe contre Saddam Hussein, n’ont fait qu’attiser la haine et la soif de vengeance des islamistes fanatisés. Dans la société capitaliste en décomposition, la barbarie et le culte de la violence ne peuvent engendrer que toujours plus de barbarie et de violence aveugle.

La fin de cette spirale infernale ne pourra certainement pas venir de l’action de ceux qui sont les principaux défenseurs et garants du système économique qui engendre cette barbarie. Elle ne pourra résulter que du renversement de ce système par le prolétariat mondial et de son remplacement par une véritable communauté humaine universelle basée non plus sur le profit, la concurrence et l’exploitation de l’homme par l’homme mais sur l’abolition de ces vestiges de la préhistoire humaine. Une société basée sur “une association où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous”, la société communiste !

Stopio, 22 octobre 2020

 

Questions théoriques: 

  • Terrorisme [6]

Rubrique: 

Meurtre de Samuel Paty

Camp de Moria en Grèce : La sauvagerie sans limite de la bourgeoisie !

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Dans la nuit du 8 au 9 septembre, un violent incendie ravageait le sinistre camp de Mória situé sur l’île grecque de Lesbos. Depuis la construction de ce camp en 2013, de nombreuses alertes ont été lancées au sujet des abominables conditions de détention des migrants. Ce camp surpeuplé, où près de 20 000 personnes survivaient en début d’année, n’a qu’une capacité d’accueil de 2 800 places. La violence, la faim, l’insalubrité y sont omniprésentes. En plus d’un contexte sanitaire effroyable, le camp ne dispose en moyenne que d’un point d’eau pour 1 300 personnes. Des familles entières vivent sous des bâches en plastiques et la nourriture est distribuée au compte goutte. Les séquelles psychologiques sont innombrables : sur Lesbos, un tiers des enfants s’est déjà mutilé ou a fait des tentatives de suicide. (1) Nombre d’entre eux refusent même d’ouvrir les yeux au petit matin, (2) préférant se terrer dans leur tente plutôt que de contempler la “solidarité” tant vantée par les États démocratiques !

Suite à cet énorme incendie, les 13 000 migrants du camp (dont 4 000 enfants), encore présents, se sont alors retrouvés à la rue, dans des conditions aussi désastreuses et inhumaines que lorsque les barbelés étaient leur seul refuge, dormant à même le bitume, sans soins, sans nourriture. En revanche, ils ont eu droit à une distribution de flyers à profusion pour exhorter les migrants à s’installer dans le nouveau camp que l’ONU construit de concert avec les autorités locales. (3) “L’entrée des demandeurs d’asile dans le nouveau camp n’est pas négociable”, déclarait le ministre de la Protection des citoyens, Michalis Chryssohoïdis, affirmant que sa politique migratoire était “dure mais juste”. Pour preuve, une opération policière au matin du 17 septembre raflait l’ensemble des migrants qui ne croyait pas à la “sécurité” et aux “conditions de vie décentes” promises par les autorités !

Les autorités peuvent d’ailleurs compter sur la complicité sans faille des ONG, qui sous couvert de protéger les migrants, les rabattent vers les camps et les enferment dans le cadre légal du “droit d’asile” (qui leur est très défavorable). Elles empêchent ainsi tout lien de solidarité avec la classe ouvrière qui vit à proximité. Parallèlement, les autorités locales ont volontairement excité la population de l’île en l’exhortant à aller manifester pour demander “l’éloignement des migrants”, accusés de faire chuter le tourisme.

Suite à l’incendie, les politiciens de tout bord n’ont pas tardé à sortir leur mouchoir (pour essuyer leurs larmes de crocodile), à l’instar de Macron, le président français, qui déclarait avec une hypocrisie inouïe que “l’incendie d’un camp à Lesbos est un drame supplémentaire pour des milliers de migrants déjà en situation de détresse. La France sera une nouvelle fois au rendez-vous de la solidarité avec la Grèce”. Mais bien sûr ! Le président du conseil européen lui aussi, “ému par cette situation dramatique et complexe”, encourage l’Europe a “davantage de partenariats avec des pays tiers” (comme la Libye, peut-être ?). Pour manifester leur “solidarité”, quelques pays ont “promis” d’accueillir une poignée de migrants, mineurs non accompagnés pour la plupart, tout en élaborant un nouveau “mécanisme de solidarité obligatoire” qui permettra de se débarrasser encore plus facilement des indésirables !

La bourgeoisie peut se fendre de beaux discours sur la solidarité, elle ne cesse d’enfoncer l’humanité dans la barbarie la plus sinistre. La crise migratoire de 2015 avait amené l’Union européenne (UE) à conclure un accord avec la Turquie et avec la Libye pour retenir les migrants. Il est notamment prévu que l’Italie aide les gardes-côtes libyens à intercepter les migrants qui tenteraient de franchir la Méditerranée. Ces derniers, dont de nombreux mineurs, sont ainsi détenus dans des camps libyens, soumis à des conditions de détention atroces : réduits en esclavage, violés, torturés… Malgré la sauvagerie bien connue qui se déchaîne dans ce pays (comme dans bien d’autres) contre les migrants, l’UE poursuit sa politique de sous-traitance et l’a même renouvelé pour trois ans en novembre 2019 !

Mais les États démocratiques ne se contentent pas de sous-traiter. Partout dans le monde, ils emploient eux-mêmes les pratiques les plus barbares à l’encontre des migrants. L’Australie repousse ainsi systématiquement les migrants depuis 7 ans en les parquant dans des îles-prisons, et ce dans des conditions tout aussi déplorables que les camps grecs. La politique anti-migrants du gouvernement américain est également particulièrement brutale : enfants arrachés à leurs parents, milices surarmées patrouillant à la frontière… des migrantes sont même victimes d’hystérectomies forcées !

Et la tendance n’a fait que se renforcer ces derniers mois. Dès le 6 mars 2020, Josep Borrell, haut représentant de l’UE, donnait ainsi le ton : “n’allez pas à la frontière, [elle] n’est pas ouverte”. Alors que le gouvernement grec profitait de la pandémie de COVID-19 pour interrompre toutes les procédures d’asile, conformément au droit de la très démocratique UE, (4) il appelait Frontex à l’aide pour interdire aux migrants l’accès à son territoire. (5) Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes de l’Union Européenne, n’est qu’un énième instrument policier pour dresser des barrières physiques et juridiques contre les migrants. Depuis sa création au début des années 2000, elle a vu son budget augmenter de plus de 7 500 %, atteignant en 2020 la somme mirobolante de 460 millions d’euros. (6) À quelques kilomètres des côtes de la Turquie, au nord-est de Lesbos, une barrière flottante anti-migrants, munie de bandes réfléchissantes et de lumières clignotantes, a ainsi été posée fin août afin de “gérer le flux de réfugiés et de migrants qui augmente sans cesse”. (7)

Cette politique ouvertement anti-migrants a débouché sur les pratiques les plus immondes. La sauvagerie débridée à l’égard des migrants en Libye ou ailleurs, a fini par toucher les côtes européennes, sous l’œil complice de tous ses États. Depuis le début de l’année, les gardes-côtes grecs n’ont pas hésité à abandonner en pleine mer au moins un millier de migrants : hommes, femmes enceintes et même des bébés ont été jetés sans sommation dans des rafiots sabotés et des radeaux de sauvetage (sic !), privés de leurs maigres biens et promis à une noyade certaine ! (8) Même si le gouvernement grec n’a pas directement donné d’ordre (ce qui est loin d’être impossible), il a au moins créé, avec la complicité des États européens, les conditions pour que ces actes immondes puissent se perpétrer.

De droite comme de gauche, démocratique ou ouvertement dictatoriale, voilà comment la bourgeoisie traite les êtres humains ! Le capitalisme en crise, y compris dans les pays les plus développés, est devenu incapable d’intégrer davantage de travailleurs à son appareil de production. Cette barbarie n’est pas seulement le fait de bourgeois sans scrupule, elle est le produit d’un système qui n’a plus rien à offrir que la mort et la destruction !

Olive, 27 septembre 2020.

 

1 ) “Des enfants tentent de se suicider pour échapper à l’enfer des camps de migrants de Lesbos [7]”, Le Figaro (10 décembre 2019).

2 ) “Insalubrité, manque de nourriture, violences : le calvaire des enfants du camp de réfugiés de Lesbos [8]”, France Inter (14 octobre 2019).

3 ) Voici le contenu du flyer : “Veuillez immédiatement procéder à votre entrée dans le camp. Votre séjour dans ce camp est obligatoire pour garantir des conditions de vie décentes, pour des raisons de santé publique et personnelle ainsi que pour relancer la procédure d’asile. (sic !) Dans le camp, vous serez complètement en sécurité”. Autrement dit : les flics ne vous casseront pas trop la gueule !

4 ) “Grèce : les demandes d’asile suspendues pour un mois [9]”, Info migrants (02 mars 2020).

5 ) “Frontex déployée à la frontière terrestre gréco-turque [10]”, Le Figaro (13 mars 2020).

6 ) En 30 ans, 1000 km de murs ont été érigés en Europe pour empêcher les migrants d’y pénétrer.

7 ) “Greece to deploy anti-migrant barrier off Lesbos [11]” d’après l’AFP (01 juillet 2020).

8 ) “Taking Hard Line, Greece Turns Back Migrants by Abandoning Them at Sea [12]”, The New York Times (14 août 2020).

Rubrique: 

Barbarie du capitalisme

Crise sanitaire, crise économique, terrorisme… Les syndicats au chevet du capital national

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“Depuis la fin du confinement, pas une semaine ne se passe sans qu’une annonce de plan social, de restructuration, voire de faillite ne soit faite” constate Le Figaro. ( 1) Les prévisions des licenciements à venir en France donnent ainsi le tournis : Bridgestone (863 suppressions de postes prévues), Air France (7 580), Airbus (5 000), Daher (2 000), Renault (4 600), Valeo (2 000), Sodexo (2 083), Elior (1 888), Auchan (1 475), Latécoère (475), etc., totalisant plus de 62 000 suppressions de postes annoncées à ce jour, rien que dans des entreprises employant au moins 50 salariés, soit plus du double de ceux annoncés sur la même période en 2019. En y ajoutant les licenciements touchant les ouvriers des entreprises de moins de 50 salariés, c’est plus de 66 000 licenciements qui sont officiellement annoncés au 25 octobre. (2)

Alors que le prolétariat en France fait face à ces attaques massives, les syndicats volent à la rescousse… de la bourgeoisie française.

Les syndicats agissent en défense de la bourgeoisie…

D’une part, afin de tenter de restaurer la compétitivité des entreprises menacées par la crise économique, les syndicats participent activement à la mise en place des attaques patronales, sous couvert de négocier “le moins mauvais accord possible”. D’autre part, afin de permettre aux attaques présentes et à venir de se dérouler sans accroc, les syndicats savent qu’il est nécessaire de diviser les ouvriers et de pourrir leur conscience. Ainsi à Valeo où a été signé “un accord majoritaire de compétitivité et de performance collective, avec les organisations syndicales CFE-CGC et FO” prévoyant, en plus des “départs volontaires”, de ne procéder “à aucune fermeture de sites et aucun licenciement économique contraint en France dans les deux ans à venir”. En contrepartie, les syndicats expliquent que l’accord prévoit un gel des salaires, une minoration des indemnités de départ à la retraite ou encore une réduction du montant des primes. “Nous avons fait le choix de la négociation collective afin d’associer nos partenaires sociaux aux décisions qui s’imposent face à la crise. La qualité du dialogue social nous a donné raison”, a commenté Jacques Aschenbroich, le PDG de Valeo”. (3)

À Airbus, les syndicats se sont d’abord attelés à monter les ouvriers les uns contre les autres : “On constate que nos dirigeants nous fabriquent un Airbus à deux vitesses”, avec “des contraintes sur les salaires et les conditions de travail pour les salariés de la production”, tandis que “les salariés des fonctions support et de l’ingénierie ne subissent rien du tout”, a protesté auprès de l’AFP Jean-François Knepper, délégué FO, à l’issue d’une réunion au ministère de l’Économie. À Bercy, le premier syndicat d’Airbus a “senti un ministère mobilisé derrière (ses) préoccupations. C’est essentiel et important”. (4) Ils ont ensuite signé un accord dans le cadre du plan social en invoquant un engagement d’Airbus pour le “zéro licenciement contraint”… rapidement démenti par la direction d’Airbus elle-même affirmant qu’il était “peu probable que les départs volontaires suffisent”. (5)

Parallèlement à ces manœuvres, on assiste aussi, notamment à l’appel de syndicats radicaux tels que la CNT-Vignoles, Solidaires, la FSU ou la CGT, à une multiplication d’actions locales, dispersées, chaque secteur étant appelé à mettre en avant ses soi-disant “revendications propres” et à agir isolément des autres tant géographiquement (chacun dans son coin, sans lien avec les autres secteurs) que temporellement (chacun sa journée d’action, différente des autres secteurs) : appel à la grève à l’aéroport de Roissy le 15 octobre, à Solocal le 16 octobre, à Nokia-Lannion le 19 octobre, des livreurs à vélo le 30 octobre, dans l’enseignement secondaire du 2 au 7 novembre, à Suez/Véolia le 3 novembre, dans l’enseignement en Seine-Saint-Denis le 17 novembre, ou encore de certaines catégories d’agents hospitaliers de différents lieux à différentes dates… Dans le contexte actuel de crise sanitaire défavorable à la lutte massive, l’objectif recherché de ce morcellement des luttes est d’épuiser en canalisant la colère et en stérilisant la combativité ouvrière dans des actions isolées et inefficaces et d’instiller un sentiment d’impuissance face à l’aggravation de la crise économique.

… et de son État, dont ils sont des rouages

En réduisant en permanence le capitalisme à sa composante libérale, au secteur privé, les syndicats s’échinent sciemment à passer sous silence la nature bourgeoise de l’État dans la société capitaliste, à présenter l’État bourgeois démocratique comme “le garant de l’intérêt général” et à prôner sa défense auprès de la classe ouvrière contre “les intérêts privés” sous couvert de “défense de la démocratie et des services publics”.

Le plan de relance annoncé par le gouvernement le 3 septembre a ainsi suscité des réactions syndicales consistant notamment en des appels à “ne pas oublier les salariés de la deuxième ligne”, à réclamer des “contreparties de la part des entreprises”, c’est-à-dire à demander un peu plus d’équité dans le capitalisme… que l’État capitaliste lui-même devrait garantir.

Mais c’est quand ils estiment “la patrie en danger” que les syndicats s’affichent le plus ouvertement comme défenseurs de l’État bourgeois. Ainsi cette “Adresse de la CGT au monde du travail”. Pour la CGT, en raison de la “convergence de crise sanitaire, économique, environnementale, sociale et menace terroriste… La France et le monde du travail font face à un péril inédit.” À en croire la CGT, les intérêts du prolétariat et ceux de la bourgeoisie française et de son État seraient donc liés. Partant de là, l’ “Adresse de la CGT” prodigue au gouvernement en place ses conseils de gestion des affaires du capital national : “Depuis le début de l’épidémie, le gouvernement navigue à vue et nous abreuve d’injonctions contradictoires, alors qu’il faudrait qu’une véritable stratégie de crise soit élaborée collectivement et démocratiquement avec toutes les forces politiques et syndicales de ce pays. […] Après l’effroyable assassinat de Samuel Paty et les attentats de Nice, des positionnements politiques qui cumulent les amalgames, la stigmatisation des musulmans et les remises en cause de l’État de droit se multiplient. On ne défend pas la République en la vidant de ses valeurs !”

Mais de quelles valeurs s’agit-il ? Celles de l’exploitation capitaliste : esprit patriotard, concurrence et chacun pour soi, compétitivité, flexibilité. Justifiant la baisse des salaires, le chômage de masse, l’atomisation et la pauvreté !

L’ “Adresse de la CGT” fait écho à ce vibrant appel signé, entre autres, par les syndicats CGT, CNT-Vignoles, FIDL, UNEF, UNL, Solidaires et par les organisations gauchistes NPA et UCL (6) en défense de “l’État de droit” et d’une “société française unie, laïque (7) et démocratique” : “Nous réaffirmons la nécessité de défendre partout et tout le temps la liberté d’expression, la liberté pédagogique, la liberté d’association, de conscience et de culte dans le cadre de l’État de droit […] Nous réitérons notre opposition au projet de loi “séparatisme” qui n’a rien à voir avec la laïcité et tout à voir avec une campagne raciste et liberticide visant à diviser la société française. Il est plus que jamais nécessaire que fassent front commun toutes les organisations et la population se battant contre toutes les formes de racismes, de discriminations et de sexisme. Nous entendons prendre nos responsabilités en ce sens à travers des initiatives publiques pour défendre une société démocratique, laïque et solidaire”. (8)

Une servilité nationaliste si manifeste, y compris de la part de syndicats radicaux s’autoproclamant “internationalistes” et “anticapitalistes”, ne doit pas nous étonner. Ce refrain connu est celui que les syndicats nous serinent depuis le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914, date à laquelle ils ont définitivement été absorbés par l’État bourgeois afin de servir les intérêts de la classe dominante dans l’ “Union sacrée”. Depuis lors, chaque bourgeoisie nationale sait pouvoir compter sur ses syndicats en tant que force d’encadrement indispensable au maintien de l’ordre bourgeois.

DM, 7 novembre 2020

1 ) “Coronavirus : visualisez les effets de la crise sur l’emploi en France [13]”, Le Figaro (1er octobre 2020).

2 ) “Les ruptures de contrats liés à un PSE ont doublé par rapport à 2019 [14]”, La Tribune (29 octobre 2020).

3 ) “Valeo est parvenu à signer un accord majoritaire de compétitivité avec les syndicats [15]”, Capital (30 septembre 2020).

4 ) “Airbus : FO “ne signera“pas d’accord si la direction “fabrique un groupe à deux vitesses” [16], Le Figaro (1er octobre 2020).

5 ) “Airbus s’est engagé au “zéro licenciement contraint”, selon FO [17]“, Le Figaro (12 octobre 2020).

6 ) Sur le positionnement des organisations gauchistes vis-à-vis de la crise sanitaire actuelle : “Les groupes gauchistes face à la pandémie, chiens de garde et rabatteurs du capitalisme [18]”, Révolution internationale no 483 (juillet-août 2020).

7 ) Voir : “La laïcité, une arme idéologique contre la classe ouvrière”, parties 1 [19] et 2 [20], Révolution internationale nos 453 et 454.

8 ) “Contre les manipulations racistes, défendons les libertés  [21]!”, sur cnt-f.org

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [22]

Rubrique: 

Les syndicats contre la classe ouvrière

Compte rendu de la permanence de Révolution internationale (17 octobre 2020)

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Malgré la crise sanitaire, le CCI a la volonté de continuer à intervenir en direction de la classe ouvrière. C’est pourquoi il tient des permanences régulièrement, permanences en ligne restrictions sanitaires obligent. La dernière permanence s’est tenue le 17 octobre avec la présence de 14 personnes et des militants du CCI. Cette permanence était tout à fait justifiée car, unanimement, les personnes présentes ont exprimé le besoin de rompre avec l’isolement imposé par la bourgeoisie, de lutter contre l’atomisation et de discuter de la situation actuelle avec le CCI.

Tout d’abord, nous tenons à affirmer que la pandémie et toutes les mesures de confinement ou de restrictions imposées par la bourgeoisie et son État n’empêcheront pas les révolutionnaires de continuer leur combat, de continuer leur travail d’analyse, de discussion, de confrontations publiques des idées.

Le CCI a introduit la discussion par une courte présentation mettant en évidence que nous sommes aujourd’hui face à une situation historique mondiale d’une gravité sans précédent, ce qui rend encore plus cruciaux les enjeux du combat entre la bourgeoisie et le prolétariat. Dans cette courte présentation, nous avons posé un cadre pour pouvoir organiser la discussion à partir des questionnements et préoccupations dont certains contacts nous ont faits part dans leur courrier.

Cette présentation a rappelé l’analyse de cette crise sanitaire comme la manifestation majeure de l’accélération de la décomposition du capitalisme et comme l’événement mondial le plus important depuis l’effondrement du bloc de l’Est. Cette situation engendre, au sein de la société et de tous les États, un chaos généralisé qui prend aujourd’hui une ampleur dramatique avec cette pandémie mondiale. Une pandémie que la bourgeoisie est incapable de maîtriser, du fait de la restriction drastique des budgets de la recherche médicale et de la politique de démantèlement du système de santé dans tous les pays, comme résultats des politiques d’austérité et d’attaques contre la classe ouvrière depuis des décennies. Il est clair que le capitalisme n’a aucun avenir à offrir à l’humanité et à ses nouvelles générations.

Les participants à cette permanence qui ont répondu à notre invitation avaient manifesté la volonté de débattre d’un certain nombre de questions, dont les principales sont les suivantes :

– La question de la pandémie de Covid. Où en sommes-nous et quelle analyse en faisons-nous ?

– La question de l’aggravation de la crise économique due aux conséquences économiques de cette pandémie sur les conditions de vie de la classe ouvrière.

– Les mystifications de la bourgeoisie et la situation de la classe ouvrière aujourd’hui.

Après la courte introduction du CCI, la discussion a vite démarré. D’emblée, nous pouvons constater qu’il existait une grande volonté de débattre chez tous les participants. Cette volonté de discuter s’est manifestée immédiatement par une multitude d’interventions, de questions et de préoccupations.

L’aggravation de la crise économique

Concernant la question de la crise économique aggravée par la pandémie, la majorité des interventions ont montré un accord général sur la caractérisation de la crise actuelle comme conséquence de la crise générale et historique du capitalisme. Plusieurs participants ont insisté sur l’illustration de cette crise, l’incurie de l’État, les coupes claires dans les budgets sanitaires, les messages incompréhensibles et contradictoires du gouvernement sur la gestion de la crise, l’encadrement policier de la société.

Le CCI a réaffirmé qu’il était important de comprendre que cette crise sanitaire constitue une aggravation sans précédent de la crise historique ouverte du capitalisme. Le Covid-19 n’est pas la cause de la situation actuelle, la crise économique était déjà présente, les attaques de la bourgeoisie contre la classe ouvrière étaient déjà importantes, comme on l’a vu avec la réforme des retraites en 2019. Le Covid-19 n’est qu’un révélateur de l’impasse du capitalisme et de la tendance à la perte de contrôle de la bourgeoisie sur son système.

Les campagnes et mystifications de la bourgeoisie

En plus de ces préoccupations, d’autres questions ont surgi dans le débat. Cette crise sanitaire est-elle utilisée par la bourgeoisie, en d’autres termes est-elle le fruit d’un “complot” contre la classe ouvrière ? La finance est-elle la cause de cette crise économique ? Pourquoi la bourgeoisie en France débloque-t-elle des milliards d’euros aujourd’hui alors que l’on s’est battu contre la réforme des retraites représentant un enjeu d’une quinzaine de milliards pour la bourgeoisie ?

Le CCI a répondu une nouvelle fois que la pandémie et sa gestion ne sont que le résultat de la crise du système capitaliste et de l’incapacité de la bourgeoisie de donner une perspective à la société. Si la bourgeoisie est certes une classe machiavélique capable de toutes sortes de manipulations idéologiques, la pandémie de Covid-19 n’est pas une “invention” de la classe dominante. Dans la politique de la bourgeoisie face à la crise sanitaire il n’y a pas de “complot” mais avant tout la réalité de son incapacité à y faire face et à gérer son système moribond.

Sur la question de la finance : derrière cette question, en fait, il y a la volonté de fractions de la bourgeoisie (comme sa gauche et ses gauchistes), de masquer la cause profonde de la crise du capitalisme qui serait “la faute” des banques, des riches et qu’il suffirait simplement de redistribuer les richesses pour mettre fin à la misère ! Ces mystifications sont du même ordre que celles qui mettraient en avant que lorsque la pandémie prendra fin, tout redeviendra “normal” et “comme avant”. Y a-t-il une normalité dans ce système ? Ces mystifications ne sont que des moyens pour détourner la classe ouvrière de la réalité : l’impasse du capitalisme et la nécessité de renverser ce système d’exploitation.

L’impact de la pandémie sur la classe ouvrière

Cette question a constitué un point central abordé par les participants dans la permanence, qui ont tous constaté l’état de sidération actuel dans la société face à la pandémie. Une sidération qui s’accompagne par un repli sur soi, par une peur, et qui est aussi renforcée par la bourgeoisie à travers ses mesures de confinement et de contrôle policier. Et une des conséquences de cette situation est la difficulté à se regrouper pour discuter avec le renforcement de l’isolement et de l’atomisation. Une situation difficile constatée par nombre d’intervenants. Plusieurs interventions ont en effet souligné la difficulté pour le prolétariat de lutter dans le contexte actuel, mais aussi le fait que face à la crise économique accélérée par la crise sanitaire et son corollaire le chômage massif, cette situation va pousser les ouvriers, salariés comme chômeurs, à lutter. Enfin une intervention a dénoncé le rôle des syndicats qui, en négociant avec l’État, appellent les ouvriers à être responsables face à la catastrophe sanitaire.

À ces questions, le CCI a répondu qu’effectivement la situation est difficile pour la classe ouvrière aujourd’hui. Elle subit la situation comme un coup de massue qui la paralyse. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a dix mois la classe ouvrière en France a relevé la tête face à l’attaque de la bourgeoisie sur la question des retraites. La classe ouvrière a montré non seulement sa combativité mais aussi sa volonté de rechercher l’unité et la solidarité tous secteurs confondus et notamment dans le secteur hospitalier en lutte depuis de nombreux mois face à la pénurie d’effectifs. Néanmoins, il faut constater qu’aujourd’hui, ce qui domine, momentanément, c’est le poids du corporatisme alimenté par les syndicats. Pour les révolutionnaires, il est essentiel d’avoir une vision à long terme du combat de classe, ceci est valable de tout temps et surtout face à une période comme celle d’aujourd’hui. La crise sanitaire engendre déjà une crise économique sans précédent, une crise qui va s’approfondir avec son cortège de licenciements et la volonté de la bourgeoisie de faire payer encore plus fortement les conséquences de cette crise à la classe ouvrière pour tenter de sauver son économie. Le prolétariat n’aura donc pas d’autre choix que de se battre pied à pied pour défendre ses conditions de vie. Et c’est dans son combat, sur son propre terrain de classe, contre les effets de la crise économique, contre un système basé sur l’exploitation du travail, que le prolétariat pourra se hisser au niveau requis pour non seulement résister aux attaques mais aussi s’engager, dans le futur, dans la voie pour renverser le capitalisme avant qu’il ne détruise toute la planète et l’humanité.

Un participant a mis en avant l’idée qu’avec les licenciements, le chômage va être un facteur positif pour le développement des luttes ouvrières. C’est une question qui, faute de temps, n’a pas pu être débattue et sur laquelle il nous faudra revenir.

Un autre intervenant a souligné qu’il faut résister à un certain découragement : “nous, nous savons où on veut aller tout comme Lénine le savait, en 1917, face à l’immense tâche de la révolution russe”.

Cette réunion s’est terminée par un tour de table pour que chacun s’exprime sur le contenu de ce débat : A-t-on répondu aux différents questionnements ? Quelles sont les questions qui restent en suspens et à débattre ? L’ensemble des présents ont salué ce débat, sa richesse, manifestant leur satisfaction sur le contenu et le déroulement de cette réunion. Unanimement, ils ont salué l’importance de ce genre de rencontre, même virtuelle, car elle permet de rompre l’isolement. Celle-ci leur a permis de trouver des réponses à leurs questions sur la période actuelle. Deux intervenants ont souhaité pouvoir discuter du contenu de la Revue Internationale n°164 du CCI et des textes de notre dernier Congrès international, notamment la résolution sur la situation internationale qui développe des éléments nouveaux pour eux. Ce tour de table a montré une volonté de poursuivre la discussion dans d’autres réunions de ce type. La permanence s’est terminée par une conclusion faite par le CCI et un appel aux présents pour poursuivre le débat également à travers des courriers de lecteurs que nous publierons dans notre presse.

Il faut saluer ce genre de rencontre, la richesse du débat et la capacité des participants à se répondre aussi mutuellement. Nous tenons aussi à saluer la présence d’un camarade de Fil rouge (du courant bordiguiste). Ce qui montre que malgré leurs divergences, les révolutionnaires doivent pouvoir discuter fraternellement de la gravité de la situation actuelle.

Pour notre part, nous pensons qu’il a persisté, dans ce débat, une difficulté à discuter plus en profondeur de la crise économique aujourd’hui, qui est de notre point de vue la crise la plus grave de la décadence du capitalisme, surpassant même celle de 1929. Il a subsisté également une difficulté des participants à débattre de l’analyse du CCI de la phase de décomposition du capitalisme, et de son accélération illustrée par la pandémie. C’est une question qui reste à discuter et qui est essentielle pour comprendre les enjeux du rapport de force entre la bourgeoisie et la classe ouvrière. Il y va, face à cette situation historique, de l’avenir de l’humanité qui est entre les mains du prolétariat.

RI, 5 novembre 2020

 

 

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Discussion dans le camp prolétarien

Conflit dans le Haut-Karabakh: le chaos et la guerre succèdent à la guerre et au chaos!

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Située dans les hauteurs du Caucase entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la région montagneuse du Haut-Karabakh est une zone de conflit intense entre les deux États voisins et les puissances impérialistes qui les soutiennent. La barbarie et la guerre auxquelles sont confrontées les populations de cette région du monde ne sont pas nouvelles mais, pendant six semaines, les tensions se sont exacerbées et la violence s’est généralisée. Depuis fin septembre, les combats ont déjà fait plusieurs milliers de morts avec des centaines de victimes parmi les civils, le président russe évoquant un bilan avoisinant au moins 5 000 victimes.

Les deux camps n’ont pas hésité à prendre à partie les populations civiles en attaquant des villes ennemies : “Dimanche matin (1er novembre), la capitale séparatiste de Stepanakert (55 000 habitants) a été la cible d’intenses tirs d’artillerie lourde de l’armée azerbaïdjanaise, vers 9h30. Bakou a indiqué avoir procédé à ces tirs en riposte à des tirs de roquettes des forces arméniennes depuis la ville […]. La deuxième ville d’Azerbaïdjan, Gandja, a été de son côté “sous le feu” des forces arméniennes, a par ailleurs annoncé, dimanche, le ministère azerbaïdjanais de la défense”. (1) Dans cette escalade meurtrière, l’usage de bombes à sous-munitions, et en particulier au phosphore, contre des civils amplifie l’horreur de la situation. C’est à une véritable politique de haine et de terreur que se livrent les belligérants ! Le chaos et la désolation ont poussé plus de 90 000 personnes à quitter leurs maisons pour se réfugier en territoire arménien. Ceux qui sont restés sont condamnés à vivre dans des caves pour se protéger des tirs d’artillerie. Si le cessez-le-feu leur donne une période de répit, les discours belliqueux n’offrent aucune illusion sur ce qui attend les populations de cette région instable : toujours plus de violence, de terreur et de chaos !

Aujourd’hui, le fragile cessez-le-feu issu des “accords” entre les différentes parties en présence ne doit laisser aucune illusion sur un quelconque “règlement pacifique” du conflit. Il est le produit d’une situation qui ne fait que sanctionner un “ordre” précaire et un rapport de forces imposé à la fois par la Russie et la Turquie. Il ne règle rien. Il constitue même au contraire une étape dans l’exacerbation des tensions guerrières dans la région et alimente le chaos avec ce foyer de guerre qui risque de se rallumer plus tard.

Il est manifeste que la Russie, en se posant en arbitre du conflit, est parvenue à retourner la situation à son profit. Cela lui permet de reprendre la main sur la direction des opérations qui tendait à lui échapper et de réinstaller des troupes d’occupation, sous couvert de protection du maintien de l’accord de cessez-le-feu (2 000 soldats, avec une clause de renouvellement de cette force d’occupation tous les cinq ans). Elle a ainsi pu rétablir un contrôle militaire permanent qu’elle avait perdu il y 30 ans.

La récupération de la majeure partie de ce territoire par l’Azerbaïdjan consacre la victoire militaire et la suprématie écrasante des troupes azéries. Ceci s’est concrétisé par la prise de Choucha, la deuxième ville du territoire, par les forces séparatistes, ne laissant plus à l’Arménie qu’un étroit corridor la reliant encore à la capitale, Stepanakert. Cela permet donc au gouvernement azéri d’annexer sept districts d’où il avait été évincé en 1994.

Derrière cette victoire militaire de l’Azerbaïdjan, la Turquie, son ferme soutien, a conforté son influence dans le Caucase en faisant étalage de son agressivité. Une illustration supplémentaire de ses nouvelles ambitions d’expansion impérialiste consistant à se tailler une place parmi les grands requins de la région, parallèlement à son offensive en Méditerranée orientale face à la Grèce et à son rôle actif en Libye et en Syrie.

Ceci annonce en fait un bras-de-fer plus intense et un face-à-face plus direct déjà engagé entre la Russie et la Turquie, portant à un degré supérieur les tensions et la rivalité entre ces deux protagonistes. La situation donne cependant à la Turquie des atouts supplémentaires pour renforcer sa pression et exercer un chantage permanent au sein du dispositif de l’OTAN. La situation est d’autant plus complexe et difficile à gérer sur la situation internationale que le futur président Joe Biden a promis dès ses premiers discours d’investiture de “réactiver” le rôle de l’OTAN, ce qui ne peut que susciter l’irritation et l’inquiétude du Kremlin.

Mais cet accord représente clairement une défaite cinglante pour l’Arménie qui perd totalement le contrôle du territoire alors que la population y est en grande majorité arménienne et que ses “soutiens” occidentaux, en particulier la France et les États-Unis, ont été totalement marginalisés et réduits à l’impuissance, confirmant ainsi leur perte croissante de contrôle et d’influence.

Cela augure aussi une crise ouverte et une déstabilisation du gouvernement arménien qui a dû se résoudre à signer l’accord sous la menace d’une déroute militaire plus cuisante et à une division entre le Premier ministre accusé de capitulation et de trahison et d’autres fractions qui réclament sa démission, appelant ouvertement la population arménienne à la rébellion et à une mobilisation patriotique.

La situation témoigne donc non pas d’un pas vers la paix et la stabilisation mais exprime au contraire un enfoncement dans la décomposition et le chaos guerrier.

La situation dans le Haut-Karabakh est une triste illustration de l’impasse historique dans laquelle le capitalisme entraîne toute l’humanité. Un tel chaos trouve ses racines dans les conséquences de l’effondrement du bloc de l’Est dans les années 1990 : “Des frontières se sont érigées, au sein de l’URSS, défendues les armes à la main par les militants indépendantistes. La Lituanie a posté des gardes sur ses frontières et des affrontements sporadiques avec la police de Moscou ont occasionné plusieurs morts. Le conflit entre les milices arméniennes et azéris ne s’est pas calmé avec l’intervention de 1’ “armée rouge” dans la région. Les pogroms, la guerre et la répression à Bakou et dans le Caucase ont fait des centaines de morts. L’ “armée rouge” s’est enlisée sans parvenir à une solution du conflit. En Géorgie, les affrontements entre milices géorgiennes et ossètes ces derniers mois montrent l’émergence d’une nouvelle zone de tension. Partout en URSS, les conflits ethniques se multiplient”. (2) Les années qui suivirent furent une terrible confirmation de ce que nous écrivions alors. Entre 1991 et 1994, les affrontements armés entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie firent près de 30 000 morts et provoquèrent l’exode de plus d’un million de réfugiés. En mai 1994, le rattachement du Haut-Karabakh à l’Arménie alimenta un fort sentiment de revanche au sein de l’État d’Azerbaïdjan (qui perdait alors près d’un tiers de son territoire ex-soviétique). Par la suite, le conflit a connu une sorte de “gel”, comme disent les spécialistes, mais les tensions et les provocations ne cessèrent de s’amplifier, avec de nombreux “incidents” à la frontière.

La campagne militaire menée par l’Azerbaïdjan pour reconquérir ce petit territoire autonome est l’expression du pourrissement de la situation et de son instabilité croissante. Pour la Russie, puissance maîtresse et historique dans la région, et bien que cette dernière soit liée à l’Arménie par un pacte de défense mutuelle (tout comme l’UE et l’Iran), la situation était loin d’être simple : “Si la Russie entretient une relation privilégiée avec Erevan, elle a néanmoins un partenariat économique avec l’Azerbaïdjan, y compris dans le domaine de l’armement dont l’armée est indéniablement supérieure à celle de l’Arménie sur le plan matériel”. (3) La Russie ne pouvait pas se permettre de prendre ouvertement position pour un camp contre l’autre. Une situation que la Turquie a exploitée en soutenant activement l’Azerbaïdjan dans son offensive militaire. Dans cette stratégie, il est aisé pour Ankara de s’appuyer sur la culture musulmane d’une très large partie de la population azérie (plus de 90 %), faisant écho aux récentes déclarations d’Erdogan qui se positionne en véritable “défenseur de l’Islam”. Et il est clair que les poussées successives de l’impérialisme turc, suivies de très près par Moscou, incitent la Russie à intervenir d’une manière ou d’une autre. (4) Avec la conquête du Haut-Karabakh, l’Azerbaïdjan vise à étendre son territoire vers la frontière limitrophe avec son allié turc. Ankara n’hésite d’ailleurs pas à envoyer des groupes djihadistes et des mercenaires syriens pour soutenir l’offensive : “En effet, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), au moins 64 miliciens syriens ont été tués dans ce territoire depuis le début des combats. L’ONG affirme que 1 200 Syriens ont été envoyés par la Turquie se battre aux côtés des forces azerbaïdjanaises contre les séparatistes du Haut-Karabakh”. (5)

La nouvelle du cessez-le-feu a donné lieu à des manifestations en Arménie. Ces mobilisations accusant le premier ministre Pacharan de traître ne sont rien d’autre qu’un règlement de compte entre différentes fractions de la bourgeoisie arménienne dont la population est l’otage. Ici comme ailleurs, doit être défendu le fait que le prolétariat mondial n’a ni patrie, ni territoire à défendre, ni guerre impérialiste à mener. Choisir un camp contre un autre est toujours un piège qui nous divise et nous détourne de la seule perspective qui puisse sortir l’humanité de la barbarie capitaliste : la lutte de classe pour la révolution mondiale !

Marius, 10 novembre 2020

1 ) “Nouvelles frappes, tirs de roquette : la guerre s’installe dans le Haut-Karabakh”, Mediapart (4 novembre 2020).

2 ) “L’URSS en miettes”, Revue internationale no 66.

3 ) “Nouvelles frappes, tirs de roquette : la guerre s’installe dans le Haut-Karabakh”, Mediapart (4 novembre 2020). On peut également noter que les positions pro-européennes de l’Arménie ne favorisent pas le rapprochement avec son “allié” russe.

4 ) Par exemple, un des gros projets d’exportation d’hydrocarbures de la mer Caspienne vers les marchés européens est envisagé pour réduire la dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de la Russie (au profit de l’Azerbaïdjan et de la Turquie).

5 ) “Nouvelles frappes, tirs de roquette : la guerre s’installe dans le Haut-Karabakh”, Mediapart (4 novembre 2020).

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  • Turquie [23]
  • Russie, Caucase, Asie Centrale [24]
  • Russie [25]

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Conflits impérialistes

Hommage à notre camarade Kishan

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Alors que le monde affronte la pandémie de Covid-19, le CCI a également été confronté à la douloureuse épreuve du décès de notre camarade Kishan, le 26 mars 2020. C’est une grande perte pour le CCI et sa section en Inde, et il nous manquera beaucoup. Kishan a grandement contribué à la vie du CCI et aura été un camarade d’une immense combativité jusqu’à son dernier souffle.

Kishan est né en 1939 dans un village isolé du Bengale-Occidental en Inde. Il entre à l’université dans les années 1960, avant que la classe ouvrière ne fasse sa réapparition lors de la grève de neuf millions d’ouvriers en France en 1968, suivie de l’automne chaud en Italie en 1969, des luttes ouvrières polonaises en 1970, signifiant la fin de la période de contre-révolution. La période des années 1960 a été marquée par de nombreuses contestations dans les universités du monde entier, en particulier contre la guerre du Vietnam et le racisme. Les jeunes qui se sont engagés dans ces mouvements étaient sincères dans leur désir de changement “révolutionnaire”, mais agissaient principalement sur un terrain petit-bourgeois avec l’illusion de pouvoir “changer immédiatement les choses”. Cependant, avant comme après 1968, existaient des organisations gauchistes, c’est-à-dire des organisations bourgeoises, prêtes à débaucher les jeunes et à entraver leur intérêt pour les positions de la classe ouvrière. Telles étaient les conditions mondiales qui ont permis à Kishan d’être happé par le mouvement naxalite.(1)

De 1963 à 1965, il a poursuivi une maîtrise en physique à l’université du Bengale du Nord. Il a obtenu une maîtrise avec mention très bien. Alors étudiant de troisième cycle, il fait partie d’une jeune génération séduite par le mouvement naxalite. Peu à peu, le terme naxalisme est devenu synonyme de maoïsme. En tant que jeune étudiant, Kishan se jette corps et âme dans le mouvement, laissant de côté ses études et se retrouvant emprisonné pour ses activités. Après huit ans d’emprisonnement, il est libéré en 1978. Les tortures indicibles qu’il a subies en prison l'ont affecté jusqu’à la fin de sa vie. Avec une cellule étroite et une nourriture insuffisante, parfois non comestible, Kishan a contracté la tuberculose et cette infection des poumons l’a accompagné jusqu’au dernier jour de sa vie. Durant sa période de détention, il a lu en particulier Marx et cela l’a aidé à demeurer ouvert au débat sur les idées marxistes de la Gauche communiste lorsqu’il les a rencontrées.

Kishan était l’un des rares qui, ayant été happé par le maoïsme, une forme particulièrement vicieuse de l’idéologie gauchiste bourgeoise, a pu s’en détacher complètement et consacrer sa vie au prolétariat en embrassant les traditions de la Gauche communiste. Une telle rupture a inévitablement nécessité une clarification au travers d’un long et patient travail de discussion avec le CCI au cours des années 1980 et 1990. En 1989, la formation du noyau du CCI en Inde a stimulé cette dynamique de clarification. Lorsque Kishan a pris contact avec le CCI, il a découvert la véritable histoire de la Gauche communiste. Il a été surpris lorsqu’il a réalisé, grâce à l’élaboration théorique du CCI, que le maoïsme n’est rien d’autre qu’une autre forme d’idéologie bourgeoise, un courant politique contre-révolutionnaire. “Le maoïsme n’a rien à voir ni avec la lutte, ni avec la conscience, ni avec les organisations révolutionnaires de la classe ouvrière. Il n’a rien à voir avec le marxisme, il n’est ni une partie ni une tendance de celui-ci, ni un développement de la théorie révolutionnaire du prolétariat. Tout au contraire, le maoïsme n’est qu’une grossière falsification du marxisme, sa seule fonction est d’enterrer tous les principes révolutionnaires, d’obscurcir la conscience de classe du prolétariat pour la remplacer par la plus stupide et bornée idéologie nationaliste. Comme "théorie", le maoïsme n’est qu’une des misérables formes qu’a été capable d’adopter la bourgeoisie dans sa période de décadence, pendant la contre-révolution et la guerre impérialiste”. (2) Ces explications du CCI sur le maoïsme ont eu un impact considérable sur le camarade Kishan. La capacité politique à faire une critique complète de son passé était essentielle pour que Kishan devienne militant d’une véritable organisation révolutionnaire.

Le Parti communiste d’Inde a été créé en 1925, alors que l’Internationale communiste était déjà en train de dégénérer et que les plus importantes luttes de la vague révolutionnaire avaient été vaincues, en particulier les révolutions russe et allemande. La volonté du Parti communiste en Inde était de devenir un mouvement anticolonial, anti-britannique, en lien avec de nombreux autres mouvements nationalistes. Le nationalisme et le patriotisme ont eu un impact important sur le Parti communiste en Inde. La classe ouvrière en Inde souffre d’un manque de tradition et de continuité de la Gauche communiste. Cela souligne l’importante responsabilité du CCI en Inde de mieux faire connaître l’héritage historique de la Gauche communiste.

En empruntant la voie de l’étude approfondie et de la discussion permanente, Kishan est progressivement devenu un militant du CCI. Sa loyauté au CCI et à la lutte internationale du prolétariat a fait de lui un véritable prolétaire internationaliste. Il a toujours défendu avec un immense dévouement les positions du CCI. Il était déterminé à participer aux débats du CCI au niveau international comme au sein de notre section en Inde grâce à ses fréquentes contributions. Le camarade Kishan a mis son ardeur au service du CCI et ce, à plusieurs titres. Il a voyagé à travers le pays pour trouver de nouvelles librairies où la presse du CCI pourrait être vendue. Il a participé à des cercles de discussion et à des réunions publiques chaque fois que cela était possible. Il a joué un rôle notable dans l’augmentation du nombre d’abonnés à notre presse. Il a pris part et joué un rôle très actif dans divers congrès internationaux du CCI ainsi que dans les conférences locales de notre section indienne. Ses contributions précieuses et bien pensées ont apporté un plus au processus de clarification politique. Sa plus grande force a été de défendre notre organisation contre toutes les attaques et les calomnies dont elle a fait l’objet.

Le camarade Kishan avait la capacité de surmonter les innombrables aléas de la vie. Sa ferme conviction dans la politique du CCI et son caractère optimiste l’ont aidé à tenir bon dans les situations politiques les plus difficiles. Il est difficile de rendre un hommage approprié à la contribution de Kishan dans la lutte politique pour l’émancipation de la classe ouvrière dans un si court texte.

Nous tenons également à ajouter que Kishan était très accueillant. De nombreux camarades du CCI, qu’ils viennent d’autres pays ou d’autres régions de l’Inde, ont fait l’expérience de sa généreuse hospitalité. Nous adressons notre salutation révolutionnaire et notre solidarité à sa famille. Le CCI apporte à sa fille et à sa femme toute sa sympathie et sa solidarité.

CCI, octobre 2020

1Mouvement d’influence maoïste prenant racine dans les campagnes du Bengale-Occidental. Son nom dérive de Naxalbari, un village de la région.

2“Maoism, a monstrous offspring of decadent capitalism [26]”, disponible sur notre site internet.

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Hommage

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Liens
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