Soumis par Révolution Inte... le
Dernièrement, un fait-divers a discrètement fait les titres de quelques “petits” journaux et passant quasiment inaperçu dans les grands médias : le salaire de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, est gracieusement alimenté par une maternité déficitaire. Ce ponte syndical est, en effet, payé par la CGT-métallurgie, elle-même propriétaire de centres de réadaptation professionnelle et… d’une maternité dans le 12e arrondissement parisien à laquelle ce syndicat fait payer un loyer exorbitant (plus d’un million d’euros par an !), contribuant à mettre les comptes de la maternité dans le rouge et nécessitant, au bout du compte, la mise en œuvre d’un plan social.
À première vue, la CGT, propriétaire d’une maternité, ça peut surprendre, mais la réalité du fonctionnement de l’État bourgeois est implacable : derrière ce petit fait divers, toute la logique du fonctionnement des syndicats, en France comme ailleurs, est mis en lumière. En tant que force d’encadrement de la classe ouvrière, les syndicats sont pleinement intégrés à l’État bourgeois qui les finance en très grande partie. (1)
Mais ces larges subsides ne semblent pas suffire, il leur faut en plus mettre en œuvre tout un tas de magouilles pour, notamment, financer le train de vie dispendieux de leurs dirigeants. Pour ce faire, les moyens ne manquent pas : capital immobilier, placements, organismes et établissements à faire fructifier. En clair : des entreprises capitalistes à faire tourner, des salariés à exploiter… Ainsi, les syndicats eux-mêmes participent à l’extraction de la plus-value dans certaines entreprises qu’ils sont amenés à gérer directement, se nourrissant du surtravail et participant à l’exploitation pour garantir un train de vie et des locaux de choix. Cela, sur le dos des salariés qui payent l’addition.
Si certains ont pu imaginer que le syndicat, en tant que “bon” patron immobilier, fasse un geste social, “solidaire” envers les employés de sa maternité. Que nenni ! Impossible de baisser le loyer, explique-t-on à la CGT, car celui-ci “contribue au financement de plusieurs postes de permanents de la fédération pour l’activité syndicale” (sic !). La CGT est donc au service de l’emploi… mais de l’emploi de ses sbires et de sa nomenklatura ! Non contents d’avoir des boîtes à faire tourner, les syndicats (car la CGT n’est pas la seule) ont des permanents et toute une bureaucratie syndicale à entretenir afin de pouvoir assurer leur rôle de saboteurs des luttes, d’encadrement et de flicage de la classe ouvrière.
Ces diverses magouilles ou opérations capitalistes ne diffèrent en rien de celles des grandes entreprises ou de la bureaucratie étatique, avec leurs placements financiers, détournements de fonds, corruption, opacité des comptes… Les magouilles institutionnalisées ne sont en fait qu’un rouage du fonctionnement quotidien de ces organes de l’État.
Entre autres exemples, nous pouvons citer les frais de fonctionnement injustifiés du Comité d’entreprise d’Air France, d’EDF, de la SNCF, les 130 000 euros octroyés pour la rénovation de l’appartement de fonction de Thierry Lepaon, l’ancien secrétaire général de la CGT (un scandale qui obligea le syndicat à l’écarter et nommer… Martinez à sa place). (2)
Autres exemples encore plus outranciers de ces mœurs bourgeoises : selon un rapport de la Cour des Comptes, comme tous les bourgeois ou les Comités d’Entreprise des grands groupes, les syndicats et les “œuvres sociales” qu’ils contrôlent apprécient aussi la vie de château : château de Courcelle-sur-Yvette, dans l’Essonne, pour la CGT, devenu “Centre Benoit-Frachon”, château de Bierville, à Boissy-la-Rivière, non loin d’Étampes, pour la CFDT, où l’on discute retraites, temps de travail et épargne salariale à l’ombre d’un colombier du XIVe siècle. FO, quant à elle, forme ses stagiaires au cœur de la forêt de Compiègne, au château de la Brévière… On croit rêver !
Tout ça au service de quoi ? Officiellement, bien sûr, au service de la classe ouvrière, au service de sa lutte et de son émancipation, et contre les patrons. Les salariés licenciés de la maternité du 12e, comme tous ceux que le CGT exploite sans vergogne, apprécieront la bonne blague !
Mais l’indignation ne suffit pas. Dénoncer ces dérives et en appeler comme le font bon nombre de syndicalistes militants sincères, au retour d’un syndicalisme “propre”, “moral”, “éthique” et “solidaire”, vraiment au service de la lutte ouvrière, est une chimère qui cache l’essentiel. Ces magouilles et ces fastes, dignes des pires patrons, ne sont pas des dérapages ponctuels d’une poignée de dirigeants véreux, non ils sont la conséquence de ce que sont vraiment devenus les syndicats : des rouages de l’État, des structures aux mains de la bourgeoisie pour défendre son système d’exploitation en détruisant de l’intérieur des entreprises les tentatives de luttes ouvrières.
Depuis plus d’un siècle, les syndicats et le syndicalisme n’appartiennent plus à la classe ouvrière. (3) Ni dans leurs structures, ni dans leurs objectifs, ni dans leur fonctionnement.
Stopio, 26 avril 2019
(1) En 2016, les syndicats ont reçu 83 millions d’euros de la part de l’État via le fonds de financement du dialogue social, dont près de 19 millions d’euros pour la CGT. Les anciens dirigeants syndicaux sont également souvent intégrés, en marge des commissions parlementaires ou “groupes de travail”, en tant que “personnalités qualifiées”. C’est le cas de Bernard Thibault, ex-leader de la CGT, qui a participé en 2015, par exemple, à un “groupe de travail sur l’avenir des institutions” (tout un programme !) présidé par Claude Bartolone et Michel Winock.
(2) Dans la liste des “scandales” récents qui éclaboussent régulièrement les syndicats, on peut évoquer celui du fichage et de la surveillance étroite par FO de ses membres. Lire notre article : “Listing à FO,derrière le scandale, la logique du Capital !”, Révolution internationale n° 473 (nov.-déc. 2018).
(3) Voir notre brochure : “Les syndicats contre la classe ouvrière”.