Soumis par ICConline le
Crise économique, spectre d'une répression aggravée, approfondissement de la misère, envolée de l'insécurité, attaques anti-ouvrières profondes en prévision, menaces de guerre, risques de chaos liés à la personnalité même du nouveau président, Bolsonaro, qui a pris ses fonctions le 1e janvier 2019. Au-delà de la personne de Bolsonaro qui symbolise à lui seul ce que l'époque que nous vivons peut produire de plus sinistre et répugnant, il est une loi dont on peut être sûr qu'elle va encore être vérifiée : quelle que soit l'étiquette politique du nouveau président et de ses ministres, quelle que soit sa personnalité, celui-ci ne manquera pas de faire payer aux exploités, plus encore que ses prédécesseurs, la crise du capitalisme qui ne fait que s'approfondir.
Face à tous ces périls, seule la classe ouvrière, à travers ses luttes de résistance est à même de s'opposer à la logique de mort du capitalisme et d'ouvrir une autre perspective. Tout en partageant les difficultés du prolétariat mondial à se reconnaître comme classe aux intérêts antagoniques à ceux du capitalisme, c'est en s'appuyant sur des expériences de lutte d'un passé parfois récent que le prolétariat devra riposter à des attaques qui s'annoncent drastiques, et ce, dans le contexte social très difficile d'une société en décomposition[1]. Mais plus la conscience du prolétariat sera libérée de toutes les tromperies et mystifications de la classe bourgeoise, de droite comme de gauche, plus son combat pourra se renforcer, et plus il lui sera possible, dans le futur, de réaffirmer explicitement le but de ce combat, l'instauration d'une autre société sans classes ni exploitation.
L'enfer brésilien de la délinquance et les remèdes de Bolsonaro
La délinquance et la criminalité sont évidemment fondamentalement la conséquence de la misère économique et morale de la société, produit du pourrissement sur pied de la société capitaliste. Ses niveaux actuels rendent la vie quotidienne invivable dans certains pays d'Amérique latine comme le Honduras et le Venezuela ; ils y constituent souvent la première cause d'émigration massive et sauvage. La situation s'est gravement détériorée sur ce plan au Brésil ces dernières années, propulsant le pays, et certaines de ses villes en particulier, très haut dans le classement mondial de la criminalité. Les statistiques ci-dessous donnent une idée concrète de l'enfer quotidien auquel sont exposées les parties de la population les plus défavorisées.
"Le Brésil est l'une des capitales mondiales de l'homicide, avec 60 000 homicides par an sur une population de près de 208 millions d'habitants. Chaque année, 10 % des personnes tuées dans le monde sont des Brésiliens. Près de 50 millions de Brésiliens âgés de 16 ans ou plus - soit près d'un tiers de la population adulte - connaissent quelqu'un qui a été assassiné, selon une recherche menée pour "Instinto de Vida" (Instinct de vie) (…). Près de 5 millions de personnes ont été blessées par des armes à feu et environ 15 millions connaissent quelqu'un qui a été tué par la police, l'une des forces les plus meurtrières du monde." (Brazil’s biggest problem isn’t corruption — it’s murder ; Le plus grand problème du Brésil n'est pas la corruption, c'est le crime)
"Selon une autre étude, le taux d'homicides en 2017 est de 32,4 pour 100 000, avec 64 357 homicides. En 2016, le Brésil a enregistré un nombre record de 61 819 meurtres, soit 198 meurtres par jour en moyenne, soit un taux d'homicides de 29,9 pour 100 000 habitants. Sept des vingt villes les plus violentes du monde sont au Brésil en raison de l'augmentation de la violence dans les rues." (Crime in Brazil ; La criminalité au Brésil).
La criminalité et l'insécurité croissantes plongent des parties de plus en plus importantes de la population dans une impasse totale, dans le désespoir le plus profond. Ce fléau qui ronge la société n'a pas de solution possible sous le capitalisme, même pas la moindre possibilité d'atténuation[2].
Dans la campagne électorale de Bolsonaro figuraient, en priorité de ses promesses, la lutte contre la violence et corruption. Il s'engageait à les "combattre radicalement", à travers des mesures qui portent lourdement la marque de fabrique du personnage. Derrière ses promesses électorales déclarant la guerre à la criminalité, la perspective réelle est en fait celle d'une aggravation de la barbarie. Tirant le bilan critique des politiques menées jusqu'alors, il s'exprime en ces termes : "on ne combat pas la violence avec des politique de paix et amour", il faut donc "accroître la performance de la police", "doubler le nombre de personnes tuées par la police". On imagine le carnage en perspective alors que, "de 2009 à 2016, 21,9 mille personnes ont perdu la vie suite à des actions de la police. Presque toutes sont des hommes entre 12 et 29 ans, les 3/4 sont des Noirs." (Guaracy Mingardi, ex- spécialiste des questions de sécurité et secrétaire national de la Sûreté Publique, dans un entretien au HuffPost Brasil).
En fait, non seulement la criminalité ne sera pas réduite mais les victimes de la police vont augmenter. Et les premières victimes en seront d'abord ceux des quartiers miséreux qui sont déjà les premiers à souffrir de la délinquance[3].
Il y a de plus tout à craindre que l'accentuation de la violence ne soit pas seulement le fait des délinquants ou de la police mais aussi de la part de ce sinistre et classique appendice de l'extrême-droite que sont les bandes recrutées parmi le lumpen, qui existent au Brésil depuis longtemps.
Pour ce qui est de la lutte contre la corruption, Bolsonaro a d'amblée pris une "mesure forte" consistant à nommer comme ministre de la justice l'ex-juge anticorruption Sergio Moro, formé par la CIA pour l'opération "Lava Jato" (de 2014 à 2016) qui a ciblé particulièrement certaines personnalités politiques tout en épargnant d'autres tout autant corrompues, voire plus.
Pourquoi Lula a-t-il été écarté de la vie politique et Bolsonaro a-t-il été élu ?
L'élection de Bolsonaro s'inscrit dans la dynamique globale, vérifiable à l'échelle internationale, à l'ascension de "leaders forts et d'une rhétorique belliqueuse", comme l'avait caricaturalement illustré, par exemple, l'élection de Duterte aux Philippines. C'est là une conséquence de la décomposition du capitalisme, empêtré dans ses contradictions inextricables. Le phénomène est on ne peut plus palpable au Brésil, à travers l'insécurité et la criminalité, et les peurs que cela engendre font le lit de l'ascension au pouvoir de personnages comme Bolsonaro.
Néanmoins, pour important qu'il soit, ce facteur n'a pas été déterminant dans l'élection de Bolsonaro. Et la preuve en est qu'un autre candidat, qui a été le meilleurs politicien au service du capital national brésilien depuis Vargas, aurait été, selon tous les sondages, élu au premier tour des élections, s'il avait effectivement pu se présenter, et cela malgré l'accusation de corruption qui le visait. Il s'agit de Lula, qui a été mis et maintenu en prison pour éviter qu'il ne se présente.
Comment expliquer la persistance d'une telle popularité de Lula ? Tout simplement par le fait qu'il n'est pas apparu comme étant aussi véreux que tous les autres politiciens en lice pour les élections et venant de tous bords. Ce qui est plus précisément apparu, et qui est conforme à la réalité, c'est que l'accusation et la sanction à son encontre avaient été particulièrement sévères, compte tenu des charges retenues contre lui et en comparaison avec le sort réservé à d'autres hommes politiques immergés dans les scandales et qui s'en sont très bien sortis, comme Michel Temer du PMDB (Partido do Movimento Démocratico Brasileiro) et Aécio Neves du PSDB, par exemple.
Le très bon score de Lula dans les sondages ne signifie pas que son image ne s'était pas érodée au fil du temps, au sein de la classe ouvrière notamment, à cause des attaques antiouvrières qu'il a portées durant ses deux mandats successifs[4]. Mais il est largement apparu comme un moindre mal, compte-tenu de sa stature, face à tous les autres candidats. Sa popularité était plus grande que celle de son propre parti, le PT (Parti des travailleurs), ce dont souffrira le candidat qui sera présenté par ce parti une fois que Lula aura définitivement été mis dans l'impossibilité de se présenter. En effet, alors que Lula aurait battu Bolsonaro au premier tour, Haddad, le candidat du PT, a été largement battu par Bolsonaro au deuxième tour. Cette différence entre Lula et le PT n'est pas étonnante, quand on sait que, durant trois mandats successifs, ce dernier a été mouillé dans beaucoup d’affaires de corruption mais également a soutenu toutes les politiques d'austérité : celles de deux mandats de Lula et celles encore plus drastiques de Dilma Rousseff, lors de son premier mandat et des quelques mois de son second mandat avant qu'elle ne soit destituée[5].
Le contraste est frappant entre l'habilité politique de Lula d'une part et l'incapacité notoire qui semble affecter Bolsonaro d'autre part. Pourquoi la bourgeoisie réserve-t-elle donc un tel sort à l'un des siens alors qu'il fait figure à ce jour de principal acteur (durant ses deux mandats de 2002 à 2010) de l'émergence du Brésil sur la scène internationale et du deuxième miracle brésilien[6]. En fait, l'éviction de Lula faisait partie d'une stratégie au sein de laquelle les États-Unis ont joué un rôle majeur et visant à ramener le Brésil sous leur influence directe, alors que la 7e puissance économique mondiale n'avait cessé de se dégager de celle-ci depuis le premier mandat de Lula (Les gouvernements qui l'ont précédé étaient totalement soumis aux États-Unis).
Après la dissolution du bloc occidental, le Brésil s'émancipait de la tutelle des États-Unis
Depuis bien longtemps avant la formation des deux blocs antagoniques rivaux après la Deuxième Guerre mondiale, respectivement l'américain et le russe, l’Amérique latine avait constitué le pré carré des États-Unis jusqu'à ce que, avec l'effondrement du bloc de l'Est, celui de l'Ouest disparaisse à son tour. Jusqu'en 1990, l'Oncle Sam pouvait défendre avec efficacité sa chasse gardée contre toute tentative d’intrusion du bloc impérialiste rival. De la même manière, il intégrait les différents pays du continent sud-américain dans des réseaux d’accords commerciaux bi- ou multilatéraux bénéficiant en premier lieu aux États-Unis. Pour servir ses intérêts, l'Oncle Sam faisait et défaisait à sa guise les gouvernements en instaurant, par exemple, des dictatures d'extrême-droite pour lutter contre toute tentative d'instauration de gouvernements de gauche pouvant relayer l'influence du bloc adverse. Ce fut le cas en particulier en Argentine, au Chili et au Brésil dans les années 1960 et 70. De la même manière, lorsqu'une telle menace s'éloignait, les États-Unis pouvaient aussi bien appuyer le processus démocratique mettant fin à une dictature. Ce fut le cas au Brésil en 1984 pour obtenir d'un gouvernement démocratique qu'il mette un terme aux excès de rigidité dans la gestion du capital national de la part de l'État dirigé par les militaires, le rendant ainsi plus propice à la pénétration américaine[7]. C'est d'ailleurs cette gestion de l'État par les militaires qui avait alors inspiré Bolsonaro quand, en 2000, il défendit l'idée que soit fusillé le président Fernando Henrique Cardoso pour avoir privatisé", alors qu'il s'agit à présent d'une mesure phare de son gouvernement.
Suite à la dissolution du bloc de l'Ouest, le Brésil, comme d'autres pays d'Amérique du Sud ou dans le monde, a mis à profit le relâchement de la pression des États-Unis pour jouer sa propre carte géopolitique. Ainsi, il a pu prendre des distances vis-à-vis des États-Unis sur le plan économique comme politique. En effet, durant toute la période correspondant à la présidence Lula (2003-2006 ; 2007 – 2010), le pays s'est distingué par un développement économique important mais aussi par certaines prises de position politiques opposées à celles des États-Unis. En particulier, l'opposition du gouvernement Lula fut cruciale pour faire avorter en 2005 le projet nord-américain ALCA (zone de libre-échange des Amériques), accord multilatéral de libre-échange qui couvrait tous les pays du continent américain, à l'exception de Cuba. Une telle opposition s'est également manifestée à travers la promotion de pays non alignés sur les États-Unis, en Amérique latine et ailleurs. Ainsi, en 2010 le Brésil s'opposait aux États-Unis sur la question de l'Iran. En même temps, ce pays établissait des relations économiques internationales (BRICS) qui fortifiaient son indépendance vis-à-vis des États-Unis. Fait marquant de cette trajectoire de distanciation par rapport aux États-Unis, la Chine est devenue, en avril 2009, le premier partenaire commercial du Brésil, à la place des États-Unis.[8] Ce faisant, le Brésil acquérait une position de plus en plus hégémonique sur tout le continent sud-américain, grâce à sa puissance économique et diplomatique. Si bien que, durant le gouvernement Lula, le Brésil devint le principal concurrent des États-Unis dans la région. Concurrent, mais pas ennemi déclaré. En fait, Lula a su établir des relations avec à la fois les États-Unis et la Chine, mais favorisant clairement la Chine, d'autant plus aisément que ce puissant "partenaire" était éloigné géographiquement, contrairement aux États-Unis.
Certaines "tricheries" qui furent aussi un "talon d'Achille" de la montée en puissance du Brésil
Expression et facteur de la montée en puissance du Brésil au niveau économique, de grandes entreprises brésiliennes, dynamisées par des investissements de la part des banques d'État[9], se sont imposées sur la scène internationale notamment dans les secteurs de l'énergie, l'alimentation, la construction navale, l'armement, les services, etc...
Parmi celles-ci figuraient Petrobras (production de pétrole et dérivés), BRF (production de protéines animales, viande et dérivés), Odebrech (construction lourde, armement et services rendus à Petrobras), … Ainsi, par exemple, grâce à un financement public intensif, la BRF est devenue le principal producteur et exportateur de protéines animales dans le monde, présent dans plus de 30 pays. La multinationale brésilienne, Odebrecht (12e entreprise mondiale), qui avait des activités dans presque tous les pays d'Amérique du Sud, dans quelques anciennes colonies portugaises en Afrique et même au-delà, a quant à elle certainement constitué un vecteur important de la pénétration économique du Brésil hors de ses frontières en Amérique du Sud.
Par ailleurs, des mesures protectionnistes étaient également à l'œuvre visant à imposer la présence des entreprises brésiliennes en différentes circonstances : coopération obligée des firmes étrangères venant extraire du pétrole sur le territoire brésilien avec les firmes brésiliennes ; toute fourniture au Brésil de biens d'équipement devant nécessairement intégrer des composants fabriqués au Brésil, dès lors qu'ils existaient ou pouvaient exister au catalogue.
Un autre type de mesure protectionniste favorisant les grandes entreprises brésiliennes était également mis en œuvre, "illégal" celui-ci, même s’il est pratiqué partout dans le monde. Odebrecht, par exemple, avait un service spécialisé dans l'attribution des pots-de-vin pour l'obtention des gros contrats, et cela dans tous les pays où elle opérait. Cette entreprise, de même que d'autres dont AOS, se sont organisées en cartel dans le BTP, rétribuant les cadres du groupe public pétrolier Petrobras et des politiciens complices, par le biais de surfacturations estimées entre 1 % et 5 % de la valeur des contrats. Il s'était mis en place un système de détournement de fonds de plusieurs milliards de Reais (réaux, le réal étant la monnaie brésilienne) à des fins de financement de partis politiques et/ou d’enrichissement personnel ("Brésil : tout comprendre à l’opération "Lava Jato", Le Monde, publié le 26 mars 2017 et mis à jour le 4 avril 2018).
La pression des États-Unis sur l'État brésilien et l'opération "Lava Jato"
Aucun des rivaux économiques des États-Unis ne peut évidemment s'opposer au fait que la première puissance mondiale tire économiquement parti de son rang dans le monde au détriment de tous ses concurrents, en particulier du fait que sa monnaie est également la monnaie d'échange internationale. Par contre, les États-Unis se montrent particulièrement vigilants à faire en sorte que soit durement sanctionné tout pays coupable de non observance des lois de la concurrence. C'est ainsi que les tricheries brésiliennes ont servi de prétexte et de cible à une vaste offensive visant au démantèlement de toute l'organisation économique sur laquelle elles s'appuyaient. Les représailles ont été d'autant plus draconiennes qu'il s'agissait à travers elles, non seulement d'infliger des sanctions économiques pour des manquements à la loi de la concurrence, mais surtout de désorganiser toutes les mesures protectionnistes de l'économie brésilienne (légales ou non, comme l'attribution systématique de pots-de-vin), et de ramener docilement le Brésil sous influence américaine exclusive en neutralisant ses forces politiques les plus influentes et hostiles à une telle orientation. En témoigne le traitement réservé à l'homme politique le plus populaire au Brésil, Lula, condamné à 12 années d'emprisonnement au terme d'une procédure expéditive et manquant significativement de preuves concernant un prétendu enrichissement personnel. Il n'est d'ailleurs pas anodin que ce soit l'accusation la plus difficile à fonder, celle de l'enrichissement personnel, qui a néanmoins été retenue contre Lula, car elle était la plus à même de le déconsidérer auprès de son électorat, alors que d'autres accusations - attestées par de nombreux témoins - relatives à des malversations au bénéfice de l'État brésilien semblent ne pas avoir été prises en compte.
Le nom "Lava Jato" fait sa première apparition publique en mars 2014 et celle-ci est alors suivie de peu par des fuites relatives à des aveux d'un ex-haut dirigeant de l'entreprise Petrobras, concédés dans l'espoir d'une remise de peine, concernant l'existence d'un vaste système de pots-de-vin versés à des cadres de cette entreprise, ainsi "achetés" pour attribuer des contrats. À la suite de quoi, l’hebdomadaire d’opposition Veja évoque le nom d’une quarantaine d’élus suspectés issus de la coalition de centre gauche au pouvoir, membres essentiellement du PMDB, du PT et du PSB (Partido Socialista Brasileiro).
Des faits de corruption remontant à 2008 avaient motivé la mobilisation d'organes de contrôle de l'État bourgeois. Celle-ci accouchera de l'opération "Lava Jato" dont le groupe de travail était constitué d'agents de la police fédérale, de membres du ministère public et de juges. Pour son travail, cette task force fit appel à des tribunaux chargés de vérifier les comptes de l'État, au pouvoir judiciaire, au ministère public et à la police fédérale, avec la constitution de groupes spéciaux de cette dernière destinés à "combattre" la criminalité organisée sous ses diverses formes.
Des éléments solides laissent à penser que cette mobilisation judiciaire a été effectuée en interaction forte avec les plus hautes instances des États-Unis, voire même qu'elle soit le produit de l'ingérence ouverte de ces derniers. Ainsi des documents divulgués par Wikileaks font état de la tenue à Rio de Janeiro en octobre 2009 d'un séminaire de coopération avec la présence de membres sélectionnés de la Police Fédérale, de la Justice, du Ministère public et de représentants des autorités nord-américaines[10]. En fait, un tel séminaire n'a rien d'étonnant quand on sait à quel point, d'une part, les États-Unis y avaient intérêt mais aussi étant donné ce fait que, depuis les années 1960, les ténors du pouvoir judicaire et du ministère public brésiliens se sont avérés d'ardents défenseurs des institutions américaines qui leur dispensent cours, formations, conférences, assistance aux enquêtes… Une telle coopération n'est d'ailleurs pas niée par le procureur général de la République, Rodrigo Janot, personnage central de "Lava Jato", lorsqu'il explique que les "résultats brésiliens" sont le résultat "d'un échange intense avec les États-Unis, qui ont fourni au Brésil des cours de formation et de recyclage pour les chercheurs brésiliens, en plus de la technologie et des techniques de planification de la recherche". Et le procureur de ponctuer : "Tout cela fait que le Brésil a une relation d'égal à égal avec les autres États."[11] Au cas où on aurait douté du contraire concernant la relation avec les États-Unis ! On ne résiste pas ici à citer le titre d'un autre article : "Le FBI est présent dans l'opération "Lava Jato" depuis le début et s'enorgueillit de cela dans le monde entier".[12]
Dans le contexte de cette pression des États-Unis sur le Brésil, il faut également signaler cet épisode d'enregistrements en 2011 par la NSA des conversations présidentielles, de certains ministres, d'un directeur de la banque centrale, des diplomates, des chefs militaires.[13]
On ne doit pas s'étonner de la divulgation des premiers résultats de "Lava Jato" en 2014 à propos de l'existence d'un système de pots-de-vin versés à Petrobras. En effet, ceux-ci "arrivent au bon moment" pour fragiliser Dilma Rousseff et le PT dans la campagne pour la réélection incertaine de la présidente sortante, alors que, dans la période concernée par les premiers résultats en question, celle-ci était présidente du conseil d’administration de Petrobras, de même que le PT était alors impliqué, à travers certains de ses membres, dans la gestion de cette entreprise d'État.
Néanmoins cette première rafale de révélations de "Lava Jato" ne suffit pas à écarter Dilma Rousseff et le PT de la conduite des affaires du pays. En effet, la présidente sortante est réélue contre un candidat du PSDB, Aécio neves, qui par la suite eut sa réputation politique salie pour la même raison. Cependant, le fait qu'elle ait alors été réélue dans ce contexte témoigne de la confiance que lui témoignait alors encore une partie importante de la bourgeoise pour assumer la défense des intérêts du capital national. En effet, pour cette consultation électorale, comme pour les précédentes, elle a pu disposer d'un niveau significatif de ressources financières provenant de grandes entreprises industrielles, financières et de services.
Cependant, elle s'est rapidement discréditée plus profondément encore du fait des mesures antiouvrières sévères qu'elle a alors été amenée à prendre (reniant par là-même ses promesses électorales) dont en particulier celles restreignant l'accès à l'assurance chômage. Elle a aussi de nouveau été contestée dans la rue dans les premiers mois de 2015, à travers des manifestations à l'initiative d'organisations de droite évitant d'apparaître comme des partis politiques. Dans ces manifestations, qui rassembleront des millions de personnes, on trouve aussi bien des conservateurs, des libéraux que des partisans de la prise du pouvoir par les militaires. Il vaut ici la peine de signaler que ces manifestations serviront de tremplin à la promotion d'un discours en défense de la candidature du capitaine de réserve et notoirement homophobe, Bolsonaro.
Les "alliés" d'alors de Dilma Rousseff constituent, sans elle ni le PT, une nouvelle et écrasante majorité parlementaire en s'alliant avec les partis d'opposition, en particulier le PSDB (Parti de la Social-Démocratie Brésilienne) et des secteurs de partis tels que le PMDB, le PDT (Partido Democrático Trabalhista), le PSB (Partido Socialista Brasileiro), l'ensemble du DEM (DEMocratas) et d’autres partis mineurs. Dilma Rousseff est destituée en août 2016 par un vote du Sénat au terme d'une procédure controversée.
Les conséquences de "Lava Jato" sur la vie politique de la bourgeoisie
Toutes les formations politiques brésiliennes d'importance ont été touchées par les révélations de "Lava Jato". De grandes figures de la bourgeoisie brésilienne ont été la cible de ses enquêtes, voire même humiliées (en particulier à la tête d'Odebrecht) par les révélations tapageuses de soupçons, de preuves à leur encontre immédiatement jetés en pâture à la presse qui les relayait. Les journaux télévisés et émissions spécialisées devenaient le théâtre de "délibérations judiciaires populaires" auxquelles était convié le spectateur. Le pouvoir judiciaire "tout puissant" semblait trôner à la tête de l'État, à même de soumettre quiconque (nul chef ou cadre supérieur d'entreprise ou cacique de parti ne pouvait se sentir à l'abri).
Mais, loin de renforcer l'image des institutions et de la démocratie, "Lava Jato" les a discréditées encore d'avantage. Si la corruption et la pourriture ont effectivement été livrées publiquement à la honte, les moyens utilisés à cette fin étaient au moins tout autant discutables : l'institutionnalisation et la banalisation de la dénonciation[14]. De plus, il est rapidement apparu que tous les prévenus n'étaient pas égaux devant la justice de "Lava Jato" et que les sanctions les plus lourdes s'appliquaient à ceux qu'on voulait écarter du pouvoir. L'exemple de Lula résume à lui seul cette situation.
On retrouve la même "iniquité" concernant les sanctions infligées aux entreprises brésiliennes ayant "fauté". Dans ce cas, ce sont les États-Unis qui "punissent", pouvant le cas échéant accepter "généreusement" des arrangements pour éviter à certaines des "amendes" colossales. Ainsi, par exemple, le gouvernement américain a exigé que l'entreprise J & F (BRF) transfère son contrôle opérationnel en se constituant comme entreprise américaine si elle voulait éviter les sanctions. Odebrecht, quant à elle, fut très lourdement sanctionnée.
Le retour du Brésil sous influence politique exclusive des États-Unis et ses conséquences
Durant sa campagne électorale, Bolsonaro a envoyé un signal très fort aux États-Unis et à la Chine qu'il romprait avec cette dernière s'il était élu, en effectuant une visite officielle à Taiwan. Il affichait ainsi clairement les orientations que "le candidat de Washington", soutenu par une partie de la bourgeoisie brésilienne, allait mettre œuvre après son élection devenue certaine après l'éviction de Lula. Ainsi c'en était fini de la position du Brésil en équilibre inégal mais relativement confortable entre États-Unis et Chine[15].
"Lava Jato", qui a constitué un maillon essentiel de la "récupération" du Brésil par les États-Unis, a démantelé toutes les protections économiques - légales et illégales - et les subventions étatiques favorisant les entreprises brésiliennes. Les conséquences vont être très lourdes pour le Brésil. En effet, la suppression de ces protections a déjà commencé à exposer dangereusement les entreprises brésiliennes à la concurrence des États-Unis. Cela ne va qu'empirer avec le renforcement de la "coopération" économique entre les deux pays. À cela s'ajoute que, dans un contexte économique mondial de plus en plus difficile, il va aussi falloir payer l'addition des conséquences ravageuses de la politique d'endettement du pays sous Lula et Dilma Rousseff.
Sur le plan des relations internationales, tel un petit chien, Bolsonaro emboite les pas de Trump et de sa diplomatie délirante en décidant, en signe de soutien à Israël, le transfert de l'ambassade du Brésil à Jérusalem. Plus récemment, le secrétaire d'État américain Mike Pompeo, qui avait fait le déplacement au Brésil pour l'investiture de Bolsonaro, a dans un entretien avec le nouveau président, évoqué une "opportunité de travailler ensemble contre les régimes autoritaires", allusion à Cuba et au Venezuela, et référence voilée à la nécessité de freiner l'expansionnisme chinois. Le Brésil se retrouve ainsi de plain-pied dans le tourbillon impérialiste mondial comme l'illustre encore plus clairement ce tweet de l'ancienne ambassadrice des États-Unis à l'ONU, Nikki Haley : "Il est bon d'avoir un nouveau dirigeant pro-américain en Amérique du Sud, qui se joindra aux combats contre les dictatures au Venezuela et à Cuba et qui voit clairement le danger de l'influence croissante de la Chine dans la région" ("Le Brésil de Bolsonaro et les États-Unis pour une relation "transformée"").
Avec l'élection de Bolsonaro, les États-Unis récupèrent en effet la domination impérialiste dans leur pré carré, puisque le Brésil, en plus d'occuper près de la moitié du continent sud-américain, avec une frontière avec la plupart des autres pays du continent, est la principale puissance militaire de la région. Et le Brésil va désormais jouer un rôle de premier plan dans la stratégie des États-Unis pour tenter de mettre fin au régime de Maduro au Venezuela. À la suite du gouvernement Trump qui a immédiatement reconnu le nouveau président autoproclamé Juan Guaidó, Bolsonaro faisait de même. De cette façon, le Venezuela se trouve pratiquement confiné derrière ses frontières "murées" par les gouvernements de droite de Colombie et du Brésil. Cette situation crée un climat d'affrontement dans la région avec des conséquences imprévisibles sur le plan militaire, puisque le gouvernement de Maduro est prêt à résister avec le soutien de la Russie, de la Chine et de Cuba ; mais aussi sur le plan social, car cela ne ferait qu'aggraver les conditions terribles dans lesquelles vit la population vénézuélienne, provoquerait un nouvel exode de la population, source d'instabilité dans les villes frontières des trois pays, en plus du Guyana.
À quoi s'attendre avec Bolsonaro ?
Au moyen d'une vaste entreprise s'étalant sur plusieurs années, mobilisant des moyens propres importants (sans compter ceux mobilisés au Brésil par "Lava Jato"), les États-Unis sont finalement parvenus à leur fin, à savoir réintégrer pleinement le Brésil sous leur influence. C'est donc un succès de la diplomatie américaine et de tous les services qui vont avec : pouvoir judiciaire, FBI, espionnage, … Le succès n'est néanmoins peut-être pas complet.
La dernière étape de la manœuvre consistait à doter le Brésil, aux prochaines élections, d'un candidat qui soit porteur de la nouvelle orientation. Le candidat a été trouvé, il a gagné les élections[16] grâce aux manœuvres que l'on sait. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas très "présentable". C'est vrai qu'il n'y avait pas réellement le choix vu que "Lava Jato" a rendu inutilisables pour un certain temps les formations et forces politiques traditionnelles, encore plus discréditées qu'auparavant, et vu également que quelqu'un comme Lula, incomparablement plus expert et fin politicien, était incompatible avec la nouvelle orientation.
Si pendant un certain temps Bolsonaro pourra peut-être séduire une frange de la population qui a voté pour lui aux élections, il peut aussi devenir un point faible du dispositif s'il ne change pas de style.
Le personnage Bolsonaro, misogyne et homophobe décomplexé, est une caricature. Il est un nostalgique de la dictature militaire telle qu'elle a existé au Brésil entre 1964 et 1985. Il a promis de nettoyer le pays des "marginaux rouges". Son clan politique familial fait également partie du décor. L'un de ses fils, Edouardo Bolsonaro (député fédéral de l'État de São Paulo) marche d'un pas décidé sur les traces du "papa", mais en mieux, en "plus excessif" : il veut faire qualifier de "terrorisme" les actions du Mouvement des Travailleurs sans Terre et, pour lui "quel est le problème ?", si pour cela "il est nécessaire d'emprisonner 100 000 personnes". Il veut également faire qualifier le communisme de crime.
Ambitionnant de surfer sur l'effet "Lava jato", Bolsonaro s'était lui-même préparé à enfiler le costume politique de chevalier blanc incorruptible. À cet effet, Il avait commencé par prendre soin de quitter en 2016 son ancien parti, le Parti Progressiste (PP), le parti le plus impliqué dans les scandales qui secouent le pays (des 56 députés affiliés au PP, 31 sont sous le coup d'accusation de corruption). Mais son premier faux pas n'aura pas attendu l'investiture. Parmi les personnalités politiques qu'il a choisies pour faire partie de son futur gouvernement, certaines se trouvaient déjà sous le coup d'accusation de corruption. C'est comme ça que Monsieur Propre a déjà taché ses beaux habits blancs présidentiels avant même d'avoir pris ses fonctions. Pire, l'absence totale de "tenue" et de "retenue" de son clan[17] l'ont déjà fait passer pour un sinistre pitre. En informant de désaccords existant dans le propre camp de Bolsonaro, un de ses fils est allé jusqu'à nous "régaler" de détails sordides. Les désaccords y sont tels, nous dit-il, qu'"il y en a qui souhaiteraient la mort de Bolsonaro". Que ce soit du bluff, l'expression de la bêtise ou la réalité, ces propos en disent long sur l'hypocrisie du clan Bolsonaro, ses liens avec les milices criminelles de Rio de Janeiro ou encore l'implication du fils, Flávio, dans des transactions bancaires suspectes (L'affaire Queiroz). Il s'agit là d'une nouvelle démonstration claire de la pourriture qui prévaut au sein du clan qui a été porté à la tête de l'État.
On ne doit malheureusement pas se réjouir de la bêtise épaisse de Bolsonaro et d'une partie de son entourage en pensant qu'il risque d'être un bien piètre défenseur des intérêts de la bourgeoisie. Soit il ne sera qu'une marionnette téléguidée depuis les coulisses, soit ses dérapages, notamment sur le plan des tensions impérialistes, pourraient avoir des conséquences funestes pour une partie de la population.
Contre les pièges de l'antifascisme et de l'anti-impérialisme yankee, développement de la lutte de classe !
Ce sont de rudes épreuves qui attendent la classe ouvrière au Brésil du fait des attaques économiques déjà ou pas encore annoncées. La première d'entre elles, la réforme des retraites, est "le premier et plus grand défi" comme l'a annoncé le ministre de l'économie, Paulo Guedes, lors de son investiture et elle est caractérisée par les médias comme "L'épineuse refonte d'un régime très coûteux pour l'État, réclamée avec insistance par les marchés" ("Brésil : le gouvernement Bolsonaro en place, salué par la Bourse").
La difficulté générale actuelle de la classe ouvrière au niveau mondial à se reconnaître comme une classe aux intérêts antagoniques à ceux du capitalisme ne manquera pas d'affecter ses capacités de réaction face au déluge d'attaques qui vont s'abattre sur elle au Brésil. Mais c'est aussi à travers la nécessaire riposte, la critique de ses propres faiblesses qui ne manqueront pas de se manifester à cette occasion, qu'elle pourra de nouveau faire des pas en avant vers une lutte plus unie, plus massive, plus solidaire et débarrassée de mystifications qui pèsent sur sa conscience en particulier celles plus pernicieuses véhiculées par la gauche (PT, ...) et l'extrême-gauche du capital (trotskistes, …). C'est pour cela qu'il faut se réapproprier les expériences passées. Souvenons-nous en particulier :
- de la massivité spontanée de la mobilisation des sidérurgistes de l'ABC en 1979, dépassant de beaucoup la mobilisation à laquelle donnait lieu annuellement à cette époque la campagne salariale lancée par les syndicats en vue du réajustement des salaires sur l'inflation.
- de la manière dont Lula a réprimé les aiguilleurs du ciel en 2007 qui s'étaient mis spontanément en grève face à la dégradation dramatique de leurs conditions de travail, en dehors de toute consigne syndicale (car il n'y en avait pas dans ce secteur où la grève était interdite) et malgré les menaces de les emprisonner de la part du commandement militaire de l'aéronautique, Lula en particulier les accusant publiquement à cette occasion "d'irresponsables et de traitres". (Lire nos articles en portugais "Diante dos embates do capital, os controladores aéreos respondem com a luta" et "Repressão e marginalização do movimento dos controladores aéreos"
- de l'expérience du mouvement de 2013 parti spontanément suite à l'augmentation du prix des transports en commun, à l'initiative de la jeunesse prolétarisée et mobilisant des milliers de personnes dans plus de cent villes, se généralisant par la suite à la protestation contre la diminution de nombreuses prestations sociales. Il s'y est alors exprimé un rejet massif des partis politiques, principalement du PT, ainsi que des organisations syndicales ou étudiantes. D'autres expressions du caractère de classe de ce mouvement sont apparues, quoi que de façon plus minoritaire au travers d'assemblées décidant des actions à mener. (Lire notre article en portugais "junho de 2013 no brasil: a indignação detona a mobilização espontânea de milhões"
De nouvelles difficultés qui vont probablement émerger comme conséquence de la situation actuelle sont susceptibles de se mettre en travers de la lutte de classe au Brésil. Il est important de s'y préparer.
Bolsonaro est tellement détestable qu'il est capable de polariser sur sa personne la colère provoquée par les attaques économiques. Le danger sera alors de ne voir que la personne et non pas le capitalisme en crise qui est derrière les attaques. Il existe la possibilité d'un danger similaire concernant l'orientation politique de Bolsonaro, l'extrême-droite, que la gauche ne manquera pas de désigner comme responsable de l'aggravation des conditions de vie. On ne peut écarter que Lula et le PT soient de nouveau, dans le futur, amenés à assumer la fonction de dévier vers une alternative de gauche un mécontentement à l'encontre de la droite et de l'extrême-droite. Il faudra alors garder clair à l'esprit que tout parti, de l'extrême-droite à l'extrême-gauche, accédant à la tête de l'État a pour responsabilité de défendre les intérêts du capital national et que cela se fait nécessairement au détriment de la classe exploitée. De plus, il faudra se souvenir que l'attaque flagrante contre Lula par "Lava Jato", alors que beaucoup de ses "collègues", politiciens véreux notoires ont été relativement épargnés, ne signifie en rien que l'ancien métallurgiste sorti du rang puisse être caractérisé d'honnête et encore moins de défenseurs des ouvriers.
De même, il ne va pas manquer de voix pour tenter dévoyer la colère légitime des ouvriers vers "l'impérialisme yankee qui oppresse le Brésil" et dont il faudrait se libérer. C'est une impasse tragique qui a déjà fait ses preuves. Elle implique la mobilisation du prolétariat aux côtés d'une partie de la bourgeoisie brésilienne contre la bourgeoisie américaine. Le prolétariat n'a pas de patrie à défendre, seulement ses intérêts de classe. Face à une telle mystification, un seul mot d'ordre : lutte de classe dans tous les pays contre le capitalisme !
Cela ne peut être qu'une perspective, un but non atteignable immédiatement, mais c'est toujours ce but et cette perspective qui doivent guider l'action du prolétariat, laquelle devant le plus possible être conçue comme un maillon de la chaîne qui mène à la révolution prolétarienne mondiale.
Revolução Internacional (06/02/2019)
[1] La décomposition de la société concerne tous les pays, même si c'est de manière inégale, et s'exprime à travers un ensemble de phénomènes différents concourant à rendre de plus en plus difficile la vie en société de même que l'émergence d'une perspective au renversement et au dépassement du capitalisme. Parmi ses manifestations les plus saillantes, nous avons déjà souvent avancé le développement, comme jamais auparavant, de la criminalité, de la corruption, du terrorisme, du crime, de l'usage de la drogue, des sectes, de l'esprit religieux, du chacun pour soi… Comme conséquence de l'approfondissement de ce phénomène de décomposition de la société, se trouvent également les catastrophes "naturelles", "accidentelles" aux conséquences de plus en plus ravageuses. Une illustration récente en a été donnée par la tragédie causée par la rupture du barrage de Vale à Brumadinho (Brésil) constitué par des milliers de mètre cubes de résidus miniers, provenant de l'exploitation de la mine de fer voisine. Bilan, environ 200 morts ou disparus, une illustration parmi des milliers d'autres dans le monde des conséquences de l'irrationalité mortifère du capitalisme à bout de souffle.
[2] Selon une certaine propagande de la bourgeoisie, il existerait la possibilité de faire baisser les chiffres de la criminalité comme l'illustre le cas de la Colombie grâce à l'élimination des principaux cartels de la drogue. Le problème est que l'exemple de la Colombie n'est pas généralisable, en particulier du fait que dans la plupart des pays où la criminalité atteint des sommets, celle-ci est essentiellement le fait d'une multitude de petits gangs et surtout d'individus isolés.
[3] C'est peut-être la raison pour laquelle le score de Bolsonaro aux dernières élections a été très faible (bien en deçà de 50%) dans les quartiers les plus pauvres.
[4] Les mesures sociales destinées à soulager la misère des couches les plus pauvres, un coût infime dans le budget de l'État et financé au moyen d'une accentuation de l'exploitation des travailleurs, eurent un impact très important en ce sens qu'elles ont renforcé le prestige de Lula parmi ces couches de la population.
[5] En fait la dureté des attaques portées par les gouvernements Dilma Rousseff a participé à estomper le souvenir de celles "moins brutales" des gouvernements Lula précédents.
[6] En référence à ce qui est communément appelé le "miracle brésilien" où, entre 1968 et 1973, le taux de croissance moyen de l'industrie était passé à près de 24%, le double de celui de l'économie en général dans ce pays. Le premier "miracle" fut financé par la dette, si bien qu'au début des années 1980, le Brésil sera "au bord de la faillite".
[7] Lire, "Entenda a influência dos EUA na crise política e econômica no Brasil." "Comprendre l'influence des États-Unis dans la crise politique et économique du Brésil".
[8] "Pour la première fois dans l'histoire du Brésil, la Chine est devenue, en avril 2009, son premier partenaire commercial, à la place des États-Unis. Elle était déjà devenue, un mois plus tôt, le premier importateur de biens brésiliens. (…) Depuis les années 1930, les États-Unis s'étaient solidement installés en première position. (…) Ce changement de situation tient d'abord à la contraction du commerce américain avec le reste du monde, liée à la crise économique. Un phénomène qui affecte aussi les pays de l'Union européenne dans leurs relations avec le Brésil. Mais il traduit surtout une hausse forte et continue des achats de la Chine. Les exportations du Brésil vers la Chine ont, en valeur, été multipliées par quinze entre 2000 et 2008. Elles ont progressé de 75 % entre 2007 et 2008. Cette augmentation a permis au Brésil de dégager, pendant les quatre premiers mois de l'année 2009, un surplus commercial double de celui enregistré pendant la même période en 2008. Les trois premiers partenaires du Brésil sont désormais, dans l'ordre, la Chine, les États-Unis et l'Argentine. " (La Chine est devenue le premier partenaire commercial du Brésil ; Le Monde du 8 mai 2009)
"De 2003 à 2018, les entreprises chinoises ont investi au Brésil 54 Mds de $ sur une centaine de projets (ministère brésilien de la Planification). Pour la seule année 2017, les investissements chinois se sont élevés à près de 11 Mds$. Au 1er trimestre 2018, les exportations vers la Chine représentaient 26 % des exportations brésiliennes, contre 2 % en 2000 (ministère du Développement et du Commerce extérieur du Brésil). Un afflux massif de capitaux bienvenu pour ce pays dont l’économie a été fragilisée par une récession historique en 2015-2016 et une dette publique qui a pris énormément d’ampleur ces dernières années." ("La Chine à la conquête du Brésil")
[9] C'est la BNDES (Banco Nacional de Desenvolvimento) qui distribuait les financements aux entreprises bénéficiant ainsi d'un régime de faveur. C'est Lula qui dirigeait directement le lobby, certains dirigeants du PT étant associés aux représentants des corporations.
[10] Ces documents divulgués par Wikileaks rapportent en particulier qu'une équipe de formation américaine a enseigné aux élèves brésiliens (et également d'autres nationalités) les secrets des "enquêtes et sanctions dans les affaires de blanchiment de capitaux, notamment la coopération formelle et informelle entre pays, la confiscation des avoirs, les méthodes de collecte des preuves, la négociation de plaintes, le recours au contrôle comme outil et les suggestions concernant la manière d'aborder les organisations non gouvernementales (ONG) soupçonnées de financement illicite". Le rapport cité conclut que "Le secteur judiciaire brésilien est manifestement très intéressé par la lutte contre le terrorisme, mais il a besoin d'outils et de formation pour engager efficacement ses forces." Wikileaks: EUA criou curso para treinar Moro e juristas" (Les États-Unis ont créé une formation pour Moro et les juristes). L'article de Wikileaks cité est le suivant "BRAZIL: ILLICIT FINANCE CONFERENCE USES THE "T" WORD, SUCCESSFULLY".
[11] "A Lava Jato aos olhos dos americanos". L'opération "Lava Jato" aux yeux des Américains.
[12] "FBI atua na “lava jato” desde o seu começo e se gaba da operação pelo mundo" Le FBI est présent dans "Lava jato" depuis le début et s'en vante dans le monde entier.
[13] WikiLleaks: Dilma, ministros e avião presidencial foram espionados pela NSA "Dilma : Ses ministres et l'avion présidentiel ont été espionnés par la NSA"
[14] Ainsi, par exemple, les 77 cadres d’Odebrecht entendus par la justice ont dénoncé 415 responsables politiques appartenant à 26 partis (sur 35) dans 21 États (sur 26 au sein de la Fédération). Parmi eux, 5 ex-présidents du Brésil : MM. José Sarney, Fernando Collor de Mello, Fernando Henrique Cardoso, Luiz Inácio Lula da Silva et Mme Dilma Rousseff. M. Temer est également cité à de nombreuses reprises, mais il ne put être mis en cause pour des actes antérieurs à son mandat, selon la Constitution. Au cours de sa déposition, M. Marcelo Odebrecht a déclaré avoir versé 100 millions d’euros entre 2008 et 2015 au Parti des travailleurs (PT, gauche), en plus des contributions officielles lors des campagnes électorales. "Les anciens présidents Lula et Dilma Rousseff étaient au courant de notre appui, même s’ils n’ont jamais demandé d’argent directement", a-t-il précisé. "Au Brésil, les ramifications du scandale Odebrecht", Le Monde diplomatique, septembre 2017.
[15] On ne sait évidemment pas combien de temps durera ce mariage forcé ni quelles en seront les péripéties. Une chose est certaine est qu'il est dans l'intérêt de la première puissance mondiale de ne pas prendre le risque d'une nouvelle distanciation du Brésil qui, inévitablement, laisserait de nouveau la porte ouverte aux intentions de la Chine de s'installer en Amérique du Sud, et la possibilité que cela constitue une menace directe et périlleuse pour la suprématie américaine, sur un plan économique mais surtout militaire.
Cependant, il ne faut pas perdre du vue que l'opération "récupération du Brésil" a pour l'essentiel été gérée pendant des années par l'administration Obama. Trump l'imprévisible sera-t-il capable de ne pas la compromettre ? Par ailleurs, même si la Chine a reçu des signaux très forts, de la part de Bolsonaro et de l'administration Trump, que c'en était fini pour elle de sa relation privilégiée avec le Brésil, il est évident qu'elle ne va pas se retirer complètement, loin s'en faut. Tout d'abord, sur un plan économique, c'est impossible car cela aurait des conséquences dramatiques pour l'économie brésilienne que, même les États-Unis, ne peuvent pas souhaiter. Par ailleurs, il est évident que la Chine est loin d'accepter son éviction comme en témoigne le fait qu'elle s'est déjà portée candidate pour l'acquisition d'entreprises brésiliennes qui vont être privatisées par Bolsonaro.
[16] Avec l'appui officiel, ouvert ou non, de tous les partis de droite.
[17] Constitué en particulier par tous les fils de Bolsonaro qui ont fait carrière dans la politique et soutiennent le "papa".