Soumis par Révolution Inte... le
La période estivale a toujours été un moment privilégié par la bourgeoisie pour profiter que beaucoup de prolétaires soient en vacances, décompressent, se “démobilisent”, pour fourbir ses armes, manœuvrer, faire passer en catimini telle ou telle mesure impopulaire, préparer et planifier avec les syndicats les attaques à venir. Cela bien sûr, dans la mesure où la situation politique et sociale reste relativement calme, permettant d’avoir les coudées franches pour une meilleure efficacité. Macron et son gouvernement ne boudaient d’ailleurs pas leur plaisir de pouvoir surfer sur l’euphorie Coupe du Monde de football et ses nouveaux champions hexagonaux auréolés. Pourtant, dès la mi-juillet, le ballon rond a rapidement été éclipsé par la sortie au grand jour d’affaires dont Macron se serait bien passées. La réalité du capitalisme a repris ses droits face aux illusions entretenues depuis près d’un an.
La bourgeoisie et son État ne changent pas
Une nouvelle énergie politique pour de nouveaux principes ? C’est avec ce slogan que Macron est arrivé au pouvoir, porté par un électorat dégoûté des mensonges, de la putréfaction des forces politiques classiques. Le nouveau gouvernement a tenté de faire vivre pendant la campagne électorale la perspective d’une démocratie “régénérée” et d’un pouvoir rajeuni, propre à faire évoluer la situation économique, politique et sociale, en freinant l’avancée populiste. On allait voir, paraît-il, des hommes et des femmes neufs, de nouveaux principes de fonctionnement, un pouvoir moralisé, assaini.
Que nenni ! L’affaire Benalla a été un révélateur spectaculaire d’un pouvoir macronien aux antipodes de l’image de fabrique qu’il s’était donné et avait asséné tout au long de la campagne électorale. Or, voilà que ressort la vidéo du conseiller personnel de Macron à la sécurité, Alexandre Benalla, en fait barbouze de l’ombre et technocrate d’État, s’offrant lors de la dernière manifestation du 1er mai à Paris, l’occasion de faire le coup de poing “incognito” au milieu de ses collègues flics, sur un couple de manifestants. Gonflé à l’adrénaline d’une baston facile (auxquelles, apparemment, il est habitué) lui permettant de se défouler et d’échapper un peu à l’ennui des bureaux élyséens, cette petite frappe, pardon, ce “serviteur de l’État”, a contribué à sa manière à faire tomber un peu plus le décor du nouveau pouvoir en place : les nouvelles pratiques républicaines et démocratiques du pouvoir bourgeois prétendument revisitées par Macron, restent les mêmes qu’auparavant : conseillers de l’ombre par dizaines dans les coulisses des ministères, pratiques cyniques et manœuvrières à tous les étages de l’État. La décomposition de ce monde capitaliste et de son pouvoir bourgeois s’exprime toujours autant. Pire : alors que l’affaire risquait de sortir sur la place publique, le pouvoir, ministre de l’Intérieur en tête, tentait d’étouffer ce scandale ; un sénateur allant même jusqu’à faire porter le chapeau au couple de manifestants, prétendument situation irrégulière. La victime devenait l’accusée ! Macron lui-même, loin de prendre du recul et tenter de désamorcer et dénoncer de telles pratiques de voyou, viendra défendre publiquement son nervi avec une arrogance singulière, exprimant la réalité de la méthode dont le pouvoir entend assurer l’ordre public, se dévoilant comme chef de clan prêt à en découdre pour défendre les siens attaqués par quelques concurrents du “calife”…
En effet, il y a fort à parier que les fuites en direction de la presse pour dévoiler l’affaire Benalla viennent directement de cliques au sein du propre camp macronien, frustrées d’être mises à l’écart et traitées de “godillots aux ordres du maître” et se vengeant de la façon la plus vile : délation, chausse-trappes et coups tordus !
Cela dit, il existe certainement une tentative d’autres partis pour exploiter ce scandale et saisir toutes les opportunités qui se présentent afin de tenter de reconstruire et faire émerger une véritable opposition capable de présenter, à terme, une alternative au gouvernement de Macron. Mais cela ne peut se faire du jour au lendemain et suppose un travail politique de fond, un plan et une stratégie que cette opposition, encore très divisée, est bien loin d’être capable de pouvoir élaborer.
Loin d’avoir rompu avec l’ancienne sphère politique bourgeoise et ses mœurs décomposées de factions en concurrence les unes avec les autres, le nouvel appareil d’État et son élite macronienne pataugent encore dans la boue et se déchirent entre cliques rivales dans la plus stricte continuité des pratiques bourgeoises précédentes, de droite comme de gauche. Alors que “Jupiter” veut s’affirmer comme l’homme providentiel méritant l’adoration de ceux qui ne vivent politiquement que par lui, les nouveaux venus, cette nouvelle clique bourgeoise inexpérimentée mais aux dents longues, se rebiffent et n’entendent surtout pas entamer leur “investissement” arriviste, nourrissant un panier de crabes qui se révèle au grand jour.
S’il y a démissions, remous, fronde (timide et vite remise à sa place) chez les ministres, les députés et les conseillers de LREM, ce n’est pas tant parce que Macron aurait “trahi” la cause, les principes et le programme affiché au départ, mais parce que les ficelles et les méthodes du pouvoir, l’arrogance, le copinage sont “dignes de l’Ancien Régime”, comme l’ont affirmé certains députés démissionnaires, des comportements visiblement propres à décrédibiliser ces nouvelles élites qui ne tiennent que par un seul homme, Macron.
Alors que ce dernier est fragilisé par une étiquette de “président des riches”, de “méprisant de la république”, dans la perspective de nouvelles attaques gouvernementales anti-sociales, une fraction de ce nouveau pouvoir voudrait mettre les formes pour gagner en efficacité et en crédibilité. La critique commence ainsi à émerger de plus en plus ouvertement, sur des sujets certes sensibles, mais socialement peu explosifs, comme celui de l’interdiction du Glyphosate ou de la mise en œuvre de la PMA. Hulot peut bien démissionner et déclarer ne pas vouloir “perdre son âme”, l’essentiel est sauf : la pression sur le gouvernement ne doit en effet en aucun cas entraver ses objectifs anti-ouvriers. Sur ce plan, toutes les cliques concurrentes de la bourgeoisie sont d’accord.
De nouvelles attaques imminentes
Ainsi, par exemple, alors que la nouvelle loi asile et immigration voudrait faire passer la période de rétention des étrangers en situation irrégulière de 45 jours à 90 jours et donner les moyens à l’État d’une répression et d’un contrôle plus efficace des migrants, les “frondeurs” ruent dans les brancards et réclament… 60 jours ! Cette attitude hypocrite, voulant se donner de grands airs de générosité, vient bien en fait valider une répression accrue et barbare de l’immigration.
Par ailleurs, concernant les aides sociales, Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, estimait, en mai, qu’ “il y en a trop et qu’elles sont des “trappes à l’inactivité””. Le Premier ministre lui-même est obligé de calmer le jeu. Plusieurs députés macronistes s’insurgent sur “l’erreur de méthode” alors que doit être présenté le prochain budget pour l’année à venir avec son lot de “réformes” et d’attaques dans tous les secteurs, particulièrement dans la fonction publique où 50 000 postes doivent disparaître. L’indignation d’apparence ne fait que traduire les intentions purement politiciennes des uns et des autres. Quant au fond de cette offensive et de l’attaque des conditions de vie de la classe ouvrière, silence radio… Pourtant, voici ce qui nous attend :
– un plan Santé qui veut “rationaliser” davantage les structures hospitalières et de santé pour une réduction “des dépenses inutiles” (sic) alors que la suppression de 16 000 lits hospitaliers sur trois ans est déjà en cours !
– Une “déconnexion” des pensions de retraites sur l’inflation, ce qui va paupériser davantage encore les retraités modestes déjà attaquées par une hausse majeure de la CSG. Mais d’une manière encore plus large, l’attaque générale sur les retraites va se poursuivre en nivelant les régimes par le bas, en individualisant les parcours, en réévaluant bientôt le calcul des points d’indice pour aboutir à des pensions de misère.
– Une réforme de l’administration fiscale, de l’éducation, de la politique du sport, de l’organisation territoriale des “services publics”, de la gestion des routes, etc. Avec en point de mire, la suppression de 20 000 postes en plus des 50 000 autres prévus dans la fonction publique territoriale.
– Un nouveau plan audiovisuel doit aboutir à 500 millions d’économies et à des suppressions de postes conséquentes, alors que la ministre de la Culture, dirigeante d’une maison d’édition, est rattrapée par une affaire immobilière, montrant encore une fois que les mœurs de ces “nouveaux” bourgeois n’ont rien à envier à la “vieille garde” de la bourgeoisie.
– Le plan ELAN pour le logement, lui, se propose de modifier la réglementation pour la construction de nouveaux logements. La modification, par exemple, des règles de la commande publique aboutira à la construction de logements au rabais et à l’émergence des nouveaux quartiers dégradés. Quant à la redynamisation de la politique HLM, les locataires dont les revenus sont supérieurs aux plafonds (en clair ceux qui ont la chance de travailler et de toucher un maigre salaire) devront payer un “surloyer”.
Toutes ces réformes planifiées, le gouvernement a bien l’intention de les mener, conforté par le caractère peu offensif de la classe ouvrière actuellement, comme a pu le montrer la lutte isolée à la SNCF. Si la bourgeoisie développe des attaques d’une telle ampleur, c’est aussi parce que l’État français doit poursuivre la modernisation de son appareil productif afin de soutenir sa compétitivité dans l’arène d’une guerre commerciale de plus en plus exacerbée et agressive face à ses concurrents, tant à l’échelle européenne que mondiale. Dans ce but, l’État doit absolument continuer à “dégraisser” son budget et ainsi faire baisser sa dette publique. Cela ne peut qu’avoir de profondes répercussions sur les conditions de vie de tous les prolétaires. Même si ce gouvernement a peu d’expérience sur la question sociale, la bourgeoisie reste vigilante et s’appuie encore avec confiance sur un encadrement syndical efficace, bien que ces derniers demeurent, eux-aussi, soumis à des luttes d’influence et de cliques en leur sein. Certains, comme FO par exemple, radicalisent déjà leur discours en vue des luttes prochaines afin de mieux stériliser toute forme de réflexion et de contestation dans la classe ouvrière.
De fait, avec Macron aux commandes, la réalité de l’exploitation capitaliste n’a pas changé et ne changera pas. Ce sera comme toujours de pire en pire ! Si sa crédibilité politique parait fragilisée actuellement par telle ou telle affaire qui dévoile les mœurs et la nature profondément bourgeoise de cette nouvelle clique au pouvoir, cela n’entravera en rien sa capacité à porter les coups contre nos conditions de vie et de travail.
La classe ouvrière devra riposter. Pour cela, il lui faudra prendre confiance en ses forces et ses ressources, renouer avec son passé de luttes et retrouver son identité de classe, car le prolétariat tout au long de son histoire, a su faire preuve à maintes reprises de sa capacité à s’opposer aux plans de la bourgeoisie, avec détermination et combativité. Il a su démontrer qu’il était la seule classe capable de poser une alternative à l’échelle internationale à la société capitaliste et à son système d’exploitation en donnant une perspective à l’humanité : le communisme.
Stopio, 3 septembre 2018