Comment les syndicats ouvriers et étudiants pourrissent la lutte et la réflexion (témoignages dans la lutte)

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Comme nous l'avons déjà dénoncé dans notre presse, l'attaque que subissent les ouvriers de la RATP, de la SNCF ou EDF contre les régimes spéciaux de retraites ne sont qu'une première étape des attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière. Demain, ce sera au tour de tous les ouvriers de voir leur régime de retraite remis en cause. En même temps, les attaques contre la protection sociale sont mises en place avec les franchises sur le remboursement des médicaments.

Les étudiants en lutte l'ont bien compris quand les grévistes élargissent leurs revendications, non seulement au retrait de la loi de réforme des universités,mais aussi pour la défense des régimes spéciaux et le retrait des franchises médicales qui sont mises en place.

Le spectre de la lutte contre le CPE réapparaît et les syndicats tant ouvriers qu'étudiants font tout leur possible pour qu'une telle dynamique ne puisse pas s'enclencher à nouveau, dynamique capable de donner une perspective au combat de toute la classe ouvrière en France mais aussi à l'échelle internationale.

Nous avons déjà rendu compte sur notre site de l'intimidation des syndicats (voir «un exemple de sabotage syndical dans les universités»). Notre intervention partout où nos forces nous l'ont permis, dans les AG ouvrières et dans les universités, a rencontré le soutien et la sympathie de beaucoup d'ouvriers et d'étudiants. C'est ainsi qu'en province, un groupe de jeunes étudiants 1] est venu discuter avec nos camarades et nous a transmis leur propre expérience du sabotage syndical de la lutte.

Ce que ces camarades ont vécu dans la lutte et nous ont transmis est révélateur du mépris de ces soit-disant «organisations ouvrières» pour le mouvement lui même. La seule chose qui compte est qu'il n'échappe pas à leur contrôle et ne puisse pas constituer une véritable force autonome qui permettrait aux ouvriers et aux étudiants de développer une véritable solidarité et une confiance accrue dans leur lutte commune.

1– comment les officines gauchistes et les organisations syndicales se combattent férocement la direction du mouvement dans le dos des AG :

Nous allons citer ce que ces camarades nous ont écrit :

  • «Vers le 10 novembre, des vols importants furent commis au Mirail. Aussitôt,l'administration menaça l'AGET-FSE 2] de procéder à une fermeture administrative si les bâtiments principaux n'étaient pas évacués. (Même si cela n'a pas été le cas, on sait très bien que la «fermeture administrative» peut signifier l'envoi de CRS, comme cela s'est passé dans d'autres universités).
    Pourquoi l'administration menaça t'elle à ce moment là le syndicat ? Parce qu'elle savait qu'il existait un conflit entre les occupants d'une bâtiment (l'Arche) et ceux du bâtiment principal. Il y avait dans un bâtiment l'AGET-FSE et la JCR[3] et dans l'autre les anarchistes.
    l'AGET-FSE et la JCR organisèrent une «commission extra-ordinaire» pour débattre de la question, en l'absence des anarchistes.
    Il fut décidé de libérer le bâtiment dont l'évacuation était demandée par l'administration, bâtiment occupé par les anarchistes !
    Mais cette opération « militaire » ne se passa pas comme prévu. L'AGET-FSE abandonna la JCR au beau milieu de l'opération "musclée". Les anarchistes opposèrent de la résistance. Le «putsch», comme disent les anarchistes, fut un échec.
    Cette tentative de putsch a fait beaucoup de mal au mouvement. La plupart des anarchistes boycottent le comité de lutte dominé par l'AGET-FSE et la JCR. De plus, ce coup de force a été caché à l'AG.»

Et les camarades concluent :

  • «Si de telles manoeuvres sont possibles, c'est parce que les commissions sont présentées comme quelque chose de tout à fait impersonnel à l'AG. Le mouvement a une direction et une direction bien organisée : ce sont les syndicats comme l'AGET-FSE, SUD Etudiant, les organisations politiques comme la JCR. Il y a de nombreux indépendants et des anarchistes. Mais cette direction est masquée à l'AG par l'anonymat hypocrite des commissions (qui sont sensées mettre en oeuvre les décisions prises pendant les AG !).»

Contrairement aux apparences, donc, l'orientation du mouvement ne résulte pas, ici, de la volonté et des décisions des AG, mais des manoeuvres occultes de syndicats comme l'AGET-FSE, SUD Etudiant ou encore des organisations politiques comme la JCR.

2– Le non respect des décisions des AG :

Nous avons soutenu dans l'AG la proposition de ces camarades d'envoyer une délégation étudiante la plus large possible aux assemblées générales des cheminots. Cette proposition a été votée par l'AG. Mais déjà, le présidium autoproclamé a fait savoir qu'il n'était pas possible d'aller massivement aux AG des cheminots, en prétextant les nombreuses actions à mener simultanément. Au final, ce ne sont donc que 3 étudiants qui ont reçu mandat de l'AG pour cette délégation : un militant de l'AGET-FSE, un militant de la JCR et « une indépendante » comme l'écrive les camarades. Eux mêmes s'étaient présenté au vote de l'AG pour constituer la délégation, mais, n'étant pas connus face aux figures syndicales présentes dans l'AG, ils n'avaient aucune chance d'être mandatés.

Mais laissons la parole à ces camarades :

  • «Nous sommes quand même allés aux AG des cheminots, d'une part parce que nous y étions invités par des camarades de la gare, d'autre part parce que nous voulions écouter les interventions de nos délégués.
    Mais nous n'avons pas pu les entendre. Nous sommes allés à quatre des assemblées générales et nous ne les avons pas trouvés. Nous avons demandé aux camarades de Sud Rail et à d'autres s'ils les avaient vu dans les autres assemblées générales. Ils n'y étaient pas. En d'autres termes, les délégués étudiants, élus en assemblées générales, n'ont pas respecté leur mandat.
    Nous sommes allés le soir au comité de lutte pour demander pourquoi nos délégués n'étaient pas venus aux assemblées générales des cheminots. Un membre de l'AGET-FSE nous a répondu que les délégués ne savaient ni où ni quand étaient ces AG. ...
    Il y eut un précédent. Le 18 octobre, je fus moi aussi délégué étudiant auprès des AG de cheminots. Il y avait 5 autres délégués. Personne n'était là au début de l'AG, sauf moi. Seulement deux autres délégués sont arrivés quand l'AG se finissait.
    A la deuxième AG, j'étais à nouveau le seul délégué présent. Aucun autre délégué n'avait respecté son mandat.
    Et là aussi, on nous a dit qu'on n'avait pas les renseignements !
    Cela fait plus de huit jours que se tiennent des assemblées générales de cheminots. Nous ne pouvons pas croire que des organisations comme l'AGET-FSE et la JCR sont incapables d'ouvrir leur carnet d'adresse pour trouver le numéro de téléphone d'un syndicat. Nous qui venons à peine de nous organiser, nous avons pu le faire !».

Pris la main dans le sac de ses magouilles, l'AGET-FSE n'a rien trouvé de mieux que de reprocher aux camarades d'avoir pris des initiatives, soi-disant au nom des AG étudiantes. C'est en leur nom propre que ces camarades sont allés aux assemblées générales des cheminots, où ils ont été bien accueillis et ont pu prendre la parole, proposant aux cheminots de venir dans les AG étudiantes (ce qui a été fait), proposant une distribution de tract commune au métro.

Comme le disent ces camarades :

  • «alors que ces opérations ont été des succès, qu'elles ont enfin pu concrétiser le rapprochement des étudiants et des cheminots, on nous reproche d'avoir pris trop d'initiatives, d'avoir outre passé l'assemblée générale ! en allant aux assemblées générales des cheminots,nous n'avons fait qu'appliquer la décision votée depuis bien longtemps par les assemblées étudiantes : se rapprocher des travailleurs. Et en tant que communistes, c'est notre devoir de travailler de toute nos forces pour l'unité pratique de la lutte !
    Tout ce que nous avons fait, nous l'avons fait au vu et au su de l'assemblée générale. Nous ne lui avons rien caché. Ceux qui voulaient participer à nos actions l'ont fait, ceux qui ne voulaient pas ne l'ont pas fait. Nous n'avons jamais rien imposé à l'AG. Seulement nous sommes indépendants des organisations qui dirigent actuellement le mouvement».

3– les syndicats ouvriers et étudiants main dans la main contre la solidarité naissante entre ouvriers et étudiants :

La solidarité naissante entre ouvriers et étudiants, le fait que des retraités non cheminots aient pu prendre la parole dans les AG de cheminots, tout cela montre les avancées de cette lutte : le combat des cheminots n'est pas leur combat,mais celui de la classe ouvrière qu'elle soit encore sur les bancs de la fac ou qu'elle soit retraitée. Cela, les syndicats ne peuvent pas l'accepter et ont tout fait pour que de telles manifestations de solidarité ne se propagent pas plus largement.

Le 22 novembre, les camarades ont participé à la manifestation étudiante, dans les rues de Toulouse. Laissons leur encore la parole :

  • «A notre AG, Y. a appelé les étudiants à participer à l'assemblée générale à la Médiathèque, à 15h30, lieu de rassemblement de cheminots, électriciens et gaziers. Malheureusement la CGT a jugé bon d'avancer le rassemblement et de saboter toute tentative d'assemblée générale. Avait-elle été réellement organisée et par qui ?
    Toujours est-il que la CGT n'a pas attendu les étudiants et qu'ils se sont barrés vite fait : Lorsque les étudiants, accompagnés de lycéens sont arrivés, nous les avons appelés à rejoindre les travailleurs, mais le service d'ordre des étudiants nous a rembarré. De l'autre côté, la CGT a décidé de lever le camp, d'autant plus que certains travailleurs faisaient des gestes amicaux vers les étudiants et leur demandaient de venir. La manifestation des étudiants est passée à 50 mètres de la manifestation des travailleurs.»

La force de la lutte c'est la lutte elle-même. Ces quelques éléments rapportés ci-dessus nous le montrent. D'un côté un mouvement qui commence à poser dans la pratique la nécessité de la solidarité dans la lutte de tous les ouvriers, des étudiants jusqu'aux retraités. Dans la continuité de luttes comme le CPE en France, seule l'unité la plus large des ouvriers peut permettre de constituer un rapport de force capable de faire reculer la bourgeoisie dans ses plans d'austérité et de misère qu'elle nous réserve.

Face à cela, la bourgeoisie et son Etat ont mis en place leurs syndicats et les organisations gauchistes comme les JCR.

Ces quelques exemples montrent que cette perspective est en marche. Une importante victoire pour la classe ouvrière sera de reconnaître quels sont ses véritables ennemis.

C'est ce qu'elle a commencé à faire dans cette lutte.



[1] - un membre de ce groupe se dit trotskiste bien que ne faisant pas partie d'une quelconque organisation et ils signent leurs écrits : Des communistes : branche Marx, Lénine, Trotsky.

[2] AGET -FSE : Association Générale des Etudiants de Toulouse, Fédération Syndicale Etudiante

[3] JCR : Jeunesses Communistes Révolutionnaires, organisation de jeunesse de la LCR, Ligue Communiste Révolutionnaire

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